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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 23 janvier 2003 - Vol. 37 N° 106

Consultation générale sur le document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte, en ce jeudi 23 janvier 2003. Et je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) par M. Bédard (Chicoutimi); M. Dion (Saint-Hyacinthe) par M. Tremblay (Lac-Saint-Jean); Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Laprise (Roberval); M. Gautrin (Verdun) par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Mancuso (Viger) par M. Ouimet (Marquette); M. Pelletier (Chapleau) par Mme Gauthier (Jonquière); et M. Dumont (Rivière-du-Loup) par M. Corriveau (Saguenay).

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire. Alors, nous avons comme ordre du jour cet avant-midi d'abord des représentants de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN; par la suite, la MRC du Domaine-du-Roy; et, pour terminer nos travaux cet avant-midi, la Fédération québécoise de la faune.

Avant de débuter nos travaux, d'abord j'invite les représentants de la CSN à prendre place à la table et je voudrais souligner quelque chose de particulier aujourd'hui: c'est la dernière journée de travail d'une personne qui supporte techniquement nos travaux à la commission des institutions. Il s'agit de Mme Adrienne Beauregard, qui est discrète à l'arrière mais qui fait bien son travail, depuis les tout débuts de la commission des institutions, en 1984, à titre d'agente de secrétariat de la commission. Merci, Mme Beauregard, pour votre travail, qui est apprécié.

Des voix: Bravo!

Auditions (suite)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, monsieur. J'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne. Et je vous rappelle ? vous connaissez bien les règles du jeu ? que vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Boucher (Denise): M. le Président, alors, je suis Denise Boucher, vice-présidente à la Confédération des syndicats nationaux; avec moi, M. Clément Gaumont, qui est adjoint à l'exécutif de la Confédération des syndicats nationaux. Alors, nous tenons à remercier la commission. Bonjour, M. le ministre, membres députés. Alors, d'entrée de jeu, on va faire la lecture du mémoire, il n'est pas très long. Alors, je pense que vous allez avoir l'ensemble de notre position à l'égard de cette entente de principe.

Alors, la Confédération des syndicats nationaux, qui compte plus de 2 700 membres, 270 000 membres, je m'excuse, tient à remercier pour leur accueil les membres de la commission des institutions chargée de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Entente de principe d'ordre général entre les premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

Nous sommes d'avis que le débat public sur cette entente doit se tenir dans un climat d'ouverture, de sérénité et de transparence. La CSN a toujours affirmé que la nation québécoise est constituée de la population du Québec, majoritairement formée de francophones, d'une minorité anglo-québécoise et de groupes ethnoculturels récemment arrivés. On trouve aussi sur le territoire 11 nations autochtones. Même si la question des nations autochtones est de juridiction fédérale, la CSN affirme depuis plusieurs années que les questions relatives au statut et à la place des nations autochtones doivent être prises en considération par le Québec.

Au début des années quatre-vingt-dix, le Forum paritaire québécois-autochtone, dont la CSN est l'un des membres fondateurs, affirmait: «Onze nations autochtones sont reconnues par l'Assemblée nationale du Québec depuis 1985. Ces 11 nations ont des droits ancestraux incluant des droits territoriaux. Le Forum paritaire considère que les nations sont aussi des peuples et qu'elles devraient avoir, à ce titre, le droit à l'autonomie gouvernementale sur leurs territoires ainsi que le droit d'accéder aux moyens pouvant leur permettre de prendre en main, selon leurs besoins, leur propre développement collectif sur les plans politique, économique, social et culturel».

La CSN ne peut donc que se réjouir de l'entente de principe, puisqu'elle reconnaît que les nations autochtones ont des droits ancestraux et territoriaux et qu'elle leur accorde l'autonomie gouvernementale. Dans un mémoire présenté à la Commission royale sur les peuples autochtones en 1993, la CSN affirmait: «La nécessité d'un nouveau pacte ou contrat social convenu entre la nation québécoise et les nations autochtones s'impose aux yeux des femmes et des hommes épris de justice et d'équité entre les peuples et les personnes.»

Dans son mémoire déposé à la Commission nationale sur l'avenir du Québec, appelée aussi commission Bélanger-Campeau, la CSN précisait: «Une telle entente devra prévoir des mécanismes donnant des garanties de négociation et des moyens pour que les autochtones puissent véritablement contrôler leur destinée. En outre, nous devrions accepter le principe du gouvernement amérindien sur les territoires autochtones. Dans le cas des territoires amérindiens à autorité exclusive, certaines compétences, après entente, devraient être assumées exclusivement par le pouvoir autochtone. Certains autres territoires pourraient faire l'objet d'une autorité partagée entre les gouvernements».

L'entente de principe va dans ce sens. Nous avons toujours cru que la nation québécoise ne doit pas avoir peur de reconnaître les nations autochtones et que nos représentantes et représentants élus devraient négocier de bonne foi avec les nations autochtones. La négociation constitue en effet un moyen privilégié de discuter des enjeux qui se posent pour les nations. Ne se fier qu'aux tribunaux pour déterminer les droits respectifs des uns et des autres ne nous semble pas la méthode appropriée pour aborder ces questions. À notre avis, la négociation est une responsabilité gouvernementale qui ne peut être évacuée sous peine de mettre délibérément sous tension les relations entre les deux communautés. Nous sommes bien conscients que la présente entente soulève des passions, mais ne rien faire ou laisser aux tribunaux le seul soin de trancher n'est pas une solution porteuse de relations harmonieuses. Toutefois, il y a lieu d'améliorer celles-ci afin de calmer les inquiétudes et de dissiper les malentendus.

Le débat qui a cours quant à la ratification implicite de la Constitution de 1982 dans les dispositions de cette entente soulève des interrogations. À l'instar de M. Louis Bernard, négociateur pour le Québec, nous sommes d'avis que nous devrions inclure une clause spécifique selon laquelle la présente entente ne signifie d'aucune façon la reconnaissance par le Québec et par les nations autochtones, si elles le désirent, de la Loi constitutionnelle de 1982. Par ailleurs, les articles qui suivent devraient sécuriser les personnes qui concluent hâtivement que cette entente scelle pour toujours les sujets en débat, alors que ce sont les textes des traités qui viendront cristalliser les droits:

«La présente entente ne crée aucune obligation légale pour les parties, ne porte pas atteinte aux obligations ou aux droits existants de celles-ci et ne doit être interprétée d'aucune façon comme ayant l'effet d'une abrogation, d'une négociation ou d'une reconnaissance d'un droit ancestral, d'un droit issu de traité ou de tout autre droit.

«La présente entente de principe a été négociée et conclue sans préjudice aux droits des parties et rien dans cette entente ne doit être interprété comme modifiant la situation juridique de l'une ou l'autre des parties ou modifiant les relations juridiques entre le Canada, le Québec et les premières nations avant la conclusion du traité et l'entrée en vigueur de la législation de mise en oeuvre.»

Cependant, nous sommes d'avis, comme dans toute négociation de bonne foi, que les textes de l'entente de principe sont importants, qu'ils sont la base de celles qui suivront. En ce sens, il faut accorder à l'entente de principe toute l'importance qu'elle mérite comme si elle était porteuse de droits.

Certaines personnes s'insurgent contre l'accord sous prétexte des parties importantes du territoire seraient sous le contrôle des Innus. Très souvent, elles sèment la confusion entre ce qui a trait au territoire qui reste sous contrôle québécois, le Nitassinan, et le territoire Innu Assi, qui compte quelques centaines de kilomètres carrés et qui, lui, sera entièrement sous la juridiction des Innus. D'autres affirment, à titre d'exemple, que, si on applique l'accord, le village de Natashquan devrait habiter ses 360 citoyens dits «blancs» dans une superficie de 5 km², alors que les 820 Montagnais obtiendraient 2 500 km² autour de ces 5 km². Ils y voient là une injustice.

n(9 h 40)n

Rappelons que ce n'est pas le nombre qui détermine ce qui est juste ou ne l'est pas. Les tribunaux n'ont pas tenu compte de ce critère mais ont plutôt tranché en fonction notamment de l'occupation ancestrale. Sans tomber dans la rectitude politique, il faut bien admettre que ces territoires appartiennent aux Montagnais et que l'entente vise justement à ne pas attendre les cours de justice pour l'affirmer. C'est par la négociation que nous devons aborder les questions territoriales et non pas en ayant recours aux tribunaux ou à la confrontation, comme la malheureuse expérience des événements d'Oka nous l'a enseigné.

Par ailleurs, l'incertitude juridique entourant les droits ancestraux des nations autochtones nuit au développement économique et social des vastes régions du Québec. Perpétuer cette incertitude est néfaste pour toutes les communautés. Nous croyons aussi que certains intervenants qui jugent déloyale la concurrence des activités commerciales innues à cause de l'absence de régime fiscal devraient se réjouir du fait que l'entente établira certaines règles de conduite qui auront pour effet, à terme, d'équilibrer les rapports. À cet effet, l'accord final devrait contenir les termes d'une entente formelle liant les premières nations, le Québec et le Canada afin de mettre sur pied un régime fiscal innu qui favorisera l'équité et la saine concurrence avec les Québécoises et Québécois.

De plus, on ne peut passer sous silence le fait qu'un certain nombre de propriétés privées n'appartenant pas aux Innus se retrouvent dans les territoires dont les premières nations auront la pleine propriété. Il importe, même si de tels cas sont très peu nombreux, que des ententes soient négociées avec les propriétaires afin que personne ne soit brimé. Quelqu'un qui a consacré sa vie à défricher, se construire, cultiver ses terres, les aménager ou les occuper ne devrait pas être pénalisé. De multiples solutions sont envisageables. L'indemnisation en est une, mais il en est d'autres, comme cela est prévu à l'article 4,5 et suivants. Lorsque les droits consentis à des tiers auront été respectés et qu'ils seront objet de renouvellement, il importe que des mécanismes soient inscrits indiquant que le Québec et le Canada se portent parties représentantes de ces tiers et que les dispositions du chapitre 15 puissent s'appliquer aux litiges impliquant les tiers et les premières nations. Ce mécanisme devrait assurer une solution rapide aux problèmes qui pourraient survenir.

Pour la CSN, le processus d'accès à l'autonomie politique suppose la mise en place de gouvernements qui sont fondés non pas sur le caractère racial ou ethnique des personnes qui en sont sujets, mais sur une assise territoriale. C'est ce que fait l'entente. Cependant, nous convenons que ces gouvernements pourront prendre des mesures particulières inspirées du droit international et des déclarations de l'ONU pour protéger les caractéristiques ethniques de leurs composantes. Pour nous, signer des traités qui accordent des droits de propriété aux autochtones, ce n'est pas être en faveur de la partition du Québec, d'autant plus qu'une grande partie de ces territoires sont actuellement des réserves indiennes sous juridiction fédérale.

Cela nous amène à souligner que la CSN est inquiète devant les élans xénophobes et racistes de certains de nos compatriotes. Certains sites Internet et certains propos nous laissent perplexes et nous démontrent comment cette question est sensible. Le malaise actuel repose sur une profonde méconnaissance de la question autochtone, alimenté par une perception biaisée selon laquelle les autochtones jouissent de privilèges. Pourtant, les statistiques assassines sur la pauvreté des autochtones devraient faire réfléchir quiconque est de bonne foi. Nous croyons au débat démocratique, franc et ouvert mais non pas à l'insulte, au ramassis de préjugés.

Ceci dit, le gouvernement a sa part de responsabilité dans les mauvaises compréhensions de l'entente. On peut, en effet, lui reprocher d'avoir mené en secret les négociations menant à l'entente de principe et de ne pas avoir expliqué aux personnes concernées la nature, les orientations et le sens d'une négociation aussi importante pour l'avenir des gens. Il y a bien sûr des tables consultatives régionales, mais elles ne semblent pas avoir joué leur rôle. Le passé ne peut être corrigé, mais, pour la poursuite des négociations, nous recommandons au gouvernement du Québec d'intégrer à la table de négociations des représentantes et des représentants de différents groupes de la société. Ces représentantes et représentants de groupes ne doivent pas provenir uniquement des régions particulièrement touchées, car nous croyons que la question de nos rapports avec les nations autochtones concerne l'ensemble des citoyens québécois. Nous croyons aussi que des rapports de négociation doivent être faits à intervalles réguliers. Le manque de transparence du processus a aussi été déploré par certains groupes autochtones. L'information des citoyens et des citoyennes est la meilleure façon de construire des canaux de communication entre les peuples québécois et autochtones. C'est un moyen essentiel si on veut combattre le racisme.

Le projet d'entente permettra aussi qu'un gouvernement innu soit mis en place pour remplacer les conseils de bande actuels. Les pouvoirs conférés au gouvernement innu sont cependant circonscrits par les chartes québécoise et canadienne des droits, lesquelles continueront de s'appliquer aux Innus et à leurs territoires. La CSN est d'avis que l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent des nations.

Jusqu'ici, la plupart des intervenants qui s'opposent au projet d'entente ne s'en sont pas pris à l'Innu Assi, le territoire restreint avec autonomie de gestion, mais bien plus à la portée de Nitassinan, le territoire sous juridiction québécoise et accordant certains droits aux Innus. Nous croyons que les dispositions particulières qui sont prévues dans l'entente, encadrées comme elles le sont par les exigences de conservation de la ressource, de protection des habitats et de la préservation de la sécurité et de la santé publique, sont acceptables. Toutefois, il y aurait lieu de s'assurer de façon explicite que les traités qui en découleront n'accorderont pas d'ouverture à des droits territoriaux qui ont été éteints par les Cris ou par d'autres nations autochtones ou encore qui sont objets de litige entre des nations autochtones, car, si les revendications territoriales entre les nations et les communautés autochtones sont parfois contradictoires, il nous semble qu'il ne nous appartient pas de trancher entre elles ou encore de cumuler des juridictions ou des redevances.

Vous nous permettrez cependant de souligner que nous trouvons inquiétant que la négociation entourant l'entente se soit passée avec quatre des neuf communautés de la nation innue. Bien que ces ententes touchent une majorité de personnes de la nation innue, nous aurions préféré que celles-ci couvrent l'ensemble des neuf communautés locales. La diversité des communautés des nations autochtones et de leurs revendications territoriales, les différences qui subsistent sur le plan de la culture, de la langue, de leur mode de vie et de certaines priorités de développement conduisent à des formes d'entente différentes, nous pouvons en convenir, mais lorsqu'on touche à des points aussi majeurs que l'autonomie gouvernementale, vous comprendrez nos hésitations à accorder cette autonomie aux paliers des communautés, bien que nous croyons qu'il appartient à la nation innue de décider de ses structures et formes de gouvernement. Ce malaise, nous l'éprouvons d'autant plus que des négociations sont en cours avec la communauté Mamit Innuat et que deux autres communautés n'ont entrepris aucune négociation.

Nous sommes bien conscients qu'il est un peu utopique de penser qu'il y aura autant de traités, de constitutions, d'institutions d'autonomie gouvernementale, de systèmes judiciaires qu'il y a de communautés. C'est pourquoi nous souhaitons que le traité favorise chacune des premières nations, entre autres, des premières nations, et l'harmonisation de ces éléments. Tout en respectant le rythme de négociation de chacune des premières nations, nous croyons qu'il est important que le traité comporte une sorte de clause-remorque qu'on pourrait qualifier de clause d'harmonisation, puisque c'est le but visé. Cela éviterait les disparités tout en permettant la diversité.

En conclusion, la CSN croit que ce projet d'entente est bon, mais qu'il y a lieu, lors de la négociation finale, de l'améliorer, de s'assurer qu'elle ne donnera pas d'ouverture à d'autres débats entre nations autochtones ou d'autres communautés à l'intérieur de la nation innue. Il faut principalement que le processus de négociation soit le plus transparent possible et implique différents groupes qui puissent donner leur avis et effectuer un travail d'éducation et d'information auprès de leurs membres.

Et peut-être indiquer, M. le Président, qu'au moment où on a rédigé ce mémoire-là on n'avait pas eu connaissance du rapport qu'a déposé M. Guy Chevrette mais que nous sommes tout à fait favorables avec l'ensemble des éléments qu'a soulevés M. Chevrette dans son rapport, suite à sa consultation. Voilà. Nous avons terminé.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Boucher et M. Gaumont, pour votre mémoire, et nous allons maintenant amorcer la période d'échange avec M. le ministre d'État à la Population et aux Affaires autochtones. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le Président, en souhaitant la bienvenue à Mme Roy et M. Gaumont de la CSN. La représentation nationale de la CSN, comme organisation qui couvre tout le territoire québécois, et la contribution que vous nous apportez ce matin est fort précieuse. Elle est fort précieuse. Vous avez eu l'occasion de le rappeler en quelque sorte, en filigrane, tout au long de votre représentation, il ne s'agit pas uniquement d'un débat à caractère régional et d'un projet d'entente qui va principalement toucher certaines parties de notre territoire, mais également cela, au niveau des principes, au niveau de la façon d'être, de vivre sur le territoire national, bien, ça implique l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

n(9 h 50)n

Et il est fort heureux ce matin que nous puissions entendre une organisation nationale aussi puissante que la CSN, en termes de représentation de Québécois et de Québécoises, venir nous donner son point de vue et en quelque sorte, au départ, soutenir que la voie à privilégier est celle de la négociation qui, elle, cette négociation-là ? vous en avez une expérience quasi quotidienne dans votre organisme ? est intimement liée à un ingrédient essentiel, la bonne foi. La bonne foi. Il ne peut y avoir de négociation fructueuse si, au départ, la bonne foi n'est pas présumée.

Et c'est sur cet élément que j'aimerais enclencher notre échange, tout en n'oubliant pas... Je vais faire une parenthèse tout à fait hors contexte. Nous aussi, de la part du gouvernement, M. le Président de la commission, on va remercier Mme Beauregard, tout son travail qu'elle fait, ça fait de nombreuses années, 13 ans, que je la côtoie ici, à l'Assemblée nationale, son calme, son suivi des travaux, le soutien qu'elle nous apporte. Il n'y a pas de petites contributions à la vie nationale, il y a des contributions d'individus, de femmes aussi remarquables que vous l'êtes, Mme Beauregard. Merci pour tout ce que vous faites pour nous et ce que le personnel de toutes les catégories font pour nous, ici, à l'Assemblée nationale.

Mme Roy, M. Gaumont, la première dimension qui m'interpelle et que vous avez mentionnée dans votre mémoire, c'est les dangers de l'incertitude, les dangers de l'incertitude, que c'est néfaste pour le développement des parties des territoires concernés, des régions. J'aimerais ça vous entendre un tout peu plus là-dessus parce qu'il m'apparaît bien sûr, à moi aussi, que cet élément doit être soulevé. L'incertitude dans laquelle nous nous trouvons quant à l'exercice de droits reconnus par les tribunaux dans notre société de droit est porteuse de certains résultats présumés. Quels sont à votre avis les principaux dangers de l'incertitude et pourquoi devons-nous encore davantage nous engager dans la définition?

Mme Boucher (Denise): Juste peut-être vous indiquer, M. Trudel, que je suis Mme Boucher. Ça fait deux fois que vous m'appelez Mme Roy. Alors, je sais qu'on a un vice-président à la confédération qui s'appelle M. Louis Roy, mais...

M. Trudel: C'est Louis. Je mélange avec Louis.

Mme Boucher (Denise): Je ne le prenais pas personnel, surtout que tout à l'heure quand on s'est vu, vous m'avez dit: Bonjour, Mme Boucher. Alors...

Bien, vous savez, pour nous, la question de l'incertitude, on se dit: Si ça devait être la cour qui décide de disposer d'un territoire, la cour risque sans aucun doute d'être plus drastique et faire en sorte que ce territoire-là soit pris sans nécessairement de développement d'entente avec la communauté que j'appellerais la «communauté blanche».

Alors, pour nous, il y a effectivement de l'incertitude, mais l'incertitude a été beaucoup liée au fait que les gens n'ont pas été mis au courant. Et vous nous avez dit: Vous savez, ça fait partie presque de votre lot, de votre quotidien, la négociation. Mais, si on reprend cette exemple-là, quand on veut bien réussir une négociation entre les parties, généralement, c'est d'informer. Et, quand on informe bien nos membres et quand on informe bien la population, celle-ci comprend les enjeux et elle est aussi capable d'indiquer les raisons pour lesquelles elle a des appréhensions.

Et, dans ce cas-ci, nous n'avons pas eu droit à cela, et je peux comprendre que les gens, à la lumière et à la lecture de l'entente, y voient presque une prise de leur territoire. Je pense, entre autres, on le cite ici, particulièrement dans la région de Natashquan. Alors, pour nous, pour dissiper cette incertitude, pour nous, ce que nous disons, c'est que les gens doivent être informés et on doit les associer à la négociation.

Je sais aussi que M. Bernard, quand il a fait sa présentation... je peux comprendre que c'est de nation à nation. On ne demande pas d'être assis et je pense que les communautés ne demandent pas à être assises à la table directement mais du moins à être ce qu'on appelle, nous, dans notre vocabulaire, peut-être une forme de conseil syndical mais du moins des gens qui seraient informés du déroulement, où on en est, vers où on va, qui pourraient alimenter les représentants à la table nationale et faire en sorte de dissiper l'ensemble des incertitudes autour de l'entente.

Pour nous, on est mieux d'y aller... Et, nous l'avons dit, la voie de la négociation est la meilleure voie pour faire en sorte que les parties puissent en arriver à un processus de bons amis, que celui du droit, en fait, qui est le droit aussi, l'entente, mais qui ferait en sorte que ce serait la cour qui déciderait ou disposerait des territoires.

M. Trudel: Très bien. Et, avec l'expérience que vous avez dans le monde des négociations, il y a toujours aussi un pendant à la négociation et à l'entente, c'est la question cruciale de mécanismes formels de règlement des différends, qui réussit généralement à réduire donc, aussi, le niveau d'incertitude et qui détermine les façons de voir. Je lie ça aussi à votre autre affirmation, à mon avis... que je partage pleinement, celle du fait que les inquiétudes sont surtout autour de ce territoire où vont s'exercer les activités, où s'exercent déjà les activités ancestrales, le Nitassinan, sans qu'il y ait par ailleurs de règles déterminées pour l'exercice de ces droits, de ces activités ancestrales, hein, l'Innu Aitun, les activités Innu Aitun, par la première nation concernée.

J'imagine que vous avez pris connaissance d'un des principes qui est à la base, qui est fondamental dans le projet d'entente de principe. Et je me permets de le relire, parce que c'est important: «Le Canada et le Québec, suivant leurs compétences respectives, pourront adopter une loi, un règlement, une politique ou un programme touchant Nitassinan, ou autoriser un projet visé à la section 6.6 ? en ce qui concerne les développements ? après avoir réellement pris en compte les positions des Innu tshishe utshimaut ? la nation Innue ? en ce qui concerne les droits des premières nations et leurs membres. Les instances gouvernementales de prise de décision devront être informées formellement de ces positions avant toute décision finale.» Et cela précède toute la section 15, le chapitre 15 du projet d'entente, qui prévoit les étapes de conciliation, de médiation de règlement des différends.

Est-ce que, pour vous, ces principes, vous y adhérez et que c'est porteur d'avenir quant aux relations entre les deux nations, pour faire en sorte que, pour le vécu harmonieux sur le territoire, on pourra s'appuyer sur ces règles de règlement des différends, tout en indiquant que donc chacun des niveaux de gouvernement conservent leurs pleines responsabilités, leurs pleines responsabilités sans droit de veto, d'une partie sur l'autre?

n(10 heures)n

Mme Boucher (Denise): Je vous dirais qu'on est d'accord, parce que je pense que ça fait partie des exercices de négociation. En même temps, je vous indiquerais que pour nous, quand on parle... ça touche aussi les tiers. Et ce qu'on indique, nous, dans notre mémoire, et je pense que, cela, il va falloir qu'on soit prudents là-dessus... Et je vais prendre un exemple. Advenant le cas que, je ne sais pas, moi, pendant quatre ans, exemple, il y a un exercice de droit de pêche, il y a une entente et qu'on doit renouveler cette entente, je pense, le tiers devrait être représenté par la partie. Vous retrouvez ça, M. le ministre, à la page 6 de notre mémoire, c'est le dernier paragraphe, où on indique qu'à ce moment-là il faudrait que les mécanismes qui seront inscrits puis qui indiqueront que le Québec et le Canada se portent parties représentantes de ces tiers... On imagine mal un tiers aller négocier lui-même quand, dans les faits, il n'a pas été lui-même signataire de cette entente-là.

Alors, je pense qu'à ce moment-là il faudra aussi qu'on soit prudent à l'égard de ça, parce qu'on ne peut ne pas être contre, mais en même temps je pense qu'il y aurait une responsabilité entre les parties de faire en sorte qu'ils puissent... et particulièrement pour ce qui est du Québec, d'être le représentant d'un tiers qui serait lésé. Sinon, chacun des individus se retrouveront donc à aller devant une entente où ils ne sont pas signataires, à essayer de faire des règles; je pense qu'on pourrait se retrouver dans une forme d'anarchie qu'on ne désire pas et que personne ne désire. Alors, je pense que là-dessus il faudra revoir des mécanismes et c'est d'ailleurs ce que nous indiquons là-dessus.

Alors, pour ce qui est des principes, oui, médiation et conciliation, c'est des principes auxquels on a toujours adhéré, et on sait que c'est souvent par cette voie-là d'ailleurs qu'on peut trouver des règlements.

M. Trudel: Très bien. Est-ce que la recommandation du rapport Chevrette à l'égard, disons, de la non-reconnaissance constitutionnelle du rapatriement unilatéral de 1982, si elle était retenue, vous satisferait, d'indiquer formellement au niveau des principes que cela ne constitue pas d'aucune façon une reconnaissance du geste unilatéral de rapatriement? Est-ce que ça répond à vos préoccupations aussi?

Mme Boucher (Denise); Oui. Clément peut-être. M. Gaumont.

M. Gaumont (Clément): Oui. À notre avis, il est clair que l'entente de principe telle qu'elle est là ne le reconnaît pas. Mais il faut quand même rassurer les gens, je pense, et mettre une clause spécifique. Je pense que personne ne s'objectera à ça. Et ce qu'a suggéré M. Chevrette convient très bien, je pense. C'est une clause spécifique dans l'entente ou à tout le moins dans le traité, à la limite, là, et qui dira que ce n'est pas une reconnaissance implicite. À ce moment-là, je pense que ça va satisfaire tout le monde et ça va surtout rassurer les gens qui sont inquiets, pour des lectures qu'ils font.

M. Trudel: Je vais laisser à mes collègues...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi également, Mme Boucher, M. Gaumont, je tiens à vous saluer et bien sûr à vous remercier pour le mémoire que vous avez présenté. Et, dans mon autre vie, bien sûr, je fais partie du syndicat depuis les années soixante, alors je connais très bien les positions que peuvent prendre le milieu syndical et j'ai très bien compris l'orientation que vous nous avez donnée à l'effet que c'était préférable d'envisager la négociation plutôt que de laisser les tribunaux trancher. Et ça, je suis très heureux de comprendre que le monde syndical a toujours cette orientation-là, et bien sûr que, moi, je la partage, en tout cas.

Par contre, il y a peut-être un élément sur lequel je ne sais pas comment on pourra l'interpréter. Mais, à votre mémoire, à la page 7, le dernier paragraphe, vous nous demandez en tant que gouvernement d'intégrer à la table de négociations des représentants provenant des milieux... des groupes de sociétés. Vous avez aussi pris la précaution tout à l'heure de dire que les tables sectorielles ont joué un certain rôle, sauf que, malheureusement, ça n'a peut-être été pas à la hauteur de ce qu'on voulait dans chacun de nos secteurs. Puis vous avez fait peut-être un petit bémol qu'à la table de négociations... Parce qu'on sait comment ça se passe dans une table de négociations: plus il y a de monde, bien, des fois plus c'est dangereux, surtout quand on arrive dans la nuit des longs couteaux, où là il se passe certaines choses et finalement c'est toujours des petits comités restreints qui finalisent cette négociation-là.

Cependant, si on pousse plus à fond votre recommandation, comment vous voyez ça, intégrer d'autres personnes à la table de négociations, quand on parle des groupes de sociétés? Parce que, si je prend une région comme la Côte-Nord et le comté que je représente, Duplessis, on a quand même beaucoup d'organismes et de gens qui proviennent de divers milieux, alors si on augmente la table de négociations, vous ne voyez pas qu'il y a un certain risque?

Mme Boucher (Denise); Alors, peut-être indiquer, puis je l'ai dit à la toute fin, il y a une proposition qui est faite par M. Chevrette de faire des comités par secteurs, là, si on peut appeler... chasse, pêche. Bon. Parce que, dans la première partie de votre question, c'est que, ce qu'on dit, on ne se cachera pas qu'actuellement le débat qui a lieu ne concerne peut-être que les gens des régions plus touchées. Je pense au Saguenay?Lac-Saint-Jean, les gens sont peut-être plus touchés, mais je vous dirais que ça fait quand même partie des manchettes des nationaux et aussi, hein, des médias électroniques nationaux. Donc, on se rend bien compte que cette question-là n'est pas strictement régionale. Et c'est pour ça que, nous, on dit: À ce moment-là, il faudrait qu'on puisse avoir des représentants à caractère national qui puissent être présents aussi.

Mais, quand on parle de la table de négociations, il est assez clair pour nous que c'est de nation à nation. Cependant, je pense qu'il faut qu'il puisse y avoir des gens tout à fait à côté. Vous connaissez bien les mécanismes de négociations. Nous, on a des comités, dans nos syndicats locaux, il y a des comités restreints et il y a des comités élargis, et bien évidemment, très souvent, ça se termine effectivement en petits groupes restreints. Mais le comité élargi a autant, je dirais, de pouvoirs mais du moins d'opinions et d'avis à donner au comité qui est restreint. Alors, le comité élargi...

Alors, nous, ce n'est pas de tous les asseoir au même endroit, je suis tout à fait d'accord avec vous. Des fois, on a déjà dit: Ce n'est pas l'assemblée générale qui va négocier; ça va être des représentants qui vont négocier. Mais cependant, on pense qu'il faut que ce soit ouvert plus largement. Dans la proposition de M. Chevrette, notre évaluation très rapide, c'est un peu plus sectoriel, régional, mais je pense qu'on doit lui donner aussi une couleur nationale compte tenu...

Et les événements, on souligne la question des événements d'Oka. Ça aussi, les événements d'Oka n'ont pas seulement touché que la région montérégienne, ils ont touché tout le Québec dans l'approche qu'on a dû avoir avec nos amis autochtones. Alors, nous, c'est à cet égard-là. Alors, on ne demande pas d'être directement assis à la table, je pense qu'il peut y avoir toujours un groupe de négociations restreint, mais qu'on élargisse un peu plus. L'objectif étant toujours celui d'informer au maximum et de faire en sorte qu'il y ait le plus de gens rattachés à cette entente-là pour qu'elle en soit un succès, et qu'on convienne bien les enjeux qui y sont, et qu'on puisse faire en sorte qu'on ne se retrouve pas à voir sur certains sites... Même des gens, sur certains sites, quand on l'a regardé, on l'a dit, il y a des propos racistes. Mais c'est des gens qui ont tenu des propos racistes, qui viennent de la région de l'Estrie. Alors, je pense qu'il faut élargir le plus d'informations possible.

Le Président (M. Lachance): ...la question, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je m'excuse, M. le député de Duplessis, le temps passe rapidement.

M. Tremblay: Certainement, je vais y aller rapidement. Mme Boucher, M. Gaumont, vous venez de dire que les gens doivent être informés et qu'ils doivent comprendre l'entente. Et je suis tout à fait d'accord que l'acceptation sociale est quelque chose d'important. Et, à cet égard, pensez-vous que les syndicats, notamment vous, pouvez jouer un rôle dans le travail de vulgarisation et d'explication étant donné que votre position est très favorable à l'entente par le fait que, votre syndicat, vous touchez à beaucoup de travailleurs, notamment dans les communautés concernées?

Mme Boucher (Denise): Je vous dirais que c'est un travail qu'on a amorcé depuis très longtemps. Quand nous parlons du forum paritaire où nous avons été un des fondateurs, nous avons disposé des propositions qui étaient à l'intérieur de ce forum paritaire là, nous en avons disposé dans le cadre de nos instances.

Je vous indiquerais aussi, et si vous regardez dans le rapport que M. Chevrette a déposé vous retrouvez aussi qu'il a rencontré les conseils centraux du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Il a aussi rencontré le conseil central de... je pense que vous étiez présent d'ailleurs, M. le député. Donc, vous voyez, on est présents. Et d'ailleurs, ces mémoires-là, ils deviennent publics et nous devons en disposer dans le cadre de nos instances aussi. Alors, pour nous, c'est important.

Et je vous dirais qu'au moment où on a abordé cette question-là, il y a des conseils centraux de Montérégie qui nous ont indiqué qu'ils avaient, eux... À la lumière du forum paritaire et à notre demande, à l'époque où il y a eu la crise d'Oka, nous avions organisé avec eux une rencontre avec les autochtones, avec les gens d'Oka, pour qu'ils puissent s'exprimer et exprimer leurs attentes d'un côté et les attentes de l'autre. Et je pense que ça a été extrêmement fructueux.

Alors, nous avons une responsabilité sociale, et je pense que nous avons une responsabilité sociale non pas juste pour nos syndiqués, mais aussi pour la communauté québécoise. Et c'est à cet égard-là que nous formons et informons nos gens.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier et porte-parole de l'opposition officielle.

n(10 h 10)n

M. Kelley: Merci beaucoup. À mon tour, j'aimerais dire un mot de bienvenue à Mme Boucher et M. Gaumont, et merci beaucoup pour votre contribution à notre débat. Et dans les échanges qu'on vient d'avoir, il y a deux réponses que j'ai trouvées fort intéressantes, c'est-à-dire de trouver une mécanique, qui est assez souple et pas trop lourde, de négociation, parce qu'on ne peut pas négocier à 150 ou à 300 personnes, mais par contre il faut impliquer davantage les leaders de la société civile, entre autres, pour avoir un meilleur garant pour un succès pour un traité éventuel. Alors, je pense que les recommandations qui ont été formulées sont intéressantes.

Également, le devoir d'information. Parce que c'est très facile de tout blâmer le gouvernement et tout blâmer le ministre du fait qu'on n'a pas fait assez de travail d'information, mais je pense que le point qui a été soulevé quant au rôle d'un syndicat auprès de ses membres, aussi, via vos journaux, vos revues, etc., de mettre juste les faits sur la table, parce que je pense qu'il y a beaucoup de méconnaissance de ce dossier, ce n'est pas facile à comprendre. Et l'entente comme telle est rédigée par les juristes, alors c'est écrit dans un... c'est des textes qui ne sont pas facilement accessibles à la grande population. Alors, je pense, un syndicat, comme autre acteur de la société civile, a un rôle à jouer pour expliquer les enjeux, expliquer les choses qui sont en place.

J'ai vu, sur la page 8 de votre mémoire... et je comprends la position d'avoir un seul traité. Mais nous avons vu entre autres, hier, la Nation Innue de Matimekush, à Schefferville, qui a une histoire qui est longue et complexe. Le gouvernement a fait une ouverture hier en nommant M. Crête comme négociateur ou mandataire spécial, mais ça c'est une question qui peut prendre du temps à régler. Il y a la situation peut-être unique à Sept-Îles, aussi, qui avait une autre série de revendications. Et, tôt ou tard, est-ce qu'il n'y a pas un genre d'obligation de résultat quand même? Et si on a quatre communautés, 62 % de la population, il faut aller de l'avant, le souhait est toujours là. Et je comprends fort bien qu'on ne veut pas avoir des traités sans cesse, parce qu'un traité est un document très important et solennel, il faut éliminer le nombre. Mais, quand même, à certains moments, 23 ans après, est-ce que c'est un obstacle majeur ou est-ce qu'il faut aller de l'avant?

M. Gaumont (Clément): À cet égard-là, on prévoit, dans notre mémoire, on dit dans notre mémoire qu'il devrait y avoir ce qu'on appelle, en langage de convention collective, une clause-remorque, mais je pense que c'est une clause d'harmonisation, c'est comme ça qu'il faut le voir. Je veux dire, s'il y a des nations ou des communautés innues qui se joignent à la négociation ultérieurement, qui en arrivent à des ententes, je pense qu'il faut arriver à quelque chose qui va être... tout en permettant la diversité, là, qui va quand même se tenir, entre guillemets. Et, à cet égard-là, c'est un peu pour ça qu'on propose cette clause d'harmonisation.

Je comprends qu'il y a des fois des différences, des revendications qui peuvent... des revendications au niveau territorial notamment, qui peuvent empiéter l'une sur l'autre. Il faut comprendre que quand les blancs sont arrivés ici, je vais vous dire, il n'y avait pas de borne pour indiquer où s'arrêtait le territoire de tel Innu par rapport à tel autre, là, hein? Alors, je comprends que ces difficultés-là existent, mais il faut donc quand même signer des traités ou un traité, si possible, et avoir à l'intérieur de ce traité-là une clause d'harmonisation qui ferait en sorte que, si d'autres communautés ultérieurement en arrivent à des ententes, les bénéfices de cette entente-là profitent aux autres communautés et que ce qui aura été négocié avec les premières nations qu'on a ici, dans l'entente de principe, puisse s'appliquer aussi aux autres, ultérieurement.

Je pense que, déjà, l'entente de principe permet la diversité. On voit le territoire Innu Assi et le territoire Nitassinan, même, et on voit déjà qu'il y a deux approches différentes, que ça permet en tout cas de déterminer l'exercice des droits de façon différente dans l'un et dans l'autre. Et ça satisfait tout le monde, je pense bien.

M. Kelley: Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions aussi, mais peut-être une dernière question. Parce qu'on a vu, dans le rapport de M. Chevrette... Et, peut-être d'une façon plus générale, il a fait une recommandation, n° 17, d'être très prudent dans la discrimination positive à l'embauche. Et, j'imagine, c'est quelque chose qui a été soulevé pour la CSN à maintes reprises, pas uniquement en contexte autochtone. Mais, on a les chiffres, je pense que M. Chevrette a parlé de 66 % de la population en chômage. Alors, de juste dire qu'on va laisser le marché corriger le tir, devant des chiffres qui sont si troublants que ça... Par contre, ce n'est pas que je prône la discrimination positive, parce qu'on va hériter de beaucoup d'autres problèmes, notamment dans les régions où le taux de chômage est généralement plus élevé que la moyenne québécoise, de toute façon.

Alors, je ne sais pas, d'une manière générale, est-ce qu'il y a une réflexion qui se fait chez vous contre la discrimination positive? Ou c'est quoi les contre-propositions pour s'assurer qu'il y ait un meilleur taux de... ou le taux de chômage chez les Innus peut baisser, mais ils sont peut-être embarqués dans un système actuel américain avec les quotas, et tout le reste qui... nous allons créer d'autres problèmes avec ça?

Mme Boucher (Denise): Je peux peut-être vous indiquer que, dans le rapport de M. Chevrette, il y a d'autres choses, aussi. Il y a la question de création de fonds, on parle aussi de formation en emploi, de formation, je pense que ça... et le fait aussi que chacune des communautés sera autonome et puisse aussi, à partir des redevances, faire du développement. Je pense que ça, c'est un plus. Et, en même temps, on ne pourra pas, nous, s'ingérer dans la façon dont ils vont vouloir faire leur développement économique et même leur développement social. Ça leur appartient. En même temps, je pense qu'il y a, à l'intérieur de ça... et quand on développe son autonomie, il faut aussi développer des mécanismes qui vont permettre entre autres à ces jeunes, parce qu'effectivement il y en a beaucoup, qu'ils puissent aussi avoir de la formation qui leur permettra aussi de pouvoir aller vers ces emplois-là.

Alors, parler de discrimination, je vous dirais, je pense que c'est plus à travers leur autonomie, le fait qu'ils puissent travailler, développer. Mais il y a des éléments. Il y a déjà un fonds qui existe, d'ailleurs, un fonds, actuellement; je pense qu'à partir de ce fonds-là ils pourront développer et aussi à partir du modèle qu'ils veulent, aussi. Alors, je pense que, nous, on n'ira pas se mêler de la façon dont ils vont organiser leurs choses, mais je pense qu'on peut être en aide et en soutien à ces communautés-là pour les soutenir. Mais je pense qu'il y a d'autres modèles que celui-là pour faire en sorte que, ce qu'ils vivent actuellement, le haut taux de chômage... leur permettre entre autres de se permettre d'avoir des accès à des emplois et de la formation.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup M. le Président. Bienvenue, Mme Boucher, M. Gaumont. Merci pour votre mémoire, qui est succinct, clair et, je pense, met sur la table une façon très correcte d'envisager les choses.

Je suis de ceux qui croient que, si cette commission est pour avoir une certaine utilité, ça doit nous permettre d'arriver à la conclusion, à la fin de nos travaux, quant à la ratification ou non de l'entente de principe telle quelle. Et je pense qu'il est important aussi de dissiper des perceptions que les gens peuvent avoir qu'il faudrait rouvrir l'entente et renégocier des choses de l'entente de principe. Et, pour ce faire, je pense qu'il faut bien faire saisir qu'il s'agit d'une entente de principe et non pas d'un traité. Et vous faites bien ressortir ce fait-là en reprenant quelques articles de l'entente qui disent assez clairement, et je parle de l'article 3.1.3. et 3.1.4, qui indiquent assez clairement qu'il ne s'agit pas, par cette entente, de créer des droits comme tels mais plutôt d'établir les principes, un peu comme une carte routière qu'on se donne: on identifie la destination, on a l'orientation générale qu'on veut prendre pour y arriver, mais la suite des choses va nous permettre de tracer le véritable chemin.

Et, je regarde votre page 4 et je veux juste bien comprendre, parce que vous dites: «Nous sommes bien conscients que la présente entente soulève des passions, mais ne rien faire ou laisser aux tribunaux le seul soin de trancher n'est pas une solution porteuse de relations harmonieuses.» Mais, vous ajoutez: «Toutefois, il y a lieu d'améliorer celles-ci afin de calmer les inquiétudes et de dissiper les malentendus». En lisant l'ensemble de votre mémoire moi, j'ai compris que vous accepterez l'entente telle quelle et que c'est dans la suite des choses, dans les négociations comme telles, où on peut tenir compte des enjeux qui ont été soulevés et mis sur la table entre autres par le rapport du mandataire. Et je veux juste vous donner l'opportunité de réitérer si ma perception est exacte et comment vous envisagez l'entente comme telle.

Mme Boucher (Denise): M. Gaumont.

M. Gaumont (Clément): Oui. Notre conclusion est d'ailleurs très claire, hein, on dit bien qu'il y a lieu d'améliorer ce projet d'entente lors de la négociation finale. Mais, quand deux parties s'entendent, à titre d'exemple, pour dire: 1982, la Constitution, ça ne nous dérange pas d'inclure telle clause; ou tel problème précis, on n'a aucun problème à inscrire tel élément dans l'entente de principe, il n'y a pas d'opposition à ce moment-là. Quand tout le monde est d'accord pour clarifier les choses qui sont, dans l'esprit de plusieurs, déjà claires, je pense que ça ne pose pas de problème. Alors, à cet égard-là, la plupart des choses qu'on amène, de toute façon, c'est au niveau de l'entente finale, des traités, des ententes complémentaires qu'il va falloir les clarifier, qu'il va falloir pousser plus loin ou améliorer, si vous préférez, ce qui est convenu dans l'entente de principe.

n(10 h 20)n

Mais il est possible aussi, dans l'entente de principe, si les parties sont d'accord, de l'améliorer. Si on décide que tel élément devrait l'être, je pense qu'à ce moment-là il n'y a aucune objection, puis il n'y en aura pas de qui que ce soit, là, à l'améliorer. Mais, par ailleurs, on est de ceux qui croient qu'effectivement l'entente de principe devrait être ratifiée, sinon dans sa forme actuelle, à tout le moins améliorée comme ils indiquent là, mais qu'elle devrait l'être. Il n'est pas question de la rejeter, pour nous.

M. Sirros: Mais là, vous me laissez une certaine ambiguïté. Si je pose la question très clairement: L'entente de principe d'ordre général, telle que nous l'avons ici actuellement, est-ce qu'elle est acceptable pour vous, telle quelle, quitte à, dans la ronde suivante ou l'étape suivante dans la négociation pour une entente pour un traité, qui va, elle, peut-être créer des droits comme tels, tenir compte des enjeux qui ont été soulevés? C'est-à-dire, est-ce que vous l'acceptez, le point de départ qui est l'entente de principe, en disant: Améliorons dans le sens de tenir compte de ce qui a été soulevé dans l'étape suivante, ou est-ce que vous insistez pour qu'il y ait des améliorations particulières dans l'entente de principe? Et «améliorations», je mettrais des guillemets autour de ce mot-là.

Mme Boucher (Denise): Alors, pour nous, l'entente de principe telle qu'elle est là nous convient. Ce que nous disons, c'est que, entre les parties, pour une raison xyz, on pourrait décider d'apporter une modification qui pourrait enrichir l'entente. Nous, on ne dira pas: Non, non, non, non, non, ne touchez pas à ça, au contraire. Et ça, ça fait partie des mécanismes de négociation qu'on voit. Quand, chez nous, un de nos syndicats dit: Nous avons une entente de principe et qu'à la lumière, quand il vient le temps de faire les textes, on se rend compte que peut-être qu'il faudrait la travailler ou ajouter tel mot, puis qu'on sent que les parties sont d'accord, et qu'il n'y a pas d'opposition... C'est ça. Alors, l'entente, actuellement, je pense qu'il faut la ratifier, cette entente-là, elle est importante pour la poursuite des travaux, et c'est dans la poursuite des travaux, dans les traités qui seront signés, que se poseront d'autres enjeux rattachés à la négociation sur lesquels il faudra, là aussi, trouver des solutions.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, monsieur, madame. Moi, je représente le comté de Jonquière, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, et je rencontre beaucoup de travailleurs forestiers qui sont vos membres, qui sont les membres d'autres centrales syndicales, et il y a une inquiétude, par rapport à l'entente, quant aux volumes des contrats d'attribution qui seraient réservés pour la communauté innue. Vous le savez, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean on nous dit qu'il n'y a pas de volumes de disponibles, l'industrie forestière subit une de ses pires crises de son histoire, je crois, et il y a eu des mises à pied de façon massive, cet été, qui se poursuivent. Syndicalement, comment voyez-vous votre intervention, effectivement, lorsqu'il y aura à discuter des contrats d'attribution de 150 000 m³ qui doivent être rendus disponibles, sans affecter les droits de vos travailleurs?

Mme Boucher (Denise): On vous dirait que la crise actuelle est due au bois d'oeuvre, elle n'est pas due actuellement à une entente de principe qu'on cherche à vouloir négocier. Donc, il y a double inquiétude, de ce que je comprends, mais il y a celle du bois d'oeuvre, actuellement. L'autre, que vous soulignez, moi, je pense qu'on a toujours été très attentifs. Nos gens, nous, ce qu'on a le goût de leur dire, c'est que: Ne soyez pas inquiets. Il y a moins d'inquiétude, vous le savez, à négocier et à avoir une négociation qui va nous permettre d'avancer, que, ce que je disais au tout début de la séance, de dire... Si, juridiquement, on décidait de dire: Voici le territoire, là je pense qu'on ne serait plus capables de négocier les bois de coupe.

Alors, nous, on va travailler avec la fédération concernée, c'est la fédération des travailleurs des pâtes et forêts, FTPF, nous allons travailler avec elle. Et je pense que, dans un premier temps, il n'y a pas d'inquiétude à avoir, je pense que l'entente va permettre effectivement de négocier les droits de coupe. Mais, aussi, c'est des compagnies aussi qui ont ces droits de coupe, actuellement, c'est des multinationales pour la plupart, aussi, qui ont ces droits de coupe là, alors on regardera à ce moment-là, quand ce sera sur la table. Mais il ne faudrait pas mêler deux malaises, là, actuellement, qui est celui du bois d'oeuvre et... Mais, ça, on va travailler avec notre monde là-dessus.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Bon. D'abord, bonjour. Des fois, c'est une chance de parler le dernier, des fois c'est un malheur. Dans ce cas-là, le député de Jacques-Cartier ainsi que la députée de Jonquière ont pas mal abordé les sujets qui me préoccupaient. Je considère que c'est une chance d'avoir votre syndicat ici, aujourd'hui, pour venir nous parler. Évidemment, dans les domaines d'expertise que vous avez, j'aurais aimé vous entendre davantage parler de la question de l'intégration, par exemple, des Innus au travers du monde du travail, là, ce qui est privilégié au niveau de la clause 17 de M. Chevrette avec la discrimination positive. Et j'aurais également aimé que votre rapport traite un petit peu plus des relations de travail.

Moi aussi, j'ai des inquiétudes au niveau de ce que j'entends sur le terrain, lorsque des employés de certaines papeteries ou dans le monde forestier, dans les opérations sylvicoles, mentionnent que, bon, on va perdre nos jobs parce qu'on va perdre des CAAF, on va perdre des volumes de bois puis tout ça. Il y a une inquiétude réelle sur le terrain, de la part de certains de vos membres, ça, j'en suis convaincu. Et donc, je pense qu'au niveau de l'apport au niveau des négociations, c'est très intéressant, ce que vous nous amenez, mais j'aurais aimé vous entendre davantage sur la question qui est la question des intérêts des travailleurs de la Côte-Nord, particulièrement, là, sur cette issue de négociation.

Évidemment, les questions ont été pas mal posées. Je ne sais pas si vous pouvez peut-être en dire davantage, parce que ça ne m'apparaît peut-être pas suffisant de dire: Ne vous inquiétez pas. En fonction de votre expertise là, y a-t-u des choses que vous savez ou que vous sauriez dire, là, dans les dernières minutes qui restent, afin de vraiment permettre que ces gens-là ne soient pas inquiets, au-delà de simplement leur dire: Ne vous inquiétez pas? En tout cas, je pense que la population chez nous apprécierait beaucoup.

Mme Boucher (Denise): Alors, je vous dirais que je suis allée, dans le cadre d'une assemblée générale, à Sept-Îles, où j'ai discuté avec les gens du Conseil central, et je pense que les gens, quand ils sont informés, l'inquiétude diminue de beaucoup. Mais je veux juste vous faire remarquer aussi que le propos, ici, c'est quand même une entente de principe d'ordre général qu'on a à regarder, c'est le but de notre mémoire, et que, pour nous, il n'était pas du tout question qu'on aborde la question des relations de travail dans ce mémoire-là. On est sur l'adoption d'une entente de principe. Alors, je pense que, ça, c'est majeur. Et nous, nous allons aborder cette question-là avec notre monde. Je le sais que ça a été soulevé, mais dans les rencontres que nous avons eu avec des représentants des syndicats, à la lumière des informations qu'ils ont reçues, soit par M. Chevrette, soit par M. le député ou par d'autres autour de cette question-là, ça a beaucoup, beaucoup diminué les appréhensions qu'ils pouvaient avoir. Alors, nous, on a cette obligation auprès de nos travailleurs et travailleuses, et on va poursuivre dans ce sens.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Boucher et M. Gaumont, pour votre présence ici ce matin, en commission parlementaire, et pour la présentation et les échanges avec les députés. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant les représentants de la MRC du Domaine-du-Roy à bien vouloir se présenter pour cette deuxième présentation de la journée.

n(10 h 30)n

Alors, bienvenue, messieurs. Et j'invite M. le préfet Bernard Généreux à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent, et je vous indique que, les règles du jeu, c'est 20 minutes de présentation; vous connaissez comment ça se déroule. Alors, c'est 20 minutes, et, par la suite, les échanges pourront être amorcés.

MRC du Domaine-du-Roy

M. Généreux (Bernard): Mais je comprends que votre introduction ne comprend pas le 20 minutes. Bonjour, M. le Président, messieurs de la commission parlementaire. Donc, je vous présente, à ma gauche, M. Lebel que vous connaissez bien, qui est le préfet suppléant de la MRC, M. Asselin qui est le maire de La Doré, ainsi que M. Gilles Potvin qui est commissaire au développement du territoire au CLD du Domaine-du-Roy.

Donc, allons-y tout de suite pour la présentation. Donc, la municipalité régionale de comté du Domaine-du-Roy a été créée en 1982; elle couvre un vaste territoire de 18 951 k² regroupant neuf municipalités et une population de 31 721 habitants dispersés sur un territoire municipalisé de 2 386 km².

La MRC Domaine-du-Roy est directement concernée par le processus de négociation avec les Innus, puisque au coeur du développement démographique de son territoire vit et se développe la communauté montagnaise de Mashteuiatsh. Cette communauté autochtone entretient des liens sociaux, économiques et culturels très étroits avec la communauté non autochtone et elle contribue aussi à sa vitalité sociale, culturelle et économique. Son taux élevé de natalité atténue, sur le territoire de la MRC du Domaine-du-Roy, les impacts de la décroissance de la population.

Les relations avec la communauté de Mashteuiatsh ont toujours été marquées d'un profond respect mutuel et d'une volonté commune de favoriser le développement de nos milieux respectifs. Au cours des dernières années, tant sur le plan local que sur le plan régional, plusieurs ententes formelles de collaboration ont été conclues. Parmi les plus importantes, citons l'adhésion de la communauté de Mashteuiatsh à l'organisme territorial de développement et de promotion touristique qu'on appelle chez nous Initiative touristique Lac Saint-Jean, l'adhésion de la communauté au CLD du Domaine-du-Roy, l'adhésion de la communauté de Mashteuiatsh à l'entente des déchets, des collectes sélectives et du centre de récupération, l'organisation d'une activité conjointe de promotion du pays de l'Ashuapmushuan, la participation de la communauté au Comité de sécurité incendie chargé de l'élaboration du schéma de couverture de risques en incendie, l'entente relative à la participation des Montagnais au développement éventuel d'un projet hydroélectrique sur le site de Val-Jalbert et la présence d'un représentant de Mashteuiatsh au sein du conseil d'administration de SEPAQ?Val-Jalbert, société en nom collectif et, plus récemment, un partenariat d'affaires visant la relance des opérations de l'usine de sciage de feuillus de Lac-Bouchette.

Donc, en juin 2002, le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean et le conseil de la MRC du Domaine-du-Roy ont convenu de formaliser des rencontres entre leur conseil respectif afin de partager des préoccupations communes, de travailler conjointement sur certains projets. La première rencontre a d'ailleurs permis de jeter les bases d'une collaboration visant à relancer la production piscicole au Centre écologique du Lac-Saint-Jean et à supporter une importante réflexion sur la situation dramatique de la ouananiche au Lac-Saint-Jean.

Tout récemment, dans le cadre du Rendez-vous des régions, nous avons tous été témoins de l'engagement de Montagnais du Lac-Saint-Jean à participer et à collaborer à la mise en place d'un fonds majeur de développement régional. Ce geste n'aurait pas été possible si, à la base, la qualité des relations n'était pas présente.

Ces contacts et ces échanges ont également permis aux deux communautés de développer une plus grande écoute et une meilleure compréhension des besoins l'un de l'autre. Mais, avant tout, ils nous ont permis de réaliser que nos aspirations de développement passaient inévitablement par la même voie: le territoire. Il est, tant pour les autochtones que pour les non-autochtones, un lieu de travail, un lieu de prélèvement de ressources, un milieu à exploiter et à mettre en valeur, un lieu de détente, de récréation, un lieu de ressourcement personnel; il est en fait un véritable milieu de vie.

Cette relation étroite et partagée avec le territoire ne date pas d'hier; elle était présente dès les premières phases de colonisation de la région, et c'est cette capacité à oeuvrer et à partager un même territoire qui a permis le développement de notre région.

Dans les pages qui vont suivre, nous traiterons rapidement de notre vision de l'Approche commune dans ses grands principes mais nous nous attardons davantage sur les aspects touchant plus particulièrement le territoire, et nous vous proposons une démarche d'expérimentation et de mise en application des concepts de l'Approche commune.

Sur la nécessité de l'entente. Notre proximité et nos contacts avec la communauté nous permettent de mieux comprendre la réalité et l'environnement dans lesquels vivent les communautés autochtones. Malgré bien des préjugés, nous sommes persuadés que peu de Québécois accepteraient d'échanger leur statut pour obtenir celui qui s'applique actuellement dans les communautés autochtones.

Il ne fait aucun doute, dans l'esprit des membres du conseil de la MRC, que le gouvernement du Québec doit négocier et finaliser, dans les meilleurs délais, des ententes avec les communautés autochtones. C'est dans cet esprit que nous accueillons très positivement l'entente de principe d'ordre général conclue par les chefs négociateurs des premières nations, du gouvernement du Canada et du Québec et leurs recommandations à leurs autorités respectives d'en autoriser la ratification.

Cette entente jette les bases d'un nouveau contrat social avec les Innus. Elle cadre les paramètres de discussions qui mèneront à la signature d'un véritable traité. Même si plusieurs aspects restent à négocier et à finaliser, il est clair à notre avis qu'elle est suffisamment précise pour nous permettre de bien comprendre les changements fondamentaux que nous connaîtrons au cours des prochaines années en matière de gestion, d'exploitation et d'occupation du territoire. C'est d'ailleurs l'essence même du discours et de la préoccupation des Innus depuis de nombreuses années.

Sur le contenu de l'entente. Le texte de l'entente signée entre les négociateurs contient une série de dispositions traitant entre autres de l'autonomie gouvernementale, de la participation des communautés autochtones à la gestion du territoire, des ressources naturelles, de l'environnement, du développement économique, de partage des redevances et d'arrangements financiers. Sans nécessairement commenter chacun de ces éléments, nous voulons émettre quelques commentaires sur certains de ces éléments de l'entente.

Sur la question de l'autonomie gouvernementale. Nous sommes d'avis que l'autonomie gouvernementale proposée dans l'entente constituera pour les Innus un puissant levier d'intervention, de mobilisation et d'affirmation culturelle. Elle sera aussi le signal de départ d'un vaste chantier de prise en main de leur développement social, économique et culturel. Mais l'impact le plus significatif sera sans doute dans l'ouverture accrue des communautés innues à travailler en partenariat et en collaboration avec l'ensemble des intervenants qui oeuvrent sur le territoire. Les Innus ont toujours prétendu rechercher une coexistence harmonieuse et pacifique sur le territoire, et la réalisation de projets conjoints est sans doute la meilleure façon d'y parvenir.

Les mesures de développement socioéconomique. L'entente propose des mesures particulières afin de proposer le développement socioéconomique des communautés innues. Elle touche en particulier le domaine de la pêche commerciale, des pourvoiries, de la forêt, des ressources hydroélectriques. Nous désirons particulièrement commenter les propositions de l'entente touchant le domaine forestier et la mise en valeur des ressources hydroélectriques.

Le gouvernement du Québec s'engage à mettre en disponibilité pour les Innus un volume de bois. Dans notre région, l'entente prévoit une attribution de 250 000 m³. Nous attirons l'attention de la commission sur les nombreux changements qui marquent actuellement le milieu forestier et qui, à notre avis, auront des conséquences importantes sur l'industrie forestière et, conséquemment, sur l'économie des régions. Le gouvernement du Québec a engagé une série de réformes dans le domaine forestier qui auront des impacts importants: l'étalement des coupes, les aires protégées, l'imposition d'une limite nordique d'exploitation vont affecter significativement la possibilité forestière. Pour les industriels forestiers, une baisse de possibilité forestière est généralement associée à une baisse équivalente des activités économiques liées à la transformation du bois.

Nous invitons le gouvernement du Québec à éviter l'erreur commise dans l'entente de la «Paix des Braves», où l'on a évalué, après l'entente, l'impact forestier de cette partie de l'entente, pour réaliser aujourd'hui que les conséquences sont plus importantes que prévu. Il serait sage, à notre avis, que les volumes de bois que l'on souhaite attribuer dans le cadre de l'Approche commune proviennent ou résultent d'une stratégie forestière qui favorise l'accroissement de la possibilité forestière.

En ce qui concerne les ressources hydroélectriques, nous avons beaucoup de difficultés à suivre la démarche et la logique gouvernementales. L'entente contient des dispositions visant à favoriser le développement de projets de petites centrales au fil de l'eau pour une puissance totale de 30 MW. Nous croyons à cette forme de développement pour nos régions et pour le Québec. Nous avions déjà pris des engagements formels de collaboration avec la communauté de Mashteuiatsh quant à un éventuel développement hydroélectrique sur le site de Val-Jalbert dont la MRC du Domaine-du-Roy détient 50 % des actifs.

Mais voilà tout récemment que, d'un coup de baguette magique, le premier ministre du Québec balaie du revers de la main tout le processus de consultation et de réflexion qui a conduit au nouveau régime d'attribution des droits des forces hydrauliques du domaine de l'État et décrète la fin de cette politique, pour plaire à des Paul Piché ou des Raoul Duguay de ce monde qui n'ont aucune connaissance et sensibilité des réalités de développement en région. Devons-nous maintenant comprendre que le premier ministre du Québec a retiré unilatéralement de l'Approche commune tout le chapitre portant sur le développement lié aux ressources hydroélectriques? Si tel était le cas, nous en sommes fort déçus, et le terme est faible. On nous prive ainsi d'opportunités de démontrer tout le potentiel de collaboration entre les Innus et les non-autochtones dans le développement de projets conjoints. Nous croyons que la sympathie des artistes et des environnementalistes envers les peuples autochtones serait suffisante pour que le premier ministre du Québec daigne leur confirmer cette filière de développement que son négociateur a convenu dans l'Approche commune. De notre côté, nous nous organiserons pour développer des partenariats avec eux.

n(10 h 40)n

L'Approche également propose qu'une partie des redevances sur l'exploitation des ressources naturelles soit versée aux Innus afin de leur permettre de supporter le développement socioéconomique de leurs communautés. Ce principe est valable, mais il doit l'être aussi pour l'ensemble des communautés qui partagent un même territoire.

Je vous amène également tout de suite sur le chapitre de l'expérimentation de certains principes de l'Approche commune, qui constituent en quelque sorte le coeur de notre mémoire. Donc, à notre avis, deux éléments fondamentaux devront accompagner la poursuite des négociations et la conclusion du traité. Tout d'abord, il faudra que les gens touchés et concernés aient un mot à dire dans la suite des choses. Il se développe de plus en plus en région un profond sentiment de frustration envers ceux et celles qui décident, à Québec ou à Montréal, au nom de l'État, de ce qui est bon pour les gens des régions. Nous faisons partie du Québec et nous sommes aussi intelligents en région qu'à Québec ou à Montréal, et nous sommes aussi capables de comprendre et d'être solidaires d'enjeux nationaux, mais nous avons surtout l'avantage de mieux connaître le territoire et ses particularités. Qu'on nous implique et qu'on cesse de gérer cette négociation en ayant peur du monde. La terre appartient à ceux et celles qui l'habitent et non à ceux qui la gèrent. Le gouvernement du Québec devra comprendre cela et intégrer au processus de négociation des mécanismes plus structurés de consultation, d'information et de validation des éléments de négociation.

Un territoire d'expérimentation sur lequel je vous amène immédiatement. Avant de décrire cette proposition, nous avons ? et vous verrez dans les paragraphes qui suivent ? l'illustration des indices de développement qui sont présents sur notre territoire. Nous avons repris, dans le tableau de la page 9, les mêmes paramètres qui ont servi au départage des enveloppes pour la politique de la ruralité, et vous voyez que l'indice que l'on peut maintenant reconnaître pour nos communautés par rapport à la communauté de Mashteuiatsh, on voit qu'il y a des communautés de notre territoire qui se situent dans des situations de difficultés au moins aussi grandes sinon plus grandes que celles de Mashteuiatsh. Donc, ça permet de situer un petit peu comment se départage la réalité sociopolitique ou socioéconomique sur notre territoire.

Donc, au cours des dernières années, la MRC du Domaine-du-Roy a développé et expérimenté une vision de l'aménagement et du développement de son territoire basée sur l'occupation dynamique du territoire. Ce projet avait été déposé au gouvernement du Québec et malheureusement refusé. Cependant, nous voulons nous en inspirer pour proposer une expérimentation sur un territoire qui couvrirait environ 2 800 km² et situé dans la frange immédiate des municipalités du contrefort et dont la limite la plus éloignée serait à environ 65 km de la communauté de Mashteuiatsh.

Ce territoire offre des possibilités intéressantes de mise en valeur sur le plan forestier, faunique, touristique et agricole, et ses dimensions pourraient être exploitées en y développant des activités tant en période estivale qu'hivernale. Elle comprend une pourvoirie, une zec, des aires sous convention d'aménagement forestier, des sentiers de motoneige et de quad, des concentrations de villégiature, un centre de ski et un centre de vélo de montagne. Il pourrait être également ajusté ou modifié pour tenir compte d'un site patrimonial autour du lac Élaine et son axe d'accès via la route forestière, la L-211, pour y intégrer une partie sud de la réserve faunique Ashuapmushuan sur cette rivière.

Donc, à notre avis, cette expérimentation de partage et de cohabitation permettrait aux Innus et aux intervenants locaux et régionaux de définir une même vision de l'aménagement, de l'exploitation et de la mise en valeur d'un territoire, d'expérimenter des approches novatrices de conciliation de la pratique des droits qui résulteront du traité, d'offrir de nouvelles opportunités de développement économique pour les Innus et les populations périphériques.

Les opportunités de développement et les pistes d'expérimentation sont, à notre avis, très nombreuses. Citons quelques exemples: intensification des travaux d'aménagement forestier, exploitation forestière en collaboration avec la grande entreprise, restauration de certains milieux fauniques, activités traditionnelles de chasse, de pêche, de trappe pratiquées par les autochtones et les non-autochtones, gestion de baux de villégiature, mise en production de superficies à potentiel bleuet, villégiature touristique, observation animale, etc.

En somme, l'objectif d'une telle démarche est évidemment d'accroître la contribution du territoire au développement socioéconomique des communautés. Il est important que nous soyons impliqués dans une relation gagnant-gagnant, et nous sommes convaincus, en raison des relations privilégiées que nous entretenons avec la communauté de Mashteuiatsh, que notre milieu est celui qui est le mieux en mesure de démontrer, à court terme, cette forme de relation et les conditions de la maintenir.

La mise en oeuvre de cette expérimentation requiert un certain nombre de conditions facilitantes. Ces conditions sont, à notre avis, les suivantes: le gouvernement du Québec doit ratifier l'entente de principe convenue entre les négociateurs. Un signal clair doit être donné aux Innus si l'on souhaite une présence engagée de leur part. La direction de cette expérimentation doit reposer également sur des personnes imputables auprès de leurs milieux. En ce sens, la présence de représentants élus du milieu municipal, autochtone et gouvernemental est indispensable. La structure d'accompagnement et de gestion de cette expérience doit disposer d'une marge de manoeuvre nécessaire pour contourner certains écueils dans les cadres légaux et réglementaires actuels. Le mécanisme prévu aux articles 10.5 du Code municipal traitant des expériences-pilotes de délégation pourrait offrir une certaine piste de solution. Les droits détenus par les intervenants sur le territoire devront être respectés, et un budget suffisant devrait être mis à la disposition de cette expérimentation afin que l'aspect financier ne devienne pas un frein aux objectifs de l'expérimentation.

La délimitation de la zone d'expérimentation devra également être validée et reconnue par l'ensemble des partenaires. Nous estimons toutefois qu'elle devrait être suffisamment importante pour donner tout son sens à cette expérimentation et offrir des opportunités concrètes de développement et d'intégration des préoccupations autochtones. On pourrait penser à des projets de mise en valeur et d'exploitation développés en partenariat avec les jeunes et les deux communautés. On pourrait aussi penser à des projets d'aménagement et d'exploitation forestière dans lesquels des corporations locales de développement entraînent et forment des travailleurs innus. Nous avons déjà deux corporations locales de développement très actives dans ce domaine à La Dorée et au Lac-Bouchette. Ce scénario pourrait aussi se concrétiser en mettant sur pied une coopérative de travailleurs innus. Au moment de la rédaction, la coopérative des travailleurs n'était pas en place; elle l'est depuis immédiatement avant la période des Fêtes.

De toute évidence, notre imagination ne suffirait pas à énumérer tous les projets ou idées qui pourraient être mis de l'avant dans un tel contexte. De toute façon, plus on aura d'occasions d'échanger et de développer des idées et des projets avec nos amis innus, plus on atténuera les résistances et les craintes entretenues au sujet de l'Approche commune.

Voilà l'essentiel, le message que nous souhaitons porter devant cette commission. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que le gouvernement du Québec doit finaliser des ententes avec les peuples autochtones.

L'Approche commune propose un cadre auquel nous souscrivons d'emblée. Bien sûr, il y a des zones grises, des inquiétudes, voire même des craintes, et cela est tout à fait normal et même sain. Nous comprenons et nous reconnaissons qu'il était sans doute nécessaire que les grands principes de l'Approche commune devaient être négociés dans un cadre relativement fermé, mais nous croyons maintenant que la suite des négociations devrait se dérouler dans un environnement beaucoup plus ouvert et qui intègre au premier chef les habitants du territoire.

Nous estimons en terminant qu'il serait bénéfique de pouvoir mettre en application les aspects de l'Approche commune à l'intérieur d'un cadre expérimental qui offrirait aux communautés locales et aux Innus la possibilité de proposer, à l'intérieur d'un projet de forêt habitée, des opportunités de développement et d'activité basées sur une véritable occupation dynamique du territoire et de la région et de la gestion intégrée de l'ensemble de ces ressources.

Nous croyons enfin que le territoire de la MRC Domaine-du-Roy offre les conditions nécessaires pour permettre une expérimentation où tant les Innus que nos concitoyens seront impliqués dans une relation gagnant-gagnant. Nous sommes partants pour vivre avec nos amis innus une relation harmonieuse et pacifique basée sur un respect mutuel et une profonde conviction qu'ensemble nous pourrons continuer de développer notre milieu. De toute façon, nous sommes déjà à l'oeuvre. Merci.

Et, en annexe, vous trouvez la carte qui situe le territoire d'expérimentation proposé, dans la frange, dans le contrefort des municipalités qui constituent notre territoire.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le préfet. Justement, concernant la carte, je vais vous dire ? je me fais le porte-parole des collègues ? que nous apprécions que vous ayez ajouté en annexe cette carte qui nous permet de mieux situer votre MRC et les municipalités locales qui sont concernées.

M. le ministre, en vous indiquant que deux de vos collègues ont également demandé à pouvoir poser des questions.

n(10 h 50)n

M. Trudel: Merci, M. le Président, M. le préfet, les gens qui vous accompagnent, les maires. J'ai eu l'occasion hier d'entendre celui qui est à votre table, également du gouvernement régional, de la MRC, M. Lebel, maire de Roberval, et disons d'entrée de jeu: Votre position, publiquement exprimée, a toujours été on ne peut plus claire, M. le préfet, et ce matin, formellement, devant une institution de l'Assemblée nationale, vous réaffirmez non seulement la nécessité d'une entente, mais vous réaffirmez très clairement, au vu et au su du Québec, dans une de ses institutions officielles, que le Québec doit ratifier l'entente de principe convenue entre les négociateurs et pour que cela constitue un signal clair. Il s'agit d'un appui important parce que ? quelques éléments seulement ? quand la MRC Maria-Chapdelaine, quand la MRC Domaine-du-Roy viennent ici, en tant que personnes élues par la population formellement, donner l'appui à l'entente de principe et nous prient de procéder aux étapes nécessaires pour la conclusion d'un traité, bien, il y a là un degré de légitimité, quant à la provenance de ces personnes, qui ne fait aucune doute.

M. le préfet, il nous est maintenant suggéré, dans les étapes à venir, de procéder à la reconnaissance des principes dans l'entente de principe, de reconnaître l'entente de principe, et que nous puissions par ailleurs nous engager sur d'autres éléments, d'autres balises qui nous sont fixées et qui nous sont proposées ou suggérées dans le rapport Chevrette.

Est-ce que vous pensez, vous, vraiment, que ces choses sont conciliables, que nous puissions, comme le suggère votre MRC, comme vous le suggérez, M. Généreux, M. le préfet, que nous puissions ratifier l'entente de principe telle quelle et que nous puissions procéder par ailleurs à des négociations, toujours sur le plan de la négociation ultérieure, quant aux autres éléments qui sont particulièrement soulevés par le rapport de M. Chevrette?

M. Généreux (Bernard): Je pense que, au moment où on se parle, il nous apparaît très clair que, quant à la nécessité de la signature et de la formalisation de l'entente de principe, si on veut que le dialogue que l'on souhaite poursuivre et voire même expérimenter sur le terrain puisse s'appuyer sur des acquis... Autrement, le dialogue serait compromis quant à la solidité de ce qui constituerait la suite des choses. Donc, il nous apparaît que l'urgence et la nécessité de ratifier l'entente de principe est une étape charnière pour la suite des choses. Autrement, on continuerait d'être dans une espèce de nirvana de négociations où on ne saurait trop ce sur quoi on doit s'engager pour la suite des choses. Donc, oui, cette étape-là, elle est pour nous importante, elle est un signal clair quant à ce qu'il faudra aussi continuer de poursuivre en termes de discussions dans un contexte, comme on le signale, où on fait appel à beaucoup plus d'implications des habitants du territoire quant à comment tout cela se traduira dans le quotidien des choses. Mais, oui, on le répète et on le réaffirme, le temps de... On a établi à travers cette démarche-là les grands principes de ce qui devrait constituer l'entente et l'éventuel traité. Donc, il est nécessaire et déterminant qu'on puisse arrêter et camper cette étape-là par une signature très claire et définitive.

M. Trudel: Très bien, Maintenant, abordons toute cette façon de voir les choses en termes d'expérimentation quant à un contenu, bien orienter le partenariat avec l'autre nation, avec la nation innue sur certaines dimensions de votre territoire. Vous avez déjà accès, par exemple ? vous le soulignez dans votre mémoire ? à toute la politique de développement de la forêt habitée, n'est-ce pas, au niveau des municipalités locales. Est-ce que vous avez déjà ou fait des propositions ou des réalisations avec la nation innue, en particulier avec la communauté Mashteuiatsh, à l'égard des responsabilités que vous pouvez occuper en matière de forêt habitée, un élément stratégique en termes de développement, vous le soulignez très bien?

M. Généreux (Bernard): Effectivement, dans le cadre de ce qu'on appelle les TPI, qui sont de juridiction MRC, les transferts de pouvoirs, nous avons collaboré à un important projet proposé par la communauté de Mashteuiatsh sur la rivière Ashuapmushuan il y a deux ou trois ans. Donc, oui, ces sommes-là prennent en compte la présence de la communauté montagnaise sur le territoire. Et, déjà, nous avons engagé des sommes découlant du programme TPI pour supporter des initiatives qui venaient de la communauté de Mashteuiatsh.

Donc, ce partenariat-là que nous tentons d'illustrer dans plusieurs exemples, il est une réalité quotidienne de nos rapports avec la communauté montagnaise, et on souhaite qu'elle s'ouvre et qu'elle prenne toute la dimension qu'elle puisse prendre. Et, à cet égard-là, je dirais, les collaborations que nous entretenons, notamment, par le pacte rural, la présence de l'agent de développement rural... Et M. Potvin qui m'accompagne est un témoin quotidien de l'arrimage qui est en train de se faire entre ce qui apparaît de plus en plus comme un levier de développement important, qui est en train d'apparaître dans la communauté innue chez nous, et les responsabilités de la MRC, bien, cet arrimage-là, on le souhaite et on le pratique et on veut qu'il éclate d'une façon très particulière de façon à ce que le territoire d'expérimentation que nous vous proposons devienne une vitrine qui puisse démontrer à l'ensemble des incrédules qui peuvent rester autour de cette question-là qu'il y a chez nous non seulement la possibilité de s'entendre, mais une expérimentation qui met à contribution les talents et les potentiels, les cultures propres à chacune de nos communautés et qu'on puisse donner un signal à l'ensemble du Québec qu'il y a, au Domaine-du-Roy, un rapport exemplaire dans le développement d'un territoire qui aura été défini, partagé et planifié par nos deux communautés.

M. Trudel: Par ailleurs, toujours à ce chapitre d'une espèce de nouveau contrat social ? vous le précisez bien dans votre document, dans votre mémoire ? à la fin du mois de novembre, l'ensemble des régions du Québec, avec le gouvernement du Québec, ont convenu maintenant de la possibilité que puissent être présentés des projets de décentralisation au niveau des territoires de MRC ou des régions administratives, suivant les objets.

Est-ce que cela, pour vous, c'est une perche à saisir et que vous avez l'intention de formuler peut-être avec vos partenaires de Mashteuiatsh, innus, la présentation d'un projet qui là, formellement, pourrait être reçu, maintenant que ça a été adopté comme principe et reconnu, présenter un projet de décentralisation ou de gestion qui pourrait s'inscrire dans cette perspective non seulement de la forêt habitée, comme vous venez de l'indiquer, non seulement dans ce qui s'applique déjà au niveau du pacte rural, mais qui pourrait se prolonger, c'est systématique? Est-ce que vous avez l'intention de travailler à présenter ce projet dans le cadre de l'ouverture nationale qui a été faite?

M. Généreux (Bernard): Si j'entends par votre question que c'est une invitation à déposer, dans ce cadre-là, l'expérience ou l'expérimentation que nous suggérons, nous ne ménagerons aucun moyen et aucune ouverture pour permettre l'atteinte de cet objectif et dans la mesure où on aura un signal clair quant à la réceptivité de ce projet-là et que ce projet-là pourra également se réaliser dans un contexte où il sera dégagé de la norme souvent mur à mur à laquelle on est confrontés et qui vient annuler les ambitions qui sont portées par ces projets-là. Donc, oui, si c'est le canal par lequel doit être acheminée cette expérimentation-là et qu'elle puisse accueillir en fait toutes les conditions qui vont en permettre la réalisation, nous l'emprunterons de façon optimiste.

M. Trudel: Je vous invite à l'emprunter, M. le préfet.

n(11 heures)n

M. Lebel (Denis): Si le préfet me le permet... M. le ministre, si on regarde ce qu'on dépose comme projet, c'est aussi une prise de conscience importante de nos responsabilités. Nous avons six municipalités... cinq municipalités du Contrefort, la plaine étant sur le bord du lac Saint-Jean, le Contrefort, qui sont en dévitalisation de façon importante. On a ciblé ce secteur-là pour le projet qui vous est présenté; on jumelle à ça le partenariat avec le monde autochtone; et en plus, on permet une expérimentation dans ce qui semble le plus fragile ou parmi les éléments les plus fragiles, c'est-à-dire toute la pratique de nos loisirs en villégiature, en secteur de chasse, de pêche et en termes de développement du territoire. Ça faisait déjà pas mal large. Si vous nous proposez une autre activité dans laquelle on peut passer, il faudra faire quelque chose de concerté sur notre territoire, mais c'est clair que ? vous voyez ce qui est déjà là ? on est déjà très ouvert, en termes de territoire. Les municipalités de Roberval et de Saint-Félicien, tout le monde ensemble, on est ici ensemble, on veut voir l'avenir, et je suis sûr qu'on ira vers ça.

M. Généreux (Bernard): Et j'ajouterais que le potentiel de revenus générés par ces activités nous porte à croire qu'on sera probablement capable d'autofinancer sinon de bien en vivre de l'ensemble des revenus découlant de ces activités-là et d'en faire le partage pour le mettre au service du développement de notre territoire.

M. Trudel: Avec la dernière pièce législative qui a été ajoutée en décembre assurant des responsabilités en matière de planification économique, sociale et culturelle par les MRC, au niveau des gouvernements régionaux que sont les MRC, cette invitation, M. le maire, M. le préfet, est à l'effet évidemment de présenter votre projet avec vos aspirations et quels sont les domaines les plus porteurs d'avenir pour vous. Il y a une nouvelle porte qui est ouverte là.

Avant de laisser, M. le Président, la parole à mes collègues, il y a une question bien particulière qui m'interpelle dans le temps aussi. Il est suggéré, dans le projet d'entente et surtout dans le rapport de M. Chevrette, d'utiliser la politique de délégation de gestion pour la gestion de l'Ashuapmushuan. Est-ce que vous seriez d'accord que cette voie soit utilisée dans le traitement de cette question, et, ultérieurement, de la délégation de gestion de cette partie du royaume par la communauté innue de Mashteuiatsh?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, je pense que c'est, je dirais, à la base même de nos engagements et de notre responsabilité, comme municipalité régionale de comté, de nous assurer de la gestion du territoire et de sa planification, son aménagement, et ça, dans la mesure où on nous laisse aller et qu'on nous donne finalement la liberté d'agir sur ces territoires-là, je pense qu'effectivement on est prêts à assumer cette responsabilité-là et à l'assumer. Cependant, quand on a eu à vivre, encore récemment, des décisions unilatérales là du gouvernement sur la désignation de l'aire protégée de l'Ashuapmushuan et la décision à l'égard des mini-centrales, on s'interroge sur la latitude qu'on veut bien nous laisser sur la compréhension qu'on a et qu'on sent en regard des enjeux qui sont présents sur notre territoire quant à la manière d'en faire le développement.

Donc, oui, on est prêt à assumer ce rôle-là de délégation et de responsabilité à l'égard de l'aménagement, mais il faudra que le contrat dans la délégation soit clair, de façon à ce qu'on puisse avancer sur nos objectifs sans se faire, je dirais, soustraire ce qui nous apparaît être de notre responsabilité ou de la responsabilité qu'on nous a déléguée. Donc, oui, on est prêt à le faire; on a la maturité politique pour le faire, et, dans la mesure où, pour pouvoir le faire, on puisse aussi avoir des règles du jeu qui sont claires.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac, en vous indiquant qu'il reste cinq minutes du côté ministériel. Alors, si vous voulez donner un petit coup de main au député de Roberval qui a demandé aussi d'intervenir.

M. Boulianne: O.K. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à la commission. Pour réaliser tout ça, évidemment, vous parlez d'une autonomie qui est un... vous le définissez comme un puissant levier de mobilisation. On a parlé... tout à l'heure, on a fait une distinction au député de Jacques-Cartier entre l'autonomie à la nation et aussi aux communautés. Est-ce que, pour vous autres, c'est important? Est-ce que vous êtes plutôt partisans de l'autonomie à la nation ou encore par communauté?

M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, je pense que la négociation à laquelle on assiste est une négociation de nation à nation. Elle a toujours été présentée comme ça. Cependant, dans l'application quotidienne, nous, nous sommes davantage en relation avec la communauté, ses intervenants et ses acteurs qu'avec le gouvernement innu, donc, que ça, ça passe par le biais d'ententes entre gouvernements. Dans la mesure où, je pense, on peut se prétendre être un gouvernement local et régional constitué, il faudra convenir de rapports qui puissent aussi faire l'objet d'ententes entre nos gouvernements. Mais je pense que ce qui est davantage important, c'est que, comment, sur le terrain et dans le quotidien des choses, dans nos rapports avec les individus et ceux qui sont mandataires des responsabilités qu'on a à assumer, ça puisse se traduire en projets et en actions. C'est là que ça va prendre son sens, à notre avis.

M. Boulianne: Vous faites une comparaison entre l'autonomie et la décentralisation, vous en parlez. Est-ce que, sans prêter d'intentions, la reconnaissance de l'autonomie ne serait pas aussi l'occasion de faire un exercice de décentralisation des pouvoirs vers...

M. Généreux (Bernard): Écoutez, je pense que tout ce qui contribue à rapprocher des communautés ou des centres de décision des responsabilités, on est acheteur. On le sait, c'est par là que va devoir passer la solution à la mise en valeur du potentiel de nos territoires, parce que, on le dit puis on l'affirme très clairement, ceux qui connaissent bien le territoire, c'est ceux qui l'habitent et non pas ceux qui le gèrent. Donc, cette responsabilité de gestion, dans la mesure où elle est rapprochée de ceux qui l'habitent, je pense qu'on est gagnant, tout le monde.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à remercier M. le préfet de même que M. le maire de Roberval, le maire de La Doré de même que Gilles, notre ami Gilles. Je vais aller rapidement, parce que je sais que le temps est court. À la page 9 de votre mémoire, vous mentionnez que le gouvernement a déjà refusé un projet-pilote. Mais, comme je connais les gens du Lac-Saint-Jean, je connais bien un peu comme ça, les gens de l'Abitibi, il s'agit de leur refuser quelque chose pour qu'ils continuent quand même. Alors là, j'ai l'impression que vous avez continué à collaborer, à mettre en place les structures nécessaires à réaliser ce projet-là, et je crois qu'il y a même un projet industriel au niveau de la deuxième et troisième transformations qui est en perspective dans ce projet-pilote-là. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus quelques instants.

M. Généreux (Bernard): Effectivement, quand on avait réfléchi sur ce qu'on avait appelé l'«occupation dynamique du territoire» et qu'on avait tenté de faire partager avec le ministère des Régions... Mais, en dépit, je dirais, du refus d'adhérer à notre point de vue, il reste néanmoins que notre conviction, elle est que le développement de notre territoire, il passe par son occupation. En regard des projets d'usine... liés à la transformation ou la mise en valeur des valeurs forestières, j'inviterais peut-être M. Potvin à nous faire état de qu'est-ce qu'il se fait déjà en partenariat avec la communauté de Mashteuiatsh sur des projets liés à la gestion forestière.

M. Potvin (Gilles): Oui. Justement, depuis le dépôt de notre projet d'occupation dynamique du territoire, la communauté de Mashteuiatsh s'est dotée d'outils, entre autres d'une corporation de développement, il y a quelques années, et d'une planification stratégique très intéressante qui venait rencontrer la planification que le CLD du territoire Domaine-du-Roy s'était donnée, un peu la planification de la MRC, de sorte qu'on s'est rencontrés sur des objectifs de développement et de consolidation de certains secteurs de notre économie, entre autres, l'exploitation de la ressource, pour déboucher au moment où on se parle sur des projets de relance de scieries qui sont en difficulté dans notre territoire, puis, avec l'apport, la vision nouvelle, différente des autochtones, entre autres dans des activités de déroulage, par exemple, du feuillu, qui n'était pas une tradition, qui n'était pas de culture régionale. La vision de ces nouveaux partenaires-là nous permet d'envisager peut-être la relance et la consolidation de deux entreprises qui sont en difficulté au moment où on se parle.

Alors, on s'est rencontrés naturellement avec des intérêts communs et puis des perspectives de mise en valeur très intéressantes, de sorte qu'on va probablement consolider puis rajouter dans des projets conjoints peut-être une cinquantaine d'emplois et puis faire main basse ? c'est une façon de parler, en tout cas ? collectivement de façon communautaire sur à peu près 100 000 m de feuillus qui étaient à plus ou moins long terme menacés d'être transférés ailleurs ou pas mis en valeur sur notre territoire. Alors, ça, c'est un projet très concret, un exemple de collaboration qu'on a mise en place depuis les dernières années.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Jacques-Cartier, porte-parole de l'opposition officielle.

n(11 h 10)n

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Avant de m'adresser aux élus de la MRC Domaine-du-Roy, je veux juste ouvrir une parenthèse pour saluer la présence de deux citoyens de cette région, M. Paul St-Amand et son épouse, comme bel exemple, deux citoyens qui sont très intéressés. M. St-Amand m'a appelé à une couple de reprises pour partager ses commentaires, ses inquiétudes, ses questionnements sur l'entente. Ils ont pris la peine ce matin, si j'ai bien compris, de prendre leur voiture, descendre ici, suivre nos travaux. Alors, je veux juste souligner: deux citoyens qui s'intéressent, qui sont engagés, comme un exemple de... dans l'importance de qu'est-ce qu'on est en train de faire, ici. Alors, un mot spécial de bienvenue à M. et Mme St-Amand.

Maintenant, bienvenue aux élus du Domaine de... Et, je pense que... j'ai lu avec intérêt tout le passage sur l'expérience-pilote ou le projet-pilote, que c'est une idée qui circule dans la région, si j'ai bien compris. Notre futur... ou notre candidat libéral dans le comté de Roberval, M. Karl Blackburn, m'a appelé à ce sujet pour voir est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire, ici. Alors, je veux juste mieux comprendre comment ça peut fonctionner, parce que je pense qu'on a vu, avec le rapport de M. Chevrette, que le point peut-être le plus sensible dans tout ça, c'est les questions de la chasse et pêche, et il faut une entente complémentaire, il faut d'autres négociations avant de finaliser: ça va être quoi, la pratique de ces droits ancestraux dans Nitassinan.

Alors, je me demande, à ce stade-ci... Parce que vous avez proposé entre autres les activités traditionnelles de chasse, pêche et trappe pratiquées par les autochtones et les non-autochtones faisant partie de votre projet-pilote, mais si on n'a pas vraiment établi les règles du jeu encore, si on est toujours en train de négocier, comment est-ce que je peux faire un projet-pilote, si je n'ai pas préalablement établi les règles du jeu?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, je pense que, sans vouloir faire de notre mémoire l'inspiration de la campagne électorale dans le comté de Roberval, l'expérimentation de ce qui est prévu en regard des activités traditionnelles de chasse et pêche nous apparaît effectivement une opportunité de convenir entre nous, sur un territoire sur lequel on se serait entendus, de la manière dont on va pratiquer ces activités-là.

On sait qu'actuellement les activités traditionnelles liées à la subsistance, etc., n'ont pas de cadre très défini. Et le pari que nous faisons, c'est que, avant même qu'on ait engagé des discussions dans ce qui doit être les étapes à venir, on puisse expérimenter sur ce territoire-là, par des règles que l'on aura convenues entre nous, des pratiques de chasse, de pêche. Et on sait que, dans les secteurs où sont présents les pourvoiries, les zecs, ces activités-là sont souvent, et actuellement, sources de tensions, parce qu'elles ne sont pas définies. Et il faut, je pense, déjà essayer d'imaginer que, dans un territoire comme ça, où des activités récréatives de ce type-là sont confrontées à des activités traditionnelles non définies, bien, on pourrait peut-être effectivement, à travers notre expérimentation, servir de définition à comment cette question-là pourrait se régler dans l'étape des discussions à venir.

Et c'est pourquoi on insiste sur la nécessité d'engager cette démarche-là avant même d'arriver au traité. Parce que, si on attend la signature du traité, on sait qu'on en a peut-être pour encore quelques années avant d'être rendus à cette étape-là, donc que, maintenant, on puisse engager une expérimentation où on réglera, par entente ou par convention, comment doivent se pratiquer les activités de chasse, de pêche, de trappage sur le territoire désigné.

M. Kelley: Mais, deux questions me viennent à l'esprit. Parce que vous avez dit: Préalablement, il faut signer l'entente de principe. Alors, on va faire ça comme première étape. Mais les agents de la faune, soit les agents de la faune du gouvernement, peut-être on va, dès maintenant... Je parle toujours de la faune, parce que je pense tout le monde a convenu que c'est le point le plus sensible, et il y a d'autres éléments où les ententes vont être plus faciles. Mais par la faune, on va former quelques agents de la faune innus, peut-être. Mais j'essaie de faire toujours l'arrimage entre la négociation qui va continuer pour en arriver à un traité. Je fais le lien également avec une entente complémentaire, qui va découler. Il y aura un genre d'entente par expérimentation chez vous, qui peut-être sera exploitable à Essipit-Escoumins ou non ou à Natashquan ou non.

Je trouve l'idée géniale. Alors, c'est de ne pas dire que je suis réfractaire à l'idée mais j'essaie de comprendre. Pas trop compliqué d'avoir comme quatre tables de négociation sur la faune; on va arriver avec certaines choses qui peut-être marcheraient dans la MRC Domaine-du-Roy avec Mashteuiatsh. Mais, comment je vais faire l'arrimage avec Essipit-Les Escoumins et les pourvoiries qui sont là? Je veux éviter le mur-à-mur mais, quand même, il y aura une table centrale de négociation. Comment est-ce que cette expérimentation est prévue dans l'entente? Que, comme j'ai dit, je trouve l'idée géniale. Alors, mais j'essaie de mieux comprendre comment je peux faire tout ça sans compliquer davantage une négociation qui est déjà très complexe.

M. Généreux (Bernard): M. Asselin, de La Doré, qui justement est à proximité de ce territoire-là, pourrait permettre d'illustrer ce que ça pourrait être.

M. Asselin (Jacques): Alors, vous avez déjà salué M. St-Amand qui est un ex-propriétaire de pourvoirie à proximité de notre municipalité. Il faut savoir que les propriétaires actuels déjà, bien qu'il n'y ait pas d'entente ou de convention, indiquent sommairement aux gestionnaires de territoires de trappe quel serait le secteur privilégié, selon eux, pour aller abattre leur orignal à telle époque. Ils discutent aussi entre eux des secteurs où il y a présentement des chasseurs qui sont actifs et les secteurs qui sont non actifs, pour ce qui est de la chasse à l'orignal.

Il faudrait rappeler aussi que, présentement, il y en a déjà des droits ancestraux de reconnus. Il faut savoir qu'il y a des agents de conservation du gouvernement du Québec qui sont présents sur le territoire; il faut savoir aussi qu'il y a des agents de conservation de la communauté de Mashteuiatsh qui sont présents sur le territoire. Il faut distinguer aussi la chasse, le piégeage et la pêche ainsi que le type d'équipement qu'on utilise. Et, à mon sens, pour répondre à votre question de façon plus précise, pour le secteur des Escoumins que vous voudrez peut-être importer, le modèle, il va certainement nécessiter qu'il y ait un monitoring de comment ça va. Et, à ce moment-là le monitoring sera réalisé sur le terrain par les agents de la faune des deux communautés, plus les représentants de la MRC où des pourvoyeurs ou des associations de trappeurs indiqueront le déroulement des activités, les embûches et qu'est-ce qui ne fonctionne pas et ils relaieront ça aux tables sectorielles qui, à mon point de vue, m'inquiètent parce que c'est des territoires multiressources. Et, si on sectoralise trop, on va travailler en silo, ce qui va faire qu'il n'y aura pas de dynamique intersectorielle, alors que le territoire, il est multiressources. Ça, c'est un élément important, à mon point de vue, à retenir.

Et, moi, personnellement, je voulais faire un commentaire général sur... On a abordé beaucoup le mémoire avec la notion de «territoire». Et, pour ceux qui sont peut-être férus d'histoire, il faut se rappeler que les civilisations qui n'ont pas occupé dynamiquement le territoire sont presque toutes disparues à ce moment-ci. On n'en fera pas le lexique mais on pourrait commencer par les Romains et les autres empires. Et qu'est-ce qui guette le Québec et le Canada aussi, à mon sens? C'est que la non-occupation et la non-dynamisation des territoires va nous emmener une aliénation globale de ces territoires-là, en commençant par l'exode rural et la végétation de plusieurs communautés, dont ceux en contrefort de la MRC dont je suis, une municipalité. Merci.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Je voudrais juste une précision concernant le projet-pilote: Est-ce que je comprends qu'on va de l'avant avec l'entente? On signe l'entente et, pour la suite des négociations, s'installent des projets-pilotes? Qu'est-ce qui arrive sur les autres territoires? Est-ce qu'on suspend les négociations pour voir comment ça va aller dans le projet-pilote ou, en même temps qu'on va de l'avant avec un projet-pilote, on continue les négociations pour une signature d'entente spécifique ou d'entente d'un traité?

M. Asselin (Jacques): Moi, j'ai compris que l'entente de principe était évolutive et il y avait des grands volets qui étaient à construire de toutes pièces, notamment l'exploitation des ressources et la protection de la faune. Et cette dimension-là, nous, on est prêt à expérimenter dans notre secteur ce qu'on propose et partager nos échecs comme nos succès avec les autres. Mais on considère que quand on aura géré notre territoire et les projets qu'on propose, ça va être suffisant, qu'on transmettra via des courroies de communication appropriées nos résultats, et ce sera à l'État, à la nation de s'inspirer de ces résultats-là pour bonifier et articuler des négociations positives qui vont nous amener à un traité éventuel.

Et les deux éléments importants, c'est: il y a deux ressources, au niveau de la faune, il y a deux ressources fragiles, là, il y a la ouananiche puis l'orignal; les autres éléments, on n'en parle pas. Mais la réserve de castors, finalement, il y a un surplus de population là parce qu'il y a un déclin du piégeage au castor. Alors, c'est toutes des choses qu'on pourra discuter sur le terrain, ce n'est pas nécessaire à notre sens d'être arbitré ni à Ottawa ni à Québec.

n(11 h 20)n

M. Généreux (Bernard): M. Lebel, en complémentaire.

M. Lebel (Denis): Évidemment, non, M. Asselin a dit l'essentiel de ce que je voulais dire. Nous proposons, en partant du principe que tout le monde est d'accord qu'il y a besoin d'y avoir une entente, et nous pensons que de l'expérimenter peut être intéressant, sans bloquer le processus évolutif, ce sera des intrants qui permettront de voir si ce qu'on décide est applicable. Et l'ensemble du territoire québécois serait géré par vous autres qui allez continuer à le faire. Nous, on a un territoire de MRC à gérer, puis on va essayer de bien le faire.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui. À la page 5 du mémoire, vous écrivez qu'il serait sage, troisième paragraphe... «Il serait sage, à notre avis, que les volumes de bois que l'on souhaite attribuer dans le cadre de l'Approche commune proviennent ou résultent d'une stratégie forestière qui favorise l'accroissement de la possibilité forestière.» Est-ce que je dois comprendre qu'on va... je voudrais que vous m'expliquiez puis que vous m'éclairiez: Est-ce que le 250 000 m³ qu'on veut rendre disponible pour la communauté innue serait suspendu jusqu'au temps qu'on ait laissé les arbustes pousser? Ou...

M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, je pense qu'on a attiré l'attention de la commission sur certains resserrements dans la gestion du partage forestier, là, qui résultent de politiques, là, du régime forestier. Cependant, quand on parle de 250 000 m³, là, qui serait consenti aux communautés autochtones, il apparaît qu'on devra prendre en compte ces limites qu'on s'impose par ailleurs, tout en recherchant... Puis je pense que M. Potvin, tantôt, faisait état de la présence de feuillus. Souvent, quand on parle de volume forestier, on réfère souvent aux épinettes, hein, qui est un peu la matière première ou la ressource privilégiée chez nous. Mais tout, je dirais, le développement, le potentiel de développement qu'il y a autour du feuillu et que l'on sous-exploite et que l'on souvent néglige constitue en soi, aussi, une opportunité de développement. Et quand on parlait des activités de déroulage, par exemple, qui est une activité qui est tout à fait nouvelle chez nous, bien, ça, ça se fait avec du feuillu. Et il y a là probablement aussi à prendre en compte ces volumes-là qui pourraient aussi servir des volumes qui seraient examinés en vue de mettre au service de la communauté pour son développement.

Donc, oui, il faut... L'idée, c'est de regarder l'ensemble des éléments du portrait plutôt que de continuer d'accorder des volumes sans considérer les impacts que ça a par ailleurs. Donc, c'est d'avoir une vue d'ensemble sur cette question-là. C'est la préoccupation. Peut-être M. Potvin pourrait compléter.

M. Potvin (Gilles): Peut-être un petit point d'éclaircissement. C'est qu'on pense, nous, que la notion de rendement accru qui est dans l'air depuis des années ? on a eu des projets avec les corporations locales de développement où on a tenté des petites expériences ? on pense que cette notion-là serait plus compatible avec la vision, la philosophie de l'entrepreneur collectif qu'on veut mettre en place, nous, avec les Innus, la notion de jardinage, là, d'approche un peu plus avisée, là, entre guillemets, là, de la ressource.

Dans cette zone-là, à 65 kilomètres, là, c'est le pourtour du lac dans le contrefort, c'est des territoires qui ont été exploités depuis peut-être 50 ans qui commencent à peine, là, à revenir un peu, qui ont été réaménagés sommairement. On pense qu'une intervention nouvelle, accélérée, avec les nouvelles données, les nouvelles notions de sylviculture nous permettrait d'anticiper assez rapidement des rendements exceptionnels dans ces territoires-là. Les territoires qui sont bien drainés, les territoires qui bénéficient d'un espèce de microclimat, c'est le grand pourtour du Lac-Saint-Jean-Ouest, alors on pense qu'on pourrait anticiper des rendements très intéressants et puis redécouvrir des potentiels qui sont mésestimés à l'heure actuelle parce qu'ils sont sous... C'est des territoires conventionnés, des CAAF qui appartiennent à la grande entreprise... on n'y voit pas nécessairement son compte d'accentuer l'aménagement forestier. Alors, nous, avec les coopératives de travailleurs des corporations locales et de la communauté de Mashteuiatsh, on pense qu'on pourrait intervenir massivement puis anticiper des nouveaux potentiels.

Mme Gauthier: Une dernière question, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): ...

Mme Gauthier: Merci. Au niveau des redevances évidemment, à la page 6 de votre mémoire, vous dites: «C'est pourquoi nous croyons que le processus de négociation serait sans doute facilité si les revendications régionales en matière de partage des redevances étaient reconnues et traitées en même temps que celles débattues à l'intérieur de l'Approche commune.»

Quand vous dites que les négociations seraient facilitées, qu'est-ce que vous entendez?

M. Généreux (Bernard): Bien écoutez, je pense qu'on connaît tous la traditionnelle revendication des régions à l'égard des redevances, et je pense ça a été, d'une manière très éloquente, illustré lors du dernier Rendez-vous des régions.

Et d'ailleurs il y a une commission qui actuellement circule dans la région pour tenter de trouver solution à cette entente ou comment est-ce qu'on pourrait toucher davantage ou mettre au service du développement des régions toute la question des redevances. Et ça, bien, ce qu'on tente de signaler par cette affirmation, c'est que ce qu'on reconnaît comme étant, je dirais, une réponse aux revendications autochtones, là-dessus ou sur cette question-là, on se rejoint. Et on souhaiterait qu'aussi on puisse commencer à traduire ça en réponses aux populations régionales de la même manière qu'on s'apprêterait à le faire à l'intérieur de la signature de cette entente.

Mme Gauthier: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. de la MRC Domaine-du-Roy, MM. Généreux, Lebel, Asselin et Potvin, pour votre présentation ici ce matin. Merci.

M. Généreux (Bernard): Merci de votre attention.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Lachance): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux, et nous allons maintenant entendre les représentants de la Fédération québécoise de la faune. Bienvenue, messieurs. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une présentation d'une durée maximum de 20 minutes.

Fédération québécoise de la faune (FQF)

M. Vézina (Guy): Merci beaucoup, M. le Président. Si vous le permettez, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, j'aimerais présenter l'équipe qui m'appuie aujourd'hui. À ma droite, je vous présente M. Alain Cossette, écologiste et directeur général à la Fédération québécoise de la faune, bien sûr aussi chasseur et pêcheur; à ma gauche, vous avez M. Martin Savard, biologiste et responsable du suivi des dossiers autochtones, aussi chasseur et pêcheur. Finalement, moi-même, Guy Vézina, je suis bénévole et membre du conseil d'administration, délégué par celui-ci pour vous présenter les faits saillants de notre mémoire, et aussi, certainement, chasseur et pêcheur.

Premièrement, la Fédération québécoise de la faune désire remercier le ministre responsable des Affaires autochtones, M. Rémy Trudel, pour son invitation à participer à cette commission parlementaire dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document portant sur l'entente de principe d'ordre général.

D'abord, la Fédération québécoise de la faune est un organisme à but non lucratif dont l'existence remonte à 1946. Ça fait près de 57 ans que nous oeuvrons dans ce domaine-là. Nous regroupons 220 associations représentant plus de 150 000 chasseurs et pêcheurs, répartis au travers de 14 régions administratives, ce qui couvre l'ensemble du territoire québécois. Nous avons aussi des membres associés représentant des industriels forestiers et des MRC.

Si notre zone d'influence se veut dans le domaine de la chasse et de la pêche, notre zone d'intérêt comprend certainement les habitats fauniques. Nos organisations régionales participent activement, par voie de consultation auprès des membres, aux dossiers tant locaux que provinciaux. Notre politique en est une de coopération mutuelle entre les différents partenaires de la faune, tant au Québec qu'au Canada. Notre mission fondamentale est le représentation et la défense des droits des chasseurs et des pêcheurs au Québec.

Rapidement, pour fins de statistiques, la pêche représente 3 millions d'adeptes au sein de la province de Québec. Il y a 1,1 million de certificats de chasseurs actuellement en circulation et 775 000 chasseurs actifs dans ces activités. La statistique reprend environ cinq années. Pour ceux qui vont faire des vérifications, ça ne correspond pas tout à fait au nombre de permis vendus mais à la population qui aura pratiqué ces activités durant les cinq dernières années.

Nous sommes convaincus que c'est dans le domaine de la chasse et de la pêche que se décidera l'acceptation publique des relations qui s'établiront entre les populations innues et non amérindiennes suite à l'adoption d'un éventuel traité. Pour appuyer cette position, si on fait le recensement de tout le contentieux judiciaire des dernières années des cours d'appel au Canada, principalement la Cour suprême, l'ensemble des questions soumises aux tribunaux traitaient de la chasse, de la pêche, de ses modalités. Accès à la ressource, quantité, utilisation des permis, tout tourne alentour de ça, et c'est ça qui nous amène à devoir négocier dans le cadre de modalités. Et vient se greffer à ça, quant à la subsistance et à la survie, tout le domaine socioéconomique. Donc, la chasse et la pêche ont été vraiment le fer de lance qui a ouvert tout le contentieux. La chasse, la pêche, la cueillette et le piégeage constituent pour les autochtones des droits ancestraux, alors que, pour nous, il s'agit d'activités patrimoniales. Cette convergence d'intérêts favorise une compréhension mutuelle entre nos deux groupes dans le processus actuellement engagé.

Essentiellement, notre mémoire consiste à réclamer une participation réelle des chasseurs et des pêcheurs au futur processus de négociation du traité. Nous désirons l'établissement d'une table sectorielle sur la faune, table à laquelle une place devrait être réservée au Groupe-faune national. Le Groupe-faune national est un comité représentant les principaux organismes à caractère faunique du Québec. Il est chargé de conseiller l'équipe du ministre responsable de la Faune et des Parcs du Québec sur ces questions. Les membres qui forment ce comité sont: la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec, la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs du Québec, comprendre zecs, zones d'exploitation contrôlée, la Fédération des pourvoiries du Québec, la Fédération québécoise pour le saumon atlantique et, finalement, la Fédération québécoise de la faune. Si notre proposition est retenue, ce comité devra être appuyé par un secrétariat.

J'aborderai maintenant les propositions de la Fédération québécoise de la faune. Nos principales craintes sont alimentées par l'incertitude dans les définitions de certains termes contenus dans l'entente et par l'inconnu entourant l'élaboration et la direction du processus de négociation à venir sur le traité et les ententes complémentaires. C'est dans ce contexte que s'inscrit notre proposition. Nous sommes convaincus que notre proposition contribuera significativement à une information utile auprès du ministre responsable durant le processus de négociation à venir.

Avant d'aborder les recommandations de notre mémoire, nous désirons faire prendre conscience que les parties n'aborderont pas ces négociations à partir d'un même point de vue. Pour la majorité non amérindienne, les activités patrimoniales seront des accessoires à cette entente. Nous, ce qui nous préoccupe comme société, c'est l'aspect économique, normalement. Pour les Innus, ces mêmes activités sont carrément au coeur de l'entente. Je réfère ici au contentieux que j'ai mentionné tantôt, juridique, qui a ouvert tout le débat. Ces différences dans les approches influenceront les négociations et la réception des résultats dans les populations respectives.

Au moment où on se parle, parce que souvent les gens pensent que toutes ces ententes-là touchent les Nord-côtiers, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, la capitale nationale est actuellement sise en plein milieu d'un Nitassinan. Nous sommes ici dans le Nitassinan sud-ouest, ça va jusqu'à Montréal presque. L'île d'Orléans, la réserve des Laurentides, Lac-Beauport, la réserve nationale du Cap-Tourmente, La Côte-de-Beaupré sont actuellement dans un Nitassinan dans l'entente. Donc, dans le statut juridique actuel, pour les pratiques de chasse et de pêche, où est-ce qu'il n'y a pas du tout d'accord au moment où on se parle, un autochtone a accès sur tout le territoire parce que ce n'est pas réglementé, il n'y a pas de règles du jeu. Vous allez me dire: Bon, concrètement, c'est quoi que vous voulez dire, monsieur? Pour les municipalités, actuellement, ici il y a plusieurs municipalités qui réglementent le tir des armes à feu, des engins de chasse, et qui, indirectement, influencent la pratique de la chasse et de la pêche. Si ces pratiques-là ou ces règles-là municipales peuvent efficacement nous influencer, elles risquent de devenir inopérantes en dehors d'un cadre clairement établi, devant des contestations judiciaires en appel.

Je vais revenir maintenant un petit peu plus sur le domaine de la propriété privée. Dans la région de Québec, il y a beaucoup de ce qu'on appelle, nous, des lacs enclavés. Un lac enclavé, c'est un beau cours d'eau, un beau plan d'eau entouré de jolies maisons cossues, où la majorité des gens qui ne sont pas propriétaires n'ont pas accès. Pour ces gens-là, la situation actuelle fait qu'ils sont assez confortables, mais je ne crois pas qu'ils seraient heureux, en l'absence d'un traité dûment signé et dans les règles actuelles, de voir des autochtones dire: Nous, compte tenu de nos droits patrimoniaux, nous avons accès à ce cours d'eau là et nous allons y pratiquer, malgré votre droit de propriété. D'où tout l'intérêt à s'entendre et à définir les termes.

n(11 h 40)n

Et aussi, la nature humaine étant ce qu'elle est, les gens sont très interprétatifs. On donne un texte et nous interprétons. En appui de ce fait, la décision Marshall est l'exemple peut-être le plus éloquent. On est parti d'une pêche illégale, semble-t-il, à l'anguille, 450 lbs, 463, et on s'est ramassés avec une armada de pêche au homard, par une interprétation du jugement, ce que devrait rétablir normalement l'entente par des règles claires, nettes et précises. D'où les recommandations qui s'en viennent.

À partir de cette mise en contexte, j'aborderai sept éléments parmi nos 20 recommandations au mémoire. Ces recommandations et les points que je vais soulever font suite aux recommandations qui ont été faites auprès de nos membres et de nos instances.

D'abord, nous mentionnons que nous sommes d'accord, d'accord avec le principe d'une entente en vue d'une négociation pour obtenir un traité. Ensuite, et préalablement à la ratification de l'entente, nous souhaitons que la définition de conservation soit modifiée pour inclure la notion d'activités intégrées, permettant ainsi un prélèvement pour tous et pour l'avenir ainsi qu'un partage équitable.

Nous souhaitons aussi, préalablement, la ratification de l'entente, que celle-ci soit modifiée pour que l'on puisse distinguer «préséance» et «priorité» dans le prélèvement de la ressource. Ce qu'on veut dire par là: on parle de priorités, nous, on veut être certain qu'il ne s'agit pas de préséance dans l'interprétation des termes que les gens en feront. Nous recommandons aussi, préalablement à cette ratification, qu'elle soit modifiée pour que des définitions préalables des termes «prélèvement pour fins de subsistance», «alimentaires», «rituelles» et «sociales» soient faites.

Nous demandons aussi, préalablement à la ratification, le retrait de l'Île d'Anticosti et de la zone sud-ouest du Nitassinan: Anticosti parce que c'est un milieu naturel modifié, et la zone du sud-ouest parce que c'est une zone fortement urbanisée et aussi qui fait l'objet maintenant de nombreuses ententes négociées avec les populations autochtones actuelles qui l'occupent, ententes qui devront être respectées ou qui devront certainement être prises en compte dans les négociations à venir.

Maintenant et hors de modification de l'entente, nous proposons que le projet-pilote porte sur la pratique des activités ancestrales. Il n'existe, à notre point de vue, aucun autre domaine prévu dans l'entente où un projet-pilote aurait plus d'effet pour démontrer les impacts concrets, pratico-pratiques, de l'application du traité et des ententes complémentaires sur le terrain. La portée territoriale, économique et sociale de ce projet-pilote validera les modalités du traité et de l'entente.

Je fais une parenthèse. Nous réclamons le retrait du Nitassinan sud-ouest. Advenant que la volonté gouvernementale soit de le maintenir, le projet-pilote permettra une mesure directe, immédiate, ici même, du succès de l'entente et de ses applications. Nous n'aurons pas à nous expatrier, prendre une voiture ou les avions et aller en zone ou en région pour voir est-ce que ça fonctionne. Ça va se passer dans notre cour, ici même.

Finalement, comme dernière recommandation pour cette présentation, l'intégration au processus de négociation visant la rédaction du traité d'une structure consultative, on réfère ici au Groupe-faune national. Nous avons compris des termes utilisés dans l'entente que les négociateurs chargés de la rédaction du traité s'appuieraient sur les dispositions de la table sectorielle sur la faune. Cette table sectorielle trouve sa source dans le chapitre 5 traitant du droit à la pratique de l'Innu Aitun. De par sa composition, c'est, à notre point de vue, l'instance pertinente qui permettra d'arriver à des consensus véritables au sein des groupes intéressés par cette entente de principe. On parle ici de la participation du Groupe-faune national à cette table sectorielle sur la faune.

Du point de vue de l'expertise, le Groupe-faune national est la référence technique au Québec pour les modalités concernant la chasse, la pêche et le piégeage. Le Groupe-faune national appuie aussi sa crédibilité sur les Groupes-faune régionaux. Ceux-ci sont les experts locaux en matière de gestion de la chasse et de la pêche. Les Groupes-faune assurent leur représentativité et la diversité des intérêts attendus par les diverses activités de conservation et l'exercice de nos activités patrimoniales.

Toujours dans l'élaboration de cette recommandation, pour mener à bien le mandat qui serait confié au Groupe-faune national, celui-ci, à notre point de vue, devra disposer de ressources: principalement de temps et de moyens financiers. Le temps est essentiel pour permettre une saine rétroaction auprès de nos membres respectifs. Il s'agit d'une question de respect au processus qui sera engagé. Nous rappelons ? et ça, c'est important ? que notre souhait est de permettre au ministre de pouvoir, selon ses voeux, disposer des avis qu'il estimerait utiles dans les domaines de la chasse et de la pêche.

J'aborderais maintenant une condition qui nous apparaît primordiale à toute l'amorce du processus de négociation et à sa crédibilité. Advenant un accueil favorable à notre proposition, nous souhaitons que le ministre puisse exprimer son désir d'obtenir un consensus à cette table sectorielle, table à laquelle doit participer le Groupe-faune national. Nous croyons qu'il s'agirait d'un signal clair aux parties composant cette table sectorielle sur la faune.

Maintenant, une très courte conclusion. Dans le contexte des négociations à venir, nous vous avons présenté notre proposition visant une participation active des groupes représentant la faune et son habitat. Nous souhaitons une association avec les organisations représentatives des activités fauniques au Québec dans le processus d'élaboration du traité et des ententes complémentaires. Cette association pourra appuyer efficacement les négociateurs à la table politique afin d'arriver à une conciliation et une harmonisation des modalités de pratique et des activités ancestrales et patrimoniales.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. membres du comité, nous tenons à vous remercier du temps que vous nous avez accordé et nous sommes prêts à répondre aux questions que vous jugerez utiles. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Vézina, M. Savard et M Cossette, pour cette présentation au nom de la Fédération québécoise de la faune, et j'invite maintenant M. le ministre à amorcer cette période d'échange.

M. Trudel: Alors, M. Vézina, chasseur, pêcheur, président, bénévole, et toutes ces qualités que vous avez énumérées, bienvenue, au nom de la Fédération québécoise de la faune par votre présence ici ce matin, ainsi que M. Savard et M. Cossette.

Votre témoignage est important parce que vous vous placez, à mon avis aussi, dans la bonne direction, et la question, toute la question de la pratique chasse, pêche, cueillette, piégeage, comme étant, on pourrait dire, ou l'élément le plus sensible ou l'élément le plus important, le plus important quant au fait que les gens sont touchés directement, les populations concernées dans les deux nations, à l'intérieur du processus de négociation de ce traité.

J'aimerais que l'on puisse rendre un peu plus claire votre vision quant à la suite des choses. Il semble se dégager jusqu'à maintenant une tendance lourde des opinions que nous avons entendues jusqu'à maintenant quant au fait que nous devrions procéder à la reconnaissance des principes généraux qui sont à la base de ce projet d'entente de principe général et que nous puissions du même coup donc poursuivre, à l'intérieur d'un processus de négociation adapté aux réalités, le processus de négociation, avec priorité sur certains secteurs d'activité comme faune, chasse et pêche, certaines autres activités, avant de conclure le traité. Est-ce que je vous lis bien? Est-ce que je vous entends bien quand je décris cette opposition et que vous êtes dans cette direction-là aussi?

(Consultation)

M. Trudel: Je peux répéter pendant que vous faites les consultations, aussi, là.

(Consultation)

M. Vézina (Guy): J'espère avoir bien compris votre question. Avant la signature du traité, les ententes complémentaires, qui sont à part le traité, devront être ratifiées, réglées, négociées, de ce qu'on comprend, là, de la lecture du document. Nous voyons dans ce processus qu'il va amener à la rédaction du traité. Et à la rédaction du traité va arriver le projet-pilote. Le projet-pilote suit. Donc, je vais répondre en deux temps à votre question: avant la ratification et après la ratification.

n(11 h 50)n

Avant la ratification et pour la négociation sur les ententes complémentaires, nous croyons que le Groupe-faune national sera à même d'aviser le ministre de tous les tenants et les aboutissants pertinents sur les ententes complémentaires, qui touchent la faune, la flore, les pratiques, les droits ancestraux et de nos activités patrimoniales, pour donner un bon avis pour ces documents qui vont être signés à part du traité mais qui vont avoir force d'application dans le traité. Ça, c'est avant.

Une fois que le traité est signé, nous disons: Allons en projet-pilote qui touche la chasse et la pêche. Nous ne disons pas: Réglons la chasse et la pêche avant de signer le traité. C'est les ententes complémentaires qui nous préoccupent avant la signature du traité. Et, lorsque le traité sera signé, s'il vous plaît, engageons dans la chasse et la pêche, ce qui nous apparaît, ça touche l'ensemble du territoire, peut-être le révélateur le plus efficace du succès.

M. Trudel: C'est d'ailleurs le sens et c'est ce qui est prévu à l'article 6.9 de la proposition, la proposition d'entente de principe général. Il est dit que «dès la signature de la présente entente ? de principe général ? compte tenu du caractère novateur de la formule, le Québec conviendra avec les premières nations d'un secteur où, à titre d'expérience-pilote, les procédures de participation réelle prévues au présent chapitre seront mises en oeuvre sur une base volontaire et expérimentale».

Alors, je pense qu'on se retrouve bien, là, dans les différents... le momentum pour que cela puisse exister. Et j'y dénote par la même occasion, en termes d'interprétation, que vous êtes volontaire en quelque sorte pour dire: Oui, nous pensons que devront exister des règles et que nous devrons en expérimenter l'application dès le moment où nous serons convenus des principes de base sur ces règles avec la nation innue. C'est exact?

M. Vézina (Guy): Oui.

M. Trudel: Par ailleurs, je mentionne, comme élément de ma première question, que tout cela, pour la prochaine étape, devrait se dérouler donc suivant les observations, ce qu'on entend depuis un bon moment, et ce qui est indiqué par les circonstances et que nous avons bien reconnu: qu'il y aura des modifications à la façon d'exercer, de réaliser la négociation en vue d'un traité. On le sait, il y a pour un minimum de deux ans de travail pour parvenir à un tel objectif dans ce qui est prévisible actuellement.

Je comprends mal, M. le Président, tout en discernant quelques éléments, pourquoi on devrait avoir comme une espèce de double représentation faune ? là, je grossis la formule un petit peu ? en ayant une représentation nationale. Je comprends qu'il y a des implications nationales. Mais, par ailleurs, les chapitres régionaux de votre Fédération sont, me semble-t-il, les plus particulièrement bien indiqués pour être dans le mouvement préparatoire de négociation. Si on fait double standard comme ça, partout, vous ne trouvez pas que ça va alourdir le processus? C'est que, de toute façon, il existe donc ces canaux, vous pouvez vous exprimer sur les impacts par vos chapitres régionaux. Tâchez de m'en convaincre, quoi.

(Consultation)

M. Vézina (Guy): Je vais essayer de rendre simple ce qui apparaît à première vue complexe. Je dirais sommairement que le principal amène ses accessoires. Avec le Groupe-faune national viennent les entités qui le composent, que j'ai mentionnées. Et, avec ces entités-là, toute la machine régionale est automatiquement impliquée. Ce que nous disons par là, c'est que, en impliquant le Groupe-faune national, vous impliquez immédiatement tout le Québec, toutes ses régions, et toutes les structures déjà présentes. On veut justement éviter une duplication. Parce que le processus dit: Il va falloir créer quelque chose, nous disons: Ne créons pas, utilisons ce qu'il y a déjà là.

Pourquoi le niveau central? C'est que la table politique, à notre point de vue et dans notre compréhension, devra s'appuyer sur les tables sectorielles, qui sont des tables de spécialistes, où devra s'harmoniser l'ensemble des résultats régionaux qui seront négociés. Je prendrai à titre d'exemple les succès obtenus dans la vingtaine d'ententes négociées avec les autochtones au Québec ? on les retrouve sur le site du Secrétariat aux affaires autochtones ? ce sont toutes des ententes qui ont été négociées localement, les impacts étaient principalement locaux. Là, ici, nous nous engageons dans un processus d'un tout autre ordre: de nation à nation, tout le Québec va être lié par cette entente-là et par le traité lorsqu'il sera signé.

Les chasseurs et les pêcheurs, ce sont des gens extrêmement mobiles. Oui, allons régler Nitassinan sur la Côte-Nord, mais il y a des gens de Montréal, de l'Outaouais, du Saguenay-Lac-Saint... qui vont à la chasse dans ces endroits-là. On est très mobiles, on se promène. Il y a des gens de la Côte-Nord qui vont au Saguenay. Il y a des très beaux territoires à doré en Abitibi-Témiscamingue. Les gens se promènent partout. Donc, on a intérêt à synthétiser, à coordonner, à l'image des plans de gestion du chevreuil, de l'orignal, de l'ours noir, qui sont négociés localement, en région, mais qui sont coordonnés au central pour éviter des incohérences.

Ça va se faire dans les régions, c'est là que ça va se faire, mais ça devra être coordonné pour que le ministre puisse dire: Bon, est-ce que ça marche, mon affaire? ou: Comment ça se fait que ce que je donne à Pierre va carrément dans l'opposition, à Jacques? Les gens vont être très ? comment dirais-je? ? à l'affût des incohérences ou des injustices pouvant être perçues. Lorsque cette coordination centrale là... Parce que je ne parle pas d'une négociation centrale, c'est déjà prévu. Il y a la table politique, nous, on ne veut pas s'insérer là-dedans. On veut être présent à la table sectorielle, la table de spécialistes qui va conseiller. Mais ça prend une consolidation.

J'espère vous convaincre par mes propos et rendre simple... On ne duplique pas, on vous accroche la machine après vous. On la contrôle déjà dans le sens qu'on la maîtrise. Et on a nos liens ? je parle de la Fédération québécoise de la faune ? avec nos liens, on participe à votre Groupe-faune national, qui, lui, est votre instrument, et nous disons: Exploitez-le, M. le ministre, il est à vous. J'espère avoir été plus clair que tout à l'heure.

M. Trudel: On peut louer d'abord, bien sûr, votre générosité, l'ouverture que vous avez de participer avec les autres groupes de la nation québécoise à conclure un traité. Parce que vous l'avez si bien décrit tantôt en termes d'application, sans règles, sans ententes, ça invalide à toutes fins utiles, hein, ça invalide ce qui déjà fait l'objet de réglementations, fait l'objet d'encadrement, que ce soit au niveau local, régional ou québécois.

Mais, je vais vous dire, j'ai une petite allergie cependant sur: Passez par le niveau national, puis vous allez rejoindre les régionaux à travers ça. C'est parce que ça fait 30 ans que je joue dans ce type d'activité là, et, je dois vous dire, à aller ? toutes sortes d'exemples, là ? de la fondation d'une université en région, à aller jusqu'à des activités sur le territoire, on a été beaucoup éprouvés en étant uniquement des chapitres de quelqu'un d'autre. Être les chapitres de quelqu'un d'autre, ça vaut pour les institutions, ça vaut pour les régions, ça vaut pour les nations, ça vaut pour les individus. Mais, en même temps, j'apprécie cependant, parce qu'il y a... C'est vrai, vous avez raison, il y a des dimensions nationales, exemple cette question de la mobilité, et ça doit nous interpeller.

Alors, je vais prendre la partie de la générosité de l'offre, et, de votre côté, vous allez certainement reconnaître la nécessité que les régionaux de la chasse, de la pêche, du piégeage et de la cueillette soient également très près du processus pour les phases qui s'en viennent. Parce que, comme le disait le négociateur à qui nous avons confié le mandat, eh bien, les objets étant plus précis maintenant, eh bien, ça devrait faciliter davantage l'implication, parce qu'on sera dans le concret au niveau du travail subséquent. Alors, vous aussi, je vous invite à ce que nous puissions prendre en considération chacune de nos positions ou de nos façons de voir.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Vézina, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Vézina (Guy): Tout simplement, parce que, là, vous parlez au porte-parole de la Fédération québécoise de la faune, ce sont les régions qui parlent par le texte que je vous présente, ce qui est là est le produit de leurs réflexions, de leurs débats et de leurs consultations. Le central ne fait que consolider, harmoniser. On a eu de beaux débats à notre conseil d'administration. Ces gens-là venaient de leur... suite aux analyses faites par leurs associations et leurs membres, et nous vous présentons ? et j'espère que ça répond à la préoccupation du ministre ? le fruit de leur voeu, de leur travail à eux.

n(12 heures)n

Et le volet consultation vient de là. C'est eux autres qui crient: Nous voulons être dans le processus. Ce que nous faisons, c'est... le gouvernement va arriver avec un processus. Nous faisons une proposition qui sera évaluée à son mérite.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: C'est dans ce sens-là que je pense qu'il y a un net rapprochement entre les façons d'être et de continuer le travail. Vous venez de le dire, vous recevez également de vos membres régionaux et chapitres régionaux des messages très forts, et nous aussi, de notre côté, davantage d'implication, et, quant à ce domaine si sensible, nous voulons y être impliqués.

Alors, je termine, non pas par une question, une observation, mais je vous remercie de vous être déplacés et de prendre cette question avec beaucoup, beaucoup d'attention parce qu'il y va de l'avenir aussi de la pratique d'une activité ? votre mot est très beau ? activité patrimoniale et, par ailleurs, d'activités qui appartiennent aux droits ancestraux des nations, des premières nations, de la nation innue. Je pense qu'il s'agit là d'un bon cadre, en ce que je suis concerné. Je pense que mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Duplessis, vous avez la parole.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Moi également, je désire vous souhaiter la bienvenue, M. Généreux... excusez, MM. Vézina, Savard et Cossette, et, s'il y a un dossier sur lequel je suis heureux de vous entendre, c'est bien celui-là, compte tenu du territoire que je représente au niveau de la Côte-Nord, Duplessis, parce que c'est un secteur privilégié pour nos chasseurs et pêcheurs. Bien sûr, moi aussi, j'étais un petit peu inquiet quand je vous ai entendu, mais je pense que vous avez donné une réponse au ministre, à savoir, dans votre mémoire... parce qu'on ne savait pas si c'était préférable de signer l'entente de principe ou, en tout cas, d'aller de l'avant avec l'entente de principe et, par la suite, revoir au niveau du traité les irritants qu'il peut y avoir. Mais je pense que j'ai bien cerné votre intention. C'est à l'effet bien sûr de demander au gouvernement d'aller de l'avant et de revoir le processus au complet en fonction des irritants.

Et vous avez, bien sûr, pris connaissance comme nous autres du rapport du mandataire, M. Chevrette. Je dois comprendre que vous êtes sûrement très favorables à la recommandation 26 où, là, M. Chevrette recommandait la création d'une table particulière au niveau de la faune et des mines et aussi de l'harmonisation territoriale.

Cependant, malgré tout ça, il y a peut-être des informations additionnelles que j'aimerais entendre, notamment en ce qui concerne Anticosti. On sait que c'est un joyau pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, incluant bien sûr les communautés innues. Cependant, à l'effet de revoir la question sur le Nitassinan, au sujet d'Anticosti, vous arrivez à la même conclusion que M. Chevrette. Cependant, on aimerait peut-être savoir qu'est-ce que vous suggérez pour y remédier. M. Chevrette avait ouvert une certaine porte, je ne sais pas si vous l'aviez compris, je pense que c'est mardi. Mais j'aimerais ça vous entendre. Qu'est-ce que vous recommandez pour Anticosti? Et j'aurais peut-être une autre petite question si le temps me le permet.

Le Président (M. Boulianne): Vous allez avoir le temps. Merci, M. le député de Duplessis. Alors, M. Vézina. Vos collaborateurs peuvent intervenir aussi, il n'y a pas de problème.

M. Vézina (Guy): Pour la dimension traitant de la recommandation 26, avec votre permission, M. le Président, M. Cossette va en parler. Pour ce qui est d'Anticosti, M. Savard fera des représentations.

Le Président (M. Boulianne): Alors, c'est bien. On vous écoute, M. Cossette.

M. Cossette (Alain): Ce que nous voulons dire au niveau de la Fédération au niveau de la recommandation 26 de M. Chevrette, c'est que, oui, on est en faveur avec sa recommandation, mais elle est plus large que ça, nous autres. C'est la dimension locale que M. Trudel parlait tantôt. Pour nous autres, elle est plus que locale. Elle a une connotation nationale et locale. Ce futur traité là aura des répercussions sur l'ensemble des activités pratiquées par les chasseurs et pêcheurs de l'ensemble des régions, qui vont dans deux régions principales où se pratiquent énormément la chasse et la pêche: la Côte-Nord et le Lac-Saint-Jean. Donc, c'est important, cette notion-là. Et ça n'alourdit pas le processus, au contraire. Ce que ça va faire, c'est que ça va assurer que les recommandations qui se passent dans les autres régions... Parce qu'ils regardent tout ça puis ils veulent participer, c'est ça que les gens de la population veulent. Et c'est ça, pour ça qu'on demande qu'elles ne soient pas juste mises à deux endroits. Et nos gens des régions nous demandent ça aussi parce qu'ils ont besoin de savoir ce que les autres ont pour pouvoir mieux comprendre et améliorer le processus.

Lorsque notre organisation consulte, il y a des processus de consultation. On consulte énormément. Et, souvent, on dit aux gens: On ne peut pas vous répondre tout de suite parce qu'on doit consulter. Mais nos gens veulent se parler aussi entre régions parce qu'ils disent: Moi, il m'est arrivé telle affaire dans telle région, puis on n'avait pas vu ça. Mais, en se parlant, on va arriver avec quelque chose qui va être plus éclairé et c'est là la différence avec M. Chevrette, de cette notion-là. Et les gens des régions sont consultés. Moi, je parle pour notre organisation; nous autres, on le fait et on le fait à temps plein. Et c'est important de le faire.

Si on veut parler d'Anticosti, je vais laisser ça à Martin, il n'a pas parlé encore.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, on vous écoute, M. Savard.

M. Savard (Martin): Alors, les raisons pour lesquelles tout le secteur d'Anticosti, également le Nitassinan du sud-ouest, on recommande l'abandon de ces territoires-là dans le Nitassinan, c'est principalement... bon, M. Chevrette, je pense, l'a très bien exprimé, ça tient d'abord aux perceptions que les chasseurs et pêcheurs ont de ces régions-là. Anticosti, pour les chasseurs et pêcheurs québécois, c'est un territoire qu'on a aménagé, qu'on a transformé beaucoup plus, je pourrais dire, que tout autre secteur dans la province. C'est un secteur où on a amené le chevreuil, c'est un secteur qui, selon les scientifiques, avant, n'était fréquenté peut-être que par l'ours noir, comme grand gibier. Alors, il nous semble que d'admettre un droit ancestral à la chasse au chevreuil sur Anticosti, c'est une position qui est inconfortable. Et, pour nous, il nous semble que, pour la facilité des négociations, ce serait une concession qui serait fort bien reçue de la part des chasseurs et pêcheurs québécois et qui les entraînerait peut-être, eux-mêmes aussi, à accepter plus facilement des points de vue des Innus sur d'autres secteurs.

Quant à la région du sud-ouest, c'est un secteur qui est extrêmement encadré. Alors, il nous semble plus facile de respecter les règles qui ont déjà été établies dans ce secteur-là, auxquelles les Innus peuvent participer aussi. En tant que citoyens, les Innus peuvent venir chasser et pêcher dans le parc des Laurentides, dans la réserve faunique des Laurentides, en respectant les règles que tous les autres citoyens respectent.

Il ne s'agit pas là de territoires qui leur sont fermés, autant Anticosti que la région 03. Ce ne sont pas des territoires qui leur sont fermés, au contraire. C'est simplement des territoires où on dit: Étant donné les énormes efforts qui ont été faits tant du plan de l'aménagement que du plan de l'encadrement, il serait important de respecter ces efforts-là, et la façon la plus simple, c'est comme ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Merci, M. le député. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.

M. Kelley: Merci beaucoup. J'ai plusieurs de mes collèges qui veulent poser des questions aussi, alors peut-être je vais juste poser une question. C'est de mettre au clair le processus. Parce que le groupe du Domaine-du-Roy, la MRC, qui témoignait avant vous, a proposé: il faut signer l'entente de principe parce qu'il faut garder le momentum. Eux autres ont proposé un genre de projet-pilote. Et j'ai posé des questions sur quoi exactement. Parce que, souvent, notamment dans le domaine de chasse et pêche qui, tout le monde le dit, sont les points les plus sensibles dans toute l'entente... Est-ce qu'on attend qu'une entente complémentaire soit signée? Est-ce qu'on essaie... Alors, ce n'était pas clair dans mon esprit, dans un projet-pilote faune, c'est exactement quoi, les règlements qu'on peut tester. Mais je trouve l'idée géniale, si on peut voir comment ça peut fonctionner. Mais leur processus était de signer l'entente en principe, un projet-pilote, un test, les tables sectorielles qui peuvent nous arriver avec à la fois un traité final, qui est l'objectif final de l'exercice, et avec des ententes complémentaires attachées, si j'ai bien compris.

Alors, votre message aujourd'hui semble être un petit peu différent: de ne pas signer l'entente de principe. Alors, je veux juste voir comment vous... voir la suite des choses parce que je pense que tout le monde a convenu que le processus à date laisse beaucoup à désirer. Il y a des critiques dans le rapport de M. Chevrette que, en l'an 2002, il y avait beaucoup d'information qu'on aurait dû circuler, il y a beaucoup de consultations qu'on aurait dû faire qui n'étaient pas faites. Alors, à partir de ça, maintenant, dans les yeux de la Fédération, comment est-ce qu'on voit la suite des choses?

n(12 h 10)n

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, oui, M. Vézina.

M. Vézina (Guy): Ce qu'on perçoit à partir des différentes questions, c'est que notre mémoire peut-être ne dégage pas notre volonté. On va y aller par image. Pour nous, l'allégresse dans le processus, c'est qu'on vous a fait des recommandations de modifications préalables et, par la suite, de l'instauration d'un groupe consultatif qui s'appelle le Groupe-faune national. Le gouvernement reçoit ça avec plaisir et dit: Oui, nous donnons suite, nous nous engageons dans l'allégresse. Première option.

Deuxième option, l'entente n'est pas modifiée pour des raisons que le gouvernement jugera utiles, et il y a institution d'un groupe consultatif qui ressemblerait au Groupe-faune national. Nous y allons dans l'enthousiasme, on est content, mais un petit peu moins content.

Ou encore, troisième option ? celle-là, elle nous décevrait beaucoup ? il n'y a aucune modification, et il n'y a aucune instance consultative qui semble faire participer les groupes d'intérêts dans le domaine de la chasse et de la pêche.

Vous voyez, c'est ça, là. Nous, il y a première, deuxième et troisième, c'est là-dedans qu'on s'inscrit. On est très heureux de la première, on serait content de la deuxième et on serait très triste de la troisième.

Ça devrait peut-être vous situer dans ce que je vais vous dire, c'est que, nous, on pense que les modifications que l'on souhaite avoir ? on parle surtout de la zone sud-ouest, on sait que c'est une zone qui va générer énormément de tensions... Est-ce qu'on les enlève avant ou encore on les désire, ces tensions-là, pour pouvoir valider, après la signature du traité, ce fameux projet-pilote? On ne veut pas que le projet-pilote ait lieu avant, on veut respecter les modalités. On dit: Lorsque le traité arrivera, nous souhaitons que le projet-pilote, à ce moment-là, traite, porte entre autres là-dessus. Et qu'est-ce qu'on va valider? C'est tout ce qui aura été négocié: le contrôle par les autochtones à l'intérieur de leur territoire, l'émission des différents permis, le respect des différentes quantités attribuées pour les prélèvements, le respect de propriétés privées, tout ce qui va se faire justement par le Groupe-faune national à la table sectorielle, le plan va être là et on va aller le valider. Vont aussi se valider à ce moment-là les fameuses ententes complémentaires.

On ne change pas la séquence du processus. On a demandé une option, il y en a une deuxième qui est possible, une troisième, mais, tout dépendant de ces options-là, la mécanique est la même. Les ententes complémentaires devront être signées au préalable, dans le souhait bien sûr où nous sommes associés au processus via le Groupe-faune national à la table sectorielle, et, une fois que tout ça est en place, allons le vivre sur le terrain. Et c'est là que notre recommandation sur le Nitassinan, Anticosti et sud-ouest va trouver toute sa pertinence, et c'est au gouvernement à: Bon, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que je l'enlève, je le laisse? Pour nous, on préfère qu'il ne soit pas là, mais, s'il est là, c'est un facteur de validation qui sera incontournable. Ça se passe drette icitte.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vézina. Oui?

M. Vézina (Guy): Il y aurait M. Savard qui aimerait ajouter un point, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Savard (Martin): L'esprit dans lequel on propose un projet-pilote dans le domaine de la chasse et de la pêche, essentiellement, c'est dans un esprit de validation. On sait que c'est dans ce domaine-là où il y a beaucoup d'inquiétude, et puis, pour nous, un projet-pilote serait de nature à rassurer les inquiets et à répondre à leurs questions, et également serait de nature à répondre aux questions que les gens vont vivre dans le quotidien vis-à-vis ces ententes.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. J'ai bien compris les deux choses qui sont très importantes: la consultation, qui était manquante jusqu'à date, et également la notion de validation: Est-ce que ça peut fonctionner? le tester sur le terrain. Ce sont deux éléments que je trouve fort intéressants parce que, je pense, l'objectif qui est recherché par tout le monde, c'est, quand on sera dans le bois pour aller à la chasse ou nous irons au lac pour aller à la pêche, que les règles du jeu sont claires pour tout le monde. Et c'est dans la confusion, c'est dans le vide où les problèmes risquent d'arriver. Et qu'est-ce qu'on recherche mais validé par une expérience pratico-pratique, puis je pense que tout le monde voit ça d'un bon oeil, que, au-delà des grands principes et des décisions de la Cour suprême, qu'est-ce qu'on recherche, c'est d'avoir une fin de semaine au lac ou dans le bois, agréable, il n'y a pas de conflits, il n'y a pas de confusion. Et le but recherché, c'est de baliser les intérêts et les droits qui sont différents, mais de créer l'harmonie qui règne dans vos activités, entre autres. Mais je souligne l'importance de vos activités parce que tout le monde dit que c'est vraiment les points les plus sensibles, parce qu'il faut harmoniser les pratiques des communautés concernées.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, monsieur? Oui, M. Cossette.

M. Cossette (Alain): Je voudrais juste mentionner ? c'est ça qui est important ? c'est que toute entente est meilleure que pas d'entente pantoute. L'ambiguïté, là, c'est les problèmes. C'est ça qu'on vit présentement sur le terrain, sur le territoire. Et c'est ça qu'on a vécu lors des consultations préalables, on ne s'est pas sentis interpellés en tant que chasseurs et pêcheurs, lors de la première consultation. On a participé à des tables, on était là dans les régions, mais on n'a pas compris c'est quoi qui se passait. Puis, les règles, on ne nous a jamais donné de garantie qu'on était pour nous consulter sur les règles qui étaient pour être mises en place, et les modalités, et les suivis. Et c'est à ça qu'on veut participer. On aime mieux participer en aval et en amont, tel que le mentionnait M. Chevrette dans son rapport. Pour nous, c'est important, ça, l'aval et l'amont, et ça, on y tient.

Et pourquoi le projet-pilote? Lui va amener l'acceptation sociale. On l'a vécu dans d'autres formes d'ententes qui sont faites avec des communautés autochtones, on a participé... À un moment donné, on avait un territoire, quatre régions administratives qui étaient touchées, avec les Abénaquis, nos quatre régionales ont participé, nos associations étaient invitées, il y a des modifications qui se sont faites, il y a des modalités différentes pour les deux, mais on sait à quoi s'en tenir, les règles du jeu. Et c'est ça qu'on a besoin. Et le projet-pilote, lorsque ce sera mis en place, va apporter l'acceptabilité sociale.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Cossette. Alors, M. le député de Marquette, vous avez la parole. Alors, j'ai la liste ici; après, ce sera votre tour, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, allez-y.

M. Sirros: Non, c'est parce que j'aimerais rester sur le processus un peu avec vous, comme entamé déjà par mon collègue, et voir si on ne va pas transformer votre option enthousiaste en option d'allégresse. Parce qu'il me semble qu'à partir de votre option enthousiaste, que j'ai comprise comme suit, on signe l'entente puis on modifie le processus pour la suite des choses afin que vous puissiez être partie prenante dans les négociations et pouvoir donc faire en sorte que vos préoccupations soient prises en compte dans les modifications ou dans le traité final. C'est ce que j'ai compris de votre option enthousiaste, votre deuxième option.

M. Vézina (Guy): J'aimerais amener une précision. On ne veut pas modifier le processus de négociation qui va aller vers le traité, il est déjà en place. On veut être certain d'y être associé.

M. Sirros: Bien, c'est parce que, jusqu'à maintenant, il n'y avait personne qui était associé, n'est-ce pas? Et c'est pour ça, d'ailleurs, que le mandataire recommande un processus qui permettra d'associer les gens de la faune plus particulièrement. Là, vous avez eu une discussion sur: Est-ce qu'on associe les gens des régions? Est-ce qu'on associe la table centrale? Ça, on verra. Parce qu'il me semble que votre première option, que vous décrivez comme votre option d'allégresse, découle d'une confusion quant à la portée réelle de l'entente de principe que nous avons ici.

Je ne sais pas si vous avez lu ce qu'on a référé aussi ce matin, les articles 3.2, 3.3 et 3.4 ? je ne sais pas si vous l'avez devant vous, mais ça vaut peut-être la peine de le relire ? où on dit que «la présente entente ne crée aucune obligation légale pour les parties, ne porte pas atteinte aux obligations ou aux droits existants», etc., et on établit clairement qu'il s'agit de principes qui ne donnent pas de droits comme tels. Les droits vont découler du traité qui sera signé au bout de la ligne. Donc, si vous êtes associés à partir de maintenant dans les négociations qui vont venir, par le biais des structures dont on va convenir, on va pouvoir faire face aux préoccupations que vous avez parce que, en lisant votre mémoire et en vous écoutant, il me semble que vos préoccupations découlent du fait qu'il y a des principes qui ne sont pas encore bien définis pour vous, où il y a des ajustements qu'il faut faire quant à la définition. Puis, normalement, c'est dans un traité qu'on va trouver les définitions des termes aussi.

Alors, tout ça pour essayer de vous faire dire que... on est prêt à laisser tomber votre première option puis embarquer avec tout le monde dans la deuxième, dans l'enthousiasme. Et je ne sais pas si vous le voyez comme ça, mais, pour moi, l'entente de principe, c'est un engagement formel, concret, d'aller plus loin et d'arriver au point où il va y avoir des droits effectivement. Mais l'entente comme telle ne donne pas de droits à personne. Si on reste ici avec ça, si on finit avec ça, il n'y a rien qui a changé véritablement. Je ne sais pas si vous le voyez comme ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Vézina.

M. Vézina (Guy): Un instant, s'il vous plaît.

n(12 h 20)n

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous pouvez vous consulter.

(Consultation)

M. Vézina (Guy): Je demanderais à M. Cossette d'amener des précisions sur...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Cossette (Alain): Je voudrais juste apporter une petite correction lorsqu'on dit qu'on n'a pas été associé au processus. Oui, on a été associé au processus. Mais, comme vous avez pu vous en rendre compte, il était inefficace, le mode d'association qui a été mis en place, et de là l'importance encore plus de notre Groupe-faune national. Lui, on va prouver que nos régions sont consultées, nos gens en région ne se sentiront pas piégés dans un petit coin comme le petit peuple de Gaulois. C'est comme ça que se sont sentis nos gens. Ils disent: L'armada arrive, puis on ne sait pas comment faire, puis on n'est pas capable. Et c'est pour ça qu'on dit: Fournissez-nous des outils. Et on a été impliqué au début, mais pas de la bonne façon. Et ça prouve encore plus la notion du Groupe-faune national.

Le Président (M. Boulianne): Je vous remercie. Alors, je voudrais que le député de Marquette... Je reviendrai plutôt à Laurier-Dorion si on a du temps, parce que le député de Marquette a demandé la parole. Alors, je reviendrai à vous. Alors, allez-y.

M. Ouimet: C'est une question de détail, M. le Président. Je voulais revenir un petit peu aux propos du député de Jacques-Cartier concernant l'harmonie souhaitée qu'il a décrite. Le mandataire, M. Chevrette, a fait des recommandations, la recommandation 10, entre autres, concernant la surveillance de l'exploitation de la faune. Il suggère une modalité de réciprocité pour permettre à des agents de la faune innus par exemple d'intervenir auprès de contrevenants québécois, et vice versa. Je me demandais si vous aviez des réactions par rapport à cette recommandation-là, mais également comment est-ce que ça se vit sur le territoire présentement.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député.

M. Ouimet: Parce qu'il disait que les sensibilités sont particulièrement exacerbées à ce niveau-là.

Le Président (M. Boulianne): M. Vézina.

M. Vézina (Guy): M. Savard a le désir de s'exprimer.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, M. Savard. On vous écoute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Il brûle d'impatience.

M. Savard (Martin): Alors, nous, on considère que ça fait partie des idées innovatrices et des idées nouvelles qui vont surgir de ces négociations-là. Ce principe de réciprocité là, pour nous, est extrêmement important et puis la clarté aussi des règles qui devront être appliquées est liée de près... Actuellement, de la façon que ça se passe sur le terrain ? vous posez cette question ? actuellement, les agents de la faune nous disent souvent qu'ils sont très mal à l'aise pour essayer de faire... d'appliquer les règles québécoises à des Innus parce que ces derniers peuvent les contester devant les tribunaux et, devant les tribunaux, on ne sait pas ce qui peut arriver. Alors, c'est extrêmement important et c'est la raison pour laquelle il y a des ententes avec les autres groupes autochtones à travers le Québec et des ententes pour qu'on fixe des règles qui permettent d'identifier qui sont les contrevenants, qui sont les individus ? ce n'est pas une question de peuple, c'est quelques individus ? qui génèrent toute la colère des autres personnes qui entourent et qui voient des individus avoir des comportements qui ne sont pas respectueux de conservation de la faune. Alors, pour nous, cette collaboration-là va être extrêmement importante.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Savard. M. le député de Marquette, ça va? Alors, on peut revenir à vous, M. le député de Laurier-Dorion, il reste du temps.

M. Sirros: C'est juste un commentaire. J'espère que le ministre va bien entendre ce que vous dites par rapport à la nécessité que ce soit une présence centrale ou nationale de la part de la Fédération. Parce que je suis d'accord avec vous, je pense que vos membres se sentiront plus en sécurité en vous transmettant leurs opinions, leurs points de vue qui seront apportés à la table centrale par votre biais que de le faire directement entre la région et la table centrale gouvernementale. Je pense qu'effectivement ils vont mieux s'exprimer, puis ça va être d'autant plus valable, votre participation dans ce processus-là. Alors, c'était juste un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, M. Vézina, oui.

M. Vézina (Guy): Vous avez mentionné un point tantôt sur les obligations légales découlant du traité. C'est une question qu'on avait et que je suis heureux de voir la confirmation. Effectivement, il n'y a pas d'obligation légale découlant de la signature de l'entente, et ça, ça aurait besoin d'être publicisé un petit peu plus peut-être. Ça va rassurer les gens. Cependant, même si la signature ne crée pas d'obligation juridique de résultat, ça crée une obligation de moyens durant la période de temps prévue pour essayer d'obtenir une entente, aller vers la négociation. La signature de l'entente nous engage à négocier, pas à arriver à un résultat. Politiquement, ça nous apparaît être une autre paire de manches compte tenu de nos intérêts dans la chasse et la pêche. Politiquement, on se doit, je crois, d'avoir un résultat à la fin du processus. Donc, sachant que la volonté est d'arriver à un traité, ça attise notre désir de ne pas être mis sur la touche. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vézina. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez le temps d'ajouter quelque chose.

M. Kelley: Oui, juste une couple de précisions, parce que vous avez évoqué une couple de principes dans votre mémoire: la question de la conservation et la question de priorités autochtones, où vous cherchez des précisions. Et je ne sais pas si vous pouvez éclairer davantage ces deux points qui ont été soulevés dans votre mémoire.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Savard.

M. Savard (Martin): Oui. Au niveau du principe de conservation, le principe de la pérennité des espèces, je vais simplement illustrer deux opposés pour lesquels on ne sait pas dans quel sens les négociateurs vont.

Un premier opposé serait la façon, je pourrais dire, du siècle dernier où on exploitait la faune jusqu'à ce que la faune devienne si rare qu'on avait de la difficulté à piéger ou à chasser, et puis, à ce moment-là, on allait vers une autre espèce. Si, pour nous, conservation de la faune veut dire qu'on peut exploiter une espèce jusqu'à ce qu'elle devienne menacée, ce que ça entraîne, bien, ça entraîne que la priorité aux Innus pourra signifier que les Innus vont prendre toute la ressource disponible, et, au moment où les Blancs voudront... les non-autochtones voudront participer au partage, bien, à ce moment-là, on leur dira: Désolés, nous sommes rendus à un niveau qui est trop bas, on ne peut plus exploiter la faune.

La version moderne du principe de conservation, c'est de maintenir les espèces à un niveau où elles peuvent être exploitées de façon soutenue pendant des années et pour les générations à venir. À ce moment-là, on s'arrête beaucoup plus tôt, lorsque l'espèce devient rare; on procède à des aménagements. Il est important de collaborer avec tous les chasseurs et pêcheurs, innus comme les autres, pour savoir quel est le taux de prélèvement que l'on fait, pour savoir les résultats, les impacts qu'on a sur la faune, et, à ce moment-là, on peut prendre des décisions scientifiques, des décisions modernes, des décisions éclairées, qui nous sont imposées par les méthodes modernes de prélèvement, les armes à feu, et tout ça. Alors, il y a 300 ans, ça n'existait pas, on pouvait moins s'inquiéter, bien qu'il y a eu des cas graves de surexploitation. Mais, de nos jours, il est extrêmement important de respecter ces principes-là.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Vézina, M. Martin Savard, M. Alain Cossette. Alors, la commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi pour les reprendre dans cette même salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise À 14 h 2)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux. Alors, je demanderais à la Conférence des coopératives forestières du Québec de s'approcher, s'il vous plaît, pour déposer leur mémoire. Alors, bienvenue, messieurs, à la commission. Alors, j'aimerais que le responsable se présente et présente son collègue.

Conférence des coopératives forestières
du Québec (CCFQ)

M. Babin (René): O.K. Alors, M. le Président, donc, dans un premier temps, permettez-moi de vous remercier de nous inviter à participer à cette consultation. Je peux vous dire que la Conférence des coopératives forestières est très heureuse d'être présente à cette consultation et de vous apporter notre contribution, aussi modeste soit-elle.

Dans un deuxième temps, pour nous présenter, comme vous nous l'aviez demandé, bien, moi, je suis René Babin, le président de la Conférence des coopératives forestières du Québec et également le président de la Coopérative d'aménagement forestier de la Baie-des-Chaleurs; à ma gauche, on a M. Jocelyn Lessard qui est le directeur général de la Conférence des coopératives forestières du Québec.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Babin, M. Lessard. Alors, on vous écoute. Vous avez 20 minutes.

M. Babin (René): O.K. Donc, d'entrée de jeu, permettez-moi de vous dire que la conjoncture économique difficile dans le secteur forestier fait en sorte que les coops forestières traversent présentement des jours qui sont quand même assez difficiles. C'est pourquoi nous entretenons certaines inquiétudes face à de telles négociations présentement, qui se passent avec les Innus.

En guise d'introduction, on veut peut-être vous mentionner que, comme le souligne le document, tous les occupants des régions ont absolument besoin de bénéficier de relations harmonieuses et d'un climat favorable au développement, c'est-à-dire sans trop d'incertitudes face aux revendications pouvant affecter l'utilisation des ressources du territoire.

La Conférence des coopératives forestières du Québec, c'est une organisation qui regroupe, sur une base volontaire, les coopératives forestières du Québec. Elles sont présentement 40 coopératives à être membres de la Conférence sur un total de 47 coopératives dans la province. Par contre, ces 40 coopératives là regroupent environ 98 % du chiffre d'affaires annuel des coops forestières. Ça représente, les coopératives forestières, 6 000 travailleurs et travailleuses pour un chiffre d'affaires global annuel de plus de 400 millions de dollars. Ce sont des entreprises qui existent depuis plus de 65 ans dans toutes les régions forestières du Québec et également dans toute la filière, partant de la production de plants en pépinière, du reboisement, des travaux sylvicoles, de la récolte, de la voirie, du transport jusqu'à la transformation. Les coopératives s'impliquent également dans des projets de deuxième et troisième transformation afin d'augmenter la valeur ajoutée de leur communauté.

Les coopératives forestières sont des moteurs économiques performants pour les communautés rurales dans lesquelles elles sont enracinées. Leur valeur coopérative et le principe qui les animent font cependant de ces entreprises des intervenants qui se distinguent des compétiteurs parce qu'elles ne sont pas à la recherche unique de profits. Elles sont économiquement viables et socialement rentables.

Les relations entre les coops forestières et les communautés autochtones sont encore plutôt limitées, mais les deux groupes partagent des valeurs qui favorisent leur rapprochement. Par le biais de la Société de coopération pour le développement international, SOCODEVI, les coopératives forestières sont impliquées auprès d'autres communautés autochtones, notamment au Guatemala, pour mettre en oeuvre des projets de développement à caractère forestier.

Donc, pour faire suite à la présentation, je vais céder la parole à M. Jocelyn Lessard.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Babin. Alors, M. Lessard, on vous écoute.

M. Lessard (Jocelyn): Peut-être juste avant, aussi, pour vous préciser l'importance des coopératives dans le territoire concerné de l'entente, on a sorti quelques statistiques. En fait, il y a huit coopératives différentes qui sont indiquées là-bas dont l'apparition... et ça remonte jusqu'à ? les plus anciennes ? en 1944, la coopérative qui est à Sainte-Rose, et ça regroupe un total de 2 500 travailleurs ? c'est quand même un contingent important ? qui ont réalisé des travaux sur plus de 37 000 hectares l'année dernière et qui ont récolté près de 2 millions de m³ et transformé 1 350 000 m³ et plus de 540 km de voirie. Donc, c'est un territoire où les coopératives sont très impliquées et dont les enjeux de développement forestier les concernent étroitement.

Donc, moi, je vais traiter de la réaction au document qui nous a été soumis pour la consultation. On a été très heureux de voir cette ouverture-là. C'est un processus très enrichissant pour des organisations comme les nôtres, qui nous amène à mieux comprendre la situation, et ça nous éveille à une réalité qui est très importante et très près de nous. Mais ça suscite quand même quelques inquiétudes, comme plusieurs vous ont fait part depuis le début de cette consultation. Mais, en tout cas, ça fait bien ressortir l'importance de la reconnaissance qu'ont apportée les tribunaux jusqu'à maintenant, et ça nous mène immédiatement à l'obligation de reconnaître les droits. Et donc, le processus nous paraît très favorable pour ça.

Ça met aussi en relief les avantages pressentis de la stratégie qui a été utilisée pour convenir d'ententes négociées plutôt que de jugements devant les tribunaux. Et les enjeux pour les communautés autochtones sont aussi très bien précisés, à notre avis. Par contre, ça ressort clairement de l'analyse que, jusqu'à maintenant, les échanges qui ont été menés pour en venir à une entente négociée ont été vraiment limités aux entités gouvernementales, et ce, bien que l'on reconnaisse cette légitimité, puisqu'il faut quand même avoir un pouvoir reconnu pour faire ces démarches-là. On pense quand même que c'est important et c'est urgent d'avoir quelques mécanismes plus ouverts pour impliquer davantage les populations qui sont concernées, sinon ça entraîne des réactions négatives puis ça peut entraîner aussi et surtout... naissant de l'incompréhension et de l'inconnu que cela suscite.

Donc, la consultation est très pertinente. Il faut absolument établir ces mécanismes-là. Nous espérons que c'est ce que à quoi va servir cette consultation. Jusqu'à maintenant, le document de consultation était par contre très silencieux sur ces propositions-là. Tout est à faire. On a entendu hier le rapport de M. Guy Chevrette qui a ouvert quelques pistes qui peuvent être intéressantes, mais jusqu'à maintenant, pour impliquer les populations, on n'avait pas d'idées.

On tenait aussi à faire une petite précision simplement pour souligner l'importance des enjeux sur la définition. On a regardé dans le petit dictionnaire la définition de «autochtone», parce que les gens qui habitent le territoire depuis très longtemps, ils se ressentent également autochtones, parce que si on n'est pas autochtones ici, on ne l'est nulle part. C'est pourquoi, nous, on pense que le terme «peuple de premières nations», ça décrit mieux la situation parce que ça nous semble moins nous exclure de cette situation-là.

On souligne aussi quelques statistiques. Ce n'est pas pour brimer les droits de personne mais, en termes d'importance démographique, dans le document on apprenait qu'il y a 14 500 personnes qui constituent la communauté innue, et en regardant les statistiques pour les territoires concernés on constate qu'il y a au-delà de 400 000 personnes. Donc, c'est très important de reconnaître les droits, mais c'est aussi très important d'avoir des précautions pour respecter les droits d'une population quand même très importante.

Donc, d'ordre général, l'analyse de la proposition, ça dépasse le cap de l'analyse des coopératives forestières. On ne peut pas traiter de toutes ces questions; on va vraiment focusser sur les questions d'ordre plutôt forestier. Et, par exemple, toutes les questions du territoire précis de l'Innu Assi, nous, on ne se sent pas compétents pour commenter la superficie qui a été déterminée dans ça, et donc... Par contre, la proposition d'abolir les réserves et d'administrer une collectivité sur une base plus démocratique avec un pouvoir gouvernemental, ça nous apparaît très pertinent parce que, étant proches de ces communautés sur le territoire, on est aussi à même de constater qu'il y a une certaine détresse puis que c'est important de prendre des mesures précises pour y remédier.

n(14 h 10)n

L'exercice puis l'encadrement des activités ancestrales dans le Nitassinan semblent aussi porteurs d'une participation plus positive aux activités du territoire, dont l'obtention d'une partie des redevances perçues par le Québec. C'est quelque chose que l'on trouve positif. Ça demeure cependant très important de conserver une perspective historique des activités traditionnelles parce que c'est là où on s'approche de nos préoccupations principales. Parce que c'est vrai que les pratiques forestières peuvent affecter les activités traditionnelles de ces communautés, mais on considère que les droits sur l'exploitation industrielle de la matière ligneuse, jusqu'à maintenant, ça ne faisait pas partie de ces droits. C'est d'ailleurs assez précis dans l'entente. Mais il y a des ouvertures qui sont faites qui nous semblent compromettre une partie de ce que, nous, on espère obtenir.

Donc, la partie qui nous préoccupe le plus, c'est vraiment celle des propositions qui ont trait au développement, le chapitre XIII de l'entente qui a été préparée. Nous, comme d'autres vous l'ont dit qui sont spécialisés dans la forêt, jusqu'à maintenant, les propositions qui sont faites par le Québec, les engagements qui sont pris pour mettre à la disposition, pour le développement des communautés, des volumes de bois très importants qui totalisent, si notre calcul est bon, près d'un million de mètres cubes, là, disséminés sur le territoire, alors qu'on a l'impression qu'il y a très peu de marge de manoeuvre actuellement... Il y a des entreprises qui regardent ces négociations-là, des coopératives forestières qui sont impliquées dans la transformation, qui sont inquiètes des décisions qui seront prises parce que les volumes de bois sont très importants pour la rentabilité, dans un contexte très difficile. C'est quelque chose qui suscite beaucoup d'inquiétude de notre part. Donc, on veut vous en faire part, parce que le Québec s'engage dans le traité à mettre en place immédiatement un calendrier de mise en disponibilité de ces volumes de bois. Donc, nous, on se demande vraiment par quel mécanisme ce sera possible de libérer des volumes qui, pour l'instant, n'existent pas.

On constate aussi qu'il y a des fonds très importants pour le développement. Puisque le développement local de nos communautés nous préoccupe énormément, on espère que ça va pouvoir se faire en étroite collaboration. On constate aussi, et ce, de façon très favorable, qu'il y a des mesures favorisant l'emploi, des mesures financières, pour permettre des mécanismes de formation. Vous verrez dans une de nos recommandations qu'on souhaite faire des ouvertures pour que les coopératives forestières soient impliquées dans ces mécanismes.

Par contre, on souligne une autre petite inquiétude, là, à l'article 13.9.4 où il est question d'un programme de discrimination positive et de l'aide aux entreprises. Ça, avec les enjeux du développement puis les préoccupations de développement de nos entreprises, on y est sensibles parce qu'on comprend les enjeux, mais, en même temps, ça suscite une certaine préoccupation parce que nos communautés ont également besoin de se développer.

Donc, on en vient maintenant à nos trois recommandations. C'est très simple, ce que l'on vous propose, comme réflexion, parce que, comme on vous disait, l'impact est plus limité pour nous que peut-être pour d'autres groupes. Mais la première des propositions que l'on veut souligner, c'est celle du respect des aspirations des communautés locales. J'aimerais attirer votre attention sur des données importantes, là. On considère qu'avec tout ce qui se passe en ce moment dans la filière forestière, là, on constate un certain essoufflement, là, du modèle industriel qui a été mis en place depuis longtemps.

Le secteur forestier, au Québec, est un secteur très important puis qui a subi plusieurs transformations importantes, ce qui a eu des conséquences sur les communautés. Je vous parle maintenant, là, de la vague d'intégration, depuis la mise en place du régime forestier, qui a fait en sorte que les papetières ont acquis plusieurs usines de sciage, suivie d'une vague d'intégration qui a concentré vraiment tous les pouvoirs forestiers d'une manière très importante, ce qui fait qu'on se retrouve avec quelques grandes multinationales qui sont très sérieuses et très dévouées dans leurs tâches, mais que ça limite considérablement les possibilités de négociations pour les entreprises qui proviennent de la communauté puis qui se retrouvent dans un deuxième cercle de sous-traitance exclusive, pratiquement, en dehors des coopératives qui ont réussi à obtenir un statut d'industrielles elles-mêmes. Et donc, avec cet essoufflement-là, on constate qu'il y a plusieurs industriels qui tendent, en ce moment ? il n'y a rien de vraiment confirmé, là, on essaie de lire l'avenir ? qui tendent à peut-être se délester progressivement de leurs responsabilités d'aménagistes forestiers parce que ces responsabilités deviennent de plus en plus contraignantes face à l'augmentation des exigences.

Dans un tel contexte, il y aura des opportunités qui vont se créer. Ces opportunités-là sont très importantes pour des entreprises comme les coopératives forestières qui prétendent représenter la communauté et rapprocher le centre de décision de ces gens qui vivent de la forêt. Et donc, on a l'impression que, dans le cadre de l'entente pour favoriser le développement des communautés innues, il est possible que les nouvelles possibilités que le nouveau régime forestier offre, c'est-à-dire d'obtenir des contrats d'aménagement forestier, il est possible que tous les volumes qui vont se libérer leur soient réservés, ce qui serait donc là quelque chose de menaçant pour le développement des coopératives, alors que l'on attend ce moment depuis longtemps.

Le deuxième point, c'est l'implication de la société civile. On l'a dit tout à l'heure: Jusqu'à maintenant, ça a été l'objet d'une négociation entre gouvernements. C'était peut-être légitime jusqu'à maintenant, et on a vu que c'était probablement la première préoccupation du délégué du Québec, M. Chevrette, pour aller consulter les communautés. Mais nous, on croit que c'est important que la société civile soit impliquée dans la négociation et, considérant le rôle des coopératives forestières près de leur communauté, on espère avoir un espace pour être capables d'être représentés là-dedans pour commenter les propositions, peut-être commenter seulement les propositions ayant trait au développement forestier mais, en tout cas, on vous souligne qu'on est très intéressés.

La dernière proposition qu'on considère aussi très importante, c'est que c'est important d'aménager des passerelles entre les communautés. On a constaté, ailleurs dans le monde, que la coopération est un outil très important pour impliquer puis mettre ensemble des solutions. Puisque l'évolution des communautés qui cohabitent est, de toute manière, liée dans l'espace et dans le temps, on pense que ce serait intéressant de créer des ponts pour que les coopératives forestières, à partir du modèle organisationnel qu'elles connaissent, puissent porter assistance et devenir des partenaires en partie avec les communautés pour faire du développement forestier. Ce serait la meilleure façon d'enlever les irritants. Quand il y a compétition pour les ressources, ça devient source de conflit puis d'opposition. Au contraire, si on réussit à avoir des stratégies de coopération, c'est possible d'induire plus de compréhension mutuelle, donc on vous le propose.

Le recours à la coopération, c'est utile, parce que les communautés partagent les façons de faire et certaines valeurs. Bien entendu, tout ça aura besoin de temps et de confiance pour que ce soit vraiment concret et positif, mais on pense que ce serait intéressant de le faire, comme on le fait ailleurs dans le monde, en Amérique centrale surtout. Les coopératives forestières peuvent appuyer un appui technique en fonction de l'expertise qu'elles détiennent dans le secteur et, considérant que l'accès aux ressources pourra peut-être être plus favorable aux communautés autochtones, donc il y aurait peut-être une alliance stratégique qui serait enrichissante pour les deux communautés.

On a quelques propositions différentes là: on pense à la signature d'une entente de partenariat pour la réalisation de certains travaux autant de sylviculture que de récoltes où la coopérative réaliserait une partie des travaux et s'engagerait à appuyer les Innus pour qu'ils réalisent une autre partie. On pourrait même convenir d'ententes formelles d'entreprises spécialisées, peut-être même se rendre jusqu'au secteur industriel, malgré qu'en ce moment on éprouve, nous-même, de grandes difficultés à avoir le capital suffisant pour rester sur les rangs, mais on détient quand même une expertise qui pourrait être partagée. On pourrait s'engager aussi à appuyer l'émergence de coopératives dans le secteur forestier, parce qu'on croit vraiment à cette formule qui est très efficace pour créer de la richesse, mais aussi pour la partager. C'est un enjeu très important. On pourrait même s'engager à promouvoir l'embauche de travailleurs innus au sein des entreprises qui sont déjà existantes, nos coopératives forestières. Les nouvelles coopératives autochtones seraient les bienvenues aussi pour adhérer au sein de la conférence, donc une autre option. Puis on aimerait aussi favoriser les échanges entre les communautés pour défendre nos intérêts qui pourraient être communs si on réussissait à développer un peu de partenariat.

Donc, je repasse la parole à mon président pour la conclusion.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, M. Babin. On vous écoute.

M. Babin (René): Merci. Donc, la présente consultation revêt un caractère stratégique pour l'avenir des autochtones au Québec. Selon nous, il s'agit de la première fois que le gouvernement s'adresse directement aux Québécois pour débattre de cette question et nous en sommes reconnaissants.

Les coopératives forestières considèrent que cette démarche est très saine. Malgré le ressentiment que l'entente va sans doute provoquer parmi une part de la population, il est aujourd'hui nécessaire de clarifier la situation. Il s'agit d'une étape indispensable pour que les communautés qui cohabitent dans les régions du Québec puissent collaborer et s'entendre sur les moyens à mettre en oeuvre pour soutenir leur développement socioéconomique.

n(14 h 20)n

En terminant, le modèle de la coopération pourrait certainement être utilisé pour aménager des passerelles entre les communautés, de manière à créer et partager davantage les richesses provenant de la forêt.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Babin, M. Lessard. Alors, nous allons procéder à la période de questions. Je demanderais à M. le ministre... Je lui donne la parole.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président, et bienvenue aux coopérateurs, les coopératives, M. Babin, le président, et M. Lessard. Exactement dans le temps pour votre mémoire d'une précision tout à fait exemplaire avec ce rappel de l'importance historique des coopératives au Québec. On n'a qu'à faire allusion à ce que ça a donné comme résultat, ce que ça donne comme résultat dans le secteur agroalimentaire: les plus puissants joueurs économiques dans le secteur de l'agroalimentaire sont des coopératives, qu'elles soient Fédérée ou Agropur, c'est les instruments les plus puissants aux niveaux primaire et secondaire de la transformation, deuxième et troisième transformation au Québec, et il en est également de cette nature d'intervention pour les coopératives forestières.

Premièrement, je veux aussi souligner que vous avez entièrement et totalement raison de souligner qu'il s'agit d'une première. C'est la première fois qu'un gouvernement s'adresse à tous les Québécois par la voie de l'Assemblée nationale, un de ses instruments, à tous les Québécois, de faire entendre leur voix pour débattre de la question des droits ancestraux des nations qui partagent l'occupation du territoire québécois. Le seul exemple qu'on a eu auparavant, c'est en 1983, puis ça a donné des résultats assez exceptionnels, mais c'étaient les nations autochtones qui avaient été convoquées ou les membres, les personnes membres de ces nations, qui avaient été appelées à s'exprimer.

Vous saisissez ce moment d'histoire pour venir nous dire, dans le fond, que vous voulez être du mouvement. Une question de précision dans ma première question: D'abord, jusqu'à quel niveau êtes-vous impliqués dans la transformation? Est-ce que c'est juste du sciage ou si c'est significatif, là, les autres étapes dans lesquelles vous êtes impliqués, comme coopératives forestières?

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Babin.

M. Babin (René): On intervient, oui, au niveau du sciage. Je n'ai pas le pourcentage exact par coeur comparativement à l'ensemble du Québec. Nous intervenons aussi au niveau de la deuxième... Bien, nous tentons de faire une percée dans la deuxième transformation.

M. Trudel: Vous n'en faites pas le diable actuellement, si je comprends bien. Vous n'êtes pas beaucoup dans la transformation, dans la deuxième et troisième.

M. Babin (René): Non.

M. Trudel: Quand vous l'êtes, vous l'êtes surtout dans le sciage.

M. Babin (René): C'est ça.

M. Trudel: Opérations forestières et dans le sciage. Bon. Ça permet d'aborder la première dimension des approvisionnements qui, dans l'entente de principe, seraient réservés pour soutenir le développement des communautés de la nation innue. D'abord, il est question, sur la base des faits dans le projet d'entente, de 600 000 m³ au grand total pour l'ensemble des communautés ? d'objectif à atteindre, 600 000 ? sur un volume de quelque chose comme 13 millions de mètres cubes qui sont actuellement alloués, petit, moyen, grand utilisateur de la forêt. C'est parce qu'il faut bien placer les choses dans la perspective. 600 000 m³ comme objectif à atteindre pour soutenir le développement des communautés sur ou en tout cas en énonçant qu'il y a 13 millions: 7 millions dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean puis quelque 6 millions de mètres cubes sur la Côte-Nord. Je ne veux pas inquiéter de où on va prendre ça parce qu'il n'en reste plus de réserves pour accorder de nouvelles ressources.

N'avez-vous pas l'impression que, si on se mettait ensemble, coopératives de la nation québécoise, puissant levier de notre économie dans les régions avec cette formule, avec la nation innue, et que nous réalisions bien davantage de transformation, on pourrait atteindre ces objectifs? C'est-à-dire qu'il y aurait du développement de l'emploi dans nos sociétés régionales et du développement de l'emploi au niveau socioéconomique chez la nation innue? Est-ce que la façon d'atteindre l'objectif, ce n'est pas d'allonger la possibilité au niveau forestier en faisant davantage de transformation par des partenariats?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Oui, M. Babin ou M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Oui, M. le ministre, c'est intéressant, la proposition que vous faites, de miser sur le développement. Si je comprends bien votre question, vous parlez aussi d'utilisation un peu plus performante de la ressource puis de créer de la valeur ajoutée plus près de la communauté et tout ça.

M. Trudel: Créer de la valeur ajoutée ? il ne faut pas avoir peur des mots, là ? créer de la valeur ajoutée, faire de la transformation.

M. Lessard (Jocelyn): Effectivement, c'est des options qui sont très intéressantes. Mais je vous avoue que le focus que l'on fait, nous, c'est vraiment au niveau forestier, et donc, les responsabilités qui sont dévolues en ce moment à ceux qui réalisent les travaux, il y a quand même une compétition assez forte pour les mètres cubes qui sont là. Si on les utilise mieux dans le processus de transformation, c'est quelque chose qui va être très favorable.

On est de ceux aussi qui militent pour un aménagement un peu plus performant de la forêt. Il y a aussi, éventuellement, des possibilités, au niveau de la forêt, avec un aménagement plus intensif, de faire un peu plus de production. Donc, ça pourrait éventuellement libérer des volumes. Mais on a, je crois, une commission d'enquête devant nous pour répondre à plusieurs questions avant que l'on puisse être vraiment confiants. La tendance qui se dessine, avec les pressions que l'on constate, c'est qu'il pourrait y avoir, dans les prochaines années, plutôt une diminution de possibilités. Et donc, dans un contexte comme ça, de trouver 600 000 m³ sur 13 millions, ça semble peut-être un chiffre pas très important, mais, nous autres, on entrevoit qu'il y aura quand même une compétition assez forte pour obtenir ceux qui seront disponibles.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: C'est, entre autres, pour cela que j'indique aussi que les possibilités de développement y sont, avec la même matière en quelque sorte, pour qu'on puisse faire bien davantage. Parce que vous avez des intentions ? vous l'avez dit ? d'aller plus loin dans la transformation. Et je note aussi que, pour ce faire, vous, vous souhaitez avoir davantage d'accès à du capital. Ça semble être un frein. Est-ce que, si était rendu plus facile, l'accès au capital pour la transformation des ressources forestières dans le cadre de partenariats avec la nation innue, les communautés, vous seriez acheteurs?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui?

M. Babin (René): Bien, c'est difficilement répondable non à une telle question. C'est sûr que c'est intéressant comme proposition. On ne demande pas mieux que de, un, dans un premier temps, développer notre propre réseau qui est des coops forestières. Bien entendu, si on peut le faire en partenariat avec d'autres communautés, on n'a aucune objection à de tels partenariats comme tels.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.

M. Trudel: Les alliances stratégiques, les partenariats, ce sont des mots que vous avez utilisés pour soutenir le développement. Vous avez de la compétence dans ces domaines-là. Est-ce que vous êtes actuellement à discuter ou vous avez ouvert vos possibilités, vous avez offert vos possibilités aux nations et aux communautés concernées? Parce que vous agissez à proximité, vous êtes toujours... Vous vous croisez sur les territoires. Est-ce que déjà c'est amorcé, ça?

M. Babin (René): Présentement, il y a des travaux qui se font avec les communautés. On peut parler au niveau des travaux sylvicoles. Ça, c'est enclenché, le processus, depuis quelques années. Bon. Sans vouloir dévoiler non plus tous les plans stratégiques, dont je ne suis même pas totalement au courant, je peux vous dire que, oui, il y a déjà des discussions qui se font entre certaines coops et certaines communautés.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Trudel: Vous êtes beaucoup dans l'aménagement forestier, donc dans les opérations forestières, dans le reboisement, et des activités de même nature. Vous êtes probablement un des groupes les mieux placés pour nous indiquer s'il y a, comme je le pense, urgence d'établir des règles quant à l'utilisation du territoire. Vous nous avez fait allusion à ça dans votre présentation quelquefois: multiusages sur le territoire, multiressources. Il n'y a pas que de la coupe de bois; il y a des activités de chasse, de pêche, de cueillette, de piégeage. Il y a aussi des pratiques d'aménagement, le rendement accru, par exemple. Est-ce que ça vous apparaît urgent que l'on convienne de règles, au niveau de l'aménagement forestier, par exemple, ou au niveau des travaux d'intervention, sur qui peut faire quoi et dans quel contexte et en tenant compte de la présence sur le territoire de ses occupants et des droits qui leur ont été reconnus? Comment ça vous apparaît la situation actuellement, telle que vécue dans la forêt, sur le terrain?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Babin.

n(14 h 30)n

M. Babin (René): Bon. Bien, dans un premier temps, au niveau de l'aménagement forestier, bon, peut-être qu'une des façons de se rapprocher de l'objectif qui est de 600 000 m³, qui pourrait être disponibilisé, bien, c'est peut-être en faisant des travaux d'aménagement intensifs. Alors, on peut parler de sylviculture, on peut parler de reboisement en plants à forte croissance. Donc, ça, c'est une des possibilités. Oui, les coopératives forestières ont l'expertise pour réaliser tous ces genres de travaux. On a l'expertise pour produire les plants. On a l'expertise pour réaliser les travaux. Et on a aussi l'expertise pour, en fin de compte, former des nouveaux travailleurs qui peuvent être issus de communautés.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le ministre, il y a encore du temps.

M. Trudel: Oui. Revenons toujours sur cette... probablement, une crainte bien fondée, là. Tout le monde est pour la compétition, mais quand arrive la compétition, on dit: Oups! moi, j'aime la compétition quand je gagne, quand je suis le premier. Bon. Vous l'évoquez régulièrement quant à cette question d'objectif à atteindre de 600 000 m³ de bois réservé, de fibre réservée pour le développement économique chez les nations autochtones.

Vous n'avez pas l'impression que si vous développeriez des partenariats avec les communautés innues précisément, vous allez vous placer dans une situation de gagnant? Parce que vous allez être dans les choix sociaux que nous aurions faits, les choix socioéconomiques que nous aurions faits, et, s'étant fixé ça comme objectif, eh bien, les partenariats évidemment, ça va dans les deux directions. Vous savez qu'il y aurait donc des bois qui seraient attribués aux communautés. C'est un objectif de société. Je reviendrais tantôt, si on a un moment sur... Vous effleurez la question démographique, c'est essentiel. Vous n'avez pas l'impression qu'on devrait d'ores et déjà favoriser les partenariats et que cela va régler la question... bien régler, serait susceptible d'amener des solutions aux craintes que vous avez et surtout aux résultats que vous voulez obtenir.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Babin ou M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Mais, en fait, c'est la troisième recommandation de notre mémoire, là. C'est la proposition que l'on fait, c'est de créer ces passerelles. Pour essayer de comprendre comment se fait-il que ça n'existe pas plus, on a quand même questionné nos coopératives qui sont sur le territoire pour essayer de voir. Parce que ce n'est pas d'hier, ça fait très longtemps qu'on est là, puis ils sont là bien longtemps avant nous. Puis, ce que l'on constate c'est beaucoup de méconnaissance, qu'il y a très peu d'échanges entre les communautés. Et, il ne faut pas oublier que les coopératives forestières aussi, ce sont des entreprises, là, d'opération. Puis, tout le monde, quand ça prend trois personnes, il n'y en a que deux, donc, il n'y a jamais le temps nécessaire pour, on dirait, créer ces liens-là.

Curieusement, là, où on a eu le plus de contacts, c'est par le biais d'une coopérative qui est impliquée avec un groupe autochtone au Guatemala qui sont des Quiché. Et quand les Quiché sont en visite à Girardville, les gens de Girardville, ils vont voir les gens à Mashteuiatsh, puis c'est là que les relations se créent. C'est vraiment un peu effarant de constater quel détour ça prend pour qu'on réussisse à se croiser.

Mais, donc, moi, je pense que dans le cadre de la commission... de l'actuelle, ça nous permet de réaliser ces choses-là. En tout cas, nous, la volonté, on l'a de créer des relations. Puis, comme vous le dites, c'est exactement notre proposition. Il faut que l'on réussisse à s'entendre. Les craintes des coopératives forestières, c'est peut-être malheureusement de servir de faire-valoir pour un temps pour transférer l'expertise puis, ensuite, être évacuées du dossier. Ça, c'est quelque chose qui peut ralentir dans nos ardeurs. Donc, c'est pour ça que l'on a l'impression qu'il faut que l'on discute puis que l'on réussisse à s'entendre vraiment dans une vision d'assez long terme dans un partenariat qui serait gagnant pour les deux parties.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Lessard.

M. Trudel: Un petit mot au niveau du processus maintenant. Bon. Vous souhaitez ? il y a de l'intérêt, on comprend pourquoi et c'est normal, il faut le reconnaître ? être impliqué dans les phases subséquentes de la négociation. Le courant qui se dégage, semble-t-il, chez tous les partis politiques présents, c'est un appui à l'entente de principe avec la négociation prioritaire de certains objets ou de certaines dimensions pour nous conduire vers un traité. Vous employez le mot, là, puis je ne veux pas vous asticoter outre mesure, là, mais vous dites: Nous aimerions être impliqués directement dans les négociations. Bon.

Qu'est-ce que cela signifie? Parce que, un bon matin, il faut passer aussi... Il faut, dans la progression, passer à la pratique-là. Être impliqué directement dans la négociation, disons, on va en faire quasi un élément caricatural: Est-ce que vous souhaitez être à la table de négociations? Et qu'est-ce que ça signifie, pour nous qui allons avoir à faire des recommandations, être impliqués directement dans les autres étapes de la pratique terrain, au niveau de la reconnaissance des droits, l'exercice des droits reconnus par les tribunaux?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Babin? M. Lessard?

M. Lessard (Jocelyn): En fait, puisqu'on ne faisait que trois recommandations, on a utilisé des mots peut-être un peu trop forts là. Dans le fond, tout ce que l'on souhaite, c'est d'avoir un lien; on a utilisé le mot «direct». Je pense que les propositions de M. Chevrette de créer des comités sectoriels régionaux et de créer aussi le comité plus important en fonction de l'importance des enjeux pour chacun des groupes, je pense qu'on réussirait à se reconnaître dans ça. L'une des difficultés que l'on imagine, c'est qu'il va peut-être y avoir un peu de compétition puis peut-être des élections pour être l'heureux élu qui va être associé le plus étroitement. Mais, en fait, la chose la plus importante dans le processus, c'est quand même d'avoir accès à l'information avant que les décisions se prennent pour être capable d'au moins les commenter. Donc, il ne faut pas voir une insistance particulière avec le mot «directement».

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Lessard.

M. Trudel: Une bonne précision parce que, bon,...interprétation.

Le Président (M. Boulianne): Alors, je vais donner la parole au député de Roberval.

M. Laprise: Merci, M. le Président. Je vous félicite de votre rapport. Je pense que ça reflète bien l'esprit et la mentalité des coopératives forestières, connaissant bien les coopératives forestières de chez nous ? on en a quand même quelques-unes qui opèrent. Maintenant, quelle place vous allez faire aux coopératives des autochtones, par exemple, coopératives forestières ou coopératives d'employeurs au niveau de votre fédération des coopératives forestières? Est-ce qu'il y a de la place pour eux? Également, est-ce qu'il pourrait y avoir... Face aux quatre grandes vocations de la forêt maintenant, est-ce que ces autochtones pourraient être une ressource importante pour apporter des modifications à l'utilisation de la forêt, au travail sur le terrain ? eux autres, ils connaissent bien la forêt ? connaissant toutes les vocations que la forêt peut avoir au niveau de villégiature, également au niveau des plantes cultivées pour les médecines douces? Est-ce qu'il n'y aurait pas des choses qui pourraient être faites en complémentarité avec les autochtones dans nos milieux éloignés, dans notre arrière-pays?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Roberval. M. Babin.

M. Babin (René): Dans la première partie de votre question à savoir: Comment les accueillerait-on dans notre Conférence? Parce que ce n'est pas une fédération, c'est une Conférence des coopératives forestières du Québec. Dans le mémoire, ça a été dit clairement: oui, ils seraient les bienvenus comme adhésion à la Conférence. Et peut-être un des facteurs-clés de la réussite de certaines coops qui font partie de la Conférence, c'est la possibilité d'échanges qu'il y a entre chacune des coopératives forestières du Québec. On a plusieurs occasions annuelles de se rencontrer, d'échanger sur différentes problématiques qui sont vécues par une coop ou par une autre, ne serait-ce aussi que des moyens d'améliorer nos performances au niveau des coops. Donc, on n'a aucune objection à continuer de telles discussions avec des communautés innues.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Babin. M. le député de Roberval, ça va?

M. Laprise: Ça va.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup. Alors, je vais passer la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je vais saluer les représentants des coopératives forestières. Si j'ai bien compris, il y a deux grands messages qui découlent de votre présentation. Premièrement, c'est la consultation et c'est vraiment... on tombe dans les aires qui sont très techniques quant à c'est quoi les meilleures façons de faire la saine gestion de nos forêts. Mais, avant d'arriver à un traité final, avant de signer les choses, il y a une urgence que vos membres soient consultés, qu'on puisse avoir l'occasion de commenter une entente finale.

Et, deuxièmement, je trouve ça très intéressant qu'il y ait une ouverture des partenariats. Je comprends que souvent, c'est comme ça dans la vie, que ça prend la visite des gens du Guatemala pour mieux connaître nos voisins. Et, c'est réel, ce n'est pas un reproche, c'est plutôt un constat. Mais, maintenant, je vois une ouverture parce que je pense, si ça, c'est un domaine où il y a le problème de chômage très élevé dans les communautés autochtones, si on peut trouver les moyens de s'attaquer à ce problème et étant donné la jeunesse des communautés autochtones, je pense qu'on a tout intérêt à travailler ensemble et je pense que le modèle de coopérative, je pense que c'est un modèle qui est très bien adapté à la réalité autochtone et je pense qu'il y a une alliance peut-être naturelle qui peut, sans imposer des solutions... Ça, c'est aux Innus de faire leur propre choix comment ils veulent faire leurs affaires, mais je pense que le modèle coopératif, c'est un modèle qui s'adapte très bien aux façons de faire dans la communauté autochtone.

n(14 h 40)n

Alors, est-ce que je me trompe si je dis: Les deux grands messages de votre présentation sont ces deux?

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Babin? M. Lessard?

M. Lessard (Jocelyn): Non, vous avez fait une très bonne lecture. C'est l'essentiel, on veut être consulté puis on veut participer peut-être à la prise en charge de... collaborer pour contribuer à la prise en charge. Puis aussi, vous savez, les défis, ils sont importants pour eux, on le constate, mais ils sont aussi très importants pour nous. Puis, en plus, il y a un bassin de main-d'oeuvre éventuel. On a de plus en plus, là... Particulièrement sur la Côte-Nord, c'est de plus en plus difficile de trouver des travailleurs compétents. On en forme plusieurs, puis c'est un métier difficile. Donc, il y a des possibilités d'emplois. Puis c'est même étonnant qu'on n'ait pas réussi à faire plus de liens jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Non, et ça m'amène... Vous avez soulevé une autre question qui est très délicate, et je n'ai pas de solution, mais c'est toute la notion de la discrimination positive. Moi, personnellement, je ne suis toujours pas très chaud à ce genre d'idée d'imposer les quotas. Les Américains sont très forts. Il faut avoir... Par contre, je constate qu'il y a un taux de chômage de 66 % et je dis: Le volontaire, le laisser-aller donne très peu de résultats aussi. Alors, je cherche entre les deux c'est quoi les alternatives. Est-ce qu'il y a des moyens autres? On a parlé de miser sur la formation. J'imagine que la formation requise pour travailler dans les forêts, c'est très précis, c'est très exigeant. Mais est-ce que c'est avant tout de miser dans les programmes de formation dans des domaines comme ça qu'on peut corriger la situation? Parce que, quand je regarde... Oui, c'est très grave dans les autres régions du Québec, je ne veux pas minimiser le défi de création d'emplois pour l'ensemble de la société québécoise, mais les chiffres qui sont dans les communautés autochtones sont fort troublants, et, étant donné leur jeunesse, c'est une situation qui risque de devenir de plus en plus grave. Alors, c'est quoi les outils qu'on peut donner en visée de corriger le tir et d'avoir plus de monde qui va sur le marché du travail, plus de personnes qui, peut-être, vont participer dans vos coopératives, qui vont lancer leurs propres coopératives comme pour la création d'emplois?

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Babin.

M. Babin (René): Dans le genre de domaine qu'on a d'une recherche d'emploi, que ce soit, bon, principalement au niveau des travaux sylvicoles, peut-être la meilleure façon d'apprendre le métier d'ouvrier sylvicole, c'est en faisant de la sylviculture. Donc, au niveau de la Conférence, on a un programme de développement de la main-d'oeuvre, qu'on peut appeler. Parallèlement à ça, la plupart des coopératives ont aussi adhéré à des programmes de ce qu'on peut appeler du compagnonnage. Donc, les ouvriers sylvicoles expérimentés se font un plaisir de donner de leurs conseils ou de leurs trucs à des nouveaux ouvriers sylvicoles. Donc, c'est sûrement la meilleure façon de former des travailleurs sylvicoles. C'est peut-être la façon la plus efficace et la plus rapide. Ça, je peux en parler avec expérience parce que la coop chez nous, on fait quand même 4 000 ha de travaux sylvicoles par année. Donc, c'est sûrement la meilleure façon de former les travailleurs. Puis, rattachés à tout ça, dans tous les autres domaines, il y a également des programmes de formation disponibles, qu'on parle de production de plants en usine ou en opération forestière.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, ça va? Est-ce qu'il... Oui, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: S'il vous plaît. Hier... D'abord, bonjour, messieurs. Hier, en commission, est venu témoigner le Réseau des scieries indépendantes du Saguenay?Lac-Saint-Jean, et une de leurs recommandations était à l'effet que l'attribution des volumes de bois des CAAF devrait se faire, tant pour les autochtones que pour les Québécois, en suivant la Loi sur les forêts, c'est-à-dire: on attribue un certain volume de bois, si on a une usine de transformation, le CAAF est directement relié à l'usine de transformation. Souhaiteriez-vous effectivement que ? dans le projet d'entente, on veut réserver des 1 000 m³ pour la communauté innue ? la Loi sur les forêts soit respectée dans le sens que ça devrait nécessairement être assujetti à une usine de transformation?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Babin. M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): En fait, depuis la mise à jour du régime forestier, là, maintenant, il y a une nouvelle possibilité qui existe. Dès que les volumes de bois seront disponibles, ce n'est pas nécessairement comme c'était auparavant, des contrats d'aménagement et d'approvisionnement, maintenant, c'est possible de faire des contrats d'aménagement forestier. Donc, ça, c'est des mètres cubes qui seront disponibles pour des utilisateurs mais sans que l'approvisionnement soit lié à l'usine.

Et ce que l'on constate, c'est que, jusqu'à maintenant, c'était un terrible frein, cette... Jusqu'à maintenant, c'était un frein, cette obligation de posséder une usine pour avoir droit, avoir accès à la ressource. Maintenant, la loi nous permet d'avoir accès à la ressource, de s'investir dans l'aménagement forestier, de produire des mètres cubes sans avoir l'obligation de détenir un énorme capital, donc une usine. Je ne dis pas par là qu'il faut nécessairement que tous les bois qui vont se libérer soient attribués dans des CAF plutôt que des CAAF, mais cette possibilité-là existe. Puis je crois qu'il ne faut pas figer le territoire dans l'ancien régime.

Je ne sais pas si je comprends bien votre question. Ces scieurs indépendants, il leur manque des mètres cubes, là, ils sont à la limite: 100 000 m³ d'approvisionnement, ce n'est pas tout à fait suffisant. Donc, eux, ils veulent que le bois leur soit réservé. Je comprends ça. Mais, par ailleurs, la nouvelle loi, si elle a été modifiée, c'est pour permettre à certains groupes de s'impliquer dans le secteur forestier et puis peut-être de s'investir pour faire un centre de profits de la forêt plutôt que seulement un centre de profits dans l'usine.

Donc, je ne crois pas qu'il faut se limiter à cette ancienne façon de faire, il faudra explorer ces nouvelles façons. Et, peut-être que, pour les communautés innues, puis c'est ce que l'on disait dans notre mémoire, on ne veut pas que les mètres cubes qui vont se libérer soient réservés seulement à eux, mais, eux, sans doute, ce serait une expérience à vivre sans avoir à détenir une usine.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui. O.K. Si on voit bien au niveau des contrats d'attribution des mètres cubes de disponibles, quand vous dites que ce serait une façon pour les Innus... Au niveau du partage des volumes des mètres cubes, là, j'aimerais ça que vous expliquiez davantage comment on pourrait vous mettre à profit dans cette façon de voir.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Lessard ou M. Babin.

M. Lessard (Jocelyn): En fait, pour l'instant, c'est hypothétique, hein? Parce que, si on suit le courant, là, on a l'impression que des mètres cubes de disponibles, il n'y en a pas qui se profilent. On ne les voit pas dans le radar en tout cas. Mais, quand il y en aura, soit parce que des industriels auront renoncé à leurs droits ? ça ne se voit pas très souvent mais ça arrive quand même ? à ce moment-là, il y aurait des mètres cubes de disponibles. Et notre prétention, c'est que, nous, notre vocation fondamentale, c'est l'aménagement forestier. Notre implication, là, c'est notre connaissance du territoire puis des pratiques pour faire en sorte que la forêt produise le plus possible. Donc, dans une entente de partenariat, les mètres cubes qui seront disponibles, il y aura des preneurs pour les utiliser même s'il n'y a pas un contrat d'approvisionnement. À moins que les choses changent énormément, il y a une très forte compétition pour l'accès au volume disponible.

Donc, dans une association qui miserait sur l'aménagement forestier, il y aurait création de richesses à partir de la forêt elle-même et il y aurait, je ne sais pas encore les mécanismes, on n'est pas encore rendu là, des ventes aux enchères ? un mot tabou dans notre industrie forestière ? ou d'autres mécanismes, des garanties d'approvisionnement à long terme octroyées sous forme d'ententes négociées. Il y a plusieurs formes possibles. Mais, à ce moment-là, c'est la forêt qui devient le centre de l'investissement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée.

Mme Gauthier: Une dernière question. Je dirais, au niveau de la consultation, vous avez dit que vous souhaiteriez être consulté au niveau des tables sectorielles, il y a un intervenant ce matin qui nous disait de faire attention, au niveau des tables sectorielles, de ne pas travailler en silo. La forêt, ce n'est pas juste les aménagements forestiers, ce n'est pas juste l'exploitation forestière, mais c'est toutes sortes d'activités qui se passent en forêt. Les tables sectorielles, les tables régionales, vous verriez ça comment, vous?

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Lessard ou M. Babin.

n(14 h 50)n

M. Lessard (Jocelyn): On est ouvert à ça, là. On pense qu'effectivement, la ressource forestière, c'est plus que des mètres cubes de matières ligneuses. Et donc, les gens ont intérêt à se rencontrer tôt dans les processus. Et, oui, c'est une proposition intéressante, là. C'est sûr que, jusqu'à maintenant, le moteur économique, c'est la transformation du bois. Donc, pour ça, on pense que c'est important d'avoir un espace suffisant pour se faire entendre, et pas trop dilué. Mais autant c'est vrai que c'est important de s'adresser puis d'avoir des ponts avec la communauté innue, c'est vrai entre tous les utilisateurs de la ressource.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. D'abord, excusez-moi de mon retard. J'ai manqué le début de votre exposé, mais ce que je retiens de ce que j'ai pu entendre jusqu'à maintenant, pour ne pas utiliser le tout, c'est que vous êtes un peu les jardiniers de la forêt québécoise puis que vous êtes là en fait pour créer, vous êtes des générateurs de mètres cubes dans la façon de faire, là, que vous avez.

Ce qui est intéressant puis sur quoi j'aimerais vous entendre parler plus, c'est au niveau du démarchage que vous faites jusqu'à maintenant pour trouver, justement, des employés. Au niveau des communautés autochtones, est-ce que vous faites déjà du démarchage pour intéresser certains de ces jeunes-là, peu importe présence ou pas présence de l'Approche commune, là, afin d'aller chercher une main-d'oeuvre puis de les inciter à se qualifier, puis assurer un suivi, finalement? Parce que c'est très difficile, de plus en plus difficile d'amener du monde, là, à travailler dans votre domaine d'expertise.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saguenay. M. Vézina... pardon, M. Babin.

M. Babin (René): Bon. C'est sûr qu'il n'y a peut-être pas de grosse campagne de recrutement qui peut se faire à l'intérieur des communautés. Par contre, je pense que, sur chacun des centres d'emploi, il y a d'annoncé sur les sites que les coopératives sont à la recherche de travailleurs. Ce n'est pas un secret, ce n'est pas un secret bien gardé qu'il y a toujours possibilité d'avoir un emploi, facilement, dans le domaine des travaux sylvicoles, que ce soit sur la Côte-Nord, au Lac-Saint-Jean, au Saguenay, en Abitibi. Donc, il y a une ouverture pour des travaux. Je pense, peut-être, que, à un moment donné, chacun a un peu un petit effort à faire aussi pour ne serait-ce que postuler pour un emploi, là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Une dernière, oui. Est-ce que, présentement, vous comptez plusieurs ou quelques employés, à tout le moins, là, des employés qui seraient de provenance des communautés autochtones?

M. Babin (René): Oui, il y en a. Il y a même, à ma connaissance, au moins un contrat qui est donné à une communauté et certaines coopératives aussi qui ont des travailleurs autochtones.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, M. le député de Saguenay. Alors, Merci, M. René Babin, M. Jocelyn Lessard, pour votre témoignage. Alors, la commission, donc, demande à la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs de s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue, messieurs, à la commission. Le représentant de la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs, alors j'aimerais donc que le responsable se présente et présente son équipe.

Fédération québécoise des gestionnaires
de zecs (FQGZ)

M. Desbiens (Éric): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. D'abord, merci de nous accueillir aujourd'hui. Alors, je me présente, Éric Desbiens, trésorier de la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs et également président du Regroupement des zecs de la Côte-Nord; alors, ici, à ma gauche, j'ai M. Pierre-Émile Simard, qui est trésorier du Regroupement des zecs du Saguenay?Lac-Saint-Jean; et, à mon extrême gauche, ici, nous avons M. Denis Gingras, qui, lui, est vice-président du Regroupement des zecs de la région de Québec.

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue. Alors, nous vous écoutons, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Alors, avant de débuter, j'aimerais tout d'abord présenter un ajout de document, il s'agit d'une carte qui en fait permet de mettre en perspective le territoire des zecs sur le Nitassinan. Alors, considérant tout le territoire, y compris la partie sud-ouest, le Nitassinan touche à 24 zecs, ce qui représente en superficie 7,5 % du territoire de tout le Nitassinan.

Le Président (M. Boulianne): Vous avez des cartes, là, qu'on peut distribuer à la commission, s'il vous plaît?

M. Desbiens (Éric): Oui. Et voilà.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup. Alors, continuez.

M. Desbiens (Éric): Alors, je débute donc ma présentation. La Fédération québécoise des gestionnaires de zecs est un organisme à but non lucratif regroupant 63 associations gestionnaires de zecs de chasse, de pêche et de plein air. Elle a pour objectif d'assurer la représentation des quelque 600 gestionnaires de zecs auprès des différents intervenants socioéconomiques et politiques afin de promouvoir les zecs. La Fédération favorise le regroupement des organismes et prépare à leur intention des documents d'orientation, met en place des mécanismes d'information et de concertation et participe aux activités du Groupe-faune national.

Les zecs du Québec couvrent près de 50 000 km² de territoires giboyeux, parsemés de milliers de lacs, de centaines de kilomètres de réseaux routiers et de sentiers permettant d'explorer la nature sauvage. La totalité des zecs de chasse, de pêche et de plein air regroupe environ 40 000 membres. Quelque 250 000 utilisateurs fréquentent les zecs annuellement. Dans leur activité principalement axée sur l'exploitation de la faune, les zecs engendrent des retombées économiques majeures en région. Les zecs sont des propriétés collectives qui ont su au cours des 25 dernières années limiter les prélèvements et assurer ainsi la pérennité des ressources fauniques.

La Fédération québécoise des gestionnaires de zecs, représentante officielle de toutes les zecs de chasse, de pêche et de plein air du Québec, désire prendre position de manière brève mais concise concernant la proposition d'entente de principe d'ordre général conclue entre le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et les Innus des premières nations de Mamuitun et de Nutashkuan.

Le grand principe général visant à définir les droits ancestraux des communautés autochtones, partie à la proposition d'entente présentée, est en grande partie accepté par les gestionnaires de zecs. Dans ce contexte, les organismes gestionnaires de zecs reconnaissent les inquiétudes vécues par les nations autochtones mais désirent faire connaître à leur tour leurs propres appréhensions afin de s'engager dans un processus gagnant-gagnant. Il faut donc déduire ici que les organismes gestionnaires de zecs désirent contribuer à l'établissement d'une entente sans toutefois être brimés dans l'exercice du mandat qui leur a été conféré depuis les 25 dernières années.

Les organismes gestionnaires de zecs sont présentement liés par protocole d'entente avec le gouvernement québécois. Ce mandat reconnaît qu'un organisme gestionnaire de zecs accepte de gérer un territoire délimité qui lui est attribué en s'engageant à planifier, organiser, diriger et contrôler l'exploitation, la conservation et l'aménagement de la faune. Ce mandat doit respecter les quatre grands principes suivants: assurer qu'il n'y ait pas de faits et gestes ou de pratiques allant à l'encontre de la conservation de la faune et de son habitat; assurer l'égalité des chances pour tous à l'accès et à l'utilisation de la ressource faunique; favoriser la participation dans un cadre démocratique des personnes intéressées à la gestion de la faune; quatre, rechercher l'autofinancement des opérations de l'organisme.

À la lecture de l'entente de principe, les gestionnaires de zecs expriment des craintes à l'effet qu'en ne soumettant pas la totalité de la population aux mêmes règles sur les territoires de zecs, le privilège de certaines catégories de personnes viendrait en quelque sorte rendre invalide le protocole d'entente liant les organismes gestionnaires de zecs et le gouvernement québécois et, conséquemment, condamnerait les gestionnaires de zecs à une incapacité de gestion. Dans ce contexte, il faut vivement, M. le Président, prévenir la dénaturation possible du mandat de gestion faunique qui a été délégué aux organismes gestionnaires de zecs. Sans le respect des principes auxquels ils se soumettent à part entière, c'est la nature même et la spécificité des territoires de zecs qui risquent d'être violées.

M. le Président, le contrôle, l'aménagement et la mise en valeur des activités de chasse et de pêche sur le territoire des zecs représentent une plus-value profitable pour toute personne y accédant, et l'accès doit y être maintenu au même prix et aux mêmes conditions pour quiconque. En conséquence, aucun principe ou entente complémentaire ne devra favoriser, en tout ou en partie, des gens ou des situations pouvant provoquer de la concurrence déloyale, notamment par l'exploitation d'une entreprise, d'un commerce ou par la vente de gibier et de poisson. Il est donc souhaitable de définir clairement, avant la signature d'une quelconque entente, le départ et la finalité de la notion de subsistance.

n(15 heures)n

Sur le plan du territoire, le principe d'Innu Assi tel que proposé est jugé acceptable. Ceci représente un gain considérable pour les autochtones relativement à leur autonomie de gestion. Quant au Nitassinan, ce territoire non exclusif nous apparaît froidement exagéré dans les limites de ses frontières, particulièrement pour la partie nommée sud-ouest. Cette portion du territoire n'a pas été présentée dans les documents proposés au grand public par le Secrétariat aux affaires autochtones. Les gestionnaires de zecs des régions de Portneuf et de Charlevoix s'interrogent et expriment des craintes quant au réel statut de la zone sud-ouest, puisqu'elle représente la portion du territoire la plus organisée, mais aussi la moins publicisée, faisant partie des revendications autochtones.

Ententes complémentaires et d'harmonisation. L'approche souhaitée en est une de partage dans laquelle nous voyons la nécessité d'établir des partenariats. Les ententes spécifiques ou complémentaires devront être établies à l'échelle régionale, voire même locale, en respectant le mandat général des organismes gestionnaires de zecs. Les zecs accepteront de conclure des ententes en autant que celles-ci soient égales pour toute personne. Nous souhaitons supporter les autochtones dans leur démarche afin de reconnaître leurs particularités culturelles, qui viennent, d'une certaine manière, bonifier la patrimoine de tous les Québécois et Québécoises. Nous souhaitons que l'entente globale soit finalisée dans les délais les plus courts possible en n'oubliant pas que chacun doit y trouver son compte, et ce, sans jamais brimer les uns pour favoriser les autres.

Nous souhaitons vivement que les 19 ententes complémentaires prévues à l'entente globale, particulièrement celles désignées par l'article 5.8, soient conclues obligatoirement avant la signature de l'entente finale. Nous demandons aussi que la pratique d'Innu Aitun soit définie de manière beaucoup plus concise que celle libellée dans l'article 5.2. Par exemple, qu'est-ce qu'un titre accessoire? Qu'est-ce que des fins sociales? Des définitions claires et de bonnes propositions d'harmonisation découlant de ces ententes ne pourront que faciliter l'adoption rapide d'une entente finale.

Nos demandes, M. le Président. Les organismes gestionnaires de zecs souhaitent le respect des deux grands principes suivants dans le cadre de l'entente générale: le respect à part entière du mandat de gestion attribué aux zecs, dans un contexte d'égalité, en imposant à quiconque les mêmes modalités de prélèvement, d'enregistrement et de paiement pour avoir accès aux territoires de zecs; le respect du territoire de la délimitation de la zone de gestion en ne permettant pas l'occupation opportuniste des secteurs exploités, aménagés ou mis en valeur.

Il faut conserver le profit des investissements et de mises en valeur effectués par les gestionnaires bénévoles pour tous les Québécois, quels qu'ils soient. Les territoires de zecs ne représentent qu'un certain pourcentage du territoire revendiqué par les Innus. C'est pourquoi les organismes gestionnaires de zecs croient qu'il serait profitable de conserver le mandat et l'intégrité entière des territoires attribués sous mandat. Voilà, M. le Président. C'était notre présentation.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui ont à intervenir? Alors, on vous remercie beaucoup. Je voudrais vous féliciter aussi, M. Desbiens, pour la carte. Je pense que c'est important de bien situer. Alors, dans un dossier comme ça, ça devient un outil pédagogique important. Merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Souhaiter la bienvenue à nos invités, M. Desbiens ainsi que M. Gingras et M. Simard, d'autres régionaux aussi concernés et impliqués dans la proposition d'entente de principe qui nous est soumise.

Il faut donc bien constater que vous nous faites des rappels factuels de ce qu'est la situation actuellement. La gestion, la gestion des ressources qu'on vous a confiées par la loi québécoise, avec des obligations à l'égard d'un certain nombre de dimensions que vous relevez très bien... J'allais dire cependant: Vous et nous avons, oui, il faut le dire, à l'égard de cette partie sensible, très sensible, un sacré problème, parce que ? on répète ça de différentes manières depuis le début de cette commission ? le projet d'entente de principe, il n'accorde pas de droits, il ne donne pas de droits, il répond de l'obligation des jugements de cour, incluant bien sûr les jugements de la Cour suprême du Canada, qui reconnaît... reconnue en 1982 mais reconnue dans plusieurs jugements, et qui nous fait obligation de moyen d'en négocier l'exercice, les effets, de ces droits-là. Entendez-vous, disent les cours, nous, on pourrait arbitrer cela, mais ces droits ancestraux existent, les pratiques ancestrales sont des droits qui existent, et vous devez vous entendre quant à leur exercice. Bon.

C'est pourquoi, quand nous arrivons... Et vous faites une lecture et vous faites un rappel très factuel. Le législateur québécois, peu importent les gouvernements, qu'ils soient libéraux, qu'ils soient du Parti québécois, qu'ils soient de l'Union nationale, bien, ils ont gouverné avec la connaissance du moment, avec la connaissance du moment. Et, quand, dans la loi, si ma mémoire m'est fidèle, on vous confie... Quand on confie à un organisme de gestion d'une zone d'exploitation contrôlée, de planifier, d'organiser, de diriger et de contrôler l'exploitation, la conservation et l'aménagement de la faune, on avait inclus nommément que vous deviez vous assurer de l'égalité des chances pour tous à l'accès et à l'utilisation de la ressource faunique. C'était l'état du droit. Les jugements de cour sont arrivés. C'est pour ça que je suis dans l'obligation de nous faire le rappel à tous les deux que ça s'est modifié, et, comme disent les avocats, nous devons nous gouverner en conséquence.

Je peux bien, M. le Président, me répandre pendant de longues minutes sur le travail fantastique que font les organismes gestionnaires de zones d'exploitation contrôlées, je suis un utilisateur, la famille fait tout ça, c'est fantastique, mais il est apparu quelque chose de neuf là où je pensais, comme législateur, ou nous pensions, comme société, comme législateur, que nous agissions dans la bonne direction: on nous demande de modifier cela pour exercer des activités ancestrales reconnues par les tribunaux. J'ai simplement envie de vous dire: On vit dans une société de droit. Comment vous réagissez à cela, à cette nouvelle donnée qui nous est donnée par les tribunaux?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Alors, vous nous dites, M. le ministre, au départ, que déjà les autochtones possèdent les droits de pratique d'Innu Aitun sur le territoire?

M. Trudel: Je ne dis pas cela, je ne fais qu'énoncer ce que les décisions de la cour ont dit.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, allez-y.

M. Desbiens (Éric): Alors, justement dans notre mémoire, on fait référence à cette pratique d'Innu Aitun. Nous aussi, on est conscients... J'espère ne pas vous donner l'impression que nous ne sommes pas conscients de certains faits historiques, mais on est conscients, et on en a eu l'expérience au cours des deux dernières années d'ailleurs, que, oui, il y a des droits que les autochtones ont déjà, et la pratique d'Innu Aitun peut se faire ou devrait se faire selon différents jugements qui aient été donnés.

Et c'est justement cette définition d'Innu Aitun qu'il faut, je pense, amener des points plus précis. C'est quoi, des pratiques traditionnelles? Et aussi avec quel outil on les fait? C'est très important afin de ne pas créer d'injustice dans les milieux, parce que les gens dans nos régions se sentent aussi des autochtones, ils se sentent aussi. Et l'expérience qu'on a, c'est qu'il y a des irritants. Et qu'on s'enligne vers quelque chose. Si vous dites que les pratiques traditionnelles doivent continuer de se faire, je ne voudrais pas non plus que tous les autochtones se sentent touchés par ça, parce que ce n'est pas tous les autochtones qui... comme dans toute communauté, il y a des délinquants. Il faut s'entendre là-dessus. Donc, ce n'est pas un commentaire qui s'adresse nécessairement, de façon générale, à toutes les communautés.

n(15 h 10)n

Mais il faut redéfinir, je pense, la question des pratiques Innu Aitun, les pratiques traditionnelles, justement afin qu'on sache sur quel pied danser, parce que, là, il n'y personne qui le sait, là. Il n'y a personne qui le sait. Et c'est cet irritant-là qui, je crois... Si, ça, ça pouvait être réglé, M. le ministre, je pense qu'on avancerait à pas de géant dans cette entente-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.

M. Trudel: Si vous me permettez un commentaire. Votre expression est tellement belle: Pour savoir sur quel pied danser. C'est précisément l'exercice auquel nous convie la décision des cours: établir des règles sur des droits pour que nous sachions sur quel pied danser. Vous, vous présidez une fédération d'organismes qui gèrent des règles, hein, de cueillette, de façon de cueillir au niveau faunique, des règles et puis même vous... Tu sais, on débourse tout dans notre zec, on est coopératif et puis ? c'est sous forme quasiment de forme coopérative ? et puis il arrive un jour où la cour nous dit: Il y a quelqu'un d'autre qui peut, qui peut exercer la même activité sans que mes règles nécessairement... sans nécessairement être en conformité avec mes règles. Je comprends que ça bouscule et je trouve votre réponse sage. C'est pour cela qu'il faudrait déterminer les règles pour savoir sur quel pied danser. C'est précisément...

Mais pour savoir sur quel pied danser, il faut aussi qu'on passe à travers des étapes qui sont: d'abord, reconnaître les principes, reconnaître les principes et ensuite en négocier les modalités d'exercice, et là je suis absolument dans votre direction, de l'Innu Aitun, la définition non pas des droits ancestraux, puisque c'est les cours, encore une fois, qui nous le disent, mais la façon de les exercer, et que nous soyons capables, avec l'autre partie, l'autre nation qui possède ces droits ancestraux, que nous soyons capables d'en arriver à de la compatibilité parce que, dès lors...

Et puis votre mémoire, je trouve, il reflète le bon sens, sur le terrain, que l'on entend. Vous dites: Il faut que la totalité de la population soit soumise aux mêmes règles sur les territoires de zecs. Le privilège de certaines catégories de personnes, ce que les cours nous ont dit, c'est que ce n'est pas un privilège, c'est un droit. C'est ça, la barrière ou l'obstacle que nous avons à franchir. Et je trouve qu'en utilisant ce mot-là vous reflétez parfaitement ce que j'entends quand je suis aussi en territoire de zec et que je suis à pratiquer, selon les règles qu'on s'est définies, les activités de cueillette.

La question supplémentaire, c'est: Reconnaissant cette obligation de résultat, est-ce que vous êtes aussi d'accord... Puis, je ne vous pose pas la question du point de vue constitutionnel, que ce soit très... là, on est en termes d'étapes à réaliser dans notre obligation. Reconnaître des principes et puis en négocier l'application, c'est le projet d'entente que nous avons devant nous. Est-ce que vous avez vu ça dans le processus et que vous seriez d'accord pour qu'on franchisse une étape supplémentaire, celle qui a été convenue entre les parties, en tenant compte de ce que vous avez dit, par exemple, qu'avant toute entente finale, qui s'appelle le traité, on ait défini les modalités d'application?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Effectivement, M. le ministre, je pense que, dans notre mémoire, on est d'avis qu'il faut qu'il y ait une entente de signée, cette entente de principe là, mais qu'il y soit amené quelques amendements, qu'on modifie. Il faut que ça fasse vite aussi. De quelle façon que ça doit se faire? échelonné sur combien de temps? il faut qu'on définisse aussi des règles là-dessus, sur l'échéancier, parce que le temps presse. Puis je reviens toujours avec des exemples concrets que l'on vit sur nos territoires. C'est que, depuis, M. le ministre, qu'il est question de toute cette entente de principe là, il y a certaines personnes autochtones, d'autres personnes qui se disent autochtones qui peut-être ne le sont pas vraiment, qui tentent de profiter, je dirais, de cette situation de on ne sait pas sur quel pied danser pour essayer de justement... sous prétexte de faire valoir leur droit qui a été reconnu par des jugements en Cour suprême.

Donc, si on doit procéder, à partir de la semaine prochaine, dans une démarche qui viserait la signature d'une entente de principe, je pense qu'il faudrait se donner un échéancier et j'irais même jusqu'à dire de recommander un moratoire sur toutes pratiques d'Innu Aitun sur le territoire des zecs tant et aussi longtemps qu'un traité soit signé. Parce que pendant combien de temps on va pouvoir vivre, en région, cette situation-là du non-savoir, qui agace, qui irrite nos populations, qui crée aussi presque de... qui crée de l'agressivité ? on le vit, on sait c'est quoi ? avec des gens, contre des gens avec qui on est habitué de travailler depuis plusieurs années. Parce que, avec les zecs, on travaille... Les zecs travaillent avec les communautés autochtones, puis je dirais qu'il y a des bonnes choses qui se font.

Ces gens-là, ils veulent travailler avec nous, on le sait qu'ils veulent, mais, encore une fois, j'ai des craintes face au processus actuel parce que c'est vraiment très général, cette entente de principe là. Plusieurs personnes ont l'impression de: si on signe ça, bien, c'est comme signer un chèque en blanc qui peut s'étendre perpétuellement, jusqu'à ce qu'on trouve une solution qui peut-être ne viendra jamais. C'est pour ça que la notion d'échéancier est extrêmement importante.

Mais, pendant ce laps de temps, il faut rassurer nos personnes, il faut rassurer nos utilisateurs, parce que, en arrière de tout ça, nous, on continue de travailler. On nous demande de monter des plans de gestion en fonction des quotas d'abattage, en fonction des espèces qu'on prélève; on nous demande de monter des plans de développement pour essayer de venir bonifier nos activités qui se déroulent sur nos zecs, alors, de temps en temps, je ne dirai pas qu'on a un petit peu l'impression qu'on travaille peut-être pour rien... parce que, quand on aura signé, bien, il faudra tout recommencer.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Desbiens. Une dernière, oui?

M. Trudel: Une dernière, oui. Bien, plus une observation. Je loue aussi cette attitude, si vous me permettez, de l'urgence de s'entendre, parce que, pendant cette période-là, il y a des phénomènes qui se passent sur le territoire. Bon, vous employez d'autres mots que ceux de notre mandataire, M. Chevrette, qui... Vous appelez ça, ici, «l'occupation opportuniste des secteurs exploités» ? dans le «politically correct», vous êtes parfaits, là. Oui, je pense qu'il y a... M. Chevrette a précisément aussi énoncé cette dimension-là, l'occupation du territoire, y compris de parties de zones d'exploitation contrôlées, qui ne favorise pas, là, qui ne favorise pas l'entente. Et je pense que le signal aux parties était assez clair là-dessus, de la part du mandataire, vous le rappelez ici. Mais, en même temps, cela nous appelle à une obligation de résultat dans un échéancier relativement serré.

Ça fait 20 ans qu'on est là-dedans, minimum ? ça fait 20 ans qu'on est là-dedans. Je lisais une dépêche, tantôt, un article de journal de 1994, du mois de janvier 1994. Le négociateur de l'époque, Guy Coulombe, avait fait rapport à son ministre sur un projet d'entente avec Montagnais et Attikameks, avec un certain nombre de pouvoirs et, comme on dit communément, ici... C'était Christos, qui était le ministre, c'était Christos Sirros, député de Laurier-Dorion, je pense, son comté, qui était le ministre, et puis on était... Ah! suivant ce que je lis comme dépêche, on était sur le bord. On était sur le bord, là.

Alors là on ne commencera pas à se faire des petits procès historiques: T'aurais dû le faire; non, j'aurais dû le faire; t'aurais ben donc dû le faire Non, non. Pas les «j'aurais ben donc dû», là. C'est: Nous avons une responsabilité historique. Et je suis content, quant à moi, de l'ouverture que vous manifestez et de l'indication que vous donnez qu'il y a importance et urgence de se donner des règles pour qu'on puisse danser sur le même pied peut-être.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi, également, je tiens à vous souligner mon appréciation que vous soyez présents, M. Desbiens, M. Gingras ainsi que M. Simard. Et peut-être, avant, j'aurais une précision à vous demander par rapport au petit tableau que vous nous avez passé sur la zone d'exploitation contrôlée, là. Je regarde un peu, c'est plus en fonction du Nitassinan revendiqué par tout le groupe de Mashteuiatsh-Mamuitun. Donc, si je regarde le dernier carreau, si vous voulez, au niveau des zecs, là, qui est tout près, en plein milieu de la ligne, du côté de l'extrême droite, on voit que la ligne coupe une zec. Donc, c'est la zec Matimek, je présume, qui a fait beaucoup de tapage ces jours derniers au niveau publicité. Je veux revenir là-dessus bien sûr.

n(15 h 20)n

Vous avez sûrement pris connaissance aussi du rapport de M. Chevrette dans lequel, aux recommandations 7 et 8, il parlait de la problématique... entre autres au niveau de 8, où il parlait du jugement Côté ou de la possibilité de percevoir les paiements des droits de passage, là, parce que le jugement le reconnaissait, mais aussi toute la notion de la réglementation 7. Alors, je présume que ces deux recommandations-là vont sûrement satisfaire les représentants des zecs en soi. En tout cas, moi, j'aimerais beaucoup plus vous entendre pour le secteur qui nous touche aussi, la zec Matimek.

M. Desbiens (Éric): ...qu'on voit qui est requis, qui chevauche la fameuse ligne rouge.

M. Duguay: O.K. Donc, Matimek, on ne la voit pas là.

M. Desbiens (Éric): On la voit juste un petit peu en haut.

M. Duguay: Juste un petit coin, là.

M. Desbiens (Éric): Oui, c'est ça. Ils ont quand même vécu des situations.

M. Duguay: O.K. Alors, compte tenu que la zone Nitassinan pour le secteur de Uashat n'est pas encore connue, sauf qu'on sait qu'elle va coller probablement à cette bande-là, ce qui est tout à fait logique... Par rapport à la zone Matimek, on sait aussi que... Durant le témoignage de M. Chevrette, vous avez sûrement entendu ce qui avait été énoncé, l'occupation systématique du territoire qui avait été quand même un mot d'ordre signifié à l'époque, là, et comment, dans un contexte où effectivement ? et vous l'avez démontré aussi dans votre mémoire ? le rôle que les zecs ont à jouer sur le territoire, donc assurer la pérennité, et tout ça, des espèces... Et ce qu'on vit présentement sur ce territoire-là, c'est bien sûr que la seule, en tout cas, la seule opportunité serait peut-être de trouver une solution à partir de demain pour soit un moratoire ou quoi que ce soit.

Mais j'aimerais ça un petit peu vous entendre, parce qu'on sait que, sur ce territoire, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il y a des secteurs qui ont été développés par nos bénévoles qui travaillent au sein de la zec. Il y a des lacs qui ont été alimentés au niveau de poissons, et ces deux lacs en question, c'est le lac à Toi et le lac à Moi où il y a quand même eu de l'ensemencement. Et c'est très bien contrôlé, on a un nombre intéressant de membres au niveau de la zec, et, un certain moment donné, sur ce même lac-là, au moment où vous décidez de fermer le lac pour protéger la pérennité des espèces, on s'aperçoit que la communauté montagnaise, ils vont pêcher hors limite et hors zone.

Alors, comment, dans un contexte d'entente, comment vous voyez ça? Est-ce qu'à court terme, sur place, il y a possibilité qu'on puisse s'entendre? Est-ce que des approches ont été faites dans ce sens-là ou la situation est rendue à un point tel qu'on n'est pas capable de trouver de solution à court terme?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Je dirais que c'est une situation qu'on pourrait qualifier de point chaud, puisque... Vous parliez tout à l'heure d'un point d'ordre qui avait été donné afin de défier les autorités, ceux qui avaient le mandat de gérer le territoire, peut-être de toutes les façons. En fait, j'essaie d'interpréter un petit peu ce que mon confrère qui travaille à la zec Matimek mentionne d'ailleurs dans certains documents télévisés qu'on peut voir, qui lui-même subit à l'heure actuelle des frustrations très fortes et aussi certaines pressions de la part de ses membres.

D'ailleurs, je pense, qu'on parlait des situations... ne pas bénéficier de situations opportunistes. C'est une situation opportuniste, dans le sens qu'on se retrouvait avec deux plans d'eau absents de population indigène, d'ombles de fontaine. Les gestionnaires de zec ont préparé un plan de gestion, afin d'introduire la truite mouchetée, et, bon, il y a eu un délai avant de permettre la pêche, pour que les membres puissent aller pêcher. Bon. Maintenant, tout ce travail-là au niveau de la gestion a été un petit peu annulé dans le sens qu'il y a eu des gens qui ont pêché. Il faudrait ajouter un petit peu à quota, les périodes, aussi avec les engins utilisés aussi, ce serait un troisième facteur qu'il faudrait ajouter.

Le Président (M. Boulianne): Alors, nous allons passer au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue à la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs. Dans toutes ses commissions parlementaires, un député cherche toujours dans son propre comté pour avoir une idée claire de c'est quoi, les instances qui viennent devant nous. Je dois avouer, quand je regarde les zecs dans mon comté, je suis à sec, je ne suis pas certain. Mais, si je peux avoir juste certaines précisions sur votre fonctionnement présent. C'est quoi? Vous avez parlé de certains problèmes avec la situation actuelle, on est un peu dans un vide à cause des décisions de la Cour suprême, et tout le reste. Alors, si jamais on commence une prochaine ronde de négociations, est-ce qu'on est en train de dresser une liste des problèmes, dresser une liste de peut-être des choses qui manquent de précision? Alors, en résumé, c'est quoi, les choses, pour vous et vos gestionnaires membres, qui ne sont pas claires pour le moment dans la situation et les propositions de l'entente de principe?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): C'est effectivement toute la question des pratiques traditionnelles. Les utilisateurs de zecs, les membres et les non-membres, font un prélèvement selon des modalités bien établies sur les territoires. Dépendamment de la région où on se trouve, il y a des espèces qu'on exploite, d'autres qu'on n'exploite pas. Il y a donc des périodes où on peut les exploiter afin de respecter... Il faut toujours respecter, bon, toute la question du développement durable, puis la pérennité de la ressource. Je pense que c'est un principe qui est accepté de façon internationale.

Donc, il y a toute cette question-là: Comment les zecs, les organismes gestionnaires de zecs peuvent retenir leurs membres à l'intérieur de ces limites-là avec un temps, un quota et un permis obligatoire quand, en arrière, il y a d'autres gens qui pourraient le faire sans se soucier de ces principes-là? Comment pourrait-on réussir à convaincre nos membres, lors de l'assemblée générale, à adopter le plan de gestion et à le suivre quand on sait pertinemment que d'autres pourraient, ce n'est pas partout pareil, pourraient ne pas le suivre? Alors, c'est le problème qu'on a actuellement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député.

M. Kelley: De là la nécessité d'avoir les règles du jeu, parce que, ça, c'est un petit peu le portrait de la situation actuelle. La proposition de M. Chevrette sur les droits de passage, comment avez-vous réagi? Pouvez-vous l'expliquer un petit peu? Si on accepte sa proposition quant aux droits de passage, est-ce que ça peut avoir un meilleur contrôle? Parce qu'on utilise les droits de passage, si j'ai bien compris, pour contrôler l'accès. Est-ce que c'est ça qui est le but cherché par les droits de passage?

M. Desbiens (Éric): En fait, le droit de passage, ce n'est pas nécessairement pour contrôler l'accès, c'est, en fait, une participation des membres et de tous les utilisateurs, une participation pour maintenir un réseau routier adéquat pour justement en permettre l'accès. Alors, déjà, ce que M. Chevrette a dit dans ses recommandations, c'est que le fait de proposer que le droit de circulation devienne obligatoire ou, en fait, que tout le monde devrait payer, ça, c'est un irritant qui vient... c'est un gros irritant, là. Parce que quiconque pouvait aller sur le territoire sans nécessairement payer les frais, c'était encore un irritant parce que les gens se disaient: Bon, nous, on contribue pour essayer d'avoir des chemins potables mais il y en a d'autres aussi qui les utilisent puis, eux, ils peuvent passer par dessus. Je pense que c'est déjà quelque chose d'intéressant.

Mais, il faut bien le dire, M. Chevrette l'a bien mentionné, ce n'est pas un droit de récolte, de prélèvement, ce n'est qu'un droit d'utilisation du réseau routier. Ce n'est pas une forme de profit que les zecs vont chercher avec ça. Au contraire, on est en déficit. Toutes les zecs, on est toutes en déficit avec la question du réseau routier. Donc, on ne voit pas pourquoi que des gens n'auraient pas l'obligation de payer ce fameux droit de passage.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M Desbiens. M. le député.

M. Kelley: Si j'ai bien compris, son importance est plutôt pour contribuer à une forme d'entretien qu'être un outil de contrôle d'accès. C'est plutôt...

M. Desbiens (Éric): C'est ça. Et, c'est important de le mentionner, ça ne donne pas le droit de prélèvement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste, dans les questions qui étaient posées par mon collègue de Duplessis, est-ce que le fait que, dans la proposition, dans votre carte, il y a une couple de zecs qui sont divisées en deux, en soi, est-ce que ça pose problème? Est-ce qu'on risque d'avoir, je ne sais pas, l'identité des zecs qui sont sur la carte... Mais, est-ce que ça pose problème de gestion si la partie est est à l'intérieur de Nitassinan et la partie ouest ne le sont pas?

M. Desbiens (Éric): Ça peut poser un problème quand c'est mal défini, mais, quand c'est bien défini... Par exemple, je reviens à l'exemple de la zec de Forestville parce que je la connais bien, il y a une portion de la réserve à castors qui passe sur la zec de Forestville. Je devrais plutôt dire: De façon historique, c'est plutôt la zec de Forestville qui passe sur la réserve à castors. Et ça, c'est respecté. On sait que, en regardant tous les utilisateurs... parce qu'il y a 19 autres trappeurs ? trappeurs blancs et autochtones, il y a des autochtones aussi ? et il y a cette fameuse réserve à castors qui passe aussi dans la portion nord-est du territoire, et il y a un respect mutuel, là, très acceptable.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Parce que vous avez mentionné qu'il y a des bonnes choses qui se passent entre les gestionnaires des zecs et des réserves, et je ne sais pas si vous pouvez donner quelques exemples ou expliquer ça davantage. Parce qu'on parle qu'il y a déjà les contacts, déjà les relations. Alors, c'est quoi, quelques-unes de ces bonnes choses que vous avez fait allusion?

M. Desbiens (Éric): Je laisserai la parole à mes personnes après mais je vais quand même vous mentionner certaines bonnes choses car il y en a. Je vais parler un petit peu plus de la zec de Forestville parce que je la connais très bien.

Sur la zec de Forestville, on a un territoire, dans l'entente de principe, qui est délimité selon les normes de Innu Assi. C'est un petit territoire où il y a des peintures rupestres. Donc, un vestige, là, de passage historique des autochtones qui date de 2 à 3 000 ans. Dans un but de préservation, il y a une association qui regroupe blancs, autochtones, qui vise à étudier le site dans un contexte de préservation. Ça, c'est une bonne chose. On a un contact avec ces personnes-là, et ça, c'est très bien. Il y a plein de bonnes choses, parce qu'il y a eu de petits irritants. Toujours au niveau de ce site-là, c'est que, bon, les autochtones voulaient accéder sur le site sans avoir nécessairement le droit de venir s'enregistrer au poste d'accueil et payer un droit de passage pour aller sur un site dont ils revendiquaient depuis, disons, des millénaires.

Mais, il y a eu des ententes, il y a eu des pourparlers, il y a des rencontres et on en arrive toujours à des résultats. Ce sont des gens qui veulent s'entendre. Ça, on le sait au départ, ils veulent s'entendre. Quand, de part et d'autre, les explications, les bonnes explications sont données, c'est possible de s'entendre. Je le dis parce que je voudrais mentionner... parce que j'ai fait partie également des tables d'échanges qu'il y a eues en région, et à aucune de ces tables-là à lesquelles j'ai participé ? il y en a eu plusieurs ? il n'y avait la présence d'autochtones. Bon. On dit, on fait souvent allusion que c'est le gouvernement innu qui négocie avec le gouvernement québécois ou le gouvernement fédéral, donc le gouvernement innu n'a pas à négocier avec les gens du milieu. On ne voulait pas avoir nécessairement des gens du gouvernement mais peut-être des représentants d'organismes qui viennent à ces tables-là pour, au départ, établir un contact.

D'ailleurs, dans la recommandation 26, je crois, M. Chevrette, qui fait référence à une éventuelle table pour des négociations, les autochtones sont absents encore de cette table-là. Qu'est-ce qui se passe? On doit parler avec ces gens-là. C'est une situation qui va encore creuser le fossé entre les communautés, entre les blancs et autochtones. De quoi on a peur? De quoi on a peur? Ces gens-là, ils parlent comme nous, je pense qu'on est en mesure d'en arriver à des résultats. On sera en mesure d'arriver à des résultats beaucoup plus rapides si on savait exactement qu'est-ce qu'il en ressort de nos négociations. Parce qu'on navigue toujours dans... ne pas trop savoir.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député.

M. Kelley: Pour faire écho, au-delà des grandes lignes, parce que devant une commission parlementaire, ici, on est dans les grandes lignes, mais vous avez apporté les exemples très précis, qu'il y a 500 m ici, il y a 1 km là, où ça peut poser des problèmes, il faut gérer les détails et ce n'est pas au niveau de soit l'Assemblée nationale, soit une grande table nation à nation que, nécessairement, on va être capable de saisir ces petits problèmes qui peuvent devenir les irritants très importants. Je ne veux pas sous-estimer leur importance, mais je regarde toutes les cartes, votre carte, il y a les cartes qui ont été déposées ce matin, il y a les cartes qui sont dans l'entente de principe; à un certain moment, au niveau national, on est noyé dans les détails. Mais les points que vous avez soulevés, au bout de la ligne, c'est les petits «comment gérer notre clôture entre nous deux», un niveau très micro et très important si on veut assurer la réussite de l'entente.

Peut-être juste une dernière question. Parce que vous avez évoqué dans vos commentaires les idées d'un moratoire du Innu Aitun, en attendant; d'autres groupes dans d'autres domaines sont venus ce matin en proposant un projet-pilote. Je ne sais pas si votre fédération ou association a réfléchi sur l'idée de peut-être tester certaines de ces idées. C'était vu dans, je pense, la MRC du Domaine-du-Roy, il y avait également la Fédération de la faune, de mémoire, qui dit: Peut-être, quand certains de ces consensus se dégagent, on peut les tester, on peut voir comment est-ce que ça peut marcher. Et, dans une certaine façon, c'est prévu, dans l'entente. Avez-vous fait une réflexion sur la possibilité de tester certaines de ces idées, trouver les petits irritants que vous avez mentionnés et essayer de trouver les moyens? Parce qu'on sait que, même s'il y a une signature de l'entente de principe, de là à un traité final, ça va prendre plus que 48 heures, je pense, pour en arriver. Il y a beaucoup de temps devant nous, mais est-ce qu'il y aura la possibilité de tester certaines des hypothèses, dans votre domaine, c'est-à-dire quant à la gestion des zecs?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Oui, absolument. Je dirais même que, à l'heure actuelle, on a l'impression d'être en projet-pilote parce que, les communautés avec qui on fait affaire, on n'a jamais eu autant de rencontres qu'il y en a présentement, depuis le début de cette démarche-là. Et déjà, dans nos discussions, c'est: On essaie-tu comme ça, là? On essaie comme ça; si ça ne marche pas, bien, on réajustera notre tir. On a déjà l'impression d'être en essai-pilote. Et je sais que ça marche. C'est une idée qui me semble intéressante.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, votre collègue de Jonquière avait une question? Oui.

Mme Gauthier: Bien. Alors, je vous salue à mon tour. Juste dans le même ordre d'idée, vous dites que vous êtes déjà en train... sans l'appeler comme tel «projet-pilote», il y a déjà des discussions qui se font avec la communauté innue dans certains secteurs pour gérer l'aménagement, le territoire d'une zec?

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Gérer... Pas nécessairement gérer jusqu'à maintenant, mais pour les principes d'utilisation du territoire. Il n'y a pas encore de rencontres formelles, je dirais même informelles, qui visent justement à décider d'une façon de gérer le territoire au niveau du prélèvement faunique, par exemple. Non, il n'y a pas de démarche à l'heure actuelle, sinon très peu. À moins que mes amis ici auraient un exemple, là.

Le Président (M. Boulianne): Oui, monsieur. Alors, allez-y.

M. Gingras (Denis): Oui, merci. Alors, j'aimerais faire peut-être juste une petite mise au point. C'est que, dans la région de Québec, il y a déjà une espèce d'entente administrative avec les Hurons, qui existe, sur les territoires des cinq zecs, donc les deux de Portneuf et les trois de Charlevoix. Cette entente-là permet la chasse, la pêche. Donc, il y a une entente qui existe, qui n'est pas parfaite, qui amène encore des discussions avec ces gens-là, mais il y a déjà une occupation sur le territoire, donc la partie sud-est. Et quand je regarde la recommandation n° 3 de M. Chevrette, je ne sais pas s'il pensait à cette situation-là de fait, qui existe; c'est peut-être possible. Mais ça existe déjà. C'est une entente administrative qui se passe également pour la réserve des Laurentides et une partie de la réserve de Portneuf. Alors voilà.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Simard. Alors, Mme la députée.

Mme Gauthier: Si vous permettez, dans ce genre de projet, d'entente que vous avez, est-ce qu'à ce moment-là vous avez conclu une espèce d'entente sur la façon de récolter le poisson, la façon de chasser, les moyens utilisés, les outils?

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors M. Simard ou M. Desbiens.

M. Gingras (Denis): M. Gingras. Alors, dans cette entente-là, qui n'a pas été comme telle négociée directement avec les zecs mais qui a été quasi imposée, il n'y a pas d'application particulière si ce n'est que les Hurons se doivent de respecter évidemment toutes les données relativement à la réglementation, aux quotas, à la pratique, les engins, donc à la pratique comme telle, sauf que sur le territoire, ils paient le droit de circulation mais ils ne paient pas de droits forfaitaires ou journaliers pour le prélèvement. Alors, c'est ce qui existe présentement dans la région.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, M. le député de Saguenay.

n(15 h 40)n

M. Corriveau: Oui. Bien, bonjour. Vous avez mentionné tantôt au niveau justement des outils de prélèvement puis quant à la pratique du Innu Aitun; est-ce que y a actuellement des irritants où il y a des utilisations de certains outils de prélèvement, là, qui seraient, disons, regrettables et qu'il faudrait surtout éviter de voir être permis dans une éventuelle entente?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, oui, M. Desbiens.

M. Desbiens (Éric): Oui, c'est arrivé dans certaines zecs et aussi en dehors des zecs, où cette fameuse notion-là d'«Innu Aitun», de pratiques traditionnelles, est pratiquée pas toujours avec des outils traditionnels. C'est pour ça que c'est important de bien définir c'est quoi, «Innu Aitun». Alors, on a vu des gens aller chasser l'orignal l'hiver, dans des aires de confinement d'hiver, avec des motoneiges et des 30-06. Moi, dans mon grand livre à moi, «pratique traditionnelle», ce n'est pas marqué ça. Il faut absolument définir l'outil. Une pratique traditionnelle doit se faire selon des méthodes et des outils traditionnels, si on veut bien définir ce principe-là.

M. Corriveau: Quand même, vous ne préconisez pas de retourner à l'arc, aux flèches puis aux raquettes? Il y a, j'imagine, là, quelque part une marche entre les deux, là.

M. Desbiens (Éric): Bon, je ne dirais pas jusque là. Mais, si on fait référence aux pratiques traditionnelles, ça pourrait aller jusque là pour faire, en tout cas à tout le moins, certaines démonstrations. Dans certains endroits du Canada, les Inuits font une fête à chaque année pour justement montrer de quelle façon que, traditionnellement, on chassait la baleine, par exemple. Bon, je ne dis pas qu'il faudra nécessairement en arriver là, mais il faudrait quand même faire attention parce que, si on doit le faire avec des motoneiges et des outils qu'on dispose aujourd'hui, il faut bien l'expliquer, dans quel contexte, et peut-être leur donner un autre qualificatif que «pratiques traditionnelles».

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, ça va? Alors, merci...

M. Trudel: ...

Le Président (M. Boulianne): Oui, il vous reste une minute et...

M. Trudel: C'était tellement intéressant, la...

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors c'est le temps du député.

M. Trudel: ...la question de la députée de Jonquière à monsieur... et surtout aussi la réponse de M. Gingras. Vous en avez, des ententes, avec la nation huronne; vous avez bien indiqué: Les individus ne sont pas obligés nécessairement de tous respecter. Vous n'avez pas d'entente à chacun des individus, forcément. Parce que vous faites la démonstration, là, très claire, de la nécessité d'un traité. C'est pourquoi, il faut avoir un traité? Pour que, là, ça prend une valeur juridique pour tous. Parce qu'on a vu des cas dans vos territoires où des individus de la nation huronne n'ont pas suivi les ententes et les droits ont été reconnus, parce qu'ils n'étaient pas liés par cette entente-là, individuellement. Si vous avez des commentaires à ajouter... C'était, pédagogiquement, parfaitement dans le mille, là, ce que vous avez indiqué.

M. Gingras (Denis): Le seul commentaire que j'aimerais ajouter à ça, M. le ministre, c'est que ça doit être expliqué vraiment. Cette entente-là qui est intervenue, il n'y a pas eu beaucoup de consultation, alors ça a été difficile, vis-à-vis nos membres, à leur expliquer. Et on leur a expliqué la situation et on les a laissés libres de bien vouloir comprendre le résultat. Mais, au moins, ils ont vu pourquoi ça a été fait et qu'est-ce que c'en était, c'était pour quoi, ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, merci, M. Desbiens, M. Gingras, M. Simard pour ce mémoire.

Alors, la commission suspend quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

 

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Boulianne): Alors, je demanderais à Mme Andrée Lajoie de se présenter à la commission, s'il vous plaît.

La commission donc des institutions reprend ses travaux. Alors, nous recevons Mme Andrée Lajoie. Alors, si vous voulez présenter votre mémoire, Mme Lajoie.

Mme Andrée Lajoie

Mme Lajoie (Andrée): Alors, je vous remercie de m'accueillir. Et comme à chaque fois qu'il m'est arrivé, en matière constitutionnelle, de témoigner devant des commissions parlementaires, je rappelle que je parle en mon nom personnel. Je suis professeure à l'Université de Montréal, je fais de la recherche en droit constitutionnel, notamment sur les matières autochtones. Je n'ai jamais fait partie d'aucun parti politique, et ce n'est pas demain la veille, d'accord? Bon.

L'objet de la commission soulève plusieurs questions, nombreuses, complexes et intéressantes; je ne vais traiter que trois d'entre elles qui touchent de plus près au droit constitutionnel, en laissant les autres aux anthropologues notamment et aux historiens, qui sont mieux formés que moi pour y répondre.

Alors, les questions dont mon mémoire traite, c'est celles qui demandent: si la proposition d'entente est conforme au droit actuel; si la proposition constitue une reconnaissance par le gouvernement du Québec du rapatriement de la Constitution; et si l'autonomie gouvernementale reconnue dans l'entente crée un troisième ordre de gouvernement. Alors, je vais évidemment traiter de ces questions-là dans l'ordre où je les ai énoncées.

Alors, la première exige d'abord de la précision dans les termes. Pour y répondre, il faut savoir, quand on demande: La proposition d'entente est-elle conforme au droit actuel? si on parle de la proposition, de l'entente ou du traité qui va en découler, et puis, deuxièmement, de quel droit s'agit-il.

Alors, la proposition, ce n'est pas un traité. Peut-être que je dis des choses que tout le monde sait, mais des fois c'est bien de les répéter, pour que la suite soit plus claire. Alors, c'est une proposition qui a été paraphée par des négociateurs et non signée par des parties, non plus que l'entente elle-même bien sûr, de sorte que ni l'un ni l'autre n'apporte de modification au droit existant, qu'il soit constitutionnel ou interne, parce qu'il ne s'agit que d'une proposition d'entente, d'accord? Le traité, par contre, l'entente, quand il sera conclu, n'implique pas de modification au droit constitutionnel, à mon avis, mais impliquera des modifications ponctuelles au droit interne canadien, québécois et des nations autochtones concernées, ici les Innus. Mais c'est précisément le but de l'exercice que de modifier les règles pour les harmoniser et permettre une cohabitation fructueuse.

De quel droit maintenant s'agit-il quand on demande: Est-ce que c'est conforme au droit actuel? Alors, la question, elle est posée comme si la réponse était évidente et qu'il s'agissait seulement du droit constitutionnel canadien, comme si l'État canadien exerçait un monopole normatif sur le territoire, ici. Or, la réalité des faits, d'une part, et puis leur théorisation par le droit, d'autre part, ne permettent pas d'en arriver du tout à cette conclusion-là.

Les faits, d'abord. Ils sont relativement simples. Les autochtones ? on parle des Innus dans le cas présent ? étaient ici avant nous, descendants des colons français. C'étaient des humains, ce n'étaient pas des troupeaux de chevreuils; ils se gouvernaient donc par des règles de droit énoncées, interprétées et appliquées, certes, par des moyens différents des nôtres ? comme des pictogrammes, des wampum, des coutumes ? différents mais, vous savez, pas autant qu'on le pense. Parce que, si on compare un pictogramme et ce qu'en tirent les ancêtres et les contemporains qui le lisent, de génération en génération, en se passant par coutume le sens de chacun de ses éléments, si on compare ça avec ce que les juges de la Cour suprême ont tiré du préambule de la Constitution canadienne dans l'arrêt sur la sécession, ça se ressemble beaucoup, hein, au fond, là. Ce n'est donc pas si différent. Mais en tout cas c'est très clair que les anthropologues sont unanimes à déceler la présence d'ordres juridiques autochtones sur le territoire de ce qui est maintenant le Québec.

Alors, Michaël Asch, dans un ouvrage que je cite en annexe de mon mémoire, fait la liste de tous ces anthropologues qui sont vraiment unanimes à dire que c'est la marque distinctive de l'homme, quand il vit en groupe ? et on sait qu'il ne peut jamais vivre seul ? que d'avoir des règles juridiques pour se gouverner. Ces ordres juridiques donc, les autochtones, qui n'ont pas été conquis, contrairement à nous, qui ne se sont pas soumis et qui n'ont pas subi d'extinction, sauf dans le cas de la Baie-James mais ça a été réparé par la «Paix des Braves», donc, ces ordres juridiques là demeurent et les traités qui avaient été passés sous le régime français étaient des traités d'alliance entre égaux et non pas des traités de soumission non plus. Nous avons trouvé ça dans une étude que nous avions faite avec des historiens et des anthropologues pour la Commission royale sur les peuples autochtones. Donc, on est dans une situation que les juristes appellent «le pluralisme extrajuridique».

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours de droit, mais je vais faire appel à votre expérience de députés. Sûrement vous êtes conscients de ne pas avoir le monopole normatif sur le territoire du Québec. D'abord, on est dans le Canada, jusqu'à présent, et dans une fédération les compétences législatives sont déjà partagées. Et puis, d'autre part, il y a la préexistence de ces ordres juridiques qui ont survécu, et tout cela coexiste: il y a le Canada, qui est une fédération avec des ordres juridiques internes, le Québec étant l'une des provinces, et puis le Canada fédéral, d'autre part; et puis, à côté de cela, il y a les ordres normatifs autochtones, qui sont issus de ces communautés-là qui sont non étatiques, parce qu'il faut bien voir que l'État, c'est un phénomène relativement récent dans l'histoire de l'humanité et que l'avènement du droit n'a pas attendu que la forme étatique soit confirmée.

n(16 heures)n

Pour dire les choses plus simplement, je le répète, les autochtones étaient là avant nous, leurs droits préexistent à l'affirmation de la souveraineté française et britannique, affirmations qui n'ont rien changé ? encore une fois, je vais m'appuyer sur Michaël Asch dans un autre de ses articles, qui a bien montré ça ? et c'est à eux de les définir, et la portée des lois canadiennes et québécoises est limitée à l'ordre juridique interne canadien, de sorte que les droits ancestraux ne prennent pas leur source dans la Constitution canadienne de base ni dans la Loi constitutionnelle de 1982, ils sont préexistants et ils sont seulement reconnus par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Et même si la Loi de 1982 ne les avait pas reconnus, les droits ancestraux et issus de traités, ils existeraient, que ça nous plaise ou non, et c'est une situation juridique de fait qui serait tout à fait la même, qu'ils aient été reconnus ou non, dans la perspective du pluralisme extraétatique. Mais le fait qu'ils aient été reconnus, ça crée des obligations pour le Canada, nécessairement. Bon. Mais d'où l'intérêt que nous avons tous à nous entendre entre autochtones et non-autochtones, et c'est ce que disent le projet et l'entente, et ils sont parfaitement en accord avec le droit constitutionnel canadien. Bon.

Et maintenant, je passe à mon deuxième point à cet égard. La mise en oeuvre éventuelle de l'entente, elle, importerait des modifications dans le droit interne autochtone, dans le droit canadien, dans le droit québécois, des modifications rendues possibles par les concessions mutuelles que se feraient les différents groupes à travers leurs ordres juridiques, et cela, c'est précisément l'objectif du traité.

Et je m'en voudrais de terminer ce premier point sans souligner le caractère novateur et le caractère créatif de l'entente proposée, dans le sens où elle n'est pas fixée dans le béton au départ, elle prévoit des modifications possibles, des changements continus pour s'adapter à l'évolution de la société, à de nouvelles réalités qui peuvent se produire. Cela rend cette formule meilleure que celle qui est dite «Dogrib», qui est la formule analogue que le gouvernement fédéral a élaborée pour négocier avec des autochtones d'autres provinces que le Québec et où ces changements évolutifs sont prévus dans un contexte de ce que j'appelle, probablement, de l'«extinction supplétive». En tout cas, ça dit que, si ça ne marche pas d'aménager les droits, bien, c'est bien tant pis. Si ce n'est pas possible de leur donner suite par une assertion, alors les autochtones seraient tenus d'y renoncer. Dans ce sens, la formule de l'entente que nous avons devant nous est beaucoup plus respectueuse des droits des autochtones, elle mène vers un bien meilleur avenir.

Et je soulignerai par ailleurs que, tout ça, c'est compatible à la fois avec les formes juridiques que les autochtones utilisaient dans le passé ? avec Champlain, à chaque année, ils renouvelaient, près de Québec, les ententes, les traités d'alliance qu'ils avaient conclus dans le passé et ils les répétaient constamment en faisant des modifications; et puis, et ça va peut-être vous surprendre davantage, c'est assez proche des théories très contemporaines du contrat, qui posent dorénavant le contrat comme un véhicule permanent de négociation et d'évolution des parties dans une relation, à propos d'un objet déterminé. Jean-Guy Belley, qui est maintenant à McGill, qui était à Laval autrefois, a écrit un ouvrage là-dessus, ça s'appelle Le Contrat entre droit, économie et société, et, ça va probablement intéresser le député de Saguenay, l'exemple qu'il donne, c'est l'Alcan. Alors, si c'est bon pour les relations entre l'Alcan et les gens de la région du Saguenay, sous-traitants, clients et autres, bien, ça doit être bon aussi pour des relations dans la même région et ailleurs, d'ailleurs, avec les autochtones. Bon.

Deuxième question: Est-ce que ça constitue une reconnaissance du rapatriement de la Constitution par le gouvernement du Québec? Bien, ma réponse à cette question est simple, c'est non. L'entente énonce un fait: que le traité est un traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce n'est pas là reconnaître sa légitimité, c'est dire: Cet objet est rouge et avec des rayures bleues. Ce n'est pas dire: Le véhicule juridique qui le manifeste est valide au plan de la légitimité. Mais tant que le Québec est dans le Canada, on est obligé de respecter le droit positif du Canada, y compris la Constitution et y compris la Loi constitutionnelle de 1982.

Et ce n'est pas plus une reconnaissance de la légitimité du rapatriement ni de la Loi constitutionnelle qui l'entérine que le fait qu'on reconnaît la signature, par exemple, du gouvernement d'Ottawa sur cette entente trilatérale. L'autorité que le gouvernement fédéral a de signer l'entente lui provient de la Constitution canadienne et ça ne veut pas dire qu'on reconnaît la légitimité du rapatriement de la Constitution pour autant. C'est d'ailleurs ce qui explique que le Québec a utilisé 14 fois, à ma connaissance ? peut-être que j'en ai échappé, j'espère que non ? la clause «nonobstant», non pas pour cautionner la légitimité de la Loi constitutionnelle de 1982, mais pour y déroger précisément. Sauf que son utilisation comme mode de dérogation implique le respect formel de cette loi, qui est valide au plan législatif mais pas légitime pour autant. Et c'est d'autant moins le cas que les droits ancestraux qui sont reconnus dans l'entente ne prennent pas leur source dans la Loi constitutionnelle de 1982, ils sont préexistants, la Loi constitutionnelle de 1982 ne fait que les reconnaître.

Troisième et dernière question: L'autonomie gouvernementale reconnue dans l'entente créerait-elle un troisième ordre juridique? Alors, que de confusion. D'abord, une reconnaissance implique la préexistence de ce qu'on reconnaît. On ne peut pas reconnaître et créer en même temps. Quand on reconnaît les droits ancestraux, dont l'ordre gouvernemental, juridique, serait un élément intrinsèque, on ne le crée pas. Ces ordres juridiques, je l'ai dit en réponse à ma première question, préexistaient avant l'arrivée du colonisateur; la reconnaissance ne crée rien. Et puis, un ordre juridique ne pourrait être un troisième ordre juridique que s'il y en avait deux autres. Et l'endroit où il y en a deux autres, c'est dans la Constitution du Canada. Or, reconnaître l'existence d'un ordre juridique préexistant, ce n'est pas introduire un troisième ordre juridique dans la Constitution du Canada.

n(16 h 10)n

D'ailleurs, un troisième ordre juridique, ce serait probablement un ordre juridique de troisième ordre. Et je ne comprendrais pas pourquoi les autochtones accepteraient de perdre leur statut actuel de nations autochtones qui n'ont pas renoncé à leur souveraineté et qui n'ont pas été conquis ni par les armes ni par l'affirmation de la souveraineté. Pourquoi ils renonceraient à ça pour être justement un gouvernement de troisième ordre? Ce n'est pas ça que le traité fait. S'il le faisait, ce serait insultant. C'est la reconnaissance de l'existence de nations non étatiques sur le même territoire, qui ont leur autonomie. J'ai terminé.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Lajoie. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Me Lajoie, Mme la professeure Andrée Lajoie de l'Université de Montréal, bienvenue. Sauf erreur, vous allez être la seule personne à éclairer juridiquement la question et les questions qui retiennent notre attention, et c'est extrêmement important, l'éclairage que vous nous apportez.

Mme Lajoie (Andrée) ...

M. Trudel: Pardon?

Mme Lajoie (Andrée): ...d'autres collègues qui vont venir. Je ne voudrais pas porter tout ce poids à moi seule. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Non, mais je pense que, sur le plan juridique, on n'a pas beaucoup d'autres témoignages, alors vous portez un poids très lourd. Mais tout ça étant dit, à vous entendre, je vais vous dire, on a envie de suivre votre cours sur le pluralisme juridique extra-étatique.

Mme Lajoie (Andrée): Mais vous êtes bienvenu. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Si nos fonctions n'étaient pas si occupantes... Dans huit ans, on ira, vous allez être encore en fonction et on aura l'occasion d'y aller.

Mme Lajoie, vous abordez donc directement des questions qui ont été soulevées par M. Parizeau, par exemple, en ce qui concerne la reconnaissance constitutionnelle, troisième ordre de gouvernement, par d'autres impliqués au niveau politique, au niveau fédéral...

Mme Lajoie (Andrée): Si vous permettez une méchante blague. Je suis assez vieille pour avoir connu Jacques Parizeau et Louis Bernard quand ils étaient tous les deux conseillers de M. Lesage, n'est-ce pas...

M. Trudel: Ce qui...

M. Lajoie (Andrée): ...et qui portait bien son nom, M. Lesage, et qui consultait toujours Jacques Parizeau sur l'économie et Louis Bernard sur le droit constitutionnel, et pas l'inverse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lajoie (Andrée): Je parle de 1964, 1964-1966.

M. Trudel: Mme la professeure, vous déconcentrez votre élève. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Il s'agit là d'une stratégie que je suis pas sûr d'être loyale. Ha, ha, ha! Très bien. Ça a été soulevé et c'est important, ces questions, parce qu'il faut y trouver des réponses, bien sûr, fondées, mais aussi que nous puissions expliquer, que nous puissions généraliser et rendre à nos compatriotes aussi, en termes de fondements, de pourquoi rechercher cette entente, pourquoi rechercher un traité avec les premières nations, avec cette nation innue habitant sur le territoire.

Il y a une première question à laquelle vous vous intéressez, et j'aimerais qu'on puisse aller un petit peu plus loin, si possible, parce que, ça aussi, ça a fait l'objet de beaucoup de discussions, ça fait encore l'objet de beaucoup de discussions dans notre société, c'est la reconnaissance liée à la continuité de l'occupation ou de la présence historique. D'aucuns prétendent que lorsqu'on a l'impossibilité de faire la démonstration claire et nette de la continuité historique, eh bien, cela équivaut à ne pas posséder les droits qui ont été reconnus par les tribunaux et donc l'obligation de s'entendre sur leur effet, sur leur exercice. Et il y a aussi la notion d'occupation exclusive d'un territoire.

Quand on est dans ce monde-là... vous, vous avez un autre référent, on s'en rend bien compte, ici, mais est-ce que, à votre avis, la décision qui a été prise en 1983 par le gouvernement fédéral, sur présentation de la preuve par la nation innue qu'il y avait présence sur le territoire de façon continue suffisamment démontrée pour qu'on puisse reconnaître ces droits et donc l'obligation d'en négocier subséquemment leur exercice... Est-ce que vous accompagnez, est-ce que vous êtes d'accord avec cette façon dont le gouvernement fédéral a rendu sa décision, et est-ce que ça correspond à votre compréhension de l'histoire au plan juridique?

Le Président (M. Boulianne): Merci...

Mme Lajoie (Andrée): Bon. Alors, justement, vous faites bien de préciser «au plan juridique», parce qu'il y a des éléments anthropologiques et historiques, dans cette question, que je n'ai pas la compétence d'aborder. Mais au plan juridique, je pense qu'il faut d'abord distinguer entre le titre et les droits. Les droits ne dépendent pas de l'occupation continue, ils dépendent d'une coutume préexistante. Le titre, lui, est lié à l'occupation continue. Mais le sens de l'occupation continue, c'est les tribunaux canadiens qui en décideraient, s'il y avait querelle là-dessus. Et la façon que les tribunaux ont d'en décider, c'est d'accepter les preuves orales des nations autochtones, qui se sont transmises de génération en génération, en ce qui concerne justement l'occupation du territoire. Maintenant, l'appréciation de cette preuve-là, c'est une appréciation que les tribunaux feraient ad hoc, là, dans un cas précis. Mais, ce qu'il faut dire d'abord, c'est que l'absence de preuve en sens contraire ne nie pas ? ce n'est pas parce qu'on n'a pas pu prouver qu'ils n'étaient pas là ? ça ne nie pas la preuve orale.

Et puis, d'autre part, une preuve d'absence pendant un certain temps sur un territoire donné, pour des peuples nomades, ce n'est pas non plus une preuve de non-occupation. Je vais vous mettre ça en termes simples. Moi, j'ai une maison à Montréal qui m'appartient et j'habite dans cette maison; mais au mois d'avril, là, je m'en vais enseigner à Montpellier en France, je m'absente un mois et demi. Un mois et demi dans ma vie, à quoi ça correspond, comme étape, dans la vie d'un peuple autochtone, je ne le sais pas, mais un siècle peut-être ou en tout cas plus qu'un an et demi, sûrement; et ce n'est pas parce que je me serai absentée un an et demi de chez moi, un mois et demi de chez moi pour aller à Montpellier, ou même si je le faisais pour toute une année sabbatique, ça ne voudrait pas dire que je n'habite pas et que je ne continue pas d'être propriétaire de ma maison, évidemment. C'est différent et il faut tenir compte de... Et puis, moi, je ne suis pas nomade, au surplus, hein? Alors, des peuples nomades font des absences analogues de différentes parties de leur territoire, beaucoup plus souvent que d'autres. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas une preuve que la Cour suprême... que ça suffirait à écarter la preuve orale qu'ils feraient éventuellement devant la Cour suprême. Mais je ne peux pas...

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Lajoie. M. le ministre.

M. Trudel: C'est pourquoi vous nous dites: Il ne faut jamais oublier que l'État est un phénomène récent sinon temporaire dans l'histoire de l'humanité.

Mme Lajoie (Andrée): J'avais une phrase, que j'ai enlevée, là, qui était sans doute de trop: Du moins, si on en croit les néo-libéraux ? que j'appelle des rétrolibéraux... Passons, ça n'a rien à voir avec les autochtones.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Vous n'êtes pas membre d'un parti politique et vous ne semblez pas vouloir en être non plus, que vous avez dit.

Mme Lajoie (Andrée): ...pas. Comme bien vous pensez.

M. Trudel: Il y a également, Mme Lajoie... Je pense qu'il est important que nous ayons votre opinion, là, du point de vue juridique aussi sur la nouvelle façon en quelque sorte que nous propose l'Approche commune et la proposition d'entente de principe qui en découle et qui a été négociée, sur la description maintenant ou la détermination des règles de l'exercice des droits. Comme vous nous l'avez dit, qu'on le veuille ou non, la Constitution canadienne, même à 35, elle ne crée pas de droits ancestraux, elle n'accorde pas, elle reconnaît ? «reconnaître». C'est parce que...

Mme Lajoie (Andrée): Le texte, c'est bien «reconnaît».

M. Trudel: Et vous l'avez indiqué d'ailleurs...

Mme Lajoie (Andrée): Je l'ai cité, je me suis donné la peine de le citer dans le mémoire, là.

n(16 h 20)n

M. Trudel: C'était à l'article 35, vous le dites très bien, c'est: «les droits existants sont reconnus» ? sont reconnus. Bon. Donc, les juristes qui ont été constitués en équipe avec les parties autour de la table, les quatre juristes ? M. Bernard nous a expliqué cela ? ont déterminé, nous ont proposé une nouvelle approche autour de la définition des effets des droits: comment allons-nous les exercer.

En 1975, on se souviendra donc que, dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord-Est québécois, l'approche qui avait été utilisée était celle de l'extinction des droits, l'extinction unilatérale des droits des autochtones, en contrepartie d'une compensation. Alors, c'est d'évidence pas le cas, la proposition qui nous est faite, en termes de perspective. Quelle est votre opinion à cet égard-là? Et, j'irais jusqu'à dire: Avait-on le choix de bâtir ou de développer cette nouvelle approche par rapport à celle qui avait été utilisée en 1975?

Mme Lajoie (Andrée): Bon. Alors, mon opinion comme citoyenne, si vous voulez, c'est que c'est toujours préférable de s'entendre que de s'engueuler. Et je pense que cette approche de reconnaissance est bien plus fructueuse qu'une approche d'extinction qui avait pour effet simplement de prolonger les malaises, et les oppositions, et tout le reste que vous savez.

Mais, en effet, il faut aller plus loin, vous avez raison, parce qu'en 1974-1975, au moment du traité de la Baie James, l'extinction était possible à l'intérieur de l'ordre juridique constitutionnel canadien, pour placer les choses de cette manière; elle n'était pas plus souhaitable sur le plan politique, mais il y avait eu des tas de... Bon. Mais, la loi de 1982, en constitutionnalisant les droits, a coupé cette possibilité, et c'est pour ça que la formule que vous proposez, j'ai dit, est bien supérieure à celle de «Dogrib», où il y a une possibilité, dans certains cas, de faire encore des extinctions et que la Commission des Nations unies sur les peuples autochtones, là, a considérée comme «extinction by another name», alors que la formule que vous proposez, au contraire, permet non seulement le maintien des droits, mais une évolution de leur application selon celle de la société dans laquelle on se trouve.

M. Trudel: C'est une précision qui est importante, l'éclairage est important. Cette Convention de 1975, la Convention de la Baie James et du Nord-Est québécois, était basée sur... elle avait des fondements sur la base d'un autre ordre juridique qui a été modifié en 1982 et qui ouvre un autre débat, mais ce n'est pas celui, ici, qui nous...

Mme Lajoie (Andrée): Mais c'est d'ailleurs ce que, je crois, sous réserve de ma lecture exhaustive du texte, c'est, je crois, ce qui a été réparé par la «Paix des Braves», en conclusion justement de l'évolution du droit... de ce qui a été confirmé dans le droit constitutionnel canadien.

M. Trudel: Tout à fait. Il y a un autre aspect aussi sur lequel je pense bien qu'il serait avantageux d'avoir votre opinion, c'est... Cela va nous conduire, pourrait nous conduire vers la conclusion d'un traité, et la définition usuelle que nous avons du traité, c'est: un pacte conclu pour l'éternité de l'existence des parties. Cependant, il y a un principe supplémentaire nouveau, me semble-t-il, qui nous est proposé dans l'entente toujours de l'Approche commune, c'est le principe du réexamen périodique de ce traité ou des éléments du traité. Ça me semble en tout cas, non pas que ma culture juridique soit très étendue, mais très, très novateur. Que penser de ce principe qui nous est proposé dans le projet d'entente de principe général?

Mme Lajoie (Andrée): Oui. J'ai écrit dans mon mémoire que c'était novateur puis, à la réflexion, ça ne l'est qu'en partie. Ça l'est dans le domaine des questions autochtones. Mais, je vous ai dit, les autochtones eux-mêmes avaient ce style d'entente avec Champlain, déjà. Apparemment, les historiens disent que dans la région de Québec, à tous les ans, ils se réunissaient de nouveau et ils rediscutaient les termes de l'Alliance laurentienne, à l'époque, bon, à laquelle les Français s'étaient joints et qui préexistait à leur arrivée ici. Mais, il y a plus que ça. C'est un véhicule qu'on trouve, je l'ai dit tout à l'heure, même entre l'Alcan et ses cocontractants, dans la région de ce que j'appelais Chicoutimi, là, mais je ne sais plus, je pense qu'il faut dire Saguenay, maintenant.

Donc, moi, je pense que c'est quelque chose d'absolument souhaitable parce que c'est plus souple et ça permet un meilleur aménagement. On ne peut pas rêver d'ententes définitives dans aucun domaine. On se marie un jour, ça dure un temps, c'est renégociable à chaque jour, chacun le sait. La vie politique n'est pas différente. Et pour que des ententes tiennent il faut qu'elles ne soient pas bloquées et qu'on puisse... Et c'est dans ce sens-là que ça me paraît intéressant. Maintenant, du point de vue juridique, il n'y a rien à dire ni dans un sens ni dans l'autre, c'est parfaitement valide. C'est du point de vue pratique que c'est intéressant.

M. Trudel: Mme Lajoie, une dernière question, quant à moi. À l'égard de certaines reconnaissances implicites auxquelles nous amènerait la proposition d'entente de principe générale si elle était entérinée, bon, vous avez apporté réponses aux questions à l'égard de la reconnaissance du rapatriement unilatéral... du rapatriement de la Constitution de 1982, précédemment. Le mandataire du gouvernement, il nous suggère de dire ? de dire ? dans tout éventuel traité, de prendre des précautions et d'énumérer que cela ne constitue d'aucune façon des éléments auxquels on pourrait se raccrocher pour la partition du Québec ? l'intégrité territoriale. Il nous recommande aussi de dire explicitement ? explicitement ? que la reconnaissance ou la... c'est ça, la reconnaissance et la détermination des règles d'exercice des droits ancestraux, éventuellement dans un traité, cela ne constitue pas un troisième ordre de gouvernement. Vous nous avez expliqué là-dessus que, bon, c'était un peu tout mélangé dans nos concepts là, mais il nous suggère de l'énumérer.

Est-ce que, pour vous, ce serait important effectivement, dans votre opinion, d'énumérer ça dans un éventuel traité, et que ça ajouterait une serrure ? je vais appeler ça comme cela ? une serrure juridique importante, une précaution qu'il serait important de prendre?

Mme Lajoie (Andrée): Alors, écoutez, je pense que, comme on dit, il y a des choses qui vont sans dire mais qui vont mieux quand elles sont dites. Je crois qu'en effet ça pourrait être utile d'avoir une clause comme ce que vous dites, à une condition, c'est qu'elle se termine par une clause plus générale et qui dirait que rien ne doit être... que les parties réservent tous leurs droits pour l'avenir, ou en tout cas il faudrait la formuler, et je suis sûre que M. Bernard est capable de faire ça comme un grand, là, mais d'avoir une clause plus générale, à la fin, pour ne pas qu'on invoque contre cette énumération un autre droit quelconque qu'on aurait oublié puis dont on dirait, après: Bon, ce n'était pas énuméré, donc ce n'est pas compris, tu sais, d'avoir un «notamment» au début, un «notamment» dans l'intitulé ou une clause omnibus à la fin.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Merci, Mme Lajoie.

n(16 h 30)n

M. Trudel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais dire un mot de bienvenue à la professeure Lajoie. J'ai quelques questions parce que, dans un des autres mémoires qui étaient présentés, je suis loin d'être un expert dans tout ça mais la notion pour les droits ancestraux, on parle d'un spectre des droits: il y a des choses qui sont très précises qui nous amènent à parler d'un titre aborigène; il y a d'autres droits qui sont moins liés directement au territoire. Est-ce que je comprends bien quand je vois... Notamment dans la Convention de la Baie James, on a les terres de catégorie 1, 2 et 3, alors les droits ancestraux, les droits autochtones varient sur certains territoires, et, sur le coeur même des communautés, on a un droit exclusif ou presque; dans les territoires qui sont plus éloignés, le droit est dilué ou le droit est plus limité, plus ciblé. Et, dans le même ordre d'idée, dans l'entente de principe, Innu Assi prétend des droits qui sont liés à l'occupation du territoire; Nitassinan, l'occupation est moins exigeante parce qu'on cherche plutôt à définir les coutumes liées à la chasse et la pêche et d'autres activités traditionnelles. Alors, est-ce que j'ai bien compris Delgamuukw et les autres décisions?

Mme Lajoie (Andrée): Je crois que c'est bien cela. Comme je le comprends, les droits liés au titre ancestral sont ceux qui seraient exercés sur Innu Assi, et, sur les autres portions du territoire, tous les droits ancestraux sont préservés, mais leur exercice est aménagé pour un certain temps et de façon modifiable sur différentes autres parties du territoire à propos de la chasse, de la pêche, de l'environnement, de différents éléments. Mais d'autres droits, l'exercice de d'autres droits pourrait être modulé, prévu, etc., ultérieurement pour l'une ou l'autre de ces zones-là. C'est ce que, moi, j'ai compris.

Et, quand il s'agit du titre, c'est là que l'exigence, c'est l'occupation continue au sens où je l'ai dite. Mais, pour les droits ancestraux non liés au titre, l'exigence, c'est, comme vous l'avez dit, la pratique de ces droits de façon antérieure.

M. Kelley: Et on parle souvent, dans les arrêts de la Cour suprême, des tests. Alors, le test pour occupation est beaucoup plus exigeant à titre aborigène...

Mme Lajoie (Andrée): Que pour les droits ancestraux non liés au titre.

M. Kelley: ...mais pour les droits ancestraux...

Mme Lajoie (Andrée): Ce n'est pas pour occupation, c'est pour le titre. Vous êtes anglophone, je crois?

M. Kelley: Oui.

Mme Lajoie (Andrée): C'est pour «title». Le titre, ça n'évoque pas vraiment en français la même chose que... aussi facilement qu'en anglais. Mais c'est la propriété commune, au fond, de la nation qui n'est pas l'État. Parce que, dans la Constitution canadienne, jusqu'ici, le titre est... le fondement du titre est réservé à la couronne canadienne, et c'est ça qui disparaîtrait pour être remis à la communauté innue.

M. Kelley: Dans un autre ordre d'idées, vous avez mentionné dans votre mémoire un des éléments innovateurs, c'est la flexibilité. Vous avez dit: En comparaison avec Dogrib et les autres exemples au Canada. Mais ? comment est-ce que je peux dire ça? ? est-ce qu'il y a une limite à la flexibilité? Parce qu'on cherche, via un traité, aussi la continuité. Et, si les choses deviennent trop flexibles, trop comme un contrat, il n'y a pas la permanence ou la continuité qu'on cherche non plus parce qu'il y a une certaine impression dans la population que les négociations sont faites et ça ne finit jamais. Et je conviens qu'on ne peut jamais avoir une entente parfaite, régler les choses une fois pour toutes. Ça, c'est irréaliste. Alors, je ne plaide pas pour ça. Mais on met les documents comme un traité sur un niveau supérieur qu'une entente administrative ou une entente sectorielle parce qu'on cherche une certaine permanence quand même. Ce n'est pas de dire qu'ils sont irrévocables, ce n'est pas de dire qu'on ne peut jamais les changer, mais, quand même...

Mme Lajoie (Andrée): Il y a ça dans le traité, je crois, parce que ce qui est convenu dans le traité, ce qui est entendu ne peut être changé que par la volonté des parties par la suite. Ça ne peut pas être changé unilatéralement. Donc, il y a cette stabilité. Et, d'autre part, comment mettre les choses... C'est déjà là, et d'autres choses vont ou bien s'ajouter ou bien être modifiées, mais avec le consentement, avec le consentement des deux parties. Il y a une chose qui m'est venue là puis elle m'échappe. Si elle me revient, je vous la dirai.

M. Kelley: Non, non, mais j'essaie de voir, parce qu'il faut la flexibilité, il faut être capable de le changer, mais il faut assurer une certaine stabilité aussi. Et c'est l'équilibre qu'on cherche entre les deux qui est important. Deux autres...

Mme Lajoie (Andrée): Mais elle est là, puisqu'il faut le consentement mutuel. Et puis, ce que je voulais vous ajouter, c'est que, bon, les faits sont comme ça, hein. Dans la vie, les choses changent. Et ce n'est pas parce qu'on ne reconnaîtrait pas qu'on peut les changer qu'on ne devrait pas s'y mettre à un moment donné, devant les faits. Les faits sont têtus.

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. le député de Jacques-Cartier, vous pouvez y aller.

M. Kelley: Une autre question, et je vais la poser bêtement: C'est quoi, un ordre de gouvernement? Parce qu'on a soulevé cette grande menace de troisième ordre de gouvernement, gouvernement de troisième ordre. Mais ça veut dire quoi exactement, un ordre de gouvernement?

Mme Lajoie (Andrée): Voilà, un ordre juridique, ça a trois fonctions. Ça énonce, reconnaît ou, autrement, indique des droits, des normes. Ça les interprète. Et ça les applique. Il faut ces trois fonctions-là. Et ces trois fonctions-là peuvent être explicites, comme quand on se trouve dans une démocratie parlementaire où vous avez le Parlement, les tribunaux, les organismes administratifs, bon, etc. Mais ça peut aussi être implicite. D'abord, il y a des sociétés où ce n'est pas distingué, où c'est comme... Quand vous avez une toute petite communauté, bien, c'est l'assemblée unique qui se réunit et qui fait tout ça. Et, souvent, les normes sont implicites et inférentielles, dirait mon collègue Macdonald de McGill. Je vais vous dire des grands mots, là; ce sont des présupposées tacites qui gouvernent l'agir des collectivités. Ça se transmet plus par l'éducation au fond, ce qui est attendu. C'est construit sur les attentes légitimes. Mais on sait très bien, dans une communauté, jusqu'où on peut aller trop loin, hein. Et ça, c'est la norme, et elle s'applique selon l'interprétation qu'en donnent les sages, ou les aînés, ou ceux qui font la fonction que, dans nos sociétés, font les tribunaux. Et puis c'est appliqué par des autorités qui ressemblent d'une façon ou d'une autre à celles de nos policiers, de nos agents de la paix. Voilà.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Mais, selon ces critères, est-ce qu'on est en train de créer un ordre de gouvernement avec l'Approche commune? Et, sinon, pourquoi pas? Parce que...

Mme Lajoie (Andrée): Parce que c'est déjà là. On ne crée pas ce qui existe. C'est déjà là. C'était là avant qu'on arrive. Et je vous réfère là-dessus à l'ouvrage du Smithsonian que j'ai cité, c'est des anthropologues qui ont fait les enquêtes et ils les ont faites sur plusieurs nations autochtones et, notamment, sur les Innus.

M. Kelley: On rend explicite un ordre de gouvernement qui existe...

Mme Lajoie (Andrée): Voilà.

M. Kelley: ...si j'ai bien compris.

Mme Lajoie (Andrée): Voilà.

M. Kelley: Juste une dernière question, parce que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Hier, on avait le problème très difficile du chevauchement des droits ancestraux liés, notamment, à la communauté de Matimekush-Lac John, dans le coin de Schefferville, où ils sont à côté des terres conventionnées par la Convention de la Baie James. La nation naskapie, les Cris, les Inuits sont dans le portrait. Ça semblerait être une situation qui est fort complexe. Est-ce qu'il y a des exemples que vous pouvez citer où, ce problème de chevauchement des droits ancestraux, on a réussi à trouver un terrain d'entente ou des modèles qui pourraient être utiles pour...

n(16 h 40)n

Mme Lajoie (Andrée): Il y a le cas des Nisga'a, en Colombie-Britannique, où il y avait deux groupes d'autochtones sur un même territoire. Et là ils ont trouvé une solution, qui n'est peut-être pas celle qu'on voudrait, qui est qu'ils sont parties devant les tribunaux. Et ils ont quand même signé une entente dont ils ont dit qu'elle serait éventuellement modifiée, le cas échéant, par la décision des tribunaux sur le point sur lequel ils n'en étaient pas venus à une entente. Mais c'est pour ça que je dis que, quand il y a des situations de superposition comme ça, bien, c'est là que c'est utile d'avoir un traité puis de s'entendre. C'est pour ça que je trouve ça utile.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci. Alors, bonjour, madame. Mme Lajoie, je vais vous poser une question, et c'est davantage parce que les groupes qui vont vous suivre ont cette préoccupation-là et c'est pour rejoindre l'ordre de troisième gouvernement. Une des préoccupations de différents groupes de ma région, Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est de croire et de penser que le gouvernement du Québec est en train, en créant l'Innu Assi, de créer... de céder des droits constitutionnels de l'Assemblée législative du gouvernement du Québec, et les gens se questionnent sur la légalité constitutionnelle de pouvoir céder sur le territoire Innu Assi des pouvoirs constitutionnels décrétés par la Loi constitutionnelle de 1982.

Mme Lajoie (Andrée): J'essaie d'être plus claire encore, peut-être je me répète. On ne reconnaît que ce qui existe, on ne cède pas. Je n'ai pas vu nulle part dans le traité du langage qui parlait de cession. Il s'agit de reconnaître des droits existants de façon antérieure. Qu'on aime ça ou non là, c'est la situation. Mais ils ne sont pas, ces droits-là, à l'intérieur de la Constitution du Canada, c'est un autre ordre juridique à côté. C'est ça, le pluralisme juridique, puis c'est pour ça qu'il faut s'entendre. Parce que, si on ne le fait pas, bien là on s'en va devant les tribunaux et, si on s'en va devant les tribunaux, bien là c'est les preuves orales. Puis, comme je vous ai dit tout à l'heure, je pense que tout le monde va dépenser beaucoup d'argent puis ni les uns ni les autres vont être beaucoup plus contents au bout du compte.

Le Président (M. Boulianne): Oui, Mme la députée.

Mme Gauthier: Dans les arrêts de la Cour suprême, particulièrement dans l'arrêt Delgamuukw, j'ai compris, et je pense que vous en avez témoigné, qu'effectivement le degré de preuve pour faire reconnaître le titre aborigène est beaucoup plus élevé que pour faire reconnaître les droits ancestraux.

Mme Lajoie (Andrée): C'est-à-dire que ce n'est pas le degré de preuve, c'est que ce ne sont pas les mêmes éléments qu'il faut prouver. Pour le titre, il faut prouver l'occupation continue au sens où les peuples nomades peuvent avoir une occupation continue, et on peut faire cette preuve de façon orale. C'est la même chose pour... Ce n'est pas des titres au bureau d'enregistrement, là, vous me comprenez? Et le degré de preuve est le même pour les droits ancestraux qui, eux, sont liés à non pas l'occupation du territoire, la présence sur le territoire, mais à des pratiques ancestrales, à des pratiques coutumières. Tout ça, ça a évolué, hein. Je ne voudrais pas revenir là-dessus, mais, tout à l'heure, il était question de... J'étais en arrière et je suivais une autre présentation, et il était question d'exiger que ce soit exactement comme c'était au moment de... préalable au contact, là, les modes de chasse et les modes de pêche, et non pas les modalités contemporaines. Bien, la Cour est divisée sur ces questions-là, mais ce n'est pas complètement figé, là, ce n'est pas possible.

Mme Gauthier: En parlant de division de Cour, au niveau de la preuve orale des pratiques, j'ai lu, dans l'arrêt Mitchell, je pense, qu'on mettait des bémols sur la prépondérance d'une preuve orale pour prouver les pratiques passées.

Mme Lajoie (Andrée): C'est-à-dire que la preuve orale s'apprécie dans le contexte d'autres... ce n'est pas une preuve qu'on déclare prépondérante à tous égards. Il peut y avoir des preuves contraires qui peuvent être examinées. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas compter réfuter une preuve orale à partir d'éléments comme, par exemple, le fait qu'un peuple nomade se promenait. Ça ne défera pas la preuve orale que c'était leur territoire.

Mme Gauthier: Merci.

Mme Lajoie (Andrée): En tout cas, je ne pense pas. C'est à la Cour d'apprécier, mais...

Le Président (M. Boulianne): Juste une question d'éclaircissement ? M. le député de Saguenay, vous allez avoir le temps ? je veux être bien sûr aussi de bien comprendre. Vous avez dit qu'on ne crée pas un troisième ordre de pouvoir, mais est-ce qu'on peut dire que c'est la reconnaissance de l'existence d'un troisième ordre de pouvoir?

Mme Lajoie (Andrée): C'est la reconnaissance de l'existence d'un ordre juridique distinct de l'ordre juridique canadien, qui n'est pas un troisième parce qu'il ne pourrait être troisième que par rapport aux deux premiers, ce qui impliquerait qu'il est dans un tout. Il est à côté.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. D'abord, je vous remercie. Ce que je comprends de votre témoignage puis de la nature de vos recherches, c'est que vous n'avez été payée par personne pour faire ça. Alors, d'avoir une qualité de propos juridiques de cette nature-là sur le bras de l'État... je veux dire, sur le bras, en fait, de... gratuitement, gracieusement, je vous en remercie. C'est très apprécié.

Je tiens aussi à vous remercier au niveau de la pertinence de votre propos parce que, par la nature de...

Mme Lajoie (Andrée): Je dois dire que, comme professeure, je suis d'une certaine façon payée par l'État, entendons-nous. Mais je n'ai pas été payée pour faire ça.

M. Corriveau: O.K. Puis, bien, c'est ça, au niveau de la pertinence aussi, je trouve que, quand on est expert dans quelque chose puis de venir se présenter dans une commission puis de parler de ce dont on connaît le mieux, je trouve que ça nous fait beaucoup sauver de temps.

Je ne sais pas si vous avez regardé ça au niveau des articles 8.4.3 et suivants de l'Approche commune. On parle de droit commun puis de la prépondérance des lois innues en opposant ça aussi aux règles de droit international privé. Est-ce que vous pouvez voir une problématique d'application à un moment donné au niveau de la prépondérance des lois innues versus l'application des lois, en fait des règles de droit international privé? Parce qu'il est mentionné à 8.4.3.2 que «les règles de droit international privé apparaissant au livre Dixième du Code civil du Québec recevront application quant aux sujets qui y sont couverts, en faisant les adaptations appropriées, pour tenir compte des dispositions du Traité». Ça m'apparaît du tricotage, ça, qui pourrait créer des problématiques, puis je ne sais pas si vous avez analysé ça.

Mme Lajoie (Andrée): Écoutez, non, je ne me suis pas arrêtée à cette question-là en particulier et puis je n'ai pas une mémoire énorme des textes. Je vous entends, là. De ce que j'entends, bien, ça me paraît justement conforter le fait de la réponse que je venais de donner à la question précédente, à savoir qu'il s'agit d'un ordre de gouvernement à l'extérieur du gouvernement canadien, et on applique... Les règles du droit international privé, c'est celles qu'on applique; les exemples d'école, là, c'est un Syrien dans un avion marocain qui vole au-dessus de la France et... enfin vous voyez le genre; devant quel tribunal la réclamation en dommages doit-elle être présentée? Alors, ce que ça veut dire, si je comprends là, ça, ça veut dire que, dans la mesure où il n'y a pas eu, dans l'entente, des forums spéciaux, parce que je pense qu'il y en a à certains égards, pour discuter des différends qui surviendraient entre les parties, eh bien, suivant la nature, le lieu, la personne qui aurait commis le délit ou qui voudrait contester quelque chose, bien, ce seraient les règles du droit international privé qui s'appliqueraient.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, vous avez encore une minute, M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Je la donne au ministre, s'il y a consentement, si vous avez d'autres questions.

Le Président (M. Boulianne): Vous la donnez au ministre.

M. Corriveau: Moi, je tiens juste à vous remercier.

Mme Lajoie (Andrée): J'ajoute...

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y.

Mme Lajoie (Andrée): ...que la personne qu'il faudrait consulter là-dessus, c'est Paul-André Crépeau.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme Lajoie. Alors, merci donc pour ce mémoire.

n(16 h 50)n

Je demande donc à la Fondation Équité Territoriale de s'approcher pour témoigner devant la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): C'est bien. Donc, la commission continue ses travaux. Alors, nous recevons la Fondation Équité Territoriale. Bienvenue à la commission. Alors, je demanderais donc au responsable de s'identifier et de présenter ses collègues.

Fondation Équité Territoriale

M. Simard (Réjean): Alors, merci, M. le Président. MM., Mmes les députées et participants à la commission. D'abord, je vous présente M. André Forbes, qui représente ? c'est tous des administrateurs de la Fondation ? le secteur de Sept-Îles, sur la Côte-Nord; à mon extrême gauche, vous avez M. François Racine, qui est du secteur des Escoumins, c'est en Haute-Côte-Nord; M. Gobeil, qui est du secteur Saguenay. Bien sûr, il y en avait quelques autres qui devaient se présenter, mais, malheureusement, leur emploi du temps ne le leur a pas permis. Moi, mon nom est Réjean Simard, je suis directeur général et président de l'exécutif de la Fondation Équité Territoriale.

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue. Alors, allez-y. Vous avez, M. Simard, 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Simard (Réjean): Merci. Alors, dans les quelques lignes qui vont suivre, le lecteur ou l'auditeur pourra comprendre les raisons qui ont motivé la mise sur pied de la Fondation Équité Territoriale. Les droits ancestraux et le titre aborigène seront questionnés en seconde partie. Puis, nous nous attarderons à l'intégrité territoriale ainsi qu'à l'action réparatrice et aux contradictions dans le cheminement. Avant de conclure, nous présenterons à nouveau la position officielle de la Fondation sur la question.

Brève présentation de la Fondation. Si nos gouvernements avaient mis autant d'énergie et d'argent qu'ils l'ont fait au cours des derniers mois pour expliquer et informer la population sur l'Approche commune et l'entente de principe, il est probable que la Fondation Équité Territoriale n'aurait jamais existé. Malheureusement, le lien de confiance a été rompu entre l'État et ses citoyens. Dans ce contexte d'urgence, la Fondation a été créée en mai 2002. Elle compte plus de 350 membres privés et corporatifs. En mai 2002, le gouvernement du Québec et celui du Canada considéraient la négociation avec les autochtones à peu près réglée. Les ministres, M. Rémy Trudel et Robert Nault, étaient prêts à signer l'entente de principe à la suite des négociations. À ce moment, la Fondation a été mise sur pied, à la demande de citoyennes et de citoyens de nos deux régions, de pourvoyeurs, de comités de citoyens, d'entreprises, d'élus municipaux, pour unifier l'action et démocratiser le processus de négociation. Ce qui fut fait.

Les négociations étaient quasi secrètes et les négociateurs gouvernementaux ne voulaient pas rendre publique l'entente de principe avant qu'elle soit signée par les ministres Trudel et Nault. Ainsi donc, l'action de la Fondation a entraîné le dépôt de l'entente de principe le 12 juin 2002 sans la signature des ministres concernés. Un premier objectif de transparence était atteint. C'est pourquoi, depuis mai 2002, la Fondation a continué à sensibiliser la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord à l'existence de cette entente de principe. Elle en a expliqué le contenu et les transformations économiques et politiques qu'elle entraîne ainsi que ses conséquences probables sur la vie quotidienne des citoyens.

La Fondation a fait part régulièrement de ses interrogations et de ses positions aux médias régionaux et nationaux. Elle s'est aussi associée à des personnes crédibles et capables d'avoir audience sur le plan national. Tous les députés ont été contactés. Elle a rencontré les leaders des formations politiques pour faire part de ses positions. La Fondation a accepté les invitations de nombreux clubs sociaux et groupes de citoyens pour discuter de l'Approche commune. En somme, nous avons redonné à notre population qui vit sur la Côte-Nord et au Saguenay?Lac-Saint-Jean la possibilité de penser, de parler et de s'impliquer dans une cause qui est sienne, mais dont nos gouvernements semblaient vouloir l'écarter en appliquant un mode de gestion de style colonial. La Côte-Nord et le Saguenay? Lac-Saint-Jean sont en effet des régions-ressources, et, pour plusieurs régionaux, des régions-ressources, pour nous, c'est synonyme de colonies.

Les droits ancestraux et le titre aborigène. Malgré la réserve émise dans l'entente de principe à l'article 3.1.3 disant: «La présente entente ne crée aucune obligation légale pour les parties», l'article 3.3.1 reconnaît formellement les droits ancestraux et le titre aborigène. Par ce geste, le Québec se lie sans nuance à l'article 35 de la Constitution canadienne de 1982 et s'oblige à négocier conformément aux obligations du jugement Delgamuukw.

Au paragraphe 143, le jugement Delgamuukw donne le critère applicable pour prouver l'existence d'un titre aborigène. En raison de son importance, citons textuellement ce paragraphe:

«Le critère applicable pour prouver l'existence d'un titre aborigène.» Et je cite: «Pour établir le bien-fondé de la revendication d'un titre aborigène, le groupe autochtone qui revendique ce titre doit satisfaire aux exigences suivantes: il doit avoir occupé le territoire avant l'affirmation de la souveraineté; si l'occupation actuelle est invoquée comme preuve de l'occupation avant l'affirmation de la souveraineté, il doit exister une continuité entre l'occupation actuelle et l'occupation antérieure à l'affirmation de la souveraineté; au moment de l'affirmation de la souveraineté, cette occupation doit avoir été exclusive.» Paragraphe 143 dans Delgamuukw.

Les Innus du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord rencontrent-ils ces critères pour avoir la reconnaissance des droits ancestraux et du titre aborigène? Il faut reconnaître que la situation est loin d'être claire. Si, à Québec comme à Ottawa, nos gouvernements confirment cette reconnaissance par législation, il s'agit d'une décision politique. C'est une manière facile d'éviter de faire face à la réalité historique qui interroge le bien-fondé d'une telle admission. Pourtant, il faut reconnaître les faits et la vérité avant la signature du traité pour éviter toute suspicion et accorder à un éventuel traité toute sa crédibilité.

À la fin du paragraphe 151 dans Delgamuukw, le juge en chef poursuit, et je cite: «Si l'occupation actuelle est invoquée comme preuve de l'occupation avant l'affirmation de la souveraineté, il doit y avoir continuité entre l'occupation actuelle et l'occupation antérieure à l'affirmation de la souveraineté.» On continue dans Delgamuukw: «Il va sans dire qu'il n'est pas nécessaire de faire la preuve d'une continuité parfaite ? d'ailleurs, on a fait la preuve tantôt ? (Van der Peet, au par. 65) entre l'occupation actuelle et l'occupation antérieure au contact avec les Européens.» Paragraphe 153.

Nous constatons malgré cette nuance que la preuve de l'occupation continue par une même communauté sur un même territoire devient un élément de fond pour revendiquer le titre aborigène. Cette démonstration n'a pas été faite en ce qui nous concerne.

De plus, le juge en chef affirme, au paragraphe 155: «L'occupation doit avoir été exclusive au moment de l'affirmation de la souveraineté.» Et je cite: «Enfin, il faut que l'occupation ait été exclusive au moment de l'affirmation de la souveraineté. [...] L'exclusivité, en tant qu'aspect du titre aborigène, appartient à la collectivité autochtone qui possède la capacité d'exclure autrui des terres détenues en vertu de ce titre. La preuve du titre doit, à cet égard, refléter le contenu du droit. S'il était possible de prouver l'existence du titre sans démontrer l'existence d'une occupation exclusive, on parviendrait à un résultat absurde, car il serait alors possible à plus d'une nation autochtone de posséder le titre aborigène à l'égard d'un même territoire, et toutes ces nations pourraient alors tenter de faire valoir le droit d'utiliser et d'occuper de façon exclusive ce territoire.» Paragraphe 115.

En essayant de comprendre ce que cette affirmation veut dire, il apparaît que la reconnaissance des droits ancestraux et du titre aborigène en vertu du paragraphe 3.3.1. de l'entente de principe oblige Québec à se plier à négocier une forme de capitulation imposée par la Constitution canadienne.

Cela va encore plus loin si on retient que ces droits ne sont pas définis et que le traité sera évolutif. Sommes-nous en train d'hypothéquer négativement les générations futures? Un traité ouvert comme celui-ci est inacceptable. Après la première signature, beaucoup d'objets pourront être remis en cause. Nous aurons toujours l'impression que rien n'est réglé parce qu'il est possible de tout remettre en question. Des ententes antérieures illustrent bien d'ailleurs cette réalité.

n(17 heures)n

Ceux et celles qui ont assisté aux deux colloques Mamuitun à Chicoutimi et à Baie-Comeau ont compris que les procureurs des gouvernements et des Innus recommandent la reconnaissance des droits ancestraux et du titre «aborigène» pour éviter la voie juridique. C'est une option qui semble vouloir acheter la paix pour faciliter la négociation. C'est bien là la stratégie évidente de nos gouvernements qui donnent l'impression de vouloir une entente à n'importe quel prix. Ils veulent paraître les meilleurs au monde à l'égard de leurs minorités autochtones. Mais qu'est-ce que les citoyennes et les citoyens du Québec retirent à l'égard de cette reconnaissance? Cela reste à démontrer.

La Fondation reconnaît l'existence des Innus-Montagnais sur le territoire du Québec. Cependant, des nuances s'imposent, et je cite: «Indiens et Inuits ne forment pas un seul peuple. Ils proviennent vraisemblablement d'au moins trois vagues migratoires survenues à différentes époques. Seuls les tout premiers migrants, quelles qu'aient été l'époque de leur arrivée et leur terre d'origine, trouvèrent ici un continent véritablement désert. Les arrivants qui suivirent durent forcer un chemin, tout comme le firent les Européens.

«Une fois en Amérique du Nord, les gens de même race se segmentèrent en plusieurs peuples qui ne respectèrent pas, entre eux, la règle d'antériorité. L'histoire enseigne, preuves à l'appui, que, si les peuples autochtones exerçaient une sorte de contrôle collectif sur leurs territoires, les frontières n'en étaient ni permanentes ni bien définies et que des communautés ont sûrement été, et à plusieurs reprises, formées, dissoutes et reconstituées sous différentes identités.» Premières Nations? Seconds Regards, Tom Flanagan, Les Éditions Septentrion.

Ce constat correspond assurément à la vision des faits historiques de plusieurs historiens québécois. Les recherches commandées par Hydro-Québec et le gouvernement dans les années quatre-vingt affichent probablement le même portrait, d'où les hésitations à les rendre publiques. Cette reconnaissance sans nuance pour les Innus-Montagnais des droits ancestraux et du titre «aborigènes» et de la frontière du Nitassinan oblige à négocier en vaincus notre droit de vivre sur la terre du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord. Faut-il oublier l'oeuvre d'établissement pacifique, solide et prospère pour toutes les communautés de nos régions, mise en place par nos ancêtres? Sommes-nous redevenus un peuple anonyme et sans passé ou sans histoire, comme l'écrivait Lord Durham en 1839? Nous affirmons que non. La cause est trop importante et conséquente pour que seul le pouvoir politique en dispose, sans égard à sa population.

L'intégrité de l'Assemblée nationale et du territoire. Pour accorder l'autonomie gouvernementale sur le territoire de l'Innu Assi, l'Assemblée nationale devra céder certains de ses propres pouvoirs par traité. Ces pouvoirs, elle ne pourra jamais les reprendre, contrairement à une décentralisation. On peut s'interroger si l'Assemblée nationale possède la capacité constitutionnelle de céder ses propres pouvoirs pour créer des gouvernements autonomes sur une partie du territoire. Dans ce cas, un recours collectif basé sur la même Constitution canadienne ou la Charte des droits serait-il recevable? C'est le peuple qui a donné, par la Constitution, ses pouvoirs à l'Assemblée nationale. Selon cette logique, elle ne posséderait pas la capacité d'en disposer sans une modification de la Constitution. Elle prive ainsi le peuple de pouvoirs qui lui appartiennent et qui sont gérés par l'Assemblée nationale du Québec.

La situation actuelle requiert l'obligation de valider le danger de partition du territoire québécois. À la mi-octobre 1994, l'ensemble des représentants des groupes autochtones de la province, sauf les Inuits, se sont réunis au Lac-Delage. Dans leur déclaration commune, les chefs énoncent entre autres, et je cite: «Nous affirmons les relations de nation à nation fondées sur l'égalité et la coexistence pacifique des peuples.

«Nous rejetons le concept de l'intégrité territoriale du Québec. Nous allons considérer les options qui se présentent à nous.»

Ça, c'est extrait de Canoblio, Géopolitique d'une ambition Inuit: le cas Nunavik, Université de Paris 1997.

Nulle part dans l'entente de principe, le Conseil tribal Mamuitun renonce à cette déclaration pour obtenir un traité. Les propos rassurants ne proviennent que des porte-parole du Québec, mais jamais des Innus. Dans les faits, le Conseil tribal du Mamuitun négocie d'égal à égal avec le gouvernement du Québec et du Canada. Nous ne retrouvons pas dans l'entente de principe la reconnaissance de l'autorité de la couronne héritée par le Parlement canadien qui doit s'exercer sur tous les citoyens canadiens. On peut se demander, dans les circonstances, comment il se fait qu'il soit possible de négocier d'égal à égal avec le gouvernement fédéral ou, éventuellement, un Québec souverain.

Le traité, dans les faits, créera une nouvelle confédération provinciale québécoise, une confédération composée de 12 nations, les 11 nations amérindiennes et les autres Québécois, sous l'autorité fédérale canadienne, qui couvrira plus de 700 000 km² au Québec. À notre avis, c'est ce qui ressort de l'entente de principe telle qu'actuellement rédigée. Si cela est inexact, il est important d'être rassurés par des juristes et des constitutionnalistes totalement indépendants et sans parti pris.

L'action réparatrice et la réalité actuelle. Au Québec, en principe, les citoyens sont égaux. Ils possèdent des droits équivalents et sont soumis à des obligations équivalentes. On peut rappeler que, dans une famille, l'aîné n'a pas plus de droits que le cadet. Le développement de la Côte-Nord et du Saguenay? Lac-Saint-Jean s'est déroulé en partie pendant la période coloniale britannique. Ainsi donc, si nous étions une province, nous aurions pu nous comparer à la Colombie-Britannique. Notre antériorité française ne nous a pas donné la priorité dans l'organisation sociale, économique et politique du Québec. La place retrouvée, grâce à l'Acte de Québec de 1774, est en partie un compromis de l'État colonial anglais pour garder des avant-postes offensifs en Amérique du Nord et des alliés en prévision d'une révolte possible dans les 13 colonies américaines, laquelle révolte est arrivée deux ans plus tard.

Dans les faits, personne n'a réparé la déportation des Acadiens en 1755 ni la capitulation de Québec de 1759, ni les patriotes de 1837-1838, ni l'envoi en France, en 1687, par l'intendant Champigny de 40 Iroquois comme galériens, ni les guerres coloniales, ni le massacre de Lachine, etc. La réalité historique exige une solution contemporaine pour continuer à évoluer ensemble sur un pied d'égalité avec des chances égales. Cela veut dire aussi qu'il faut donner à celles et à ceux qui traversent des situations économiques et sociales pénibles des moyens d'atteindre l'autonomie personnelle et collective avec la même perspective politique pour tout le monde, mais adaptés à leur situation. Pour réaliser ces objectifs, nous disons que l'État doit assumer ses responsabilités avec des solutions applicables à l'ensemble de sa population.

Sur le plan juridique et constitutionnel, la Fondation reconnaît les pouvoirs constitutionnels de l'État canadien et québécois. L'exercice du pouvoir requiert implicitement, dans une société démocratique, l'implication des populations concernées dans des dossiers aussi importants que celui de l'Approche commune. Si l'État québécois proposait aux milieux spécifiquement concernés de recommander des solutions pratiques à la coexistence, cela pourrait aider assurément à trouver une partie d'une solution qui serait acceptée par les partenaires. Malheureusement, ce n'est pas le cas, tout vient d'en haut.

M. Chevrette, dans sa grande tournée des régions, a entendu les revendications, les inquiétudes, les questions des chasseurs, des trappeurs, des pourvoyeurs, des locataires de terres publiques, des comités de citoyens, des municipalités, des MRC, des forestiers, etc. Il a certainement compris que la négociation, pour les milieux urbanisés ou semi-urbanisés, présentait des aspects bien différents du contexte du traité de la «Paix des Braves» ou de l'entente du Nunavik avec les Inuits.

Maintenant, la négociation concerne 6 % de la population totale du Québec, donc près de 400 000 non autochtones. Je veux dire ici: la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean?Côte-Nord. Le contexte s'en trouve bien différent et commande une solution appropriée et objective. L'action réparatrice mise de l'avant pour paraître correct politiquement ne doit pas faire oublier la nécessaire objectivité de la négociation avec une vision intelligente du futur.

Quelques contradictions. Avez-vous remarqué? Quand un dossier mis de l'avant par le gouvernement ne progresse pas selon le rythme attendu, les opposants deviennent des démagogues, des racistes, ils ont des préjugés et sont malveillants, ils ne comprennent pas, ils affirment des faussetés, ils font de la désinformation et le reste. Voici quelques exemples. On pouvait lire dans Le Quotidien du 28 novembre 2002, la manchette suivante: Chevrette dénonce la Fondation Équité Territoriale. En point de presse, hier, Guy Chevrette a sorti un document de la Fondation, qui a été distribué sur la Côte-Nord et qui stipule qu'une entente a été signée entre les Innus et les gouvernements. La Fondation a écrit que l'entente de principe a été signée par les négociateurs, et c'est vrai, tout le monde le sait: les négociateurs sont mandatés par le gouvernement ? du moins, j'espère ? le document a été distribué dans tous les foyers du comté Chicoutimi-Le Fjord grâce à Mme Pierrette Venne, députée bloquiste de Saint-Hubert?Saint-Bruno. L'action prioritaire de la Fondation voulait que l'entente de principe soit rendue publique avant la signature des ministres Trudel et Nault, et elle a réussi.

n(17 h 10)n

Dans l'édition du même journal, le 4 décembre 2002, on y lit: Innu: la négociation n'est pas encore commencée, Jacques Brassard, Le Quotidien. L'entente du Nunavik est en force depuis 1998, elle a été négociée de 1994 à 1999 et comprend tout le nord du Québec soit le nord du 55e parallèle. La «Paix des Braves» est signée et en force depuis 2002. Tout le territoire cri entre le 49e et 55e parallèle. La négociation sur l'Approche commune est commencée depuis plus de deux ans et l'entente de principe a été signée en secret en avril et mai 2002 par les négociateurs du gouvernement du Mamuitun. Elle est publique depuis le 12 juin 2002. Si la négociation n'est pas commencée, quand le sera-t-elle?

Dans la valse des études, nous retrouvons les bons et les mauvais. Les bons de l'époque 1980-1990 qui ont réalisé des études pour le gouvernement et Hydro-Québec sont devenus des mauvais; les mauvais de l'époque sont devenus les bons. Mme Venne, dans un communiqué reçu le 9 novembre 2002 ? dont copie est annexée ? demande aux porte-parole officiels du Québec, MM. Bernard et Chevrette, d'ajuster leurs propos, et je cite: «Mais, messieurs, écrit-elle, essayez au moins de vous accorder dans vos menteries. Vous auriez l'air un peu plus crédibles.»

De toute manière, les gens ordinaires qui veulent savoir la vérité se font servir trop souvent un vocabulaire juridique et technocratique presque incompréhensible. Il faut retrouver le bon sens dans l'ensemble de ces recherches et les rendre plus disponibles et plus accessibles. Il deviendrait possible de mieux saisir et comprendre la portée des enjeux et d'offrir à l'opinion publique un constat plus objectif. Les gens de bon jugement qui habitent dans nos régions pourront accepter alors un traité dont ils partageront le contenu, y ayant été honnêtement associés.

Rappel de la position de la Fondation. La Fondation priorise une entente négociée avec les autochtones en fonction des recommandations suivantes: Fondation Équité Territoriale rejette l'entente de principe dans sa forme et sa teneur actuelles. La Fondation demande au gouvernement du Québec et du Canada un moratoire immédiat dans le processus de négociations en cours tant dans le suivi de l'entente de principe que la préparation du traité devant compléter ladite entente. La Fondation demande au gouvernement du Québec et du Canada d'annoncer, avant la reprise de toute négociation, un référendum ou un plébiscite ou une consultation populaire formelle à la manière d'un référendum, si cela favorise le côté légal. Ce référendum se tiendra à la fin du processus. Les populations québécoises et innues des territoires concernés par l'entente et le traité seront appelées à se prononcer. Dans la présente entente, cela concerne les territoires du Saguenay?Lac-Saint-Jean et le Côte-Nord visés par la négociation. La reconnaissance par toutes les parties de la non-partition du territoire québécois et la garantie du maintien de tous les droits actuels de toutes les Québécoises et tous les Québécois des territoires concernés par l'entente doivent être des conditions absolues pour la poursuite des négociations.

Conclusion. Nous sommes essentiellement la cause de notre futur. La connaissance la plus approfondie possible de notre passé devrait éclairer nos décisions présentes. Le Québec actuel comme les régions du Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord sont le résultat d'un monde en mutation, en somme, le résultat de l'histoire. Le vrai défi, c'est de préparer demain. C'est là l'oeuvre de tout un peuple. Quand l'État décide d'un nouveau partage sociologique, économique et politique entre les communautés qui la constituent, ce sont toutes les citoyennes et tous les citoyens qui se doivent d'être impliqués. En reprenant un commentaire de M. Jean-Jacques Simard du Département de sociologie de l'Université Laval, dans le volume de Flanagan, Premières Nations? Seconds regards, à la page 227, nous devrions partager l'idée qu'il est nécessaire, et je cite, «d'élargir le débat au-delà des coteries qui prétendraient en conserver le monopole, alors que la question autochtone concerne tous les citoyens de ce pays qui n'arrive pas à s'accepter tel que l'histoire l'a façonné».

La solution réside dans un traité accepté par l'ensemble de notre population et non imposé par un État de droit qui légalement peut le faire. La valeur perpétuelle de ce traité trouvera son fondement dans cette acceptation réciproque. Ce chemin pourra être un peu plus long mais beaucoup plus sûr pour atteindre l'objectif. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Réjean Simard. Alors, nous allons procéder immédiatement à la période d'échange. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs de la Fondation Équité Territoriale. M. le président, M. Simard, nous nous retrouvons dans une autre arène après s'être et côtoyés et colletaillés dans l'arène municipale à une époque antérieure, également M. Racine, M. Gobeil et M. Forbes, de la Côte-Nord, en particulier.

Bon. Votre mémoire, bien sûr, il est attendu parce que vous avez, au cours des dernières semaines, eu beaucoup d'interaction avec les médias d'information dans le grand public à l'égard du projet qui est sur la table et qui est soumis à l'attention de la commission. J'aurais bien envie de commencer ? parce que c'est évident là, qu'il y a un bon nombre de choses qui ne nous réunissent pas et... ? bien sûr, commencer par les éléments qui nous réunissent. Dans la conclusion, dans votre conclusion, vous nous dites très, très clairement, et je cherche le texte de la phrase exactement: «La Fondation priorise une entente négociée avec les autochtones en fonction», et ensuite, c'est vos quatre recommandations qui suivent.

Pourquoi, M. Simard, et quels sont vos fondements pour dire que nous devons prioriser une entente négociée avec la nation innue, avec les autochtones?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Simard.

M. Simard (Réjean): C'est évident que, dans tout cheminement, une étape négociée et acceptée réciproquement est importante, et il faudrait quand même manquer de vision pour ne pas accepter une négociation.

Maintenant, cette entente de principe là, c'est sûr que, globalement, on la rejette comme on rejette une convention collective: ce n'est pas parce que tout n'est pas bon dedans, mais c'est qu'il y en a suffisamment dedans pour ne pas qu'on l'accepte. Ça, c'est une chose. Et on priorise malgré tout de reprendre ou de revoir, avec ce qui ressort des consultations populaires, des avis reçus, l'entente de principe et mieux resituer, pour ce qui nous interroge, la question du titre «aborigène» qui, pour nous ? peut-être qu'on se trompe ? mais qui, pour nous, est à la base ? et on le voit quand même dans le jugement Delgamuukw ? qui, pour nous, est à la base de tout ce qui découle.

Bien sûr qu'on peut régler des problèmes factuels ou des problèmes spécifiques. Si je chasse à telle place, on va dire: Tu vas chasser à la même place, il y a un problème particulier qui est réglé; l'approvisionnement en bois, ça peut être pareil. Mais il y a quand même quelque chose là, et le fait de ne pas encadrer les droits nous apparaît trop vaste et risque de faire en sorte qu'il y ait une continuité et qu'on ne soit jamais capables de les régler. C'est pour ça qu'actuellement, de toute façon, on n'accepte pas cette entente de principe là.

S'il n'y a pas moyen, au point où nous en sommes rendus, bon, bien là, on pourrait regarder la possibilité de suivre un chemin juridique. Mais, avant d'aller vers un chemin juridique, à mon sens, il y a encore de la place, il y a encore de l'espace pour poursuivre des négociations qui ne nous apparaissent pas d'une urgence extraordinaire parce qu'il y a quand même un modus vivendi qui, sans être l'idéal, peut être encore acceptable pour un bout de temps, afin d'en arriver vraiment à une décision partagée non seulement entre les gouvernements fédéral, provincial et peut-être les chefs autochtones, mais envers une population de base.

Quels ont été les efforts qui ont été mis de l'avant par les gouvernements pour suggérer aux communautés qui vivent ensemble ? d'ailleurs, vous avez vu le témoignage du Lac-Saint-Jean ? qu'il est peut-être possible de faire émerger des solutions locales qui pourraient être appropriées avant d'en arriver à un cadre national avec un moule qui peut-être ne correspond pas à chacune des communautés? Est-ce qu'on... À mon sens, on n'a pas laissé la possibilité au milieu... Parce que si on se dit qu'on négocie de nation à nation, donc on négocie le Canada, le Québec et les responsables autochtones, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de penser, comme on le suggère dans le mémoire aussi, de voir qu'est-ce qui peut se faire à Sept-Îles, qu'est-ce qui peut se faire aux Escoumins, qu'est-ce qui peut se faire aussi à Mashteuiatsh et au Nutashkuan, avec le milieu, pour faire émerger des solutions, des modes de vie, des propositions qui pourraient être simples, qui pourraient peut-être être davantage appropriées, respectueuses des milieux et qui pourraient monter vers les deux gouvernements concernés, et les trois, si on prend les autochtones? Cet exercice-là n'a pas été fait.

n(17 h 20)n

Et ce n'est pas évident là. On a l'air d'avoir peut-être une position qui semble radicale, mais le sentiment que j'exprime ici est exprimé aussi dans ce que j'entends dans certaines communautés autochtones. Et cette étape-là, à mon avis, n'a pas été faite. Et, au lieu de tasser ou de faire un grand débat national au niveau des capitales, on pourra peut-être aller voir ce qui se passe, ce qui se ressent, ce qui se vit dans les communautés et, comme je l'ai dit, faire émerger des solutions. Alors, ce n'est pas écrit mais il reste que c'est quelque chose qu'on voudrait voir actuel, avant de mettre de côté beaucoup de choses.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Simard. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: M. Simard et d'autres qui représentent la Fondation Équité Territoriale aujourd'hui, reconnaissez-vous ? vous autres, comment vous vivez ça là ? reconnaissez-vous que les tribunaux ont prononcé des décisions, y compris ce qu'une juriste, une constitutionnaliste d'expérience nous disait tantôt, écrit à l'article 35 du rapatriement et dans la Constitution de 1982, la reconnaissance de droits? On n'ira pas trop, trop sur les questions juridiques, mais reconnaissez-vous ça, les décisions des tribunaux dans notre société de droit et reconnaissez-vous, par le fait même, l'obligation de négociation, de moyens qui nous ont été fixés collectivement par les tribunaux?

Le Président (M. Boulianne): M. Simard.

M. Simard (Réjean): Oui, je reconnais les tribunaux, bien sûr. Quand même que je ne voudrais pas, je n'ai pas le choix: il faut les reconnaître. Sauf que tout n'est pas si clair que l'on veut bien le laisser entendre dans la partie gouvernementale. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est que, on a le dernier jugement auquel on réfère et qu'on qualifie d'assez difficile à cerner dans son amplitude, c'est le jugement Delgamuukw. Bon. Le jugement Delgamuukw par exemple ? et je le dis dans notre travail ? définit les exigences pour posséder le titre «aborigène».

Quand les États canadiens et québécois proposent de le reconnaître, moi, je comprends, parce qu'il y a deux façons de l'avoir: il y a une façon historique qui est absolue, qui ne se discute pas, et il y a une façon d'une reconnaissance par l'État canadien et québécois, ce qui, en bout de piste, donne les mêmes privilèges. Alors, si a priori on le reconnaît d'une façon absolue sans négocier sa limite ? et c'est ce qu'on reproche en quelque sorte dans notre texte ? si on le reconnaît sans accepter ses limites, on s'assujettit automatiquement à l'article 35 de la Constitution qui veut que, une fois qu'on reconnaît, nous sommes obligés ? et j'en suis conscient ? de négocier avec les autochtones sur le territoire, tel que je l'ai exprimé tantôt.

Mais, encore là, vous voyez très bien que, malgré cette reconnaissance et malgré les autres jugements qui peuvent concerner la question autochtone, il y a place encore là. Et, si j'avais le moyen d'avoir cinq ou six juristes qui pourraient nous conseiller... Parce qu'il peut y avoir d'autres voies que celle que vous avez choisie: par exemple, forcer à la cour de définir le titre «aborigènes» pour tous les autochtones québécois, on ne s'en sortirait pas. Ce serait difficile. On est peut-être mieux de le négocier dans quelque chose qui pourra être partagé que de prendre ce qui est absolu dans le jugement Delgamuukw puis dire: Ça s'applique mutatis mutandis au Québec, puis on ne s'en sort pas, puis là on négocie notre droit de vivre sur le Nitassinan.

Et c'est cette notion-là qui est peut-être complexe un petit peu, mais qui enclenche tout le processus de négociation et qui lui donne une saveur différente. Puis, moi, cette saveur-là... Je trouve qu'on négocie actuellement comme un peu en sujets ou en vaincus, parce qu'on est obligés. Si on reconnaît le jugement Delgamuukw dans ce qu'il donne comme définition du titre «aborigène» et sa conséquence sur le territoire, ça ne nous met pas dans une position trop, trop d'égal à égal. Mais c'est une perception, je ne suis pas un professionnel de la question. Mais j'aimerais que des professionnels indépendants puissent nous faire la démonstration que nous sommes dans l'erreur par rapport à cette vision-là. Mais je suis à peu près certain qu'il y a encore de la place pour travailler là-dessus. Et de le reconnaître d'une façon absolue et sans nuance ne nous donne pas une place équitable dans la négociation.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Simard. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Bon. On a l'air à s'entendre encore un petit bout là sur la nécessité de négocier, parce que nous reconnaissons, je dirais, tous les deux, que nous vivons dans une société de droit et que les jugements nous amènent dans cette direction. Je crois lire que vous contestez cependant l'ampleur des droits qui sont actuellement en cause, en question, avec la nation innue.

Vous avez entendu, juste auparavant, Me Lajoie nous faire une distinction assez claire, et faire appel aux éléments des jugements des tribunaux, entre le titre «aborigène» ? je comprends, puis j'accepte qu'on ne se lance pas trop, trop là-dedans puis qu'ici on ait deux non-avocats à cette discussion, mais quand même ? il y a une distinction importante entre le titre «aborigène» et les droits ancestraux. C'est complètement différent. Et c'est pourquoi d'ailleurs on va retrouver, dans la proposition qui nous est faite...

Je fais la parenthèse aussi par rapport à l'introduction. Direct de la bouche du cheval, comme on dit, je n'ai jamais déclaré que j'étais prêt à signer l'entente de principe, pas plus que mon collègue fédéral Robert Nault. Ce que nous avons reçu comme proposition, sur la base de ce qui a été rendu public en janvier 2000, l'Approche commune, c'est ça que nous avons rendu public et que nous examinons actuellement. Ça n'autorise pas le fait de dire que nous avons dit que nous étions prêts à signer. Ce n'est pas compris dans le processus. Ce n'est pas comme ça qu'on l'a abordé. Je ferme la parenthèse.

Est-ce que vous n'avez pas entendu tantôt Mme Lajoie nous dire qu'il y a une très nette différence entre le titre «aborigène» et les droits ancestraux et leur pratique? Est-ce que vous acceptez cette approche que nous soyons plutôt orientés vers la définition des effets de ces décisions, l'exercice de ces droits, soit en territoire propre aux autochtones, aux communautés innues, l'Innu Assi, ou sur un autre territoire qui, lui, ne comportera aucun titre de propriété et ne mettra en cause, évidemment, aucun élément qui pourrait s'apparenter à la partition?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Simard.

M. Simard (Réjean): D'abord, dans la signature ? et je prends à témoins les gens qui étaient à Sept-Îles et à Baie-Comeau et même aux Escoumins ? on a dit que l'entente ne serait pas rendue publique tant que les ministres ne l'auraient pas signée. Ça peut corriger un petit peu, là. Peut-être que les ministres ne se sont pas engagés, mais, nous, on nous a dit que l'entente serait rendue publique; elle était signée par les négociateurs, mais on voulait la rendre publique uniquement après qu'elle soit signée par les ministres.

M. Trudel: Par les négociateurs.

M. Simard (Réjean): Mais on nous a dit que c'étaient les ministres. En tout cas, là, on ne ferait pas un débat là-dessus. De toute façon, on l'a puis on est bien contents, puis une chance que vous n'avez pas signé. Ça, c'est correct. On s'entend au moins là-dessus.

Deuxièmement, il reste que ma compréhension fait que, oui, vous avez des droits ancestraux qui peuvent s'appliquer, mais ma compréhension aussi de Delgamuukw, c'est que le territoire ancestral, ce n'est pas la réserve, à moins que je me trompe. Le territoire ancestral des... il y a Mashteuiatsh, il y a la réserve qui est en pleine propriété, qui devient l'Innu Assi, en pleine propriété, mais ce que les autochtones réclament comme territoire ancestral, c'est le Nitassinan, à moins que je me trompe. Les droits ancestraux s'appliquent sur le Nitassinan, mais le titre «aborigène» est l'élément supérieur, dans ma compréhension, qui donne de la force même à l'application des droits ancestraux. Si on ne reconnaît pas le titre «aborigène» ou si on le limite, en tout cas, ma perception est que les droits ancestraux s'appliquent avec moins de puissance, si on veut, là je n'ai pas l'expression qu'il faut. Mais ça, là, remarque que je ne prétends pas être un spécialiste là-dessus. Mais, à mon sens, le titre «aborigène» est la clé de voûte et le plus important dans tout le système, même si vous priorisez l'application des droits ancestraux.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Duplessis a demandé la parole. C'est le député concerné du comté. Je pense que, si on peut revenir, on reviendra. Alors, allez-y, monsieur.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Moi également, je tiens à vous souhaiter la bienvenue, M. Simard, M. Forbes, M. Gobeil et M. Racine. Et c'est bien sûr que, d'entrée de jeu, votre mémoire, même si je l'ai lu, je ne peux pas y souscrire dans son contexte actuel. Cependant, je ne sais pas si vous avez bien entendu les mémoires qui ont été déposés, les personnes qui les ont présentés. Vous avez abordé un petit peu le principe du... bien, peut-être pas le principe, mais qu'est-ce qu'une entente de principe, et vous avez écouté les représentants de la CSN ce matin, et ? c'est un milieu que je connais très bien ? et quand on parle du comité de négociation, dans le milieu syndical, c'est l'équivalent du comité de négociation qui négocie pour les gouvernements autant Canada, Québec et communautés innues.

Alors, l'entente de principe, une fois qu'elle est faite, elle est présentée aux instances syndicales. Les instances syndicales, à ma connaissance, c'est peut-être le milieu qui avait été initié par le gouvernement, donc les comités de concertation et les comités qu'on avait formés dans chacune de nos régions. Et quand cette entente de principe là... si elle est acceptée ou rejetée, là on peut décider d'aller aux membres, à l'ensemble des membres. On n'est pas rendus à cette étape-là.

Alors, moi, c'est pour ça que j'ai de la difficulté à vous comprendre quand vous dites: Bien, il faudrait peut-être toute suspendre l'entente de principe et après ça consulter la population. Mais je ne pense pas qu'on est rendus là. Et, quant à moi, ce qui a été mis sur la table, dans un premier temps... Je pense que les négociateurs ont fait leur boulot, et là on le présente aux instances, on informe les gens qui sont les principaux concernés, soit les élus municipaux, les groupes communautaires et ainsi de suite. Alors, on explique. Là on est rendus à ce stade-là. Alors, ce qui va rester par la suite... C'est bien entendu qu'on va voir s'il y a un traité et, quand on aura le traité, on verra qu'est-ce qu'on va faire avec. Et, tant qu'à moi, il y a aussi un élément important que vous devriez regarder. Ce n'est pas la première fois qu'on reconnaît des droits ancestraux. Le 20 mars 1985, le premier ministre du Québec le faisait entériner par une motion à l'Assemblée nationale. Alors, c'est bien sûr qu'il définissait quand même le contenu et qu'on parlait de ce dossier à l'époque.

Cependant, moi, ma question, et c'est peut-être... En regardant votre mémoire, je me pose une question: Est-ce qu'il y a contradiction? Quand vous parlez de la position officielle de la Fondation, la page 15, à l'item 3, vous parlez effectivement que le gouvernement devrait peut-être tenir un référendum ou quoi que ce soit, et là vous faites référence que ça devrait s'adresser auprès de la population concernée, donc vous parlez de la Côte-Nord et du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Sauf qu'à la toute fin de votre mémoire, dans la conclusion, là vous dites que, si l'État décide d'un nouveau partage, bon, qui peut toucher l'ensemble des citoyens, là c'est l'ensemble des citoyens qui devraient être consultés. Et vous allez plus loin que ça. Lorsque la question autochtone touche les citoyens, bien là c'est tout le monde du Québec qui devrait être consulté. Alors, moi, je me demandais si...

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député, s'il vous plaît, votre question.

M. Duguay: ...vous n'avez pas une contradiction.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, monsieur.

M. Simard (Réjean): D'abord, je peux vous dire que, sur le premier volet de votre question, on s'entend très bien: on veut avoir l'assemblée générale vraiment après la fin du processus, c'est-à-dire ce qu'on dit, là, c'est que le référendum se tient une fois ? de toute façon, on demande l'arrêt des négociations, on se doute qu'elles n'arrêteront pas même si on le demande, parce qu'elles continuent au moment où on se parle ? ensuite, après l'entente de principe, ces négociations-là dans ce qui est écrit sur le traité.

Nous autres, on dit au gouvernement, aux deux gouvernements: Dites-nous tout de suite qu'à la fin on va pouvoir faire notre assemblée générale syndicale, comme vous l'avez cité dans votre propos, c'est-à-dire, à la fin du processus, quand le traité sera terminé, on va avoir notre assemblée générale, qui, pour nous, est la consultation populaire ? parce que, quand on utilisait le mot «référendum», on se faisait un petit peu mettre de côté parce qu'on le liait au phénomène légal. Plébiscite, consultation populaire ou référendum, mais on veut que le monde soit directement touché une fois que tout ça sera terminé.

Alors, mettons que vous continuez à négocier puis que ça va bien, puis etc., mais, déjà, après la commission, si les deux gouvernements nous disent: Énervez-vous pas, là, on va tenir un référendum à la fin de tout ça ou une consultation populaire dans les secteurs concernés... Parce que là, et on est contre cette réalité-là, même la nation innue ne négocie pas au complet. Nous autres, ce qu'on voudrait, c'est une solution globale pour le Québec ? j'aurais dû l'écrire ? mais qu'on fasse un cadre.

Vous êtes partie... Le gouvernement libéral, les gouvernements sont partie avec des négociations qui sont différentes d'une fois à l'autre, à partir du Nunavik, la «Paix des Braves», avec celle-là. Mais ça va être quoi, celles qui vont suivre? Ça va être quoi, Sept-Îles, après cette entente-là? Puis, après Sept-Îles, ça va être quoi? Pourquoi ne pas essayer d'avoir une solution globale? Si la solution est globale, ça prend un référendum global. Si la solution est partielle, comme ça semble se dessiner et comme il faut vivre avec cette réalité-là si c'est ça, à ce moment-là qu'on fasse un référendum partiel pour les populations concernées. C'est ça, dans ce sens. Mais ce qu'on souhaiterait quand même, c'est vraiment le global.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Simard. Alors, nous allons passer la parole au député de Jacques-Cartier. Alors, M. le député, vous avez la parole.

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, M. Simard et les représentants de la Fondation Équité Territoriale, bienvenue ici, à Québec. En premier lieu, je pense, la compréhension de notre côté de la table des racines de la Fondation... le fait que, pour trop longtemps, les citoyens des régions concernées étaient exclus, n'avaient pas accès aux bons renseignements, je pense. La colère, la frustration que vous avez réussi à canaliser dans la création d'une fondation, c'est une preuve ? M. Chevrette a fait le constat dans son rapport ? que, au niveau de la gestion de l'information, au niveau de la consultation populaire, le processus qui a été adopté avait laissé beaucoup à désirer. Alors, je pense, votre existence même aujourd'hui, comme vous avez dit dans votre mémoire, c'est le résultat de la gestion du processus d'information populaire qui était complètement manquante dans ce processus.

Je reviens toujours... et je pense que... Moi non plus, je ne suis pas avocat, mais j'ai devant moi... Je pense que c'est assez clair dans l'arrêt Delgamuukw qu'on a deux choses qui sont complètement différentes, qui sont de dire «un droit ancestral» ou «le test», ou «qu'est-ce que c'est ça, un droit ancestral? le test est beaucoup plus léger que le titre "aborigène".»

Je vais juste citer un petit peu l'article 138 ou le paragraphe 138 de l'arrêt Delgamuukw: «Il ressort de l'arrêt Adams que les droits ancestraux qui sont reconnus et confirmés par le paragraphe 35.1 s'étalent le long d'un spectre, en fonction de leur degré de rattachement avec le territoire visé. À une extrémité du spectre, il y a les droits ancestraux qui sont des coutumes, pratiques et traditions faisant partie intégrante de la culture autochtone distinctive du groupe qui revendique le droit en question. Toutefois, le fait que le territoire sur lequel l'activité est pratiquée ait été "occupé et utilisé" ne suffit pas "pour étayer la revendication du titre sur celui-ci".» Alors, il y a un test léger pour les pratiques chasse et pêche, je pense, entre autres.

Plus loin dans le même paragraphe, on dit: «À l'autre extrémité du spectre, il y a le titre aborigène proprement dit. Ainsi qu'il ressort clairement de l'arrêt Adams, le titre aborigène confère quelque chose de plus que le droit d'exercer des activités spécifiques à un site qui sont des aspects de coutumes, pratiques et traditions de cultures autochtones distinctives. L'existence des droits spécifiques à un site peut être établie même si l'existence d'un titre ne peut pas l'être. Ce que le titre aborigène confère, c'est le droit au territoire lui-même.»

Alors, je pense qu'il y a une distinction qui est assez claire, qu'on voit dans la Convention de la Baie James, avec les terres de catégorie 1, qui sont clairement où il y a une juridiction exclusive par les Cris dans ces territoires, on arrive aux terres de catégorie 3, c'est un partage où les règles du jeu sont différentes, mais il y a une reconnaissance de certaines activités traditionnelles. Moi, ma compréhension de l'esprit de l'Approche commune: on voit le même genre de distinctions. Innu Assi, c'est-à-dire les réserves élargies, si on peut le vulgariser comme ça, c'est là où on trouve un titre «aborigène», et je pense que c'est très difficile de contester l'existence de ces quatre communautés. Nos ancêtres ont jugé bon de former les réserves là-bas il y a 150 ans ? je pense que le maire de Roberval a dit qu'on est au 150e anniversaire de Mashteuiatsh l'année prochaine. Alors, c'est difficile de contester la possession exclusive de ces territoires.

n(17 h 40)n

Et, sur le reste, sur le Nitassinan, on tombe dans l'autre spectre qui est évoqué par Delgamuukw, où c'est le partage, où nous avons à composer avec les droits qui sont différents. Et, avec tout le respect, vous avez évoqué dans votre mémoire qu'on est tous égaux, mais, malheureusement, notre histoire est différente. Et Pierre Elliott Trudeau, quand il arrivé comme premier ministre en 1969, a dit la même chose: On est tous égaux. Ils ont mis ça dans un livre blanc qui nous amenés à l'arrêt Calder, en 1973, où les cours ont dit: Non, ce n'est pas comme ça, notre histoire. On peut dire que c'est malheureux.

Peut-être qu'on n'aurait pas dû avoir une Loi sur les Indiens. Mais, nous autres, comme politiciens, vous autres, comme citoyens et leaders de la société civile, devons quand même composer avec le passé d'une Loi sur les Indiens. Que tout le monde dise: C'est fini, il faut la remplacer, il faut trouver un meilleur moyen, mais comment? Et, dans ça, je pense que les cours nous ont dit: On peut décider à votre place, politiciens, ministres, députés, et tout le reste. Mais je pense que les cours ont clairement dit: C'est nettement préférable de s'asseoir à la table.

On a longuement dit que le processus qui était utilisé exclut les groupes intéressés. On a eu toute une parade aujourd'hui, soit les chasseurs et les pêcheurs, les gestionnaires des zec, les industries forestières. Il y a des intérêts. Il faut arrimer, il faut harmoniser l'entente, et, je pense, d'avoir... d'aller de l'avant pour en arriver avec des règles du jeu qui sont claires, d'avoir une harmonisation contre les droits qui sont différents. Parce qu'un autochtone, au Québec et au Canada, a un statut différent que le député de Jacques-Cartier. Et c'est ça, la réalité historique. Comment, par contre, est-ce qu'on peut arrimer le droit du député de Jacques-Cartier et de sa famille et des enfants des députés de l'Assemblée nationale avec les droits historiques existants que, à maintes reprises, les cours ont dit: Ces droits existent?

Alors, moi, j'essaie de trouver un moyen de les harmoniser et je pense, malgré tout... et avec un processus qu'on accepte, qui était loin d'être parfait. Mais comment est-ce qu'on peut procéder si ce n'est pas via les négociations? On a une entente de principe sur la table. On a la volonté de tous les partis d'essayer de corriger le tir en continuant. Alors, ce n'est pas le traité qui est sur la table, c'est juste une entente de principe qui va nous amener à essayer de corriger le tir. Où est le problème? Et c'est quoi, l'alternative? Si je ne fais pas ça, je fais quoi?

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, M. Simard.

M. Simard (Réjean): Bon, la première partie de votre démonstration, je la comprends, mais l'entente dit le contraire, et je cite 3.3.1: les droits ancestraux, y compris le titre «aborigène»... c'est bien ça auquel vous avez fait allusion. Je reprends: «Les droits ancestraux, y compris le titre aborigène, de chacune des premières nations seront reconnus, confirmés et continués sur Nitassinan ? je regrette, ce n'est pas uniquement l'Innu Assi, là ? par le traité et la législation de mise en vigueur. Dorénavant, ces droits seront également protégés par le traité.» Etc.

D'autre part, c'est sûr que tout le monde... D'abord, sur le plan individuel, chaque personne a une histoire différente, peut avoir un statut différent, peut avoir un cheminement différent. On comprend aussi qu'il y a une différence entre les peuples autochtones et les Blancs, et les immigrants, et tous ceux-là qui constituent la population canadienne et québécoise. Mais on vise quand même une harmonisation intelligente et intéressante, dans le respect de chacun des groupes, mais pas en créant nécessairement des groupes différents par la race. Et il reste que, malgré tout, la reconnaissance canadienne fait du phénomène autochtone comme une race différente des autres. Puis ça, là, quand on nous traite, nous, de racistes, c'est le dossier lui-même qui fait qu'on fait qu'il y a des personnes qui sont reconnues différentes par la race.

Et là on pourrait discuter aussi de la question de la couronne. Est-ce qu'on est tous des citoyens canadiens soumis à la couronne canadienne, et britannique avant ça? Est-ce qu'on... ou on traite... Un traité, à mon avis, ça se fait entre l'Allemagne, le Canada, la France, les États-Unis. Mais est-ce que l'État canadien doit faire un traité avec ses sujets? Ou on n'est pas sujet, on est autonome, on est un peuple, et ma confédération se confirme ? dont je fais allusion dans mon document ? ou c'est: l'État canadien négocie avec ses sujets, qu'on le veuille ou pas, parce qu'on veut négocier un traité. On peut négocier des ententes. On peut négocier des conventions collectives. Mais à partir de quelle réalité on fait des traités? Puis il y a beaucoup de documents aussi que, historiquement parlant, on appelle traités, qui sont l'équivalent de décrets qui accordent des droits. En tout cas, on amorcerait une grosse discussion là-dessus. Mais le titre «aborigène», en tout cas, si j'ai bien compris votre intervention, ne s'applique pas uniquement sur la réserve ou sur l'Innu Assi, il s'applique sur tout le Nitassinan.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Simard. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Moi, je pense qu'on va trouver, à l'intérieur de Nitassinan, des territoires désignés Innu Assi, et c'est ça le titre «aborigène». Et je comprends fort bien la question sur la race. Et, si j'avais l'histoire à refaire, on ne créerait pas une catégorie «indien», mais c'est ça notre histoire. On avait des personnes dans notre société qui n'avaient pas le droit de vote. Ils n'avaient pas le droit de devenir propriétaires de leur terre, mille et une choses qui découlent de l'héritage de la Loi sur les Indiens. Et, si on avait tout ça à refaire, peut-être, il y aurait un autre... mais c'est l'approche qui a été faite. Et même la couronne, dans notre nom, théorique, a signé des ententes comme la Proclamation royale de 1763, c'est un message de la couronne vers les nations autochtones. Alors, ce sont des éléments du dossier historique avec lesquels nous devrons composer. Et, si ce n'est pas...

Oui, vous avez entièrement raison de faire des distinctions sur la race à l'aube du XXIe siècle. Mais on est pris avec ça. C'est ça, notre histoire. On n'est pas les seuls, ça existe aux États-Unis, ça existe dans beaucoup d'autres mondes. On regarde l'ONU qui est en train de développer les chartes des aborigènes, et tout ça, alors sans les distinctions basées sur la race. Alors, on est dans un courant mondial, et je dois composer avec. Mais comment? Parce que, de ce grand argument là, comment est-ce qu'il peut arriver qu'on a nos voisins qui aiment aller à la chasse... Il y a des droits qui sont protégés dans notre société pour les autochtones. Comment est-ce que je vais harmoniser le tout, que tout le monde peut aller dans le bois pour aller à la chasse, pour aller à leur camp ou chalet, pour aller à la pêche en harmonie?

En respectant les lois légitimes qui sont retenues à maintes reprises par les cours... Et, je veux dire, de retourner de nouveau devant les cours pour faire une autre démonstration serait de la mauvaise foi de notre part. 23 ans après tous les arrêts de la Cour suprême, moi, je pense que c'est le temps pour nous autres d'aller de l'avant et de trouver une entente négociée, avec un processus amélioré, avec une place beaucoup plus importante de consulter, de bien informer la population. J'accepte ça à 100 milles à l'heure. Mais, je pense, notre seul choix, c'est de continuer à la table de négociations.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. Simard.

M. Simard (Réjean): Bon. Je veux dire qu'on pourrait continuer la discussion assez longtemps sur ce sujet-là. Mais ce qui est intéressant quand même, quand vous faites allusion à la Proclamation royale, ce n'est pas un traité, hein, on s'entend que c'est un décret. Même le Parlement britannique n'a pas été consulté par le roi puis sa gang... excusez, le roi et son environnement, là, quand ils ont fait la Proclamation royale. On a pensé que l'Acte de Québec annihilait la décision du roi à ce moment-là. Puis je ne me rappelle pas quel procès qui maintient la décision décrétée par le roi dans l'application de la Proclamation royale. Et je conviens qu'il y a des obligations qui découlent de cette Proclamation-là.

On peut s'entendre aussi sur l'harmonisation de la chasse et de la pêche. Mais là on pourrait tomber sur la fameuse question d'avoir des lois différentes pour les Blancs et pour les autochtones. Mais, en tout cas, il y a peut-être des choses là-dedans qu'on convient qui peuvent se régler. Mais il y a quand même des principes fondamentaux, et je reviens là-dessus, qui méritent d'être éclaircis dans la poursuite de ces négociations-là, dont le titre «aborigène» et l'application des droits ancestraux.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, je vais aller au député de Saguenay, puis je reviendrai tout à l'heure à Mme la députée de Jonquière. Alors, le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui, bien, ce qu'on a pu constater au cours de la dernière année, c'est qu'évidemment la fondation que vous représentez aujourd'hui a joué un rôle important dans la création de la commission. Je pense que vous avez été dans les premiers, là, à faire un peu le coup de réveille-matin pour dire, bien: Il se passe quelque chose.

Là où je trouve un petit peu plus bizarre, là, c'est le contenu de votre mémoire. Aujourd'hui, vous venez nous dire à la fois qu'il faut négocier, il faut continuer ces négociations-là, mais vous nous présentez ça sous l'angle qu'en même temps la majeure partie de votre présentation, c'est qu'il n'y en a pas, de titre «aborigène», sur le plan historique, ça n'existerait pas, alors que... Je veux dire, j'ai beaucoup de difficultés, moi, par la reconnaissance qu'on a faite, comme il a été mentionné par le député de Jacques-Cartier, par le seul fait qu'il y ait des réserves qui sont sur le territoire, par... je veux dire, c'est les autochtones qui l'habitent. Quand je regarde dans les yeux du chef Picard, j'ai bien de la difficultés à croire que ce n'est pas un autochtone puis qu'il n'était pas ici avant mes ancêtres. Mais c'est que, donc, comment faire une négociation, recommencer à zéro, alors qu'il faudrait y aller sur la base du fait qu'il n'y a pas de titre «aborigène»? Je pense qu'en partant il n'y a plus de négociation possible.

n(17 h 50)n

L'autre affaire que je trouve drôle, c'est que, dès le départ de votre exposé tout à l'heure, vous avez mentionné que, si le gouvernement avait mis autant d'argent dans l'information dès le départ qu'il l'a fait dans la création de cette commission-là puis dans tout ce qui a été investi au cours des derniers mois pour réussir à informer la population ? puis avec M. Chevrette, qui a coûté aussi pas mal de sous pour faire le tour de nos régions ? donc, si le gouvernement avait mis tout cet argent-là dès le départ, vous nous avez mentionné en commençant votre exposé que la Fondation Équité Territoriale n'aurait probablement jamais été créée.

Alors, moi, ce que je comprends d'une proposition comme ça ou d'une affirmation comme ça, c'est que, si l'information avait été là, si on avait su, à l'époque, ce qu'on sait aujourd'hui, il n'y aurait plus besoin d'être ici. Ça fait que, s'il n'y a plus besoin d'être ici puis, en même temps, vous revenez remettre en considération l'existence des titres «aborigènes»...

Le Président (M. Boulianne): M. le député, s'il vous plaît.

M. Corriveau: Oui, bien, j'ai cinq minutes, là, pour tout faire ça. Alors, moi, ça m'apparaît un petit peu bizarre, là, puis je pense que, vraiment, il y a là une incohérence, en tout cas, là, au niveau du propos. Mais, comme je vous dis, le rôle de la Fondation, au niveau du questionnement de la population, au moment où la Fondation a été créée, je comprends qu'il y avait un manque d'information. Mais là, aujourd'hui, là, de revenir mettre en question le titre «aborigène» puis dire: Qu'on cesse les négociations, j'ai bien de la misère à embarquer là-dedans. Peut-être, si vous voulez répondre.

Le Président (M. Boulianne): Oui, merci, M. le député. Alors, M. Simard.

M. Simard (Réjean): Alors, je reviens à la création de la Fondation... et dire qu'on n'aurait pas existé si l'information avait été adéquatement donnée... parce que, à ce moment-là, ça aurait impliqué une juste sensibilisation de l'ensemble des communautés concernées, et la dynamique locale se serait certainement jouée d'une façon différente. Les gens auraient compris, auraient résisté, auraient dit à leurs maires et à leurs conseillers municipaux: Écoutez, là, vous êtes consultés là-dessus. Les gens qui étaient consultés n'avaient presque pas le droit ? je ne dirai pas qu'ils n'avaient pas le droit parce que je vais me faire contrarier ? ils n'avaient presque pas le droit de dire qu'est-ce qui se passait là-dedans à leurs commettants pour donner une réaction. C'était l'équivalent d'une réaction personnelle.

Alors, la vraie dynamique liée à une consultation, ce n'est pas joué, puis, quand elle a commencé à se jouer, il était trop tard. Un moment donné, on était rendus au niveau un petit peu de raison-passion ou passion-raison, et c'est ce que je veux dire par là. Parce qu'on n'entame pas ce type de modifications dans le territoire urbanisé auquel je fais allusion dans notre texte sans nécessairement impliquer les populations, et ça, on ne l'a pas fait. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui nous sommes ensemble ici. En tout cas, je respecte votre point de vue par rapport à notre texte, mais c'est dans ce sens-là qu'il faut le voir.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Simard.

M. Simard (Réjean): Il y avait le deuxième... c'est-à-dire il y avait un autre aspect-là. En tout cas, il y a un aspect que je n'ai pas répondu.

Le Président (M. Boulianne): Oui, monsieur.

M. Racine (François): Oui, j'ai juste un point à souligner à M. Corriveau, parce qu'il n'était pas encore élu, quand il s'est présenté dans le comté de la Côte-Nord. Parce que, quand, nous autres, ça a commencé... On dit «la Fondation», mais ça a commencé en premier par un comité de citoyens, parce que, là, les mappes se promenaient puis tout le monde avait peur. Je vais vous dire qu'il y avait du monde... même M. Corriveau puis même M. Dumont disaient ? je ne sais pas si j'ai encore la bande ? que le territoire appartient à ceux qui y vivent. Mais je trouve que vous avez changé pas mal votre fusil d'épaule.

Le Président (M. Boulianne): O.K. Alors, merci, M. Racine.

M. Simard (Réjean): ...rapidement parce que...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Simard (Réjean): ...c'est la question de première nation, là, et le titre «aborigène», comme je l'ai expliqué tantôt, c'est tout le fondement et la base. Je pense qu'il y a moyen d'aborder... Parce qu'on reconnaît l'existence, mais on a accepté aussi la première nation. Qui c'est, parmi nous, qui peut prouver que... c'est peut-être la première nation, ce ne l'est peut-être pas non plus. Puis on sait qu'il y a des descendances directes et indirectes, mais nous venons d'où, nous, aussi? Tu sais, bon, cette question-là mériterait d'être explorée davantage. Et, une fois que, politiquement parlant ou juridiquement parlant, on convient de ce que c'est le titre «aborigène», à ce moment-là, on négocie, on poursuit des négociations en fonction de cette compréhension réciproque. Et je ne suis pas certain que cette compréhension-là existe au moment où on se parle, et c'est ça qu'on voudrait voir creuser davantage, pour savoir à quoi s'en tenir dans la poursuite des négociations.

Le Président (M. Boulianne): Alors, il me reste cinq minutes. Si j'ai le consentement, je pourrais donner deux minutes et demie à la députée de Jonquière, question et réponse, et deux minutes et demie à l'autre aussi. Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce qu'il y a consentement pour le cinq minutes qui reste? Alors, allez-y, Mme la députée de Jonquière. Donc, deux minutes et demie, très disciplinée. Deux minutes et demie aussi.

Mme Gauthier: Très bien. Merci, M. le Président. Merci, M. Simard. À mon tour de vous saluer, merci bien. Je comprends de vos propos que c'est... À quelque part, si on vous faisait la démonstration, effectivement, de l'authenticité du titre «aborigène» et des droits ancestraux, votre propos serait effectivement: l'entente de principe, c'est quelque chose avec laquelle on devrait vivre. Mais croyez-vous sincèrement... Et ma question s'adresse à vous quatre: Croyez-vous sincèrement que, tant au niveau du gouvernement fédéral que provincial, il n'y a pas eu des experts qui ont fait cette démonstration-là à nos gouvernements, effectivement, pour le peuple innu, quand il y a eu les reconnaissances, en 1983 et en 1985, effectivement, qu'il y avait... Pour le titre «aborigène» sur le Innu Assi et sur les droits ancestraux, pensez-vous que la démonstration n'a jamais été faite et qu'ils se sont levés tout d'un coup, un matin, puis ont dit: Hop! on leur reconnaît leur titre? J'aimerais...

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, Mme la députée. M. Simard.

M. Simard (Réjean): Oui, je pense ça. Je pense qu'on s'est levés un matin, dans les gouvernements, puis on a mis de côté la réflexion initiale qui voulait qu'on recherche la raison historique du titre «aborigène». Quand Flanagan écrit qu'on est la quatrième nation, en parlant de nous, donc il y en a eu trois avant. Ou il a tort ou il a raison, ce n'est pas moi qui l'ai écrit, mais c'est là. Alors, j'ai reconnu dans le texte que le gouvernement pouvait reconnaître le titre «aborigène» et les droits ancestraux sans autre forme de procès puis ça réglait toutes les contestations juridiques.

Mais, quand les conseillers juridiques nous ont parlé, à Chicoutimi et à Baie-Comeau, ils ont dit: Bon, le chemin le plus simple, c'est de faire la reconnaissance, on évite les procès. Si le chemin le plus simple, c'est de faire la reconnaissance, l'envers de la médaille veut dire qu'il peut y avoir un doute aussi. Mais, je réponds oui à votre question en disant que les gouvernements, à mon avis, reconnaissent le titre, en tout cas, ce qui ressort...

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Simard. Alors, M. le ministre, deux minutes.

M. Trudel: Bien, il faut quand même se rappeler à ce chapitre que la responsabilité du gouvernement fédéral en pareille matière, eh bien, on a plaidé la cause, entre 1979 et 1983, sous tous ses aspects, et les décisions qui ont été rendues quant aux fiduciaires, ça a été de reconnaître qu'il y avait lieu de négocier ce titre «aborigène» en termes de droit ancestral et également de droits aborigènes eu égard aux pratiques historiques qui ont été constatées.

Mais je voudrais, à la toute fin, M. Simard, moi, changer de registre. Il peut y avoir une contestation du fondement juridique de la nécessité de l'entente ou de son emploi. Mais vous dites, à la page 11, «qu'il faut donner à ceux et celles qui traversent des situations économiques et sociales pénibles les moyens d'atteindre l'autonomie personnelle et collective avec la même perspective politique pour tout le monde mais aussi adaptée à leur situation», et aussi vous indiquez, à la page 11 de ce mémoire, que cela exige de nous «une solution contemporaine».

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le ministre. Alors vos commentaires, monsieur...

M. Trudel: Vous n'avez pas... Est-ce que, juste là, ça ne justifie pas la nécessité que nous convenions de règles pour l'exercice des droits?

M. Simard (Réjean): Ça signifie qu'il n'y a pas seulement les autochtones qui ont des difficultés. Ça signifie qu'il y a des régions aussi en difficulté. Et les propositions qui sont émises pour créer l'Innu Assi, par exemple, je partage... J'aimerais prendre ce qui est proposé pour l'Innu Assi puis l'appliquer pour une région. Et ça pourrait peut-être être intéressant et ce ne serait pas une façon de gouverner une partie de la population puis une façon d'en gouverner une autre. C'est que les mêmes moyens, s'ils sont bons pour une partie de la population, ils peuvent être bons pour l'autre partie aussi. Alors, pourquoi les régions ne pourraient pas s'inspirer... Parce que vous le savez très bien, vous avez été et vous êtes encore très proche des régions, les difficultés des régions. Et ce qui peut permettre une émancipation économique pour les Innu Assi pourrait peut-être également servir d'image pour créer une production économique régionale intéressante.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Simard, M. Racine, M. Gobeil et M. Forbes. Alors, la commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)

 


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