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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mardi 29 mars 2011 - Vol. 42 N° 4

Étude détaillée du projet de loi n° 94 - Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bon matin à tous. Je vous demanderais... À l'ordre! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à tous les collègues et à toutes les personnes présentes de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Alors, on se retrouve enfin, après une petite semaine de pause, pour poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. Alors, Mme la ministre, bienvenue, chers collègues.

Et, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Charette (Deux-Montagnes); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Kotto (Bourget).

La Présidente (Mme Vallée): Alors, lors de notre ajournement, le 16 mars dernier, la députée de Rosemont avait présenté un amendement qui visait à remplacer, dans la troisième ligne du premier alinéa de l'article 1, les mots «en faveur d'une personne» par les mots «en réponse à une demande d'une personne pour motif religieux». Alors, nous avions considéré cet amendement recevable. Alors, j'invite donc Mme la députée de Rosemont à nous faire la présentation de son amendement.

Mme Poirier: Alors, avant que ma collègue ne puisse débuter, Mme la Présidente, j'aimerais, étant donné les événements d'hier à l'effet du dépôt d'un avis du Conseil du statut de la femme, pouvoir déposer une motion afin que la commission ici puisse entendre à nouveau le Conseil du statut de la femme dans le cadre des projets de la loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, puisque l'avis que vient de déposer le Conseil du statut de la femme vient interpeller directement le projet de loi n° 94, vient replacer aussi l'ensemble du débat dans le cadre du prolongement de la commission Bouchard-Taylor, et, à notre avis, Mme la Présidente, il serait intéressant, pour l'éclairage de l'ensemble des parlementaires présents, mais aussi pour l'éclairage de tous ceux qui sont venus, d'ailleurs, à cette commission-là...

Alors, on avance dans ce débat-là. Il y a devant nous maintenant un avis sérieux, un avis documenté qui vient faire en sorte de pousser encore plus loin cette réflexion-là que nous avons. Et ce que l'on souhaite, c'est, naturellement, sur consentement de l'ensemble des membres de cette commission, de l'ouverture et afin que l'on puisse venir nous présenter cet avis-là, qui est quand même un avis chargé d'idées et... On vient explorer et on vient documenter de façon juridique, de façon sérieuse toute la laïcité. On vient dire là-dedans que l'égalité hommes-femmes est au centre des valeurs québécoises et qu'il faut tenir compte de l'égalité hommes-femmes dans la poursuite de ce dossier. Alors, je demande, Mme la Présidente, que l'on puisse réentendre le Conseil du statut de la femme venir nous présenter... Puisque c'est de ça qu'on parle ici, c'est de tout le débat sur la laïcité dont on parle, bien, moi, je pense qu'il serait intéressant que cet avis-là nous soit présenté de façon officielle par le Conseil du statut de la femme.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous remercie, Mme la députée. Par contre, compte tenu que l'étude détaillée a déjà débuté, il n'est pas possible, à ce stade-ci, de recevoir une nouvelle motion sans préavis et de suspendre nos travaux. Par contre, je suis persuadée, dans le contexte actuel, que la ministre et l'ensemble des collègues prendront bonne note de l'avis qui a été déposé hier par le Conseil du statut de la femme. Sauf que, dans le cadre de l'étude article par article de l'article 94, je crois que nous ne pouvons, à ce stade-ci, recevoir cette motion sur un stade... à un niveau purement objectif, là, au niveau de la présentation de la motion.

**(10 h 10)**

Mme Poirier: Mme la Présidente, ce que vous affirmez est vrai et faux en même temps. S'il y a consentement des membres de cette commission, nous pouvons entendre le Conseil du statut de la femme. Alors, nous, ce qu'on demande, c'est qu'on puisse se prononcer à l'effet de dire, oui ou non, est-ce que les membres de cette commission-là veulent avoir un regard plus éclairé, veulent avoir une présentation qui vient interpeller directement le débat dans lequel nous sommes.

Nous, nous souhaitons que le Conseil du statut de la femme vienne nous présenter officiellement l'objet de son avis et, surtout, venir éclairer le débat. Cet avis-là s'inscrit parfaitement dans l'élaboration de nos travaux. Nous avons débuté, effectivement, l'article par article, c'est tout à fait vrai, vous avez raison, Mme la Présidente, mais, sur consentement des membres, nous pouvons, nous pouvons entendre un groupe qui vient interpeller directement, là, le sujet de notre projet de loi. Et le sujet du projet de loi, c'est quoi? Bien, c'est exactement ça, c'est la laïcité. Et on se rappellera, Mme la Présidente, que le premier ministre, lors du lancement de ce projet de loi là, avait annoncé que, par ce projet de loi là, le gouvernement se tournait vers la laïcité ouverte. Aujourd'hui, un groupe dont les membres sont entièrement nommés par le gouvernement, entièrement financé par le gouvernement vient dire que... Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, et, ici, on ne parle pas de laïcité ouverte, alors, mais pas du tout.

Alors, Mme la Présidente, je pense qu'il y a là un éclairage que, l'ensemble des membres, ici, on doit entendre. Pas juste lire l'avis, moi, je pense qu'il faut entendre le Conseil du statut de la femme. Et c'est dans le bénéfice de nos travaux, dans le bénéfice... On ne peut pas faire ce travail de législateur sans omettre des documents qui sont là, mais surtout sans omettre la voix de ceux qui sont là pour conseiller, conseiller le gouvernement et l'ensemble des législateurs. Et là nous est transmis un document qui a été présenté à la presse hier, moi, je pense, Mme la Présidente, qu'on ne peut pas faire fi de ce dossier-là. Il faut entendre le Conseil du statut de la femme, qui vient interpeller directement le projet de loi n° 94, qui vient interpeller l'ensemble des parlementaires qui sont ici, autour de la table, et du gouvernement. Mme la Présidente, je plaide pour que nous prenions une décision ensemble. Par un vote nominal s'il le faut, mais je pense qu'il faut se prononcer là-dessus en tant que tel.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Quoique les propos de ma collègue sont très intéressants, puis je n'enlève rien à ce qui a été déposé hier par le Conseil du statut de la femme, je pense que votre décision, elle est claire. Et également je crois, et je n'ai aucune inquiétude au fait que mes collègues et tous les collègues à la table vont toujours garder à l'esprit les propos du conseil, comme on va garder à l'esprit les propos de divers intervenants qui ont été reçus antérieurement et également des écrits de plusieurs spécialistes sur le domaine. Je pense que l'important en ce moment, c'est d'établir et de continuer l'étude article par article du projet, toujours en gardant en considération les propos qui sont présentés par le Conseil du statut de la femme, qui sont des propos qui sont très intéressants et qui méritent l'attention qui a été donnée. Je suis persuadé que la ministre a déjà pris connaissance et est en train de prendre connaissance de l'ensemble du document. Donc, pour moi, votre décision, elle est claire, et, de ce côté-ci, on a l'intention de continuer sur l'étude article par article. Mais je suis persuadé que mes collègues vont faire référence à ce document, et ça, je n'en ai aucune inquiétude même, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Pour la bonne marche des travaux, ma décision, elle est claire, elle est basée sur l'article 244, à ce stade-ci du début de nos travaux il n'est pas possible de revenir en arrière sur une consultation, même ne serait-ce que sur un vote, on ne peut pas voter sur quelque chose qui n'est pas recevable à sa face même.

Étude détaillée (suite)

Alors, ceci étant dit, ceci étant tranché, j'aimerais qu'on puisse poursuivre l'étude de nos travaux et poursuivre l'étude des amendements déposés par Mme la députée de Rosemont le 16 mars dernier, et la parole est à vous, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, en effet, quand on s'est quitté, il y a un peu plus d'une semaine, comme vous le notiez, nous en étions donc à cet amendement-là, et je souhaitais, moi, pendant cette semaine de travaux que nous avons eue ensemble, que cet avis annoncé depuis déjà un certain temps par La Gazette des femmes... Mme Pelchat avait dit dans La Gazette des femmes que son avis serait déposé sur la laïcité au mois de mars. Alors, c'est, en effet, en plein dans nos travaux, et c'est un avis extrêmement important, même dans la perspective, justement, de cet amendement que nous avons déposé.

On l'a dit et redit, mais, puisqu'on recommence aujourd'hui nos travaux après une semaine d'interruption... On l'a dit et redit, mais les accommodements raisonnables ou dits raisonnables ont occupé, bien sûr, beaucoup d'espace dans nos débats de société au Québec depuis plusieurs années maintenant et puis dans les médias aussi, et, alors que cette notion d'accommodement raisonnable, bien évidemment, concerne un nombre important de situations dans le milieu de travail, que ce soit par rapport au sexe, à un handicap, à une grossesse, ce sont les accommodements pour motifs religieux qui ont retenu notre attention. Alors, de dire clairement dans ce projet de loi que c'est en réponse, donc, à une demande formulée par une personne pour motif religieux dans l'article 1, dès le départ, ça nous semble extrêmement important, puisque l'article se lit: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement...», et là, donc, on veut «en réponse à une demande formulée par une personne pour motif religieux».

Toutes ces affaires hautement médiatisées puis qui ont amené des débats de société très intéressants et très profonds et puis qui ont mis justement en perspective deux visions de la laïcité, c'est dans ce sens-là que l'avis du Conseil du statut de la femme est très pertinent. Parce que, comme l'a rappelé ma collègue tout à l'heure, quand le gouvernement a déposé ce projet de loi ci, n° 94, après avoir abandonné le projet de loi n° 16, tout ça dans la perspective de plus en plus lointaine de Bouchard-Taylor et de plus en plus, je dirais, en réponse à une question d'actualité qui était celle de cette jeune femme qui n'a pas voulu enlever sa burqa au moment de ses cours de francisation et que la réponse du gouvernement a été de dire qu'elle ne pouvait plus suivre ces cours-là de francisation avec sa burqa ou son niqab, et puis la réponse législative est venue via le projet de loi n° 94... Et, dès le départ, ce projet de loi, comme le projet de loi précédent, mais de façon encore beaucoup, beaucoup plus claire en conférence de presse... Et la ministre a été très, très franche, elle aussi, à chaque fois que se sont présentés devant nous pendant les auditions que l'on a tenues il y a quelques mois, disant il y a deux conceptions: celle du gouvernement, qui est celle de la laïcité ouverte, et celle de l'opposition, que, moi, je préfère appeler la laïcité inclusive, là... La ministre avait, évidemment, choisi un terme différent, mais, quant à moi, c'est la laïcité inclusive.

Et là, aujourd'hui, on se retrouve donc avec un avis du Conseil du statut de la femme qui nous dit qu'en effet c'est l'égalité hommes-femmes, qui, quand on invoque la liberté de religion pour obtenir un accommodement... et donc, c'est en plein ça, c'est donc motif religieux et que ce sont les principaux accommodements qui posent problème parce que tous les autres, dans l'ensemble de la société, consensus, que, bien évidemment, on doit accommoder le mieux possible, compte tenu, bien sûr, des circonstances, les accommodements pour d'autres motifs.

**(10 h 20)**

Mais, comme le dit si bien le Conseil du statut de la femme, ces accommodements pour motifs religieux ont pour effet, souvent, de remettre en cause l'égalité hommes-femmes. Donc, il y a un choix entre la liberté de religion à faire et puis l'égalité hommes-femmes. Et ce que nous dit le Conseil du statut de la femme, c'est que la laïcité ouverte, elle ne peut pas être plus claire, ça ne peut pas être plus clair dans le document, il y a tout un chapitre, Mme la Présidente, qui s'intitule La laïcité au Québec: bien sûr, Qu'est-ce que la laïcité?; La laïcité garante de la liberté de conscience et de religion; Les visages de la laïcité; La laïcité garante de la démocratie; Les insuffisances de la laïcité ouverte, il y a tout un point, 3.3, 3.3.1; La laïcité ouverte au multiculturalisme.

Le conseil fait, comme nous le faisons depuis très, très longtemps, un lien, une relation directe entre le multiculturalisme, qui n'est pas une valeur québécoise, je le dis et je le répète... L'interculturalisme est une valeur québécoise en autant qu'on le définisse correctement, cependant, ce qui n'a pas été fait jusqu'à maintenant malgré les efforts des uns et des autres. Donc, il faudra une définition plus articulée. Mais le Conseil du statut de la femme nous dit qu'il y a un lien, et un lien, donc, à rejeter, une relation à rejeter entre la laïcité ouverte et le multiculturalisme, qu'il ne faut pas de laïcité ouverte parce que c'est une incarnation du multiculturalisme tel que nous le rejetons au Québec. Laïcité ouverte et confusion entre le religieux et la politique. La laïcité ouverte mène aussi non seulement au multiculturalisme, mais à la confusion entre le religieux et le politique. Et la laïcité ouverte mène aussi à l'instrumentalisation de la foi, à la montée de la droite religieuse et à l'intégrisme.

Quand je vous ai dit ça, moi, j'ai imaginé que le gouvernement écouterait peut-être. Eh bien, s'il a écouté, il n'a pas voulu, en tout cas, admettre ces liens-là. Mais, aujourd'hui, c'est un organisme financé à 100 % par le gouvernement, c'est un organisme dont les membres sont nommés par le gouvernement et qui nous dit aujourd'hui dans une recommandation, qui est la recommandation n° 5, qu'il faut rejeter la laïcité ouverte.

Alors, quand on parle, nous, de motif religieux en réponse à une demande formulée par une personne pour motif religieux, c'est vraiment parce que les accommodements qui sont en cause, les accommodements qui créent des problèmes, qui créent des vagues, en quelque sorte, sont des accommodements pour motifs religieux, et donc je crois qu'il faut pouvoir le dire nommément dès le premier paragraphe de l'article 1, qui s'intitule Objet et définitions, qu'on dise clairement les choses. Je vous rappelle donc les principaux débats qu'il y a eu, et je ne comprendrais pas que l'on n'accepte pas, de l'autre côté de la table, cet amendement-là pour s'exprimer clairement, pour dire les choses telles qu'elles sont. Bien sûr, il y a eu toute la question de l'école Marguerite De-Lajemmerais. Bien sûr, il y a eu toutes les questions reliées à la Régie de l'assurance maladie, qui avait adopté un certain nombre de directives internes et qui avait demandé l'opinion de la Commission des droits de la personne. La commission a constaté qu'une mesure en place permettait qu'une femme portant le voile intégral soit accommodée, et sans même que la cliente en ait fait la demande, etc. Ce sont toutes ces questions-là qui ont agité, en quelque sorte, nos débats.

Et puis, je le rappelle, la commission Bouchard-Taylor, c'est sur les accommodements religieux, essentiellement, qu'elle s'est penchée. La preuve, c'est que la commission Bouchard-Taylor a demandé à ce qu'il y ait un livre blanc sur la laïcité. Elle n'a pas demandé un livre blanc sur les problèmes d'accommodement pour grossesse, pour le sexe, ou l'orientation sexuelle, ou un handicap, etc., la commission Bouchard-Taylor a dit: Ce qu'il nous faut au Québec, puisqu'il n'y a pas de consensus social, il faut tenter d'en bâtir un, d'en créer un. Et la meilleure façon, eh bien c'est un livre blanc sur la laïcité. Et Mme Pelchat, donc, hier, la présidente du Conseil du statut de la femme, en rendant public son avis, a dit à un moment donné dans sa conférence de presse: Eh bien, le voilà, le livre blanc. Le voilà, le livre blanc sur la laïcité tant attendu. Alors, on pourrait imaginer... mais le gouvernement, lui, n'a pas ce réflexe, en fait, ou cette réaction, ou cette ouverture d'esprit.

Nous, on a dit dès hier dans un communiqué de presse qu'on remerciait le Conseil du statut de la femme de cette extraordinaire contribution au débat sur la laïcité qui clarifie considérablement les choses et qui est, disons-le -- je le dis simplement et sans aucune agressivité -- un gros pavé dans la mare du gouvernement, puisque le gouvernement a pris fait et cause pour la laïcité ouverte et que le conseil, organisme-conseil non pas de l'opposition, là, mais du gouvernement, lui dit de rejeter, au nom de l'égalité hommes-femmes, ce concept de laïcité ouverte.

Et, donc, je crois que dire les choses telles qu'elles sont, même si, bien sûr, la notion d'accompagnement raisonnable ne se limite pas à des demandes de caractère religieux... Mais ce dont il est question dans ce projet de loi, ce sont des accommodements religieux. La preuve, c'est l'article 6. L'article 6, bon, la burka puis le niqab, si ce n'est pas un article religieux, je ne sais pas ce que c'est. Les femmes qui le portent le portent au nom de leur religion et réclament de le porter en tout temps et dans tout espace pour motif religieux. Or, c'est exactement l'objet de ce projet de loi.

Alors, Mme la Présidente, il me semble extrêmement important qu'on clarifie, nous aussi, les choses, qu'on soit clairs comme législateurs puis qu'on parle de ce dont ce projet de loi parle. Il parle d'accommodement donné à une personne au nom de motif religieux, puisque l'article 6... Tous les autres articles sont -- et je pense que la ministre l'a reconnu -- une codification de la jurisprudence, mais l'article 6... En effet, le seul, je pense, droit nouveau, c'est celui de l'article 6, dire pas de burka, pas de niqab. Sans les nommer, bien évidemment, sans les nommer, mais, enfin, je pense qu'on peut les nommer, puisque, quand on regarde l'historique de cette histoire-là, ça s'est passé dans un temps bien défini, après cet incident de cette jeune femme qui refusait d'enlever sa burka pour prendre ses cours de francisation.

Alors, Mme la Présidente, c'est pour ça que nous plaidons vraiment en faveur de l'adoption de cet amendement. Et je termine en disant qu'on ne peut pas surestimer parce que... Je dirais surestimer... on ne peut sous-estimer, mais on ne peut pas non plus surestimer parce que c'est tellement important que cet avis du Conseil du statut de la France... de la France... de la femme, de la femme -- excusez mon lapsus -- de la femme qui est tombé hier, qu'on ne peut pas en faire abstraction au moment où on étudie, on est en pleine étude article par article d'un projet de loi qui parle de laïcité.

**(10 h 30)**

Quand le Conseil du statut de la femme est venu, je pense qu'on peut le dire, il y a eu une grande déception de la part de sa présidente, qui ne croyait pas que le projet de loi n° 94 serait, dès le départ, par le premier ministre et par la ministre, ainsi que par la ministre de la Condition féminine, interprété comme étant de la laïcité ouverte et comme étant un choix par rapport à deux visions, disons, de la laïcité. Et là, aujourd'hui, le Conseil du statut de la femme, qui est venu devant nous une première fois pour nous dire: Mais je ne comprends pas comment on peut interpréter ce projet de loi là comme étant de la laïcité ouverte... Mais la ministre a tellement insisté devant tous ceux qui sont venus qu'évidemment tout le monde a compris, au Québec, ainsi que le Conseil du statut de la femme, que c'était une prise de position qui est honorable, là, je veux dire, dont on peut parfaitement discuter, mais que, le Conseil du statut de la femme, sa réponse elle vient, Mme la Présidente, en 161 pages pour nous dire que c'est un mauvais choix et que ce n'est pas le choix que la société québécoise devrait faire.

Et il y a une chose importante, en même temps, que Mme Pelchat a dite hier: Bien, le voilà, le livre blanc sur la laïcité, elle dit une autre chose extrêmement importante, qu'il devrait y avoir une commission parlementaire sur la laïcité où, là, devant les citoyens du Québec qui viendraient nous écouter puis nous entendre puis qui viendraient nous donner leur opinion, eh bien les deux visions pourraient se débattre et pourraient être sur la table, et là le débat de société qu'on doit avoir, eh bien on l'aurait ici, où il doit, Mme la Présidente, se tenir. En attendant, je fais cette proposition d'amendement pour que l'on dise les choses clairement et simplement.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, bonjour. Je salue également mes collègues d'en face, et notamment le député de Vimont. J'espère qu'il va être très attentif à mes propos ce matin et me reprendre éventuellement si je me mets à déraper. Mais je serai très, très vigilant pour que nos échanges restent très civilisés.

Je reprends l'idée de ma collègue de Rosemont pour dire que le Conseil du statut de la femme n'est pas n'importe quelle entité, c'est une entité financée à 100 % par l'État québécois, c'est une entité qui nomme les membres qui y siègent par l'État québécois. Et son avis n'est pas un exercice futile, ce n'est pas une improvisation tenue dans le cadre d'une gymnastique intellectuelle, pour être clair, qui n'aurait pas d'importance. À partir du moment où on ne tient pas compte de l'importance de cet avis, je me mets à me poser la question de savoir c'est quoi, le rôle de ce conseil. Est-il financé pour produire des avis, pour passer des heures dans des réunions dans le but de conseiller le gouvernement adéquatement sur des sujets aussi sensibles sans que leur avis ne soit pris en considération? À moins qu'il y ait le projet de dissolution de ce conseil, ce qui nous amènerait probablement à considérer qu'effectivement l'avis déposé hier ne vaut même pas la peine d'être pris en considération et nous inspirer dans nos échanges relativement à ce projet de loi à ce stade-ci. J'entends bien la décision de la présidente tout à l'heure, je m'y conforme, mais vous m'en voyez désolé parce qu'à la lumière de ce que nous avons appris l'exercice que nous entreprenons ici risque d'être à terme futile, compte tenu du fait que nous nous égarons, objectivement.

Bref, je reviens sur notre amendement, mais tout en rappelant que, préalablement, nous avions déposé d'autres amendements qui ont été rejetés. Il y en a une, deux... quatre amendements qui ont été rejetés déjà. Ça, c'est un amendement qui... Et je le remets dans son contexte pour que ceux qui nous suivent aujourd'hui comprennent le charabia qui est en jeu: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement.» C'est l'articulation telle que décrite initialement.

Nous avons tenté des amendements pour préciser certaines choses, pour sortir de la confusion et du doute, pour sortir du flou. Nous avons plaidé la clarté, nous avons plaidé le courage de nommer les choses telles qu'elles sont, telles qu'elle s'appellent et, en l'occurrence, ici, nous proposons l'amendement qui est que l'article 1 soit modifié dans son premier alinéa par la suppression, après «établissement», de «ou en faveur d'une personne» et son remplacement par «en réponse à une demande formulée par une personne pour motif religieux».

Je le mets en contexte pour que les personnes qui nous suivent comprennent. Le changement donnerait donc la lecture suivante à la première articulation: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale en réponse à une demande formulée par une personne pour motif religieux à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement.»

Par souci de clarté, je pense, Mme la Présidente, que c'est ce qu'il aurait fallu dire clairement parce qu'en réalité il est question ici d'un projet de loi... Ça nous ramène à l'esprit du projet de loi, qui avait pour ambition d'apporter une réponse à toute cette crise entourant la pratique des accommodements. Mais force est de constater qu'on s'est embarqué dans une logique qui est à mille lieues de répondre aux questions que la population québécoise se pose, on est en train de maintenir et d'encourager l'ouverture grande de la porte au religieux dans l'État tout en la refermant sur une pratique qui est signifiée dans l'article 6 du projet de loi. Clairement, pour nous, il s'agit ici d'un souci, d'un devoir de clarté, d'un devoir de transparence même, je dirais, pour éclairer la population, qu'il ne faut pas considérer dans son ensemble comme une entité qui contemple passivement. Cette population, celle qui nous a envoyés ici, nous regarde.

**(10 h 40)**

Ce sujet est très sensible. Nous avons débattu, la semaine dernière, de certaines dispositions de ce projet de loi, et je vous ai mis en lumière un certain nombre de facteurs qui, contrairement à ce qu'on pourrait penser, contrairement à l'évitement qu'incarne ce projet de loi, à l'évitement des vraies affaires... On maintient un pan de notre population, notamment celle qui a une approche religieuse qui occupe une partie ou l'ensemble de leur vie dans leur quotidien... et ne pas tenir compte de la dichotomie qui entraîne des tensions parfois, des frustrations, c'est ne pas remplir notre rôle de législateur, ne pas remplir notre rôle d'élu. On a un souci de cohésion sociale, on a un souci de paix sociale, et je comprends néanmoins que c'est dans le dessein -- la ministre pourra peut-être nous éclairer là-dessus -- d'éviter de s'enfermer dans ce qui lui fait peur probablement, toucher, nommer le religieux... Il est possible que ce soit un terme qui effraie la ministre. Mais on sous-entend. Je ne me fais aucune illusion à l'effet que, le moment venu, notre amendement se fasse battre, mais je maintiens l'idée qu'à partir du moment où nous n'assumons pas pleinement notre rôle de législateur dans un dossier aussi sensible qui occupe une place importante dans l'interaction de la diversité culturelle, le religieux faisant partie du culturel au Québec, nous ne rendons pas service à l'ensemble de notre population, et notamment cette partie de la population qui, souvent, est stigmatisée, cette même partie de la population qui, dans sa grande majorité, demande de préciser les choses, demande de clarifier les choses.

Sans faire de procès d'intention, il est possible que les auteurs de ce projet de loi aient eu l'intention de protéger ces personnes, mais la réalité, elle est là, on passe à côté de l'enjeu, on passe à côté de l'objectif que, légitimement, nous serions enclins à débattre avec objectivité. Et cet objectif est expliqué clairement, élaboré dans l'avis que le Conseil du statut de la femme a déposé hier. C'est une alerte, une sonnette d'alarme. Il faudrait en tenir compte parce qu'à force de pelleter en avant les problèmes d'aujourd'hui il n'est pas garanti que, demain, par une baguette magique, que ces problèmes disparaîtront de l'espace public, ces problèmes disparaîtront de cette difficulté de vivre l'altérité dans une société qui a fait des bonds au plan de la séparation entre le religieux et l'État. Et j'ai bien peur que ceux qui sont stigmatisés aujourd'hui, que l'on connaît bien et qu'on connaît d'autant mieux quand on vient d'ailleurs, ne seront pas, pour la très grande majorité d'entre eux, ne seront pas satisfaits d'un tel projet de loi qui dispose d'articulations aussi floues, aussi vagues, et leur condition sociale sera d'autant plus, disons, dramatique, considérant la souffrance que plus de la moitié d'entre ceux qui travaillent et qui sont surdiplômés se retrouvent en marge du marché de l'emploi à cause de tout ce qui tourne autour des préjugés en lien avec leurs pratiques religieuses. Ces gens demandent une seule chose: Donnez-nous des règles claires, donnez-nous des règles cohérentes. Nous sommes des citoyens, nous sommes en phase avec les valeurs québécoises et nous sommes prêts à nous intégrer.

L'intégration passe -- je le disais la semaine dernière -- par l'emploi. Quand vous rencontrez certaines de ces personnes qui forment l'élite de ces communautés-là et qui sont, par rejet, par exclusion, cantonnées dans des emplois... Il n'y a pas de sot métier, mais ils n'ont pas été formés pour ça, ils n'ont pas été éduqués pour ça, ils n'ont pas passé des années à l'université pour ça. Ce sont des gens minimalement porteurs d'un bac. Plusieurs d'entre eux sont porteurs d'une maîtrise, de doctorats dans différents domaines, et, mon Dieu! on ne leur rend pas service, on ne leur rend pas service quand on s'entête... Parce qu'il est question ici d'entêtement. On a eu plusieurs interpellations de la part de la très grande majorité de témoins que nous avons reçus ici, en commission, lors des audiences entourant ce projet de loi, mais force est de constater que nous sommes à mille lieues d'un synchronisme.

Le propre du législateur n'est-il pas d'écouter? Le propre d'un législateur n'est-il pas de faire preuve de sagesse? Ma foi, la démonstration, depuis le début de cet exercice, qui est faite de la part des porteurs du projet de loi me désespère personnellement parce qu'on est loin, très loin d'une conclusion positive au moment où, une fois adopté tel quel, ce projet de loi sera mis en branle. On est très loin de cet objectif qui est de mettre, de poser, de paver le chemin des lieux d'interaction, des lieux civiques où la diversité québécoise interagit. On est loin de générer les bases d'une harmonie dans l'interaction entre nos concitoyennes et nos concitoyens. On est loin de garantir une paix sociale et on est surtout loin, très loin de favoriser la rencontre des divers. Et, pour l'instant, je vais m'arrêter là, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Deux-Montagnes.

**(10 h 50)**

M. Charette: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez, dans un premier temps, de vous saluer -- un plaisir de vous retrouver -- tout comme je prends quelques instants pour saluer les collègues de la partie gouvernementale.

Donc, d'entrée de jeu, Mme la Présidente, vous me permettrez une lecture qui peut paraître longue, mais qui me semble appropriée comme mise en contexte et qui nous ramène un petit peu dans le temps. Et c'est un écrit qui date de 2005 et qui nous vient de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et qui vient, en quelque sorte, expliquer le contexte des accommodements raisonnables. Donc, déjà, je vous prie d'excuser la longueur de la citation. Donc: «C'est au milieu des années quatre-vingt que l'obligation d'accommodement raisonnable fait son apparition en droit québécois et canadien. Dans une décision marquante, la Cour suprême du Canada reconnaît alors qu'une norme d'apparence neutre -- ici, un horaire de travail -- peut avoir un impact discriminatoire sur une employée s'il est incompatible avec la pratique religieuse de celle-ci. La cour souligne qu'une "conséquence naturelle" de la reconnaissance d'un droit -- ici, le droit est l'égalité -- doit être "l'acceptation sociale de l'obligation générale de le respecter et de prendre des mesures raisonnables afin de le protéger". Ce principe lui permet de conclure que, pour donner un sens à la norme d'égalité, l'employeur était légalement tenu de prendre "des mesures d'accommodement raisonnable" consistant, en l'espèce, à modifier l'horaire de travail de l'employée.

«En tant qu'obligation juridique, l'accommodement raisonnable -- sans contrainte excessive -- est aujourd'hui inhérent au droit à l'égalité. Théoriquement, l'accommodement peut s'appliquer à chacun des 14 motifs de discrimination interdits par la charte. Outre la religion, les tribunaux québécois et canadiens appliquent maintenant sans problème l'obligation d'accommodement à d'autres motifs de discrimination, dont le sexe, la grossesse, l'âge et le handicap. Les femmes et les personnes handicapées ont particulièrement profité de cette notion et des possibilités qu'elle offre d'assouplir les règles de fonctionnement du marché du travail. La jurisprudence récente reconnaît qu'une obligation d'accommodement raisonnable s'impose aussi aux fournisseurs de services, ce qui a des conséquences importantes pour la gestion et l'organisation des services publics, notamment.»

Pourquoi cette citation? Et elle est intéressante. Elle remonte, oui, à il y a sept ans maintenant ou à peu près, où on cite l'apparition, où on explique l'apparition du principe même d'accommodement raisonnable. On le remonte dans le temps jusqu'au milieu des années quatre-vingt, donc ça fait, essentiellement, 25, 30 ans que la notion d'accommodement raisonnable, elle est protégée et reconnue en vertu de nos chartes, autant québécoise que canadienne. On a, à travers cette citation, illustré le cas d'un accommodement religieux, mais, dans les faits, pendant plusieurs années, ces accommodements visaient essentiellement des personnes qui s'estimaient lésées pour des motifs liés à leur sexe, liés à une grossesse, liés à un handicap, liés à une origine. Essentiellement, ce sont les jugements qui ont été... oui, justement, les jugements qui ont été portés, là, par nos instances au cours des dernières années.

Le principe d'accommodement raisonnable lié au motif religieux est beaucoup, beaucoup plus récent dans l'esprit des gens. Et la confusion, elle est paradoxale parce que, lorsqu'on demande maintenant au citoyen ou à la citoyenne: Qu'est-ce qu'un accommodement raisonnable?, neuf citoyens ou neuf citoyennes sur dix vont lier le principe d'accommodement raisonnable au principe d'accommodement religieux. Or, à la base, ce n'est pas ça, ce principe-là est intervenu bien plus tard au niveau de la chronologique. Mais la confusion, elle, est bien présente, elle est bien installée dans l'esprit des gens. Et le principe d'accommodement raisonnable, oui, a sa place, oui, lorsque la contrainte n'est pas trop importante pour l'organisation qui doit s'adapter à la demande qui lui est formulée, tous en conviennent, mais, si nous sommes ici aujourd'hui, il faut être honnête, c'est uniquement compte tenu de la dynamique qui a prévalu au cours des dernières années. On ne remet d'aucune façon les accommodements raisonnables qui sont accordés pour des motifs reliés à un handicap physique, liés à une grossesse, à un sexe, notamment. Ce n'est pas l'objet du projet de loi.

Or, à sa lecture -- et c'est ce qui est un petit peu surprenant -- ça fait essentiellement une année que le projet de loi a été déposé, hein, c'est sensiblement à la même période l'année dernière, donc, tout près d'une année, et, si on y est, c'est essentiellement à cause du débat des dernières années sur les accommodements religieux. Or, lorsqu'on lit le titre même du projet de loi, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, le motif même du projet de loi n'est pas explicité, n'est même pas évoqué. Et, lorsque l'on lit également les notes explicatives du projet de loi, on reprend essentiellement les mêmes phrasés: «Ce projet de loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou de certains établissements.» Bref, sur quatre paragraphes, on reprend la même formulation, mais on n'insiste pas sur l'objet même du projet de loi, sur le pourquoi de son dépôt et sur le pourquoi le gouvernement souhaite son adoption. Donc, il y a un manque, à mon avis bien humble, de transparence par rapport à l'objet même du projet de loi.

On ne peut pas nier cette réalité. Et la réalité est la suivante, depuis quelques années... Et on a fait remarquer, curieusement c'est essentiellement l'automne que ça se produit. Pour une raison que je m'explique mal, mais, à chaque année depuis trois, quatre ans, cinq ans, peut-être, à l'automne on a des cas dans les médias qui sont rapportés d'accommodements religieux, proprement religieux. Mais, encore là, le concept même a été un petit peu trafiqué parce que, dans l'esprit des gens, on parle d'accommodements raisonnables, mais, bien souvent, ce sont des accommodements qui sont octroyés par des organisations sans qu'il y ait jugement, donc on ne parle pas d'un accommodement raisonnable au sens juridique.

Bref, cette dynamique nous revient automne après automne, sinon année après année parce qu'ultimement aucune solution n'a été établie. Et je reprendrai les propos de mon collègue député de Bourget à ma gauche qui sont très vrais, actuellement qui souffre de cette confusion? C'est la population, en partie, immigrante, et c'est bien, bien dommage. On leur dit à raison: Vous êtes les bienvenus au Québec, des gens qui, au fil des ans, se sont fait une idée du Québec, se sont fait une idée des libertés et des droits qui leur seraient acquis rendus au Québec, mais une réalité qui vient bien vite les décevoir rendus au Québec parce qu'ils se retrouvent dans un contexte où la confusion règne, confusion au niveau de certains concepts, et, malheureusement, cette confusion, au fil des ans, est venue alimenter un certain nombre de préjugés. Et ça nous a été dit ici même, en cette salle, au cours des derniers mois en consultation, cette confusion-là, elle est excessivement dommageable parce que les immigrants, qui, dans une très, très, très grande majorité, ne demandent qu'une chose, c'est-à-dire s'intégrer, se retrouvent pris entre deux chaises, ni plus ni moins. Donc, dommageable pour eux.

Et pourquoi cette situation perdure et se reproduit année après année? C'est que le gouvernement, malheureusement, n'a pas su écouter les nombreux avis qui lui ont été communiqués au cours des dernières années. Le gouvernement lui-même a mis sur pied, il y a quelque temps maintenant, cette commission qui a parcouru le Québec, ni plus ni moins, qui avait suscité beaucoup d'intérêt, qui avait suscité bon nombre de mémoires, bon nombre de commentaires, soit la commission qu'on a appelée communément Bouchard-Taylor, donc une commission créée de toutes pièces par le gouvernement qui a produit un rapport qui contenait, on le reconnaît, un certain nombre de recommandations qui pouvaient paraître intéressantes dans le cadre du débat actuel. On parlait notamment d'un livre sur la laïcité. On parlait de cette nécessité, pour le gouvernement, de produire cette étude sur la laïcité afin, justement, de dresser les balises requises pour mettre fin à ce débat qui est très dommageable -- et je le dis encore avec regret -- pour des gens qui ne demandent qu'à bien s'intégrer et à bien vivre dans le Québec et dans ce qu'il leur offre comme possibilités. Donc, Malheureusement, cette recommandation a été laissée sans suite, elle a été rejetée, pour ainsi dire, la journée même de son dépôt, Et, hier, on l'a vu et on l'a redit, et c'est important d'insister.

Ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a demandé à juste titre en début de séance qu'on puisse entendre ce groupe qui a apporté une contribution formidable hier, et je fais référence au Conseil du statut de la femme. Et en quoi cette contribution, elle est importante, c'est qu'elle donne suite justement à une des recommandations, notamment, de la commission Bouchard-Taylor. Elle a pris sur elle, cette instance, de faire le travail qui, normalement, revenait au gouvernement lui-même, c'est-à-dire littéralement produire une politique -- parce que je l'ai lu de cette façon-là -- une politique de la laïcité. Parce que c'est cette politique et c'est cette responsabilité qui revient au gouvernement qui permettra enfin de répondre à ce cycle très, très pervers que nous vivons depuis un certain nombre d'années et qui n'a rien à voir, mais rien à voir avec le concept proprement juridique d'accommodement raisonnable.

**(11 heures)**

Et c'est d'autant plus vrai que la lecture des notes explicatives, la lecture du libellé même du projet de loi nous dit -- et là je reprends les termes de mon collègue de Bourget -- on est à mille lieues de la réalité. Pourquoi le gouvernement, dans ce projet de loi, ne précise pas l'objet réel ou l'objet attendu de son projet de loi? Et, par rapport à ce manquement, nous, on propose l'amendement qui vous a été souligné, qui vous a été présenté, c'est-à-dire insister sur le fait que cet accommodement doit être accordé en réponse à une demande formulée par une personne pour motif religieux. Sans expliquer clairement ce motif, on ne règle pas le problème, et le gouvernement ne donne pas l'intention, ou ne précise pas, ou ne démontre pas la volonté que tel est son souhait.

Donc, c'est le premier amendement, aujourd'hui, qui vous est présenté, et, pour les raisons expliquées autant par ma collègue de Bourget que par la motion de ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve... que par les propos de mon collègue c'est-à-dire Bourget, Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont. Voilà, il y a eu une petite confusion dans la présentation que j'ai pu faire, mais par rapport...

M. Kotto: ...

M. Charette: Voilà, voilà. Tous de la région de Montréal, effectivement. Mais, dans tous les cas, les arguments présentés militent en ce sens que cette précision doit être apportée, et c'est le souhait qui vous sera présenté dans les prochains instants. Mais, avant de procéder, je sais que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve avait quelques mots à apporter sur le sujet. Donc, avec votre permission, Mme la Présidente, je lui céderais, d'emblée, la parole.

La Présidente (Mme Vallée): Pas de problème. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Écoutez, l'amendement qui est présenté par ma collègue de Rosemont s'inscrit tout à fait dans les débats que nous avons eus lors de la dernière séance. Et on se rappellera que nous avions présenté un amendement pour faire en sorte d'apporter cette modification à une demande pour motif religieux, mais pour le personnel de l'administration publique. Malheureusement, la partie gouvernementale a rejeté cet amendement, faisant fi, il faut bien le dire, Mme la Présidente, de ce dont on parle ici, ce qu'on appelle les motifs religieux. Parce que c'est véritablement de cela dont il est question, et l'amendement de ma collègue d'aujourd'hui est pour la portion du premier alinéa de l'article 1, à l'effet que l'objet, la définition de la loi vient nous interpeller, les gens qui vont recevoir des services de l'État. Et non pas juste ceux qui vont donner des services, mais ceux qui vont les recevoir.

Alors, Mme la Présidente, on comprendra que le choix que le gouvernement a fait, c'est de faire semblant, tout simplement, que les motifs religieux, ça n'existait pas, qu'il n'y avait pas de demandes actuellement de la part des citoyens d'accommodements, de privilèges ou de mesures qui font en sorte que, pour des motifs religieux, on demande de ne pas faire comme il se fait dans le reste de la société. On se rappellera le cas de la SAAQ, des gens qui, selon leur religion, ne peuvent être accompagnés dans un lieu clos par une personne d'un autre sexe. Alors, quand on passe son examen de conduite, on est effectivement dans un lieu clos, ça s'appelle une auto. Une auto est un lieu clos pour ces gens-là, et un homme ne peut pas passer son examen avec une examinatrice selon leurs religions. Ici, dans notre société québécoise, un évaluateur de la SAAQ, ça n'a pas de sexe, c'est un évaluateur. La fonction publique ne tient pas compte...

Une voix: ...

Mme Poirier: Je n'ai pas compris votre remarque, M. le député. Peut-être qu'il faudrait...

Une voix: Je pensais que c'était un ange.

Mme Poirier: Un ange, ah! Mais là, encore là, ce serait sexiste parce qu'on dit un et non pas une ange.

Une voix: ...

Mme Poirier: Ça n'a pas de sexe, un ange.

La Présidente (Mme Vallée): Chers collègues, nous allons... Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, poursuivez.

Mme Poirier: Non, non, mais, je veux dire, il faut quand même que les gens de la partie gouvernementale s'expriment. Alors, s'ils le souhaitent...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, oui, mais ils s'expriment... Je leur céderai la parole en temps opportun, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Ah! d'accord. Je vous fais garde du bon déroulement de nos débats, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, continuez.

Mme Poirier: Mais, quand j'entends parler, je souhaite entendre vraiment. Alors, lors de cette cause de la SAAQ, on se rappellera, Mme la Présidente, que cette personne avait demandé et exigé -- et non pas juste demandé, exigé -- qu'en fonction de ses convictions religieuses... Et là on arrive avec, justement, ce qu'on appelle la liberté de croyance, très bien encadrée par la charte fédérale, charte, je le répète, comme je le dis à toutes les fois, charte que nous ne reconnaissons pas ici, au Québec. Nous ne reconnaissons pas cette charte qu'on nous a passée dans la gorge et qu'aucun gouvernement québécois n'a jamais entérinée, cette charte qui vient dire que les libertés de croyance passent au-dessus de l'égalité hommes-femmes. Alors, les fonctionnaires doivent travailler en fonction de leur sexe, selon certaines personnes, et en fonction de leurs croyances religieuses. Alors, des gens d'une communauté religieuse peuvent exiger, peuvent exiger que la personne qui va leur faire passer leur examen de conduite, eh bien, soit un homme ou une femme, selon leur propre sexe. La Commission des droits de la personne a statué dans ce cadre-là en disant que ça ne constituait pas une contrainte excessive. Elle n'a pas parlé d'égalité hommes-femmes, là, ça ne constitue pas une contrainte excessive d'organiser l'horaire à l'effet que, pour répondre à la liberté de croyance de monsieur, eh bien qu'on va lui trouver un évaluateur au jour et l'heure, selon les horaires.

Mme la Présidente, au Québec, on a fait le choix de l'égalité hommes-femmes. Les postes ne sont pas attribués en fonction du sexe, fort heureusement. Nous ne sommes pas élus parce que nous sommes une femme ou un homme, nous sommes élus comme législateurs, comme députés. Et là le motif religieux vient faire en sorte qu'il faut assurer dorénavant qu'il y ait des évaluateurs et des évaluatrices parce qu'il y a une partie de notre clientèle qui, selon sa liberté de croyance, nous impose leur choix de la personne qui va répondre à leurs services, et c'est de ça qu'on parle, Mme la Présidente.

On se donnera un autre exemple. Eh bien, l'autre exemple, c'est celui de la RAMQ, la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui sont venus témoigner à la commission du projet de loi n° 16 pour nous raconter comment ça se passait. Alors, ça a été très clair, ils sont venus nous dire que, lorsqu'une femme se présente et qu'elle demande que ce soit une femme qui prenne sa photo pour sa carte d'assurance maladie -- et si c'est un homme qui est au comptoir -- on va trouver une femme parce que ça ne constitue pas une contrainte excessive. Est-ce que ça ne constitue pas une remise en question de l'égalité hommes-femmes? Ça, on ne se pose pas la question. Et l'avis que nous avons devant nous aujourd'hui du Conseil du statut de la femme vient expliciter justement, vient faire en sorte de dire: L'égalité hommes-femmes doit passer par-dessus tout parce que c'est une valeur fondamentale québécoise. Et, en ce sens-là, la modification que l'on apporte aujourd'hui à l'effet d'introduire «pour motif religieux» pour les personnes qui reçoivent un service, alors on ne peut pas demander qu'en fonction de motifs religieux on puisse avoir droit à un traitement différent de quelqu'un qui est laïque. Si je suis athée, je ne demanderai pas des services en fonction de motifs religieux. Mais, si je pratique une religion, j'ai droit à des privilèges.

**(11 h 10)**

Et on a bien dit que nous souhaitions -- et la ministre l'a déjà dit -- que notre État soit neutre. Les services de l'État doivent être neutres, donc respecter l'égalité hommes-femmes, et non pas respecter des demandes religieuses, et là, dans ce paragraphe-là, on vient nous dire... On ne vient pas nous préciser, dans le fond, ce qui est l'objet de la loi. Toute cette loi-là est basée sur un cas, sur le cas de Naïma, qui, pour motif religieux, a décidé de porter son niqab pour venir dire à la société québécoise: Regardez, là, je vais vous montrer jusqu'où on peut aller, qui est venue nous dire que, pour suivre un cours de français, on peut se cacher le visage, qu'on peut avoir le droit de ne pas parler dans une classe devant ses collègues masculins. Est-ce qu'on est venu dire ici qu'on faisait de l'égalité hommes-femmes? Pas du tout. Et c'est inquiétant, ça, Mme la Présidente, c'était très, très, très inquiétant.

Mais, dans la volonté gouvernementale d'offrir des services publics, il y a, entre autres... Il faut se rappeler toujours ce qui est arrivé dans le passé. Eh bien, lorsque la commission Bouchard-Taylor a remis son rapport, le gouvernement -- il avait remis son rapport le 22 mai 2008, formulait 37 recommandations -- le jour même, à l'Assemblée nationale, le premier ministre annonçait que des mesures seraient adoptées afin de donner suite au rapport, notamment la mise en place d'un mécanisme qui aidera les décideurs à traiter les questions d'accommodement dans le respect de la laïcité de nos institutions. De la laïcité. Non pas en fonction des accommodements raisonnables, mais en fonction de la laïcité de nos institutions. C'est très différent, ça, là, là. Aujourd'hui, ce qu'on fait avec ce projet de loi là, c'est en fonction d'un principe juridique qui est devenu presque constitutionnel, on a l'impression, qui s'appelle l'accommodement raisonnable. Ce n'est pas du tout de ça qu'on parle, c'était bien clair ici.

En plus, dans le communiqué de presse, communiqué de presse du 22 mai 2008 du gouvernement, on dit que les autres mesures annoncées concernent le renforcement de la francisation avant l'arrivée des immigrants. Ah! bien là, permettez-moi de rire. Le 22 mai 2008, le premier ministre disait qu'il renforcerait la francisation avant l'arrivée des immigrants, et là je lis dans le colloque du Parti libéral du Québec un des sujets pour lequel on s'interroge dans le thème Quels sont les meilleurs moyens pour miser sur l'immigration pour relever les défis économiques du Québec?: «Modifier les critères de sélection pour davantage tenir compte des besoins des employeurs et accorder moins -- moins, je répète, moins -- d'importance à la maîtrise initiale de la langue française.» Ça, ça s'appelle parler des deux côtés de la bouche, Mme la Présidente. Alors, dans un colloque du Parti libéral, on vient introduire le fait qu'on va réduire les exigences de la maîtrise du français et...

La Présidente (Mme Vallée): ...d'Hochelaga-Maisonneuve, on est... Je veux juste vous rappeler qu'on est sur l'amendement sur le thème religieux qui a été apporté par Mme la députée de Rosemont. Je sens un petit peu qu'on s'égare. Je comprends, là, qu'on a...

Mme Poirier: Mme la Présidente, vous allez voir la boucle que je vais vous faire, vous allez voir ça qu'on est dans le même... Alors, le gouvernement annonce en 2008, dans le cadre de sa réflexion après Bouchard-Taylor, à l'effet de dire: Nous allons donner suite... C'est ce qu'il nous dit, là, il dit: Nous allons donner suite afin de traiter les questions d'accommodement dans le respect de la laïcité de nos institutions. Il nous dit aussi que, pour renforcer justement... afin d'aider à débattre de ce dossier-là, on va renforcer la francisation avant l'arrivée et là, aujourd'hui, recule encore -- parce que c'est un nouveau recul -- on va accorder moins d'importance à la maîtrise initiale de la langue française.

Alors, quand on voit ces gens-là arriver ici qui ne... Et là, en plus, on va leur dire que ce n'est plus important de maîtriser le français. Alors, les messages que l'on passe, Mme la Présidente, sont importants. Le message sur la laïcité, il est important aussi aux gens qui choisissent le Québec. Il faut que ces personnes-là sachent quelles sont les valeurs fondamentales du Québec, que le français est une valeur fondamentale, que les accommodements pour motifs religieux ne peuvent être faits en fonction de brimer l'égalité des hommes et des femmes. Il faut que les messages soient clairs que l'État du Québec est un État neutre, est un État laïque. Et, si ces messages-là ne sont pas véhiculés, Mme la Présidente, eh bien on en arrive avec des situations comme notre monsieur qui se présente à la SAAQ et qui dit: Moi, je veux un examinateur homme parce qu'en fonction de mes convictions... et puisque je suis dans une société multiculturelle, où le multiculturalisme fait foi. Parce que c'est ce qu'on m'a dit quand je suis arrivé, c'est ce qu'on m'a dit quand j'ai été élevé ici, dans le Canada. Mais le Québec a pris une distance par rapport à cela depuis la Révolution tranquille. On s'est dissociés de cette volonté, de cette vision-là, et, aujourd'hui, on le voit bien, l'avis du Conseil du statut de la femme en fait une démonstration éloquente.

Écoutez, moi, j'invite les gens, là, à aller lire tout le chapitre, tout le chapitre -- et c'est fort éloquent, fort éloquent -- qui s'appelle Les insuffisances de la «laïcité ouverte». Ce chapitre-là vient dire: La «laïcité ouverte» au multiculturalisme; La «laïcité ouverte» à la confusion entre le religieux et le politique; La «laïcité ouverte» à l'instrumentalisation de la foi, à la montée de la droite religieuse et à l'intégrisme; et ça se termine par la dernière partie, par La laïcité, la citoyenneté et l'identité québécoise. On vient faire dans cette partie-là... Puis je vous indique, c'est à partir de la page 62 à 87. Alors, ce n'est pas compliqué, les gens peuvent aller le chercher sur Internet, ce document-là, il est disponible.

Bien, ce que ça vient faire la démonstration, c'est que le multiculturalisme à la Trudeau, le multiculturalisme canadien ne s'applique pas ici, au Québec. Ce n'est pas notre formule de notre vivre-ensemble au Québec, ça ne fait que diviser les gens. On a vu, maintenant c'est même le premier ministre de la Grande-Bretagne... On a vu aussi Mme Merkel qui a aussi rejeté, en Allemagne, le multiculturalisme. Ce n'est pas une nouveauté, là, il n'y a pas de nouveauté. Et l'amendement qu'on dépose, ce qu'on vient dire, c'est clair, là. Ce qu'on vient dire, c'est que, pour motif religieux, on ne peut pas demander... on ne peut pas invoquer le motif religieux contre l'égalité hommes-femmes, on ne peut pas demander ça contre l'égalité hommes-femmes. On ne peut pas demander...

Et la notion de contrainte excessive, qui vient en égalité avec... Lorsqu'on parle de tout le domaine des accommodements raisonnables, la contrainte excessive s'applique plus fort que l'égalité hommes-femmes parce que ça ne coûte pas d'argent, parce que ça n'oblige pas de refaire des horaires, parce que ça n'oblige pas une réorganisation. Non, non, ce n'est pas de ça qu'il s'agit, Mme la Présidente, il s'agit du respect des hommes et des femmes qui travaillent dans une organisation et qui se font dire: Parce que tu es une femme, parce que tu es un homme, tu ne peux me donner un service en fonction de ma religion. Je m'excuse, Mme la Présidente, mais il y a des gens qui ont oublié de s'apercevoir qu'ils sont au Québec, et, au Québec, l'ensemble de nos fonctionnaires, que nous trouvons compétents, eh bien, ont le droit au même respect non pas en fonction de leur sexe, mais en fonction de leur compétence.

Et ça, Mme la Présidente, il faut s'assurer, il faut s'assurer que l'on protège les droits de nos employés, on protège les droits de l'ensemble de notre fonction publique. Quel autre motif va-t-on nous demander? J'ai fait une entrevue dans le cadre de ce débat-là avec M. Mongrain, il y a un an, il m'a dit: Si, moi, ma religion m'interdit de parler aux gens divorcés, est-ce que je pourrais demander aux fonctionnaires: Si vous êtes divorcé, je ne peux vous parler? Bien, oui. Finalement, oui, parce que ma liberté de croyance, c'est ça. Puis, des libertés de croyance, Mme la Présidente, je peux vous dire qu'il y en a de toutes les sortes, il y en a vraiment de toutes les sortes.

Il y a un jugement qui est sorti, il y a deux semaines, en Ontario sur le fait que, pour une communauté, la communauté de l'Église de l'univers, eh bien, pour eux, le cannabis est un objet sacré. On sourit, mais la liberté de croyance, c'est ça que ça veut dire, Mme la Présidente. Je ne peux contester que le cannabis, pour ces gens-là, est quelque chose de sacré. Ils se réclament de pouvoir utiliser du cannabis partout, puisque... Et je m'en viens, vous allez avoir le résultat de... je vais vous le donner. Et, fort heureusement, on a eu le résultat, là, alors on peut parler même du résultat.

Et ces gens-là se réclament d'une liberté de croyance qui peut s'appliquer n'importe où, n'importe quand. Mais, malheureusement pour eux, l'utilisation du cannabis tombe sous une loi fédérale et tombe sous l'égide du Code criminel, et l'utilisation du cannabis est prescrite à l'intérieur de ça. Alors, le juge a, tout simplement, non acquiescé à leur demande de reconnaissance du cannabis partout et comme ils le voulaient, à leur guise, et surtout sur la distribution de cannabis dans leur communauté parce que le cannabis est, tout simplement, une matière illicite selon le Code criminel canadien. Alors, la liberté de croyance peut être freinée par le Code criminel. Alors, est-ce que ça veut dire que tout ce qui est prescrit par le Code criminel... Est-ce que ça veut dire qu'il va falloir faire interdire... il va falloir s'assurer que l'égalité hommes-femmes soit dans le Code criminel? Alors, Mme la Présidente, c'est quand même assez fort.

Nos interventions, Mme la Présidente... On a fini? Alors, je conclus là-dessus. Alors, Mme la Présidente, ce que nous voulons, c'est protéger les droits des hommes et des femmes québécois et québécoises et s'assurer que l'égalité hommes-femmes soit protégée dans notre société parce que, ça, c'est une vraie valeur fondamentale. Merci.

**(11 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la modification? Il vous reste sept minutes.

M. Charette: C'est gentil. Merci, Mme la Présidente. Je souhaitais commenter et compléter l'explication de ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Elle a mentionné à quelques reprises le terme «contrainte excessive». C'est exactement cette expression qui est retenue pour bien baliser le concept d'accommodement raisonnable, celui au sens juridique du terme, on s'entend, celui de contrainte excessive.

Donc, lorsqu'il est question, par exemple, de personnes devant composer avec un handicap, lorsqu'il est question d'une personne, par exemple, d'une dame qui est enceinte, la notion de contrainte excessive, elle est excessivement -- et c'est le cas de le dire -- facile à mesurer, en ce sens que, pour la personne devant composer avec un handicap, la réponse de l'organisation qui l'emploie ou de l'organisation qui fait face à sa demande peut être très, très simple et peut être comprise de façon tout à fait aisée, c'est-à-dire l'aménagement d'un espace, l'aménagement d'une rampe, l'élargissement d'une porte. Donc, c'est une réponse qui se mesure de façon concrète et de façon simple. Pour une dame qui est enceinte, la notion de contrainte excessive, comment elle peut être évaluée, c'est par rapport aux risques que comporte son environnement de travail pour son enfant, pour le bébé à naître, notamment. Donc, si l'environnement est jugé menaçant, on va, par exemple, lui permettre de trouver un emploi autre le temps de sa grossesse, toujours au sein de la même organisation, pour justement ne pas menacer la vie de l'enfant à naître. Bref, la notion de contrainte excessive dans pareil cas, elle est facilement démontrable, et la réponse peut être également fort simple.

Lorsqu'il est question d'accommodement raisonnable sous le prétexte religieux, il est beaucoup plus difficile de démontrer qu'est-ce qui est raisonnable ou non comme contrainte. C'est beaucoup plus difficile d'y aller de raisonnements totalement objectifs, et c'est là le noeud du problème. C'est exactement là où se situe le débat actuel parce que les balises sont beaucoup plus difficiles à établir, d'où la nécessité de textes de loi qui soient clairs et qui soient sans équivoque à ce niveau-là.

Il y avait un certain espoir lorsque le gouvernement a présenté son projet de loi. Cet espoir-là a vécu jusqu'au moment où on puisse le lire, en quelque sorte, parce que les premiers propos qui nous ont été rapportés étaient passablement encourageants. On se disait même, du côté de l'opposition officielle: Ma foi, peut-être trouverons-nous à travers ce projet de loi là les balises qui, actuellement, font défaut. Je vous disais, oui, pour ce qui est d'un accommodement proprement raisonnable au sens juridique du terme, les balises, elles sont naturelles, on les identifie de façon aisée. On s'est dit: Peut-être qu'à travers le projet de loi qui nous sera présenté on trouvera réponse à nos interrogations et réponse au débat qui, malheureusement, fait rage depuis un certain nombre d'années, mais on en est bien loin. Et, sans avoir le sentiment de me répéter, ça vient justifier la demande de modification qui est apportée par la députée de Rosemont.

Le noeud, le coeur même de l'article 1, le titre même du projet de loi ne fait pas cette distinction aussi minimale et aussi naturelle entre l'accommodement raisonnable au sens juridique du terme, comme les lois et les tribunaux l'ont défini au cours des années, par rapport à l'accommodement qui, lui, est proprement religieux, par rapport à un motif religieux. Et, encore une fois, cette nuance, elle est importante, on ne peut pas faire autrement que de la lire dans l'article 1 lui-même parce qu'on ne réfère pas au même genre de réponse. Et, pour ce faire, il faut l'expliciter dès le départ. Donc, je plaide, comme mes collègues l'ont fait avant moi, pour que cet amendement-là soit accepté, pour qu'enfin la nuance puisse être faite, et ça viendra diriger tous les articles qui suivront parce qu'il est bel et bien question -- du moins, c'était la prétention du gouvernement au moment du dépôt du projet de loi -- de répondre aux accommodements religieux. Donc, dès l'article 1, on ne peut pas faire autrement que de préciser que la demande qui est formulée par le demandeur doit être faite pour motif religieux. Donc, voilà le complément que je souhaitais apporter, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Bien. Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Alors, sur ces propos, M. le député de Bourget, il vous reste un gros deux minutes.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Et, étant entendu que, dans les faits, il est question ici de demandes d'accommodement formulées pour des motifs religieux et que l'auteur ou la porteuse du projet de loi n'ait juste pas le cran de le dire, et, compte tenu du fait que nous ne sommes pas des benêts contemplatifs, par cet amendement, par l'amendement en débat, nous voulons juste démasquer ce projet de loi afin de révéler son véritable visage...

M. Auclair: Mme la Présidente, excusez-moi...

La Présidente (Mme Vallée): Question de règlement, M. le député de Vimont?

M. Auclair: Tout à fait. Juste une question au niveau des articles 35. Mon collègue, un, là, que ce soit «démasquer», on s'entend, c'est assez proche du mot «cacher», donc j'aimerais que mon collègue... Je sais qu'il a un verbe extraordinaire, mais j'aimerais qu'il respecte à la lettre notre règlement. Et également, lorsqu'il sous-entend que ma collègue n'a pas le cran, j'aimerais aussi qu'il revoie un peu ses paroles, Mme la Présidente, parce que ce n'est pas une question de cran, c'est une question d'opinion. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): ...M. le député de Vimont. Alors, évidemment, il faut faire attention pour ne pas imputer de motifs et ne pas utiliser des termes antiparlementaires. Je suis persuadée que le député de Bourget est très sensibilisé à la question. Alors, je vous permets de conclure, M. le député de Bourget, pour un petit peu moins d'une minute.

M. Kotto: En fait, Mme la Présidente, par ce projet de loi, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, je ne ferai pas de procès d'intention, le gouvernement est en train de démontrer sa volonté de protéger la pratique des accommodements pour des motifs religieux et, au passage, il stigmatise une religion en particulier, l'islam. Est-ce que vous ne pensez pas que nos concitoyennes et concitoyens de cette confession, des musulmans en l'occurrence, sont déjà assez accablés? Pourquoi faire fi de ce devoir d'équité, de ce devoir de justice sociale? Pour nous, vous l'avez déjà entendu, la solution, elle est simple...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Bourget, je vous ai laissé continuer, mais votre temps est épuisé.

M. Kotto: J'allais parler de la laïcité, mais j'y reviendrai.

**(11 h 30)**

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. J'en suis certaine. Alors, sur l'amendement présenté par la députée de Rosemont, est-ce qu'il y a des interventions du côté parlementaire? Mme la ministre.

Mme Weil: Très brièvement, on l'a... Pour revenir à l'amendement, je vais réitérer ce que j'ai dit il y a deux semaines, la jurisprudence sur l'accommodement raisonnable découle de l'interprétation de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ne font aucune distinction par rapport aux règles quant aux différents droits qui sont explicités et protégés dans ces deux chartes. Donc, notre inquiétude, évidemment, c'est l'incohérence d'amener cet amendement, qui n'aurait aucun sens, du tout, juridique et qui risquerait de créer deux types de jurisprudence qui viendraient en contradiction les uns avec les autres. Donc, l'amendement n'est pas recevable, quant à nous.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je propose la mise aux voix... Mme la députée de Rosemont, il vous reste 3 min 30 s.

Mme Beaudoin (Rosemont): Comme je suis tellement contente que la ministre réponde, je vais me permettre, Mme la Présidente, en deux minutes, de lui dire: Il y a vraiment là aussi deux conceptions du rôle du législateur qui non pas s'opposent, mais, enfin, qui sont en cause. Parce qu'effectivement on peut dire: Ah! tel tribunal a dit telle chose, telle interprétation et... mais il faut savoir, nous, ce que l'on veut comme législateurs. Et c'est là aussi, je pense, une vision qui est différente d'un côté et de l'autre de la table, que je crois que c'est à nous et que c'est ça que les Québécois attendent profondément d'une classe politique sur laquelle ils se posent beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions, bien ils s'attendent à ce qu'on prenne le leadership, à ce qu'on dise les choses telles qu'elles sont et puis que la dimension, finalement, juridique existe, mais qu'elle soit, je dirais, à sa place et qu'on décide, nous, comme législateurs, quelles sont les lois et quel sens on veut donner à ces lois.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Alors, nous allons procéder au vote sur la proposition d'amendement au premier alinéa de l'article 1.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): D'accord, vote nominal.

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 4 pour, 5 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, la proposition d'amendement est rejetée. De retour au premier alinéa de l'article premier. Mme la députée de Rosemont, je vous écoute.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais proposer un amendement: L'article 1 est modifié dans son premier alinéa par l'ajout de «publics»-- avec un s, publics au masculin avec un s -- après «services».

Alors, «à qui des services publics sont fournis par cette Administration ou cet établissement».

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons suspendre, le temps que vous... J'imagine que vous l'avez écrit, et le temps qu'on fasse des copies et qu'on le distribue aux collègues.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 36)

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont, sur votre amendement.

Mme Beaudoin (Rosemont): Est-ce que j'ai 20 minutes, madame?

La Présidente (Mme Vallée): Vous avez 20 minutes...

Mme Beaudoin (Rosemont): Au max.

La Présidente (Mme Vallée): Au max, oui.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, quand on demande d'ajouter, donc, «publics» après «services», eh bien je pense que c'est aussi, là, pour une question de clarté, qu'on sache exactement de quoi l'on parle, que le mot «services» peut être assez large et qu'il s'agit de services publics. Vous me direz: Il va sans dire. Eh bien, je vous répondrai qu'il va peut être sans dire, mais mieux vaut le dire, alors, que c'est le mieux disant, vous voyez, le mieux disant, alors que l'ajouter fera en sorte qu'on sache, encore une fois, là, de quoi on parle exactement. On regrette, bien sûr, que nos amendements précédents concernant la réalité de ce dont on parle aient été rejetés, mais là on voudrait que... et on propose donc dans cet amendement que, très clairement, l'on dise de quoi il s'agit. Et ce dont il s'agit, c'est évidemment des services publics.

Ça fait référence... On peut faire référence, en parlant de services publics, à tout ce qu'il y a derrière, donc, ces services publics quand on parle de laïcité. La laïcité, c'est celle de l'État. Je sens qu'il y a souvent dans la population ailleurs comme une confusion. De quoi parle-t-on quand on parle de laïcité? Eh bien, on parle de laïcité de l'État et, bien évidemment, de notre point de vue, des agents qui incarnent cet État et qui représentent cet État. Et, par conséquent, je crois qu'il vaut la peine, là, ce matin, de s'arrêter quelques minutes là-dessus, la... Qu'est-ce qui est laïque? Les individus peuvent, bien évidemment, dans une société... et c'est ce qui s'appelle le liberté de conscience. La liberté de conscience, c'est de croire ou de ne pas croire, c'est une liberté fondamentale. Et dans la liberté de conscience est incluse la liberté de religion. Alors, chacun, bien évidemment, peut pratiquer sa religion, croire, et c'est une liberté importante. La liberté de conscience aussi, qui est celle de croire ou de ne pas croire. Toutes ces notions-là, je pense, ça vaut la peine de les dire et de les redire pour ne pas qu'il y ait personne qui ait l'impression que, quand on dit «laïcité», eh bien que ça signifie que des individus, dans notre société, sur le territoire du Québec, ne peuvent pas croire au dieu qu'ils invoquent. Eh bien, non, chaque individu est totalement libre de croire ou de ne pas croire.

**(11 h 40)**

C'est fondamental parce que, quand on parle de laïcité, c'est sûr que, spontanément, on se dit: Mais à quoi ça s'applique? Comment ça s'applique, c'est une autre question, mais à quoi ça s'applique? Quelle est la portée de cette notion de laïcité? Alors, ça s'applique à l'État et ça ne s'applique pas, je dirais, aux services privés, rendus privément. Ça ne s'applique pas à autre chose, donc, qu'à l'État. Et il faut toujours accoler, je crois, ce terme de laïcité à celui d'État et à celui, bien sûr, des agents de l'État. On aura ce débat-là longuement ici, j'en suis certaine, parce que c'est une des choses... Parce que, si tout le monde peut dire: Oui, l'État est laïque, ce n'est pas écrit nulle part. Mais on en déduit par la jurisprudence et puis parce que les tribunaux en ont conclu, que l'État est laïque. Mais de quelle laïcité parle-t-on? Déjà, il y a une première divergence. Est-ce que c'est une laïcité inclusive ou est-ce que c'est une laïcité ouverte un peu à tout vent, qui, à notre avis, dénature la notion même et le concept même de laïcité, ce sur quoi on reviendra certainement pendant l'étude article par article? Mais je crois que, dans un premier temps, il faut vraiment qu'on dise à quoi cette laïcité se... sur quoi elle porte, et cette laïcité, c'est celle, donc, bien sûr, de l'État.

Et c'est intéressant parce que ce projet de loi là, lui, s'applique aux usagers et aux usagères... Je dirais plutôt aux usagères. Parce qu'on va y revenir justement, là-dessus. C'est un des problèmes que l'on trouve pour nous, là, dans ce projet de loi parce qu'il s'applique aux usagères de certains services. Alors, on voudrait bien dire de tous les services publics, de tous les services publics. Mais il pourrait y avoir des accommodements, nous dit-on, il pourrait y avoir des exceptions après avoir affirmé ce principe général que les usagères... Parce que des usagers qui portent le niqab ou la burqa, il n'y en a pas, il n'y en a pas, ce qui prouve bien que le burqa, le niqab et d'autres signes religieux sur lesquels on reviendra sont sexistes et discriminatoires pour les femmes, ce qui est scandaleux en quelque part. Mais ça s'applique, ce projet de loi, donc, à un certain type d'usagères pour l'ensemble des services publics, mais avec possibilité d'accommodement.

Très important que les Québécois et les Québécoises, donc, et que nos auditeurs aujourd'hui et nos spectateurs, téléspectateurs comprennent bien de quoi l'on parle exactement. Le besoin de neutralité de l'État au Québec, bien, là aussi, le Conseil du statut de la femme, Mme la Présidente, nous fait un cours d'histoire, un cours d'histoire extrêmement pertinent. Pourquoi le Conseil du statut de la femme -- puis c'est bien dans notre sujet, puisqu'on parle d'usagères de services publics -- fait-il, comme Conseil du statut de la femme, une étude de 161 pages sur la laïcité? Bien, la réponse, le conseil nous la donne, sa réponse, le conseil nous la donne dans son chapitre premier, qui est intitulé Les religions et l'infériorisation des femmes. Ça remonte loin, ça, Mme la Présidente, l'infériorisation de la femme, les religions et l'infériorisation de la femme.

Le conseil nous explique que les religions... On parle essentiellement des trois grandes religions monothéistes, c'est de ça dont le conseil discute, donc des religions nées dans le creuset du patriarcat, ce qui explique que ces grandes religions monothéistes, qui sont nées dans des contextes historiques bien particuliers, bien particuliers... Elles ne sont pas nées en dehors de l'univers, elles sont nées dans un terreau, chacune d'entre elles, d'ailleurs, la religion juive, la religion musulmane, la religion... les religions chrétiennes, disons, les religions chrétiennes... Ensuite, des textes sacrés rédigés par des hommes. Alors, tous ces textes, on n'y pense pas souvent, mais tous ces textes ont été rédigés par des hommes. Comment se fait-il, Mme la Présidente? Comment se fait-il? Bien là, encore une fois, c'est dû au contexte historique dans lequel ces religions, les unes et les... et après les autres sont nées. Et, d'ailleurs, on remarquera que c'est, dans le fond, géographiquement, dans une aire assez concentrée que ces religions monothéistes sont nées. Donc, c'est toute une civilisation qui a porté ces religions-là au moment de leur naissance. Et, ensuite, il y a eu des exégèses, bien évidemment, il y a eu des exégèses de chacune de ces religions-là, et disons que les exégèses ont été particulièrement infériorisantes pour la femme. Il faut comprendre ça si l'on veut comprendre pourquoi les grandes religions, en effet, ont porté une infériorisation des femmes.

Et, ensuite, ce que le conseil nous dit, c'est qu'il y a eu au Québec -- et, là aussi, c'est important de le comprendre -- la dissociation de la religion puis de l'État québécois qui a ouvert la voie à l'égalité entre les sexes et que le Québec s'est modernisé en se laïcisant, qu'avant la Révolution tranquille les choses étaient vraiment très différentes et qu'ici, au Québec, ce n'est pas pour rien, je crois -- et c'est ce que dit le conseil aussi -- que, le droit de vote pour les femmes, si je ne me trompe pas, on a été la dernière province à obtenir ce droit de vote. Disons qu'on peut imaginer qu'il y avait un lien entre, disons, la présence de l'Église, qui, pour l'Église, qui s'y opposait, qui s'y opposait... Et il y a aussi des femmes qui s'y opposaient. Ça, c'est toujours très, très, très étonnant et surprenant, mais il y avait des femmes qui disaient: Non, notre rôle, ce n'est pas celui-là, ce n'est pas d'être l'égal des hommes, donc ce n'est pas de voter.

D'ailleurs, quand il y a eu le droit de vote, il y a beaucoup de femmes, et encore du temps de ma mère, qui disaient: Bien, je ne peux pas annuler le vote de mon mari, hein? Ma mère me disait ça parce qu'elle était plutôt libérale, mon père était plutôt bleu, conservateur. Mais elle disait: Je ne peux quand même pas annuler le vote de ton père. Je lui disais: Tu devrais si c'est ce que tu penses. Ah non! je ne peux pas faire ça. Donc, c'est resté très longtemps dans les mentalités. Mais il y a eu pendant tout le XIXe siècle... Puis on le voit très bien dans l'avis du Conseil du statut de la femme que, jusqu'en 1837, donc jusqu'à la rébellion, les femmes avaient pris un peu plus d'autonomie à bien des égards, et puis, en 1837-1838, quand la rébellion a été annihilée, quand la rébellion a échoué, disons, là il y a eu comme un repli identitaire très, très fort au Québec, très fort. On avait essayé quelque chose de totalement moderne, la responsabilité ministérielle, on avait une vision de l'avenir du Québec qui était très inclusive, qui n'était pas du tout, je dirais, canadienne-française catholique, pas du tout. Et là, en 1840, l'évolution a été comme stoppée, pourrait-on dire, pendant un siècle.

Alors là, je ne veux pas me chicaner avec nos amis historiens qui veulent revisiter la période dite «quote and quote» de la «grande noirceur». Est-ce qu'il y a eu vraiment une «grande noirceur»? En tout cas, moi, je prétends que, pour les femmes, ce n'était pas l'âge d'or, certain, là, je pense que le Moyen Âge était plus avancé que cette période d'un siècle, disons 1840-1960, pour les femmes. Il y a eu des reculs considérables, et c'est là que l'Église a joué ce rôle-là. Et ce n'est pas la condamner que de reconnaître qu'à l'époque ce que l'Église pensait, c'est que les femmes devaient être au foyer et que leur rôle était celui-là, puis il y a des phrases célèbres de Mgr Bourget ou, enfin, de plusieurs ecclésiastiques qui nous expliquaient ça.

**(11 h 50)**

Il y a des femmes qui se sont rebellées. Et, moi, je prétends même qu'il y a des femmes qui sont rentrées au couvent parce qu'elles étaient des femmes fortes et qu'elles ne voulaient pas de ce destin, finalement, auquel on destinait les femmes, disons, sous le... pas dire sous le joug, mais pratiquement, sous la houlette, disons, de l'Église catholique. Alors, il y a des femmes fortes... Parce qu'on en voyait dans nos couvents qui nous ont reçues puis élevées, des femmes qui étaient pour nous des modèles parce qu'elles étaient extrêmement déterminées. Et c'étaient des personnages souvent, l'économe était un personnage particulier.

Donc, on voit que, dans toute cette histoire, les femmes québécoises se sont souvent rebellées, mais il y avait, disons, un courant dominant qui était celui qui faisait en sorte que les femmes étaient infériorisées. Bon. Alors, c'est ce que dit l'avis du Conseil du statut de la femme. Je pense que, là-dessus, c'est irréfutable, et que la modernisation du Québec a été de pair avec sa laïcisation, et que le Québec, c'est l'État et c'est aussi justement quand l'État du Québec est apparu que cette question-là s'est vraiment posée. Parce qu'avant ça il y avait une province qui pouvait être différente des autres, bien évidemment, mais c'est avec la Révolution tranquille, c'est avec l'arrivée de l'équipe de Jean Lesage que l'État du Québec...

On faisait beaucoup de blagues, d'ailleurs, M. Jean Lesage disait... Enfin, on lui faisait dire dans des caricatures: L'État, c'est moi, comme Louis XIV l'avait fait dans son temps. Parce que M. Lesage était très conscient, je dirais, avec raison justement, de cette rupture que le Québec... qu'il n'y avait pas d'État digne de ce nom... s'est donné des instruments et s'est laïcisé. En même temps que, dans l'éducation, c'était justement l'Église ou les prêtres, les religieuses, etc., la même chose, donc, on le sait, dans le secteur de la santé, alors tout ça s'est fait, et je pense qu'il faut saisir, là... Je ne crois pas qu'il y ait une femme au Québec qui n'est pas consciente de l'influence que l'Église a eue sur le rôle de la femme dans notre société. Bon, étant consciente de ça, disons que ça donne une perspective assez particulière sur les questions dont on discute.

Alors, les services publics, ça nous ramène justement à la réalité de la laïcité qui doit s'appliquer à l'État, à la portée de la laïcité qui est celle de l'État et de ses agents. Alors, il me semble, pour toutes ces raisons, Mme la Présidente, que le mot «publics» a sa place dans ce premier alinéa de ce premier paragraphe.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...écoutez, moi, j'ai bien compris les commentaires de ma collègue, qui est passée... qui a fait tout un cours d'histoire très intéressant au niveau de la reconnaissance du droit de vote, si je ne me méprends pas, par un ancien premier ministre libéral qui a fait...

Une voix: ...

M. Auclair: Adélard Godbout, tout à fait. D'ailleurs, on devrait peut-être lui trouver un salon ici, à l'Assemblée nationale, étant donné qu'on en a pour Papineau, pour LaFontaine, pourquoi pas?

Non, mais en revenant à notre texte lui-même, la question que je me pose, c'est que... Et je pense que ma collègue l'a bien dit d'entrée de jeu, au niveau de rajouter le mot «publics», oui, c'est vrai qu'on peut dire qu'on met les bretelles parce que c'est vraiment le cas. Parce que, si on adresse la loi comme telle, on dit quand même que c'est les membres du personnel de l'Administration gouvernementale, ou d'un établissement, ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis, mais on s'attaque surtout à l'Administration gouvernementale.

La seule question que je me demande, c'est... Je ne crois pas, à moins que je me trompe, que des services offerts par l'État... Il n'y a pas de services offerts par l'État qui sont privés, l'État offre des services publics.

Une voix: ...

M. Auclair: Ce n'est pas un service offert par l'État, c'est une entente, c'est une façon de développer. Est-ce que la SAQ est un...

Des voix: ...

M. Auclair: Non, non, mais la question... C'est de là que, moi, je veux faire le débat parce que l'intérêt de voir... Parce que, juridiquement parlant, on ne veut pas parler pour rien dire puis on ne veut pas alourdir nos textes non plus. Donc, moi, je veux juste faire le débat. J'ai bien compris tout le volet... Vous êtes revenue sur tout le discours, la laïcité, pas la laïcité. Ça je comprends ça, je comprends votre point de vue. Mais, moi, c'est surtout sur le volet public, qui m'intéresse beaucoup. Parce que, si on identifie un service de l'État qu'on veut couvrir par ce projet de loi, qui est considéré... qu'on peut considérer comme étant privé, là je trouve que ça peut avoir un intérêt à le mettre.

Mais, au moment où on se parle, j'identifie... je ne suis pas capable de trouver de services de l'État qu'on considère étant privés. Je ne pense pas que... En tout cas, chez nous, on n'a pas l'intention de privatiser des services d'État. La santé ne sera pas privatisée, et autres, et il n'y a pas d'intention de privatiser des services au gouvernement. Donc, ça, c'est très clair. On veut que les gens paient leur juste part, ça, c'est un fait; mais privatiser, non.

En ce qui a trait... Moi, c'est ce que j'aimerais vraiment que ma collègue... pour vraiment qu'on puisse... Parce que je n'aimerais pas qu'on finisse la discussion puis qu'on dise: Bien, un autre amendement refusé. Moi, ce que j'aimerais, c'est que, si on a à refuser, que, vraiment, ça soit sur une base très claire, là, pas juste sur une base d'opinion. Donc, si on a des faits, si ma collègue a des faits sur des... Puis on prendra la pause qu'on a, de toute façon, qui s'en vient pour déterminer si on a des services de l'État qui, dans notre intention de tous, doivent être couverts par ce projet de loi, mais qui sont considérés comme privés. Bien là, on pourra vraiment voir comment on peut intégrer le tout.

Donc, c'est surtout ma question. C'était mon élément que je voulais poser à ma collègue. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont, je ne sais pas si vous souhaitez prendre la pause pour revenir ou si vous souhaitez répondre tout de suite au député de Vimont. Je vous propose soit de suspendre et de revenir après la période de questions sur un débat de fond sur la question soulevée par le député de Vimont... Ça vous va?

Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux et jusqu'à après les affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

 

(Reprise à 15 h 21)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bon après-midi à tous. Le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance ouverte et je demanderais à tous de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils téléphoniques cellulaires, s'il vous plaît.

Au moment de la suspension, à l'heure du dîner, nous en étions à l'amendement de la députée de Rosemont proposant l'ajout du mot «publics». Alors, M. le député de Vimont avait conclu nos travaux par une question. Alors, Mme la députée de Rosemont, je vous cède la parole.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, oui, le député de Vimont voudra peut-être déposer un sous-amendement, auquel on serait, bien sûr, ouverts. Ce que je constate, Mme la Présidente, c'est que ce sont des services publics, mais c'est vrai qu'il peut y avoir des mandataires, comme à la Société de l'assurance automobile du Québec, qui peut confier à un mandataire privé certaines responsabilités touchant à l'immatriculation des véhicules ou aux permis de conduire. Mais ce sont toujours des services publics, ce ne sont pas des services privés. Alors, personnellement, je vais m'en tenir à cette définition de «service public». Mais, si le député de Vimont veut proposer un sous-amendement à notre amendement, on est très ouverts à l'entendre, à l'écouter.

M. Auclair: On va étudier votre élément...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...votre commentaire avec intérêt, mais, si je ne me trompe pas, chère collègue, les mandataires, généralement, sont tenus à respecter les mêmes règles, c'est-à-dire les mêmes applications que la fonction publique. Donc, à ce niveau-là, je reviens avec ma case de départ, que c'est des services publics, ils sont soumis aux mêmes règles, aux mêmes obligations et aux mêmes critères. Donc, moi... Et c'est très sérieux parce que votre élément... Je vous connais assez pour avoir travaillé avec vous depuis quelques années, et votre intégrité sur la question est importante pour moi et sur le fait... de la façon que vous le présentez. Donc, c'est vraiment l'intérêt de dire: Si on passait à côté de quelque chose, ça serait extrêmement pertinent. Si ce n'est que pour mettre des bretelles, là je vois moins l'importance de.

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors, nous, on ne retirera pas notre amendement. Mais, si je comprends bien, Mme la Présidente, il n'y aura pas de sous-amendement pour repréciser notre amendement.

M. Auclair: C'est déjà précis.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Alors, nous, donc, maintenons cet amendement-là pour les raisons qu'on a dites, de clarification, que nous croyons que, quand on parle de services, il faut que ce soit dit et écrit que ce sont donc des services publics. Alors, sur le fond, donc, de... Est-ce que j'avais commencé? Non, hein?

La Présidente (Mme Vallée): En fait, il vous restait trois minutes. Alors là, maintenant, il vous en reste 30 secondes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! bien, je conclus en disant que cet amendement-là, donc, est toujours sur la table, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet d'amendement? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Je prends la suite de ma collègue de Rosemont pour signifier qu'il ne s'agit pas ici de services Web, par exemple. Un service public, du moins à ma connaissance, c'est un service organisé dans une intention d'intérêt général et assurer... C'est dans le dessein de remplir une mission générale ou une prestation particulière qui est due par l'État, et ce, à tous les citoyens, qu'on peut, par conséquent, appeler usagers. Cette notion -- sur une base juridique, la ministre peut me reprendre -- désigne l'ensemble des activités exercées pour le compte de l'État, de la puissance publique, donc, dans le but de satisfaire une demande sociale considérée comme devant être disponible, et ce, pour tous.

Et la question des services publics -- c'est pourquoi nous sommes sensibles à l'épithète ou au qualificatif -- représente un enjeu politique à partir du moment où les facteurs de dérogation, à l'instar des accommodements religieux, rentrent en ligne de compte parce que les accommodements religieux ne rentrent pas dans la catégorie de l'intérêt public ou de l'intérêt général. Au contraire, c'est une question, c'est un facteur divisif, un facteur générateur de crises, on l'a vécu depuis 2006 au Québec. Et ces crises sont récurrentes, fondées ou non, parce que certains font, bien entendu, à l'aune de leur connaissance du droit, la distinction entre ce qui est un accommodement au sens religieux ou ce qui apparaît comme tel.

La nuance est faite, mais, force est de constater que, dans la population, ces pratiques, à partir du moment où elles sont en lien avec la puissance publique, avec l'État, posent problème. Et je n'utilisais pas innocemment le terme «dérogation» au début de mon propos, à dessein, et je reviens là-dessus pour signifier que tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à de la discrimination, qu'elle soit positive ou non, à de la faveur, pour revenir sur un autre terme qui nous a posé quelques problèmes la dernière fois, il y a toujours un effet négatif auprès de la majorité, une majorité qui, justement, est en phase avec la sécularité et qui est en phase avec la notion de séparation du religieux de l'État depuis des générations déjà. C'est évident, c'est établi pour, disons, la majorité de la population au Québec, mais ce n'est pas le cas pour certains groupes. Je ne dirai pas l'ensemble des groupes, mais, au sein de ces groupes, des groupuscules fondamentalistes religieux qui prennent en otage leur propre communauté d'appartenance pour exiger telle ou telle dérogation ou accommodement quand ce dernier ou cette dernière se retrouve devant une entité de l'État afin d'obtenir un service.

Le consensus au Québec est à l'effet que, depuis des lustres, le carcan religieux, on l'a éloigné de la sphère publique, de la sphère civique, et il est incompréhensible pour la très grande majorité de la population de voir que d'autres sous d'autres obédiences religieuses arrivent néanmoins à obtenir des dérogations qui leur permettent, disons, de s'affirmer sans se délester de leur apparat religieux ou de leur conception religieuse. Ça crée quoi? Ça crée ce que nous ne souhaitions pas au moment où nous sommes engagés dans cet exercice, c'est-à-dire les crises, les tensions interculturelles.

**(15 h 30)**

Et c'est à cet effet, d'ailleurs, que la commission Bouchard-Taylor a été mise sur pied. L'espoir, le grand espoir fondé sur cette commission était de voir ses recommandations prises en compte, notamment dans le but de mettre sur pied, disons, une commission qui aurait généré un livre blanc sur la laïcité. Aujourd'hui, nous sommes face à cet avis du Conseil du statut de la femme, qui, d'ailleurs, légitimement, affirme avoir fait l'exercice qui revenait de droit au gouvernement, exercice qui n'a pas été fait, et ce même conseil dit -- et je vais retrouver une citation -- ce même conseil dit que «le Québec doit achever le processus de laïcisation amorcé il y a plusieurs années et tenir une commission parlementaire chargée de faire le point sur la laïcité». Et à sa présidente de surenchérir, je la cite: «La laïcité ne naît pas naturellement au sein d'un État, elle se bâtit. C'est un choix que le Québec doit faire. Il ne s'agit pas de reléguer la religion dans la sphère privée, mais plutôt d'afficher la laïcité des institutions publiques.» Fin de la citation.

Ce à quoi nous faisons face depuis le début de l'exercice, c'est, en fait, sans prêter d'intention, une posture qui trahit un devoir, disons, inachevé. Le projet de loi, à l'instar de ce qui a été dit et entendu dans cette commission par toutes les personnes ou la quasi-totalité des personnes qui sont venues témoigner, il n'allait pas assez loin. Et beaucoup ont souligné certains aspects flous, certains aspects qui manquaient de clarté, et l'amendement que nous proposons est un amendement encore une fois... Depuis le début que nous déposons des amendements, nous ne cessons de le répéter, c'est un amendement qui vient clarifier qu'il s'agit bien de services publics parce qu'il convient de les nommer ainsi quand il s'agit des services procurés, donnés, offerts par l'État.

Et j'attirerais l'attention de mes collègues du parti ministériel sur l'enjeu. L'enjeu n'est pas de sortir victorieux de l'exercice que nous avons entrepris parce qu'on a tenu notre bout, on n'a laissé passer aucun amendement. L'enjeu, pour notre part, non plus, ce n'est pas de danser la danse du diable parce qu'on a réussi à placer l'ensemble de nos amendements. L'enjeu, non, l'enjeu, il est beaucoup plus grand que ce que nous avons sous les yeux à titre de projet de loi. L'enjeu est plus grand que nous, l'enjeu est l'avenir même du Québec dans sa diversité. L'enjeu est l'avenir des relations que la diversité culturelle, la religion incluse, va devenir si on n'amène pas le remède qui a manqué à des pays comme la France, le remède qui a manqué à des pays comme la Grande-Bretagne, le remède qui a manqué à des pays comme les Pays-Bas, le remède que certains de nos collègues parlementaires belges nous ont suggéré d'utiliser au plus sacrant parce que, chez eux, il était trop tard, chez nous il était encore temps pour empêcher, pour anticiper des crises et des conflits qui font énormément de dommages.

Pas nécessairement à la majorité, mais surtout à ceux, comme moi, qui viennent d'ailleurs et qui se retrouvent, malgré eux, marginalisés dans des conceptions d'intégration qui relèvent de la fiction et qui les mettent dans des impasses qui provoquent notamment du rejet, de la solitude, du chômage, des crises au sein des familles, des divorces, des enfants qui ne développent aucun sentiment de fierté à l'endroit de leurs parents parce que ces derniers sont marginalisés, stigmatisés, parce qu'ils ne sont pas des modèles d'identification, des modèles de référence qui inspirent la fierté, l'isolement, sans compter les répercussions dans le système de santé parce que la plupart de ces gens qui se retrouvent en marge sont des êtres humains qui ont une sensibilité, qui ont des sentiments, qui peuvent, à l'instar de tout être humain, développer des déprimes, des dépressions, voire des problèmes de santé mentale.

Cet exercice est plus grand que nous. Aussi, avec humilité, j'eus été à la place de la ministre, je ferais preuve de sagesse, je retirerais ce projet de loi, je prendrais le temps d'entendre les représentantes du Conseil du statut de la femme pour éventuellement changer le fusil d'épaule et poser un vrai geste, un geste constructif, porteur et durable au nom de l'harmonie, au nom de la paix sociale, au nom de l'avenir de ces enfants qui, potentiellement, demain, vont se retrouver en marge de la société comme leurs parents.

Ce ne sont pas que des mots, Mme la Présidente. Je suis très souvent sur le terrain, la ministre peut en témoigner. J'échange avec des gens venus de partout ailleurs, comme elle le fait aussi. Mais ces derniers me parlent comme un des leurs parce qu'ils savent d'où je viens, et ce qu'ils me disent n'est probablement pas exactement ce qu'ils disent à la ministre. Il y a trop de souffrance, et je ne pense pas que l'approche teintée de flou artistique -- sans faire de procès -- qu'on remarque à travers ce projet de loi est une réponse adéquate, et tout cela, pour m'appuyer sur cet amendement, encore une fois, qui va probablement être rejeté, cet amendement qui n'est qu'un effort de contribution pour la clarté de l'exercice. C'est fait. Pour l'instant, je m'arrête là.

La Présidente (Mme Vallée): Je prendrais... Je sais qu'exceptionnellement, là... Vos interventions soulèvent une question, et je ne sais pas... Pendant que vous parliez, vous interveniez sur l'amendement, j'ai tourné la page pour regarder le texte de loi puis j'essayais de comprendre la distinction entre l'article 2, que nous n'avons pas encore eu la chance d'étudier, et le projet d'amendement soulevé par Mme la députée de Rosemont. Alors, je ne sais pas, peut-être que ça pourrait être intéressant de vous entendre sur cette question, peut-être que ça permettrait de nous éclairer, de notre côté.

M. Kotto: Je n'ai pas compris votre incompréhension.

**(15 h 40)**

La Présidente (Mme Vallée): C'est que je tournais... et, à l'article 2 du projet de loi, que nous n'avons pas encore étudié, je comprends, on définit l'Administration gouvernementale. Alors, quelle est la distinction entre l'amendement proposé par Mme la députée de Rosemont, qui prévoit qu'il s'agit des services gouvernementaux, et les précisions ou l'énumération apportées à l'article 2?

M. Kotto: Non, mais c'est ça. O.K. J'ai saisi. C'est une question de précision. Tout ce qui est donné comme service par des institutions gouvernementales est qualifié public. Du moins, c'est ce que j'ai appris à l'école. Donc, je ne sais pas s'il y a des dispositions juridiques qui empêchent de les nommer ou de les qualifier, c'est la question. Mais ça se précise. Dans toute la francophonie, c'est désigné comme tel. Je ne sais pas si le Québec fait exception, mais l'amendement qu'apportait ma collègue était fondé en ce sens.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la proposition d'amendement de Mme la députée de Rosemont? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous écoute.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, l'amendement que ma collègue a déposé à l'effet d'ajouter le mot «publics» après le mot «services», pour faire suite à l'interrogation que vous venez de nous communiquer en lien avec l'article 2, eh bien la volonté de ma collègue, c'est pour venir vraiment, et comme l'a mentionné le député de Vimont, pour venir s'assurer que ce qu'on veut dire, c'est vraiment les services publics, les services de l'État en tant que tels sont des services publics. Alors, c'est vraiment venir s'assurer de baliser l'ensemble des services.

Et, d'ailleurs, ce qui est intéressant dans cette modification proposée par ma collègue, eh bien c'est de lire justement l'avis du Conseil du statut de la femme que nous avons eu hier et qui vient nous donner les arguments du pourquoi faire cela. Alors, pourquoi faire cela? Eh bien, c'est comme le répond en page... À partir de la page 92, dans le chapitre 4.2.1, qui vient parler des agentes et agents de l'État qui devraient refléter la neutralité, alors ce que vient dire le texte de l'avis du Conseil du statut de la femme, c'est de faire en sorte qu'une personne raisonnable peut croire... Je lis au texte, là: «Cela fait en sorte qu'une personne raisonnable peut croire -- donc, on parle de quelqu'un qui reçoit des services -- que l'État n'est pas neutre, que l'État et le religieux sont associés ou paraissent associés. Pour cette raison, nous croyons que les représentantes et les représentants de l'État devraient faire preuve de réserve dans le cadre de leur travail.»

Et là on va aller plus loin, on dit: «Nous précisons tout de suite que notre recommandation ne peut être considérée comme minant l'objectif d'intégration des nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants dans la société d'accueil, leur fermant les portes de la fonction publique, une position soutenue par certaines personnes.» Et, on l'a vu, les réactions sont souvent en ce sens-là, on a eu des représentations ici. Le Conseil du statut nous dit: «Cet argument est fallacieux puisqu'il suppose d'abord que les personnes immigrantes sont croyantes et pratiquantes à un point tel qu'elles souhaiteraient manifester leur foi durant le travail. Or, cela n'est documenté nulle part, au contraire. La commission des droits a réalisé une étude qui dément cette croyance. Le travail d'intégration des immigrantes et immigrants au sein de la société d'accueil passe par d'autres types de mesures comme l'éducation des employeuses et employeurs à la diversité, la reconnaissance des diplômes étrangers...»

Beaucoup d'événements sont venus s'inscrire dans cette démarche qui vient encadrer ce qu'on appelle de plus en plus l'obligation de réserve. Et c'est très documenté, il y a même eu des jugements là-dessus, Mme la Présidente, dont un premier jugement qui s'appelle, en 1987, l'Affaire SEFPO -- je vais le dire comme il faut, S-E-F-P-O -- qui était... Dans le fond, c'est SEFPO contre le Procureur général de l'Ontario et qui est venu, en quelque sorte, baliser ce que ça voulait dire, l'obligation de neutralité politique et l'obligation de réserve. Et c'est très intéressant, et on va y revenir, entre autres, lorsqu'on va parler à l'article 4, tout à l'heure, plus loin...

Mais ce qu'il faut retenir de cette partie-là du rapport de la commission, et je le dis ici: «Les conditions d'exercice qui seraient ainsi formulées par la loi en application du principe de laïcité ne seraient pas en dissonance avec d'autres contraintes qui existent déjà pour les personnes désirant occuper divers emplois dans la société. Ainsi, plusieurs fonctions demandent le port d'un uniforme, le port d'un équipement de sécurité, le retrait de bijoux, l'absence de maquillage, le port de vêtements stériles, etc. La plupart des personnalités publiques renoncent à une partie de leur droit à la vie privée. Les juges sont astreints au devoir de réserve afin de préserver l'apparence de justice. Le personnel médical, les policiers de même que de nombreuses travailleuses et nombreux travailleurs accomplissent leurs fonctions la nuit et les jours fériés afin de servir la population.»

Alors, j'espère que, ça, ça sonne des cloches à des gens, là, sur les accommodements religieux en fonction des jours de pratique religieuse, là. C'est de ça qu'on se parle, là. Alors, ça, c'est des gens dans la fonction publique qui donnent un service public. Et, on le sait, le service public, ce n'est pas seulement du lundi au vendredi, de 9 à 5, là. Le service public, ça se donne le samedi puis le dimanche.

Les enseignants et les enseignantes se privent d'une partie de leur liberté -- je continue au texte -- d'expression... Je reprends: «Les enseignantes et enseignants se privent d'une partie de leur liberté d'expression pour remplir leur mission éducative auprès des élèves.» Devoir de réserve, hein, on le sait bien. «Les membres des forces armées, les pompières et pompiers, les ambulancières et ambulanciers, les policières et les policiers mettent quotidiennement leur vie en danger dans le contexte de leur travail.» On parle de service public. Le service public ne doit pas être invoqué avec des motifs religieux pour se soustraire, par exemple, d'horaires de travail. On parle toujours du service public, et ça, c'est des employés de l'État, c'est des agents de l'État qui sont visés par la loi. Alors, pour nous, il est important de venir préciser que le service public que ces gens-là viennent... donnent à l'ensemble de la société... On ne peut pas se passer d'ambulanciers. On ne peut pas se passer d'éducateurs. On ne peut pas se passer des pompiers.

Et, encore là, je vous fais le propos, Mme la Présidente, et je vais vous dire que j'y tiens, et on va y revenir, ça, ça veut dire que les municipalités ne sont pas visées. On se rappellera que la ministre a refusé notre amendement de faire en sorte que les municipalités ne soient pas sous l'égide de la loi. Mais, on le voit bien, ce sont des agents de l'État, ce sont des agents de l'État. Ils sont indirectement des agents de l'État, puisque les municipalités pour lesquelles ils travaillent sont des créatures de l'État. Alors, ça, ça va nous prendre une opinion juridique une bonne journée, là, à savoir est-ce que les municipalités, créatures de l'État, sont indirectement visées par cette loi-là. Ça, je pense que ça va nous prendre un autre tribunal pour éclaircir la situation.

Et le conseil poursuit: «Volontairement, ces personnes renoncent à certains de leurs droits pour exécuter le travail requis par leurs fonctions.» C'est une phrase qui est importante, là, Mme la Présidente, je vous la répète: «Volontairement...» Dans le fond, quand on veut travailler pour l'État, là, ça fait partie de notre contrainte, là, il y a une contrainte qui est de dire: «Volontairement, ces personnes renoncent à certains de leurs droits pour exécuter le travail requis par leurs fonctions. À notre avis, les citoyennes et citoyens qui choisissent de travailler au sein de l'État devraient avoir une obligation de réciprocité envers son caractère laïque et s'engager à refléter sa neutralité.»

C'est très important, ça, Mme la Présidente, parce que ce que ça vient dire, c'est que, lorsqu'on s'engage à travailler pour l'État, quand on se porte volontaire et qu'on accepte une fonction dans la fonction publique, bien ce que ça veut dire, c'est qu'on a des obligations de part et d'autre, autant l'employeur que l'employé, et, comme employé, on doit s'assurer qu'on va refléter le côté neutre de l'État, on va afficher le caractère laïque de l'État.

«Accepte-t-on -- et je reviens au texte -- que les agentes et agents de l'État viennent travailler dans des tenues osées, mais qui ne mettent pas leur sécurité en danger ni ne nuisent à leur capacité à communiquer efficacement?» Ce qui est les deux motifs de l'article 6, Mme la Présidente. Alors, est-ce qu'on accepterait qu'une gardienne de prison vienne travailler en vêtements osés? C'est ça qu'on se pose la question ici, là, c'est exactement ça.

**(15 h 50)**

«Permettrait-on qu'une évaluatrice fasse passer des examens de conduite -- de la SAAQ, on en a parlé ce matin -- vêtue d'une jupe très courte, d'un chemisier translucide, le crâne rasé et tatoué?» Il y a des normes, il y a des critères lorsqu'on est employé de l'État. «La bienséance, l'ordre public -- probablement qu'il y a quelques personnes ici qui trouvent que ça serait une bonne idée, là -- et les bonnes moeurs sont des concepts qui existent déjà. Le respect de la neutralité de l'État doit maintenant être ajouté à la liste des conditions pour occuper un emploi au sein de l'État.»

Alors, c'est très clair. Alors, ce qu'on vient de dire, c'est que le respect de la neutralité, ça doit devenir une condition de l'emploi de l'État. Et je consultais la Loi sur la fonction publique tout à l'heure, et, effectivement, la Loi de la fonction publique prescrit les règles, les règles qu'on a à respecter comme fonctionnaire de l'État. Et, comme fonctionnaire de l'État, on peut participer à des activités politiques, mais on ne peut afficher, on ne peut afficher son parti politique sur le lieu de travail. Alors, il doit en être de même, Mme la Présidente, pour le reste. Alors, quand on parle du service public, ça vient dire... en sorte que, lorsqu'on offre un service de l'État, l'affichage de la neutralité est absolument important. Et, d'ailleurs, le texte se conclut là-dessus en disant: «Nous soulignons aussi que, dans le jugement Huttérites -- qu'on avait parlé, vous vous rappellerez, dans les précédentes séances -- la Cour suprême a reconnu que la pratique d'une croyance religieuse entraînait parfois des inconvénients -- effectivement -- qui pouvaient être assumés par les croyantes et les croyants. Aussi, la cour a statué qu'il n'existe pas de "droit" à détenir un permis de conduire, c'est plutôt un privilège. Le même raisonnement devrait s'appliquer à la possibilité d'assumer un emploi étatique; travailler dans la fonction publique est une possibilité parmi d'autres et non un droit.»

C'est très important, Mme la Présidente. Occuper un emploi dans la fonction publique, c'est effectivement un privilège, et ça vient avec, effectivement, toute une gamme de privilèges. Tout le monde nous le disent, le fait d'avoir un emploi protégé, un emploi avec un fonds de pension, un emploi avec des assurances, c'est un privilège. La réciprocité... On se rappellera, là, qu'on avait auparavant la phrase que de travailler au sein de l'État devrait avoir une obligation de réciprocité envers son caractère laïque et s'engager à refléter sa neutralité.

Alors, lorsqu'on offre un service public, parce que c'est de ça dont on parle, là, Mme la Présidente, alors l'article 1 est très précis là-dessus. Alors, ce que ça dit, l'article 1, c'est: «La présente loi a pour objet -- parce que c'est l'objet de la loi, hein, c'est bien important -- d'établir les conditions -- on aurait voulu un amendement, on ne l'a pas eu -- dans lesquelles un accommodement [pour motif religieux] -- là, on aurait parlé des vraies affaires, Mme la Présidente -- peut être accordé [en réponse à un motif religieux] -- encore là, pour nous, il est important, là, le motif religieux, là, on fait semblant, là, on fait vraiment semblant durant cette commission-là, on ne veut pas parler des vraies affaires -- en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services [publics] -- c'est bien important, ce sont les services qu'on rend aux personnes, alors à qui des services publics -- sont fournis par cette Administration ou cet établissement.»

Alors, l'employé, le fonctionnaire du gouvernement doit absolument avoir cette obligation de réciprocité qui fait en sorte de dire: Lorsque tu obtiens un emploi au gouvernement, eh bien c'est un privilège, un privilège que tu obtiens, un emploi au gouvernement. C'est basé sur tes compétences, c'est basé sur le nombre de postes qu'on a à offrir, c'est basé sur ta capacité à occuper ce poste-là, mais c'est aussi, en échange, sur ta capacité à respecter la neutralité de l'État. Et ça, à mon avis, c'est vraiment fondamental, Mme la Présidente. Alors, il faut que la personne qui s'inscrit dans une démarche et qui vient déposer son curriculum vitae pour avoir un poste au sein du gouvernement du Québec sache tout de suite que, lorsqu'elle va venir travailler pour le gouvernement, qu'elle va offrir des services publics, qu'ils doivent refléter la neutralité de l'État et que le jugement des personnes devant elle ou les exigences des personnes devant elle ne pourront jamais exiger des contraintes religieuses à elle, et elle, elle ne devra jamais exiger des contraintes religieuses aux personnes parce que l'égalité hommes-femmes doit être au-dessus de tout et la neutralité, la représentation de la neutralité de l'État doit aussi être au-dessus de tout. Alors, je m'arrête là-dessus, je pense que mon collègue a... Et je vous reviendrai, je ne sais pas combien de temps il me reste, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Deux-Montagnes, je vais vous... Je vous reviens, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, avec le temps précis. M. le député de Deux-Montagnes, la parole est à vous.

M. Charette: Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci. J'attendais le signal formel. Donc, peut-être, dans un premier temps, revenir sur les interrogations très légitimes de mon collègue de Vimont, mais également les préoccupations exprimées par Mme la Présidente, là, en début d'échange. Le collègue de Vimont se demandait est-ce que l'ajout du mot «publics» avait sa pertinence, est-ce que c'était nécessaire, est-ce qu'on ne ferait qu'ajouter, en quelque sorte, des bretelles pour s'assurer qu'on n'échappe pas le sens premier. Dans les faits, oui, la pertinence elle est établie, elle est véritable, c'est, ni plus ni moins, une expression consacrée que de dire «services publics». C'est un tout, c'est une expression qui est consacrée, qui est reconnue. Et, parfois, les bretelles -- et vous me permettrez la comparaison -- ne sont pas que cosmétiques, elles servent à tenir les culottes, et c'est un petit peu ce qui est le but de cette expression consacrée, c'est-à-dire mettre de la chair autour du mot «services».

Et, ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a très bien illustré, derrière cette notion de services publics, il y a tout un argumentaire qu'on a entendu tout au long des travaux de la commission et qui a été répété par bon nombre d'interlocuteurs et qui, si on se fie aux différents sondages qui ont été publiés au cours de la dernière année, est également partagé par une très large majorité de Québécois, à savoir cet espace, cette fonction publique, ces services publics, eh bien, les Québécoises et les Québécois tiennent, à des proportions assez élevées, que ça se fasse dans un environnement qui soit, oui, laïque, sinon neutre. On a parlé des fonctionnaires tout à l'heure. On a entendu, ici même, en commission, à plusieurs reprises, dire que ces mêmes fonctionnaires n'étaient pas désincarnés. Oui, on parle d'individus, mais ce sont des individus qui ont un rôle de représentation, c'est-à-dire représenter l'État québécois dans le contact qu'il établit avec la population qu'il dessert. Et, ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a dit à juste titre, il y a déjà une série de règles qui s'appliquent à la fonction publique. On parle de règles de conduite, mais on parle également de règles vestimentaires. C'est déjà établi, c'est déjà une exigence, donc il n'y a en rien un précédent en exigeant une règle supplémentaire.

Et ce qui, moi, m'a frappé tout au long des échanges, c'est sans doute cette allusion d'abord faite par les représentants du syndicat de la fonction publique, mais qui a été également reprise par bon nombre d'autres interlocuteurs, à savoir un fonctionnaire, bien qu'il ait une liberté en tant qu'individu, ne peut pas, exactement et précisément, porter, par exemple, un signe qui traduise une allégeance politique quelle qu'elle soit, qu'elle soit à l'image du parti gouvernemental ou à l'image d'une autre formation politique, que ce soit le Parti québécois, l'Action démocratique, peu importe, parce que ce même fonctionnaire a un rôle précis à jouer, c'est-à-dire offrir un service qui, dans toutes les figures de style possibles, doit être neutre, et, oui, ça peut être une exigence au niveau de l'embauche, et, oui, ça peut être exigé en vertu d'un principe fort simple, celui du respect de l'uniforme.

**(16 heures)**

Et je me souviens avoir eu des échanges au niveau est-ce que ça doit s'appliquer à tous les fonctionnaires ou uniquement les fonctionnaires qui sont en contact avec le public -- on l'a entendu, ça aussi, à quelques reprises, tout au long des échanges -- et la réponse, en ce qui concerne l'opposition officielle, demeure la même. On sait fort bien qu'au niveau de la fonction publique il y a ce principe de sécurité d'emploi. Ce principe veut aussi qu'un même fonctionnaire, tout au long de se carrière, puisse occuper différentes fonctions, différents emplois au gré des concours qui sont affichés, au gré des appels de candidatures qui sont publiés. Donc, il y a une sorte de prérequis ou de jurisprudence qui s'établit. Donc, le fonctionnaire ou la fonctionnaire qui occupe un poste x aujourd'hui n'est pas tenu ou rien n'indique que cette même personne occupera ce même poste tout au long de sa carrière. Donc, si on dit: Pour telle ou telle catégorie d'emploi, la neutralité religieuse n'est pas exigée, mais, pour d'autres, oui, si cette personne devait changer d'emploi en cours de carrière, elle pourrait toujours invoquer, en quelque sorte, un privilège ou une certaine jurisprudence. Donc, le principe est simple, il doit s'appliquer à tout le monde, comme on l'exige pour d'autres éléments visuels comme, par exemple, une épinglette à l'effigie d'une formation politique, comme j'ai pu le mentionner un petit peu plus tôt.

Et, indépendamment de cette neutralité religieuse, il y a le principe qui est cher aux yeux d'une majorité de Québécoises et de Québécois, c'est-à-dire le respect de l'uniforme. Ce n'est en rien exagéré ou ambitionner que de dire, au Québec, qu'il y a ce principe qui veut que certains uniformes soient incontournables. On l'a vu dans le cas des policiers, on l'a vu dans le cas des juges. D'ailleurs, la commission Bouchard-Taylor a fait des recommandations très explicites à ce niveau-là. Et c'est même étonnant de voir que le gouvernement, qui n'était nullement obligé, hein, on le comprend, d'adhérer à toutes les recommandations faites par la commission... Mais que celle-ci en particulier n'ait pas eu d'écho favorable, c'est plutôt surprenant parce qu'on parle, oui, de juges, d'agents de la paix, de policiers, policières, mais c'est aussi des gens qui, en premier lieu, représentent l'autorité, représentent l'État dans sa forme la plus établie qui soit. Donc, qu'on ne l'ait pas accepté dans un premier temps à ce niveau-là est déjà surprenant, mais l'actuel projet de loi nous offre une très belle opportunité -- je le pense sincèrement -- de corriger cette erreur qui fut faite au lendemain du dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor. Et, encore une fois, ce ne sont pas que quelques individus qui ont pu illustrer ces recommandations, mais ça a été repris par plusieurs, plusieurs intervenants.

Et, aussi, il y a toute la notion qui m'est particulièrement chère -- et ça aussi, on l'a entendu par plusieurs interlocuteurs, plusieurs interlocutrices -- la notion d'affranchissement, la notion de progression sociale à travers l'emploi. Certaines personnes minoritaires, j'insiste pour le dire, disent: Bon, à travers des contraintes au niveau de l'affichage de signes religieux, on empêcherait certaines personnes d'accéder à la fonction publique, donc d'améliorer leurs conditions de vie, potentiellement s'affranchir. Je pense que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a très, très bien répondu à cette inquiétude-là en citant une partie du rapport, là, du Conseil du statut de la femme. Donc, à mon sens, ce n'est pas une crainte qui doit être retenue.

Moi, j'aime bien évoquer une autre crainte, par contre, et qui, elle, nous a été partagée par des gens qui vivaient eux-mêmes directement cette situation-là, à savoir la pression que peuvent exercer certains leaders religieux au niveau de certaines communautés. Ça, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, il ne faut pas nier cette réalité-là, elle est bien présente, cette réalité, et les pression qu'exercent ces individus-là sont également bien, bien réelles.

Moi, je me souviens clairement... Je ne peux pas vous rappeler son nom, malheureusement, mais je me souviens du témoignage de cette dame qui nous disait: À partir du moment où on n'a pas le droit de porter quelque signe religieux que ce soit, ça permet, ça nous permet de dire à nos leaders religieux, sinon à nos conjoints, oncles, pères, frères, peu importe, ça nous permet de dire: Je n'ai, tout simplement, pas le droit de porter ce que vous exigez de moi. C'est le meilleur argument, à mon sens. On ne pourra pas imposer à ces dames... Parce que, bon, on l'a dit très clairement ce matin, et ce n'est pas un hasard, la réalité veut que ces pressions s'appliquent uniquement sur les femmes, hein? Ça, c'est un fait implacable, c'est une pression qui ne s'applique que sur les femmes. Donc, en interdisant le port de ces signes-là, on leur donne un argument de plus qui, là, est un véritable moyen, une véritable occasion d'affranchissement pour permettre à cette même personne de, oui, développer sa personnalité, oui, exercer toute sa compétence à travers une fonction à même la fonction publique sans qu'il y ait cette contrainte exercée ou imposée par des leaders religieux.

Et autre aspect des témoignages que j'ai retenu et que j'ai noté, c'est que... Et là je ne veux pas confondre, hein, parce que la confusion, pour certains, elle est toute naturelle sans qu'elle soit mal intentionnée, on ne parle pas forcément d'immigrants, mais on peut parler notamment d'immigrants. Et, moi, c'est un discours qui me touche particulièrement parce que la notion d'intégration des immigrants est une notion, là, qui m'est chère, mais je me souviens également avoir entendu à plusieurs reprises des hommes, mais beaucoup de femmes nous arrivant d'ailleurs de dire: On a fait le choix du Québec. C'est un choix volontaire du Québec parce que, dans la conception que nous avons ou que nous avions avant d'arriver au Québec, c'était justement terre de liberté, terre de droits. Donc, ce sont des gens qui, rendus ici, se retrouvent très, très, très surpris de voir que, dans certains cas, les pressions religieuses sont plus fortes au Québec qu'elles ne pouvaient l'être dans leur propre pays d'origine. Et ça, on l'a vu, au Québec on est plus permissif à bien, bien des égards que bon nombre de pays où, pourtant, la pratique religieuse, elle est très présente. Sans me lancer dans quelque énumération que ce soit, c'est une réalité aussi qui est démontrée, ces pays sont nombreux. Les gens qui nous arrivent de ces pays sont tout aussi nombreux, donc des gens qui, en quelque part, peuvent se sentir trompés ou, sinon, déçus du choix qu'ils ont fait.

Lorsqu'on choisit la liberté, lorsqu'on choisit un système de droit et, lorsqu'arrivé au Québec, on se rend compte que la pression religieuse par certains groupes, elle est à ce point forte, on se dit ultimement: Avons-nous fait le bon choix? Et on s'est fait dire par certains qu'ultimement ce même choix était remis en question, ça pouvait être source de regret par certaines personnes. Donc, non, la notion de neutralité de l'État, elle est incontournable, elle est justifiée et elle s'applique à travers un vocable qui est tout aussi légitime, celui de services publics. Donc, l'amendement qui est proposé est, encore une fois, très raisonnable et très certainement légitime dans les circonstances, et j'ai bon espoir que les différents arguments qui ont pu être partagés au cours des dernières minutes par mes collègues avant moi aient pu susciter l'adhésion des collègues du parti gouvernemental.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet d'amendement de Mme la députée de Rosemont? M. le député de Bourget, il vous reste quatre minutes.

**(16 h 10)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Le service que nous concevons public, considérant sa source, il est dans l'intérêt général et il devient autre à partir du moment où il sert un intérêt, disons, par dérogation ou par faveur, pour revenir encore une fois sur cette sémantique. Et ce que cela inspire, c'est une absence d'équité. Ce que cela inspire, c'est une forme de discrimination, et ce n'est pas sans déplaire à une forte proportion de nos concitoyennes et concitoyens qui nous le font savoir à longueur de temps.

Nous avons également la responsabilité, en tant que législateurs, en tant qu'élus, d'être à l'écoute parce que, quand on n'écoute pas, on finit par être déconnecté. Et, quand on est dans cette posture, la sanction, au moment des rendez-vous électoraux, elle se fait sévère. Cela s'est vu en mars 2007, au lendemain de la crise majeure qui entoura justement l'appréciation que la grande majorité de la population se faisait des accommodements.

Et, derrière cela -- et je reviens là-dessus, j'insiste là-dessus, et j'insisterai là-dessus -- il y a des êtres, des gens comme vous et moi qui sont, je dirais, emmurés dans la solitude, qui vivent dans l'incompréhension. Nous avons des consensus au Québec, mais ces consensus ne prévalent pas encore comparativement à ce que leur société d'accueil, quand ils débarquent ici, le Canada, leur envoie comme message. Ces gens, tout comme moi d'ailleurs, qui suis arrivé... Je devrais, d'ailleurs, prendre exemple sur moi. Je suis arrivé il y a un peu plus d'une vingtaine d'années, mais, quand j'arrivais, je venais au Canada, je ne venais pas au Québec. Et, au Canada, on me parlait de cette importance qu'on accordait au multiculturalisme, qui me permettait de rentrer dans cette société via l'insertion, pas via l'intégration. L'insertion sous-entendant le fait que je pouvais m'y inscrire sans remettre en question qui je suis, sans remettre en question mes codes culturels originels, sans faire l'effort de comprendre les codes de la société d'accueil afin de m'y intégrer le plus paisiblement et le plus positivement possible. C'est ça, le gros problème de la très grande majorité des immigrants qui débarquent ici, ils sont pris au piège de cette dualité, ils sont pris au piège de...

La Présidente (Mme Vallée): Votre temps est écoulé.

M. Kotto: Il est écoulé?

La Présidente (Mme Vallée): C'est fort intéressant, M. le député de Bourget, mais votre temps est écoulé.

M. Kotto: Je reviendrai là-dessus plus tard. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, d'autres interventions sur le projet d'amendement? S'il n'y a pas d'autre... Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste un gros cinq minutes.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Bien, pour faire suite à ce que mon collègue dit... Et je dirais que c'est le choix de la personne immigrante, lorsqu'elle arrive dans son nouveau pays d'accueil, de reconnaître les signes de ce que va être sa future vie dans ce pays d'accueil. Et la première chose qu'elle va commencer à recevoir, ce sont des services publics. La première chose qu'on reçoit quand on arrive dans un nouveau pays, ce sont des services publics, des services qui vont venir nous dire quelles sont les règles de vie, quelles sont les règles du vivre-ensemble dans cette nouvelle société d'accueil qui va nous présenter... Et, on le voit bien, on a un beau grand document Canada qui vient nous dire que l'égalité hommes-femmes -- qui vient le dire maintenant, et ça, c'est nouveau -- qui vient dire que l'égalité hommes-femmes est importante. Mais ce n'est pas tout de le dire, il faut la comprendre parce que les codes de référence ne sont pas les mêmes. Le code de référence de l'égalité hommes-femmes québécois, ce n'est pas le même qu'on le voit bien dans plusieurs pays actuellement, entre autres en Afrique du Nord.

Encore hier, à la télévision, on a vu un reportage d'une jeune femme manifestant le fait qu'elle avait été violée en démontrant les signes... qui a été kidnappée sous les yeux de la caméra pour la faire taire. Nos signes de vivre-ensemble ne sont pas les mêmes, notre code de vie n'est pas le même, nous souhaitons... Et ces gens-là, quand ils choisissent le Québec, c'est justement parce que ce qu'ils voient, c'est une société où, justement, ils ont accès, accès à des services où ce ne seront pas les motifs religieux qui vont être invoqués pour donner ou non le service, ce ne seront pas les motifs religieux qui vont être invoqués pour dire s'ils ont droit au service. Et ce service-là et le pourquoi de notre amendement d'ajouter le mot «publics», eh bien, pour nous, ça vient donner tout son sens aux services de l'État parce que l'État donne des services publics.

Alors, Mme la Présidente, je pense qu'il n'y a pas de mots inutiles dans la vie, et cet amendement-là qui est demandé aujourd'hui nous permettrait justement de donner un message clair à ceux qui choisissent notre terre d'accueil, leur dire que les services publics que l'État va leur offrir, ce sont des services publics où la neutralité de l'État est vraiment importante, et c'est cet engagement-là qu'on prend envers ces personnes-là. Alors, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, M. le député de Deux-Montagnes, pour huit minutes.

M. Charette: Merci bien de cette générosité, Mme la Présidente. Donc, oui, je voudrais, tout simplement, compléter encore une fois les propos de mes collègues. Je sens, là, du côté de la partie gouvernementale, une réceptivité certaine à nos propos. Donc, je vais continuer au niveau de l'argumentaire en espérant que, cette fois-ci, les bons mots soient identifiés.

Et je veux revenir sur ce rapport du Conseil du statut de la femme. Et, bon, certains hésitent à parler de hasard dans la vie, mais c'est certainement un bel adon qu'il ait été déposé hier. Pour avoir suivi depuis quelques années les travaux du Conseil du statut de la femme, je sais que ce groupe d'une importance clé, composé de dames de coeur, mais de bonne volonté aussi, ont beaucoup réfléchi sur ces questions au cours des dernières années. Elles ont eu l'occasion à quelques reprises de signifier des points de vue, mais on voit que, dans le temps, dans la durée, cette réflexion-là s'est peaufinée, on voit qu'aujourd'hui ce sont des positions qui sont plus tranchées, le fruit d'une réflexion qui traduit, là, une très, très grande maturité et un bel exercice de leur part.

Et, dans ce même document qui a été publié hier, et ça me permet... Et vous aimez mon intérêt pour les citations, Mme la Présidente, c'est la seule façon pour moi de bien refléter les propos d'un organisme ou d'une personne. On peut lire à la page 92: «Le conseil considère que l'observance d'une neutralité religieuse de la part des agentes et agents de l'État dans l'exercice de leur travail devrait être une conséquence naturelle de l'affirmation de la laïcité de l'État. Dans son avis sur l'égalité, le conseil avait déjà recommandé l'interdiction de tous les signes religieux ostentatoires pour les fonctionnaires.» Donc, cette seule citation reprend essentiellement l'argumentaire présenté au cours des dernières minutes, mais le fait qu'il provienne du principal groupe-conseil relevant du gouvernement du Québec sur la notion d'égalité hommes-femmes lui consacre une importance toute véritable.

On peut dire, bon, des groupes qui se présentent devant nous, dans certains cas, qu'ils ont un biais, qu'ils ont, pour différentes raisons, qu'elles soient idéologiques ou, sinon, de nature organisationnelle, une vision qui traduit leurs propres intérêts. Mais, lorsque nous parlons du Conseil du statut de la femme, nous parlons d'un organisme qui relève du gouvernement du Québec, qui est financé exclusivement par ce dernier et qui, surtout, a pour seul but ce souci d'une égalité réelle et effective entre les hommes et les femmes. Donc, on ne parle pas d'autre intérêt que celui-là. Donc, moi, cette volonté exprimée par le Conseil du statut de la femme, j'en fais le mien également.

Et, dans ce même document, on propose différents amendements, notamment aux chartes, mais on insiste pour dire que, dans les textes de loi, où c'est possible de le faire, les libertés, droits fondamentaux, on doit préciser qu'ils doivent s'exercer dans le respect de la laïcité de l'État, des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. Or, le projet de loi n° 94 nous offre précisément cette possibilité d'affirmer haut et fort ces valeurs qui sont bien celles de la société québécoise. Donc, nous avons une belle occasion de le faire, et, oui, ça passe par une fonction publique et des services publics qui soient neutres.

n(16 h 20)**

Je me souviens aussi avoir entendu des groupes dire qu'ultimement, ultimement, afficher de façon claire une appartenance religieuse peut devenir très, très rapidement un frein à la communication, et on n'a pas besoin de chercher loin pour s'en convaincre. Et je ne veux pas paraître démagogique en le disant, mais la grande majorité des conflits sur cette terre sont de nature religieuse. Donc, lorsqu'on nous dit que des signes religieux peuvent être un frein à la communication, on ne peut pas faire autrement que d'y croire parce que ces signes, ailleurs -- et, heureusement, le Québec en a été épargné jusqu'à maintenant -- ont été sources de conflits.

Et, toujours dans l'esprit de vouloir refléter la position du Conseil du statut de la femme, qui devrait être aussi la nôtre au cours des prochaines minutes, mais aussi au niveau de l'esprit même du projet de loi à l'étude, je vais y aller d'une autre citation, et ce sera la dernière pour le moment: «Nous précisons tout de suite que notre recommandation ne peut être considérée comme minant l'objectif d'intégration des nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants dans la société d'accueil, leur fermant les portes de la fonction publique, une position soutenue par certaines personnes.» Je reprends la citation que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a reprise il y a quelques instants maintenant, mais c'est le coeur, c'est le coeur de l'argument de certains groupes. Et je peux donner l'impression de me répéter parce que je l'ai mentionné tout à l'heure, mais il faut défaire cet argument qui veut que, pour des raisons d'intégration sociale, on se doit de faire fi de toute notion du respect de l'uniforme ou, sinon, d'un code vestimentaire, ou d'un code de conduite.

On l'a mentionné, l'uniforme a ce symbole, mais il a ses fins aussi. Je me souviens d'un débat, il y a quelques années, au niveau de certaines fédérations sportives notamment, est-ce qu'à travers certains sports, que ce soit le taekwondo, soccer ou autres, on devrait permettre le port que ce soit foulard, ou encore kirpan, ou autres, et les fédérations sportives ont reconnu de façon unanime que non parce que, oui, il y a un principe du respect de l'uniforme, mais il y a un principe de sécurité aussi derrière ça. Ce foulard, par exemple, pourrait être accroché et pourrait risquer de blesser la personne qui le porte. Le kirpan, l'image qu'on peut avoir est encore plus simple, pourrait aussi blesser ultimement quelqu'un. Sans dire que ce le soit à travers un geste volontaire, mais c'est le risque. Donc, le respect de l'uniforme, à travers les années, a une justification de symbole, mais peut avoir des raisons pratiques aussi, et ça va de soi pour nos policiers, par exemple, ça va de soi pour nos policiers. Bref, tout fonctionnaire, peu importe la fonction qu'il occupe, peu importe à partir de quel endroit il l'occupe, devrait être tenu à ces mêmes règles là, compte tenu, justement, de la représentation qu'il assure, mais également pour le principe du respect de l'uniforme et, dans certains cas aussi, il faut le considérer, des raisons de sécurité.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention sur le projet d'amendement, je propose qu'on passe au vote sur le projet d'amendement de Mme la députée de Rosemont. Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: Juste un commentaire pour expliquer notre position. Évidemment, le législateur ne parle pas pour rien dire. Alors, s'il rajoute le mot «publics», ça veut dire qu'il y a des services privés de l'Administration gouvernementale. Alors, je ne connais pas de services privés, ça laisserait un doute, et je pense que ça rendrait pas mal de Québécois insécures de penser que l'État fournit des services privés. Auquel cas, si jamais ça existait, des services privés, quels services privés voudrait-on exclure de ce projet de loi? Alors, ça rajouterait de la confusion, et c'est pour ça qu'on ne peut supporter cet amendement.

Et la manière que l'article est édicté est très claire, c'est: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration.»

L'Administration gouvernementale, c'est, par définition, des services publics qu'elle rend. Donc, cet amendement viendrait semer le doute. Il n'y a pas de services privés. Et, si, dans l'abstrait, il y en avait, quels seraient les services privés qui seraient exclus de l'application de la loi? Donc, je pense que l'effet de l'amendement va dans son sens contraire de ce que l'opposition voudrait, je crois bien, faire, c'est-à-dire que, théoriquement, faire en sorte que ça s'applique à tous les services de l'Administration gouvernementale.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste deux minutes.

Mme Poirier: ...ministre. Que fait-on des services offerts par des mandataires de l'État?

Mme Weil: En tant que mandataires, ils sont obligés de suivre les règles de l'appareil gouvernemental.

Mme Poirier: Mais les mandataires de l'État ne sont pas inclus dans ce projet de loi là.

Mme Weil: Bien, tous ceux qui sont au service ou qui fonctionnent pour un organisme gouvernemental seraient soumis à la loi.

Mme Poirier: Mais ce n'est pas spécifié actuellement. C'est un amendement que vous comptez apporter?

Mme Weil: Bien, c'est-à-dire que, ça, c'est en vertu de la loi des mandats. Bon, on pourrait aller chercher...

Mme Poirier: ...on ne spécifie pas, vous m'excuserez, Mme la Présidente...

Mme Weil: Bien, l'Administration gouvernementale, c'est une expression vaste et c'est tous ceux qui fournissent les services pour l'Administration gouvernementale. Et ça inclut, évidemment, les employés à temps plein, à temps partiel, les contractuels, les mandataires, c'est tout le monde. Alors, ce serait peut-être dans la loi sur l'Administration gouvernementale.

Mme Poirier: Alors, je m'excuse, Mme la Présidente, mais, à l'article 2, la ministre vient faire la liste des organismes gouvernementaux pour lesquels la loi va s'appliquer, et les mandataires, entre autres, je pense à ceux de la SAAQ, puisque ça nous rappelle un événement, ne sont pas mentionnés là, et c'est...

La Présidente (Mme Vallée): Mais, si on a la chance de se rendre à l'article 2, probablement que l'intervention pourrait, à ce moment-là, être appropriée, mais je vous rappellerai qu'on est toujours dans le paragraphe un de l'article 1.

Mme Poirier: Alors, justement, Mme la Présidente. Et c'est pour ça que l'introduction du mot «publics», c'était justement pour s'assurer que l'ensemble des services publics offerts par quiconque... Mais, dès que c'est un service public de l'État, il doit être soumis à la loi.

Mme Weil: Ils le sont en vertu de l'article 1, paragraphe un.

Mme Poirier: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Poirier: ...je me rends à l'argument de la ministre. Et, puisque les dires de nos commissions sont enregistrés, s'il arrive un problème, on se rappellera cette déclaration de la ministre.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je procède. Est-ce qu'il y a d'autres interventions avant qu'on procède aux voix, M. le député Vimont, M. le député de Portneuf? Non? Ça va. D'accord. Alors, je propose la mise aux voix.

Mme Beaudoin (Rosemont): Par vote nominal...

La Présidente (Mme Vallée): Par vote nominal, Mme la députée de Rosemont.

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 4 pour, 5 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, de retour à l'étude du paragraphe un, et, Mme la députée de Rosemont, nous vous écoutons.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Alors, Mme la Présidente, un amendement: Le premier alinéa de l'article 1 est modifié par l'ajout, après «par cette Administration», de «gouvernementale».

On peut le déposer?

La Présidente (Mme Vallée): Oui, vous pouvez le déposer. Peut-être en faire... On demanderait de suspendre, le temps de faire des copies et de distribuer l'amendement parce que c'est beaucoup plus simple pour les fins de discussion.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

 

(Reprise à 16 h 31)

La Présidente (Mme Vallée): ...écoutons attentivement.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...Mme la Présidente, justement, en écoutant la ministre, elle a dit elle-même «l'Administration gouvernementale» justement, elle l'a dit elle-même dans sa dernière intervention, lourdement insisté sur l'Administration gouvernementale. Elle n'a pas dit «l'Administration», tout simplement, elle a dit «l'Administration gouvernementale». Alors, c'est important de répéter «l'Administration gouvernementale» pour ne pas qu'on pense, par exemple, Mme la Présidente, que ça puisse être l'administration municipale. Il ne faudrait pas que l'on puisse penser ça. Nous, on va certainement revenir avec cette idée très, très, très importante, à mon point de vue. C'est très important, là, que les municipalités soient éventuellement soumises à ce projet de loi, mais, pour l'instant, ce dont on parle, c'est l'Administration gouvernementale, et je crois qu'il faut que ça soit clair pour ne pas qu'il y ait de confusion par rapport, par exemple, à l'administration municipale. Quand on viendra à l'administration municipale, on dira carrément «les municipalités» ou «l'administration municipale». Voilà.

Mme la Présidente, si vous me permettez, j'aimerais revenir sur ce que la ministre m'a dit tout à l'heure en Chambre pour qu'on s'entende bien, qu'on se comprenne bien. J'ai relu... Parce qu'on passe beaucoup de temps ensemble ici, alors j'ai le temps, tout en écoutant, bien sûr, attentivement mes collègues, j'ai le temps de relire... j'ai eu le temps de relire le verbatim des échanges entre nous tous et la ministre, en particulier avec la présidente du Conseil du statut de la femme quand elle est venue ici au moment des auditions de notre projet de loi, du projet de loi qu'on étudie actuellement. Je voudrais juste vous dire que... préciser la pensée, sans aucun doute, de la ministre pour la compléter par rapport à ce qu'elle a dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale.

Je cite Mme Pelchat, elle dit: «...j'aimerais d'abord [vous] dire -- elle commence comme ça, son témoignage -- que je ressens un profond malaise, dit-elle, face aux propos [...] entendus hier et aujourd'hui en ce qui a trait au projet de loi n° 94. Nous avons l'impression que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet du projet de loi n° 94 et nous en sommes profondément choqués.»

Alors, de quoi s'agit-il, d'après Mme Pelchat? Elle dit: «...le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi qui aurait pour effet d'interdire un seul signe religieux -- ce qui est le cas, dit-elle, dans ce projet de loi, puisqu'il n'y a que l'article 5, 6, là, qui s'adressent au niqab et à la burqa -- c'est-à-dire le niqab [...] porté par des femmes, et permettre tous les autres portés par ces messieurs.» Elle ajoutait, Mme Pelchat: «Cela discriminerait doublement les femmes.»

Alors, je pense que c'est extrêmement important. Mme Pelchat a dit, au nom du Conseil du statut de la femme, que, si le projet de loi restait en l'état et ne touchait qu'une catégorie, je veux dire, les femmes et les femmes, donc, musulmanes qui portent le niqab et la burqa, eh bien que le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi comme ça. Alors, je pense qu'il faut faire attention quand l'on parle de ce que le Conseil du statut de la femme nous disait à propos du projet de loi n° 94. Quand elle dit, par ailleurs, au tout début: «Nous avons l'impression -- de son audition -- que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet...» eh bien c'est justement à propos de la laïcité ouverte. Quand on lit, il faut lire, hein, tout son témoignage, tout le verbatim, là, que j'ai devant moi, qu'elle ne peut pas comprendre, et ce pourquoi elle est choquée -- et c'est le mot qu'elle emploie deux fois pendant son témoignage -- c'est que et le premier ministre et la ministre ont déclaré: Eh bien, oui, c'est le choix du gouvernement que la laïcité ouverte que nous faisons par ce projet de loi là et via ce projet de loi là. Et c'est ce qu'elle dit, «laïcité ouverte» signifiant, dans l'esprit du premier ministre et dans celui de la ministre -- elle ne s'en est jamais cachée, elle l'a dit très franchement -- que ça permet le port de signes religieux dans la fonction publique pour les fonctionnaires, voilà, de signes religieux, que ça permet ça, et c'est ça, la laïcité ouverte, entre autres. Elle doit avoir d'autres attributs, mais, en tout cas, on a beaucoup insisté là-dessus, puis le premier ministre aussi dans la fameuse conférence de presse au moment de la présentation du projet de loi, le premier ministre insistait beaucoup: Oui, c'est un choix que le gouvernement fait, celui de la laïcité ouverte, c'est-à-dire de permettre le port de signes religieux quand on est fonctionnaire.

Et c'est là que le Conseil du statut de la femme, par la voie de sa présidente, en commission parlementaire -- on était peut-être dans l'autre salle à ce moment-là -- dit: «Il ne s'agit pas -- et c'est là qu'elle parle de détournement -- d'un projet de loi pour permettre ou interdire [...] une laïcité ouverte. [...]Il est[...], encore une fois, erroné de prétendre que ce projet de loi statue sur la laïcité au Québec et fait le choix d'une laïcité dite ouverte.» Et c'est ça qu'elle dit qui la choque tellement à la fin de sa présentation.

Alors, je pense qu'il faut faire attention... Je pense, Mme Pelchat est capable de se défendre elle-même, là. Après l'avoir entendue assez souvent, je crois qu'elle est en mesure de se défendre elle-même, mais je crois que c'est quand même important de le dire parce que le conseil avait été, dans un premier temps, visiblement associé -- et ce qu'elle dit -- au projet de loi, mais elle réfute l'interprétation, dans le fond. Ce n'est pas le projet de loi qui lui pose problème, Mme la Présidente, mais c'est l'interprétation immédiate au moment du dépôt, quand le gouvernement a dit, par la voie de plusieurs ministres et du premier ministre: Voilà, ce projet de loi concrétise notre vision de la laïcité qu'est la laïcité ouverte et qui permet le port de signes religieux par les fonctionnaires, sauf dans son article 6, c'est-à-dire ni pour les usagers ni pour les fonctionnaires, ne peuvent-ils donner ou recevoir des services publics, des services publics avec le visage couvert, donc c'est-à-dire niqab ou burqa.

Alors, je pense que je voulais le préciser parce que les échanges, bien évidemment, dans une période de questions, ne permettent pas ça. Et j'ai appris une chose. Comme je le dis souvent, j'ai été ministre avant d'être députée de l'opposition, ce qui est l'inverse en principe... Peut-être que ça arrivera à quelques-uns qui sont ici d'avoir été ministre et puis, ensuite, d'être député de l'opposition, mais c'est deux métiers complètement différents en quelque part, hein, parce que, quand on répond à des questions, ce n'est pas la même chose que de les poser, très franchement, et je vois bien comment la dynamique, dans le fond, à la période de questions se produit.

La Présidente (Mme Vallée): Fort intéressant, mais un petit peu éloigné de l'amendement...

Mme Beaudoin (Rosemont): Non, puisque j'ai voulu quand même repréciser ce qui a été l'objet de notre échange tout à l'heure à l'Assemblée nationale. Alors, je pense -- et c'est vrai, et mon collègue de Deux-Montagnes l'a dit tout à l'heure -- que c'est extrêmement pertinent et extrêmement important que cet avis, qui est un avis qui n'a pas été écrit, là, sur le bord de la table et puis...

M. Auclair: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont, question de règlement?

**(16 h 40)**

M. Auclair: C'est surtout une question de pratique. Parce que, là, on est sur le débat, quand même, sur un amendement, et l'amendement que ma collègue veut présenter est très simple, il fait tout simplement ajouter à la dernière phrase de... On est toujours, dans le fond, à la première phrase de l'article 1, «en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement», tout simplement ajouter «gouvernementale».

Et je pense que la première question qu'elle devrait nous poser à nous, les membres du gouvernement, c'est est-ce qu'on est pour ou contre cet amendement-là. Je pense que ça aurait été le principe de base. Parce que, moi, si vous me posez la question, facilement, si vous voulez clarifier... Et je pense que je pourrais demander à la ministre qu'est-ce qu'elle en pense parce que je pense que c'est important, mais, moi, je ne serais pas contre.

Mme Weil: J'aurais juste une question...

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. J'aurais juste une question pour l'opposition. Si on dit «cette Administration», est-ce que, pour vous, ce n'est pas assez clair et ça pourrait susciter des difficultés d'interprétation si on ne rajoute pas «gouvernementale»? Est-ce qu'il y a une autre administration gouvernementale ou c'est celle-là puis pas une autre? Alors, je veux juste être sûre que ce n'est pas l'Administration gouvernementale. Voulez-vous assurément «cette Administration gouvernementale»? Ça semble sous-entendre qu'il y a une autre administration gouvernementale.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, Mme la Présidente, il y a une autre administration que vous avez refusé, malheureusement, d'assujettir à ce projet de loi. Alors, ce n'est pas l'ensemble de l'Administration ou des administrations qui sont soumises à ce projet de loi, ce n'est que l'Administration gouvernementale. Alors, l'Administration...

Des voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): On n'est pas rendus là encore, on est loin d'être rendus là. Alors, si le député de Vimont me dit qu'il est prêt à voter là-dessus, bien, oui, je vais arrêter mon argumentation s'il dit qu'il est prêt à voter en faveur de cet amendement-là. Comme on est cinq à quatre régulièrement, là ça deviendrait cinq à quatre dans l'autre sens, Mme la Présidente, à moins qu'à ce moment-là vous ne vous absteniez pas. Alors, bon, je pense que c'est important de préciser. Si le député de Vimont me dit: Moi, je suis prêt à voter puis je suis prêt à voter pour, bon, bien, pour, ça...

Une voix: Avec ses collègues.

Mme Beaudoin (Rosemont): Avec vos collègues, bien oui. Moi, je vous remercie, oui. Mais c'est ce que vous me dites, là, Mme la Présidente, donc je m'adresse à vous.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...le vote, puis je n'ai pas aucun problème. Je l'ai dit au micro, je vais le répéter quand le temps du vote va être venu, je n'ai aucun problème. Allons-y, votons, moi, je vote pour, il n'y a pas de problème, je vous donne une victoire sur un plateau.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, est-ce que vous consentez à procéder tout de suite à mettre aux voix l'amendement proposé par Mme la députée de Rosemont?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Allons-y.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Par vote nominal.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Pour.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Pour.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Pour.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Pour.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention. Question de couper le...

La Secrétaire: 8 pour, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, dans la poursuite de l'article 1, alinéa un, il ne reste plus grand mots.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Alors, le premier alinéa de l'article 1 est modifié par l'ajout, après «gouvernementale» de «d'un organisme municipal».

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous demanderais de suspendre pour pouvoir faire des copies de votre amendement et les partager avec nous.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

 

(Reprise à 16 h 48)

La Présidente (Mme Vallée): On va reprendre. Mme la députée de Rosemont, la seule chose qui serait peut-être à préciser... C'est qu'il y a deux «Administration gouvernementale» suite à notre amendement. Je présume que cet amendement-là a peut-être été préparé avant l'adoption de notre... Alors, est-ce que vous voulez revenir là-dessus?

Des voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...est-ce que vous voulez qu'on suspende...

La Présidente (Mme Vallée): Ça serait peut-être une bonne idée de le déposer une fois en bonne et due forme pour éviter, là, de devoir revenir. Alors, on va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

 

(Reprise à 16 h 55)

La Présidente (Mme Vallée): Nous allons reprendre. Mme la députée de Rosemont, nous vous entendons sur votre amendement qui, je comprends, prévoit l'ajout «d'organisme municipal» après le premier ou le deuxième?

Mme Beaudoin (Rosemont): Le premier.

La Présidente (Mme Vallée): Le premier «Administration gouvernementale».

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est ça.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, la parole est à vous.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, en effet, on est incapables, de ce côté-ci, de s'expliquer pourquoi le gouvernement a fait le choix, comme ça a été dit, là, de ne pas assujettir les municipalités à ça. Et je dirais même plus que les municipalités parce qu'on parle d'«organisme municipal», puis un organisme municipal, selon la Loi d'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, où il y a une définition d'«organisme municipal», eh bien, je vous la lis, alors, c'est très large, c'est plus large qu'une simple municipalité. Alors, ça peut être une municipalité, bien sûr, quand on parle d'organisme municipal, une communauté métropolitaine, une régie intermunicipale, une société de transport en commun -- c'est important -- et aussi on ajoute, dans le cadre de cette loi, là, que je cite, l'Administration régionale Kativik.

Deuxièmement: «Tout organisme que la loi déclare mandataire -- justement, on revient à notre propos de tout à l'heure -- ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité.»

Ensuite, toujours dans la définition d'«organisme municipal»: «Tout organisme dont le conseil d'administration est formé d'au moins un élu municipal siégeant à ce titre et dont une municipalité ou une communauté métropolitaine adopte ou approuve le budget ou contribue à plus de la moitié du financement.»

Ou encore: «Une société d'économie mixte constituée conformément à la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal et un organisme analogue constitué conformément à une loi d'intérêt privé, notamment les personnes morales constituées en vertu des chapitres 56, 61 et 69 des lois de 1994, du chapitre 84 des lois de 1995 et du chapitre 47 des lois de 2004.

«Sont assimilés à un organisme municipal, aux fins de la présente loi: un centre local de développement et une conférence régionale des élus visés respectivement par la Loi sur le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation et par la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire.

«Toutefois, l'Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales ne sont pas des organismes municipaux.» Au sens, donc, de la loi.

Donc, nous, la question qu'on se pose depuis le départ -- vous le savez, c'est une de nos préoccupations, là, vraiment profondes -- c'est: Pourquoi ne pas, donc, assujettir les organismes municipaux, un organisme municipal? Ce que l'on souhaite, c'est que cet organisme municipal, défini très largement, comme on vient de le faire... Ça viserait, notre amendement, à leur donner les moyens de se donner certaines balises. Bien sûr qu'on considère, vous le savez très bien, que ce projet de loi est vraiment très, très, très incomplet puis répond à pas grand-chose, là, mais nous pensons que, pour l'améliorer, ne serait-ce que très minimalement, il ne faut pas laisser les organismes municipaux à l'abandon sans leur donner les moyens de pouvoir établir leurs propres modalités d'application de ces balises.

Et, d'ailleurs, on est en bonne compagnie quand on réclame cet ajout, puisqu'il y a plusieurs organismes qui sont venus pendant les auditions, dont le Barreau, qui disait que «la lecture combinée -- bien sûr -- des articles 2 et 3 [...] révèle une volonté de lui donner une très vaste portée quant à son champ d'application. Dans la mesure où cette énumération extensive des institutions et établissements assujettis à la loi a pour effet de consacrer clairement le principe que l'obligation d'accommodement raisonnable s'impose à l'État dans toutes ses ramifications...» Alors, le Barreau disait: Cependant, «sur le plan de la cohérence législative, il est difficile d'expliquer pourquoi les municipalités -- et, nous, on dit les organismes municipaux -- pourtant souvent assimilées à une branche du gouvernement, ne seraient pas visées par le projet de loi alors que des organismes -- ajoutait le Barreau -- infiniment plus décentralisés, telles les garderies en milieu familial...»

n(17 heures)**

Et vous vous souviendrez même que la Fédération des femmes du Québec est venue nous dire que les garderies en milieu familial ne devraient pas être assujetties au projet de loi parce que... Moi, je suis en désaccord avec cette position-là, je pense que, oui, ça doit être le cas, mais la Fédération des femmes est venue dire: C'est le prolongement de la famille que la garderie familiale. Mais, bien sûr, notre réponse à nous et celle du parti ministériel a été de dire: Bien, à partir du moment où il y a des subventions de l'État, où il y a même des conventions collectives, là, maintenant qui s'appliquent, eh bien, oui, ce sont, bien évidemment, des organismes qui doivent être soumis. Mais c'était un paradoxe pour le Barreau de dire: Des organismes aussi décentralisés que les garderies en milieu familial sont assujettis, or les municipalités ne le sont pas, les organismes municipaux ne le sont pas.

Et cette question-là... Moi, ce que je regrette du fait, principalement, que les organismes municipaux, les municipalités ne soient pas assujettis, c'est que c'est le règne de la confusion, c'est qu'on arrive à quelque part dans une municipalité, puis là, bien, c'est correct. Comment comprendre ensuite qu'on arrive dans un cours de francisation puis que, là, ce n'est pas correct d'avoir le visage couvert? En fait, que le niqab et que la burqa, pour parler franchement, puisque c'est de ça dont il s'agit, comme ça a été le cas de cette jeune femme qui suivait des cours de francisation... C'est donc cette confusion, et que les règles, si elles sont claires à un endroit, elles ne sont pas claires à l'autre, ce n'est pas la même chose, alors, bien sûr, on comprend mal et on comprend mal pourquoi, quand on est dans cet état-là, c'est-à-dire qu'on porte le niqab ou la burqa, que l'on puisse, dans une municipalité, recevoir les services publics d'une municipalité, mais que, quand on est dans l'Administration gouvernementale, eh bien que ce n'est pas possible.

Et je pense, moi aussi -- le député de Bourget insiste beaucoup, beaucoup là-dessus -- je pense que se donner des règles claires, c'est extrêmement important. C'est pour ça qu'on pense aussi que l'ensemble du projet de loi, c'est de procéder à l'inverse du bon sens. Le bon sens, c'est de dire: Il y a des règles générales et puis il peut y avoir, à un moment donné, une exception. Mais la règle générale doit s'appliquer, et c'est celle, donc, de la neutralité de l'État, c'est celle de la laïcité, puis qu'une fois que tout le monde aura compris ça, eh bien, ça va faciliter énormément les relations, je dirais, interculturelles, pour prendre le bon terme québécois, et non pas «multiculturalisme» parce que ce n'est pas un terme québécois, ça, c'est un terme canadien. Parce qu'il y a une politique du multiculturalisme qui est insérée dans la charte des droits et libertés canadienne, qui n'a pas été reconnue par le Québec depuis 1982. Ça doit avoir une signification, le fait que ce n'est pas reconnu.

Alors, je pense que, plus les règles sont claires et plus la portée de la loi est large... Elle l'est jusqu'à un certain point, puisqu'il y a tous ces organismes qui sont assujettis. Mais un organisme qui est l'organisme de première instance, de première ligne... Moi, je vis à Montréal, je représente une circonscription de Montréal. Vous le savez très bien, on débarque à Montréal, normalement. Je veux dire, 75 %, 80 % des nouveaux arrivants viennent à Montréal et y restent ou, sinon, disons, dans l'immédiate banlieue. On souhaiterait qu'en Gaspésie, que dans les circonscriptions qui sont en dehors de Montréal, qui sont dans des régions, donc qu'il y ait... Puis tout le monde a toujours été d'accord avec ça au Québec, là, que... tous les gouvernements, mais il n'y en a aucun qui a vraiment réussi à régionaliser l'immigration.

Mais il est certain que ce projet de loi... c'est sûr et certain que les accommodements religieux, ce n'est pas d'abord et que pour les nouveaux arrivants, mais il faut aussi que les nouveaux arrivants connaissent les règles claires. Et, quand on dit que l'État est laïque et que ça a des conséquences, eh bien ils ne comprendront pas, ni ceux qui sont ici depuis 12 générations ni ceux qui sont débarqués hier matin, que le premier organisme avec lequel ils font appel, c'est la municipalité de leur coin pour toutes sortes de services évidents et essentiels pour tout le monde. On le sait très bien, être maire d'une municipalité ou conseiller municipal, il n'y a pas plus près du monde que ça. La première proximité d'un élu, c'est un élu municipal, et ça, ça a une valeur de symbole puis d'exemple, d'exemple puis de symbole. Comment on va expliquer ça, à supposer, ce que je ne souhaite pas, très franchement, que le projet de loi soit adopté tel quel, alors niqab, burqa permis dans les municipalités, et puis niqab, burqa interdits au gouvernement du Québec pour donner ou pour recevoir... Il me semble que c'est raisonnable, là, vraiment, je fais appel à la rationalité derrière tout ça, comment on va expliquer ça?

Moi, en tout cas, dans Rosemont--La Petite-Patrie, à l'arrondissement... Vous savez, Montréal, dans tous ses arrondissements, se diversifie. Montréal, dans tous ses arrondissements, même ceux qu'on a l'habitude de percevoir, à l'est du boulevard Saint-Laurent, comme étant, disons, très francophones de souche, eh bien c'est de moins en moins vrai. À l'est de Pie-IX, chez moi jusqu'à... on va au-delà de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, c'est évident qu'il y a une diversification de la population. Alors, avant de venir me voir, moi, à mon bureau de comté... Moi, ils vont me venir me voir quand ils ont des problèmes, puis des vrais problèmes. Puis, pour moi, la vraie intégration, comme pour vous, bien évidemment, passe par l'emploi. Bien là, ils viennent me voir puis ils me disent: Bien, moi, je viens de Tunisie, je viens du Maroc, je viens d'Algérie, pas capable d'avoir une équivalence de diplôme, je ne suis pas capable -- je suis ingénieur -- de me faire reconnaître mon expérience professionnelle et puis je ne peux pas pratiquer mon métier. Puis, honnêtement, nous disent-ils, je ne le savais pas avant de venir. Bon, ça, ils vont venir nous voir pour des problèmes très, très graves comme ceux-là qui, je dirais, déterminent, dans le fond, leur vie nouvelle avec nous, chez nous.

Mais, pour beaucoup, beaucoup de services, ce n'est pas nous qui sommes responsables. C'est les offices d'habitation municipaux qui sont responsables des logements sociaux, des logements coopératifs, des HLM, etc. Alors, très souvent, quand on arrive ou qu'on est là depuis longtemps et puis qu'on cherche... Vous savez que nos listes sont longues d'attente, en tout cas.

Une voix: 25 000...

Mme Beaudoin (Rosemont): 25 000 à Montréal, c'est beaucoup. Bon. Mais ils vont aller à la municipalité. Parce que, moi, c'est ce que je vais leur dire: Moi, je ne peux pas vous donner de réponse sur des questions de logement, sur des questions de services, donc, de proximité. Et je crois qu'il y a vraiment là une cohérence qu'on devrait avoir à coeur de remplir.

Le Mouvement laïque québécois l'a dit aussi qu'il était très étonné de constater que les municipalités étaient totalement exclues et puis qu'en matière, donc, de libertés religieuses il y aurait différents régimes applicables. Déjà qu'il y a un gouvernement, je dirais, sur lequel on ne peut pas grand-chose, qui est le gouvernement canadien. Alors, eux autres, ils sont dans le multiculturalisme, c'est l'éloge du multiculturalisme, et puis même si, comme vous le savez, là, tout le monde à l'extérieur, disons, de l'Amérique du Nord se pose beaucoup de questions, que ce soit en Allemagne, on l'a dit, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, au Danemark, en France, partout, tout le monde dit l'échec du multiculturalisme, on le constate et on est un peu démunis devant ça.

Moi, je crois que c'est grave de prétendre que le Québec va être à l'abri, lui, de ça, de ces questionnements-là, puis que le Canada aussi. Mais le Canada, en ce qui me concerne, peut faire ce qu'il veut. Mais, moi, ce qui m'importe, c'est le Québec. Et puis déjà que, donc, nous échappe ce que le gouvernement fédéral peut faire dans ses propres champs de compétence... Mais, quand on disait: La proximité de l'élu municipal, du maire d'un arrondissement ou d'une ville est extrême, en quelque sorte, avec le citoyen, quand le citoyen a un problème pratique, le plus pratique, là, qu'on puisse imaginer, eh bien c'est son élu municipal dans son quartier ou son maire qu'il va aller voir. Après ça, ils viennent nous voir. Puis, en dernier recours, j'en parle souvent avec mes collègues du Bloc, c'est sûr que ce n'est pas... Bon, il y a les questions d'immigration qui, souvent, sont traitées, de réfugiés entre autres, par les députés du Bloc ou les députés fédéraux en général, ou les questions, bon, de défense, ou les questions... Il y a toutes sortes de questions qui dépendent du gouvernement canadien, mais on voit très, très bien la séquence, en quelque sorte, entre l'élu municipal, l'élu à l'Assemblée nationale, l'élu fédéral en termes, je dirais, de proximité de services aux citoyens.

Et là je crois qu'il y a vraiment un grave problème, hein? On peut se dire: Tel mot, on l'ajoute, on le retranche, bon, on va en discuter, il y a des bonnes raisons, il y en a des mauvaises. Bon, on peut voir tout ça, on peut voir tout ça ensemble. Mais là qu'échappent à cette loi les municipalités, je vous le dis très franchement, Mme la Présidente, je ne comprends pas et j'espère qu'on va avoir, donc. une vraie réponse. Dans le fond, je comprends, la ministre dit: Bien, moi, je... Elle ne nous répond pas souvent, elle n'intervient pas souvent. Heureusement, le député de Vimont, une fois de temps en temps, nous donne la réplique. Alors, comme ça, ça fait un vrai échange. Mais là j'interpelle vraiment la ministre sur cette question des organismes municipaux.

**(17 h 10)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet d'amendement? M. le député de Bourget? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve? Ah! M. le député de Bourget.

M. Auclair: ...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...un petit commentaire que ma collègue a fait. J'apprécie beaucoup qu'elle apprécie mes interventions. Cependant, j'aimerais aussi rappeler qu'il n'est pas de mise, dans nos interventions et dans nos échanges, que la ministre est obligée de répondre à toutes vos interventions. Et j'aimerais quand même, là-dessus... Parce qu'elle est très à l'écoute, et, quand elle fait ses interventions, elles sont pointues, elles sont à souhait et elles répondent généralement a l'objectif visé, c'est-à-dire, malheureusement, dans bien des cas, vous donner l'opinion ou notre opinion comme quoi il est contraire au vôtre, mais toujours en respect. Et ce n'est pas... pas besoin d'énumérer très longtemps et de partir sur de longs discours de son côté, elle le fait en respect et de façon très brève. Donc, c'est juste pour ça que je veux ramener à l'ordre ce petit point là.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre, vous vouliez intervenir?

Mme Weil: Oui. Oui, je pense que, pour les gens qui nous écoutent, évidemment, moi, je vais répondre aux amendements. Je pense que la vision du gouvernement est très claire sur les points essentiels, puis il y a une divergence de points de vue sur ça. J'ai eu l'occasion... Mais là je vais précisément sur les amendements, je pense que c'est plus utile si je me restreins. Mais, après les commentaires de l'opposition, je peux revenir, évidemment, sur cette question parce que c'est l'amendement qui est proposé par l'opposition, c'est-à-dire d'inclure le palier municipal. J'ai déjà eu l'occasion de me prononcer là-dessus, mais, évidemment, parce que c'est le sujet de l'amendement, c'est vraiment le contenu de l'amendement, j'y reviendrai après les commentaires des membres de l'opposition.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Je ferai la même remarque que la députée de Rosemont tout à l'heure, il est très difficile de s'expliquer pourquoi le gouvernement a fait le choix, comme l'a exprimé la ministre, de ne pas assujettir les municipalités. Quand on se réfère à tout ce qui s'est passé au Québec relativement à la pratique des accommodements de nature religieuse, il est simple de constater que c'étaient les municipalités qui étaient aux premières loges. Il est simple de constater que, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, Hérouxville a été le porte-flambeau de ces dénonciations. Hérouxville a incarné un lieu de crise, même si, factuellement, la population religieuse au sens de l'islam n'y était pas légion. Mais un débat fut soulevé à ce moment-là, et il fut inspiré par une municipalité.

Alors, cet oubli volontaire ou involontaire de la ministre dans son projet de loi est, en fait, un facteur révélateur. Il nous révèle quoi? De un, que les crises récurrentes entourant la pratique des accommodements raisonnables ne sont pas la source nourricière de ce projet de loi; de deux, que le rapport Taylor-Bouchard n'est pas le socle inspirant de ce projet de loi; de trois -- c'est là l'aberration -- que ce projet de loi a été conçu et réalisé pour barrer l'espace civique à Naïma, une jeune femme qui arborait son tissu dans un cégep à Ville Saint-Laurent et qui refusait de l'enlever. Que d'énergie mobilisée, que d'argent dépensé, que de temps égrené. Et nous sommes encore ici pour cela, que de paroles, que d'énergie dépensée pour une seule jeune femme qui, demain, gagnera sa cause à la Cour suprême. Advenant que ce projet de loi soit adopté en l'état, elle gagnera sa cause, faute d'une charte de la laïcité au Québec.

De plus, que de stigmates, que de stigmates pour une religion qui, malgré elle, se retrouve encore sous les feux de la rampe, en l'occurrence l'islam. Stigmatisation, discrimination, racisme, exclusion, marginalisation, voilà ce que... Ce projet de loi, parce qu'il refuse d'aller dans le sens de ce qui doit se faire, c'est-à-dire le débat sur la laïcité, risque d'exacerber ces comportements, ces phénomènes dans la société. Pourquoi ne pas regarder au-delà du niqab de Naïma? Pourquoi ne pas être équitables? Pourquoi ne pas être justes? Pourquoi ne pas être en phase avec nos valeurs fondamentales communes au Québec? Pourquoi ne pas sortir de l'ambiguïté avec courage et honneur? Pourquoi ne pas s'attaquer à l'espace civique à travers lequel on a observé, on a remarqué ces crises, ces tensions, ces difficultés du vivre-ensemble? Aujourd'hui, le spectacle ne se limite pas au Québec. Au Canada, on en parle également. Pourquoi attendre d'être à quelques centimètres du mur pour prendre conscience de l'impératif d'aller à l'essentiel? Pourquoi ne pas faire preuve d'intelligence des finalités?

C'est un aveu qui m'amène à mieux comprendre pourquoi on évite, dans l'article 1, de préciser les choses. On contourne, on effleure, mais on ne va pas au coeur du problème, on refuse de préciser. Mme la Présidente, je m'attendrais de la ministre qu'elle prenne son courage à deux mains le moment venu, parce que, parti comme c'est parti, si la tendance se maintient, le projet de loi va être adopté en l'état, et qu'elle affirme, et qu'elle assume le fait que ce projet de loi a été conçu, en fait, pour encadrer un symbole, le niqab, le port du niqab dans l'espace civique, et que nous sommes très loin de ce que la population québécoise attend de nous, législateurs, relativement à toutes les émanations de conflit, de division, de solitude observées ci et là. Alors là, je comprendrai mieux la démarche.

Mais objectivement, si ce projet de loi est une réponse à toutes ces manifestations antinomiques à la paix sociale, antinomiques à la cohésion sociale, force est de constater que c'est un peu court. On peut faire mieux. On peut faire mieux en commençant par encadrer l'espace civique dans ce niveau de palier gouvernemental où la relation entre le citoyen et l'élu est la plus intime. Dans cette sphère-là, les citoyens interpellent directement les élus. Et, si vous prêtez attention -- et je sais que vous le faites -- il se passe des choses dans certaines municipalités au Québec, pour ne pas les nommer afin de protéger ma collègue de Rosemont qui...

**(17 h 20)**

Une voix: ...

M. Kotto: Non, ce n'est pas Rosemont? Il se passe des phénomènes qui agacent, qui irritent, et, parce que faute d'une charte de la laïcité, parce que faute d'un document de référence clair, on n'en fait qu'à sa tête. La nature a horreur du vide, ça se vérifie également sur ce plan-là.

J'ai, Mme la présidente, personnellement été témoin d'échanges dans une autre municipalité où les citoyens interpellaient des élus qui n'étaient pas armés pour faire face à de telles interpellations, et des interpellations ayant un lien avec la pratique des accommodements. Nous vivons dans une société qui est réelle, elle n'est pas fictive, avec des individus réels avec les bagages qui sont les leurs, des bagages qui, parfois, les exposent à une incompréhension de certains comportements, des comportements qu'ils ne peuvent pas transcender parce qu'ils ne sont pas préparés pour ce faire. Ces concitoyens et concitoyennes sont les membres de la société d'accueil et ils ne comprennent pas certains comportements non seulement de certains fondamentalistes dits de souche, mais aussi des fondamentalistes venus d'ailleurs, d'autres religions. Est-ce que les cris et les appels qui nous ont été lancés depuis quelques années à nous, législateurs, sont insignifiants? Est-ce que ces cris et ces interpellations ne valent rien? Est-ce que les messages de mars 2007 ne valent rien non plus? La question se pose.

Quand cet exercice a été initié, j'étais convaincu que nous allions dans ce sens et nous allions encadrer le problème, traiter le problème à la source, c'est-à-dire dans la proximité interactive entre citoyens de différentes origines. Le problème n'est pas pour s'arrêter demain. L'immigration, notamment, augmente chaque année, et des difficultés d'intégration, vu l'ambiguïté constitutionnelle dans laquelle nous vivons, vont se multiplier. Et, à la décharge de ceux qui viennent d'ailleurs, oui, ils ont raison de dire: On n'est pas au Québec, on est au Canada, c'est sûr. Pourquoi? Parce que nous n'avons pas des instruments pour nous protéger de tout ce qui pourrait être dérive en matière de relations interculturelles, notamment une charte de la laïcité. C'est tellement simple.

Il est peut-être difficile de concevoir que débattre d'une charte de la laïcité sur la place publique aujourd'hui débouche sur des conclusions qui, du jour au lendemain, vont changer la donne. Je le comprends, mais il faut commencer l'exercice, il ne faut pas le repousser. Ce n'est pas en refusant de porter des fruits aux arbres qu'on les fait pousser, c'est en les laissant pousser naturellement. Mais c'est maintenant qu'il faut le faire parce que, demain, il sera trop tard. Et demain, quand la diversité, groupe par groupe, compte tenu du multiculturalisme, se regardera en chiens de faïence, quand, groupe par groupe, les gens se dresseront les uns contre les autres dans la cité, comme cela s'est vu dans les banlieues françaises jusqu'au feu... Vous avez suivi ces épisodes, c'était un point de pic de la difficulté du vivre-ensemble parce que la France a laissé aller les choses, comme nous sommes en train de le faire ici. Il n'est pas trop tard pour nous. Il est impératif pour nous de tenir le vrai débat, celui de la laïcité, et de le tenir en impliquant la sphère municipale parce que c'est à ce niveau-là que l'interaction entre les individus est la plus serrée. Et, si nous ne réussissons pas cela, alors nous servons des desseins qui, pour notre part, nous échappent. Nous, nous avons l'ambition de voir un Québec en phase avec sa diversité, un Québec qui offre un espace de vie harmonieux à toute sa diversité, un Québec qui converge vers les mêmes... avec cette diversité, qui converge vers les mêmes valeurs.

L'intégration, ce n'est pas la désintégration. Et c'est vers la désintégration que nous allons si nous continuons dans cette voie, dans la voie de l'évitement. Et l'évitement, c'est ce que m'inspire la démarche qui ne prend même pas en considération un espace civique fondamental où il se passe de manière récurrente des choses comme celles qu'on a vues depuis 2006 au Québec. Il ne faut pas, de notre point de vue et de celui du Barreau également, soustraire la sphère municipale de ce projet de loi. Sinon, on viendrait confirmer ce que je disais au début de mon propos, le fait que, fondamentalement, si on parlait visière levée, ce projet de loi a été conçu pour Naïma et pour son niqab. Mais il faut avoir le courage de le dire, il faudrait l'assumer. Si ce n'est pas le cas, bien j'aimerais comprendre. Le diagnostic a été fait, le constat a été fait, et, normalement, on aurait dû, à l'instar d'autres nations en Europe, aujourd'hui apporter une réponse adéquate, mais on est loin de ça. Je ne sais pas combien de temps il me reste.

La Présidente (Mme Vallée): Environ trois minutes.

M. Kotto: Trois minutes. Je reviendrai là-dessus. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Sur l'amendement, je rappellerais. M. le député de Deux-Montagnes.

**(17 h 30)**

M. Charette: C'est bien gentil. Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez de poser une question à mon collègue de Vimont? Est-ce que c'est...

La Présidente (Mme Vallée): Si votre question se rapporte à l'amendement. Mais c'est un petit peu étonnant, compte tenu que l'amendement provient de l'opposition.

M. Charette: Non, effectivement. Bien, en fait, je lui pose la question, libre à lui d'y répondre ou pas. Tout à l'heure, il a effectivement accéléré de façon notable nos travaux en acceptant l'amendement que nous lui proposions, puis j'étais tout simplement curieux de savoir si cet amendement-là en particulier lui convenait. Si tel est le cas, on pourrait passer au suivant, là, tout bonnement.

M. Auclair: Écoutez, c'est une question qui est très pertinente, puis j'attends depuis le début qu'on fasse la preuve. Ma collègue de Rosemont en a parlé un tout petit peu, mon collègue, malheureusement, s'est égaré encore dans d'autres aspects, que je respecte toutefois...

La Présidente (Mme Vallée): ...faire attention, conserver... Nos débats se déroulent très bien jusqu'à maintenant, alors je vous demanderais, tout simplement, de conserver le bon déroulement de nos travaux.

M. Kotto: Merci. Merci, Mme la Présidente.

M. Charette: Je lui posais la question. S'il n'est pas encore tout à fait convaincu, si nos collègues de la partie gouvernementale ne le sont pas, je vais prendre d'emblée le 20 minutes qui m'est alloué parce que, oui, en toute franchise, dès le départ, dès le dépôt du projet de loi, j'ai été plutôt surpris, comme mes collègues de l'opposition officielle, de cette omission tout à fait volontaire, ce n'est pas un oubli, mais de cette omission d'impliquer et de rendre applicables les dispositions déjà très légères du projet de loi n° 94 au milieu municipal.

Cette surprise me rappelait en même temps les consultations qui ont eu cours, il y a de cela une année et demie ou à peu près, concernant le projet de loi n° 16, projet de loi n° 16 qui se veut -- on l'a interprété de cette façon-là -- comme l'ancêtre de l'actuel projet de loi n° 94. Et je me souviens fort bien des récriminations des groupes entendus. Ce que ces groupes entendus nous ont répété, et de façon soutenue, c'est que le Québec souffre manifestement d'un manque de balises en ce qui concerne tout le dossier des accommodements raisonnables, et on reprochait au gouvernement, ni plus ni moins, de laisser à chaque organisation le soin d'établir ses propres balises, d'établir ses propres politiques, et on en revient exactement au même constat. Donc, oui, le gouvernement du Québec se propose d'établir un certain nombre de balises au niveau de ce qu'il qualifie d'appareil gouvernemental, au niveau du gouvernement du Québec mais, encore une fois, laisse notamment les municipalités à elles-mêmes au niveau de l'identification de solutions au niveau, notamment, là, des différentes demandes d'accommodement raisonnable qui se font, encore une fois, très, très nombreuses.

Et, si vous me permettez, Mme la Présidente, je vais citer quelques cas qui sont issus du document préparé, là, par la Commission Bouchard-Taylor et qui illustrent de façon assez notable... Et certains de ces cas-là nous rappelleront des souvenirs, mais qui démontrent de façon claire que le milieu municipal n'est pas exempté de récriminations en matière d'accommodements raisonnables. Et ces différents souvenirs, parfois douloureux, nous rappelleront et justifieront certainement qu'on implique le milieu municipal dans le cadre de l'actuel projet de loi.

Si on remonte un petit peu dans le temps, on remonte à la fin des années quatre-vingt -- je veux y aller en rafale, tout simplement rappeler un certain nombre de cas qui avaient fait les manchettes, là, au cours des dernières années -- donc fin des années quatre-vingt, sur le côté d'Outremont, il y a eu tout ce débat concernant les érouvs. Je lis un petit peu, là, bon: «À la suite de demandes formulées par le rabbinat et les membres du Comité de l'érouv de la communauté juive hassidique de la ville d'Outremont, les autorités municipales signaient en 1990 une proclamation permettant l'établissement d'un érouv -- dont l'installation était tolérée depuis 1989...» Donc, ça, c'est une petite introduction, mais ce même cas là a fait l'objet d'un certain nombre de contestations judiciaires, et, donc, je vous rappelle, 1989, et ultimement, 2001, 21 juin 2001, la Cour supérieure accordait aux plaignants juifs orthodoxes le droit d'ériger un érouv sur le territoire de la ville d'Outremont. La ville a décidé de ne pas porter la cause en appel, mais n'empêche qu'il s'est écoulé tout près de 11 ans, période durant laquelle il y a eu plusieurs, plusieurs procédures judiciaires. On devine aisément ce que ça peut représenter comme coûts pour toutes les parties en cause. Donc, un débat juridique, malheureusement, qui s'est étalé sur plus d'une décennie.

Autre exemple qui avait fait les manchettes, celui des souccahs. Toujours sur le côté d'Outremont, en 1998 cette fois, donc «la Cour supérieure du Québec ordonnait à des copropriétaires juifs orthodoxes d'un complexe immobilier d'Outremont de s'abstenir d'ériger des souccahs sur leur balcon. Cette décision a été portée devant la Cour d'appel du Québec.» Et, pour la connaissance et pour l'intérêt de nos auditeurs, auditrices, qu'est-ce qu'un souccah? C'est «une petite cabane de bois ou de toile temporairement érigée entre sept et neuf jours en septembre et en octobre pour célébrer la fête [du] Soukkoth». Et là peut-être que je prononce mal, et vous m'en excuserez, Mme la Présidente.

Donc, début des procédures judiciaires en 1998. Et, si je remonte un petit peu dans le temps toujours, cette histoire s'est terminée, toujours à travers des jugements, en juin 2004, alors que la Cour suprême renversait, à cinq juges contre quatre, l'arrêt de la Cour d'appel du Québec, statuant ainsi en faveur des copropriétaires juifs. Donc, ce sont des mentions qui se retrouvent dans le rapport Bouchard-Taylor, mais qui, encore une fois, démontrent que cette contestation judiciaire s'est étalée sur une longue période de temps, soit six ans. Encore une fois, on devine toutes les énergies qui ont pu y être consacrées.

Autre exemple qui nous rappelle des souvenirs: la prière dans les conseils municipaux. Encore depuis quelques semaines, le débat a refait surface, mais cette question a été soulevée une première fois en 1999, et nous sommes aujourd'hui en 2011. Donc, encore une fois, des débats de procédure, donc poursuites, appels jusqu'en Cour suprême du Canada dans bien des cas et jusqu'à 12 ans de procédures, encore une fois, très dispendieuses et certainement très accaparantes en termes d'énergie.

Autre exemple, le sapin de Noël à l'hôtel de ville de Montréal. «Le 29 novembre 2002, une émission radiophonique révélait qu'en 2001 l'administration Bourque avait renommé "arbre de vie" le sapin de Noël installé sur la place adjacente à l'hôtel de ville de Montréal. En 2002, l'administration Tremblay décidait de ne pas [installer] le sapin, puis révisait sa position en raison des protestations.»

Autre cas qui nous rappelle certainement des souvenirs -- j'y vais rapidement parce que les exemples sont nombreux au cours des dernières années -- la directive du Service de police de la ville de Montréal. «Le 30 octobre 2006, L'heure juste, revue interne mensuelle du Service de police de la ville de Montréal, publiait une "fiche culturelle" proposant à ses policières de faire intervenir leurs collègues masculins lorsqu'elles ont affaire à des hommes de la communauté juive hassidique. Le 15 novembre 2006, un quotidien montréalais[, donc,] publiait un article donnant le contenu exact de cette fiche.» Et pourquoi j'insiste sur cet exemple en particulier? Parce que les corps policiers, dans bien, bien des cas, relèvent justement de nos municipalités, donc s'appliqueraient à l'amendement que nous vous proposons bien humblement aujourd'hui, en cette fin d'après-midi.

Autre exemple, stationnement à Outremont. Donc: «En janvier 2007, le conseil d'arrondissement d'Outremont décidait de prolonger la levée de l'interdiction de stationnement dans certaines rues, lors de certaines fêtes religieuses juives, afin d'accommoder les membres de la communauté hassidique. Le 26 juin 2007 -- donc, de la même année -- un quotidien montréalais révélait que des représentants de deux paroisses catholiques -- cette fois -- d'Outremont avaient fait parvenir au maire de l'arrondissement une lettre demandant la levée de l'interdiction de stationnement aux abords de deux églises pour les offices du dimanche et diverses autres fêtes religieuses.»

**(17 h 40)**

Donc, vous voyez, toujours à travers l'exemple du municipal, c'est rendu qu'il y a une concurrence, en quelque sorte. Des acquis donnés à un groupe en particulier deviennent une occasion de revendication par un autre groupe, et ça peut être un cercle sans fin, en quelque sorte.

Autre exemple, le code de vie d'Hérouxville. Que de souvenirs! Cette histoire remonte à janvier 2007, encore une fois s'applique de plein fouet au milieu municipal.

Autre exemple toujours relaté par le rapport de la commission Bouchard-Taylor, le 9 mars 2007, un quotidien montréalais révélait l'existence d'un différend entre la Fraternité des policiers et des policières et la Direction du Service de police de la ville de Montréal quant aux politiques à adopter face aux minorités ethniques, notamment au niveau de la fouille des femmes voilées.

Bref, les exemples de cette nature sont nombreux, et tous ceux relatés au cours des dernières minutes touchent exclusivement et en propre le milieu municipal. Donc, c'est donc dire qu'à travers le projet de loi n° 94 tel que présenté par le gouvernement, on ne peut, d'aucune, mais d'aucune façon, prétendre régler ce débat qui est néfaste, on l'a dit à maintes reprises, et qui, surtout, perdure dans le temps depuis maintenant plusieurs années. Donc, il est primordial de reconnaître l'amendement qui est proposé, de sorte qu'on puisse donner une portée réelle à ce projet de loi. Et les arguments que nous présentons en ce moment sont ceux présentés par bon nombre de groupes qui se sont présentés devant nous au cours des derniers mois. Et je regardais, il y a quelques instants à peine, il y a le Syndicat de la fonction publique du Québec, un organisme que nous avons nous-mêmes entendu à travers cette commission au cours des dernières semaines, qui vient donner un appui indéfectible à la position défendue hier par le Conseil du statut de la femme. Et pourquoi je reprends cet exemple bien précis? D'une part, il est tout récent, il a été publié il y a quelques instants seulement, mais le Syndicat de la fonction publique du Québec, à travers le grand chapeau de la FTQ, regroupe bon nombre, sinon une grande majorité de syndiqués que l'on retrouve dans les milieux municipaux.

Et je me permettrai de lire le communiqué de presse en question, donc, encore une fois, publié il y a quelques instants. «Le Syndicat de la fonction publique du Québec réitère son appui et endosse la position du Conseil du statut de la femme réclamant la laïcité totale de l'État québécois. Pour la présidente générale du Syndicat de la fonction publique du Québec, [Mme] Lucie Martineau, les règles doivent être limpides afin que les femmes -- et là, du coup, ça vient de disparaître, je vous reviens -- et les hommes travaillant au sein de la fonction publique québécoise puissent s'exécuter sans la présence de signes religieux ostentatoires ou d'accommodements de toutes sortes.

«"Tout comme le Conseil du statut de la femme, nous réclamons une charte de la laïcité afin de proclamer une fois pour toutes la neutralité de l'État. Nous demandons qu'elle s'applique également à celles et à ceux qui reçoivent des services de l'État. Le gouvernement ne doit pas consentir à des groupes de citoyens des accommodements pour des motifs religieux qui briment le droit à l'égalité des sexes", martèle la porte-parole syndicale.

«Le syndicat dénonce le manque de volonté du gouvernement afin d'adopter une charte de la laïcité qui mettrait un terme à l'approche actuelle du cas par cas. "Il faut cesser de répondre positivement aux demandes des bénéficiaires concernant le sexe des agents de l'État qui octroient les services -- parce que pareille situation se retrouve également dans les services municipaux, on le devine bien -- comme ce fut le cas notamment à la Régie de l'assurance maladie et à la Société de l'assurance automobile du Québec", explique Mme Martineau.»

Donc, un communiqué qui vient tout juste d'être diffusé par le principal syndicat qui regroupe justement les différents employés de la fonction publique du Québec. Donc, d'aucune façon, on peut prétendre, encore une fois, vouloir souhaiter le règlement de ce débat qui perdure depuis trop longtemps sans s'adresser aux cas précis du monde municipal. Et les municipalités étant une créature du gouvernement du Québec, les municipalités relevant du gouvernement du Québec, on ne peut, d'aucune façon, justifier l'exclusion de ce pan important de l'appareil administratif et public du Québec, tout simplement.

Bref, voici pour le milieu municipal, mais, en même temps, ça nous rappelle cette difficulté du gouvernement de procéder autrement que par le cas par cas, comme le souligne très bien le Syndicat de la fonction publique du Québec, et c'est ce qui, malheureusement, est venu, au cours des années, empoisonner le débat. Tous les exemples cités du rapport de la commission Bouchard-Taylor l'illustrent admirablement bien, on laisse aux organisations, dont les municipalités, régler au cas par cas les différentes demandes d'accommodement religieux qui leur sont adressées, et souvent dans un cadre qui se veut extrajudiciaire. On l'a vu, lorsqu'on se réfère aux tribunaux, on doit s'attendre à des procédures très, très longues. Les quelques cas que je vous présentais s'échelonnaient, pour certains d'entre eux, sur une période de 10, 12 ans. Donc, c'est très long. Imaginons seulement les frais d'avocat reliés à de pareilles procédures, les énergies consenties pour pareilles procédures.

Donc, bien souvent, les organisations, dont les organismes municipaux, conviennent, tout simplement, de répondre favorablement à la demande qui leur est adressée, faute de moyens, et faute d'énergie, et faute de temps pour s'engager dans un débat qui peut s'échelonner sur plusieurs années. Donc, en ne couvrant pas ce milieu bien important de notre sphère publique, malheureusement on va, de nouveau et pour les prochaines années, encourager le cas par cas, et ces cas par cas finissent toujours par constituer, en quelque sorte, une jurisprudence indirecte. Une municipalité qui a eu écho de tels arrangements chez une municipalité voisine, si une demande semblable d'accommodement lui est formulée, elle sera, de façon toute naturelle, invitée à reconduire cette même entente pour éviter, encore une fois, toute cette procédure judiciaire qui est très, très exigeante. Donc, on vient de façon indirecte... On dit toujours, à travers cette Chambre, qu'on ne peut pas faire indirectement ce que l'on ne peut faire directement, on en revient à cette situation à travers le cas par cas qui est institué ou qui est rendu possible avec le laisser-faire gouvernemental, on crée cette jurisprudence qui, malheureusement, n'aide en rien au niveau de la cohésion sociale que l'on souhaite voir instaurée et reconnue partout au Québec.

Et c'est aussi symptomatique du type de laïcité qui est préconisé par le gouvernement du Québec. On parle de laïcité ouverte. Je vous citais le communiqué de presse du Conseil du statut de la femme déposé hier... non pas du communiqué de presse, mais du rapport lui-même. Mais le communiqué de presse que je viens de vous lire reprend essentiellement le même argument. Donc, on s'en prend à cette laïcité ouverte qui s'illustre très, très bien à travers le laisser-faire, sinon le cas par cas dont le gouvernement a fait la promotion. Mais, ultimement, on reproduit ce cercle toujours vicieux et qui devient extrêmement problématique lorsque vient le temps de reconnaître des valeurs communes.

Mon collègue et ami le député de Bourget reprend souvent, tout comme moi d'ailleurs, ce même discours au niveau de l'intégration de ces gens qui nous arrivent d'ailleurs. On la rend plus difficile, cette intégration, à travers le laisser-faire que l'on reproduit année après année. Et ce qui est malheureux... Et on n'a pas eu l'occasion de le réitérer aujourd'hui, mais ça été fait pendant les consultations ces dernières semaines, mais, pour ajouter à cette confusion déjà bien grande, le fait que le projet de loi soit présenté et défendu par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles n'aide en rien, justement, à bien cerner le débat. Nous parlons de notions proprement juridiques, des concepts qui pourraient être clarifiés à travers une législation bien, bien claire, mais cette indécision, cette confusion, malheureusement, créent dans l'esprit des gens un amalgame qui est bien, bien, bien négatif. On a des municipalités qui, de bonne foi, vont consentir des accommodements. On a un gouvernement qui, pour défendre ses accommodements, met en cause et met en scène la ministre de l'Immigration. Donc, dans la tête de bien des gens, ce débat sans fin, ces problèmes qui sont relatés et souvent mis en épingle, il faut le dire, sont le fruit et sont la responsabilité de cette immigration qui se veut toujours plus nombreuse au Québec. Donc, c'est un amalgame qui est excessivement dangereux, et, malheureusement, on n'aide en rien au débat en laissant aller la situation comme on le fait depuis quelques années.

Donc, cet amendement-ci en particulier a un but bien précis, établir des balises plus claires, donc étendre la portée du projet de loi pour déjà circonscrire le débat. On aura certainement, au fil des prochaines journées, l'occasion de proposer d'autres amendements qui auront ce même objectif d'améliorer le projet de loi, mais, dans l'intervalle, j'invite, naturellement, nos collègues du gouvernement à adopter cet amendement qui fait plein de sens et qui va dans le sens, justement, des récriminations non pas seulement du Conseil du statut de la femme, mais, depuis cet après-midi, également du Syndicat de la fonction publique du Québec.

**(17 h 50)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Alors, Mme la ministre.

Mme Weil: ...quelques commentaires assez alarmistes, surtout du député de Bourget, qui semble penser que le Canada et le Québec sont au bord de la crise sociale. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de regarder une étude très intéressante qui est sortie il y a quelques semaines. C'est en anglais, c'est fait pour tout l'Europe et les États-Unis, le Canada incluant le Québec, ça s'appelle Migrant Integration Policy Index. Le Canada se hisse dans les champions d'intégration des immigrants, et ça inclut le Québec. En particulier, le système scolaire se hisse maintenant au deuxième rang. Il y a juste la Suède qui dépasse le Canada. Alors, peut-être que vous n'avez pas souvent l'occasion de voyager dans votre pays, mais ça inclut le Québec. Et ce qu'ils disent, c'est l'approche interculturelle. D'ailleurs, c'est bien dit. Je vous le dis, c'est intéressant à lire parce que ça, c'est les vraies choses, ça, c'est les vraies choses. Le système d'éducation, c'est très comparable dans toutes les provinces, le système de santé, le système de justice, nos chartes de droits, le respect de l'égalité, une société inclusive.

Et, pour le député de Bourget, je dois vous dire, le Québec vit très bien sa diversité. Le Québec est une société très ouverte et très confiante en son avenir. Moi, je le sens. Moi, je suis partout sur le terrain. Moi, ce que je ressens... Puis j'entends les voix des employeurs de plus en plus aussi, mais aussi les immigrants, mais c'est... Il faut savoir que ce projet de loi touche tous les Québécois. Je pense que vous êtes très pessimiste, très pessimiste par rapport à la réalité qu'on vit. Moi, je suis très optimiste. C'est une société qui, oui, a une approche interculturelle, et je le sens, je le sens beaucoup parce qu'on a toujours eu cette obligation, cette mission de préserver une société francophone, et je pense que c'est ça qui fait la spécificité.

Alors, j'y vais sur autre chose, mais je me permets... parce que, quand j'entends ces propos tellement craintifs, tellement négatifs, où on a l'impression qu'on est quelque part dans un autre monde, au bord de la crise sociale, moi, je ne me reconnais pas là-dedans. Je ne sais pas si mes collègues ici sentent cette crainte que, parce que ce projet de loi, je ne sais pas quoi... soudainement, c'est la désintégration totale de la société québécoise. Je pense que c'est vraiment alarmiste, alarmiste. Ce projet de loi a un objectif très, très précis.

Et le député de Bourget revient toujours sur un cas particulier. Il faut savoir -- et je le sais, j'étais ministre de la Justice -- ça faisait depuis le mois d'octobre que l'opposition, en Chambre, posait des questions sur plusieurs cas qui venaient devant la RAMQ, et il y avait aussi la SAAQ bien avant le cas de Naïma qui... dans les cours de francisation. Donc, de dire que ça se réduit à un cas, c'est carrément faux, hein, je dois le dire, et il y avait cette préoccupation de comment peut-on régler les cas d'accommodement dans l'appareil gouvernemental. C'était vraiment le terrain qui intéressait autant les médias que l'opposition à ce moment-là, et l'intention du gouvernement, c'était d'amener clarté, des balises claires dans le cadre d'accommodements qui sont demandés par des personnes -- ça peut être l'employé de l'État, ça peut être celui qui vient chercher un service -- et tout en respectant la Charte des droits et libertés.

Vous avez évoqué une charte de la laïcité qui, soudainement, viendrait, je ne sais pas, effacer la Charte des droits et libertés. Moi, je tiens à dire que le Québec tient à sa Charte de droits et libertés. Il y a des libertés fondamentales que nous avons, et le Québec d'hier, le Québec d'aujourd'hui et le Québec de demain va toujours respecter les libertés des individus. Et je pense que c'est une valeur fon-da-men-tale, il n'y aura pas de compromis sur les libertés et sur le droit à l'égalité. Il n'y a aura pas de compromis là-dessus, et le projet de loi vient confirmer que cette forme de... la neutralité... les principes fondamentaux, je pense qu'il faut les revoir, de respecter l'égalité entre les hommes et les femmes. La neutralité religieuse de l'État, donc, lorsqu'on demande un accommodement, on doit respecter la neutralité. Mais il faut lire ce que ça veut dire, «neutralité religieuse de l'État», il faut avoir une compréhension profonde de ce que ça veut dire. Et vos confrères du Bloc québécois sont d'accord avec la laïcité qu'ils appellent une laïcité ouverte. Alors, j'imagine que vous avez beaucoup de débats entre vous parce que je vois que vos confrères du Bloc québécois sont d'accord, et vous... J'ai le communiqué de presse où ils s'expriment là-dessus, sur cette laïcité ouverte.

Pourquoi l'appelle-t-on ouverte? Parce que ça reflète notre histoire, ça reflète qui nous sommes, ça reflète nos valeurs, une société tolérante, ouverte à la diversité, une société qui respecte aussi sa Charte des droits et libertés et les nombreuses décisions qui sont venues confirmer le gros bon sens. C'est que, lorsque... Et, d'ailleurs, il y a aussi le tribunal européen qui s'est prononcé aussi il y a quelques jours. C'est que le fait de porter une croix autour de son cou ne vient pas dire que je viens faire une transmission de valeurs religieuses. On a le droit, en vertu de l'expression de la liberté religieuse, de le porter. Ce qui est important -- et c'est ce que nous disons dans ce projet de loi -- c'est que l'employé doit être compétent et donner son service tout en respectant la neutralité. Donc, on parle de prosélytisme, ça veut dire il n'y a pas de transmission de valeurs religieuses.

Moi, je peux vous dire personnellement, lorsque je vois quelqu'un qui porte une croix lorsque je vais chercher un service d'un employé de l'État, je n'ai aucune crainte, aucune crainte du tout que la personne est en train de me transmettre des valeurs religieuses. J'ai tout à fait confiance qu'il est neutre, tout à fait neutre dans sa façon de livrer ses services et je pense qu'il y a là vraiment une incompréhension fondamentale du côté de l'opposition sur cette notion de manifestation et que ça fait partie intégrante de la liberté de religion.

Et, si on veut préserver cette valeur fondamentale... Et savez-vous que, lorsque les immigrants arrivent au Québec, ils signent une déclaration qui confirme les valeurs, et la Charte des droits et libertés est incluse dans ces valeurs? Alors, votre charte de la laïcité ne pourra venir effacer cette Charte de droits et libertés. Vous ne pouvez pas aseptiser tous les environnements, les milieux et l'histoire du Québec pour dire: Cachez-moi ce signe religieux que je ne saurais voir. Vous ne pouvez pas faire ça, ça irait contre des libertés fondamentales. Alors, quand vous venez dire que les Québécois seraient brimés par notre projet de loi, c'est bien le contraire, c'est bien le contraire. Et je sais que vous n'êtes pas tous d'accord entre vous parce que j'ai des discussions avec vos collègues d'un autre palier, et je sais qu'ils sont très en accord avec le projet de loi n° 94.

Et je vous reviens... je reviens avec l'intention du projet de loi n° 94, c'est d'amener des balises claires pour encadrer les demandes d'accommodement. C'était la demande de la population, et le Barreau, la Commission des droits de la personne, ils ont bien compris ça. Que vous vouliez parler de laïcité pure et dure, et fermée, et radicale, bon, vous pouvez... qui va venir dire: Non, là, là, on ne peut plus porter... au nom d'une uniformité, uniformité partout, on ne veut plus voir de croix, on ne peut plus voir de signes religieux parce que, pour nous, ça vient dire que vous faites du prosélytisme, que vous êtes en train de transmettre des valeurs religieuses, ce serait tout à fait inacceptable en vertu de nos... et bien au-delà de la charte, bien au-delà de...

Une voix: ...

Mme Weil: Oui, mais la Fédération des femmes du Québec, aujourd'hui, s'est prononcée, le Barreau est venu se prononcer, d'autres ont... Mais le fondamental, l'important, c'est qu'on puisse refléter notre propre histoire. Et notre histoire, c'est une histoire de laïcité ouverte. L'important, c'est de respecter la neutralité religieuse de l'État. Et l'État est laïque, et il est laïque depuis très, très, très longtemps au Québec.

Une voix: ...

Mme Weil: Non, non. Vous, vous aimez la laïcité forme française, mais allez voir où ils se... leur rang en vertu de cet index, ils ont beaucoup de problèmes à intégrer. L'important... Et je pense qu'il faut revenir parce que c'est surtout par rapport à ces propos sur le Québec et l'intégration, c'est qu'il y a des indicateurs très, très réels qui montrent que le Québec réussit bien dans l'intégration. Il ne faut pas imaginer qu'on est au bord d'une crise sociale ici, au Québec.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, sur ces paroles, Mme la députée de Rosemont, vous souligniez que vous vouliez intervenir, mais, comme on aura la chance de se revoir à 17 h 30 et compte tenu de l'heure, je propose...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): ...à 19 h 30, pardon, je propose de suspendre. Alors, bon appétit, et à tout à l'heure.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 19 h 35)

La Présidente (Mme Vallée): ...s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Alors, suite à notre suspension, nous en étions sur le débat entourant l'amendement présenté par Mme la députée de Rosemont au premier alinéa de l'article 1, et je crois que Mme la députée de Rosemont avait signifié avant la suspension son intérêt d'intervenir.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Pour votre information, il vous reste trois minutes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien, merci. Oui, je voulais un peu répondre à la ministre sur ce qu'elle a dit. On pourra y revenir, bien sûr, tout au long de la soirée, mais prendre ce trois minutes, ce premier trois minutes pour répondre à la ministre. Elle a dit un certain nombre de choses qui ont suscité, évidemment, chez moi une assez forte réaction parce que je ne crois pas que ce soit juste et exact d'interpréter notre position et même, à cet égard, celle du Conseil du statut de la femme en disant qu'on veut éradiquer la religion de quelque façon que ce soit du paysage québécois. Ce qu'on dit et ce que dit le Conseil du statut de la femme aussi, Mme la Présidente, c'est que, l'État étant laïque, on doit d'abord le déclarer, le dire, c'est-à-dire amender la charte québécoise des droits et libertés pour dire que l'État, donc, est laïque, et on doit en tirer une conséquence, que, dans la fonction publique, quand on décide -- et ma collègue d'Hochelaga l'a bien dit -- de devenir fonctionnaire, quand on souhaite devenir fonctionnaire, quand on passe les concours nécessaires pour devenir fonctionnaire, eh bien il y a des droits et devoirs.

Il y en a un devoir qui est le devoir de réserve en matière d'affichage ou de l'expression de ses convictions politiques. Et, donc, ce que dit le Conseil du statut de la femme et ce qu'on dit, nous aussi, c'est qu'on ne devrait pas davantage pouvoir afficher ses convictions religieuses, l'expression de sa foi quand on est fonctionnaire, pas plus que la Loi de la fonction publique permet d'afficher ses opinions politiques. Il y a, dans la Loi de la fonction publique... à l'article 10, il est dit qu'il y a un devoir de réserve qui se concrétise par le fait qu'on ne peut, sur les heures de travail, afficher ses convictions politiques. La moindre des choses, me semble-t-il, c'est de dire que ça doit valoir -- et c'est ce que dit aussi le conseil -- pour les convictions religieuses.

Ce n'est pas abandonner sa foi, ce n'est pas faire en sorte qu'on ne puisse plus croire, mais il y a une différence entre croire, sa conviction, et son expression de sa foi, la même chose pour ses convictions politiques. Quand on devient fonctionnaire, de 9 à 5, politiquement, on est toujours la même personne, que l'on soit souverainiste, fédéraliste, communiste ou que sais-je, mais... On peut même penser chanter L'Internationale dans nos congrès politiques, mais pas quand, de 9 à 5, on est dans l'exercice de ses fonctions. C'est donc ça que l'on veut dire, et je ne voudrais pas que ce soit mal interprété et qu'on dise: Oui, dans le fond, cette position de laïcité que, nous, on appelle inclusive ait comme conséquence ou que ce soit perçu comme voulant éradiquer la religion du paysage québécois. Mais absolument pas, c'est l'État qui est laïque et ses agents et ses représentants qui doivent l'être.

Quant à l'interprétation de l'histoire du Québec... Parce que, souvent, on me sert ça: Oui, mais l'histoire du Québec fait en sorte que... Eh bien, on en reparlera, Mme la Présidente, de l'histoire du Québec, et je suis sûre qu'il y a... Et je la connais assez bien, je crois, l'histoire du Québec pour prétendre qu'il y a une lecture de l'histoire du Québec qui, au contraire, nous mène à cette laïcité inclusive, et non pas à la laïcité ouverte, qui est, je dirais, récusée par nous et par le Conseil du statut de la femme. Merci, Mme la Présidente.

**(19 h 40)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? Alors, M. le député de Bourget, sur l'amendement. Je vous entends.

M. Kotto: Sur l'amendement, en rebondissant sur ce que la ministre disait en m'interpellant tout à l'heure et en se drapant des résultats, disons, encourageants du rapport dont elle a parlé. Rapport fait à l'international, mais, moi, je la ramènerais davantage à un rapport qui est fait sur une base fine par quelqu'un qui fait l'unanimité ici, au Québec, à savoir le Vérificateur général. Et je reprends les propos de Tommy Chouinard dans La Presse du 12 mai 2010: «Le gouvernement [du premier ministre libéral] augmente année après année le nombre d'immigrants admis sans savoir si le Québec est capable d'accueillir et d'intégrer en emploi tous ces nouveaux arrivants. Et son processus de sélection des immigrants comporte d'importantes lacunes. Environ un dossier sur deux contient des erreurs d'évaluation [et] des omissions, révèle le Vérificateur général. Dans un rapport déposé à l'Assemblée nationale hier, Renaud Lachance -- le VG -- souligne que le ministère de l'Immigration "n'utilise pas d'indicateurs socioéconomiques pour cerner la capacité réelle du Québec à accueillir et à intégrer en emploi les nouveaux arrivants". Sans mesure ou évaluation, le gouvernement ne peut donc "s'assurer que la province est capable de supporter les hausses progressives des volumes d'immigration".»

Et je cite également Martin Ouellet, de La Presse Canadienne, qui disait à la même date que «le processus d'intégration des immigrants au Québec comporte de graves lacunes». Il rapportait ce que disait le VG.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Bourget, votre temps est écoulé, il ne vous restait que trois minutes. Je suis désolée. Je vous ai laissé poursuivre sur quelques secondes. Peut-être que votre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve voudra prendre la balle au bond, il lui reste 20 minutes. Je suis désolée.

M. Kotto: O.K. Bien, j'y reviendrai, de toute façon.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Je ne voulais pas présumer que vous vouliez prendre parole, mais bon.

Mme Poirier: Vous avez lu dans mes pensées.

La Présidente (Mme Vallée): La parole est à vous.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, l'amendement que ma collègue a déposé à l'effet de venir introduire «d'un organisme municipal» après «Administration gouvernementale» m'interpelle beaucoup. 7 décembre 2001, la Cour suprême du Canada est venue reconnaître le droit du gouvernement du Québec à statuer sur la compétence municipale. Elle a rejeté l'appel de 13 municipalités de Montréal qui demandaient à ce que le gouvernement du Québec ne puisse décider pour elles de leur existence. En fonction de la Constitution canadienne, tous les gouvernements provinciaux ont le pouvoir de statuer sur les municipalités.

Ma collègue vous a fait la liste au début de son plaidoyer sur qu'est-ce que c'est qu'un organisme municipal. Alors, oui, un organisme municipal, c'est une municipalité, mais c'est beaucoup plus que ça. Un organisme municipal, c'est aussi une communauté métropolitaine, comme celles de Montréal et Québec et celle de l'Outaouais, mais c'est aussi -- d'ailleurs, communautés qui ont été établies à partir de 2002 et 2003 -- les municipalités régionales de comté, qu'on appelle les MRC. Et les MRC ont plusieurs compétences qu'on appelle aussi des services publics, comme les municipalités, par exemple le droit de taxer, le droit d'établir l'impôt foncier. Les municipalités, les MRC ont des services publics, elles aussi, et elles ne sont pas soumises actuellement à la loi, ce qui est, à notre avis, un manquement.

Le Conseil du statut, dans son avis, est venu rappeler que le privilège d'être un fonctionnaire de l'État... était vraiment un privilège, mais aussi a fait la mention de plusieurs postes en tant que tels, et je vous l'ai mentionné tout à l'heure, les ambulanciers, les policiers et qui, dans le cadre de leurs fonctions, un, relèvent de la municipalité ou de la municipalité régionale de comté parce qu'on sait qu'il y a des services ambulanciers qui sont plutôt régionaux, il y a aussi des corps policiers qui sont plus régionaux. Alors, ça veut dire que ces corps policiers là, ces ambulanciers-là, ne sont pas soumis à la loi, malheureusement, malgré le fait que le gouvernement peut les soumettre à la loi, c'est son privilège, en fonction de la Constitution.

Qu'est-ce c'est que ça veut dire? Eh bien, ça veut dire qu'un policier pourrait se présenter avec un turban demain matin à Montréal, refuser de porter l'ensemble du costume, de l'uniforme prévu à son emploi, invoquer ses croyances religieuses et, tout simplement, aller devant, encore, un tribunal. Parce que c'est un tribunal qui va juger son cas. Parce que cet employé, même s'il est un employé d'une municipalité, n'est pas soumis à cette loi, n'est pas protégé par cette loi. Ce que ça veut dire, c'est que les municipalités sont laissées libres à elles-mêmes dans le cadre de l'exercice de cette loi-là.

Ma collègue a parlé du logement social. Bien, les MRC aussi sont les responsables du logement social et sont les gestionnaires pour la Société d'habitation du Québec pour tout ce qui est les HLM, les habitations de loyer modique. Ce sont des services à la population. Les agents de cet organisme-là qui est... L'office municipal d'habitation de chacune des municipalités ou des MRC est en interaction quotidienne avec les citoyens et il n'est pas soumis à la loi. Encore là, des citoyens pourraient demander que ce soit un homme ou une femme qui vienne faire les réparations dans leur propre maison. Imaginez qu'on exige que ce soit une femme qui vienne faire les réparations dans un HLM au Québec ou que ce soit un homme. Ils pourraient le faire en fonction de leurs convictions religieuses. Malheureusement, l'office municipal n'est pas soumis à la loi parce que la municipalité ne l'est pas, parce que la MRC ne l'est pas aussi.

Les centres locaux de développement, nos CLD, qui établissent les plans d'action locaux pour l'emploi et l'économie, ne sont pas soumis par la loi parce qu'ils relèvent des MRC, ils relèvent des municipalités. Encore là, c'est encore un autre pan qui vient de sortir du périmètre de cette loi-là.

Les municipalités, les MRC ont aussi le pouvoir d'avoir des équipements supralocaux. Que ce soient des piscines, des arénas, que ce soient des installations culturelles, ils ont le droit de posséder ces équipements-là. Qu'est-ce qu'on fait avec les petites filles de la piscine de Brossard? Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on fait avec les demandes qui font en sorte de dire qu'il n'y aura que des petites filles qui vont se baigner à telle heure parce que la communauté musulmane ne veut pas qu'il y ait des petits gars en même temps que les petites filles dans la piscine? Est-ce que c'est ça, nos règles au Québec de vivre-ensemble? Est-ce que c'est comme ça qu'on veut vivre ensemble au Québec? Et on laisse la municipalité gérer ce type de problèmes là parce qu'on fait du cas à cas, encore du cas à cas, et, malheureusement, ce sera encore la Commission des droits de la personne qui va régler le cas à cas.

Dans le cadre de l'amendement que l'on vous présente et, surtout, en lien avec les discussions qui ont eu lieu lors de la période de questions tout à l'heure, j'aimerais rappeler un texte de La Presse, de Tommy Chouinard, suite à la parution de la présidente du Conseil du statut de la femme et qui nous fait bien la démonstration, Mme la Présidente, d'un problème d'interprétation entre la ministre et la présidente du Conseil du statut de la femme. Alors, le texte...

La Présidente (Mme Vallée): ...d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est en lien avec l'amendement...

Mme Poirier: Vous pouvez être sûre de ça...

La Présidente (Mme Vallée): ...sur «organisme municipal»?

Mme Poirier: Oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

Mme Poirier: Alors: «Le Conseil du statut de la femme contredit la ministre de la justice, Kathleen Weil...» Ça commence comme ça, ça part bien. Alors, la présidente, Christiane Pelchat...

La Présidente (Mme Vallée): ...si, dans le texte, on utilise le nom de...

Mme Poirier: Ah! excusez, la députée de... Je ne le sais pas.

La Présidente (Mme Vallée): Bien, la ministre, ça va.

**(19 h 50)**

Mme Poirier: La ministre de la Justice.

Une voix: ...

Mme Poirier: Bien, l'ex-ministre de la Justice. Alors, vous voyez comment c'est compliqué, là.

La Présidente (Mme Vallée): La ministre ou la députée...

Mme Poirier: Alors, la ministre ici présente. «Sa présidente, Christiane Pelchat, estime que la Procureur général -- l'ex-Procureur général -- ne peut prétendre que le projet de loi n° 94 règle le débat sur la laïcité de l'État et le port de signes religieux par les fonctionnaires.» Mais, encore là, on ne sait pas de quels fonctionnaires. Parce que les fonctionnaires municipaux sont des fonctionnaires aussi. Ils sont, eux aussi, considérés comme des fonctionnaires. Pas des fonctionnaires d'État, des fonctionnaires municipaux.

Moi, je vais vous dire, Mme la Présidente... Oui, merci. C'est gentil parce que je n'ai plus de voix. On est devant un dilemme ici à l'effet que nous n'avons pas encore eu de la part de la ministre la raison, je dirais... Et je ne peux pas juger de la raison, là, donc je ne veux pas dire de qualificatifs. On n'a pas eu de motif valable pour le moment du pourquoi la ministre ne veut pas soumettre les municipalités, et ça, on aimerait bien l'entendre.

Ne pas soumettre les municipalités, ça veut dire laisser en plan toute une portion de l'application de cette loi-là à la discrétion et la liberté des fonctionnaires des municipalités. On sait qu'au Québec, Mme la Présidente, les municipalités ne sont pas du tout, du tout, du tout pareilles les unes aux autres. Nous avons six grandes municipalités au Québec de plus de 100 000 et nous avons environ 500 villages de moins de 1 000 habitants. Alors, la situation de Natashquan versus la situation de Montréal... Et, moi, je dis toujours: L'arrondissement d'Hochelaga-Maisonneuve est plus grand que la majorité des villes au Québec parce que l'arrondissement chez nous a plus de 100 000, c'est une ville. C'est une ville dans une ville. Et la situation, ma collègue l'a bien dit, la situation de nos fonctionnaires municipaux n'est pas prévue par la loi, n'est pas prévue parce qu'on va les laisser libres à faire ce qu'ils veulent, à interpréter en fonction des décisions de la Commission des droits de la personne.

Alors, notre nouveau tribunal pour juger des comportements des fonctionnaires municipaux ou des citoyens qui souhaitent avoir des services municipaux, c'est dorénavant la Commission des droits de la personne, c'est à ça qu'on s'en remet. Et, à mon avis, on vient oublier ces citoyens-là en leur disant que, finalement, bien, ce n'est pas important, le municipal. Moi, je vais vous dire, c'est très important, le municipal. C'est quoi, les règles dans les parcs? C'est quoi, les règles dans le sport? C'est quoi, les règles qui vont régir les relations entre les personnes? Et, s'il y a un endroit où c'est le plus proche possible, c'est bien ça.

Et je prendrais, par exemple, pour illustrer mon propos, Mme la Présidente, la situation... Mon collègue a parlé du érou... érouv, il y a un v à ce mot-là. Je vous parlerais de la situation du déneigement à Outremont. Alors, vous savez qu'à Outremont on a une communauté ultra orthodoxe importante et... Je vous lis l'article que j'ai devant moi: «...le 12 mars 2011, les résidents de la "zone verte" d'Outremont s'attendaient -- c'est où demeure notre collègue ici -- à ce que l'arrondissement procède au ramassage de la neige durant la journée. Les pancartes d'interdit de stationnement pour le déneigement indiquaient que l'opération se ferait entre 8 heures et 17 heures sur les rues Champagneur, Bloomfield, de l'Épée, Querbes, et Durocher, et sur d'autres rues encore. [...]Mais la journée a passé, et personne n'a vu l'ombre d'une souffleuse. Le samedi soir, à 21 h 53, les bancs de neige n'avaient toujours pas bougé. Les pancartes de déneigement ont-elles été placées pour faire semblant que l'opération se ferait samedi, en dépit du sabbat?

«Chose certaine, le dimanche matin, les cloches [des églises] du quartier semblaient drôlement grippées. Dès 7 h 15, le ding, dong des cloches de bronze ont cédé le pas au pin-pon, pin-pon agressif des remorqueuses qui menaçaient de remorquer les voitures des citoyens qui auraient eu la très mauvaise idée de faire la grasse matinée. Il était 6 h 15 à l'horloge biologique des citoyens qui avaient avancé l'heure durant la nuit. Ils ont été tout bonnement jetés en bas [de leur] lit. Le sabbat est terminé? Tout le monde debout! Et que ça saute. Et vous repasserez pour le règlement qui interdit le bruit le dimanche.»

Ça, c'est de la compétence municipale. Le déneigement des rues, c'est municipal, et on ne déneige pas parce qu'il y en a qui font le sabbat. Ça se passe comme ça à Montréal. Ça se passe comme ça, et, quand on voit... Et mon collègue en a parlé tout à l'heure, on se rappellera la directive municipale adressée à ses policiers de comment s'adresser et de laisser faire la policière, la policière ne s'adresse pas aux gens d'une communauté religieuse, mais que c'est le policier masculin qui peut s'y adresser. C'est de la compétence municipale, et ça, ça ne s'appelle surtout pas de l'égalité hommes-femmes. Alors, si le projet de loi ne s'applique pas à l'ensemble de la fonction publique, incluant le municipal, on vient d'en oublier tout un pan. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste environ six minutes.

Mme Poirier: Excellent. Alors, Mme la Présidente, l'amendement que nous vous avons déposé est, à notre avis, important, et je prendrais aussi... et je prendrai à témoin le cas de Boisbriand. L'arrivée de 400 porcs inquiète à Boisbriand. Alors, imaginez qu'une entreprise de haute technologie avait l'intention d'installer un laboratoire de biotechnologie et de faire en sorte... Parce que cette entreprise teste des implants cardiaques sur les cochons. Malheur à eux, ils ont décidé d'installer leur nouveau laboratoire à côté d'une communauté juive orthodoxe Kiryas Tash où la viande de porc est bannie. Alors, tout un débat, tout un débat, Mme la Présidente, parce que ces gens-là ne peuvent pas subir le fait de la proximité d'un laboratoire, laboratoire de très haute technologie qui fait en sorte de tester des implants cardiaques, vous savez, des trucs qu'ils nous mettent lorsque les gens font des crises cardiaques. Mais ces gens-là, à cause de leurs croyances religieuses -- et, surtout, il ne faut pas approcher les porcs d'eux -- ne peuvent pas tolérer une entreprise de biotechnologie à côté de chez eux. C'était un investissement, si je me rappelle bien, de plus de 12 millions de dollars qui était prévu dans la municipalité.

Quelles sont les règles? Quelles sont les règles? Le schéma d'aménagement, le plan d'urbanisme, c'est de compétence municipale. Est-ce que, pour élaborer un schéma d'aménagement, un plan d'urbanisme, il va falloir tenir compte de la présence de communautés religieuses et de la proximité de ce qu'on va pouvoir mettre tout autour? Bien, c'est de ça qu'il s'agit, Mme la Présidente. Alors, pour être concordant à ce que l'on fait présentement, à l'amendement que nous avons déposé, alors l'amendement qui venait dire, à l'article 1: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut-être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale, de cet organisme municipal ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration -- on a modifié -- gouvernementale», alors, Mme la Présidente, j'aimerais vous déposer un amendement pour rajouter, après le «gouvernementale» de l'amendement qui a été précédemment voté en cette commission, rajouter «cet organisme municipal».

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce que c'est un...

Mme Poirier: Sous-amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Un sous-amendement, donc.

Mme Poirier: Tout à fait.

La Présidente (Mme Vallée): Parce que vous n'avez pas fait référence à l'organisme municipal, là. Nous sommes sur l'amendement à l'article 1, le premier...

Mme Poirier: Oui, tout à fait. Alors, pour un effet de concordance, puisque l'amendement dont nous discutons actuellement vient s'installer après «l'Administration gouvernementale, d'un organisme municipal», alors le sous-amendement vient faire exactement la même chose à la dernière phrase du paragraphe.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. On va suspendre, vous allez...

(Suspension de la séance à 20 heures)

 

(Reprise à 20 h 4)

La Présidente (Mme Vallée): ...continuer?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, le sous-amendement comme tel, puisqu'il ne se rapportait pas à l'amendement principal, est irrecevable, mais je comprends qu'il y aura dépôt d'un nouvel amendement. Et on avait eu la même discussion, il y a deux semaines, sur un autre sujet. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, je pense qu'il vous restait une minute.

Mme Poirier: Alors, malheureusement, cet amendement-là n'a pas pu être recevable à ce moment-ci. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est qu'«organisme municipal», que les municipalités, les MRC et l'ensemble des organismes municipaux puissent être soumis à la loi. Et ça, pour nous, c'est fondamental.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. Alors, nous allons... Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement présenté par Mme la députée de Rosemont? Non?

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Oui?

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): S'il vous reste du temps?

M. Kotto: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): Je pense qu'il vous reste 30 secondes.

M. Kotto: 30 secondes.

La Présidente (Mme Vallée): Oui, parce que je vous avais coupé le sifflet un petit peu trop tôt et je m'en excuse.

M. Kotto: O.K. C'est ce que j'ai ressenti. Je me disais intuitivement: Ça va vite.

La Présidente (Mme Vallée): Mais là c'est que plus on parle, plus on... Alors, vous avez 30 secondes.

M. Kotto: O.K. Juste pour dire que Mme la ministre a fait allusion à une étude, mais, cette étude, je ne sais pas quels paramètres elle a intégrés, compte tenu du fait que le VG nous dit que les paramètres utilisés par le ministère de l'Immigration relativement à l'intégration n'étaient pas bons. C'est ça.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement présenté par Mme la députée de Rosemont.

Une voix: ...vote nominal.

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Alors...

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie: Contre.

La Secrétaire: M. Sklavounos (Laurier-Dorion)?

M. Sklavounos: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 4 pour, 5 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, Mme la présidente. Donc, je vais redéposer un amendement. Donc, le premier alinéa de l'article 1 est modifié par l'ajout, après «par cette Administration gouvernementale», de «cet organisme municipal».

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): On a demandé de... Nous allons suspendre pour distribuer une copie.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

 

(Reprise à 20 h 9)

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui.

La Présidente (Mme Vallée): On vous écoute.

Une voix: Est-ce qu'on a les copies?

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Bien, en fait... Oui, oui, tout le monde a des copies, je crois.

Mme Beaudoin (Rosemont): Nous, on ne l'a pas eu.

Une voix: On ne l'a pas eu.

La Présidente (Mme Vallée): Vous n'avez pas de copie? Mais c'est votre amendement, je ne peux pas croire que vous n'avez pas de copie.

Une voix: On n'a pas de copie.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! ça s'en vient, ça s'en vient.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, tout le monde a ce qu'il faut, là?

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Allons-y.

**(20 h 10)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Tout à l'heure, ce dont on parlait, quand on parlait d'organisme municipal, c'était, bien sûr, des fonctionnaires, donc de ceux qui donnent les services, alors que, là, ce dont on parle, ce sont ceux qui reçoivent, ceux ou celles qui reçoivent des services, donc les usagers ou usagères. Alors, c'est différent, mais c'est vrai qu'il y a là une concordance.

Je pense qu'on a assez bien expliqué pourquoi il nous semblait étonnant, paradoxal et incompréhensible que les organismes municipaux ne soient pas assujettis, alors, à la fois pour donner des services ou pour en recevoir. Dans un cas comme dans l'autre, on ne comprend pas alors que beaucoup d'intervenants sont venus nous dire, en effet, qu'il fallait le faire, il fallait assujettir les organismes municipaux, qui sont... C'est une définition très vaste qui englobe les municipalités, mais qui va bien au-delà des municipalités. Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de questions qui se posent, en effet, et pour ceux qui donnent des services dans un organisme municipal défini au sens large autant que pour ceux ou celles qui reçoivent des services, beaucoup, beaucoup de questions, puis les même arguments, finalement, peuvent se retrouver, les mêmes que nous avons évoqués tout à l'heure, parce que c'est là que, souvent, on se rend, en première ligne, pour rencontrer son conseil municipal, son conseiller municipal, et qu'on se pose des questions, et qu'on doit savoir exactement quelles sont les règles.

Et, ces règles-là, on ne les connaît pas, et les projets de loi qui ont été déposés par le gouvernement depuis Bouchard-Taylor sont très décevants. D'ailleurs, la preuve, c'est que le gouvernement lui-même a considéré que son projet de loi n° 16 était tellement décevant qu'il l'a retiré, qu'il est mort au feuilleton après nous avoir laissé croire pendant des mois... J'ai posé la question il y a exactement un an, pendant l'étude des crédits. Mon collègue de Deux-Montagnes participait à cette commission-là. Souvent, à votre prédécesseure, Mme la ministre, on a posé cette question: Qu'advient-il du projet de loi n° 16 concernant la diversité dans l'Administration, la gestion, donc, de la diversité dans l'Administration? Ça a été la première vraie réponse, qui n'en était finalement pas une, à la commission Bouchard-Taylor.

La commission Bouchard-Taylor a dit beaucoup de choses qui ont été très, très discutées et qui étaient très, très discutables, mais il y en avait une, en tout cas, que reprend avec force le Conseil du statut de la femme et qui était: Produisez un livre blanc, on a besoin d'une vraie discussion sur la laïcité au Québec. Sans être alarmiste, Mme la Présidente, Mme la ministre, sans être alarmiste, c'est que, tout simplement, se posent dans toutes les sociétés occidentales, se posent les mêmes questions par rapport au vivre-ensemble, par rapport au pluralisme, qui est un fait dans toutes nos sociétés. Comment on gère cette diversité? Comment on fait en sorte, cependant, en gérant cette diversité, que la cohésion sociale demeure et qu'on ne soit pas définis que par nos dissemblances et nos différences, mais aussi par ce qui nous rassemble et comment on se ressemble aussi? Finalement, c'est la question du XXIe siècle, en effet: Comment on va réussir à vivre non pas côte à côte, comme nous le recommande et comme le propose le multiculturalisme canadien, mais vraiment ensemble? Le multiculturalisme canadien, qui est exactement l'inverse du métissage, l'inverse du métissage. Moi, je suis très favorable au métissage. Pour ça, il faut se mélanger. Pour ça, il faut la mixité. Il faut être ensemble si on veut se mélanger et se métisser.

Alors, c'est vraiment des débats fondamentaux que nous devons avoir. Et, quand la commission Bouchard-Taylor... On a perdu trois ans, Mme la Présidente, c'est ça que je reproche fondamentalement au gouvernement, trois ans où... Ça aurait peut-être pris six mois, huit mois avant que le gouvernement écrive ce livre blanc qui aurait proposé les deux visions dont on parle depuis un an dans le cadre du projet de loi n° 94, une vision plus inclusive de la laïcité, qui se retrouve dans l'avis du Conseil du statut de la femme -- mais aussi plusieurs intervenants, au moment des auditions, sont venus parler dans ce sens-là, et c'est aussi, bien évidemment, la position de l'opposition officielle -- mais l'autre hypothèse tout à fait défendable, honorable, et on aurait eu les deux visions, puis on aurait vu les conséquences de chacune d'entre elles. On sait que Bouchard-Taylor favorisait aussi la laïcité ouverte. Alors, il y aurait eu un rapport Bouchard-Taylor, un avis du Conseil du statut de la femme, donc des documents de référence à partir desquels on aurait fort bien pu écrire ce fameux livre blanc. Bon. Alors, on le regrette infiniment parce que ce livre blanc n'a jamais vu le jour, et ce qu'on nous a présenté, le projet de loi n° 16, qui n'a jamais abouti, mort au feuilleton, on arrive avec le projet de loi n° 94 et puis qui est extrêmement, je dirais, réduit dans sa portée, puisqu'il porte sur, essentiellement, visage découvert, donc niqab et burqa.

Alors, je crois que cette demande faite par la commission Bouchard-Taylor, réitérée aujourd'hui... hier, en fait, par le Conseil du statut de la femme, de tenir... Pourquoi ne pas tenir ce vrai débat qu'on est capables de tenir intelligemment entre nous, même si... Cet après-midi, à la fin de notre séance, eh bien, évidemment, le ton a pu un peu monté, mais je crois qu'on a prouvé depuis un an dans cette commission, à la fois dans les auditions puis à la fois dans l'étude article par article, qu'on a commencée depuis deux semaines, que l'on peut tenir ce débat très intelligemment.

Et on aurait eu, à partir de ce livre blanc, des auditions générales, et des citoyens comme des organismes seraient venus nous dire ce qu'ils en pensaient. Et, dans le fond, ce que dit le Conseil du statut de la femme, il faut bâtir un consensus. Et même déjà Bouchard-Taylor le disait. Ils disaient: Il faut bâtir un consensus. Parce que, tout en proposant la laïcité ouverte, le rapport Bouchard-Taylor nous dit bien: Cependant, nous constatons qu'il n'y a pas de vrai consensus, donc il faut que le débat s'élargisse, que le débat ait lieu et que tous les Québécois se sentent interpellés, puissent participer. Bon, ça n'a pas eu lieu, le projet de loi n° 16 est tombé, donc, aux oubliettes, et le projet de loi n° 94 est maintenant devant nous. Alors, c'est bien évident qu'on demande le minimum, c'est que les municipalités soient incluses, les organismes municipaux soient inclus dans ce projet de loi, soient soumis à ce projet de loi.

Je voudrais revenir, Mme la Présidente, il y a quelque chose qui m'a piquée au vif -- et je pense que la ministre le sait, Mme la Présidente -- cet après-midi, en fin de séance, quand elle a dit: Ah oui! il y a beaucoup de discussions, vous n'êtes pas d'accord, bon, à l'intérieur du mouvement souverainiste. Eh oui, je crois beaucoup aux débats, moi, personnellement, au choc des idées. Je pense que le Parti libéral a les mêmes débats parce que, moi, il y a des députés, moi aussi, qui sont venus me voir, surtout, par exemple, suite à une visite de parlementaires belges, il n'y a pas si longtemps, dans le cadre de l'association Communauté française de Belgique et Québec. Et ça a été un des thèmes de discussion, et notre collègue de Vimont se souviendra certainement des débats qu'on a eus avec nos collègues français aussi sur cette question-là. Bon. Alors, je sais que la France, quand ça fait plaisir -- puis ça fait souvent plaisir au gouvernement -- on la porte aux nues, la France, notre alliée, la France, notre amie, mais aussi on se permet, une fois de temps en temps, de dire des choses sur la France qui sont injustes, à mon avis. Ce n'est pas la politique de laïcité de la France qui est en cause, c'est sa politique urbanistique, sa politique urbaine qui est en cause, et certainement pas sa politique sur la laïcité parce que la preuve, en tout cas, c'est qu'il n'y a aucun parti... Moi, je suis plus près du Parti socialiste; vous autres, vous êtes plus près de la droite. C'est clair.

Une voix: L'UMP.

**(20 h 20)**

Mme Beaudoin (Rosemont): L'UMP. De la droite, pas de l'extrême droite, M. le député de Vimont... Mme la... Jamais je n'oserais, je veux dire, c'est bien évident. Bon, donc de l'UMP; nous, du Parti socialiste. Est-ce qu'il y a un de ces deux grands partis qui structurent la vie politique française, si on fait l'impasse, disons, sur l'extrême gauche et l'extrême droite, qui remet en cause la laïcité en France et le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique? Est-ce qu'il y a un des deux grands partis qui fait ça, l'UMP et le Parti socialiste? Eh non, non, parce que les Français sont très attachés... Nous, on ne veut pas... je ne veux pas de cette laïcité à la française pour la bonne raison que notre histoire est différente. Même si je n'en fais pas la même lecture que vous, de notre histoire, par rapport à la laïcité... Puis il y a beaucoup, beaucoup à dire là-dessus, je recommande à tout le monde un très beau livre d'Yvan Lamonde qui porte sur cette question-là, sur la laïcité au Québec. C'est un historien qui est à McGill, qui est au centre d'études québécoises ou canadiennes à McGill, et il vient de publier, il y a quelques mois, un livre sur cette question-là, et vous verrez bien qu'il y a toujours eu un courant laïque au Québec, toujours eu un courant laïque fort au Québec et qui date justement de 1837-1838.

Mme Weil: ...très loin.

Mme Beaudoin (Rosemont): Peut-être même dans les années de 1760, mais peut-être même avant la Conquête.

Mme Weil: Bien, c'est en même temps.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon, en même temps. Alors donc, il y a toujours eu ce courant laïque très fort qui s'est opposé, bien évidemment... Tu sais, on ne vit pas dans une société idéale, là, il y a des courants, il y a des oppositions, etc. Mais, je le répète, le Québec s'est modernisé en se laïcisant, puis, franchement, depuis 1960... Bon, on n'est pas d'accord sur...

Une voix: ...d'accord.

Mme Beaudoin (Rosemont): On est d'accord là-dessus, mais on n'est pas d'accord sur, je dirais, le but ultime, finalement, de la laïcisation, tu sais, jusqu'où on doit aller. Bon. Alors, nous, on dit que ça doit toucher les fonctionnaires de l'État. Pas les gens qui marchent dans la rue, pas...

Mme Weil: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): O.K. Pas les gens qui sont chez eux ou ceux qui vont à la mosquée, à la synagogue, à l'église. Tout ça est parfaitement évident que la liberté de religion, elle est là, puis elle est là pour durer. La vraie question, c'est: Est-ce que l'État est laïque? Oui, on s'entend là-dessus. Quelles en sont les conséquences? Eh bien, c'est là qu'on peut effectivement diverger d'opinion. Et comment faire en sorte qu'on s'assure que cette laïcité de l'État, eh bien elle est significative, qu'elle veut dire quelque chose et qu'elle s'applique dans l'espace que j'appelle civique? Alors, oui, il y a des discussions à l'intérieur du mouvement souverainiste sur cette question-là, puis pas tout le monde qui est d'accord, et ça divise, je pense, selon des lignes qui ne sont même pas gauche-droite.

Je le disais par rapport à la France, où il y a unanimité dans les deux grands partis politiques, puis on en a eu la preuve, notre collègue de Vimont et moi-même, quand on a rencontré les députés français. Parce que, dans ces délégations parlementaires, vous savez très bien qu'il y a l'opposition et le parti ministériel. C'était le cas, il représentait, le député de Vimont, le parti ministériel, moi, l'opposition, et, en face de nous, les Français qui étaient là, M. Dosière était Parti socialiste, il y en avait d'autres qui étaient, donc, de l'UMP. Mais là ils étaient dans une belle unanimité sur la question de la laïcité à la française parce qu'ils sont Français. Alors, pour eux, c'est la laïcité à la française. Mais ils étaient unanimes. Et, la Communauté française de Belgique, pour prendre un autre exemple, là aussi il y avait unanimité. Et il y a certains de vos collègues qui étaient dans la délégation, bien sûr, québécoise parlementaire et qui sont venus me dire après: Oh là là! la Communauté française de Belgique, dans ses principaux partis politiques représentés à leur Assemblée nationale, qui doit être à Bruxelles... Dans le cas de la Communauté française, je crois que c'est à Bruxelles...

Une voix: Oui. Oui.

Une voix: Namur.

Mme Beaudoin (Rosemont): Non, Namur, c'est les Wallons, c'est la région. On connaît ça, la Communauté française, c'est Bruxelles, et, donc, ils sont venus dire la même chose dans une belle unanimité. Il y a le Parti socialiste là aussi, puis il y a le parti qui s'appelle «libéral», je crois. Bon. Alors, là aussi, en Belgique, il y a une grande unanimité sur la laïcité et sur l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. Et, à ce que je sache, ce sont des démocraties au même titre que le Canada. Alors, on peut franchement avoir deux types de laïcité en oeuvre dans des démocraties libérales, dans le sens de démocraties modernes occidentales qui respectent les droits de la personne, etc.

Je pense que c'est important de le dire parce que vous dites, Mme la ministre... Et je prends la ministre à témoin, elle a dit souvent que même le simple fait, finalement, de l'article 6 concernant les services reçus et donnés à visage découvert que ça lui avait valu beaucoup d'entrevues au Canada anglais pour l'expliquer. Pourquoi? Parce que, bon, comment ça se fait... et la même chose aux États-Unis. Bon. Alors, comme j'ai dû expliquer très souvent quand j'étais ministre responsable de la Charte de la langue française pourquoi la loi 101 existait au Québec, qu'on... Souvent, on ne comprend pas pourquoi parce qu'ils vivent dans un autre environnement où ils n'ont pas... Bon. Alors, la société distincte, bien ça va jusque-là au moins, mais, quant à nous, ça doit aller, bien sûr, plus loin, ça doit s'affirmer de façon encore plus marquée.

Alors, c'est clair qu'il peut y avoir à l'intérieur même des partis politiques... Et puis j'ai devant moi un article de la députée de La Pinière que je pourrais vous lire, mais qui commence comme ceci et qui rejoint quand même ce que disait le Conseil du statut de la femme, ce qu'a dit le Conseil du statut de la femme. Parce que, Mme la Présidente, j'ai senti la ministre, en fin d'après-midi, se demandant si je voulais éradiquer la religion. Mais non, mais je peux quand même dire, sans vouloir l'éradiquer puis tout en laissant les femmes, toutes les femmes du Québec libres d'adhérer ou non à une religion, que les religions monothéistes ont infériorisé la femme par définition. C'est vrai que le Conseil du statut de la femme a un long déploiement ou développement là-dessus dans son avis en disant, dans le fond: C'est venu au monde, les religions, bon, dans un terreau particulier qui était celui du Moyen-Orient, et puis, bon, ça a été fait par des hommes, et puis les exégèses aussi. Puis je vous ferai remarquer que les Évangiles aussi, puis ça manquait de femmes, quoi, puis peut-être qu'il y aurait eu un point de vue un peu différent si ça avait été des femmes.

Mais, ce que disait votre collègue, je pourrais vous le lire, là, parce que vous verrez qu'il y a certainement des opinions différentes aussi au caucus libéral et dans le mouvement fédéraliste. «Les trois religions monothéistes -- juive, chrétienne et musulmane -- ont montré un souci particulier pour le comportement des femmes quant à leur modestie et la décence de leurs parures vestimentaires. Chez les Juifs orthodoxes, les femmes doivent se couper les cheveux, les dissimuler sous une perruque. Alors que les femmes séfarades ont porté traditionnellement des foulards et des coiffes aux couleurs locales de leur pays respectif. Saint Paul, l'apôtre des gentils, six siècles avant l'avènement de l'islam, s'est penché sur la question du voile dans son Épître aux Corinthiens. Dans ce texte éloquent, le voile est imposé aux chrétiennes en temps que signe de leur subordination à l'homme dans l'Église.»

Le Conseil du statut de la femme ne dit pas autre chose. Alors, je veux dire, sans mettre en cause les religions, sans mettre en cause les croyants surtout, bien évidemment, on peut quand même, historiquement... La députée de La Pinière le fait de façon extrêmement éloquente, plusieurs fois d'ailleurs, parce que je pourrais vous parler du voile longuement, il y en a quatre pages. Mais le Conseil du statut de la femme aussi, faisant cet historique-là, je pense qu'on peut conclure sans se dire que la religion doit disparaître de nos vies puis de nos paysages... mais un simple constat que les trois grandes religions monothéistes ont amené l'infériorisation de la femme, sa subordination et que toutes les luttes des femmes depuis des siècles, c'est pour s'affranchir justement de cette domination patriarcale et puis de faire en sorte qu'on trouve notre autonomie, etc. Alors, je pense qu'il y a des faits, des réalités qu'on ne peut pas évacuer et puis que le voile est un signe encore. Ça l'était sous saint Paul, mais ça l'est encore aujourd'hui, le signe de la subordination des femmes. Et c'est tout. C'est tout, je dis: C'est une réalité. Alors, Mme la Présidente, voilà.

La Présidente (Mme Vallée): Votre temps est écoulé.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est terminé. Je terminais à l'instant. J'avais une horloge dans la tête et je me disais que je terminerais juste à temps.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement déposé par la Mme la députée de Rosemont? Et je rappellerais aux intervenants de s'en tenir à l'amendement. Même si les propos sont parfois fort intéressants, il ne sont pas toujours en lien avec le petit «Administration gouvernementale» et «organisme municipal». Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez 20 minutes.

**(20 h 30)**

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, effectivement, vous avez raison de nous ramener à l'ordre parce que c'est important, cet amendement-là. Et cet amendement-là est important parce que son application... si cet amendement-là n'est pas inclus dans le paragraphe, eh bien, va laisser libre cours à la Commission des droits de la personne de décider, tout simplement.

Et, à cet effet, je vous lirais la réponse de Christiane Pelchat. Le 4 novembre 2009, elle répondait à un texte de Lysiane Gagnon dans La Presse, et je la cite, elle nous dit: «La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est chargée d'appliquer une pure création jurisprudentielle -- "les accommodements raisonnables" -- sans balises claires émanant du législateur.» On se rappellera que, lors de tout le débat qu'on a eu ici, depuis le début tout le monde a confirmé, la ministre aussi a confirmé que le projet de loi venait, tout simplement, nous présenter le thème de l'accommodement raisonnable et venait l'encadrer dans une loi. Alors, en 2009, même avant l'écriture de la loi, Christiane Pelchat l'avait déjà dit. Alors, je pense qu'on n'a rien fait de nouveau avec le 94.

Et elle dit: «Le projet de loi n° 16 -- parce que c'est celui-là que nous avions à ce moment-là -- proposait d'encadrer la gestion de la diversité culturelle.» C'était un pas vers une politique structurante à cet égard, qui ne constituait d'ailleurs... qui constituait une des recommandations en 2007. «C'est pourquoi le conseil a proposé en commission parlementaire que soient nommément incluses dans la loi les valeurs de laïcité et d'égalité entre les sexes, marqueurs de l'identité québécoise.» Ça a dû être une bonne recommandation, Mme la Présidente, parce qu'ils ont retiré le projet de loi n° 16.

Elle dit aussi: «Mettre des balises, un frein aux accommodements "déraisonnables", ce n'est pas créer une hiérarchie des droits. C'est exprimer clairement les valeurs fondamentales du Québec si souvent répétées par nos élus. [...]bien entendu, on peut être d'avis, comme Mme Gagnon, que, "dans une société démocratique, ce sont les tribunaux, non pas les politiciens ni les militants de tout acabit qui doivent déterminer, selon le contexte, quel droit peut avoir préséance dans les cas où il y a conflit entre les droits". Mais, si, depuis 30 ans, le Québec s'en était remis aux tribunaux pour définir la place de la langue française au Québec, la Charte de la langue française n'aurait jamais vu le jour. Parfois, il est nécessaire et utile d'inspirer les juges. C'est ce que nous demandons au gouvernement.»

Alors, ça, c'est Christiane Pelchat, 4 novembre 2009, bien avant, bien avant le projet de loi n° 94, qui venait dire: S'il vous plaît, ne laissez pas aux juges le pouvoir de décider de nos règles de vie. C'est ce qu'elle venait dire, tout simplement. Et le fait de ne pas inclure notre amendement, qui vient faire en sorte de soumettre les organismes municipaux à la loi ici présente, fait en sorte qu'encore là ils devront se soumettre aux tribunaux, aux tribunaux de la Commission des droits de la personne et aux autres tribunaux, probablement aller jusqu'en Cour suprême comme bien d'autres. Et on le voit bien, Mme la Présidente, il y a un large débat actuellement, large débat, et la commission Bouchard-Taylor... l'avis du Conseil du statut nous en fait une longue mention, un long débat sur la prière dans les conseils municipaux, et je me doute que c'est pour ça que la ministre ne veut pas inclure les organismes municipaux dans sa loi.

Parce qu'on se rappellera que la première décision qui est arrivée dans ce litige-là date de 2004, et c'était avec la ville de Laval. La ville de Laval... Et je cite le document du conseil: «Dans l'affaire Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse contre Laval[...], le tribunal a donné raison à une citoyenne représentée par la Commission des droits qui alléguait que la prière récitée par les élues et élus au début des assemblées du conseil municipal de la ville de Laval portait atteinte de façon discriminatoire à sa liberté de conscience et de religion. Précédemment, la Commission des droits, dans une décision rendue en 2004, avait conclu dans le même sens et avait demandé à la ville de cesser cette pratique. Devant le refus de la municipalité d'obtempérer, la Commission des droits s'était adressée au tribunal.»

Mme la Présidente, c'est un tribunal qui a été obligé de dire à une municipalité qu'il fallait respecter les droits de ses propres citoyens. Encore une fois, au lieu, comme gouvernement, comme gouvernement responsable, d'agir, on a encore laissé ça dans les mains des tribunaux.

Dans le jugement d'un autre tribunal... «a mentionné l'arrêt Freitag de la Cour d'appel de l'Ontario, qui avait statué [sur] la récitation du Notre Père par un conseil municipal [contrevenant] à la Charte canadienne puisque cette pratique imposait aux délibérations du conseil une "référence morale chrétienne". Rappelant que l'État ne peut imposer un idéal religieux, le tribunal a contesté que la ville de Laval contrevenait au droit de la demanderesse "de ne pas être contrainte à participer à une observance religieuse et à laquelle elle ne croit et n'adhère pas".» Il a ajouté: «Lorsque l'État et les pouvoirs publics sont en cause, seule l'obligation de neutralité est en mesure de garantir l'égalité de tous.» Elle est importante, cette phrase-là, et là il a ajouté que, «lorsque l'État -- et l'État, il se prolonge dans la municipalité dans ce cas-ci, le jugement est clair -- et les pouvoirs publics -- les pouvoirs publics, on se rappelle de ce mot-là tout à l'heure, hein, services publics, pouvoirs publics -- sont en cause, seule l'obligation de neutralité est en mesure de garantir l'égalité de tous». Il me semble que ce que vient nous dire ce jugement-là, il est clair, il faut s'assurer que les municipalités sont régies par ce projet de loi là. C'est tout à fait clair.

«Conséquemment, le tribunal a ordonné la suppression de la prière au conseil municipal de Laval. Subséquemment, d'autres municipalités ont, elles aussi, cessé ce rituel, dont La Tuque et Lac-Édouard, [dont] certaines persistent à le conserver malgré le jugement et les avis répétés de la Commission des droits qui a enjoint les conseils municipaux à cesser ces pratiques qui briment la liberté de conscience.

«À Trois-Rivières, par exemple, il a fallu une plainte d'une citoyenne et une recommandation de la Commission des droits pour forcer la main de la municipalité. La commission écrivait ceci en janvier...» Parce qu'il y a rien que la commission qui peut agir parce que le gouvernement ne veut pas agir. C'est ça, le problème, Mme la Présidente, et la commission disait: «La recommandation se fonde sur le principe de la séparation entre l'Église et l'État.» Alors, on vient importer ce même phénomène là que la ministre nous dit. «Dans l'exercice de ses fonctions, un représentant de l'État -- alors, on fait une association, là, très, très directe, là, par cette décision-là à l'effet qu'un représentant de l'État devient un représentant municipal, un maire devient un représentant de l'État, l'État étant la municipalité -- ne peut imposer un rituel de nature religieuse, quel qu'il soit, à une personne qui ne partage pas ces croyances. Dans un tel cas, cette personne pourrait établir qu'elle est victime de discrimination fondée sur la religion. C'est le sens qu'il faut donner à la décision ville de Laval. Ici, la commission ne fait qu'appliquer ce principe.

«Une solution très simple existe et a été retenue par de nombreux conseils municipaux et par l'Assemblée nationale du Québec.» Il n'y a plus personne qui en parle ici. Il me semble que, si on avait un petit peu de guts, là, on appliquerait ça partout au Québec, puis ça aurait réglé... puis il y a bien du monde qui économiserait de l'argent présentement, je peux vous le dire. «Remplacer la prière par un moment de recueillement. Cette solution est respectueuse des droits de chacun: la personne qui désire prier peut alors utiliser ce moment pour le faire. D'autres préféreront méditer, réfléchir ou simplement attendre le début de la séance. C'est leur choix, et il doit aussi être respecté. Il semble que ce n'est pas cet été que la ville a finalement obtempéré.

«À LaSalle -- parce qu'on est dans les organismes municipaux, Mme la Présidente -- à la suite de la plainte d'un citoyen déposée le 18 novembre 2010 -- le 18 novembre 2010, ce projet de loi là était déjà déposé -- à la Commission des droits, une entente est intervenue afin que la prière récitée au début des séances du conseil soit remplacée par un moment de recueillement.»

Et là le dernier cas, pour bien le nommer: «À Saguenay, la ville a maintenu son rituel religieux -- je vais le lire pour ne pas que ma collègue ait encore droit à des fougues -- malgré le jugement ville de Laval et un avis de la Commission des droits, qui donnait raison à la plainte d'un citoyen. Face au refus de la municipalité d'obtempérer, le plaignant avait porté sa cause devant le Tribunal des droits. Le jugement, rendu le 9 février dernier -- c'est presque hier, ça, Mme la Présidente -- lui a donné gain de cause. Le tribunal a jugé que la récitation de la prière était contraire au principe de neutralité religieuse de l'État -- l'État étant la municipalité, je le répète -- tout comme la préséance de symboles religieux dans la salle du conseil municipal, en l'occurrence une statue du Sacré-Coeur et un crucifix. Avant le prononcé de jugement, le maire de Saguenay, Jean Tremblay, avait déclaré que, si la décision du tribunal lui était défavorable, il porterait la cause en appel, ce qu'il a confirmé le 16 février dernier.

«Mentionnons aussi que, pendant le délibéré du Tribunal des droits, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles avait affirmé qu'elle "ne voyait aucun problème dans le fait que les élus de Saguenay fassent lecture d'une prière avant les séances publiques du conseil municipal".» Ça, là, ça s'appelle s'ingérer dans une procédure, c'est comme ça que ça s'appelle. «Cette position a de quoi surprendre, d'autant qu'elle ne pouvait ignorer le précédent [de] Laval.» On parle de la précédente ministre de l'Immigration à ce moment-là.

Le fait de ne pas soumettre les municipalités ainsi que l'ensemble des organismes municipaux donne lieu à ça. C'est de ça, là, dont on se parle. On laisse le libre cours actuellement à la Commission des droits de la personne et, là, maintenant, aux tribunaux supérieurs d'arbitrer, d'arbitrer, je vous dirais, le sens commun. L'Assemblée nationale du Québec a pris une décision -- c'était en 1977...

**(20 h 40)**

Une voix: 1976.

Mme Poirier: ...1976, René Lévesque -- qui n'a jamais été remise en cause, jamais, aucun des membres, et c'est bien plus dans le respect de chacun. Ici, chacun, durant ce moment-là, peut faire ce qu'il veut. Il peut prier le Dieu qu'il veut, ou n'en prier aucun, ou ne pas prier du tout. Il peut utiliser ce moment-là pour remercier, pour méditer, pour faire ce qu'il veut. Moi, je vous le dis, Mme la Présidente, je remercie les gens d'Hochelaga-Maisonneuve à tous les jours que je me présente au salon bleu. C'est ça, ma méditation. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Je ne prie pas personne et je, simplement, remercie les gens de m'avoir donné la possibilité d'être la chanceuse sur 125 de représenter les gens d'Hochelaga-Maisonneuve. C'est un privilège que nous avons.

Mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui a remis ça en doute depuis 1976? Nous avons instauré une laïcité. Ce moment-là est devenu un moment laïque où chacun... Parce que la laïcité, c'est le respect de toutes les religions. C'est ça que la laïcité... C'est le principe le plus démocratique. Le principe de laïcité permet à chacun de le faire dans sa croyance personnelle. Et, malheureusement, ce sont les tribunaux, actuellement, qui doivent décider si, dans les conseils municipaux, on doit méditer, prier ou ne rien faire. Malheureusement, c'est de ça qu'on parle, et, pour nous... Vous le savez, Mme la Présidente, on fait ce débat-là depuis le début, et c'est au moins la troisième fois qu'on revient avec cet argument, et on n'a pas fini, on va revenir.

La Présidente (Mme Vallée): ...Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, simplement vous rappeler qu'on est sur l'amendement d'«organisme municipal».

Mme Poirier: Bien, si je vous parle de municipal, je ne peux pas faire plus que ça, Mme la Présidente, c'est ce que je vous parle. Ça fait trois fois qu'on vous amène un amendement pour introduire «organisme municipal». C'est exactement de ça que je vous parle. Je ne peux pas vous parler d'autre chose, c'est de ça que je vous parle.

Alors, pour nous, le fait de ne pas inclure «municipal» donne lieu aux situations qu'on voit. Et, les situations que je viens de vous exprimer, vous ne pouvez pas dire qu'on n'est pas dans le sujet, je viens de vous exprimer pendant au moins... presque 10 minutes de lecture des jugements, des décisions de la Commission des droits de la personne, des décisions de tribunaux municipaux en lien avec des municipalités qui souhaitent préserver, dans certains des cas, préserver la prière dans leur conseil de ville malgré le fait que l'Assemblée nationale en a décidé autrement il y a maintenant quelques dizaines d'années.

Alors, Mme la Présidente, les organismes municipaux ont aussi le droit, et les gens qui y travaillent ont aussi le droit... Et cette partie, cette partie de l'amendement est pour les gens qui reçoivent les services. Nous avons parlé tout à l'heure des fonctionnaires de l'État, mais, ici, on n'est pour les gens qui reçoivent les services. Ce bout d'amendement là vient reprendre le bout de texte qui sont les personnes qui reçoivent des services. Et, je vous l'ai dit tout à l'heure, les gens qui reçoivent des services, c'est des gens dans les HLM. Les gens dans les HLM, est-ce qu'ils vont demander d'être servis par un homme en fonction des libertés de croyance? Est-ce qu'ils vont demander que les gens qui interviennent pour traiter leur dossier ne portent pas de symboles religieux? Il n'y a pas de règles, c'est le laisser-faire. C'est tout simplement laisser libre à des poursuites, laisser libre à des contestations judiciaires et, surtout, laisser libre aux tribunaux de décider, de décider pour nous.

Et je rappelle le texte que je vous ai lu tout à l'heure, Mme la Présidente, si on avait laissé aux tribunaux le sort de la langue française... Et, on le voit bien, la Cour suprême a charcuté la loi 101 d'année en année. Alors, si on avait laissé aux tribunaux le fait d'établir les règles de la langue française, je ne pense pas que le Québec s'en sortirait gagnant maintenant. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. D'autres interventions sur l'amendement? Mme la ministre.

Mme Weil: Non, juste parce qu'il faut... C'est sûr que c'est un domaine compliqué, mais faire la part des choses entre ce qui est carrément un accommodement raisonnable et ce qui est tout simplement la primauté du droit. Et je sais que c'est la complexité de cet enjeu qui nous amène à parler de laïcité, je vais vous lire la définition... Et, nous, on a repris une définition dans notre projet de loi, mais en vertu... Ça, c'est la cause huttérite: L'accommodement raisonnable est un concept qui découle de la législation et de la jurisprudence en matière de droits de la personne. Il s'agit d'un processus dynamique par lequel les parties -- généralement un employeur et un employé -- adaptent les modalités de leur relation aux exigences de la législation sur les droits de la personne, jusqu'au point où il en résulterait une contrainte excessive pour la partie tenue de prendre des mesures d'accommodement.» C'est toujours dans ce contexte-là.

Donc, l'objectif du projet de loi, c'était vraiment, dans un contexte d'Administration gouvernementale, d'amener justement ces balises, et je pense qu'il faut revenir au grand débat de l'époque, il y a plus d'un an, un an et demi, où le décideur... C'est vraiment l'employé du gouvernement qui doit prendre ces décisions. Il y avait une incertitude, et je l'ai souvent dit, où la personne peut ressentir un fardeau par rapport à ces demandes d'accommodement, il ressent un fardeau. Est-ce que je dois aller jusque-là ou est-ce que je dois aller jusque-là? Puis, si je ne consens pas l'accommodement, est-ce que je viens enfreindre... Bon. Alors, c'était tout ça. Et c'est un objectif, oui, très précis, très, très précis, c'était d'amener des règles autour de cet exercice d'accommodement.

Les questions de laïcité, de primauté du droit, du vivre-ensemble au niveau municipal, toutes ces choses-là existent dans la société, ça a toujours existé dans la société, vont continuer à exister dans la société. C'est pour ça qu'on a l'exécutif, le législatif et le juridique. Je suis bien contente qu'on ait des tribunaux aussi, hein? Les tribunaux sont là pour protéger les minorités, les chartes de droits et libertés sont là pour ça, mais tout ça, c'est des arbitrages. Mais l'objectif du projet de loi, il faut vraiment l'amener sur l'intention, vraiment, du gouvernement là, c'était d'amener clarté dans ce domaine précis.

Qu'on veuille parler de laïcité, c'est tout à fait correct parce que tout le monde veut en parler, il y a des concepts différents. Et je pense que, par respect pour la France, moi, qui ai reçu une éducation française de l'âge de quatre ans jusqu'à 18 ans, je la connais bien, j'y ai vécu, moi, j'ai grandi dans ça, honnêtement. Je suis très, très attachée à la France et, moi, je pense qu'on... personne ne porte jugement. L'idée, c'est qu'on ne peut pas porter jugement parce que chaque juridiction a son histoire. Et les arbitrages qu'on doit faire, c'est toujours à la lumière de nos vécus, de nos droits, etc., et on est là-dedans un peu actuellement. Et, oui, ça fait un an, ça fait trois ans, ça va continuer, ces discussions, parce que la volonté est de continuer ces discussions.

Il y a d'ailleurs un colloque qui va se tenir au mois de mai -- je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont très intéressés à ce colloque -- sur l'interculturalisme. Moi, je pense que ce colloque va être très intéressant. On a des Européens qui vont venir, on va continuer le débat sur l'interculturalisme. Et je pense que ça mérite d'être alimenté, et je pense que c'est... Quant à moi, je ne vois pas de statu quo, d'arrêt ou de recul, je pense que c'est un processus dynamique, tout ça, ce grand débat.

**(20 h 50)**

Mais je reviens donc à l'objectif qu'on avait évidemment, le gouvernement, c'est un objectif très précis. C'est vrai que le Conseil du statut de la femme voudrait qu'on aille plus loin. C'est vrai qu'elle n'avait pas compris... Moi, je n'avais pas compris... Honnêtement, lorsqu'elle est sortie avec son commentaire, moi, je n'avais pas compris son commentaire. C'est vraiment plus tard que j'ai vraiment lu son commentaire, sa réaction à mon commentaire, que j'ai compris ce qu'elle voulait dire. Mais, par ailleurs -- et ça, ça devient compliqué, mais c'est sur cette question de laïcité -- elle souligne quand même que 94 est important parce que c'est la première fois qu'on vient amener des règles pour encadrer l'exercice d'accommodement raisonnable, donc, ou d'accommodement, qu'est-ce qui est raisonnable et qu'est-ce qui n'est pas raisonnable, et, donc, on en vient là.

Bon, je pense que la question qu'on me pose, c'est: Pourquoi pas le palier municipal? La volonté du gouvernement, c'était vraiment d'agir dans notre giron très précis qui est le niveau... bien, évidemment, l'Administration gouvernementale de notre gouvernement du Québec. Ce palier, le palier municipal, c'est un palier de gouvernance quand même autonome, avec des élus. Moi, je vous dirais aussi, on n'en a pas... Je veux dire, c'était un peu presque automatique, on pensait qu'il ne faut pas aller à ce niveau-là parce que, nous, l'important, c'était vraiment au niveau du Québec. Et j'ai dit que les gouvernements pourraient s'en inspirer, mais il y a une proximité que les élus ont avec leur population locale. Que le gouvernement du Québec arrive avec ses gros sabots pour dire: Bon, là, tout le monde, vous allez... Bon, je pense que c'est plus sain que les municipalités... On a eu deux maires qui sont venus, mais les autres ne sont pas venus du tout s'exprimer. Donc, il n'y avait pas de volonté. Si, vraiment, on avait eu beaucoup de volontés s'exprimer par les organismes qui représentent le palier municipal, peut-être, mais il n'y a vraiment pas eu de débat là-dessus.

Alors, je reviens vraiment à notre volonté, qui était d'agir dans ce qui est proprement notre juridiction immédiate. C'est sûr qu'il y a quand même... Et les élus, quand même, ils sont investis de pouvoirs assez vastes en matière de zonage, en matière de taxation et d'expropriation, de logement, etc., moi, je pense que c'est, honnêtement, plus sain que les municipalités s'approprient... Chaque municipalité est très différente, hein? Montréal, ce ne serait pas du tout la même chose que Québec, que Saguenay, que Trois-Rivières, que d'autres villes. Alors, nous, on pense préférable d'aller vraiment avec notre projet de loi et, finalement, au palier du Québec, du gouvernement du Québec. Et puis, si, éventuellement, le milieu municipal veut s'en inspirer, ils pourront s'en inspirer. Alors, ça conclut mes commentaires. Mais je pense que c'est important de revenir sur cette notion de qu'est-ce qui est à proprement... vraiment un exercice d'accommodement en vertu de la charte et qu'est-ce qui est des enjeux complexes de vivre-ensemble entre différentes communautés, une majorité, une minorité, et qui peuvent aller au-delà de cet exercice, qui est quand même, oui, très pointu. Très pointu, mais très complexe aussi. On le sait, on le vit depuis quelques années.

Mais on parlait aussi... Excusez, je ne sais pas si j'ai un peu de temps, mais toutes les mesures qui ont suivi le rapport Bouchard-Taylor, il y en a eu beaucoup... Je n'ai pas toute la liste devant moi, mais c'est à peu près 80 % des recommandations qui ont été implantées, incluant ce service de la Commission des droits de la personne. Moi, bon, je pense que c'était lors d'une consultation quelconque, je leur avais posé la... Lors de l'étude des crédits, lorsque j'étais ministre de la Justice, on a eu l'occasion d'échanger là-dessus, et c'est quand même un pourcentage important qui sont autres que religieux. Mais, sur ces questions précises sur la religion et le service-conseil qu'ils fournissent, ils ont confirmé que ça va bien, ce service-conseil, que...

Et c'est souvent les employeurs qui appellent parce que c'est les employeurs qui sont aux prises avec ces genres d'arbitrage, et ils avaient besoin, comme nous, on ressent, au sein du gouvernement du Québec, les fonctionnaires de l'État qui ont besoin... Surtout ceux qui sont en lien avec le public, ils ont besoin d'être rassurés que les décisions qu'ils prennent sont correctes, sont justes, sont équitables. Parce qu'en bout de ligne je pense que les gens veulent être équitables, c'est la nature humaine. Ils ne veulent pas être restrictifs, ils ne veulent pas être négatifs, ils ne veulent pas être accusés d'être discriminatoires envers des minorités, donc... Mais ils avaient besoin d'un éclairage. Et, dans ce même sens, ce service de la Commission des droits de la personne, il semblerait que ça donne des bons résultats. Généralement, les employeurs sont capables de trouver, suite à ces conseils, des solutions satisfaisantes.

Donc, le processus d'accommodement, en commission parlementaire, on l'a entendu, c'est un processus qui est quand même dynamique, dynamique dans le sens que ça évolue. La société québécoise évolue. C'est une société qui devient de plus en plus diversifiée. Mais certains cas que vous évoquez, c'est quand même souvent des communautés qui sont ici depuis longtemps aussi. Ce n'est pas nécessairement les nouveaux arrivants. Je pense qu'on a une étude qui nous confirme que les nouveaux arrivants ont tendance à être moins pratiquants -- on a des statistiques là-dessus -- moins pratiquants même que les Québécois. Donc, je ne pense pas qu'on puisse regarder ça comme nécessairement une question d'immigration. C'est sûr qu'il y a une diversité qui vient avec l'immigration, mais c'est une question normale de société.

Maintenant, je pense qu'il faut, surtout pour les gens qui essaient de comprendre... Parce que, moi, je me rends compte qu'il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes à comprendre nos discussions sur l'accommodement et la laïcité, de faire la part des choses. Donc, c'est sûr que, nous, ce projet de loi, il a été construit à la lumière du droit qui existe, hein, la règle de droit telle qu'on le connaît. Donc, c'est la primauté du droit, évidemment, qui va toujours orienter le législateur lorsqu'on fait des projets de loi. Actuellement, c'est la laïcité qu'on appelle une laïcité ouverte, donc, que les gens connaissent bien, c'est-à-dire... Bon, je ne veux pas lire toute la jurisprudence là-dessus, on pourra y revenir.

Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas un débat... Et, je pense, la députée de Rosemont, c'est ce que vous exprimez, qu'il y a un débat puis un désir d'un débat sur toutes ces questions que vous évoquez. Je ne le nie pas, je pense que ce débat va continuer. C'est un débat qui m'intéresse beaucoup. Ça m'intéressait beaucoup avant en tant que ministre de la Justice, ça m'intéresse encore en tant que ministre de l'Immigration. Et je pense qu'il ne faut pas étouffer ce débat, ce n'était pas du tout ma volonté. Et je pense que des colloques comme on verra au printemps, ça va être intéressant. Je sais que, vous, de votre part, vous allez poursuivre ce débat. C'est sain, c'est bon que tout le monde en parle.

Le Conseil du statut de la femme, personnellement, je le reçois avec beaucoup d'intérêt aussi, surtout ce que je vois... Je ne sais pas s'il me reste du temps, c'est que c'est la passion qu'ils ont, et la directrice ou présidente du Conseil du statut de la femme est vraiment animée par une passion extraordinaire de protection et promotion de l'égalité hommes-femmes. Elle le vit de façon intense, elle le vit quotidiennement, je le comprends. Et je pense que toutes les femmes ici, les hommes aussi peut-être, on le sent. Je pense que ce serait difficile d'imaginer qu'une femme ne le vive pas. Quand on a eu notre échange tantôt, la députée de Rosemont et moi, j'ai tout à fait compris la passion qui l'animait. Tout à fait. Je ne sais pas quelle femme ne pourrait pas le ressentir comme elle le ressent. Et je l'ai vu, je l'ai vu dans son expression, j'ai reconnu dans ses yeux les nombreuses discussions que j'ai eues avec toutes les femmes dans ma famille, que ce soit avec mes enfants, ma mère à l'époque, ces mêmes, mêmes, mêmes questions.

Alors, je pense qu'il y a plus qui nous unit, honnêtement, par rapport à cette quête d'une société réellement égalitaire, mais c'est comment est-ce qu'on y arrive et comment est-ce qu'on fait pour arriver pour qu'il y ait cette cohésion et qu'on ait des consensus aussi. Alors, le droit, ça peut sembler pour certains comme un frein, mais les lois, les chartes, la jurisprudence, les tribunaux, tout ça, ça fait partie d'un équilibre. Et, lorsque les gouvernements proposent des lois, évidemment c'est à la lumière de ces instruments que nous avons. Si on ne portait pas attention à ces instruments, là on serait dans le trouble. On serait dans une société qui ne serait pas le Québec, et je ne sais pas quelle serait cette société qui ferait fi de ces instruments de base pour prendre des décisions éclairées.

Et, ensuite, on a le débat, et c'est ce qu'on est en train de vivre. Alors, moi, j'apprécie le débat. Je pense qu'on est ici pendant des heures... il nous reste des heures de plaisir et des jours de plaisir. On va poursuivre dans ce sens, mais je voulais juste peut-être ramener une précision sur ce qui est strictement accommodement raisonnable ou accommodement, demande d'accommodement qui est vraiment basée sur le droit à l'égalité et de s'assurer que tout le reste qui est là aussi, on le sait, ce n'est pas nécessairement l'objectif du projet de loi n° 94 de pouvoir régler toutes ces grandes, grandes questions de société.

**(21 heures)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. D'autres interventions sur l'amendement?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Il vous restait quatre minutes, Mme la députée.

Mme Poirier: Bien, justement, en réponse à ce que la ministre vient de nous dire, à mon avis, ne pas parler de laïcité à ce moment-ci, c'est faire abstraction de Bouchard-Taylor, c'est faire abstraction du projet de loi n° 16, c'est faire abstraction des débats actuels, c'est faire abstraction de cet avis-là qui nous est présenté et, dans le fond, c'est ne pas faire face comme gouvernement à ce qui est réclamé. La revue de presse, quand on regarde depuis quelques années, la revue de presse sur le sujet réclame ce débat large, et la décision gouvernementale a été de simplement orienter... d'orienter autrement et de réduire cette volonté citoyenne, cette volonté publique qui s'exprimait un peu partout d'avoir ce débat-là sur la laïcité. Ça a été une décision gouvernementale.

Et, quand vous dites: Comment on y arrive?, bien, comment on y arrive, à ce débat-là, il faut avoir du courage, il faut avoir de la volonté politique. Et, malheureusement, le gouvernement n'a pas ce courage et cette volonté politique et préfère déposer deux projets de loi en ligne qui sont totalement insatisfaisants pour la majorité des gens. Et même ceux qui étaient contents de votre projet de loi venaient nous dire que tout ce que ça venait faire, c'est codifier l'accommodement raisonnable, donc, finalement, ça ne venait rien changer, et tout va continuer.

La seule modification qui a été ajoutée, c'est l'article 6. Et, encore là, cet article-là, on le sait et on le voit même dans l'avis, on le voit dans la revue de presse, cet article-là est contesté de partout parce qu'il vient stigmatiser les femmes, parce qu'il vient faire en sorte que ce ne sont que les femmes qui sont visées par l'article 6 à cause de Naïma. Et ça a été votre réponse de gouvernement. Alors, dire qu'ici on doit se concentrer sur le projet de loi, eh bien, malheureusement, Mme la Présidente, on ne fera pas l'économie, nous allons continuer de parler de laïcité de ce côté-ci parce que, nous, c'est ce qu'on réclame, un vrai débat, et non pas des raccourcis. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, Mme la Présidente. Avant de revenir proprement sur l'amendement sur le milieu municipal, je vais compléter les propos de ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, mais qui font également suite à la dernière explication apportée par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Un petit peu plus tôt aujourd'hui, nous avons déploré le silence du gouvernement sur toute cette absence du milieu municipal à travers le projet de loi n° 94. Donc, j'étais ravi des explications de la ministre, bien que je ne sois pas d'accord avec les arguments qu'elle a invoqués. Elle a justifié cette absence du milieu municipal en insistant sur le fait que ça ne relevait pas -- et ce sont ses mots -- de leur giron, du giron du gouvernement du Québec. Or, c'est oublier un principe qui est élémentaire, celui que les municipalités sont de pures créations du gouvernement du Québec. Et, en ne les incorporant pas dans le projet de loi, on vient les laisser à elles-mêmes, comme plusieurs organismes ont déploré avoir été laissés à eux-mêmes à travers le projet de loi n° 16, notamment.

La ministre a cependant dit à juste titre que la réalité d'Alma, la réalité de Montréal, la réalité de Trois-Rivières sont des réalités bien, bien différentes. Mais, en même temps, on se rend compte d'une chose, oui, c'est vrai, ce sont des réalités différentes, mais vous pouvez imaginer le défi que peut représenter pour une municipalité d'établir une politique en matière d'accommodement raisonnable, sinon en matière de laïcité. Donc, ces municipalités, aujourd'hui, encore une fois, malheureusement, sont laissées à elles-mêmes, sans outils, et ce sont à elles que reviendra le fardeau d'établir leur propre politique. Et, comme je le mentionnais lors de mon intervention précédente, le défi est immense pour ces municipalités-là. Et, dans bien des cas, malheureusement, on reprend la formule la plus facile, c'est-à-dire on regarde un petit peu ce qui s'est fait ailleurs et on essaie de calquer de façon à se sauver de longues procédures. On le mentionnait, autant ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve que moi-même, il y a des procédures qui se sont, oui, retrouvées devant les tribunaux à travers différentes municipalités, mais on parle de très, très, très longues procédures, cinq, six, sept, huit, 10, 12 ans dans certains cas. Donc, pour plusieurs municipalités, c'est tout simplement impensable de s'embarquer dans un débat de cette nature-là.

Mais, là aussi, la ministre a des interprétations, des justifications qui ne me satisfont pas. Elle a parlé notamment du rapport Bouchard-Taylor -- on l'a évoqué à quelques reprises aujourd'hui -- elle a mentionné que, bon, le rapport a été déposé en 2008. Ça fait trois ans, essentiellement, ou ça va faire trois ans sous peu. Elle a mentionné ce pourcentage de 80 %. Elle dit qu'après trois ans, essentiellement, on a 80 % des recommandations d'implantées, et je me souviens qu'à pareille heure l'année dernière sa prédécesseure, la ministre James, évoquait ce même pourcentage de 80 %. Et ce pourcentage nous a toujours mystifiés au niveau de l'opposition officielle, et il faut croire qu'on n'est pas les seuls à s'interroger parce qu'au même moment où la ministre James et, par la suite, l'actuelle ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles disaient que 80 % des recommandations avaient été implantées il y a la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes qui a publié son propre bulletin de performance par rapport aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor. Les recommandations, elles étaient au nombre de 84, recommandations et sous-recommandations. Le gouvernement, donc, nous dit 80 % de réalisées, mais ces organismes, eux, soutiennent que 90 % de ces recommandations n'ont pas été entendues, et même trois ans après le dépôt du rapport.

Et je pense que ça vaut la peine de passer à travers certaines d'entre elles parce que ça vient démontrer cette incapacité pour le gouvernement de répondre à des attentes qui sont pourtant clairement établies et qui pourraient mettre fin à un débat...

La Présidente (Mme Vallée): Juste un petit point de règlement, M. le député de Deux-Montagnes, lorsque vous faites référence à un parlementaire, ne pas l'appeler par son nom de famille, même lorsqu'on lit un texte. Alors, parce que je vois que vous vous référez à un document, je sais que ce n'est pas de mauvaise foi, loin de moi de prétendre le tout. C'est tout simplement parce que, parfois, on lit un texte puis on s'égare, alors...

M. Charette: Tout à fait, tout à fait. Donc, le rappel est tout à fait juste et apprécié. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous laisse poursuivre.

M. Charette: C'est bien gentil. Donc, ce constat ou ce bulletin établi par la table de concertation illustre -- j'allais le mentionner, justement -- cette incapacité du gouvernement à répondre au minimum à des attentes. Et là vous allez m'excuser, c'est ma mauvaise habitude, je vais y aller de certaines lectures, mais ça reprend l'essentiel de notre propos. Donc, là où il y a échec... Et j'insiste sur les principaux points parce qu'ils sont nombreux, ils sont au nombre de 84. Et déjà je vous rassure, je n'en lirai pas 84, bref là où il y a échec.

«Que l'État octroie beaucoup plus de moyens aux organismes dont le mandat est d'informer et de protéger les citoyens. Nous pensons en priorité à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et au Conseil des relations interculturelles.» Qui, au demeurant, a même été aboli, donc on est loin de l'avoir renforcé, on l'a aboli depuis.

«Que l'État -- au niveau des pratiques d'harmonisation -- s'emploie davantage à promouvoir le cadre civique commun ou ce que nous avons appelé les valeurs publiques communes au sein des diverses institutions et dans le public en général.»

Au niveau, maintenant, au niveau de l'intégration des immigrants, en matière de planification des taux d'immigration -- et là ça reprend les propos de mon collègue de Bourget qui faisaient suite au rapport du Vérificateur général l'année dernière -- donc: «En matière de planification des taux d'immigration, que l'État s'assure de maintenir en équilibre le nombre d'entrées avec les ressources disponibles pour l'accueil, notamment l'insertion à l'emploi et à la francisation.»

Également: «Que l'État intensifie ses efforts en matière de francisation -- j'y reviens -- et d'intégration des immigrants par: une meilleure coordination des programmes de francisation[...]; la mise sur pied d'un groupe d'étude pour revoir toute la question de la sous-représentation des membres des minorités ethniques dans les postes de l'administration publique[...]; une [meilleure] gestion plus concertée[, donc,] des programmes et des mesures d'intégration au sein de l'appareil gouvernemental, plus particulièrement entre les ministères de l'Immigration, de l'Éducation, de la Santé et de l'Emploi.»

Également: «Que l'État intensifie les mesures pour accélérer le processus de reconnaissance des compétences et des diplômes acquis à l'étranger. Parmi les mesures plus pressantes, nous recommandons: la mise sur pied d'un comité d'enquête indépendant mandaté pour faire la lumière sur les pratiques des ordres professionnels en matière de reconnaissance des diplômes.»

Également: «Que l'État intensifie ses efforts afin de stimuler la régionalisation de l'immigration. Dans cet esprit, il conviendrait de: [donc,] instituer des mesures incitatives pour les entreprises qui recrutent des immigrants[...]; accorder un financement ad hoc aux municipalités et aux nombreux organismes d'accueil et d'encadrement qui ont été mis sur pied hors de...»

**(21 h 10)**

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...interrompre mon collègue parce que je pense qu'il était parti sur une erre d'aller extraordinaire. La seule chose, c'est que j'aimerais juste voir quelle est la pertinence de son élaboration ou l'énumération par rapport à l'amendement qui nous a été présenté pour les municipalités. Je veux juste voir le lien, c'est tout. Si... ce serait très intéressant.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: La question est pertinente, mais elle aurait dû être posée à Mme la ministre parce que, dans les faits, je réponds à son propre argumentaire. Donc, elle mentionnait dans ses explications, il y a quelques instants à peine, que 80 % des mesures du rapport Bouchard-Taylor avaient été respectées et réalisées. Or, la démonstration est plutôt à l'inverse. Et elle ne vient pas de l'opposition officielle, cette démonstration, elle revient de 140 organismes qui sont financés par le ministère de l'Immigration, donc des organismes qui sont certainement crédibles, compte tenu de leur financement public.

M. Auclair: Je ne suis pas en désaccord avec l'énumération des organismes qui sont crédibles, je ne mets pas en doute la crédibilité des organismes. La seule chose que je pense, que le point... Il veut faire un point, je pense que c'est fait. Mais, si on peut revenir maintenant à l'élément même, soit l'article 79 pour la pertinence, bien sûr, et qu'il revienne à la pertinence même de c'est quoi, l'amendement. L'amendement parle de... Le premier alinéa de l'article 1 est modifié par l'ajout, après «par cette Administration gouvernementale», de «cet organisme municipal». Je ne vois pas d'organisme municipal mentionné dans son élaboration et son énumération.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, M. le député de Vimont, M. le député de Deux-Montagnes. Alors, les commentaires s'adressent aux deux côtés de cette table, on en est sur l'amendement qui a été présenté un peu plus tôt ce soir par Mme la députée de Rosemont, et ce serait important de s'en tenir à cet amendement.

M. Charette: Tout à fait. Non, j'en conviens. Et l'énumération, elle est tout à fait à propos dans ce sens-là, et j'achève, de toutes les façons. Il y a un volet particulièrement intéressant dans ce bulletin publié par la table...

M. Auclair: ...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député, question de règlement?

M. Auclair: Oui, toujours. Que mon collègue achève l'énumération, ce n'est pas le fait. La question, c'est de revenir à la pertinence. L'article 79, quand même, est clair à cet égard. Que son recherchiste lui fasse des petits signes pour lui dire: Tu peux continuer ne me dérange pas du tout. Moi, ce qui m'importe, c'est qu'on revienne sur le texte lui-même, c'est-à-dire «organisme municipal» parce que c'est l'objectif même. Puis je comprends très bien, puis je suis sûr que mon collègue a beaucoup d'autres choses à échanger avec nous par rapport, justement, à l'avantage, s'il y a lieu, d'étendre le projet de loi aux organismes municipaux.

La Présidente (Mme Vallée): Bon. Alors, tout simplement, comme je disais, on pourrait discuter longuement. M. le député de Deux-Montagnes, sur l'amendement, s'il vous plaît.

M. Charette: Tout à fait. Tout à fait. Donc, la ministre, il y a quelques instants, a mentionné que le giron municipal ne relevait pas du gouvernement du Québec, et un des arguments invoqués était cette référence au rapport Bouchard-Taylor. Donc, je suis dans le même ton et avec les mêmes propos que la ministre.

Et je termine sur cette dernière portion du bulletin, donc celle qui s'adresse davantage au volet de la laïcité. Et, on l'a évoqué à maintes reprises tout au long de la journée, une des principales recommandations, donc, de la commission Bouchard-Taylor était de produire ce livre blanc sur la laïcité. Et, encore une fois, au niveau du bulletin, malheureusement, je ne peux pas vous l'illustrer ou vous le démontrer, bien que je l'aie sous les yeux, c'est une note d'échec qui accompagne cette évaluation. Bref, tout au long de la journée, on a cité quelques organismes et organisations qui sont pourtant toutes et tous reconnus par le gouvernement du Québec. On a parlé abondamment du Conseil du statut de la femme, qui a déposé hier un avis d'une pertinence éloquente. On a parlé à plusieurs reprises également de la commission Bouchard-Taylor. Dans les deux cas, ce sont des organismes qui relevaient directement du gouvernement du Québec, qui, dans les deux cas, étaient financés entièrement par le gouvernement du Québec.

On a également abondamment parlé du projet de loi n° 16, qui avait également été institué par le gouvernement du Québec en fonction de ses propres priorités. On a parlé -- et je viens de le faire à l'instant -- de ces 140 organismes qui sont financés par le gouvernement du Québec, donc qui doivent avoir cette crédibilité requise. Bref, ce sont tous des instances et organismes qui relèvent du gouvernement du Québec et qui envoient à ce dernier des signaux d'avertissement excessivement clairs, excessivement documentés et précis, et, malheureusement, dans chacun des cas, les avis qui sont communiqués au gouvernement sont rejetés du revers de la main. Et, si j'avais un bulletin qui m'était adressé et que mon taux de réussite se situait entre 10 % et 15 % uniquement, je serais drôlement inquiet.

Donc, pour ces raisons, je suis tout à fait inquiet de la direction que donne le gouvernement du Québec sur ces questions, je suis inquiet de voir le gouvernement faire la sourde oreille aux différentes recommandations qui ont été faites, tout comme je suis inquiet par l'explication de la ministre au niveau de vouloir exclure le milieu municipal du projet de loi n° 94. Si on lit les articles 2 et 3 -- et j'espère que nous aurons l'occasion éventuellement de nous y rendre, à ces deux articles-là du projet de loi n° 94 -- on voit qu'il y a -- dans l'esprit, à tout le moins -- une volonté d'avoir un cadre d'action suffisamment large. Donc, si on recherche cette cohérence au niveau du législatif, on devrait, conséquemment, intégrer le volet municipal au projet de loi n° 94. Autrement, on se retrouve dans un contexte tout à fait particulier qui ne peut qu'engendrer la confusion -- et là je reprends les propos du Mouvement laïque québécois, que nous avons également eu le privilège d'entendre ces dernières semaines -- c'est-à-dire trois régimes juridiques différents. Lorsqu'il sera question de l'administration fédérale, il y aura, bien sûr, la Charte canadienne des droits et libertés. Lorsqu'il sera question de l'administration provinciale, il y aura le projet de loi n° 94. Et, lorsqu'il sera question de l'administration municipale, il y aura cette charte québécoise des droits et libertés. Bref, trois régimes juridiques différents pour affronter une même situation, ce qui est insensé.

Je comprends les limites actuelles du Québec, je comprends qu'il ne puisse, malheureusement, s'ingérer au niveau de la Charte canadienne des droits et libertés, mais, dans l'intervalle, nous avons, à tout le moins, la possibilité de légiférer au niveau municipal et au niveau de tout ce qui concerne le gouvernement québécois. Donc, voilà pour le moment. Merci de votre écoute, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? M. le député de Bourget, il vous reste 20 minutes.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. J'étais très attentif à ce qu'ont déclaré mes collègues de Deux-Montagnes, d'Hochelaga et de Rosemont et j'étais également très attentif relativement à ce que disait Mme la ministre relativement à notre proposition d'amendement. Mais il y a un bout-à-bout qui m'est revenu à l'esprit, j'ai raccordé ce que disait ma collègue de Rosemont et la ministre, et il apparaît clairement qu'il y a à la base même de nos conceptions du vivre-ensemble une différence notoire. Dans l'analyse virtuelle et rapide que je fais du discours que j'entends de la ministre, qui est très articulé évidemment, c'est une femme brillante, je ne la retrouve pas dans ce projet de loi, il y a comme quelque chose de pas synchrone. J'entends son discours, je lis ce projet de loi et je jauge les résistances relativement à un tel amendement, et je ne la retrouve pas, intellectuellement parlant, elle vaut beaucoup plus que ça. Et je pense que l'histoire le dira peut-être un jour, elle a hérité d'un projet de loi bancal, et, malheureusement, par solidarité, elle est obligée de l'assumer jusqu'au bout. Je ne souhaiterais pas être à sa place.

**(21 h 20)**

D'un autre côté, je vois cet humanisme qui transpire, cette résistance à l'effet, disons, d'intégrer la sphère municipale et les organismes municipaux dans ce projet de loi, cet humanisme que nous avons de notre côté, mais qui se lit d'une autre perspective. La perspective de la ministre, celle de multiculturalisme. La nôtre, c'est le vivre-ensemble. C'est, comme disait la députée de Rosemont, cette volonté de métissage que nous prenons. Et soustraire la sphère municipale et les organismes municipaux de ce projet de loi, à mes yeux, participe -- du moins de la perspective de l'immigrant que je suis ou, par extension, des communautés culturelles -- à un refus de contribuer au rapprochement de la diversité, à un refus de contribuer au rapprochement des divers... Exclure ce vecteur, ce n'est pas rendre service à la majorité des citoyens de confession juive, ce n'est pas rendre service à la majorité de nos concitoyens... de la majorité de nos concitoyens de confession musulmane, ce n'est pas, non plus, rendre service à la majorité de nos concitoyens de confession chrétienne qui ne demandent que cela.

Toutes ces entités citoyennes pensent sûrement la même chose que nous, la convergence, mais force est de constater qu'en leur sein il y a des groupuscules radicaux qui parlent plus fort, qui s'expriment plus fort, qui revendiquent plus fort, qui, dans la sphère municipale et au-delà, dans les organismes municipaux, occupent énormément de place et s'incarnent dans l'esprit, dans l'inconscient collectif comme l'arbre qui cache la forêt. C'est de cet arbre qu'il faut protéger la majorité, les majorités au sein même de ces communautés pour qu'enfin nous nous rencontrions sur une base saine dans toutes les sphères civiques.

Mais cet échange, ce débat est mal parti, et je pourrais même avoir, disons, un élan caricatural en disant que le gouvernement, pour des raisons qui m'échappent encore rationnellement, se protège du niqab, tolère quasiment l'ensemble des autres signes ostentatoires religieux dans la sphère civique en excluant, bien entendu, la sphère municipale et les organismes municipaux, qu'il abandonne à son sort. Et, pourtant, c'est dans ces sphères-là... Et ma collègue d'Hochelaga énumérait le chapelet de lieux de convergence, de retrouvailles, d'activités au municipal, et il est malheureux de voir que l'exercice que nous faisons se limite... soit si étroit, en fait, et ne s'étende pas dans ces vecteurs municipaux, où l'essentiel se passe, finalement.

Je me pose la question, mais je ne sais pas si la ministre, au-delà de ce qu'elle a exprimé tout à l'heure, de dire: C'est un choix, un choix conscient, volontaire du gouvernement... Chaque oeuvre, quelle qu'elle soit, est l'émanation de nous-mêmes. Et, comme je le disais au début de mon propos, je ne retrouve pas la ministre derrière ces choix. Elle est beaucoup plus élaborée intellectuellement que ça, elle a beaucoup plus de profondeur que ça et elle a une lecture fine de la réalité. Et, pour ma part, il est impossible qu'elle ne prenne pas en considération ces entités municipales que nous voulons intégrer au projet de loi, considérant leur importance dans notre quotidien.

Alors, la ministre -- et mon collègue de Deux-Montagnes la reprenait là-dessus -- disait que les municipalités pouvaient, si cela les inspirait, initier elles-mêmes un cadre ou des règles pour encadrer, disons, la gestion des accommodements en leur sein. Mais je réitère ce que disait mon collègue de Deux-Montagnes, les municipalités, c'est une création du gouvernement du Québec. Nous nous sommes empressés de leur imposer un certain nombre de règles hier encore, pour reprendre la strophe d'Yves Montand... Pas Yves Montand, mais Charles Aznavour. Montand est mort, Aznavour est vivant. Hier encore, on leur imposait une loi sur l'éthique. Si nous convenions que les questions d'éthique qui se posent dans notre sphère devraient se limiter à nous, on se serait limités à faire une proposition de projet de loi se limitant à nous. Mais non, on a extrapolé, on a touché au municipal. Alors, en parallèle à un tel exercice, je me pose la question de savoir les fondements réels parce que personne ne me fera croire que la ministre assume sincèrement un tel projet de loi anémique au plan de sa couverture, notamment ces organismes municipaux que nous voulons voir intégrés à ce projet de loi.

Mme la Présidente, je ne sais pas si la ministre me répondra sur cette question, mais, avec beaucoup d'humilité, je dirais que l'exercice dans lequel elle s'est embarquée ne lui ressemble pas du tout. Il y a un problème de concordance énorme, et je ne la retrouve pas là-dedans. Voilà.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre, vous avez 2 min 30 s.

Mme Weil: ...ou demain? Comme vous voulez.

La Présidente (Mme Vallée): Il reste deux minutes pour nos travaux. Alors, vous pouvez les utiliser, Mme la ministre, c'est libre à vous.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Bon, écoutez, compte tenu de l'heure, si vous le préférez, nous pouvons ajourner et reprendre nos travaux... sine die pour le moment et reprendre notre discussion à la prochaine séance.

Alors, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux, et la séance est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 21 h 29)

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