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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le vendredi 2 décembre 2011 - Vol. 42 N° 50

Étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d’autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir s'assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Alors, ce matin, le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 43, qui est la Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives.

Alors, dans un premier temps, je voudrais saluer le ministre de la Justice, qui est présent parmi nous, la députée de Joliette, qui est critique en matière de justice, critique de l'opposition officielle, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, Mme la députée de Trois-Rivières et M. le député de Vimont. Alors, bienvenue parmi nous.

Mme la secrétaire, je crois que je vous ai devancée, il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente, un remplacement. Alors, M. Matte (Portneuf) est remplacé par Mme St-Amand (Trois-Rivières).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Alors, sans plus tarder, on va débuter avec les remarques préliminaires. Alors, M. le ministre, vous disposez d'un maximum de 20 minutes pour vos remarques.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, vous êtes gentille, Mme la Présidente, mais je ne les prendrai pas.

Simplement pour dire que le projet de loi vise essentiellement, là -- dans le coeur, il y a évidemment quelques articles plus techniques, de concordance parfois, pour réaliser, en matière législative, des volontés que l'Assemblée a déjà manifestées, notamment à l'égard de la rémunération des juges -- mais essentiellement le projet de loi vise à ajouter 20 juges à la Cour du Québec et à ouvrir la porte pour offrir la capacité du gouvernement fédéral de modifier lui-même les juges à Cour supérieure et d'en ajouter sept.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, pour la Cour supérieure, on a regardé les besoins de la cour, qui les a manifestés, on a établi qu'il y a une ouverture certainement pour sept nouveaux juges à court terme, et on envisage de voir comment on peut, s'il y a lieu... est-ce qu'il d'autres interventions qu'on doit faire, en tout cas, on analyse comment on pourrait faciliter... encore plus de flexibilité dans la répartition des juges à la cour. Mais essentiellement il s'agit d'augmenter la cadence, la capacité d'entendre et de juger des causes. Tel est l'objectif du projet de loi.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Joliette, vous disposez également de 20 minutes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis heureuse d'amorcer l'étude de ce projet de loi n° 43. Le ministre a fait ressortir, oui, les éléments qui concernent l'augmentation du nombre de juges à la Cour du Québec et à la Cour supérieure. Il y a d'autres, évidemment, enjeux concernant aussi la nomination des juges coordonnateurs, qui augmentent, si j'ai bien vu; aussi un juge responsable des juges de paix magistrats; et aussi la possibilité de nommer des juges de paix magistrats suppléants, ce qui est quelque chose de nouveau; et aussi des modifications en ce qui concerne la capacité de certaines personnes de faire prêter serment dans les palais de justice.

Donc, oui, comme je le mentionnais hier, lors de l'adoption de principe, ce sont des mesures qui peuvent avoir l'air plutôt techniques mais qui ont un impact certain pour l'administration de la justice. Et je donnais, en quelque sorte, hier un peu mon préavis de questions ou d'angles que je voudrais aborder, parce que c'est certain que je vais vouloir comprendre pourquoi on en est arrivé à un nombre de 20 juges, sur quelles bases on est arrivé à faire cette adéquation-là entre les besoins et ce nombre accru de juges, en lien aussi avec d'autres mesures qui sont prises pour désengorger les tribunaux, donc de voir un peu comment ça se répond mutuellement.

**(11 h 40)**

Même chose avec les juges de paix magistrats, dont le nombre a augmenté pour différentes raisons au cours des dernières années. Les liens avec la répartition dans les différentes chambres et sur le territoire. Et donc je suis certaine qu'on va avoir des bons échanges, parce que ce n'est pas des... ce n'est pas des modifications que l'on apporte, quand même, tous les jours, donc il faut être certains que ce sont vraiment les bonnes mesures pour répondre aux besoins. Parce qu'il y a des éléments assez complexes quand on vient pour analyser ces besoins, le nombre de dossiers, mais aussi la complexité des causes, qui sont toujours deux éléments qui font en sorte... qui jouent sur le volume et le travail des tribunaux.

Donc, ça me fait plaisir d'amorcer l'étude et d'amorcer ces échanges avec le ministre et son équipe. Et je souligne que je suis accompagnée pour procéder à cette étude de Guillaume Rousseau et de Marie-Joëlle Carbonneau.

Étude détaillée

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, Mme la députée de Joliette. Est-ce qu'il y a d'autres collègues qui souhaiteraient faire des remarques préliminaires? Alors, s'il n'y a pas d'autres remarques et s'il n'y a pas de motion préliminaire, alors je vous propose de débuter immédiatement l'étude du projet de loi, étude article par article. Alors, je vais prendre en considération l'article 1, M. le ministre.

M. Fournier: Alors, commençons, Mme la Présidente: L'article 21 de la Loi sur les tribunaux judiciaires est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa, de «145» par «152», essentiellement.

On parle ici de la Cour supérieure, donc -- j'ai terminé l'article, là -- on parle de l'augmentation de sept juges à la Cour supérieure. On en a parlé déjà, ce n'est pas nous qui nommons les juges à la Cour supérieure, c'est le gouvernement fédéral. La Cour supérieure, comme la Cour du Québec, a exprimé le désir d'avoir plus de juges pour juger. J'ai communiqué avec le ministre fédéral pour lui indiquer qu'à court terme l'analyse que nous faisions nous amenait à changer notre loi pour aller chercher sept juges de plus. J'ai aussi exprimé, enfin je l'ai exprimé hier aussi, je pense que je l'ai dit tantôt... On va voir aussi comment on peut donner plus de flexibilité, l'objectif étant toujours de pouvoir entendre le plus de causes le plus rapidement possible. C'est un des problèmes du décrochage judiciaire, et les coûts et les délais.

Alors, ça, c'est un des éléments. Ce n'est pas la première fois. Je sais que notre collègue... Merci, d'ailleurs, pour les questions hier, ça nous permet de pouvoir tenter d'y répondre au mieux. Hier, notre collègue soulignait le phénomène de devancement ou d'anticipation qu'on trouve dans une loi, qui devrait normalement un peu suivre l'appel au gouvernement fédéral, dirait: Je voudrais avoir plus de juges de la Cour supérieure comme administration de la justice. Allez-vous nous fournir locaux et personnel pour pouvoir le faire?

En 2001, la loi... la même procédure a été prise, me dit-on, et la nomination a eu lieu en 2008. Donc, ça a pris un certain temps pour pouvoir espérer que ça arrive. Mais la porte avait été ouverte, le chemin avait été fait. Dans le cas qui nous concerne, je crois que, pour toutes les bonnes raisons que notre collègue a dites, autant les mégaprocès, les besoins en matière commerciale, les procès qui sont de plus en plus longs, les causes qui nécessitent de plus en plus de temps de juges, si on veut, amènent la Cour supérieure, comme la Cour du Québec, à faire ces demandes-là.

Dans le cas de la Cour supérieure, les sept juges sont visés pour être répartis: cinq en matière criminelle et deux, civile et commerciale. Et tous à Montréal. En fait, la difficulté importante qu'exprime le juge en chef de la Cour supérieure, certainement dans la région de Montréal particulièrement. Alors là, c'est là où il y aurait l'ajout qui serait fait.

Je ne suis pas sans savoir que le juge en chef... Et je n'ai pas à tout savoir, mais je ne suis pas sans savoir que le juge en chef de la Cour supérieure est aussi intervenu auprès du gouvernement fédéral pour exprimer ses besoins.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée de Joliette?

Mme Hivon: Oui. Bien, d'abord, sur la mécanique. Parce que je suis retournée voir dans le premier projet de loi que j'ai étudié dans mes fonctions, avec votre prédécesseur, une de vos prédécesseures, la députée de Notre-Dame-de-Grâce, il y a eu une modification, donc, si j'ai bien compris, au nombre de juges en 2009 à la Cour supérieure. Parce que, si je me réfère à la loi, on voit aussi qu'il y a eu une modification. Et je veux bien saisir, parce qu'il me semble que ça s'était fait différemment à l'époque et qu'il y avait eu donc un changement à la loi fédérale avant qu'on le fasse dans la loi québécoise. On l'avait modifiée pour passer, à l'époque, de 144 à 145. Et puis, de ce que je comprends, à ce moment-là, la nomination avait déjà été faite au niveau fédéral, et le Québec est venu modifier par la suite.

M. Fournier: ...plutôt que d'écouter les deux en même temps, là.

Mme Hivon: O.K. C'est ça. C'est qu'hier, en me référant pour voir justement s'il y avait des précédents, je voyais que ça a été modifié en 2009. Je suis retournée donc aux travaux, c'était passé de 144 à 145, mais la nomination avait déjà été faite par le fédéral. Donc, on avait pris un processus inverse. Et puis je voulais comprendre pourquoi, cette fois-ci, on n'attend pas.

Je vais vous expliquer ce qui m'embête. C'est que, si, dans la loi, on prévoit... parce que j'ai vu, ce n'est pas un maximum de tant de juges, c'est vraiment un nombre strict de tant de juges. Non, non, mais vous... le ministre... vous n'avez pas fait allusion à ça, mais, moi, je me suis dit: peut-être qu'on parle d'un maximum de. Donc, même si les postes ne sont pas comblés, il n'y a pas de problème. Mais on parle d'un nombre fixe. Et donc, si ça prend des années et des années avant d'être comblé, je me demande juste s'il peut y avoir une question de légalité de fonctionnement de la cour.

M. Fournier: Je peux au moins donner l'explication de 2009, là. Moi, j'étais sous d'autres cieux en 2009, là, sur la modification. Je crois comprendre que vous vouliez nous parler de Bedford, ou je ne sais pas trop, là. Oui?

La Présidente (Mme Vallée): Je vous demanderai de vous identifier, tout simplement.

Mme Mc Maniman (Denise) Denise Mc Maniman. Je pense qu'en 2009 ce qu'on a fait, c'est ajouter un poste dans le district, si mon souvenir est bon, de Bedford. Je n'ai pas le projet de loi de 2009... la loi de 2009 dans mes mains. Est-ce que vous avez les lois du Québec ici?

Mme Hivon: Oui. On avait passé l'article 21 de la Loi sur les tribunaux. Je lis les débats: Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce: L'article 21 de la Loi sur les tribunaux judiciaires est modifié par le remplacement de «144» par «145». Ça se peut que c'était pour Bedford, mais on avait changé donc le nombre de juges. Et, depuis ce jour, nous sommes à 145. Et donc, à ce moment-là, on a dit que ce juge-là... En fait, on expliquait que c'était une modification de concordance pour venir rendre compte du changement dans la Loi sur les juges, fédérale. Donc, on l'aurait fait de la manière qui, moi, m'apparaissait plus logique, d'attendre que le changement se fasse au niveau fédéral et qu'ensuite on le fasse, pour être sûr que ça va bel et bien être le cas.

Alors, c'est pour ça que je voulais comprendre la différence d'approche maintenant par rapport à 2009. Ce n'est pas... Ce n'est pas...

M. Fournier: Ma réponse... Ma réponse était, dans le fond, ce qu'on m'avait informé, c'est que c'est conforme à l'approche de 2001...

Mme Hivon: 2001.

M. Fournier: ...où la porte a été ouverte avant que la personne entre.

Mme Hivon: Mais, en 2001, ça a pris sept ans, si j'ai bien compris, avant qu'il nomme.

M. Fournier: Oui, oui.

Mme Hivon: Et, moi, ma question, c'est: Est-ce que ça ne peut pas poser un problème d'avoir dans la loi le nombre de juges et qu'en fait le tribunal ne corresponde pas au nombre de juges, parce qu'on ne parle pas d'un maximum de juges, mais bien d'un nombre fixe? Vous comprenez? Pendant sept ans, c'était comme si...

M. Fournier: La cour n'était pas...

Mme Hivon: ...en fait, les tribunaux ne fonctionnaient pas conformément à notre loi. Et je me suis posée cette question-là: ou bien on met un maximum de, si on pense que c'est mieux de, nous, faire le changement avant, ou bien...

M. Fournier: Le sens de la loi, jusqu'ici... Excusez. Je... Toutes les lumières qui sont autour, je leur demande d'être aux aguets et... Le sens de la loi m'a toujours été, pour moi, d'être «est composé d'un maximum de x nombre de juges». Alors, est-ce que quelqu'un veut me dire le contraire?

Mme Hivon: Je pense que, pour notre loi, pour nos juges de la Cour du Québec, c'est un maximum de, mais que, quand on parle des juges de la Cour supérieure, c'est un nombre fixe: est composée de 145 juges.

M. Fournier: ...la question, c'est: Peut-on mettre maximum? C'est le sens que ça donne. Dans le fond, ici, l'objectif, c'est de faire la loi qu'on comprend tous puis qui est claire.

Mme Richard (Anne): L'article 85 actuel...

M. Fournier: Excusez! Un instant. Allez-vous reconnaître ma collègue?

La Présidente (Mme Vallée): Oui. On vous demanderait de vous identifier, s'il vous plaît.

Mme Richard (Anne): Oui. Anne Richard. L'article 85 actuel parle -- de la Cour du Québec -- d'au plus 270 juges. Effectivement, c'est un maximum. Mais, ici, dans le fond, l'effet pratique est le même, on dit: est composée de 145 juges. Donc, on ne pourrait pas avoir plus que 145.

**(11 h 50)**

M. Fournier: La question qui est posée, ce n'est pas si on peut en avoir plus. Puisque le législateur a choisi un libellé différent à la Cour du Québec, Cour supérieure, on peut donc inférer qu'à l'article 21 il doit y avoir le nombre de juges exact, ce qui pourrait expliquer 2009 mais qui n'expliquerait pas 2001.

La question de ma collègue est donc: Est-ce que ça vous fait vraiment mal d'écrire: est composée d'au plus 145... ce n'est plus 145 juges, là, c'est 152. Est-ce que cela cause... À mon avis, non, là, puis c'est plus de clarté. Moi, je n'ai pas de problème de suivre ce que dit ma collègue, ça serait cohérent, alors...

Mme Richard (Anne): C'est que, s'il y a une modification au fédéral, il faudrait, nous, le faire.

M. Fournier: Aujourd'hui, plutôt que de faire «est modifiée par le nombre», on dirait «est composée de, au plus, 152 juges». Ici, il s'agit d'amender notre proposition.

La question de ma collègue: Est-ce que cela soulève un problème?

Mme Hivon: Je peux peut-être reformuler pour que... Je pense, c'est ça, le ministre saisit bien ce que je veux dire. Un, il y a une différence quand on parle des juges de la Cour du Québec, on dit: Au plus. Moi, je trouve que c'est logique, parce qu'ils ne seront pas tous, demain matin, si on augmente le nombre, nommés, donc on s'assure qu'on a la marge de manoeuvre d'aller jusqu'à un maximum. Mais, si ça prend des années, des mois, il n'y a pas de problème de fonctionnement.

À la Cour supérieure, on ne met pas: D'au plus de.

Ma question, c'est: Évidemment, comme, dans le cas de 2011, ça a pris sept ans avant que les nouveaux postes soient comblés, bien il y avait peut-être, en théorie, un problème d'adéquation entre la loi québécoise sur les tribunaux judiciaires et ce qui se faisait dans la pratique, parce que les postes n'étaient pas comblés. Je comprends que les négociations se faisaient.

Alors, moi, je suggère soit une approche, soit l'autre. Je me dis: Ou bien on met «au plus» puis on s'assure qu'on peut fonctionner correctement ou bien pourquoi n'attend-on pas, comme en 2008, que le fédéral procède et qu'après on modifie?

(Consultation)

M. Fournier: On va suspendre...

La Présidente (Mme Vallée): Oui, c'est ce que j'allais vous proposer. Alors, on va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

 

(Reprise à 11 h 57)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, on va reprendre nos discussions sur l'article 1. M. le ministre.

M. Fournier: Après consultation, les gens qui m'accompagnent soulèvent la question de la Cour supérieure, qui est formée à partir de nominations fédérales. Lorsque nous allons établir le nombre de juges qu'il y a au sein de cette cour, nous ne sommes pas en mesure d'établir... En fait, en fait, on essaie de déclarer quelle est... les ressources qu'on est capables d'offrir à cette cour-là, si tant est qu'ils les nomment ou ils ne les nomment pas. S'ils veulent en nommer plus que ça, on va changer. Si on avait mis «d'au plus», il faudrait la changer, si on ne met pas «d'au plus», il faut la changer pareil s'ils en nomment plus. Et ce qu'on essaie de constater, c'est de dire que, nous autres, pour nous autres, aux fins de la Loi sur les tribunaux judiciaires, nous constatons, 152 postes, nous avons les ressources pour 152 postes, et que de dire «de plus» nous amènerait... «au plus» nous amènerait presque à intervenir auprès de la juridiction fédérale, qui peut choisir d'en donner plus. Il y aurait une espèce de signal où on décide du nombre de juges, alors qu'on décide du nombre de ressources qui vont être les juges.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Joliette.

M. Fournier: Je fais pour le mieux pour donner une explication, parce que franchement...

Mme Hivon: En fait, je comprends ce que le ministre essaie de dire, mais je ne partage pas l'avis, parce qu'en fait on s'ingère... si c'est l'argument de s'ingérer parce qu'on met «au plus», on s'ingérerait autant en mettant le nombre maximal. Dans le fond, là, ce qu'on fait, c'est qu'on met un nombre. Si on a la capacité de mettre un nombre qui dit en quelque sorte: C'est ça, le nombre de juges, bien on peut minimalement dire: C'est ça, le maximum, en mettant «au plus».

Mais peut-être qu'avant de revenir à ce point-là technique, le ministre peut peut-être me dire pourquoi c'est si important... pourquoi ils ont fait le choix de changer la loi avant que les nominations fédérales soient faites et concrétisées, alors qu'on sait que dans le passé ça s'est déjà fait de cette manière-là. Je comprends que ce n'est pas constant, là. Donc, peut-être... Parce que l'autre possibilité qui évite ce problème-là, c'est de dire: On attend, en fait, que le fédéral modifie sa propre loi, et on est cohérents après.

M. Fournier: Oui, c'est vrai, il y a différentes façons, mais la meilleure façon que je peux dire, c'est de vous donner... c'est toujours bon, l'interprétation judiciaire qui tient compte de ce qu'on dit dans les commissions. Il y a un besoin exprimé par la Cour supérieure, et le ministre de la Justice du Québec considère qu'elle est fondée, et que le meilleur moyen que je peux prendre pour l'attester, c'est de faire une évaluation et de dire: Nous autres, on est en mesure d'offrir un encadrement, là, pour sept postes de plus, parce qu'on soutient qu'ils sont nécessaires. Ce n'est pas moi qui les nomme, là, c'est vrai, mais c'est une façon d'exprimer le besoin, un support au besoin. Ça, c'est l'intention.

**(12 heures)**

Mme Hivon: C'est comme une déclamation d'intention pour renforcer les chances que ça fonctionne, en disant: Nous, on est déjà prêts.

M. Fournier: C'est... Effectivement, sa déclaration d'intention, c'est un peu plus que ça, parce que c'est, dans le fond, de faire les opérations nécessaires qui seront déjà adoptées lorsque le gouvernement nommera donc... Ça accélère le processus. Bien sûr que ça ajoute clairement que nous considérons que c'est utile, c'est nécessaire, mais il n'y aura pas de délais par la suite, une fois qu'ils seront nommés, donc on... C'est plus que juste une déclaration d'intention, dans le fond. Il y a une action concrète qui est prise.

Mme Hivon: C'est ça. En fait, donc je comprends que le ministre tient à fonctionner de cette manière-là, donc de faire la modification avant les nominations.

M. Fournier: Bien, je considère que je ne serais pas en équilibre. Reconnaître une problématique à la Cour du Québec qui tient compte de la complexité des procès, et puis tout ça, là... qui existe aussi à la Cour supérieure. Et je n'agirais qu'à un endroit sans passer le signal à l'autre endroit. Je pense qu'il faut... Je veux poser le geste.

Mme Hivon: Sauf que, c'est ça, c'est une chose de, par exemple, faire la démarche auprès du ministre fédéral pour manifester le besoin... en appui à la manifestation du besoin par la Cour supérieure, puis de venir changer la loi, qui est un geste très formel, pour le mettre. Je comprends qu'il y a un double objectif, l'intention publique et la préparation, en quelque sorte, du terrain. Mais, moi, je pense qu'il y a... On sait que ça ne veut pas dire que ça va arriver demain matin; puis on a un exemple, de 2001 à 2008, que ça a pris sept ans.

Moi, je réitère que, si le ministre tient à fonctionner de cette manière-là, je pense qu'il y a un risque de ne pas avoir le nombre qui est prévu dans notre loi effectivement concrétisé par les nominations, et c'est... d'où ma demande. En plus, je pense qu'il y a... la problématique est d'autant plus vraie que, pour les juges de la Cour du Québec, on a mis cette précaution-là, et je pense qu'elle n'est pas anodine. Je ne sais pas quand ça a été fait, là, mais je pense que c'était précisément dans un souci de ne jamais pouvoir se faire dire -- argument légal, constitutionnel ou autre -- que notre cour n'est pas légalement constituée parce qu'elle n'a pas le nombre de juges qui est prévu expressément dans la loi.

Donc, moi, j'y vois un écueil et je pense que ça devrait être regardé plus attentivement. On peut suspendre, peut-être...

M. Fournier: C'est ça, c'est... Je trouve que l'argumentation de ma collègue est très sensée, et on va prendre du temps avec les gens du ministère, qui vont peut-être soit me partager un raisonnement, que je n'ai pas encore saisi complètement jusqu'ici, qui serait au contraire... Donc, on va le suspendre. On va prendre le temps de le regarder comme il faut et on reviendra peut-être la semaine prochaine avec le bon... un autre libellé, s'il faut.

Mme Hivon: Puis, c'est ça... Je ne suis pas absolument certaine pour ce qui est du nombre de juges à la Cour du Québec, mais peut-être que ce serait utile de regarder si, avant, on avait prévu un nombre fixe et qu'à un moment donné on a modifié pour mettre «au plus» justement pour éviter ça. C'est mon souvenir, mais je ne suis pas convaincue...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, on va suspendre...

Mme Hivon: ...juste avant de suspendre, qu'est-ce qui a fait en sorte, puisque je comprends que vous accédez à la requête de la Cour supérieure... la Cour supérieure a vraiment demandé l'ajout de sept juges...

M. Fournier: Elle a demandé plus que ça.

Mme Hivon: O.K., et c'est le terrain d'entente, en quelque sorte, ou c'est...

M. Fournier: C'est-à-dire que les besoins, enfin, les besoins de la cour sont plus grands, mais en même temps il y a -- c'est ce que je disais tantôt -- il y a des besoins qui peuvent être résolus par une flexibilité accrue. Donc, je pourrais peut-être... peut-être qu'on pourrait donner, là, copie de la lettre que j'ai envoyée à M. Nicholson, qui permet de comprendre que, face aux besoins qui sont exprimés, on dit: Une chose qu'on doit faire tout de suite, à très court terme, qu'on ouvre sept places de disponibles, parce que, après ça, on regarde si on avait de la flexibilité, puis le juge en chef de la Cour supérieure est au courant, là... s'il y avait de la flexibilité, ça pourrait répondre à d'autre besoins qu'ils expriment.

Donc, on est encore en train de faire des travaux, là, d'administration, là. C'est donc une réponse à court terme en attendant qu'on étudie d'autres façons de faire. Il n'est pas impossible que dans les prochains mois, la prochaine année ou deux ans, je ne sais pas trop, soit qu'il y ait des modifications à la loi pour donner de la flexibilité -- on n'est pas sûrs que c'est par la loi qu'on peut y arriver, mais, en tout cas, on regarde -- ou qu'il y ait une modification encore du nombre, rendu là. Mais, première étape, c'est celle-là.

Mme Hivon: Quand le ministre parle de flexibilité, il fait référence à quoi? Par exemple, les chambres, tout ça?

M. Fournier: De la capacité de passer d'un district à l'autre et... On analyse la façon dont ça fonctionne, qu'il y ait le juge en chef, associés, tout ça. Alors, dans l'administration qu'ils ont ensemble, est-ce que la loi peut aider, est-ce que la loi est un problème? Est-ce qu'ils ont déjà tous les outils pour le régler? Il y a une réflexion à ce niveau-là.

Mme Hivon: Et le postulat, c'est que, s'il y a d'autres valves concernant la flexibilité qui peuvent être ouvertes, le sept pourrait être suffisant...

M. Fournier: Le sept, c'est un minimum minimorum. Ça, on sait qu'on est obligés, peu importe si...

La Présidente (Mme Vallée): Peu importe les autres mesures qu'on est capable d'aller chercher...

M. Fournier: Parce que, selon les... pour répondre à tous les besoins qui sont exprimés, on le dit, on n'y arrivera pas en bas de sept, c'est un minimum. Maintenant, est-ce qu'avant de dire qu'il y en aura 12, 13, 14, là, est-ce qu'il n'y a pas d'autres gestes à poser? C'est ce qui est analysé. C'est pour ça que c'est, comme je dis dans la lettre à M. Nicholson, c'est... à court terme, c'est le choix qui est fait. Comme on modifiait la loi pour la Cour du Québec, il me semblait approprié d'envoyer le signal en même temps puis de dire: À très court terme, on sait qu'il faut au moins faire ça, alors faisons-le.

Mme Hivon: O.K. Et l'évaluation du nombre de juges supplémentaires requis par la magistrature elle-même se situait à combien?

M. Fournier: La Cour supérieure? Ils en identifiaient 16.

Mme Hivon: 16, O.K. Donc là, on est à sept. Et puis, évidemment, le sept, on va y venir au prochain article, là, mais il est concentré à Montréal uniquement. Ça, c'est la Cour supérieure qui a fait cette demande-là spécifiquement. Et je comprends que le ministre avalise complètement l'idée, aussi, de la répartition géographique.

M. Fournier: Ce n'est pas parce que je veux le... ce n'est pas parce que je suis aveugle que je ne pose pas de questions au juge en chef quand il le dit, mais il y a... le ministre, en fait, a participé avec la Cour supérieure à faire quelques calculs pour établir où sont les besoins, les besoins les plus pressants. Ils sont avisés aussi des éléments de flexibilité. Il est clair qu'en ce moment... puis, quand on parle de flexibilité, là, c'est aussi pour venir renflouer Montréal. Alors, on regarde ces techniques-là, mais c'est les besoins essentiels, ils sont exprimés à Montréal.

Mme Hivon: Donc, quand le ministre de la Justice du Québec décide d'entamer la démarche, il se prononce sur le nombre puis il se prononce aussi sur la répartition géographique, puisqu'il doit le modifier dans sa loi, dans le sens que l'appui qui est donné à la magistrature de la Cour supérieure par le ministre de la Justice du Québec est vraiment, je dirais, global sur le nombre et la répartition...

M. Fournier: Soyons... C'est parce que vous en parliez hier, sur... c'est le gouvernement qui décide... Dans le droit, effectivement qu'il y a une décision gouvernementale, mais elle n'est pas prise sans tenir compte de ceux qui font les rôles, de ceux qui l'administrent au jour le jour. Alors, forcément on est... sans être à la remorque, l'avis qui nous est donné par les juges en chef sont de première main, de premier ordre, et il faut vraiment avoir une bonne raison pour dire: Bien, ce n'est pas vrai, ce n'est pas là que tu as des besoins. Je veux dire, il s'avère qu'une fois que les gens nous disent: Regarde, en réalité, c'est ça, le problème... puis nos gens qui sont au ministère au jour le jour sont à même de dire: Regarde, il y a un problème. C'est là qu'il faut réagir.

Mme Hivon: O.K. Mais c'est ça, c'est confirmé, je peux concevoir que ça fait l'objet de discussions sur la répartition, et tout ça. Mais, quand vous dites que... enfin, dans l'optique de la magistrature, ça pouvait représenter 16 postes, si on était dans le monde parfait, est-ce que... j'imagine qu'il y avait une répartition géographique aussi dans ces 16 postes. Est-ce qu'on est comme un peu dans un... Parce que, là, on est sept à Montréal, zéro ailleurs.

M. Fournier: Il n'y aurait pas une répartition pour les 16, parce qu'une fois que les 16 ont été exprimés -- il en faudrait 16 -- il y a des travaux qui ont été faits pour établir quels sont les besoins pressants, puis il a été établi... les besoins pressants étaient de sept à Montréal, et on a tous convenu qu'on allait analyser les manières de flexibilité pour le reste. Alors, on accepte donc tous de procéder à court terme avec sept et de travailler un peu plus sur les autres moyens. Mais le gros, gros besoin pressant, c'est à Montréal.

Mme Hivon: Puis, la raison pour laquelle... Mais, si le ministre préfère, on peut suspendre le 1, parce que, là, j'ai comme débuté la discussion sur le 2, qui porte vraiment sur la répartition géographique. S'il veut qu'on y aille...

M. Fournier: Sur le 1, on connaît le «d'au plus», on va prendre le temps d'y penser comme il faut. Je ne voudrais pas non plus faire outrage à une autre juridiction. Alors, allons-y étape par étape, on reviendra... Puis je comprends très bien l'argumentation de ma collègue sur l'article 1. Je dois dire que j'ai de la misère à ne pas la partager, je me force, mais je vais voir si on est capable de me convaincre que je peux réussir à ne pas la partager, mais disons que, pour l'instant, j'aurais une forte tendance.

La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Alors, on va suspendre l'article 1 et nous allons passer à l'article 2. Oui, article 2.

**(12 h 10)**

M. Fournier: L'article 32 de cette loi est modifié par le remplacement, dans le paragraphe 1° du premier alinéa, de «89» par «96».

Alors, évidemment, il vient modifier pour le district de Montréal. Ce qu'on a dit tantôt, là.

La Présidente (Mme Vallée): Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, Mme la Présidente, merci. En fait, la raison pour laquelle je pose la question... Je peux imaginer les besoins à Montréal, on parlait notamment des mégaprocès. Peut-être que le ministre peut expliquer si c'est... C'est parce que je ne me souviens pas, la pondération, si c'est entre criminel et civil, je comprends que la majorité, c'est vraiment en matière criminelle.

M. Fournier: Cinq, criminel; deux, civil.

Mme Hivon: Cinq, criminel; deux, civil. Donc, la raison pour laquelle je pose la question, vraiment, sur le choix géographique, c'est qu'on n'est pas sans savoir qu'il y a quand même des cris périodiques qui sont transmis de la part notamment de l'Association des avocats de province, mais aussi le juge Pidgeon a fait une sortie, je crois, il y a quelques mois pour dire qu'il avait une crainte de voir vraiment la magistrature se concentrer au fil du temps davantage dans les grands centres. Il évoquait notamment le fait que les mégaprocès se déroulent beaucoup dans les grands centres, même si souvent les accusés proviennent des régions. On comprend qu'il y a un aspect logistique, mais on dit aussi qu'il y a aussi des mégaprocès ailleurs en région. Mais la raison pour laquelle je pose la question, c'est qu'évidemment, avec un signal qui est envoyé comme celui-là, sept nouveaux postes, tous à Montréal, ce n'est peut-être pas de nature non plus à apaiser les craintes qui sont exprimées périodiquement sur, je dirais, la centralisation de l'exercice de la justice.

M. Fournier: C'est un beau débat. Les besoins pressants sont à Montréal, merci de le dire. Ça me permet de dire à M. le juge Pidgeon et à tous les autres: Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de travail qui doit se faire ailleurs, mais le besoin pressant, il est là. Et ça exerce une pression, la Cour supérieure vit cette pression-là justement pour favoriser qu'il y ait des juges qui puissent traiter là où il y a une abondance non seulement de dossiers, mais de dossiers complexes. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de dossiers... par exemple, un mégaprocès qui s'est tenu à Saguenay, il y en a, et qu'il y a des ressources pour le faire. En termes de temps-juges, il est vrai que la grande, grande pression vient de la région de Montréal. Alors, qu'est-ce... Je comprends, il y a toujours des signaux qui sont envoyés. Je ne crois pas que la magistrature considère que ce changement-là vise à dire: On a un gouvernement qui veut favoriser la justice urbaine, métropolitaine et qui délaisse les régions. En fait, au contraire, si on est capable de répondre à ce besoin-là à Montréal, ça va peut-être justement aider à enlever un peu de pression sur les efforts... la souplesse qu'appelle peut-être le juge en chef.

Alors, il y a cette étape-là. Si, avec un peu de souplesse, on est capable de répondre à d'autres problèmes, il y aura... dans aucun des cas, il y aura un message où on dit qu'on veut vider les palais des autres régions et qu'il n'y a pas... qu'on veut tous concentrer les causes à Montréal. Loin de là. Que fait-on quand le besoin le plus pressant s'exprime dans une région? On doit se dire: Le gouvernement y répond. Je pense que l'ensemble des juges de la Cour supérieure vont constater qu'il y a une réponse au besoin qui est exprimée par leur juge en chef et qui ne signifie pas qu'on veut fermer les palais dans les régions, simplement que c'est là qu'il y a de la difficulté.

Mme Hivon: Oui, Mme la Présidente, je n'en suis pas sur la question de la fermeture des palais, j'en suis plus sur le fait... je me demandais si le ministère s'est penché, en fait, sur ce qui amène un peu cet engorgement ou cette pression si forte à Montréal. On le conçoit de manière générale, la démographie, puis tout ça. Mais, évidemment, c'est déjà tenu en compte historiquement dans le nombre de juges qu'il y a déjà dans la Cour supérieure. Donc, quand on vient augmenter le nombre de juges, peut-être que, j'imagine, il y a une analyse des facteurs sous-jacents à cette pression accrue. Il y a la pression de base parce qu'on est dans la région métropolitaine...

M. Fournier: ...éléments qu'il faut retenir, quand on parle du criminel et du civil, commercial, dans le cas du commercial, une des données, c'est la complexité des dossiers. Il n'est pas... Il ne faut pas se surprendre que l'activité économique de la région de Montréal est à un niveau différent de celui d'autres régions, crée une pression. Il y a aussi une criminalité qui peut être associée à ce carrefour urbain et qui fait que la pression se retrouve là. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de criminalité ailleurs, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres juges ailleurs, mais qu'en ce moment les grands domaines d'enquête au niveau criminel nous amènent à mener des procès ici. Alors, c'est aussi simple que ça. Il y a une criminalité et du dossier corporatif qui créent une pression à Montréal.

Mme Hivon: En fait, une des questions que j'avais, puis c'est à la lecture de... c'est ça, des propos qui étaient rapportés notamment... c'est un article du Soleil du 10 septembre 2011, L'urbanisation des tribunaux dénoncée. Puis on parlait notamment, par exemple, que, dans le dossier SharQc, la majorité des accusés, bon, ne provenaient pas de Montréal, tout ça, que ça, on peut comprendre que c'est d'une ampleur importante, mais que c'était le cas pour d'autres dossiers, et que très rapidement on voyait que les demandes étaient faites pour que ça procède à Montréal. On peut comprendre, en matière commerciale... Je comprends très bien l'argument du ministre, là, les sièges sociaux, les compagnies, tout ça, la complexité des causes, mais, en matière criminelle, c'est un peu parce que souvent on voit ces causes-là se déplacer vers le centre de Montréal, puis je me demandais juste s'il y avait une analyses qui a été faite de, un peu, ce phénomène-là. Parce qu'au fil du temps, avec les causes complexes en matière criminelle, on peut s'imaginer que, si la tendance se poursuit, effectivement il va y avoir des transferts de demandés beaucoup pour que ça ait lieu à Montréal, pour toutes sortes d'aspects.

Donc, peut-être que ça peut poser un problème. Et là, aujourd'hui, c'est sûr que, quand on vient dire: Il va y avoir création de sept nouveaux postes à la Cour supérieure, ou, enfin, c'est ce que le Québec espère, puis qu'ils vont tous être à Montréal, peut-être que les besoins sont effectivement là et que c'est uniquement là, mais c'est sûr que ça ajoute un peu au signal qui est envoyé, que... En fait, est-ce que cette tendance-là va être freinée d'une quelconque manière?

M. Fournier: Il est sûr que, lorsqu'il y a des mégaprocès qui concernent des accusés qui viennent de partout mais qu'on veut réunir, ça fait partie de la donne. Parfois, il n'y a pas lieu. Alors, celui du Saguenay était un exemple. Je ne me souviens plus c'était quoi, le... c'était Cabotin, ou je ne sais pas trop. Bien, dans ce cas-là, il n'y avait pas de problème, c'est tenu là-bas, mais, lorsqu'on a plusieurs chapitres qui sont réunis, il sont très nombreux dans la région, alors... puis c'est ramené ici. Moi, honnêtement, je n'interviens pas dans la procédure du DPCP, puis tout ça. Je regarde les... Moi, on m'amène des chiffres puis on me dit: Il y a un problème à Montréal, on règle la Cour du Québec. Et je souhaite que ça ne soit pas considéré comme étant de désavouer les autres régions. Si le juge en chef me dit qu'il y a d'autres régions qui ont des problèmes... Maintenant, si le débat qu'on fait, c'est pour se dire: Bon, bien, c'est une chose, l'article, mais il y a une préoccupation exprimée par le juge Pidgeon, comment on peut y répondre? Est-ce qu'il y a des gestes? Sûrement pas par le nombre de juges que je dois prévoir, parce que je suis un peu en réaction. Il y a un besoin, il est là. Est-ce qu'on peut faire une réflexion pour voir s'il y a lieu de poser des gestes pour maximiser les procès ailleurs qu'à Montréal? Je veux dire, moi, je peux prendre l'engagement qu'on va essayer d'additionner certains chiffres, certains comportements, pour voir si ceci découle de cela. Franchement, je n'en ai pas d'idée, puis je ne sais pas jusqu'où j'aurais une marge de manoeuvre pour intervenir, considérant tout le temps la question, où on doit avoir une certain gêne. Mais je suis bien prêt à regarder ce que peut signifier le débat, les conclusions, le député... M. le juge Pidgeon et moi-même, et puis comment on peut faire une réflexion sur toutes les régions.

Mme Hivon: Bien, en fait, j'invite juste le ministre, c'est ça, peut-être à s'arrêter aux causes sous-jacentes, parce que je pense qu'il va avoir une réflexion là, certainement, qui risque de prendre, en tout cas, de l'importance avec les mégaprocès -- le ministre lui-même l'a dit -- qui vont peut-être se multiplier si les enquêtes policières vont bien puis donnent des résultats. Parce que, je veux juste donner un exemple. Là, ce qu'on disait dans cet article-là, c'est... dans le mégaprocès, bon, résultant de l'opération SharQc «introduit à Montréal, seulement 15 des 130 dossiers touchaient des gens de la métropole, comparativement, par exemple, à 36 de Sherbrooke, huit de Trois-Rivières, 23 de Québec». Je comprends qu'on peut se dire: Ça ne fait pas en sorte qu'on le met automatiquement à Sherbrooke parce que les gens viennent de là, mais normalement ça suit un peu l'accusé plus que juste l'administration de la justice, les experts, les ci, les ça.

Donc, je pense juste qu'il faut se poser la question pour ne pas qu'il y ait des dérives à cet égard-là, parce que ça peut être plus pratique pour bien des gens qu'automatiquement ça ait lieu dans le grand centre. Mais, à un moment donné, ce n'est peut-être pas surprenant, si c'est le réflexe de tout le monde, que la pression soit énorme sur les tribunaux à Montréal et moindre peut-être ailleurs. Mais, en fait, c'est parce qu'il y a un peu une distorsion. Donc, je pense que ce n'est peut-être pas... je prends l'ouverture, je comprends que le ministre a une ouverture; je l'invite à regarder peut-être les causes sous-jacentes un petit peu plus de manière détaillée.

**(12 h 20)**

M. Fournier: Non seulement je confirme l'ouverture, mais je remercie la collègue de son invitation à faire cette réflexion-là, puis de nous assurer, au ministère, qu'on puisse trouver peut-être des approches.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'article 2?

Mme Hivon: Non, ça va. Mais, en fait, peut-être juste pour terminer sur ce point-là, c'est que ce que... Je pense que ce qui est noté, c'est qu'en région il y a une baisse plus significative du nombre de dossiers que de la démographie, Donc, des fois on invoque ça facilement en disant: Oui, il y a moins de monde dans les régions, mais il y a une baisse plus importante. Est-ce que ça s'explique uniquement parce qu'effectivement il y a une activité plus grande? Je n'en suis pas certaine. Donc, je pense que ça vaut la peine de le regarder.

M. Fournier: Bien d'accord.

La Présidente (Mme Vallée): Je m'abstiendrai de commentaires, mais moi aussi. Donc, est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Article 3.

M. Fournier: L'article 85 de cette loi est modifié par le remplacement de «270» par «290».

Évidemment, ça nous amène à l'article 85, où on lit:

«Est composé d'au plus -- d'au plus -- 290 juges.»

Alors, bon, on en a parlé abondamment. Peut-être que je peux à l'avance répondre à une question que notre collègue a fait valoir durant le débat sur le principe. Dans les 20 juges, sept iront à la chambre criminelle, neuf à la jeunesse, quatre, civile, et pour ce qui est des régions, alors j'y vais en... En Abitibi, il y en a un à la chambre jeunesse; dans le Bas-Saint-Laurent, un à la chambre jeunesse; dans l'Estrie, un à la chambre criminelle; Laurentides, Lanaudière, Laval, il y en aura un au criminel, trois à la jeunesse, un au civil, pour un total de cinq, donc, pour les trois L; Mauricie, un à la jeunesse; Montérégie, deux, chambre criminelle, un, chambre jeunesse et un, chambre civile, pour un total de quatre pour la Montérégie; Montréal-Centre, un, criminelle, un, jeunesse et, un, civile, pour un total de trois; l'Outaouais, un, criminelle, un, jeunesse, un, civile, pour un total de trois; et Québec, un, criminelle.

Peut-être qu'il y a eu... J'ai une petite donnée peut-être à vous... à ajouter, là, parce que des fois il y a des petits astérisques: pour l'Abitibi, le juge en poste dans l'Abitibi va desservir le Nord-du-Québec, puis le juge en poste à Québec va aussi desservir Saguenay, Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent et Gaspésie--Les Îles.

La Présidente (Mme Vallée): O.K. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bon. Alors, il va y avoir quelques questions. Le chiffre de 20, je comprends encore une fois que c'est une évaluation qui est faite, mais comment on arrive à dire: C'est 20 juges, compte tenu du volume que nous avons, que ça prend de plus? Comment on détermine ça, outre les représentations qui sont faites, là? J'imagine qu'il y a une espère de corrélation. Pourquoi on arrive aujourd'hui à dire que c'est 20 maintenant, alors qu'il y a aussi, bon, d'autres réalités qui peuvent jouer aussi sur le volume ou l'engorgement, là? Comment on en est venus au chiffre de 20?

M. Fournier: Parce que, d'abord, la juge en chef de la Cour du Québec a vécu une situation qui a ensuite été vérifiée par les gens du ministère en calculant le nombre de dossiers et puis établir les besoins. Il y a une vérification, je dirais, plus comptable, jusqu'à un certain point, là, qui est faite, là, appuyée sur les mathématiques. L'idée de base, j'imagine, là -- je dis «j'imagine» parce que je l'ai entendu, mais ça a été justifié par des chiffres, là -- était de dire: On a eu 20 en moins en 1997. Si on avait nos 20 juges que nous avions, cela nous permettrait de colmater la brèche, parce qu'en ce moment les délais sont très longs. C'est aussi simple que ça. Il y a eu des représentations pour ravoir les 20 juges qui avaient été coupés. On a vérifié si c'était exact qu'il y avait des besoins, puis les gens ont trouvé que c'était le geste à poser, sans compter le fait que je l'avais lu quelques fois dans les journaux.

Mme Hivon: Parce que c'est ça, ma question, le 20 est comme un symbole, donc on peut arriver en disant: Il y en avait 20 de plus à une époque, on veut retrouver 20 de plus. Mais les choses peuvent avoir changé aussi dans la période, ça pourrait même être plus, ça pourrait être moins, je veux dire, on... Donc, je me dis: Est-ce que c'est uniquement parce que ça avait été 20 à l'époque, donc on se dit: c'est 20, c'est... ou bien il y a un calcul un peu plus, je dirais, poussé qui est venu dire: Ce n'est pas 17, ce n'est pas 24, c'est 20. La question, c'est qu'en soi c'est une chose, c'est sûr, le nombre de juges. Je pense que les juges puis le fonctionnement de la justice, certains pourraient plaider qu'il en faut toujours plus, de juges, mais aussi il faut savoir que la justice n'est pas très riche. Donc, quand on réussit à aller chercher des sommes, c'est toujours bien, mais ça veut dire aussi que peut-être qu'on pas capables d'avoir ces sommes-là pour autre chose, par exemple, en matière de justice. Je ne dis pas que c'est nécessairement le cas, mais, donc, si... C'est juste qu'il n'y a pas une... on pourrait se dire que c'est toujours bon, maximum de juges qu'on peut avoir, donc on ne se pose pas de questions, mais c'est certain que, la justice ayant les budgets très limités qu'elle a, il faut s'assurer aussi qu'on maximise, je dirais, les investissements aux bons endroits. Les juges, c'est sûrement un bon endroit, mais il y en a d'autres, comme de désengorger en amont en mettant de l'avant les modes alternatifs de règlement, bon, tout ça. Je pense que le ministre en est convaincu tout autant que moi, mais c'est... l'aide juridique, bon, il y a plein de manières, les centres de justice de proximité, jusqu'où les outiller; on va revenir sur le Fonds Accès Justice dans un autre...

Mais je veux juste que le ministre saisisse un peu mon questionnement. C'est qu'à un moment donné c'est une chose, les tribunaux. C'est quoi, l'avenir des tribunaux, de cette justice-là très, très formelle? C'est sûr que je pense qu'autant pour le justiciable que pour l'administration de la justice le «avant d'arriver devant les tribunaux» est toujours mieux, prévenir est toujours mieux que guérir, en justice aussi. Donc, c'est sûr que c'est un signal de dire qu'on n'a pas le choix, par exemple, d'aller remettre 20 postes; bien, ça veut dire que cette justice-là, formelle, continue à occuper une grande place et qu'on n'arrive pas par d'autres moyens à la désengorger. Ça fait que c'est un peu ça. C'est une question qui est très complexe, mais je pense qu'elle est légitime, parce qu'on sait qu'il peut y avoir différents axes d'intervention.

M. Fournier: C'est une question intéressante, qui est un peu du type de celle sur Montréal, comment c'est perçu pour les autres régions. C'est-à-dire que, lorsqu'on dit: Il va y avoir 20 juges de plus, on dirait qu'on est en train de dire: La solution, c'est de judiciariser. Ça colle un peu aussi à votre souhait, hier, que de dire comment tout ça s'imbrique l'un dans l'autre. Et je pense avoir posé jusqu'ici suffisamment de gestes pour démontrer que le choix initial, ce n'est pas juste de judiciariser, bien que ça existe et qu'à l'égard des procédures qui doivent passer devant les tribunaux il y a une difficulté sur le nombre de juges qui est assez documentée, publique et qui, entre autres, d'une part, chez certains, deviennent des questions relatives à l'inefficacité de prendre un recours parce que ça va être si long que ça ne vaut plus la peine, et, à d'autres cas, au respect de la charte elle-même, et là ça devient encore plus pressant.

Alors, il y a vraiment une donnée où il y a, en matière judiciaire, lorsqu'on constate qu'il doit y avoir une cause devant les tribunaux, parce que, moi, je suis très favorable aux modes alternatifs, je vais y revenir tantôt, mais il est un fait, que, même si on voulait que faire ça, ça ne sera pas que ça. Et on sait à l'avance que la pression qui existe aujourd'hui nous amène à offrir ce nombre de juges là.

Parlons des modes alternatifs. On va avoir de nombreuses séances où va entendre des groupes qui vont venir nous parler de l'avant-projet de loi sur le Code de procédure civile. Puis j'ai choisi avant-projet de loi, pas un projet de loi, pour une bonne raison. On en a parlé... puis quand je dis «on», les gens du ministère, puis depuis bien avant que j'arrive, hein -- moi, je ramasse le bébé une fois qu'il a été... il y a bien d'autres personnes qui s'en sont occupé avant, là -- avec le Barreau, les notaires, avec plein de monde. Mais, quand je dis ça, je ne dis pas «tous les membres du Barreau»; ce n'est pas tous les membres du Barreau qui sont au courant du projet de loi comme tel. Ce n'est surtout pas non plus la société civile puis nos concitoyens, qui sont visés au premier titre.

**(12 h 30)**

Alors, on fait un avant-projet de loi, ça va nous permettre de prendre conscience d'un certain nombre de choses. Ça ralentit les affaires, c'est sûr. C'est sûr que, si c'était un projet de loi, ça arriverait plus vite. Mais je pense qu'il faut qu'il y ait une acceptation sociale, qui va découler, entre autres, de la pédagogie. Puis, en plus, je ne suis pas marié avec toutes mes idées; je pense qu'il y a du monde qui risque de nous donner des bonnes idées. Comme ma collègue voit, je ne suis pas fermé aux bonnes idées puis aux bons échanges, dans cet avant projet de loi.

Cependant, il y a la mise en place d'un système, notamment qui a été éprouvé dans le district à Longueuil, qui fait en sorte que, lorsque le juge s'en occupe dès le départ, lorsqu'il y a un maître du jeu dès le départ qui intervient, c'est bon pour les parties. Quand je dis «parties», je parle du justiciable comme de son avocat. Il y a une préoccupation accrue dans les questions que le juge pose, qu'il devra poser, qui est sur: Êtes-vous bien obligés de venir me voir? Ce n'est peut-être pas le premier choix que vous devriez faire. Et, bien que cela existe un peu en ce moment, il n'existe pas autant dans l'obligation et sûrement pas dans le suivi puis dans le regard posé par un tiers, qui n'est pas n'importe qui, c'est un juge, au départ, qui vient dire: Est-ce qu'on est à la bonne place? Parce que cela existe.

Il y a eu des débats qui ont eu lieu, puis je pense qu'on va en entendre encore parler... Lorsqu'on parle des moyens alternatifs dans le nouveau Code de procédure civile, est-ce qu'on aurait dû en parler au début du Code de procédure ou à la fin? J'ai eu des représentations pesantes pour que ce soit à la fin. Je vais étirer -- puis, des fois, on exagère -- pour passer des messages. Il y en a peut-être qui m'auraient dit: On aurait pu le mettre en annexe dans une autre affaire, parce que, pour certains, la cour, c'est la cour. Et ce qui ne se règle pas à la cour, bien ce n'est pas pareil. Mais, quand tu te mets dans les souliers du citoyen, lui, c'est le droit puis le règlement de son dossier. Alors, si ça ne passe pas en cour, tant mieux, y a-tu d'autres moyens? C'est un continuum. Puis ça me semble assez logique qu'on essaie les modes alternatifs avant le jugement, sûrement pas après le jugement. Alors, je dis ça avec le sourire, puis, si jamais il y en a qui nous écoutent qui se reconnaissent, je pense que c'est logique. Et surtout, ça démontre qu'il y a une préoccupation qu'on doit avoir, y compris chez la magistrature.

Alors, tout ce code-là met de l'emphase sur les modes alternatifs, va nécessiter, chez les avocats comme chez les juges, qu'ils partagent ce point de vue là, qu'on accepte tous que le règlement fait partie de la justice. Deux personnes qui ont un litige qu'ils règlent sans aller chez un avocat, ils ont déjà réglé un problème d'ordre juridique, ils se sont entendus. Parfois, ils vont voir les avocats, parfois on a d'autres modes qui sont choisis avant d'aller chez le juge: ça fait tout partie de l'exercice de ses droits. L'accès à la justice, ce n'est pas juste avoir des droits, c'est de pouvoir les exercer. Alors, ça fait partie de ça.

Je sais... l'aide juridique, c'est la même chose. Puis j'oserais ajouter, parce que la question que vous avez posée hier, c'est: Comment ça se met tous ensemble, ces affaires-là? Si on favorise qu'il y ait plus de règlements à l'amiable, bien est-ce qu'on a vraiment besoin de nos 20 juges? Et, de la même façon, lorsque je parlais de l'assurance juridique, lorsqu'on ouvre... D'abord, lorsqu'on rehausse les seuils de l'aide juridique, bien là, forcément il y a des gens qui n'exerçaient peut-être pas de recours qui risquent de l'exercer. Je ne veux pas leur demander de faire juste du judiciaire, ils peuvent régler à l'amiable aussi. Puis il y a des outils, à l'amiable. Mais on augmente le nombre de personnes qui sont susceptibles... Le jour où je favorise l'accès à la justice, ça se peut qu'il y en ait qui accèdent à la justice, puis pas toujours juste à l'amiable.

Quand on a fait l'annonce de l'aide juridique, j'ai pris soin... Et, encore une fois, j'ai une espérance, ce n'est pas une promesse, là, c'est une espérance, parce que ça a déjà été essayé, puis... Mais je ne peux pas fermer la porte à ce qu'on l'étudie correctement puis dans les moindres recoins, puis surtout ne pas fermer la porte aux expériences ailleurs.

D'abord, rappelons que, c'est cet été, je crois, que le juge en chef de la Cour suprême -- ce n'est pas la première puis ce n'est pas la dernière -- soulignait l'importance de regarder du côté de l'assurance juridique. Pourquoi? Parce que jamais on ne sera en mesure d'avoir des seuils d'aide juridique qui couvrent tous ceux qui ne peuvent pas accéder à cause de leurs moyens. Alors, on fait l'effort qu'on peut faire pour l'aide juridique, ensuite on dit: Est-ce que, pour ceux qui en sortent, qui sont au-delà du seuil, on peut se donner un moyen pour qu'ils exercent leurs droits? Ça, c'est l'assurance juridique. On espère que ça va fonctionner.

Quand on a parlé du Fonds Accès Justice, du projet de loi, là, on va en parler bientôt, j'ai pris la peine de nommer, entre autres, Juripop. Pourquoi? Parce que, bon, ça, c'est une des organisations, mais, de la façon dont ils fonctionnent, ce n'est pas juste, mais d'abord et avant tout auprès de ceux qui sont juste au-dessus du seuil de l'aide juridique. Puis ça correspond tout à fait au continuum qu'il faut essayer de développer pour que les gens l'exercent. Mais, dans le fond, c'est intéressant de prendre Juripop, parce que leurs choix, eux autres, quand ils veulent aider les gens, ce n'est pas de les amener devant les tribunaux, là, c'est juste de dire: Vous autres, vous avez un problème, vous autres, vous êtes juste au-dessus du seuil, comment on peut vous aider? Comment on peut vous orienter? Comment on peut peut-être vous amener à un règlement?

Tout ça vit ensemble. Mais, à partir du moment où on augmente l'accès... Puis Dieu sait qu'il faut l'augmenter! J'avais le choix, là, pour être franc. On peut se mettre la tête dans le sable puis nier le problème, c'est le fun. Vous parliez tantôt des sommes d'argent qui sont nécessaires pour aller chercher 20 juges, bien, même chose pour les 10 millions de l'aide juridique ou pour toute la suite, là. C'est évident qu'il faut aller chercher de l'argent pour la justice. Alors, on y va. On en obtient parce qu'on justifie que le besoin est là, et, même si on réussit à amener plus de monde dans les modes de règlement alternatifs, force est d'admettre qu'on souhaite que les gens puissent se présenter, puissent accéder à la justice. Et donc les postes qui sont là vont... non seulement sont nécessaires aujourd'hui, mais, advenant qu'on veut imaginer que tout va se transformer... D'abord, ce ne sera pas en un an qu'on va tout transformer dans les modes alternatifs, ça va prendre un bon bout de temps. Ça ne veut pas dire qu'il faut le négliger, là, ça veut dire qu'il faut tout faire pour y arriver.

Mais, moi, il n'y a personne qui m'a écrit, là, des études me disant: Tu adoptes le Code de procédure civile puis, deux ans après, il n'y a plus de causes devant les tribunaux. Tu sais, il n'y a personne qui m'a écrit ça. Par contre, je sais que ça peut aider. Par contre, je sais que, si on ouvre la porte à accéder plus facilement à la justice, il va y avoir plus de dossiers devant les tribunaux, parce que justement les gens décrochent. Alors, il y en a même qui font d'autres suggestions. On verra pour l'avenir, là. Mais, étape par étape, tout ça vit ensemble, s'imbrique l'un dans l'autre, et les 20 juges... Puis ce n'est pas juste un clin d'oeil par rapport à: Il y en avait 20 de moins, il y a maintenant une... et on va rattraper les 20. Probablement que, du fait qu'il y en avait 20 de moins, c'est plus facile de les justifier, mais ça arrive tous à un niveau où les chiffres démontrent qu'on doit se rendre à là. Alors...

Mme Hivon: Il y a beaucoup de choses dans ce que le ministre a dit. C'est ça. En fait, il y avait la question sur la... je dirais, la rationalité d'arriver au chiffre de 20, et puis il y a l'aspect plus complexe de voir comment tous les morceaux s'imbriquent. Et, un peu, tantôt le ministre parlait d'intentions, quand il veut mettre tout de suite dans la loi l'augmentation du nombre de juges à la Cour supérieure pour marquer que le Québec est en appui, notamment, puis... Mais c'est la même chose aussi quand on veut faire prendre un virage à la justice.

Mon propos n'est pas de dire qu'il ne faut pas augmenter le nombre de juges nécessairement, mais c'est de dire que ça ne passe pas que par la justice traditionnelle et le nombre de juges, et que donc d'augmenter le nombre de juges, c'est la panacée... C'est parce qu'en fait, idéalement, si justement des études de cette complexité-là étaient capables d'être faites, ce, évidemment, qui est encore difficile, parce que le Code de procédure, le nouveau, n'est pas adopté... Mais ça, puis aussi les autres virages qu'on peut prendre, je dirais, en matière de prévention des conflits, puis tout ça, avec des outils comme les centres de justice de proximité, c'est sûr que ça pourrait permettre au gouvernement d'envoyer un message encore plus clair et de dire: Bien, voici comment on en est arrivés à dire qu'il fallait augmenter le nombre de juges. C'est parce que, qu'importent les scénarios, c'est sûr qu'il reste un centre nerveux d'activité judiciaire important, et donc ça nécessite un certain nombre de juges donné. Mais c'est juste qu'en renvoyant le signal qu'on en... c'est juste qu'en renvoyant le signal qu'on en met 20 ça peut donner l'impression que c'est sûr que la justice traditionnelle revient prendre la place qu'elle avait peut-être quand les 20 postes ont été coupés.

Donc, c'est un peu ça, dans, je dirais, l'intention ou l'énoncé d'intention. Je pense que c'est important de clarifier que ce n'est pas ça. Et, des propos du ministre, j'espère que c'est ce que je décèle et qu'il y a vraiment cette volonté de s'éloigner un peu de la justice traditionnelle comme quelque chose qui reste le coeur des choses. Et puis je trouvais ça intéressant de parler du Code de procédure civile, parce que, moi, je me demandais même si éventuellement ça ne devrait pas s'appeler autre chose. Ce serait toute une révolution, mais... Parce qu'effectivement, quand on commence à entrer d'autres choses que ce qui se fait devant la cour... Et je pense que c'est ce qu'il faut faire, parce que la justice puis l'accès à la justice, c'est beaucoup plus global que ce qui se passe devant les tribunaux, c'est toujours ça... La justice, ce n'est pas que le judiciaire, c'est la justice de manière globale. On entre dans une autre sphère. Donc, ça, c'est une réflexion à part.

Mais c'est un peu ça, le message que je voulais dire au ministre, c'est que ce 20 postes là, je pense qu'il doit être vu dans une beaucoup plus grande globalité, puis, moi, je me questionne à savoir: ce chiffre-là de 20, sur quelle base on est arrivé, là, très concrètement à 20?

**(12 h 40)**

M. Fournier: On aurait eu... D'abord, je vais prendre par la fin: parce qu'il y a eu une demande à cet effet puis qu'il y a eu des études faites avec l'administration et la Cour du Québec qui ont établi que c'était la nécessité qu'ils avaient en ce moment. Remarquez que je ne veux pas que mes propos soient interprétés ici comme étant le fin mot de l'histoire, ça ne veut pas dire qu'un jour la Cour du Québec ne va pas me dire qu'il en faut d'autres, là. C'est aujourd'hui que je suis en mesure de dire que, face aux besoins et face aux statistiques que nous avions, le Conseil du trésor a accepté de nous offrir les fonds pour y arriver.

Et ça, c'est la deuxième question que vous avez soulevée: Ça veut dire quoi? Le projet de loi actuel, là -- appelons-le «judiciarisant» dans ce contexte-là -- il a un coût évalué à terme, là, à 13 millions. Juste le Fonds Accès Justice, qui est dans un autre domaine, qui est dans l'autre axe, plutôt, de la médiation, et tout ça, lui, il a une valeur de 8 millions; la médiation, comme telle, elle-même est à hauteur d'autour de 4 millions. On parlait du SARPA, là, qui viendra bientôt, là, un peu plus loin, bien là, lui, c'est autour de plus de 1 million lors de l'implantation; après ça il y a de l'argent qui doit être investi là-dedans.

Donc, quand on regarde tout ça... Je pourrais en rajouter, là, dans le fond, parce qu'il y a d'autres mesures qui ont été faites: l'aide juridique, qu'on me souffle à l'oreille, là. Il y en a tellement qu'on finit par les oublier.

Mme Hivon: On va faire un bilan de tout ça aux crédits.

M. Fournier: Il y en a tellement qu'on finit par les oublier. L'aide juridique, comme telle, à terme, c'est 10 millions qui est investi. C'est vrai que les crédits vont augmenter de façon importante. On aura peut-être l'occasion de faire des graphiques pour... pour voir...

Mme Hivon: J'ai hâte de voir.

M. Fournier: ...pour voir comment vont évoluer les graphiques. Mais tout ça pour dire -- sans blague -- tout ça pour dire qu'on va être capables de le chiffrer en crédits, dans le fond, que, oui, il y a un effort à faire au niveau de la cour, mais que les chiffres de crédits vont démontrer que ce n'est pas que là que l'effort est fait. Puis j'en conclus en disant: des fois, les chiffres ne disent pas tout, non plus, parce qu'à l'égard du Code de procédure civile c'est une consultation, on n'est pas encore au niveau de la loi, puis après ça on n'est pas encore... la formation n'est pas encore donnée à la magistrature puis aux avocats. Parce que ça aussi, c'est bien, bien important. Ce n'est pas tout de changer la loi, là, encore faut-il que les gens l'utilisent, hein, puis qu'ils la jouent dans le bon sens. Mais ça, cette disposition-là, à mon... ces dispositions-là, à mon avis, vont avoir un effet beaucoup plus important que le Fonds Accès Justice sur la capacité d'amener les parties à convenir entre elles d'une solution, beaucoup plus important. J'ai beaucoup d'espoir là-dedans.

Mme Hivon: Bien, c'est certain que ce qu'on peut viser, c'est un changement de philosophie et d'approche. Donc, ça, c'est sûr que, sur le long terme, normalement ce n'est pas que des petites mesures comme d'injecter... Je ne dis pas que c'est une petite mesure, mais c'est une mesure plus circonscrite de venir, par exemple, proposer des nouveaux postes de juge ou additionner... Ça ne transforme pas notre approche, je dirais, à la justice, alors que je pense qu'effectivement c'est de ça dont on a besoin. Et donc on aura sûrement beaucoup de plaisir à partir du mois de janvier, mais ça, c'est autre chose. Mais, sur justement les sommes, c'est que, quand on regarde, c'est sûr que c'est encore le montant le plus important, 13 millions. On pourrait tous additionner les autres, là, je comprends, mais c'est quand même un montant important, 13 millions, pour les juges, ce que ça représente, compte tenu, bon, de la rémunération des juges et de tout le soutien qui doit être apporté dès lors qu'on crée un nouveau poste, tout ce que ça implique.

Donc, c'est certain que, compte tenu du budget limité du ministère de la Justice, chaque montant qu'on est capable d'aller chercher, il faut qu'il soit comme... il faut qu'il soit judicieusement investi, d'où l'importance, je pense, de s'assurer que le besoin de 20, c'est vraiment le bon besoin. Je ne suis pas en train de dire que ce n'est pas le bon besoin, mais je pense que c'est dans ce sens-là que je pose les questions, parce que, c'est ça, on en arrive à 20...

M. Fournier: Le questionnement est très, très bon, là. Moi, je ne reproche pas le questionnement, du tout, de dire les... tu sais: Tout ça est limité. Dans l'année 2011, on a annoncé, à terme, comme valeur annuelle d'augmentation de crédits, de 70 millions à la Justice, 70 millions qui a été annoncé cette année, en hausse, à terme, là, de valeur annuelle. Alors, 13 sur 70, c'est une portion importante, mais ce n'est pas que la seule préoccupation qu'exprime la Justice en 2011 en disant: Bon, on augmente de 20, il y a eu d'autres gestes de posés, certains qui se chiffrent, on l'a vu, à 70, certains qui ne se chiffrent pas, comme le Code de procédure. Mais, à mon avis, ceux qui suivent ça de très près vont avoir constaté qu'il y a une très grande préoccupation... De toute façon, vous allez vous en rendre compte quand on va faire la consultation sur le Code de procédure civile, il y en a qui vont se demander pourquoi on fait un tel effort pour les modes alternatifs. On va en entendre parler.

Mme Hivon: Mais, sur le 70 millions, puisque le ministre parle de ça, ça couvre le règlement des ententes... des conflits avec les juristes et les procureurs.

M. Fournier: Puisqu'ils sont payés par les taxes et les impôts des Québécois et qu'il s'agit d'une hausse qu'on doit aller chercher, vous comprendrez... vous comprendrez combien c'est utile de nommer l'augmentation du nombre de juges. Mais la chef de cabinet me rappelle que ce règlement-là, c'est une chose, mais il y avait aussi une centaine de postes de procureurs de plus qui se sont ajoutés. On peut, à la limite, l'appeler... on peut le nommer comme accès à la justice en matière criminelle aussi, là, dans le fond.

Mme Hivon: Mais, en...

M. Fournier: Ça fait partie des crédits de plus, ça va de soi.

Mme Hivon: C'est ça. Donc, il y a aussi ça dans... C'est juste, pour les personnes qui nous écoutent, de comprendre que ce n'est pas juste les mesures dont le ministre parlait précédemment, mais c'est évidemment aussi les règlements, parce qu'on était dans une année de négociation, puis tout ça, là. Donc...

M. Fournier: Ceux qui nous ont suivis ont bien compris toute votre expérience que vous avez à la justice, et vous étiez capable de nommer comment ce... comment on est dans nos souliers quand on croit qu'il faut aller chercher des nouvelles mesures et qu'on doit aller au Trésor pour convaincre de ces mesures-là. Je sais que vous avez cette expérience. Alors, quand on se dit, bon, par exemple, il y a le nombre de juges, oui, mais il y a l'aide juridique, oui, mais... bon, puis il y a nos procureurs, oui, puis il faut ajouter là-dedans... Alors, c'est sûr que toutes ces questions-là se posent, mais je me permets de noter au passage que nous ne faisons pas que les juges cette année.

Mme Hivon: Bon. Alors, si on revient à notre nombre de juges, quand on arrive... Je comprends qu'en fait le gros, c'est jeunesse. Parce qu'il y a neuf juges sur 20, donc, bien, le gros, c'est près de la moitié. Et puis je pense qu'il y avait vraiment là effectivement un besoin. Je note Laurentides, Laval, Lanaudière, où c'était très problématique, les délais, et d'ailleurs on avait des cas systématiquement qui revenaient.

Donc, ça, c'est... Je pense que c'est certain que c'est quelque chose qui, je dirais, est la matière très difficile, d'éviter les tribunaux, d'une certaine manière. En fait, on souhaite les éviter; et on ne refera pas le débat de C-10 ici. On souhaite diminuer la criminalité juvénile, et ça pourrait être une bonne manière, en n'ayant pas C-10 qui s'applique, pour voir à terme.

Mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a quand même effectivement des dossiers, en protection notamment, puis tout ça, dont on ne peut pas... on aura beau plaider tous les modes alternatifs en matière, par exemple, de jeunesse puis en matière criminelle, c'est difficile de changer le volume des dossiers tant que la criminalité ne baisse pas ou que les... je dirais, que l'environnement social ne change pas. Donc, ça, je peux... je pense que c'est noté pour ce qui est de jeunesse.

Pour ce qui est de civile, en regardant les chiffres, je vois qu'il y a quand même une diminution du nombre de dossiers très, très... bien, en fait, présente en matière de petites créances, et... parce qu'on sait que c'est un problème aussi, les gens... Il y en a qui vont maintenant aux Petites créances, ils diminuent, bon, leur créance parce que c'est la seule manière qu'ils sont capables d'avoir accès. Mais il y a quand même une diminution des dossiers en matière civile. Et donc, comment on conjugue? Est-ce que c'est la complexité accrue des dossiers qui restent qui fait en sorte qu'on doit augmenter le nombre de juges?

M. Fournier: Je pense que c'est les mêmes considérations que j'avais nommées tantôt pour la Cour supérieure. C'est la complexité des dossiers. Mais je vais juste vérifier, là, si vous me permettez.

Mme Hivon: Les Petites créances, il y a eu une baisse, il me semble.

M. Fournier: Vous pouvez suspendre un petit peu pour qu'on puisse vérifier...

La Présidente (Mme Vallée): ...suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

 

(Reprise à 12 h 51)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre les discussions sur l'article 2 du projet de loi.

M. Fournier: Alors, j'ai fait des vérifications, parce qu'on parlait des dossiers qui étaient plus complexes. En fait, qu'il y ait eu baisse de dossiers présentés est souvent vu comme un des éléments signifiant le décrochage judiciaire. Il n'a pas eu... n'a pas connu le même nombre de baisses au niveau des heures d'audience. En fait, lorsqu'on regarde les matières civiles, les heures d'audience, elles, ont augmenté, alors que le nombre de dossiers a baissé. Alors, forcément, la conclusion qui en découle, c'est que le temps-juge, lui, est plus important, même si la variété des parties n'est pas plus grande qu'avant mais que c'est les mêmes qui restent plus longtemps. Et là la difficulté qu'on... enfin, la difficulté, ce qu'on va peut-être voir, on verra, mais l'avant-projet de loi sur le Code de procédure civile vise, entre autres, à augmenter la juridiction de la Cour des petites créances, alors il va y avoir des modifications qui vont se faire dans les habitudes.

On me dit que ça ne changera pas nécessairement le nombre... ça va peut-être augmenter un peu, mais peut-être pas tant que ça, le nombre de dossiers à la Cour des petites créances, parce que déjà les dossiers à la Cour des petites créances sont des dossiers où on a diminué sa réclamation pour arriver dans la juridiction des Petites créances. Alors, qu'on la passe de sept à 10, 10 à 15, forcément il y en a peut-être qui vont y arriver plus, peut-être qu'il y a certains dossiers qui vont carrément augmenter, mais il y a déjà des gens qui réduisent, il y en a peut-être encore qui vont réduire, ça va peut-être... Enfin, c'est ce qu'on me dit, c'est ce qu'on me dit sur l'expectative. Conclusion: il y a moins de dossiers, mais les dossiers sont plus compliqués et durent plus longtemps.

Mme Hivon: Et puis, dans le calcul, là, de ce quatre-là en matière civile... En fait, c'est ça. Mais il y a une certaine stabilisation des heures d'audience. C'est-à-dire que... je suis bien l'explication du ministre, il y a une baisse, parce que ça, tout le monde le note, en fait, puis on voit ça comme un phénomène, ce n'est pas parce qu'il y a nécessairement moins de problèmes juridiques, c'est parce que les gens y vont moins, et même, souvent c'est accaparé par souvent les mêmes compagnies qui, eux, ne décrochent pas judiciairement par rapport aux citoyens. Mais donc, en fait, il n'y a pas une augmentation des heures, il y a plutôt une stabilisation qui accompagne la baisse des dossiers, ce qui fait... ce qui soutient l'hypothèse qu'il y a une plus grande complexité. Les heures sont à peu près stables, on peut se demander pourquoi le besoin accru de juges. Excusez.

M. Fournier: J'ai des statistiques avec moi qui datent de 1997, et 2010 est l'année où il n'y a jamais eu autant d'heures d'audience dépassées. Donc, on était au maximum depuis les 10 dernières années, 12, 13 dernières années, on est au maximum du nombre d'heures d'audience qui est consacré. Alors, il y a eu... en 2010, quand je regarde la matière civile, là, il y a 14 500 heures; avant ça, il y en avait 13 500, 13 200, 13 500, 14 100. À 14 500, dans les chiffres que j'ai devant moi, là, sous réserve de chiffres que je n'ai pas, là, mais, les chiffres que j'ai devant moi, il y a plus d'heures d'audience qu'il y en avait avant, là.

Prenons un exemple: les dossiers ouverts en 2010 en matière civile -- je disais 7 400 tantôt?, c'est 14 000, hein? -- 65 000, il y en avait 68 000, des dossiers ouverts en 1997, donc moins de dossiers ouverts. Pourtant, il y a plus d'heures d'audience qu'en 1997 consacrées. Forcément, il y a plus de temps-juge qui est pris.

Mme Hivon: Ce qui, je pense, est en soi indicatif d'un certain problème et auquel on aura essayé de répondre notamment avec la procédure civile.

M. Fournier: Puis il y a beaucoup de monde qui nous ont exposé que les parties citoyennes, disons, les citoyens, se présentent moins devant les tribunaux. Les corporations, elles, en proportion -- je ne sais pas en nombre absolu, je ne pourrais pas le dire -- mais, en proportion, évidemment les corporations prennent plus de place sur les rôles. Est-ce que, parce qu'on soulève des questions d'ordre commercial ou autres, c'est plus compliqué, c'est un autre genre problématique? En tout cas, une chose est sûre: en termes de dossiers, il y a une concentration plus de corporations que de citoyens, qui, eux... Puis, en plus, on le dit, là, les corporations, eux autres, c'est des dépenses, hein, et ils déduisent ça des comptes de taxes et d'impôt qu'ils ont à payer, puis le citoyen, lui, il paie avec son net, alors forcément il y a une certaine problématique.

Et, si jamais ma collègue veut me demander si cela attire mon attention, je lui dis à l'avance que j'ai malheureusement trop d'attention consacrée à ça, j'ai peur d'en perdre ma concentration. Mais je trouve que ça, c'est une problématique réelle.

Mme Hivon: O.K. Et d'ailleurs le ministre doit savoir qu'il y a eu un rapport, justement, sur la fiscalisation de toute la question. Et évidemment il y a une certaine discrimination entre le traitement qui est réservé aux compagnies -- et ce n'est pas pour rien, je pense, qu'on voit l'engorgement des tribunaux -- par rapport aux citoyens, qui doivent payer jusqu'au dernier dollar de leurs frais juridiques. O.K.

Mais, en fait, on n'a peut-être pas les mêmes chiffres, puis c'est très technique. Moi, j'ai les chiffres des rapports annuels de la cour, mais je voyais que ça avait quand même... de 2008, on était à 15 000, puis, 2009-2010, j'ai 14 722, mais c'était au 31 août, donc vous êtes... Mais la seule chose que je voulais faire ressortir, c'est qu'il y a peut-être une complexité, mais il n'y a pas eu une explosion des heures puis il n'y a pas eu une explosion des dossiers, et donc j'imagine que les besoins sont plus sur une base, je dirais, qu'il faut toujours améliorer les délais, et tout ça, parce que quatre, ce n'est quand même pas beaucoup.

M. Fournier: Si on le regarde... Puis on pourrait peut-être vérifier, en termes d'augmentation de délais, là, ce que ça peut présenter, là, mais la force active est restée à peu près la même, hein, forcément, là. Il y a peut-être moins de dossiers, il y a plus d'heures d'audience, mais le nombre de juges, lui, est resté au même nombre, alors on ne peut pas s'attendre à ce qu'il nous ait... d'augmenter des heures d'audience de 100 %. À un moment donné, ça finit par faire une incapacité physique de le faire, là.

Mme Hivon: Puis pour ce qui est des délais, parce que je sais que notamment aux Petites créances il y avait un gros problème, il y a eu des choses qui ont été tentées avec un succès mitigé, là... Je pense au recours accru à la médiation, par exemple. Je pense, dans le projet pilote, que ça n'a pas donné les résultats escomptés. Est-ce qu'on est en train de voir, aux Petites créances, un certain changement? Est-ce que les délais sont encore importants? Puis, généralement, en matière civile, en chambre civile, les délais, est-ce qu'en ce moment ils continuent à augmenter?

M. Fournier: On va essayer d'avoir quelques chiffres là-dessus...

Mme Hivon: Oui.

M. Fournier: ...sur les délais, là.

Mme Hivon: ...peut-être sur les cinq dernières années, pas rentrer dans le moindre détail, mais d'avoir une idée de... Parce qu'on ne parle pas de ça tous les jours, puis là, quand on vient faire des changements...

M. Fournier: Puis c'est une des... Il y a deux grandes considérations pour les citoyens, là, s'entend: le délai et le prix. Le prix... Ça coûte cher. Bon. Alors, il est vrai que le Code de procédure essaie de faire des choses là-dessus. Il ne pourra pas faire des miracles non plus, mais il y a une considération sur les délais, qu'on va essayer de documenter pour vous offrir à une prochaine séance.

Mme Hivon: L'autre élément, un peu, de vases communicants, c'est plus en matière criminelle, où je me posais la question: L'impact du nombre accru de juges de paix magistrats qui traitent évidemment des éléments qui avant étaient traités par les juges de la chambre criminelle à la Cour du Québec... Et ça, je me demandais: L'impact... est-ce qu'on a vu un impact? Est-ce que ça a dégagé quand même une certaine marge de manoeuvre? Parce que ça aussi, c'est des dépenses, là.

M. Fournier: ...peuvent dépeindre le... Bien...

Mme Hivon: O.K.

La Présidente (Mme Vallée): Là, il nous reste...

M. Fournier: J'ai l'impression qu'on n'aura pas le temps de le couvrir, mais...

La Présidente (Mme Vallée): C'est ça, il nous reste une minute.

M. Fournier: ...mais je demanderai à quelqu'un du ministère, qui pourrait peut-être nous donner, mardi ou mercredi -- je ne sais pas trop quand est-ce qu'on revient, là -- nous donner le portrait de l'évolution du nombre de juges de paix magistrats, ce que ça a donné en termes de désengorgement, de l'effet que ça a pu donner sur le désengorgement et le réengorgement par la suite.

**(13 heures)**

Mme Hivon: Je peux donner préavis encore, parce que le but, c'est d'avoir les meilleures discussions possible, là, ce n'est pas de...

M. Fournier: Non, c'est ça.

Mme Hivon: C'est que, là, on veut venir prévoir encore plus de possibilités de recours aux juges de paix magistrats, des juges de paix suppléants, tout ça; c'est sûr que c'est toujours aussi des dépenses. Donc, l'idée, c'est de maximiser un peu les ressources, puis, moi, je me disais...

M. Fournier: ...la question, hier aussi, sur l'harmonisation qu'on fait entre la Cour du Québec et les juges de paix magistrats concernant les surnuméraires. Une des grandes utilisations du surnuméraire, c'est la maladie, le remplacement, qui prend toujours un certain temps et qui permet de colmater la brèche pour un temps. Alors, ça, cette flexibilité-là, elle est nécessaire à ce niveau-là aussi dû au fait que les juges de paix magistrats, je pense qu'on les fait travailler, aussi, on demande qu'il y ait une accélération de traitement. Alors, il faut qu'on puisse se donner le maximum de disponibilité.

La Présidente (Mme Vallée): Je dois malheureusement...

M. Fournier: Il serait intéressant de voir comment on peut donner plus de précisions sur le travail qu'ils ont pu faire et l'effet que ça a eu sur la cour.

La Présidente (Mme Vallée): En fait, alors, je suis désolée de devoir interrompre vos échanges, mais, compte tenu de l'heure, la commission va ajourner ses travaux à mardi, à 10 heures; nous allons entreprendre les consultations sur le projet de loi n° 31. Alors, merci, bon week-end.

(Fin de la séance à 13 h 1)

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