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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le jeudi 11 juin 2009 - Vol. 41 N° 22

Consultations particulières sur le projet de loi n° 21 - Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: L'ordre n'est pas donné.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, l'ordre de la Chambre a été donné, oui.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): J'ai le privilège d'être assisté d'un autre président de séance et je considère que c'est un grand privilège, M. le député de Robert-Baldwin.

Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande donc à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Donc, avant même de vous rappeler le mandat, je souhaite la bienvenue à vous, Mme la ministre, bien sûr, et à vos collaborateurs... à vos brillants collaborateurs, devrais-je dire, et à tous les collègues qui vous assistent. Et, à mesdames du côté de l'opposition, bienvenue à votre commission. Bienvenue à tous ceux qui sont ici présents pour être témoins de ce qui va se dire puis de ce que nous allons entendre. Et bienvenue à vous, monsieur et madame, de l'Association des enseignants et enseignantes en techniques d'intervention et en délinquance. Désolé pour ce retard et de vous avoir fait attendre. Vous êtes très patients. Encore quelques secondes, et la parole est à vous.

Donc, le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Kelley (Jacques-Cartier) est remplacé par M. Ouellette (Chomedey); Mme Beaudoin (Rosemont) est remplacée par Mme Beaudoin (Mirabel); et finalement M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) est remplacé par Mme Doyer (Matapédia).

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, comme je vous l'ai mentionné il y a quelques instants, nous allons accueillir l'Association des enseignants, enseignantes en techniques d'intervention en délinquance. Ensuite, nous allons poursuivre en entendant le Réseau d'action autisme/TED et, dans l'après-midi, je vous rappellerai l'horaire mais très brièvement, je vous dis, l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'Association des art-thérapeutes du Québec et l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée.

Et nous y reviendrons jusqu'à tard ce soir, puisque nous avons le bonheur et le privilège d'être ensemble jusqu'à 23 heures ce soir, ensemble.

Une voix: 22 heures.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): 22 heures, 22 h 15, si Dieu nous le permet.

Auditions (suite)

Donc, sans plus tarder, bienvenue chez nous, bienvenue à notre commission. Vous avez 10 minutes pour intervenir et présenter votre mémoire. Et, de part et d'autre, il y aura 25 minutes d'échange avec vous pour en savoir un peu plus long sur votre mémoire et ce qu'il représente en termes de contenu. Donc, messieurs mesdames, à vous la présentation, et je vais vous demander de vous présenter, bien sûr.

Association des enseignants et
enseignantes en techniques
d'intervention en délinquance

Mme Filion (Élaine): D'accord. Mon nom est Élaine Filion, enseignante, à l'Association des enseignants et enseignantes.

n (11 h 20) n

M. Roussel (Denis): Je suis Denis Roussel, aussi enseignant en techniques d'intervention en délinquance.

Mme Filion (Élaine): Alors, bonjour.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bienvenue.

Mme Filion (Élaine): D'accord. Bonjour. Alors, pour débuter, nous tenons à remercier les membres de la commission de nous permettre de participer à ces consultations particulières. Notre association regroupe l'ensemble des enseignants en techniques d'intervention en délinquance qui offrent le programme sur une base régulière. Notre mission est de promouvoir le programme et de valoriser la pratique de nos techniciens.

À la lecture du projet de loi n° 21, nous avons de sérieuses inquiétudes quant à la place que les techniciens en intervention en délinquance pourront désormais occuper sur le marché du travail, particulièrement en ce qui concerne les finissants qui oeuvrent dans le réseau des centres jeunesse, entre autres, dans les centres de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation mais aussi pour ceux qui travaillent dans les centres de réadaptation pour personnes alcooliques et toxicomanes ou dans les établissements scolaires, milieux qui sont directement touchés par le projet de loi. En excluant les techniciens en intervention en délinquance d'un ordre ou de l'exercice de toute activité réservée ou partagée, on risque de restreindre de façon significative les rôles exercés par ces techniciens et ainsi de réduire leurs champs d'activité professionnels.

Nos inquiétudes portent notamment sur la définition et la portée des termes touchant l'évaluation et la détermination du plan d'intervention apparaissant dans certaines activités réservées prévues au projet de loi. Présentement, nous considérons que notre programme prépare les étudiants à exercer certaines de ces activités. D'ailleurs, selon une définition du ministère de l'Éducation, l'un des types d'intervention de notre champ d'activité professionnel porte notamment sur la responsabilisation, la réhabilitation et la réinsertion sociale, qui s'appuient sur l'observation, l'analyse, l'évaluation, la mise en oeuvre de plans d'intervention, rencontres individuelles, animation ou références à des ressources de la communauté.

Par ailleurs, notre programme prévoit l'atteinte de 21 compétences, de la formation spécifique, que je n'énumérerai pas ici mais que vous retrouvez aux pages 4 et 5 de notre mémoire. Certaines de ces compétences, surtout celles reliées à l'intervention ou celles qui consistent à apprécier les risques qu'une personne commette des actes délinquants, sont, à notre avis, indissociables de l'évaluation clinique. Présentement, dans les divers milieux où ils exercent, nos techniciens réalisent des tâches qui sont directement en lien avec les compétences pour lesquelles ils sont formés. L'ensemble des employeurs se montrent très satisfaits des compétences acquises par les techniciens en intervention en délinquance. Ils reconnaissent leur capacité à intervenir auprès de la clientèle en étant aptes à exercer les rôles associés à l'encadrement, l'accompagnement ou la relation d'aide. Étant quotidiennement en lien direct avec la clientèle, les techniciens sont souvent les mieux placés pour évaluer adéquatement l'évolution d'un client ou pour juger des impacts de certains gestes posés par le client, en vue d'adopter des mesures adéquates.

En outre, les techniciens en intervention en délinquance sont également impliqués dans toutes les étapes de la mise en oeuvre du plan d'intervention, que ce soit lors de son élaboration, de son application et de sa révision. C'est à ce moment qu'ils déterminent les objectifs et moyens à prendre en fonction du cheminement d'un client. De plus, les techniciens en intervention en délinquance formulent des recommandations quant à certaines décisions à prendre.

Il va de soi que ces fonctions nécessitent que les techniciens évaluent des comportements et déterminent des actions à poser en vue de prendre certaines décisions ou de faire des recommandations. Si les définitions que le projet de loi prévoit réserver aux professionnels concernant l'évaluation et les plans d'intervention sont interprétées de façon restrictive, on risque de limiter de façon notable les responsabilités exercées par nos techniciens et ainsi se priver d'une expertise considérable. Dans ces conditions, les employeurs n'auront probablement d'autre choix que de restreindre l'embauche de techniciens qui occupent des postes auprès de la clientèle par des professionnels rattachés à un ordre. Évidemment, cela aura un impact majeur pour les employeurs déjà aux prises avec des budgets restreints, car ils seront alors dans l'obligation de réajuster à la hausse les coûts reliés à la main-d'oeuvre. Par ailleurs, dans le contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ces employeurs peinent déjà à recruter des diplômés qualifiés. Limiter l'embauche des techniciens ne fera qu'accroître le problème.

D'un autre côté, si les employeurs se voyaient, pour respecter la loi, dans l'obligation de réserver toute activité reliée à l'évaluation ou au plan d'intervention à des professionnels, c'est aussi la clientèle qui serait directement privée d'un rapport privilégié dont elle profite présentement avec des techniciens qui oeuvrent directement et quotidiennement auprès des clients et qui sont ainsi en mesure d'évaluer les besoins et d'ajuster les traitements offerts. De par leur formation, les techniciens en intervention en délinquance possèdent les qualifications nécessaires à la réalisation de ce lien privilégié, et ainsi on s'assure que le plan d'intervention demeure un outil vivant.

En ne permettant pas à nos techniciens d'adhérer à un ordre professionnel ou en ne leur confiant aucune activité, on court alors le risque de dévaloriser la formation et de limiter de façon marquée les possibilités d'embauche pour nos finissants. Par ailleurs, si l'intention du projet de loi n° 21 n'est pas de restreindre et de limiter les tâches et les responsabilités des techniciens en intervention en délinquance, il est impératif de mieux définir les termes ou mieux mesurer leur portée quant à leur contexte d'exercice afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Si cet exercice n'est pas fait maintenant, ce pourrait alors être les ordres professionnels qui seraient peut-être tentés, au fil de la pratique, d'interpréter, de façon plus restrictive, l'application des activités réservées proposées par le projet de loi.

À l'heure actuelle, il est prévu que des travaux portant sur la place des techniciens dans le système professionnel soient menés par l'Office des professions après l'adoption du projet de loi. Nous sommes en désaccord avec cette décision, car nous croyons essentiel que ces travaux aient lieu avant l'adoption du projet de loi afin que le législateur soit en mesure d'apporter les ajustements nécessaires au projet de loi. Nous nous apprêtons à vivre des changements majeurs dans le système professionnel. Loin de nous l'idée de prétendre que ces changements n'apporteront aucune amélioration dans la qualité des services offerts à la clientèle. Il faut toutefois prendre le temps d'évaluer avec soins tous les impacts, de la part des techniciens en intervention en délinquance, dans les différents milieux de travail.

Négliger cet aspect pourrait alors jusqu'à remettre en question l'apport de notre programme dans le système professionnel. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Filion. Est-ce que, M. Roussel, vous avez des choses à ajouter?

M. Roussel (Denis): Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, merci infiniment pour cette présentation. Sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. J'aimerais revenir sur cette question de la table, on en a discuté. Premièrement, merci d'être là, félicitations pour le travail que vous faites. En tant que bénévole, membre de conseil d'administration, j'ai longtemps oeuvré dans le milieu des centres jeunesse. J'étais avec Batshaw, ensuite représentante des centres jeunesse de Montréal, au conseil d'administration de la régie régionale, membre de l'Association des centres jeunesse et je salue le travail extraordinaire que vous faites. Je voulais tout simplement vous dire ça.

La table, on a eu l'occasion d'en discuter mardi dernier. Et on a posé la question à certains groupes. Moi, j'ai posé la question par rapport à leur implication dans cette table. Évidemment, que la table commence avant ou après, la table sera mise sur pied, de toute façon. J'aimerais vous entendre un peu sur votre participation éventuelle à cette table, ce que vous pourriez espérer des travaux de cette table, le genre de représentation que vous ferez éventuellement à cette table, si vous avez quand même espoir dans sa mission.

Mme Filion (Élaine): Oui, c'est sûr que nous aurions préféré que ce soit avant l'adoption du projet de loi parce qu'il y a des inquiétudes, des imprécisions dans ce projet de loi là qui nous amènent à penser...

Donc, ça aurait été, je pense, préférable d'étudier la place des techniciens. C'est sûr qu'on va y participer, qu'elle ait lieu avant ou après. De toute façon, il y a deux représentants de notre programme qui seront là, plus notre directeur des études aussi qui sera présent. Et nos attentes, dans le fond, c'est qu'on définisse clairement qu'est-ce qu'on entend par «évaluation», qu'est-ce qu'on entend par «détermination du plan d'intervention». Ça, c'est, pour nous autres, c'est clair. Ce n'est pas assez clair, pour nous, présentement, les définitions qui sont données. On peut mettre beaucoup de choses dans le terme «évaluation», et c'est ça qui nous inquiète un peu. Présentement, comme on vous dit, nos techniciens sont formés à faire des formes d'évaluation. On ne dit pas qu'ils font toutes les évaluations, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça qu'on prétend, mais il y a des choses qu'ils font présentement sur le marché du travail, des choses pour lesquelles on les forme aussi, là, nos compétences les amènent à ça.

Donc, nous, dans le fond, notre inquiétude, c'est que la tâche des techniciens soit dévalorisée. Alors, si, après la table concernant la place des techniciens, on a des assurances que nos techniciens vont continuer à faire ce qu'ils font présentement, pour nous ça va être intéressant. Mais présentement on a des inquiétudes avec les libellés qui sont là présentement par rapport à certaines activités, là, et non pas toutes les activités.

n (11 h 30) n

Mme Weil: J'ai peut-être une autre question, pour les fins de nos travaux aujourd'hui, peut-être m'expliquer un peu le parallèle entre les rôles associés aux fonctions d'encadrement, d'accompagnement et de relations d'aide qui sont l'attribut des techniciens d'intervention en délinquance, tel que vous avez expliqué, et les activités réservées aux professionnels dans le cadre du projet de loi. Comment vous voyez ces activités côte à côte?

Mme Filion (Élaine): O.K. Bon. Dans nos, puis ça, je vais vous répondre comme ça, dans nos compétences, on a beaucoup de compétences qui font appel à intervenir, intervenir dans un contexte d'autorité, intervenir, bon, dans différents contextes, en relation d'aide, et tout ça.

Pour nous, la notion d'intervention est indissociable d'une certaine forme d'évaluation, dans le sens qu'on ne peut pas seulement faire des interventions. On est, dans le fond, nous autres, dans notre jargon, on est des interventions de... des techniciens de première ligne, hein? Ça veut dire qu'on est au quotidien avec les jeunes, et tout ça. Et cette forme de proximité ou cette forme d'intervention impliquent nécessairement qu'on doit intervenir... qu'on doit évaluer, c'est-à-dire, évaluer des comportements, qu'on doit faire des plans d'intervention. Présentement, les techniciens sont très engagés dans les plans d'intervention. J'ai été là à l'époque dans les centres jeunesse dans les tout débuts, quand on a commencé à travailler avec l'outil des plans d'intervention, et je me souviens très bien qu'on avait dit: C'est important que les techniciens, que les intervenants de première ligne les fassent, soient impliqués, parce qu'on voulait que ça reste un outil vivant, un outil important et non pas seulement un papier qu'on met dans le dossier du jeune puis qu'aux trois mois on regarde puis on se dit: Oui, dans le fond, ça avait bien de l'allure, là, dans le fond. Ce qu'on veut, dans le fond, c'est que ça reste quelque chose de vivant, que l'intervenant prenne une part dans la réadaptation.

Donc, c'est pour ça, je veux dire, qu'à l'époque et encore aujourd'hui les techniciens sont encore très impliqués dans ça. Donc, nous, c'est ça qu'on veut préserver et qu'on trouve dangereux peut-être que... Si on ne peut pas faire l'activité réservée, déterminer les plans d'intervention, c'est ça qui nous inquiète, que ça devienne finalement l'affaire du professionnel et que le technicien soit moins impliqué.

Mme Weil: Donc, votre inquiétude, c'est: le fait de réserver des actes à certains va vous exclure.

Mme Filion (Élaine): Exact.

Mme Weil: C'est un peu ça, cette inquiétude.

Mme Filion (Élaine): Oui.

Mme Weil: Mais quand même la table va vous permettre d'exprimer, puis d'évoluer, puis de voir le système. C'est un peu comme ça qu'on voit ça. C'est une amélioration, hein, c'est vraiment l'idée derrière le projet de loi n° 21, pour encadrer tout le domaine de la psychothérapie et qu'évidemment cette table va nous permettre aussi de continuer à évoluer et d'entendre votre point de vue, parce que les pratiques vont changer, les équipes vont changer, peut-être il y aura des ajustements sur le terrain.

Ça va pour l'instant, M. le Président, mais il y en a d'autres qui ont certainement des questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à moi de vous souhaiter la bienvenue ce matin. Je vais aller tout de suite dans le vif du sujet. Loin de moi, je crois, l'idée que le projet de loi n° 21 est là pour restreindre et limiter les tâches et responsabilités des techniciens en intervention en délinquance.

Je voudrais revenir au rapport Trudeau dans lequel on fait une description de ce que c'est, faire une évaluation. Parce qu'on a parlé tout à l'heure de la différence entre une évaluation puis élaborer un plan d'intervention. Alors, ici on dit que «l'évaluation implique de porter un jugement clinique sur la situation d'une personne à partir des informations dont le professionnel dispose et de communiquer les conclusions de ce jugement».

Vos techniciens, est-ce qu'ils posent des jugements cliniques, par rapport aux différentes clientèles, dans leur travail?

Mme Filion (Élaine): Selon la définition qu'on entend, je vous dirais, oui, on pose un jugement clinique. Je pense que c'est sur la définition de tout ça qui n'est pas facile. Si vous me demandez, bien, concrètement, ce n'est pas... je pourrais vous nommer des tâches, peut-être que vous me diriez: Bien, ça, ce n'est pas... pour nous, dans notre définition, ce n'est pas un jugement clinique. C'est là notre crainte, c'est que... Puis je comprends que ce n'est pas facile à définir, là, on est dans le domaine des sciences humaines, là, on n'est pas... Et c'est ça, notre crainte, c'est que, faute de définition claire, dans la pratique, bien là, qu'il y ait des glissements et que les techniciens soient écartés de certaines tâches. Mais, moi, je vous dirais, oui, dans notre formation on prépare nos étudiants à porter un jugement clinique.

Mme Gaudreault: Concrètement, dans le quotidien des techniciens que vous représentez, qu'est-ce que le projet de loi n° 21, avec la lecture que vous en faites, pourrait apporter comme changements, là, concrets dans le quotidien de vos techniciens?

Mme Filion (Élaine): Bien, dans le quotidien, comme je vous disais tantôt, si les éducateurs... Parce que, là, si on parle, entre autres, dans les centres jeunesse, parce que ce serait là que... les éducateurs ne pourraient plus faire de plan d'intervention, on leur enlève une bonne part, je pourrais dire, de responsabilité et pas seulement dire: On a des responsabilités parce que c'est plaisant d'en avoir plus, mais aussi une implication dans le cheminement du jeune, aussi, là, une implication concrète. Alors, c'est là notre crainte.

Mme Gaudreault: Vous, vous êtes une experte dans le domaine; malheureusement, pas moi. Mais je voulais savoir un pourcentage de combien... La tâche, là, les plans d'intervention, tout ça, ça occupe quel pourcentage du travail des techniciens?

M. Roussel (Denis): C'est difficile de répondre en termes de pourcentage.

Par contre, le plan d'intervention, c'est un outil qui n'est pas déterminé aux trois mois puis qu'on retouche seulement lorsque c'est le moment de l'évaluer. Le plan d'intervention, c'est quand on parle d'un outil vivant, c'est quelque chose qui va accompagner, qui doit vivre tout au long de l'intervention donc, et c'est un... Un plan d'intervention, ce n'est pas une prescription, hein, de gestes qu'il faut poser. Un plan d'intervention, c'est un projet, c'est un projet qu'on convient avec une personne à qui on doit venir en aide. Puis ce qu'on vise, c'est l'appropriation par les personnes. Donc, ça se passe au travers de la relation qu'on établit entre l'intervenant puis la personne qu'on doit aider. Cette relation-là, elle va varier en fonction des pouvoirs qui sont accordés à chacun, que chacun s'accorde ou des restrictions qu'on va donner à certaines personnes. Si on dit, par exemple, à un technicien: Il y a des choses que tu ne peux plus faire, donc sa contribution, au niveau du plan d'intervention, elle va être diminuée.

Et, quand vient le temps pour un jeune, par exemple, de se confier à un intervenant sur des choses qu'il peut avoir vécues, abus sexuel, peu importent quels autres sévices, il va se confier à quelqu'un en qui il peut avoir confiance. Cette confiance-là, elle va s'appuyer sur la qualité de cette personne-là et les gestes qu'on autorise à cette personne-là de poser. Quelqu'un pour qui les gestes sont restreints, bien la personne aidée va être tentée de ou va être... va avoir plus de difficultés à se confier à quelqu'un qui n'a pas toutes les compétences ou toutes les autorisations pour intervenir et qui doit en référer à un professionnel qui, lui, va autoriser le plan d'intervention. Si on veut que cet outil-là reste vivant, il faut que les gens se l'approprient. Les gens qui doivent se l'approprier, c'est la personne aidée puis l'intervenant qui est directement en lien avec elle.

C'est ça, notre inquiétude, c'est que cette personne-là ne puisse pas poser ces gestes-là sans référer, et puis ça va faire en sorte que le plan d'intervention va être quelque chose qui va être révisé aux trois mois mais sur lequel on n'aura pas de prise au quotidien.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, Mme la députée de Hull? Oui, ça va. Mme la ministre, et ensuite M. le député de Chomedey.

Mme Weil: Une question que j'ai oubliée. Dans votre mémoire, vous dites que souvent «les techniciens en intervention en délinquance formulent souvent des recommandations aux professionnels quant à certaines décisions à prendre». Donc, il y a une relation de collaboration, une relation de confiance. Pourquoi pensez-vous que ce projet de loi menace? Ou est-ce que vous pensez que ça menace cette relation de confiance que vous avez avec les professionnels? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Filion (Élaine): Bien, je ne crois pas que c'est la relation de confiance qu'on remet en doute ou... enfin, je ne sais pas, là, au fil de la pratique, comment. C'est sûr que ça va changer. Mais, moi, je pense que mon inquiétude, c'est plus qu'on dise au technicien: Bien, toi, c'est ton travail de première ligne, puis tu n'as plus de prise, ou tu n'as plus, je veux dire, de prise sur les décisions à prendre, ou tu remplis des rapports puis tu fais juste rapporter des gestes, tu te contentes de ça puis tu ne prends plus part aux décisions qui sont là.

C'est plus ça, là, notre inquiétude. Est-ce que le lien de confiance sera brisé dans la pratique? Je ne peux pas vous répondre, je ne le sais pas, mais c'est une inquiétude, c'est sûr. Tu sais, quand on... s'il y a des professionnels qui imposent des choses... bien, imposent, enfin qui prennent des décisions puis que les techniciens ne sont pas partie prenante, bien ça peut risquer de faire des fois que le technicien ne comprendra pas la décision, ne sera pas d'accord avec cette décision-là, mais il va être obligé d'appliquer des choses. Puis là c'est là qu'ils ne sont plus partie prenante, là. Et c'est là que c'est difficile de convaincre des jeunes, de convaincre des jeunes que, oui, il faut les aider puis il faut les aider de telle façon quand, dans le fond, toi, tu n'es peut-être pas d'accord avec ça, comme intervenant. Ça fait que c'est dans ce sens-là de garder cette...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. le député de Chomedey.

n (11 h 40) n

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Mme Filion, M. Roussel, bonjour. Je dirais peut-être: «Back to the old days», parce que je me souviens des discussions puis des consultations qu'on avait eues dans le cadre de l'ancien projet de loi n° 50, et vous nous faites part à matin, sensiblement et avec raison, de certaines craintes que vos gens ont sur le terrain.

Je me permettrais un commentaire, avant d'aller dans votre mémoire, sur le travail exceptionnel que vos gens font sur le terrain. Je le dis souvent, il y a des gens qui écrivent l'histoire puis il y en a d'autres qui la content. Vous faites partie de ceux qui l'écrivent parce qu'à tous les jours... Et, dans mon ancienne vie, j'avais à intervenir de façon fréquente, pour ne pas dire hebdomadaire avec des gens de première ligne, et vous faites un travail exceptionnel. Je le reconnais ce matin et je veux que tous les gens qui nous écoutent... et ils doivent être très nombreux parce que c'est un sujet qui touche à beaucoup de gens au niveau de la société, vous faites un travail exceptionnel auprès d'une clientèle qui n'est pas toujours facile et qui a besoin de vous autres. Je comprends que vous pouvez ressentir une certaine insécurité. Vous l'avez d'ailleurs fait mention dans votre mémoire.

Je veux aussi profiter de l'occasion qui m'est donnée, M. le Président, pour parler de l'enseignement que vous donnez à vos finissants, qui est un autre enseignement de qualité. Vous en avez fait mention dans votre mémoire à la page 4, des compétences que vos finissants vont acquérir au cours de leurs cours. J'ai, moi-même, dans ma famille, j'ai un de mes enfants qui a une de ces compétences-là mais en éducation spécialisée et je vous dirai, plusieurs mois plus tard, après la première consultation sur le projet de loi n° 50, qu'il est de mieux en mieux, il est de plus en plus à l'aise, il est de plus en plus efficace dans ce qu'il fait. Et je comprends encore beaucoup plus la problématique de terrain qu'il rencontre tous les jours, et les ajustements qu'il a à faire, et les questionnements qu'il se pose tous les jours. C'est sûr que la table qui va être mise en place après l'adoption du projet de loi va faire en sorte d'amener un ensemble de partenaires. Parce que je pense qu'il y a un mot qui est très important, c'est que dans le milieu vous devez agir en «interdisciplinarité» avec d'autres ordres ou d'autres personnes pour donner un service à des gens qui en ont besoin et, comme je l'ai mentionné, vous faites un travail qui est assez exceptionnel là-dessus.

C'est important de vous entendre, c'est important que vous nous partagiez cette insécurité-là aujourd'hui. Puis je regardais à la page 7, dans l'avant-dernier paragraphe, où vous mentionnez que, «si l'intention du projet de loi n° 21 n'est pas de restreindre ou de limiter les tâches et les responsabilités des techniciens[...], il est impératif de mieux définir les termes». On vous entend. C'est sûr que pour nous c'est important de régler une situation.

Je me souviens, lors des consultations qu'on avait faites dans le cadre du projet n° 50, il y avait certains présidents des ordres, et je pense que M. Leblond est là encore aujourd'hui, qui était très réceptif aux propositions que le ministre de l'époque lui faisait d'accueillir, à l'intérieur de son ordre à lui, d'autres gens dans le cours d'exercice. Ce n'est peut-être pas ça qui va se passer non plus, sauf que je pense que la réflexion de la table et la maturation où on en est rendus aujourd'hui devraient nous amener à des discussions qui vont être très intéressantes, auxquelles vous allez pouvoir partager avec les gens alentour de la table votre expertise et en arriver sûrement à un consensus qui va justement vous sécuriser et faire en sorte qu'il n'y aura pas d'imposition unilatérale d'un ordre professionnel qui auront dans le projet de loi à poser un diagnostic clinique, là. Ils ne pourront pas de façon unilatérale brimer ou faire cavalier seul dans un domaine où l'interdisciplinarité est importante, et on va devoir tenir compte de l'excellence.

Et, je le répète pour une troisième fois, si vous n'êtes pas là, bien, quand bien même d'autres personnes à l'intérieur de la chaîne auraient beaucoup de difficultés à poser ou à interpréter des éléments ou des situations dont vous allez être les intervenants privilégiés, faites-vous confiance et abordez cette opportunité ou cette occasion qui va vous être donnée, à l'intérieur de la table, de faire valoir l'excellence des interventions que vous faites.

Ça fait que je n'ai pas de question à vous poser. C'est un commentaire, je pense, qui était très important pour situer dans ce débat-là. Et soyez assurés que tous et chacun des collègues ici, alentour de la table, quand il y aura l'étude du projet de loi, on est ici pour vous écouter, on prend bonne note de vos commentaires. Je pense que, pour le futur et pour les autres discussions qu'il y aura au niveau de la table, on va aussi suivre ça pour faire en sorte que le travail que vous faites soit reconnu à sa juste valeur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Chomedey. Est-ce qu'il y a d'autres interventions, rapidement? Non?

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il reste, à toutes fins pratiques, peu de temps, là, une demi-minute.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, c'est un propre filibustage. C'est un autofilibustage. Donc, est-ce que...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, si je comprends bien, Mme la députée de Mirabel aimerait intervenir. Allez-y, Mme la députée.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Mme Filion, M. Roussel, merci pour la présentation de votre mémoire, et, à mon tour et au nom de ma formation politique, je vous félicite pour votre travail.

Vous mentionnez dans votre mémoire... à la page 5, vous dites: «À la lecture du projet de loi n° 21, nous avons de sérieuses inquiétudes quant à la place que les techniciens en intervention en délinquance pourront désormais occuper sur le marché du travail.» Et vous mentionnez par la suite: «Nos inquiétudes portent notamment sur la définition et la portée des termes "évaluer" et "déterminer" apparaissant dans les activités réservées suivantes:

«"Évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité";

«"Évaluer une personne dans le cadre d'une décision du directeur de la protection de la jeunesse ou du tribunal en application de la Loi sur la protection de la jeunesse".»

Ma première question est la suivante: Combien de techniciens en intervention de délinquance y a-t-il actuellement? Parce que vous parlez d'exclusion. Vous semblez menacés un peu. Est-ce qu'il y a une pénurie ou autres?

Mme Filion (Élaine): Bien, présentement, dans le réseau, les chiffres que j'ai, c'est dans le réseau des centres jeunesse, puis ça, c'est les chiffres de l'Association des centres jeunesse du Québec: Chez les éducateurs, les techniciens en intervention en délinquance représentent 10 % des postes d'éducateur.

Mme Beaudoin (Mirabel): En chiffres?

Mme Filion (Élaine): Je ne peux pas vous dire en chiffres, je ne l'ai pas en chiffres, mais c'est énorme, là. Je ne peux pas vous dire le nombre d'éducateurs dans tout le réseau des centres jeunesse. Les chiffres que j'ai sont en pourcentage, là. Et ça, c'est à travers tout le Québec, là, c'est l'association.

Mme Beaudoin (Mirabel): Mais vous pouvez quand même nous donner une idée approximative, là.

Mme Filion (Élaine): Ah, combien il y a de finissants? Ah, mon Dou!

Mme Beaudoin (Mirabel): Oui, qui sortent des écoles.

Mme Filion (Élaine): On forme à peu près 200 finissants par année. On n'est pas un très gros programme. Donc, à peu près 200 finissants par année. Écoutez, on existe depuis le milieu des années soixante-dix, donc. À l'époque, par exemple, on n'avait pas autant de finissants. Ça fait que, je ne sais pas, je ne peux pas évaluer, là, combien de personnes, mais c'est à peu près 200 finissants par année.

Mme Beaudoin (Mirabel): Mais pour les gens qui nous écoutent tantôt vous avez mentionné, en pourcentage, 10 %. Vous ne pourriez pas nous donner un chiffre approximatif?

Mme Filion (Élaine): Non. Il faudrait que j'aie les chiffres du nombre d'éducateurs qui sont présents dans les centres jeunesse, en tout, et ça, c'est des chiffres de l'association. Donc, je ne le sais pas. J'ai leur mémoire et je ne sais pas si ça a été précisé. Bien, on parle de milliers d'éducateurs. Écoutez, il y aurait plus de 4 000 éducateurs qui travaillent dans le réseau des centres jeunesse. L'Association des centres jeunesse du Québec établit qu'il y en a 10 % que c'est des techniciens en intervention en délinquance.

Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, vous mentionnez que vous trouvez qu'il y a une exclusion, mais vous ne pensez pas que c'est toujours dans l'intérêt, admettons, des psychologues ou des travailleurs sociaux de travailler en équipe avec vous?

n(11 h 50)n

Mme Filion (Élaine): Travailler en équipe, oui. Si travailler en équipe signifie qu'on enlève des responsabilités aux techniciens, c'est là, je pense, que c'est, disons, dangereux pour nous, dans le sens que nos techniciens perdent des responsabilités. Et c'est des responsabilités qu'ils font présentement, des activités qu'ils font à l'occasion, qu'ils font, et, si on leur enlève cette possibilité-là, bien on risque de créer des postes de technicien qui vont être moins attrayants, qui vont être moins intéressants parce que les techniciens vont avoir moins de responsabilités.

Mme Beaudoin (Mirabel): Mais est-ce que vous pouvez nous fournir des exemples? Dans quelles circonstances vous pouvez être menacés?

Mme Filion (Élaine): Bien, par exemple, si les... Bon, je reprends encore l'exemple des plans d'intervention. Si les éducateurs ne peuvent plus faire les plans d'intervention, donc... Concrètement, là, dans une unité de vie en centre de réadaptation, il y a peut-être six, sept, huit éducateurs. Normalement, c'est tous des techniciens. Si, dans une équipe, parce que maintenant la tâche de faire les plans d'intervention ou de faire certaines évaluations, ça prend des professionnels... Le risque, c'est que les centres jeunesse, dans l'organisation du travail, soient tentés de dire: Bien, maintenant, dans les équipes, au lieu d'avoir six ou huit éducateurs ? je parle de petites équipes, là ? c'est maintenant quatre éducateurs, puis on engage deux professionnels parce qu'il y a des activités que les techniciens ne peuvent plus faire. C'est là qu'on dit qu'on va limiter l'embauche des... on risque, en tout cas, dans... de limiter l'embauche des techniciens.

Mme Beaudoin (Mirabel): Mais, si on exclut le plan d'intervention, est-ce que vous avez d'autres exemples?

Mme Filion (Élaine): Bien, les exemples, c'est difficile. Au niveau de l'évaluation, par exemple, quand on parle de l'activité réservée dont vous avez parlé tout à l'heure, «évaluer une personne dans le cadre d'une décision du directeur de la protection de la jeunesse», à l'occasion les techniciens vont être délégués du DPJ, c'est-à-dire, quand un jeune est suivi par le directeur de la protection de la jeunesse, certains éducateurs vont être personnes autorisées, là, dans le langage, là, c'est ça que ça veut dire, personnes autorisées. Alors, dans le cadre de ces fonctions-là, évidemment les éducateurs vont avoir à évaluer, hein? Quand il y a un nouveau signalement, c'est la personne autorisée. Dans certaines occasions, ces éducateurs-là occupent, ont ces responsabilités-là. Alors ça, c'est certain que, si, exemple, «évaluer une personne dans le cadre d'une décision du directeur de la protection de la jeunesse», les éducateurs ne peuvent plus poser cette... faire cette activité-là, bien ils ne seront plus délégués du directeur de la protection de la jeunesse, ils ne pourront plus occuper ces fonctions-là.

Donc ça, ça risque d'être dévalorisant, là, pour les techniciens.

Mme Beaudoin (Mirabel): Est-ce que vous avez pris connaissance des autres mémoires? On a entendu l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée. Est-ce que vous avez pris connaissance de ce mémoire?

Mme Filion (Élaine): L'an passé, oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): Oui.

Mme Filion (Élaine): Qui a été présenté l'an passé, oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): Oui. Alors, ils présentent un mémoire. Et puis j'aimerais avoir vos commentaires. À la fin de leur mémoire, ils disent: «Compte tenu des effets pervers auxquels le projet de loi risque de donner lieu, l'APPTES recommande au législateur d'adopter le projet de loi que pour les portions pour lesquelles il fait consensus...» Je présume que vous êtes d'accord avec cette donnée?

Mme Filion (Élaine): Oui. Et ce que j'en comprends, c'est que la partie qui fait consensus, c'est, entre autres, tout l'encadrement de la psychothérapie, dont je n'ai pas parlé, là, mais avec lequel nous sommes en accord et qui concerne moins, évidemment, les techniciens.

Mme Beaudoin (Mirabel): Et est-ce que vous avez pris connaissance également du mémoire présenté par la Confédération des syndicats nationaux?

Mme Filion (Élaine): J'ai entendu, mais je n'ai pas lu le mémoire. J'étais présente mardi dernier.

Mme Beaudoin (Mirabel): Dans ce mémoire, les représentants parlaient de leurs inquiétudes et puis ils parlaient également des problèmes de privatisation. Est-ce que vous êtes d'accord avec, disons... Je vais vous le lire, là, et je cite. À la page 7 de leur mémoire, ils mentionnent: «Pendant ce temps, les problèmes d'accès et de qualité des services s'amplifient, de pair avec les problèmes de privatisation et de pénuries de main-d'oeuvre dans ce vaste domaine de la santé mentale et des relations humaines.» Et par la suite, bien, ils parlent évidemment des techniciens, ils disent: «Nous souhaitons une analyse de la situation des techniciens oeuvrant en santé mentale et en relations humaines, tel que proposé à l'office, et préalable à l'adoption du projet de loi afin de le bonifier et qu'il soit cohérent avec la réalité et permette des ajustements.»

J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Mme Filion (Élaine): J'ai de la difficulté à me prononcer sur la privatisation. Je ne peux pas. Je ne connais peut-être pas assez bien l'organisation du travail pour bien m'exprimer sur les dangers éventuels d'une privatisation des services. Je regrette. Je ne sais pas si, Denis...

M. Roussel (Denis): Par contre, je peux peut-être... Peut-être que le risque qu'on soulevait, c'est... On sait que les centres jeunesse ont des difficultés déjà à recruter du personnel, et, si les actes qui sont autorisés pour les éducateurs sont plus restreints, bien peut-être que cette difficulté-là risque d'augmenter encore. Donc, s'il y a une difficulté de recrutement dans les centres jeunesse, bien... Quand les jeunes sont placés par la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, ce n'est pas en fonction du nombre de places, ils sont placés, c'est en fonction du besoin. Alors, s'il y a des places disponibles ou pas de place disponible, ça ne rentre pas en considération dans le jugement. Et, si, par des difficultés de recrutement de personnel, on n'arrive pas à offrir les services nécessaires, est-ce que ce ne sera pas éventuellement une avenue? Je pense que c'est peut-être là qui est le... qui repose le risque ou la question de la privatisation si le réseau public n'arrive pas à combler le besoin.

Ce serait dans ce sens-là. Puis, oui, effectivement ça pourrait correspondre à ce qu'on disait au niveau de l'attrait de la profession puis des gestes qui sont réservés aux éducateurs.

Mme Beaudoin (Mirabel): Je vais laisser ma collègue poser des questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Allez-y, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, dans le mémoire de la CSN, on dit: «Actuellement, dans le champ de l'adaptation et du fonctionnement social pour lequel sont formés les TES ? en éducation spécialisée ? TID [vous et travailleurs sociaux et techniciens en travail social] et les universitaires, contrairement à ce qui prévaut pour l'évaluation de l'état mental d'une personne, les critères pour définir ce que constitue une évaluation clinique de type diagnostic n'existent pas encore.» Mais je pense que la crainte... D'abord, vous avez diverses craintes que vous partagez avec les autres techniciens qui ne se retrouvent pas sous une espèce de parapluie d'ordre professionnel. Moi, c'est ce que je comprends. Et vous avez peur aussi d'une déqualification de ce que vous faites sur le terrain quotidiennement, vous et les autres aussi.

Mme Filion (Élaine): Nos étudiants, nos techniciens et, par le fait même, bien nous comme enseignants.

Mme Doyer: Et, moi, personnellement, M. le Président, qui ai enseigné en techniques policières, j'ai enseigné en techniques de nursing.

Une voix: ...

Mme Doyer: Non, non. Mais j'ai enseigné à des futurs policiers, j'ai enseigné à des futurs éducateurs spécialisés, à de futures infirmières, et chacun faisait des stages aussi très pratiques et plusieurs heures de stage, et ce que vous ne voulez pas, c'est une déqualification.

Et, moi, je pense que, dans le projet de loi n° 21, à quelque part il y a ce... les contenus du projet de loi n° 21, mais il y a aussi ce qui peut être fait en parallèle, et vous l'avez souligné, qui aurait dû être fait antérieurement, la table des techniciens. Parce que, là, on doit en convenir, ils se retrouvent un petit peu une patte à terre, une patte en l'air en ne sachant pas trop sous quel parapluie ils vont se retrouver. Et, moi, quand je regarde Partageons nos compétences et que je regarde les tableaux, je l'ai lu attentivement et relu, je dirais, les champs, les activités, les activités réservées, les champs de pratique, ce que les différents professionnels partagent, hein, M. le Président, Mme la ministre, hein, dans le bas, là, tout le monde partage l'objectif fondamental d'aider les personnes, les familles à mieux vivre en société, à mieux vivre avec eux-mêmes aussi avec diverses problématiques. Alors, moi, la table, la fameuse table des techniciens, je crois qu'il faudrait qu'elle se mette en place le plus vite possible et faire en sorte que des groupes de techniciens, vous, hein, au niveau de l'intervention en délinquance... Puis je vois aussi que c'est des formations qui ne se donnent pas à plusieurs endroits au Québec, et vous êtes très pointus dans votre spécialité. Et là je vois qu'à Gaspé on veut ouvrir, à cause de la prison, j'imagine, de Percé qui va se mettre en place avec des problématiques très, très pointues, très particulières.

Alors, moi, c'est ça, vous devez... Je voudrais que vous me disiez si vous partagez les angoisses et les appréhensions des techniciens en travail social, des techniciens en éducation spécialisée. Parce que vous êtes capables de faire de l'évaluation, on vous demande d'en faire dans le quotidien. S'il y a quelqu'un qui a des idéations suicidaires dans une prison ou dans un centre jeunesse, là, c'est vous qui êtes dans le feu de l'action pour prendre le bon geste, là, qui va être pris, que de l'envoyer à l'urgence ou de faire intervenir quelqu'un de plus spécialisé.

Comment vous voyez ça, tout ça, là, ce que je viens de vous dire?

Mme Filion (Élaine): Vous avez dit beaucoup de choses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Doyer: J'en ai dit beaucoup. Mais, par rapport à la déqualification que je sens que les gens... Hier, les éducateurs spécialisés, c'est ça qu'ils sont venus nous dire, leurs craintes et les contenus aussi au niveau des cégeps, là. Il y a des contenus, là. À un moment donné, ils sont là, ils sont en train d'apprendre, ce monde-là. Alors, c'est comme si, je l'ai dit hier, on avait mis la charrue avant les boeufs. Comment on fait pour la remettre où est-ce qu'elle doit être, la charrue, en arrière, là, puis que le sillon soit bien tracé, puis que tout le monde sache où s'en aller?

n(12 heures)n

Mme Filion (Élaine): Bien, madame, on l'a dit aussi, c'est que, nous, on aurait aimé que l'étude sur la place des techniciens soit faite avant l'adoption du projet de loi. Je pense que, ça, on l'a dit. C'était, bon...

Une voix: ...

Mme Filion (Élaine): Exactement. Donc, ça nous inquiète qu'elle soit faite après, parce que, là, après ça on se dit: Bon, bien là qu'est-ce qu'on va faire, là, après avec ça? Donc, on aurait aimé pouvoir participer à cet exercice-là avant.

Mme Doyer: Puis, quand vous dites... Mais, M. le Président, quand vous dites... Bien non, c'est la CSN, mais vous l'auriez dit, puis je vous aurais cru que ce soit vous qui l'auriez dit. «Or, si l'intention est bien, comme nous le souhaitons, de rehausser les standards de pratique et non de déqualifier les niveaux techniques de formation ? comme je vous dis, c'est ça que j'ai senti des gens qui sont venus nous présenter des mémoires ? il est essentiel que ces standards soient ajustés à la hausse avant l'adoption du projet de loi.» Mais ce ne sera pas fait. Alors, moi, dans le tableau, là, j'ai le tableau, à un moment donné, de ce document-là, Partageons nos compétences, hein, du rapport Trudeau... et là on voit ceux-là: «Propositions de champs d'exercice et d'activités réservées aux groupes d'intervenants à intégrer au système professionnel.» Où est-ce que vous vous verriez, vous, là, vous, là?

Mme Filion (Élaine): Ça, madame, c'est difficile à dire, là. Il va falloir d'abord s'asseoir et regarder quelle est la définition des activités réservées. Ensuite, c'est sûr qu'on va faire la démonstration que, nous, exemple, on se voit là, on se voit là. Dans mon mémoire, j'en ai écrit quelques-unes, des activités réservées où on prétend que, nous, en tout cas dans notre programme, on forme nos étudiants à faire ça. Ce sera quoi, l'encadrement après qui sera donné? Écoutez, c'est difficile de me prononcer, là. Je pense que, là, c'est là qu'il y aura des discussions. Est-ce que ce sera d'appartenir à un ordre? Est-ce que ce sera... Je ne sais pas, là.

Mme Doyer: Parce qu'il y a, M. le Président, il y a les criminologues, hein, qu'on retrouve dans ce tableau-là, criminologues, sexologues, techniciens en travail social. Et, vous, vous... Je pense que, quand on lit «techniciens en travail social», il y a des choses qui se recoupent avec vous, mais il y a des choses aussi très spécifiques parce que vous être très occupés au niveau de la délinquance, au niveau de tout ce qui est...

Mme Filion (Élaine): C'est sûr que le champ professionnel peut-être qui se rapproche le plus de la pratique, c'est peut-être le champ professionnel des psychoéducateurs, parce qu'on occupe des postes, dans le fond, qui sont intervenants de première ligne, si on veut. Donc, je vous dirais que le champ professionnel qui se rapproche le plus peut-être de ce que nos techniciens font... moi, je vous dirais d'emblée, comme ça: C'est les psychoéducateurs.

Mme Doyer: C'est ce que je pense.

Mme Filion (Élaine): Et c'est ce qui était aussi dans le mémoire qui a été présenté l'année passée par l'Association des centres jeunesse du Québec. C'était l'une des recommandations d'ailleurs du mémoire de l'Association des centres jeunesse, de permettre en tout cas aux techniciens de faire les activités réservées qui, entre autres, étaient, faisaient partie du champ, là, de la psychoéducation.

Mme Doyer: Alors, M. le Président, c'est bien ce que je croyais que vous nous diriez, les psychoéducateurs, parce qu'à mon idée aussi je crois que c'est ceux-là qui vous rejoignent le plus dans votre pratique quotidienne.

Mme Filion (Élaine): Alors, comme je vous dis, l'organisation du travail aussi, c'est ce qu'ils ont recommandé l'an passé, l'Association des centres jeunesse du Québec.

Mme Doyer: Et, M. le Président, une petite dernière. Combien il reste de temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il nous reste neuf minutes, mais il y a votre collègue, je pense, qui aimerait aussi intervenir.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, ça va? O.K. Allez-y, Mme la députée.

Mme Doyer: Oui. Monsieur a dit tantôt... Vous êtes très intéressants tous les deux, bien sûr, hein, mais vous avez dit qu'un plan d'intervention individualisé, c'était vivant. J'aimerais que vous nous expliquiez ça davantage. Parce que j'ai trouvé ça intéressant, effectivement c'est vivant, parce que souvent on a, dans ce domaine d'intervention, un phénomène de portes tournantes. Je ne me trompe pas, hein? Et un plan d'intervention, c'est vivant, c'est-à-dire que la... Mais élaborez là-dessus, j'aimerais ça bien comprendre ce que vous avez voulu nous dire là-dedans.

M. Roussel (Denis): Ce que je voulais expliquer tout à l'heure par rapport au plan d'intervention ou le fait qu'un plan d'intervention, c'est quelque chose de vivant, c'est que c'est un projet, un plan d'intervention. Et même qu'il y a des endroits ailleurs dans le monde où on ne parle pas de plan d'intervention, on parle de projet. On ne parle pas de plan.

Et je trouve l'idée intéressante parce que c'est un engagement, et un engagement, ce n'est pas quelque chose qu'on prend une fois puis qu'après ça, bien, on va réviser dans trois mois, puis, entre les deux, il ne se passera rien. Pour qu'il reste vivant, c'est que ça repose sur une relation, et cette relation-là, c'est entre la personne aidée et l'intervenant qui applique le plan d'intervention. Et, si on veut que cet intervenant-là ait de la prise sur ce plan d'intervention là puis que la personne aidée puisse lui faire confiance, elle doit avoir l'impression que cette personne-là, elle peut, elle a le pouvoir de l'aider. Et la possibilité et le pouvoir de l'aider reposent sur la façon qu'elle va évaluer, la façon qu'elle va ajuster les gestes au quotidien.

Si un jeune en centre de réadaptation a l'impression que l'éducateur qui est devant lui n'a pas autorité, n'a pas la possibilité d'ajuster et ne peut pas l'aider, est-ce que vous pensez qu'il va pouvoir se confier à cette personne-là? Les choses qu'il a à lui dire sont extrêmement douloureuses, et il va les dire seulement à quelqu'un en qui il va croire, à quelqu'un à qui... il pense qu'il peut agir sur sa situation. Si on retire des actes qu'un éducateur peut faire, l'évaluation et l'élaboration de plans d'intervention, c'est aussi bien de dire: Bien, c'est à une autre personne que tu dois te confier, mais, malheureusement, cette personne-là, bien tu vas la revoir dans trois mois, quand on va réviser ton plan d'intervention. Et un jeune n'attend pas trois mois. Un jeune, c'est tout de suite, les problèmes, c'est tout de suite.

Ça fait qu'il faut les aborder tout de suite avec la personne qui a la possibilité de l'aider, et c'est la personne qui a élaboré le plan d'intervention et qui l'a convenu avec elle.

Mme Doyer: Alors, juste une dernière remarque, puis je termine ici. Donc, vous nous faites la preuve que vous faites de l'évaluation. Vous faites de l'évaluation au quotidien et sur un laps de temps où est-ce que vous êtes capables de voir si la personne avance, dans une semaine, un mois, etc., et si elle est prête, à un moment donné, quand on ouvre les portes, si elle est dans un milieu carcéral ou un centre en protection de la jeunesse. Vous faites cette évaluation-là au quotidien et sur une période de temps. Donc, vous en faites. Voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, Mme Filion, M. Roussel, il ne nous reste qu'à vous remercier de vous être présentés à notre commission. Merci infiniment, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que le Réseau d'action Autisme/TED puisse se mettre en place.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

 

(Reprise à 12 h 8)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous avons donc devant nous le Réseau d'action Autisme/TED. Je vous souhaite la bienvenue à notre commission, messieurs mesdames. Merci d'avoir pris de votre temps pour venir nous livrer vos connaissances et votre expertise. Et, sans plus tarder, je vais vous céder la parole. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et, de part et d'autre, nous aurons la possibilité de vous poser des questions pour à peu près 25 minutes d'un côté et de l'autre de la Chambre.

Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter, ce qui va nous faciliter la tâche pour bien vous reconnaître et vous identifier. Allez-y, messieurs mesdames.

Réseau d'action Autisme/TED

Mme Guerrera (Diane): Oui. Bonjour, je m'appelle Diane Guerrera, je suis la mère d'une enfant autiste. Je suis également coprésidente du Réseau d'action Autisme/TED, un organisme d'inspiration populaire nouvellement créé qui regroupe des parents, des professionnels de la santé et des activistes communautaires et dont le but est de sensibiliser les gens et d'obtenir un soutien plus grand pour les enfants et adultes ayant un TSA ou un TED.

Alors, m'accompagnent aujourd'hui Dre Katherine Moxness, directrice des services professionnels, Centre de réadaptation de l'Ouest-de-Montréal et Centre de réadaptation Lisette-Dupras; Guillaume Lahaie, coordinateur des communications, Autisme et troubles envahissants du développement de Montréal; Mme Carmen Lahaie, présidente, Autisme et troubles envahissants du développement de Montréal; et Mme Stephanie Shaffer, coprésidente du Réseau d'action Autisme/TED, qui est dans la salle.

n(12 h 10)n

Alors, nous remercions les membres du comité parlementaire de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur l'amendement proposé au projet de la loi n° 21. Nous en sommes d'autant plus heureux, puisque nous avons eu l'impression que le gouvernement libéral faisait la sourde oreille à nos inquiétudes, refusant de nous rencontrer ou même d'accuser réception de notre pétition qui a été signée par plus de 5 000 Québécois. Nous sommes ici pour représenter les enfants ayant un trouble du spectre autistique et leurs familles et pour inviter le Québec à permettre aux psychologues ayant une formation adéquate de diagnostiquer des enfants ayant un TSA ou un TED et de leur prescrire un traitement. Nous fondons notre position sur la recherche scientifique dans ce domaine et sur les pratiques exemplaires qui ont été adoptées partout ailleurs en Amérique du Nord.

Permettez-moi de répéter que le Québec est la seule juridiction d'Amérique du Nord où les psychologues n'ont pas ce droit. Notre but est de nous assurer que les enfants ont accès à des soins en temps opportun et de manière efficace. Il existe deux façons d'atteindre cet objectif: le gouvernement peut amender le projet de la loi n° 21, tel que nous l'avons proposé, ou alors il pourrait annoncer un changement à ses réglementations de manière à ce qu'une évaluation faite par un psychologue devienne l'équivalent d'un diagnostic médical. Ce faisant, l'enfant serait admissible à un minimum de 20 heures de traitement par semaine plutôt que de deux heures, comme c'est le cas présentement lorsqu'il est évalué par un psychologue.

Si les psychologues ayant une formation en autisme et en troubles du développement obtiennent le droit de diagnostiquer des enfants ayant un TSA et de leur prescrire un traitement non pharmacologique, les familles aux prises avec l'autisme pourront recevoir de l'aide plus rapidement.

Pour mieux expliquer notre position, j'inviterais d'abord Dre Katherine Moxness, psychologue et directrice des services professionnels et de la qualité au Centre de réadaptation de l'Ouest-de-Montréal et au Centre de réadaptation Lisette-Dupras, qui desservent la moitié de la population de Montréal ayant un trouble... spectre autistique.

Mme Moxness (Katherine): Merci, Diane. Merci à vous aussi. Les troubles du spectre autistique, ou TSA, envahissent notre système de soins de santé.

Le Québec connaît une hausse inquiétante du nombre de personnes diagnostiquées avec un TSA ou un TED. En Amérique du Nord seulement, un enfant autistique naît chaque 20 minutes. Et, selon une recherche menée par le Dr Eric Fombonne, de L'Hôpital de Montréal pour enfants, un enfant sur 166 au Québec a une forme quelconque d'autisme, avec des symptômes allant de bénins à graves, nécessitant des soins en continue. Environ 190 enfants canadiens... 190 000 canadiens enfants sont autistiques. On diagnostique plus d'enfants autistiques que d'enfants ayant un cancer pédiatrique, le diabète ou le SIDA combinés. L'autisme est un trouble neurologique le plus commun chez les enfants et l'un des troubles du développement le plus commun à toucher notre pays. C'est un problème qui demande une attention immédiate. Et nous avons l'occasion de réellement améliorer la qualité de vie des Québécois et de leurs familles.

Les connaissances actuelles permettent de dépister correctement les signes de TSA chez un enfant de 18 à 36 mois, et la norme de pratique a clairement été définie comme étant au moins 25 heures, par semaine, d'intervention comportementale intensive débutant le plus tôt possible, préférablement avant l'âge de cinq ans. Le rapport préparé par le compte de la société canadienne des pédiatres en 2004 appuie le besoin d'intervention comportementale précoce, et le rapport final de l'enquête sur le financement du traitement des troubles de spectre autistique, préparé par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, en 2007, Payer maintenant ou payer plus tard: Les familles d'enfants autistiques en crise, a souligné l'importance d'investir tôt pour contrebalancer les coûts futurs.

La circuiterie du cerveau est encore en construction lorsque l'enfant est jeune, et, avec une thérapie intensive, on peut rebrancher le cerveau. Par contre, après l'âge de six ans, cette possibilité commence à s'atténuer. Au fur et à mesure, les enfants autistiques grandissent et devront affronter toute une gamme de problèmes s'ils ne reçoivent pas les traitements dès leur plus jeune âge. Dans leurs études menées en 2004, Weatherby et al. concluent: «Notre recherche démontre que les avantages sont plus grands si on intervient avant l'âge de trois ans et demi plutôt qu'après l'âge de cinq ans» et «qu'intervenir avant l'âge de trois ans pourrait être encore plus bénéfique». Ne pas intervenir se traduit par rater un... important, ce qui peut avoir des conséquences préjudiciables, durables et permanentes.

En tant que psychologue travaillant au Québec, je fais partie d'une équipe multidisciplinaire qui évalue des enfants ayant un TSA. La plupart des tests sont confiés à un psychologue formé dans l'administration des tests normalisés. Dans notre système de santé surchargé, il peut arriver que le rôle du médecin se borne à l'approbation finale des évaluations menées par les autres membres de l'équipe. Une fois que l'évaluation est faite, un diagnostic final ne peut être posé avant qu'un médecin ne rencontre la famille pour passer les résultats en revue. Cela crée une accumulation de dossiers et se traduit par de longues listes d'attente pour les familles. Malheureusement, il y a plus de 600 familles sur la liste d'attente à Montréal seulement. Et leur attente ne se termine pas avec une évaluation initiale et le diagnostic. Il peut s'écouler un an, voire deux, avant... les enfants ne reçoivent un traitement. À ce stade du processus, l'enfant peut avoir cinq ans ou plus, ce qui est beaucoup trop tard pour l'obtention des résultats optimaux.

Dans le Guide des pratiques canadiennes exemplaires: dépistage, évaluation, diagnostic des troubles de spectre autistique chez les enfants en bas âge, un manuel que j'ai écrit en collaboration avec les Dres Nachshen et Garcin de même qu'avec 20 autres experts scientifiques de partout au Canada, y inclus des psychiatres, et des pédiatres, et d'autres professionnels de santé, nous avons cherché à établir une continuité dans un processus de diagnostic des TSA ou TED. J'ai apporté des exemplaires de notre rapport et... vous puissiez le lire. Nous avons élaboré des principes directeurs à partir des observations scientifiques les plus à jour et, de même, à partir du consensus des experts, des opinions des cliniciens actifs et des membres de famille. En nous fondant sur des observations scientifiques, d'examen des pratiques exemplaires en usage dans d'autres juridictions et le consensus d'experts, nous avons recommandé ce qui suit: le diagnostic de TSA chez un enfant en bas âge ne devrait être posé que par un psychologue ou un médecin à la condition toutefois qu'il soit membre de l'ordre professionnel qui permette la transmission de diagnostics, qu'il ait obtenu un diplôme de troisième cycle, doctorat, ou suit d'autres études universitaires comprenant une formation spécifique sur les TSA et le développement de l'enfant, ainsi... sur les troubles de développement chez les enfants en bas âge, qu'il ait acquis de l'expérience dans un environnement clinique supervisé en matière d'évaluation et diagnostic TSA chez des enfants en bas âge.

Afin de minimiser le temps d'attente pour l'obtention d'un diagnostic d'un TSA, le diagnostic de TSA devrait être délégué à des psychologues titulaires d'un doctorat, en plus des médecins, dans la province de Québec.

Le gouvernement du Québec pose des obstacles inutiles sur la route des parents qui veulent des soins pour leurs enfants, en prétendant qu'une évaluation faite par un psychologue équivaut à un diagnostic de médecin. Nous avons reçu une lettre du directeur général de l'Ordre des professions à cet effet il y a plus d'un an déjà. Pourtant, sans diagnostic, un enfant ayant un TED n'est pas... admissible qu'à deux heures de traitement hebdomadaire plutôt que 20 heures, ce qui est unanimement reconnu comme étant le minimum requis pour une obtention des résultats optimaux. Et un enfant autistique ne peut recevoir l'aide nécessaire pour s'assurer une bonne intégration à l'école, sans un diagnostic posé par un médecin.

n(12 h 20)n

Il est ironique qu'un psychologue soit autorisé par les gouvernements fédéral et provincial à signer des formulaires de remboursement de soins pour la santé mentale. Le formulaire du Québec indique clairement que le trouble mental peut être certifié par divers professionnels de santé, et en compris un psychologue, lorsque la personne est incapable d'exercer les fonctions mentales nécessaires pour se débrouiller seule. Si j'ai le pouvoir de déterminer qu'un patient ayant un TSA devrait recevoir un remboursement, je devrais sûrement être capable d'évaluer si ce patient a un trouble du spectre autiste et donc je devrais pouvoir diagnostiquer ces troubles.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Mme Moxness. Voilà. Je dois vous interrompre parce que vous avez écoulé votre temps. Par contre, s'il y a consentement, on peut vous permettre de continuer. Mme la ministre, est-ce qu'il y a...

Des voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il y a consentement. Donc, est-ce que vous pouvez résumer le temps pour qu'on puisse...

Mme Moxness (Katherine): Oui. Il me reste très peu d'informations, mais qu'est-ce qui me reste est quand même important.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y. Je n'en doute pas du tout. Allez-y.

Mme Moxness (Katherine): Pourtant, le ministère de Santé et Services sociaux a instauré un système qui s'appelle GESTRED, un règlement qui réagit à l'accès des soins des enfants ayant un TSA, qui stipule que le nombre d'enfants de moins de six ans présentant un TED et recevant des services structurés d'intervention comportementale, ICI ou ABA... seulement ces enfants dont le dossier comporte un diagnostic médical sont comptés. Les enfants qui n'ont pas de diagnostic médical n'ont pas accès à ce service-là.

En fin de compte, un diagnostic médical constitue un prérequis absolu à l'obtention d'une gamme complète de soins requis pour les résultats optimaux.

Et le réseau propose que le projet de loi n° 21 soit amendé de façon à stipuler que les psychologues ont le droit d'évaluer, de diagnostiquer et de prescrire un traitement non pharmacologique pour un enfant qui n'est pas encore admissible à l'éducation préscolaire et qui présente un indice de retard de développement, dans le but de déterminer les services de réadaptation, adaptation répondant à ses besoins.

Je termine et je passe la parole à Diane pour terminer.

Mme Guerrera (Diane): Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Guerrera. J'ai compris que vous aviez consentement pour que vous puissiez terminer votre présentation.

Mme Guerrera (Diane): Merci. Comme je l'ai mentionné plus tôt, je suis la mère d'une enfant autiste qui est âgée maintenant de 27 ans. Je sais pertinemment à quel point certains parents se sentent impuissants. Ils doivent d'abord s'occuper du quotidien et tenter d'aider leur enfant du mieux qu'ils peuvent. Mais comment pouvez-vous aider votre enfant quand vous n'êtes même pas certain de ce qui ne va pas? Souvent, ces parents doivent s'improviser experts parce qu'ils ne trouvent pas l'aide dont ils ont besoin. Certains apprennent à s'y retrouver dans le système de soins de santé, alors que d'autres connaissent des difficultés financières ou ils doivent traiter avec l'isolement et les effets adverses que cette situation a sur leur mariage et sur les frères et soeurs de leur enfant autiste.

L'autisme ne devrait pas faire l'objet d'une guerre intestine entre divers ordres professionnels, et le gouvernement ne devrait pas se cacher derrière le rapport Trudeau, lequel fait suite à une consultation menée auprès de divers ordres professionnels. Il faudrait plutôt agir dans l'intérêt supérieur des enfants et de leurs familles et faire en sorte que nos citoyens les plus vulnérables aient accès aux soins appropriés, au bon moment.

Un récent sondage mené par la firme Angus Reid Strategies indique qu'une majorité de Québécois, soit 54 %, croient que les psychologues devraient avoir le droit de diagnostiquer l'autisme. Environ 63 % des Québécois ont une bonne connaissance de l'autisme ou connaissent une personne autistique. Plus de 5 000 Québécois sont d'accord avec nous. Ils ont signé notre pétition, laquelle a récemment été déposée à l'Assemblée nationale.

Dans l'éditorial de dimanche du quotidien The Gazette, on pouvait lire: «Aucun gouvernement responsable ne refuserait un traitement pour le cancer ou une dialyse à un enfant si cela était médicalement nécessaire. Le même principe devrait s'appliquer aux troubles du cerveau et de l'esprit. Car, en fin de compte, si ces problèmes ne sont pas traités, ce sont les enfants, leur famille et, oui, l'État qui devront payer un prix élevé.» Ou, comme je le dis moi-même, on ne donne pas qu'une demi-dose de chimio à un enfant atteint d'un cancer, on lui donne le maximum pour l'aider à s'en sortir.

Les enfants ayant un TSA ou TED et qui sont privés de la chance d'avoir un traitement aussi tôt que possible ne peuvent pas récolter les bienfaits maintenant confirmés d'une intervention précoce. Cela signifie que des enfants qui auront pu apprendre à parler et à interagir socialement sont plutôt promis à un avenir incertain. Nous prions instamment le gouvernement d'adopter les mêmes pratiques que le reste de l'Amérique du Nord et d'aider les plus vulnérables à devenir des membres actifs de notre société.

Le gouvernement a l'occasion de faire ce qu'il faut: amender le projet de la loi n° 21 pour donner le droit aux psychologues de diagnostiquer des enfants ayant un TSA ou un TED ou bien modifier le GESTRED. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. C'est nous qui vous remercions, Mme Guerrera. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons commencer la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Weil: Bonjour. Alors, dans un premier temps, je voudrais vous dire que je suis très, très heureuse de vous recevoir et je voudrais en particulier saluer Mme Carmen Lahaie. Dans une vie antérieure, moi, en tant que présidente de la régie régionale, on avait souvent l'occasion d'échanger.

Moi, je dirais que c'est beaucoup à ce moment-là, dans les années quatre-vingt-dix... le travail de Mme Lahaie et les gens avec qui vous travailliez à l'époque qui ont vraiment sonné l'alarme, hein, je me souviens de ça. Vous avez vraiment mis ce dossier de l'autisme sur la place publique alors que le système n'était pas très organisé pour répondre à ça, personne n'avait les réponses par rapport à la problématique, et on parlait beaucoup des origines de cette problématique, et tout ça. Et là je me retrouve plusieurs années après dans ce dossier en tant que ministre de la Justice mais responsable évidemment de l'application des lois professionnelles, alors j'ai pris beaucoup d'intérêt. Je voudrais vous rassurer que j'ai pris beaucoup d'intérêt dans ce dossier depuis le début. D'ailleurs, j'ai rencontré un organisme, lorsque, moi, j'étais dans le dossier, il y a quelques mois, un organisme représentant, c'était un centre de réadaptation. Et on a regardé ce dossier-là, et j'ai dit: Mais quand même c'est quoi, la solution, là? Ça fait drôle, moi, en tant que ministre de la Justice, c'est des mots, des définitions, il me semble qu'il doit y avoir une solution à quelque part. Et on s'est tous entendus pour dire, et vous avez mentionné la solution: Dans le réseau de la santé, c'est qu'est-ce qui va déclencher? C'est quoi, le mot qui va déclencher justement les traitements intensifs, là, de 20 heures par semaine?

C'est ça que ça prend, si je comprends bien. Alors, je suis contente de voir que vous faites ce même diagnostic.

Alors, j'ai fait beaucoup de recherches, d'échanges, j'ai discuté avec beaucoup de personnes. Bon, dans les mots... Parce que les ordres professionnels, on en a discuté il y a deux jours, les médecins, les psychologues, l'Ordre des psychologues qui confirme que l'évaluation... ils sont d'accord avec le projet de loi, mais tout le monde a confirmé comme vous: essentiellement, ce que ça prend, c'est le GESTRED qui devrait être amendé pour donner le droit tout de suite aux traitements intensifs dont vous parlez. Alors, j'ai parlé avec mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux, parce que je suis en mode de trouver une solution depuis plusieurs semaines, de façon intense, là, et il m'a confirmé que ce document ou ce document administratif, GESTRED, sera amendé, sera amendé pour dire que les enfants dont le dossier comporte un diagnostic médical ou une évaluation psychologique auront le droit d'avoir ce traitement intensif. Ça m'a été confirmé plusieurs fois par mon collègue, et j'ai dit: Est-ce que je peux le confirmer publiquement? Il m'a dit: Oui, tu peux le confirmer publiquement.

Donc, j'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais je pensais que ce serait important d'aller vraiment là-dessus, parce qu'il me semble tout le monde veut trouver la solution, Et c'est un dossier qui va de la ministre de la Justice finalement au réseau de la santé et des services sociaux, hein, alors c'était une question de trouver le pont entre les deux. Parce que, vous avez tout à fait raison, il faut, dans un premier temps, que de façon précoce on puisse identifier l'enfant, ça, c'est urgent. Puis, ce que je comprends, c'est des équipes qui vont recevoir l'enfant, puis il y a plusieurs professionnels qui peuvent être dans le dossier, mais rapidement. D'une part, le temps est essentiel, le temps est essentiel pour avoir des résultats optimaux, hein, auprès d'un enfant.

n(12 h 30)n

J'ai des amis qui sont parents d'enfants autistes. Donc, je connais le dossier un peu par mes fonctions un peu professionnelles, mais je connais le dossier de façon personnelle, très personnellement. Je connais des enfants autistes depuis nombre d'années, alors je comprends tout à fait vos demandes. Donc, ce que je comprends et ce que vous dites: Si on veut des résultats optimaux, il faut avoir ce traitement intensif le plus rapidement possible aussi, mais le traitement intensif de 20 heures et donc il faut avoir droit, et accès, et financement pour ce traitement. Est-ce que c'est bien ça?

Je vous pose... je fais une déclaration, mais je vous pose la question: Est-ce que c'est vraiment là le noyau du problème?

Mme Moxness (Katherine): C'en est un, problème, parce que ce n'est pas l'ensemble des problèmes. Il y a plus que GESTRED qui exige un diagnostic médical. Comme j'ai souligné, il y en a plusieurs, documents gouvernementaux. Comme, moi, comme psychologue, je peux signer au niveau fédéral mais pas provincial, parce que ça prend un diagnostic médical. Donc, ailleurs, comme on a souligné, en Amérique du Nord, si je serais en Ontario, je pourrais le signer pour l'ensemble des besoins d'un enfant TED, mais au Québec je ne peux pas, et les parents sont obligés de voir leur médecin pour avoir la signature du médecin.

Mme Weil: Mais l'important ici, si je comprends bien, c'est le traitement que vous recherchez, c'est ça?

Mme Moxness (Katherine): Oui, ça, c'en est un des... Oui, absolument.

Mme Weil: Non, mais ce que je veux dire...

Mme Moxness (Katherine): Le fait que GESTRED va ouvrir...

Mme Weil: Ce que je comprends, ce que je comprends, parce que j'ai parlé avec des gens, c'est qu'ici il y a une définition, il y a un champ d'activité par rapport à diagnostic médical, qui a une connotation très médicale, et que les médecins nous l'ont confirmé l'autre jour, évidemment. Donc ça, c'est une chose mais que tout le monde nous disait, et, si ça prend plusieurs documents à amender, qu'il faut le faire, mais l'important, c'est d'avoir le traitement. Le mot, par ailleurs, peut-être qu'en Ontario ce mot, «diagnostic»... Évidemment, lorsque c'est le psychologue qui fait le diagnostic, c'est une connotation plus psychologique évidemment que médicale. Il y a des mots, là, qui ont des interprétations, mais, si je comprends bien, c'est beaucoup plus le droit que ça vous donne. Ou quel est le mot qui déclenche le service dont vous avez besoin? Alors, il faut rectifier, dans d'autres documents ailleurs, des documents administratifs dans la machine gouvernementale et beaucoup au ministère de la Santé, les mots qui vont vous donner accès aux services dont vous avez besoin.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Lahaie.

Mme Lahaie (Carmen): Oui. Je dirais que c'est beaucoup plus complexe que ça, hein, pour connaître le dossier depuis longtemps. Il y a une question au niveau du diagnostic, O.K.? Comme parent, quand ton enfant commence à avoir un retard de développement ou un problème quelconque au niveau du développement, tu es porté à aller à l'hôpital parce que tu veux savoir c'est quoi qui ne va pas et qu'est-ce qui ne va pas. Là, on te met sur une liste d'attente, parce que d'emblée on présume que ton enfant peut être TED, mais il y a peut-être d'autres problèmes associés. Tu t'en vas sur une voie. Est-ce la bonne voie? Ça, tu ne le sais pas parce que... Puis tu ne sais pas quoi faire chez vous, O.K.? C'est comme il y a un problème, là.

Si, au lieu d'attendre, il y aurait un ensemble de services pour tous les enfants, là, qui ont des troubles du développement, où est-ce qu'on évalue, avec un... Parce que ce qu'on veut savoir, c'est identifier qu'est-ce qu'on peut faire rapidement, O.K.? Un psychologue peut faire rapidement une évaluation au niveau des retards du développement, où est-ce que l'enfant, par exemple, a des retards, où est-ce qu'il... Puis, avec une équipe multi, on n'est pas contre les équipes multis, là, ça peut être avec un ergothérapeute, avec un orthophoniste, on fait rapidement un plan. Ça ne veut pas dire qu'on élimine les médecins non plus, mais le diagnostic rapide fait en sorte que... Parce que, moi, Mme Weil va me reconnaître... les médecins doivent avoir une pratique médicale, O.K.? On ne s'attend pas à ce qu'ils confirment que nos enfants ont des retards de développement puis qu'ils ont des troubles de la communication, on le sait, on s'attend à ce qu'il y ait des recherches en cours de pourquoi ils sont comme ça.

Actuellement, on n'a pas pris cette voie-là, là. Les médecins auxquels on a accès signent des formulaires ou bien on confirme, on fait «rubber-stamp» parce qu'un psychologue a passé avant eux. Ça fait qu'il y a des problèmes majeurs au niveau du diagnostic, puis pas juste pour les... là, il y en a pour l'ensemble de la population avec toute la clientèle TED sans déficience intellectuelle. Ce qu'on cherche, c'est qu'il y ait rapidement une identification de qu'est-ce qu'il a besoin, cet enfant-là... ou cette personne-là, puis qu'est-ce qu'on peut faire rapidement, puis mettre en place la variété de services qu'on devrait avoir pour répondre aux besoins.

Mme Weil: Très bien. Alors...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Donc, c'est ça. Donc, évidemment, les psychologues. Et on va les entendre plus tard aujourd'hui nous expliquer un peu donc l'intervention.

Ce qu'on me dit par ailleurs, évidemment ma collègue Lise Thériault, c'est que, par ce genre d'intervention que vous décrivez, il y a beaucoup d'investissements qui ont été mis dans ce réseau-là et qu'ils ont réussi à faire fondre certaines listes d'attente en prenant justement l'approche dont vous parlez, multidisciplinaire, dans certaines régions. Donc, c'est un investissement que ça prend, c'est les déclencheurs qui donnent accès aux services que ça prend, moi, je vous dirais aussi, évidemment, une meilleure organisation de tous les services en psychothérapie, là, ce que la loi n° 21 nous propose. On est sur des pistes de solution qui me semblent... Il y a 15 ans, lorsqu'on en parlait, c'est peut-être... Évidemment, c'est 15 ans plus tard, mais il y a eu de l'évolution, d'après ce que je peux voir, quand même dans le réseau à cause du travail que vous avez fait pour sensibiliser le gouvernement et tous les intervenants.

Pour l'instant, ça va aller. Je vais peut-être permettre à mes collègues de poser des questions pour peut-être revenir ensuite.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Merci, Mme la ministre. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Je vous remercie, M. le Président, et je vous remercie, Mme Guerrera, Dre Moxness, les gens qui vous accompagnent. Vous venez de faire allusion tantôt en disant... en tout cas en écoutant la ministre mentionner, là, qu'il y aurait un traitement intensif qui pourrait être disponible et que c'est important, mais qu'il y avait aussi que c'était un des problèmes, qu'il y avait d'autres problèmes. Vous aviez commencé à parler un peu de votre rôle comme psychologue, parce que, si vous êtes en Ontario, vous pouvez faire des choses que vous ne pouvez pas faire ici. J'aimerais ça que vous nous expliquiez quelles sont ces choses que vous pouvez faire là-bas et pas ici.

Et tout de suite une autre question: Est-ce qu'il y a d'autres problèmes associés, là? Maintenant qu'on en a identifié comme le premier, la ministre a identifié la solution, vous nous identifiez un autre problème, est-ce qu'il y en a d'autres à part de ça?

Mme Moxness (Katherine): Effectivement, il y a une différence, Québec est unique. Pourquoi on ne suit pas les meilleures pratiques? Je ne comprends pas.

Ailleurs, partout au nord-américain, c'est un psychologue et un médecin qui ont le droit de poser le diagnostic TED ou TSA, parce qu'ils ont... on a les compétences professionnelles pour ces diagnostics. Ça prend: regarder le profil cognitif et fonctionnel, qui n'est pas une force pour un médecin, je dois dire. Le côté médical, c'est leur force. Moi, j'interpelle, comme psychologue, un médecin lorsqu'il faut m'aider à faire un diagnostic différentiel qui pourrait être relié à un problème de santé physique. Donc, pourquoi ça pose un problème et que ce n'est pas tout réglé par GESTRED? Je serais très heureuse que GESTRED soit modifié, très heureuse, parce que ça empêche... on pourrait laisser accès à un diagnostic psychologique pour rentrer dans notre CRDI. Et j'ai plus que 300 enfants qui attendent le service, donc c'est important. Je ne viens pas ici pour rien, c'est important, qu'est-ce que je vous parle. Donc, le fait que GESTRED serait ouvert, c'est excellent.

Par contre, il y a 600 enfants qui attendent un diagnostic, et ça, ça pourrait être réglé en ouvrant les portes, en laissant un psychologue en multidisciplinarité avoir le «lead» sur une évaluation diagnostique de TED. Il y a beaucoup plus de psychologues disponibles et formés à faire ce diagnostic qu'il y a de médecins. Je peux nommer les médecins qui sont en mesure de faire un excellent diagnostic TED. Parce qu'un diagnostic TED, c'est complexe. Il faut avoir quand même une masse critique, une expertise, une formation. Il faut connaître les protocoles d'évaluation. Il faut connaître les meilleures pratiques.

Donc, on a la liste d'attente pour le diagnostic qui est problématique, on a l'accès aux services qui est problématique et ensuite on a accès au traitement qui est problématique, et ça, c'est juste dans le service de santé. Système éducation, ça pose d'autres problèmes. Les milieux d'éducation aussi exigent un diagnostic médical. Donc, il faudrait changer, au niveau du ministère de l'Éducation, les exigences, qu'une évaluation psychologique soit vue comme équivalente d'un diagnostic médical pour ce diagnostic TED. Et, dans d'autres affaires banales, comme avoir accès à un camp d'été, ça prend un docteur pour signer la feuille.

Donc, c'est l'ensemble, la problématique est large. Et ça débute dès qu'ils ont deux ans et demi jusqu'à l'adulte et plus loin, parce que le médecin doit être toujours présent et il ne suit pas toujours son client non plus tout le long de son vécu.

M. Marsan: Je ne sais pas s'il y a encore un peu de temps.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: C'est peut-être juste...

Une voix: ...ta question, oui.

n(12 h 40)n

M. Marsan: Oui. Mais il y a aussi des expériences à succès là-dedans, il y a des choses qu'il faut régler, et vous témoignez très bien ce matin, mais je pense qu'il y a des choses qui vont assez bien, pour avoir eu la chance de côtoyer des gens qui m'en ont parlé, par exemple l'insertion, au niveau scolaire, de cette catégorie de jeunes patients, si vous me permettez l'expression. Il peut aussi... ça peut cheminer au niveau de l'insertion sociale plus complète, et, ça aussi, j'aurais aimé peut-être juste vous entendre, parce qu'il y a des expériences quand même qui vont bien. Mais, oui, il faut continuer de travailler fort. Vous nous soulignez des bons points ce matin, et nous vous en remercions, mais il y a des choses qui peuvent aider les patients actuellement.

Mme Moxness (Katherine): Les choses qui vont bien... Je vais vous dire que je fais partie des personnes qui ont travaillé sur Le geste porteur d'avenir, donc je suis une personne qui a contribué au plan d'action pour le Québec. Et le fait... oui, on avance dans ce dossier, oui, on avance à fournir des soins de plus en plus de... mieux, de qualité et qui suivent les meilleures pratiques aussi, mais on a encore des démarches à faire. En fait, le réseau national d'expertise TED, qui a été entériné par le ministre, soutient notre orientation sur une meilleure pratique. Et, oui, on a fait des bons coups. Oui, absolument.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Mme la ministre.

Mme Weil: Alors, je voudrais aller dans le même sens de votre dernière intervention mais pour vous rassurer qu'avec cet amendement, puis, je le déclare publiquement ici, je pense que c'est important, c'est que l'évaluation des troubles mentaux et des troubles neuropsychologiques réservée aux psychologues permettra d'enclencher les services offerts aux enfants atteints des troubles du spectre de l'autisme et des troubles envahissants du développement. Cette évaluation, une fois réservée dans le Code des professions, va permettre au psychologue, lorsqu'il évalue un enfant, d'émettre une opinion clinique sur la présence de tels troubles, et d'initier un traitement non pharmacologique, et de référer l'enfant pour qu'il reçoive un tel traitement, donc le traitement intensif dont on parlait.

Enfin, il s'agit surtout de l'ajout d'un professionnel compétent, le psychologue, qui va, entre autres, sonner l'alarme et communiquer aux parents le résultat de son évaluation pour initier les traitements requis. C'est ça qui est important. Donc, que ce soit, comme vous dites, dans le réseau scolaire, ou dans le GESTRED, ou autres, c'est de pouvoir déclencher ce traitement intensif et là ce sera réservé aux psychologues. Je crois que c'est bien pour ça qu'on a l'Ordre des psychologues qui appuie ce projet de loi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres interventions? Ça va. Merci. Donc, du côté de l'opposition officielle, Mme la députée de Mirabel. Vous aimeriez déposer ce document-là?

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci. Oui, c'est pour le dépôt. Je voulais demander le dépôt.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme la députée de Mirabel.

Une voix: ...

Mme Weil: C'est des notes personnelles, là, mais...

Mme Beaudoin (Mirabel): Éventuellement, est-ce qu'on pourrait déposer...

Mme Weil: La transcription.

Mme Beaudoin (Mirabel): ...la transcription?

Mme Weil: Oui, tout à fait, tout à fait.

Mme Doyer: Ce que vous venez de nous dire, est-ce qu'on pourrait l'avoir écrit?

Mme Weil: Oui, oui, oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, Mme la députée de Mirabel. Oui. Mme Guerrera, allez-y.

Mme Guerrera (Diane): C'est parce qu'on aimerait l'entendre encore une autre fois pour être certains.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Tous les travaux sont enregistrés. Donc, en arrivant chez vous, vous pourrez regarder ça sur Internet le nombre de fois que vous voulez et vous pouvez aussi aller sur le site de l'Assemblée nationale où ces travaux-là sont diffusés, mais aussi tous les travaux sont aussi tapés. Vous allez retrouver dans les galées, je veux dire, un genre de procès-verbal, à peu près... pas à peu près, tout ce qui s'est dit de façon textuelle ici. Vous pouvez l'encadrer, faire ce que vous voulez avec. Puis je comprends votre plaisir de l'entendre. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, Mme Guerrera, Mme Moxness, Mme Lahaie, M. Lahaie, bienvenue, merci pour la présentation de votre mémoire. Alors, d'entrée, je voudrais simplement dire que ma formation politique est très sensibilisée à vos revendications. D'ailleurs, c'est ma collègue la députée de Matapédia qui a déposé la pétition de plusieurs milliers de personnes, et j'ai personnellement rencontré plusieurs représentants et représentantes d'ordres professionnels impliqués, là, dans ce problème et je comprends très bien que vous ne voulez pas de guerre intestine mais des solutions.

J'aurais une première question: Est-ce que vous êtes satisfaits de la proposition ou de l'amendement qui sera proposé par la ministre?

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Mirabel): Non, c'est une proposition ou... disons, par les propos de la ministre. Est-ce que vous êtes entièrement satisfaits de l'offre que la ministre a soulignée tantôt?

Mme Moxness (Katherine): J'aurais aimé l'entendre une deuxième fois, ça nous a pris un peu par surprise que vous nous lisiez un document, juste pour saisir l'importance. Mais certainement le fait que les enfants auraient accès au traitement plus rapidement en ayant une évaluation psychologique et que ce service ne soit pas de deux heures mais de 20 heures, c'est très satisfaisant.

Mme Beaudoin (Mirabel): Vous mentionnez dans votre mémoire qu'«en tant que [sociologue] travaillant au Québec, je fais partie d'une équipe multidisciplinaire qui évalue des enfants ayant un TSA». Est-ce que vous avez eu des pourparlers avec les représentants de l'Ordre des psychologues? Parce que ce qui est surprenant, c'est qu'il faut être conscient quand même que l'Ordre des psychologues ne demande pas ce que vous demandez, le fameux terme «diagnostic». Alors, je me demandais: Pourquoi aller aussi loin, alors que l'Ordre des psychologues ne demande pas ce que vous demandez?

Mme Moxness (Katherine): L'Ordre des psychologues et nous, on a rencontré à plusieurs reprises, et ils ne sont pas contre notre orientation. Ils sont en fait même aidants à dire qu'ils vont développer des guides, les lignes directrices de comment faire le diagnostic conforme avec les meilleures pratiques, donc ouvrir le champ à des psychologues, être formés à faire l'évaluation diagnostique psychologique d'un enfant TED. Donc, ils ne sont pas contre.

La raison dont j'ai compris pourquoi on n'est pas assis ensemble, c'est que la population TED représente tout petit comme population, et l'Ordre des psychologues dessert un nombre énorme de population. Donc, ils ont d'autres priorités actuellement que notre clientèle TED, et ça se comprend. Non, ce n'est pas... et je le dis mal, je suis anglophone. Je m'excuse. Mais c'est-à-dire qu'il faut prioriser vos priorités, et je comprends ça. Et ils nous soutiennent dans la démarche en proposant de faire des lignes directrices pour des psychologues, et ça, c'est très important comme démarche. Ils nous ont soutenus pour faire les lignes directrices sur la meilleure pratique pour les diagnostics DI, qui a amené une vaste amélioration au Québec. Et donc, s'ils débutent les démarches pour TED, ce serait très aidant.

Mme Beaudoin (Mirabel): Je vais laisser à ma collègue le soin de poser des questions puisque c'est un dossier qui la concerne beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, bienvenue à vous quatre, Mme Guerrera, Mme Moxness, M. Lahaie, Mme Lahaie. Je dois dire que j'ai été bien fière de déposer cette pétition en Chambre en pensant aux parents qui vivent des délais d'attente indus. Et, moi, je ne veux pas... loin de moi, M. le Président, d'en faire une guerre partisane, parce que c'est toujours délicat de faire une guerre sur le dos de parents qui vivent des problématiques telles que celle-là. Alors, moi, je ne suis pas intéressée à ça, sauf que je dois rappeler, M. le Président, que le gouvernement libéral, en 2003, en avait fait un engagement ferme et avait promis de réduire les listes d'attente. Et nous avions, nous, quand on a laissé le pouvoir, en 2003, fait justement un plan d'action, je crois que, Mme Moxness, vous y aviez participé.

Alors, disons-nous les vraies affaires aujourd'hui, parlons-nous franchement. Puis, moi, je dois dire qu'il y a une clé là-dedans, il y a une clé, et, si la ministre est en train de l'ouvrir, cette clé-là d'une porte qui est, je dirais, d'avoir une interaction poussée entre des professionnels qui vont faire en sorte d'avoir le plus vite possible le bon diagnostic... Ce qui n'est pas intéressant pour les parents, c'est d'être sur des listes d'attente, de vivre six mois, un an, un an et demi dans l'angoisse, et de ne pas savoir ce qu'a son enfant, et de voir venir l'âge préscolaire, de voir venir l'âge scolaire et de me dire: Qu'est-ce qui se passe avec mon enfant? Et il y a deux éléments, M. le Président, extrêmement importants dans ce dossier-là particulièrement, c'est l'intervention précoce que plusieurs enfants peuvent avoir, pour différentes raisons, et la clé d'accès pour l'intervention, l'ICI, comportementale intensive, qui...

Là, moi, ce que j'ai compris dans ce dossier-là, c'est la clé pour faire en sorte d'aller rechercher l'enfant autiste qui est en train de s'en aller, je dirais, dans son monde, à quelque part. Et, quand je dis: Disons-nous les vraies affaires, les enfants ne sont pas atteints dans la même gravité, dans la même intensité, hein? Parce que l'autre fois j'ai fait la marche avec les gens à Rimouski puis j'ai rencontré des parents, des enfants, puis il y en a qui m'ont dit qu'ils vivent des choses extrêmement difficiles puis il y en a d'autres que c'est un peu moins complexe. Alors, c'est de démêler tout ça, de faire en sorte que... Et, nous autres, on le sent, là, on le sent, Mme la ministre sûrement l'a senti aussi.

n(12 h 50)n

D'abord, j'aimerais ça, Mme la ministre, que vous les rencontriez, ils vous ont demandé une rencontre, peut-être pour peaufiner. Vous allez pouvoir leur redire trois fois, quatre fois, cinq fois ce que vous venez de leur dire.

Mme Weil: Avec le ministre de la Santé.

Mme Doyer: Oui, parce que c'est le ministre de la Santé. Et loin de nous, là... on n'en veut pas, de guerre entre les différentes corporations de professionnels, le Collège des médecins, l'Association des psychiatres et l'Ordre des psychologues, que j'ai rencontré hier. Et, des psychiatres, j'en ai dans... j'en connais, et il faut dire qu'il y a 1 100 psychiatres au Québec, il y a 96, je crois, pédopsychiatres, des psychologues.

Vous l'avez bien dit, Mme Moxness, que les psychologues ne pourront pas tous agir par rapport... Ça prend des équipes spécialisées, une interdisciplinarité, il faut.... C'est évident qu'un médecin va peut-être être en lien avec les parents, voir est-ce que l'enfant, oui ou non, devrait être référé à un psychiatre, hein, pour aller chercher ce fameux diagnostic, mais ce ne sont pas toutes les régions du Québec qui sont dotées de la même façon. Alors, moi, je pense que, si on commence à ouvrir une porte à quelque part, c'est déjà le début de la solution pour bon nombre de parents. Parce que vous dites: 600 à Montréal, mais combien d'autres dans toutes les régions du Québec pour des problématiques très intenses, très intensives? Et ici, là ? ensuite je vous laisse la parole, j'en ai beaucoup à dire sur ce sujet-là, il faut que je vous laisse parler: «Au fur et à mesure que les enfants autistes grandissent, ils devront affronter toute une gamme de problèmes s'ils ne reçoivent pas de traitement dès leur plus jeune âge. Dans leur étude menée en 2004, Weatherby et al. concluent: "Notre recherche démontre que les avantages sont plus grands si [...] on intervient avant l'âge de [deux ans] plutôt qu'après l'âge de cinq ans [et] qu'intervenir avant l'âge de trois ans pourrait être encore plus bénéfique." Ne pas intervenir se traduit par rater un créneau important, ce qui peut avoir des conséquences préjudiciables durables et permanentes.»

Et, moi, je veux vous dire que, le prix, on va le payer, les parents le paient déjà. Comme société, on va le payer parce que ces enfants-là vont arriver à l'âge scolaire, puis on va les perdre à quelque part. Et c'est ça qu'on veut éviter, les coûts familiaux, sociaux qui sont amenés par ça. Je vous laisse la parole.

Mme Guerrera (Diane): Vous l'avez très bien dit. Je pense qu'il n'y a plus rien à ajouter.

Une voix: On est d'accord avec vous.

Mme Lahaie (Carmen): Je voudrais juste profiter de l'occasion... Parce qu'on parle beaucoup des jeunes enfants, puis c'est bien important parce que le bassin d'augmentation vraiment est en bas de cinq ans, mais je pourrais vous dire que, tant qu'à parler de diagnostic, il faudrait regarder les diagnostics entre cinq ans... Là, on parle des plus petits, je suis bien contente qu'on donne accès à des traitements plus rapidement, mais le diagnostic entre cinq ans et plus est vraiment très, très, très problématique, et ce serait intéressant, là aussi, qu'on donne la permission aux psychologues d'être capables de faire un diagnostic, parce qu'il y a des listes d'attente incroyables et ça donnerait aussi une précision au niveau de l'orientation. Ce qui est intéressant, c'est la précision au niveau de l'orientation: Comment faire pour aider cet enfant-là? Parce qu'au niveau scolaire, des fois, il y en a qui échappent au diagnostic avant, puis ils sont détectés au niveau scolaire, ils n'ont pas reçu le bon diagnostic.

C'est un casse-tête pour avoir un diagnostic par après pour être capable de donner la cote puis les services adéquats.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme la députée.

Mme Doyer: M. le Président, j'aimerais que quelqu'un parmi vous m'explique bien. Parce que tantôt ce que la ministre a dit, M. le Président, c'est qu'une évaluation psychologique permettra d'enclencher le traitement intensif qu'on souhaite, ICI, là. Et expliquez-nous, là, par rapport... la confiance que vous avez par rapport à ça et mettez-moi ça en lien avec ce que le Dr Yves Lamontagne est venu nous dire, que le dossier pourrait se régler par une directive administrative. Mais, moi, pas très gentiment, en boutade, ça m'arrive d'être pas très gentille, mais je me suis dit...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est très rare, très rare.

Mme Doyer: ...je me suis dit, M. le Président: Si c'est si facile que ça, pourquoi on ne l'a pas fait avant? Je nous mets là-dedans, là, je mets tout le monde là-dedans. Quand ça a l'air si facile, pourquoi on ne l'a pas fait avant par une directive administrative? Et là expliquez-moi bien, là, si vous êtes rassurés, vous, avec ça, un changement.

Mme Moxness (Katherine): Si le changement est décrit comme c'est lu et que j'ai bien compris, oui, je suis rassurée que les familles vont avoir accès à une évaluation complète d'un psychologue à nos centres de réadaptation, pour le service ICI et non pas une stimulation précoce de deux heures, O.K.? Deux heures, ça ne répond aucunement aux besoins d'un enfant avec un TSA. Donc, le 20 heures, oui, on a la preuve. 40 heures, ce serait mieux, mais je ne pousse pas l'enveloppe, pour l'instant. Mais, oui, je suis rassurée.

Mme Doyer: Bon. Alors, on se rejoint. Oui, Mme Lahaie.

Mme Lahaie (Carmen): Moi, ce qui me rassure... Je suis très contente, là, mais on va regarder... c'est l'argent qu'à un moment donné il va falloir qu'on revienne faire beaucoup de revendications, parce qu'il va manquer de l'argent. Je tiens à le souligner.

Une voix: ...

Mme Lahaie (Carmen): Il en manque déjà. Alors, ça va être un... C'est sûr que donner des mandats puis de donner, c'est bien, mais il faut que les budgets suivent aussi. Je tiens juste à le mentionner.

Mme Doyer: ...M. le Président, si vous me permettez. Parce que, dans un article publié le 20 novembre 2008, là, bon, on dit: «Le plan d'action élaboré par le gouvernement péquiste en 2003 a été implanté.» Et, bon, on dit que «seuls les enfants de moins de cinq ans ont obtenu des services. Si votre enfant a plus de six ans, il n'y a plus de services. Certains parents se [font] dire: Vous pouvez vous mettre sur la liste d'attente, mais au bout, il n'y a rien.» Et on dit que «le plan d'action avait été conçu en fonction d'une prévalence de l'autisme beaucoup trop basse[...]. "Le plan prévoyait 23 cas pour 10 000, alors que les chiffres réels s'élèvent plutôt à 60 cas pour 10 000"[...]. Ces chiffres représentent près de 45 000 personnes au Québec.»

Donc, de quoi allons-nous avoir besoin par rapport à ces équipes dans les CRDI du Québec, CRDI-TED du Québec? De qui allons-nous avoir besoin comme spécialistes? Parce que, si on ouvre des portes, il faut qu'on ait les ressources, l'argent, hein? Puis reconnaissons qu'il y a eu 30 millions de mis, là. Mais ça me fait penser... L'analogie que je ferais, M. le Président, c'est avec la problématique de la maladie d'Alzheimer pour les aînés, hein? On a vu tout le dossier. Mais, vous, c'est par rapport à des enfants autistiques qui vont chercher... Comment vous voyez ça?

Mme Moxness (Katherine): Je peux parler pour notre centre, qui dessert quand même 25 % de la population TED en bas de l'âge de cinq ans, aux provinces. Donc, je représente un énorme chiffre: 200 enfants reçoivent 20 heures de services ICI à nos établissements Lisette-Dupras et l'Ouest de Montréal. On a créé une infrastructure qui est en mesure de répondre, en lien avec le Plan national de formation TED. Donc, on a assuré que nos intervenants suivent ces trois ans de formation, et les superviseurs aussi doivent suivre. Et on a réussi, à l'intérieur, au Québec, à rehausser, d'une façon importante, la compétence de nos intervenants à l'intérieur des CRDI.

Est-ce que... Si demain les portes s'ouvrent et que, les enfants, on reçoit un montant d'argent pour répondre à tous les besoins sur la liste d'attente, est-ce qu'on aura assez de monde? C'est sûr qu'on serait en manque, mais on pourrait s'organiser dans le réseau d'autisme pour assurer une compétence au niveau de la qualité des services. Qu'est-ce qui est inquiétant plutôt, c'est qu'on a investi beaucoup, comme Carmen a mentionné tantôt, en petite enfance, mais le 5-17, l'âge 5-17, reste en attente, et, moi, ça représente 75 % de ma liste d'attente actuelle et qui est au-delà de 200 enfants qui n'ont pas encore les prérequis nécessaires pour être autonomes comme adultes. Donc, ce n'est pas juste la petite enfance, c'est cinq à 17 et l'adulte qui a besoin beaucoup de soutien. Et c'est important.

Mme Doyer: Parce que, M. le Président, Mme Moxness nous amène aussi, bien sûr, le fait qu'on identifie la problématique qu'a l'enfant, et ensuite on met en jeu, on met en action des moyens pour lui venir, je dirais, en support avec sa famille. Et ensuite il est plus outillé, ils sont plus outillés pour entrer à l'école. Et à l'école il faut que l'intervention continue. J'imagine que c'est avec des orthopédagogues. Parlez-nous des professionnels qui sont impliqués dans toute cette suite d'interventions. Parce qu'on dit: Ça va prendre de l'argent, là, ça va prendre de l'argent. Et on va appuyer la ministre quand elle va être en étude de crédits pour aller chercher son argent. Et on sait que la situation économique du Québec n'est pas facile, mais je pense que, si on intervient par rapport à ces clientèles-là, on va en sauver, de l'argent, en quelque part comme société.

Mme Moxness (Katherine): Une équipe idéale...

Mme Doyer: Oui, dites-nous ça.

n(13 heures)n

Mme Moxness (Katherine): ...pour un enfant et familles avec un enfant autistique, ce serait un travailleur social compétent dédié à cette population, qui n'a pas nécessairement un «caseload» de l'ensemble de la population générale, parce que ça exige une expertise de comment soutenir une famille tout le long de cette démarche. C'est très important, ce volet-là.

Ensuite, ça prend quand même un psychoéducateur formé dans le domaine TED, un psychologue formé dans le domaine TED, des orthophonistes, des ergothérapeutes, des médecins, des psychiatres, des infirmières, une équipe complète de professionnels pour soutenir l'ensemble, des éducateurs spécialisés. Ça prend aussi... Je ne pense pas que j'ai oublié une profession, là, mais il me semble que ça prend l'ensemble.

Une voix: ...

Mme Moxness (Katherine): L'orthophonie. L'orthophonie qui est en... Oui, mais je n'en parle pas parce que... Bon.

Mme Doyer: M. Lahaie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Mme Doyer: Oh! Excusez, j'oublie que ce n'est pas moi, la présidente. Pardon.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): J'accepte de l'aide de partout, mais j'ai votre collègue aussi qui veut intervenir. Vous allez vous arranger ensemble? Oui, M. Lahaie, allez-y.

M. Lahaie (Guillaume): Oui. Bien, pendant qu'on parlait justement de budget, je pense que c'est important aussi de mentionner le fait que les budgets sont toujours prévus par rapport à des taux de prévalence. On n'a vraiment aucune idée du nombre de personnes à desservir, je parle ici d'enfants, adolescents et adultes, donc on est toujours... Bien, on a à peu près tant de personnes qu'on pense qui devraient recevoir le service, et donc on va prévoir le budget de cette façon-là. Je pense que ce serait important de prévoir un mécanisme pour avoir une meilleure idée de comment, du nombre de personnes vraiment à desservir.

Nous, on est très inquiets par rapport à l'augmentation importante au niveau de l'autisme. Comme le disait Mme Doyer, en 2003, le plan d'action a été fait par rapport à un taux de prévalence de 23 sur 10 000. Dans les dernières années, on est montés de 60 à 70 sur 10 000. Ici, on parle plus de un sur 166, à peu près. Les dernières données que, nous, on a, qui commencent à sortir: en 2009, à Montréal, on parlait de un sur 84 au niveau scolaire et, même en Angleterre, sur des... on parle de un sur 66, un enfant sur 66. Donc, d'un côté, il y a tout l'aspect du budget, comment desservir tous ces enfants-là, mais aussi je pense qu'il faut s'inquiéter du fait qu'il y a 20 ans, 25 ans l'autisme était à peu près inconnu et que maintenant, bien, ça déborde un peu partout. Et, juste pour revenir, dans les chiffres qu'on connaît, dans les statistiques qu'on connaît, les seules qui sont vraiment précises, c'est au niveau du ministère de l'Éducation. Et j'ai regardé les chiffres la semaine dernière en partant de 2002-2003. L'année scolaire 2002-2003 à 2006-2007, on est passés de 2 400 étudiants qui avaient la cote 50, donc la cote trouble envahissant du développement, à plus de 5 000.

Donc ça, c'est dans une période très, très courte, et je pense qu'il faut s'inquiéter de ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Moi, j'ai votre collègue qui voudrait intervenir. Allez-y, Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Ma question sera brève, et je présume de la réponse. Est-ce que vous acceptez la proposition de Mme la ministre pour fixer une rencontre, et elle sera accompagnée du ministre de la Santé, dans un délai que je présume court et, si possible, avant la fin de la session?

Mme Doyer: Et vous pouvez nous inviter, on va y aller avec plaisir.

Mme Beaudoin (Mirabel): Avec plaisir? D'accord.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On me dit que oui. Donc, sur ces bons mots, je vous remercie pour votre présence, qui a été fort intéressante.

Et nous allons donc suspendre les travaux quelques instants. Non, que dis-je, pas quelques instants. Mais, compte tenu de l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Vous pouvez laisser votre matériel ici compte tenu que nous allons occuper cette salle dans l'après-midi. Merci, et bon appétit à tous et toutes.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

 

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, avant même de vous rappeler le mandat de cette commission, je vais souhaiter la bienvenue à notre public qui nous suit religieusement depuis le début de ces auditions. Donc, rebienvenue chez nous.

Bienvenue aussi à l'Association des médecins psychiatres du Québec. Vous savez que vous êtes à votre commission et vous êtes les bienvenus à cette commission. C'est un privilège pour nous de vous entendre. Je sais que nous allons partager beaucoup de votre expertise, et ça, c'est important pour nous. Messieurs, du côté de l'opposition... mesdames et monsieur du côté de l'opposition, bienvenue, rebonjour à cette commission. Et, du côté de mes collègues aussi de l'Assemblée nationale, bienvenue. J'espère que le dîner a été profitable pour vous, Mme la ministre, et leurs collaborateurs.

Donc, je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des médecins psychiatres du Québec. Je vais vous rappeler... Les règles ne sont pas compliquées. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et il y aura, de part et d'autre, des questions pour éclaircir, d'éventuelles questions qui pourraient se poser auprès de nos collègues. Et c'est 25 minutes du côté de l'opposition, 25 minutes aussi du côté des collègues ministériels.

Donc, sans plus tarder, messieurs mesdames, pour le bénéfice de tous, je vais vous demander de vous présenter.

Association des médecins
psychiatres du Québec (AMPQ)

Mme Plante (Marie A.): Si vous permettez, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, je vais faire les présentations pour mes collègues.

Il y a le Dr Brian Bexton, qui est président de l'association des psychiatres, qui est psychiatre à l'Hôpital Sacré-Coeur, qui est également professeur de clinique du Département de psychiatrie de l'Université de Montréal, vice-président du conseil d'administration de l'organisme Revivre, et psychanalyste; Dr Laurent Mottron, qui est psychiatre à l'Hôpital Rivière-des-Prairies, professeur titulaire du Département de psychiatrie de l'Université de Montréal, chercheur national du Fonds de recherche de la santé du Québec, titulaire de la Chaire de recherche en neurosciences cognitives, de l'autisme, de l'Université de Montréal, directeur scientifique du Centre d'excellence en troubles envahissants du développement de l'Université de Montréal; moi-même, Dre Marie Plante, vice-présidente par intérim et secrétaire de l'association des psychiatres, présidente du comité de pédopsychiatrie, pédopsychiatre ici, à Québec, au Centre de pédo du CHUQ, et également psychiatre itinérante... ou pédopsychiatre itinérante à Baie-Comeau, chargée de l'enseignement à l'Université Laval, et autrefois chef du Service des programmes de santé mentale au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Pourquoi une telle présentation des titres? Tout simplement pour vous dire que notre association a bien sûr un rôle syndical, mais c'est avant tout une association de tous les psychiatres du Québec, environ 1 100 psychiatres, des médecins psychiatres qui, comme nous, sont des médecins, des cliniciens, des chercheurs, des administrateurs qui partagent un intérêt, pour ne pas dire une passion pour une clientèle et pour des maladies encore bien souvent stigmatisées dans notre société. Ces médecins psychiatres ont donné à leur association un mandat syndical mais, au-delà de ça, un mandat social de défendre et de faire reconnaître les besoins des personnes souffrant de maladie mentale, et c'est à ce titre que nous intervenons aujourd'hui et c'était pour cela que nous voulions nous faire entendre.

Donc, j'en viens à la loi. Il y a un premier volet du projet de loi qu'on élaborera moindrement mais qui est très important, c'est tout le volet de la psychothérapie, mais pour lequel notre association est entièrement en accord et très heureuse de tout l'encadrement légal qui est apporté à la psychothérapie et à l'obtention du permis de psychothérapeute. Donc, c'est un consensus sur tous les articles et tout l'encadrement légal. Et on considère que c'est un outil majeur de ce projet de loi et que cela va vraiment dans le sens de la protection de la santé publique et de la protection d'une clientèle vulnérable.

Il y a un seul point qu'on voulait souligner pour le bonifier, c'est au niveau du conseil consultatif interdisciplinaire, au niveau de sa composition. Parce que ce conseil aura un rôle essentiel, on considère qu'il est de prime importance que sa composition lui confère crédibilité et autorité, et on recommande qu'au moins un des deux médecins siégeant au conseil consultatif interdisciplinaire soit un médecin psychiatre qui, comme tous les membres de ce conseil, devra avoir une expertise en psychothérapie.

M. Bexton (Brian G.): Juste un mot ici. Je sais que le collège vous a présenté une réponse à ça en disant que ce n'était pas nécessaire d'indiquer ça dans la loi, mais les psychiatres sont des personnes qui traitent le plus la maladie mentale, et nous ne voyons pas pourquoi ça ne pourrait pas être nommé. Pourquoi ne pas... deux psychiatres? Parce qu'on pense que nos confrères médecins généralistes, médecins de la famille voient beaucoup de personnes avec des maladies aussi, qui devraient être représentées aussi. Donc, un médecin généraliste et puis un médecin psychiatre, ça pourrait être nommé.

Mme Plante (Marie A.): Et, de la même manière, on pense que, si... Dr Lamontagne disait: Bien, c'est évident. Mais, si c'est un autre président du collège un jour, bien, quand c'est écrit dans la loi, ça devient beaucoup plus clair et facile à suivre. Donc, on n'élaborera pas plus sur ce volet.

L'autre volet du projet de loi, ça concerne toute la mise à jour des champs d'exercice professionnels ainsi que les activités professionnelles pour lesquelles existe une réserve d'activité en raison du risque de préjudice.

Pour l'association, il y a là un point particulièrement litigieux dans le projet de loi, et ça concerne le libellé d'une activité réservée partagée, «évaluer les troubles mentaux», qui est introduite par les articles 5 et 14. Le libellé «évaluer les troubles mentaux» pourrait être confondu avec l'activité réservée aux médecins de diagnostiquer les troubles mentaux. Or, les troubles mentaux sont des maladies au même titre que les maladies physiques. Le Code des professions limite les activités réservées au champ d'exercice professionnel, mais les articles 5 et 14 introduisent le libellé «évaluer les troubles mentaux» sans autre précision. Pourtant, toutes les autres activités réservées qui sont énumérées pour les différentes professions ont un libellé qui se dit «évaluer une personne dans le cadre de» ou alors est exprimé en «évaluer un enfant dans le but de» ou alors il y a un qualificatif: faire une évaluation «psychosociale».

Donc, c'est toujours qualifié d'une certaine façon, sauf dans le cas d'«évaluer les troubles mentaux». On croit donc qu'il y a un risque de confusion à ce niveau-là avec «diagnostiquer les troubles mentaux», du fait que ce n'est pas défini, que ce n'est pas limité et que c'est non spécifique.

Or, évaluer les troubles mentaux, c'est une tâche complexe qui ne se limite pas à faire un diagnostic positif dans le sens de: Il y a cinq, par exemple, symptômes sur les huit, donc c'est présent. Ça ne se limite pas à ça, à identifier une liste de symptômes qui correspondent à un diagnostic du DSM, ça consiste à faire un diagnostic différentiel, et ça, c'est la notion importante: le diagnostic différentiel, quand les signes observés peuvent entrer dans plusieurs syndromes distincts et à se prononcer sur leur cause lorsque les mêmes signes peuvent être produits par une maladie physique ou une substance. C'est un diagnostic d'inclusion et d'exclusion de symptômes physiques et mentaux qui implique des connaissances et des compétences médicales en plus des connaissances sur le fonctionnement psychologique et social de la personne évaluée.

n(15 h 10)n

La compétence des psychologues, des infirmières, infirmiers et des conseillers d'orientation dans leurs champs d'exercice professionnels n'est pas en cause. Toutefois, quand ces professionnels évaluent des troubles mentaux, il y a un risque de préjudice certain puisqu'ils n'ont pas la compétence pour identifier les affections médicales qui font partie du diagnostic différentiel des troubles mentaux. De plus, leur formation en psychopathologie est insuffisante pour qu'ils fassent un diagnostic différentiel entre des affections psychiatriques produisant des signes qui se ressemblent.

Dans des conditions comme l'autisme, par exemple, nous pensons que l'ignorance du diagnostic différentiel psychiatrique et neurologique aboutirait à de graves préjudices tant au niveau individuel qu'au niveau de la santé publique. Les médecins psychiatres ont cinq années de formation en médecine axée sur l'évaluation, le diagnostic différentiel et le traitement des maladies physiques et mentales, suivies de cinq années de formation spécialisée sur l'évaluation, le diagnostic différentiel et le traitement des maladies mentales. La compétence est évidente. Nous croyons que les autres professionnels n'ont pas une formation de cette nature ni de cette ampleur. Nous avons toute une série de situations d'erreurs diagnostiques faites de bonne foi pour illustrer l'importance du diagnostic différentiel médical.

Il est évident pour nous que «troubles mentaux» implique deux concepts: celui du diagnostic et celui de maladie mentale.

M. Bexton (Brian G.): Alors, ici, il y a deux points qui nous inquiètent. Premièrement, le mot «évaluer» est très proche du mot «diagnostic». Alors, un médecin spécialiste doit évaluer quelqu'un en fonction d'un diagnostic. Et, deuxièmement, quand on dit les mots «trouble mental», «trouble mental», dans la littérature, ça veut dire «maladie mentale». Donc, on est très proche, «évaluer trouble mental» est très proche de «diagnostiquer une maladie mentale». Il faut différencier aussi les problèmes de santé mentale, qui est très à la mode, des problèmes de maladie mentale. Et ça, c'est notre inquiétude ici.

Mme Plante (Marie A.): Donc, c'est pourquoi, pour nous, le projet de loi aurait avantage à mieux définir les activités réservées dans le cadre du champ d'exercice professionnel, c'est-à-dire dans le cadre des compétences professionnelles.

Le projet de loi introduit une notion confondante dans la nouvelle définition du champ d'exercice professionnel des psychologues, qui est définie comme «le fonctionnement psychologique et mental», alors que le champ d'exercice actuel des psychologues est en termes du fonctionnement psychologique et neuropsychologique. Le champ d'exercice professionnel des psychologues serait, selon nous, plus clairement défini s'il était conforme à la réalité, tel que reconnu d'ailleurs par leur code de déontologie adopté en 2008 qui spécifie «diagnostic psychologique» et non pas «mental». C'est pourquoi notre deuxième recommandation, donc c'est de supprimer simplement le «et mental» après «évaluer le fonctionnement psychologique» dans la définition du champ d'exercice professionnel.

Ensuite, quand on arrive au libellé de l'activité réservée à chacune des professions, on refait le même exercice, et notre troisième recommandation est de remplacer le terme «évaluer les troubles mentaux» dans le cas des psychologues par «évaluer le fonctionnement psychologique de la personne» ou «d'une personne». Même chose pour les conseillers d'orientation. Tandis que, pour les infirmiers et infirmières, compte tenu qu'une des activités réservées de la loi des infirmiers et des infirmières se lit déjà comme étant «évaluer la condition physique et mentale d'une personne symptomatique», nous croyons qu'«évaluer les troubles mentaux», ça n'ajoute rien, c'est de la redite et que ça amène tout simplement de la confusion. C'est pourquoi notre quatrième recommandation était tout simplement de supprimer cette activité réservée, puisqu'il duplique la première.

On croit qu'ainsi l'interdisciplinarité qui est recherchée par le projet de loi et par la réforme des services de santé ne pourrait qu'être plus fonctionnelle si les rôles et les fonctions sont clairement définis.

Lorsqu'un trouble mental est soupçonné, la personne doit être évaluée par un médecin pour qu'un diagnostic différentiel médical vienne conclure à la présence ou non d'une maladie physique ou mentale. Cette ouverture, pour ne pas dire cette honnêteté professionnelle doit prévaloir pour que le bien-être de cette clientèle, qui est malheureusement, souvent, mal servie dans notre système de services publics, soit mieux garanti. Dans le cas d'un enfant ou d'un adolescent, cette investigation est d'autant requise que le développement implique des facteurs génétiques, métaboliques, endocriniens et neurologiques en plus des facteurs psychosociaux.

Pour ce qui est de la problématique des délais d'attente des enfants avec un retard ou un trouble envahissant du développement, notre association croit que l'extension du diagnostic d'autisme aux psychologues aura pour effet de multiplier les faux positifs en termes de diagnostic d'autisme ou de troubles envahissants et donc d'engorger encore plus les centres de réadaptation. Dr Mottron pourra répondre à toutes vos questions sur ces problèmes d'autisme et de TED et vous expliquer plus amplement la problématique actuelle des services à cette clientèle. Actuellement, à l'évidence, là, il y a un consensus toutefois sur le fait que ce dont un enfant suspecté de troubles du développement a besoin, c'est de stimulation précoce, et cette stimulation, elle devrait être offerte sur la base d'évaluation des fonctions adaptatives de cet enfant. On évalue son développement, son fonctionnement et, sur la base des déficits de son fonctionnement, de son développement, on offre les services de stimulation.

Et ces évaluations-là sont de la compétence des psychologues et des autres professionnels comme les orthophonistes, les ergothérapeutes, et ça n'a pas besoin d'être offert sur la base d'un diagnostic final d'autisme ou de TED.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi de vous interrompre, Mme Plante. Est-ce que vous avez besoin de beaucoup de temps pour compléter la présentation de votre mémoire ou...

Mme Plante (Marie A.): Besoin encore de deux, trois minutes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce qu'il y a consentement pour que... Oui. Allez-y, Mme Plante.

Mme Plante (Marie A.): Je vous remercie. Par contre, il est impératif que, même si ces enfants-là sont référés à la stimulation précoce, qu'ils soient évalués et référés à des médecins pour qu'ils soient évalués du point de vue médical. Ça n'a pas besoin d'être à des psychiatres. Des médecins, des pédiatres peuvent faire l'évaluation médicale requise pour voir quelle est la cause de ce problème de fonctionnement et ultimement... peuvent être référés en psychiatrie et en pédopsychiatrie. Et on sait que les diagnostics d'autisme et de TED seront beaucoup plus fiables lorsque l'enfant sera rendu aux alentours de quatre ans que si on pose ce diagnostic-là à deux ans. Dr Mottron pourra élaborer là-dessus.

Le projet de loi prévoit par ailleurs une activité réservée: évaluation d'un enfant d'âge préscolaire, qui va tout à fait dans ce sens de l'évaluer pour prévoir un programme de réadaptation. Donc, si cette évaluation-là permet l'accès aux services, le but est atteint, et il n'y a pas besoin que les psychologues prennent le risque d'une évaluation diagnostique à ce moment-là. De la même manière, le projet de loi prévoit aussi une activité réservée pour les jeunes d'âge scolaire pour prévoir un plan, la détermination d'un plan d'intervention pour un enfant qui est en difficulté au niveau scolaire, et ça aussi, c'est bien que ça n'ait pas nécessairement besoin, comme c'est le cas maintenant, de l'approbation du pédopsychiatre ou du diagnostic du pédopsychiatre, mais que ça se fasse sur la base d'une évaluation fonctionnelle des besoins de l'enfant pour des fins d'intervention en milieu scolaire.

Avant de conclure, nous tenons à rappeler que la psychiatrie a été l'une des premières spécialités médicales à travailler en équipe multidisciplinaire, et que nous apprécions le travail compétent de nos collègues psychologues, infirmières, infirmiers, travailleurs sociaux et autres professionnels, et que, sans eux, les personnes souffrant de troubles mentaux ne sont pas aussi bien traitées. Leur compétence est évidente pour des évaluations complémentaires et pour le suivi et pour la thérapie. Leur pénurie actuelle dans les services de psychiatrie et de pédopsychiatrie se fait lourdement sentir. C'est une raison de plus qui nous fait croire qu'il est préjudiciable de leur reconnaître une activité pour laquelle ils n'ont pas la compétence, soit celle d'évaluer et de diagnostiquer les troubles mentaux, alors que leur compétence dans le traitement des troubles mentaux et dans des évaluations complémentaires est tellement requise.

En conclusion, le projet de loi n° 21 est un bon projet de loi, en particulier en regard du contrôle de qualité pour l'obtention d'un permis de psychothérapeute, mais il doit être bonifié en regard de l'évaluation des troubles mentaux qui doit demeurer de l'ordre du diagnostic différentiel médical. Les quelques changements au projet de loi que nous proposons permettraient une meilleure protection de la santé publique et une meilleure qualité des services aux personnes, enfants et adultes, souffrant de problèmes de santé mentale et de maladie mentale. Ainsi, l'accessibilité compétente aux services serait mieux garantie. L'association et l'ensemble des psychiatres du Québec pourraient alors se réjouir, pour les patients, enfants et adultes, pour leurs familles et pour toute la population québécoise, de l'adoption de cette loi.

Nous vous remercions en leur nom pour votre travail et pour votre réflexion.

n(15 h 20)n

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est nous qui vous remercions, Mme Plante. Donc, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme Weil: Merci beaucoup. Bienvenue ici aujourd'hui. On apprécie beaucoup votre présence et l'occasion que ça nous donne de vous rencontrer puis d'échanger. On n'a pas souvent l'occasion d'échanger avec des psychiatres pour comprendre un peu votre action dans ce domaine évidemment extrêmement important pour tout un segment de la population.

D'entrée de jeu, je vous dirais que votre recommandation 1 est très bien reçue, alors on en prend très bonne note. Je pense que vous avez entendu Dr Lamontagne l'autre soir et ses commentaires. Alors, évidemment, c'est très bien reçu. Donc, on aura l'occasion de regarder cette recommandation et de donner suite à ça.

Peut-être, avant de rentrer dans des questions précises, juste comprendre peut-être votre vision ou nous dire, nous expliquer comment vous travaillez en interdisciplinarité. On en a beaucoup parlé un peu ce matin, que ça prend des équipes finalement de professionnels souvent autour d'une personne aux prises avec des troubles mentaux, etc. Et peut-être ensuite vous entendre, on a beaucoup parlé des enfants qui souffrent de TED, comment, vous, vous intervenez auprès de ces enfants-là, les listes d'attente que vous avez, vraiment pratico-pratique, votre diagnostic de la situation par rapport au réseau et la prise en charge de ces enfants, comment vous référez ces enfants, comment ces enfants vous arrivent, puis soit la lenteur ou la rapidité du système et de la prise en charge. Et ensuite, finalement, j'ai plusieurs questions, on a beaucoup parlé de, oui, prise en charge précoce dans un premier temps, mais que finalement ce que les parents demandent, ce que beaucoup de gens demandent, c'est le traitement intensif de 20 heures et plus par semaine.

Donc, juste vous écouter un peu sur ces questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Dr Bexton.

M. Bexton (Brian G.): Puis je vais dire un petit mot en ajout avant de passer la parole à la pédopsychiatrie. Ça fait environ 40 ans que nous travaillons en équipe en psychiatrie de secteur du communautaire, ça a commencé en l'année soixante-dix, donc on a une longue histoire, une longue habitude de travailler ainsi avec des psychologues, infirmières, travailleurs sociaux. Et c'est une partie importante de notre travail, nous allons évaluer les personnes. Et dans les cliniques, aujourd'hui, aussi le psychiatre va faire l'évaluation, le diagnostic différentiel. Et ça, c'est important de voir de quelle maladie il s'agit. Ensuite, quand nous avons déterminé la maladie et le traitement approprié, on va référer à une autre personne, comme les psychologues ou l'infirmière spécialisée, pour un traitement continu.

Maintenant, juste un petit mot sur le diagnostic différentiel et l'accessibilité. Si je vois, et ça m'arrive de voir... une personne qui souffre de psychose ou de dépression et j'ai soupçonné, par exemple, une tumeur du cerveau, donc ça, c'est dans l'axe I, premier diagnostic, ce n'est pas l'axe III. Tout de suite, il faut déterminer: Est-ce que la psychose est déterminée par une tumeur du cerveau ou par une schizophrénie, par exemple? Alors, je vais référer, dans ce cas-là, à un radiologue pour un scan du cerveau. Maintenant, si le radiologue n'est pas disponible et s'il n'y a pas de scan possible, je dois attendre, mais je dois garder ça comme un diagnostic différentiel et je ne conclus pas de façon finale à mon diagnostic. Alors, un adulte, ça fonctionne un peu de ce type-là.

Je vais passer la parole au Dr Plante pour discuter un peu plus en pédopsychiatrie.

Mme Plante (Marie A.): En pédopsychiatrie, on travaille en équipe aussi depuis toujours, je dirais; malheureusement, de moins en moins, parce qu'il y a des coupures dans les services.

Maintenant, si je pense à la réforme actuelle, une partie de nos ressources ont été transférées en première ligne, et donc on travaille moins en équipe rapprochée, on se trouve à travailler en équipe éloignée. Et donc il y a une partie de l'évaluation qui se fait dans la première ligne, qui nous est ensuite référée. On reçoit un dossier. On voit l'enfant avec un dossier qui a été déjà évalué en première ligne et puis on poursuit notre évaluation, et, selon le degré de besoin, soit il y a des professionnels de nos équipes de pédopsychiatrie qui vont travailler avec nous soit à compléter l'évaluation de cet enfant-là ou soit dans son traitement ou alors on pense qu'il n'a pas besoin de ces services spécialisés et on va demander que ce soit quelqu'un, un psychologue, un travailleur social de la première ligne, qui le fasse.

Actuellement, donc, on peut aussi arriver à travailler en équipe interétablissements et pas juste en équipe interne dans un établissement, mais ça se fait pratiquement toujours. On essaie que le médecin, le psychiatre s'en tienne aux actes pour lesquels il est le seul à être habilité à faire et qu'à ce moment-là les thérapies soient faites par les autres. Donc ça, ça se fait tout le temps.

Pour ce qui est plus spécifiquement pour les enfants autistes et TED, je vais demander à Dr Mottron d'y répondre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Dr Mottron.

M. Mottron (Laurent): Bien, la question que vous posiez était très large. Est-ce que vous voulez que je vous parle des services pour les 0-5 ans ou des services après cinq ans ou...

Une voix: ...

M. Mottron (Laurent): Bon. Alors, je vais probablement vous surprendre par rapport à ce qui a été dit ce matin.

J'ai été très frappé de voir qu'un consensus... ce qui a été présenté comme un consensus, c'est l'affaire des 25 heures et l'affaire que «le plus, le mieux; le plus tôt, le mieux». Alors, je suis chercheur, je suis clinicien et j'ai le regret de vous dire qu'il n'existe actuellement aucune donnée scientifique probante indiquant que plus d'heures amènent à plus de qualité de vie ou une cognition supérieure quand on arrive à l'âge adulte. Il n'existe également aucune donnée scientifique probante démontrant hors de tout doute que le plus tôt était le mieux. Même si vous n'êtes pas pédopsychiatre, vous avez sûrement entendu parler de Sir Michael Rutter, qui est comme la voix mondiale en pédopsychiatrie et que je cite, donc: Il n'existe aucune donnée disant que... le plus tôt, le mieux ou le plus, le mieux. Alors, quand je vois tout un système qui, avec, je pense, beaucoup de sincérité, essaie de se plier pour trouver des ressources pour un type de thérapie qui est choisie de façon tout à fait arbitraire parmi d'autres, dont le rapport coût-bénéfice est terrible, qui, selon les méta-analyses qui le décrivent, a ou bien aucune supériorité d'effet par rapport à des thérapies ordinaires ou, disons, à la moyenne de tout ce qui est fait autre, je suis quand même tout à fait inquiet parce qu'à mon sens les délais pour l'intervention précoce sont de deux ordres. Le premier, c'est le verrou, disons, médico-administratif qui va sauter à l'occasion de cette commission, et ça, tout le monde s'en réjouit.

La deuxième raison pour laquelle les enfants n'ont pas d'intervention précoce, c'est précisément le choix qui a été fait, en 2003, sur une base tout à fait insuffisante, avec une absence d'experts, décidant que l'intervention comportementale intensive était la panacée universelle. Et la désinformation, qui a été faite, de convaincre les familles que plus le médicament est amer, plus il est efficace et que donc... et de convaincre un gouvernement que plus on fait d'efforts financiers, forcément mieux ça va être a été tout à fait désastreuse dans le fait de consumer la totalité des ressources. Si vous prenez toute la littérature sur l'intervention comportementale intensive, elle se divise en un petit nombre de gens qui sont véritablement des militants, nous en avons entendu ce matin, en d'autres qui vont vous parler d'effets extrêmement faibles, en des scientifiques prudents qui vous disent qu'il n'existe aucune donnée actuellement probante, il n'y a pas de «randomized controlled trial», comme on dit, suffisamment bien fait pour dire que ces choses-là marchent, en tout cas marchent dans une magnitude justifiant les sacrifices qu'on fait pour elle.

Alors, dans l'état actuel des connaissances, il me semble beaucoup plus prudent, avec l'enveloppe fermée, avec les ressources qui sont actuellement disponibles dans les CRDI, au moins d'avoir un éventail de pratiques plutôt qu'un choix quasiment gouvernemental, comme il a été fait en 2003, en faveur de l'intervention comportementale intensive.

J'ai fait distribuer un papier qui est dans le meilleur journal psychiatrique, un papier d'Aldred sur des thérapies d'inspiration d'aide à la communication entre parents et enfants. Quand on est le parent d'un enfant autiste, on ne comprend pas ce qu'il veut dire, il ne comprend pas ce qu'on veut dire, et, pour six mois, à raison de trois heures par semaine, on avait des améliorations de la même magnitude que l'intervention comportementale intensive extrêmement coûteuse. Alors, j'ai été très frappé que, ça, il n'en était pas question ce matin.

n(15 h 30)n

Pour être tout à fait franc, le gouvernement du Québec n'est pas le seul qui a pris cette décision-là. Le gouvernement de l'Ontario a commandé une analyse de toute la littérature sur l'intervention comportementale intensive. Ils ont conclu qu'il n'y avait pas de donnée et que les quelques données étaient de très mauvaise qualité. De façon très surprenante, le gouvernement de l'Ontario a dit: On va le faire quand même. Autrement dit, la science n'a apparemment aucun droit de cité là-dedans. Pourquoi? Parce qu'il semble que l'on n'ose pas dire aux parents quelque chose qui leur ferait de la peine. On n'ose pas dire aux parents le niveau effectif d'amélioration, selon les critères de parents, produit par ces thérapies.

Je pense que je me devais de vous dire ça parce que cette dimension était totalement absente de ce que j'ai entendu ce matin. Avez-vous d'autres questions?

Mme Weil: Donc, vous avez un enfant, vous voyez un enfant.

M. Mottron (Laurent): Oui.

Mme Weil: Qu'est-ce que... Vous, ensuite, vous référez cet enfant, dépendant du diagnostic.

M. Mottron (Laurent): Alors, pour un 0-5 ans, l'enfant est référé au CRDI. Il est mis, à ce moment-là, sur une liste d'attente qui est en général, à peu près, plus ou moins de la même longueur, si vous voulez, que celle avec laquelle il a attendu le médecin. Et là le CRDI, selon ses ressources, selon des choix qui leur sont propres, décide de lui donner, disons, le maximum d'heures qu'il est capable de lui donner. Parce que, dans la façon dont tout est présenté en ce moment, tout le monde raisonne avec l'idée que le plus d'heures, le mieux. Le choix de la technique n'est même pas considéré. Il y a une espèce de dogmatisme dans ce domaine, un dogmatisme qui est incroyablement coûteux. Imaginez-vous, un médicament pour lequel, en l'absence de «randomized controlled trial», on aurait accepté de dépenser jusqu'à 40 000 $ par année et par enfant, d'autant qu'on le fait toujours avec une très, très grande bonne foi, puisque, vous, en tant que législateur, vous vous dites: Je vais faire le mieux que je peux, je vais donner le plus que je peux parce que, c'est comme naturel, hein, plus c'est amer, plus ça va être efficace. Mais ce n'est pas ce que disent les données.

Mme Weil: Donc, vous, vous référez l'enfant au centre...

M. Mottron (Laurent): De réadaptation.

Mme Weil: ...de réadaptation, et c'est au centre de, dépendant... Le diagnostic ne fera pas de modulation sur...

M. Mottron (Laurent): Alors, c'est l'autre point: Quelle est la place du diagnostic dans le type de services donnés? Alors ça, il me semble que c'est un point qui est un petit peu difficile à expliquer. Je vous demande de me laisser au moins une minute pour le faire.

Le diagnostic posé précocement entre deux et quatre ans est très, très instable. Il y a à peu près 65 % des diagnostics d'autisme posés à deux ans qui sont encore vrais à quatre ans ou à cinq ans. Ça veut dire que, si on se fie à la positivité, aux critères d'autisme à deux ans, on va, un, surinclure énormément d'enfants, en gros tous les troubles neurogénétiques se trouvent comme automatiquement positifs aux échelles diagnostiques, O.K., et on va risquer de se tromper, non pas comme le suggérait le Dr Lamontagne en disant: Il peut y avoir quelques erreurs, ce n'est pas trop grave; dans presque la moitié des cas, ce seront en fait des troubles de communication. C'est pourquoi il est important... Le mot «évaluation», moi, me semble très clair. Évaluation, c'est évaluer le niveau de performance de l'enfant dans chacune des aires de sa cognition, de sa motricité et de son langage. Quand un enfant présente un retard de développement, il doit, sans délai et sans besoin d'un diagnostic, tout simplement parce qu'on ne peut pas le poser en général à cet âge-là, recevoir une intervention orthophonique, psychologique, ergothérapique tout de suite. Le diagnostic n'a pas grand-chose à voir avec ça.

Il faut savoir que l'autisme entre zéro et trois ans, c'est avant tout un problème de communication. Donc, les interventions qui... Parce que, dans le monde entier, tout le monde dit à peu près les mêmes choses que ce que je raconte, malgré tout, tout le monde est effrayé du prix de l'ABA ou de l'ICI et de son faible rapport qualité-prix, les gens s'orientent vers des aides à la communication précoce impliquant les parents dans lesquelles les parents sont les moteurs, si vous voulez, d'adapter leur communication à la façon très particulière qu'un enfant autiste a de communiquer.

Mme Weil: L'évaluation du psychologue, ce qu'ils font déjà, est-ce qu'elle contribue? On avait parlé, vous avez parlé tantôt de diagnostic différentiel. Est-ce que...

M. Mottron (Laurent): Il y a une ambiguïté sur le mot «évaluation», là, parce que les outils que les... Le diagnostic, actuellement, d'autisme, les signes...

Mme Weil: Je parle généralement, là, pour les troubles mentaux, parce que vous êtes inquiets de cette évaluation du psychologue pour les troubles mentaux, dans la loi. Je parle généralement.

M. Mottron (Laurent): O.K.

Mme Weil: Généralement. Et tantôt vous parliez de diagnostic différentiel. Mais actuellement les psychologues font ces évaluations. Est-ce que ça contribue, lorsqu'ils vous réfèrent des patients, à ce que vous puissiez faire ce genre de diagnostic différentiel? Parce que vous travaillez en interdisciplinarité avec des psychologues.

M. Mottron (Laurent): Bien, actuellement, le rôle des psychologues dans nos équipes multidisciplinaires, il est double. D'une part, ils peuvent passer les échelles diagnostiques, effectivement ce qu'on appelle l'ADOS et l'ADI, les échelles diagnostiques par lesquelles on fait le diagnostic d'autisme, mais il faut également une évaluation psychologique cognitive qui, à côté de l'évaluation orthophonique et ergothérapique, nous donne un profil de compétence de l'enfant. Et c'est la mise de tout ça ensemble qui, un, nous oriente vers un type ou un autre de réadaptation, si l'on est écouté par le CRDI, et qui en même temps nous oriente vers des signes d'appel neurologiques ou psychiatriques autres. Donc, ils ont essentiellement deux fonctions: passer les échelles diagnostiques mais en même temps que les psychoéducateurs, dans certains cas que les orthophonistes ou les psychiatres eux-mêmes, et faire une évaluation de type psychologique, si vous voulez.

Mme Plante (Marie A.): Si je peux me permettre...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, oui, bien sûr, allez-y, Mme Plante.

Mme Plante (Marie A.): Dans d'autres cas que les autistes, votre question abordait ça également, les évaluations vont servir, mais on les regarde et ? comment je dirais, donc? ? on ne peut pas les prendre pour acquis, vous comprenez, on les regarde et on doit les regarder en tenant compte du patient et en se demandant: Est-ce que quelque chose d'autre chose pourrait... est-ce que ceci et cela a été considéré? On doit refaire une partie de... On ne peut pas juste prendre ça puis dire: C'est tel quel. O.K.? On doit toujours... parce qu'il y a une série de considérations qui n'ont pas pu être faites et que, nous, on doit faire, de la même manière que, je ne sais pas, si je reçois le résultat d'une prise de sang ou d'un autre test, je dois, moi, l'interpréter dans le contexte de mon patient, de ses autres symptômes, etc. Je dois intégrer toute cette série d'évaluations. Donc, oui, c'est très utile, mais ça implique quand même que j'en refasse une interprétation.

Mme Weil: Peut-être une question sur le Plan d'action en santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans le cadre de ce plan, où le psychiatre a un rôle de soutien à apporter en tant que spécialiste, comment voyez-vous la participation du psychologue, particulièrement en première ligne, en collaboration avec le médecin généraliste et l'infirmière? Est-ce qu'une telle équipe serait en mesure d'intervenir rapidement pour évaluer et initier des traitements pouvant soulager finalement les personnes qui sont atteintes de troubles mentaux?

Mme Plante (Marie A.): Comme je suis en pédopsychiatrie, c'est toujours un petit peu plus complexe, et souvent ils se sentent moins à l'aise en cette première ligne en pédopsychiatrie. Donc, je vous dirais, pour certains problèmes plus répandus, moins sévères, oui, il y aura un confort et qui va se développer aussi au fur et à mesure de l'expérience de le faire et avec le support qui viendrait de psychiatres auprès de cette équipe pour discuter des cas qui ont été vus, donc ça, ça pourrait se faire. Et, à ce moment-là, le psychologue va procéder et à certaines évaluations et à des traitements, donc des suivis psychothérapeutiques.

Et, dans ce contexte-là, un des éléments de cette équipe-là est l'évaluation qui se fait au guichet d'accès, et là-dessus on a, nous, une divergence de vues avec le ministère. Pour nous, la personne qui fait l'évaluation au guichet d'accès, avant l'équipe donc, doit être un infirmier ou une infirmière parce qu'au moins l'infirmier, l'infirmière a une formation du côté santé physique et santé mentale. C'est le seul membre de l'équipe qui a cette double formation. Et, pour nous, c'est absolument important. Comme on vous le disait tantôt, tout le domaine de la santé mentale est un domaine mixte qui combine des éléments santé physique, santé mentale, qui a un diagnostic différentiel santé physique, santé mentale. Et, pour nous, ça, c'est infirmier, infirmière qui a cette formation-là. Et donc, dans l'évaluation, quand ils évaluent une demande d'une personne, qu'elle soit enfant ou adulte, on pense que c'est l'infirmier qui est mieux placé pour évaluer cette demande pour voir de quelle nature elle est, quel est le type d'intervention qui doit être fait. Est-ce qu'on la garde en première ligne, est-ce qu'il y a des tests à faire faire du côté médical?

Est-ce qu'elle doit être référée en deuxième ligne? On pense que psychologue ou conseiller en orientation est moins bien placé parce qu'il n'a pas cette compétence-là. Et on pense que, comme actuellement, travailleurs sociaux ou autres qui font... là, ça ne va plus du tout, là, parce que, là, il manque des grands, grands morceaux, et qu'à ce moment-là ça ne va pas pour le travail fait en première ligne.

n(15 h 40)n

M. Bexton (Brian G.): Ce qui est discuté actuellement, c'est d'avoir un psychiatre qui va être sur place une demi-journée par semaine, rencontrer l'équipe et être disponible pour la semaine, après, au téléphone, donc pouvoir discuter avec les membres de l'équipe, rencontrer les médecins généralistes, les psychologues, les travailleurs sociaux et les intervenants, travailler avec eux directement sur place, raffiner la compréhension des maladies, les évaluations, etc., et puis ensuite pouvoir répondre au téléphone, au besoin. Alors, c'est où nous en sommes pendant cette démarche-là.

Mme Weil: Ça va, M. le Président. Il y en a peut-être d'autres qui ont des questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. Alors, merci, M. le Président. Bienvenue à vous. Là, je vous avoue que vos propos sont très surprenants, puisqu'on parle depuis quelques jours, là, de la notion d'évaluation, diagnostic, diagnostic psychologique, impression diagnostique ou clinique, opinion clinique, et tout ça, mais, au fond, ce sont des parents, ce sont des enfants qui ont besoin, qui veulent avoir un accès à des services.

Dans le contexte d'une grande pénurie de main-d'oeuvre, actuellement on vit ça, il y a aussi de longues listes d'attente, il y a de plus en plus d'enfants qui présentent des troubles envahissants du développement et des troubles du spectre autistique. Je crois que cette proposition de permettre à des membres de l'Ordre des psychologues du Québec au moins de déclencher un premier processus, là, d'évaluation puis de... peut-être pas un plan d'intervention, comme on le disait, là, de 20 heures-semaine, et tout ça, mais, moi, je pense que ça, ça pourrait certainement atténuer certaines complexités de notre système. Ce matin, il y a des gens qui disaient que, pour que leur enfant ait accès à un camp de vacances, ils ont besoin d'un papier signé d'un médecin. Alors ça, là, ça vient embourber le système. Et puis on est ici vraiment pour améliorer la qualité de vie de tous ces gens-là. Qu'est-ce que vous avez à dire à propos de ce que je vous...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Dr Mottron.

M. Mottron (Laurent): On est évidemment tout à fait favorables à cette question d'accès sans diagnostic. Ce qui nous inquiète beaucoup, disons, spécialement dans les groupes de pression qui ont été présentés ce matin, c'est cette équation avec accès précoce égale une seule méthode, ce qui donne, en l'occurrence aux psychologues, mais ça aurait pu être le cas d'une autre profession, la possibilité de choisir cette méthode et de la choisir en fait sans, disons... avec une partialité au niveau scientifique qui a été entérinée au niveau gouvernemental dans le livre Un geste porteur d'avenir, en 2003, qui n'a pas été remise en question, et qui est extrêmement lourde, et qui me semble une des raisons qui fait qu'on n'a pas assez de ressources pour, mettons... Si vous donnez 20 heures à un enfant, vous pourriez donner à trois enfants, mettons, six heures. Bon. Mais, avec cette idée et sur laquelle je tiens à revenir, qu'on ne remet jamais en question, que le plus est le mieux, alors qu'il faudrait chercher des techniques qui existent ailleurs de par le monde, qui consomment cinq heures, six heures par enfant et qui ont le même niveau de résultat, c'est cette question-là, moi, qui me préoccupe.

Mais, sur les points que vous avez soulevés au début, on est évidemment d'accord.

Mme Plante (Marie A.): Si je peux me permettre d'ajouter.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme Plante, oui.

Mme Plante (Marie A.): Il y a plusieurs situations qui dépendent soit du milieu de l'éducation, où vous parlez de camps où des fois c'est même spécifié que ça doit être un pédopsychiatre qui dise ou qui signe ou... Et vous avez raison, là, ça embourbe, pour des raisons administratives, les listes d'attente. Et, nous, on déplore ça et on le... on déplore ça auprès du ministère, là, ça fait des années. On essaie de faire changer, par exemple, les règles pour... les mesures d'adaptation scolaire où avant c'était toujours... ça prenait le pédopsychiatre pour ça. Et on voit, là, nos listes d'attente, là, gonfler avant le 30 septembre parce qu'au 30 septembre c'est une date pour les budgets, et il faut que les enfants soient cotés. Bon. Nous autres, là, ça nous arrive, là, parce qu'il y a une règle administrative qui dit que ça doit être signé par un pédopsychiatre. Donc, c'est sûr, là, que...

Toutefois, il y a d'autres... Je ne sais pas, par exemple, que... On est tout à fait d'accord que l'évaluation du psychologue et... mais, je pense, d'une équipe, là, on a dit: C'est beaucoup la communication, donc des orthophonistes, je pense, c'est extrêmement important dans l'évaluation précoce, là, que ça enclenche, hein, la stimulation précoce. On est tout à fait d'accord avec ça. Il va se poser d'autres questions, là. Il va y avoir la question de l'aide aux parents, de la Régie des rentes, de tout ça, qui va signer ça. Est-ce que c'est un médecin? Est-ce que c'est le psychologue? Bon. Il y a des choses comme ça aussi, là, qui vont arriver. Mais je pense qu'encore une fois, si c'est un... ça peut être un médecin ou est-ce que ça peut être un diagnostic pour un certain temps, un diagnostic possible, là, tu sais, un diagnostic temporaire ou... Bon, il va falloir envisager des choses comme ça parce qu'il va y avoir, là, d'autres suites à ça, d'autres impacts, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Hull. Dr Mottron, lorsque vous avez commencé votre présentation, vous avez dit: Je vais probablement vous surprendre. Et, quand on pose cette question-là, habituellement c'est qu'on s'attend à surprendre les gens, sinon on ne poserait pas la question. Est-ce que votre position recueille beaucoup d'adhésion dans le milieu médical?

M. Mottron (Laurent): Bien, ce que je vous ai cité a été distribué, c'est de la littérature, ce n'est pas... C'est plus que médical, c'est l'état des connaissances scientifiques sur le niveau d'efficacité des thérapies comportementales.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je parle de votre position.

M. Mottron (Laurent): De ma position?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur les lectures que vous avez eues, sur ce que vous en avez retenu.

M. Mottron (Laurent): Je vous dirais, au niveau scientifique, oui, c'est générique. Au niveau des décideurs, comme je vous l'ai dit, les décideurs ne tirent en général, je vous l'ai présenté moi-même, ne tirent en général pas de conclusion. C'est-à-dire qu'on est dans la situation paradoxale où les données ne sont pas là et les gens prennent quand même la décision.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Alors, Dr Bexton, Dre Plante, Dr Mottron, bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire.

D'abord, je voudrais dire qu'en tant que juriste j'aurais plusieurs questions à formuler, puisque vous avez présenté plusieurs recommandations et demandes d'amendement, mais malheureusement on n'aura pas le temps de poser toutes les questions. Cependant, j'aimerais avoir des précisions sur la recommandation 2, à la page 15 de votre mémoire. Vous dites: «Nous suggérons de supprimer "et mental" après "évaluer le fonctionnement psychologique" dans le paragraphe e de la modification du champ d'exercice des psychologues par l'article 4, alinéa 2°.»

Est-ce que vous pouvez expliquer, pour les fins de l'enregistrement, quelle est la différence et donner des précisions?

Mme Plante (Marie A.): Oui. Le point était simplement, là, l'argument de la confusion que ça ajoutait, alors que, comme tel, ça n'ajoutait rien sur l'aspect de clarté du fonctionnement psychologique et neuropsychologique comme c'était avant. Alors que, quand on vient rajouter «et mental», on tombe dans un domaine qu'on sait mal définir puis qui vient, là, faire directement le lien avec les troubles mentaux, alors que le champ est celui du psychologique et du neuropsychologique. Alors, c'était un argument comme ça. On n'est pas des juristes, on a tout simplement lu la loi, on a pointé cet article-là, et c'est tout aussi simple que ça, le raisonnement.

Mme Beaudoin (Mirabel): Dans le secteur des activités réservées, à la page 16, vous avez une recommandation 3, vous dites: «Nous proposons de remplacer "évaluer les troubles mentaux" par "évaluer le fonctionnement psychologique d'une personne" dans le cas des psychologues et des conseillers d'orientation détenant la formation requise en vertu du paragraphe o de l'article 94.» Est-ce qu'on peut avoir des précisions?

Mme Plante (Marie A.): Oui. Ce que les... Dans les faits, là, comment ça se passe, là, dans les faits, le psychologue, tout comme, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va évaluer le fonctionnement psychologique de cette personne-là, les processus psychologiques en cause, O.K., c'est ce qu'on fait, et, nous autres, on va évaluer en plus tous les aspects de la santé de cette personne, et c'est à partir du fonctionnement psychologique qu'on va conclure que, dans ce fonctionnement-là, il y a des éléments d'anxiété, il y a des éléments dépressifs ou autre chose et c'est comme ça qu'on va conclure à la présence de symptômes, à la présence d'un trouble. Donc, c'est dans l'analyse du fonctionnement psychologique de cette personne-là. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on disait «évaluer le fonctionnement psychologique [de la] personne». On s'est demandé si, d'ajouter, comme dans le cas des infirmiers et infirmières, «de la personne symptomatique»... dans le cas des infirmiers et infirmières, c'est comme ça que c'est libellé, mais on s'est dit: Bon, de la personne qui est là, qui demande, là.

Mais ça n'a pas été fait, là, par des juristes ou avocats, c'est nous. On a regardé la loi, on a regardé ça, on a comparé, puis c'était l'aspect de confusion que ça amenait, tout simplement.

Mme Beaudoin (Mirabel): Est-ce que vous avez pris connaissance du mémoire présenté par le Collège des médecins du Québec cette semaine?

n(15 h 50)n

Mme Plante (Marie A.): Cette semaine, non, on n'a pas eu accès à ça. On avait celui de la première fois, là, oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): Sur le projet de loi n° 50. C'est ça?

Mme Plante (Marie A.): Oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, dans ce mémoire-là, le Collège des médecins mentionnait, à la page 2: «Le Collège des médecins du Québec tient à rappeler que les modifications législatives à l'étude sont le fruit d'une réflexion amorcée il y a plus de 15 ans et qui s'est poursuivie dans un climat de négociation.» De plus, je leur demandais de commenter justement votre mémoire, puisque vous aviez fourni plusieurs recommandations, et j'ai reçu la réponse rapidement aujourd'hui. Je ne peux pas lire toutes leurs remarques, mais je vais vous souligner la première recommandation.

Ils ont formulé leurs commentaires. Je vais vous les lire et j'aimerais ça avoir vos commentaires.

Alors, «le Collège des médecins du Québec [...] a pour politique de toujours faire appel aux experts du domaine visé lorsqu'il doit nommer ou recommander des médecins pour siéger à un comité, un groupe de travail, etc. L'intention du Collège des médecins est de poursuivre cette ligne de conduite qui a donné d'excellents résultats à ce jour. Il est évident, et l'AMPQ en a déjà été informée lors de rencontres, qu'au moins un psychiatre sera choisi parmi les médecins que l'AMPQ aura suggérés au Collège des médecins du Québec pour combler un des deux postes au sein du comité consultatif interdisciplinaire, plus particulièrement la fonction de vice-président. De l'avis du Collège des médecins du Québec, il n'est pas nécessaire de le prévoir à la loi.»

Est-ce que je peux avoir vos commentaires à ce sujet?

M. Bexton (Brian G.): Bien, je pense que le collège, comme d'autres instances, quand même n'est pas infaillible. Alors, nous, nous voulons assurer certaines choses. Ce qu'on veut voir, c'est que pour nous... que ce soit plus clair effectivement, que ce soit nommé. Et nous avons des gens responsables au collège et puis on veut s'assurer qu'à l'avenir, dans cinq ans ou dans 10 ans, si nous avions un autre président, ou un chirurgien, ou une autre personne, ça pourrait respecter la volonté ici d'avoir ça.

Mme Beaudoin (Mirabel): J'ai entendu également... nous avons entendu, plutôt, également un ordre qui nous a mentionné que vous aviez envoyé des lettres à différents ordres pour leur mentionner que certains ordres professionnels avaient erré dans leurs fonctions. Alors, j'aimerais savoir dans quel but vous aviez envoyé ces lettres-là.

Mme Plante (Marie A.): Je ne sais pas à quoi vous faites allusion.

Mme Beaudoin (Mirabel): Non? Alors, on a mentionné que, dans une récente lettre qui s'adressait à un représentant de l'AMPQ, à ses membres, on leur demandait, entre autres, de leur faire part d'exemples cliniques où des professionnels psychologues, ou conseillers d'orientation, ou infirmiers ont posé des diagnostics de troubles mentaux et ont erré de sorte que la santé du patient ou sa sécurité et celle de sa famille ou de l'environnement furent mises en danger.

M. Bexton (Brian G.): Ce n'est pas une lettre qui est envoyée aux ordres. C'est une lettre envoyée par un conseiller juridique de l'association aux membres de l'association, ce n'est pas envoyé aux ordres... pour savoir l'opinion des membres, qu'est-ce qu'ils pensaient de la loi n° 21.

Mme Beaudoin (Mirabel): Mais quel était le but de l'expédition de cette lettre?

M. Bexton (Brian G.): Ils voulaient savoir ce que les gens en pensaient, voir s'il y avait des exemples. Parce que, dans son expérience, il y a eu des expériences en cours où des personnes ont vu des diagnostics qui étaient erronés, et puis ils voulaient savoir s'il y avait d'autres situations comme ça.

Mme Beaudoin (Mirabel): Est-ce que vous avez des exemples?

Mme Plante (Marie A.): Oui. Tantôt, je vous ai dit que, si vous vouliez qu'on vous donne des exemples d'erreurs faites de bonne foi, qu'on en avait.

Mme Beaudoin (Mirabel): Vous parlez de plusieurs exemples?

Mme Plante (Marie A.): Oui. Oui, oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, on voulait éclaircir le but de cette lettre. Maintenant, tantôt vous avez expliqué, là, que, bon, vous semblez vouloir restreindre la pratique, là, pour les psychiatres. J'aimerais savoir combien il y a de pédopsychiatres au Québec.

Mme Plante (Marie A.): C'est bien difficile de vous donner un chiffre exact parce que ce n'est pas une spécialité officiellement reconnue. Elle est en voie de l'être. Il n'y a donc personne qui porte un titre, comment je dirais, là, officiellement. On est pédopsychiatre au Québec parce qu'on le décide puis on le décide soit en respectant une formation qui est demandée ailleurs et en le faisant par sa propre volonté, disons, ou soit parce qu'on décide tout simplement de pratiquer auprès d'une clientèle de jeunes. Des psychiatres qui ne font qu'exclusivement une pratique auprès des moins de 18 ans, il y en a environ 100. Des psychiatres qui font une pratique soit exclusivement soit une pratique mixte, c'est-à-dire qu'ils font une bonne partie avec des enfants, mais qu'ils font aussi de la pratique en adultes, si on les inclut, ça fait 183.

Mme Beaudoin (Mirabel): Et ma question était la suivante. Vous voulez restreindre la pratique. Vous ne pensez pas que ce nombre-là est minime?

Mme Plante (Marie A.): ...quand vous dites qu'on veut restreindre, je ne comprends pas ce que vous dites.

Mme Beaudoin (Mirabel): Bien, c'est parce que...

Mme Plante (Marie A.): On veut restreindre la pratique?

Mme Beaudoin (Mirabel): Oui. Bien, vous avez mentionné que... Dans votre mémoire, là, je vais vous citer, par rapport aux psychologues, par rapport aux orienteurs, puis tout ça, vous mentionnez, à la page 13 de votre mémoire: «La compétence des psychologues, des infirmiers et des conseillers [en] orientation dans leur champ d'exercice professionnel n'est pas en cause. Toutefois, lorsque ces professionnels diagnostiquent des troubles mentaux, il y a un risque de préjudice certain puisqu'ils n'ont pas la compétence pour identifier les affections médicales qui font partie du diagnostic différentiel des troubles mentaux.»

Mme Plante (Marie A.): Ils ne font pas ça. Donc, on ne les restreint pas, c'est de même, là.

M. Bexton (Brian G.): Mais justement ça, c'est le mot «trouble» mental qui fait référence à une maladie mentale. Et tout ce qu'on dit... Je travaille aussi avec un organisme communautaire depuis 18 ans, et ce qui est le souci de tout le monde, c'est d'avoir, s'il y a quelque chose qui continue, avoir accès à un bon diagnostic, que ce soit très clair. Alors, les psychologues continuent à voir les personnes. Ils font un excellent travail en psychothérapie, aucun problème. Les orthophonistes, les travailleurs sociaux voient des familles, ils font un excellent travail. Mais nous disons, quand il s'agit d'une question de trouble mental, donc maladie mentale, qu'il serait souhaitable pour la population d'avoir une bonne évaluation avec un diagnostic et un diagnostic différentiel pour éviter des séquelles d'un diagnostic erroné. C'est ça que nous disons. Pour restreindre l'accès, donnant l'accès directement, nous sommes tout à fait d'accord avec ça, mais, quand il s'agit d'un trouble mental, donc... maladie mentale, il faut avoir une évaluation pour ne pas errer et ne pas avoir un préjudice pour la population, point à la ligne.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, ce que j'ai compris de la lecture de presque tous les mémoires... quand on parle de multidisciplinarité et quand on parle d'interdisciplinarité, ce n'est pas tout à fait la même chose. Multidisciplinarité, c'est qu'il y a, autour d'une table, de multiples personnes qui ont des expertises différentes et qui se parlent, hein, au mieux. Mais l'interdisciplinarité, c'est qu'on fait les choses ensemble, «inter», entre. Bien là, je suis avec des psychiatres, alors vous allez me dire si linguistiquement j'ai raison, là. Mais on n'est pas ici pour ça.

Moi, ce que je comprends, c'est que vous... les médecins et les médecins psychiatres, dans un de leurs enjeux, c'est vraiment de ne pas se tromper. Et, quand je parle avec les psychologues, c'est de ne pas se tromper. Et, quand je parle avec les orthophonistes, M. le Président, c'est qu'ils ne veulent pas se tromper non plus. Que ce soit par rapport à un enfant ou un adulte, on veut avoir le bon diagnostic et poser le bon geste. Et, moi, j'ai rencontré des gens de l'Ordre des psychologues. Ils disent: Des fois, on rencontre des gens dans notre pratique puis on les réfère aux médecins, et même, là, les médecins vont les référer à des bons spécialistes pour justement détecter si, la dépression ou les idéations suicidaires... est-ce que c'est un manque au niveau de la glande thyroïde, est-ce que c'est un problème de santé physique, hein? Et, moi, je pense que, que ce soit par rapport à un enfant ou un adulte, la bonne volonté des gens, des fois ça ne suffit pas toujours, et c'est pour ça qu'on a l'Office des professions, c'est pour ça qu'on a un code des professions et qu'on est ici ensemble à voir quel est le bon geste à poser avec des champs de pratique qui vont s'interconnecter et se partager et des champs qui vont être réservés parce que c'est la chose à faire. Et, moi, quand je vais...

n(16 heures)n

Ici, vous avez dit, à la page 17 de votre mémoire ? et là je vous laisse parler de ça: «Même pour le diagnostic des troubles mentaux fréquents comme une dépression ou un trouble anxieux, un médecin doit examiner cette personne, procéder à un bilan biologique [...] pour éliminer un problème de santé tel un problème thyroïdien, mononucléose, arythmie cardiaque ou même un cancer, selon la situation clinique de cette personne. Alors, seulement le médecin pourra conclure au diagnostic de trouble mental.»

Et là vous dites encore: «Dans le cas d'un enfant ou d'un adolescent, cette investigation est d'autant plus requise que le développement implique des facteurs génétiques, métaboliques, endocriniens et neurologiques, en plus des facteurs psychosociaux, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système nerveux central et un développement harmonieux.» Mais vous dites aussi ? et là après ça je vous laisse expliquer ça: «Bien que l'Association des médecins psychiatres du Québec considère que le diagnostic des maladies mentales ou troubles mentaux doit être réservé aux médecins, elle ne prétend pas que toutes les personnes qui sont évaluées par un psychologue, un conseiller d'orientation ou un infirmier doivent être sous les soins d'un médecin.»

Il y a comme quelque chose de paradoxal dans ce que vous nous amenez, là. Moi, je trouve ça paradoxal parce que vous voulez retirer un certain nombre d'éléments, mais, moi, je n'en vois pas tant que ça, des problèmes, en autant que, vous, vous faites de l'interdisciplinarité et que, nous, on permet ça par le projet de loi, mais que les gens, vos ordres, le surveillent aussi, comment ça s'exerce. Parce que, par rapport à l'autisme, TED, il y a des spécialistes. Les gens sont venu nous dire: Ce n'est pas tout le monde qui connaît ça, c'est pointu. Et, vous, s'il y en a qui le... qui le sachez, qui le savez, qui le sachez...

Des voix: ...

Mme Doyer: ...qui le savent, c'est vous. Et, moi, il y en a 96, pédopsychiatres, de ce que j'ai lu partout, et il y a 1 000 psychiatres au Québec, et vous ne pouvez pas tout faire. Puis, nous, dans les régions on est pris avec un paquet de problèmes, les députés, on le sait, hein? Ça cogne à nos portes: Au secours, au secours. C'est pour ça que tantôt, moi... Vous dites: Le plus... Comment vous avez dit ça? Le plus et le mieux, mais le moins que rien, c'est terrible. Le plus est-u toujours le mieux? Mais le moins que rien, ou le pas du tout, ou l'anxiété de ne pas connaître le diagnostic de son enfant... Nous, ce matin, ce qu'on a tenté ensemble, c'est d'ouvrir une porte, de commencer avec le début de quelque chose. Puis, moi, je ne sens pas du tout coupable de ça puis je sais que, vous, vous voulez faire la meilleure chose aussi. J'arrête là.

M. Bexton (Brian G.): Je pense qu'il y a deux aspects ici: l'accessibilité, et puis vous parlez d'une bonne pratique clinique. Et je suis tout à fait d'accord avec ça. Ça fonctionne comme ça. C'est un excellent système. Les gens se réfèrent, et on veut que ça continue.

Tout ce qu'on a comme réserve: en bout de ligne, avec un certain nombre de situations où c'est un diagnostic final, ça prend un diagnostic différentiel. Et ça, c'est la réserve. Je vois ça dans ma pratique, je vois ça dans les groupes communautaires, Revivre. Les gens demandent que ce soit clair. Est-ce que c'est vraiment une dépression ou c'est un trouble bipolaire type 2, par exemple? Est-ce que c'est d'autre chose? Et ça se voit. Dans ma pratique clinique spécialisée, la moitié des gens qui viennent me voir, on n'a pas le bon diagnostic. C'est fréquent. Et ça, c'est en dépression. La moitié, c'est erroné.

Alors, on croit qu'il faut avoir un souci à ce niveau-là et chercher la meilleure qualité possible. Ça n'empêche pas l'accès aux psychologues. Au contraire, les psychologues sont là, peuvent continuer à faire de la thérapie, peuvent aller voir... On peut voir des programmes de stimulation et d'autres choses. On n'a rien contre ça. Mais, avant de conclure finalement à quelque chose, nous croyons que ça prend de la prudence. Il faut éviter la confusion avec un diagnostic et un diagnostic différentiel.

Mme Doyer: Une dernière chose. Vous savez très bien, M. le Président, les gens savent très bien comment est-ce que ça peut être long dans une vie pour aller chercher un diagnostic le meilleur possible avec une personne qui souvent a une problématique de santé mentale, schizophrénie, hein, avant ça on l'appelait PMD, hein, psycho maniaco-dépression, et que par... sur cinq ans, 10 ans, 15 ans, elle est judiciarisée et là elle se promène en psychiatrie un mois, elle en ressort, elle revient au bout de six mois, un an, et les parents vivent avec ça, et quelle que soit la problématique, et jusqu'à temps qu'on mette le doigt dessus. Parce qu'on va la sevrer pendant des semaines, on va la sevrer de ses toxicomanies, on va l'enfermer en psychiatrie puis on va dire: Bon, c'est ça, c'est un problème, je ne sais pas, moi, neurologique, biochimique. Vous êtes les meilleurs que moi pour dire ça. Et ça, il se passe cinq ans, 10 ans, là, avant qu'on ait un... on mette le doigt dessus. Mais la personne, elle s'est promenée en prison, hein? C'est vrai, elle s'est promenée en prison, elle a fait la porte tournante, là, hein, de nos services de santé, de santé et de services sociaux. Elle s'est ramassée en crise à l'urgence, et tout.

C'est pour ça que, moi, M. le Président, j'ai une attitude et des demandes par rapport à ce projet de loi et une attention qu'on aille vers une interdisciplinarité, et qu'on permette ça, et qu'on ajuste notre législation à ça. J'aime mieux me tromper un petit peu que trop.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Des commentaires? Oui, Mme Plante.

Mme Plante (Marie A.): C'est parce que, dans le sens de votre intervention, est-ce que c'est en allant davantage vers le psychosocial que vous allez régler le problème de nous diagnostiquer cette personne-là?

Une voix: ...

Mme Plante (Marie A.): Non, hein?

Mme Doyer: Je veux vous rassurer, Mme Plante. Pas du tout.

Mme Plante (Marie A.): Mais c'est ça, là, que...

Mme Doyer: Pas du tout. Et, je veux être claire, ce n'est pas du tout ça. C'est parce que je veux que tout soit mis en branle, au tout début qu'une personne ou un enfant vive une problématique, qu'on aille le plus vite possible toucher du doigt ce qu'elle a, que ce soit par un problème TED, autisme, un retard mental, une déficience intellectuelle. Est-ce que c'est un problème de surdité, des problèmes de communication? Monsieur l'a très bien dit tantôt. Mais comment je dirais ça? C'est qu'il faut que toutes les ressources se mettent en action ensemble le plus tôt possible, que ce soit par rapport aux problèmes d'un adulte, hein, un jeune de 18 ans qui a eu des problématiques dans le réseau scolaire, puis à 18 ans on cherche encore ce qu'il a, à 25 ans on cherche encore ce qu'il a, puis à 29 ans on découvre qu'il est schizophrène.

Mme Plante (Marie A.): ...un des problèmes, là, puis je n'étais pas là ce matin, mais j'en ai eu des échos, si les personnes en première ligne, psychologues ou autres, là, on me dirait qu'on est toujours sur le dos des psychologues, mais ce n'est pas ça, l'idée... mais, si cette personne-là dit: Bien, si je soupçonne quelque chose, je le référerai vers la médecine, le problème, c'est si elle ne le soupçonne pas. C'est là, le problème.

Des voix: ...

Mme Plante (Marie A.): Non, mais c'est là qu'est le problème. Quand ça prend, je ne dis pas... Et je ne dis pas qu'ils font ça systématiquement, je dis que c'est malheureux quand ça prend des années avant que quelqu'un... quand quelqu'un est suivi des années, hein, avec des interventions au CLSC, avec des interventions à différents niveaux, qui aboutit, vous dites, en prison, qui aboutit et que ça prend des années avant que finalement le diagnostic soit posé, c'est problématique. Qu'il soit un enfant ou un adulte, c'est problématique. Et le problème, il est là. C'est que, quand on ne soupçonne pas, O.K... Quand c'est soupçonné, quand c'est référé, oui, il y a des délais d'attente, mais ça finit par aboutir, O.K., mais, quand ce n'est pas soupçonné, c'est là qu'est le problème.

Mme Doyer: Dernière remarque, puis je te passe la...

Une voix: ...

Mme Doyer: Tu as fini? Il y a trois minutes?

Une voix: ...

Mme Doyer: Trois minutes. Ce que je veux dire, M. le Président, puis je veux que vous réagissiez là-dessus, puis j'ai vu beaucoup réagir en arrière, c'est que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il faut s'en tenir aux réactions de nos invités.

Mme Doyer: Bien oui, mais c'est ça, vous nous faites réagir, puis c'est correct aussi. C'est qu'à vous tout seuls vous n'y arriverez pas. C'est juste ça que je veux vous dire. C'est qu'à vous tout seuls vous n'y arriverez pas, et il faut que vous posiez les bons gestes. Et tantôt vous avez dit: Ah, les psychologues peuvent se tromper. Mais, vous aussi, vous pouvez vous tromper. Et, par rapport à des problèmes d'idéations suicidaires ou des personnes âgées qui se trimbalent d'examen en examen, en examen et qui sont déprimées, et on pense que c'est un cancer... À un moment donné, ça peut être la maladie de Kennedy ou une insuffisance au niveau de la glande thyroïde, mais, par rapport aux troubles mentaux, c'est la même chose. Alors, moi, dans le fond, le message que j'ai... loin de moi l'idée de passer un grand message qui va, tu sais, qui va trop changer les choses, mais vous êtes essentiels. Je comprends l'inquiétude que vous avez par rapport à poser le bon diagnostic fondé sur la santé physique. Et, hein, l'autre projet de loi visait la santé physique, que ça se fasse dans les règles de l'art. Et ce que je comprends ici, c'est que les gens qui sont tous de bonne volonté, puis ils veulent aussi que ça se fasse dans les règles de l'art...

Alors, si vous pouvez être aux aguets, vous aussi, parfait. L'objectif, c'est que la personne ait le bon diagnostic avec le bon plan d'intervention le mieux possible et que toutes les personnes qui peuvent l'aider, que ce soient des psychologues... se mettent en action pour aider cette personne-là, adulte ou enfant.

Une voix: Est-ce que je peux poser une question?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, oui, bien sûr. Allez-y, Mme Plante.

Mme Plante (Marie A.): À ce moment-là, est-ce que, dans ce projet de loi, le «évaluer les troubles mentaux» veut dire «dépister»? Je ne comprends pas. Parce que c'est là, là, qu'on, vous dit, là, qu'il y a quelque chose, là, qui est confondant.

Mme Doyer: Moi, je pense qu'une personne qui a été formée en... bon, un psychologue ou même un travailleur social à quelque part peut avoir une idée qu'une personne peut vivre une problématique de santé mentale, un trouble mental et être capable de le référer à la bonne personne.

Mme Plante (Marie A.): ...

n(16 h 10)n

Mme Doyer: Voilà, c'est dépister, mais ils font de l'évaluation aussi, puis je pense qu'ils peuvent aussi faire de la référence. Puis ce qu'ils me disent, c'est que... nous le référons au médecin si nous soupçonnons que c'est un problème de santé physique, nous sommes très capables de les référer aussi aux bons endroits, et vice et versa, d'ailleurs. Les médecins, les médecins psychiatres peuvent référer aussi à des psychologues ou des orthophonistes. L'inverse est aussi vrai. Alors, moi, c'est...

Mme Plante (Marie A.): ...ça tout le temps.

Mme Doyer: Je ne vois pas pourquoi on se priverait de ces passerelles entre nos différents professionnels. C'est juste ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, Mme Plante, M. Bexton et M. Mottron, je veux vous remercier infiniment pour votre présence et je vous souhaite un bon retour chez vous.

Donc, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que le groupe suivant puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

 

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Malheureusement, nous ne pouvons bénéficier de cette pause.

Donc, je vais demander à l'Association des art-thérapeutes du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Et les passions sont déclenchées, d'après ce que je peux constater, et c'est une bonne chose. Mme la députée de Matapédia, vous en êtes sûrement responsable.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Les passions se sont déclenchées.

Mme Doyer: Tout le temps, tout le temps. Les passions se déclenchent tout le temps pour moi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien non, peut-être pas pour vous, mais... pas pour vous, mais à votre contact.

Documents déposés

Donc, Réponses du Collège des médecins. Je vais déposer deux documents qui consistent en la réponse du Collège des médecins du Québec aux recommandations de l'Association des médecins psychiatres du Québec faites à la Commission des institutions le 11 juin 2009. C'est simplement un dépôt de documents.

Donc, il me reste à vous souhaiter la bienvenue, mesdames monsieur, à notre commission. Merci de vous être déplacés. C'est important pour nous, votre présence. Et je vais vous rappeler les règles qui sont fort simples: vous avez 10 minutes de présentation, et il y aura 25 minutes d'échange de part et d'autre. Et, comme vous avez pu le constater, ça se fait toujours avec beaucoup de diligence. Donc, vous n'avez aucune inquiétude, vous êtes sous notre protection ici.

Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter pour le bénéfice de chacun et de dire quels sont vos titres et vos...

Association des art-thérapeutes
du Québec (AATQ)

M. Plante (Pierre): Parfait. Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, alors je suis Pierre Plante, président de l'Association des art-thérapeutes du Québec, psychologue, art-thérapeute et professeur à l'Université du Québec à Montréal. À ma droite, Nicole Paquet, qui est présidente sortante de charge de l'Association des art-thérapeutes du Québec, qui est aussi chargée de cours à l'Université Concordia et art-thérapeute, et Marie Céline Drapeau, présidente du comité règlements et affaires gouvernementales, aussi art-thérapeute et psychothérapeute.

Alors, nous vous remercions de nous accueillir ici dans le cadre des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 21 afin de permettre à l'Association des art-thérapeutes du Québec de vous faire part de nos sérieuses... très sérieuses préoccupations à l'égard de ce projet de loi, évidemment du tort que le projet de loi pourrait causer aux art-thérapeutes qui pratiquent la psychothérapie, du tort que le projet dans sa forme actuelle pourrait causer aussi à la profession, qui est en plein développement actuellement au Québec, parce que le risque, et soyons clairs, pourrait faire disparaître cette profession, mais surtout et surtout c'est de vous sensibiliser au préjudice que le projet de loi dans sa forme actuelle pourrait causer au public en les privant d'une expertise, une expertise qui est maintenant reconnue autant ici, dans notre réseau de santé, qu'au plan international, comme le démontrent d'ailleurs les nombreuses recherches et les lettres d'appui qui sont incluses dans le mémoire que nous vous avons soumis, des lettres de médecins, de psychiatres, de psychologues, ces lettres qui témoignent de l'apport nécessaire des art-thérapeutes, lettres qui précisent clairement que les art-thérapeutes font de la psychothérapie et que leur contribution est essentielle.

Donc, le projet de loi dans sa forme actuelle risque, comme je vous le disais en préambule, de faire disparaître cette contribution.

J'aimerais a priori vous préciser un peu qui nous sommes, l'AATQ, qu'est-ce, en grandes lignes, l'art-thérapie, ce que c'est, et les art-thérapeutes. Ensuite, je vais vous expliquer en quoi le projet de loi n° 21 pourrait causer préjudice au public et à cette profession et finalement vous proposer quelques amendements qui pourraient remédier à ces préjudices que le projet de loi pourrait générer.

En fait, l'AATQ existe depuis maintenant près de 30 ans et elle a pour mission de protéger le public. L'AATQ existe parce que dès le départ, dès les années quatre-vingt, il y avait une demande faite à l'Office des professions de créer un ordre professionnel des art-thérapeutes. Mais dès cette origine on expliquait: Il y a des transformations, le titre de psychothérapeute... Il y a déjà du travail qui était amorcé, alors on nous disait évidemment d'attendre, de suivre les développements. Pendant ce temps-là, l'Association des art-thérapeutes avait comme mandat évidemment d'assurer la formation académique. Parce que c'était un domaine évidemment laissé libre, sans balise, donc l'AATQ s'est donné le rôle, un mandat comparable à un ordre professionnel, d'assurer la supervision académique de ces art-thérapeutes, la supervision sur le plan clinique, hein, d'avoir regard sur la pratique, assurer aussi que tous les membres de son association se soumettent au code d'éthique de l'art-thérapie et aussi assurer une formation continue tenant compte des besoins des art-thérapeutes et des développements de la recherche dans le domaine.

n(16 h 20)n

Tous les membres de notre association détiennent une maîtrise ou une maîtrise parfois dans un autre domaine mais avec une formation reconnue en art-thérapie. Donc, ils doivent avoir complété une formation. Actuellement, l'AATQ regroupe près de 163... bien, 160 art-thérapeutes professionnels et une vingtaine de membres étudiants.

Rapidement, sa spécificité, c'est une approche sérieuse, c'est une approche qui a fait sa place, comme je vous le disais au niveau des lettres d'appui. C'est une approche à la psychothérapie qui a son propre historique, qui est presque centenaire maintenant, hein, qui a développé son corpus théorique à travers la recherche fondamentale mais aussi à travers l'accumulation d'écrits cliniques. Elle puise, comme son nom l'indique, «art et thérapie», à travers tout le parcours des beaux-arts, l'histoire de l'art, l'art contemporain, l'art des enfants mais aussi tout le bagage et l'héritage de la psychologie, incluant les grandes écoles que l'on nomme, que ce soient la systémique, la psychodynamique, l'humanisme, les approches cognitivo-comportementales. Donc, l'art-thérapie puise là-dedans mais fait un bel amalgame aussi du bagage expressif qu'est l'art.

L'art-thérapie est donc une approche de traitement, hein, qui s'inscrit dans un travail, comme le projet de loi l'indique, au niveau de la psychothérapie, à savoir: on reçoit dans un cadre où il y a évaluation et un travail d'intervention ou de traitement à partir de l'évaluation qui est faite.

Donc, l'art-thérapie est une approche qui permet à la personne, hein, de s'ouvrir, de se révéler et parfois de se découvrir, hein, de façon différente, non strictement par la parole, mais en ouvrant sur des sphères beaucoup plus larges d'expression de soi, hein? Vous savez, la parole, ça représente bien souvent qu'un dixième de l'expression. Le corps, le geste, le dessin, la peinture ouvrent sur un univers beaucoup plus vaste et beaucoup plus large, et c'est en quoi l'art-thérapie joue un rôle et contribue beaucoup. Et bien souvent l'art-thérapie contribue dans ce sens qu'elle ouvre sur différentes façons, différentes méthodes, mais elle est complémentaire aux approches déjà existantes, hein? Ce n'est pas de dire que nous excluons ce que les psychologues font, hein, je suis d'ailleurs psychologue, donc j'ai une bonne idée du travail qu'on doit réaliser, mais c'est que l'art-thérapie nous permet d'ouvrir sur d'autres facettes, sur des clients, des patients qui présentent des problèmes et qui bien souvent... les approches traditionnelles ne permettent pas d'aller rejoindre.

Donc, l'art-thérapie joue bien souvent ce rôle où, lorsque la parole n'est pas aisée, facile, où les jeunes ou les adultes s'opposent à des pratiques plus traditionnelles, qu'on dirait, donc l'art, et l'art plastique dans ce cas-ci, les arts visuels jouent un rôle.

Donc, l'art-thérapie s'est démontrée efficace avec le temps sur différentes problématiques au niveau des troubles de santé mentale, des différents traumas, abus, les nouveaux immigrants, hein, pour qui la parole justement n'est peut-être pas ce qui est de plus facile, donc ça nous permet de travailler avec eux, hein? Il y a des collègues qui travaillent avec les Médecins du Monde, Médecins sans frontières, auprès des enfants, ou des adultes, donc, ou des gens qui présentent des déficits sensoriels ou intellectuels, bref tous les individus de tout âge pour qui l'expression verbale et les approches traditionnelles s'avèrent parfois non efficaces, et l'art-thérapeute joue, à ce moment-là, un rôle important de compléter, d'ajouter quelque chose pour aider ces gens qui vivent une souffrance.

Donc, oui, évidemment la parole est essentielle, mais de travailler avec un enfant, par exemple, une jeune adolescente qui présenterait du mutisme sélectif, par exemple, hein, dans le sens que, de travailler avec un enfant comme ça, c'est clair que nous allons utiliser des modes... une modalité non verbale, nous allons utiliser le jeu, l'art. Que ce soit avec cet adulte ou ces adolescents en milieu carcéral pour qui tout ce qui est psy, hein, rebute, bon, que ce soient psychiatre, psychologue, psychoéducateur, ça m'est arrivé, dans les différents milieux que j'ai eu à travailler, d'avoir de ces individus qui s'opposaient et qui voulaient refuser... ils refusaient d'aller voir tout ce qui commençait par psy. Et l'art-thérapeute, l'art-thérapie bien souvent était une porte d'entrée qui leur permettait de leur offrir, ce que je dis bien souvent à mes étudiants à qui j'enseigne, une opportunité, de maintenir une opportunité de psychothérapie.

Et le danger, hein, si je ramène au projet de loi n° 21, c'est que ce serait d'évacuer cette dimension très propre, très proche d'empêcher cet éventail qu'offre l'art-thérapie dans cette panoplie de services qu'on offre pour aller aider les jeunes et les adultes dans leurs difficultés.

Donc, il est, aujourd'hui, comme choix de société, je crois, par le projet de loi n° 21, il est de notre devoir, je crois, et même de notre responsabilité éthique de préserver cet éventail d'offres de services, car, comme je vous disais, l'art-thérapie comme les autres approches ont leur rôle, ont leur place et répondent à des besoins différents. L'art-thérapeute a son rôle dans cet espace.

Donc, l'art-thérapie s'est développée considérablement au Québec ces dernières années, elle a gagné le respect et l'appréciation de nombreux professionnels du milieu. Plusieurs art-thérapeutes oeuvrent au sein d'équipes multidisciplinaires tant en psychiatrie, en CLSC qu'en milieu communautaire. On pense aux différents hôpitaux comme le Douglas, Sainte-Justine, le Royal Victoria par exemple. Et au Canada, et ça, c'est important pour moi de le souligner, le Québec est à l'avant-garde sur le plan de l'art-thérapie, elle est... Au Québec, nous avons la seule université qui a un programme de maîtrise qui est reconnu par l'Association américaine d'art-thérapie, alors qu'ailleurs au Canada c'est souvent des instituts. Mais nous avons la seule université qui a un niveau maîtrise et on se situe bien souvent, justement, à l'avant-garde parce que souvent des étudiants étrangers, que ce soit de la France, de la Belgique, qui viennent étudier à Montréal et faire aussi leurs stages dans les différents milieux dans lesquels on retrouve l'art-thérapie...

Donc, actuellement, on se retrouve à l'avant-garde, mais le projet de loi n° 21, si on devait exclure les art-thérapeutes de la dimension de la psychothérapie, ce serait une perte énorme sur cet héritage que nous avons déjà construit.

Donc, les art-thérapeutes ont une formation, comme je vous le disais, à la jonction de deux domaines. Tel que notre mémoire l'indique, cette formation requiert un parcours académique spécifique nécessitant, avant l'entrée à la maîtrise, une solide base en psychologie, hein? Vous avez dans le mémoire la liste des cours qu'on exige sur le plan de la psychopathologie et les différentes écoles au niveau de l'intervention, les écoles de pensée. Mais évidemment, dans la formation, c'est aussi essentiel qu'ils aient une formation en art. Et le danger d'exclure encore tout l'effort et tout le travail qui a été construit au niveau de l'art-thérapie, ce serait d'enlever, hein, cette dimension des art-thérapeutes et l'expertise qu'il ont développée par leur expérience en art et bien souvent de... qui serait une forme de préjudice, ce serait de permettre à des gens qui n'ont pas une formation solide au niveau des arts d'utiliser la matière, le matériel, de pratiquer de l'art-thérapie sans avoir la formation adéquate. Et je sais que là-dessus de toute façon... Et c'est, pour moi, important aussi d'accéder à... de permettre aux art-thérapeutes d'accéder à ce titre parce que ça permettrait, hein, l'art-thérapie... L'association le fait, mais on n'a pas force de loi, hein, on est une association. Quelqu'un ne veut pas se soumettre à nos règles, peut disparaître et pratiquer l'art-thérapie.

D'accéder à ce titre, ce serait aussi, avec la supervision de l'Ordre des psychologues, la qualité de la supervision mais aussi de la dimension éthique de la pratique, de s'assurer que la pratique de l'art-thérapie répond et que la personne est formée pour la pratiquer, cette intervention.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Plante, c'est le temps dont nous disposons, mais vous aurez l'occasion sûrement de répondre aux questions des gens, puisque je vais d'ailleurs, dans l'immédiat, permettre à Mme la ministre de vous poser les questions, et peut-être, dans cette occasion-là, terminer la présentation de votre mémoire. Donc, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bienvenue. Merci beaucoup. Très intéressant. C'est un domaine qu'on n'a pas souvent l'occasion d'échanger et de mieux comprendre ce que vous faites. Nous comprenons donc le bien-fondé du travail que vous faites, mais quelles activités croyez-vous qui seraient exclues ou que vous seriez empêchés de faire, suivant l'adoption de ce projet de loi? Qu'est-ce qui vous inquiète par rapport à l'adoption de ce projet de loi, par rapport à des actes que vous faites déjà?

M. Plante (Pierre): Oui. Les art-thérapeutes sont avant tout formés, en sortant de la maîtrise, comme étant des psychothérapeutes, pratiquent la psychothérapie. Le seul fait de ne pas être inclus, comme tel, dans le projet de loi rendrait leur pratique illégale. C'est à ce niveau-là tout simplement, dans le sens que, hein, l'acte, le fait de... le projet de loi qui veut spécifier la pratique comme telle avec une évaluation, un traitement, hein, dans le sens qu'on insiste sur le changement, rendrait toute personne qui n'entre pas dans le titre, qui n'accède pas à la licence... le rendrait en situation d'illégalité. Donc, ce serait, à notre avis, d'exclure l'art-thérapeute de ce titre comme tel.

Je ne sais pas si Marie Céline voudrait ajouter à ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Drapeau.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui. Et, simplement par l'ajout à l'article 187.1... Malheureusement, pour le moment, on ne fait pas encore partie d'un ordre professionnel, malgré que nos membres aient voté dernièrement à ce qu'on puisse déposer une demande pour faire un ordre professionnel. Mais, en ajoutant simplement à l'article 187.1, après, là... Bien, c'est indiqué dans notre mémoire, là. C'est parce que je lis le... dans nos conclusions. Quelle page, là?

n(16 h 30)n

M. Plante (Pierre): Bien, en fait, je vais résumer le point. C'est que l'AATQ propose, hein, de simples amendements qui permettraient d'éviter tout ce que ça pourrait générer comme difficultés ou, comme je vous disais... de faire disparaître une fonction ou une approche. Donc, ce serait d'inclure, à l'article 187.1, la mention des art-thérapeutes professionnels de l'Association des art-thérapeutes du Québec, tel qu'indiqué dans notre mémoire, et de cette façon nous serions assujettis, comme les membres des autres ordres professionnels, à faire une demande au permis de l'Ordre des psychologues et nous pourrions continuer à exercer la psychothérapie après la période évidemment transitoire qui est prévue à l'article du projet de loi.

Mme Drapeau (Marie Céline): Tout en espérant évidemment que la maîtrise en art-thérapie sera reconnue au titre de pouvoir exercer la psychothérapie, parce que, là, c'est un apport bien important dans le projet de loi, à notre avis, qui va limiter l'accès au titre de psychothérapie à des personnes qui vont venir de certains ordres professionnels. Mais dans notre cursus on doit aussi avoir un minimum de cours de psychologie avant d'entrer à l'université, cours de psychologie qui sont... semblables que d'autres ordres professionnels qui, eux, pourraient avoir accès au titre de psychothérapie. Alors, on aurait aussi la même formation, mais on n'aurait pas accès au titre de psychothérapeute. Puis on veut bien comprendre que l'enseignement de l'art fait partie... Puis peut-être qu'en musique c'est encore plus évident, de la musicothérapie, mais c'est la même chose dans le domaine de l'art, une connaissance de l'art, des médiums. Il y a des choses qu'on ne peut pas faire avec certains médiums, puis dépendamment de certains patients.

Mme Weil: Moi, ce que je vous dirais, évidemment je ne suis pas experte dans ce domaine, mais la loi vient définir la psychothérapie, ne vient pas prohiber ce que vous faites. Au contraire, ce serait une perte nette pour le public. Mais ce que vous faites aurait une autre définition, c'est tout. Mais je pense que votre crainte n'est vraiment pas fondée, dans le sens qu'il n'y a pas... demain matin, là, la loi est adoptée, ça ne veut pas dire que, vous, vous n'avez... que les actes que vous faites ne sont plus valables, au contraire.

Mme Drapeau (Marie Céline): C'est-à-dire, c'est dans l'illégalité.

Mme Weil: Les psychologues et les autres vont continuer à vous référer des gens parce que vous avez une expertise très particulière. Donc, vous faites partie de ce système, donc je ne comprends pas pourquoi vous pensez que ce que ce que vous faites serait illégal...

Mme Drapeau (Marie Céline): Bon, parce que nous croyons...

Mme Weil: ...le lendemain de l'adoption.

Mme Drapeau (Marie Céline): Nous, on croit qu'on fait de la psychothérapie selon la définition de la psychothérapie.

Mme Weil: Oui, mais la loi va venir définir la psychothérapie.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui. Nous autres, on s'est basés effectivement sur ce qui était déjà dans le rapport Trudeau, sur la définition de la psychothérapie.

Mme Weil: ...ce que vous faites est...

Mme Drapeau (Marie Céline): Si on pratique de la psychothérapie puis qu'on n'a pas notre permis de psychothérapeute, on est dans l'illégalité.

Mme Weil: Vous avez un permis. C'est-à-dire la définition de ce que vous faites, c'est de l'art-thérapie.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui, mais nous disons que nous faisons de la psychothérapie.

Mme Weil: Oui, c'est ce que vous dites.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui, exactement.

Mme Weil: Mais la loi va dire autre chose.

Mme Drapeau (Marie Céline): C'est ça.

Mme Weil: Mais ça ne change pas.

Mme Drapeau (Marie Céline): Alors, c'est un grave préjudice dans le domaine de la santé.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Paquet, ne soyez pas inquiète, je vous ai repérée, vous allez avoir votre temps de parole. Ne soyez pas inquiète. Simplement pour permettre à tout le monde de s'exprimer... Est-ce que ça va, Mme la ministre? Est-ce que ça va?

Mme Weil: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

Mme Weil: On peut continuer.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui?

Mme Weil: Donc, moi, ça va. Est-ce que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, ça va. O.K. Mme Paquet, allez-y.

Mme Paquet (Nicole): Alors, merci. Si je comprends bien, vous n'étiez pas au courant de ce qu'était l'art-thérapie, alors c'est normal que l'art-thérapie n'était pas incluse dans projet de loi. Mais, nous, ce qu'est notre inquiétude, c'est que... On vous partage que l'art-thérapie, c'est de la psychothérapie. Alors, en nous excluant, à ce moment-là, ça veut dire que nos membres ne peuvent plus faire de la psychothérapie par l'art. Il y a des psychologues qui vont utiliser différents modèles d'intervention. Bien, ils font de la psychothérapie. Alors, nous, on fait de la psychothérapie par l'art, alors ce serait vraiment important qu'on soit reconnus. Autrement, nos membres devront cesser de faire de la psychothérapie par l'art. Alors, ce serait vraiment de réduire l'art-thérapie à vraiment... amoindrir l'action de l'art-thérapie, ce qui serait vraiment inquiétant.

Mme Weil: ...peut-être à d'autres de poser des questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: En fait, oui, j'aurais une question, parce que, tout comme la ministre, je vous avoue candidement ne pas être familière nécessairement avec votre regroupement. Bien que je suis au courant de l'aide qui peut être apportée aux jeunes enfants qui vivent certaines problématiques, je ne savais pas par contre que cette aide-là était concentrée à l'intérieur du champ de pratique bien défini.

Vous avez, M. Plante, mentionné que vous-même êtes psychologue. Combien de vos membres sont déjà membres d'un ordre professionnel, tels les psychologues?

M. Plante (Pierre): Je n'ai pas le chiffre exact, mais c'est autour peut-être de 20 % de l'association qui a une double formation. Et, pour moi, c'est un élément important que vous apportez, parce que, oui, j'ai été formé art-thérapeute avant tout, et par la suite, comme dans tous les domaines, la formation continue est essentielle. Moi, j'ai fait le choix d'au lieu de prendre une formation continue dans les instituts... j'ai fait le choix de faire une formation continue en psychologie et d'aller chercher mon doctorat en psychologie. C'est un choix que j'ai fait. Mais ma dominante, l'approche que j'utilise, c'est la thérapie par l'art, la psychothérapie par l'art comme tel.

Mme Vallée: Mais donc, en tant que psychologue, vous n'avez aucune crainte à avoir au niveau de l'application du projet de loi, vous, personnellement?

M. Plante (Pierre): Bien, individuellement, si j'étais très... je ne me concentrais que sur ma personne, oui, hein, je pourrais oublier tout ce projet-là. Au contraire, je sens un attachement à l'art thérapie, j'ai été formé avant tout art-thérapeute. Et ça me permet, étant en distance, voyant ce qui se fait en psychologie et de voir la nécessité et les bienfaits du travail des art-thérapeutes dans les équipes multidisciplinaires, la nécessité des art-thérapeutes... je suis conscient de l'effet dévastateur, si on devait les exclure, en étant... parce que dans le population il y aurait omission d'indiquer que les art-thérapeutes font partie de ce projet de loi là. Je suis conscient de l'effet dévastateur. Donc, oui, à distance, je peux saisir l'impact et la nécessité que les art-thérapeutes fassent partie du projet de loi, du moins que ce soit écrit à l'intérieur du projet, la façon de préserver cet éventail de services qui est offert.

Mme Vallée: Outre les membres de l'Ordre des psychologues, est-ce qu'il y a, au sein de votre organisation, des membres d'autres ordres professionnels?

M. Plante (Pierre): Oui, travailleurs sociaux, psychoéducateurs, mais, comme je vous dis, ça ne dépasse pas plus de 20 %... peut-être 20 %.

Mme Vallée: Le 20 % n'inclut pas exclusivement les psychologues, inclut l'ensemble des membres d'ordres professionnels.

M. Plante (Pierre): L'ensemble de ceux qui sont reliés à des ordres professionnels, sinon la majorité viennent... en fait, le parcours, incluant psychologie et arts, ensuite les cours de maîtrise en art-thérapie. Et tout ça pour vous dire aussi qu'il y a une maîtrise, on nomme celle souvent de Concordia, mais il y a aussi un programme de formation qui deviendra nécessairement maîtrise à l'UQAT et qu'il y a les programmes à Gatineau, à Sherbrooke et à Rouyn-Noranda. Donc, hein, je vous dis, c'est un effet, on est en plein essor, en plein développement. Et l'effet du projet de loi, en excluant... ou cette omission d'inclure les art-thérapeutes aurait un effet d'une douche froide sur tout ce projet-là, finalement.

Mme Vallée: Si je comprends bien, vous intervenez surtout... votre intervention va surtout permettre aux gens de s'exprimer, de communiquer. Vous ne posez pas de diagnostic ou vous ne procédez pas à des évaluations en tant que telles?

M. Plante (Pierre): C'est intéressant, cette question, parce qu'ayant une double formation j'ai pu voir de chaque côté comment l'évaluation se fait, je dirais, l'impression diagnostique, hein?

J'ai bien entendu la présentation juste avant nous à l'effet que, oui, nous contribuons au diagnostic, nous sommes dans l'équipe multidisciplinaire et nous apportons une perspective différente, mais nous réalisons de l'évaluation. Il y a des méthodes établies, comme le DDS, qui s'appelle le Diagnostic Drawing Series, qui est une méthode qui est bien établie, avec 30 ans, sur le plan de l'évaluation, de la fidélité, de la validité du projet. Donc, il y a des méthodes qui permettent de contribuer au diagnostic, donc aider à l'équipe multidisciplinaire, que ce soient les psychologues, que ce soient les psychiatres, de dire: Bien, nous, notre perspective de la problématique, de la souffrance de la personne, selon nos méthodes à nous, nous permet de saisir, ou d'ajuster peut-être, ou donner une saveur différente.

Donc, oui, il y a évaluation et ensuite intervention qui sera faite en fonction des... et si l'art-thérapie est la meilleure approche adaptée aux besoins du client comme tel.

Mme Vallée: Mais j'essaie de comprendre, M. Plante, de quelle façon votre intervention, votre participation au traitement serait bloquée de quelque façon par le projet de loi parce que je ne vois pas, et corrigez-moi, là, je ne vois pas dans le projet de loi rien qui pourrait faire en sorte que vous ne pourriez pas continuer cette collaboration-là avec les intervenants, avec les psychologues, avec les équipes terrain.

n(16 h 40)n

Vous êtes, si je comprends bien, membres actifs d'une équipe de collaborateurs. On n'exclut pas. Je ne vois, dans le document, de références, d'articles qui interdiraient votre participation à une équipe multidisciplinaire et votre participation active.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Mme la députée de Gatineau...

Mme Vallée: Désolée.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...en complément de votre question, Mme la ministre.

Mme Weil: ...un élément de réponse, et c'est important qu'on le dise ici publiquement, là, parce que c'est important pour vous, je pense, pour vous rassurer.

En vertu de l'article 187.1 du projet de loi, on dit que l'office ? c'est le dernier paragraphe ? par règlement, établira une liste d'interventions qui ne constituent pas la psychothérapie au sens de ce projet de loi. Est-ce que vous serez prêts... Et donc ça va être important d'établir cette liste. Seriez-vous prêts à participer avec l'office, à collaborer avec l'office pour établir cette définition afin que justement on puisse adresser votre inquiétude et bien circonscrire ce que vous faites, que ce soit là dans la loi, dans un règlement?

Une voix: ...Marie Céline.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Drapeau.

Mme Drapeau (Marie Céline): Bien, écoutez, là, vous demandez d'avoir quelqu'un qui participerait à la liste d'interventions qui ne constituent pas de la psychothérapie...

Mme Weil: ...de cette loi.

Mme Drapeau (Marie Céline): ...selon la définition qui serait éventuellement donnée. Évidemment, nous, on...

Mme Weil: Mais selon la définition, c'est ça, de la loi.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui, mais qui est là. On pourrait vous revenir là-dessus, hein? Mais je saisis mal, quand vous dites...

Mme Weil: ...acquis, dans un premier temps.

Mme Drapeau (Marie Céline): Mais les droits acquis ne sont pas dans la loi. Évidemment, ça va être par règlement.

Mme Weil: C'est ça. Et les droits acquis, c'est pour une certaine période de temps, c'est peut-être six ans.

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui. Ah, la période...

Mme Weil: Donc, vous avez besoin d'une solution plus durable que ça pour bien définir votre propre champ d'activité puis votre...

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui, mais...

Mme Weil: Et ça va être défini par règlement.

Mme Drapeau (Marie Céline): Je voudrais juste savoir quelque chose. Quand vous parlez des droits acquis, des droits acquis, c'est des droits acquis. Est-ce que ce sont des droits qui sont acquis temporairement, seulement que pour une période de six ans?

Mme Weil: C'est ça qui est prévu dans la loi.

Mme Drapeau (Marie Céline): Dans la loi, c'est prévu exactement qu'il y a une période provisoire de six ans. Mais en tout cas il y a de l'ambiguïté dans ce qu'on entend, d'abord à la dernière commission parlementaire concernant le rapport 50 où... et aussi dans le rapport Trudeau où on mentionne qu'il y aura des droits acquis. Mais, à ce que je sache, des droits acquis, ce sont des droits acquis, pas des droits acquis pour une période temporaire.

Mme Weil: Il y a un autre groupe qui a fait le même commentaire que vous. Mais, en vertu de 187.3.2, dans l'exercice du pouvoir de réglementation, on parle de... «l'office est autorisé, au cours des six premières années[...], à prendre des mesures transitoires».

Mme Drapeau (Marie Céline): Oui. Si on lit ça, je suis absolument d'accord avec vous, d'où, nous, on se disait, l'importance d'être mentionnés au moins, les professionnels membres de l'Association des art-thérapeutes, pour qu'on puisse continuer à exercer la psychothérapie au même titre que les ordres professionnels et on serait aussi assujettis à faire une demande de permis.

Mme Weil: Vous seriez dans la liste, vous avez le projet de loi devant vous, 187.1, le dernier paragraphe.

Mme Drapeau (Marie Céline): ...on serait ce qu'on n'est pas, de la psychothérapie, c'est ça? Parce que, vous savez, notre formation, là, qui est édictée... on a des lettres d'appui, on a une formation, en tant que psychothérapeutes, qui est reconnue et qui est reconnue.

Une voix: ...

Mme Drapeau (Marie Céline): Ils sont en train... Par exemple, il y a plusieurs d'entre nous qui travaillons déjà dans des hôpitaux et qui faisons de la psychothérapie avec les patients, par exemple, en psychiatrie. Ce n'est pas peu, ça. Dans les CLSC, aussi il y en a. Nous, on est convaincus que c'est de la psychothérapie. Et ce que vous m'inquiétez... vous m'inquiétez beaucoup quand vous parlez des droits acquis temporaires parce que ce n'est pas de cette façon-là qu'on l'avait entendu avec le rapport Trudeau. Alors, ça veut dire qu'une personne pourrait travailler... les psychothérapeutes, par exemple, membres de la SQPP ou les psychanalystes, ça voudrait dire qu'ils pourraient ne pratiquer que pendant six autres années après l'adoption du projet de loi?

Une voix: ...

Mme Drapeau (Marie Céline): Ah, bien, il y a quelque chose, là, qui est...

(Consultation)

Une voix: ...

Mme Drapeau (Marie Céline): Un point important.

Mme Weil: Je sais pertinemment que, vous, vous avez une définition de «psychothérapie».

Mme Drapeau (Marie Céline): ...dans la définition du rapport Trudeau... bien, c'est-à-dire, dans la définition, je pense qu'elle est même reprise ici, là, hein?

Mme Weil: Mais, moi, je pense qu'il va falloir trouver la solution dans l'article justement, la réglementation qui va venir, qui va définir votre champ d'activité. Il va falloir s'entendre. Puis ça, c'est un travail qui va se faire avec l'office pour bien définir. Vous, vous avez une interprétation de ce qu'est la psychothérapie. La loi va dire: Ce n'est pas exactement pareil, ce n'est pas la même chose. Il va falloir définir les actes que vous posez, votre spécialité, et c'est comme ça qu'on va passer... trouver un passage pour protéger votre champ d'activité.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Plante.

Mme Drapeau (Marie Céline): ...avec la clause grand-père ou des droits acquis qui durent seulement six ans. Je vais vous avouer que je n'ai jamais vu ça dans de la législation, des droits acquis qui durent juste six ans. Ça, je vais vous dire, je ne comprends vraiment pas ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Drapeau, il y a votre collègue à côté de vous qui aimerait intervenir.

M. Plante (Pierre): Habituellement, c'est... qui préside les assemblées, mais je vous laisse... J'aimerais peut-être entendre de la ministre, Mme Weil... Quand vous dites... vous faites référence aux art-thérapeutes, de la façon que nous définissons notre approche, vous nous définissez... hein, vous entendez que nous définissons l'art-thérapie comme étant une approche à la psychothérapie, donc une approche de traitement. Cependant, ce que vous dites, c'est...

Mme Vallée: ...

M. Plante (Pierre): Oui, vous avez des... Dans le sens que... Ce que j'entends, c'est: laisser, à ce moment-là, à d'autres. Ce que j'entends, c'est: oui, nous, nous offrons une définition de notre travail. D'ailleurs, les lettres de référence que vous avez, dans notre mémoire, de médecins psychiatres et de psychologues disent que les art-thérapeutes font de la psychothérapie, c'est clairement dans les lettres. Donc, on voulait le dire, mais on voulait aussi l'appui des autres dans les différents milieux. Ce que j'entends, c'est que vous, de votre côté, allez définir, hein, allez identifier ou trouver une façon de définir ce que, nous, nous faisons.

Mme Weil: Avec votre collaboration.

M. Plante (Pierre): Oui, c'est ça. Et c'était mon inquiétude, dans le sens que je crois qu'il est primordial que nous soyons... que nous fassions part de ce projet-là.

Mme Weil: ...que j'ai posé la question, parce que je voulais que ça fasse partie justement de la transcription, que ce sera en collaboration tout à fait avec vous et parce que vous êtes en meilleure position finalement pour bien décrire votre apport et votre expertise. Et donc l'office serait intéressé à travailler en collaboration avec vous pour que vous puissiez définir votre champ d'activité.

Donc, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Chers collègues, avez-vous d'autres questions?

Une voix: Non.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non. Merci donc, Mme la ministre. Mme la députée de...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, non, malheureusement, ce n'est pas encore le cas, Mme la députée de Mirabel. Ce n'est pas que vous ne le méritez pas, Mme la députée de Mirabel, mais ce n'est pas le cas. Donc, allez-y, madame.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. M. Plante, Mme Paquet et Mme Drapeau, bienvenue, merci pour la présentation de votre mémoire, d'autant plus que plusieurs personnes ont manifesté le fait qu'ils n'étaient pas au courant, là, de ce que vous faisiez, et je pense que votre présence est très, très appréciée. Et aussi, pour les fins de l'enregistrement et pour les gens qui nous écoutent, on aime bien entendre exactement ce que vous faites et quelle est votre formation.

D'abord, j'aimerais que vous puissiez nous dire, de façon plus explicite, là, comment vous dites que vous êtes à l'avant-garde, que ça ne se fait pas ailleurs. Et également, concernant votre formation, c'est important que les gens aient plus de détails sur votre formation. Vous dites, au fond, qu'il y a une double formation dans ce que vous faites, c'est très, très important. Alors, vous parlez aussi de maîtrise. Est-ce que vous pouvez préciser exactement, d'abord, quelle est votre formation, à quel endroit vous pratiquez? Parce que j'ai vu dans votre mémoire qu'il y a une liste substantielle d'endroits où vous pratiquez, dans des hôpitaux, et autres. Et la dernière chose: Bien, pourquoi vous dites que vous êtes à l'avant-garde? Et par la suite je vous poserai des questions plus techniques.

n(16 h 50)n

M. Plante (Pierre): ...que la notion d'avant-garde, c'est surtout sur le plan, je dirais, plan canadien, dans le sens qu'ailleurs au Canada c'est souvent des institutions qui offrent les programmes d'art-thérapie, alors qu'au Québec nous avons un programme de niveau maîtrise.

Donc, les plus hauts standards actuellement de formation en art-thérapie se retrouvent au Québec. Et le programme de formation de l'UQAT, qu'elle est en train de mettre sur pied, est un niveau maîtrise aussi. Donc, sur le plan canadien, hein, parce qu'ailleurs, je vous dirais, nous sommes dans les... à l'avant-garde, dans le sens qu'au Canada... dans le sens qu'avec les projets qu'on a, avec les formations qu'on offre, le fait d'avoir des étudiants étrangers qui viennent... Cependant, on fait partie de ceux qui font partie du peloton de tête, on pourrait dire, avec les États-Unis, l'Angleterre, entre autres. D'ailleurs, l'Angleterre, l'art-thérapie fait maintenant partie des approches à la psychothérapie, avec l'équivalent de ce que c'est au Québec, l'Office des professions.

Donc, l'art-thérapie est reconnue maintenant là-bas comme étant une approche, donc. Et, certains États américains aussi, les art-thérapeutes accèdent aussi à ces titres plus officieux, on pourrait dire. Mais le Québec, sur le plan canadien, se trouve, comme je vous le disais, à la tête dans le sens... au plan de la recherche, par la diversité des milieux donc, comme vous le demandiez. C'est vrai que les art-thérapeutes se trouvent dans les hôpitaux, les hôpitaux psychiatriques, dans les CLSC, en milieu communautaire. Il y a une longue tradition. Et, je pense, c'est important, sur le plan historique, de préciser que les art-thérapeutes, hein, je vous parle d'une tradition anglaise, donc américaine, l'Angleterre, dans le sens que, sur le plan historique au Québec... Et d'ailleurs c'est pour ça aussi que Concordia a été le premier programme en anglais. Donc, il y a une longue tradition mais dans le milieu anglophone. Dans tous les hôpitaux anglophones dans la région de Montréal, bien souvent ils ont des départements d'art-thérapie, que ce soit le Douglas ou le Jewish, entre autres. Sur le plan du français, le plan francophone, c'est un travail qui se fait graduellement et qui se développe.

Et l'UQAT, à mon avis, va jouer un rôle très, très important à la promotion. Évidemment, si... je sais que le programme de l'UQAT dépend beaucoup aussi de l'adoption du projet de loi et de... que le fait que les art-thérapeutes soient reconnus, parce que, pour eux, aussi c'est un programme de formation de psychothérapie avant tout.

Mme Beaudoin (Mirabel): D'accord. Vous mentionnez dans votre mémoire, là, que vous faites une proposition d'amendement. Et tantôt vous étiez inquiets concernant la question du délai de six ans concernant les droits acquis. Qu'est-ce qui vous sécuriserait dans tout ça? Qu'est-ce que vous voulez, exactement?

Mme Drapeau (Marie Céline): Moi, je vais vous dire, là, je croyais vraiment, de bonne foi, que, comme l'indiquait le rapport Trudeau, qu'il y avait des droits acquis pour certaines associations qui sont mentionnées dans le rapport Trudeau. Et j'aurais aimé y voir ajoutés les membres professionnels... c'est-à-dire, les art-thérapeutes professionnels de l'Association des art-thérapeutes du Québec qui sont déjà insérés dans les milieux d'hôpitaux et... comme Pierre le disait, avec des lettres de psychologues et de médecins qui statuent que les art-thérapeutes font de la psychothérapie au même titre que des psychologues. Alors, moi, je n'ai jamais entendu, je vais vous dire franchement, des droits acquis qui durent pendant six ans. Des clauses grand-père, c'est des clauses grand-père sur le plan légal qui durent plus longtemps. Et, moi, j'ai pensé que, oui, ce n'est pas ça, hein, les... Bon. C'est ça que je pense, que ce n'est pas ça. C'est une clause transitoire. Là, il va peut-être me l'expliquer. Bien, enfin, j'espère avoir la réponse claire, là, parce que ça a l'air un petit peu nébuleux. Mais de pouvoir assurer... Et c'est pour ça, nous aussi, qu'on demandait, à l'article, je vais aller voir dans mon...

Mme Beaudoin (Mirabel): 187.1.

Mme Drapeau (Marie Céline): ...187.3.2., qu'on rajoute, après «les membres professionnels»... Non, c'est-u là qu'on avait ça, nous autres?

Des voix: ...

Mme Drapeau (Marie Céline): Bien, en tout cas... C'est à quelle page, ça, Pierre? J'aimerais ça pouvoir le mentionner.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

M. Plante (Pierre): Je peux, à ce moment-là, nommer précisément les deux amendements... bien, enfin, l'amendement qui permettrait, pour nous, de résoudre idéalement le scénario.

Alors, évidemment, l'AATQ propose d'inclure, à l'article 187.1, la mention des art-thérapeutes professionnels de l'Association des art-thérapeutes du Québec, tel qu'indiqué dans notre mémoire. De cette façon, nous serions assujettis, comme les membres des autres ordres professionnels, à faire une demande de permis auprès de l'Ordre des psychologues et nous pourrions continuer à exercer la psychothérapie après la période transitoire prévue à l'article 187.3.2. Et nous espérons fortement que la maîtrise en art-thérapie puisse donner accès au titre de psychothérapie. Et nous demandons également qu'un membre de l'Association des art-thérapeutes du Québec puisse faire partie du comité consultatif interdisciplinaire. À cet effet, nous proposons d'amender l'article 187.5.2 en ajoutant la participation justement d'un membre de notre association à ce comité, tel que précisé dans notre mémoire à ce niveau-là.

Donc, ça permettrait, pour nous, de résoudre et de s'assurer que les art-thérapeutes font partie du projet de loi et qu'ils seront reconnus à l'intérieur.

Mme Drapeau (Marie Céline): Et c'est un petit amendement. C'est un petit amendement qui nous sécurise, parce que justement, après la période de transition, si notre nom n'est plus là, ça cause un problème.

Mme Paquet (Nicole): On risque de disparaître.

Mme Drapeau (Marie Céline): Il y a des fonds de recherche engagés aussi dans les recherches cliniques par nos cliniciens cliniques qui font beaucoup de recherches dans le domaine de l'art-thérapie, et ça, ça veut dire, c'est une partie de cette recherche-là qui, finalement... c'est y mettre un frein total.

Mme Paquet (Nicole): ...que ça priverait la population de services qu'ils reçoivent maintenant et qu'ils peuvent recevoir encore plus. On remplit un service qui est vraiment particulier et qui est important. On donne la parole à des gens qui n'ont pas la parole. À travers l'art, ils peuvent s'exprimer, ils peuvent se révéler, se découvrir et travailler à travers l'art.

Mme Drapeau (Marie Céline): D'une façon qui est beaucoup moins intrusive que seulement par l'utilisation de la parole. Et, nous, on... le voyons en psychiatrie. Je travaille moi-même en psychiatrie et je suis toujours étonnée de voir tout ce qu'un patient peut amener par le dessin... et ensuite, évidemment, pouvoir parler de ses problématiques. C'est une façon qui est plus en douceur pour aborder certains sujets qui sont menaçants d'aborder pour certains patients.

Une voix: Et des fois il y a des...

Mme Beaudoin (Mirabel): ...concrets suite à vos interventions?

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Une voix: Oui. Au niveau du mémoire...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je pense que Mme Paquet voulait...

Mme Paquet (Nicole): Je voulais donner un exemple. J'ai travaillé à la Maison Lauberivière avec des itinérants, et c'est un exemple, parce que ça montre bien, un peu, ce que l'art-thérapie peut faire. Et cet homme ne parlait jamais, jamais dans un aucun groupe, aucun groupe, il n'avait pas de parole du tout. Et finalement, en faisant un dessin, il a révélé qu'il avait été abusé en prison, parce qu'il avait parlé. Alors, il n'était plus question qu'il parle, il avait cessé de parler. Et, de pouvoir parler à travers son dessin, il a récupéré la parole, et ça s'est transféré dans les autres champs d'intervention, il a commencé à parler dans d'autres endroits. C'est un exemple parmi tant d'autres. On en a beaucoup, beaucoup, d'exemples comme ça, mais on ne vous embêtera pas avec tous des exemples particuliers. Mais c'est ça qui est l'art-thérapie, ça remplit un service particulier, et on voudrait vraiment que ça reste là et qu'on pratique dans la légalité. Autrement, on risque de disparaître.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Plante.

M. Plante (Pierre): Oui, bien, peut-être pour rajouter à la question, on pourrait parler d'efficacité, hein, de l'art-thérapie auprès de populations diverses.

À la page 6, au point 1.3.5 du mémoire qu'on vous a remis, on vous remet une liste, qui est peu exhaustive, de différentes recherches qui ont démontré l'efficacité de l'art-thérapie et on donne une série, hein, auprès des nouveaux... des immigrants, par exemple, ou des victimes d'abus ou de trauma et en vous indiquant toutes les recherches qui appuient ces travaux. Et ce n'est pas strictement de la recherche. Comme on le disait, au Québec on se situe à l'avant-garde, hein, de la recherche... faite ici, à Montréal, par des équipes comme l'équipe de Cécile Rousseau, par exemple, qui travaille auprès des nouveaux immigrants donc et avec... en collaboration avec les art-thérapeutes, donc. Et, pour moi, c'est clair. Peut-être je veux ramener une dimension de l'art-thérapie, parce que, quand on parle d'art-thérapie, on entend souvent parler peut-être de modalités ou d'approches qu'on va retrouver, par exemple, et ce n'est pas un jugement, parce que c'est tout à fait pertinent... mais je parle des impatients, par exemple, où on va pratiquer de la relation d'aide. C'est un accompagnement, c'est une forme d'art-thérapie.

Mais les art-thérapeutes qui sortent du programme de formation sont des psychothérapeutes. Et, s'ils vont travailler dans des lieux où on fait ce qu'on appelle une approche dite studio, où on reçoit et on accompagne dans la souffrance, mais on ne fait pas de changement ou de modification, mais on accompagne, c'est une forme, mais ce n'est qu'un simple petit pourcentage de, comme je vous disais... d'à peu près 160 art-thérapeutes qui travaillent et qui font avant tout de la psychothérapie telle que le projet de loi l'entend.

Une voix: Mme Paquet.

n(17 heures)n

Mme Paquet (Nicole): Il y aurait peut-être un autre exemple. Dans le domaine de la recherche dans le milieu carcéral, la Hollande a fait pas mal d'études pour voir l'efficacité de l'art-thérapie, puis il y a une étude qui est vraiment intéressante. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont fait mesurer l'efficacité des ateliers d'art-thérapie, et puis qu'est-ce qu'ils se sont rendu compte, c'est que, quand les prisonniers participaient à des ateliers d'art-thérapie pendant un an, ils diminuaient les... selon un certain pourcentage, je n'ai pas le chiffre ici, mais ils diminuaient les actions violentes, l'«acting-out» violent, qui se passait dans milieu carcéral, d'une certaine quantité, puis, quand leur thérapie était faite pendant deux ans, ça doublait les résultats.

Alors ça, c'est un exemple d'un milieu, d'une population qui est difficile, qu'est-ce qu'on fait avec les prisonniers. Alors, c'est un moyen qui est accessible, mais on a plein d'autres ressources, là, de recherches qui ont été faites dans différents milieux.

Mme Beaudoin (Mirabel): ...vous ne craignez pas que le fait de vous inclure, ça pourrait ouvrir la porte à d'autres groupements ou thérapeutes?

M. Plante (Pierre): Pour moi, le fait de nous inclure, c'est de reconnaître que, par exemple, le ministère de l'Éducation a ces programmes, hein, finance des programmes de formation, des programmes de maîtrise, ce qui n'est pas tout à fait le cas de peut-être autres groupes que je ne connais pas. Mais cependant ce serait de reconnaître les programmes de formation que nous offrons dans des universités. Donc, ce n'est pas des projets tout à fait farfelus, ce sont des programmes qui ont été montés, qui ont été présentés et défendus à quelque part, donc, hein? Que le ministère investisse dans ces programmes de formation et qu'il y ait des art-thérapeutes qui, depuis plus de 20 ans, sortent de ces universités-là pour pratiquer de la psychothérapie, bien c'est tout à fait justifié, et, à ce moment-là, c'est aux autres évidemment de montrer la pertinence de leur formation.

Mme Beaudoin (Mirabel): Vous mentionnez, à la page 8, là, de votre mémoire, que vous proposez l'amendement suivant: «À l'article 187.1, ajouter, après "ou Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec" les mots suivants: "ou les membres professionnels de l'Association des art-thérapeutes du Québec".» Est-ce que vous avez pris connaissance du mémoire présenté par l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec?

Mme Drapeau (Marie Céline): Non.

Mme Beaudoin (Mirabel): Non. Est-ce que vous avez déjà communiqué avec eux auparavant? Est-ce qu'il y a eu des pourparlers de quoi que ce soit?

Mme Drapeau (Marie Céline): Avec l'ordre des travailleurs sociaux? Non. On en prend bonne note.

Mme Beaudoin (Mirabel): D'ailleurs, le président est ici. M. Leblond est ici, si jamais vous voulez lui parler.

Une voix: Ça ne voulait pas dire qu'on s'ajoutait.

Mme Beaudoin (Mirabel): Parce que, dans son mémoire, M. Leblond conclut, disons, pour l'ordre comme tel: «Le projet de loi n° 21 est le fruit d'une vaste et profonde réflexion. Il s'appuie également sur une approche consensuelle et sur des concepts éprouvés tels que l'interdisciplinarité, la complémentarité et l'accessibilité compétente.» Alors, peut-être qu'il y a une ouverture dans ce sens-là.

Mme Paquet (Nicole): Nous, on serait bien heureux de voir de l'ouverture ici, là, vraiment. On est ici pour représenter nos collègues. Et on voudrait vraiment que l'art-thérapie puisse continuer à se pratiquer et on compte sur vous pour nous aider.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...de Mirabel? Ça va? Non, ce n'est pas terminé pour vous, absolument pas.

Mme Beaudoin (Mirabel): Ah bon. Je voudrais savoir: Vous représentez combien d'art-thérapeutes au Québec, actuellement?

M. Plante (Pierre): L'Association des art-thérapeutes a environ 140 membres art-thérapeutes. Nous avons aussi, à l'intérieur de nos membres, des dramathérapeutes parce qu'ils n'avaient pas d'association, et le but de se joindre à nous, évidemment c'est de s'assurer que leur pratique aussi respecte un code de déontologie, un code d'éthique en fait, d'encadrer la pratique. Donc, nous avons, à l'intérieur de nos membres, des dramathérapeutes aussi, mais de façon... l'association est avant tout composée, je dirais, de 140 membres professionnels, art-thérapeutes professionnels.

D'ailleurs, c'est pour ça que nous avons, étant donné qu'on ne pouvait pas, hein... Le titre art-thérapeute n'est pas protégé, donc c'est le danger aussi que n'importe qui s'affiche art-thérapeute. C'est pour ça que ce serait important peut-être d'inclure quelque part... ou, du moins notre désir à nous face aux ordres professionnels ou à l'Office des professions, de faire quelque chose par rapport au titre d'art-thérapeute parce que n'importe qui peut s'afficher art-thérapeute et pratiquer. Et ça peut être évidemment de ne pas connaître le pouvoir des médiums, d'offrir n'importe quel médium à différentes problématiques, à des clients qui présentent différentes problématiques, peut être un préjudice évidemment très important et peut générer plus de problèmes que d'en résoudre, aussi.

Donc, c'est important justement pour l'Association des art-thérapeutes de se donner ce rôle-là d'encadrer la pratique des art-thérapeutes.

Cependant, ce que je voulais dire, c'est que, oui, nous sommes à peu près 140 membres art-thérapeutes, sur le nombre d'années, avec tous les étudiants qui ont gradué. Cependant, étant donné que le titre n'est pas protégé, les gens, en sortant de leur formation, pouvaient pratiquer sans être membres de l'association, en étant à l'intérieur des différents hôpitaux, et avoir leurs assurances à travers les hôpitaux. Cela dit, c'est: nous pourrions facilement avoir près de 200 à 300 membres art-thérapeutes si le contexte exigeait qu'ils ne peuvent pratiquer sans être membres, entre autres, parce qu'il y a évidemment beaucoup plus d'art-thérapeutes qui pratiquent et qui se joignent à nous en voyant, bon, la formation continue, et tout ça.

Mme Beaudoin (Mirabel): Est-ce que dans votre association la plupart des membres ont une maîtrise?

M. Plante (Pierre): Ils ont une maîtrise. En fait, il y a un comité, hein, d'adhésion qui évalue tous les dossiers. Donc, ils ont soit une maîtrise ou une maîtrise provenant d'un autre domaine, hein? Nous avons dans nos rangs, comme on l'a nommé un peu plus tôt, des psychologues, par exemple, qui ont fait la formation en art-thérapie et qui sont membres de notre association.

Donc, ils ont une maîtrise ailleurs, mais qui ont fait la formation aussi en art-thérapie, une formation reconnue. Et il faut tenir compte aussi que l'art-thérapie, comme je vous disais lors du discours d'entrée, c'est une approche, hein, qui s'est développée avec... qui est presque centenaire, maintenant. Dès les années 1914-1915, à New York on développait des projets d'art-thérapie. Donc, on a ici des pionniers, et d'ailleurs, à ma droite, on a une pionnière qui a été formée aux États-Unis, parce qu'à Montréal la maîtrise, ça date des années 1980. Avant, c'était un programme qui n'était pas une maîtrise mais qui est devenu une maîtrise avec les années. Cependant, nous avons, à l'intérieur de notre association, des gens qui ont été formés ailleurs parce qu'à l'époque il n'y avait pas de formation d'art-thérapie offerte.

Donc, oui, nous avons des gens qui viennent d'ailleurs aussi avec leur formation, mais il doit y avoir une équivalence, et nous sommes très, très rigoureux à ce niveau-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, merci, Mme la députée de Mirabel. Et il me reste à vous remercier, Mme Drapeau, M. Plante et Mme Paquet. Merci pour votre contribution à cette commission, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et inviter l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons donc reprendre nos travaux.

Donc, je présume que c'est l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée qui ont pris place. C'est bien cela? Donc, monsieur mesdames, je vous souhaite la bienvenue à notre commission, et bienvenue dans votre Assemblée nationale, puisque vous en êtes non seulement les invités, mais les propriétaires. Je vous explique rapidement quelles sont les règles de notre commission. Vous allez voir, elles sont très simples comme règles. Vous avez 10 minutes de présentation pour votre mémoire, et, de part et d'autre, il y aura une période de questions, une période d'échange de 25 minutes.

Et, sur ce, je vous cède la parole en vous permettant de vous présenter pour le bénéfice de chacun des membres de cette commission.

Association provinciale
des professeurs en techniques
d'éducation spécialisée (APPTES)

Mme St-Amour (France): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, membres députés, je vous souhaite... je tiens à vous remercier de nous accueillir pour nous écouter par rapport au projet, à nos réactions par rapport au projet de loi.

Alors, je vais tout d'abord présenter mes collègues qui m'assistent à cette présentation: alors, à l'extrême droite, M. Guy Lemire, enseignant du cégep de Sherbrooke, porte-parole de l'association en ce qui concerne le dossier et qui a aussi participé à la recherche et à l'étude que je vous ai déposées, que j'ai eu l'occasion de vous déposer mardi dernier; ensuite, à ma droite, Mme Martine Cinq-Mars, enseignante au cégep Marie-Victorin, qui a rédigé l'étude que vous avez eue, toujours la même dont il est question, et qui est aussi porte-parole de l'association en ce qui concerne le dossier. Et, moi-même, j'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer mais dans le cadre de mon rôle et de ma représentation à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, mais je suis aussi présidente de l'association provinciale et je suis enseignante au cégep Marie-Victorin. Évidemment, les trois, nous sommes enseignants en techniques d'éducation spécialisée.

Alors, Mme Cinq-Mars va vous présenter le mémoire, mais tout d'abord, je le mentionnais d'entrée de jeu, nous tenons à vous remercier d'être... de nous laisser vous apporter nos commentaires et un peu notre vision par rapport au projet de loi. Et nous tenons aussi... nous sommes heureux aussi, par cette occasion, de signifier tant aux parlementaires qu'à tous les gens que, malgré que nous avons certaines inquiétudes qui sont mentionnées dans notre mémoire, nous avons, tout comme vous, la même priorité, c'est-à-dire la protection du public. Alors, on tenait à le préciser, parce que parfois ça peut laisser présager certains propos ou certaines idées par rapport au fait que nous apportons nos inquiétudes, mais en aucun temps, pour nous, ça ne compromet cette priorité-là.

Mme Cinq-Mars (Martine): Alors, je vous remercie, moi aussi, de nous permettre de présenter notre mémoire. Ce second mémoire qui est déposé s'inscrit dans la continuité de celui que nous avions déposé l'année passée dans le cadre du projet de loi n° 50, il en poursuit la réflexion. Pour les fins de cette courte réflexion, notre mémoire contient quatre parties: la première recadre l'intention du projet de loi pour mieux situer les éléments qui suivent; la seconde et la troisième présentent respectivement les effets inquiétants ou pervers du projet de loi en l'absence de définition plus claire, premièrement, de la notion d'évaluation clinique telle qu'avancée par le projet de loi et, deuxièmement, des contextes dans lesquels les activités réservées devraient être réalisées; en conclusion, on va vous présenter ce que nous souhaitons afin d'éviter ces effets.

Alors, les motifs qui appellent à la nécessité d'une modernisation de la pratique dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines procèdent du prolongement de la logique ayant opéré dans le secteur de la santé physique. L'exercice du comité d'experts dans le domaine s'inscrit, on le sait, dans la foulée de la loi n° 90 ayant mené à l'encadrement et la réserve partagée de certaines activités professionnelles dans le domaine de la santé physique afin de favoriser une accessibilité compétente aux soins notamment pour pallier l'insuffisance des ressources et l'utilisation non optimale de celles-ci. Malgré un contexte fort différent dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, ce principe d'«accessibilité compétente» a été repris dans l'idée de mieux encadrer l'exercice de la relation d'aide.

La volonté de mieux protéger le public en réservant des activités évaluatives et de détermination du plan d'intervention fait écho à la logique existant dans le monde médical. Dans le champ de la santé physique, les activités de diagnostic et de détermination du plan de soins sont qualifiées par un niveau de spécialisation requis, tandis que la collecte de données nécessaires au diagnostic, par exemple une prise de sang, et l'exécution de l'intervention conséquente à cette orientation du spécialiste peuvent reléguées à des intervenants de niveau inférieur de formation. Cette logique est reprise dans le projet de loi, qui en fait une application élargie au domaine de la santé mentale et des relations humaines, notamment celui de l'adaptation de la personne en lien avec son environnement, soit le champ de l'éducation spécialisée partagé avec les psychoéducateurs. Or, cette intention louable de mieux protéger le public en rehaussant et encadrant les standards de pratique dans les divers champs professionnels de la santé mentale et des relations humaines risque fortement de rater sa cible si nous considérons certains effets pervers que nous allons maintenant vous présenter.

Alors, un premier effet qui nous inquiète est lié à l'imprécision du concept d'«évaluation clinique». Selon l'Ordre des psychologues, et là je vais citer des propos tirés des journaux de l'Ordre des psychologues, l'activité d'évaluation, telle que formulée au projet de loi, consiste bel et bien en une évaluation de nature diagnostique, même si le terme officiel continue d'être réservé aux seuls médecins. On explique que le terme «évaluation clinique» a été retenu de préférence à son équivalent, «diagnostic», pour éviter un débat houleux qui risquait de retarder, voire compromettre les travaux en santé mentale et relations humaines.

Cet enjeu de l'Ordre des psychologues quant à l'activité évaluative n'est pas fortuit. Dans le domaine de la santé mentale, il existe différents cadres théoriques, il en a été beaucoup question ici, dont le plus connu est le DSM-IV, pour diagnostiquer un trouble. Ces référents théoriques reposent sur un ensemble de critères connus des psychologues, sauf pour l'axe... dont il a été question aussi, là, à partir desquels il est possible de tirer des conclusions cliniques de l'état mental d'une personne. Une large part des activités des psychologues consistant à porter un jugement clinique sur l'état mental d'une personne notamment pour orienter l'intervention, il va de soi que la reconnaissance, par le projet de loi, de leurs compétences à poser un tel geste professionnel constitue une avancée importante pour favoriser l'accessibilité aux services auprès des personnes nécessitant une évaluation clinique, de nature diagnostique, de leur état mental. On peut parler des psychologues et des quelques autres habiletés à faire ce type d'évaluation.

Le projet de loi entend réserver cette activité à d'autres champs professionnels, notamment celui de la psychoéducation et de l'éducation spécialisée, qui constituent un seul et même champ, on le sait. À cet effet, divers acteurs, dont nous sommes, ont largement argué que cette manière de faire venait déqualifier notamment les diplômés de niveau technique de formation qui réalisent largement ces activités qui leur sont enseignées dans leurs programmes. À ce sujet, l'Office des professions mentionne que ce projet de loi a pour but de requalifier en augmentant les standards de pratique à des niveaux universitaires et non de déqualifier la pratique des techniciens. Il prévoit à cet effet la mise en place d'un chantier de travail sur la situation des techniciens notamment afin de connaître les compétences qui sont enseignées au programme et leurs liens avec les activités réservées. Or, si l'objectif n'est pas de déqualifier les formations collégiales mais bien de rehausser les standards de pratique, telles que formulées actuellement, ces activités réservées et la proposition d'un chantier ultérieur risquent de largement poser préjudice à la pratique actuelle des techniciens. En effet, ce sont alors ceux-ci qui auront à faire la démonstration de leurs compétences en lien avec la réserve d'activités.

Tel que mentionné précédemment, l'évaluation clinique dont il est question dans le projet de loi constituerait l'équivalent de l'évaluation diagnostique dont le terme est réservé aux médecins. Or, s'il est compréhensible que ce type d'évaluation soit reconnu, par exemple, dans l'évaluation de l'état mental d'une personne et partagé entre le personnel qualifié pour le faire, il n'en est rien dans l'évaluation de l'adaptation ou du fonctionnement social d'une personne. C'est qu'actuellement ce niveau d'évaluation dans ces champs professionnels respectifs n'existe pas. Contrairement à l'évaluation de l'état mental d'une personne pour lequel il existe des critères diagnostiques reconnus et valides, les champs de l'adaptation sociale ne disposent pas de mêmes critères référentiels pour poser un jugement clinique. Dans ce contexte d'absence de définition claire référant à des critères objectifs pour poser un jugement clinique, la reconnaissance des niveaux de formation requis pour réaliser ces évaluations devient complètement aléatoire.

Dans le champ de l'éducation spécialisée et de la psychoéducation, une étude récente, la nôtre, qu'on vous a déjà déposée, réalisée conjointement par nous et la Fédération des cégeps montre sans équivoque que les éducateurs spécialisés réalisent bel et bien, dans les divers milieux où ils exercent, les compétences pour lesquelles le programme de formation collégiale les forme. Ce rapport montre aussi sans équivoque que, parmi les tâches qu'ils exercent, les éducateurs réalisent les activités dont on envisage la réserve aux psychoéducateurs, notamment les activités d'évaluation dans le champ de l'adaptation de la personne avec son environnement.

L'ordre des psychoéducateurs, dans un texte récent, tente de définir des niveaux d'évaluation en réduisant aux activités de dépistage et de collecte d'informations les activités évaluatives des éducateurs et en s'appropriant les autres aspects liés à l'évaluation, pourtant réalisés actuellement par les techniciens, pour en faire des paramètres établissant un niveau d'évaluation clinique qui leur serait réservé. Il est clair que les compétences enseignées au programme, comme le montre notre étude, impliquent un niveau d'évaluation dont les paramètres sont beaucoup plus larges que ceux auxquels voudraient les voir confiner les suggestions de l'ordre des psychoéducateurs. Il est clair également que les éducateurs spécialisés réalisent actuellement ce type d'évaluation dans les milieux.

n(17 h 20)n

Si le projet de loi vise à rehausser les standards d'exercice dans des contextes jugés préjudiciables, il est essentiel que le législateur, avant l'adoption des articles concernés, s'assure que chacun des champs d'exercice concernés pas cette législation dispose de critères objectifs et réels permettant de poser un jugement clinique sans venir emprunter à ce qui est déjà exercé de manière satisfaisante par des niveaux de formation collégiaux, sous prétexte d'en vouloir l'exclusivité. Cela aurait pour effet de créer une pénurie de main-d'oeuvre et de diminuer largement l'accessibilité aux soins.

Le deuxième effet qui nous inquiète concernant le projet de loi est en lien avec le manque de clarté des contextes d'exercice des activités réservées. Dans le champ de l'adaptation de la personne en lien avec son environnement que partagent les éducateurs spécialisés et les psychoéducateurs, tant notre étude que les propos tenus par l'ordre des psychoéducateurs soutiennent la vacuité de séparer les activités d'évaluation et de planification de l'intervention du contexte de réalisation de celles-ci. De fait, dans ce champ professionnel, «l'évaluation est indissociable de l'intervention». Et c'est une citation de l'ordre des psychoéducateurs. C'est que le champ... «Elle fait partie ? je poursuis la citation ? d'un processus continu soutenant un plan, une intervention et son suivi.» C'est que le champ de l'adaptation de la personne en lien avec ses environnements ne peut reposer sur une analyse décontextualisée qui viendrait orienter les paramètres de l'intervention sans prendre en compte cet aspect dynamique que constitue l'adaptation elle-même.

La vision médicale du projet de loi, qui vient séparer l'évaluation de l'intervention en réservant la première à des spécialistes et la réalisation de la seconde à d'autres, risque de poser préjudice à la clientèle bien plus que de ne la protéger davantage. En effet, il est douteux que cette tendance, qui médicalise la relation d'aide en obligeant, en cours d'intervention, l'intervenant de niveau technique à recourir à des professionnels lorsqu'il s'agira d'exercer une activité désormais réservée, n'ait pas d'impact sur la qualité des services offerts.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...est-ce que vous en avez encore pour longtemps, malgré que c'est fort intéressant?

Mme Cinq-Mars (Martine): Non. J'achève.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? Allez-y.

Mme Cinq-Mars (Martine): Au regard du champ de l'éducation spécialisée, cette hiérarchisation des services risque davantage d'augmenter les délais et stigmatiser les personnes en difficulté en les privant d'un processus d'intervention global, ancré depuis leur réalité, pour leur opposer désormais l'obligation de recourir au diagnostic des spécialistes dans certaines circonstances.

L'intention louable d'assurer la meilleure qualité possible des services en contrôlant les risques au maximum ne semble devoir prendre en compte cette réalité dans laquelle s'incarne pourtant l'intervention. En réalité, il s'avère peu probable que l'effet escompté sur la protection du public ne se voit pas relégué au second plan au profit d'une surspécialisation stigmatisante. L'imprécision de ces contextes pourrait en effet amener une généralisation du recours aux spécialistes pour effectuer les activités d'évaluation et de détermination du plan d'intervention, là où cela n'est nullement nécessaire.

Une étude récente... Une enquête récente réalisée par le MSSS dans le cadre la présente réforme montre, pour sa part, une compréhension fort disparate, de la part des employeurs, de ce que constituent les activités évaluatives prescrites au projet de loi. Pour assurer l'imputabilité et la légalité dans des contextes où l'interprétation est floue, le risque est grand de généraliser l'interprétation des contextes d'application des activités réservées. Cette approche ne peut que stigmatiser davantage les populations vulnérables. Est-il nécessaire de poser un diagnostic auprès d'une personne qui a une difficulté d'adaptation sociale?

En conclusion, compte tenu des effets pervers auxquels le projet de loi risque de donner lieu, l'APPTES recommande au législateur de n'adopter le projet de loi que pour les portions pour lesquelles il fait consensus, soit les articles liés à l'encadrement de la psychothérapie et aux mesures reliées à la prévention du suicide. L'APPTES demande au gouvernement de retirer du projet de loi les mesures modifiant les champs de pratique et désignant des activités réservées à certaines professions tant que des travaux venant clarifier les imprécisions ne sont pas complétés. Le retrait de cette mesure permettra de réaliser des travaux dans un contexte où les balises ne sont pas déterminées préalablement et où l'intérêt de répondre aux besoins de personnes les plus vulnérables est mis au premier plan et pris en compte par tous les intervenants gravitant autour d'elles. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Cinq-Mars. Donc, sans plus tarder, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce qui différencie une personne formée au cégep en techniques d'éducation spécialisée et un psychoéducateur détenteur d'une maîtrise dans ce domaine et aussi si votre association a confiance aux travaux de la table sur les techniciens pour cerner cette différence?

Mme Cinq-Mars (Martine): O.K. En fait, actuellement, la différence entre les techniciens et les bacheliers, au niveau de la psychoéducation, est à peu près absente. Même l'ordre des psychoéducateurs le reconnaît dans certains textes, là, qu'on a retrouvés.

Au niveau de la maîtrise, on s'attend... Si justement, par exemple, l'objectif du projet de loi est de requalifier en augmentant les standards de pratique, on s'attend à ce que, par exemple, l'ordre des psychoéducateurs arrive à établir des standards suffisamment élevés qui ne viendront pas emprunter à ce qui se fait déjà et qui pourrait être effectivement le... faire l'objet finalement des études supérieures en psychoéducation. Actuellement, ce n'est pas le cas, il faut le dire, ça n'existe pas, mais, d'un point de vue logique, on peut penser que ça aurait du sens que ce soit comme ça.

Au niveau du chantier des techniciens, nous, on est contents de savoir qu'il va y avoir des travaux à cet effet-là, sauf que notre inquiétude est vraiment liée au fait que ça va se faire après l'adoption du projet de loi, et on ne comprend pas pourquoi. Ça fait un an que le projet de loi a été... Bon, en tout cas il y a toutes sortes de choses qui ont été commencées, qui ont été abordées, on aurait pu largement commencer. On trouve que de plus en plus il y a des dichotomies qui s'installent entre les différentes positions des... les différents partis, on trouve ça vraiment dommage. Si le projet de loi souhaite créer un consensus, je crois qu'il serait plus que temps que ce chantier-là se mette en place et bien avant l'adoption du projet de loi finalement, parce qu'actuellement il y a des controverses autour de ça, puis plus les controverses vont rester, plus les positions vont être cristallisées, plus ça va être inquiétant finalement pour l'implantation du projet de loi et la répartition finalement des activités.

Toute la question de l'absence de définition claire, s'il y a un chantier des techniciens qui procède après l'adoption du projet de loi, ça implique que les techniciens vont devoir faire la démonstration qu'ils sont réellement capables de réaliser ces activités-là. Pour nous, il y a vraiment un problème, parce qu'en réalité, puisque les standards supérieurs n'existent pas encore, il faudrait, plutôt que de demander aux techniciens de faire la démonstration, il faudrait demander au niveau supérieur d'établir des standards supérieurs plutôt que de venir emprunter à ce qui se fait. Donc, pour nous, il y a une logique qui est vraiment à l'envers.

Mme Weil: Quelles sont les exigences envers les techniciens en éducation spécialisée dans les milieux de travail au regard de la tenue de dossiers, par exemple?

Mme Cinq-Mars (Martine): En fait, oui, c'est ça, en fait les éducateurs spécialisés, comme tous les autres professionnels, doivent tenir un dossier, participer à un dossier, faire des évaluations, rédiger des rapports, faire un suivi du client, etc., et tout ça est dans un dossier. Évidemment, ces dossiers-là sont déjà encadrés par divers contextes légaux, hein? On n'a pas attendu ce projet de loi finalement pour s'assurer que les pratiques étaient légiférées, faites en bonne et due forme, etc. Et il y a toutes sortes de politiques en plus au niveau de chacun des établissements pour assurer que ces cadres législatifs là soient respectés.

Mme Weil: Il y a un rapport. Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'une étude, que vous avez réalisée, démontrant que les techniciens en éducation spécialisée exercent actuellement des activités dont on envisage la réserve. Est-ce que vous l'avez déjà déposée?

Une voix: En fait, elle a été déposée lundi par la CSN.

Une voix: ...

Une voix: Mardi. Excusez.

Mme Weil: O.K. Très bien.

Mme St-Amour (France): Mardi dernier, l'étude que j'ai déposée pour la FNEEQ, parce qu'on m'avait fait la demande... à ce moment-là, c'est de cette étude-là dont il était question, qui mentionne clairement, d'une part, l'ensemble du programme, et le comparable avec les activités aussi qui sont réservées, et les liens qui sont établis dans la réalité dans les différents milieux de pratique.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à nouveau et bienvenue aux gens qui vous accompagnent. J'ai parcouru votre mémoire, et, à la page 6, vous faites une affirmation, j'aimerais vous entendre un peu plus, quand vous dites que «l'absence de précision des contextes d'exercice exceptionnels où [certaines] activités devraient s'appliquer, les activités réservées risquent de médicaliser la prestation des services auprès des clientèles plus vulnérables». Alors, j'aimerais savoir quelle est la cause à effet par rapport à la médicalisation des personnes, des clientèles les plus vulnérables.

Mme Cinq-Mars (Martine): En fait, c'est que les contextes... En fait, le danger est que, compte tenu de l'absence de précision de ces contextes-là... Ce qu'on voit, là, actuellement, c'est que, dans notre étude, premièrement, les éducateurs réalisent les activités réservées dans tous les contextes qui sont mentionnés. Donc, il s'agit de l'ensemble des clientèles qu'ils desservent, ou à peu près. Les contextes sont tellement larges qu'ils viennent s'appliquer à à peu près tous les contextes d'intervention.

n(17 h 30)n

Quand on parle, par exemple, en centre jeunesse, de déterminer un plan d'intervention pour des personnes à risque de suicide et/ou qu'il y a un diagnostic, bien il s'agit de presque la quasi-totalité des jeunes en centre jeunesse.

Donc, le risque de préjudice est là, il y a une rigueur absolument importante à avoir, mais en même temps l'approche du projet, qui est de poser une évaluation diagnostique... on vient faire de jeunes en difficulté d'adaptation... on vient de poser un diagnostic, donc on vient de les stigmatiser, là, d'un point de vue, avec une approche médicale. C'est ça qu'on veut dire. Si les contextes sont... Ça se pourrait que, par exemple, on dise: Dans des contextes absolument préjudiciables, là, on n'a pas le choix, ça nous prend vraiment un niveau d'évaluation à ce niveau-là, on pourrait penser ça, mais, compte tenu du préjudice que ça peut poser aux jeunes au niveau de la stigmatisation, c'est important que ces contextes-là soient vraiment exceptionnels. Et actuellement les contextes sont tellement décrits largement qu'ils pourraient s'appliquer à peu près à tout. Et une de nos inquiétudes, c'est que ça devienne généralisé, l'application des contextes. Par exemple, on observe déjà dans les différents milieux de travail, depuis que le rapport Trudeau a été déposé, etc., que de plus en plus il y a des milieux de travail où certains contextes étaient faits actuellement par les éducateurs, il y a une interprétation qui s'est faite, par les employeurs, d'un contexte plus large, et, tout d'un coup, ils ne peuvent plus le faire. Et puis la façon dont... Ou bien donc c'est fait en deux temps: il y a un diagnostic ou en tout cas une évaluation de type clinique qui est posée et puis après ça, dans un deuxième temps, il y a une intervention.

Dans une approche comme ça, on a une approche médicale qui est reliée à ce qui est écrit dans le mémoire, c'est-à-dire il y a un médecin qui... Dans le fond, on peut faire une collecte de données pour donner au médecin qui, lui, pose un diagnostic, puis après ça on retourne au traitement. C'est le même type d'approche qui risque d'arriver.

Mme Gaudreault: Oui, parce que ma compréhension, c'est que c'est toujours dans un esprit de multidisciplinarité, alors vous avez toujours accès à un médecin, un psychologue, un psychoéducateur. Alors, je ne comprends pas pourquoi ce projet de loi là viendrait escamoter, là, l'équilibre actuel entre les divers intervenants dans les centres jeunesse, disons.

Une voix: ...

M. Lemire (Guy): Oui. Peut-être en complément, si vous permettez. On va essayer de rendre ça un peu plus tangible cet après-midi. Il y a autour de 18 000 éducateurs spécialisés qui pratiquent dans différents milieux de travail. Entre autres, le ministère de la Santé et des Services sociaux... MELS aussi. Disons que la première fonction de travail d'un éducateur spécialisé... Je vais vous donner un petit peu le processus de travail ou les différentes fonctions de travail qu'un éducateur spécialisé fait, indépendamment des clientèles avec lesquelles il est exposé.

En premier lieu, c'est de créer une relation de confiance auprès des bénéficiaires. Vous êtes au courant que la clientèle avec laquelle nous travaillons, c'est une clientèle qui est extrêmement vulnérable, qui a été exposée avec des difficultés de développement graves. Donc, seulement là, d'établir une capacité relationnelle d'empathie dans laquelle les personnes peuvent se confier avec les éducateurs spécialisés, donc il y a toute une capacité relationnelle d'empathie qui est essentielle avec le client. Je pense que ça a déjà été mentionné avec d'autres auditions. Il a été démontré que la pratique de l'éducation spécialisée en est une avant tout de terrain et de proximité directe auprès des clientèles en difficulté. Ce sont des intervenantes, des intervenants qui passent directement la majorité du temps auprès de clientèles dans différents environnements cliniques, que ce soient les centres jeunesse, que ce soient les écoles, que ce soient les familles d'accueil, que ce soient les CRDI... TED, donc qui ont une capacité d'être exposés directement auprès des clientèles, donc de comprendre leur réalité, de comprendre leur vécu au quotidien, hein, ce qu'on soulignait un petit peu ce matin aussi ou hier avec l'association des éducateurs, de créer un lien de confiance.

Ça, c'est primo. Et je vais vous dire que ça prend quand même un certain temps, parce que, les clientèles en centre jeunesse qui ont vécu de la négligence, de l'abus, ça prend énormément de temps pour bâtir cette capacité relationnelle là dans laquelle les enfants ou les jeunes peuvent se confier. Une fois que cela est établi, ils vont observer des comportements dans différents contextes ou situations. Par la suite, ils vont recenser différentes données comportementales pour essayer de saisir ou d'évaluer le mode de fonctionnement de comportements, ou le mode de fonctionnement social, ou la capacité d'adaptation sociale de la personne. Ce que je vous dis, au fond, tous, cet après-midi, là, et il n'y a pas de... Il y a des balises légales par rapport au milieu d'intervention, par rapport à l'aspect législatif dans lequel l'intervention est balisée, mais ils le font avec un encadrement clinique qui est auprès d'eux.

Une fois qu'ils ont évalué les capacités d'adaptation et le fonctionnement social, ils vont élaborer et déterminer un plan d'intervention, ils vont le mettre en application. De concert avec l'équipe multi, ils vont élaborer des stratégies, des moyens et des objectifs d'intervention via des activités cliniques, via différents objectifs ou stratégies d'intervention pour parvenir à des fins ou à des buts, des objectifs de réadaptation psychosociale. Après ça, ils vont les mettre en oeuvre, ils vont les appliquer et par la suite ils vont évaluer la portée du plan d'intervention qui a été construit, élaboré souvent en équipe multidisciplinaire ou avec la famille.

Tout ceci est constitué avec une approche personnalisée auprès de la clientèle, qui est structurante auprès de la clientèle et qui est intégrée à l'intérieur même d'un processus d'intervention balisé par les milieux de pratique professionnelle et les cadres juridiques dans lesquels les éducateurs pratiquent. Tout ce que je viens de vous dire fait partie d'un tout dans le processus d'intervention, qui ne peut être disséqué par différents intervenants. C'est là qu'on dit peut-être que... Si on prend une partie, qu'on l'extrait et qu'on la rend exclusive à d'autres professionnels, cette capacité relationnelle là d'intervention, d'approche terrain directement dans le milieu, comment est-ce qu'elle va se concrétiser auprès des bénéficiaires? Est-ce qu'on va créer des ruptures de services? Est-ce qu'on va créer des ruptures de relations... et dans lesquelles il y a eu plusieurs documents qui ont été déposés auparavant par rapport aux centres jeunesse, entre autres, qui disaient: «Fini la rupture de relations et de professionnels dans les milieux de travail, on va essayer de créer des zones de concertation et de stabilité de personnel et au niveau de l'intervention pour justement générer la capacité de relations, d'attachement thérapeutique et que le jeune peuve vivre une réelle intervention de réadaptation psychosociale»?

Si on vient exclure certains éléments, entre autres, ce que Martine disait tout à l'heure, ce que le projet de loi semble identifier, on extrait le plan d'intervention et on extrait la capacité d'évaluation des situations auprès d'autres professionnels, on vient enlever la séquence et la continuité de tout le processus d'intervention.

Une voix: On vient compartimenter.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme St-Amour.

Mme St-Amour (France): Bien, ce que je veux souligner, c'est que c'est clair que vous allez... on a entendu quand même plusieurs propos, il se pourrait que ça ne le fasse pas, parce que ce qu'on entend dans les premiers propos à la commission au niveau de la loi n° 50, du projet de loi n° 50 et sur cette commission-ci, c'est: Ça ne changera rien. C'est l'assurance que nous entendons depuis un certain temps.

Mais dans les faits quels sont les éléments qui peuvent nous rassurer? Et ça déjà été une question. Et il n'y en a pas, malheureusement, dans le sens où, pour nous, le doute est existant. L'absence de clarté de définition dans le projet de loi et l'absence de référence claire sur une évaluation clinique qui n'existe pas actuellement nous amènent à craindre ce type de situation là qui est énoncé. Un processus d'intervention, c'est un tout, pour nous. C'est comme ça que nous l'enseignons et c'est comme ça que ça se vit dans le milieu. Alors, quand on veut sectionner des parties, peut-être que c'est tout à fait légitime de le faire, mais on n'a pas présentement des éléments qui nous amènent à croire que c'est légitime de le faire. Alors, notre attente, c'est d'avoir ces réponses-là. Et c'est clair que d'avoir la table, dans un deuxième temps, nous fait craindre davantage la démonstration de nos compétences qu'en soi la capacité de... ou la nécessité d'établir un niveau supérieur d'évaluation. Parce que, ce type de discussion là, je dois bien vous avouer, que l'association aurait aimé l'avoir bien autrement qu'autour... que dans le cadre d'une commission parlementaire parce que nous avons fortement l'impression qu'on est en train de stigmatiser certaines clientèles et même de s'opposer entre nous quand fondamentalement nous sommes tous dans le même but et nous visons la même chose: le bien-être de la personne.

Comme enseignantes et comme enseignants dans l'ensemble des collèges, nous sommes convaincus de mettre la personne au coeur de nos préoccupations parce que c'est notre croyance fondamentale et c'est ce qu'on enseigne au quotidien. Alors, de nous amener sur un terrain où entre nous, entre le psychoéducateurs, entre les éducateurs, entre les autres professionnels et les techniciens... d'avoir ce type de débat là dans, sur ce ton-là, c'est drôlement inquiétant, pour nous. On aurait aimé l'avoir dans un contexte de partage d'expertise, de partage de compétences et d'être capables ensemble d'établir nos complémentarités et évidemment de développer une solidarité dans l'intervention. Ce n'est malheureusement, pour le moment, pas présent. Nous en sommes extrêmement désolés. Nous allons participer aux travaux.

Quand on parlait de la confiance de la table, nous allons participer aux travaux, mais nous sommes fondamentalement inquiets du type de travaux qui sera mené, considérant justement l'absence de définition claire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

n(17 h 40)n

Mme Weil: Est-ce que vous avez entendu la présentation de l'Association des psychiatres?

Mme St-Amour (France): Oui.

Mme Weil: Comment vous réagissez à leurs propos, c'est-à-dire de vraiment réserver évidemment tout le diagnostic et l'évaluation de la psychothérapie puis le diagnostic aux seuls psychiatres, pour les troubles mentaux?

Mme Cinq-Mars (Martine): Bien, écoutez, dans notre propre mémoire, on comprend bien la logique qui est sous-jacente au projet de loi, à savoir que, par exemple, pour ce qui est de l'évaluation diagnostique de l'état mental, les psychologues ont une expertise à ce niveau-là. Les psychiatres n'ont pas tort de dire qu'au niveau de l'axe I c'est une expertise exclusivement médicale, mais je ne peux pas croire que les psychologiques sont assez sots pour ne pas en tenir compte.

Quand ils peuvent soupçonner qu'il y a un élément physique associé, hein, c'est bien évident que logiquement on va aller les référer, on va référer... on va aller vérifier cet aspect-là d'abord. Et je trouve que sur cet aspect-là du projet de loi... Puis justement, avec la politique de santé mentale, etc., l'idée d'élargir la possibilité d'une évaluation diagnostique, au niveau de l'état mental, à d'autres professionnels qui ont vraiment les compétences pour le faire, c'est une bonne idée, c'est vrai que ça va favoriser l'accessibilité aux services. Ce n'est pas le cas quand il s'agit des champs professionnels où des critères diagnostics ne sont pas établis comme dans le champ d'éducation spécialisée. Au contraire, si on continue de réserver actuellement ces activités-là à des niveaux universitaires, alors que les critères ne sont pas définis, bien il risque d'y avoir un pénurie de main-d'oeuvre, parce qu'on va augmenter toujours les critères, on va déprécier donc les études collégiales, on va réserver les postes intéressants aux universitaires. On va augmenter énormément les coûts. Je sais qu'il a été question de privatisation, à un moment donné, autour de la table.

Si jamais les coûts augmentent, comment on va faire, comme société? Si ça devient très généralisé, ces activités réservées là, si elles sont appliquées de manière généralisée, parce que le contexte n'est pas assez précis, puis que finalement il y a une espèce de jurisprudence qui s'installe où c'est de plus en plus ça, bien, à ce moment-là, on va augmenter les coûts du système, on va créer une pénurie de ressources et on va mettre le système public largement à risque d'être ébranlé. À mon avis, c'est ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Lemire, j'ai cru comprendre que vous vouliez intervenir.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): J'ai mal compris. Mme la ministre.

Mme Weil: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non? Ça va. Donc, Mme la députée de Mirabel, à vous la parole.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Mme St-Amour, Mme Cinq-Mars et M. Lemire, bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire.

Je pense que votre position est assez claire, vous vous êtes bien exprimés. J'ai quand même quelques questions. Je me réfère à votre mémoire à la page 5 et à l'avant-dernier paragraphe. Vous mentionnez: «Dans le champ de l'éducation spécialisée et de la psychoéducation, une étude récente ? alors, on parle bien de l'étude qui a été déposée cette semaine ? réalisée conjointement par des professeurs de TES et la Fédération des cégeps montre sans équivoque que les éducateurs spécialisés réalisent bel et bien, dans les divers milieux où ils exercent, les compétences pour lesquelles le programme de formation collégiale les forme. [Et] ce rapport montre aussi sans équivoque que, parmi les tâches qu'ils exercent, les éducateurs réalisent les activités dont on envisage la réserve aux psychoéducateurs, notamment les activités d'évaluation dans le champ de l'adaptation de la personne avec son environnement.»

J'aimerais que vous me donniez votre définition, qui est distincte de l'évaluation comme telle. Quand vous parlez d'évaluation, là, «notamment les activités d'évaluation», qu'est-ce que vous entendez par «évaluation»? Est-ce que vous pouvez préciser? Et, si oui, est-ce que vous avez des exemples?

Mme Cinq-Mars (Martine): ...en fait, peut-être en référant à l'étude, on pourrait prendre, par exemple, l'énoncé de la compétence. Où est-ce qu'elle est, celle sur les centres jeunesse?

Une voix: ...

Mme Cinq-Mars (Martine): Bon. Voilà. Effectuer des interventions d'adaptation et de réadaptation auprès des jeunes présentant des difficultés d'adaptation, O.K.? Ça, il s'agit ici de la clientèle des centres jeunesse, donc les clientèles concernées vraiment par les activités réservées aux psychoéducateurs au niveau d'une personne qui est en lien avec la Loi de la protection de la jeunesse, la Loi des jeunes contrevenants puis la détermination du plan d'intervention dans des contextes où la personne est à risque suicidaire et présente des problèmes de santé mentale.

Bon. Alors, si on... Donc, l'évaluation, les éléments d'évaluation, en fait je vais vous référer directement à la page 37 dans le document, O.K.? Si vous regardez, là, les éléments de compétence auprès de cette clientèle-là, on voit qu'il y a des éléments de compétence qui sont enseignés au niveau de détecter une situation problématique et d'évaluer les difficultés ainsi que le potentiel d'adaptation du jeune. Alors là, on parle de relever des comportements significatifs chez le jeune, relever des facteurs environnementaux en cause, prise en considération de l'historique des services reçus, analyse juste des besoins des jeunes, analyse juste du profil de comportement et des acquis psychodéveloppementaux, appréciation juste des conséquences des difficultés d'adaptation sur le développement du jeune, appréciation juste des forces et capacités du jeune, appréciation juste du degré de responsabilisation et d'ouverture d'esprit du jeune, utilisation appropriée de grilles et instruments d'observation et évaluation, consultation appropriée des personnes-ressources de la famille, respect. Bon. Et je vous inviterais un petit peu plus bas aussi dans «développer les habiletés du soutien parental», évaluer, évaluation juste de la capacité de soutien du milieu de vie du jeune et entente claire sur la collaboration entendue.

Ça, c'est des éléments qui sont essentiels à faire une évaluation de l'adaptation du jeune. Est-ce que ça répond?

Mme Beaudoin (Mirabel): À l'article 5, il est mentionné: L'article 37.1 de ce code est modifié ? et je vous réfère à f, au paragraphe f:

«f) procéder à l'évaluation psychosociale d'une personne dans le cadre des régimes de protection du majeur ou du mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant.»

Si je comprends bien, vous éprouvez des craintes à ne plus pouvoir déterminer le plan d'intervention. Est-ce que j'ai bien compris vos inquiétudes? C'est exact? Alors, finalement, quels sont les effets, pour vous, de perdre le plan d'intervention?

M. Lemire (Guy): ...si les éducateurs perdent la capacité de concevoir, d'établir et puis de mettre en oeuvre le plan d'intervention, c'est bien sûr qu'on vient d'enlever un champ de compétence dans lequel ils sont formés et dans lequel ils exercent cette fonction-ci, cet après-midi. Et on vient un petit peu...

C'est ce qu'on disait tout à l'heure. On ne peut pas dissoudre le plan d'intervention en le... On n'est pas... On est en intervention humaine, hein, ça devient difficile de dissoudre ou de séparer des champs avec d'autres professionnels, qui pourraient se superposer à l'intérieur du même processus qu'on a dit tout... qu'on qualifiait tout à l'heure comme un tout. Si, moi, je dis... je passe dans un milieu de travail et je dis: Je vais... De façon désincarnée, bon, en lisant des dossiers peut-être ou des notes évolutives qui sont dans les milieux, avec les normes d'éthique qui sont associées et les cadres légaux qui sont associés dans chacun des milieux, une autre personne impose un plan d'intervention où est-ce que cette personne-là n'a pas d'accès direct dans le rapport au quotidien avec les personnes en difficulté. Sachez que je viens un petit peu de perdre ma capacité de pouvoir sur mon jeune au niveau thérapeutique, je viens de casser mon rapport d'intervention dans le processus d'intervention qu'on a déterminé tout à l'heure et je ne suis pas sûr que je vais être capable de rétablir le contact professionnel que j'ai parce que je viens de casser la séquence de réadaptation psychosociale que mon jeune a de besoin.

Alors, c'est bien sûr qu'on a des inquiétudes par rapport à se faire retirer ou bien qu'on se fasse imposer un plan d'intervention par une autre personne dans lequel cette personne-là n'a pas tout le contexte de réalité de vie et l'environnement clinique du jeune en question.

Mme Cinq-Mars (Martine): Si je peux me permettre un ajout à ce sujet-là, c'est qu'il faut comprendre que, puis ça a été beaucoup, beaucoup nommé, l'éducateur spécialisé est la personne qui partage le quotidien avec la clientèle, donc ça lui permet d'avoir une vision unique finalement du processus d'adaptation qu'il y a entre lui, entre le client et son environnement.

n(17 h 50)n

Si on lui enlève la possibilité d'évaluer et donc de faire le plan, de planifier le plan d'intervention, on enlève un levier à l'intervention elle-même, parce que généralement les éducateurs spécialisés, parce qu'ils partagent le quotidien, réalisent, font, planifient les plans d'intervention avec la clientèle et non pas en dehors d'elle, parce qu'il s'agit du plan d'intervention de l'usager, qui vise son adaptation. Donc, il faut absolument qu'il soit partie prenante de ça. Ça ne peut pas être planifié par quelqu'un qui est dans un bureau à l'extérieur puis après ça réalisé par quelqu'un d'autre, il faut que ça prenne appui sur la relation qui est créée avec le client.

Mme Beaudoin (Mirabel): Une dernière question. Concernant la table de concertation, vous avez mentionné, là, que c'était un peu trop tard. Est-ce que vous pouvez élaborer? Est-ce que vous pensez que ce projet de loi devrait être retardé parce qu'on a mis la charrue avant les boeufs, comme on dit?

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Mme St-Amour (France): Bien, je pense que c'est des propos qu'on a tenus, puis c'est ce qu'on croit, fondamentalement. Est-ce que ça veut dire qu'on ne sera pas présents? Non, c'est clair qu'on va y être, puis on va poursuivre la réflexion. Mais, pour nous, c'est qu'il y a déjà des dégâts qui sont effectués par les propos qui sont tenus ici.

C'est qu'il y a déjà des positions qui se sont développées, et ça devient beaucoup plus difficile par la suite d'établir la relation de confiance qu'on souhaite tant et qui a été mentionnée préalablement. Comment on peut avoir une relation de confiance quand il y a des personnes qui ont tenu des propos qui peuvent avoir teinté ou avoir eu comme effet de déqualifier des techniciens et que les techniciens vont se rasseoir avec ces mêmes personnes là pour pouvoir avoir un échange ouvert, disponible et de confiance? Ça fait que c'est sûr que ça a eu des effets. Et ce qu'on disait, c'est que c'est très dommage que ce soit de même, qu'on n'ait pas utilisé le retard de l'année dernière pour amorcer les travaux, créer les canaux de communication nécessaires, et je ne parle pas de tous les groupes, et ça, je veux quand même, en tant... je veux être très claire là-dessus. Il y a des groupes qui se disent tout à fait en accord, il y a eu déjà des discussions qui ont été faites avec des groupes de techniciens, avec les ordres professionnels, mais ce n'est pas tous les groupes de techniciens qui ont été entendus.

Ils n'ont pas eu la même chance et les mêmes occasions de communication. Et je pense qu'à ce moment-là ça crée des relations qui sont plus difficiles. On a du rattrapage à faire, de confiance, qu'on souhaite tant avoir.

Mme Cinq-Mars (Martine): Je ferais un ajout encore à ce niveau-là. On demande de retarder parce que les définitions ne sont pas claires. Sur quoi on va... Comment on peut passer un projet de loi qui, en partant, crée beaucoup, beaucoup, beaucoup de confusion dans la tête des gens? Les employeurs, avec l'enquête qui a été faite au niveau du MSSS, ne comprennent pas tous la même chose au niveau des définitions, les résultats le montrent. Il me semble qu'il faudrait d'abord qu'on s'entende sur qu'est-ce qu'on veut exactement là-dedans, établir les niveaux, puis après ça on pourra revenir à la table à ce sujet-là. Voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je suis très contente de vous entendre ici, ayant enseigné justement en éducation spécialisée, en travail social, en techniques policières, en nursing.

À un moment donné, on n'est pas des purs esprits, M. le Président. Quand on entre en session avec un programme qu'on a à donner à nos étudiants, je pense que le contexte qu'on a vécu dans les dernières années par rapport à loi n° 50 et par rapport à ce qu'on est en train de faire là, c'est un peu de... un peu beaucoup de déstabilisation par rapport aux différents intervenants au niveau des services sociaux. Au niveau de la santé physique, c'est réglé, on s'entend. Au niveau de la santé mentale, on est dedans. Et j'ai lu hier soir et relu le rapport Trudeau, hein, et il y a des choses qu'on connaît, il y a des choses qu'on accepte puis il y en a d'autres qui sont plus dans le flou. Et, moi, ce que je comprends: eux autres, ils sont dans le flou. C'est ça, là, qui est un peu déstabilisant. Et il y a... j'ai eu des représentations aussi des techniciens en travail social. On a vu ce matin... on a entendu les techniciens en intervention au niveau de la délinquance.

Donc, ce que je comprends, il y a quand même un grand travail de compréhension à faire, et, ce travail-là, on en convient. Un coup qu'on l'a dit puis qu'on l'a redit et qu'on le comprend, on ne peut plus faire autrement que, ce qu'on n'a pas fait avant, on ne peut plus le faire. On est en train de légiférer. Dans une semaine, on va être tous partis de cette auguste institution. Ce qu'il faut faire, et je crois que la ministre, qui me semble être une femme intelligente, je lui ai dit hier, qu'elle me semblait être une femme intelligente et compréhensive...

Des voix: ...

Mme Doyer: Hein, elle l'est. Les collègues vont dire que oui. Mais, nous, les parlementaires de ce côté-ci de la Chambre, là, de ce côté-ci de la Chambre, ce qu'on ne veut pas, c'est déstabiliser les réseaux d'enseignement collégiaux, hein, le réseau d'enseignement collégial, avec toutes ces compétences qu'on a, qu'on a sur le terrain dans le quotidien de nos gens en problématique, de nos clientèles en problématique, centres jeunesse, hein?

Puis, moi, je suis allée dans un centre jeunesse. J'avais le dossier protection de la jeunesse puis j'ai dit: Je vais y aller. Je suis allée dans un centre jeunesse puis j'ai mangé avec des enfants en protection, M. le Président, puis j'ai vu, là... il y a un petit gars de 9 ans qui me disait: Je suis un Tourette, moi, je suis un Tourette, je suis un Gilles de la Tourette. Bon, vous voyez. Puis j'ai vu des techniciens en éducation spécialisée à l'oeuvre. J'ai enseigné à des gens que je rencontre sur le terrain maintenant dans des maisons de jeunes, partout sur le terrain, et ils n'ont pas toujours un psychoéducateur à côté d'eux. C'est ça que vous nous dites aujourd'hui: vous n'avez pas toujours un psychoéducateur, un travailleur social, quel que soit l'intervenant, un criminologue, si on est dans une institution de... hein?

Alors, ce que vous ne voulez pas, vous ne voulez pas être déqualifiés dans ce que vous faites comme professeurs, mais ce que... vous voulez que vos élèves, quand ils vont partir, là, vos étudiants, après trois ans, hein... Vous avez formé des jeunes et vous ne voulez pas que ces jeunes-là soient déqualifiés. Alors, dans le projet de loi, on va légiférer, on va faire qu'est-ce qu'on peut faire. Mais la ministre, elle a comme responsabilité, par rapport à la table de travail des techniciens, d'avoir une grande attention à ce que cette transition... dans cette transition, parlons correctement, dans cette transition qui va vous être faite, qu'on ne perde pas vos compétences, qu'on ne les reconnaisse plus puis qu'on s'ajuste. Moi, je pense que c'est ça. Et effectivement vous êtes partie prenante d'un plan d'intervention individualisé, hein, dans chacun des réseaux de... Que ce soit en CRDI, que ce soit en protection de la jeunesse, n'importe où, il ne faut pas perdre ça. Et, moi, je pense que vous avez à parler.

Bon. Vous, vous êtes des techniciens en éducation spécialisée. Vos vis-à-vis, il me semble que ce sont les psychoéducateurs, hein, les TTS, c'est le travail social, bien, sapristi, parlez-vous! Parlez-vous. Hein, c'est ça? Puis je pense que c'est déjà commencé, hein? Je pense que c'est commencé. Est-ce que je me trompe, là, dans mon analyse? Parce que la table des techniciens, là, ça presse, là, c'est maintenant, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme St-Amour.

Mme St-Amour (France): Bien, d'abord, je veux juste relever un élément, que vous avez mentionné, sur l'inquiétude dans le milieu collégial.

C'est sûr que, comme association, comme professeurs en techniques d'éducation spécialisée, on vient vous signaler nos inquiétudes. Vous avez eu l'association des professeurs en techniques d'intervention en délinquance, mais je tiens à souligner que la Fédération des cégeps est aussi inquiète, qui aurait souhaité d'ailleurs venir vous présenter un mémoire puis venir vous exprimer leurs inquiétudes. C'est la deuxième reprise. Malheureusement, ils n'ont pas été retenus cette fois-ci non plus, mais ils sont extrêmement inquiets par rapport à cette situation-là, et même les conseils d'administration des différents cégeps. D'ailleurs, vous avez dû commencer à recevoir des résolutions des conseils d'administration des cégeps qui témoignent de l'inquiétude au gouvernement de ce type de projet de loi là avec une absence de définition claire, qui compromet même l'essence du programme au collégial. Alors, vous allez de plus, en plus, en recevoir, si ce n'est pas déjà tout fait, mais il y a une mobilisation parce que tout le réseau collégial est présentement en grande incertitude. On parlait du réseau des établissements des services sociaux puis des services de santé qui font que finalement ils ne savent plus sur quel pied danser parce qu'ils doivent ou non embaucher tel ou tel éducateur ou tel psychoéducateur.

On a absolument la même situation en milieu collégial. Et je pense qu'il y a urgence qu'il y ait une définition claire, qu'il y ait des travaux pour permettre de restabiliser. On n'oublie pas que fondamentalement notre fonction, c'est de former des gens pour aider des gens qui sont très vulnérables, et donc ils ont besoin d'aide le plus rapidement possible, et de l'aide qualifiée. Alors, plus on crée des incertitudes dans les milieux d'intervention puis dans les milieux de formation, plus, à ce moment-là, on a des effets, et ces personnes-là vont en souffrir. Et je pense que, ça, il faut l'avoir en tête le plus rapidement possible.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Lemire.

M. Lemire (Guy): En complément, je voulais vous mentionner, madame, et à tout le monde, la façon dont les programmes ministériels sont construits au ministère de l'Éducation, au MELS, au ministère de l'Éducation, des Loisirs et des Sports, pour y avoir participé activement comme concepteur du programme. C'est que les programmes... les compétences qui sont issues des programmes, les 26, pour nous, en éducation spécialisée, viennent directement de la collaboration des techniciens en éducation spécialisée, qui représentent plusieurs secteurs d'emploi. On appelle ça... Ah, il y a une étude préalable avant de faire le développement des nouveaux programmes, on appelle ça une AST, une analyse de la situation de travail. Donc, c'est fait directement et connecté directement sur la réalité d'intervention du milieu de travail. Donc, ce ne sont pas des compétences qui sont désincarnées, qui arrivent ici et là.

n(18 heures)n

Dans le même sens, je pourrais vous mentionner aussi que le programme, il n'y a pas tellement longtemps, a été réactualisé pour ajouter un ajout de compétence en développement de langage en considérant la prévalence des difficultés langagières chez les enfants au Québec au primaire. Donc, on a réouvert le programme, on l'a réautorisé au ministère de l'Éducation, on s'est inscrit avec l'Ordre des orthophonistes pour que cette compétence-là soit destinée, et avec leur collaboration, en éducation spécialisée.

Tout ça pour vous dire que les programmes suivent la réalité psychosociale dans laquelle nous sommes, et les compétences ne sont pas désincarnées des milieux de pratique de travail. Et, dans ce sens-là, il y a un suivi qui se fait tout le temps de pair avec le ministère de l'Éducation et les programmes de formation et les employeurs.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Très peu de temps.

Mme Doyer: Ça veut dire quoi?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça veut dire malheureusement pas pour compléter votre intervention.

Mme Doyer: Ça fait rien. Bien, je suis contente qu'ils aient pu transmettre ces inquiétudes-là. Il faut faire de grands ajustements, je pense, et vite les faire, à mon idée.

Mme St-Amour (France): ...ne déqualifiant pas ce qui est déjà et les forces qu'on a déjà en place.

Mme Cinq-Mars (Martine): Et en mettant en place des conditions pour qu'on puisse se parler, au plus tôt.

M. Lemire (Guy): Et ce qui est déjà reconnu. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Puisque le tour de table est fait, Mme Cinq-Mars, Mme St-Amour et M. Lemire, il ne nous reste plus qu'à vous remercier et me joindre à mes collègues pour le faire.

Et, sur ce et compte tenu de l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Je vous souhaite une bonne fin de soirée.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Trottier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder à la reprise des travaux.

Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.

Nous accueillons maintenant les représentants de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour l'exposé ? quand il va rester une minute, je vais vous faire signe ? et qu'il y aura un 50 minutes d'échange avec les membres de la commission. Je vais demander tout d'abord de vous identifier, et, à ce moment-là, on pourra commencer.

Ordre des orthophonistes et
audiologistes du Québec (OOAQ)

Mme Caouette (Marie-Pierre): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le président de l'office, Mmes et MM. les députés, bonsoir. Merci de nous donner la parole ce soir. Je suis accompagnée de Mme Sophie Waridel, qui est vice-présidente de l'ordre et audiologiste. Moi, je ferai la présentation à titre de présidente de l'ordre. Je suis Marie-Pierre Caouette, orthophoniste.

C'est dans le cadre de notre mission de protection du public, celle que vous nous avez confiée, que nous sommes ici ce soir. Si l'Ordre des orthophonistes et des audiologistes du Québec a tenu, avec autant d'insistance, à revenir faire rapport devant la Commission des institutions, c'est parce que ce projet de loi là, il est attendu, il est important, mais il y a encore des problèmes à régler. Il y a des aspects qui sont à risque élevé de porter des préjudices à la population, qui compromettent le bien-être et la sécurité des citoyens. Alors, de quoi on va parler? J'attire l'attention des juristes pour être certains que tout le monde va bien comprendre les enjeux ce soir. C'est le projet de réserver une activité complexe, l'évaluation des troubles du langage. Et là, vous allez regarder tout à l'heure dans le rapport Trudeau, on va réserver les troubles de la communication à travers les troubles mentaux et les troubles neuropsychologiques. C'est pour ça que ça n'apparaît pas évident au début. Mais, quand on lit bien le rapport Trudeau, c'est de ça qu'il est question, d'évaluer des troubles.

Alors là, on ne parle pas de détecter une problématique, de poser une hypothèse, on a vraiment une conclusion qui va porter, qui va avoir des effets et, cette activité-là, on veut la réserver à des professionnels qui n'ont pas la formation initiale adéquate pour le faire. On n'est pas en train de remettre en question leur bonne foi ni la rigueur avec laquelle ils font des évaluations, mais pour cette portion-là ils n'ont pas les connaissances pour le faire. Qu'est-ce que ça donne? Bien, ça donne une augmentation des erreurs, des identifications qui sont inadéquates au niveau des troubles de la communication. Par exemple, il y a des difficultés subtiles qu'on va omettre de noter. On va se méprendre peut-être sur la nature exacte du problème ou on va peut-être banaliser la sévérité du problème.

Alors, qu'est-ce que ça donne, ça, concrètement? Bien, ça donne un délai de mise en application des services adéquats. On en a parlé beaucoup, de ça, aujourd'hui. Ça va certainement favoriser le décrochage scolaire, et ce n'est surtout pas ce qu'on souhaite, par les temps qui courent, hein? On a certainement un accroissement de la détresse psychologique de la personne qui a un trouble de la communication, mais aussi de ses proches. Je pense que les parents ont été assez éloquents à ce sujet-là aujourd'hui. Et ça va se continuer tout au long de la vie. Si vous n'avez pas réussi vos études, vous aurez un accès limité au marché du travail, vous aurez un appauvrissement, et ça peut se répercuter sur les générations. Mais, au-delà de tout ça, ça dénote d'une mauvaise utilisation des ressources spécialisées. Ce n'est pas ce qu'on souhaite en situation de pénurie. Et aussi ça donne une très mauvaise image au niveau de la saine gestion des fonds publics. Et ça, ça relève de tout le monde, c'est l'affaire de tous.

Alors, ce soir, j'espère que vous comprenez bien qu'on va parler d'enjeux socioéconomiques qui sont importants. Ce n'est pas agréable de parler de ça en deuxième commission parlementaire, mais là je pense qu'on ne peut plus banaliser et on ne peut plus ignorer ça, au niveau du législateur. On ne peut pas avoir les deux mains sur le volant puis se boucher les oreilles en même temps, O.K.? Alors, il faut avoir le courage de regarder ça en face, de trouver les solutions. On est en session de travail ce soir, et puis il faut régler ça avant d'adopter le projet de loi n° 21. C'est pour ça qu'on est ici. On a toujours travaillé de concert avec le gouvernement et on va continuer de le faire, soyez-en assurés. On est là pour travailler de façon constructive et rationnelle. Moi, je suis une scientifique, alors ce soir les réponses que je vais vous donner vont porter là-dessus: des faits vérifiables, des problématiques réelles, des exemples concrets, des solutions simples.

En fait, ce que je nous demande, et là je vous inclus, hein, vous et nous, parce qu'on est ensemble en équipe interdisciplinaire là-dedans, la mission de protection du public, alors je nous demande de nous donner les outils pour continuer d'avoir la capacité d'exercer cette mission pleine et entière là. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse s'assurer que les citoyens qui sont rendus vulnérables par un trouble de la communication, ils vont bénéficier de la même garantie de protection et d'accessibilité compétente que ceux qui présentent un trouble ou un problème de santé mentale. Et là il n'est pas question de les opposer. On ne se demande pas si un cancer du sein, c'est plus ou moins important qu'un cancer de la prostate, là, on veut une chance égale pour tout le monde, c'est tout ce qu'on demande.

Alors, ce soir, c'est au nom de près de 1 million de Québécois et de Québécoises qui ont un trouble de la communication, 1 million de citoyens de tous âges qui ont des difficultés significatives pour entendre, pour s'exprimer, pour comprendre, pour lire, pour écrire. C'est pour ça qu'ils ne sont pas là ce soir pour vous le présenter, c'est parce qu'ils ont des difficultés de communication qui sont significatives, et ils ne sont pas capables de venir vous dire eux-mêmes les situations dont ils sont victimes au quotidien. Mais, moi, je peux vous dire que les troubles de la communication, ça affecte leur vie familiale, ça freine leur développement, ça empêche leur intégration sociale, scolaire, professionnelle, ça affecte leurs relations dans l'environnement. Alors, merci encore une fois de leur donner une voix et d'écouter ce que l'ordre est venu vous dire.

Vous avez pris connaissance de mon mémoire, vous avez vu que j'ai beaucoup de choses à vous dire. Alors, ce soir, on va être pédagogique, là. Je vais seulement vous indiquer les points dont j'aimerais qu'on discute, et puis on va y aller à partir de vos questions. Je pense que ça va être la façon la plus constructive, là, d'éclaircir les points qui sont litigieux.

n(20 h 10)n

Alors, je pense que, s'il y en a parmi vous encore qui ne sont pas convaincus du lien entre la communication et le domaine de la santé mentale et des relations humaines, je pourrai vous fournir des informations à ce sujet-là, mais ce que je dirais peut-être, c'est que le lien, il est reconnu dans le projet de loi n° 21, puisqu'on modernise le champ de pratique des orthophonistes et des audiologistes et qu'on leur ajoute deux activités réservées qu'on partage avec les autres ordres qui sont concernés dans ce projet-là. Alors, la démonstration de ce côté-là est faite.

Il faudrait parler de formation initiale parce que le problème... c'est une partie du problème et de la solution, en fait. Et puis certainement je voudrais vous parler de ce que notre expertise apporte, notre expertise en termes de troubles de la communication, ce que ça apporte dans la vie des enfants TED et de leurs familles. On va parler certainement des diagnostics différentiels, d'intervention précoce et alors... et d'interdisciplinarité, évidemment. Alors, j'aurai beaucoup de choses à vous dire là-dessus. Ce dont j'aimerais vous parler, quand on va parler des solutions, j'aimerais beaucoup vous parler de la pénurie. En fait, ce que j'aimerais vous dire, c'est que, nous autres, à l'Ordre des orthophonistes, là, la pénurie, on a l'expérience là-dedans. On n'a pas eu le choix parce qu'en 1973, quand le Code des professions est entré en vigueur, on était 24 orthophonistes, audiologistes. Il n'y a personne qui parlait de pénurie dans ce temps-là parce que les gens ne nous connaissaient pas. Mais, quand ils ont reconnu ce que notre expertise apportait au dossier, là les besoins ont augmenté, puis c'est comme ça que la pénurie a été mise à jour. Alors, la pénurie qui a été mise à jour, ça fait déjà plusieurs années, alors on est déjà très en avance, nous, pour trouver des solutions pour contrer la pénurie.

Alors, j'aimerais qu'on parle de ça tout à l'heure, le fait que la pénurie, elle ne frappe pas tous les ordres en santé de la même façon. Et, nous, on a déjà mis en place des solutions concrètes, durables, on a augmenté de façon significative le nombre des orthophonistes, audiologistes qui sont sur le terrain au service de la population, puis ça va continuer encore.

Mais je voudrais surtout attirer l'attention des gestionnaires sur le fait que, quand on parle de problèmes d'accessibilité, il ne faut pas mettre tout sur le dos de la pénurie, s'il vous plaît. Parce que, quand dans un établissement on me dit qu'il n'y a pas de poste, on n'a pas suffisamment d'argent pour ouvrir des postes, bien, s'il vous plaît, ne mettons pas ça sur le dos de la pénurie parce qu'il y en a, des orthophonistes et des audiologistes qui sont disponibles.

Le Président (M. Trottier): Il vous reste une minute.

Mme Caouette (Marie-Pierre): Oui. Parfait. Alors, je voudrais qu'on parle des solutions qu'on propose, c'est-à-dire les deux amendements, donc ajuster nos activités en ce qui concerne l'évaluation des troubles du langage et ensuite surseoir à la réserve de l'activité «évaluer les troubles neurologiques». J'aurai beaucoup d'explications à vous donner là-dessus.

Alors, ce que je veux vous dire, ce que je veux vous rappeler, c'est que l'ordre, c'est une création de l'État, c'est votre création pour vous aider à protéger le public. On est ensemble là-dedans, dans cette mission-là. On est ensemble dans le projet de loi n° 21 avec nos collègues, au bénéfice de la population, qui a besoin de services adéquats. J'aimerais ça qu'on arrête de voir l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec comme des empêcheurs de tourner en rond, comme des problèmes, hein? Les problèmes, on ne les a pas créés, on les constate puis on vient vous en parler. On les constate puis on a des solutions pour qu'on puisse enfin se dire qu'ensemble on l'a passée, cette loi-là, au bénéfice de la population, puis quel que soit le diagnostic des personnes.

Merci de m'avoir écoutée. J'espère que vous avez bien entendu.

Le Président (M. Trottier): Nous allons débuter la période d'intervention avec les députés. Je vais céder la parole à Mme la ministre de la Justice.

Mme Weil: Oui. Écoutez, je vais commencer avec des questions parce que, je dois dire, j'ai de la difficulté à comprendre à ce stade-ci...

Mme Caouette (Marie-Pierre): Je suis là pour ça.

Mme Weil: ...alors, et mes collègues députés pourront m'aider à comprendre.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...à la fois.

Mme Weil: C'est ça, bien comprendre donc ce qui vous inquiète dans la loi, dans le projet de loi, et qu'est-ce que vous sentez qu'en adoptant une telle loi... comment les activités que vous faites seraient exclues. Comment? Qu'est-ce qui vous inquiète par rapport à ça?

Mme Caouette (Marie-Pierre): Alors, je vais répondre tout de suite: je ne suis pas inquiète, je n'ai pas peur d'être exclue. Je n'ai pas peur pour nous, les orthophonistes et les audiologistes. Je suis préoccupée par la qualité des services qu'on va donner aux gens, O.K.?

Mme Weil: ...comprendre en quoi ce projet de loi très concrètement vous fait craindre cet élément-là. Je n'ai pas saisi.

Mme Caouette (Marie-Pierre): Oui. Alors, d'accord. Alors, c'est que, quand on parle des activités qui sont réservées, nous, on a l'évaluation des troubles du langage, l'évaluation des troubles de l'audition dans le but de faire un plan de traitement et d'intervention.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que, nous, on est là à l'étape du diagnostic différentiel, hein? Là, on essaie de faire un modèle qui est hiérarchique. On essaie de dire qu'il va avoir un professionnel qui va, en bon québécois, dispatcher aux autres professionnels, alors qu'on a des formations qui sont très différentes. Quand vous voulez aller chez l'optométriste, vous ne passez pas par le dentiste. Quand vous voulez aller en orthophonie, vous ne passez pas par le psychologue ou le neuropsychologue. Alors, nous, de la façon dont l'activité est libellée, on ne sera pas empêchés de travailler parce que, nous, on a une maîtrise, puis on a des compétences, et puis on a un champ de pratique. Alors, moi, je ne suis pas inquiète pour les gens qui vont venir me voir, je suis inquiète pour ceux qui vont être passés par une évaluation plus globale et chez qui on n'aura pas détecté le problème ou on n'aura pas détecté le bon problème... et de personnes peut-être qu'ils ne penseront pas de nous référer. C'est ceux-là qui sont en danger, ces personnes-là.

Mme Weil: Mais en quoi ce système-là va changer ce qui est la réalité, actuellement? Parce que, là, il y a peut-être des psychiatres qui vous réfèrent des enfants. On a entendu parler justement de ce diagnostic différentiel ce matin. Ça pourrait être des psychologues qui vous réfèrent des enfants. Il y a toutes sortes de professionnels qui vous réfèrent actuellement des enfants, mais pourquoi ils ne vont pas continuer à vous référer lorsqu'ils voient qu'il y a un problème de langage?

Mme Caouette (Marie-Pierre): En fait, je vous dirais que c'est souvent nous qui référons aux autres. Parce que, quand on parle de troubles de la communication, là, si vous pensez à un bébé, hein, c'est un être de relations, il communique avec son sourire, avec son regard, avec ses mimiques, hein, puis il faut être parent pour savoir à quel point on attend que les premiers mots apparaissent. Ça apparaît autour de 10 mois à 12 mois. Alors, ce n'est pas étonnant que, nous, on soit les premiers, les orthophonistes et les audiologistes, qui soyons consultés quand il y a un délai d'apparition ou des anomalies. Alors, on est là dès le départ pour identifier qu'il y a un problème.

Et, quand on parlait, ce matin, de l'accessibilité aux services, moi, je peux vous dire que dans ma pratique, aussitôt que j'ai eu un soupçon qu'il y avait un trouble, j'ai souvent signé des papiers pour accéder au centre de réadaptation, puis on n'avait pas besoin du médecin pour ça. Mais là ce qu'on va faire... On était souvent les premiers, même si on avait l'activité réservée dans le but de, parce que c'est un champ qui est ouvert, mais là vous allez réserver par le biais d'évaluer les troubles mentaux et évaluer les troubles neuropsychologiques. Si vous allez voir dans le rapport Trudeau, c'est bien écrit. On a parlé de définitions qui n'étaient pas claires, aujourd'hui. Il n'y a rien qui définit les troubles mentaux ni les troubles neuropsychologiques, mais tout ce qu'on se dépêche d'affirmer dans le rapport Trudeau, à la page... ? je vais vous le dire ? à la page 44, le dernier paragraphe: «Le psychologue détenant une attestation de formation l'autorisant à évaluer les troubles neuropsychologiques pourra évaluer les troubles du langage et de la parole.»

Encore là, ce que je vous dis, ce n'est pas qu'on va empêcher les psychologues de faire leur évaluation globale. Ils ont, dans leurs tests de quotient intellectuel, des tâches verbales, non verbales. Ils se prononcent sur la qualité, ils peuvent poser des hypothèses, au même titre que, nous, en orthophonie, en audiologie, quand on voit un enfant, on peut avoir, après quelques années de pratique, un fort soupçon qu'il y a ou non un déficit d'attention ou qu'il y a ou non de la déficience intellectuelle, mais on ne va jamais conclure à ça. On va mettre, dans notre rapport, des hypothèses, des pistes et on s'attend à la même réciprocité des psychologues, parce qu'on vous l'a dit, hein, on est dans une équipe interdisciplinaire. On a le patient qui est au coeur, puis tous les autres morceaux, avec des formations très différentes, on est là pour travailler ensemble. Une équipe inter-disciplinaire, là, la force de ça, travailler ensemble, ça ne veut pas dire faire à la place de l'autre, ça veut dire que le tout est plus fort que la somme des parties. C'est qu'au contact de l'autre notre jugement se bonifie.

Mais souvent avec l'interdisciplinarité ce qu'on fait, c'est qu'on va se chicaner dans les zones grises. On se dépêche d'essayer de faire, tout le monde, la même chose, de redupliquer, et ça, c'est absolument épouvantable au niveau des listes d'attente puis de l'organisation des services. On oublie, dans l'équipe, d'apporter notre couleur, de dire qui on est, parce qu'on a une formation qui est spécifique, on a des choses différentes à apporter.

n(20 h 20)n

Mme Weil: Dans ce rapport du Dr Trudeau, aux pages que vous citez, on dit: «On retiendra donc que le psychologue formé en neuropsychologie et l'orthophoniste sont appelés à travailler en complémentarité pour le bénéfice de l'enfant présentant des troubles du langage et de la parole.» Et plus loin on dit: «La réserve de cette activité ? l'évaluation de troubles neuropsychologiques ? n'a pas pour effet d'empêcher l'orthophoniste d'effectuer l'évaluation des troubles du langage et de la parole.»

Donc, si je comprends, c'est: les psychologues vont faire leur travail dans les limites de leurs champs d'exercice.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...d'exercice, ce n'est pas les troubles de la communication. Tout le monde s'intéresse à la communication. C'est l'affaire de tous et c'est bien tant mieux. Il n'y a pas juste le médecin qui s'intéresse à la santé, mais, quand on pense qu'on est malade, c'est chez le docteur qu'on va.

Alors, que les gens s'intéressent à la communication, au langage, à la parole, qu'ils émettent des hypothèses, il n'y a pas de problème à ce niveau-là, mais, quand on parle du trouble: Y a-tu une dysphasie, ou il y a une dyslexie, ou il y a autre chose?, à ce moment-là, on n'est pas au niveau de la détection, on n'est pas au niveau des hypothèses, on est au niveau d'une conclusion qui est clinique, et ça, ça prend des compétences et une formation initiale solide. La formation en orthophonie et en audiologie, c'est un amalgame de connaissances au niveau physique, donc l'anatomie, la physionomie, la neurologie, la linguistique, la physique acoustique, mais aussi tout le domaine des relations sociales, et c'est l'ensemble de ça qui fait qu'on a une expertise en orthophonie, en audiologie. Quand on nous parle de donner une activité très large pour permettre aux gens de se former, bien, je regrette, là, mettez un tronc d'arbre dans une rivière pendant cinq ans, il ne se changera pas en crocodile. La formation... Vous mettez une infirmière dans un hôpital pendant 25 ans, elle ne sera pas médecin. Ça sert à quoi d'essayer de transformer les gens? On est en pénurie. Chacun, on a un morceau important à apporter.

Et là on va réserver, les yeux fermés, une activité très spécifique d'évaluer les troubles du langage et de la parole, des troubles... À la neuropsychologie, là, il y a un problème important. C'est que, premièrement, neuropsychologue, à l'heure actuelle, ça n'existe pas, c'est l'ordre des psychologues. Le titre de neuropsychologue, ça n'est pas un titre réservé. Et, depuis 2005, on nous dit qu'il va y avoir une façon d'attester ceux qui sont capables de le faire. On n'a pas avancé de ce côté-là. En tout cas, nous, on n'a pas été consultés. Alors, on va réserver une activité tout de suite, maintenant, à des gens qu'on ne sait pas comment identifier.

Deuxième chose. Quand on va regarder la formation en orthophonie-audiologie, en psychologie, en neuropsychologie, ce n'est pas compliqué, là, vous prenez les universités québécoises, vous comparez les programmes: c'est possible de terminer son cours en neuropsychologie sans avoir fait de cours en langage. C'est possible de faire ça. Et ceux qui prennent le programme de formation maximale, ils vont avoir moins de 5 % des cours. On en a, des neuropsychologues, à l'ordre. Ils ont tellement tripé sur le langage qu'ils sont allés faire leur maîtrise en orthophonie, hein? C'est juste ça qu'on dit.

Alors, on réserve une activité à un titre qui n'existe pas, à des gens qui n'ont pas la formation initiale, alors que, nous, on l'a. On n'a pas été consultés sur le mécanisme. Il y a quelque chose dans le projet de loi n° 21, qui est formidable, qui est novateur, hein, c'est qu'on a reconnu que les psychologues, ils ont une compétence particulière au niveau de la psychothérapie, et on va réglementer la psychothérapie en leur donnant une importance qui est absolument essentielle. Et ils vont même aller aider les autres ordres qui ont des psychothérapeutes, au moment d'accorder les permis, au moment de l'inspection professionnelle. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'ultérieurement, quand on verra que ce programme-là a bien fonctionné, il n'y a rien qui empêche qu'on fasse la même chose au niveau des troubles de la communication, du langage, de la parole. S'il y a d'autres personnes qui pensent qu'elles sont compétentes, on va les aider à évaluer ces compétences-là puis on va aller au niveau de l'inspection. La porte n'est pas fermée de ce côté-là. Mais là on met la charrue devant les boeufs, là. Puis on a demandé des choses en 2005 puis on n'est pas plus avancés.

Là, l'ordre des psychologues, là, ils vont être pas mal occupés avec la réglementation de la psychothérapie, puis les gens qui ont des troubles de langage, là, puis de communication, ça va passer après. Ils ne pourront pas tout faire en même temps, là. Alors, une chose à la fois, s'il vous plaît. Il y en a, des professionnels compétents pour les troubles de la communication, allons-y par étapes. La porte est ouverte pour une collaboration, mais là, là, on met la charrue devant les boeufs un petit peu.

Mme Weil: M. le Président, je voulais tellement rentrer dans le vif du sujet que j'ai oublié de signaler la présence ici, parmi nous, on est honorés de leur présence... Dr Jean-Bernard Trudeau, l'auteur du rapport, et Dr Alain Dion, psychiatre, qui a été membre du comité d'experts. Alors, je vous salue. Et j'ai oublié de vous accueillir aussi, parce que, comme je dis, je voulais tellement rentrer dans le vif du sujet. Alors, moi, je n'ai pas pour l'instant d'autre question. Si mes collègues ont des questions...

Le Président (M. Trottier): Nous allons céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir à vous. Moi, j'aimerais aller, moi aussi, dans le vif du sujet. On a beaucoup craint la privatisation suite à l'adoption du projet de loi n° 21, à plusieurs égards, et, à la page 20 de votre mémoire, on lit que la pratique privée était toutefois... à toute façon pratique, il y a 10 ans, était vraiment marginale. Mais aujourd'hui il y a 30 % de vos membres qui déclarent exercer en privé. Vous savez que les gens n'ont pas tous les moyens de pouvoir consulter des professionnels dans le secteur privé. J'aimerais savoir pourquoi vos membres préfèrent l'exercice dans le secteur privé plutôt que dans le réseau public.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ... pour cent là?

Mme Gaudreault: Oui.

Mme Caouette (Marie-Pierre): O.K. Alors, ce que je peux vous dire, c'est qu'avant la loi n° 90 la pratique privée en orthophonie et en audiologie, elle était marginale. Depuis cinq ans, on est passés de presque rien à 30 % de nos membres qui font de la pratique privée.

Savez-vous pourquoi? C'est parce qu'il y a eu des tensions importantes. Il y avait des problèmes qui n'étaient pas réglés au moment où on a adopté la loi n° 90. Ça a créé de grandes tensions, ça a créé de la judiciarisation, et ça, personne n'est gagnant là-dedans. Puis on a des professionnels. Quand je vous disais: Je ne suis pas inquiète pour mes membres, je suis peut-être inquiète un peu au niveau de leur santé mentale, là, parce qu'il y en a qui ont fait des burnouts, puis pas juste en orthophonie puis en audiologie. Mais ce que ça fait, c'est que les professionnels, ils quittent le réseau. Et ça, ça me préoccupe énormément parce que je suis... Quand je vous parlais de saine gestion... Je suis assise à des tables de concertation a niveau national sur la planification de la main-d'oeuvre en réadaptation, planification des services en orthophonie dans plusieurs régions, avec les agences, et on parle de ça, le problème d'attraction et rétention. On a fait un sondage. Et la raison pour laquelle nos membres expérimentés ont démarré une clinique privée, ce qu'ils nous indiquaient comme première raison, c'est: burnout. Ce n'est pas par esprit d'entrepreneuriat puis ce n'est pas pour faire de l'argent, parce que je peux vous dire que, quand on fait de la pratique privée en orthophonie puis en audiologie, souvent on est un peu missionnaire, puis ce n'est pas rare qu'on gagne les deux tiers, à peu près, de ce qu'on gagnerait au secteur public.

Et, pire encore, on a des problèmes de rétention puis on a des problèmes d'attraction. Parce que, quand je vais enseigner à l'université puis, à main levée, je demande aux étudiants ce qu'ils veulent faire, il y en a maintenant 40 % à 50 % qui nous disent: Moi, madame, je veux aller directement en pratique privée parce que je suis allé en stage dans le réseau puis je n'ai pas aimé de la façon que ça se passait. On me dit que ma profession est en pénurie, j'entends dans les journaux que les gens n'ont pas accès à mes services, puis c'est organisé tout croche, alors je vais ouvrir ma clinique puis je serai accessible pour les gens qui seront capables de venir me voir.

Alors, ça, moi, ça me préoccupe, pas le fait que certains membres fassent de la pratique privée, mais comme présidente d'ordre puis comme personne qui est chargée avec vous d'assurer la protection du public, et je me dis: Qu'est-ce qui se passe, là? Et, quand je vois un projet de loi comme ça, bien je me dis: Clarifions-le avant, parce que, là, ça va sortir, là, des écoles puis des hôpitaux.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Trottier): Je vais céder la parole au député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Merci, M. le Président. Merci à vous de vous présenter devant nous aujourd'hui. Si ce n'est pas clarifié avant, O.K., comme vous le souhaitez, pour toutes sortes de raisons, ça va être quoi, la conséquence de ça, une fois que le projet serait adopté?

Mme Caouette (Marie-Pierre): Je vous avoue que j'ai beaucoup de... j'aurais beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi on ne pourrait pas clarifier ça avant. Maintenant qu'on en parle comme ça, publiquement, j'ai beaucoup, beaucoup de difficultés à comprendre, quand on va parler des deux façons de régler le problème, là, pourquoi on ne pourrait pas faire ça avant. C'est très simple, et ça n'aura pas d'impact pour l'adoption rapide de la loi ni pour la mise en oeuvre. Ce que je veux dire, c'est que, quand on parle d'accessibilité aux services et de compétences, on ne règle pas ça dans un guide explicatif. Un guide explicatif, là, c'est une formalité pour les employeurs pour savoir un peu comment s'organiser. On ne va pas commencer à se chicaner puis à essayer de refaire la loi. Il n'y a personne qui est gagnant là-dedans, là. Il faut se parler calmement dans une session de travail comme ça, trouver la solution, puis après ça, bingo, on la passe, la loi, là.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Trottier): Est-ce qu'il y a d'autres interventions, Mme la ministre?

Mme Weil: Non, ça va.

Le Président (M. Trottier): C'est bien. On va passer, s'il n'y a pas d'autre intervention, on va passer maintenant à la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Mme Marie-Pierre Caouette, Mme Waridel, bienvenue, merci pour la présentation de votre mémoire.

Ma première question, ça concerne la pénurie. Vous dites que c'est un mythe. Est-ce que vous pouvez nous dire le nombre d'orthophonistes et d'audiologistes au Québec actuellement?

n(20 h 30)n

Mme Caouette (Marie-Pierre): Oui. Ça a quadruplé depuis 20 ans. Ça a augmenté de 115 % seulement dans les 10 dernières années. Alors, nous sommes maintenant 2 000 membres à l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, 1 700 orthophonistes et 300 audiologistes... atteindre 3 000 membres avant 10 ans, là, parce qu'on augmente de plus d'une centaine de membres pas année. Alors, c'est vraiment, là, une augmentation exponentielle, fulgurante.

Mme Beaudoin (Mirabel): Vous dites que les délais d'attente pour évaluation en audiologie ne sont pas causés par une pénurie. Qu'entendez-vous par là?

Mme Caouette (Marie-Pierre): Oui. Alors, je suis beaucoup interpellée ces temps-ci par mes partenaires dans le monde de la santé auditive qui me disent: Il y a une pénurie, il y a une pénurie, il y a une pénurie.

Par contre, quand je suis assise à la table de concertation nationale en réadaptation avec le ministère de la Santé, on me dit que les données indiquent techniquement: il n'y en a pas, de pénurie en audiologie. Vous savez pourquoi? Parce qu'il n'y a pratiquement pas de postes qui sont non comblés. Comment on fait ça, pour savoir s'il faut développer des postes ou pas? Bien, on m'a dit, parce que j'ai commencé à préparer une tournée régionale, à faire des appels aux gestionnaires... puis on me dit qu'on fait la liste d'attente pour les rendez-vous en audiologie trois mois à l'avance. Alors, quand les rendez-vous... le cahier de rendez-vous est plein pour trois mois, on arrête de prendre des noms, on dit aux gens: Vous rappellerez plus tard. Alors, ça va bien, ça. On n'a jamais plus que trois mois d'attente. Mais ça, ce n'est pas les besoins réels. Puis, quand on n'a pas plus que trois mois d'attente, bien on ne peut pas ouvrir des postes. On a quintuplé le nombre de places en orthophonie dans les 10 dernières années, puis, à l'heure actuelle, aujourd'hui, là, j'ai la moitié des finissants de cette année en audiologie qui n'ont pas encore trouvé d'emploi. Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont faire, ceux-là? Ils vont s'en aller en pratique privée, parce que les besoins, ils sont là. Mais des fois on n'a pas le portrait réel.

C'est pour ça que je vous disais: Oui, il y a une pénurie techniquement en orthophonie, en audiologie, et on a fait des moyens incroyables pour augmenter significativement le nombre, mais il faut aussi aller s'asseoir avec les gestionnaires puis voir dans chaque région qu'est-ce qui se passe.

J'ai appelé en Outaouais. À l'agence, on m'a dit: Madame, il y a une pénurie. Quand j'ai appelé les gestionnaires à l'hôpital, à Gatineau, ils m'ont dit: Nous, en orthophonie, là, on n'a pas de problème pour recruter. Même quand il y a des congés de maternité, c'est toujours remplacé. Notre problème, c'est qu'on n'a pas de poste, on n'a pas assez de postes. Si j'appelle en région, par exemple en Outaouais, c'est un autre problème. Mais, s'il y a 0,3 jour, là, à Maniwaki, là, ça se peut bien que, dans cinq ans, il ne sera pas encore comblé, parce que l'orthophonie, l'audiologie, c'est une profession essentiellement féminine: 97 % de femmes, des jeunes femmes de 32 ans, en moyenne.

Une voix: ...

Mme Caouette (Marie-Pierre): Alors, oui, oui, 32 ans, la moyenne. Alors, ils vont sortir... Parce que c'est moins jeune? Oui, oui, c'est jeune. Alors, ils vont sortir de l'école après leur maîtrise, avec des dettes évidemment, avec un chum, puis ce n'est pas sûr qu'à 0,3 jour, là, à Maniwaki, ils vont être capables de payer leurs dettes, payer leur maison puis faire vivre le chum qui n'aura pas d'emploi.

Alors, il y a peut-être des... On peut s'asseoir puis on peut regarder ça, mais, s'il vous plaît, parlez-moi pas de la pénurie dans des conditions comme ça. Puis n'essayons pas...

Des voix: ...

Mme Caouette (Marie-Pierre): Ce que j'essaie de dire, c'est: N'essayons pas de trouver qui pourrait faire la job à la place des orthophonistes et audiologistes quand ils ont la formation unique pour ça, quand on a des problèmes qui sont peut-être organisationnels puis pour lesquels on peut... Je ne jette pas la pierre à aucune région, là. Et je suis en train de dire: Je vais y aller avec vous autres, les gestionnaires. Je vais aller m'asseoir puis je vais aller les régler, les problèmes.

Le Président (M. Trottier): ...

Mme Beaudoin (Mirabel): ...de vous poser des questions concernant vos deux amendements, j'ai une question concernant la dyslexie. Est-ce que la dyslexie est un trouble de la communication ou un trouble d'apprentissage?

Mme Caouette (Marie-Pierre): La dyslexie, c'est un trouble du langage écrit. Ça donne concrètement des troubles d'apprentissage, bien entendu, mais c'est un trouble du langage.

Et, quand on parle de l'évaluation neuropsychologique, qui a une portée très large, quand ça va être écrit «évaluation des troubles neuropsychologiques, «évaluation des troubles mentaux» sans finalité, là, comme ça, tout nu, dans le Code des professions, la loi n° 21 en santé mentale, là, elle ne sera pas attachée avec, ni le guide explicatif, alors, je ne sais pas, là, les juristes, si vous êtes capables de me donner une explication différente, je vais être très satisfaite, là, mais, moi, je ne vois pas ce qui empêcherait un employeur de dire: Aïe, toi, tu es capable, là, le neuropsychologue, ça le dit, là, d'évaluer les troubles neuropsychologiques, évaluer les troubles du langage et de la parole, ce n'est pas dans le cadre de la santé mentale du tout, la dyslexie, mais en milieu scolaire pourquoi tu ne le ferais pas, surtout à Gaspé où je suis allée il y a quelques années et qu'il y avait des psychologues à la commission scolaire, mais il n'y a pas de poste en orthophonie d'ouvert?

Mme Beaudoin (Mirabel): Vous mentionnez également dans votre mémoire que l'ajout d'une clause interprétative n'apporte pas de garantie. Qu'est-ce que vous voulez dire, exactement?

Mme Caouette (Marie-Pierre): Bien, en fait, moi, la clause interprétative, là, en privé, dans l'intimité, j'appelle ça la clause corporatiste, c'est une clause, là, pour dire, là: Chicanez-vous pas, là, puis laissez-vous travailler. Mais, je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas inquiète, on ne manquera pas de travail.

On a notre formation de maîtrise, on a notre champ de compétence, alors on n'est pas inquiets. Ça ne protège pas... ça n'explique pas la clause interprétative aux employeurs qui devraient référer d'abord à l'orthophoniste pour un trouble du langage et de la parole. Ça ne donne pas d'explication et ça ne protège la population, ça essaie de prévenir des tensions entre les ordres. Mais il ne devrait pas y en avoir, de tension entre les ordres, quand on travaille en équipe, comme je vous disais, tous les deux, quand on apporte chacun notre morceau du casse-tête puis qu'on est contents de se parler. L'interdisciplinarité, c'est un mouvement de va-et-vient, là. Il y en a un qui commence l'évaluation, il va voir l'autre, il dit: Aïe, fais donc un petit bout parce que ça m'éclairerait, puis là on échange les informations. Puis on est meilleurs, on est grandis parce qu'on travaille ensemble. Il y a beaucoup d'orthophonistes et de psychologues qui sont mariés, là, puis ça fait des beaux enfants.

On n'est pas en chicane, mais il y a des fois des situations comme ça de projets de loi qui mettent certaines tensions, pour ne pas dire des tensions certaines, là, puis ça, ce n'est pas au bénéfice de personne, certainement pas au bénéfice de la population.

Mme Beaudoin (Mirabel): Dans votre mémoire, aux pages 21 et 22, vous expliquez les amendements nécessaires. J'aimerais avoir, pour les fins de l'enregistrement, là, des explications.

D'abord, on va prendre l'amendement 1, vous parlez d'harmonisation, «harmoniser les activités réservées aux orthophonistes et aux audiologistes aux réalités découlant de la modernisation de la pratique professionnelle dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Puisqu'elles concernent l'évaluation des troubles de la communication, ces modifications n'empêcheront pas les autres professionnels d'intervenir dans le domaine de la communication en général ? bon. [Et] ces modifications permettront...» Et vous expliquez en quoi ça consiste. Est-ce que vous pouvez synthétiser vos propos?

Mme Caouette (Marie-Pierre): C'est ça. Alors, comme je vous disais, évaluer les troubles du langage dans le but de, puis évaluer les troubles de l'audition dans le but de, là, c'est une aberration. Parce que, si vous regardez dans le Code des professions les autres activités réservées, là, bon... Puis ce qu'on veut réserver dans le projet de loi, c'est évaluer les troubles neuropsychologiques, évaluer les troubles mentaux, on ne met pas «dans le but de».

Quand on évalue, on évalue pour évaluer, pour voir d'abord s'il y a un problème ou pas puis après ça pour voir ce qu'on va faire avec ça. Il n'y a pas, comme je vous disais, il n'y a pas de hiérarchisation. C'est resté là parce que le champ était ouvert, mais là on va aller réserver, évaluer les troubles de la communication via les troubles mentaux puis évaluer les troubles du langage et de la parole via les troubles neuropsychologiques, sans finalité. Alors, ça devient une personne qui fait l'évaluation, on ne sait pas trop pourquoi, puis après ça, s'il y a un problème, là il y a un spécialiste qui vient évaluer les troubles dans le but de faire un plan de traitement. Alors, à partir du moment où on modernise, bien il faut ajuster un petit peu. Vous ne pouvez pas donner à des personnes moins qualifiées une activité qui a plus de portée que ceux qui ont la formation pour le faire et qui ont moins de risque de faire des erreurs qui vont porter à préjudice. Alors, si on ajustait cette activité-là, on pourrait s'assurer, auprès des employeurs et de la population, qu'on aura une accessibilité compétente, comme je vous disais, des orthophonistes et des audiologistes qui vont être présents dès le départ, qui vont participer au diagnostic différentiel et pour tout le monde, parce que, s'il y a des hypothèses au niveau du langage, il faudra absolument le confirmer auprès de l'orthophoniste et de l'audiologiste.

Au niveau d'évaluer les troubles mentaux, il y en a qui sont venus vous dire, hein, aujourd'hui... je pense que c'était assez flou comme définition, assez large. Moi, ce qui me préoccupe là-dedans, c'est le fait qu'évaluer les troubles mentaux, ça évalue... ça inclut les troubles de la communication. Alors, si on ajuste du côté de l'orthophonie et de l'audiologie, bien là on va balancer, là.

n(20 h 40)n

Alors, ça permettrait de laisser, en ce qui nous concerne, l'évaluation des troubles mentaux dans le projet de loi, bien que, si on le clarifiait de la façon que les psychiatres l'ont présenté, ça nous conviendrait beaucoup mieux.

Et puis, dans la question, comme je vous disais, la question qui entoure les TED, on a parlé beaucoup, hein, d'accessibilité aux services, de permettre aux psychologues d'ouvrir la porte à des services plus rapidement. Je pense qu'on l'a démontré assez clairement, là, que la porte, elle peut s'ouvrir, même s'il n'y a pas un diagnostic. Mais, à tout le moins, il va y avoir des travaux à poursuivre là-dedans, puis, nous, comme je vous disais, on ne veut pas être des empêcheurs de tourner en rond, mais ce qu'on veut... Dans un TED, là, il y a trois caractéristiques, hein, il y a d'abord les troubles de la communication, du langage oral, non oral, il y a ensuite au niveau des habileté sociales du comportement... puis il y a des comportements, des stéréotypies. Alors, le trouble de la communication, il est là et il doit être évalué par la personne qui a la spécialité la plus pointue là-dessus. Parce qu'on parlait, hein, de diagnostic différentiel entre la dysphasie, l'autisme, les problèmes sensoriels, les troubles psychoaffectifs, la dyspraxie, les troubles auditifs, les troubles de traitement auditif, on pourrait en nommer, la déficience intellectuelle, le déficit d'attention. Tout ça, quand les enfants sont jeunes, là, dans les premières années, ça se ressemble.

Alors, moi, ce que je veux éviter, c'est qu'un seul professionnel nous dise qu'il est capable de tout faire, surtout dans les régions où il y a moins d'accessibilité aux services et peut-être certains employeurs vont dire: Aïe, moi, je vais prendre un package deal, là, je vais en engager un, puis il va faire la job. Si on veut préserver l'esprit de poser un diagnostic différentiel en équipe, il faut s'assurer que celui qui porte la responsabilité ou la conclusion en ce qui concerne les troubles du langage, la communication, de l'audition, de la parole, c'est l'orthophoniste et l'audiologiste.

Alors ça, c'est ce qui concerne le premier amendement. Et ça, là, je veux dire, on scinde, là, c'est tout, et ça ne va pas empêcher personne de travailler, comme je vous disais, parce que tout le monde a le droit de s'intéresser à la communication puis à la santé auditive. C'est quand on parle de troubles que c'est important de préciser.

En ce qui concerne le deuxième amendement, j'en ai parlé un petit peu tantôt, surseoir, je pense qu'il n'y a aucun problème à adopter la loi, et à la mettre en application, et faire de la prévention du suicide et faire de l'encadrement de la psychothérapie. Il n'y a aucun problème à faire ça si on attend pour réserver l'activité «évaluer les troubles neuropsychologiques». On n'a pas de neuropsychologue à l'heure actuelle, ils n'ont pas la formation initiale adéquate, on ne sait pas trop ce que ça veut dire, ils ne nous ont pas consultés. On pourrait faire des travaux ensemble. Ils veulent faire des lignes directrices avec les médecins, hein? On peut faire des lignes directrices ensemble en ce qui concerne les troubles de la communication, mais ça va prendre du temps. Et puis je pense qu'on n'a pas beaucoup de temps, là, pour adopter la loi, à ce que j'ai bien compris. Alors, ce serait plus sage et plus prudent. Il n'y a jamais rien qui presse à adopter quelque chose qui va être tout croche, là.

Alors, je pense qu'on peut très bien élaguer ça du projet de loi et faire en sorte que ça fonctionne rapidement.

Le Président (M. Trottier): Afin de favoriser le plus d'échanges possible, je vais vous demander d'avoir des réponses... des questions courtes, des réponses plus courtes, si c'est possible. Je rappelle qu'il reste environ 12 minutes et je vais céder la parole à Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Mme Caouette et Mme Waridel, bon, bonsoir, bienvenue. Et là vous me, comment je dirais ça?, vous me sidérez dans un sens que vous dites... Je vais essayer d'être diplomate mais franche, c'est ma... Regardez, je vais être franche. Je pense que... On avait jasé de façon informelle avant la commission tantôt puis on a parlé justement de l'historique de toute cette implantation des différentes professions après la Première et Deuxième guerre. Particulièrement avec les guerres sont venues une multitude... non, j'exagère, une multitude... beaucoup de spécialités dû au fait que...

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...de la Deuxième Guerre mondiale, là, pas des guerres interordres Peut-être ce n'était pas...

Mme Doyer: Non, non, non, pas des guerres intestines entre les corporations, entre les ordres, là, ce n'est pas de ces guerres-là dont je parle. Je parle de la Première, Deuxième Guerre. Et, de ça, sont venues plein de spécialités parce que les gens étaient vraiment amochés, et, bon, le besoin créait la chose, et on est rendu avec des spécialistes de toutes sortes de professions, dont les psychiatres, d'ailleurs, hein, puis les chirurgiens maxillo-faciaux. C'est venu comme ça, là. Et, moi, je trouve que, M. le Président, vous êtes passionné, vous aimez ce que vous faites, ça paraît, vous voulez protéger les orthophonistes et audiologistes.

Une voix: ...

Mme Doyer: Non, non, mais laissez-moi terminer.

Mme Caouette (Marie-Pierre): Non, mais je ne suis pas là pour ça, je suis là pour protéger le public.

Mme Doyer: Non, non, mais vous êtes là pour protéger la clientèle, mais, vous... je vais vous dire mon impression, c'est comme si vous vous disiez que sans vous ça ne peut pas fonctionner. Sans vous, ça doit fonctionner et avec vous ça doit fonctionner aussi. Et là, moi, je vous dis, chez moi, là... Parce que tantôt on a parlé: Les interventions, ce n'est pas juste d'avoir accès à un service, c'est l'intensité du service. Et on a parlé aujourd'hui et hier, et, à chaque fois qu'on a entendu des groupes, ils sont venus nous parler de l'importance d'avoir un bon diagnostic, et là on se rejoint, mesdames, on se rejoint dans l'importance d'avoir le bon diagnostic pour le bon problème. Et, moi, je vous sens qui vous sentez menacées mais, par exemple, d'élargir le champ d'intervention des psychologues ou d'autres professionnels, mais en même temps vous dites... vous ramenez toujours qu'il faut avoir une équipe multi. Je pense que vous êtes très conscientes que...

Tantôt, vous avez dit: Il y a 1 million de personnes et plus même au Québec qui ont des problèmes de communication ou de langage, mais on convient ensemble, là, que ça ne se peut pas que tout le monde ait de la même intensité de problématique non plus, la même gravité des problématiques. Alors, moi, là, à quelque part, quelle que soit la personne qui... que ce soit un enfant ou un adulte qui a eu un accident d'automobile, je ne sais pas quoi, quand... un coup que le problème est identifié, là, par quel que soit le spécialiste, l'importance, c'est d'avoir la mise en place des mesures appropriées pour ramener la santé de la personne, santé physique et santé mentale. Alors, tout ne peut pas être relié tout le temps à un problème de langage et de communication. Mais en même temps, moi, j'ai le centre de réadaptation chez moi, à Mont-Joli, j'ai... À Rimouski, il y a le centre de réadaptation... bien, en tout cas, en développement... attendez, en déficience intellectuelle et TED. Il y a les différents spécialistes qui sont dans le décor, qui ont chacun leur spécialité et chacun leur champ d'intervention. Mais, à un moment donné, on ne peut pas tout faire.

Un spécialiste ou une spécialité ne peut pas tout faire, alors il faut avoir une acceptation qu'il y ait un partage de ces compétences, un partage de son intervention puis une confiance qui s'établit. Je ne le sais pas, M. le Président, comment dire ça autrement que ça.

Et vous nous dites que 30 % exercent ou veulent exercer, 50 % ou 40 % de vos étudiants veulent aller vers le champ de la pratique privée. Mais, moi, j'ai une inquiétude pour ça parce que, les personnes, ça va être juste les personnes qui ont de l'argent, là, qui vont avoir accès aux services au Québec. Moi, j'ai des gens dans mon comté que j'ai dû envoyer au Nouveau-Brunswick puis j'étais très contente de le faire, parce qu'on n'avait pas le service suffisamment, puis il y avait un partage, hein, avec le Nouveau-Brunswick, et tout.

Mais qu'est-ce qui vous fait si terriblement peur dans l'adoption projet de loi n° 21? Parce que vous dites: On ne veut pas avoir de guerre, on ne parle pas de guerre entre les professions, mais c'est tout de suite vous qui m'avez ramenée à ces guerres-là entre les professions, entre les différents professionnels. Moi, je pense que, quand, un enfant en préscolaire ou en première année, on identifie qu'il a un problème, on va vous l'envoyer si on pense que vous pouvez être la personne la plus habilitée à aider cet enfant-là.

Mme Caouette (Marie-Pierre): C'est...

Mme Doyer: C'est quoi, le problème?

Mme Caouette (Marie-Pierre): Oui. Mais, comme je vous dis, c'est qu'il y a plein de gens qui ne savent pas qu'est-ce que c'est, les problèmes de langage et de la communication.

Si vous saviez, quand je suis allée en région, le nombre d'enfants dysphasiques que j'ai identifiés à 12 ans, puis ils en avaient vu, des psychologues, puis ils avaient vu plein de monde plein de bonnes intentions, puis les gens n'avaient pas mis le doigt sur le bobo, hein? J'ai vu des enfants qui faisaient des crises parce qu'ils avaient des difficultés de compréhension, pas des problèmes de comportement. Le comportement, c'était la manifestation, là, mais ils ne comprenaient pas les indications qu'on leur donnait puis, même s'ils prononçaient bien, ils n'avaient pas suffisamment de mots pour exprimer ce qu'ils voulaient dire, alors ils faisaient des crises, puis on leur donnait des médicaments, puis ça ne marchait pas, jusqu'à temps qu'on dise: Oui, mais c'est parce qu'il est dysphasique, oh, puis il avait 12 ans.

Alors, moi, ce que je veux dire, c'est que les parents, ils veulent des services mais pas des services à tout prix, ils veulent le bon service pour le bon problème. On ne va pas tout faire les... Je ne sais pas où vous avez senti ça. Ce qu'on veut, c'est que les gens...

Mme Doyer: Je ne suis peut-être pas la seule à l'avoir senti.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...qui ont des problèmes en communication, ils puissent avoir accès aux bons services. Puis souvent ces jeunes-là, ils ont aussi besoin du psychologue puis aussi besoin de l'ergothérapeute, mais il faut qu'ils aient accès.

En ce qui concerne le langage, comme on le disait, c'est l'outil d'apprentissage, c'est l'outil pour résoudre des problèmes. Quand vous avez un problème à résoudre, là, si vous êtes occupé puis vous ne savez pas ce que vous allez manger pour souper, vous vous parlez dans votre tête pour résoudre le problème. Quelqu'un qui a un trouble de la communication, là, il n'est pas capable non plus de trouver les mots pour formuler ses idées, parfois. Alors, c'est important, les troubles de la communication.

n(20 h 50)n

Mme Doyer: M. le Président, moi, je suis sociologue de formation. Alors, une des premières choses que j'ai apprises en sociologie, c'est qu'à un moment donné la culture était extrêmement importante aussi. Et la culture, ça veut dire qu'à un moment donné on apprenait qu'un enfant, dépendamment de sa classe sociale, là, au Québec, s'il dit, s'il dit: Je vais aller au sink... Hein, on apprenait ça en sociologie, le sink, les mots n'ont pas... le sink, l'évier... Parce que, dans les années soixante, soixante-dix, les gens avaient, dans des quartiers populaires de Montréal... ou les gens de l'élite bourgeoise du Québec, le langage... Là, on se rejoint, là, le langage, c'est extrêmement important, le mode de communication, la qualité de la communication et d'être capable d'identifier le véritable problème.

Et, là où je sens votre inquiétude et où je la rejoins, c'est que l'ensemble des professionnels à qui on va donner des champs d'intervention et à qui on va donner... Toi, c'est ta bulle, toi, c'est ta bulle, toi, c'est ta bulle d'intervention. Et en bas, là, vous devez vous rejoindre par rapport à un partage au niveau de qu'est-ce qu'on doit faire pour l'intervention, le plan d'intervention individualisé par rapport à cette identification de problème qu'on va avoir. Mais, à un moment donné, on doit les partager, ces connaissances-là, on doit les partager, les compétences.

Mme Caouette (Marie-Pierre): Excusez-moi. Partager les connaissances, partager un même intérêt à redonner la santé à quelqu'un, travailler ensemble, ça ne veut pas dire faire, tout le monde, les mêmes affaires puis ça ne veut pas dire faire les choses à la place de l'autre, ça veut dire apporter notre morceau du casse-tête, comme je vous disais, et travailler différemment, parce qu'on travaille ensemble. Mais je pense que, les formations initiales et les compétences spécifiques, on doit les mettre sur la table aussi, on doit les apporter, là.

Mme Doyer: Mais, moi, en terminant... puis ma collègue, s'il reste du temps, je...

Le Président (M. Trottier): ...trois minutes.

Mme Doyer: Trois minutes. Bon. Trois minutes. Quoi dire pour ramasser tout ça? C'est qu'on doit vraiment... Tantôt, là, ce n'est pas... le partage de connaissances, le partage... la reconnaissance de compétences, de ce que je suis comme professionnelle, de ce que je veux mettre dans la balance pour régler un problème, que ce soient TED, autisme ou quel qu'il soit, il faut à la base reconnaître la compétence de l'autre professionnel, du médecin qui va être capable d'aller toucher à des problèmes de santé physique, de la psychologue qui va dire: Ah, je crois que c'est un problème... je ne sais pas, moi, au niveau du psychiatre, ça va être obsessionnel-compulsif ou... Il faut vraiment être capable de mettre en balance ensemble tout ce qu'on a comme compétences, comme connaissances, mais de reconnaître ce que les autres ont aussi comme compétences.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...c'est pour ça que je dis...

Mme Doyer: Et, moi, je dois le dire, je dois le dire, je ne reconnais pas ça chez vous suffisamment, malheureusement, je dois le dire. Puis pourtant vous êtes tellement précieux, tellement rares, puis je voudrais tellement que ce soit ça.

Mme Caouette (Marie-Pierre): Attendez un petit peu que je clarifie, là. Vous ne le reconnaissez pas ce soir ou vous ne le reconnaissez pas sur le terrain?

Mme Doyer: Je ne le reconnais pas ce soir dans ce que vous nous avez dit parce que vous avez dit beaucoup le «je», «je», «je» et vous n'avez pas dit le «nous», «nous», «nous» souvent. Malheureusement, pour moi, c'est ça, là, que je dois vous dire. Puis je sais que vous êtes tellement précieux, parce que je vous vois à l'oeuvre au centre de réadaptation à Mont-Joli, je vous vois à l'oeuvre des fois, les orthophonistes, audiologistes ou les gens... et, moi, je vous dis, vous êtes précieux. Puis n'allez pas trop dans le privé parce que ça va être seulement l'élite qui a de l'argent, là, qui va avoir accès à vos services.

Mme Caouette (Marie-Pierre): ...tout à l'heure pourquoi les gens, ils vont dans le privé?

Mme Doyer: Oui, j'ai compris tout ça.

Mme Caouette (Marie-Pierre): C'est parce que, dans le secteur public, ils ne sont pas capables d'avoir accès aux personnes puis de leur donner des services. Et, moi, je peux vous dire que j'en ai couvert, des milieux, là, dans le Québec et j'ai travaillé beaucoup en pratique, en équipe interdisciplinaire, autant en scolaire qu'en santé. Et les orthophonistes et les audiologistes, c'est des gens qui travaillent en équipe, qu'ils aiment ça puis parce que ça bonifie. Mais reconnaître la compétence de l'autre... et, comme je vous dis, on le fait parce qu'on travaille en équipe, là.

Ce qu'on dit dans ce projet de loi là, c'est: Pourquoi vous essayez de trouver qui pourrait faire la job de l'orthophoniste et de l'audiologiste à leur place, alors que, nous autres, de l'autre côté, on est allés faire nos devoirs puis on est en train de trouver des solutions pour en rendre accessibles, des orthophonistes et des audiologistes? Parce que, des psychologues qui font leur job de psychologue, on en a besoin, puis, des ergothérapeutes qui font leur job d'ergothérapeute, on en a besoin aussi. Alors, si on se met à faire, tout le monde, la même affaire, on ne va pas régler le problème.

Mme Doyer: En conclusion, là, parce que...

Le Président (M. Trottier): C'est terminé, malheureusement.

Mme Doyer: Bon.

Le Président (M. Trottier): Puis je vous remercie beaucoup pour vos interventions. Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes pour laisser prendre place les prochains invités.

(Suspension de la séance à 20 h 55)

 

(Reprise à 20 h 57)

Le Président (M. Trottier): Nous allons demander maintenant aux représentants des psychologues de venir prendre place.

Je voudrais vous souhaiter la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation et que par la suite nous allons procéder à une période d'échange de 50 minutes. Et, pour les fins d'enregistrement, je vais vous demander de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ordre des psychologues du Québec (OPQ)

Mme Charest (Rose-Marie): ...M. le Président. Je suis Rose-Marie Charest, je suis présidente de l'Ordre des psychologues puis je suis accompagnée, à ma gauche, de Dr Martin Drapeau, qui est psychologue, qui est professeur-chercheur à McGill, au Département de psychologie et de psychiatrie; à sa gauche, Pierre Desjardins, qui est responsable de la qualité de la pratique à l'Ordre des psychologues, mais, malgré qu'il apparaît un peu jeune, il a une longue carrière de psychologue clinicien derrière lui; et, à ma droite, Me Édith Lorquet, qui est conseillère juridique à l'Ordre des psychologues et qui a travaillé dans la modernisation des professions en santé physique, lorsqu'elle était avocate au Collège des médecins, et en santé mentale avec nous. Donc, c'est quelqu'un qui connaît très bien tout ça.

Merci de nous accueillir. Merci de nous permettre de faire une synthèse. Je peux vous dire que, et ça a été mentionné plusieurs fois pendant cette commission, l'Ordre des psychologues appuie sans réserve le projet de loi n° 21, puis je vais vous expliquer pourquoi. C'est rare, ça, appuyer sans réserve un projet de loi.

n(21 heures)n

La première raison, c'est la méthodologie sur laquelle reposent les recommandations qui ont donné lieu au projet de loi n° 21. Je ne le dis pas parce qu'il est là, mais je suis heureuse qu'il soit là pour l'entendre, le comité présidé par le Dr Trudeau est un comité qui a travaillé à un haut niveau de rigueur intellectuelle, scientifique, professionnelle et qui en même temps a permis des échanges entre les différentes professions de façon à ce que les recommandations qu'ils ont faites soient applicables dans nos milieux.

Vous savez comme moi qu'il faut adhérer à des propositions pour qu'elles puissent être efficaces. Nous sommes six ordres principalement concernés par ce projet de loi. Nous y adhérons tous. Ce consensus-là a rarement été vu dans différents milieux, encore moins, je dirais, dans le milieu des professions. Ça fait qu'on en est très heureux. Nous aussi, à l'Ordre des psychologues, les documents qu'on vous a fait parvenir, les propos qu'on va tenir ce soir, on les a appuyés sur une méthodologie en laquelle on croit. Nous ne sommes pas allés à la pêche d'anecdotes pour demander à des gens s'ils avaient vu d'autres professionnels faire des erreurs et venir vous en parler. Nous n'avons pas fait ça, nous ne le ferons pas.

Un principe très important qui a donné lieu à ces recommandations a été l'étude de qui est compétent pour faire quoi. Le comité d'experts a regardé quels étaient nos profils de formation à tous, chacun des professionnels. Ils ont regardé aussi à quoi on était exposés dans notre pratique. Et c'est à partir de cette étude rigoureuse qu'ils en sont arrivés à formuler des recommandations sur les champs d'exercice et sur le libellé des activités réservées. Je me permets d'attirer votre attention là-dessus, parce que, si un tel processus a été nécessaire pour arriver à libeller ces activités et pour arriver à établir un équilibre entre toutes les activités pour que justement ça fasse ce qu'on recherche depuis le début de cette commission, une espèce de mosaïque qui en elle-même est solide et efficace du point de vue de la population, s'ils ont pris tout ce temps, s'ils ont mis toute cette expertise pour y arriver, il faudrait être très prudents pour ne pas venir changer ces libellés-là sans prévoir tous les impacts que ça pourrait avoir.

C'est une des raisons pour lesquelles on appuie le projet de loi sans réserve.

Une autre raison, qui n'est pas la moindre, c'est que ça, ça vise l'accessibilité compétente. On le savait tout au long de ça, que ce qu'on voulait, c'est que le public québécois ait plus accès à des services en santé mentale. Moi, je peux vous assurer que les besoins sont là, que le public est prêt à recevoir ça. Au Québec, le gouvernement, et je salue cette initiative, fait des efforts pour aller chercher des professionnels compétents en dehors ou en tout cas pour qu'on puisse échanger. Il y a eu des annonces d'ailleurs à ce sujet cette semaine. Là, ce qu'on vient dire, c'est: Parmi le monde qui est déjà là, on peut aussi aller chercher plus d'efficacité parce qu'on utiliserait mieux l'ensemble des compétences de tous. Dans cette accessibilité, il y a bien sûr l'interdisciplinarité. Je n'ai pas la prétention que les psychologues peuvent régler tout en santé mentale. Aucun des six ordres concernés a cette prétention-là. Et en plus il y a des professions qui n'ont pas été entendues.

Vous savez, quand on met à contribution les professionnels, on n'a pas parlé aujourd'hui, on n'en a pas parlé ni mardi, des médecins de famille, qui ont un rôle excessivement important. Et, dans les recommandations qui sont là, il y a un sous-entendu qui est cette collaboration entre nous, professions concernées, mais aussi avec d'autres professions, dont la profession médicale et en particulier les médecins de famille. Donc, on sait, par exemple, que 70 % des gens qui ont un problème de santé mentale contactent d'abord leur médecin de famille. Ce projet de loi-là aussi a un rôle informatif, qui va permettre non seulement aux gestionnaires, mais aux professionnels comme les médecins de bien référer.

Vous savez, la psychothérapie, on n'en a presque pas parlé, parce que tout le monde est d'accord, mais je voudrais insister ici sur le fait qu'il y a eu des drames, il y a eu des scandales. Et, moi, pour une, dans les médias, j'ai fréquemment rassuré la population en disant: Inquiétez-vous pas, on s'en vient avec un projet de loi puis on va régler ça, puis faites-nous confiance. Puis l'Office des professions a fait la même chose. Puis c'est ce qu'on a fait. On ne passerait pas le projet de loi n° 21 maintenant; moi, je ne peux plus aller rassurer la population parce qu'ils ne me croiront plus. Je leur ai dit assez souvent, puis ça fait assez longtemps que je leur dis. Puis, moi, il y a une chose à laquelle je tiens dans la vie, puis c'est ma crédibilité, puis j'imagine que vous autres aussi.

Donc, la psychothérapie, c'est au coeur de la profession de psychologue. Bien sûr, on aurait pu avoir l'attitude, et je ne vous dis pas que certains ne l'ont pas eue, de dire: C'est au coeur de la profession de psychologue, d'abord il y a juste des psychologues qui vont faire de la psychothérapie, puis ça va être une activité réservée juste aux psychologues. Ce n'est pas ça, la proposition qui est devant vous. C'est que la psychothérapie, et c'est ce qu'on a supporté, elle est, elle sera pratiquée par ceux qui ont les compétences nécessaires. Et, les critères qui ont été fournis par le comité d'experts, nous les endossons. Nous, psychologues, et nous, Ordre des psychologues, qui avons travaillé dans ce domaine-là depuis 30 ans, considérons que ces critères-là sont suffisamment exigeants pour que toute personne qui rencontre ces critères-là, qu'elle soit travailleur social, infirmière, ergothérapeute, psychoéducateur, conseiller d'orientation, infirmière, je l'ai-tu dit... si elle rencontre ces critères-là, on pense qu'elle va être un bon psychothérapeute. Et, par clause grand-père, on sait qu'on peut accueillir les gens qui ne sont pas dans les ordres.

Donc, en terminant, la principale raison pour laquelle on veut supporter le projet de loi n° 21, c'est qu'il en va d'un projet de loi comme d'un être humain ? je vais me permettre un peu d'être psychologue: un être humain qui a confiance en lui, c'est un être humain qui se trouve suffisamment bon. Un être humain qui se dit: Je vais être bon si je suis parfait, je vais le déstabiliser comme ça demain matin parce qu'il ne pourra pas être parfait 24 heures, c'est trop long. Un projet de loi, si on attend pour le passer pour dire qu'il est bon, qu'il soit parfait, bien on n'en passera pas, de projet de loi. Et, moi, pour toutes les demandes qui ont été faites, où les gens ne trouvent pas nécessairement satisfaction dans le projet de loi, j'ose croire que ni l'Office des professions ni cette Assemblée vont fermer leurs portes demain matin, et donc on va toujours pouvoir progresser dans la recherche de solutions, et qu'on ne devrait pas arrêter un processus en attendant que tout soit réglé.

Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Trottier): Il vous restait encore 1 min 30 s.

Mme Charest (Rose-Marie): Est-ce que mes collègues ont quelque chose à rajouter?

Une voix: ...

Mme Charest (Rose-Marie): Non. Je vais répondre aux questions.

Le Président (M. Trottier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, c'est vraiment un grand plaisir de vous recevoir ce soir alors, Mme Charest, M. Drapeau, Mme Lorquet et M. Desjardins. Alors, je pense qu'on aura beaucoup de questions, tout le monde ensemble, on a entendu beaucoup de choses en deux jours, et ça va nous permettre de peut-être clarifier certaines choses, de répondre à des préoccupations.

Je vous ai vus ici presque, je pense, entièrement les deux journées dont vous avez... ça va résonner avec vous. Je pense qu'il y a lieu de rassurer certains groupes, certains autres intervenants dans ce réseau-là pour voir comment vous allez justement travailler en interdisciplinarité pour améliorer l'accessibilité. Je dois dire que, ce message-là, c'est la première fois, je pense, qu'on l'entend aussi clairement. Je suis ravie d'entendre ce message parce qu'en bout de ligne c'est exactement ça. Lorsqu'on avait parlé de la privatisation, etc., donc une inquiétude, l'envers de ça, c'est: si on améliore l'accessibilité et cette prise en charge par ces gens qui souffrent de problèmes mentaux, et autres, c'est par des solutions qu'on propose ici. Et donc cette mission, elle est plus que noble, elle est nécessaire. Donc, j'apprécie beaucoup ce commentaire.

Vous avez entendu les derniers intervenants, et, parce qu'ils sont, je pense, encore ici, dans la salle, ce serait peut-être utile de voir ce que vous pourriez répondre à ça, s'il y a des... comment vous réagissez à leurs demandes. Est-ce qu'il y a des choses que vous pouvez dire pour les rassurer, aussi nous rassurer? Dans ce sens-là, ce serait peut-être ma première question.

n(21 h 10)n

Mme Charest (Rose-Marie): Avec plaisir. Premièrement, je tiens à rassurer immédiatement pas seulement les orthophonistes, toutes les professions de la santé mentale que l'Ordre des psychologues n'a aucune intention de hiérarchiser les services et d'avoir une attitude qui ferait en sorte, ah, que, si tu n'as pas vu un psychologue, tu ne peux rien faire. Ce n'est pas du tout notre compréhension d'ailleurs de ce qui est présenté-là, ce n'est pas du tout ce qui est présenté là et ce n'est pas ce que... Et, moi, si ça vous intéresse, vous pouvez lire... Dans le dernier éditorial que j'ai envoyé aux 8 300 psychologues, je leur ai dit: Je veux que vous vous fassiez les porte-parole de ce principe-là: les psychologues n'empêcheront pas les autres de travailler et les psychologues n'accepteront pas que les autres les empêchent de travailler, par exemple, chacun dans son champ de compétence.

Et je suis contre le fait, on en a parlé beaucoup ce matin, qu'un service doive être attendu parce que tel professionnel n'a pas encore donné son autorisation pour qu'un autre qui aurait les compétences commence à agir. On n'est pas d'accord pour que certaines professions nous fassent ça, on ne le fera pas à d'autres. Ça, pour ce qui est de la hiérarchisation, je peux rassurer immédiatement.

Maintenant, pour ce qui est de la clause interprétative, moi, je ne la trouve pas banale, la clause interprétative. C'est une clause qui dit: Il n'y a aucun professionnel qui pourra empêcher un autre de pratiquer dans son champ de compétence. Et, qu'un psychologue viendrait empêcher un orthophoniste de pratiquer dans son champ qu'est l'orthophonie, il y aurait... à partir de quoi, à partir de quel droit il ferait ça? En tout cas, sûrement pas en prenant appui sur le projet de loi n° 21 parce que ce n'est pas ça que le projet de loi n° 21 dit. Donc, ça aussi, moi, je trouve ça important. L'autre chose, c'est qu'à l'Ordre des psychologues on est une assez bonne équipe et on va avoir le temps de s'occuper de l'attestation en neuropsychologie, même si on s'occupe de la psychothérapie. On a déjà prévu, et il y a déjà des travaux qui sont commencés, d'ailleurs. Je veux aussi dire que c'est vrai que le titre de neuropsychologue n'existe pas. Mais ce qui est prévu dans le rapport Trudeau et dans le projet de loi, ce n'est pas de créer une spécialité de neuropsychologue, c'est que l'activité d'évaluation neuropsychologique soit réservée à ceux qui ont une attestation. Est-ce que... Je pense, je fais le tour pas mal de ce que je pense... qui pourrait rassurer.

Maintenant, je ne sais pas si vous voulez que j'élabore un peu plus sur qu'est-ce qui est un trouble du langage, qu'est-ce qui est un trouble des apprentissages.

Vous savez, les psychologues scolaires travaillent avec les troubles des apprentissages depuis toujours, et les orthopédagogues interviennent dans la dyslexie. Or, ce n'est pas un projet... ce n'est pas réservé, ce n'est pas un trouble de la communication réservé aux orthophonistes. Il y a des troubles du langage qui ne sont pas de l'ordre de ce que font les psychologues et les orthopédagogues, mais les troubles... la dyslexie notamment ne peut pas être interprétée comme un trouble du langage, c'est un trouble des apprentissages. Et ce n'est pas ma création personnelle de dire ça ici ce soir. Le manuel dont vous avez entendu parler pendant tout ce temps, qui est le DSM, est sur le coin de table comme une bible, mais c'est quand même un consensus scientifique qui place ce trouble-là à l'intérieur du trouble des apprentissages.

Veux-tu ajouter quelque chose, Pierre?

M. Desjardins (Pierre): Non, ça va. C'est juste que remettre ça en contexte, où on disait qu'on ne peut donner à une personne moins qualifiée une activité que d'autres pourraient mieux faire... alors je pense que c'est important effectivement de s'assurer que tout le monde ait les bonnes qualifications puis qu'on comprend bien c'est quoi, un trouble d'apprentissage, un trouble de la communication.

Mme Weil: Bon. M. le Président, bon, je suis un peu inquiète de vous poser la prochaine question parce que je pense que c'est un peu émotif. Mais vous avez entendu la présentation de l'Association des psychiatres ce matin. Comment vous réagissez à l'inquiétude qu'eux ont exprimée par rapport à des risques potentiels d'un mauvais diagnostic qui, en bout de ligne, pourrait affecter la santé d'une personne qui serait évaluée par un psychologue?

Mme Charest (Rose-Marie): Bon. La première chose que je vais dire, c'est que l'évaluation des troubles mentaux, ce n'est pas une activité que le projet de loi n° 21 vient permettre aux psychologues de faire, les psychologues le font déjà, c'est une activité que le projet de loi n° 21 vient réserver, réserver aux psychologues, à certains conseillers d'orientation et à certaines infirmières sur la base d'une étude rigoureuse dont je vous parlais tout à l'heure, c'est-à-dire ce comité d'experts qui a dit quelles sont les compétences nécessaires pour le faire, qui l'a appris, qui a eu suffisamment d'exposition, et ça a donné ça comme résultat.

Donc, sur la base de ça, je me dis que, si des psychologues avaient commis tant d'erreurs de diagnostic depuis 30 ans où on fait de l'évaluation des troubles mentaux, comment se fait-il qu'on n'a pas eu plus de plaintes à ce sujet-là? Le Dr Lamontagne mentionnait que, lui, dans sa pratique il avait vu, il avait été très sensibilisé, il voyait comment les psychologues facilement allaient demander l'avis des psychiatres quand ils en avaient besoin, mais je peux vous dire qu'autant de la part des médecins que des psychiatres c'est très fréquent que, dans l'autre sens aussi, les gens demandent aux psychologues de clarifier un diagnostic. On sait, par exemple, que les compétences en psychométrie sont détenues par les psychologues, beaucoup. L'échange sur le terrain, la collaboration médecins-psychologues, que ce soient des médecins omnipraticiens ou avec des psychiatres, c'est notre pain quotidien. Et ce n'est pas...

Moi, je peux vous donner un exemple. Moi, je suis dans... je pratique encore un peu dans une clinique où on ne décide pas qui voit le patient en premier. Moi, je vois des patients. S'ils ont besoin de voir un médecin ou de voir un psychiatre puis qu'ils n'en ont pas vu dans les derniers temps, oui, je vais référer. Beaucoup de nos patients nous parviennent des médecins, donc ils ont déjà eu une évaluation. Évidemment, l'inquiétude, c'est: Est-ce qu'il va nous échapper une pathologie physique à laquelle on ne penserait pas? Une des choses qui fait partie de la formation du psychologue, c'est de connaître que certaines pathologies mentales, certains troubles mentaux peuvent avoir une base biologique. Et je vous dirais que... Prenons l'exemple de la dépression, qui est quand même le plus répandu. Quelqu'un arriverait dans nos bureaux, souffrirait d'une dépression grave, une des questions qu'un psychologue responsable a à poser, c'est: C'est quand, la dernière fois que vous avez vu un médecin? Est-ce que vous avez déjà été... Tu sais, c'est vrai qu'il peut y avoir un trouble de thyroïde, mais ce n'est pas nécessaire que ce soit moi qui le fasse, le test pour savoir s'il y a un trouble de thyroïde.

Ce qui est nécessaire et obligatoire de par notre code de déontologie, c'est que, si, le moindrement, il y a une possibilité qu'une autre profession, notamment la profession médicale, ait un acte à poser pour évaluer et pour traiter... Parce que vous savez qu'il y a certaines dépressions qui se traitent par la psychothérapie seule, d'autres se traitent par la médication, d'autres se traitent par, conjointement, médication et psychothérapie.

Donc, le travail en collaboration avec les médecins est tellement notre pain quotidien que je ne pense pas que le risque soit élevé. Est-ce que je peux vous dire qu'un psychologue ne fera jamais d'erreur? Non, je ne peux pas vous dire ça, mais je ne sais pas quelle profession pourrait dire ça. Ce que je peux vous dire, c'est que la formation initiale et le code de déontologie font en sorte qu'il doit avoir l'information qu'il faut pour identifier lorsqu'il y a un risque et lorsqu'il y a besoin d'une évaluation médicale, et son code de déontologie l'y oblige.

Mme Weil: Ce matin, il a été question aussi des TED et de l'autisme, et mardi on a entendu le Collège des médecins qui disait: Ce n'est pas le mot «diagnostic» ou «évaluation psychologique» qui était important, que c'était finalement une directive administrative du ministère de la Santé qui, que ce soit «évaluation psychologique» ou «diagnostic», qui pourrait déclencher l'accès au traitement, que le traitement, de nos jours... Et puis on avait un psychiatre qui nous disait: Bon, il y a beaucoup de, comment dire... il n'y a pas d'étude pour dire que le traitement intensif qui est prescrit de nos jours pour l'autisme... il n'y a pas de preuve pour dire que c'est le meilleur traitement, mais ce n'est pas ici qu'on peut déterminer quel est le traitement optimal, ça va changer avec le temps.

Mais essentiellement ce que le Collège des médecins nous disait, c'est qu'il faut au moins donner accès à quel que soit le traitement optimal en 2009, qu'est-ce que les experts considèrent le traitement optimal. Et donc ce n'est pas ici, en tant que juristes ou membres de ce comité, qu'on peut déterminer ça. Mais on était très sensibles à pouvoir leur donner la clé pour un accès équitable. Je pense que c'était une question d'équité. Et c'était la frustration des parents d'autistes.

Est-ce que je pourrais vous entendre un peu sur cette question-là, donc «évaluation psychologique» ou «diagnostic» permettant d'ouvrir la porte à une prise en charge?

n(21 h 20)n

Mme Charest (Rose-Marie): Le but d'évaluer, c'est pour savoir quoi faire après. Si on a donné... Si on reconnaît les compétences des psychologues dans l'évaluation des troubles mentaux, mais qu'une fois que les psychologues ont évalué ces troubles mentaux ils ne peuvent pas agir davantage dans la fluidité du système, bien, notre objectif de base, qui est d'augmenter l'accessibilité, là, on le perd. Et c'est dans ce sens-là. Et je pense qu'on a suffisamment de garanties, et je passerai la parole à mon collègue Martin Drapeau pour ce qui est de la recherche tout à l'heure... mais on a suffisamment de garanties à l'effet que le psychologue qui procède à son évaluation psychologique n'a pas un risque d'erreur plus grand et qu'il va faire appel aux autres professionnels, au besoin. Veux-tu rajouter?

M. Drapeau (Martin): Oui. En fait, la question du diagnostic, c'en est une qui est extrêmement intéressante. Je pense qu'on peut l'aborder sous deux angles, il y a deux volets, en fait.

Le premier, c'est de dire, et c'est un peu la position de l'AMPQ, donc des psychiatres, c'est de dire que le psychologue ne serait pas suffisamment sensible finalement à la dimension physique. Évidemment, c'est tentant, en tant que psychologue, de répondre que la formation, donc, c'est une formation, avec le doctorat, qui prend, quoi, de sept, 10 ans; à McGill, nous, c'est 11 ans, de formation universitaire, ça nous permet, selon moi, d'être sensible à la dimension physique, et mon premier réflexe, ce serait de vous dire que je suis personnellement convaincu, vous me posez question, je suis personnellement convaincu que le psychologue est suffisamment sensible à la dimension physique. Maintenant, c'est ma conviction. Et puis d'autres personnes peuvent avoir d'autres convictions, chacun a ses croyances, évidemment. Et ce qui est le plus important, je pense, c'est que, pour éviter de s'embourber dans une situation comme ça où deux croyances peuvent s'affronter... c'est de s'appuyer sur des données, donc des données probantes et ce qu'indique la recherche.

Et donc nous avons répertorié les recherches qui ont porté sur le sujet, on en a trouvé une demi-douzaine, et puis chacune des six études qu'on a trouvées démontre que le psychologue est effectivement suffisamment sensible à la dimension physique.

Maintenant, ce n'est pas tout, parce qu'il y a un deuxième volet, le deuxième volet, et c'est la conclusion des psychiatres, c'est de dire que, parce que le psychologue ne serait pas suffisamment sensible à la dimension physique, on peut remettre en question la validité de son diagnostic. Donc, son diagnostic serait... son évaluation du trouble mental pourrait être remise en question. J'ai trouvé deux études, une première... deux études avec une méthodologie douteuse, les deux avec un petit échantillon, une première à l'effet que... qui démontrait que les psychiatres seraient plus valides dans leur évaluation du trouble de la schizophrénie, une deuxième qui démontre que les psychologues seraient plus valides dans leur évaluation des troubles dissociatifs. Donc, deux études. Ce sont les deux exceptions. La quasi-totalité des études, donc 15 autres études, démontrent qu'il n'y a absolument aucune différence dans la validité des diagnostics posés par le psychologue et le psychiatre.

Ce qui est plus intéressant aussi, parce qu'on a parlé beaucoup de l'autisme ce matin, c'est qu'il y a eu une étude donc d'envergure qui a été menée, qui s'appelle DSM-IV Field Trial on Autism, donc une étude sur l'autisme. Ils ont comparé. Donc, il y avait plusieurs volets évidemment à cette étude-là, et un des volets, c'était de comparer la validité des diagnostics posés par différents professionnels. Ils ont comparé, entre autres, le psychologue, le psychiatre et une infirmière surspécialisée en psychiatrie. Ils n'ont trouvé en fait aucune différence dans la validé des diagnostics, si bien qu'ils ont conclu que la formation pour les professionnels que je viens de citer n'avait pas d'effet sur la validité des diagnostics qui étaient posés.

Et je suis convaincu... En fait, pour tout vous dire, les chercheurs ne s'intéressent plus du tout aujourd'hui à savoir qui peut ou ne pas... peut poser un diagnostic, c'est vraiment de savoir qui, parmi ceux qui posent un diagnostic... comment procèdent-ils pour arriver à une conclusion valide. Donc, c'est vraiment le côté expertise et puis le modus operandi, le raisonnement clinique qui intéressent les chercheurs. Et je suis convaincu que c'est pour ces raisons-là que justement on en a fait mention. Si on regarde les données qu'on a de disponibles, depuis 1997, il n'y a aucune réclamation, aucune plainte à l'endroit d'un psychologue pour des erreurs quant au diagnostic, pour avoir omis aussi de référer à un autre professionnel quand l'intérêt du patient l'exigeait. Il n'y a aucune plainte, aucune réclamation aussi vis-à-vis un psychologue, à l'endroit d'un psychologue pour avoir omis la dimension physique.

Et je suis convaincu aussi que c'est pour cette raison-là que partout en Amérique du Nord, dans toutes les provinces canadiennes, c'est la même chose. On en a fait mention ce matin. Dans toutes les provinces canadiennes, aux États-Unis, personne ne remet en cause la capacité du psychologue à faire... de procéder à l'évaluation des troubles mentaux.

Mme Weil: Oui. Les techniciens. Vous étiez là aussi. Beaucoup de groupes représentant les techniciens, qui ont beaucoup d'inquiétude par rapport à des actes réservés qui feraient en sorte qu'ils seraient exclus. Qu'est-ce que vous pourriez dire aussi pour les rassurer? Quel est votre...

Mme Charest (Rose-Marie): Je pense que je vais citer ce qu'a dit mon collègue Claude Leblond quand il a répondu à cette question-là, parce que c'est plus dans son champ à lui et dans le champ des psychoéducateurs, mais, moi, j'ai confiance que l'office va continuer le bon travail qui a été fait jusqu'à date et que cette table-là des techniciens va permettre de donner des solutions, étant donné qu'on est tous... que tout le monde va continuer de rechercher les mêmes choses, c'est-à-dire l'accessibilité.

Et, moi, une chose que, je pense... qui crée peut-être un peu de confusion, c'est que souvent on pense que, parce qu'il y a une activité qui est réservée, et donc que le technicien ne peut pas faire parce que c'est réservé à un universitaire, que le technicien ne peut plus rien faire. Or, ce n'est pas le champ qui est réservé, c'est une activité ou deux activités. Et donc c'est sûr que ça va demander de la réorganisation dans les milieux de travail. Mais, vous savez, il y avait un besoin, là, auquel on veut répondre en faisant ça. Ce n'était pas un objectif tombé de nulle part. Donc, on vise un objectif de professionnaliser lorsqu'il y a des décisions d'évaluation qui ont un impact qui peut créer préjudice chez la personne. Ça va nous demander un effort supplémentaire pour continuer, la table, mais je pense que les techniciens devraient pouvoir avoir confiance.

Et je leur dirais en souriant que, quand, nous, on a commencé les travaux, tous les ordres concernés, on n'était pas tous sur la même longueur d'onde. On a fini par rejoindre une longueur...

Des voix: ...

Mme Charest (Rose-Marie): Je souhaite que le même esprit continue d'être présent dans ces travaux-là et que tout le monde puisse trouver satisfaction, parce que j'ai entendu des préoccupations fort légitimes et je suis convaincue que ces talents-là seront mis à contribution pour trouver des solutions.

Mme Weil: Je laisserais la parole à mes collègues.

Le Président (M. Trottier): Oui. Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Alors, justement, Mme Charest, bienvenue aux membres de votre équipe, vous venez toucher à une corde sensible. Tout à l'heure, j'ai posé certaines questions aux représentants de l'organisation des art-thérapeutes. Vous avez mentionné l'importance du travail en équipe, l'importance de la collaboration aussi entre les différents professionnels sur le terrain. Pouvez-vous élaborer davantage?

Parce que vous avez mentionné également qu'il était... que le projet de loi visait non pas à mettre de côté l'ensemble des interventions qui était fait par des gens qui offrent des services très, si je pourrais dire, nécessaires et utiles pour les bénéficiaires, pour la population québécoise, et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que je crois que, vous, vous avez touché, là, un point très, très sensible du débat que nous avons depuis le début des auditions sur le projet de loi. Parce que j'ai l'impression que plusieurs membres des différents organismes ont l'impression que le projet de loi viendra tout simplement les écarter de la sphère professionnelle, alors qu'à ma lecture bien personnelle je ne le vois pas ainsi.

Alors, pouvez-vous élaborer, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent aujourd'hui et également pour le bénéfice des membres de ces ordres-là, cette relation de travail en équipe qui existe actuellement sur le terrain dans les services de santé au Québec?

Mme Charest (Rose-Marie): Bien, je dirais deux choses. Parmi les groupes inquiets de perdre leur capacité d'oeuvrer comme ils le font en ce moment, il y a eu des techniciens, et, je pense que j'ai répondu tout à l'heure, je pense que la table des techniciens va trouver des solutions à ça, et il y a eu les art-thérapeutes, cet après-midi, qui ont manifesté une inquiétude.

Quand vous dites: Travailler en équipe, travailler en équipe en santé mentale, ça ne veut pas dire que toute personne qui entre en relation avec quelqu'un qui a un problème de santé mentale dans le but de contribuer à ce que cette personne-là aille mieux... toute personne qui fait ça n'est pas en train nécessairement de faire de la psychothérapie. Alors, je pense que le comité d'experts a déjà travaillé là-dessus, ce qu'est et ce que n'est pas la psychothérapie, parce qu'il y aura, dans les services, que ce soit dans les CLSC, dans les hôpitaux, il y aura... Écoutez, il y a des gens qui vont continuer à travailler dans les équipes, à travailler avec du monde et qui n'auront pas le permis pour faire de la psychothérapie. Ça ne veut pas dire que ce qu'ils font a moins de valeur.

n(21 h 30)n

Et, moi, ce que j'entendais... ce n'est pas moi, la juriste à la table, on me corrigera, mais ce que j'entendais, c'est que, parmi les art-thérapeutes, il y a des gens qui vont soumettre leurs dossiers, parce que, par clause grand-père, ces gens-là vont pouvoir faire... soumettre leurs dossiers, et ils souhaiteraient, je pense, que d'un bloc tous les membres de l'association soient intégrés. Le projet de loi ne permet pas ça, mais le projet de loi permet d'étudier dossier par dossier par exemple. Et ça aussi, l'Ordre des psychologues a prévu des ressources pour le faire, parce qu'on sait que la prochaine année, après le dépôt, après l'adoption du projet de loi, va être intense pour ça. Il y a des gens qui vont soumettre leurs dossiers. Bon. C'est sûr que, dans un autre temps, ces gens-là pourraient souhaiter d'un bloc intégrer le système professionnel, et ça, ça dépasse mes compétences. Votre voisin de gauche est plus compétent que moi pour y répondre. Je pense que l'Office des professions pourrait regarder ça.

Mais la solution que je vois pour le moment, c'est par clause grand-père, et on sait que la clause grand-père est quand même assez généreuse. On n'a vraiment pas voulu là-dedans bloquer qui que ce soit. Ceux qui ont les compétences pour pratiquer la psychothérapie et qui veulent le permis de psychothérapeute pourront le demander, et ceux qui rencontrent les critères l'auront.

Mme Vallée: Mais, Mme Charest...

Le Président (M. Trottier): Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Vallée: ...ma question, c'est: Actuellement, dans le travail qui se fait sur le terrain, de quelle façon ce travail d'équipe s'exprime-t-il, tout simplement? Parce que j'ai l'impression qu'on travaille en chasse gardée actuellement, et chacun vient un petit peu... c'est l'impression un petit peu que j'ai, là, des représentations qui sont faites depuis le début des auditions, alors que ma perception, avant ces auditions publiques, était qu'en fait, sur le terrain, il y avait une belle concertation puis un travail d'équipe qui se faisait avec les intervenants.

Donc, est-ce que le projet de loi dans sa forme actuelle va empêcher de continuer ce travail d'équipe là?

Mme Charest (Rose-Marie): J'espère que non. En tout cas, ce n'est pas l'objectif qui est visé. Et une des manifestations de ça, c'est que plusieurs des activités réservées sont réservées en partage à plusieurs, parce qu'on sait bien qu'on est dans un domaine où il y a du noir, du blanc mais beaucoup de gris, et il y a des activités qu'on peut faire chacun différemment, selon notre champ d'exercice professionnel, mais qu'on partage. Et j'espère que ça ne va pas changer ça. Je souhaite même, et, moi, en tout cas j'en prends l'engagement par rapport à notre profession à nous, de continuer à transmettre ce message-là, qu'ici ce qu'on vient faire devrait nous aider à mieux travailler ensemble, non pas l'inverse.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie beaucoup. Je vais reconnaître maintenant la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Mirabel, pour une période maximum de 25 minutes.

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Mme Charest, M. Drapeau, Me Lorquet, M. Desjardins, bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire. Je pense que votre position est assez claire, vous êtes complètement d'accord avec le projet de loi n° 21, sans restriction. Cependant, plusieurs groupes ou associations nous ont manifesté certaines inquiétudes. J'aimerais ça vous entendre concernant la table de concertation avec l'office. Certains groupes n'étaient pas d'accord avec le fait que cette table-là se tiendra après l'adoption du projet de loi. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Mme Charest (Rose-Marie): Écoutez... As-tu une réponse? Ce n'est pas juridique, ça?

Une voix: Non.

Des voix: ...

Mme Charest (Rose-Marie): C'est politique, ça. Non. Écoutez, moi, ce n'est pas... je ne suis pas directement concernée parce que dans notre ordre il n'y a pas de technicien en psychologie. Donc, ça concerne plus les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs. Bon. Mais, aux discussions où j'ai été présente quand même puis les discussions qu'il y a eu entre l'office, les différents groupes, ce qu'il fallait, c'est d'abord regarder qu'est-ce que le projet de loi va installer puis ensuite regarder l'harmonisation avec les techniciens. Et je pense que, si ces gens-là avaient participé à nos discussions, ils auraient moins peur. Mais je les comprends, ils sont là où on était, nous, avant de commencer à travailler ensemble. Ça fait qu'il faut les comprendre. Mais, si je peux donner un message rassurant, c'est de dire que c'est en discutant ensemble puis en travaillant ensemble dans cet objectif-là, où personne d'entre nous ne va se retrouver en chômage, hein... Ça fait qu'on s'entend sur le fait que ça, ça peut baisser les craintes. Il n'est pas question ici d'empêcher des gens de travailler.

Une autre chose, un thème qui est revenu très souvent et qui est important, je pense, c'est que les gens craignent de se sentir dévalorisés. Alors ça, je peux vous dire que ce n'est pas l'objectif. Il faut trouver une façon. Le travail, c'est une partie importante, là, de la vie et de la santé mentale d'un être humain. Il a besoin de se sentir valorisé dans son travail. On n'a pas comme objectif ici de hiérarchiser au point de dire: Si tu es un professionnel universitaire, tu as une valeur puis, si tu es professionnel technicien, tu en a moins. Ce n'est pas l'esprit que j'ai entendu, même chez ceux de mes collègues qui sont derrière moi, qui vont travailler de plus près avec les techniciens.

Mme Beaudoin (Mirabel): Je sais que vous avez entendu la plupart des groupes mardi, également aujourd'hui. J'aimerais vous entendre également sur les droits acquis. Quelle est votre opinion concernant les droits acquis? Parce qu'on a parlé d'une période de six ans. Est-ce que vous trouvez que c'est raisonnable?

Mme Charest (Rose-Marie): Bien, la période de six ans, c'est pour les mesures transitoires, c'est ça. Mais je veux bien expliquer ici, là aussi, je vais passer la parole à la juriste après. Mais ma compréhension, ma certitude, et on me corrigera, c'est que la personne qui a un permis, disons, de psychothérapeute, qui l'obtient par clause grand-père, qui l'obtient, elle l'a pour toute sa vie, là, elle ne l'a pas juste pour six ans. Si ça, ça a été entendu comme ça, je comprends les gens d'être inquiets. Mais ce n'est pas ça ici. Tu peux-tu l'expliquer?

Mme Lorquet (Édith): Effectivement, c'est que la personne qui va avoir droit aux droits acquis... le permis pour la vie, le six ans, c'est un délai que se donne l'office, un délai de grâce, pour adopter toute mesure transitoire qui pourrait s'avérer nécessaire, parce qu'on ne peut pas toujours tout prévoir, il y a des imprévus. Donc, l'office, si j'ai bien compris, également se laisse six ans pour adopter toute mesure transitoire, mais les gens qui auront accès à un permis par le biais de la clause grand-père l'auront pour la vie.

Mme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais également vous entendre concernant l'article 18. Est-ce que vous avez des commentaires à formuler concernant les craintes qui ont été soulevées tout au long de ces auditions?

Mme Charest (Rose-Marie): ...un peu me le rappeler.

Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, moi, je voudrais simplement vous entendre surtout la question des modalités aux techniciens pour l'adhésion à l'ordre.

Mme Lorquet (Édith): Je peux répondre. Bien, c'est juridique, mais c'est parce qu'on n'est pas vraiment visés. Les modalités prévues à l'article, si j'ai bien compris, c'est des modalités établies par le conseil d'administration pour être informés du fait qu'une personne pratique une activité qui lui sera réservée. J'ai également compris que, par le biais de ce règlement, l'ordre professionnel pourrait imposer des conditions similaires à celles qu'il impose à ses membres. Par exemple, s'il y a une obligation de formation continue chez, par exemple, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, bien il serait logique que la personne, par le biais de la clause grand-père, qui pratique la même activité à risque de préjudice soit tenue, au même titre que le travailleur social, de maintenir à jour ses compétences. Autrement, ce serait difficilement justifiable pour l'ordre des travailleurs sociaux, si j'ai bien compris la portée de la clause.

Le Président (M. Trottier): Je cède la parole maintenant à la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui. M. le Président, on n'en a pas parlé beaucoup depuis le tout début, dans les consultations, et c'est quand même quasiment mieux, je vous dirais, alors, moi, je vais lancer ça parce que, dans le fond, c'est, avec ce projet de loi n° 21, c'est quand même un ménage, entre guillemets, qu'on a voulu faire dans les professions, dans les champs de pratique, dans le, j'oserai dire, le mot «charlatanisme». Parce que, s'il y a des livres qui existent dans nos bibliothèques, et tous et toutes vont en convenir, c'est: la psychologie de ci, la psychologie de ça, comment se trouver un petit mari en une semaine, comment s'en défaire en deux semaines. Alors, moi...

Des voix: Ha, ha, ha!

n(21 h 40)n

Mme Doyer: ...tu sais... Et, moi, là, on peut bien badiner, mais la psychologie, la psychothérapie, ce champ-là, là, c'est employé à toutes les sauces. Alors, mon Dieu, merci d'avoir un projet de loi qui va amener un peu de police, mais dans le bon sens du mot «police», par rapport à ça et de faire en sorte que, par rapport à des troubles mentaux, par rapport à des problématiques extrêmement difficiles telles que la dépression, le suicide, tout ça, que les gens puissent partager mieux au niveau de, je dirais... des douleurs qui touchent les gens. Et on l'a vu avec l'exemple patent, O.K., celui du TED-autisme, hein? Et, moi, je voudrais que vous nous disiez ce que vous pensez de ce qu'a dit un des psychiatres ce matin qui a dit: Le plus, le mieux. Il n'y a rien qui prouve ça, le plus, le mieux, hein?

Puis, moi, je disais: Bien là, c'est toujours bien mieux de commencer à quelque part quelque chose. Mais j'aimerais ça que vous nous disiez ce que vous pensez de ça parce que, vous, vous intervenez beaucoup avec des équipes dans différents hôpitaux très spécialisés, avec des gens. Il y a une dame qui est dans la salle aussi, qui travaille beaucoup avec les problématiques TED, d'enfants TED, autisme, et tout ça. Qu'est-ce que vous avez à dire de ça? Parce qu'on dirait qu'on nous a un petit peu déstabilisés par rapport aux bons gestes à faire, mais, regarde, des fois, là, si ce n'était pas si bon que ça, pourquoi tout le monde veulent ça...

Mme Charest (Rose-Marie): Vous faites bien...

Mme Doyer: ...le 20, 25 heures d'intervention, puis de mettre le doigt sur le bobo comme il faut?

Mme Charest (Rose-Marie): Vous faites bien de le rappeler, qu'un tel projet de loi suscite des inquiétudes, comme tout changement suscite des inquiétudes, mais on perd de vue le fait que, quand on en est venus à proposer des changements, c'est parce qu'il y avait un énorme besoin de changement.

Vous savez, une personne qui est fragilisée dans sa santé mentale, c'est une personne qui est prête à accrocher une bouée. Quand on souffre, donne-moi une bouée, je vais y croire. Or, dans notre domaine, un professionnel responsable ne lance pas des bouées, il utilise, bien sûr il tend la main, mais il utilise une démarche intellectuelle, une démarche scientifique qui lui permet non seulement d'évaluer les troubles mentaux, mais d'être capable de faire le lien entre ce qu'il perçoit comme étant le trouble et le type de traitement qui risque d'être efficace pour cette personne-là. Or, ce qu'il y a de plus dramatique actuellement, c'est que vous avez des gens, vous avez utilisé le mot «charlatan», et je pense que vous n'exagérez pas, mais vous avez des gens qui, sans même être des charlatans, ils ont une trouvaille, eux autres, ils ont une technique, puis la technique, elle va sauver tout le monde. Et, quand vous êtes fragilisés et quelqu'un vous dit: Moi, ma technique, là, et ceux qui ont vu l'émission Enjeux il y a quand même... ça commence à faire plusieurs années ont vu ça, moi, ma technique, elle va te guérir de ta dépression dans deux semaines...

Il n'y a aucun professionnel parmi nous qui est capable de dire quelque chose comme ça. On est moins séduisants que le charlatan parce que, le patient, on est obligés de lui dire: Écoutez, ça va être exigeant, puis c'est ça. Mais par contre on risque plus de l'aider à long terme. Moi, en tout cas... on prend les mesures pour ne pas lui faire de tort.

Donc, ce que je voudrais ajouter à ça, c'est qu'il y avait une espèce de confusion, à un moment donné, de penser que, parce que les psychologues allaient faire l'évaluation des troubles mentaux, dans le cas du TED, par exemple, qu'ils allaient recommander le même traitement à tous les enfants. Ce n'est pas ça. En tout cas, nous, on ne va sûrement pas appuyer ça. C'est que la même démarche qui permet à quelqu'un de bien évaluer quelle est la problématique qui est devant lui doit être poursuivie au-delà de ça pour évaluer quels sont les services et les traitements qui existent et comment on peut faire la jonction entre les deux. Veux-tu ajouter quelque chose?

M. Drapeau (Martin): Non, je pense que l'accent... il faut mettre l'accent là-dessus. Il y a eu confusion, je pense, dans la présentation qu'on a entendue précédemment. On ne recommande pas un traitement particulier. Ça, c'est la prérogative de l'expert clinicien, l'expert chercheur aussi, qui, lui, en fonction des données qui sont disponibles, va déterminer quel est le meilleur plan de traitement à la fois en termes d'intensité, en termes de durée et en termes de moment le plus opportun pour l'offrir, ce traitement-là. Ça, c'est une question purement scientifico-clinique, ce n'est pas particulièrement lié au projet de loi.

Mme Doyer: M. le Président, vous avez dit tantôt, Mme Charest, que vous pensez qu'un des messages positifs par rapport à l'adoption du projet de loi n° 21, d'une part, ça va être de ne pas perdre votre crédibilité, mais aussi une plus grande accessibilité. Alors, expliquez-nous, faites la pédagogie de ça, en quoi, lorsque nous allons nous lever en Chambre pour adopter ce projet de loi là, ça va aider à avoir une plus accessibilité aux personnes qui vivent des problèmes en santé mentale et relations humaines.

Mme Charest (Rose-Marie): Je vais reprendre l'expression qui était chère au Dr Trudeau et que nous avons fait nôtre: «l'accessibilité compétente».

Parce que, si vous voulez avoir une accessibilité, ultimement c'est parce que vous voulez de l'efficacité. Or, ce que le projet de loi vient faire, c'est de mieux identifier qui est compétent pour faire quoi et donc de permettre à des gens d'avoir accès, à des gestionnaires de savoir mieux à qui confier telle tâche, mais, au public aussi, dans le cas de la psychothérapie, c'est le public lui-même, hein, qui choisit qui il va voir, de leur permettre de choisir la bonne ressource pour offrir la bonne intervention le plus rapidement possible. Il y a aussi des, je prends l'exemple de l'Ordre des psychologues évidemment que je connais mieux, des activités qui sont plus ouvertes. Comme je vous dis, la psychothérapie, actuellement personne ne sait qui est compétent pour le faire.

On sait qu'au Québec 85 % de la population pense qu'un psychothérapeute est un psychologue. Ça fait que ce n'est pas rien. Donc, il y a une espèce de flou. Là, n'ayant plus de flou, l'employeur, le gestionnaire, le public a accès à un plus grand éventail de personnes qui sont bien identifiées, à ce moment-là. C'est sûr qu'on ne se cachera pas le fait que, puis c'était la volonté quand même, on ne se cachera pas le fait qu'il y a des personnes actuellement qui pratiquent la psychothérapie et qui ne pourront plus la pratiquer. Mais ça, c'est l'objectif du projet de loi, là, c'est que... Mais les critères de compétence sont suffisamment importants puis suffisamment larges pour pouvoir inclure tous ceux qui sont suffisamment compétents pour le faire. Et ça, c'est rassurant pour le public.

Mme Doyer: ...merci. Moi, je n'ai pas d'autre question. En as-tu? Je veux vous remercier de votre présentation. Je veux juste vous dire... Combien il me reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Trottier): 11 minutes.

Mme Doyer: Hein, 11 minutes? Tant que ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Mme Doyer: Seigneur, 11 minutes! Bien, je pense que... Parce qu'on va avoir une période de remarques finales, puis, ma collègue, je vais toutes lui donner ces minutes-là et je vais prendre quelques minutes de ce 11 minutes là. Je ne vous interrogerai pas, mais je vais faire des remarques finales. Alors, voyez, les politiciens sont stratégiques.

Mais très, très, très... de façon très succincte, moi, M. le Président, je veux vous dire que, depuis qu'on a commencé ces auditions-là, je suis en admiration devant la passion qu'ont les gens, et quel que soit... Parce que des fois on a eu comme des petites picoches à des gens, mais c'est... je sens que tous les gens sont tournés vers le même objectif: augmenter l'accessibilité, avoir une pratique des plus professionnelles dans un grand sens de l'éthique, puis d'accentuer ça davantage. Et, par rapport à, je vous dirais, ce qui me touche davantage, parce que j'ai enseigné, je le redis, là, je le radote, ça ne me dérange pas du tout, c'est les techniciens, hein, parce que, les techniciens, c'est ceux-là, je le redis, qui sont dans le quotidien par rapport aux diverses clientèles du champ de pratique en santé mentale. Et, ces techniciens-là, il ne faut pas les laisser pour compte, il ne faut pas les dévaloriser, il faut les reconnaître comme des professionnels. Tous les jours, dans différents établissements, au moment où on se parle, ils sont dans des corridors avec des clientèles, avec des enfants qui vivent différentes problématiques, en centre de protection de la jeunesse, hein?

Et, moi, je pense que c'est extrêmement important, ce qu'on est en train de faire avec le projet de loi n° 21. Ça m'a permis de retrouver mes premières amours comme professionnelle, parce que souvent, vous savez, comme députée, j'étais tout le temps tournée vers les mines, terres, forêts, régions, ruralité, agriculture, mais j'ai passé 10, 15 ans de ma vie dans le domaine de la santé et des services sociaux, surtout des services sociaux. Dans ma région du Bas-Saint-Laurent, j'avais écrit le Plan régional en santé mentale et je... Que ce soient des psychiatres, des psychologues, des psychothérapeutes, des travailleurs sociaux, des orthopédagogues, des audiologistes, orthophonistes, tout le monde, là, on est dans: Où je vais poser le bon geste, le meilleur geste qui va aider les familles, qui va aider les personnes à mieux vivre en société?

Et je sais, le Dr... M. Trudeau, ce n'est pas un docteur, hein? Oui? C'est-u un...

Des voix: ...

Mme Doyer: Ah, c'est un docteur. Mon Dieu! Ça fait que Dr Trudeau... Alors, moi, ce que j'ai vu, c'est ce qu'il y a toujours dans la colonne du bas, là, qu'on est là pour aider le développement des personnes, pour le mieux-vivre en société, le mieux-vivre en famille puis le mieux-vivre dans nos communautés. Alors, bravo à tout le monde, ça a été vraiment extrêmement intéressant. Voilà. Merci.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie. On va suspendre les travaux pour quelques instants pour permettre aux gens de pouvoir quitter, mais je vous incite à rester quand même pour les remarques finales.

(Suspension de la séance à 21 h 50)

 

(Reprise à 21 h 52)

Le Président (M. Trottier): Bon. Je vous rappelle que ce n'est pas terminé et qu'on va procéder aux remarques finales pour la commission. Je vais vous inciter à reprendre place, s'il vous plaît.

Mémoires déposés

Eh bien, avant de poursuivre pour les remarques finales, je voudrais déposer auprès du secrétaire de la commission les mémoires des groupes qui n'ont pas été entendus mais qui... dont on tiendra compte pour l'étude du projet de loi.

Il s'agit des mémoires du Regroupement national des techniciennes et techniciens en travail social du Québec, de la Société canadienne de psychanalyse, de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et de l'Association régionale des techniciens et techniciennes en éducation spécialisée. Je les remets au secrétaire de la commission.

Remarques finales

Et, en terminant, je donnerais la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Mirabel. Je vous rappelle que vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques finales.

Mme Denise Beaudoin

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Avant de débuter, j'aimerais faire un bref historique, pour les fins de l'enregistrement, concernant le projet de loi n° 21.

Ce projet de loi a nécessité, avant d'être déposé, un travail que l'on peut qualifier de colossal. En effet, l'Office des professions, dès l'an 2000, a entrepris des travaux afin de moderniser les champs d'exercice des professions liées à la santé et aux relations humaines. Ceci a mené à l'adoption de la loi n° 90, qui prévoyait un nouveau partage des champs d'exercice professionnels dans le domaine de la santé. Par la suite, le processus s'est continué pour les professions de la santé mentale et des relations humaines, processus qui avait été confié à un groupe de travail présidé par le Dr Bernier. Et, en juin 2002, il a produit un rapport qui recommandait la redéfinition des champs d'exercice et la mise en place d'activités réservées pour les professions de psychologue, travailleur social, thérapeute conjugal et familial, conseiller d'orientation, psychoéducateur, ergothérapeute, infirmière et médecin.

Et c'est finalement en 2004 que le gouvernement a mandaté un comité d'experts présidé par le Dr Jean-Bernard Trudeau, qui est ici présent, pour poursuivre dans la continuité du groupe de travail présidé par le Dr Bernier. Ce comité d'experts devait produire des propositions concrètes concernant les champs d'exercice des professions concernées et devait amener des solutions rassembleuses concernant les activités que l'on devait réserver et partager. Il avait également pour mandat de voir à l'intégration de certains groupes extérieurs au système professionnel. Il devait aussi se pencher sur l'encadrement de la psychothérapie.

Il devait enfin revoir les recommandations du groupe de travail présidé par le Dr Bernier et en actualiser la portée. Cela a donné comme résultat la rédaction d'un rapport que l'on a appelé le rapport Trudeau, rapport intitulé Partageons nos compétences, et c'est à partir de ce rapport que nous avons présenté le projet de loi n° 50.

Le projet de loi soulevait plusieurs inquiétudes des étudiants et aussi l'absence de clause grand-père qui permettait de faire un passage vers les ordres en douceur. Le projet de loi est mort au feuilleton avec la volonté du gouvernement d'aller en élection. Alors, finalement, nous avons le projet de loi n° 21, qui est l'ancien projet de loi n° 50 modifié avec les inquiétudes des groupes. Permettez-moi de vous rappeler que c'est un dossier qui ne date pas d'hier. Rappelons que le rapport Trudeau fut remis au ministre d'alors en 2005, et on a dû attendre jusqu'au 28 février 2006 pour que le gouvernement autorise l'Office des professions à le rendre public. C'est un dossier que nous avons suivi d'année en année. D'ailleurs, nous avons, à chaque année, questionné le ministre responsable des lois professionnelles à ce sujet lors l'étude des crédits budgétaires.

Nous sommes ici ce soir pour faire, disons, des remarques finales concernant ce que nous avons entendu. Et plusieurs groupes ont présenté des mémoires, d'autres groupes ont expédié des mémoires. J'ai pris connaissance de tous les mémoires et j'ai même reçu plusieurs groupes à mon bureau de circonscription à Mirabel. Je dois vous dire qu'il y a des gens qui partaient de très loin pour venir me rencontrer. Je ne veux pas dire que Sainte-Scholastique, Mirabel, c'est loin, mais ils partaient de loin, et on voit l'intérêt que ces gens-là ont pour le projet de loi n° 21. Cependant, on a soulevé plusieurs points très intéressants, mais on voit que le projet de loi est perfectible, et il devra être peaufiné. Plusieurs questions ont été soulevées, qui devront être étudiées en profondeur lors de l'étude détaillée article par article de ce projet. Et, comme juriste, soyez assurés que je vais collaborer avec la ministre. Et tous les gens qui ont présenté des mémoires aussi ont soulevé des inquiétudes, et c'est important de faire cette étude de façon approfondie.

Quelques questions ont été soulevées par plusieurs groupes, et je vais les mentionner. Évidemment, je ne peux pas relater toutes les inquiétudes qui ont été mentionnées dans tous les mémoires, mais je vais vous faire un bref historique des questions qui ont été soulevées à maintes reprises dans certains mémoires.

D'abord, concernant la table de concertation avec l'office, plusieurs sont déçus, je dois dire, et inquiets parce que la table de concertation se tiendra après l'adoption du projet de loi. Et on peut se questionner sur la motivation derrière cette décision. On tentera d'approfondir cet aspect, et j'espère que la ministre pourra collaborer et qu'on pourra échanger à ce sujet. On espère que la ministre également pourra nous donner une date précise sur les séances de la table ainsi que de savoir quand la table pourra redéfinir les champs de compétence. C'est un élément crucial au projet de loi. De plus, il est un peu spécial qu'on demande aux techniciens de dire: Faites-nous confiance, on va encadrer votre pratique et après on fera une redéfinition des champs de compétence. Est-ce que les techniciens devront prouver à l'ordre qu'ils sont vraiment en mesure d'effectuer certaines tâches, qu'ils exécutent déjà avec brio? Voilà un questionnement qui mérite beaucoup d'attention. De plus, doit-on mettre un délai de réévaluation du projet de loi? Cela implique que, dans deux ans, trois ans, cinq ans, on réévalue la loi et les portées qu'elle a engendrées?

Un autre questionnement concerne les droits acquis. On parlé de mesures transitoires. Alors, les droits acquis qui durent une période de six ans, on peut quand même se questionner là-dessus. On a des exemples des gens qui sont dans la cinquantaine, qui doivent retourner suivre des cours, car, dans six ans, ils voudront encore pratiquer pendant encore peut-être cinq, six ou sept années. On se questionne également sur la question de l'article 18. On a entendu des groupes qui sont très, très inquiets.

Le Président (M. Trottier): Il vous reste une minute, Mme la députée.

n(22 heures)n

Mme Beaudoin (Mirabel): Oh là là. Alors, des doutes ont été soulevés également par les médecins psychiatres et également par les techniciens.

Bref, plein de balises doivent être examinées en étude détaillée, et ma formation politique a l'intention, puisque c'est un projet de loi qui permet quand même l'encadrement de la psychothérapie, la protection du public, l'accessibilité... Alors, on a l'intention, ma formation politique, de faire un travail sérieux avec la ministre pour mener à bien ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Trottier): Je vous remercie beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre pour faire ses remarques finales pour une durée maximale de 7 min 30 s.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Merci, M. le Président. Alors, au terme de ces deux journées de consultations de la Commission des institutions, j'aimerais tout d'abord remercier l'ensemble des groupes et organismes qui ont bien voulu venir nous faire part de leurs opinions et commentaires sur le projet de loi n° 21.

Ces échanges ont été fort intéressants et ont pu vraiment nous éclairer. Je suis tout à fait consciente à la fois de l'effort qui a été fait par nos invités et de l'intérêt de ce qui nous a été dit dans ces consultations. Je dois rajouter qu'en tant que ministre de la Justice je me sens tout à fait privilégiée d'avoir pu m'engager dans ce débat de société fort intéressant. À même ce que nous avons entendu comme déclarations et comme réponses, j'ai conscience que nous arrivons au bout d'un très long chemin qui a débuté avec les travaux du Dr Bernier, pour suivre avec les travaux du Dr Trudeau qui nous a remis son rapport exhaustif en 2005. Plusieurs ont remarqué, comme nous l'avions déjà fait nous-mêmes, que le projet de loi n° 21 est le point de synthèse d'une longue démarche de réflexion et de dialogue qui, pour être longue, n'en était pas moins nécessaire.

Rappelons qu'un de nos grands objectifs avec ce projet de loi est d'encadrer le domaine de la psychothérapie. En effet, de nombreux groupes nous ont exprimé les actes potentiellement préjudiciables qui peuvent être posés et qui nécessitent un meilleur encadrement. Encore une fois, il s'agit de répondre avec compétence et intégrité à des besoins importants pour notre société et cruciaux pour les individus concernés.

L'ambition du projet de loi n° 21 est également fonction de la vision que le gouvernement s'est donnée en cette matière et qui commande une approche basée sur l'interdisciplinarité et un fonctionnement intégré et cohérent parmi tous les intervenants. Et, comme la présidente de l'Ordre des psychologues l'a si bien dit, on vise à améliorer l'accessibilité des services en santé mentale de qualité. Je pense que chacun aura au moins compris que toute la démarche enclenchée depuis maintenant 10 ans était à la fois porteuse et tributaire d'un changement de culture. Parallèlement à cela, on peut aussi remarquer qu'une telle démarche, dans un domaine aussi vaste et complexe, de fixer l'horizon du meilleur compromis possible entre des points de vue aussi respectables les uns que les autres et qui nous ont été exprimés depuis plusieurs années avec bonne foi et sincérité... Certains intervenants ont fait référence au projet de loi n° 90 adopté en 2002 et qui constituait une mise à jour considérable de l'organisation professionnelle de la santé dans les établissements publics.

Il s'agissait en effet d'installer de façon durable un esprit nouveau qui, pour résumer, consistait à promouvoir le respect des compétences présentes dans le domaine et dans un esprit tel que certains actes pourraient désormais être partagés par des professionnels de formations initiales différentes. La gestation du projet de loi n° 90 avait requis du temps et une ouverture d'esprit de chacun et avait suscité aussi beaucoup d'inquiétude. Nous pouvons aujourd'hui constater que ce pari a été gagné au plan du changement des cultures.

Bien que très attendu par le milieu, le projet de loi n° 21 suscite également certaines inquiétudes, et l'objectif de ces consultations particulières était notamment de mieux les comprendre afin de trouver des solutions à court, moyen et long terme afin de maintenir l'engagement de tous les intervenants dans le réseau et en interaction les uns avec les autres. Nous avons entendu, pendant ces deux jours, parler de confiance, et ce sont les représentants du Collège des médecins eux-mêmes qui à plusieurs reprises nous ont exprimé la confiance qu'ils avaient à la fois dans les compétences des autres professionnels présents en santé mentale et en relations humaines, mais aussi confiance dans les vertus du travail interdisciplinaire. Ils nous ont indiqué en effet que les médecins, également l'ensemble de l'équipe, doivent apprendre à respecter les compétences de chacun.

C'est dans cette perspective que je suivrai avec grande attention les travaux de la table d'analyse de la situation des techniciens oeuvrant en santé mentale et en relations humaines. C'est avec admiration que je constate toute la contribution des divers techniciens à l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Leur proximité avec la clientèle et leur compétence en font des partenaires essentiels. Il faudra également voir comment la contribution des art-thérapeutes s'inscrit dans le domaine de la santé mentale. Je pense aussi à l'inquiétude, qu'on nous a présentée, quant au délai qui pourrait exister dans la prise en charge des enfants souffrant de troubles envahissants du développement ou d'autisme.

Comme je l'ai annoncé ce matin, j'ai reçu de mon collègue ministre de la Santé et des Services sociaux l'assurance qu'il modifierait la directive administrative afin que l'évaluation faite par le psychologue soit suffisante pour déclencher le traitement des enfants souffrant de troubles envahissants de développement ou d'autisme et dans l'esprit de garantir ce que Dr Trudeau appelle l'accessibilité compétente.

Je souhaite aussi rappeler qu'un très grand nombre d'organismes de professionnels et des établissements du réseau attendent ce projet de loi avec impatience. On a pu entendre le cri du coeur des travailleurs sociaux mardi dernier, l'ouverture d'esprit du Collège des médecins et la passion de la présidente de l'Ordre des psychologues. Aussi, nous n'avons pas eu la chance de les entendre à ces consultations, mais l'Association québécoise d'établissements de santé et des services sociaux, l'Association des centres jeunesse, l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec, la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement, l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, le Curateur public, du Québec, la Commission des droits de la personne et le Conseil interprofessionnel du Québec appuient tous également ce projet de loi.

Encore une fois, M. le Président, je veux reconnaître l'effort et la contribution des personnes qui sont venues nous parler et répondre à nos questions. Ils nous ont permis d'avoir une vision d'ensemble de tout ce qui se fait en santé mentale et en relations humaines au Québec. Et ce fut franchement formidable, une chance pour moi de pouvoir entendre tous ces groupes qui font un travail extraordinaire. Je désire également remercier chaleureusement mes collègues députés des deux côtés pour leur contribution extraordinaire et leurs questions qui ont fait avancer nos réflexions et qui ont su porter, jusque dans nos travaux, les préoccupations de leurs concitoyens.

Je suis heureuse de constater que les députés de l'opposition semblent partager notre enthousiasme à moderniser le domaine de la santé mentale et des relations humaines. J'ai eu énormément de plaisir à travailler avec mes collègues de l'opposition. Évidemment, M. le Président, et le secrétaire de la commission, merci. Bonne soirée.

Le Président (M. Trottier): Merci, Mme la ministre. Et, en terminant, je voudrais également remercier chacun et chacune des parlementaires et leur personnel qui ont participé à cette commission, qui ont agi de façon très professionnelle afin de permettre à chacun des groupes de bien expliquer leurs positions. Et je remercie également tout le personnel de la commission, qui ont permis de mener à bon port la tenue de cette consultation particulière.

Une voix: ...

Le Président (M. Trottier): Oui.

Mme Beaudoin (Mirabel): ...également remercier à mon tour Mme la ministre, le personnel de cabinet, les fonctionnaires, Me Dutrisac et également tous les gens qui ont présenté des mémoires ou qui ont envoyé des mémoires. Un sincère merci.

Le Président (M. Trottier): Ayant accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 8)


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