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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mercredi 6 avril 2011 - Vol. 42 N° 7

Étude détaillée du projet de loi n° 94 - Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures quarante-six minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bon avant-midi, chers collègues. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Alors, cet avant-midi, nous sommes réunis pour poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Charette (Deux-Montagnes); et Mme Hivon (Joliette), par M. Kotto (Bourget).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, c'est un plaisir de vous retrouver. Là, nous en étions rendus, lors de l'ajournement de nos travaux jeudi dernier, nous étions en discussion sur le sous-amendement qui avait été déposé par M. le député... En fait, le sous-amendement avait été déposé par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, et ça visait à remplacer certains mots de l'amendement qui était présenté précédemment par M. le député de Chicoutimi, qui remplaçait le député de Deux-Montagnes, qui, lui, remplaçait le député de Marie-Victorin. Bref, sur cette motion de sous-amendement, je vais, tout simplement, rappeler aux collègues un petit peu le temps de parole qu'il vous restait. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous restait 20 minutes sur le sous-amendement. M. le député de Deux-Montagnes, malheureusement, votre collègue avait tout épuisé votre temps de parole. Mme la députée de Rosemont -- heureuse de vous retrouver -- il vous reste 20 minutes. Et, M. le député de Bourget, il vous reste 20 minutes. Alors, je vous entends sur le sous-amendement.

Une voix: ...de notre côté, madame...

La Présidente (Mme Vallée): Et, de votre côté, bien il vous reste, évidemment, le temps parce que je crois qu'il n'y avait pas eu de temps de parole sur le sous-amendement. Alors, est-ce que quelqu'un souhaitait intervenir? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, sur le sous-amendement.

Mme Poirier: Alors, merci, Mme la Présidente. Eh bien, écoutez, je suis très heureuse de voir que nos collègues d'en face souhaitent intervenir à ce moment-ci de nos travaux parce qu'effectivement cet amendement-là déposé par mon collègue de Chicoutimi, l'amendement initial, est un amendement important parce qu'il vient faire en sorte de modifier la Charte des droits et libertés pour s'assurer que l'égalité entre les femmes... soit une valeur, mais une valeur par laquelle on vient introduire le fait que, dorénavant, l'égalité hommes-femmes devra être tenue en compte dans les causes qui seront portées devant les tribunaux et que l'égalité hommes-femmes ne sera pas négociable contre d'autres valeurs. Alors, j'ai bien hâte d'entendre mes collègues d'en face nous préciser leur pensée là-dessus et, surtout, leur désir de voir modifier la Charte des droits et libertés.

Alors, Mme la Présidente, la semaine passée, j'ai distribué un texte dont je vais vous faire lecture aujourd'hui, un texte qui est paru dans La Presse le 28 mars dernier, texte de Pierre Foglia et qui s'appelle Précieuse Amira. Et je vais vous en faire la lecture parce que, lorsqu'on parle d'égalité hommes-femmes, je pense qu'on a là un exemple frappant de ce que veut dire l'égalité hommes-femmes dans d'autres pays.

**(11 h 50)**

«Adil vend des ordinateurs dans une boutique de Ghadir, un quartier populaire très animé. Il m'a invité à souper... à ma demande! Je lui ai expliqué que je souhaitais être reçu dans une famille moyenne de Bagdadis. Il a trois jeunes enfants, sa femme enseigne l'électricité, il habite avec sa mère et ses deux frères une petite maison qu'ils ont payée 120 000 $ il y a deux ans, juste ça: de quoi a l'air une maison de 120 000 $ à Bagdad?

«Il posé trois conditions: il ne fallait pas qu'on me voie entrer chez lui. Pas de photos. Pas de vrais noms dans mon article.

«Dans l'auto, en nous rendant chez lui, Adil m'annonce une grande nouvelle: exceptionnellement, Amira, sa femme, dînerait avec nous et je pourrai ainsi lui poser des questions sur sa job de prof. Il a ajouté ceci, qui m'a laissé au bord de l'évanouissement: c'est bien parce que tu es vieux, si tu avais 10 ans de moins, ma femme ne se serait pas montrée. Comme tu le sais, dans nos maisons, les femmes disparaissent lorsqu'entre un étranger.

«Je le savais, bien sûr. C'est le "si t'avais 10 ans de moins" que je ne saisissais pas très bien. Tu sais, Adil, si j'avais 10 ans de moins, j'en aurais tout de même 60, et, à 60 ans, ça faisait déjà un bon moment que je ne sautais plus sur les musulmanes en abaya noire, voilées...

«On arrivait chez lui. Il m'intima de ne pas sortir de l'auto avant qu'elle soit entrée dans la cour et qu'il en ait refermé la grille. Et surtout chut, pas un mot. Même pas hello à ses frères qui allaient probablement nous accueillir dans la cour. Pas un mot avant d'être [entré] dans la maison. Il montrait une réelle nervosité.

«Plus tard il m'expliquera que le danger était que les voisins bavassent. Adil recevait des étrangers, pauvre Adil qui ne sait pas que les étrangers sont des agitateurs, que leur but est seulement de détourner les bons musulmans de leur religion... Les extrémistes auxquels je pense, me précisa Adil, tiennent le concombre pour un symbole phallique qu'il ne faut pas mettre sur le même étal que les tomates au marché, imagine ce qu'ils peuvent penser d'un journaliste canadien...

«On me fit visiter la maison. 120 000 $, vraiment? Une seule pièce en haut où couchaient Adil, Amira et leurs trois enfants. Un salon en bas qui sert aussi de chambre aux deux frères, une pièce au fond pour la mère, entre les deux une cuisine minuscule. Les toilettes dans la cour.

«Pour tout mobilier, deux fauteuils et les lits, j'allais oublier une somptueuse télé à écran plat, aussi un Mac de la dernière génération, l'Internet Wi-Fi, et les consoles de jeux vidéo des enfants.

«On a mangé assis en tailleur sur des tapis. Amira, en congé d'école -- la semaine de relâche comme chez nous -- avait passé l'après-midi à cuisiner, elle passera la soirée à repousser sous son voile une mèche rebelle qui s'échappait sur le côté.

«Arrête, Amira, tu m'énarves... Je ne le lui ai pas dit. Ainsi, madame, vous enseignez l'électricité? C'est original dans un pays qui en manque 14 heures sur 24...

«Mon cours porte aussi sur les génératrices, me répondit-elle suavement.

«Si vous me permettez une impertinence, madame, je trouve étonnant que, toute la journée, vous imposiez votre autorité à une quarantaine de garçons de 14-15 ans, mais qu'un homme entre chez vous et, pfft, vous disparaissez...

«C'est tout simple, me répondit-elle, à l'école, c'est moi, le boss. À la maison, c'est mon mari. À la maison, ma place est [dans] la cuisine.

«C'est exactement ce qu'elle a dit: ma place est à la cuisine.

«Si la chute de Saddam a fait faire un grand bond en avant à l'Irak... elle a fait faire quelques petits pas de côté aux Irakiennes. En 2004, sous le nez des Américains qui avaient d'autres chats à fouetter il est vrai, le statut des femmes irakiennes a été redéfini en fonction de la loi islamique. De nombreuses étudiantes ont alors été forcées de quitter le campus, des dizaines de femmes exerçant des professions libérales, journalistes notamment, médecins, avocates, ont été assassinées, enlevées, torturées. Le port du voile n'est pas devenu obligatoire, mais nombre de celles qui ne le portaient pas ont reçu des menaces, voire des avertissements du genre: Cachez vos cheveux, on vous surveille. Les récalcitrantes avaient parfois droit à une balle dans la tête, tirée d'une terrasse par un sniper.

«Les trois jeunes femmes que nous rencontrons le lendemain ne portent pas le voile, conduisent leur voiture, militent pour les droits des femmes dans un organisme qui dépanne notamment les veuves de guerre. On parlait de violence domestique, je voyais bien que Ziad renâclait un peu à poser mes questions, il y a eu un long échange entre les filles et lui, et ils sont partis à rire...

«De qui riez-vous?

«De toi, m'a dit Ziad. J'ai dit aux filles que, si tu insistais tant sur les maris qui battent leur femme, c'est parce que, dans ton pays, c'est les femmes qui battent les hommes.

«Et les nounounes de rire comme des bossuses? Ciel.

«Ai-je dit que Ziad était un garçon ouvert, brillant, que j'ai pour lui la plus grande estime? Qu'il serait mon ami à Montréal? Je ne vous rapporte pas les propos d'un beauf. Je vous parle d'une autre culture que la nôtre.

«Au bout de mes questions féministes, j'en pose une dernière, vraiment pas importante: [Demandez]-leur donc s'il y a en Irak une association de femmes gaies.

«Ziad s'assombrit aussitôt. Non, je ne leur demanderai pas cela.

«Pourquoi?

«Parce qu'il y a des limites à tout.

«Ah bon, et j'ai franchi quelle limite, ici?

«Tu ne peux pas demander ça, c'est tout. En plus, c'est une question idiote parce que, s'il existe de telles femmes en Irak, gaies comme tu dis, elles se haïssent trop pour former une association, elles se cachent...

«Les trois jeunes femmes qui saisissent un peu d'anglais comprennent de quoi il retourne, rougissent et, très embarrassées, se dépêchent de changer de sujet.

«Alors, une société hygiénique, dont on a évacué le péché en même temps que l'Autre? C'est à voir. Ça couraille, ça baise, ça se trompe exactement comme chez nous. Ici, nos deux cultures se rejoignent totalement!

«Revenons à Adil. Savez, celui qui ne m'aurait pas présenté à son Amira si j'avais eu 10 ans de moins. Parlant de Ziad, je ne vous parlais pas d'un beauf, parlant d'Adil, j'en suis moins sûr.

«J'ai revu Adil dans un resto de kébab deux ou trois jours plus tard. On est quatre à table, on parle. À une table voisine, il y a deux bonnes femmes, deux soeurs. Je ne remarque pas qu'une des deux regarde Adil avec insistance. Ce que je vois, c'est Adil qui sort son cell et fait un petit mouvement du poignet avec, comme pour dire à la bonne femme «sors donc le tien aussi». Ce sont des téléphones Bluetooth. Ils se pairent, je ne sais pas trop comment ça marche. En texto, la bonne femme envoie son numéro à Adil. Et voilà. Ils se sont parlé quelques fois au cours des jours qui ont suivi. Rendez-vous a été pris pour le samedi suivant chez Ziad qui est célibataire, et qui, ce jour-là, me reconduira à l'aéroport. Elle est mariée, elle a un petit garçon.

«Vous êtes des beaux salauds, j'ai dit à Ziad et Adil. Vous n'arrêtez pas de me faire la morale islamique, ne regarde pas les femmes dans les yeux, ne les montre pas du doigt, ne leur serre pas la main... mais vous vous foutez de moi ou quoi? Toi, Adil, tu t'en vas sauter une femme mariée, mère de famille, dans le lit de ton chum... Et ton Amira? Ton Amira si précieuse que tu ne me l'aurais pas présentée si j'avais eu 10 ans de moins?

«Je ne vous dirai pas ce qu'il m'a répondu. Oh et puis merde, pourquoi pas, il m'a répondu mon Amira, mon Amira... on se tanne de manger du kébab tous les jours.»

Mme la Présidente, si le Québec se bat depuis si longtemps pour l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est pour ne plus lire de textes comme celui-là, c'est pour faire en sorte que la dignité, la dignité des femmes soit à l'ordre du jour. Un texte comme ça me trouble beaucoup, Mme la Présidente. Si le projet de loi ne vient pas introduire dans la Charte des droits et libertés l'égalité à un rang qui fera en sorte que, dorénavant, l'ensemble de nos décisions ne seront pas étudiées par le prisme de l'égalité hommes-femmes, les travaux de cette commission auront manqué leur objectif. Si l'égalité hommes-femmes, que nous croyons tous ici -- et j'en suis persuadée -- est une valeur fondamentale, il faut s'assurer que cette valeur-là se retrouve comme une valeur d'interprétation dorénavant pour les décisions de nos tribunaux. Il ne faut plus laisser les tribunaux décider que la liberté de croyance -- et on le voit bien dans ce texte-là -- que la liberté de croyance ou même les cultures qui sont loin de nos façons de faire viennent brimer les droits des femmes.

Je ne sais pas depuis combien de temps dans ma vie je me bats pour les droits des femmes, mais ce que je sais, c'est que l'égalité, c'est encore des mots, malheureusement. Ce ne sont pas des faits et ce n'est pas la réalité de toutes les femmes au Québec. L'égalité des femmes n'est pas acquise. D'ailleurs, le thème de la marche des femmes était très, très clair, Tant que nous ne serons pas libres, nous marcherons, parce que les femmes ne sont pas encore libres.

D'ailleurs, je suis en train de lire, Mme la Présidente, un livre, que je recommande, qui s'appelle Le contrat sexuel, de Carole Pateman -- je le recommande à tout le monde -- qui vient remettre en cause tout le contrat social du XVIIe siècle et qui vient nous dire qu'il y a eu contrat sexuel -- non pas en fonction du sexe, mais en fonction du genre -- et que ce contrat-là de nos sociétés a fait en sorte que le patriarcat est encore, et encore aujourd'hui, une façon de diriger nos sociétés. L'égalité n'est pas acquise, elle est encore à rechercher, et il faut s'assurer que, comme société québécoise, on vienne introduire l'égalité hommes-femmes dans la charte pour faire en sorte que les tribunaux n'aient plus jamais le choix, n'aient plus jamais le choix de passer par l'égalité hommes-femmes avant d'interpréter toute décision.

Et, Mme la Présidente, je pense que nous avons une responsabilité, nous avons une responsabilité dans cette commission, de venir combler cette lacune-là présentement, et je souhaite, je souhaite vraiment que la ministre puisse se rendre à nos arguments pour accepter cet amendement. La dernière fois, nous avons eu la surprise de notre collègue de Vimont qui nous en a fait une, surprise. Je m'attendrais à ce qu'il intervienne pour venir accepter d'introduire dans la charte québécoise des droits et libertés que l'égalité hommes-femmes ne peut plus être remise en question dans notre société. Merci, Mme la Présidente.

**(12 heures)**

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, est-ce qu'il y aurait une autre intervention? Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, comme ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, je dirais, les articles de Pierre Foglia sur le terrain, en Irak, ne m'avaient pas échappé, particulièrement celui que la députée a cité, parce que ce sont des articles qui se sont faits sur le terrain et qui ne sont certainement pas selon la rectitude politique. Alors, c'est ce qui est très intéressant des articles, en général, de Pierre Foglia, mais, en tout cas, quand il va sur le terrain comme ça, et là, en Irak, c'était passionnant et fascinant.

Alors, moi aussi, je veux donc parler du sous-amendement sur cet amendement qui concerne, bien sûr, l'égalité entre les femmes et les hommes. On en a beaucoup parlé la semaine dernière, puisque l'avis du Conseil du statut de la femme venait d'être rendu public, et il est évident que, je pense, on a tous avantage, tous et toutes avantage à lire très consciencieusement cet avis du Conseil du statut de la femme qui dit des choses extrêmement pertinentes et extrêmement lourdes de sens concernant la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes. Et je pense que... D'ailleurs, on aura l'occasion -- c'est vendredi matin -- de rediscuter, la ministre et moi, pendant deux heures dans le cadre d'une interpellation. Je vois que le député de Vimont a eu peur que ça s'adresse à lui, mais non. Peut-être que la ministre sera accompagnée de certains députés vendredi matin, mais on aura donc l'occasion... Parce que ce que je regrette, Mme la Présidente, puisqu'on est sur ce sujet-là et que... Le sujet de la laïcité, on ne peut pas l'aborder sans parler de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. On ne peut pas l'aborder, c'est une question qui est au centre de tout ce débat sur la laïcité.

La laïcité ouverte, on voit très, très bien ce qu'en dit l'avis du Conseil du statut de la femme, où la laïcité telle que, nous, on la conçoit, c'est-à-dire une laïcité qui soit vraiment inclusive... Et, comme on n'a pas eu de... Je dirais, c'est quand même assez étonnant. On a laissé un certain nombre de jours au gouvernement pour, en quelque sorte, qu'il nous donne sa réaction. Que je pense à la ministre de la Condition féminine ou à la ministre de l'Immigration, qui siège avec nous ici jour après jour depuis quelques semaines, en tout cas depuis aussi le dépôt de cet avis, on ne sait pas ce que le gouvernement en pense, et c'est... Moi, quand je réfléchis à ça, ça m'étonne beaucoup qu'on n'ait pas une réponse, en quelque sorte, circonstanciée du gouvernement par rapport à cet avis qui a été remis au gouvernement, qui n'a pas été remis ici, à la commission, ou en fonction de nos débats, mais c'est un avis qui est préparé certainement depuis longtemps parce que ces 161 pages là, ça ne s'écrit pas en trois jours, là.

Donc, le Conseil du statut de la femme a beaucoup pensé, a beaucoup réfléchi à cette question. Par hasard, par hasard... Personne ne pouvait imaginer que, compte tenu des délais qu'on a connus, les auditions qui ont été assez longues, qu'on serait en plein milieu de l'étude article par article du projet de loi quand cet avis tomberait, mais il est tombé en faisant grand bruit, mais sauf du côté du gouvernement, où on ne sait toujours pas quelle est la réaction, la réponse du gouvernement à cet avis de son... de son, je le répète, son organisme-conseil. Alors, peut-être que, vendredi -- là, on est deux heures en face à face, en interpellation -- j'obtiendrai des réponses concrètes et même, je dirais, un début de réaction de la part du gouvernement.

Parce que c'est quand même... Il y a quelques conseils auprès du gouvernement, d'ailleurs, des conseils, souvent... Et, d'ailleurs, il y en a qui sont en danger. On le sait très bien, des organismes qui sont auprès du gouvernement qui doivent donner leur avis au gouvernement, il y en a quelques-uns qui sont en danger. On le sait très bien, puisque le budget Bachand a fait en sorte que... le budget du ministre des Finances a fait en sorte que certains de ces organismes-là devront disparaître. On espère que certains d'entre eux seront sauvés in extremis. On pense à la Commission de l'équité salariale, en ce qui concerne l'opposition officielle, parce que le travail n'est franchement pas terminé, et là aussi il est question d'égalité hommes-femmes dans l'application de cette Loi sur l'équité salariale, qui inclut la Commission de l'équité salariale. Alors, tous ces organismes-là, donc il y en a un certain nombre qui sont appelés à disparaître, mais le Conseil du statut de la femme, il est là, il est bien vivant. Il existe depuis, je l'ai dit la dernière fois, depuis le gouvernement de M. Bourassa. Alors, on ne comprend pas qu'un avis si important d'un organisme si important soit complètement ignoré, tabletté par le gouvernement, sur la plus haute des tablettes, puisqu'on n'en a pas du tout entendu parler.

Mais, nous, en tout cas, on va continuer à en parler, à en parler beaucoup parce qu'on s'en inspire et que ces 161 pages sont pleines de bonnes idées et, surtout, ont une très grande cohérence, et que ce livre blanc, dont on n'a jamais vu la couleur, si je puis dire, recommandé par Bouchard-Taylor il y a trois ans, eh bien on l'a devant nous grâce à ce Conseil du statut de la femme, qui, j'espère, ne sera pas aboli dans une autre frénésie d'abolition d'organismes essentiels. Peut-être qu'il y en a, en effet, certains organismes qui ne sont pas essentiels, mais celui-là, il l'est, et il l'a prouvé depuis ses 40 ans d'existence, et c'est un organisme dont on ne peut pas, Mme la Présidente, se passer.

Alors, moi, à mon tour, je voudrais qu'on prenne connaissance d'un article extrêmement intéressant qui est paru dans Le Devoir concernant, justement, l'avis du Conseil du statut de la femme et qui a tout à fait rapport à la question dont nous discutons et au sous-amendement, qui a été donc signé par deux personnes, par Mme Michèle Sirois, qui est une anthropologue et spécialiste en sociologie des religions, et plus intéressant encore -- je n'en croyais pas mes yeux -- par M. Bernard La Rivière, docteur en théologie et membre du comité laïcité de Québec solidaire. Il doit être dissident parce que la position de Québec solidaire n'est pas celle du Conseil du statut de la femme, est plutôt celle de la Fédération des femmes, contre laquelle position, nous sommes. Mais ça veut dire qu'il y a des discussions à l'intérieur de Québec solidaire, puisque ce M. La Rivière signe ce texte concernant l'avis du Conseil du statut de la femme qui est intitulé La laïcité sans compromis quant aux droits des femmes, Mme la Présidente, et c'est exactement ce dont il s'agit ce matin.

Alors, ces deux auteurs ont donc publié dans Le Devoir, il y a quelques jours, un article intéressant, ont donné comme un des sous-titres La vision confuse de la «laïcité ouverte», ce qui rejoint parfaitement, comme vous le savez très bien, Mme la Présidente, qui rejoint parfaitement ce qui est dit longuement, expliqué longuement dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Ils disent une chose qui est intéressante et que je me permets de vous lire: «Devant ces Québécois [...] qui appuient l'appel du maire Tremblay...» Parce que nous savons très bien que le maire Tremblay est en appel et...

**(12 h 10)**

Une voix: Jean, Jean Tremblay.

Mme Beaudoin (Rosemont): Jean Tremblay, et non pas Gérald Tremblay. C'est vrai qu'il y a deux maires Tremblay, le maire Jean Tremblay. Et, donc, la cause est maintenant en appel, elle sera entendue, puisqu'elle a été reçue par la Cour d'appel. Les deux auteurs disent: «...nous sommes nombreux à croire qu'une grande partie de la responsabilité de ce recul revient à la commission Bouchard-Taylor qui a fait la promotion de la "laïcité ouverte". Le reste de la confusion doit être attribué à l'inaction du gouvernement face à la nécessité d'enchâsser la laïcité dans la charte des droits de la personne et de baliser les décisions des administrations publiques avec une charte de la laïcité.»

J'aurais pu écrire ça moi-même, puisque c'est ce que je vous répète, Mme la Présidente, je répète à cette commission depuis très longtemps, mais ce n'est pas moi, là. C'est des gens, d'ailleurs, dont je connais le nom, mais qui ne sont pas... Il y en a un qui est à Québec solidaire, et je ne crois pas que Mme Sirois soit membre, en tout cas, d'un parti politique. En tout cas, je ne le sais pas, mais, à ma connaissance, non. Par conséquent, ces deux personnes ont écrit exactement ce que nous tentons, de ce côté-ci de la table, de vous dire, Mme la Présidente, et à travers vous, bien évidemment, au parti ministériel.

«On se rappellera que la commission avait été mise sur pied justement pour répondre aux demandes d'accommodements religieux qui soulevaient de plus en plus l'impatience des citoyens et surtout des citoyennes, car plusieurs de ces arrangements se faisaient au détriment des droits des femmes. On peut mentionner à titre d'exemple le refus d'intégristes religieux de faire affaire avec des employées féminines de la Société d'assurance automobile du Québec -- on en a parlé souvent ici -- ou encore la recommandation faite aux policières de la ville de Montréal de se mettre en retrait lorsque le citoyen interpellé appartenait à un groupe religieux intégriste qui refuse la mixité.

«Au lieu de prendre position en faveur de la laïcité dans l'espace civique...» Je vois que même cette terminologie-là commence à être utilisée, je m'en réjouis. Donc, je continue: «...à savoir les institutions publiques comme les hôpitaux, les écoles, l'Assemblée nationale -- la commission Bouchard-Taylor a décidé d'en faire un débat sur l'intégration des personnes immigrantes et d'ouvrir grands les bras à toutes les manifestations religieuses venues d'ailleurs telles que le hidjab, le kirpan, le turban, les prières sur les lieux de travail, les congés supplémentaires, la non-mixité des piscines, etc.»

C'est intéressant parce que, le député de Deux-Montagnes et moi-même, on a écrit un texte dans Le Devoir, il y a peut-être un an, pour justement faire la distinction. En effet, Bouchard-Taylor est tombé dans ce travers de faire en sorte que ce débat-là soit comme accolé à l'intégration des nouveaux arrivants, à l'immigration. Or, on se rend compte que ce n'est absolument pas le cas, que, dans chacune des communautés, disons, religieuses il y a des orthodoxes ou des intégristes, etc., et que c'est à eux que l'on parle quand on dit «laïcité», et non pas à l'ensemble de la communauté religieuse en question, et qu'il faut faire cette distinction. De toute façon, il y a certaines communautés en cause ou les intégristes de certaines communautés en cause qui sont ici depuis 150 ans. De toute façon, on est tous des immigrants de plus ou moins fraîche date, puisque les premiers Français sont arrivés ici il y a un peu plus de 400 ans, mais on n'oublie jamais qu'il y avait déjà des nations autochtones sur ce territoire-ci. Alors, on est tous des immigrants de plus ou moins fraîche date.

Alors, c'est extrêmement intéressant de lire ce texte-là parce qu'il va, je crois, dans le bon sens en disant, par exemple: «...le Conseil du statut de la femme explique éloquemment qu'il ne peut y avoir de cohésion sociale sans le respect des trois valeurs fondamentales sur lesquelles se fonde le Québec moderne, à savoir la primauté du français, la séparation entre les sphères politique et religieuse et, enfin, l'égalité entre les femmes et les hommes. Le Conseil du statut de la femme nous rappelle que la laïcité, qui assure la protection de la liberté et de l'égalité entre toutes les citoyennes et les citoyens ainsi qu'entre toutes les religions, n'est pas reconnue officiellement et que le gouvernement doit corriger cette situation.» C'est quand même extraordinaire, en effet, de se rappeler à chaque fois que c'est nécessaire que la laïcité n'est inscrite nulle part, et, de notre côté, bien sûr, nous souhaitons ardemment que le gouvernement, au moins, pose ce geste-là et accepte nos recommandations en ce sens.

Et les auteurs ajoutent: «L'autre mérite du Conseil du statut de la femme -- et ça, c'est très important, puis on l'avait peut-être moins vue, cette dimension-là -- c'est d'avoir mis le doigt sur ce qui cloche dans l'approche anglo-saxonne jusqu'à présent utilisée au Canada et conséquemment imposée par la Cour suprême et entérinée par plusieurs de nos institutions.»

Et là les auteurs citent le rapport du Conseil du statut de la femme: «...en favorisant les droits individuels sans présenter de contrepoids en ce qui concerne les valeurs collectives, la laïcité ouverte -- dit le Conseil du statut de la femme -- enferme la société dans une logique individualiste qui ne permet pas de contrer la politisation des religions qui prend la forme de l'intégrisme ou de la droite religieuse.» C'est extraordinairement important parce que les droits individuels, selon le Conseil du statut de la femme et selon l'opposition officielle aussi -- nous sommes d'accord avec ça -- doivent... il doit y avoir un contrepoids, et ce contrepoids-là, bien ce sont nos valeurs collectives. «En ouvrant la porte -- disent les auteurs -- aux manifestations sexistes sous le couvert de la liberté de religion, la "laïcité ouverte" entrave la marche vers l'égalité réelle entre les sexes. Par contre -- je continue, ils disent, les auteurs -- en interdisant le port de signes religieux ostentatoires pour ses employés, l'État crée un espace où ceux-ci peuvent se soustraire aux pressions sociales, culturelles et religieuses qui s'exercent sur eux. C'est tout particulièrement le cas des femmes en raison du statut inférieur qui leur est réservé dans les religions.»

Je sais que, l'autre jour, quand on a parlé de ça puis du rapport du Conseil du statut de la femme, ça commence comme ça, certains ont dit: Ah, mon Dieu! est-ce vrai que les religions, disons les grandes religions... Le bouddhisme, très franchement, je ne le sais pas, je ne connais pas suffisamment. Ça me semble une religion très tolérante et très ouverte, mais, quand on parle des trois grandes religions monothéistes, eh bien tout le début du rapport du Conseil du statut de la femme démontre très, très bien... Et puis même si... Bon, Les religions et l'infériorisation des femmes; Des religions nées dans le creuset du patriarcat; Des textes sacrés rédigés par des hommes -- eh oui, eh oui; Une exégèse masculine et infériorisante pour la femme. Parce que, pendant très, très, très longtemps ceux qui ont interprété, c'est pas mal le cas encore... Il y a peut-être une religion chrétienne qui est une partie, je pense, de la religion protestante qui dit: Maintenant, il y a des femmes qui peuvent être évêques même, je crois, hein? Mais...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Anglican? La religion anglicane, mais disons que, pour l'ensemble, c'est tout nouveau, c'est tout récent, c'est une révolution considérable que les autres branches du christianisme... Les autres branches du christianisme n'ont pas emboîté le pas, et ce que j'ai entendu du pape Benoît XVI récemment n'allait franchement pas dans ce sens-là d'ouverture aux femmes. Alors, je pense que, quand on dit «une exégèse masculine et infériorisante pour la femme», bien c'est qu'en général, en effet, dans ces trois grandes religions monothéistes qui gèrent, je ne sais pas, la vie de millions, sinon de milliards d'êtres humains qui, avec leur liberté de conscience, ont tout à fait le droit d'y croire et de s'y soumettre... Mais il faut qu'il y ait, par rapport à ces libertés individuelles et à cette liberté de religion, qui est un droit, un droit important, un contrepoids -- et c'est ce qu'on croit -- de valeurs collectives.

Alors, nous, de notre côté, ce que l'on croit, c'est que la liberté de religion ne doit pas entraver l'égalité entre les femmes et les hommes et que... Oui, je sais que c'est un gros mot, mais je sais aussi que le leader de l'opposition officielle, jeudi dernier, a argumenté, je crois, même avec des jugements de la Cour suprême pour dire: Bien, la hiérarchisation des droits, eh bien ça peut finalement exister, que ce n'est pas dans le testament d'Adam et Ève que la hiérarchisation des droits ne peut pas exister. Alors, ce sont des législateurs comme nous qui font les lois, mais que, même au moment l'où on se parle, on peut déduire d'un certain nombre de jugements que, déjà, il y ait cette hiérarchisation des droits. Et, moi, je l'ai dit ici, je le répète, très souvent, et très longtemps, et encore aujourd'hui, les altermondialistes prétendent que les droits humains doivent avoir préséance sur les droits commerciaux. Eh oui! Donc, il doit y en avoir une, hiérarchisation des droits. Le droit de manger, peut-être plus important que le droit des entreprises, ça, à exploiter une entreprise. Bon, alors, des droits fondamentaux comme ceux-là, de manger et de se loger, etc., doivent avoir préséance selon les altermondialistes, et je suis tout à fait d'accord avec eux là-dessus. Alors, on peut imaginer de dire que la liberté de religion ne doit pas entraver l'égalité entre les femmes et les hommes et que cette égalité entre les femmes et les hommes doit avoir préséance, et, en effet, ça doit être le prisme avec lequel on regarde, d'abord et avant tout, les choses.

**(12 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): ...Mme la députée de Rosemont, votre temps est, malheureusement, écoulé déjà.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! bien, j'étais dans une...

Une voix: Envolée.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...envolée.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Kotto: Ah! vas-y, vas-y...

La Présidente (Mme Vallée): Ah! M. le député de Bourget.

M. Lemay: Parce qu'après ça il faut que je quitte à cause du caucus, il faut que je prépare...

M. Kotto: C'est beau.

M. Lemay: Je vais y aller quelques minutes. On ne se chicanera pas, Mme la Présidente... Le sujet nous intéresse tellement qu'on veut prendre la parole absolument. Alors, après cette sage allocution de notre collègue de Rosemont, je vais poursuivre un peu la réflexion. Et je sais que, dans les débats que vous avez déjà eus, la question est venue, mais je veux quand même insister là-dessus. Et, comme je n'y étais pas, j'oserais rajouter mon petit grain de sel.

La Présidente (Mme Vallée): ...juste pour vous dire, M. le député, que nous en étions aux commentaires sur le sous-amendement qui avait été présenté jeudi dernier.

M. Lemay: Oui, sous-amendement, tout à fait. Tout à fait. Mais, évidement, ce projet de loi là a aussi des fondements philosophiques et politiques qui sont importants, Mme la Présidente, vous l'aurez constaté. Dans le fond, tous les amendements qu'on fait depuis que je siège à cette commission, c'est pour clarifier ce projet de loi, qui ne l'est pas, qui reste encore dans le vague, qui n'est pas clair. Et, Mme la Présidente, nous sommes les premiers à reconnaître que ces questions-là sont complexes, mais il reste qu'un projet de loi qui n'est pas clair ne viendra pas clarifier une situation déjà complexe. Donc, tous les amendements qu'on propose... sincèrement, est de clarifier pour nos concitoyens, concitoyennes, est pour clarifier cette situation. Et c'est la raison pour laquelle je suis étonné -- et je le dis en toute sincérité -- que ce soit un refus systématique des propositions que nous faisons. Celui que nous avons devant nous... La semaine dernière, nous avons discuté longuement d'un amendement pour inclure les administrations municipales qui a été aussi refusé. C'est des dizaines et des dizaines de milliers d'employés répartis à la grandeur du Québec qui échapperont éventuellement à ce projet de loi.

Donc, Mme la Présidente, notre objectif est de clarifier, et, malheureusement, le gouvernement -- je pense qu'on doit respecter son choix -- refuse ce que nous apportons sans vraiment donner d'explications, malheureusement. C'est son choix, c'est son droit le plus strict, mais, dans le fond, c'est le cas de le dire, dans le fond, le fondement de la discussion que nous avons à l'heure actuelle, Mme la Présidente, c'est quoi? Et je n'ai pas la prétention que je vais apprendre quoi que ce soit à personne, c'est une lutte d'une portion de plus en plus nombreuse non seulement de la société québécoise, mais des sociétés occidentales, c'est une lutte farouche contre le multiculturalisme et ses effets délétères sur les sociétés. Et, Mme la Présidente, cette lutte, au Québec, a pris avec les années... mais a débuté, d'abord et avant tout, avec la proposition de la politique du multiculturalisme. Et j'insiste sur le fait qu'à l'époque l'ancien premier ministre M. Robert Bourassa s'y est même opposé, mais c'était une lutte entre le multiculturalisme et le nationalisme québécois. Et, si on parle de multiculturalisme, je suis obligé, à mon corps défendant, Mme la Présidente, de parler un peu de Pierre Elliott Trudeau, de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Mme la Présidente, indépendamment...

La Présidente (Mme Vallée): Les cloches sonnent et nous appellent.

M. Lemay: Ah oui?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

M. Lemay: Mon Dieu! vous avez une bonne oreille, vous.

La Présidente (Mme Vallée): On a des oreilles bioniques ici, M. le député. Mais les cloches sonnent, alors...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, effectivement.

Une voix: Il faut aller voter?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Nous allons suspendre les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

 

(Reprise à 15 h 11)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bon après-midi, chers collègues. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, chers collègues, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat: Nous sommes ici réunis cet après-midi pour poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, la loi établissant les... et encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Et y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Ce sont les mêmes que ce matin, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, lors de l'interruption de nos travaux, cet avant-midi, j'ai dû, malheureusement, interrompre notre collègue de Laurier--Sainte-Marie qui était...

M. Lemay: Sainte-Marie--Saint-Jacques.

La Présidente (Mme Vallée): Sainte-Marie--Saint-Jacques, je suis désolée. Alors, cher collègue, est-ce que vous souhaitiez reprendre là où vous nous aviez laissés?

M. Lemay: Absolument, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): Nous étions, je vous rappelle... Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, nous étions sur les interventions, M. le député de Vimont, les interventions visant le sous-amendement qui avait été présenté la semaine dernière par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve sur l'amendement de M. le député de Chicoutimi. Alors, je suis désolée, je vous écoute.

M. Lemay: Ça va, Mme la Présidente. Et votre capacité auditive m'impressionne énormément, je dois vous le dire, parce que les cloches, ce matin, là, c'était loin d'être évident de pouvoir les entendre. Alors, nous sommes arrivés à temps, effectivement.

Alors, j'en étais sur le fait que j'avais de la difficulté à comprendre le fait que le gouvernement ne veuille pas, si vous voulez, rendre ce projet de loi là plus clair, d'où les propositions que nous avons pour, effectivement, rendre ce projet de loi là plus clair en termes de retombées. Parce que ces débats-là, bien que complexes, méritent, effectivement, une clarté, et, nous, de notre côté, nous... comme l'ont dit mes collègues à maintes reprises depuis le début de ces travaux, ce projet de loi là manque de clarté, alors d'où les propositions d'amendement que nous faisions.

J'en étais, Mme la Présidente, à dire que, dans le fond, ce qu'il y a devant nous, sur le fond des choses, c'est une bataille rangée entre deux conceptions de la société. Grosso modo, il y a, comme je le disais ce matin, le multiculturalisme canadien... Et là je pèse mes mots. Je ne sais pas, Mme la Présidente, si c'est un mot parlementaire, mais j'oserais même dire, le multiculturalisme est une politique et du droit qui empoisonnent littéralement, tant qu'à moi, personnellement, les débats politiques.

Et j'en étais à M. Pierre Elliott Trudeau, évidemment chantre, s'il en est un, du multiculturalisme canadien, et, Mme la Présidente, bien qu'en désaccord avec ce que M. Trudeau... Et je suis respectueux d'autant plus que c'est le regretté Pierre Elliott Trudeau, mais il n'en demeure pas moins qu'il a fait sa carrière beaucoup sur ce qu'on pourrait appeler l'antinationalisme, l'antinationalisme ici même et l'antinationalisme dans le monde. Mme la Présidente, il suffit de lire -- et peut-être que vous l'avez fait -- son livre, par exemple, La grève de l'amiante ou ses différents articles dans Cité libre à l'époque pour comprendre je ne dirais pas de sa part... Je n'irais même pas jusqu'à dire qu'il était contre le nationalisme, c'était la haine du nationalisme de sa part, et, dans ses écrits, ça transparaît tout au long de sa carrière politique, Mme la Présidente. Et nous sommes pris aujourd'hui avec son héritage, et c'est la raison pour laquelle je ne veux pas nécessairement parler de l'individu, je veux parler surtout de son héritage politique. Et c'est la raison pour laquelle, un peu, on est en débat aujourd'hui, parce que c'est...

Une voix: ...

M. Lemay: Oui, absolument, c'est ce qui s'affronte aujourd'hui, deux conceptions de l'avenir de la société québécoise. C'est ce qui s'affronte. Sans ça, Mme la Présidente, les projets de loi de cette nature-là seraient votés probablement, là, dans les travaux parlementaires, et tout ça, mais, ultimement, ils seraient votés probablement, je dirais, presque à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Mais ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas. On travaille sur ce qu'on pourrait appeler une certaine idée de l'identité, on travaille sur ces dossiers-là depuis plusieurs années, et il y a une différence fondamentale entre les deux groupes parlementaires et peut-être même entre les deux ou trois autres groupes parlementaires.

Pour ma part, que le gouvernement veuille appuyer cette politique du multiculturalisme d'une façon directe ou indirecte, c'est son droit, c'est son choix. Pour notre part, Mme la Présidente, vous aurez compris que ce n'est pas notre choix à nous, et nous sommes un peu pris aujourd'hui avec les relents de cette politique-là. Politique-là, et j'ai ici copie des discours que mes collègues ont faits, et je pense que ça vaut la peine de le réitérer, ce sont des politiques qui ont été et qui sont de plus en plus rejetées en Occident. Donc, nous ne sommes pas les seuls. Même si nous avons combattu le multiculturalisme depuis longtemps un peu seuls dans notre coin pendant longtemps, maintenant je pense qu'on peut dire qu'on n'est plus les seuls, Mme la Présidente, à combattre cette politique, qui, je le rappelle... et qui est même aussi débattue dans le Canada lui-même. Et je dois vous le dire, Mme la Présidente, à ma grande surprise, le Globe and Mail a même suscité des débats dans ses positions éditoriales, et tout ça, a même commencé un débat, et j'étais le premier surpris de cette situation. Donc, oui, il y a, bien sûr, les débats politiques que nous avons, mais il y a aussi des différences fondamentales sur la vision que nous avons de la société québécoise, Mme la Présidente.

Pour ma part -- et je reviens à Pierre Elliott Trudeau -- on lit ses textes, et, M. Trudeau, ce dont il blâmait sa propre société pendant plusieurs années, M. Trudeau, une fois au pouvoir comme premier ministre du Canada, il a fait pire que les blâmes qu'il donnait aux anciens gouvernements, Mme la Présidente, aux anciens gouvernements qui avaient l'autorité au Québec. Et, Mme la Présidente, ce n'est pas mon objectif de... Ce qu'on pourrait appeler l'histoire victimaire, ce n'est pas nécessairement ma tasse de thé, mais il n'en demeure pas moins que M. Trudeau, dans ses écrits, il parle beaucoup de démocratie et d'ouverture, il suffit de rappeler les événements de soixante-dix, il suffit de rappeler la façon dont la Constitution a été amendée. Donc, Mme la Présidente, c'est bien beau, écrire des essais, écrire des choses, mais, une fois confronté au pouvoir, malheureusement, M. Trudeau a été souvent pire que ceux qu'il a dénoncés toute sa carrière, toute sa carrière politique, la façon dont il a fait les choses.

Et, Mme la Présidente, s'il y a... Et je voudrais souligner également -- je l'ai dit la semaine dernière, mais je voudrais le redire -- même si on est en désaccord, il reste que -- et ça, je veux le resouligner une autre fois -- la ministre est quand même respectueuse de nos points de vue. Parce que, dans ces dossiers-là, quand on parle d'identité nationale, quand on parle d'intégration, les gros mots fusent immédiatement. Dès qu'on se montre un peu en désaccord avec les stratégies du gouvernement du Canada ou les stratégies du multiculturalisme, là, woup! les gros mots fusent: Fermeture d'esprit, fermeture à l'autre, alors que j'ai bien démontré la semaine dernière, Mme la Présidente, que, dans notre histoire, ce n'est pas ça du tout, c'est même tout le contraire.

**(15 h 20)**

Donc, dans ces politiques-là, il y a une espèce de rectitude politique qui est en termes de débats publics. Parce que, si on parle d'identité nationale, si on parle d'immigration, d'intégration, ce sont des débats publics au même titre que tous les autres débats, et nos concitoyens nous élisent justement pour avoir ces débats-là. Mais, dans certains cercles, dès qu'on en parle, là, je le répète encore une fois, les gros mots fusent. Mais c'est une des stratégies du multiculturalisme justement: Si vous n'êtes pas d'accord avec nous, si vous n'êtes pas d'accord avec les stratégies qui sont derrière ces politiques du multiculturalisme, vous êtes, à ce moment-là, fermé d'esprit, et j'omets des termes encore plus lourds, et lourds de sens, et, je dirais même, douloureux pour ceux qui reçoivent ces épithètes-là. Mais vous comprendrez sûrement ce que je veux dire.

Je n'ai, malheureusement, pas l'article devant moi, je l'ai oublié, mais il reste que, dans tout le débat, vous vous rappellerez, Mme la Présidente, sur la possibilité, ou non, de chanter en anglais lors de la fête nationale, il y a quelques années, Pierre Foglia... Je vais le citer à mon tour. C'est d'ailleurs ma collègue qui m'a rappelé ce texte de Pierre Foglia où il a dit... Et je cite, en parlant des Québécois, il dit: «Vous êtes des fuckés de la nation.» Et je me souviens très bien de ces termes, et je les mets entre guillemets.

La Présidente (Mme Vallée): ...pas très parlementaire, le premier...

M. Lemay:«Vous êtes des...»

La Présidente (Mme Vallée): Le premier mot n'est pas très parlementaire.

M. Lemay:«Vous êtes des...» Bon, c'est une citation. Je le sais que je ne peux pas faire indirectement ce que je peux... Alors: «Vous êtes des [...] de la nation.» Et il l'a dit en ces... les termes colorés que l'on lui connaît parce qu'il dit: Vous vous sentez coupables d'exister, de faire valoir votre identité, mais, dans le fond, vous avez intégré à vous-mêmes les discours de Pierre Elliott Trudeau, de Mordecai Richler et de d'autres, d'Esther Delisle, alors que vous devriez peut-être, oui, lire ça, mais peut-être vous devriez aussi lire Fernand Dumont et Hannah Arendt qui ont eu des positions beaucoup plus posées, en général, sur le nationalisme. Donc, cette expression-là, bien qu'à la limite de notre parlementarisme, Mme la Présidente, et je m'en excuse... mais il reste que, pour moi, M. Foglia, dans cet article-là, touchait à quelque chose.

Quand il dit: «Vous êtes des [...] de la nation», pour moi, il voulait dire quelque chose, et c'est cette espèce de culpabilité que les tenants du multiculturalisme ont réussi à imprégner dans le discours public, d'où, Mme la Présidente, la difficulté bien réelle, malheureusement, de temps en temps, de débattre de ces dossiers-là quand on n'a pas une position qui est 100 % déterminée par l'orthodoxie multiculturaliste. Alors, depuis plusieurs années, Mme la Présidente, c'est une lutte, une lutte politique et idéologique à partir de ces deux concepts-là, à partir de ces deux politiques.

Donc, pour nous, évidemment, nous n'y souscrivons pas d'aucune façon, et c'est la raison pour laquelle mes deux collègues -- et nous l'avons fait, et nous le referons certainement -- nous voulons clarifier les positions. Nous voulons clarifier les positions parce que -- encore une fois, j'insiste là-dessus -- ces enjeux-là sont tellement complexes qu'il faut clarifier, il faut se mettre dans la peau d'un administrateur public, Mme la Présidente, qui aura à gérer son personnel et qui aura à imposer des règles claires à ses employés de même que des règles claires de la façon dont ils serviront nos concitoyens et concitoyennes.

Mais, Mme la Présidente, il reste -- et je pense que nous allons y revenir à quelques reprises dans le cadre de ce débat-là -- qu'il faut aussi clarifier les enjeux de fond, les enjeux de fond de nature politique, et je crois que, dans ce cas-ci... Et j'y reviendrai très certainement, mais, dans ce cas-ci, je pense qu'il faut nommer les choses. C'est la raison pour laquelle je l'ai fait, que c'est une lutte de visions de la société, et je crois que, nous, qu'on ne soit pas influencés par les politiques et les stratégies du multiculturalisme, on n'a pas, Mme la Présidente, à s'en sentir coupables d'aucune espèce de façon. Il y a d'autres façons de discuter, d'envisager, de proposer des solutions pour gérer ce qu'on appelle la diversité, ce qu'on appelle aujourd'hui... Mais j'insiste sur un point, Mme la Présidente -- je l'ai dit la semaine dernière, mais je pense qu'on ne le dira jamais assez -- pour certains savants, pour certains intellectuels, c'est comme si la diversité était quelque chose de neuf, c'était quelque chose de récent, et que les sociétés devraient, à tout prix, se reconfigurer, se reformuler en faisant face à cette nouvelle, entre guillemets, diversité, alors que ce n'est pas le cas.

Ce n'est pas le cas, l'Amérique du Nord a toujours été très différente en termes des peuples qui étaient présents sur son sol. Il y a eu des mouvements d'immigration, par moments plus faibles, par moments plus forts, au courant de toute l'histoire, que ce soit en Europe, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique, Amérique du Sud et du Nord. Bref, je ne crois pas que ce soit une nouveauté. Et de se dire, comme société ancienne, mais moins ancienne que beaucoup d'autres, mais de société ancienne, il faut recommencer tout ça à zéro en pensant, Mme la Présidente, que tout le reste avait été un échec... Je pense que c'est ça aussi où le bât blesse dans cette philosophie de vouloir recommencer à zéro, Mme la Présidente, c'est... Je pense que, même s'il y a certainement des choses à améliorer, même s'il y a certainement des politiques à apporter, ce n'est pas vrai qu'il faut recommencer à zéro pareil comme s'il y avait une table rase, pareil comme s'il n'y avait jamais rien eu. Ce n'est pas vrai, Mme la Présidente, et c'est la raison pour laquelle... Et je supporterai mes collègues qui apportent des amendements dans le but d'éclaircir ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle, moi, je vais les appuyer et je vais les défendre tout le long, parce que nous y gagnerons tous. Et je termine vraiment en disant... Je termine et, peut-être s'il me reste du temps, je pourrai y revenir, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste une minute.

M. Lemay: Pardon?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste un petit peu moins d'une minute.

M. Lemay: Une minute?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

M. Lemay: Ah oui, déjà?

La Présidente (Mme Vallée): Déjà.

M. Lemay: Mon Dieu! que ça passe vite. Ça passe très vite. Bien, à ce moment-là, je vais terminer, Mme la Présidente, en disant qu'à date, malgré les désaccords politiques, malgré -- je dirais un gros terme, là -- les désaccords, entre guillemets, idéologiques, il reste que le débat, jusqu'à maintenant, est serein et calme. Et ça, je pense qu'il faut s'en féliciter parce que c'est des dossiers qui sont complexes, qui sont difficiles à débattre, et je pense qu'il faut continuer sur cette voie-là. Mais, encore une fois, la clarté du projet de loi, la clarté des articles, c'est fondamental pour la suite des choses. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Merci. Est-ce qu'il y aurait d'autres interventions sur le projet de sous-amendement? M. le député de Bourget?

M. Kotto: Non. Ça va être ma collègue d'Hochelaga.

La Présidente (Mme Vallée): Ah! Oui, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste six minutes.

**(15 h 30)**

Mme Poirier: ...Mme la Présidente. Écoutez, Mme la Présidente, j'aimerais revenir... Je cherche mon document, là, j'ai vraiment l'air de ça. Le Conseil du statut de la femme avait déposé, avant l'avis que nous venons de recevoir la semaine passée, un précédent document, document qui venait introduire le sujet de l'égalité hommes-femmes versus les religions. Ce document riche en contenu, Mme la Présidente, venait préciser... Entre autres, il venait faire un portrait très général de la situation des religions versus l'égalité hommes-femmes, mais venait aussi introduire le fait que l'égalité hommes-femmes devrait être considérée comme une contrainte excessive. Et c'est une notion assez intéressante parce que, on le sait, le dossier de l'accommodement raisonnable vient lui-même... Et c'est une des notions de l'accommodement raisonnable, la contrainte excessive, et venir dire que l'égalité hommes-femmes doit être une contrainte excessive, doit être considérée comme une contrainte excessive vient, tout simplement, nous obliger et, surtout, nous donner un message très clair. Parce que, si on considère que l'égalité hommes-femmes est une contrainte excessive, eh bien comment pourrons-nous laisser passer -- et je vais revenir sur le sujet dont je vous ai parlé la semaine passée -- le fait que la Cour suprême puisse recevoir une cause, la cause, entre autres, du divorce judaïque?

Si la contrainte excessive qu'imposent l'accommodement raisonnable et l'égalité hommes-femmes... jamais la Cour suprême n'aurait pu recevoir la demande de la cause Bruker-Marcovitz. Et je rappellerai que la cause Bruker-Marcovitz, c'est la cause d'un couple qui se sont divorcés selon nos lois, nos lois que personne ne remet en question, qui est toutes les règles du divorce qui nous entourent, mais la religion juive a aussi une donnée qui s'appelle le «Get», et le Get ne peut être donné que par l'homme à la femme pour la libérer du mariage malgré le fait que les tribunaux ont libéré les époux entre eux.

La Cour suprême a accepté... Et c'est là que, pour moi, j'en ai, ce n'est pas sur le fait que c'est une modalité de la religion juive, la cour est venue se mêler d'entendre une cause qui remet en question les lois du divorce parce qu'on est venu dire que, finalement, ce n'est pas assez de divorcer devant les tribunaux, mais qu'il faut en plus discuter... Et ce qu'on est venu faire, c'est qu'on est venu discuter du fait que l'homme avait un pouvoir sur la femme dans le mariage, un pouvoir en fonction de sa religion sur le fait de libérer sa femme de son union au-delà de notre Loi sur le divorce. Et que la Cour suprême vienne entendre cette cause, eh bien, si la contrainte excessive de l'égalité hommes-femmes se serait appliquée, jamais, jamais la Cour suprême n'aurait pu entendre cette clause... cette cause-là, puisque... -- j'ai bien de la misère avec ce mot-là, cause-là -- parce que, justement, en en faisant une contrainte excessive, en en faisant une obligation que l'égalité hommes-femmes doit être mise au-dessus de tout, jamais la Cour suprême n'aurait pu entendre cette clause... cette cause-là. Et fort heureusement que la Cour suprême a donné raison à madame dans cette cause-là à l'effet qu'on ne peut imposer le Get à une femme au Québec et au Canada parce que nous avons des lois ici.

Et je le rappellerai, et je vous l'ai dit la dernière fois, Mme la Présidente, et je vais revenir dans un prochain échange sur tout le dossier de la charia. Le dossier de la charia, il faut s'y pencher. L'Ontario a passé à un fil d'ouvrir la charia chez eux, et, n'eût été de l'intervention d'une de nos collègues, la députée de La Pinière, qui a ouvert les yeux, qui a ouvert les yeux tant au Québec dans un premier temps, qui nous a obligés de nous pencher sur le dossier, mais qui, par des entrevues, par des communications qu'elle a faites à l'époque sur la charia, a fait en sorte que les Ontariens ont rejeté la proposition de Marion Boyd... Et, imaginez-vous, le gouvernement ontarien qui était prêt à ouvrir à la charia, aux tribunaux islamiques...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, votre temps est écoulé, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet de sous-amendement? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Pour nos concitoyens et concitoyennes qui nous suivent -- j'espère qu'il y en a -- de la maison où à partir du bureau, je rappellerai le sous-amendement dont il est question. Il est dit que l'amendement à l'article 1 est sous-amendé par le remplacement de «de consacrer» par «de définir un» et le remplacement, après «particulier», de «de» par «au droit à», ce qui, par application, nous donnerait:

«Elle a aussi pour objet de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin de définir un statut particulier au droit à l'égalité entre les femmes et les hommes dans cette même charte.»

Le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, Mme la Présidente, est une valeur fondamentale québécoise, et cela me renvoie à cet avis du Conseil du statut de la femme qui est très éclairant, très instructif. C'est un travail qui n'a pas été fait à la légère. Du temps, de l'énergie ont été investis à l'effet de l'accomplir, et il est, en quelque sorte, le substitut de ce fameux livre blanc dont on n'a pas encore vu la couleur sur la laïcité, comme le disait ce matin ma collègue de Rosemont. Et j'invite nos concitoyennes et concitoyens à en prendre connaissance le plus rapidement possible parce qu'ils comprendront davantage les débats qui nous occupent ici aujourd'hui, et, à cet effet, je vais leur en faire un résumé pour leur donner le goût de le lire.

Donc, dans cet avis au gouvernement, le Conseil du statut de la femme présente sa vision de la laïcité au Québec, un principe essentiel à l'atteinte de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Le conseil croit que le gouvernement doit affirmer le caractère laïque de la société québécoise et il lui fait des recommandations en ce sens. Et je rappelle que le Conseil du statut de la femme est financé à 100 % par le gouvernement du Québec et ses membres sont nommés par l'État québécois. Et, pour ce conseil, la laïcité n'est pas un principe qui structure l'État québécois. Le Québec, selon le conseil, peine à parachever son processus de laïcisation amorcé il y a plusieurs années. Le Conseil du statut de la femme précise que la laïcité est le principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l'État n'exerçant aucun pouvoir religieux, et les églises, aucun pouvoir politique. La laïcité, dit le conseil, consiste donc à distinguer dans les sphères des pouvoirs politique et religieux leurs zones d'autorité respectives. Les différentes obédiences religieuses et leurs églises sont souveraines dans leur domaine de compétence, l'État est souverain dans son domaine de compétence.

Parce que le nécessaire débat sur la laïcité, au Québec, n'a pas eu lieu, le Conseil du statut de la femme croit que l'adoption de la laïcité en tant que principe structurant de l'État qui définit et aménage les zones religieuse et politique contribuera à favoriser l'atteinte de l'égalité réelle au Québec. Il faut, par conséquent, énoncer que l'État est neutre et que cette neutralité doit être respectée vis-à-vis du multiculturalisme ou du syncrétisme.

**(15 h 40)**

L'affirmation de la laïcité est la clé qui ouvre la porte au mieux-vivre ensemble dans le respect de chacune et de chacun. Elle permettra la mise en place d'un État où les liens avec le religieux seront effacés afin d'assurer la neutralité des institutions publiques et la liberté de conscience et de religion. L'État doit prendre des actions pour garantir les droits des femmes, trop souvent atteints. L'affirmation de la laïcité en est une. Par conséquent, le Conseil du statut de la femme rejette la laïcité que le gouvernement veut ouverte, et cet avis, rendu public le 28 mars dernier, est un véritable désaveu pour le gouvernement libéral. Dans cet avis, le conseil prétend, en effet, faire la démonstration qu'un Québec respectueux de l'égalité entre les sexes ne peut continuer d'avancer sur la voie de la laïcité ouverte, un concept de laïcité ouverte qui n'a cessé d'être mis en avant par nos collègues libéraux, notamment lors de la présentation du projet de loi n° 94, dont il est question ici, en mars 2010.

J'ouvre les guillemets pour une citation: «Avec cette loi, nous traçons aussi la ligne en reconnaissant qu'un usager des services publics ou un employé de l'État peut porter des symboles religieux. Nous réaffirmons le choix historique du Québec de vivre une laïcité ouverte.» C'était une déclaration -- je ferme les guillemets -- du premier ministre du Québec lors d'un point de presse, accompagné notamment de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles d'alors, et la ministre de la Justice d'alors, qui est aujourd'hui la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, et aussi la ministre de la Condition féminine, notamment en charge de la culture et des communications.

Pour le Conseil du statut de la femme, la laïcité ouverte approuve le multiculturalisme en négligeant le projet citoyen et les valeurs identitaires communes à partager. Pour le Conseil du statut de la femme, la laïcité ouverte autorise les manifestations religieuses visibles, souvent sexistes au sein des institutions de l'État. Pour le Conseil du statut de la femme, la laïcité ouverte alimente la confusion entre les sphères politique et religieuse.

La laïcité ouverte met l'accent sur les différences entre les personnes plutôt que sur ce qui les unit. Elle permet les revendications de nature politique sous le couvert de la liberté de religion. La laïcité ouverte néglige notre identité collective et donne aux tribunaux la liberté de faire régner les droits individuels en maîtres. Pour le Conseil du statut de la femme, la laïcité ouverte signifie ouverte aux atteintes à l'égalité des femmes.

Pour le conseil, la laïcité qui prévaut actuellement au Québec est une laïcité par défaut. Elle découle de l'interprétation judiciaire d'un droit individuel, et il estime qu'il est maintenant temps d'affirmer la laïcité de l'État dans la charte québécoise des droits et des libertés afin que le principe de la séparation de l'État et de la religion constitue une valeur collective fondamentale. Pour le Conseil du statut de la femme, la laïcité est un mode d'organisation qui entraîne l'harmonisation entre trois principes: la liberté de conscience, la séparation de l'Église et de l'État et l'égalité entre les citoyennes et les citoyens. La laïcité fait en sorte que l'on détermine quelles sont les sphères des pouvoirs politique et religieux.

Selon un communiqué émis par le Conseil du statut de la femme, «cet avis démontre que le maintien du statu quo nuit à la cause des femmes et au respect de la liberté de conscience et de religion, en plus d'être impuissant à susciter la cohésion sociale. Aussi, l'avancement vers la "laïcité ouverte" a pour effet de négliger l'identité collective et donne aux tribunaux la possibilité de faire régner les droits individuels [de manière incontournable]. Conséquemment, la laïcité doit être affirmée comme principe qui structure l'État québécois, qui fait partie de l'identité québécoise, au même titre que la langue française et l'égalité entre les sexes.»

Par ailleurs, Christiane Pelchat, la présidente du Conseil du statut de la femme, précise -- et je la cite: «Aujourd'hui, la laïcité ouverte, c'est la laïcité ouverte aux atteintes à l'égalité des femmes. En effet, rappelons que l'égalité entre les sexes est le droit le plus susceptible d'être compromis au nom de la liberté de religion.» Fin de la citation.

Le Conseil du statut de la femme propose donc «une laïcité qui transcende les différences culturelles, religieuses ou ethniques, en considérant la personne en tant qu'humain, en tant que citoyen. Elle garantit donc l'égalité de tous devant la loi. La laïcité est essentielle à la démocratie. C'est parce que l'État tire sa source du peuple et non d'une quelconque puissance religieuse qu'il est démocratique: les [élus, femmes et hommes] ne sont pas désignés par une puissance suprême, mais bien par les citoyennes et citoyens.» J'aimerais savoir combien de temps il me reste.

La Présidente (Mme Vallée): Sept minutes. Sept minutes.

M. Kotto: Sept minutes.

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

M. Kotto: Merci bien. En outre, selon le conseil, «l'affirmation de la laïcité des institutions publiques émane de la politique d'interculturalisme -- et mes collègues en ont parlé longuement, interculturalisme -- dont le Québec s'est doté pour régir le vivre-ensemble et rejeter le multiculturalisme, dont découle la "laïcité ouverte". Cette politique d'interculturalisme postule que les citoyennes et citoyens du Québec adhèrent à ces valeurs communes d'égalité entre les sexes, de primauté du fait français et de laïcité de l'État, contrairement au multiculturalisme, qui fait en sorte que les humains sont identifiés en fonction de leur attachement à une culture particulière. Au lieu de favoriser la cohésion du tissu social, l'identité commune et l'appartenance à une nation, le multiculturalisme la fragmente.»

Considérant, Mme la Présidente, que l'égalité entre hommes et femmes est une valeur fondamentale au Québec, nous allons déposer un nouveau sous-amendement qui modifie notre sous-amendement, et ce, dans le dessein d'affirmer que l'égalité hommes-femmes est valeur fondamentale.

Aussi, le sous-amendement à l'article 1 est modifié par le remplacement de «définir un statut particulier au droit à» par «reconnaître» et l'insertion de «comme valeur fondamentale de la nation québécoise» après «cette même charte».

**(15 h 50)**

La Présidente (Mme Vallée): Je vais vous demander de suspendre. Peut-être faire circuler votre projet de sous-amendement ou réamendement, là, et je... On va faire circuler, et nous reprendrons une fois que tout le monde aura obtenu copie du sous-amendement, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 51)

 

(Reprise à 15 h 56)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, pour ce qui est du sous-sous-amendement qui nous a été déposé par notre collègue de Bourget, malheureusement je dois déclarer l'irrecevabilité du sous-sous-amendement, puisque le concept... Et on fait un peu d'histoire aujourd'hui, le concept de sous-sous-amendement n'existe pas dans le règlement. Alors, compte tenu qu'il n'y a aucune disposition du règlement qui offre la possibilité d'introduire un amendement à un sous-amendement... Et c'était une règle qui était énoncée auparavant, dans les règlements antérieurs, antérieurs à notre règlement actuel, on ne retrouve pas de possibilité de procéder de la sorte. Donc, en conséquence, je me dois de déclarer irrecevable le sous-sous-amendement qui a été présenté et, M. le député de Bourget, je vous demanderais, parce qu'il restait tout de même du temps à M. le député de Bourget...

M. Kotto: ...

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Eh bien, à ce moment-là, c'est parce que nous sommes rendus à la mise aux voix. Les collègues ayant tous écoulé leur temps de parole, nous serons à la mise aux voix du sous-amendement qui avait été déposé par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Une voix: Par vote nominal.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, sur le sous-amendement qui avait été déposé jeudi dernier par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

La Secrétaire: Oui. Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Sklavounos (Laurier-Dorion)?

M. Sklavounos: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention. Alors, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement à l'article 1 qui avait été déposé le 31 mars dernier par M. le député de Chicoutimi.

Mme Poirier: Alors, Mme la Présidente, j'aimerais ça qu'on puisse suspendre quelques instants. Étant donné que vous avez refusé notre sous-sous-amendement et nous souhaitons le déposer comme sous-amendement, alors je vous demanderais de suspendre quelques minutes pour qu'on puisse rédiger correctement.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

 

(Reprise à 16 h 3)

La Présidente (Mme Vallée): Je vous écoute.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, on est en ondes, bien oui.

Mme Poirier: Alors, Mme la Présidente, j'aimerais déposer un sous-amendement à l'article 1 qui va se lire comme suit: Alors, l'amendement à l'article 1 est sous-amendé par le remplacement de «consacrer le statut particulier» par «reconnaître» et l'insertion, après «cette même charte», de «comme valeur fondamentale de la nation québécoise».

La Présidente (Mme Vallée): Nous allons procéder à la distribution de votre projet de sous-amendement.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 7)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, nous sommes prêts à vous entendre sur le sous-amendement à l'article 1.

Mme Poirier: Mme la Présidente, je vais céder la parole à ma collègue de Rosemont pour débuter l'explication du sous-amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, il est toujours question, donc, d'amender, donc, la Charte des droits et libertés et de faire en sorte que soit reconnu comme valeur fondamentale de la nation québécoise ce droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi, d'ailleurs, que la laïcité. Mais ça, on y reviendra.

Dans le projet de loi n° 391, que le gouvernement n'a jamais voulu rappeler -- nous l'avons déposé en 2009, en fait la chef de l'opposition officielle, députée de Charlevoix l'a déposé en 2009 -- il était donc question de ces valeurs fondamentales à insérer dans la charte québécoise des droits et libertés. Et je vous ferai remarquer aussi que, dans l'avis du Conseil du statut de la femme, il y a tout un chapitre sur les amendements nécessaires à la charte québécoise des droits et libertés.

Il faut remarquer aussi, Mme la Présidente, ce qui est très intéressant, c'est que, dès 2007, le Conseil du statut de la femme -- et ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve y a fait allusion tout à l'heure -- le conseil a déposé un avis qui s'intitulait Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse. Il faut remarquer que le conseil, quand on dit, nous, que le Conseil du statut de la femme, dans l'avis récent qu'il a déposé, qu'il y avait pensé depuis longtemps, à toute cette question, il avait réfléchi, il avait délibéré depuis longtemps sur cette question, eh bien la preuve en est, en effet, que, dès 2007, dans son précédent avis, le conseil parlait longuement, donc, de cette question.

Et, dans le résumé de cet avis précédent, de 2007, on voit: Un Québec engagé à assurer l'égalité entre les sexes et aussi En somme, une identité québécoise à réaffirmer et à partager. On y dit, dans cet avis de 2007: «Le passage d'une société modelée par la religion et les traditions vers une autre plus moderne et démocratique a marqué la fin de l'emprise du clergé sur les institutions publiques et sur les valeurs communes de l'époque. À partir de ce moment, les assises des valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes et de laïcité ainsi -- bien sûr -- que le fait français, sans son attribut religieux, se sont taillés une plus grande place dans la collectivité.»

**(16 h 10)**

Et, en 2007, le conseil écrivait: «Tout porte à croire que les vives réactions récentes relatives aux demandes d'accommodements raisonnables ont été motivées par des considérations d'ordre identitaire. Derrière le malaise se [retrouve] l'idée, dans la société, que trop d'accommodements défavorisent l'adaptation des nouveaux arrivants et nuisent à l'interculturalisme -- dont, en passant, se réclame le gouvernement -- ce modèle d'intégration privilégié par le Québec qui vise à bâtir une culture commune.» Alors, déjà, le conseil parlait, M. le Président -- bonjour -- de bon sens.

«Sans cette construction identitaire partagée, il devient [...] impossible de faire coexister harmonieusement les différentes expressions culturelles d'une même société.» C'est un des arguments qu'apporte souvent le député de Bourget dans nos discussions, et il me semble, en effet, incontournable. Je le relis donc: Ça nuit à l'interculturalisme, ce modèle d'intégration privilégié par le Québec qui vise à bâtir une culture commune, et que, sans cette construction identitaire partagée, il devient impossible de faire coexister harmonieusement les différentes expressions culturelles présentes dans notre société, dans notre nation.

Et, encore en 2007, dans la deuxième partie de son rapport, le Conseil du statut de la femme disait: «Le droit à l'égalité entre les sexes ne souffre pas d'accommodements.» C'est ce qu'on essaie, M. le Président, d'expliquer, c'est ce qu'on essaie de dire, c'est ce qu'on... On tente de convaincre le gouvernement depuis des heures et des heures, des jours et des jours que le droit à l'égalité entre les sexes ne souffre pas d'accommodements. Alors, moi, je ne peux pas comprendre qu'en effet on ne se rende pas à cet argument et que l'on ne dise pas très clairement dans ce projet de loi: «Le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes doit être respecté en toutes circonstances, et l'on ne doit pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion.» C'est très bien dit. Dans notre propre proposition principale qui sera discutée au congrès du Parti québécois, M. le Président, dans une dizaine de jours, eh bien les choses sont dites légèrement autrement, mais veulent exactement dire la même chose.

Alors, de retrouver ça... Je pensais qu'on avait inventé quelque chose, mais là de retrouver ça... Et je m'en félicite parce que ça veut donc dire qu'il y a là d'autres personnes dont c'est le métier de réfléchir à cette question du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est-à-dire le Conseil du statut de la femme, dont c'est le mandat, dont c'est la mission, dont c'est le coeur du projet, de son existence même... Je relis ce qu'en 2007... Il y a déjà quatre ans, donc c'était avant la commission Bouchard-Taylor. Avant la commission Bouchard-Taylor, le Conseil du statut de la femme écrivait ce que nous disons et ce que nous retrouverons, je le souhaite, dans une future charte de la laïcité au Québec: «Le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes doit être respecté en toutes circonstances, et l'on ne doit pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion.» En d'autres termes, la liberté de religion ne doit pas avoir préséance sur le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est l'inverse, la préséance doit aller... Le prisme à travers lequel on doit étudier cette question et les règles communes que l'on doit instaurer passent inévitablement par cette préséance, finalement, de l'égalité entre les femmes et les hommes sur la liberté de religion. C'est quelque chose de central, de majeur qu'il y a quatre ans le Conseil du statut de la femme nous disait, que le Conseil du statut de la femme écrivait.

Et le conseil, donc, a réitéré cette position dans un avis qu'il y a beaucoup de juristes, là, qui ont étudié... Je suis sûre, Mme Pelchat elle-même, d'ailleurs, est juriste, elle est avocate, la présidente du Conseil du statut de la femme, et c'est bien évident qu'elle a énormément consulté des juristes en même temps, bien sûr, que d'autres universitaires. Mais c'est fascinant de voir, de constater que quelque chose qui semble si révolutionnaire à la ministre, tellement révolutionnaire au gouvernement qu'il ne veut surtout pas, au nom, justement, de raisons juridiques, accepter ce principe-là que le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes doit être respecté en toutes circonstances et l'on ne doit pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion... Je trouve ça beau, je dois dire. Je trouve ça beau puis je dois dire que je félicite, encore une fois, le Conseil du statut de la femme parce que ça prend un organisme indépendant, souvent, pour nous dire des choses, quand on est au gouvernement, qu'on aimerait mieux pas entendre. Alors, s'il n'y a plus d'organismes indépendants, bien toutes ces belles choses que ces organismes, dont le Conseil du statut de la femme, nous permettent d'entendre et nous donnent à réfléchir, eh bien ça n'existerait pas.

Alors, voilà. Ça, c'est le CQFD de la nécessité de l'existence du Conseil du statut de la femme. Peut-être qu'il y a un autre avis qui nous plaira moins de ce côté-ci de la table, mais ce qui est important, c'est que l'indépendance du conseil soit respectée et que, par conséquent, quand leurs avis sont connus, sont rendus publics, eh bien qu'on puisse avoir des réponses de la part du gouvernement, ce que l'on n'a pas dans le cas présent.

Alors, l'égalité entre les sexes, la définition que donne le conseil est assez intéressante aussi parce qu'elle dit: «L'égalité entre les sexes, c'est le "droit égal de chacune et de chacun de faire ce qui est en sa puissance". Elle est accomplie lorsque toute personne a "la possibilité de réaliser tous ses droits à la mesure de son propre potentiel et de contribuer à l'évolution culturelle, économique, politique et sociale de son pays, tout en bénéficiant personnellement de cette évolution".»

Et le conseil continue: «Pour cela, il est essentiel d'admettre que la société établit une "différence entre le groupe des femmes et celui des hommes", que cette distinction est systémique et qu'elle est aggravée par d'autres facteurs telles l'origine ethnique et l'orientation sexuelle. L'égalité entre les sexes demande la mise en place d'une politique coordonnée de l'égalité à tous les échelons étatiques, de même qu'une approche intégrée; l'effectivité de l'égalité entre les sexes concerne toutes les Québécoises [et] les Québécois.»

Et le Conseil ajoutait, donc, il y a quatre ans: «La liberté de religion est limitée, intrinsèquement, par le droit à l'égalité entre les sexes.» C'est curieux, M. le Président, je me demande quelle a été la réaction du gouvernement en 2007. C'était ce gouvernement-ci, est-ce que c'était la même ministre de la Condition féminine? Je ne m'en souviens pas, peut-être pas, mais je serais curieuse de voir qu'est-ce qu'on avait répondu au conseil, alors qu'actuellement, dans l'avis que l'on a devant nous, le plus récent avis, eh bien le silence assourdissant du gouvernement lors de la publication du rapport a été très étonnant. Mais peut-être qu'en 2007, alors que, déjà, le conseil disait...

Je vais aller le chercher, on va aller chercher ça pour savoir. En 2007, quand le conseil disait: «La liberté de religion est limitée, intrinsèquement, par le droit à l'égalité entre les sexes», quand le conseil disait: «Le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes doit être respecté en toutes circonstances, et on ne doit pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion», bien là j'ai hâte de voir, en 2007, qu'est-ce que vos prédécesseurs... Parce que, si je ne me trompe pas, M. le Président, la ministre à été élue plus récemment que ça. Je ne peux pas lui faire porter, à ce moment-là, la responsabilité. Peut-être qu'elle ne sait pas elle-même, donc, qu'est-ce que le gouvernement, en 2007, a dit et a répondu à cet avis, que je viens de lire, du Conseil du statut de la femme. Mais, avant notre prochaine rencontre, c'est-à-dire vendredi matin, je vais donc chercher la réponse du gouvernement parce que je suis très étonnée de voir que déjà le conseil, il y a quatre ans, disait ça, aujourd'hui le conseil répète la même chose... Et puis est-ce que ça fait deux fois, donc en 2007 et puis en 2011, que le gouvernement reçoit des avis qui vont dans ce sens-là et que c'est comme si le conseil n'avait rien dit? Je ne peux pas le croire, M. le Président, je ne peux pas le croire. Alors, on va aller voir si, par miracle, le gouvernement avait eu une réaction positive à ce moment-là. Et, si c'est le cas, bien on demandera au gouvernement pourquoi il a changé d'idée.

**(16 h 20)**

Alors, «la liberté de religion -- dit le conseil -- ne peut être entendue comme permettant une atteinte à l'égalité entre les sexes. La liberté de religion trouve sa limite dans le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes.» C'est très intéressant, cet avis du Conseil du statut de la femme.

Alors, M. le Président, moi, je crois donc qu'il y a de bonnes raisons depuis le début de nos travaux... On est dans le coeur du sujet, on est dans le coeur du sujet, c'est-à-dire celui de la laïcité de l'État et celui des droits. Et le droit à la liberté de religion est un droit que personne ne conteste, mais le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes doit avoir un statut particulier ou doit être reconnu comme étant une valeur fondamentale dans la charte de la nation québécoise en même temps, bien sûr, que la laïcité, ce que le gouvernement ne veut pas faire. C'est ce que l'on regrette aussi beaucoup.

Je voudrais maintenant, M. le Président, vous faire part d'un... Il y a eu un colloque au cégep Montmorency -- c'est sur l'île de Laval -- récemment auquel Mme Leila Lesbet a participé. Mme Leila Lesbet est une Québécoise d'origine algérienne qui est au Québec, d'ailleurs, depuis de nombreuses années et elle a participé à ce colloque. Elle devait d'ailleurs, dans un premier temps, M. le Président, venir devant nous au moment des auditions. Elle n'a pas pu venir, mais elle était donc présente à ce colloque qui s'est tenu tout, tout récemment au cégep Montmorency, à Laval.

Et j'ai eu accès à une partie de son texte qui a été sur Internet. Tout simplement, donc, ça s'appelait Le débat sur la laïcité au cégep Montmorency. Je trouve ça formidable, d'ailleurs, de savoir et d'entendre que, dans les cégeps. on organise des débats sur une question aussi importante. Alors, Mme Lesbet était sur le panel en question et elle a dit ceci. Elle parle de ses deux vies si je puis dire: «La première -- et là je la cite -- durant laquelle j'ai été contrainte de vivre sous des lois religieuses servant de bouclier à la lâcheté des hommes qui ont fait de moi une mineure à vie. La deuxième, depuis mon arrivée au Québec, où, par la force des lois civiques, je suis citoyenne à part entière. Cette égalité des sexes, il faut le rappeler, s'est faite grâce au long combat des femmes québécoises, soutenues par toutes les composantes humaines de la société, contre l'obscurantisme.» Elle dit ensuite: «Je vais tenter de mettre en exergue les principes selon lesquels je considère que la laïcité est un facteur d'intégration dans la société québécoise», un des arguments que rappelle sans cesse notre collègue de Bourget.

Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'elle dit: Le Québec doit opter résolument pour la laïcité. Elle dit: «Je dois mon existence en tant que femme bénéficiant de tous les droits civiques et juridiques au même titre que mon mari au Québec où j'habite depuis 2001.» Donc, ça fait 10 ans qu'elle est là. «Depuis mon arrivée, j'ai pu apprécier les droits des femmes québécoises, résultat d'une longue lutte contre l'oppression de l'Église. Je sais qu'aucune religion n'accorde l'égalité à la femme. Les strapontins semblent avoir été faits pour nous.»

Et là elle dit: L'histoire se répète: un déjà vu et un déjà vécu. «Depuis un peu plus...» Après avoir fait l'éloge du Québec, là. Parce que je saute par-dessus quelques paragraphes, mais elle fait l'éloge du Québec. Comme je vous l'ai dit, «le Québec doit opter résolument pour la laïcité», mais elle dit: J'ai eu deux vies: une première, donc, en Algérie au moment de la guerre civile, au moment où les intégristes étaient très présents sur le territoire d'Algérie, au moment où la situation était très difficile et, depuis 10 ans, donc, au Québec.

«Depuis un peu plus de trois ans, j'ai l'impression d'un déjà-vu, un déja-vécu.» C'est la semaine dernière qu'elle disait ça. «Cela commence toujours par des demandes anodines, généralement des espaces de prière, des aménagements qui ne devraient déranger personne. C'est ainsi qu'avance l'islamisme doucement, mais sûrement. Dans ce sens, le Québec est un pays très généreux: la Charte des droits et libertés complétée par les accommodements raisonnables devient un tremplin pour permettre aux extrémistes de tous bords d'exercer leur oppression sur les femmes en toute légitimité.» Et, dans le fond, ce n'est pas très éloigné de ce que dit notre collègue de La Pinière, qu'a citée la semaine dernière, je crois, notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

Elle dit: «Pourquoi je dis cela? [Parce que] ne fermons pas les yeux, ce qui arrive en Europe est à nos portes. Soyons vigilants. Pourquoi je dis cela? C'est pour dénoncer l'islamisme qui non seulement n'a rien à voir avec l'islam, mais qui porte préjudice aux musulmans, où qu'ils soient.» On ne saurait si bien dire. «Pourquoi je dis cela? Car, si c'est cela, l'islam, alors mon père est mort sans savoir qu'il n'a jamais été musulman. Pourquoi je dis cela? Parce qu'aujourd'hui, au Québec -- et je vais terminer, M. le Président -- chez nous, des femmes et des hommes dont le combat pour l'égalité des sexes et la séparation du religieux et du politique ne sont plus à démontrer, ce qui est à leur honneur, ont subitement tourné le dos à leurs idéaux, sous la fallacieuse idée de venir en aide à ces femmes qui ont choisi[, par exemple,] le port du voile par conviction soi-disant religieuse, alors qu'il n'est que l'étendard de leurs convictions politiques.» Alors, je reviendrai sûrement sur cette conférence de Mme Leila Lesbet, qui est très intéressante. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland): Alors, merci, Mme la députée de Rosemont. Alors, est-ce qu'il y a quelqu'un? Le député de Deux-Montagnes, vous avez la parole.

M. Charette: Merci, M. le Président. Ça me fait d'autant plus plaisir de prendre la parole après ma collègue de Rosemont parce qu'essentiellement j'irai dans la continuité, et il est toujours question, on se le rappelle, de notre sous-amendement proposé à l'article 1 sur la charte, notamment, de la laïcité. Ma collègue de Rosemont insistait pour dire que le Conseil du statut de la femme avait cheminé au cours des dernières années après une étude approfondie des questions qui nous réunissent aujourd'hui encore, et ce, depuis plusieurs semaines. Il faut savoir, par contre, que plusieurs individus et organisations ont poursuivi pareille réflexion au cours des dernières années. Et, tout à l'heure, tout en écoutant avec grand intérêt, je suis tombé sur un texte de Jean-François Lisée, un intellectuel bien connu sollicité par plusieurs pour des avis souvent éclairés, dont le blogue sur le site de L'Actualité est aussi très prisé, et, lui aussi, sa réflexion ne date pas d'hier, elle date de plus d'une année. Donc, c'est dire que le débat, malheureusement, se perpétue depuis fort longtemps.

Vous allez me permettre, M. le Président, la lecture de ce texte-là parce que, bon, il me semble particulièrement intéressant. Vous reconnaîtrez le style particulier de M. Lisée, mais je le lis dans son intégralité. Déjà, le titre est évocateur, le titre. «Scandaleuses»: La France, la Belgique, l'Allemagne et toute l'Europe, le titre de cet article paru, donc, le 18 mars 2010. «Chers internautes, j'ai de tristes nouvelles à vous apprendre. J'ai appris mercredi soir vers 21 h 30 que de grands pays démocratiques, que dis-je de civilisation, comme la France, en fait que l'Europe entière s'était livrée depuis quelques décennies à des pratiques "irréalistes, scandaleuses" risquant de mener à "la désobéissance civile", de "faire sauter l'ordre social" et qui valent à ces pays et ce continent naguère dignes d'admiration d'être "montrés du doigt partout à l'étranger". Mais qu'ont-ils fait de si répréhensible, de si contraire aux droits et à la bienséance? Eh bien, monsieur, madame, ils ont eu le fanatisme d'imposer dans leurs pays par des règlements, des avis, des lois, des chartes et même -- summum du déshonneur -- par des décisions de tribunaux nationaux et européens des mesures de laïcité en tous points semblables à celles prônées par les boute-feux -- dont je suis -- qui ont signé le manifeste Pour un Québec laïque et pluraliste et qui sont envisagées par le Parti Québécois. En l'espèce: l'interdiction pour les membres de la fonction publique de porter des signes religieux ou politiques.

**(16 h 30)**

«D'où vient cette sévérité envers ces mesures? De Gérard Bouchard, coauteur du rapport Bouchard-Taylor. En entrevue au Téléjournal, ce mercredi, il disait ce qui suit, au sujet de l'application, au Québec, d'une loi consacrant [le principe de laïcité]: "[Cette loi serait] ingérable, irréaliste, scandaleuse, elle mènerait à la désobéissance civile, elle ferait sauter l'ordre social et, finalement, le Québec serait montré du doigt partout à l'étranger.» Ce sont les Américains qui diraient à côté: Qu'est-ce qui vous prend là, vous autres, les petits minables, là? «Il y aurait de la désobéissance civile, madame. De la désobéissance civile. Le Québec se retrouverait avec une crise énorme à l'intérieur. En plus d'un problème considérable à l'échelle internationale. On aurait tous les tribunaux à [notre] dos. Puis, pas seulement la Cour suprême, là. À commencer par nos [propres] tribunaux, à nous. Notre charte. Tous les traités internationaux. [Bref,] le Québec serait pointé du doigt partout."»

«Un des nombreux reproches faits au rapport Bouchard-Taylor fut sa décision, malgré son budget et le temps alloué, de ne pas mettre en parallèle, comme c'est un usage fréquent, les pratiques de plusieurs pays étrangers sur le sujet examiné, pour pouvoir mieux saisir l'univers des possibles, les expériences réussies ou ayant connu l'échec.

«Ce tour d'horizon aurait pu permettre à Gérard Bouchard d'avoir un peu plus de retenue dans ses mises en garde.

«Puisqu'il n'est jamais trop tard pour apprendre, je me suis renseigné depuis mercredi soir, 21 heures[...], et voici ce que j'ai appris:

«En France, la tradition a toujours voulu qu'un fonctionnaire ne porte pas de signes religieux ou politiques. Cela a été confirmé par la rédaction en 2007 d'une charte de la laïcité affichée dans tous les services publics.

«En 2003, déjà, la Cour administrative d'appel de Lyon avait estimé, en se fondant sur le principe de laïcité de la République, que le fait pour un agent public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constituait un [manque] à ses obligations professionnelles et donc une faute.

«Cette interdiction du port de signes religieux déborde du simple cadre des fonctionnaires de l'État au sens propre, car un tribunal de Toulouse l'a même appliquée en avril dernier au cas d'une jeune femme -- une doctorante -- salariée par l'université mais qui tenait à porter le hidjab. Pour l'université, la jeune femme était membre du service public et avait un devoir de neutralité. Le tribunal lui a donné raison.

«Le contexte est évidemment porteur, l'Assemblée nationale française ayant adopté une loi interdisant le port de symboles religieux ostentatoires dans tout le réseau d'enseignement public -- pour les enseignants et pour les élèves.

«En Belgique, le ministre responsable de la Fonction publique a indiqué en octobre dernier que "l'impartialité de l'État prévaut et toute personne travaillant pour l'État est tenue de respecter le principe de neutralité et d'impartialité et de s'abstenir de tout port de signes religieux ou convictionnels [oui, ils disent convictionnels en Belgique] qu'il soit, ou non, en contact avec le public".

«[Au niveau des villes maintenant], celles-ci sont libres de choisir le niveau d'exigence qui leur convient: certaines interdisent le port du voile aux agents en contact avec la population.» Et, bon, on peut lire une énumération de villes dont je vous fais grâce, M. le Président.

«Également, en octobre dernier[, donc], le Conseil d'État belge a établi que les communes, dont relèvent les écoles, ont le droit d'interdire le port du voile.»

En Allemagne, maintenant. «La Cour constitutionnelle, plus haute juridiction d'Allemagne, a déclaré que le port du hidjab était autorisé sauf législation spécifique l'interdisant.

«Les députés de Bavière et de plusieurs autres [...] provinces ont donc voté en 2004 une loi interdisant aux enseignants de porter le foulard islamique en classe, estimant que cet accessoire vestimentaire est devenu plus un symbole politique que religieux et un signe de répression des femmes. Les symboles chrétiens ou juifs restent autorisés. Note du blogueur: Je préfère de loin notre position plus égalitaire envers les religions et les convictions.

«La Hesse a interdit la même année à tous ses fonctionnaires de porter le voile islamique. Au Bade-Wurtemberg, en Basse-Saxe et dans la Sarre, seuls les enseignants sont concernés.»

En Europe en général. Que fait l'Europe, donc, «la Cour européenne, ce rempart contre la barbarie? Elle permet aux États membres de codifier les signes religieux, notamment vestimentaires, dans les institutions publiques, au nom de deux principes: la laïcité et l'égalité hommes-femmes.

«Ainsi, en 2001, elle a permis à une école suisse d'interdire à une enseignants le port du hidjab.

«Ainsi, en 2006, elle a permis à une école secondaire[, maintenant,] du Royaume-Uni d'imposer un code vestimentaire unifié aux élèves.

«Ainsi, en 2004, elle a permis à la Turquie d'interdire le hidjab dans l'enceinte de l'université "dans le but d'assurer la mixité des étudiants de croyances diverses et de protéger l'ordre public et les croyances d'autrui".

«En conclusion, cette revue des normes internationales montre très clairement que la liberté de religion cède le pas à des considérations d'égalité entre les sexes, d'une part, et que plusieurs États subordonnent la liberté de religion au respect de la laïcité et des non-croyances, d'autre part.

«D'où vient cette conclusion? De l'avis du Conseil du statut de la femme [justement] -- oui, du Québec -- sur le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et la liberté religieuse», un document -- et ma collègue de Rosemont y faisait référence il y a quelques instants -- qui date, donc, d'août 2007.

«D'où je tire l'essentiel de mes informations sur la Cour européenne? Le conseil s'était donné la peine d'aller voir ailleurs avant de faire ses propres recommandations. Et n'avait pas prononcé d'oukases contre les Québécois qui oseraient faire ici ce que d'autres font légalement ailleurs.

«Le portrait des mesures promulguées dans les autres pays démocratiques afin de baliser la liberté religieuse, ainsi que l'interprétation que les tribunaux en ont fait, est un exercice incontournable dans cette avenue où nous souhaitons que le gouvernement s'engage.

«On se prend à rêver du jour où tous les intellectuels québécois, ou du moins tous les intellectuels auteurs de rapports, aient autant de sagesse que les membres du Conseil du statut de la femme.»

Donc, vous m'excuserez, M. le Président, pour cette lecture plutôt longue, mais elle reprend essentiellement ce que ma collègue de Rosemont disait il y a quelques minutes à peine. C'est une réflexion qui date de quelques années et qui a été entreprise par bon nombre d'organisations toutes aussi crédibles les unes que les autres. Et l'expérience internationale peut aussi, pour nous, être d'un précieux secours, être, pour nous, une source d'inspiration qui soit raisonnable. Parce que, dans les faits, on peut le penser, on peut le deviner même, les réserves du gouvernement actuel, du gouvernement québécois peuvent s'expliquer par des craintes de contestations judiciaires, peuvent s'expliquer par des craintes de contestations aussi provenant de la communauté internationale. Or, ce sont tous des cas, à mon sens, très révélateurs qui ont été évoqués et provenant de pays dont la tradition démocratique n'est plus à remettre en question, d'une part.

Et, même si on se fie à l'actuelle lecture qu'en font les tribunaux de la Charte canadienne des droits et libertés et de la charte québécoise des droits et libertés, on constate au cours des années une certaine évolution. Et on a eu l'occasion de l'entendre au cours des consultations ces derniers mois, plusieurs experts, dont des avocats spécialistes sur les questions de laïcité qui en sont venus à penser qu'éventuellement même les tribunaux canadiens, qui basent leurs jugements en vertu de la charte canadienne, en seraient appelés à reconnaître cette laïcité telle que nous la concevons. Donc, la frilosité du gouvernement s'explique mal. Elle s'explique d'autant plus mal que nous pouvons reposer nos propres projets, notre propre législation sur des expériences internationales qui ont fait leurs preuves au cours des dernières années, et pour ne pas dire des dernières décennies, dans le cas de certains exemples cités. Donc, amender la charte des droits de la personne devient l'étape légitime à ce moment-ci et viendrait donner à ce projet de loi, qui, autrement, manque de saveur et de tonus, viendrait lui donner la légitimité nécessaire.

Mes collègues l'ont dit à plusieurs reprises au cours de leurs dernières interventions, nulle part dans la législation, actuellement, on confirme de façon claire le statut laïque du Québec, nulle part. Et le projet de loi n° 94, tel que présenté, malheureusement, ne le fait pas non plus. Mais l'étape primordiale pour que ce statut-là soit conféré, pour qu'il soit officialisé passe par l'amendement à la charte. C'est la mère de tous nos textes de loi, en quelque sorte. Donc, cet amendement, il est nécessaire, et c'est pour cette raison que mes collègues de l'opposition officielle, au cours des derniers instants, ont défendu cet amendement qui, je l'espère et je le souhaite, sera reçu positivement par nos collègues du parti gouvernemental. Merci, M. le Président. Je reviendrai dans quelques instants.

**(16 h 40)**

Le Président (M. Ferland): Alors, merci, M. le député de Deux-Montagnes. O.K. Il va vous rester 6 min 30 s et quelques poussières. Alors, je passe la parole à Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Weil: Pour vous, M. le Président, juste un petit rappel. On est en train d'étudier, on fait l'étude article par article du projet de loi n° 94, du projet de loi n° 94, on n'a pas la Charte des droits et libertés sur la table. Et je voudrais vous lire l'article 4. On n'est pas rendus à l'article 4, on est rendus à l'article 1, mais, parce qu'on parle beaucoup d'égalité hommes-femmes, et du Conseil du statut de la femme, et de l'avis du Conseil du statut de la femme, et de l'importance de protéger l'égalité hommes-femmes dans le cadre d'accommodements raisonnables, j'ai pensé utile de lire parce qu'on lit des extraits très importants du... lorsque le Conseil du statut de la femme est venu faire une présentation pour nous dans le cadre de la commission parlementaire et de la consultation publique.

Alors, l'article 4: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière.»

Donc, dans ce contexte-là, dans le mémoire qui a été présenté par le Conseil du statut de la femme, dans un premier temps, ils citent la Commission des droits de la personne, et voici la citation: «Les critères qui permettent actuellement d'évaluer si un accommodement occasionne une "contrainte excessive", critères qui ont été élaborés dans le cadre de rapports privés -- entre employeurs et salariés -- ne sont pas nécessairement adaptés aux services publics, lesquels ont des responsabilités envers l'ensemble de la collectivité. L'élaboration des critères tenant compte de cette mission particulière dévolue aux institutions publiques est sans contredit l'un des défis actuels les plus importants en cette matière.»

Alors là, le Conseil du statut de la femme, je vais citer quelques extraits, ils disent: «Il est donc tout à fait approprié, justifié et souhaitable que le législateur s'exprime sur cette question par le biais du projet de loi n° 94. Pour la première fois, l'accommodement raisonnable est défini dans une loi qui servira d'éclairage aux tribunaux. Éventuellement, dans l'hypothèse où une mesure découlant du projet de loi n° 94, une fois adopté -- une fois adopté -- serait contestée, il sera possible pour le législateur de la justifier puisqu'elle aurait été prise en vertu d'une règle de droit, ce qui peut permettre la restriction aux droits individuels au nom de l'intérêt public. L'accommodement raisonnable fait partie intégrante du droit à l'égalité et du droit à la liberté de religion et, à ce titre, il est obligatoire.»

Alors, ça, c'est le Conseil du statut de la femme qui le dit et, plus tard, qui dit par rapport à la question d'égalité hommes-femmes: «De toute évidence, l'article 4 du projet de loi n° 94 réfère à un principe général de neutralité religieuse de l'État, un principe de base reconnu dans notre société et qui fait consensus. La nouveauté réside dans le fait que le projet de loi n° 94 l'érige en balise, en frein aux demandes d'accommodement...»

Le Président (M. Ferland): Mme la ministre, je veux juste rappeler qu'on a... On nous signale qu'il y a un vote au salon bleu.

Alors, on va suspendre, le temps de vous permettre ainsi qu'à moi également d'aller voter. Alors, on revient immédiatement après.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

 

(Reprise à 17 h 39)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, rebonjour. Nous allons reprendre. Alors, Mme la ministre, je comprends qu'au moment de la suspension vous aviez la parole.

Mme Weil: C'est ça, oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je parlais surtout de l'aspect égalité hommes-femmes et les arguments qui nous ont été présentés par le Conseil du statut de la femme lorsqu'ils sont venus présenter leur mémoire dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n° 94. Parce qu'on est ici pour étudier le projet de loi n° 94, on fait l'étude article par article, et le Conseil du statut de la femme a souligné l'importance de l'article 4 et l'importance de ce projet de loi pour baliser les accommodements à la lumière de l'égalité hommes-femmes et trace l'évolution des mesures qui ont été prises par notre gouvernement pour nous assurer que l'égalité hommes-femmes soit bien protégée et valorisée dans la Charte des droits et libertés, dans les considérants, dans l'introduction et dans l'article 50.1 de la charte.

**(17 h 40)**

Et maintenant, dans un autre projet de loi, un projet de loi qui traite carrément des accommodements... Alors, j'étais en train de citer, mais je vais reprendre, sur l'article 4, donc: «De toute évidence -- ça, c'est le conseil qui parle -- l'article 4 du projet de loi n° 94 réfère à un principe général de neutralité religieuse de l'État, un principe de base reconnu dans notre société qui fait consensus. La nouveauté réside dans le fait que le projet de loi n° 94 l'érige en balise, en frein aux demandes d'accommodement, au même titre que le droit à l'égalité entre les sexes, ce qui constitue un avancement significatif pour le droit des femmes québécoises.»

On a eu l'occasion, plus tôt dans la journée, de parler d'interculturalisme et de multiculturalisme. Dans le mémoire du Conseil du statut de la femme, ils disent, ils affirment, selon eux, que, «de plus, l'article 4 du projet de loi n° 94 tient compte de la spécificité de la politique interculturelle du Québec». Ça, c'est un commentaire que j'ai eu l'occasion de faire très, très souvent, l'importance du projet de loi n° 94 qui s'inscrit tout à fait dans cette mouvance de venir donner un peu plus corps et âme à cette notion d'interculturalisme. C'est un concept qui est en développement beaucoup au Québec actuellement.

Et, dans la conclusion -- et je pourrais revenir sur d'autres éléments, mais parce qu'on est vraiment sur l'aspect égalité hommes-femmes -- en conclusion: «Le conseil salue l'action du gouvernement qui, avec le projet de loi n° 94, prend les moyens pour gérer les demandes d'accommodement dans le respect des valeurs d'égalité entre les sexes et de neutralité de l'État. Il trace la voie à suivre et est avant-gardiste.» Alors, ça, c'est important, donc, le Conseil du statut de la femme qui, dans le contexte du projet de loi n° 94, parce qu'on traite réellement de balises à apporter pour les demandes d'accommodement, salue, évidemment, l'article 4, souligne son importance et souligne son importance à la lumière de protéger l'égalité entre les hommes et les femmes. Je l'ai répété souvent lors de cette étude article par article qu'un accommodement ne pourrait être considéré acceptable s'il venait brimer l'égalité entre les hommes et les femmes.

Donc, c'est un article important, c'est un projet de loi important parce que c'est la première fois que c'est dit de façon aussi claire. Et le Conseil du statut de la femme note, en fait, que, dans toute la jurisprudence à ce sujet, c'est la première fois qu'un projet de loi vient clarifier les règles autour de l'accommodement, et c'est la première fois, évidemment, donc, qu'un projet de loi vient dire aussi clairement qu'un accommodement ne pourrait pas brimer l'égalité entre les hommes et les femmes. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, Mme la Présidente. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, naturellement, les propos de la ministre. Avec un certain malaise, par contre. J'aimerais aussi revenir un petit peu dans le temps. Je me souviens fort bien de la journée où le projet de loi a été présenté, projet de loi, on l'a dit à plusieurs reprises, qui a suscité beaucoup d'attentes, hein? C'est un projet de loi qui, aux yeux de plusieurs, amenait enfin une conclusion à ce débat maintenant presque éternel, sinon sans fin, sur les notions d'égalité hommes-femmes, sur les notions d'accommodement raisonnable, et je me souviens, effectivement, de l'accueil initial plutôt favorable de Mme Pelchat, donc, présidente du Conseil du statut de la femme.

Cependant, je me retrouve beaucoup moins dans les propos de la ministre lorsqu'elle semble attribuer au Conseil du statut de la femme des intentions qui, manifestement, ne sont pas les siennes. Mme la ministre a cité Mme Pelchat lorsqu'il était question de l'article 4, mais ce sont des citations qui datent avant même, ma foi! les consultations proprement dites. Peut-être que l'avis de Mme Pelchat mériterait des nuances. Et, pour preuve, je vais vous citer deux citations de Mme Pelchat, notamment, qui ont été entendues au moment, là, des travaux en commission parlementaire. Donc, elle s'adressait à la présidence: «Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, j'aimerais d'abord dire que je ressens un profond malaise face aux propos qu'on a entendus hier et aujourd'hui en ce qui a trait au projet de loi n° 94. Nous avons l'impression que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet du projet de loi n° 94 et nous en sommes profondément choqués.» Je devine qu'aujourd'hui Mme Pelchat aurait des mots tout aussi durs face à l'interprétation qu'on semble vouloir faire de ses propos.

Toujours dans le cadre de cette même consultation, je prends un autre extrait, Mme la Présidente, qui fait suite à la première affirmation, donc: «De toute façon, le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi qui aurait pour effet d'interdire un seul signe religieux, c'est-à-dire le niqab, celui porté par des femmes, et permettre tous les autres portés par ces messieurs. Cela discriminerait doublement les femmes. Au contraire, M. le Président, l'article 4 du projet de loi n° 94 pourra signifier, par exemple, que ne doit pas faire l'objet d'un accommodement le port vestimentaire de l'agent de l'État qui suggère que la femme est inférieure à l'homme ou qui, dans les circonstances, donne à penser que l'État favorise une religion. Cette demande devrait être refusée.»

Mme la ministre, il y a quelques instants à peine, a voulu faire dire... et je ne lui prête pas d'intentions, mais essentiellement le contraire de la pensée même de Mme Pelchat, et c'est déplorable. Et c'est aussi l'objet de notre propos, Mme la Présidente, on a dit, dès le départ et dès le dépôt du projet de loi actuel, qu'il avait plusieurs lacunes, des lacunes importantes, mais qu'effectivement, en ne ciblant qu'un seul signe religieux porté -- on l'a dit et prouvé à maintes reprises -- uniquement par des femmes, on venait, d'une part, les stigmatiser, elles, comme femmes, on venait stigmatiser également les pratiquants de cette religion, et on parle, naturellement, de la religion musulmane. Donc, je suis foncièrement mal à l'aise avec les affirmations de la ministre, qui a voulu donner une caution à son projet de loi à travers certaines affirmations très ciblées, sorties de leur contexte de la présidente du Conseil du trésor, donc Mme Pelchat, et...

Une voix: Du statut de la femme.

M. Charette: Oui, effectivement, du statut de la femme, c'est bien d'avoir des collègues qui sont à l'écoute à mes côtés. Mais c'est foncièrement dommage. Et ça a été dit aussi par bon nombre d'interlocuteurs entendus en commission parlementaire, on cible, d'une part, des femmes et un groupe religieux en particulier et on n'aide en rien la poursuite du débat, au contraire. Au contraire, on s'enfonce sans jamais trouver de solution véritable. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Mme la ministre, vous souhaitez intervenir?

Mme Weil: Oui. Je voudrais clarifier. Le Conseil du statut de la femme a préparé une question-réponse lors de la conférence de presse dans laquelle ils font la distinction entre le projet de loi n° 94 et un grand débat sur la laïcité. Et, donc, ils disent que le projet de loi n° 94 est nécessaire afin de baliser les demandes individuelles d'accommodement. Donc, c'est ça qu'il faut comprendre. C'est ça qu'il faut comprendre, entre 94 qui... et dans son article 4... Donc, il faut faire la distinction entre l'article 4, qui vient dire qu'un accommodement ne peut... Et j'ai vraiment ciblé mes commentaires sur l'article 4, cet article qui est appuyé par le Conseil du statut de la femme parce que c'est la première fois qu'on dit qu'on ne pourrait accorder un accommodement qui viendrait brimer l'égalité hommes-femmes.

C'est sûr que, le Conseil du statut de la femme, il y a d'autres commentaires sur la laïcité, mais il n'y a rien qui vient empêcher pour eux l'importance... Et ils le redéclarent... Et ça, c'est vraiment dans le cadre de la conférence de presse, donc ils ne l'auraient pas mis... Et ce qui est vraiment sur la table, c'est le projet de loi n° 94, qui vient baliser les demandes d'accommodement.

Maintenant, nous, on a fait un examen des mémoires, on le sait bien, on était là: 50 % pour la laïcité ouverte, 50 % pour la laïcité fermée. Donc, oui, et, donc, on voit bien que, la société, il y a deux points de vue. C'est pour ça que je pense qu'on mène des débats très sereins, parce que c'est comme dans toute chose dans la vie, il y a plusieurs points de vue.

**(17 h 50)**

Mais je reviens à l'importance d'analyser le projet de loi n° 94, et, dans ce cas-là aussi, donc, évidemment, plusieurs qui sont venus dire que cet article 4 était important aussi, très important pour la question égalité hommes-femmes, et le Conseil du statut de la femme qui l'a noté et qui trouvait, évidemment, que c'était un article important, alors, puisqu'on parle de cet enjeu de l'égalité hommes-femmes. Et le Conseil du statut de la femme a pris la peine aussi de mentionner d'autres amendements qui ont été apportés par notre gouvernement à la Charte des droits et libertés pour renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, le conseil voit le projet de loi n° 94 dans cette continuité.

Évidemment, on n'est pas dans la Charte des droits et libertés, on est dans un projet de loi sur les accommodements raisonnables. Donc, je voulais juste, parce qu'on était rendu très loin, sur beaucoup d'enjeux, beaucoup de questions et on pourrait être dans ces débats-là pendant de nombreuses années... Mais, évidemment, pour la question d'accommodement raisonnable au sein de l'espace gouvernemental, si on veut, on ressentait -- je pense qu'on n'était pas les seuls, pas juste le gouvernement qui le ressentait -- on ressentait -- ça, on parle d'un an et demi -- un besoin d'amener clarté sur cet enjeu. Ça peut sembler très précis et très pointu, mais c'est quand même un exercice parfois difficile pour les gens qui doivent prendre ces décisions parce qu'il y a toute une jurisprudence qui pourrait amener les gens à imaginer qu'il n'y a pas de limite, nécessairement, aux accommodements, puis, lorsqu'on est en face d'une demande, par exemple, liberté religieuse, qui pourrait faire croire aux décideurs que, bon, il faut l'accorder parce que c'est une liberté en vertu de la charte, bien là on dit clairement non lorsque l'égalité entre les femmes et les hommes est en jeu. Et, donc, ça, c'est perçu par le conseil et, évidemment, par nous comme une avancée importante parce que c'est la première fois qu'on le dit dans un projet de loi.

Donc là, ils le soulignent, un juge, un tribunal qui aurait à juger ces questions va regarder le projet de loi n° 94, et, évidemment, éventuellement, les débats. Le Barreau qui l'appuie, beaucoup d'organismes, de juristes qui ont appuyé ce projet de loi, et, évidemment, sur l'aspect égalité hommes-femmes qui semblait faire vraiment consensus. Ça, s'il y avait quelque chose qui faisait consensus, c'était beaucoup l'article 4 et de protéger quelque chose qui est vraiment plus qu'une valeur, c'est un droit à l'égalité fondamental. Et, d'ailleurs, dans -- je ne l'ai pas avec moi, mais je l'amènerai la prochaine fois -- le document qui est signé, qu'on demande aux immigrants lorsqu'ils arrivent, un document qu'ils signent, il y a toute une section sur l'importance de l'égalité hommes-femmes. Je l'amènerai la prochaine fois parce que c'est important, lorsqu'on parle d'interculturalisme, lorsqu'on parle de transmission de valeurs, lorsqu'on parle d'intégration, évidemment, ça, un des premiers contacts avec la société québécoise. Ils reçoivent leur CSQ, leur certificat de sélection du Québec, et là on leur fait part de ces valeurs.

Évidemment -- comment dire -- la sensibilisation aux valeurs, c'est quelque chose qui se poursuit avec l'accueil, les organismes d'intégration, et ça se fait très bien, hein, au Québec, on a pu en parler. L'histoire du Québec avec le pluralisme, ce n'est pas une histoire récente. C'est vrai, le député l'a mentionné, on a une riche histoire avec ça. Mais, au fil des années, je pense qu'on développe des stratégies encore plus pointues, encore plus... on verbalise mieux, on décrit mieux parce qu'on a toute une histoire de peut-être, de temps en temps, ces genres de conflits, alors, qui doivent être arbitrés par des gens qui doivent prendre des décisions, donc, et c'est aussi... Moi, je considère que c'est aussi une question d'équité. On informe les gens avant qu'ils arrivent ici: Voilà comment ça se passe ici.

Mais je ne voudrais pas non plus mettre... Je vous dirais que, globalement, les immigrants qui viennent ici sont tout à fait d'accord avec nos valeurs. Et, s'ils ont choisi le Québec, c'est parce que le Québec les attire, il y a quelque chose ici pour eux qui est intéressant. C'est une société qui, pour beaucoup de raisons... Oui, c'est une société francophone, mais ils aiment bien les valeurs. Et, moi, j'ai eu l'occasion de parler avec beaucoup, beaucoup de gens qui sont ici, première ou deuxième génération, mais ils se souviennent des commentaires de leurs parents. Moi, histoire personnelle, mon père, qui est venu des États-Unis il y a très, très longtemps, dans les années trente -- et, moi j'ai grandi avec ça -- lui, il disait, à l'époque... Et puis, à l'époque, ce n'est pas tout le monde qui, nécessairement, disait ça de la société québécoise, mais, lui, il trouvait que c'était une société extrêmement accueillante. Extrêmement accueillante, il est tombé en amour avec le Québec et il est resté ici. Il a fait sa médecine ici, puis il est resté au Québec.

Donc, je pense que ça fait partie de quelque chose qui attire les immigrants. Donc, je pense que c'est important de le dire aussi, que les immigrants qui arrivent ici, ils ont choisi le Québec. Ils ont choisi le Québec parce que ça les intéresse, mais, en même temps, on s'assure qu'on transmet nos valeurs. Et, l'égalité hommes-femmes, on veut vraiment... Évidemment, toutes les initiatives du gouvernement, c'est que ça ne soit pas juste une égalité de droit, mais égalité de fait. Donc, il faut vraiment que, dans nos actions, on s'assure que cette égalité se traduise dans la vraie vie par des programmes et des mesures concrètes et la reconnaissance de cette égalité.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Deux commentaires avec le peu de temps qu'il reste. Et je sais que, dans l'esprit de la ministre, ça n'avait absolument rien de négatif, mais c'est pour dire comment les mots, dans ce débat-là, sont chargés. On a parlé de laïcité ouverte et laïcité fermée. Alors, si des gens nous écoutent, bon, de un, les concepts ne sont pas si clairs que ça, mais il y en a une qui fait référence... Et, encore, je vois la ministre, d'aucune façon je ne veux insinuer qu'il y avait une connotation négative dans son esprit, mais ce qui laisse... Vous savez, quand vous dites quelque chose d'ouvert, quelque chose de fermé, on sait un peu à quoi ça réfère. Donc, ça, c'est une partie du débat.

L'autre chose, la ministre a dit également: Les nouveaux arrivants, quand ils ont leur certificat, ils signent le fameux document dans lequel ils s'engagent, si vous voulez, à intégrer à eux-mêmes les valeurs de base de cette société. Mais, encore une fois, Mme la Présidente, on voit, quelques semaines après... Et, de toute façon, on est tous confrontés à ça, pas obligé d'être un nouvel arrivant de quelques jours, c'est: Qu'est-ce qui se heurte en termes de droits, en termes de valeurs? C'est le droit et les valeurs canadiennes, multiculturalisme, comme on l'a dit à maintes reprises, et c'est les valeurs québécoises. Et, ultimement, qu'est-ce qui l'emporte? On le sait, là, on commence à le savoir, n'est-ce pas? Un ex-premier ministre a déjà dit: La Cour suprême, c'est comme la tour de Pise, hein? On ne le répétera jamais assez, Mme la Présidente. Donc là, les valeurs d'intégration, les valeurs qui sont les nôtres se heurtent aux valeurs canadiennes du multiculturalisme. Et ça, là-dessus, qu'est-ce que vous voulez, c'est dans la Charte canadienne, et là on est dans une autre dynamique complètement.

Et, Mme la Présidente, c'est la raison pour laquelle, même si on est encore soumis à ça, c'est la raison pour laquelle cet amendement est fondamental. Et on pourra y revenir, j'imagine, dans quelques jours, j'ai l'impression, parce que, quand on parle de valeurs, les valeurs qu'on partage, les valeurs qui assurent la cohésion sociale, notre collègue de Bourget en parlait tout à l'heure très bien... Et là on est dans le vif du sujet, Mme la Présidente, on est dans le vif du sujet, ce partage de valeurs fondamentales entre tous ces gens qui habitent au Québec. Et, encore une fois, je veux être clair là-dessus et je termine parce que, bon, le temps... que vous soyez au Québec depuis 400 ans, 100 ans, deux semaines, ça n'a rien à voir, on partage un lot de valeurs. Très certainement que je pourrai y revenir dans un avenir rapproché ou moins rapproché, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, cher collègue. Alors, compte tenu de l'heure, je lève la séance de la commission, et la commission ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 heures)

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