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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 12 mars 2013 - Vol. 43 N° 19

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir vous assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Donc, la Commission des institutions est réunie ce matin afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes.

Donc, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Proulx (Sainte-Rose) remplace M. Ferland (Ungava); M. Goyer (Deux-Montagnes) remplace M. Leclair (Beauharnois); et M. Chapadeau (Rouyn-Noranda--Témiscamingue) remplace M. Therrien (Sanguinet).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Alors, bon matin à tous. Nous allons commencer ce début de consultations par les remarques préliminaires de chacun. Je sens un certain déjà-vu par la présence des intervenants et des intervenantes de ce matin. Et par la suite, suite aux remarques préliminaires, nous entendrons les commentaires de Mme la protectrice, Mme Saint-Germain, Protecteur du citoyen. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: Merci, Mme la Présidente. Alors, chers collègues, mesdames et messieurs, aujourd'hui débute une étape importante du processus législatif devant conduire à l'adoption du projet de loi n° 12. Et je remercie d'avance toutes les personnes qui prendront part, d'une façon ou d'une autre, à ces consultations.

Le but du projet de loi est d'offrir aux Québécoises et Québécois des garanties supérieures, en termes d'indépendance, d'impartialité et de transparence des enquêtes indépendantes, en misant sur un mécanisme doté d'une crédibilité accrue. Les trois grands axes du projet de loi sont, comme je le disais, l'indépendance, l'impartialité et la transparence.

Il faut d'abord renforcer l'indépendance du processus en instaurant un bureau composé de civils. Ce bureau sera chargé de faire enquête dans tous les cas où une personne autre qu'un policier en devoir décède, subit des blessures graves pouvant entraîner des séquelles importantes ou laissant craindre pour sa vie, ou des blessures par balle, à la suite d'une intervention policière ou durant sa détention par un service de police.

Il sera par ailleurs chargé de toute enquête que pourra lui confier le ministre sur tout autre événement impliquant un agent de la paix ainsi que la possibilité de tenir une enquête sur des allégations relatives à une infraction criminelle commise par un tel agent.

Il prévoit la nomination de membres dont le mandat sera d'une durée qui ne peut excéder cinq ans mais pouvant être renouvelé. C'est habituellement le cas pour les nominations gouvernementales. Pensons notamment au coroner en chef, coroner en chef adjoint, aux commissaires du BAPE, au directeur général de la SQ, etc.

Le modèle proposé mettra un terme au doute qui subsiste chez certains quant à l'impartialité du processus actuel, qui prévoit qu'en de telles circonstances ce soit un corps de police qui ait la responsabilité d'enquêter sur des policiers d'un autre corps de police. La confiance du public envers nos institutions, en particulier celles chargées d'assurer la sécurité de la population, ne doit en aucun cas être compromise. Afin que la confiance demeure, il faut non seulement qu'il y ait justice mais apparence de justice.

Quant à l'impartialité, le bureau sera un organisme permanent dirigé par un civil. La direction adjointe sera aussi assumée par un civil n'ayant jamais été agent de la paix. Un équilibre entre anciens policiers et civils n'ayant jamais été policiers est prévu dans la composition de l'équipe. Les enquêteurs auront une expertise pertinente en enquêtes de crimes majeurs ou, dans le cas de civils n'ayant jamais été policiers, une expérience, des connaissances et des compétences pertinentes à la conduite des enquêtes indépendantes. Le bureau sera donc composé d'enquêteurs formés et compétents. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales demeurera responsable de déterminer s'il y a lieu ou non de porter des accusations au terme d'un processus d'enquête entrepris par le bureau.

La transparence est aussi de mise. D'abord, l'obligation est prévue d'aviser sans délai le ministre de la Sécurité publique de l'événement susceptible de conduire à une enquête indépendante. L'encadrement des enquêtes sera assuré par l'établissement, dans la réglementation, de normes applicables, notamment, quant aux délais de rencontre des policiers impliqués et des policiers témoins, quant aux délais de production des rapports et quant aux diverses obligations des policiers.

En outre, le bureau est considéré comme un corps de police au sens de la Loi sur la police. Par conséquent, ses membres auront le statut d'agent de la paix et seront soumis aux règles de déontologie policière et aux divers encadrements prévus par la loi. Le bureau devra déposer à l'Assemblée nationale un rapport pouvant comprendre des recommandations au plus tard trois ans après la fin de sa première enquête.

Le projet de loi prévoit aussi la production, par le bureau, d'un rapport annuel de gestion qui rendra compte de ses activités et qui sera aussi déposé à l'Assemblée nationale. Le bureau aura aussi la possibilité de transmettre en tout temps au ministre ses avis ou recommandations liés à l'exécution de son mandat.

La formation des membres du bureau sera prévue par règlement. Cette formation consolidera leurs compétences.

**(10 h 10)**

Le projet de loi prévoit aussi l'obligation, pour les directeurs de la Sûreté du Québec, du Service de police de la ville de Montréal et du Service de police de la ville de Québec, de mettre à la disposition du bureau, au besoin, leurs services spécialisés. Il prévoit aussi l'obligation, pour l'ensemble des directeurs et des corps policiers, de collaborer avec le bureau.

Enfin, mentionnons qu'un nouveau règlement établissant les montants, les conditions et les modalités d'une aide financière visant à rembourser une partie des frais juridiques engagés par la famille d'une victime, dans le cadre d'une enquête publique tenue à la suite d'un événement ayant mené au déclenchement d'une enquête indépendante, est aussi prévu dans le projet de loi.

Je tiens par ailleurs à préciser que les fautes déontologiques et les manquements disciplinaires sont déjà couverts par d'autres dispositions législatives et réglementaires. De plus, dans les cas où il y a décès, un coroner mène une investigation qui vise à déterminer les causes et circonstances de ce décès, investigation à l'issue de laquelle des recommandations visant à protéger la vie humaine peuvent être formulées. Ainsi, pour un même événement, différents processus distincts peuvent s'enclencher afin de nous assurer que toute la lumière soit faite sur les événements.

Bref, le mécanisme présenté prend en considération les opinions exprimées précédemment par différents intervenants, dont la Protectrice du citoyen et les organisations policières. Notre objectif est d'établir un mécanisme d'enquête équilibré, indépendant, impartial et transparent, capable de préserver la confiance des Québécoises et Québécois. Nous écouterons attentivement les positions des divers intervenants et nous nous montrons ouverts à tous les commentaires susceptibles de bonifier le projet de loi n° 12.

Je vous remercie de votre attention et anticipe avec plaisir l'occasion de mener ces consultations et les travaux de la commission avec vous.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, j'invite le porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pour une période de cinq minutes.

M. Robert Poëti

M. Poëti: Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, j'aimerais vous saluer, ainsi que le ministre et les députés de du Parti québécois, et tout le personnel politique qui est ici présent ce matin. Évidemment, je n'oublierai pas mon confrère et ancien collègue policier, député de Saint-Jérôme, et évidemment mes collègues libéraux qui sont avec moi.

Les 125 élus au sein de l'Assemblée nationale du Québec ont tous des raisons profondes qui les ont poussés à s'engager politiquement au point de se présenter comme candidats. En tant qu'ancien policier de la Sûreté du Québec, c'est un privilège pour moi d'être ici présent pour pouvoir participer à l'élaboration d'une loi qui touche l'ensemble des policiers du Québec mais également les citoyens du Québec. Si le gouvernement libéral voulait faire ceci par le biais du projet de loi n° 46 déposé par mon collègue le député de Beauce-Sud, alors ministre de la Sécurité publique, au-delà de la partisanerie, je reconnais que c'est également le but recherché par l'actuel projet de loi n° 12 pour lequel nous sommes réunis aujourd'hui. Les consultations publiques qui débutent sont une occasion tout indiquée pour écouter les réflexions, les commentaires, les recommandations de divers groupes reliés de près ou de loin au sujet abordé aujourd'hui.

Quelle que soit la nature des propos qui seront émis tout au long de ces consultations, j'aimerais quand même effectuer une mise en garde qui m'apparaît essentielle. Jamais je n'ai douté et je ne doute encore aujourd'hui de la qualité des enquêtes policières lors de tels événements dramatiques. Cependant, la perception publique, certaines raisons au niveau de la communication et de la transparence ont été soulevées par des citoyens. Et je pense qu'essentiellement, pour contrer ce doute-là des citoyens... Parce qu'on est dans un monde, malheureusement, où la perception fait parfois... est plus importante que la réalité, et ça, je suis tout à fait en désaccord avec ça.

Maintenant, si la transparence, la communication et l'encadrement reliés aux enquêtes nécessitaient un ajustement, un nouveau projet de loi pour rassurer les citoyens sur le travail des policiers, je pense que ceci devait se faire, ce pourquoi nous avons décidé de collaborer évidemment à ce projet de loi là. Dans le cours de nos délibérations, nous ne devrons jamais oublier que la police d'aujourd'hui est confrontée à des phénomènes qui l'amènent à opérer dans des situations de plus en plus éprouvantes et risquées. Malheureusement, quelques interventions peuvent se terminer de façon plus dramatique. Ce sont celles-ci qui font naturellement les manchettes. Sur le plan des enquêtes indépendantes, je dois encore une fois souligner l'importance d'un encadrement comme celui-là.

Alors, ce que je veux vous dire à tout le monde, aujourd'hui, j'espère que ce projet de loi là va rassurer l'ensemble des citoyens, va rassurer l'ensemble des policiers dans leur travail lorsque des événements dramatiques comme ceux-là se produisent.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Nous allons maintenant... J'invite, pardon... J'étais pour oublier M. le député de Saint-Jérôme. Je m'en excuse. Alors, M. le député de Saint-Jérôme, vous avez un temps de parole de deux minutes pour vos remarques préliminaires.

M. Jacques Duchesneau

M. Duchesneau: Vous avez passé proche de commettre un impair impardonnable, madame.

Alors, M. le ministre, collègues, bonjour à tous. Je suis vraiment impressionné par la qualité des documents qui nous ont été fournis, aussi par l'intérêt que les gens portent à cette situation et en ce sens-là je pense que c'est un moment historique, incontournable. Je ne reprendrai pas les propos de M. le ministre et de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, mais ce dont on parle ici, c'est beaucoup de transparence et d'intégrité du processus, et on sait tous que le policier d'aujourd'hui est confronté à des pressions de plus en plus difficiles. La différence entre assister à sa funéraille ou avoir son enquête être faite, elle est très mince. Je pense que, l'exemple qu'on a eu à Kuujjuaq la semaine passée, c'est une fraction de seconde qui détermine si on va à sa funéraille ou on va l'amener dans un processus comme celui-là. Je pense qu'il ne faut pas l'oublier.

Alors, cet équilibre-là demande indépendance et transparence, et je pense que le but que vous visez, M. le ministre, c'est exactement ça mais aussi compétence et respect des droits. Et dans ce sens-là Mme Saint-Germain a clairement indiqué, dans son document, dans son mémoire, que justement... respect des droits de tous, et ça inclut aussi les policiers, ça inclut la population qui justement, d'une certaine façon, à court ou à moyen terme, pourra être victime, si vous voulez, d'une loi qui serait mal ficelée parce que peut-être que ça freinerait les policiers à intervenir. Donc, ça, c'est une de mes préoccupations dont vous allez entendre parler tout au long de la journée.

Ça a été dit, on va regarder le déroulement de l'enquête, qui seront les enquêteurs. Ça, je pense que ça va être très important, et là-dessus, M. le ministre, je vous inviterais à nous fournir des projets de règlement le plus tôt possible quant à l'encadrement qu'on fera dans la sélection de personnel.

Moi, il y a deux autres points majeurs qui touchent l'enquête, et, pour en avoir fait, de ce type d'enquête là, c'est la supervision et la communication. Souvent, dans des situations dramatiques surtout...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, M. le député, vous avez déjà écoulé tout votre temps de parole. Alors, désolée.

M. Duchesneau: C'est beau. Mais je reviendrai.

Auditions

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous remercie pour les remarques préliminaires. Donc, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme Saint-Germain, la Protectrice du citoyen, pour une présentation de 10 minutes. Alors, Mme Saint-Germain, bonjour.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bonjour. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, en février 2010, dans notre rapport intitulé Pour un processus crédible, transparent et impartial qui inspire confiance et respect, je concluais à la nécessité de changements majeurs à la procédure mise en oeuvre, lorsque surviennent des incidents impliquant des policiers causant des blessures graves ou la mort de civils, des changements essentiels pour sauvegarder l'indispensable confiance de la population, tant à l'égard de ces enquêtes que de ceux et celles qui les conduisent.

Constamment, en examinant l'encadrement et les pratiques d'enquête actuels lors de ces incidents, nous avons eu le souci de l'équilibre entre le respect des droits, tant des civils concernés que des policiers mis en cause. L'importance des conséquences de ces événements tragiques appelle en effet pour eux tous un niveau élevé de confiance dans la probité et la qualité du processus des enquêtes qui en découlent. Notre examen me conduit à donner mon appui général au projet de loi n° 12, qui modifie la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, parce qu'il respecte les principes fondamentaux que sont l'indépendance de l'organisme responsable de mener l'enquête, l'expertise des dirigeants de l'unité d'enquête et des enquêteurs, l'impartialité, ainsi que la surveillance et l'imputabilité.

Je salue le sens des responsabilités, le souci de l'équilibre entre l'intérêt public, le respect des droits des parties et le réalisme que reflète ce projet de loi. Une fois adopté et en vigueur, cette loi instaurera un mécanisme d'enquête qui allie deux conditions essentielles pour en assurer la qualité et la crédibilité, soit l'indépendance et l'expertise.

Pour respecter le temps qui m'est imparti, je me limiterai à vous présenter quelques-uns de nos constats et à vous formuler certaines recommandations. Notre analyse détaillée, évidemment, nous vous la présentons dans le mémoire qui vous a été transmis.

Alors, notre premier critère, ça a été l'indépendance institutionnelle. Le statut du bureau, le mode de nomination de ses dirigeants ainsi que sa structure et son organisation seront distincts et indépendants des services policiers. Son directeur fera rapport directement au ministre. Sa direction et ses enquêteurs seront des civils qualifiés qui ne seront pas des policiers actifs. Considérant la classification des systèmes d'enquête proposée dans le rapport contre la Commission des plaintes du public contre la GRC, pour les organismes qui ont un mandat similaire, nous concluons qu'il se qualifie dans la catégorie des organismes indépendants.

**(10 h 20)**

Deuxième critère, l'expertise. Alors, en premier, celle de la direction. La nomination du directeur et du directeur adjoint par le gouvernement à partir d'une liste de personnes déclarées aptes à exercer ces fonctions, une liste de personnes déclarées aptes à exercer ces fonctions, une liste qui sera établie par un comité indépendant, est un mode de sélection qui renforcera les garanties d'indépendance et de compétence essentielles à de telles fonctions.

J'apprécie la confiance témoignée par le ministre de la Sécurité publique et par le gouvernement à l'endroit du Protecteur du citoyen en proposant de lui confier une participation à ce comité et je les en remercie. Toutefois, en raison des exigences d'indépendance auxquelles il est lui-même tenu, le Protecteur du citoyen ne saurait prendre part à cette sélection sans risquer d'entacher, ne serait-ce qu'au plan de la perception, ses possibles interventions futures, notamment à l'endroit du bureau.

L'expertise des enquêteurs, maintenant. J'ai toujours insisté sur l'importance d'accoler au mot «civils» l'adjectif «qualifiés», et cela n'est pas sans raison. En jumelant des enquêteurs civils qualifiés en matière criminelle à des enquêteurs d'expérience en crimes majeurs, l'expertise opérationnelle du bureau sera assurée. L'apport d'enquêteurs civils offrira de plus des garanties additionnelles d'indépendance et d'impartialité de ses enquêtes.

Je réitère que les civils appelés à devenir enquêteurs pour le bureau devraient pouvoir bénéficier d'une formation sur mesure en enquêtes de crimes majeurs. La collaboration de l'École nationale de police sera déterminante à cet égard. Et je tiens à insister pour dire que l'École nationale de police, de plus en plus, est appelée à donner des formations qui traduisent l'évolution de la société, l'évolution des risques aussi qu'encourent les policiers mais des droits qu'ils doivent respecter et plus particulièrement, s'agissant de la population civile qui de plus en plus vit avec des problématiques de santé mentale. Je pense que la mise à niveau, la mise à jour continue est pertinente, autant pour les civils qualifiés qui seront dans ce bureau que pour les ex-policiers.

Troisième critère, l'impartialité. Le projet de loi n° 12 est fort d'autres éléments déterminants qui favorisent l'impartialité réelle des personnes qui dirigeront et réaliseront les enquêtes sur les incidents graves qui impliquent des policiers. Par exemple, le directeur et le directeur adjoint du bureau doivent n'avoir jamais été agents de la paix. De plus, les enquêteurs ne pourront être des policiers en service. Le projet de loi prévoit de même qu'un enquêteur anciennement policier ne pourrait être désigné enquêteur principal si l'enquête porte sur un corps de police duquel il a déjà été membre ou employé.

Quatrième critère, l'application cohérente de règles formelles. Un processus d'enquête rigoureux doit reposer sur des règles définies et stables, appliquées de la même façon à toute personne que vise l'enquête, quels que soient son identité et son statut, policier ou civil. La procédure d'enquête proposée constitue à cet égard une avancée. L'encadrement par une loi, dans la mesure où elle sera bonifiée par un règlement d'application qui prévoira les droits et obligations des personnes impliquées dans les événements, formalise cette procédure d'enquête. Elle sera dorénavant appliquée de façon obligatoire et de manière cohérente d'une enquête à l'autre, partout au Québec.

Cinquième critère, la transparence. Les événements tragiques impliquant la mort ou des blessures graves causées à des civils et découlant d'une intervention policière sont médiatisés et mobilisent l'opinion publique. Le peu d'information diffusée est source de frustration et d'incompréhension, de la part des victimes, de leurs proches et aussi des policiers comme de la population en général. À cet égard, je rappelle que, dans les cas où l'enquête mènera au dépôt d'accusations contre les policiers impliqués dans les événements, le processus judiciaire, devant les tribunaux de juridiction criminelle, régira la divulgation publique de l'information. Toutefois, dans le cas plus fréquent où aucune accusation ne sera déposée, le projet de loi ne prévoit aucune disposition quant à la diffusion. Il y a ici, à mon avis, lieu d'y remédier.

Dernier critère, la surveillance et l'imputabilité. La nomination d'un directeur et d'un directeur adjoint du bureau ayant une autorité directe sur la réalisation des enquêtes permettra de veiller à leur qualité et à leur rigueur. Le projet de loi me paraît aussi remplir toutes les exigences d'imputabilité requises, notamment la production d'un rapport annuel de gestion, une reddition de comptes adéquate en tant qu'organisme budgétaire relevant d'un ministre, de même qu'un rapport qui sera déposé à l'Assemblée nationale après trois ans de conclusion de la première enquête, ce qui permettra de faire un bilan et, au besoin, de proposer des ajustements.

Je vous formule quelques recommandations. Par souci de simplification, je ne reprendrai ici que l'essence de chaque recommandation. Le mémoire propose la disposition telle qu'elle pourrait être insérée dans la loi.

1° La notion de blessure grave devrait être définie dans la Loi sur la police et englober toute blessure susceptible d'avoir des répercussions significatives, incluant celles découlant d'une agression sexuelle.

2° Les blessures causées par un dispositif à impulsion électrique, un Taser, devraient être incluses parmi les circonstances donnant lieu à l'ouverture d'une enquête indépendante.

3° Le Bureau des enquêtes indépendantes devrait avoir le pouvoir de mener, de sa propre initiative, les enquêtes relevant de sa compétence qui ne lui auraient pas été signalées et de commenter publiquement les éléments constatés dans le cadre de l'exercice de son mandat.

4° Le règlement d'application de la loi devrait établir les règles de déroulement des enquêtes. Il devrait notamment comporter une définition des concepts de policier impliqué, de policier témoin et prévoir leurs obligations, celles du directeur du corps de police impliqué de même que les sanctions applicables en cas de non-respect.

Et enfin la loi devrait inclure l'obligation de rendre public un sommaire d'enquête, dans les cas où le Directeur des poursuites criminelles et pénales n'aura pas déposé, au terme de l'enquête, des accusations et donc aura décidé qu'il n'y a pas lieu de déposer de telles accusations.

En conclusion, Mme la Présidente, le projet de loi n° 12 propose une réforme qui s'imposait, car -- et je tiens à le réitérer -- l'enjeu principal ici, c'est la confiance. Cette confiance, qui a été plus d'une fois ébranlée quant à la conduite, par des policiers, des enquêtes sur des incidents impliquant des policiers, ne l'a pas été que pour des raisons de perception, et des améliorations liées seulement à la transparence entourant ces enquêtes ne suffiraient pas à la restaurer. C'est un enjeu dont l'examen doit s'élever au-dessus des débats idéologiques, éviter le dogmatisme et placer au premier plan l'intérêt public.

C'est pourquoi je suis d'avis que le projet de loi n° 12, pour l'essentiel et avec certaines bonifications, prévoit un processus crédible, transparent et impartial qui devrait inspirer confiance et respect dans le meilleur intérêt public. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, Mme Saint-Germain. Donc, nous allons maintenant procéder aux interventions. Donc, il y a 24 minutes pour le groupe formant le gouvernement et 26 minutes pour les députés de l'opposition. Donc, est-ce que vous voulez, là... Je voudrais juste... Question d'intendance, est-ce que vous souhaitez faire deux blocs de 10 minutes ou un bloc de 20 minutes? Deux blocs de 10 minutes?

M. Bergeron: Ça va être plus dynamique.

La Présidente (Mme Vallée): Donc, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Bergeron: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci infiniment de votre présentation, Mme Saint-Germain. L'objectif, effectivement, de ces consultations, c'est de chercher à voir ce qui peut être amené au projet de loi pour le bonifier. Donc, vous avez fait des propositions, des suggestions qui méritent très certainement d'être considérées. On aura certainement l'occasion d'échanger sur ces propositions dans quelques instants, mais je veux d'abord peut-être vous poser une question concernant le processus de sélection du directeur et du directeur adjoint. À la lumière de tout le processus qui a eu cours jusqu'à présent, nous avions pensé que la Protectrice du citoyen, via une personne qu'elle aurait pu désigner, donc cette possibilité de garder quand même une certaine distance à l'égard du processus de sélection... La Protectrice du citoyen n'était pas requise d'y assister elle-même ou même quelqu'un de son personnel, mais elle aurait pu désigner quelqu'un pour siéger au comité. Je vois que même le fait de désigner une personne pour garder une certaine distance vous apparaît être plus ou moins souhaitable, si je comprends bien.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Tout à fait. C'est une question de perception, encore une fois, M. le ministre, et il suffirait que, par suite d'une plainte, nous fassions une enquête sur le bureau, que nous concluions que la plainte n'était pas fondée, pour que cette perception puisse être nuisible. Je pense par ailleurs que, comme alternative, il pourrait y avoir un ex-protecteur du citoyen -- quatre des ex-protecteurs sont maintenant vivants et sont encore en pleine forme -- et aussi un ancien juge, un membre de la magistrature, particulièrement de la chambre criminelle. Ou encore certains experts indépendants qui sont, par exemple, des criminologues ou des criminalistes, ça pourrait être d'intérêt, tout en soulignant la pertinence que le sous-ministre de la Justice et qu'effectivement un avocat recommandé par le Barreau soient membres de ce comité indépendant. Je pense que ça présente déjà des bonnes garanties.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

**(10 h 30)**

M. Bergeron: J'ai comme l'impression que vous avez l'habitude des questions complémentaires ou des questions additionnelles, puisque la question que je m'apprêtais à vous poser, c'est justement: À défaut d'avoir la Protectrice du citoyen ou un représentant, une représentante sur le comité de sélection, quelles auraient été vos suggestions? Parce que là on se retrouve avec une vacance qu'il va nous falloir combler d'une façon ou d'une autre pour nous assurer qu'il y ait au moins trois personnes sur ce comité. Et je m'interrogeais, en tout cas j'étais préoccupé, intéressé à savoir quelles auraient pu être vos suggestions. Alors, vous les avez faites, et je vous en remercie.

Dans les différents mémoires, on nous fait la proposition que l'une des trois personnes soit quelqu'un issu de la communauté policière. Comment vous réagiriez à une proposition comme celle-là?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je vous dirais que, si c'est une personne qui est encore membre actif de la communauté policière, à mon avis, ça pose le même problème de perception. Par ailleurs, un ex-directeur de police, par exemple, pourrait également présenter des qualités d'intérêt, une connaissance pratique et il serait devenu, à ce moment-là, je dirais, un civil qualifié, et je pense qu'il ne faudrait pas l'exclure, d'autant qu'il serait un membre sur trois. L'important, c'est qu'il n'y ait pas une dominance pour faire en sorte que le processus puisse être perçu comme étant partial ou déséquilibré.

M. Bergeron: Je vous remercie infiniment. Une des suggestions que vous nous faites, c'est de faire en sorte qu'advenant le cas où le DPCP décide de ne pas entreprendre des procédures judiciaires et advenant le cas où le DPCP n'a pas lui-même exposé les raisons pour lesquelles il a pris cette décision... vous suggérez que le bureau le fasse. D'une certaine façon, ça tranche un peu avec les pratiques usuelles dans notre système à nous. On sait que dans d'autres provinces ce sont les policiers qui au terme d'un processus décident d'intenter des poursuites. Au Québec, nous avons décidé d'impliquer deux instances: le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique. Les policiers poursuivent l'enquête, fournissent le matériel au procureur du DPCP, qui, lui, décide s'il y a lieu ou non de déposer des enquêtes. Est-ce que cette proposition-là ne viendrait pas un peu trancher avec la pratique usuelle au Québec, où normalement les corps de police ne rendent pas public le contenu des enquêtes, les confient au procureur, et c'est au procureur de décider si oui ou non il y a lieu de déclencher des enquêtes? Est-ce que cette idée selon laquelle le bureau pourrait rendre publics certains éléments de l'enquête ne constituerait pas une brèche à ce système qu'on a mis en place au Québec jusqu'à présent?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je pense, M. le ministre, que ça constituerait une modification mais, plutôt qu'une brèche, surtout une avancée, et c'est nécessaire, à mon avis, pour contrer ce qui, quant à moi, est un préjudice qu'on peut même considérer être un préjudice avant tout aux policiers mais aussi un préjudice qui est fait à la population. Parce que, dans la mesure où les enquêtes ou certaines de ces enquêtes... certains de ces incidents, pardon, sont largement médiatisés, lorsqu'au terme de l'enquête du Directeur des poursuites criminelles et pénales il ne porte pas d'accusation, rien ne l'empêche d'expliquer pourquoi, les motifs pour lesquels il n'y a pas matière à avoir d'accusation. Et ça, à mon avis, ce ne serait que simple justice non seulement pour les policiers concernés -- mais d'abord pour eux -- mais aussi pour traduire l'importance des éléments, des enjeux, la qualité de l'enquête qui a été faite par le bureau et par le Directeur des poursuites et aussi permettre à la population d'être rassurée sur les conclusions dans ce contexte-là. Et, si le Directeur des poursuites criminelles et pénales ne le fait pas, moi, j'ai pensé à cette solution que ce soit le bureau. Évidemment, le bureau le ferait au terme de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Il rendrait public le sommaire de son enquête, et là les citoyens pourraient bien constater qu'il n'y avait effectivement pas matière, comme en a jugé le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Alors, je trouve que c'est un contrepoids essentiel au fait que ces enquêtes sont médiatisées et que de l'information, de part et d'autre, circule, sous forme de rumeurs, ou autres, et plus ou moins confirmée. Alors, ça apparaît vraiment extrêmement important et de nature à rétablir la confiance.

M. Bergeron: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

M. Bergeron: Comprenez-moi bien, là, je ne suis pas de ceux qui prétendent que la décision ne doit pas être justifiée, mais je m'interroge quant au fait que ce soit le bureau qui fasse cela plutôt que le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Peut-être serait-il de mise effectivement, puis c'est ce que vous suggérez, en fait... Puis je crois comprendre qu'au ministère de la Justice on est sensible et attentif à cette revendication à l'effet que le Directeur des poursuites criminelles et pénales puisse se montrer davantage explicite quant à la décision de ne pas porter des accusations, mais ma crainte... Comme je l'évoquais dans mes remarques préliminaires, vous savez qu'au-delà du processus d'enquête indépendante il peut y avoir un processus en déontologie qui puisse être entrepris, un processus en discipline, puis il peut y avoir également enquête du coroner. Ma crainte, c'est que, si le bureau révèle des éléments d'enquête, ça vienne contaminer les autres processus pouvant être mis en place par rapport à un même événement. Alors, je préférerais -- puis je pense comme vous d'ailleurs -- je préférerais que ce soit plus le DPCP qui fasse ce bout-là, plutôt que le bureau qui pose un geste qui contrevient, si je peux dire, à la pratique établie au niveau des enquêtes jusqu'à présent. Je pense qu'effectivement il y a lieu de s'assurer ou de faire les représentations qui s'imposent auprès du ministère de la Justice pour qu'à l'autre bout de la lorgnette ce travail-là soit fait, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je pense que oui. De manière idéale, ce devrait être le Directeur des poursuites criminelles et pénales. C'est pour ça, moi, c'était, donc... c'est une alternative que je propose. Mais je veux insister parce que votre question, M. le ministre, ouvre une autre porte qui est extrêmement importante. Il ne faut pas craindre qu'une enquête menée par un bureau indépendant, avec une expertise et une indépendance qui seraient reconnues, vienne contaminer notamment le travail du commissaire et éventuellement du Comité à la déontologie policière. Bien au contraire, je pense que ce travail pourrait s'appuyer sur les résultats d'une enquête qui aura été faite par d'ex-policiers, par des civils qualifiés, qui aura en plus été reconnue comme étant dans le respect des règles de l'art par le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Alors, je pense qu'il faudrait examiner cette dimension avec beaucoup d'ouverture, et, je le dis également avec respect, peut-être que ce serait une occasion de diminuer les délais d'enquête du Commissaire à la déontologie policière.

M. Bergeron: Là, vous soulevez effectivement une autre question: Jusqu'à quel point le commissaire peut s'appuyer sur des éléments d'une enquête autre que celle qu'il mène? Ça, c'est une autre question, et puis je pense qu'on aura certainement l'occasion de discuter de ça. D'ailleurs, je le sens bien intéressé par l'échange que nous avons présentement.

Quant à la définition de «blessure grave», vous avez parlé de l'arme à impulsion, que vous aimeriez voir intégrée au projet de loi. Ma question, fort simple, c'est: Si l'utilisation du Taser ne donne pas lieu à une blessure considérée comme étant grave, y a-t-il lieu, malgré tout, d'instituer une enquête indépendante, dans votre esprit? Et ma deuxième question par rapport à ce même sujet, c'est: Pourquoi isoler l'utilisation de l'arme à impulsion des autres outils dont peuvent se servir les policiers, par exemple le bâton télescopique ou le poivre de Cayenne, qui, eux aussi, peuvent donner lieu à des incidences au niveau physique? Alors, pourquoi cette insistance à isoler cette arme en particulier par rapport aux autres, à la panoplie d'instruments que peuvent utiliser les policiers?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Premier élément, c'est la notion de la gravité de la blessure qui détermine s'il y a ou non matière à ce que le Bureau des enquêtes indépendantes intervienne. Alors, quelle que soit l'arme, ce serait la gravité de la blessure. Pourquoi le Taser? C'est qu'en utilisant l'expression «arme à feu» ce n'est pas... ça exclut, à ce moment-là, le Taser comme ça exclut évidemment le poivre de Cayenne et les autres armes. Mais nous avons considéré qu'au niveau du Taser il y a quand même un risque de blessure grave, au sens de la définition que nous proposons, et qu'à ce moment-ci ce serait exclu. Et je ne vois pas l'intérêt, à ce moment-là, d'un telle exclusion, parce que le Taser est vraiment comparable à une arme à feu, dans ce sens-là, au plan des blessures qui peuvent être causées.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Oui. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, j'ai presque envie de vous prendre au bond sur votre dernière... Ce n'est pas dans l'ordre dans lequel je veux l'aborder, mais ce n'est pas important, c'est qu'on puisse en parler. Au niveau du Taser, lorsque vous parlez du Taser, est-ce qu'il y a quelqu'un de votre bureau ou vous-même -- j'imagine que non -- qui a déjà fait... qui a déjà utilisé ou vu l'impact, subi, là, un coup de Taser?

**(10 h 40)**

Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le député, nous avons un comportement, je pense, exemplaire, donc nous n'avons pas eu à... ni le poivre de Cayenne, ni le Taser, ni une arme à feu.

M. Poëti: ...comportement, c'est sûr. Tous les policiers ont la formation et les policiers ont des coups de Taser en formation à l'École nationale de police. Je pense que c'est sérieux, la question, et je veux savoir si vous... ou quelqu'un de votre bureau a déjà eu cette formation-là ou a reçu un coup de Taser.

Mme Saint-Germain (Raymonde): La réponse est non. Nous avons cependant une formation qui nous permet de voir les impacts, sur le Taser, notamment dans certaines formations que nous avons eues au niveau de nos équipes qui agissent en santé mentale, et nous avons pu mesurer certains impacts. Nous avons aussi vu une documentation qui permet de constater que les blessures qui peuvent être causées par un Taser dans certaines situations, notamment où ce serait mal utilisé ou abusivement utilisé, peuvent être des blessures graves. Et j'insiste pour dire que 0,3 % des blessures -- c'est au Canada, je pense, dans les enquêtes qui ont été vues -- qui ont été causées à des civils lors de ce type d'intervention ont été qualifiées de modérées et, dans certains cas, ont causé des décès. Alors, c'est quand même... De là l'intérêt à... Parce que je ne vois pas l'intérêt à l'exclure.

M. Poëti: Ce que je comprends que vous dites, c'est qu'à chaque fois qu'il y aura l'utilisation d'un Taser il y aura, selon vous, une enquête indépendante qui va être demandée? À chaque utilisation, chaque fois que le Taser va être utilisé, vous suggérez qu'il y ait une enquête indépendante?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Mme la Présidente, M. le député de Marguerite-Bourgeoys ne comprend pas le sens de «blessure grave» que... à laquelle nous référons dans le rapport. Et ce qui est suggéré, c'est que toute blessure par arme à feu -- et j'ajoute le Taser -- lorsqu'elle est grave, correspond à une définition très précise, la définition Osler, soit à ce moment-là le déclencheur d'une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes. En d'autres termes, c'est l'impact sur le civil, qui est causé par l'arme utilisée, l'arme à feu -- et moi, j'ajoute le Taser, parce que, oui, il y a des possibilités d'avoir même des décès, dans des cas exceptionnels mais quand même -- c'est donc cet impact qui serait à l'origine du déclenchement ou non d'une enquête par le Bureau des enquêtes indépendantes.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Écoutez, je dois vous dire que je comprends assez bien l'impact du Taser parce que je sais exactement sur quoi on a affaire. Et, lorsque le ministre parlait du poivre de Cayenne, est-ce que vous considérez que le poivre de Cayenne est aussi une arme qui pourrait causer des blessures graves?

Mme Saint-Germain (Raymonde): ...notion de blessure grave, encore une fois, si jamais la personne perdait un oeil par suite de l'utilisation du poivre de Cayenne -- on convient que ce seraient des cas exceptionnels -- à ce moment-là on n'est pas à l'accusation. On est à la nécessité d'avoir une enquête indépendante. Donc, c'est toujours la notion de blessure grave.

M. Poëti: ...ce n'est pas un automatisme, pour vous. Est-ce que je comprends... Parce que là je ne dois pas comprendre. Est-ce que c'est un automatisme: utilisation de Taser, enquête indépendante, ou dépendamment si on considère que c'est une blessure grave? Est-ce que c'est ça? Est-ce que c'est automatique ou pas, tiens? Plus facile, la question. Est-ce que c'est automatique, pour vous, une enquête?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, tout simplement, adressez vos questions à la présidente, s'il vous plaît.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, Mme la Présidente, il n'y a pas plus d'automatisme pour une arme à feu que pour un Taser. C'est la nature et la gravité de la blessure. On propose une définition de gravité, qui est la définition Osler, qui est le déclencheur d'une enquête indépendante, qui doit être le déclencheur.

M. Poëti: Donc, la réponse est non, il n'y aura pas d'automatisme, c'est ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde): C'est tout à fait bien résumé, Mme la Présidente.

M. Poëti: D'accord. Alors, si je réitère... Parce que, bon, il y avait le projet de loi n° 46 évidemment, lequel que vous avez... que vous connaissez pour avoir soumis un mémoire, et vous parlez clairement, en fait, à un endroit, dans le mémoire de 2013... vous ne faites pas la recommandation voulant que le corps de police doive communiquer sans délai avec le BEI, tel qu'indiqué dans votre mémoire de 2012, parce que vous disiez que ça renforçait l'indépendance du BEI, contrairement aux dispositions actuelles du 12, qui évidemment stipulent que le corps policier doit informer le ministre en premier. C'était très important, j'ai compris, dans votre mémoire précédent, et actuellement ce n'est plus une notion pour vous. Qu'est-ce qui a changé?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je pense que rien n'a changé. Je ne reconnais pas cet extrait que vous citez.

M. Poëti: ...2013, en fait, votre recommandation voulait que le corps de police doive communiquer sans délai avec le Bureau des enquêtes indépendantes, alors que maintenant, dans le projet de loi n° 12, on doit informer le ministre en premier. Et vous disiez que c'était important que le corps de police doive assurer en premier lieu le Bureau des enquêtes indépendantes parce que ça renforçait le niveau d'indépendance. Est-ce que ce n'est plus ça maintenant?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Ce que l'on disait à ce moment-là, c'étaient les deux et, à mon avis, c'est toujours pertinent que ce soient les deux. Ce n'est pas quelque chose qui est changé.

M. Poëti: ...ou l'autre, là. C'est un ou l'autre en premier. Est-ce que, pour vous, c'est... Est-ce que... le ministre en premier ou le bureau?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Le plus important, c'est le «sans délai». Et le plus important, c'est aussi que les enjeux liés à la préservation de la scène... à la préservation de la preuve soient bien gérés. C'est pourquoi moi, je pense que c'est sans délai, le ministre qui informera le bureau... ou sans délai le bureau. Et surtout ce que je salue dans le projet de loi n° 12, c'est que les services spécialisés des corps de police seront mis à la disposition du bureau pour que la préservation des scènes puisse être faite partout au Québec, dans les délais les plus raisonnables possible et dans toute la mesure du possible.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député.

M. Poëti: Le «sans délai», je le comprends bien. Je voulais savoir: Sans délai à qui en premier? C'est important, là. Est-ce qu'on appelle le bureau du ministre ou on appelle le bureau des enquêtes, je me demandais? Alors, vous, dans votre cas, vous, ce n'est pas grave, ce n'est plus grave maintenant.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Pour moi, ça a toujours été extrêmement important que le bureau des enquêtes, le directeur du bureau soit saisi sans délai, qu'il n'y ait pas un 24 ou un 36 heures, parce que c'est le bureau qui déclenche l'intervention et c'est là le risque que notamment certains éléments de preuve soient contaminés, soient même, dans certains cas, effacés. Alors, idéalement, le bureau devrait le savoir sans délai.

M. Poëti: En premier?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bien, en premier, c'est sans délai. C'est sûr qu'il n'y a pas de délai. Si le ministre agit rapidement, il n'y a pas de problème. Moi, je pense que ça serait mieux, le bureau directement, et le ministre aussi est informé. Et le ministre informe à ce moment-là le directeur du corps de police concerné. Mais, s'il y a de la bonne volonté, tout ça devrait se faire sans délai.

M. Poëti: D'accord. En 2012, vous recommandiez que le directeur du bureau des enquêtes soit nommé aux deux tiers de la Chambre. Actuellement, ce n'est plus le cas. Pourquoi?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Parce qu'actuellement, contrairement à ce qui prévalait dans la projet de loi n° 46... Moi, vous savez, Mme la Présidente, j'examine toujours un projet pour ce qu'il est, noir sur blanc, face à moi, et le projet de loi n° 46 ne constituait pas, à mon avis, une solution crédible. Il s'agissait d'un observateur civil, et cette proposition qu'il soit au moins choisi par les deux tiers de l'Assemblée nationale avait pour but de faire un certain contrepoids et de renforcer les chances que ce soit, bon, quelqu'un qui soit le plus qualifié possible. Mais j'ai toujours dit que ce projet ne respectait pas les critères d'impartialité, d'indépendance, d'expertise, l'utilisation cohérente de règles formelles et surtout la surveillance et l'imputabilité. Le projet de loi n° 12, nous venons de l'étudier sur la base des mêmes critères, et je conclus différemment. Et je conclus que le comité indépendant, qui incidemment ne comportera aucun représentant direct du ministre de la Sécurité publique, est un comité qui, à mon avis, répond aux règles qui permettent d'assurer l'impartialité de la sélection du directeur et du directeur adjoint, qui seront des personnes déterminantes, hein? Ce n'est pas tout d'avoir ces excellentes caractéristiques sur papier, mais dans les faits, Mme la Présidente, il faudra que ces personnes soient des personnes de grande qualification et des civils qualifiés de fort calibre.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député.

M. Poëti: À ce sujet-là... Parce que vous vous retrouviez, d'une certaine façon, sur le comité. Je comprends que vous avez refusé. D'ailleurs, je vous félicite, parce que, si on veut parler de transparence, d'impartialité, je ne vois pas comment vous auriez pu vous retrouver là. Est-ce que vous aviez été consultée? Est-ce que quelqu'un vous avait parlé de ça? Vous avez appris ça comment que vous vous retrouviez sur le comité?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Comme je vous l'écrivais dans une lettre récemment, j'ai pris connaissance du projet de loi au moment de son dépôt et je n'ai eu aucune forme de consultation, ni au niveau du cabinet du ministre, ni au niveau de l'administration du ministère, depuis que le présent gouvernement est en place.

M. Poëti: O.K. Vous disiez également que... Pardon?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste une minute.

M. Poëti: Vous disiez également que le BEI devait relever du ministère de la Justice, précédemment. Maintenant, ce n'est plus nécessaire?

**(10 h 50)**

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bon, précédemment, ça m'apparaissait aussi, en complément du fait que ce n'était qu'un observateur civil, ça m'apparaissait une garantie additionnelle. Maintenant, je vous dirai: Oui, ça pourrait être le ministre de la Justice, oui, ça peut être le ministre de la Sécurité publique parce qu'il y a des avantages et des inconvénients pour les deux. D'ailleurs, dans notre rapport de février 2010, nous recommandions que ce soit le ministre de la Sécurité publique, parce qu'étant également responsable, ayant autorité sur les services de police il pouvait faciliter une certaine collaboration, notamment pour la mise à disposition, dans certaines situations, d'expertises particulières, entre autres l'expertise de préservation des scènes de crime. Alors, ce n'est pas un modèle, je dirais, où on peut trancher noir sur blanc: Oui, le ministre de la Sécurité publique n'a que des avantages ou le ministre de la Justice ne présente que des inconvénients ou que des avantages. Alors, c'est l'un ou l'autre. Mais je vous rappelle qu'en février 2010, dans notre rapport, nous avions privilégié, pour ces raisons-là, le ministre de la Sécurité publique. Personnellement, je ne m'objecterai pas à ce que ce soit le ministre de la Justice non plus. L'un ou l'autre, c'est pertinent, ça pourrait être pertinent.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme Saint-Germain. Alors, je cède la parole à M. le ministre.

M. Bergeron: J'ai évoqué tout à l'heure la distinction qui existe entre le Québec et les autres provinces quant à la façon de mener les enquêtes et de déclencher ou non ou de porter ou non des accusations. Je sais qu'il y a des groupes, dans leurs recommandations, qui recommandent effectivement que le bureau relève du ministre de la Justice, ce qui, vous l'avez souligné, pose un certain nombre de problèmes du point de vue opérationnel. Et je pense qu'on s'appuie sur les modèles autres, par exemple celui de l'Ontario, où on dit: Bien, dans le cas de l'Ontario, ça relève du ministre de la Justice. Le fait est qu'en Ontario cette précaution visait probablement à faire en sorte que tout ne relève pas du ministre de la Sécurité publique, parce que, jusqu'au fait de porter des accusations, ça relève effectivement du corps de police. Ici, la fin du processus relève du ministre de la Justice, de toute façon, alors il y a déjà un équilibre, dans notre système, au Québec, qui n'existe pas puis qu'on a peut-être voulu retrouver, à travers la mise en place du bureau des enquêtes -- appelons-le comme ça -- le bureau des enquêtes indépendantes en Ontario. Alors, peut-être que cette nécessité-là est moindre, compte tenu de la configuration de notre système, au Québec, puis compte tenu des impacts que ça pourrait avoir d'un point de vue opérationnel, comme vous l'évoquez.

Sur le fait d'avertir d'abord le ministre de la Sécurité publique plutôt que d'avertir le Bureau des enquêtes indépendantes, je pense qu'il faut nous ramener à ce qu'était le projet de loi n° 46. Le projet de loi n° 46, là, c'était... on lui avait confié une mission essentiellement d'observation, de supervision. Or, en vertu de la Loi sur la police, c'est le ministre de la Sécurité publique qui déclenche une enquête indépendante. Alors, compte tenu de cette situation, le projet de loi s'inscrit dans la foulée de la Loi sur la police, puis c'est effectivement le ministre de la Sécurité publique qui doit être informé pour que celui-ci puisse ordonner une enquête indépendante. Mais il y a un caractère, je dirais, quasi automatique lorsqu'il y a décès, utilisation d'une arme à feu ou blessure grave. Il n'y a pas d'arbitraire de la part du ministre, qui va dire: Dans ce cas-là, on ne la déclenche pas puis dans ce cas-là on la déclenche. La loi prévoit très clairement que, lorsqu'il y a décès, lorsqu'il y a utilisation d'une arme à feu ou lorsqu'il y a blessure grave, le ministre doit déclencher l'enquête.

Mais je reviens justement sur la question des armes. Vous avez décidé d'isoler -- je reviens sur cette question-là -- d'isoler spécifiquement l'arme à impulsion électrique. J'essaie de comprendre cette préoccupation que vous avez. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir isolé le fusil à balles de plastique, qui, lui aussi, peut occasionner des blessures graves? En d'autres termes, moi, je me dis: À partir du moment où il y a la notion, dans l'article, de blessure grave, peu importe par quelle arme cette blessure grave a été occasionnée, que ce soit une arme à impulsion électrique, que ce soit un bâton télescopique ou un fusil à balles de plastique, s'il y a une blessure grave occasionnée, il y a enquête indépendante. Alors, je m'interroge sur ce souci que vous avez d'isoler puis de mettre l'emphase sur l'arme à impulsion électrique. Vous n'avez pas l'impression que, tel que libellé actuellement, le projet de loi prévoit de toute façon que, s'il y a une blessure grave imposée par quelque arme que ce soit, c'est déjà couvert?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Ce n'était pas, Mme la Présidente, notre interprétation de l'article de la loi. Pour nous, l'interprétation d'arme à feu correspond aux armes standard et conventionnelles que peuvent utiliser les policiers. Maintenant, si vous me dites que la notion plus large de blessure grave pourrait être interprétée comme ayant résulté de quelconque arme, y compris un bâton, à ce moment-là, je ne pense pas, effectivement, qu'il y ait matière. Mais l'important, c'est la définition de la blessure grave. Et d'ailleurs nous avons pris la définition Osler, hein, qui est utilisée par la plupart des autres bureaux au Canada. Je vois que plusieurs personnes ici connaissent bien... dont le député de Saint-Jérôme. Osler, c'est: blessures susceptibles d'interférer avec la santé ou le confort de la victime, qui ne sont pas simplement passagères ou bénignes et incluent les blessures graves résultant, là, d'agressions sexuelles. Ce n'est donc pas l'arme comme la nature et la gravité de la blessure.

M. Bergeron: Je me permets, Mme la Protectrice du citoyen, de relire l'article. «Une enquête indépendante doit -- encore une fois, il n'y a pas d'arbitraire -- être tenue lorsqu'une personne, autre qu'un policier en devoir, décède, est blessée gravement -- donc, s'il y a un décès ou une blessure grave, jusque-là... -- ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier...» Alors, dans le cas d'une blessure par arme à feu, peu importe la nature de la blessure, ça doit donner lieu à une enquête indépendante. Mais, s'il y a une blessure grave, peu importe l'arme utilisée, que ce soit le bâton télescopique, que ce soit le bâton télescopique ou le fusil à balles de plastique, s'il y a une blessure grave infligée... ou un fusil à impulsion électrique, s'il y a une blessure grave infligée, il y a enquête indépendante.

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): ...Mme la Présidente, l'interprétation élargie... Parce qu'on a regardé très précisément l'article, et l'interprétation élargie qu'en donne le ministre me convient tout à fait, dans le sens où, pour nous, l'important, c'est que les blessures graves qui vont laisser des séquelles, notamment des séquelles permanentes, qu'elles soient physiques ou psychologiques, puissent être l'occasion de déclencher une enquête. Alors, avec cette interprétation, moi, je me rallie tout à fait.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

M. Bergeron: Moi, ça me va, Mme la Présidente. Je ne sais pas s'il y a des collègues...

La Présidente (Mme Vallée): Il n'y a pas d'autre intervention? Parfait. Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Merci, Mme la Présidente. L'article 289.3 du projet de loi n° 12: «Le ministre peut également charger le Bureau des enquêtes indépendantes de mener une enquête sur tout événement, autre que celui visé à l'article 289.1, impliquant un agent de la paix.» Est-ce que vous êtes en accord avec ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Dans la mesure où il s'agit, au sens de ce bureau, de l'avis, je dirais, professionnel du policier. En d'autres termes, sa vie privée, c'est autre chose. Mais, s'il y avait des situations qui sont de nature à causer des blessures aux civils, d'un autre ordre, dans le cadre de l'exercice des fonctions d'un policier, à mon avis, ça devrait être confié au bureau. Mais moi, je fais la distinction surtout entre la vie professionnelle et la vie privée d'un policier. Dans le cas de la vie privée, les tribunaux de droit commun régissent, pour les policiers comme pour les civils, l'inconduite. Et je ne parle pas, là, de déontologie policière, là, je parlerais vraiment d'actes d'une autre nature.

M. Poëti: D'accord. Peut-être juste pour terminer sur le Taser, je dois vous dire... Peut-être que ce n'est pas à votre connaissance, mais toute personne qui est... qu'on utilise le Taser est conduite automatiquement à l'hôpital à fins de prévention, après chaque intervention.

Il y a une autre question. En fait, dans la première partie, et dites-moi si j'ai tort... qu'il n'y avait aucun policier actif ou en service dans l'équipe ou la direction des enquêtes et que l'objectif à long terme soit qu'il y ait une majorité d'enquêteurs civils... Vous n'en reparlez pas maintenant, actuellement, dans votre document, à ce sujet-là. Vous aviez émis ça. Et ce n'est pas... il n'y a pas des lunes en arrière, là. Qu'est-ce qui a changé?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, Mme la Présidente, nous en parlons dans le mémoire, effectivement, l'objectif à moyen terme que ce soit une majorité de civils. L'idée, c'est qu'il n'y ait jamais une majorité d'ex-policiers. Alors, moi, l'équilibre 50-50, je pense que c'est un très bon équilibre, mais, si on devait évoluer autrement ou si éventuellement il était plus difficile d'avoir accès à d'ex-policiers qui ont cette expertise, je le réitère, en matière criminelle, qui n'est pas une expertise, là, accessible même à tous les policiers, donc, à ce moment-là, la ligne devrait être davantage d'avoir une majorité de civils qualifiés plutôt que d'ex-policiers.

On va me signaler la page dans notre mémoire.

Une voix: Page 5.

Mme Saint-Germain (Raymonde): C'est à la page 5, Mme la Présidente, que nous en parlons. Effectivement, M. le député, je n'en ai pas parlé dans mon allocution. C'est dans le mémoire, par ailleurs.

**(11 heures)**

M. Poëti: ...O.K. C'est bon.

J'ai un questionnement sur le fait que vous dites que ça ne doit pas être un policier actif. Ça veut dire, pour moi, par définition -- et, si je me trompe, vous me corrigez -- je pourrais faire 28 ans à la Sûreté du Québec, prendre ma retraite le 1er janvier -- on va laisser passer les vacances -- 1er février et travailler comme enquêteur à cette escouade-là, postuler, avoir un poste le 2 février. Et à ce moment-là, pour vous, il n'y a pas de problème au fait qu'il ne soit plus actif, qu'il a pris sa retraite, le lendemain il est enquêteur au Bureau des enquêtes indépendantes. Et à ce moment-là, pour vous, la transparence est complète, et il n'y a pas de doute, là, il n'y a pas... «Policier un jour, policier toujours», ça n'existe pas, ça.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, Mme la Présidente, «policier un jour, policier toujours», ce ne sont pas des propos que j'utilise ou que j'aurais jamais utilisés. Trois éléments à ma réponse. Le premier élément, dans le cas du député de Marguerite-Bourgeoys, vous ne pourriez pas être, même comme civil, un enquêteur parce que vous n'avez jamais fait d'enquête criminelle, à ma connaissance.

Deuxième élément de réponse, ce qui est important, c'est qu'il faut allier l'expertise et l'indépendance. Donc, l'expertise, ce sont d'anciens policiers qui, oui, au terme de leurs carrières au sein d'un service de police, seraient... Écoutez, les policiers, moi, je ne prends pas pour acquis que, lorsqu'ils prennent leur retraite, surtout que souvent ils sont très jeunes, ils ne sont plus compétents et qu'ils deviennent inintéressés à contribuer encore à la société. Alors, l'expertise de ces ex-policiers, elle est là, et je pense qu'elle doit être utilisée. La limite que je mets, c'est qu'ils ne devraient pas être en majorité au sein du bureau. Donc, l'équilibre, certainement, au début, 50-50, m'apparaît important.

Et l'autre élément, et ça, ça me préoccupe, c'est qu'il est vrai qu'on cherche des policiers, d'ex-policiers d'expérience qui ont leurs conditions et qui ont, comme tout travailleur, contribué et bâti le régime de retraite. Je pense qu'il faudra trouver des solutions pour qu'au sein du bureau -- et ça existe administrativement, ça s'est fait dans d'autres circonstances -- on puisse transférer les conditions du régime de retraite des membres civils qualifiés, ex-policiers, qui sont au bureau, parce qu'à mon avis il y aurait là une question d'iniquité. Et ça permettrait de corriger cette question de perception à l'effet qu'évidemment un civil... c'est-à-dire, un policier, pardon, encore membre du corps de police, il y a toute la question de la perception qui ne sera pas réglée, et ça, à mon avis, c'est fort important de le corriger. Donc, j'agirais, moi, de cette façon-là.

M. Poëti: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Monsieur...

M. Poëti: Écoutez, bien, je vous remercie, vous avez répondu à deux questions que je n'ai pas posées. En fait, quand je vous pose une question, ce n'est jamais sur l'ordre personnel, je dois vous le souligner. Et, quand je représente ici l'ensemble des corps policiers ou que je représente les citoyens du Québec, évidemment ce n'est pas sur une base personnelle. Alors, quand je faisais office... C'est-à-dire que, si un enquêteur d'expérience de 28 ans, mais dont les 20 dernières à la police de Montréal ou à la Sûreté du Québec, aux enquêtes spécialisées, prend sa retraite aujourd'hui, est-ce qu'il peut, il pourrait, selon vous, devenir un enquêteur au BIA le... dans les semaines qui suivent? J'ai peut-être été vite quand je vous dis «le lendemain». Donnez-vous un peu de temps. Est-ce que ça, c'est possible? Est-ce que vous êtes bien avec ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Dans la mesure où c'est un enquêteur qui a l'expertise en matière criminelle, oui, je suis bien avec ça, d'autant plus que le projet de loi prévoit que cet enquêteur, s'il est appelé à faire une enquête... Par exemple, idéalement, ça ne devrait pas être, surtout les jours suivants, sur un membre d'un corps de police dont il aurait été récemment lui-même membre, mais, s'il est appelé éventuellement à faire une enquête sur ce même corps de police dont il aurait été membre ou employé, il ne pourra pas être l'enquêteur principal. Alors, avec le bureau, ajoutons, pensons aux conditions, là, de surveillance et d'imputabilité, un directeur civil qualifié et un directeur, ex-policier lui-même, donc très qualifié, et lui, il est dans une équipe d'enquête, à mon avis, ça donne toutes les garanties, parce qu'attention cette expertise policière, et je l'ai toujours dit, elle est essentielle pour que ce bureau puisse fonctionner de manière adéquate. Alors, minimalement, il faudra reconnaître que les policiers... Et ce n'est pas tous les policiers, on l'a dit, puis ils sont en nombre quand même limité, suffisant mais limité. Donc, à mon avis, il faudra, oui, reconnaître cette expertise et accepter cela, et, je le suggère à nouveau, négocier les conditions de transfert des régimes de retraite des policiers ou des futurs ex-policiers concernés.

M. Poëti: Vous soulignez que l'enquêteur principal ne pourrait pas enquêter sur un corps de police dont il a fait partie. Vous savez qu'au Québec -- et je pense que le ministre est d'accord avec ça, il me corrigera si j'ai tort -- il y a plus ou moins une centaine de policiers, là, d'expertise qui peuvent faire ça à travers...

Une voix: ...

M. Poëti: On parle peut-être même de 80, alors, à ça. S'ils viennent principalement de Montréal ou Québec, vous savez que les possibilités qu'ils enquêtent où est-ce que ça se passe plus souvent, évidemment dans les grands centres urbains parce qu'il y a plus d'activité, il y a plus d'appels... on va avoir un problème, là, parce que la majorité des gens qui viennent de Québec, Montréal, parce que vous savez que c'est limité, donc Québec, Montréal, la Sûreté municipale de Québec, la Sûreté du Québec et la police de Montréal... il reste très peu d'espace.

Et, s'il avait une frère ou une soeur dans le corps de police, est-ce que vous êtes correcte avec ça aussi? Est-ce que vous avez confiance dans le fait que l'enquête doit être faite?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Mme la Présidente, là, j'ai confiance que le directeur du bureau saura prendre les décisions qui s'imposent.

Je dirais, selon notre évaluation, si on inclut d'ex-enquêteurs retraités qui seraient admissibles, ça fait environ 150 personnes au Québec. Et une des façons de contrer effectivement... Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys indique est tout à fait possible. Une des façons de contrer ça, qui a été utilisée dans d'autres administrations, c'est d'avoir une équipe d'enquête, d'enquêteurs sur appel qui pourraient venir, à ce moment-là, lorsqu'il y a véritablement un cas de conflit d'intérêts, pourraient venir et exceptionnellement, pour la durée de l'enquête, diriger cette enquête particulière. Donc, il y a des solutions qui peuvent être trouvées.

M. Poëti: ...où, ces gens-là sur appel? Ils seraient de quelle organisation?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Ce seraient des enquêteurs... d'ex-policiers qui ont été enquêteurs criminels, qui sont retraités et qui pourraient accepter de joindre le bureau avec les mêmes conditions d'éthique pour les fins, là, d'une enquête particulière si cette situation se présentait. On l'a vu notamment... Je pense que c'est l'Alberta qui a cette possibilité, et ça arrive aussi en Ontario.

M. Poëti: Alors, comprenez-moi bien, hein, moi, je ne doute pas qu'un policier qui est retraité, qui soit enquêteur soit plus intègre, soit plus transparent, soit plus honnête parce qu'il aura quitté le corps de police, au lendemain, avec même un transfert de fonds de retraite. Je ne vois pas en quoi ça change, là, l'intégrité du policier dans une enquête. Je veux juste... je voulais juste vous l'entendre dire parce qu'on est en avant de perceptions actuellement. Et là, parce que le policier aura pris sa retraite, l'enquête sera plus crédible! Les citoyens vont y croire davantage et ne croiront pas que peut-être le policier, parce que c'est un ancien confrère, il a tourné les coins ronds. Alors, je voulais vous entendre vraiment sur ce fait-là. Je suis content de voir que vous ne doutez pas de l'intégrité des policiers qui prendront leur retraite, qui au lendemain matin seront des enquêteurs au BIA, dans la semaine ou le mois qui suivra, et ça, pour moi, c'est une assez bonne nouvelle.

La Présidente (Mme Vallée): ...je suis désolée, le temps qui vous est imparti est échu. Alors, M. le député de Saint-Jérôme pour une période d'échange de 5 min 12 s.

M. Duchesneau: Eh! que ça va être court! Merci beaucoup, Mme la Présidente. Si on en est là aujourd'hui, c'est, comme vous l'avez si bien mentionné, c'est une question de perception, et cette perception négative, elle a été entretenue pour très longtemps pour diverses raisons. Aujourd'hui, on a les médias qui sont en couverture 24 heures sur 24. Souvent, les mêmes histoires reviennent en boucle, et ça vient cristalliser une opinion souvent négative dans l'esprit des gens.

Je voudrais vous parler justement de l'implication du DPCP pour venir faire des mises au point. Je ne suis pas sûr que ça ne mettra pas le DPCP dans l'embarras. On a justement séparé le DPCP du ministère de la Justice pour qu'il garde une certaine distance et indépendance. Là, de le faire intervenir et de venir expliquer devant les médias pourquoi on a porté des accusations ou pas, moi, je pense que ça pose un problème, encore là, de perception qui pourrait mettre les gens dans l'embarras. Ça, c'est un commentaire.

Toutes les fois où on a eu à gérer des cas comme ceux-là, c'est toujours un problème de communication. Ce que les gens n'apprécient pas particulièrement... Et, quand on commence une enquête, on dit toujours: Écoutez, l'enquête est en cours, ça peut aller devant les tribunaux, donc on ne donnera pas d'information sur le cas comme tel. Mais ça n'empêche pas un service de police de quand même expliquer comment doit se faire une procédure. L'exemple qui a été donné tantôt par le ministre, c'est l'utilisation de l'arme qui tire des balles de caoutchouc. On a déjà eu des cas où des personnes ont été tuées là-dessus. Alors, le service de police n'avait pas à donner des explications sur le cas comme tel mais pouvait expliquer à la population pourquoi on utilise l'arme. Et à ce moment-là je pense que le service de police est désigné pour venir, même sans s'impliquer dans l'enquête, de venir donner des explications. Et, quand on a fait ça, on a évité des problèmes dans l'esprit des gens parce qu'au moins on avait quelque chose. C'est le mutisme total, je pense, qui amène cette perception négative.

Et ça m'amène à un point majeur où là je vais faire une analogie avec la déontologie. Moi, je viens d'une époque où le chef de police avait l'entière responsabilité de discipline et de déontologie. À un moment donné, tout rapport du policier avec le public lui a été enlevé, et là on a eu un problème, un problème statistique, d'une certaine façon, où, après un certain temps... Et on va voir le cas comme ça parce que moi aussi, je suis convaincu, comme mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, que des enquêtes où des policiers vont être accusés au criminel, ça va peut-être être la minorité. Il arrive quoi quand ça fait 10, 15 enquêtes qu'on fait puis qu'on n'a toujours personne qui a été accusé? Qui va venir l'expliquer? C'est là qui va être le problème. Et il ne faudrait pas que le policier soit accusé parce que là on ne fait pas notre moyenne. Et, d'une certaine façon, on l'a vu en déontologie.

Ce qui m'amène à faire peut-être une suggestion de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un comité de surveillance? Vous l'avez évoqué tantôt quant à la sélection du directeur et de son adjoint. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir la même chose, un peu comme on a un comité de surveillance du Service canadien de renseignement sur la sécurité, des gens qui sont complètement neutres, qui pourraient représenter la population et qui pourraient, eux, venir expliquer, sans que le directeur -- parce qu'il est en cours d'enquête, il ne peut pas parler -- sans que le directeur de police perde la cause parce que son policier est impliqué? Est-ce que ça, ça pourrait être une façon valable, pour vous, d'avoir un...

**(11 h 10)**

La Présidente (Mme Vallée): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): D'abord, Mme la Présidente, je souscris tout à fait à l'analyse du député de Saint-Jérôme en ce qui concerne les enjeux de problématique liés au manque, je dirais, de transparence et d'informations, et aux impacts, je dirais, négatifs, donc à la nécessité d'avoir plus d'informations. Je demeure quand même convaincue que le Directeur des poursuites criminelles et pénales, avec sa propre indépendance, devrait être plus précis sur les motifs qui font qu'au terme d'une enquête, ce qui est généralement le cas, il n'a pas matière à porter d'accusation policière. Parce qu'on le sait, très souvent, les noms des policiers ont été connus, les incidents sont connus, et ça reste toujours quelque chose... il y a un halo qui reste, je dirais, dans l'air, et ça, ce n'est pas bon.

Maintenant, moi, ce que je trouve le plus important, c'est que le directeur, d'une part, exerce véritablement son rôle de supervision et de surveillance de ces enquêtes-là. C'est un directeur qui va être là à plein temps et qui devrait donner toutes les garanties, tant du côté des enquêteurs civils que des enquêteurs ex-policiers, que les procédures, les règles ont été suivies. La loi est encore plus précise qu'auparavant. Et son rapport d'enquête... si le Directeur des poursuites criminelles et pénales ne donne pas ses motifs, il pourrait au moins donner, lui, les éléments, les sommaires de son enquête, une enquête qui aura été menée avec des garanties d'indépendance, d'expertise, d'impartialité quand même très importantes.

Est-ce qu'un comité de surveillance serait nécessaire? Ce ne serait certainement pas nuisible, mais moi, je pense que ce qui est proposé dans le projet de loi est suffisant. J'aurais tendance à faire confiance, pour les cinq premières années en tout cas, à l'implantation de cette loi-là, mais, dans la mesure où -- et vous y avez fait référence aussi -- la dimension opérationnelle est importante, il faudra que la personne choisie comme directeur soit, là, une personne vraiment de fort calibre.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Le temps est écoulé depuis quelques secondes. Alors, je tiens à remercier toute l'équipe du Protecteur du citoyen, Mme Saint-Germain, pour votre présence en commission parlementaire et vos représentations.

Alors, j'invite maintenant les représentants de l'École nationale de police à venir prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

 

(Reprise à 11 h 16)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre avec les représentants de l'École nationale de police. Donc, pour une présentation de 10 minutes, Mme Gagnon, je vous cède la parole.

École nationale de police du Québec (ENPQ)

Mme Gagnon (Marie): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui: à ma gauche, M. Pierre Saint-Antoine, qui est directeur des communications et des affaires institutionnelles, M. Paulin Bureau, qui est directeur de la formation policière, et, assise à l'arrière, Mme Andrée Doré, qui est conseillère aux communications à la Direction des communications. Tous, bien évidemment, font partie de l'École nationale de police.

Le mémoire que nous vous avons présenté, nous avons fait parvenir est un mémoire qui présente les observations de l'École nationale de police du Québec relatives au projet de loi n° 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes. Vous remarquerez, si ce n'est déjà fait, que les commentaires de l'école portent essentiellement sur la dimension formation du projet de loi, d'abord et avant tout, parce que c'est au coeur de la mission de l'École nationale.

Aussi, je précise que l'itinéraire de la formation de l'enquêteur au Québec sert de base aux avis et propositions formulées par l'école dans le présent mémoire. Ce profil de formation a été modelé au cours des dernières décennies par l'analyse évolutive de la situation de travail -- nous en avons entendu parler tantôt -- des enquêteurs québécois et par l'application des recommandations de divers rapports portant sur le système policier du Québec, notamment en matière d'enquête. Il est important que nous fassions connaître, que nous mettions en perspective cette formation-là au niveau des enquêtes, car bien évidemment elle aura un rôle crucial à jouer au niveau du projet de loi.

Dans un souci de professionnalisation de la fonction d'enquêteur, la formation s'est grandement bonifiée depuis la fin des années 90, passant d'une formation de base optionnelle d'une durée de 140 heures à une formation obligatoire de niveau universitaire d'une durée minimale de 285 heures, donc une formation qui s'est grandement actualisée et améliorée.

Le mémoire présenté a cinq sections: d'abord, une section sur l'École nationale de police, qui est un lieu de formation unique; les faits saillants historiques concernant la formation dans le domaine des enquêtes -- important de connaître l'évolution; l'itinéraire de formation, comment nos enquêteurs au Québec sont formés; et quelques avis et propositions concernant certains articles du projet de loi; et la conclusion.

L'école désire remercier la Commission des institutions pour l'opportunité qu'elle lui donne d'aborder ces éléments de formation policière qui constituent les fondements de la qualité des forces policières québécoises.

L'École nationale de police du Québec, nous l'avons dit tantôt, un lieu unique de formation qui assure la pertinence, la qualité et la cohérence des activités relatives à la formation policière. Elle fait de la recherche et s'assure de conseiller, d'encourager et de faciliter l'échange d'expertise en matière de formation policière. Elle est au coeur de la formation policière. Elle mobilise et dynamise le réseau des savoirs au bénéfice de la sécurité publique. En ce sens, elle assoit ses actions et ses interventions sur le partenariat, l'échange, la concertation et le réseautage.

**(11 h 20)**

De plus, les façons de faire de l'école sur le plan pédagogique ont grandement contribué à sa renommée. Ses programmes de formation ont tous la particularité d'être axés sur le développement des compétences, c'est-à-dire de placer les étudiants au centre des apprentissages, de les évaluer et de leur faire des enseignements en les plaçant dans des situations qui collent de très près à leurs réalités professionnelles.

L'école, toujours dans un souci d'avoir des formations à jour constamment, met à jour ses formations en raison des exigences des citoyens, des besoins actualisés des corps de police, de la complexification de la criminalité, des changements législatifs, de jurisprudence, des recommandations des commissions, des comités ministériels, des rapports d'enquête, le raffinement des connaissances, des techniques et des méthodes d'intervention, de même que la modernisation des technologies. Ce sont tous des aspects, des dimensions qui contribuent à bonifier, à actualiser la formation et à faire en sorte qu'elle soit constamment vivante.

Maintenant que l'on connaît un peu mieux l'École nationale, j'aimerais parler des faits saillants qui historiquement ont modulé la formation dans le domaine des enquêtes au Québec. Trois rapports relatifs aux pratiques policières en matière d'enquête ou de formation ont grandement influencé les textes de loi sur la police en ce qui concerne la fonction d'enquête. Je parle ici du rapport Bellemare, du rapport Corbo et du rapport Poitras, qui ont, à chacun leur façon, jeté un regard analytique, critique tantôt sur les enquêtes, tantôt sur la formation policière dans son ensemble. J'aimerais citer ici quelques recommandations ou quelques... pour chacun d'eux.

En ce qui concerne le rapport Bellemare sur les enquêtes, M. Bellemare disait à la fin: Il faut bien sélectionner les futurs enquêteurs et exiger d'eux des niveaux supérieurs de formation, notamment universitaire, ainsi qu'un perfectionnement professionnel continu. La nature du métier se prête à un système d'apprentissage reposant sur une association entre une recrue et un enquêteur d'expérience.

Quant à M. Corbo, qui a jeté un regard sur l'ensemble de la formation policière au Québec, son rapport fait état de l'importance, quant à lui, du rehaussement de la formation initiale des enquêteurs. Il faut offrir aux enquêteurs une formation de base plus solide, un code d'éthique bien intégré et l'acquisition des habiletés requises par la tâche. La variété et la pertinence des cours spécialisés offerts aux enquêteurs ne semblent pas faire l'objet de critiques. M. Corbo jetait la lumière davantage sur la formation initiale, la formation de base, qui doit être davantage haussée pour les enquêteurs. Il mentionne entre autres des catégories de savoirs et de compétences que doivent maîtriser les enquêteurs, savoirs et compétences méthodologiques généraux, connaissances juridiques, connaissances sociales et culturelles, savoirs et connaissances policières.

Quant à M. Poitras, le rapport Poitras, le seuil de formation qualifiante pour accéder aux enquêtes criminelles doit être également haussé de manière significative pour atteindre un niveau universitaire. Par ailleurs, les critères de sélection des enquêteurs affectés aux affaires internes doivent être fondés sur des exigences particulières de la fonction et axés sur la compétence et l'intégrité des candidats.

À retenir au niveau des trois rapports, un souhait: les recommandations de hausser la formation des enquêteurs et d'améliorer les critères de sélection.

Aussi, un autre élément, un autre événement majeur historique, au Québec, qui a contribué à modifier la formation des enquêteurs, c'est l'avènement de la Loi sur la police en août 2000. Cette loi, dans ses quelques particularités que je désire souligner ici, a créé l'École nationale de police du Québec avec un mandat élargi, rehaussé et avec une mission enrichie. Aussi, cette loi donne à l'école, confère à l'école l'exclusivité de la formation initiale du personnel policier, dont celle en enquête policière. Pour s'acquitter de sa tâche, l'École nationale s'est associé le réseau des universités québécoises.

Un dernier élément de la Loi sur la police qui a modifié la formation, qui a contribué, l'article 16 de la loi: «Le gouvernement peut, par règlement, dans les cas qui y sont prévus, déterminer les qualités minimales requises pour exercer les fonctions d'enquête ou de gestion dans un corps de police...» Ainsi, depuis le 27 juillet 2006, le règlement sur les qualités minimales requises pour être enquêteur au Québec a force de loi, dont, une des premières qualités, celle d'avoir réussi le programme de formation initiale en enquête de l'École nationale de police du Québec...

Vous comprendrez qu'ici l'ensemble de ces éléments, de ces événements nous ont amenés, à l'école, à tracer un itinéraire de la formation policière d'un enquêteur, de la formation d'un enquêteur au Québec. Nous avons, d'abord et avant tout, fait le choix québécois que, pour être policier, il faut avoir un D.E.C., un diplôme d'études collégiales en techniques policières, un diplôme d'études qui comprend 1 665 heures de formation policière, dont, grosso modo, 375 heures de formation de base pour les responsabilités dévolues à un patrouilleur au niveau de l'enquête.

Suite à cette formation, 15 semaines à l'École nationale de police, 15 semaines qui... Pourquoi 15 semaines? Parce qu'en amont il y a quand même trois ans de formation, niveau collégial, et le programme de formation à l'école, 478 heures s'échelonnant sur 15 semaines... À ça, à cette formation de trois ans, plus que de trois ans et demi, avant de devenir enquêteur au Québec, habituellement les policiers exercent la fonction de patrouilleur pendant cinq ans avant de poser leurs candidatures pour être enquêteurs.

La Présidente (Mme Vallée): En conclusion. Il vous reste moins de une minute.

Mme Gagnon (Marie): Moins de une minute, Mme la Présidente, je vais être mal prise. Alors, je vais aller à ma conclusion. C'est dommage. Je reviendrai sur mes avis, au besoin.

Conclusion. Bénéficiant d'un capital de confiance confirmé au Québec et sur le plan international, l'École nationale de police du Québec se caractérise par une volonté traditionnelle et bien enracinée de travailler en partenariat...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Marie): Je ne veux pas la manquer, Mme la Présidente, celle-là.

La Présidente (Mme Vallée): Respirez.

Mme Gagnon (Marie): Alors, deuxième paragraphe, l'École nationale de police du Québec salue la volonté du législateur de modifier la Loi sur la police, notamment parce qu'il respecte les particularités de la réalité québécoise: une formation d'enquête unique, un processus d'enquête indépendante unique. Outre la recherche de transparence, de crédibilité et d'indépendance, le modèle mis de l'avant par la projet de loi témoigne du souci d'adapter notre processus d'enquête indépendante aux exigences maintes fois déclarées par la société québécoise, tant au niveau élevé de professionnalisation requis que par la profession d'enquêteur.

Je crois que je vais sauter directement à notre dernier paragraphe, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

Mme Gagnon (Marie): Merci d'avoir lu le mémoire. Alors, l'école se permet d'avancer que la formation est garante de l'uniformité et de la cohérence des pratiques d'enquête et constitue un levier essentiel à leur impartialité et leur indépendance. En ce sens, elle propose son soutien dans la mise en oeuvre du modèle québécois d'enquête indépendante retenu, et ce, dans le respect du continuum de formation et du droit des policiers et des citoyens de compter sur des professionnels dûment qualifiés pour remplir à bien leur mandat.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme Gagnon. Alors, je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bergeron: Merci, Mme Gagnon. Je dirais que vous nous avez laissés un peu sur notre faim, dans la mesure où, comme j'ai lu le mémoire, je sais que les avis sont importants. Alors, je vais peut-être vous poser des questions sur vos avis, ce qui va vous permettre d'élaborer sur ce que vous auriez voulu pouvoir faire durant les remarques préliminaires.

Mais je vous remercie de vos observations puis je vous remercie, d'une façon générale, de ce que vous et votre équipe faites. J'ai eu l'occasion de dire récemment, de façon publique, à quel point je pense que l'École nationale de police au Québec joue un rôle déterminant dans la formation d'un personnel policier compétent, d'un personnel policier qui a les connaissances puis, jusqu'à un certain point, déjà, en sortant de l'école, une certaine expertise pour faire son travail. L'École nationale de police est enviée au-delà de nos frontières, elle joue un rôle-phare pour les pays francophones. Alors, félicitations à vous et votre équipe pour le travail que vous faites au quotidien, et ce, dans le but d'assurer la sécurité des Québécoises et des Québécois. Je sais... Je pense notamment au mémoire de l'APPQ, qui vous cite abondamment, dans vos interventions sur le projet de loi n° 46, insistant -- et je comprends leur préoccupation et je la partage -- insistant sur le fait que les enquêteurs... Et plus particulièrement je comprends leur préoccupation concernant les enquêteurs civils, la préoccupation à l'effet que les enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes aient toute l'expérience, la compétence requises pour effectuer leur travail, de telle sorte de nous assurer que, lorsqu'une enquête est menée à l'endroit d'un policier, que les policiers ont droit à la même expertise à laquelle a droit tout citoyen lorsqu'il fait l'objet d'une enquête de police. Je partage cette préoccupation.

Et j'écoutais votre présentation avec grand intérêt et je me disais, à vous écouter: Suggérez-vous qu'une personne civile, qui aura été soigneusement sélectionnée en fonction de son expérience et de son bagage professionnel, son bagage académique, suggérez-vous que cette personne doive subir toute la formation «from scratch», comme on dit en chinois, pour qu'on ait l'assurance que cette personne puisse exercer ses fonctions d'enquêteur au Bureau des enquêtes indépendantes de façon... avec toute la compétence requise?

**(11 h 30)**

Mme Gagnon (Marie): Merci, M. le ministre, de me soutenir et de m'aider dans l'expression de mon mémoire et des avis.

Je dirais qu'il est clair que c'est une question on ne peut plus pertinente, et ce sera un enjeu et un défi important pour l'École nationale de police, parce qu'on a vu dans le mémoire que nous recommandions que l'école développe, en collaboration avec le bureau, développe et assure la prestation d'une formation des professionnels qui seront sélectionnés.

Vous avez parlé... Mme la Présidente, on a parlé de l'importance de la sélection. Au départ, c'est crucial. Ce sont des candidats, des professionnels qui auront à porter un regard sur un processus d'intervention policière complexe. Donc, la sélection, si on se rappelle à l'intervention, aux recommandations des rapports Corbo et Bellemare... important au niveau de l'intégrité, de la capacité d'analyse, de l'objectivité. Et, quand on parle d'indépendance, il faut également parler beaucoup d'impartialité et des préjugés défavorables ou trop favorables. Ni l'un ni l'autre n'est favorable, dans le sens où il est important que les personnes qui seront sélectionnées, les civils et les policiers à la retraite, soient sélectionnées en fonction effectivement de cette impartialité-là.

Maintenant, la formation. La formation... Il est clair, Mme la Présidente, que l'itinéraire dont je viens de parler rapidement, tantôt, ne peut pas être le même. Par ailleurs, pour l'école nationale, l'important, c'est de former ces candidats-là à être capables d'exercer leur profession d'enquête, au Bureau des enquêtes indépendantes, au premier jour d'entrée en fonction. Et ce qui guide l'école dans cette formation-là à élaborer, c'est évidemment en continuité avec le règlement qui existe déjà sur les exigences minimales des enquêtes, en continuité avec le parcours de formation qui résulte d'une reconnaissance sociale importante et gouvernementale de la complexité des fonctions, de la fonction d'enquête et de l'importance de la formation qui s'y rattache. Nous, l'école doit assurer que ce soit un enseignement de niveau supérieur, que la cohérence et la continuité du règlement... que ça peut être différent mais que la continuité des exigences de base soit maintenue et que le travail d'équipe, dont on parlait tout à l'heure, qu'on faisait référence, l'importance de la supervision, du tutorat, du travail en collégialité entre des civils qui auront une qualification particulière, dont on aura défini la... définie, ainsi que des policiers en... des ex-policiers, ce travail-là d'expertise et de collaboration, un travail d'équipe, sera très important au niveau de la continuité de cette formation-là. Et la formation devra tenir compte également du profil de compétence, de la qualification, des qualifications, du bagage que ces personnes-là auront. Donc, voilà.

M. Bergeron: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

M. Bergeron: Mme la Présidente. Dans l'un de vos avis, vous insistez beaucoup sur le Centre d'évaluation des compétences et aptitudes professionnelles et avez une proposition que je vous inviterais peut-être à nous soumettre -- je vous donne l'occasion de vous reprendre un peu -- alors une proposition que je vous invite à nous soumettre. Mais je suis en train de me poser la question: Est-ce que vous suggérez ou est-ce que ce serait une bonne idée, en fait, que ce Centre d'évaluation des compétences et aptitudes professionnelles puisse être associé au processus de sélection des différents enquêteurs qui seront appelés à composer le Bureau des enquêtes indépendantes?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, je réitère encore toute mon appréciation pour être soutenue.

L'article 289.11, qui stipule, dans le projet de loi, que «les conditions minimales pour être enquêteur sont les suivantes: celles prévues au paragraphe 2° de l'article 289.9; ne pas être agent de la paix, autrement qu'à titre d'enquêteur du bureau», et stipule également qu'«un règlement du gouvernement établit les modalités et les critères de sélection des enquêteurs», à cet article, l'école se permet une proposition. L'école dispose depuis 35 ans d'un centre d'évaluation des compétences et aptitudes professionnelles qui possède une grande expertise du milieu policier. Composé d'une équipe multidisciplinaire formée de psychologues et de policiers retraités, le CECAP, qui est l'acronyme du centre, offre aux organisations policières et à des organismes reliés à la sécurité publique des services d'évaluation pour le recrutement de personnel policier et pour la sélection de différents niveaux de fonctions, notamment des fonctions spécialisées comme celle d'enquêteur. Son indépendance professionnelle et sa rigueur dans le processus d'évaluation peuvent être considérées dans l'établissement de modalités et de critères de sélection des enquêteurs du bureau. On parle ici de profil d'attitude, de profil de savoir, également de profil de savoir-être, des préalables exigés. Voilà, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Bergeron: Oui, bien, ce sera très bref, Mme la Présidente. Vous avez également un avis, une proposition quant au programme de formation qui pourrait être élaboré à l'égard des enquêteurs. Est-ce que vous pourriez nous en glisser mot?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, l'article 289.14 stipule qu'«un règlement du gouvernement détermine la formation que doivent suivre les membres du bureau».

L'école est d'avis que le règlement qui déterminera la formation des enquêteurs du bureau doit tenir compte du profil de compétences minimales déjà stipulé dans le Règlement sur les qualités minimales requises pour exercer les fonctions d'enquête dans un corps de police.

Elle se permet même une proposition. Dans une démarche d'élaboration du règlement, l'école peut participer, et, j'ajoute, en collaboration avec le Bureau des enquêtes... Je parlais tout à l'heure des assises de l'École nationale de police, des assises solides de concertation et de collaboration avec ses partenaires. Alors, en collaboration avec le bureau, l'école peut participer à la définition du profil de compétences dans le respect de la rigueur du processus d'élaboration et de diffusion de la formation, s'assurant notamment de bien comprendre préalablement la fonction de travail, de respecter les orientations stratégiques de l'organisation du bureau, d'intégrer les valeurs propres de l'organisation, de voir au développement professionnel, d'élaborer des scénarios représentatifs de la réalité de travail -- ce n'est pas tout de transmettre de l'information, il faut rendre la personne compétente à exercer les étapes et le processus d'enquête -- de développer les compétences nécessaires à l'entrée en fonction, de mettre en oeuvre la formation et d'en faire le suivi -- tout programme de formation, comme je le disais tantôt, doit rester vivant et qu'il soit l'objet d'un suivi serré -- de mettre en oeuvre des modalités d'actualisation des compétences, de faire de la reconnaissance d'acquis selon le profil et les qualifications déjà existants.

Naturellement, l'école est sensible, on ne peut plus sensible, aux droits des policiers et des citoyens d'avoir des personnes, des professionnels compétents pour exercer et appliquer le processus d'enquête. L'itinéraire sera différent de l'itinéraire, je le répète, dont j'ai parlé tout à l'heure mais rendra... mais travaillera sur la base d'une analyse de la situation de travail, sur l'analyse du rôle, les responsabilités du contexte de travail de ces professionnels-là, élaborera une formation qui les rendra aptes le premier jour de travail.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme Gagnon. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys pour un bloc de 10 min 24 s.

**(11 h 40)**

M. Poëti: Merci, Mme la Présidente. Je vais vous regarder plus souvent pour suivre l'heure.

On sera en avant d'un moment assez unique ici, à l'Assemblée nationale, où je suis 100 % d'accord avec le ministre de la Sécurité publique mais précisément sur les qualités de l'École nationale de police. Et je le dis sérieusement parce que j'ai toujours eu cet intérêt, évidemment, pour la police et, à chaque fois que je quitte le Québec, j'ai toujours, je prends toujours un peu de temps pour voir ce qui se fait ailleurs, et de loin l'École nationale de police, autant au niveau du savoir-être, du savoir-faire que des locaux que vous avez, de l'équipement que vous avez là-bas et de la qualité des gens qui y donnent la formation... Je tiens à vous féliciter pour ce travail-là, vraiment.

Et peut-être, encore, dans un esprit de collaboration, d'emblée, comme ça, peut-être pour une question de sauver du temps, vu qu'il y a une place vacante sur le comité de sélection, M. le ministre, moi, je suggérerais facilement Mme Gagnon, parce qu'autant j'étais en désaccord avec la Protectrice du citoyen, compte tenu de la neutralité qu'elle doit avoir dans ses dossiers, je pense que l'École nationale de police est tout à fait neutre et est responsable de la formation de l'ensemble des policiers et aussi des services spécialisés, à bien des égards. Il me semble de bon augure et peut-être une excellente idée de penser de vous avoir, vous, évidemment, ou un représentant de votre école sur le comité de sélection parce que le choix de ces gens-là est déterminant et important. Et qui mieux que ceux qui donnent la formation, qui sont capables de les évaluer, pour sélectionner la qualité des enquêteurs qu'on doit retrouver là-dessus? Alors, moi, c'est une proposition que je fais à M. le ministre. Peut-être qu'elle est... ce n'est pas aujourd'hui qui est le bon moment, mais je trouve qu'au bond, comme ça, c'est une bonne occasion de l'évaluer.

Deuxièmement, il y a toujours ce point-là qui vient en disant qu'il y a peu, au Québec, de policiers qui ont l'expertise, pas seulement la connaissance, mais l'expertise qui se gagne avec les années. On parle de 84 policiers. Est-ce que vous êtes plus ou moins d'accord sur le nombre de policiers actuellement, sachant... Vous connaissez un peu ce qu'on recherche pour le Bureau des enquêtes indépendantes. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce nombre-là au niveau policier, 84, plus ou moins 84, qui ont l'expertise pour devenir de futurs enquêteurs au Bureau des enquêtes indépendantes?

La Présidente (Mme Vallée): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, j'aimerais, d'entrée de jeu, dire effectivement -- profiter de la tribune qui m'est donnée, mais je sais que 10 minutes, c'est rapide -- effectivement que la formation policière et que l'École nationale sont un joyau québécois et de très grande qualité.

Maintenant, pour répondre à la question du député de Marguerite-Bourgeoys, je vais laisser M. Bureau vous clarifier le nombre de policiers...

Une voix: ...potentiels.

Mme Gagnon (Marie): ...potentiels.

M. Bureau (Paulin): Bon, écoutez, quand on parle de 84 policiers ou enquêteurs potentiels, il faut voir le volume de travail qu'il y aura à traiter dans les prochaines années. Alors, d'être d'accord ou pas sur le nombre, M. Poëti, je me prononcerais difficilement. Cette évaluation-là doit tenir compte de l'ensemble, de la somme du travail, et par la suite...

M. Poëti: ...question. Peut-être que vous avez mal saisi ma question. En fait, ce n'est pas sur le nombre qu'il y aura dans l'unité, mais, si on doit choisir à travers divers corps de police, combien vous pensez... Est-ce que c'est exact, le maximum, avec l'expertise des gros corps de police d'enquête, jusqu'à 80, 85? Est-ce que c'est logique de penser ça? C'est-u crédible, là, de dire ce chiffre-là?

M. Bureau (Paulin): Moi, je dirais, aux alentours d'une centaine de policiers au Québec détiennent l'expertise nécessaire pour oeuvrer dans de pareilles situations d'enquête spécialisée.

M. Poëti: Ça veut dire que, sur 15 000 policiers au Québec, plus ou moins une centaine reflètent peut-être l'expertise. Au niveau civil, sur l'évaluation que vous allez devoir faire, si un jour était le cas, est-ce que vous pensez qu'on aura, on a autant de gens qui sont... ou qui nous viendraient du civil, sans formation policière, qui auraient cette compétence et expertise-là, acquise non seulement du savoir mais à travers les années, de disponibles?

Mme Gagnon (Marie): Vous savez, quand on parle d'enquêtes indépendantes, Mme la Présidente, on parle d'enquêtes de complexité de niveau similaire à celui de crimes majeurs, niveau de complexité similaire en raison des impacts importants sur la personne, des impacts importants sur le nombre de personnes que l'on peut devoir enquêter, des impacts importants quant aux conséquences et à la poursuite possible criminelle, aux mises en accusation et l'importance des peines, l'importance aussi du sens parfois, là, cette sensibilité sociale et politique que peut revêtir un événement qui peut déclencher une enquête indépendante.

L'important pour l'école, c'est de tenir compte de différents aspects, au niveau de la formation, pour bien préparer ces candidats-là, les préparer le mieux possible lorsqu'ils auront été sélectionnés d'une façon on ne peut plus rigoureuse. Alors, c'est de tenir compte de l'ensemble des aspects organisationnels de l'intervention, de l'enquête, l'ensemble des valeurs, des directives, leur faire connaître ce qui s'enseigne, notamment au niveau de l'emploi de la force, notamment au niveau du volet légal de l'enquête, de la santé mentale, de la conduite automobile, de la conduite d'urgence. Ce qui est important, c'est l'aspect communication, l'aspect communication interne et externe, qui en bonne partie assure le travail d'équipe mais également la transparence.

Alors, je fais un rapide tour sur les dimensions, les considérants qui peuvent avoir un impact sur la formation, au regard de candidats qui ont un bagage, bagage différent, civil, qui vont arriver, qui seront sélectionnés.

M. Poëti: Une dernière question pour moi. Est-ce que vous êtes prête, aujourd'hui ou demain... Moi, je suis toujours aujourd'hui, je vis toujours pour aujourd'hui, le plus rapidement possible. Mais dans combien de temps, si tout ça fonctionnait rapidement... Est-ce que vous avez été consultée pour préparer un programme pour ce genre d'enquêteur là, éventuellement, ou est-ce que vous avez quelque chose déjà en poche que vous allez construire?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, nous avons déjà une analyse de situation de travail de la fonction d'enquête. On a déjà... Mais inévitablement elle pourra... Elle peut servir, elle peut être transposée dans la situation du Bureau des enquêtes indépendantes, mais inévitablement il va falloir bien comprendre le rôle de chacune des personnes, le contexte de travail et de tenir compte de l'ensemble des dimensions, là, dont j'ai fait le survol tout à l'heure, sur toute la... comment bien les former pour l'ensemble du processus d'enquête, de recueillir, d'analyser, d'organiser, de planifier, de divulguer également. Ce sont des étapes d'une enquête qui doivent être maîtrisées.

M. Poëti: Sans vous demander le nombre de temps en semaines, mais est-ce que vous seriez prête rapidement à former des enquêteurs, des gens civils qui n'ont pas la formation d'enquête, au niveau des policiers qui sont déjà enquêteurs d'expérience, pour faire partie d'une équipe, admettons, dans les quatre, cinq mois à venir?

Mme Gagnon (Marie): Nous avons ce qu'il faut pour rapidement se mettre en oeuvre pour analyser, définir le besoin de formation et d'élaborer un plan de formation, que j'avais dans ma conclusion tout à l'heure, Mme la Présidente, je n'ai pas eu le temps de lire, mais sur mesure.

M. Poëti: ...c'est l'Assemblée nationale, le temps. Merci pour moi.

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

M. Ouellette: Il reste...

M. Poëti: Il reste du temps?

La Présidente (Mme Vallée): Oui, il reste deux minutes.

M. Ouellette: Deux minutes?

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Deux minutes sur ce bloc-là? Merci, Mme la Présidente. Mme Gagnon, M. Saint-Antoine, M. Bureau, bonjour. C'est toujours très agréable de vous recevoir en commission. Et je souscris totalement à la suggestion de mon collègue que vous devriez faire partie des comités de sélection.

J'ai malheureusement entendu... Vous m'avez dit que vous pouviez vous virer rapidement pour être prêts, justement, s'il y avait des besoins, et on a entendu ça dernièrement dans le cadre d'un autre projet de loi, puis je pense que ça accroche dans le coude, là.

Ce qui est important, pour nous, pour l'École nationale de police, c'est que ça soit le lien en formation continue entre le Bureau des enquêtes indépendantes, pour qu'il y ait tout le temps une mise à niveau qui se fasse des capacités puis de tout le travail qui va devoir être effectué. Et c'est pour ça que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys vous demandait si vous aviez été consultée dans le cadre du projet de loi n° 12. Mais dans votre mémoire vous nous dites... vous aimeriez drôlement l'être dans le cadre des règlements. Ça fait que je pense que votre message est entendu. Et je pense que ça va brûler mon deux minutes, Mme la Présidente. Et on reviendra pour le prochain bloc, Mme Gagnon, à moins que vous ayez un petit commentaire rapide, rapide, rapide.

La Présidente (Mme Vallée): En fait, moi, j'ai un commentaire. Je dois demander la permission des membres de cette commission pour l'intervention de notre collègue de Chomedey. J'avais... C'est un vieux réflexe. On prenait pour acquis qu'il était membre de cette commission, mais on m'informe que le consentement des membres de la commission est requis. Je vois le visage du ministre. Alors, je comprends que j'ai consentement? Il reste une minute pour la réponse, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): J'ai dit que nous étions prêts à travailler sur un projet de formation et à regarder rapidement la situation de travail. Mais j'ai été... Je m'excuse, madame, je vais perdre... Mme la Présidente, mais j'ai un peu oublié la fin de votre question, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: C'était beaucoup plus un commentaire. Parce que, dans notre esprit, on veut que l'école de police, dans un souci de formation continue, soit impliquée avec le Bureau des enquêtes indépendantes. Et on vous a... mon collègue vous a demandé si vous aviez été consultée pour le projet de loi n° 12. Vous nous dites très clairement qu'il y a des choses d'écrites, dans le projet de loi n° 12, pour le règlement et là vous levez la main puis vous dites: On aimerait bien ça être partie à l'élaboration et à l'écriture du règlement.

**(11 h 50)**

Mme Gagnon (Marie): En fait, le législateur décidera si l'école contribue à l'élaboration de ce document. Quant à nous, le projet de loi stipule que le Bureau des enquêtes indépendantes sera considéré comme un corps de police. Lorsque nous associons cette information au fait que la Loi sur la police donne à l'école l'exclusivité de la formation initiale en enquête, notre interprétation nous prête à penser que l'école pourrait jouer un rôle crucial au niveau de l'élaboration du règlement.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le ministre, vous disposez d'un bloc de 12 minutes.

M. Bergeron: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je doute que je l'utilise complètement. Peut-être mes collègues auraient-ils quelque chose à ajouter, mais je pense qu'il y a lieu d'apporter quelques précisions, à ce stade-ci, Mme la Présidente. D'abord préciser que, oui, il y a des discussions informelles entre le ministère et l'École nationale de police quant à ce qu'il pourrait éventuellement advenir. Mais vous comprendrez qu'on ne peut pas s'aligner sur des consultations de grande envergure puis de commencer à rédiger les programmes, là. Le projet de loi n'est pas adopté. Ça prend un minimum de respect pour le processus législatif dans lequel nous sommes engagés présentement. Alors, évidemment, sans connaître la configuration du projet de loi tel qu'il sera libellé à la toute fin du processus, il y a quand même, évidemment, du travail préparatoire, préalable qui se fait actuellement puis qui nous permettra effectivement de procéder rapidement si tant est que le législateur choisit d'adopter le projet de loi n° 12.

D'autre part, il y a une question qui revient continuellement depuis le dépôt du projet de loi n° 12, puis j'aimerais aussi peut-être faire une mise au point là-dessus, c'est le bassin d'enquêteurs ou d'ex-enquêteurs qui pourraient éventuellement répondre aux besoins du Bureau des enquêtes indépendantes. J'aimerais ça, peut-être, qu'on en discute une fois pour toutes, pour qu'on puisse mettre ça derrière nous, puis arrêter de traîner ça comme un boulet continuellement, puis pouvoir passer à un autre appel, là. Actuellement, là, les enquêtes indépendantes peuvent être menées par tout corps de police de niveau 3 et supérieur. Alors, il y a trois corps de police de niveau 3, il y a un corps du police de niveau 4, il y a un corps de police de niveau 5 puis un corps de police de niveau 6. Le corps de police de niveau 6 compte dans ses rangs 100... non 100 enquêteurs -- le voilà -- 100 enquêteurs qui sont en mesure, demain matin, de faire des enquêtes indépendantes. Et là on ne parle pas des retraités, là. Puis il faut également prendre en considération que les besoins du Bureau des enquêtes indépendantes, en termes d'enquêteurs de crimes majeurs, vont être de l'ordre de six, sept enquêteurs. Alors, nous avons, je l'ai dit, je le réitère et je le réaffirme, le bassin suffisant, en termes d'enquêteurs ayant l'expérience, pour combler les besoins du Bureau des enquêtes indépendantes.

Alors, je ne voudrais pas qu'on traîne ça, là, comme une espèce d'épouvantail pour montrer qu'on n'est pas en mesure de répondre aux besoins. Nous sommes largement en mesure de répondre aux besoins. Il y a en moyenne une trentaine d'enquêtes indépendantes par année, et, avec une équipe d'une douzaine d'enquêteurs, on devrait être en mesure, d'après l'évaluation, de mener à bien cette trentaine d'enquêtes par année. Alors donc, on a le bassin d'enquêteurs requis pour répondre aux besoins du bureau. Alors, je veux dissiper toute ambiguïté, toute inquiétude, toute préoccupation à cet égard. Nous avons au Québec ce qu'il nous faut pour permettre au Bureau des enquêtes indépendantes de faire son travail.

Il y a dans votre mémoire, Mme Gagnon, à la page 6, une petite phrase qui a attiré mon attention. Parce que je comprends, là, que vous nous avez dit qu'il faudrait bâtir une formation qui soit adaptée au fait que nous aurons, parmi les civils qui seront sélectionnés, des gens qui auront un bagage d'expériences et un bagage académique qui va leur permettre d'être déjà à un certain niveau pour entreprendre la formation au niveau des enquêtes de crimes majeurs. Mais vous nous dites: «Par ailleurs, des modalités d'application du règlement -- vous nous parlez beaucoup de ce règlement -- prévoient qu'un policier peut exercer une fonction d'enquêteur sous la supervision d'un policier enquêteur après avoir réussi le cours Droit pénal pour autant qu'il termine sa formation au plus tard 30 mois après son entrée en fonction.» Est-ce que ça, c'est une disposition qui nous permettra effectivement de moduler la formation des enquêteurs indépendants, particulièrement les enquêteurs civils?

Mme Gagnon (Marie): On a parlé tout à l'heure, Mme la Présidente, de l'importance du travail d'équipe, de l'importance de la supervision et du tutorat, d'ailleurs tel que M. Bellemare l'avançait à l'époque dans son rapport. Alors, il est clair que les compétences des enquêteurs civils... prendra aussi son sens dans les compétences de l'équipe au niveau de la supervision et au niveau de la formation continue que les enquêteurs auront, tant par le temps, le temps qui va avancer, qui va leur donner davantage d'expérience, que par la supervision et le tutorat, le coaching, permettez-moi l'expression, et le nombre d'enquêtes qu'ils auront à faire.

Cela étant dit, je vais demander au directeur de la formation policière s'il a de l'information à ajouter à cet égard-ci, au regard de la modalité d'application du règlement dont on fait... dont on parle ici.

M. Bureau (Paulin): Mme la Présidente, on sait que le règlement s'applique aux policiers en exercice, et ce qui est stipulé dans le projet de loi n° 12... que l'équipe d'enquête indépendante sera associée à un corps de police du Québec, semblable à un fonctionnement de corps de police du Québec. Donc, il est évident... ce qui se passe ailleurs au Québec actuellement, peu importent les organisations policières, il y a, pour différentes raisons, des postes vacants qui se créent, et les gens qui sont dans des processus de sélection et qui ont acquis la formation en droit pénal peuvent oeuvrer avec un policier enquêteur reconnu, d'expérience. Donc, ça pourrait, je crois, aisément s'appliquer à l'équipe, à la future équipe d'enquêtes indépendantes.

M. Bergeron: Ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres interventions. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Je vais laisser terminer mon confrère sur...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Maintenant que vous m'avez autorisé à émettre certains commentaires...

Une voix: Non, c'était tantôt. Là, il faut recommencer.

M. Ouellette: Ah! non, non. Non, non, ce n'est pas à chaque fois.

J'aime beaucoup, Mme Gagnon, votre proposition aussi du Centre d'évaluation. Je pense que ça fait quelques fois qu'on en parle, dans des forums différents, et je suis un adepte de ce genre de procédure là qui te permet de tracer un portrait assez fidèle de la personne et qui va aussi permettre de préparer une relève. Parce que vous avez aussi la responsabilité. C'est beau, on va partir un bureau d'enquêtes indépendantes, on va assurer un suivi, etc., mais ça va changer la dynamique et la formation des prochains enquêteurs, de la prochaine génération qui pousse aussi. Il va falloir adapter nos pratiques, il va falloir adapter les outils que l'École nationale de police possède et va développer. Parce que ça, je suis très... on peut être assuré... Et je pense qu'on est tous conscients, M. le ministre le premier, que vous allez... Vous êtes déjà très proactifs, et puis déjà je suis sûr que vous vous êtes fait une tête là-dessus et vous en avez fait état dans votre mémoire, à la page 7. Est-ce que, selon vous, le Centre d'évaluation devrait être une condition, un critère, et devrait être obligatoire pour la première mouture du Bureau d'enquêtes indépendantes, et devrait être inclus dans tous les autres... dans la sélection de tous les autres enquêteurs?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, effectivement, notre mémoire inclut une proposition. Cette proposition est basée sur une volonté claire de l'école d'offrir des services qu'elle croit tout à fait appropriés au niveau de la sélection des candidats. De plus, le centre d'appréciation... le Centre d'évaluation des compétences et aptitudes professionnelles travaille dans l'esprit de bien adapter l'utilisation des outils, l'utilisation de la panoplie d'outils qu'il a à sa disposition pour les adapter aux aptitudes ou les adapter au profil souhaité par le Bureau des enquêtes indépendantes. Alors, une proposition, c'est tout près d'un souhait d'offrir les services. C'est un souhait d'offrir les services d'évaluation.

**(12 heures)**

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. À la page 9, je veux avoir un petit peu plus d'explications parce que là vous faites une affirmation. Vous dites: «L'itinéraire de la formation d'un enquêteur au Québec est unique.» Dois-je comprendre qu'on est en avant des autres? Ou dois-je comprendre que, par la formation de nos enquêteurs, par rapport à ce qui se fait au Canada, c'est très particulier puis qu'on a un meilleur encadrement? Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre? Ou est-ce que vous pourriez me préciser ce que vous vouliez nous indiquer en écrivant cette phrase ou en utilisant ces mots-là?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, je vais encore répéter quelque chose qui, pour moi, est fondamental et constitue une fierté. L'école... La formation policière au Québec, elle est en soi unique. Elle est de niveau supérieur. Le choix québécois de faire en sorte que tout policier doit avoir une formation préalable à celle de l'École nationale, doit avoir une formation de niveau collégial, d'enseignement supérieur et doit passer... le permis d'exercice est délivré à la fin de la formation de l'école, du programme de formation initial Patrouille et gendarmerie de l'École nationale, fait en sorte que le socle sur lequel s'appuie la formation des enquêteurs au Québec, plus de l'expérience pratique, est unique en son genre. Et, dans ce paragraphe-là dont on fait référence ici... Je vais lire la dernière phrase, qui dit qu'au Québec la formation des enquêteurs, c'est une approche, c'est un processus constructiviste, c'est-à-dire: «En somme, ce sont des savoirs professionnels qui se construisent au fil d'un cumul de formations initiales, de formations spécialisées et d'expériences pratiques.» Alors, l'esprit de développer une formation sur mesure pour les enquêteurs du Bureau d'enquêtes indépendantes s'inscrira, doit s'inscrire en continuité de cette qualité de formation-là.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Fabre, 3 min 30 s.

M. Ouimet (Fabre): Merci. Bonjour. À mon tour de vous saluer, vous remercier de participer à la commission, nous éclairer dans notre rôle de législateurs. Je veux simplement renchérir sur le commentaire que vous venez de faire sur l'importance de la formation. Je suis criminaliste, j'ai pratiqué pendant 25 ans et donc j'ai côtoyé des policiers sur le terrain, devant les tribunaux. Et moi, j'ai toujours considéré qu'un des avantages -- et c'est en lien avec la question de la formation -- un des avantages de la Charte des droits et libertés, c'est qu'elle nous a forcés, comme société, à améliorer nos services de police. Et nous avons, je pense, et on doit s'en réjouir, grâce à l'école de police, grâce aux efforts qui ont été consacrés à nos services policiers... comme société, on s'est améliorés. Nous avons des policiers hautement formés, compétents, et je pense que c'est au bénéfice de toute la société. Alors, ça, je pense qu'on doit s'en réjouir.

Sur la question de la formation, et je l'ai peut-être manqué dans votre mémoire, est-ce que vous abordez l'aspect déontologique du bureau? C'est-à-dire... Et là je vous pose la question, alors ce sera en même temps une question au ministre: Est-ce qu'on a songé à prévoir un code de déontologie applicable au Bureau des enquêtes ou si c'est par le biais de la phrase, dans la loi, où on dit que c'est «un corps de police aux fins de la réalisation de sa mission»? Alors, est-ce que, dans le cadre de la formation, il y a un volet déontologique? Et, si oui... et sinon est-ce qu'il y aura un code de déontologie applicable? Sur cette question-là, avez-vous des commentaires?

Mme Gagnon (Marie): En fait, tous les policiers du Québec sont formés, ont de la formation, de l'information sur la déontologie. La discipline est québécoise, là, c'est important de le dire. Mais je répondrais à cette question, Mme la Présidente, sous l'angle de la formation en éthique que l'on offre aux policiers. Tantôt, le temps m'a manqué, et j'ai passé tout droit des valeurs qui sont prônées, des valeurs qui sont enseignées de façon transversale à l'École nationale de police, notamment l'éthique, notamment l'éthique et l'intégrité, le sens des responsabilités. Et la formation des enquêteurs est également enrichie et caractérisée par des éléments d'éthique appliquée, qui sont d'ailleurs offerts par l'Université de Sherbrooke. Alors, le programme court universitaire pour la formation en enquête inclut trois crédits au niveau de la formation d'éthique appliquée, plus, naturellement, l'ensemble de la formation à chaque fois qu'elle est... à chaque occasion qui s'y prête de parler de l'importance de l'intégrité, de l'éthique dans les interventions, dans l'approche, dans les attitudes.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Il vous reste 15 secondes.

M. Ouimet (Fabre): Je vais les remettre dans le pot, ces 15 secondes. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: À mon tour. Là, j'ai 5 min 15 s?

La Présidente (Mme Vallée): Exact.

M. Duchesneau: Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, je ne reprendrai pas les propos de mes collègues. Je connais bien l'École nationale de police, j'ai siégé à son conseil d'administration et j'en ai été très fier.

M. le ministre, on va parler, à un moment donné, du bassin de policiers. C'est beau de donner des nombres, il y a des qualités qu'on doit aller chercher. Moi, j'ai vu des policiers chevronnés faire un stage à la section des homicides et retourner parce qu'ils n'étaient pas capables de gérer le stress, pas capables de témoigner à la cour. Et ça m'amène à parler justement de témoignage à la cour et de formation. 285 heures de cours données, c'est trois mois de formation, et ça, c'est pour la formation de base. Et, quand viendra le temps d'aller parler d'enquête spécialisée, je pense qu'on a beaucoup de formation à faire, mais, comme vous mentionnez si bien, une formation théorique ne peut pas remplacer le côté pratique. Et, dans ce genre d'enquête là, on ne pourra pas manquer notre coup. C'est-à-dire qu'on peut faire une très bonne enquête, une bonne étude de la scène de crime, de bonnes entrevues et des interrogatoires, mais l'enquêteur qui n'a aucune expérience, qui va aller témoigner devant les tribunaux peut faire déraper la cause aussi. Et ce n'est pas mieux si on réussit à amener une cause devant les tribunaux et qu'on la perd parce qu'on est mal outillé pour faire le travail.

On a toutes sortes de policiers, hein, comme on a toutes sortes d'avocats, de juges, de médecins. Moi, je ne voudrais pas avoir un médecin qui m'opère, qui a eu juste 100 % en théorie, quand il a passé son cours de médecin, mais qui n'a aucune compétence pratique, quand il vient le temps de m'ouvrir le ventre. Je ne suis pas sûr que j'aimerais la même chose. C'est la même chose pour un enquêteur.

Alors, je reprends votre... Votre marque de commerce, c'est l'empreinte du savoir. Ça, je pense... je vous l'accorde. Mais il y a la force d'être, et ça, ça va au-delà de la formation, et le pouvoir d'agir, c'est-à-dire avoir les éléments pour être capable de mettre un pied devant l'autre, et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.

Alors, ma question est: En matière de témoignage à la cour, de façon plus précise, est-ce que vous avez déjà regardé des choses? Je sais qu'il se donne des cours là-dessus, là, mais c'est là que ça va se jouer.

Mme Gagnon (Marie): Merci, M. le député de Saint-Jérôme, de me permettre d'informer, Mme la Présidente, la commission des cours et de la formation. On parle ici du témoignage à la cour. Moi, je dirais, si on parle de l'habileté de communication, de communication spécialisée, de communication de témoignage à la cour mais préalablement de communication au niveau des entrevues, des interrogatoires, des habiletés d'analyse des situations, d'analyse de l'aspect émotif des personnes à interviewer... et cette attitude-là doit faire partie... et je comprends très bien l'attente, tant au niveau de la sélection des habiletés de communication qu'au niveau d'éléments de formation, mais pas juste de formation théorique, mais bien de formation d'habileté de faire, de pratiquer de la communication et notamment, avec les exemples que vous nous donnez, notamment, Mme la Présidente, au plan d'intégrer dans notre formation des contextes de communication propres à un enquêteur au niveau des enquêtes indépendantes.

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

M. Duchesneau: O.K. Je reviens à mon point tantôt, le comité de surveillance dont j'ai parlé tantôt. Vous étiez présente. Comment vous verriez ça d'avoir des gens qui ne sont pas ni impliqués dans l'enquête ni dans des services de police mais qui seraient un peu des représentants des citoyens, qui veilleraient justement à ce que les choses soient faites de la bonne façon, au-delà de la supervision immédiate, j'entends, là?

Mme Gagnon (Marie): Est-ce que, Mme la Présidente, je pourrais appeler ça un deuxième... une ceinture et des bretelles? Alors, une...

M. Duchesneau: Vous avez le choix: la bretelle ou la ceinture.

**(12 h 10)**

Mme Gagnon (Marie): La bretelle ou la ceinture. Comme on ne peut pas être contre la vertu, je dirais que je laisse le législateur convenir de cette bretelle qui s'additionne à cette ceinture, voir la faisabilité, comprendre comment ce comité de surveillance là peut s'articuler, peut avoir tout son intérêt selon le réalisme.

M. Duchesneau: ...on apprend. Au niveau de, justement, entrevues et interrogatoires, encore là, ça se fait de plus en plus avec des simulations?

Mme Gagnon (Marie): Mme la Présidente, ça se fait avec des simulations, des entrevues filmées, dorénavant, des entrevues et des interrogatoires filmés, des simulations avec des comédiens. Alors, l'école possède, dans notre structure et nos orientations pédagogiques, de la formation à l'aide de comédiens qui permettent aux situations de coller au plus près à la réalité. Alors, on a déjà, dans nos formations d'enquête spécialisée, une formation de 80 heures sur les entrevues filmées de suspects qui sauraient, au niveau du savoir, là, du verbe «savoir», qui pourraient être contextualisées à la situation des enquêtes indépendantes.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme Gagnon, je vous remercie. Alors, ceci met fin à nos échanges. Et je remercie les membres de l'École nationale de police d'avoir partagé avec nous leurs observations.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures. Alors, je vous souhaite à tous une bonne fin de journée.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

 

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes.

Je souhaite la bienvenue à La Ligue des Noirs du Québec. La parole est à vous, et vous avez 10 minutes pour nous présenter le mémoire de votre organisation et nous présenter les gens qui vous accompagnent, M. Philip.

La Ligue des Noirs du Québec

M. Narcisse (Édouard): Mon nom, c'est Édouard Narcisse, membre de La Ligue des Noirs du Québec.

Mme Ngo Nyidi (Julienne): Julienne Ngo Nyidi, membre de La Ligue des Noirs du Québec.

M. Bazin (Gabriel): Dan Philip, président de La Ligue des Noirs du Québec, qui se passe de présentation, et Gabriel Bazin, votre serviteur.

Le Président (M. Marsan): Merci. Alors, nous vous écoutons.

M. Philip (Dan): Merci. Me Gabriel Bazin va vous... nous donner un résumé de ce que nous allons présenter aujourd'hui. Merci pour cette invitation.

M. Bazin (Gabriel): Le ministre de la Sécurité publique introduit le projet de loi n° 12 en constatant l'obligation de tenir une enquête indépendante dans les cas où, lors d'une intervention policière ou durant sa détention par un corps de police, une personne autre qu'un policier en devoir décède ou subit une blessure grave causée par une arme à feu utilisée par un policier.

D'entrée de jeu, nous comprenons mal comment on peut parler d'enquête indépendante si en même temps on identifie ce bureau comme un corps de police, selon les termes de l'article 289.5. Cet article est inapproprié dans sa conclusion, car ce bureau ne peut et ne doit être un corps de police.

Quant à l'article 289.7, nous estimons que les critères de sélection devraient, en plus de la base des connaissances, tenir compte également de l'engagement des candidats dans le domaine des droits de la personne.

Les enquêtes indépendantes. Il est du devoir des élus d'édicter des lois justes et claires pour garantir la sécurité des citoyens. Ce que nous voulons, c'est une société où la police ne doit pas se considérer comme un État dans l'État. Le public est inquiet quand on entend un maire -- le maire de Montréal -- dire publiquement en conférence de presse que le président de la Fraternité des policiers a voulu l'intimider. Nous sommes encore plus inquiets quand nous entendons ce dernier répliquer sans réserve qu'il a déjà tenu un pareil langage à des ministres dans l'ordre naturel des rapports des négociations sans que cela n'ait eu quelque écho que ce soit. Nous nous posons des questions, notamment celle de savoir si les enquêtes indépendantes serviront à garantir l'impunité des policiers ou rendre la justice dans notre société de droit.

Soyons clairs, il y a une culture de la force, du pouvoir abusif chez les policiers. La matricule 728 n'est pas un personnage isolé et rare, tout comme les policiers de Trois-Rivières. On a vu quatre policiers maltraiter un présumé voleur, couché face au sol, les bras écartés. Les policiers pourtant avaient écrit dans leur rapport qu'il avait résisté à l'arrestation, que leur vie était en danger, qu'ils étaient dans l'obligation d'utiliser la force nécessaire. La vidéo remise aux enquêteurs par un témoin indépendant prouve qu'il n'a jamais résisté à son arrestation.

**(15 h 40)**

Combien sont-ils, les citoyens honnêtes qui, suite à une intervention policière, se retrouvent avec des accusations d'entrave au travail des policiers, voie de fait contre les policiers? Ces cas ne sont pas rares. Ce qui est plutôt rare, c'est la vidéo au bon moment pour les citoyens brutalisés et sans défense.

Nous sommes dans une société de droit mais une société où le policier, après avoir agressé un citoyen, l'invite à aller porter plainte contre lui, à le poursuivre juste pour le rendre conscient de son impuissance, du fait qu'il n'aura pas droit à la justice, que la loi du plus fort est toujours la meilleure.

Il est temps que les procureurs de la couronne et les juges soient informés de l'existence du profilage racial et le reconnaissent de manière objective. Le profilage racial dans le système judiciaire semble «en partie responsable de la surreprésentation de certains groupes [racisés] dans le système carcéral, notamment les Noirs et les autochtones». Ce n'est pas la voix de La Ligue des Noirs mais du Barreau du Québec dans son mémoire à la Commission des droits de la personne sur le profilage racial.

Dans les notes explicatives d'introduction, le ministre écrit, au quatrième paragraphe: «Le projet de loi prévoit que le directeur de tout corps de police [fournisse] des services de niveau 4 ou supérieur doit mettre à la disposition du bureau les équipes de services spécialisés ainsi que les policiers requis par le directeur du bureau.» Est-ce pour renforcer et marteler l'idée que le bureau est un corps de police?

Une enquête indépendante menée par un corps de police n'est pas une enquête indépendante menée par une commission civile d'enquête indépendante, car, des enquêtes dites indépendantes menées par un corps de police, nous en avons déjà eu. Nous comprenons également que, si le projet de loi avait prévu la création d'une commission civile d'enquête indépendante, il pourrait tout aussi imposer à cette fin au directeur de tout corps de police ainsi qu'à tout membre ou employé de ce corps l'obligation de collaborer avec le bureau.

Tel que proposé, le bureau nous apparaît comme un autre corps de police, et le projet de loi ne le cache pas, d'ailleurs. Nous avons toujours plaidé pour une commission civile d'enquête indépendante, et notre position n'a pas changé là-dessus. Mais vous avez le pouvoir. Ce n'est pas nous qui faisons les lois, mais nous vous avons élus pour les faire. C'est à vous de savoir si le projet de loi répond aux justes attentes de la population désabusée par les enquêtes indépendantes du passé. Nous n'avons pas le pouvoir de changer les choses, mais vous avez l'occasion historique et le pouvoir de le faire.

Vous n'osez peut-être pas le faire parce qu'il faut ménager la chèvre et le chou, parce qu'il ne faut pas ébranler les colonnes du temple. Il semble qu'il faut rénover sans toucher aux vieilles structures policières. Ce qu'il faut en réalité, c'est un changement profond à la culture de brutalité policière personnifiée par la matricule 728.

Il faut une commission civile qui enquête sur le fonctionnement et l'administration de la police durant ces 20 dernières années, où on a connu des morts d'homme à cause de la brutalité policière et le manque de respect de la vie des citoyens.

Tout au plus, nous pouvons dire quelles sont nos attentes devant ce futur bureau: premièrement, la séparation des témoins et personnes associées à l'événement faisant l'objet d'une enquête, pour prévenir des témoignages arrangés et falsifiés. Les policiers impliqués dans l'événement devraient donner sur le vif un rapport d'événement, cela, en chambre séparée, aux premiers enquêteurs présents sur la scène.

Le projet de loi n° 12 est muet quant aux démarches et procédures de ce bureau. Il est question de la mission...

Le Président (M. Marsan): Excusez-moi. Excusez-moi, monsieur, il vous reste très peu de temps. Je vous demanderais peut-être de conclure à ce moment-ci.

M. Bazin (Gabriel): Ah! oui, oui. Mais je conclus bien vite.

Le Président (M. Marsan): D'accord.

M. Bazin (Gabriel): Il est question de la mission et de la composition du bureau, mais on nous parle très peu de son fonctionnement.

Nous nous attendons à ce que ce bureau présente au moins certaines garanties du défunt projet de loi n° 46, soit notamment la présence de l'observateur pour surveiller les enquêtes, mais un observateur indépendant avec des vrais pouvoirs.

Voilà pourquoi nous demandons une commission civile pour la tenue d'une enquête indépendante sous la juridiction du ministre de la Justice et non du ministre de la Sécurité.

Le ministre de la Justice a admirablement et courageusement déclaré une lutte sans merci contre l'homophobie. Nous espérons le jour où le ministère de la Justice fera autant contre le profilage racial pratiqué par les policiers, et ce sera justice. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et je vais donner la parole au ministre de la Sécurité publique. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour vos propos, vos observations, vos suggestions, qui, je pense, nous éclairent sur des préoccupations légitimes que vous avez.

Ceci dit, je me permets de vous signaler que j'ai été quelque peu surpris, à la lecture de votre mémoire, puisqu'il tranchait singulièrement sur la position initiale que vous aviez prise dans le dossier du projet de loi n° 12. J'avais eu le plaisir de recevoir une lettre de votre part, précédemment, qui se lisait comme suit au niveau du premier paragraphe: «Nous avons pris connaissance de votre initiative louable que constitue le projet de loi n° 12. En tant qu'organisme voué à la défense des droits du citoyen et ayant lutté longtemps pour l'instauration d'un comité indépendant dirigé par des civils lors d'incidents impliquant les policiers, nous estimons que votre projet de loi vient combler une attente de plus de 25 ans. Nous apprécions l'indépendance et le courage de votre gouvernement.» Or, je ne retrouvais pas cette évaluation éminemment positive du projet de loi n° 12 dans le mémoire que vous nous avez acheminé et je dois dire que j'en ai été un peu surpris. Ça m'est apparu être un revirement de situation pour le moins radical. Puis vous aurez probablement l'occasion, au cours des prochaines minutes, de nous exposer ce qui a bien pu se passer entre le moment où vous m'avez écrit cette lettre, je dirais, élogieuse et ce mémoire pour le moins vindicatif à l'égard du projet de loi n° 12.

Maintenant, vous avez abordé deux questions sur lesquelles j'aimerais élaborer brièvement, en fait trois, la première concernant le profilage racial. Vous soulevez là, je dirais, une problématique qui mérite toute notre attention et qui d'ailleurs a reçu toute l'attention du ministère au cours des derniers mois. Il y a énormément de choses qui ont été entreprises de ce côté-là, puis on pourra peut-être, de façon informelle, dans une autre circonstance, élaborer davantage sur tout ce qui a été entrepris du côté du profilage racial. Nous reconnaissons qu'il puisse s'agir d'une problématique réelle par rapport à certains policiers et certains corps de police, mais je vous dirai qu'il y a du travail qui se fait pour tenter de corriger la situation.

Maintenant, vous semblez être très critiques quant au fait que le projet de loi assimile le Bureau des enquêtes indépendantes à un corps de police. Je vous signale tout de suite que, contrairement à ce que vous pensez ou contrairement à l'impression que vous en avez, j'ai plutôt, moi, l'impression que c'est quelque chose d'éminemment positif et je vous explique pourquoi. D'abord, le fait que le corps... le Bureau des enquêtes indépendantes, qui, je le rappelle, sera composé de civils, exclusivement de civils... ce Bureau des enquêtes indépendantes sera assimilé à un corps de police en vertu de la Loi sur la police essentiellement pour deux raisons: la première, pour donner aux membres du Bureau des enquêtes indépendantes le pouvoir de faire enquête. Alors, il faut d'abord qu'ils aient le pouvoir de faire enquête. Ils doivent donc être assimilés à des agents de la paix et, pour ce faire, ils seront considérés en vertu de la Loi sur la police ou seront assimilés à un corps de police.

**(15 h 50)**

L'autre raison, c'est simplement pour faire en sorte que les policiers, ou du moins ceux qu'on aura assimilés à des policiers au sein du Bureau des enquêtes indépendantes, soient soumis au code de déontologie policière. Vous parliez tout à l'heure de préoccupations qui sont éminemment légitimes par rapport à des faits, des cas de brutalité policière. Mais les cas de brutalité policière sont des cas qui enfreignent ce qui constitue des infractions au code de déontologie. Alors, pour s'assurer que les membres du Bureau des enquêtes indépendantes soient soumis au même code de déontologie, nous assimilons le Bureau des enquêtes indépendantes à un corps de police, ce qui fait en sorte qu'ils seront soumis au code de déontologie. Ça m'apparaît être une protection, bien plus qu'une menace, que les membres du Bureau des enquêtes indépendantes soient soumis au code de déontologie policière.

Maintenant, le dernier point, j'ai eu l'occasion de l'évoquer ce matin, c'est cette proposition visant à faire en sorte que le Bureau des enquêtes indépendantes relève du ministre de la Justice plutôt que du ministre de la Sécurité publique. Je dois vous dire qu'on a examiné cette question-là. D'un point de vue structurel et organisationnel, ça cause, ça occasionne un certain nombre de problèmes. Mais au-delà de cela on nous a donné l'exemple de l'Ontario, par exemple, où l'équivalent du Bureau des enquêtes indépendantes, qui est bien différent de celui que nous proposons d'ailleurs, relève effectivement du ministre de la Justice. Mais le processus en Ontario est largement différent du nôtre. Par exemple, lorsqu'un policier mène une enquête, c'est lui, après consultation des procureurs, qui détermine si des accusations seront ou non portées. Donc, ça relève uniquement du chapeau du ministre de la Sécurité publique ultimement, et le ministre de la Justice n'est pas impliqué jusqu'au dépôt des enquêtes.

Au Québec, on a choisi de faire différemment. On a choisi de faire en sorte que les policiers mènent les enquêtes et qu'une fois que le résultat de l'enquête est terminé on le soumet au procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui relève du ministre de la Justice et qui, lui, détermine s'il y a lieu ou non de porter des accusations. Donc, nous avons déjà cette protection, dans le système mis en place au Québec, de séparation, si je puis dire, des pouvoirs, entre guillemets, entre le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Justice. Puis c'est cette protection qu'on a voulu se donner, en Ontario, en faisant en sorte que l'équivalent -- encore une fois, je dis ça sous toutes réserves parce que ce sont deux modèles très différents -- l'équivalent du Bureau des enquêtes indépendantes relève, en Ontario, du ministre de la Justice, alors que nous avons choisi ici que ce ne soit pas le cas.

Alors, je croyais important de faire ces mises au point pour éviter tout malentendu, tout malentendu quant à la portée du projet de loi, quant aux intentions derrière le projet de loi. Et, quand on parle, dans le projet de loi, de la possibilité, pour les directeurs de la Sûreté du Québec, du SPVM et du SPVQ, de mettre à la disposition du Bureau des enquêtes indépendantes les services spécialisés, c'est simplement pour nous assurer, d'une part, qu'il y ait la compétence professionnelle nécessaire au niveau des enquêtes... au niveau des services spécialisés, pour mener à bien l'enquête, mais le tout sous la supervision, bien sûr, du Bureau des enquêtes indépendantes.

D'autre part, vous l'avez souligné dans votre mémoire, il y a également l'obligation... je crois que vous aviez l'impression que tel n'était pas le cas, mais il y a également l'obligation, pour tout directeur de police et tout service de police à travers le Québec, de collaborer avec le Bureau des enquêtes indépendantes. Alors, je tenais à faire ces précisions-là pour éviter tout malentendu.

Et peut-être nous expliquer ce qui a bien pu se passer, comme je vous le signalais tout à l'heure, entre le moment où vous m'avez écrit une lettre fort élogieuse à l'égard du projet de loi et ce mémoire, qui se révèle beaucoup plus critique que je ne l'aurais cru au départ.

Le Président (M. Marsan): M. Philip.

M. Philip (Dan): Ce qui est important, c'est pour savoir qu'il y a presque 40 ans... nous luttons pour avoir une société plus juste, et nous avons fait des parcours, et, comme Me Bazin dit, nous avons beaucoup des expériences vis-à-vis l'action policière et citoyenne.

Je peux commencer pour dire: Quand vous avez précisé que vous allez faire quelque chose, nous étions très, très contents. Mais, quand nous lisons ce projet de loi et voyons comment ça se dit, j'ai vu que nous ne pouvons pas soutenir ça. En bon français, ça dit que «the devil is in the details». Et les détails ici nous laissent perplexes, comme tel, parce qu'avec notre expérience c'est des collusions, c'est des falsifications, et ensuite nous ne savons pas comment nous pouvons passer à travers de ça. Et c'est ça qui est notre inquiétude.

Le Président (M. Marsan): M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres commentaires?

M. Bergeron: Non, sinon que, comme je le disais tout à l'heure, vous soulevez des préoccupations qui sont éminemment légitimes. Et je pense, sans crainte de me tromper, que c'est sur la base de ces préoccupations que nous avons élaboré ce projet de loi, dans le sens où il y avait effectivement, à tort ou à raison... J'abonde dans le sens de mon collègue le député de Marguerite-Bourgeoys à savoir que je crois que dans la plupart des cas les enquêtes indépendantes ont été jusqu'à présent menées avec tout le professionnalisme auquel on était en droit de s'attendre de la part des policiers. Mais il y a eu quelques cas où il y a eu des doutes exprimés dans la population, et ces doutes ont jeté un... ont jeté un doute, pour reprendre... soyons conséquents, là, ont jeté un doute sur le mécanisme lui-même. Et, dans la mesure où il importe que la confiance de la population à l'égard de nos institutions soit préservée, il nous apparaissait important de mettre en place un mécanisme qui permette effectivement de prendre en considération ces points de vue que vous nous avez exprimés et qui m'apparaissent, je le réitère, totalement légitimes. Vous exprimez des préoccupations à l'égard d'observations que vous avez faites depuis, vous me dites, 40 ans, bien ces préoccupations-là ont été prises en compte, je dirais, dans la rédaction du projet de loi.

Maintenant, lorsque vous m'exprimez des préoccupations à l'égard du fait que nous assimilons le bureau des enquêtes indépendantes à un corps de police, je vous expose les raisons pour lesquelles on a décidé de prendre cette décision-là, mais encore une fois je vous réitère que ce n'est pas faire injure aux préoccupations que vous nous avez exprimées, au contraire, qui m'apparaissent éminemment légitimes, mais bien au contraire pour en tenir compte, justement pour soumettre le Bureau des enquêtes indépendantes au code de déontologie auquel sont régis l'ensemble des policiers.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer également sur le profilage racial, sur le fait que ça relève du ministre de la Sécurité publique. En d'autres termes, j'ai le sentiment, manifestement à tort, puis là peut-être aurez-vous... souhaiterez-vous, peut-être, m'éclairer, mais j'avais le sentiment, peut-être à tort, que nous répondions... et c'est ce que j'avais l'impression à la lecture de votre lettre en décembre dernier, j'avais l'impression que nous répondions à vos préoccupations. Et je constate que tel n'est pas le cas. Mais je ne suis pas sûr, pour être bien franc avec vous, en quoi le projet de loi ne répond pas à vos préoccupations, dans la mesure où je viens de faire quelques précisions qui vous expliquent pourquoi on pense effectivement que ledit projet de loi répondait à vos préoccupations.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous allons poursuivre le débat. Nous y reviendrons tantôt. Et je vais donner la parole au député de Marguerite-Bourgeoys, qui est le critique de l'opposition officielle en matière de sécurité publique. M. le député.

**(16 heures)**

M. Poëti: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier d'avoir soumis ce mémoire, de vous être présentés ici et de venir expliquer votre vision, votre point de vue, votre perception de la réalité policière au Québec, lors d'événements où il y a des gens qui perdent la vie ou qui sont blessés gravement.

Vous avez dit que nous avons été élus pour permettre à la société d'avancer, de trouver des solutions à des problèmes, de travailler avec les législateurs pour aller plus loin. Je peux vous assurer que c'est pour ça que je me suis présenté en politique, justement pour faire avancer les choses. Et, comme ex-policier, vous auriez pu vous attendre à ce que je ne collabore pas avec le gouvernement en place, pour une raison de partisanerie ou une raison strictement policière, parce que j'ai été 28 ans policier. Et, tout au contraire, ce matin on a fait une discussion sur la perception, et les perceptions parfois semblent être la réalité, et ce n'est pas toujours le cas. La réalité des corps policiers, la réalité des événements qu'on voit dans les rues sont parfois difficiles et pas tout à fait simples à travailler.

Le profilage racial, tel que vous le soulevez, permettez-moi d'être en désaccord à certains égards. Et je vais avoir une question pour vous, mais je veux vous faire le contexte de ma perception actuelle à moi. Est-ce que vous voyez une différence entre un profilage racial et un profilage criminel? Est-ce que vous convenez que le terme «profilage criminel» représente quelque chose, ou vous utilisez strictement le profilage racial?

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Philip ou M. Bazin? M. Bazin.

M. Philip (Dan): Je vais laisser Gabriel Bazin parler de ça, mais nous ne pouvons pas mélanger les deux, là.

M. Bazin (Gabriel): Le meilleur exemple que je puisse vous donner, c'est un Noir au volant d'une BMW, qui a été arrêté par un policier parce qu'il portait un nom considéré à consonance québécoise et un procureur de la Couronne, qui a dit: C'était normal, tout à fait normal que ce monsieur ne portant pas un nom haïtien, un nom africain devait être abordé, devait être enquêté. On sait que, dans la situation, dans une telle situation, l'infraction qu'avait commise ce M. de Bellefeuille, c'était plutôt une infraction psychologique, celle de conduire une BMW, et une infraction linguistique, celle de porter un nom considéré à consonance québécoise. Il y a, au bout du compte, un juge à la cour municipale, un procureur de la couronne. Fort heureusement, on est dans un système de droit. Les gens sont allés en appel puis ont considéré que ce n'était pas du profilage racial, que c'était du profilage criminel en première instance. C'est ce que le juge a conclu en première instance. Bon, c'est ça.

M. Poëti: Alors donc, je comprends que vous admettez ou vous comprenez qu'il y a une partie qui peut se retrouver profilage criminel. Pourquoi je vous pose cette question? Parce qu'honnêtement j'ai lu aussi votre document, et, dans l'esprit d'ouverture de vous aider, de répondre à vos besoins et à vos demandes, qu'est-ce que vous... qu'est-ce qui vous rassurerait? Vous, vous dites: Parce que, si c'est un corps policier, d'emblée c'est un corps policier. Je comprends -- dites-moi si j'ai tort: On n'a pas confiance parce que ce sera un corps policier. Donc, si vous le considérez comme un corps policier... Mais il s'agit de civils, d'un bureau indépendant de la police. Qu'est-ce que vous suggérez de différent que vous seriez satisfaits? Qu'est-ce que vous suggérez pour dire: Ça, là, on est contents. Vous sembliez l'être au début. Je comprends que la lettre, que je n'ai pas vue... vous étiez d'accord. Vous avez vu le projet de loi. Vous n'êtes pas d'accord. Je me demande: Qu'est-ce que vous aimeriez? Quel encadrement légal vous avez besoin pour faire confiance à quelqu'un qui fait une enquête sur un policier?

M. Bazin (Gabriel): O.K. Idéalement, pour ma part, ce que j'aurais suggéré, en plus de la base de connaissances dont on parle, il ne me suffirait pas tout simplement que ce soit un ancien juge ou bien que ce soit un avocat de 15 ans de carrière. Il faudrait que ce soit un homme engagé dans le domaine des droits de la personne, comme Me Cousineau, président de la Commission des droits de la personne. C'est un exemple que je donne. Cela m'aurait rassuré totalement.

M. Poëti: Et vous considéreriez que cette personne, pas celui... cette personne que vous avez nommée, mais le président des droits de la personne serait une personne neutre...

M. Bazin (Gabriel): Une personne neutre...

M. Poëti: ...plus qu'un juge à la retraite.

M. Bazin (Gabriel): Absolument. Absolument.

M. Poëti: Ça veut dire qu'à la base... Puis je suis un peu surpris. Vous me dites qu'un juge à la retraite, si ce n'était pas un avocat -- je vais jusqu'à un juge à la retraite -- pour vous, dans un chaise, un juge à la retraite, qui a fait sa vie en droit criminel, ne serait pas, pour vous, une personne neutre pour juger le résultat d'une enquête policière.

M. Narcisse (Édouard): Je peux répondre à cette question-là.

Une voix: ...va répondre à la question.

M. Poëti: Parfait, monsieur.

M. Narcisse (Édouard): La question, c'est que notre communauté n'a pas toujours accès à la justice. Il est déjà condamné à l'avance. Quand un policier fait un rapport contre un jeune Noir, qu'il soit à l'école ou pas, on le conditionne pour qu'il ne devienne pas quelqu'un. Automatiquement, le juge est d'accord avec le policier. Il est devenu un criminel. On le force à plaider coupable sur des choses qu'il n'a pas faites. Il est barré pour toute sa vie. C'est ça que vous n'arrivez pas à saisir. C'est qu'ils n'ont pas la même chance que tout le monde, ils n'ont pas l'égalité comme citoyens. Donc, les enquêtes policières... Arrivé devant le juge, le juge accepte ce que dit la police. Quelle que soit la défense qu'il va faire, ce jeune, il est barré. Il ne peut pas avoir accès à rien du tout dans sa vie, comme s'il devient marge de la... En devenant en marge de la société, ils se révoltent, ils forment des clans, ils deviennent des gangs.

Une voix: Donnez l'exemple des paroles...

M. Poëti: Alors, ça veut dire qu'actuellement, si je suis vos propos, vous n'avez pas confiance dans le système judiciaire actuel, là, des tribunaux qui existent au Québec. Vous n'avez pas confiance dans ce système-là.

M. Narcisse (Édouard): Ce n'est pas qu'on n'a pas confiance, c'est parce que cette confiance-là, elle n'est pas...

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): Alors, excusez-moi. Juste un instant. Alors, qui veut prendre la parole?

M. Narcisse (Édouard): C'est moi. Excusez-moi.

Le Président (M. Marsan): M. Narcisse? Alors, la parole est à vous.

M. Narcisse (Édouard): Je vais vous expliquer qu'est-ce qu'il est arrivé.

M. Poëti: Mais est-ce que vous avez...

M. Narcisse (Édouard): Devant un juge, un jeune a été accusé par la police, faussement d'ailleurs, mais a été acquitté plus tard. Le juge a refusé une caution. Le juge a refusé parce qu'il est Noir. Tous les Noirs sont pareils. C'est ce qu'a dit le juge. Ils sont capables... ils sont des criminels. Envoie-les dans leurs pays. Le Noir était né ici. Il dit: Envoie-le dans son pays. Dans quel pays qu'il doit aller? C'est prévu d'avance, c'est conditionné à ce que tous ces jeunes-là sont des criminels à l'avance. Ce n'est pas que... Je ne dis pas qu'ils ne commettent pas des actes criminels. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais au moins donne-leur la chance de se défendre. Tout le monde doit être innocent jusqu'à preuve du contraire. Mais ils sont condamnés à l'avance. C'est ça qu'on n'aime pas. C'est comme ça que fonctionne la société. La police dit... le juge est d'accord, et puis... tout de suite. Plaider coupable sur un point, et puis tu es fini pour toute ta vie.

Le Président (M. Marsan): M. Bazin.

M. Bazin (Gabriel): Et moi, personnellement, j'ai déjà entendu un juge dire: Toutes les fois qu'on se trouve devant la justice et qu'un policier nous arrête, c'est parce qu'on est en infraction.

M. Poëti: Écoutez, bon, c'est bien...

Le Président (M. Marsan): Une dernière intervention? Il vous reste une minute...

M. Poëti: ...parce que je voulais votre...

Le Président (M. Marsan): ...M. le député, une minute.

M. Poëti: ...je voulais -- merci, M. le Président -- je voulais votre perception sur notre système de justice, dans lequel j'ai toujours confiance, comme citoyen, aujourd'hui, et je me demandais quelle ouverture vous aviez. Parce que, nous, comme députés, comme élus du peuple, je pense qu'ici, si on est assis ici aujourd'hui, qu'on a un projet de loi, c'est qu'on a une ouverture pour tenter de trouver une solution pour que les enquêtes soient indépendantes, que la perception devienne réalité. C'est-à-dire qu'il faut que la perception... Si les gens, ce qu'ils pensent et si ce qu'ils voient... devrait être la même chose. Il ne faut pas que la perception soit plus forte que la réalité. On est tous ici ensemble pour essayer de trouver cette solution, et je voulais savoir, de votre part, quelle était votre solution. Mais vous me dites que, même le système de justice, vous n'y croyez pas. J'ai de la difficulté à trouver une solution. Honnêtement, c'est plus grave que je pensais.

Le Président (M. Marsan): Alors, en terminant, M. Bazin.

M. Bazin (Gabriel): Et permettez-moi de vous dire que nous avons entièrement, totalement confiance en Marc Parent, directeur de la police de Montréal. Nous ne sommes pas des jusqu'au-boutistes. J'ai totalement confiance en Marc Parent.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup.

M. Philip (Dan): Et une autre chose...

Le Président (M. Marsan): M. Philip.

M. Philip (Dan): ...nous devons préciser, quand nous parlons des enquêtes indépendantes, souvent, ça se dit, les policiers de Sûreté du Québec vont faire une enquête indépendante sur les policiers de Montréal, et les résultats, comme vous savez bien, c'est des collaborations et des uns et de l'autre, cacher des rapports. Comment nous pouvons avoir de confiance en ça? Et, deuxièmement, je peux vous dire, nous parlons des conditions de déontologie policière, et vous savez ça, je ne peux même pas décrire ce qui s'est passé dans la commission de déontologie policière.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Philip. Ceci termine cette partie du débat. Nous revenons avec la partie ministérielle, et je donne la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.

**(16 h 10)**

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je trouve que nous avons une discussion fort intéressante, sincèrement, qui nous expose des points de vue assez... diamétralement opposés mais des points de vue qui méritent d'être entendus. Et je vous remercie de nous faire part de vos préoccupations.

Je reviens sur le fait que le Bureau des enquêtes indépendantes serait assimilé à un corps de police. Comme je vous le disais, ça ferait en sorte que le bureau et ses membres seraient soumis à un certain nombre de règles stipulées dans la Loi sur la police, notamment à l'article 46: «Les corps de police, ainsi que chacun...»

Une voix: 48.

M. Bergeron: 48, pardon. Excusez-moi. «Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 [...] 69 -- puis on ajouterait 289.6 -- les infractions aux lois et aux règlements pris par les autorités municipales, [...]d'en rechercher les auteurs.» Et là c'est très important, ce que je vais vous lire: «Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.» En d'autres termes, le fait de les assimiler à un corps de police les soumet à sa disposition. Je me permets de vous la relire: «Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.»

Alors, ça m'apparaît encore et toujours être davantage une protection que cette assimilation de ce bureau composé de civils. Je le répète, le bureau sera composé exclusivement de civils mais, aux fins de la Loi sur la police, seront assimilés à un corps de police. Ce ne seront pas en soi des policiers, mais ce seront certainement des agents de la paix pour leur permettre de mener les enquêtes et ils seront assimilés aux dispositions pertinentes de la Loi sur la police. Et, contrairement au projet de loi n° 46, où ils n'avaient que pour mission de superviser les enquêtes, cette fois-là les enquêtes se feront sous leur responsabilité. Ce seront ces civils, dont certains seront d'ex-policiers, mais ce seront ces civils qui seront chargés de mener à bien les enquêtes. Alors, pour moi, c'est un point qui méritait d'être précisé.

Qui plus est, je faisais état tout à l'heure de ce qui a été fait dans la foulée des constats qui ont été faits, notamment par la Protectrice du citoyen, notamment par la Commission des droits de la personne en matière de profilage racial. Alors, il y a eu introduction du Guide des pratiques policières. Le Guide des pratiques policières, du ministère de la Sécurité publique, a été révisé afin d'y introduire un énoncé en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. Il y a eu rédaction d'un guide d'opérationnalisation en matière de prévention, de détection et d'intervention, en matière de profilage racial et social, qui est en cours de validation. Il y a mise en oeuvre du Plan stratégique en matière de profilage racial et social, intitulé Des valeurs partagées, un intérêt mutuel, par le Service de police de la ville de Montréal. Vous y avez fait référence tout à l'heure. Formation des patrouilleurs et des enquêteurs du Service de police de la ville de Montréal sur la manière d'intervenir auprès des minorités et des nouveaux arrivants, pour éviter justement le profilage racial. Et cette expérience du SPVM est en train de faire tache d'huile dans les autres corps de police au Québec. Adoption d'un énoncé de principes en matière de profilage racial par la Sûreté du Québec. Il y a un comité sectoriel sur le profilage racial, qui est formé et coordonné par le ministère. Il est composé de représentants de l'ADPQ, l'Association des directeurs de police du Québec, les corps de police de niveau 3 à 6, l'École nationale de police, le Commissaire à la déontologie policière, à titre d'observateurs.

C'est donc dire que la réalité que vous évoquez n'est pas niée. Nous en avons pris conscience et nous en avons tenu compte dans un certain nombre de façons de faire, tant au niveau du ministère qu'au niveau de certains corps de police. Et, comme je vous le disais tout à l'heure, j'ai le sentiment que nous en avons également tenu compte dans la rédaction du projet de loi qu'on a sous les yeux présentement. Et il appert que nous ayons un point de vue différent sur le fait que le projet de loi tient ou nom compte de vos préoccupations.

Mais je dois vous dire -- et ça ne fait pas foi, évidemment, de vos propres positions sur la question -- mais je dois vous dire que ce matin la Protectrice du citoyen, qui avait des réserves quant au processus actuel, qui avait des réserves quant au projet de loi n° 46, accueillait, de façon générale, très positivement le projet de loi actuel, puisqu'il donnait, selon elle, des garanties en termes d'indépendance, d'impartialité et de transparence et que la composition permettait justement d'atteindre ces objectifs. Alors, comme je vous disais, ça ne fait pas foi de votre propre position, mais je dois dire que j'étais plutôt rassuré par le point de vue qui a été exposé par la Protectrice du citoyen ce matin par rapport à des préoccupations comme celles que vous nous avez énoncées aujourd'hui.

Le Président (M. Marsan): Alors, qui veut prendre la parole? M. Philip.

M. Philip (Dan): Je dois vous remercier, M. le ministre, mais également je dois référer à la commission de déontologie policière, et ensuite pour dire comment cette institution n'a pas servi notre communauté. Et j'espère également quelque chose fait pour cette commission, pour essayer à avoir une semblance de la justice parce que nous souffrirons sous cette commission-là. Et j'espère que ça va réussir parce que moi, j'aimerais voir une société plus juste et plus équitable.

M. Bazin (Gabriel): Nous comptons sur vous, M. le ministre, et merci pour vos éclaircissements.

M. Bergeron: Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Alors, nous poursuivons. Et je vais donner la parole à M. le député de Fabre, au nom de l'opposition officielle. M. le député.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Permettez, M. le Président. M. le ministre, aviez-vous l'intention de produire la lettre que vous avez citée au départ? Je pense que ça pourrait compléter nos travaux.

M. Bergeron: Oui, oui, je peux la déposer. Oui, absolument.

M. Ouimet (Fabre): Je pense que ça offre un éclairage, disons, nuancé par rapport au projet de loi. Je pense que ça peut être intéressant pour nos travaux.

Le Président (M. Marsan): Alors, la lettre sera distribuée à tous les membres.

M. Ouimet (Fabre): Merci. Bonjour. Merci. J'ai eu l'occasion de vous saluer avant le député. Moi, je suis avocat de formation. J'ai pratiqué en droit criminel pendant 25 ans. Et moi aussi, comme vous, je souhaite une société plus juste, plus équitable. Et ce qui ne veut pas dire, en disant cela, que je ne considère pas qu'on ne vit pas dans une société juste, mais on peut toujours travailler à améliorer les choses. Et c'est dans cette perspective-là que tous les membres de l'Assemblée nationale travaillent. Je le constate, j'assiste à nos travaux, et vous contribuez à nous aider à atteindre cet objectif-là, même si -- je le constate à écouter les observations, vos remarques -- les perceptions peuvent être différentes de... Cette même réalité peut donner naissance à des perceptions différentes. Et c'est sur ça que, je pense, il serait important de ne pas perdre de vue, tout le monde... C'est que le projet de loi dont on discute a comme base, comme point de départ beaucoup un problème de perception et non pas un problème de compétence des enquêtes qui avaient... qui se faisaient, du travail qui se faisait, mais beaucoup il y avait un problème de perception.

Et c'est à cela que le projet de loi s'attaque, soit proposer des solutions. Il n'est pas parfait, on aura l'occasion d'en rediscuter, proposer des améliorations, mais c'est un pas dans cette direction d'améliorer la perception. Et je trouvais intéressant d'entendre le ministre, et à la lumière de vos commentaires, parce que, même à la lecture du projet de loi lui-même, vous aviez une perception qui ne correspondait peut-être pas à la perception du ministre, à la perception des parlementaires, dans notre lecture du projet de loi. Et l'exercice qu'on fait aujourd'hui, entre autres, et avec la diffusion de nos travaux, permet d'expliquer aux citoyens de quoi il s'agit exactement.

**(16 h 20)**

Et, sur la question de la perception... et je vais revenir sur un des points abordés par le ministre, qui, je pense, peut peut-être contribuer, on y reviendra, mais peut peut-être contribuer à créer une fausse perception, une perception erronée. C'est celle justement de faire du Bureau d'enquêtes indépendantes un corps de police. J'ai compris les explications du ministre sur la justification de cette disposition, mais, si on souhaite créer non seulement une perception, mais que dans la réalité il s'agisse d'un bureau indépendant, peut-être qu'il serait plus sage que le projet de loi dise spécifiquement, et non pas par référence à la Loi sur la police en créant un corps de police, qu'on incorpore dans notre loi toutes les dispositions nécessaires pour que le bureau ait les pouvoirs d'enquête dont il a besoin, et non pas y référer à la Loi sur la police en général, comme d'inclure un code de déontologie qui s'appliquerait au Bureau d'enquêtes indépendantes et non pas un code de déontologie qui s'applique aux policiers.

Et je le dis... évidemment, je profite de mon... de l'introduction, qui était sur la base des perceptions, parce que je pense que nous devons être conscients, comme parlementaires, que beaucoup des éléments de ce projet de loi... il faudra toujours se questionner sur la perception que va créer telle ou telle disposition, alors que notre objectif, c'est de créer un bureau avec des pouvoirs pour, dans le fond, réaliser des enquêtes, comme il se fait déjà. Mais pour toutes sortes de raisons ces enquêtes-là pouvaient être perçues comme n'étant pas complètes, comme n'étant pas indépendantes, comme n'étant pas impartiales. Et on entend... Puis nous, on est à même de le constater, on entend les deux côtés, on entend tous les groupes, pour réaliser que des groupes ont des versions complètement opposées de la même réalité. Alors, je pense qu'on est... il faut travailler pour donner l'heure juste, s'assurer que tout le monde va être rassuré, que, lorsque des enquêtes devront être faites, elles seront faites de façon indépendante. Et je pense que le projet de loi est un bon pas dans cette direction. Et je souhaite qu'à terme, lorsqu'on aura complété nos travaux, vous serez... la ligue, la communauté noire, les gens qui se sentent traités injustement vont être rassurés, jusqu'à un certain point, par ce geste-là des parlementaires, qu'il y aura un pas de plus fait dans la direction d'une société plus juste.

Mais je pense que c'est important et je tenais à vous remercier de nous rappeler le message que, malgré tous les efforts qui sont faits... et il y a des efforts faits par les corps de police, de la formation, mais à l'occasion il peut y avoir des comportements que tout le monde dénonce, des comportements à base de discrimination raciale. Et ce message-là est difficile à entendre, mais il faut le rappeler et le garder à l'esprit. Alors, merci.

Le Président (M. Marsan): Voulez-vous faire un commentaire?

M. Philip (Dan): Je vous remercie.

M. Bazin (Gabriel): Nous aurions aimé entendre mais le député Duchesneau dans sa sagesse.

Le Président (M. Marsan): O.K. Alors, je vais maintenant donner la parole au député de Saint-Jérôme. M. le député.

M. Duchesneau: De la sagesse, de l'âge. Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, M. Philip, on se connaît depuis, quoi, 30 ans minimum, on a fait, je pense, un bon bout de chemin ensemble, et, chaque fois que vous êtes intervenu, je pense que ça a aidé à faire progresser le service de police. Qu'on se rappelle seulement la sous-représentation des gens de la communauté noire au service de police. Suite à des interventions que vous avez faites et que le service de police a faites, on a même gagné un prix de la Commission des droits de la personne pour justement avoir augmenté cette représentation, et je pense que le service de police en est sorti grandi, de tout ça.

Me Bazin a parlé d'impunité des policiers. J'ai de la difficulté avec ça. Comme chef de police, j'ai congédié une vingtaine de policiers, pas qu'on se targue de faire ça, mais j'ai été très sévère. J'ai arrêté mon propre patron, qui a eu 14 ans de prison pour trafic de stupéfiants. J'étais un policier et j'ai l'impression, à vous entendre, que d'être policier, c'est comme si on n'est plus capable, justement, d'avoir de jugement, et je pense que c'est d'aller à l'autre extrémité. Est-ce que les policiers ne font que de bonnes choses? La réponse, c'est non. La preuve, c'est que M. Parent et tous les autres directeurs ont procédé justement à des congédiements. Mais il ne faudrait pas rester sur l'impression qu'on ne fait rien.

Vous avez parlé, à la page 11 de votre mémoire, d'Anthony Griffin, puis je pense que c'est à ce moment-là qu'on s'est connus, M. Philip. Le policier impliqué dans ce dossier-là, Allan Gosset, a été accusé au criminel. Ça s'est rendu jusqu'à la Cour suprême. Il a été acquitté deux fois. Alors là, ça va au-delà du projet de loi qu'on propose aujourd'hui. Si des policiers sont accusés mais acquittés par une cour de justice, bien c'est la même règle de droit qui s'applique, c'est la même justice que vous cherchez, mais elle doit s'appliquer à tout le monde. Alors, il ne faut pas aller... J'étais fier, M. Bazin, de dire: Vous n'êtes pas un absolutiste ou un jusqu'au-boutiste, puis je pense que c'est sage pour tout le monde qu'il en soit ainsi. M. Philip veut parler.

M. Philip (Dan): Nous n'allons pas là parce que ça va apporter un plus grand débat. Mais nous sommes là pour regarder qu'est-ce qu'on peut faire. Comme j'ai dit, 30 ans... nous luttons pour avoir des changements, et c'est notre souhait que cette loi-là va changer quelque chose. Parce que, pour aller sur Anthony Griffin, Marcellus François, on a beaucoup à dire jusqu'à présent. Je ne vais pas aller là.

M. Duchesneau: Mais c'est justement pour... Puis on l'a fait dès le départ, on a appuyé ce projet de loi du ministre. Est-ce qu'il peut être raffiné? La réponse, c'est oui, et c'est pour ça qu'on va là. Mais vous l'avez dit dans votre mémoire qu'il faut que la justice... Je l'ai souligné: «Justice retardée est justice niée.» Je suis entièrement d'accord avec vous. Il faut donc trouver la meilleure solution pour tout le monde, pour éviter... Puis on peut... Comme le disait mon collègue de Fabre, souvent c'est une question de perception. Il faut travailler pour que ces perceptions négatives disparaissent.

Le Président (M. Marsan): M. Philip.

M. Philip (Dan): ...la population générale a cette déception-là. C'est que nous sommes, nous véhiculons ce qu'est la perception de l'ensemble de la société, en majorité la société.

M. Duchesneau: Mais il ne faut pas oublier de dire qu'on a quand même progressé. Et vous avez été un élément de ce cheminement-là. Et aujourd'hui je ne perçois pas votre mémoire comme étant négatif, mais c'est un pas pour nous amener peut-être dans une société meilleure. Il faut remettre ça, je pense, dans le contexte.

M. Philip (Dan): Nous avons fait des pas, absolument, absolument.

M. Duchesneau: Et voilà.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Dan Philip, M. Gabriel Bazin, M. Édouard Narcisse et Mme Julienne Ngo Nyidi, pour nous avoir donné le point de vue de La Ligue des Noirs du Québec sur le projet de loi n° 12.

Et j'inviterais maintenant les représentants de la Coalition contre la répression et les abus policiers à venir à cette table.

Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 30)

Le Président (M. Marsan): Alors, bonjour. Nous reprenons nos travaux. Et nous sommes heureux d'accueillir les représentants de la Coalition contre la répression et les abus policiers, qui est représentée ici par M. Alexandre Popovic. Alors, ça nous fait plaisir de vous entendre, M. Popovic. Vous avez une dizaine de minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire. Nous vous écoutons.

Coalition contre la répression
et les abus policiers (CRAP)

M. Popovic (Alexandre): Merci. Alors, bonjour à tous et à toutes. J'ai trois mots à vous dire: justice, indépendance et transparence. Nous voulons la justice pour les victimes d'abus policiers et leurs proches. Nous voulons un bureau des enquêtes indépendantes qui soit réellement indépendant de la police et du pouvoir politique. Et nous voulons des enquêtes réellement transparentes.

Nous ne voulons plus que les policiers continuent à échapper à la justice criminelle lorsqu'ils fauchent des vies en abusant de la force et en conduisant dangereusement sur la voie publique. Nous ne voulons pas d'un bureau des enquêtes indépendantes qui sera dépendant du bon vouloir des policiers et dépendant des ressources des corps policiers et qui devra attendre la permission du ministre avant de pouvoir commencer à enquêter. Ça fait longtemps qu'on attend que le gouvernement du Québec se décide à créer un organisme civil et indépendant pour enquêter sur les décès aux mains de la police et autres incidents graves. Nous n'allons pas nous contenter d'un organisme qui est indépendant seulement que de nom. Nous voulons des enquêtes où les témoins civils et policiers sont traités sur un même pied d'égalité. Si les enquêteurs décident d'interroger une victime civile sur son lit d'hôpital, alors qu'ils en fassent autant avec les policiers.

Nous ne voulons pas que les enquêtes soient menées par des enquêteurs qui pensent comme des policiers parce qu'ils ont consacré 30 années de leur vie à faire carrière dans la police. Remplacer les enquêtes de la police sur la police par des enquêtes d'anciens policiers sur la police, ça revient à mettre du vieux vin dans des bouteilles neuves. Si c'est ça, le Bureau des enquêtes indépendantes, alors nous disons: Non merci! D'ailleurs, en excluant tout agent de la paix et ancien policier parmi les personnes pouvant occuper les postes de directeur et de directeur adjoint du bureau, le ministre ne reconnaît-il pas, à tout le moins implicitement, que la présence d'ex-policiers pose problème sur le plan de la perception du public? Alors, pourquoi devrait-il en être autrement pour les fonctions d'enquêteur au sein du bureau?

Nous ne voulons plus d'enquêtes où les médias étalent au grand jour la vie du défunt alors que les noms des policiers impliqués sont cachés au public. Quand un policier tue ou blesse un citoyen en lui tirant dessus, le public devrait être informé du nombre de balles qui ont été tirées par les policiers et quelles sont les parties de l'anatomie de la victime qui ont été atteintes. Nous ne voulons plus que les proches des victimes continuent à être tenues dans l'ignorance et que le public soit sous-alimenté en informations sur les incidents graves impliquant la police.

Or, il n'y a malheureusement rien dans le projet de loi pour remédier au déficit de transparence, qui constitue une des principales sources du manque de confiance des citoyens à l'égard des enquêtes sur les incidents graves impliquant la police. En fait, le projet de loi, dans sa forme actuelle, est tellement squelettique qu'il laisse de nombreuses questions sans réponses. Nous ne sommes pas consultés sur le projet de règlement alors que le projet de loi stipule que c'est un règlement qui va déterminer des questions aussi importantes que le déroulement des enquêtes du bureau, les obligations des policiers à cet égard ainsi que les modalités et les critères de sélection des enquêteurs.

Chose certaine, nous voulons un bureau des enquêtes indépendantes avec de vrais moyens. 12 enquêteurs pour une province comptant plus de 13 000 policiers, en excluant ceux de la GRC, voilà qui nous donne un ratio de moins de un enquêteur pour chaque 1 000 policiers. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est modeste. Et, si vous donnez des moyens modestes, alors attendez-vous à obtenir des résultats modestes, l'expérience ontarienne étant là pour le prouver. Les enquêteurs de l'Unité des enquêtes spéciales en Ontario ne faisaient pas bonne figure lorsqu'ils débarquaient à seulement deux ou trois sur un scène d'incident où se trouvaient déjà une vingtaine de policiers.

Le manque de moyens, ce sont aussi des enquêteurs arrivant en retard sur une scène d'incident, des enquêtes traînant en longueur et une opinion publique oscillant entre le scepticisme et le cynisme.

Nous demandons un bureau des enquêtes indépendantes avec de vrais pouvoirs coercitifs pour obliger les corps policiers et leurs membres à coopérer avec ces enquêteurs. Nous souhaitons un bureau des enquêtes indépendantes qui ne capitulera pas devant la moindre résistance des organisations policières mais qui saura au contraire susciter le respect en sachant imposer son autorité. Nous ne voulons pas d'un organisme qui devienne la risée de tous parce qu'il est démuni face à des policiers réfractaires qui n'en font qu'à leur tête, comme on l'a vu trop souvent en Ontario.

M. le ministre, nous ignorons quelles leçons vous avez tirées de l'expérience ontarienne, mais, si votre principal souci se résume à une question d'image, alors nous pouvons d'ores et déjà prédire que le problème de perception va persister si le bureau n'est pas adéquatement doté de pouvoirs et de ressources pour accomplir son mandat en toute indépendance par rapport au milieu policier. Et, si nous insistons sur ce point, c'est parce que nous sommes profondément convaincus que les problématiques des abus policiers et de la solidarité policière ne doivent pas être prises à la légère.

La problématique de la solidarité policière est à ce point réelle et profonde qu'un gouvernement péquiste a décidé de mettre sur pied une longue et coûteuse commission d'enquête présidée par le juge Lawrence Poitras, et ce, en pleine période de compressions budgétaires. Pour reprendre les propos du juge Denis, de la Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Taillefer, il est de connaissance judiciaire que la possibilité d'abus d'autorité dont pourraient être tentés certains policiers voulant profiter de leur position de force est une menace pour la démocratie. Avec plus de 150 décès de citoyens aux mains de la police depuis l'an 2000 au Québec, la problématique des décès aux mains de la police n'a rien d'insignifiant et mérite au contraire d'être traitée avec le plus grand sérieux.

Aux inconditionnels de la force constabulaire qui nous disent que la police fait un travail formidable, nous répondons qu'il y a des policiers qui nous donnent froid dans le dos. On pense ici à l'agent Gilbert Moreau, de la police de Montréal, qui a déjà déclaré à La Presse qu'il avait dormi sur ses deux oreilles après avoir abattu un homme qu'il a décrit comme n'étant pas une grosse perte pour la société, ajoutant qu'il serait prêt à recommencer 10 minutes plus tard. On pense aussi à ce policier de la Sûreté du Québec prénommé Michel, qui confiait au magazine Jobboom que ça lui faisait un petit velours de savoir qu'il faisait désormais partie du club de ceux qui ont tué.

À ceux qui nous disent que le problème des enquêtes de la police sur la police se résume à une question de perception du public, nous répondons que la nécessité des enquêtes indépendantes sur les incidents graves impliquant des policiers répond moins à un besoin de sauver les apparences qu'à la nécessité impérieuse de protéger les citoyens contre les bavures policières qui endeuillent les familles, contre les balles perdues qui blessent et tuent des passants, contre les policiers qui roulent à tombeau ouvert sur la voie publique, contre le pétage de face qui ne laisse pas que des séquelles physiques, contre les balles de plastique et les grenades assourdissantes qui défigurent et mutilent des jeunes qui ont toute la vie devant eux, contre les décharges électriques de 50 000 volts assimilables à une forme de torture, contre les Jean-Loup Lapointe, les Dominic Chartier et autres Stéfanie Trudeau.

Nous aurions aimé entendre le ministre de la Sécurité publique dire qu'il a à coeur la sécurité du public lorsque les images vidéo du passage à tabac d'Alexis Vadeboncoeur par des policiers de Trois-Rivières se sont mises à faire le tour des différents réseaux de télévision de l'Amérique du Nord. Au lieu de cela, le ministre a plutôt déclaré ceci: Comme il n'y a pas de son, on n'a aucune idée du contexte. Là, là, désolé, mais le contexte était pourtant on ne peut plus clair. M. Vadeboncoeur s'était couché face au sol, les deux pieds écartés, pendant que des policiers avançaient sur lui en pointant leurs armes à feu dans sa direction. Il n'était donc pas en position de résister physiquement au moment où des policiers se sont mis à le frapper lâchement à différents endroits sur son corps. Qu'est-ce que cela aurait bien pu changer, s'il y avait eu du son, alors que les images montraient clairement que M. Vadeboncoeur était soumis aux policiers? Les images ne parlaient-elles pas d'elles-mêmes?

C'est à cause d'incidents comme l'affaire Alexis Vadeboncoeur qu'on a besoin d'avoir des enquêtes indépendantes au Québec. Mais, même dans le meilleur des scénarios, où le Bureau des enquêtes indépendantes se verrait doté de moyens et de pouvoirs dignes de ce nom, on ne sera guère plus avancé si la décision de procéder aux mises en accusation de policiers continue à reposer entre les mains des procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales, dont la réticence à traîner les policiers devant les tribunaux n'est plus à prouver et qui agissent souvent comme s'ils étaient les avocats des policiers, comme on l'a vu dans l'affaire Villanueva. Autrement dit, si les enquêtes sur la police doivent être indépendantes de la police, le processus de mise en accusation des policiers doit l'être aussi, et il ne le sera pas tant et aussi longtemps qu'il sera la prérogative du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

**(16 h 40)**

M. le ministre, les victimes d'abus policiers et leurs proches ont soif de justice. Une victime de brutalité policière est souvent doublement victime parce que les accusations de voie de fait contre un agent de la paix s'ajoutent, bien souvent, aux coups et blessures. Quand est-ce qu'on va voir des policiers qui vont se faire accuser d'entrave à l'administration de la justice pour avoir écrit un faux rapport destiné à incriminer une victime de brutalité policière? Quand est-ce qu'on va voir des policiers qui ont du sang sur les mains aller faire un séjour en prison?

M. le ministre...

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Popovic (Alexandre): ...si vous voulez faire une vraie réforme, nous serons les premiers à dire bravo. Mais, si votre projet de loi va avoir pour effet de reproduire le même vieux système sous un autre nom, alors nous vous disons de regarder l'Ontario pour avoir la preuve que vous allez créer un mécanisme d'enquête qui va créer l'unanimité contre lui.

M. le ministre, vous êtes en position de réduire les souffrances des victimes et de leurs proches et vous avez le pouvoir de faire une vraie différence dans la société québécoise. Si vous vous êtes engagé dans la politique parce que vous voulez être un acteur du changement, alors ne manquez pas cette occasion unique qui s'offre à vous de par les importantes fonctions que vous occupez. Je vous remercie.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Popovic. Je vous rappelle que dans nos règlements, lorsque vous vous adressez ici, vous vous adressez toujours au président. Ça fait partie des règlements.

Et sur ce je vais laisser la parole à M. le ministre de la Sécurité publique pour commencer cette période d'échange.

M. Bergeron: M. le Président, je vous remercie.

Je tiens à vous remercier de votre témoignage à cette commission. Je tiens à vous rassurer, ce projet de loi ne vise pas, du moins pas dans mon esprit, simplement à préserver les apparences. Je suis de ceux, j'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer, qui pensent que dans l'immense majorité des cas les enquêtes indépendantes menées par des policiers ont été menées avec tout le professionnalisme auquel on était en droit de s'attendre de leur part. Il y a d'autres cas, puis je n'élaborerai pas sur ces autres cas, où c'était plus douteux. Et ces cas-là ont jeté une ombre, je dirais, indélébile sur la crédibilité du processus. Et cette crédibilité-là doit nécessairement être rétablie, parce que la force constabulaire constitue une de nos institutions, dans notre société démocratique, dans laquelle la population doit avoir confiance, autrement on est en problème.

Or, ce à quoi je pense me livrer, ce n'est pas qu'à un simple exercice de style. Je pense, et c'est ce que semblait nous dire la Protectrice du citoyen ce matin, que nous avons sous les yeux présentement un mécanisme assurant véritablement la transparence, l'indépendance, l'imputabilité. Vous pouvez avoir des points de vue divergents, puis c'est correct que vous les exprimiez. Puis c'est correct que vous vous attendiez à ce que les parlementaires que nous soyons prenions en considération ce point de vue, parce que je crois que le point de vue que vous exprimez traduit le point de vue... un point de vue qui est largement répandu dans la société puis qui mérite d'être pris en considération.

Cela dit, je me permets de signaler que la Protectrice du citoyen, pour qui le processus actuel devait être révisé, pour qui le processus prévu par le projet de loi n° 46 n'était pas suffisant, nous dit que là on a affaire à quelque chose de vraiment différent. Évidemment, comme je le disais tout à l'heure, le point de vue de la Protectrice du citoyen ne fait pas foi de vote propre position. Mais je dois dire que je suis plutôt rassuré de voir que, selon le point de vue de la Protectrice du citoyen, qui avait une opinion très critique à l'égard du processus actuel et du processus proposé dans le projet de loi n° 46, nous dit que là ça passe la rampe. Il y a certainement quelques petits trucs ici et là, mais ça passe la rampe.

Vous semblez considérer que tel n'est pas le cas, puis on va essayer d'approfondir ce en quoi vous estimez que tel n'est pas le cas, puis on va essayer de voir ce qui peut être fait pour bonifier le projet de loi de telle sorte qu'il réponde aux attentes du plus grand nombre et nous permette effectivement d'aller au fond des choses. Vous avez pris la peine, puis je me permets de le souligner, vous avez pris la peine de signaler que les gouvernements du Parti québécois n'ont pas eu peur de procéder aux réformes qui devaient être mises de l'avant pour améliorer l'institution policière. J'estime, peut-être à tort, j'estime que ce projet de loi permettra d'améliorer les choses. Je pense que c'est un pas en avant important. Je ne sais pas si vous êtes prêt à le reconnaître, mais je le pense sincèrement.

Maintenant, c'est sûr que... Puis j'écoutais vos propos concernant ma réaction aux événements de Trois-Rivières et je dois dire que j'ai été un peu surpris, pour ne pas dire choqué, de voir que vous avez décidé d'isoler une simple partie de mon intervention, alors que d'autres bouts de mon intervention allaient carrément dans le sens de ce que vous prétendez vous-même. Mais vous avez choisi ici, devant cette commission parlementaire, de ne pas en faire état. Point de vue partial? Point de vue partiel? Peut-être. Est-ce le cas de ce mémoire que nous avons sous les yeux? Peut-être.

Ce que j'essaie, comme ministre puis comme parlementaire, puis je pense que c'est ce que recherchent également mes collègues, c'est d'avoir le point de vue le plus large possible, qui inclut les préoccupations les plus larges possible, celles que vous nous exprimez de façon très éloquente -- je dois saluer, je dirais, le caractère très fouillé, très détaillé, très articulé de votre mémoire et je vous en remercie -- les points de vue que vous exprimez mais d'autres points de vue également, puis on essaie de prendre en considération ces points de vue là puis d'en arriver avec le produit qui soit le plus achevé possible au terme du processus.

Je vois que vous avez des réserves puis j'aimerais peut-être qu'on approfondisse là-dessus. Vous avez des réserves quant à un certain nombre de choses, quant au fait que d'ex-policiers puissent faire partie de cette unité. Moi, je postule, puis peut-être avez-vous un point de vue différent, vous saurez me le dire, mais je postule qu'il est important d'avoir, sur ce Bureau des enquêtes indépendantes, des gens qui ont la connaissance, je dirais, des règles de l'art, exprimons ça comme ça, en matière d'enquêtes de crimes majeurs. Mais il est important de préciser que le tout sera sous le contrôle de civils. Le directeur et le directeur adjoint ne devront pas avoir été agents de la paix, et la moitié des enquêteurs devra être composée de civils n'ayant pas été agents de la paix. Donc, il y aura, je dirais, un équilibre qui devrait rassurer celles et ceux qui pensent qu'on aura affaire simplement à un autre corps policier qui va reproduire les schèmes détestables qu'on voit dans les autres corps... ou qu'on prétend voir dans les autres corps policiers. Moi, je me dis: Si on veut s'assurer qu'on aille au fond des choses puis qu'on ait la compétence requise pour faire le travail, ça nous prend les gens qui ont cette expérience mais pas qu'eux, mais pas qu'eux. Alors, vous semblez avoir des réserves à cet égard-là.

Vous parliez tout à l'heure que le bureau doit attendre l'intervention du ministre. Je me permets de vous signaler que l'intervention du ministre, elle est, à certains égards, strictement symbolique, dans la mesure où il y a un automatisme qui est introduit dans la loi et qui existe déjà présentement. Lorsqu'il y a blessure grave, lorsqu'il y a décès, lorsqu'il y a utilisation d'une arme à feu, ce n'est pas au loisir, ou selon la volonté du ministre, ou de façon arbitraire. Il y a automatiquement déclenchement d'une enquête indépendante. Et c'est simplement pour respecter le mécanisme existant au niveau législatif que cette disposition-là est prévue dans le projet de loi. Mais il y a toujours automatisme. Il n'y a pas de discrétion, de la part du ministre, à l'effet de déclencher ou de ne pas déclencher une enquête indépendante. S'il y a blessure grave, s'il y a décès ou s'il y a utilisation d'une arme à feu, il y a déclenchement d'une enquête indépendante.

Vous avez des réserves concernant le code disciplinaire. Je précise à cet égard, d'ailleurs, que le fait d'assimiler le Bureau des enquêtes indépendantes à un corps de police va soumettre ce bureau au code de déontologie, et on devra éventuellement se doter d'un règlement au niveau d'un code disciplinaire. Vous y faites référence, dans votre mémoire, au code disciplinaire. Et évidemment ce règlement fera l'objet d'une consultation, tel que prévu par les us et coutumes en cette matière, là, il y a une consultation de 45 jours, puis vous aurez l'opportunité à ce moment-là de nous faire part de vos vues quant au règlement que nous proposerons.

Il y a également des préoccupations concernant l'obligation pour les corps de police de collaborer. C'est prévu également dans le projet de loi. Et je dois dire que vous avez une préoccupation à l'effet qu'il y a une discrétion encore quant au révéler les détails concernant l'enquête. J'ai eu l'occasion d'exprimer, ce matin, qu'un même policier ou un même incident impliquant un policier peut faire l'objet d'une enquête indépendante, peut faire l'objet d'une enquête en déontologie, peut faire l'objet d'une enquête en discipline puis peut faire l'objet d'une enquête du coroner. Alors, moi, je postule, puis j'ai peut-être tort, mais je postule que, si on révèle le détail de l'enquête, ça risque de contaminer les autres processus qui pourraient s'enclencher indépendamment de l'enquête indépendante.

Maintenant, il y a une préoccupation qui est réelle, puis vous avez raison de le souligner, on l'a évoqué ce matin aussi, à l'effet que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait être peut-être un peu plus explicite quant aux raisons qui l'amènent à ne pas intenter de poursuite, de telle sorte de rassurer le public, puis je pense que le message a été entendu puis qu'il y a du travail qui se fait de ce côté-là.

Enfin, c'est les commentaires que j'avais le goût de formuler puis sur lesquels j'aimerais peut-être que vous vous exprimiez.

**(16 h 50)**

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Popovic, la parole est à vous pour une période d'environ deux à trois minutes.

M. Popovic (Alexandre): Oui. J'ai appris cet après-midi que les enquêteurs du bureau allaient être soumis au Code de déontologie des policiers du Québec, et c'est une nouvelle pour moi, et ça suscite des questions sur le pourquoi de cette décision-là. Les enquêteurs vont enquêter sur les policiers, et vous me corrigerez si j'ai tort, mais, s'il y a des plaintes à être faites contre les enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes, elles seront faites par les policiers, forcément, à moins que je me trompe. Et pourquoi avoir prévu cela, que les enquêteurs du bureau soient soumis au code de déontologie policier? Est-ce que c'est parce qu'on pense... est-ce que c'est parce qu'on se dit: Les enquêteurs du bureau vont procéder à des arrestations de policiers? J'ai remarqué que dans le projet de loi les enquêteurs du bureau vont avoir des pouvoirs d'agent de la paix et qu'ils pourront prévenir et réprimer les infractions à la grandeur du territoire du Québec. Est-ce que les enquêteurs du bureau vont procéder à des arrestations de policiers? Et est-ce qu'il y a une crainte à l'effet que les enquêteurs du bureau pourraient faire preuve de force excessive en procédant à l'arrestation de policiers? Est-ce que c'est ça qui est à l'origine de la raison pour laquelle vous avez cru bon de prévoir que les enquêteurs du bureau pourront faire l'objet de plaintes en déontologie policière? C'est une question que je pose.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. le ministre.

M. Bergeron: Bien, je dois reconnaître qu'on est dans une situation un peu inusitée, parce que normalement c'est à nous de vous poser des questions, mais moi, je veux bien échanger avec vous sur la question. Mais il faut être bien conscient du fait que normalement la déontologie, c'est pour toute infraction impliquant le public. Alors, évidemment, un policier qui estimerait avoir été lésé dans ses droits pourrait effectivement recourir à la déontologie, mais les gens du public pourraient le faire également. Puis, pour répondre à votre question, oui, si la situation le justifie, il pourrait y avoir arrestation. Maintenant, là, on est dans le fin détail, là, mais, oui, c'est le genre de chose qui pourrait être prévu éventuellement.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Merci, M. le Président. Écoutez, je vous remercie d'avoir présenté ce document-là, qui est très étoffé, sur votre perception, vos opinions et évidemment votre questionnement sur ce projet de loi là, dont je comprends d'emblée qu'à sa face même vous êtes tout à fait contre le projet de loi. Est-ce que c'est une erreur de dire ça comme ça? Tel que vous l'avez lu, là.

M. Popovic (Alexandre): En fait, l'année dernière, nous avons participé aux consultations particulières sur le projet de loi n° 46, et notre position était sans équivoque, notre position était le rejet pur et simple du projet de loi n° 46, qui n'a d'ailleurs pas été adopté. Dans ce cas-ci, nous avons produit un mémoire dans lequel nous avons formulé de nombreuses recommandations, hein? Dans notre mémoire, à aucun endroit nous ne prônons le rejet du projet de loi n° 12. Donc, nous voyons un projet de loi qui nous déçoit, et, on ne se le cache pas, il est bien en dessous de nos attentes. Mais est-il possible de l'améliorer? On n'aurait pas produit un mémoire avec autant de recommandations si on n'avait aucune... si on ne pensait pas que c'était possible, si on ne pensait pas qu'il y avait place à l'amélioration. Mais cependant nous tenons à le souligner qu'il y a un danger à créer un bureau des enquêtes indépendantes qui répète le système actuel, qui répète les problèmes qu'a connus l'Ontario et que continue de connaître l'Ontario. Et c'est ça, le signal d'alarme qu'on tient à faire entendre aujourd'hui. Il ne suffit pas de créer un bureau des enquêtes indépendantes pour avoir des enquêtes réellement indépendantes. Il faut des véritables garanties d'indépendance, et, ces garanties, malheureusement, on ne les retrouve pas encore dans le projet de loi. Et le but de notre intervention, c'est de le signaler et c'est d'inviter le législateur à apporter, à donner de véritables garanties d'indépendance pour que la confiance du public soit véritablement fondée sur des faits, sur une réalité, bien au-delà de la perception.

M. Poëti: Bon, alors, je comprends que, ce projet de loi là, si je fais une comparaison avec le 46, vous avez une ouverture, c'est-à-dire qu'on pourrait arriver à quelque chose avec vos recommandations. Vous l'appuieriez si on modifiait des choses dans le projet de loi. Contrairement à 46, que c'était non complètement, vous dites que, celui-ci, il y a de l'ouverture. Maintenant, j'ai regardé évidemment votre rapport, je regarde les recommandations que vous faites. Vous étiez dans la salle tantôt, j'ai posé la question au groupe qui vous a précédé, très court, qu'est-ce qui vous ferait plaisir? Qu'est-ce qui, vous pensez... De quelle façon ça devrait fonctionner? Parce que vous dites: L'Ontario, ce n'est pas bon, le Québec, on a un assez gros problème avec ce que... 46, c'était non, puis 12, bien, peut-être. Mais c'est votre document. Qu'est-ce que vous avez besoin pour avoir confiance dans un bureau indépendant des enquêtes policières? Qu'est-ce qui vous plairait? Qu'est-ce que vous pensez qui serait acceptable pour vous?

M. Popovic (Alexandre): Je l'ai dit et je le redis, il faut exclure les anciens policiers des enquêtes indépendantes.

M. Poëti: Donc, pour vous, un ancien policier ne pourrait pas... selon vous, ne pourrait pas être intègre dans une enquête qu'on appelle d'un dossier ministériel, là, qui enquête d'autres policiers.

M. Popovic (Alexandre): Ce n'est pas ça que je dis. Mais je dis que, pour avoir une garantie d'indépendance... Quand on dit «indépendance», c'est par rapport à qui, c'est par rapport à quoi? C'est par rapport au milieu policier.

M. Poëti: Donc, vous, ça ne serait que des civils. Juste pour... Parce que pour l'ensemble, là, je comprends votre point de vue, mais je veux vraiment le cerner. Donc, pour vous, il faudrait que ça ne soit que des civils, sur... les enquêteurs, et pas d'anciens policiers. Vous savez qu'un policier retraité... Vous savez, moi, aujourd'hui, je suis un politicien, je suis député, je me considère comme un civil. J'ai été un ancien policier, alors je ne correspondrais pas à vos normes, là. Donc, ce que vous dites, vous, c'est qu'il faut absolument que ce ne soit pas un ancien policier, donc que des civils. Puis quel type de formation qui, selon vous, serait idéal? Est-ce que c'est encadré, ça?

M. Popovic (Alexandre): Bien, écoutez, si on parle de faire des enquêtes criminelles, alors les enquêtes criminelles, là, ce n'est pas, comment dire, ce n'est pas quelque chose qui est inné. Ce sont des connaissances qui s'acquièrent, qui s'inculquent. Si les policiers peuvent apprendre à mener des enquêtes criminelles, n'importe qui, n'importe quel citoyen, avec la formation nécessaire, la formation de base, peut mener des enquêtes criminelles. C'est aussi simple que ça, d'accord? Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait s'inspirer de la Colombie-Britannique, à ce chapitre-là, qui ont... Le législateur, en Colombie-Britannique, l'a inscrit dans le projet de loi, l'objectif est: cinq ans après la création de l'Independent Investigations Office -- c'est le nom du mécanisme d'enquête en Colombie-Britannique -- cinq ans après la création, il ne doit plus y avoir aucun ancien policier parmi les employés et enquêteurs de ce mécanisme civil, en Colombie-Britannique, d'accord? Et nous disons que c'est la voie à suivre. L'indépendance des enquêtes sur la police doit exclure les policiers en tant qu'enquêteurs.

**(17 heures)**

M. Poëti: Donc, n'importe qui, si je reprends vos mots, n'importe qui qui irait suivre une formation pourrait, serait apte à devenir un enquêteur dans ce bureau-là. C'est ce que vous avez dit?

M. Popovic (Alexandre): Bien, n'importe qui certainement. Il y a des cours, il y a une formation à passer, il y a des notes. Oui, ce sont des choses qui s'acquièrent.

M. Poëti: Non, mais c'est votre opinion, ce n'est pas... Vous savez, ce n'est pas un reproche, là, je ne fais pas... je ne vous mets pas en boîte. Je veux savoir ce que vous pensez.

M. Popovic (Alexandre): Alors, c'est ça que...

M. Poëti: Je veux savoir ce que vous pensez pour que nous, on soit capables de travailler puis voir comment on peut faire pour essayer de regrouper l'ensemble des gens pour contrer cette perception-là ou, selon certaines personnes, certaines réalités, mais je pense qu'on est en avant aussi beaucoup d'une perception. Quand vous avez soulevé tantôt: On ne sait pas le nombre de projectiles qu'une personne a été atteinte, le policier Déry a été tué à Inukjuak... Kuujjuaq il y a quelques jours. On ne saura pas le nombre de balles. Le caporal Lemay, qui est décédé à Oka, on ne sait pas le nombre de balles qui étaient... Je veux dire, est-ce que c'est important? Vous avez souligné ça, il faudrait qu'on sache ça. C'est pour ça, j'essaie de vous suivre dans qu'est-ce qu'on peut suggérer au ministre. Parce que notre participation, c'est d'essayer de suggérer, de dire... de satisfaire vos attentes. Maintenant, si à la base même la police, pour vous, elle ne représente pas un point d'intégrité, on est en avant d'un autre problème.

Mais merci d'avoir répondu à ce bout-là. Donc, je comprends que, pour vous, il faut que ça ne soit que des civils qui fassent ça, avec une formation reliée au travail d'enquêteur. Est-ce qu'il faut qu'ils soient agents de la paix? Est-ce que vous voulez, est-ce que vous pensez que ça serait idéal qu'ils soient agents de la paix pour procéder aux arrestations, aller à la cour, faire les témoignages, préparer les dossiers pour les procureurs?

M. Popovic (Alexandre): C'est... «Agent de la paix», là, si on pourrait trouver un autre nom qu'«agent de la paix»...

M. Poëti: C'est le terme légal, c'est juste pour ça.

M. Popovic (Alexandre): Bien, je réponds à votre question, puis c'est...

M. Poëti: Il faudrait trouver un autre nom.

M. Popovic (Alexandre): Disons qu'on serait plus à l'aise de trouver une autre désignation mais avec les mêmes pouvoirs. Mais on ne va pas s'enfarger dans les fleurs du tapis, là, aujourd'hui avec ça. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est: Investissons dans les civils, investissons dans le pouvoir civil. C'est ce qu'on dit aujourd'hui. Et faisons confiance aux civils, aux citoyens. Avec la formation adéquate, les civils seront capables de faire des enquêtes criminelles de haute qualité.

Et, sur la question de la transparence, nous le disons... Et l'expérience ontarienne est très intéressante à cet égard-là. L'Unité des enquêtes spéciales a pour politique de ne divulguer aucune information sur les enquêtes. Alors, qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là, lorsqu'il y a un incident, lorsqu'il y a un citoyen qui perd la vie aux mains de la police? Là, il y a les gros titres dans les journaux, il y a les gens qui ouvrent les journaux puis qui essaient de comprendre c'est quoi qui s'est passé. Ils n'ont pas de réponses à leurs questions parce que l'Unité des enquêtes spéciales ne donne aucune information. Mais par contre ce qui se passe, c'est que ça n'empêche pas un citoyen qui a été témoin de l'intervention d'aller parler aux journalistes puis d'aller donner de l'information. Puis il peut y avoir de l'information qui circule aussi sous le couvert de l'anonymat, et ainsi de suite. Alors, ce n'est pas à cause qu'on dit que le bureau ou le mécanisme d'enquête ne peut divulguer aucune information sur l'incident sous enquête qu'il n'y aura aucune information qui va circuler dans les journaux. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que le public a droit à l'information et que c'est une garantie pour la confiance du public. Si on n'informe pas le public, il va y avoir un problème de confiance du public envers le mécanisme d'enquête.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous revenons avec le parti ministériel, et je redonne la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bergeron: Bien, ce sera très bref, M. le Président. J'ai eu l'occasion d'évoquer, de soulever un certain nombre d'objections puis de préoccupations de notre témoin, puis j'essayais de donner réponse à ces préoccupations-là, puis je lui demandais peut-être de réagir à mes commentaires. Je sais qu'il n'a pas eu beaucoup de temps pour le faire. Peut-être voudra-t-il le faire dans les prochaines minutes. Mais je crois qu'il y a mon collègue qui souhaite lui poser une question.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Rouyn-Noranda?

M. Chapadeau: Témiscamingue. Il ne faut jamais l'oublier.

Le Président (M. Marsan): Témiscamingue aussi, c'est ça. Allez-y. Vous avez la parole.

M. Chapadeau: Bien, écoutez... Merci, M. le Président. Écoutez, j'ai... Évidemment, vous comprendrez que je n'ai pas eu le temps de lire l'ensemble de votre documentation, mais quand même je salue, là, votre venue à cette commission parlementaire là et le travail que vous y avez mis. J'ai lu rapidement, là, certaines de vos recommandations. Mais en même temps j'essayais de voir. Vous êtes... Votre organisme n'est pas au registre des entreprises. Et, ce que j'ai trouvé par rapport à l'organisation -- puis là je vais vous laisser l'opportunité de nous parler de votre organisation -- la CRAP rassemble des organismes ainsi que des individus de différents horizons. Moi, j'aimerais ça que vous me parliez de quels sont ces organismes, quels sont ces individus, combien de membres vous représentez, là. Dans le fond, parlez-nous de votre organisation, pour qu'on en sache un peu plus, parce qu'avec l'information que j'ai là c'est très peu par rapport... pour vous... apprendre à connaître votre organisation et connaître le nombre de membres que vous représentez, et ces individus-là, les organismes que vous dites, là, que vous représentez, là. C'est ce que j'ai vu sur votre... sur le site Web.

M. Popovic (Alexandre): Oui, bien, lorsque la Coalition contre la répression et les abus policiers a été formée, c'était en août 2008, suite au décès de Fredy Villanueva à Montréal-Nord. À ce moment-là, il y a eu une réaction importante de la part de la communauté à Montréal-Nord et à l'extérieur de la communauté. Il y a eu un groupe collectif à Montréal-Nord qui s'est formé, qui s'appelait, qui s'appelle toujours, d'ailleurs, Montréal-Nord Républik. Et au sein de la coalition on compte des gens de ce collectif, aussi, à l'origine, le Collectif opposé à la brutalité policière, qui est une organisation qui existe depuis fort longtemps, des gens de milieux communautaires, étudiants, et ainsi de suite. Ça, c'était vraiment au début, quand on a commencé avec la coalition.

Je ne vous cacherai pas, là, qu'on est une organisation avec des moyens très modestes. Ce n'est pas pour rien que vous ne nous avez pas trouvés dans le registre des entreprises. Bien, tout d'abord, on n'est pas une entreprise.

Mais disons que ma présence ici, ce n'est pas vraiment pour parler, là, de la coalition non plus. Enfin, je ne sais pas si j'ai pu répondre un peu, là, à votre question là-dessus, mais nous, si on est ici, c'est vraiment pour parler du projet de loi, là. On ne veut pas utiliser la commission, les travaux de la commission comme une vitrine pour parler de notre organisation, là.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Oui, dernier commentaire? Allez.

M. Chapadeau: On ne voulait pas non plus que vous utilisiez... comme une vitrine pour parler de votre organisation, mais c'était pour en savoir davantage surtout par rapport au nombre de membres que vous représentez, là. Les gens qui viennent ici, on les connaît plus, mais là, dans votre cas, on a peu d'informations par rapport à ceux que vous représentez. Donc, le but de ma question était d'en savoir davantage sur l'organisation et sur le nombre de membres que vous représentez.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie M. le député de Rouyn-Noranda--Témiscamingue. Et, sur ce, je voudrais vous remercier, M. Alexandre Popovic, qui nous avez donné... Vous nous avez donné le point de vue de la Coalition contre la répression et les abus policiers. Alors, merci.

J'invite maintenant les représentants du Barreau à se présenter à la table.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

 

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Barreau du Québec. Et je vais vous demander d'abord de vous présenter, et ensuite vous aurez une période d'environ 10 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 12.

Barreau du Québec

M. Masson (Louis): Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, donc, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, je me présente: Louis Masson, bâtonnier du Québec. Je représente le bâtonnier, Me Nicolas Plourde, et je suis accompagné, à ma droite, de Me Lucie Joncas et, à ma gauche, de Me Maxime Roy, tous deux membres du comité permanent du Barreau du Québec en droit criminel, et ainsi que Me Marc Sauvé, directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec.

Nous avons pris connaissance du projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes et nous sommes heureux de répondre à l'invitation de la Commission des institutions pour lui faire part de nos commentaires. Les commentaires du Barreau vous ont été transmis hier sous la forme d'une lettre du bâtonnier, Nicolas Plourde, adressée au ministre de la Sécurité publique.

Le Barreau a pour mission d'assurer la protection du public. La protection du public passe bien sûr par le contrôle de l'exercice de la profession, mais la protection du public passe aussi par la promotion de l'État de droit. La mise en place d'enquêtes indépendantes améliore l'État de droit et contribue à rehausser une chose extrêmement importante, la confiance des citoyens envers la justice.

Il est important de considérer que la position du Barreau en matière criminelle découle des travaux de son comité consultatif permanent en droit criminel, composé de praticiens de la défense et de praticiens de la poursuite. La composition de ce comité permet au Barreau d'atteindre l'équilibre nécessaire dans ses prises de position en la matière.

Nous vous présenterons nos observations autour de quatre thèmes: premièrement, l'application des normes d'enquête; deuxièmement, la mixité de ce bureau d'enquête; troisièmement -- Me Joncas vous fera cette présentation -- l'obligation de reddition de comptes du bureau; et finalement la formation des membres.

Premier volet, donc, l'application des normes d'enquête. Le projet de loi fait suite au projet de loi n° 46, intitulé Loi concernant les enquêtes policières indépendantes, qui avait été présenté en 2012 à l'Assemblée nationale. Le projet de loi n° 46 prévoyait l'instauration d'un bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes, dont le mandat était de surveiller le déroulement des enquêtes afin de vérifier si elles sont menées de façon impartiale.

Lors des audiences sur ce projet de loi n° 46, le Barreau a accueilli favorablement la possibilité d'introduire dans la Loi sur la police une enquête indépendante pour les interventions policières armées causant des blessures corporelles graves ou des décès. Dans son mémoire présenté en commission parlementaire, le Barreau du Québec a exprimé son souci de transparence, de qualité et de compétence des activités du bureau de surveillance et de ses membres et recommandait d'appliquer aux enquêtes policières indépendantes les mêmes normes que pour toute autre enquête. De l'avis du Barreau, cette condition était essentielle pour rassurer le public sur le processus et la qualité de ses enquêtes.

Cette recommandation visait surtout à éviter la collusion ou l'apparence de collusion entre les personnes visées par l'enquête, ce qui est de nature à miner cette confiance du public dans les enquêtes qui portent sur des interventions policières armées ou causant des blessures corporelles graves ou des décès. Nous croyons que les enquêtes indépendantes doivent s'inspirer de cette recommandation que nous avions formulée en 2012 à l'égard du projet de loi n° 46 de l'époque.

Deuxième volet, la mixité du bureau. L'ancien projet de loi n° 46 a engendré un important débat en commission parlementaire au sujet de la composition de l'entité chargée de l'enquête sur les interventions policières armées ayant causé des blessures graves ou un décès.

Certains témoins ont souligné la nécessité d'évacuer les policiers du processus d'enquête afin d'en assurer l'impartialité, en préconisant une composition civile du groupe chargé à cette fin. D'autres ont mis l'accent sur les objectifs d'impartialité, mais surtout sur l'efficacité de l'enquête, en indiquant que la présence de policiers actifs et à la retraite pouvait conférer au groupe chargé de l'enquête une expertise importante aux fins de son mandat. D'ailleurs, ces témoins ont souligné les difficultés pratiques rencontrées en Ontario alors que la province a privilégié un modèle de groupe chargé des enquêtes composé uniquement de membres, entre guillemets, civils.

Nous sommes toujours d'avis que l'impartialité et la rigueur du bureau qui sera chargé des enquêtes visées par le projet de loi n° 12 seront rehaussées s'il est composé de civils, de policiers à la retraite de même que de membres du Barreau et de magistrats à la retraite. Et nous sommes heureux de constater que c'est là la volonté du gouvernement, telle que nous la comprenons à la suite de la déclaration d'ouverture de ce matin.

Nous aborderons maintenant le troisième volet de notre introduction, la reddition de comptes, et je vais inviter Me Roy à poursuivre la présentation. Me Roy.

Le Président (M. Marsan): Me Roy.

M. Roy Martel (Maxime): Merci, M. le bâtonnier. En fait, le Barreau du Québec constate que le projet de loi n° 12 ne prévoit aucun système de reddition de comptes au public, contrairement à ce qui était prévu au projet de loi n° 46. À notre avis, pour donner plein effet et, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée, M. le ministre, ce matin, également l'apparence de justice sur les enquêtes qui portent sur des interventions policières, il y aurait lieu de prévoir une obligation de rendre publiques les conclusions des enquêtes qui portent sur une intervention policière ayant eu comme résultat des blessures graves ou un décès. Cela permettrait au public d'être informé des décisions des autorités chargées de telles enquêtes.

Par conséquent, nous croyons que cet élément, prévu, comme je le disais, à l'ancien projet de loi n° 46, pourrait être inclus dans le projet de loi n° 12, évidemment avec les modifications qui s'imposent.

Sur le quatrième point, qui consiste à la formation des membres du bureau, je cède la parole à ma collègue Me Joncas. Mais évidemment on sera disposés à répondre à vos questions éventuellement.

Le Président (M. Marsan): Me Joncas.

Mme Joncas (Lucie): Alors, le Barreau s'interroge sur la nature de la formation des membres du bureau pour accomplir leur mission, et particulièrement celle des enquêteurs. À ce sujet, le projet de loi n° 12 indique qu'un règlement du gouvernement déterminera la formation que doivent suivre les membres du Barreau.

Des explications sur le contenu de cette réglementation à venir sont nécessaires pour rassurer les intéressés quant à la compétence des enquêteurs et la qualité des enquêtes. Le Barreau souhaite voir un équilibre dans la composition du bureau, comme semble soutenir le ministre aujourd'hui.

En conclusion, le Barreau du Québec est convaincu que la confiance du public dans le processus d'enquête indépendante sera rehaussée si la procédure adoptée a pour effet de minimiser le risque de collusion entre les personnes visées par l'enquête et d'augmenter la transparence de l'enquête, tout en s'assurant de l'expertise des enquêteurs et de la rigueur des enquêtes.

Alors, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions suite à nos observations.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Et je vais donner la parole au ministre de la Sécurité publique, qui est député de Verchères, pour débuter nos travaux immédiatement.

**(17 h 20)**

M. Bergeron: Je vous remercie, M. le Président.

Je vous remercie de votre présentation, de ces observations judicieuses et éclairantes quant au projet de loi n° 12. Je crois comprendre que votre position initiale, exprimée dans la lettre que vous nous avez transmise, est un peu, je dirais, pas modifiée mais teintée, si je puis dire, par les précisions qu'on a apportées depuis ce matin quant à la composition du bureau, quant à la formation qui serait donnée, les explications qui ont été données par la directrice de l'École nationale de police, par exemple, ainsi de suite. L'objectif effectivement est de nous assurer d'avoir une force... un bureau des enquêtes indépendantes qui puisse mener une enquête avec tout le professionnalisme auquel on est en droit de s'attendre dans ce genre de circonstances. Je crois que les policiers ont droit aux mêmes niveaux d'enquêtes que ceux auxquels ont droit les différents citoyens dans le cadre d'une enquête menée par un corps de police.

Je vois qu'il y a une préoccupation, de votre part, quant au fait de... quant à la reddition de comptes. Je vois que vous avez suivi attentivement les travaux depuis ce matin. Je pense que vous m'avez certainement entendu dire que ma préoccupation, quant au fait que le bureau lui-même rende publiques ces informations... j'y vois peut-être un problème. Vous saurez m'éclairer quant à mes appréhensions, mais j'y vois peut-être un problème par rapport aux autres procédures pouvant éventuellement être menées en termes de déontologie, en termes disciplinaires ou en termes d'une enquête du coroner. J'exprimais davantage l'opinion que ce genre de précisions devraient être données par le DPCP une fois qu'il a rendu sa décision quant à l'opportunité ou non d'intenter des poursuites.

Je vois, à la page 3 de votre lettre, dernier paragraphe... Vous nous dites: «Par conséquent, nous croyons que cet élément de l'ancien projet de loi n° 46 pourrait être inclus dans le projet de loi n° 12, avec les modifications nécessaires. Ainsi, à l'instar du projet de loi n° 46 qui prévoyait que le directeur du bureau avait -- j'ouvre les guillemets -- "l'obligation de rendre publique, dans tous les cas, l'appréciation du bureau quant au caractère impartial ou non d'une enquête indépendante" -- je ferme les guillemets -- le projet de loi n° 12 pourrait prévoir l'obligation de divulgation au public des conclusions de toute enquête lorsqu'il est recommandé qu'il n'y ait pas de suite sur les plans déontologique ou criminel à une enquête.» Bon.

Je reprends les éléments dans l'ordre. La citation que vous reprenez du projet de loi n° 46, elle est très sympathique, à sa lecture, puis je n'y vois pas de problème. Mais le problème, cependant, c'est que dans le projet de loi n° 46 le bureau avait comme objectif de regarder la conduite d'une enquête par un corps de police et de déterminer si oui ou non, à leur point de vue, l'enquête avait été conduite de façon impartiale. C'était un regard extérieur de l'enquête. Or, je vois mal que le bureau se prononce sur l'impartialité ou non d'une enquête qu'il aurait lui-même menée. Donc, il y a là une nuance importante par rapport au projet de loi n° 46. Alors, comment réconcilier cette proposition que vous faites avec la nouvelle réalité qui est que dorénavant ce serait le Bureau des enquêtes indépendantes qui conduirait les enquêtes, et non pas qui émettrait une opinion sur le processus mené par une corps de police? Ce sera à vous de nous l'exposer.

Maintenant, quant à la deuxième partie, ça m'apparaît être une mise en garde opportune. C'est-à-dire, on pourrait prévoir l'obligation de divulgation au public -- et là je m'engage sur un terrain qui n'est pas le mien, qui est celui du ministre de la Justice -- des conclusions de toute enquête, lorsqu'il est recommandé qu'il n'y ait pas de suite, sur les plans déontologique -- on pourrait ajouter -- disciplinaire ou criminel, à une enquête. Alors, si on est assuré que de toute façon cette enquête-là ne va pas conduire ni à des suites au niveau déontologique, ni à des suites au niveau disciplinaire, ni à des suites au niveau criminel, ni éventuellement à quelque conclusion, je dirais, prêtant à conséquence de la part du coroner, là, vous dites qu'on pourrait éventuellement rendre publiques les conclusions de l'enquête. Ça m'apparaît, je le réitère, une mise en garde opportune, mais il faut reconnaître que ça fait beaucoup de «si» pour savoir si on va rendre public quoi que ce soit, là.

Le Président (M. Marsan): Alors, Me Roy.

M. Roy Martel (Maxime): Oui. Quant à la reddition de comptes, moi, je dis tout de suite que c'était un caractère qui était très résiduel dans notre analyse, là. C'est-à-dire que nous... Premièrement, le point de vue du Barreau, c'était de dire: Ce qui est important, c'est qu'il ne faut pas exclure les policiers du processus. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, par contre, c'est qu'il ne faut pas, par souci de transparence, mettre de côté la qualité puis la compétence. Alors, c'est vrai que la reddition de comptes n'est pas aussi évidente à faire que dans le premier projet de loi n° 46 parce que ce n'est pas le même mécanisme qui est en place. C'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai parlé uniquement des conclusions des enquêtes. Je n'ai pas parlé de tous les faits au soutien d'une décision. Et évidemment j'ai dit que ça devrait être adapté lorsque c'est possible de le faire. Parce que, oui, on vous a entendu émettre les commentaires sur la question de la reddition de comptes.

Moi, je vais parler en ce qui me concerne. Pour nous, ce qui est important, du point de vue du comité, c'est de dire: Ceci, c'est un exercice pour... Il y a eu un déficit de confiance de la part de la population à l'égard de policiers qui enquêtent sur les policiers, hein, et le gouvernement veut intervenir pour redonner confiance aux gens lorsque les policiers sont accusés d'infraction. Bien, à ça... Et ça, c'est ma collègue Me Joncas qui sera plus à même d'en parler, mais nous, notre point de vue, du comité, c'est de dire: Une des choses qui choquent la population, c'est de voir les distinctions, hein, la dichotomie entre le traitement du simple citoyen face à un policier. Mais là, en même temps -- et on en a parlé la dernière fois qu'on est venus face au projet de loi n° 46 et on ouvre un peu une boîte de Pandore -- c'est que, et ça, le projet de loi n'en parle pas, la Loi sur la police prévoit et crée un statut particulier pour un policier.

Un policier n'a pas, comme tout autre citoyen en droit criminel canadien, le droit de dire: Moi, je ne parle pas aux policiers. Un policier, lorsqu'il est concerné par un incident d'un autre policier, doit parler, doit faire un rapport, doit donner une déclaration. Et concrètement ce qu'on voit, c'est que ça met les enquêteurs dans une position sensible, parce qu'ils doivent déterminer rapidement: Est-ce que tel policier sera éventuellement uniquement un témoin ou il sera un accusé, hein? Parce que, s'il est un témoin, bien c'est l'article 262 de la Loi sur la police qui s'applique, et, s'il est accusé, c'est l'article 263, et il aura à ce moment-là tous les mêmes droits que n'importe quel autre accusé. Par contre, si on a obtenu une déclaration immédiatement de sa part en vertu de l'article 262 et qu'éventuellement il devient un accusé, on ne pourra plus utiliser cette déclaration-là contre lui ou à son endroit.

Ça, c'est une des premières préoccupations, à mon avis, qui a toujours été occultée. C'est ce point-là. Mais vous en avez parlé ce matin dans votre ouverture, et ça, on était satisfaits de l'entendre, de dire... Les termes que j'ai gardés, c'est que vous avez dit: L'encadrement des enquêtes sera assuré par l'établissement de normes applicables, notamment, quant aux délais de production... et de rencontre des policiers. Et ça, c'est un point qui préoccupe beaucoup le comité parce que c'est un point aussi qui préoccupe beaucoup la population. Et ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir la même qualité, la même compétence mais aussi les mêmes règles. Concrètement, là, un homme qui est accusé d'avoir abattu sa femme n'aura pas le temps de faire son deuil. Il va être immédiatement interrogé, qu'il l'ait fait ou qu'il ne l'ait pas fait, hein? S'il est suspect par les policiers, il sera interrogé. Ça, c'est un des premiers points qui préoccupent le comité et qu'on veut amener le gouvernement à réfléchir, plus encore que la reddition de comptes, à notre avis, à notre avis.

M. Bergeron: Je vous remercie. Ce sont des précisions qui nous éclairent, qui continuent à nous éclairer puis qui vont nous guider, j'en suis convaincu, dans non seulement la rédaction du projet de loi lui-même, mais dans la rédaction de la réglementation. Parce que vous comprenez qu'on ne peut pas mettre les règles concernant l'enquête dans le projet de loi, mais on est en train d'y travailler au niveau de la réglementation puis on va évidemment tenir compte des points de vue que vous nous exprimez.

Le projet de loi prévoit que le Barreau soit appelé à participer au processus de nomination du directeur et du directeur adjoint du bureau. Étonnamment, vous ne vous êtes pas exprimés sur cette disposition qui vous concerne directement. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur cette disposition du projet de loi qui vous concerne directement.

Le Président (M. Marsan): Me Masson.

M. Masson (Louis): Bien, il est certain que le fait que nous ne nous soyons pas exprimés doit être perçu comme une manifestation d'accord et d'appui à cette mesure-là, bien entendu. Le Barreau, par son expertise et par l'expertise notamment des personnes qui m'accompagnent et des autres membres de nos comités, est certainement en mesure de contribuer de façon appropriée à ce type de processus. Alors, le fait que nous ne nous soyons pas exprimés doit être vu comme un appui manifeste à cela. Et, si c'est utile de le réitérer, ce gouvernement et l'Assemblée peuvent parfaitement compter sur le Barreau pour contribuer à choisir des meilleures personnes avec l'expertise que nous offrons à cet égard.

M. Bergeron: Je vous remercie infiniment. Finalement, on aurait pu appliquer l'adage populaire: Qui ne dit mot consent.

M. Masson (Louis): Tout à fait.

M. Bergeron: Merci infiniment.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est aussi le critique en matière de santé publique.

**(17 h 30)**

M. Poëti: Merci, M. le Président.

Merci également d'être ici et de nous avoir éclairés sur votre opinion, votre analyse et évidemment vos commentaires à l'intérieur de ça.

Il y a un point qui, pour moi, est vraiment important, que vous avez soulevé, et je pense qu'on doit le souligner, lorsqu'on parlait de reddition de comptes. Si on se retrouve un peu ici aujourd'hui, à mon avis, il y a un pourcentage de cette raison-là qui fait que la perception, le manque d'information -- à certains égards, les gens vont utiliser le manque de transparence lors de ces enquêtes-là -- créent, chez les citoyens, et évidemment chez le public, et les gens concernés dans ces enquêtes-là, une forme d'inquiétude, parce qu'ils n'ont pas de réponse, parce qu'ils ne savent pas, parce qu'on ne sait pas où est rendue l'enquête, on ne sait pas qui a été rencontré, on ne sait pas ci, on ne sait pas ça.

Lorsque vous soulignez évidemment, à la page 3, avant-dernier paragraphe, que «le Barreau du Québec est inquiet de constater que le projet de loi ne prévoit aucun système de reddition de comptes au public. À notre avis, pour donner plein effet au "contrôle civil" sur les enquêtes qui portent sur des interventions policières, il y aurait lieu de prévoir une obligation de rendre publiques les conclusions de toute enquête...» Et, si -- et je pense que j'ai les bonnes personnes pour me répondre à cette question-là -- si le commissaire de l'UPAC -- vous connaissez l'ampleur des enquêtes qu'il fait, son équipe font -- deux fois par année s'exprime sur ces dossiers, sur les dossiers, évidemment sans nuire aux enquêtes, on s'entend très bien, est-ce que vous croyez que ça pourrait être possible, toujours à l'intérieur de ce cadre-là, qu'on puisse intégrer au projet de loi cette obligation-là, minimalement deux fois par année, du directeur du bureau de rencontrer la presse, les médias et de fournir un rapport public sur les enquêtes qu'il a amorcées depuis sa création?

M. Roy Martel (Maxime): Oui, parce que, comme je disais, même si ça a été une partie résiduelle, ça reste que c'est une partie qui est importante. Et en effet la transparence mise en limite à ne jamais mettre de côté l'efficacité des enquêtes est un élément qui est important. Et je ne pense pas... Là, j'essayais de réfléchir et de voir en quoi, de dire: Écoutez, dans tel cas, là, on a décidé de ne pas porter d'accusation, peut nuire à d'autres processus. Mais je dis ça sous réserve. Vous devez comprendre évidemment que notre comité est un comité en droit criminel, donc on n'a pas à se pencher sur l'aspect déontologique ou disciplinaire. Mais je ne vois pas en quoi le fait de dire, que ça soit juste même au niveau des policiers, de dire: Écoutez, on n'a même pas vu bon de soumettre au procureur de la poursuite, hein, le dossier, ou même du procureur de la poursuite de dire: Écoutez, avec ce qu'on avait, il n'y en avait pas suffisamment pour porter des accusations, nous, on ne voit pas en quoi cela pourrait nuire dans d'autres enquêtes, que ça soit disciplinaires ou déontologiques, qui peuvent très bien exister, s'il n'y a pas d'accusation criminelle, parce que c'est deux... des niveaux différents.

Alors, bon, la reddition de comptes, on n'est pas allés plus loin non plus parce que l'organisation, éventuellement, le bureau va devoir faire un rapport annuel. Alors, on se disait: Peut-être que ça sera dans ce cadre-là, comme le font un peu le bureau en Ontario ou d'autres bureaux qui existent. Peut-être qu'annuellement il devra s'expliquer sur le nombre, etc. Et d'ailleurs je terminerais ma réponse là-dessus parce que des fois la transparence est... Il y a eu un grand crédit donné au bureau fait en Ontario, alors qu'on voit que les statistiques d'accusation en Ontario, par opposition au Québec, ne sont pas significativement différentes. Je ne pense pas qu'on puisse dire... Et je ne veux pas revenir, là, sur ce que vous avez dit plus tôt, que c'est autre chose que l'Ontario, puis on est d'accord avec ça, mais ça reste que l'exemple ontarien démontre que, ne mettre que des civils, les chiffres ne sont pas significativement, suffisamment importants pour dire qu'il y a une réussite par opposition à un bureau de civils.

Mais bref la reddition est importante. La reddition des conclusions pourquoi on n'a pas accusé, on ne voit pas vraiment en quoi ça pourrait nuire... d'autres processus. Dans quel cadre? Est-ce que c'est deux fois par année? Est-ce que c'est dans le cadre du rapport annuel? Bien, ça, c'est à vous de le décider. Mais il faut qu'il y ait, d'une certaine façon, des explications.

M. Poëti: Bien, écoutez, en fait, je suis plutôt d'avis, effectivement, puis vous l'avez soulevé... et ce sera sûrement une de nos recommandations à M. le ministre à l'effet que, dans le contexte actuel, qui a soulevé autant de questionnements, qui soulève la création d'une loi pour créer ce bureau-là... Je pense qu'à l'instar du commissaire à l'UPAC, qui traite des dossiers d'une ampleur qu'on comprend vraiment importante, qui le fait deux fois par année... je ne crois pas que ce soit trop, mais ça fera partie d'une recommandation. Merci de nous avoir éclairés sur, en fait, la faisabilité, hein, de ça, sans nuire au niveau légal d'un processus qu'on veut toujours. Mais il faut faire attention aussi, pour y avoir travaillé pendant assez longtemps, de ne pas se cacher derrière un danger juridique quelconque d'on ne peut rien dire parce qu'il y a un dossier en cour. Je pense qu'il y a des choses qui peuvent être dites. Je pense que certaines choses doivent être dites pour éclairer le public justement, pour leur dire la vérité sur ce qui se passe, qu'ils comprennent ce qui se passe. Mais, en dehors d'une vérité, bien il y a les perceptions, il y a les présomptions, et ça, ça devient une catastrophe.

Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre. Il me semble avoir compris que vous aviez des doutes ou en tout cas vous avez émis certaines réserves sur la formation des civils. Est-ce que vous pouvez m'éclairer un peu sur ça, sur votre point de vue?

Mme Joncas (Lucie): Oui. Alors, je vais tenter de répondre à cette question-là. On voit, à l'article 289.11, qu'il y aura, par règlement, des modalités pour sélectionner les enquêteurs. On ne voit nulle part, à ce paragraphe-là, premièrement, la mixité, qui est annoncée aujourd'hui. Alors, je pense que le Barreau serait heureux de voir qu'il y aura, dans ce règlement, prévision du pourcentage de personnes qui pourraient provenir de différents milieux. Alors, la composition n'est pas déterminée dans le projet de loi, alors c'est certain qu'on a des préoccupations à cet égard. Il n'y a que celle à 289.9, pour le directeur, qui est prévue.

Entre autres, une des pistes de solution que le Barreau souhaite, c'est qu'on se penche sur le rapport du Groupe de travail en santé mentale et justice qui a été produit en 2010 par le Barreau du Québec, qui préconise une formation particulière sur les problématiques de santé mentale et de déficience à l'intérieur du système de justice. Et on voit malheureusement que de par les années les victimes qui vont faire l'objet d'arrestations ou de ce qu'on appelle des problématiques qui vont faire l'objet d'enquêtes sont souvent des personnes qui sont atteintes de troubles mentaux. Alors, on pense que dans la composition des membres il devrait y avoir une préoccupation à cet égard-là, parce qu'on ne se cachera pas, au Canada, ça va être une personne sur cinq qui au cours de sa vie va être atteinte de troubles mentaux. Et ils sont définitivement surreprésentés dans le système de justice et sont surreprésentés à titre de victimes et de personnes vulnérables. Alors, dans la composition je pense que le gouvernement devra avoir une préoccupation d'une formation à cet effet-là.

M. Poëti: Mme St-Pierre, ma collègue.

Le Président (M. Marsan): Oui. Mme la députée de l'Acadie, la parole est à vous.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Puisque vous abordez cette question de mixité, est-ce que, dans votre esprit, ça veut également dire qu'il devrait y avoir la parité ou une zone de parité?

Mme Joncas (Lucie): Écoutez, il n'y a pas de position officielle qui a été prise par le comité en droit criminel, mais c'est certain que nous souhaitons un équilibre et une diversité parmi les membres. Alors, la position, c'est vraiment qu'il y ait une diversité et que, si ce qui a été annoncé ce matin était une parité, bien on souhaiterait le voir reflété dans le règlement sous 289.11.

Mme St-Pierre: Merci.

Le Président (M. Marsan): On revient avec le parti ministériel. Et je vais reconnaître... Je pense que vous m'avez demandé la parole pour une courte question, M. le député de Sherbrooke.

M. Cardin: Merci. Bonjour, madame messieurs. Ce ne sera pas tellement long, c'est une petite question. C'est à la page 3, le un, deux, trois, le quatrième paragraphe. Je sais, quand vous faisiez votre lecture de votre note du début, il y avait des choses qui venaient un peu de cette lettre, et puis vous aviez donc... Moi, je n'avais pas entendu quand vous parliez de... «Nous sommes toujours d'avis que l'impartialité et la rigueur du bureau qui sera chargé des enquêtes visées par le projet de loi n° 12 seront rehaussées s'il est composé de civils, de policiers actifs et de policiers à la retraite, de même que de membres du Barreau et de magistrats à la retraite.» Quand vous avez fait mention de ça, je n'avais pas entendu «policiers actifs». Je me demandais si vous aviez des changements, mais monsieur est revenu, tantôt, pour nous dire qu'il était important de ne pas écarter les policiers de ce bureau-là. Mais là, quand je vois «policiers actifs»... Parce que l'orientation de la loi, c'est d'avoir des civils, des civils qui peut-être étaient d'anciens policiers. Et est-ce que vous...

**(17 h 40)**

M. Roy Martel (Maxime): ...dépendamment de la définition que vous donnez à «civil», mais ce qui a toujours été le point de vue du Barreau, là, autant quand on s'est présentés au projet de loi n° 46 qu'aujourd'hui, c'est qu'à notre avis ça ne doit pas être que des civils, c'est-à-dire étrangers et policiers, là. C'est-à-dire qu'il doit y avoir des gens qui ont une expérience de policier. Ça, pour nous, c'est évidemment.

Par contre, ce qu'on s'est rendu compte, le comité, c'est que le projet de loi parle de conditions, et ça, ça a peut-être créé une petite confusion. Parce que le projet de loi parle de conditions minimales, hein, et on n'était pas certains si vous ne vouliez pas du tout qu'il y ait de policier. Mais on a compris, là, de la déclaration ce matin, que vous voulez qu'il y ait... Et corrigez-nous si on se trompe, mais notre compréhension, c'est que vous ne voulez pas, par exemple, que ça soit un policier qui soit encore un policier de la Sûreté du Québec ou d'une sûreté municipale. Mais, à la première lecture, il y a peut-être une petite confusion où on croyait que, par «conditions minimales», il n'y avait pas du tout de policier, et ça, évidemment, on était contre ça. On a toujours dit qu'il faut qu'il y ait des policiers.

Je veux juste revenir, peut-être, sur un point, parce qu'une préoccupation -- ce que moi, je devais traiter, qui était plutôt de la qualité puis de la compétence -- c'est l'article 289.14, qui demeure, en fait, qui demeure silencieux, pour nous, qui n'est pas répondu, où vous dites: «Un règlement du gouvernement détermine la formation que doivent suivre les membres du bureau.» Mais on est quand même concernés par ça, c'est-à-dire qu'on doit, à notre avis... il doit y avoir un niveau de compétence et de qualité égal, et le gouvernement devra veiller à ce que les civils qui n'ont pas d'expérience comme policiers évidemment soient en mesure de faire enquête. Parce que ça pourrait être bien beau en apparence, mais, si on a des civils qui ne connaissent rien à une enquête policière, ça ne donnera pas des grands succès.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. le ministre.

M. Bergeron: ...juste un commentaire très, très bref pour réitérer ce que j'ai dit ce matin, lorsque la directrice de l'École nationale de police s'est présentée devant nous. Je pense qu'elle est d'accord avec ça également. Nous sommes à élaborer un cursus... puis probablement que ça va être une espèce de... excusez-moi l'expression, mais de «work in progress» pendant encore un certain temps, mais on va établir un cursus pour faire en sorte que la compétence de ces civils soit au niveau requis. Je le disais tout à l'heure, en introduction à mes propos en réaction aux vôtres, c'est que je pense que les policiers ont droit au même niveau d'enquête auquel a droit n'importe quel citoyen, et nous allons nous assurer que les policiers puissent avoir droit au même niveau d'enquête auquel ont droit n'importe quels citoyens.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bienvenue encore. C'est toujours rafraîchissant. Et notre collègue de Fabre attend toujours fébrilement la visite du Barreau et il parle toujours de vous autres avec les plus grands éloges en votre absence, et en votre présence, et après votre départ.

Dans votre document que vous nous avez soumis tantôt, je veux avoir ce que vous pensez de 289.9 du projet de loi, par rapport au directeur, au directeur adjoint, où est-ce que, premièrement, on dit qu'il faut qu'il soit «juge à la retraite, soit [un] avocat -- sans faire de distinction -- admis au Barreau du Québec depuis au moins 15 ans». Je vais vouloir savoir si vous avez réfléchi quel genre d'avocat. Est-ce que c'est ouvert à tous les avocats, de toutes les pratiques? Le juge... Je veux juste savoir si vous avez réfléchi à ce qui devrait être là ou si vous avez certaines recommandations à nous soumettre relativement au texte de 289,9.

Et là où je veux aller, c'est que la Protectrice du citoyen, qui est venue ce matin, dans la conclusion de son rapport, quand on parlait des enquêteurs civils qualifiés, dans sa conclusion, de mémoire, elle, elle voyait... elle avait réfléchi aux enquêteurs civils qualifiés, qui pourraient être des anciens policiers, particulièrement des policiers qui auraient travaillé sur des crimes majeurs, etc., et, dans les autres civils, elle voyait des avocats criminalistes ou des procureurs de la couronne. Avez-vous fait une réflexion là-dessus? Parce qu'avec tout ce que ça comporte, où on met dans le projet de loi des interdits, où on allume certaines lumières en disant: Bon, si c'est des anciens policiers, si c'est leurs anciens corps de police, ils ne pourront pas être enquêteurs principaux, j'appliquerais ça de la même façon, si c'est des anciens procureurs de la couronne ou des avocats criminalistes qui vont avoir défendu, souvent, des policiers ou souvent ils vont avoir défendu des clients... Je veux savoir si vous avez fait une réflexion à ce niveau-là ou si vous aviez une certaine catégorie de gens qui pourraient être ciblés dans les enquêteurs civils?

M. Roy Martel (Maxime): Bien, non, parce que d'abord on parle qu'il y ait tout de même un comité de sélection qui doit être créé. Il y a certains critères qui sont mis, donc...

M. Ouellette: ...vont venir par règlement, là, aussi.

M. Roy Martel (Maxime): Oui, mais, bon, on a présumé, là, qu'on pourrait faire confiance à ce comité de sélection là. Donc, ça n'a pas fait l'objet de longs débats, là, à savoir... Bien, on dit: Bien, soit des gens qui ont une expérience en droit pénal, qui ont des connaissances en droit criminel. Je dirais, même si ça n'avait pas été écrit, là, ça me semble un peu inhérent que ça ne soit pas quelqu'un qui ait pratiqué en droit civil toute sa pratique, là.

M. Ouellette: Par rapport à 289.9. Oui...

Le Président (M. Marsan): ...Me Joncas.

Mme Joncas (Lucie): Alors, écoutez, à 289.7, on comprend que ce qui a été retenu comme critères étant des gens qui ont des connaissances notamment en droit criminel, pénal, de l'expérience en matière d'enquête et d'aptitudes requises pour la fonction de directeur, on pensait que les mêmes critères s'appliqueraient au niveau des enquêteurs. Alors, j'imagine que c'est ce qui était envisagé. Et ce qu'on vous soumet de plus, c'est que peut-être pour, minimalement, certains membres ça prendrait aussi une expertise en matière de santé mentale. Est-ce qu'il pourrait y avoir un professionnel de la santé qui a oeuvré en matière d'expertise criminelle, en matière psychiatrique? Est-ce qu'on est opposés à ça? Non. Ce qu'on préconise vraiment, c'est un équilibre dans le choix des individus, justement, pour avoir la plus grande expertise possible dans le choix des enquêteurs.

Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Avec combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): Cinq minutes.

M. Ouimet (Fabre): Oh! Je me sens un peu comme le député de Saint-Jérôme. Un gros cinq minutes!

M. Duchesneau: Merci de me comprendre.

M. Ouimet (Fabre): Il y a plusieurs questions qui me viennent à l'esprit, mais là je veux juste clarifier quelque chose. Je comprends que selon le projet de loi il n'y a pas de policiers actifs qui vont faire partie du bureau. On s'entend, là. Donc, la recommandation du Barreau, que je ne comprends pas, là... Qui aime bien châtie bien. Je vais vous dire bien honnêtement que je ne comprends pas le raisonnement, la distinction qu'on fait entre un policier à la retraite, qui a toute l'expérience d'un policier et donc un bon enquêteur... qu'on insiste pour qu'on ait tout de même des policiers actifs. C'est ce que je crois comprendre. Et je dois vous avouer que je ne comprends pas cette distinction-là. Mais, puisque le projet de loi exclut les policiers actifs et que je suis d'accord, je vais garder mon cinq minutes pour poser une autre question.

Comité de sélection, je vais profiter de la présence du Barreau pour... Sur la question du comité de sélection, deux choses. Avez-vous examiné la différence qu'on crée entre ce comité de sélection, qui est composé de trois personnes... alors que pour le DPCP on a un comité composé de cinq personnes, d'une part? Alors, je pense que... Je m'interrogeais à savoir pourquoi on décidait de revenir à trois, puisqu'aussi, les comités de sélection des juges, qui est un des sujets favoris du ministre de la Justice, on a retenu aussi une formule à cinq personnes, d'une part. Et, d'autre part, ce qui est particulier, quand on lit le projet de loi, c'est qu'on fixe à 15 ans le nombre d'années d'expérience, alors que, pour la nomination à la magistrature, on fixe à 10 ans le nombre d'années. Alors, je ne sais pas si le Barreau a des commentaires sur cet aspect-là du comité de sélection. Vous n'êtes pas obligés, hein?

M. Masson (Louis): Bien, pas vraiment, mais, puisque vous nous y invitez, M. le député de Fabre...

M. Ouimet (Fabre): Non, non, mais je n'insiste pas s'il ne me reste pas beaucoup de temps.

**(17 h 50)**

M. Masson (Louis): Bien, écoutez, moi, tout ce que je peux dire, c'est que ce n'est pas toujours un exercice, une science exacte. Chaque type de comité peut assaisonner un certain nombre d'ingrédients. Ici, on constate, par exemple, que c'est vrai que la norme de 15 ans est élevée. Elle est un peu contrebalancée par le fait que c'est un comité de trois. Et chaque processus finalement a ses particularités. C'est sûr qu'on peut faire des comparaisons, s'inspirer de l'un et de l'autre, mais, lorsque l'on regarde l'ensemble des garanties qui sont offertes à la population et qui font un tissu qui s'entrecroise, je pense qu'on n'est pas mal à l'aise avec ça, et ça contribue à maintenir la confiance du public envers ce processus-là. Quand on entre, maintenant, dans ce que l'on peut appeler la fine mesure de tout cela, bien, évidemment, le législateur demeure souverain, mais, dans ce qu'on a vu là, on voit un processus qui rassure, qui conforte, qui contient beaucoup d'ingrédients qui, conjugués, assurent le plus important, cette confiance du public envers nos institutions. Voilà pourquoi on n'a pas fait de commentaire spécifique.

Le Président (M. Marsan): ...

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Marsan): Deux minutes.

M. Ouimet (Fabre): Deux petites minutes. Sur la question... On a fait référence tantôt à l'article 262 et 263 de la Loi de police, et je vais concéder immédiatement que je ne suis pas un spécialiste de la loi, de cette loi-là. Par contre, ma lecture rapide de ces dispositions-là me portait à croire qu'on visait... Et le libellé de 262 et 263 parle de «plainte portée». On fait référence à une plainte, à une enquête d'une plainte portée, alors que là, ici, on se trouve dans un cas d'enquête où on ne sait pas s'il y aura une plainte. Et ma compréhension de la loi, c'est que, la plainte dont il est question, puisqu'on est dans un chapitre traitant de l'éthique, on parle d'une plainte déontologique qui est enquêtée. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de s'assurer que ces dispositions-là, si on veut qu'elles s'appliquent, qu'on le dise clairement?

Une voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Oui, 262, 263.

M. Roy Martel (Maxime): Non, non, mais ça s'applique clairement à une enquête criminelle.

M. Ouimet (Fabre): Oui?

M. Roy Martel (Maxime): Oui, oui.

M. Ouimet (Fabre): Est-ce qu'on ne parle pas de plainte à 262?

M. Roy Martel (Maxime): Non, mais ça s'applique clairement à une plainte. C'est-à-dire qu'un policier qui a une plainte, que ça soit une plainte criminelle ou une plainte déontologique, va devoir donner une déclaration.

M. Ouimet (Fabre): En vertu de 262?

M. Roy Martel (Maxime): Oui, oui.

M. Ouimet (Fabre): Malgré le fait qu'on fasse référence à une plainte portée, à 262?

M. Roy Martel (Maxime): Oui, oui. Oui, oui. Et c'est ça, concrètement, qui paralyse, des fois, les enquêtes. Parce qu'imaginez-vous, là, vous êtes enquêteur. Là, vous dites: J'ai trois policiers. Il y en a un qui a tiré. C'est lequel? Si je vais voir lui, puis que c'est lui qui a tiré, puis je lui dis: Tu es témoin, puis j'obtiens une déclaration, je ne peux plus l'utiliser. Alors, concrètement, là, ce n'est pas juste... Et là je ne veux pas changer de chapeau pour membre du comité puis avocat de défense, mais ce n'est pas juste les policiers, là, qui vont dire: Moi, je ne veux pas aller vous parler. C'est des fois même les enquêteurs des affaires internes qui vont dire: Bien, nous, il faut avoir un peu de connaissances, là, avant de faire notre enquête. Parce que, si on obtient une déclaration de ce type-là, bien on ne pourra plus l'utiliser ensuite. Ah non! ça, je suis... Bien là, si je me trompe, je vais m'en repentir toute ma vie, là, mais...

M. Ouimet (Fabre): M. le Président, en terminant, est-ce que ce serait possible de m'envoyer la... Est-ce que ce serait possible de nous envoyer la source? Parce que ma lecture de 262 n'est pas la même, puis je voudrais me coucher moins niaiseux.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci.

Le Président (M. Marsan): Nous terminons. Et je vais donner la parole à M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis d'accord avec votre interprétation de 262 et 263. Écoutez, j'aurais beaucoup de choses, mais il y a un point en particulier qui me préoccupe, c'est la reddition de comptes, justement. On l'a vécu en déontologie. J'en ai parlé ce matin. Il arrive quoi, là? On a des données qui nous ont été données par le témoin précédent quant aux 126 personnes qui sont décédées, des civils décédés lors d'interventions policières ou associé à des interventions policières. Mais, si on enlève 56, là, reliés à des collisions de véhicules à moteur, tout ça, on parle de peut-être, quoi, cinq, six enquêtes par année. Après un certain temps, hein... Parce que je suis aussi convaincu que peut l'être mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui en a fait état ce matin, que des cas où on pourra vraiment accuser quelqu'un sont rares. Mais il arrive quoi, là, si on a cinq enquêtes par année, puis après trois ans, là, on a eu 15 enquêtes, puis qu'il n'y a pas personne qui a été trouvé coupable? On revient à la case zéro.

Ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est que les gens n'ont pas confiance au système. Bien, vous êtes avocat de la défense. On n'accuse pas quelqu'un pour le plaisir d'accuser quelqu'un. Encore faut-il avoir la preuve. Alors, est-ce qu'on n'aurait pas besoin d'un comité de surveillance qui pourrait, à un moment donné, venir cautionner le processus? Parce que rapidement le directeur de l'unité va perdre aussi de la crédibilité quand on n'aura toujours pas personne d'accusé après trois ans d'existence.

M. Roy Martel (Maxime): Sur la reddition de comptes, c'est-à-dire... Et là je vais utiliser la même expression que j'avais utilisée lorsqu'on est venus pour le projet de loi n° 46, c'est-à-dire, sur la méthode puis sur... Il y a plusieurs méthodes qui peuvent être viables, hein, et ça va vous appartenir de décider quelle méthode est la plus viable et laquelle vous décidez de... vers laquelle aller. Mais vous avez raison qu'à notre avis c'est avant tout un exercice d'apparence, parce que, qu'on regarde les différents systèmes, que ça soit civils, policiers qui enquêtent sur policiers, mixtes, les chiffres ne varient pas énormément sur ultimement est-ce qu'il y aura des accusations ou non. Alors, évidemment, la reddition de comptes, comment... Bon, il y a plusieurs, encore là, méthodes qui sont viables, mais c'est sûr que, la reddition de comptes, la transparence, elle est fondamentale, sans jamais sacrifier la qualité puis la compétence. Ça, c'est le souci du Barreau. Parce que, dépendamment de comment on le voit, sans jamais que les policiers ne souffrent d'être enquêtés par des gens qui n'ont pas la même compétence que le simple citoyen ou encore qu'il y ait des différences dans la façon dont les enquêtes sont menées... qu'il y ait de la complaisance à l'égard des policiers.

M. Duchesneau: Oui, mais qui peut parler au nom des citoyens pour les rassurer? Parce que c'est de ça dont on parle, surtout si l'enquête piétine, prend du temps. Le ministre est dans une mauvaise position pour parler parce qu'on peut l'accuser d'être biaisé. Le directeur de l'unité va être comme un directeur de police, lui avec, parce que ce sont ses gens qui font des enquêtes, qu'il va être aussi limité. Qui parle pour informer la population?

M. Masson (Louis): Bien, c'est sûr que c'est un point qui est essentiel. Nous, évidemment, parmi la gamme de solutions... Et là on constate que le gouvernement en propose une, donc c'est dans cette avenue-là que nous formulons nos commentaires. Est-ce qu'il y a d'autres méthodes? Sans doute. Est-ce qu'il y a d'autres options? Probablement. Nous, nos commentaires, comme Barreau, se situent dans le cadre de ce type de processus, et, à nos yeux... Ce n'est peut-être pas le processus idéal, peut-être qu'il y en a d'autres, mais, à nos yeux, tel qu'il est, avec les garanties qu'il contient, avec les suggestions que nous faisons, nous croyons que nous pouvons atteindre ce résultat parce que ce que l'on... C'est sûr que, si on ne mesure que le résultat de ce processus-là, peut-être qu'on arrivera à un nombre restreint. Par ailleurs, si l'État québécois se dote d'un mécanisme qui est transparent, qui inspire confiance, qui peut être expliqué à chacune des étapes et où les citoyens sont satisfaits à chacune des étapes, peut-être que le résultat est le même, mais on aura amélioré notre société en se dotant d'une loi qui assure...

M. Duchesneau: Mais on peut avoir l'impression que justice a été rendue pour tout le monde.

M. Masson (Louis): Tout à fait, et, ce processus-là, nous avons identifié les zones de faiblesse, nous en suggérons des améliorations, mais dans l'ensemble peut-être que le résultat ne sera pas spectaculaire, mais on se sera dotés d'un meilleur outil, et c'est dans cette optique-là que nos commentaires s'inscrivent. Mais c'est sûr que c'est vous, les maîtres des choix définitifs.

M. Duchesneau: Mais, si vous... M. le Président, juste... Si vous avez des suggestions qui vous viennent à l'esprit d'ici à ce qu'on finisse, écrivez au ministre. Je suis sûr qu'il va être fier de... avant qu'on adopte article par article... qu'on étudie article par article...

M. Masson (Louis): Merci de votre invitation.

Le Président (M. Marsan): ...M. le député de Saint-Jérôme. Me Joncas, Me Masson, Me Roy et Me Sauvé, nous vous remercions de nous avoir donné le point de vue du Barreau du Québec.

Et, sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Alors, bon appétit.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

 

(Reprise à 19 h 29)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Ligue des droits et des libertés. La parole est à vous pour une dizaine de minutes environ. Et je vais d'abord vous demander de vous présenter.

Ligue des droits et libertés (LDL)

M. de Massy (Philippe Robert): Alors, c'est Philippe Robert de Massy.

**(19 h 30)**

Mme Filion (Nicole): Nicole Filion. Je suis la coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés.

Le Président (M. Marsan): Merci. Allez-y.

M. de Massy (Philippe Robert): Il y a un an jour pour jour, nous commentions ici même le projet de loi n° 46, mort au feuilleton, assez sévèrement d'ailleurs. Le projet de loi n° 12 semble offrir des améliorations par rapport à son prédécesseur, mais ces améliorations ne sont qu'apparence et risquent d'induire en erreur si l'on n'y prend garde.

Au cours des derniers mois, deux incidents ont défrayé les manchettes et fait monter d'un cran la crainte et la méfiance de la population à l'égard des forces policières. On se souviendra de l'arrestation musclée dans laquelle la policière Trudeau a été impliquée en octobre 2012 et, plus récemment, de l'arrestation d'Alexis Vadeboncoeur à Trois-Rivières, le 2 février, au cours de laquelle quatre policiers l'ont battu alors qu'il n'opposait aucune résistance. Les images de ces interventions policières sont profondément choquantes. Elles ont été largement diffusées.

Que se serait-il passé si nous n'avions pas eu ces images? Les victimes et les témoins de ces comportements auraient-ils été crus? Ce qui était aussi saisissant et inquiétant, c'est le comportement des autres policiers, qui se sont abstenus d'intervenir pour mettre un terme à ces actes brutaux ainsi qu'aux propos inacceptables qui ont été tenus dans le cas de Mme Trudeau. C'est sur l'ensemble des corps de police et des policiers que rejaillit l'odieux de ces agissements et le sentiment de révulsion du public.

De nombreux autres événements, survenus lors du printemps étudiant 2012, de février à juin, avaient déjà accru la méfiance de la population à l'égard des policiers. De graves blessures ont été infligées à des manifestants par le recours à des armes utilisées à des fins de contrôle des foules alors que la vie des policiers n'était pas menacée. Plusieurs vidéos offrent des scènes d'arrestation où l'on a eu recours à l'utilisation d'une force excessive et brutale. Près de 3 500 personnes ont été arrêtées. Les victimes de cette répression ont connu la violence et les abus policiers. Elles se sont fait gazer, poivrer, matraquer, charger par des chevaux, blesser par des balles de plastique, par des grenades assourdissantes. Bien que plus de 11 000 personnes aient signé une pétition réclamant la tenue d'une enquête publique sur l'ensemble de ces événements et que plus de 60 organisations de la société civile aient repris cette demande, nous sommes toujours sans réponse de la part du gouvernement.

Toutes ces horreurs rappellent que nous sommes devant un problème de fond et de structure. Elles permettent de penser que la gestion des interventions policières est désormais hors du contrôle de la société civile et de la classe politique. Elles soulignent à grands traits rouges qu'il faut mettre un terme au mensonge, à l'impunité et à l'omerta policière. Ce problème est d'autant plus grave que les policiers, comme le rappelle la Protectrice du citoyen du Québec, exercent une fonction critique dans l'appareil d'État, ce qui implique que «la surveillance de leurs actions est une dimension fondamentale de l'exercice de la démocratie». Je la cite.

La classe politique ne doit plus se fermer les yeux sur de tels événements. Elle doit prendre position. Elle doit prendre acte de la dégradation progressive des relations entre la police et la population, encore plus marquée ces derniers temps. Elle doit avoir en tête que les policiers ont le pouvoir de contrôler et de réprimer, qui peut aller jusqu'à tuer. Elle doit s'assurer que les mécanismes qu'elle met en place pour exercer un contrôle et une surveillance de l'exercice de ces pouvoirs extraordinaires sont en mesure de contrer efficacement dérives et abus.

Dans son second rapport sur l'UES, l'ombudsman de l'Ontario, André Marin, insiste particulièrement sur le fait que -- et je cite -- «historiquement, le travail de l'UES s'est avéré particulièrement difficile en raison de la résistance profonde de la police à son pouvoir, ainsi qu'à la réticence des gouvernements successifs à adopter des mesures susceptibles de déplaire au secteur policier en Ontario». Fin de la citation.

Pour ne pas reproduire les lacunes du modèle ontarien, il faut retenir tout spécialement de ce deuxième rapport de l'ombudsman que -- et je le cite encore une fois -- «l'obstacle principal à la surveillance efficace et crédible de l'UES continue d'être le manque d'assise législative solide» -- dans une deuxième partie, on va vous faire des propositions très concrètes là-dessus -- de même que le fait que les gouvernements ontariens -- et je cite encore M. Marin -- «ont cherché des solutions neutres et ont évité d'adopter des mesures qui auraient pu paraître trop menaçantes au secteur policier. Malheureusement, cette approche n'a pas éliminé les problèmes de coopération de la police, mais les a mieux dissimulés.»

Mme Filion (Nicole): Voyons maintenant les modifications que la Ligue des droits et libertés demande qui soient introduites au projet de loi n° 12. Ce sont des modifications de fond qui sont essentielles à nos yeux.

Tout d'abord, on estime qu'il devrait y avoir une loi spécifique plutôt qu'une loi qui vient amender la Loi sur la police. En fait, d'adopter une loi spécifique aurait une portée symbolique claire que comporterait une telle législation.

On voudrait également que le mécanisme soit assujetti à la responsabilité du ministre de la Justice plutôt que le ministre de la Sécurité publique, étant donné que l'une des principales fonctions... missions du ministère est d'assurer la gestion des corps policiers.

Au niveau de la définition, on voudrait avoir une définition qui est précise et univoque des circonstances qui commandent une enquête indépendante. La formulation de 289 apparaît, à nos yeux, confuse à certains égards, c'est-à-dire qu'on peut se poser la question: Est-ce que le mécanisme va s'appliquer si la mort ou la blessure est causée par l'utilisation du Taser, ou suite à une poursuite policière avec véhicule, ou lors de manifestations?

Il faut aussi préciser la définition du mot «blessure». Nous croyons que la définition qui se rapporte au Code criminel de «voies de fait», «lésions» pourrait être appropriée: «Tout mal ou blessure de nature à nuire à la santé ou au bien-être d'une personne, qui peut cependant ne pas être permanent, mais non éphémère ni futile.» Le définition doit également inclure les allégations d'agression sexuelle.

Le processus de mise en oeuvre du mécanisme ne doit souffrir d'aucun délai, et le bureau doit avoir aussi le pouvoir d'initier des enquêtes indépendantes. Pour cela, le directeur du bureau... du corps de police doit avoir l'obligation de communiquer dans l'heure qui suit directement avec le Bureau des enquêtes indépendantes lorsque survient une situation qui pourrait s'apparenter aux circonstances qui ouvrent la voie à l'application du mécanisme. Il appartiendra alors au bureau de déterminer s'il doit prendre en charge l'enquête.

Le bureau doit aussi se voir confier le pouvoir d'initier des enquêtes systémiques sur les agissements des forces policières. On réfère ici à ce qui s'est passé au printemps étudiant. Par ailleurs, dans le cas où les policiers omettent d'agir, et que cette omission se solde par la mort d'une personne -- on pense en particulier aux cas de violence conjugale -- le bureau doit avoir le pouvoir d'initier une telle enquête. Et, considérant l'ensemble des mandats que nous voulons voir confiés au bureau, celui-ci devra disposer de budgets et de ressources qui seront nécessaires à l'exercice de ces mandats.

Nous voulons aussi des règles claires sur le déroulement des enquêtes et les obligations des policiers, et nous souhaitons que des balises relatives à ces règles-là soient énoncées dans la loi et non par voie réglementaire. Elles doivent porter minimalement sur les questions suivantes: la mise en isolement immédiate des policiers témoins et impliqués; leur interrogatoire dans l'heure qui suit; l'obligation pour tout policier témoin de collaborer pleinement à l'enquête, assortie de sanctions déontologiques en cas de non-collaboration; l'obligation de divulgation des résultats des enquêtes et des motifs détaillés de la décision de ne pas entreprendre des poursuites criminelles.

Il faut définir le mandat et les pouvoirs du bureau avec des assises législatives solides. Bon, le projet de loi nous dit que le bureau «est un corps de police aux fins de la réalisation de sa mission» et réfère à l'article 48. On sait bien que ça réfère à ce qui est défini dans 48, mais nous, on estime que cet énoncé est inapproprié. Il faut plutôt définir cette mission en propre, en considération des objectifs qui sont poursuivis par la création d'un tel bureau. Le nouvel énoncé, ça n'empêcherait pas qu'il pourrait reprendre les formulations qui définissent les pouvoirs d'enquête ou d'arrestation... le pouvoir d'enquête des policiers.

Nous voulons...

Le Président (M. Marsan): ...terminer.

Mme Filion (Nicole): Ah, mon Dieu!

Le Président (M. Marsan): Il vous reste une minute.

Mme Filion (Nicole): Est-ce que je peux juste dire deux petits... On veut évidemment un bureau qui soit composé uniquement de civils, excluant d'anciens policiers.

On veut un mécanisme de révision de la loi.

Puis j'aurais un commentaire à faire, si vous posez la question, sur la modification qui est apportée au projet de loi sur la loi qui encadre le travail des coroners, là.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Filion. Nous allons immédiatement débuter nos débats. Et je vais donner la parole au ministre de la Sécurité publique et député de Verchères. M. le député.

**(19 h 40)**

M. Bergeron: Je vous remercie, M. le Président.

Dans un premier temps, je tiens à vous remercier d'être des nôtres ce soir et de nous faire valoir vos observations, votre point de vue sur le projet de loi n° 12. Mais, au-delà du projet de loi n° 12, je pense que ce qui transparaît dans vos observations, ce sont des préoccupations à l'égard d'une expérience au fil du temps. J'ai eu l'occasion d'énoncer aujourd'hui qu'à l'instar de quelques collègues je suis de ceux qui pensent que la grande majorité des enquêtes indépendantes menées par des corps de police ont été menées avec tout le professionnalisme auquel on était en droit de s'attendre de leur part mais qu'il y a peut-être eu des cas qui ont altéré irrémédiablement la confiance du public dans le processus, et c'est pourquoi nous sommes à examiner ces modifications législatives.

Il y a plusieurs trucs, dans ce que vous dites, dans vos observations, vos préoccupations, qui suscitent pour moi des interrogations, voire peut-être un désaccord quant à l'interprétation. Je vais me permettre de les énoncer puis je vous invite à commenter. D'abord, vous revenez abondamment sur les commentaires de M. Marin concernant le modèle ontarien. Or, j'aimerais pouvoir vous ramener aux commentaires de notre Protectrice du citoyen par rapport à ce projet de loi, qui est le modèle québécois que nous avons choisi de présenter, et la Protectrice du citoyen, ce matin, s'est montrée, mis à part quelques petits détails ici et là, largement en faveur du projet de loi n° 12. Alors, je veux bien qu'on invoque le Protecteur du citoyen de l'Ontario par rapport à un modèle qui est différent du nôtre, mais j'aimerais qu'on puisse également invoquer la Protectrice du citoyen du Québec par rapport au modèle que nous avons choisi de mettre de l'avant.

Et justement, par rapport au modèle que nous avons choisi de mettre de l'avant, je pense qu'il est important de faire une précision. Le modèle ontarien, vous l'avez probablement remarqué, c'est probablement ce qui vous a amenés à faire cette proposition, le modèle ontarien relève du ministre de la Justice. Or, le système en Ontario, par rapport au Québec, est largement différent, dans ce sens que le policier mène l'enquête, et c'est lui qui, après consultation des procureurs, détermine s'il y a lieu ou non de porter des accusations. Or, au Québec on a choisi d'avoir un système différent. Pour qu'il y ait un équilibre, on a choisi de faire en sorte que l'enquête soit menée par les policiers. On présente les éléments de preuve au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui relève du ministre de la Justice, et c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui, lui, décide s'il y a lieu ou non de porter des accusations.

Donc, cet équilibre que vous voyez dans le système ontarien, il est assuré dans le système québécois. Puis je dois vous dire qu'on l'a examinée, la possibilité de faire relever le Bureau des enquêtes indépendantes du ministre de la Justice, et ça occasionnait un certain nombre de problématiques, d'un point de vue opérationnel et organisationnel, en plus du fait que ça ne tient pas compte justement de cette particularité du système québécois, où justement il y a un rôle pour le ministère de la Justice dans le processus d'enquête et d'accusation, le cas échéant. Donc, c'est ce qui nous amène à la décision que nous avons prise de maintenir le Bureau des enquêtes indépendantes sous la juridiction du ministre de la Sécurité publique.

Maintenant, je vous écoutais nous dire: Il faudrait savoir: Est-ce qu'une mort causée par un Taser ou un fusil à balles de plastique donnerait lieu à une enquête indépendante? La réponse, c'est oui, il n'y a aucun doute, et le projet de loi est très, très éloquent là-dessus. Il n'y a pas d'interprétation possible. Dès que le... «Une enquête indépendante doit -- non pas "peut" -- être tenue lorsqu'une personne, autre qu'un policier en devoir, décède...» Peu importent les circonstances du décès, lorsqu'il y a décès dans le cadre d'une intervention policière ou lors de sa détention par... dans un corps de police, il doit y avoir une enquête indépendante. Lorsqu'une personne est blessée gravement ou lorsqu'une personne est blessée par une arme à feu utilisée, comme je le disais, par un policier dans le cadre d'une intervention policière...

Donc, il n'y a même pas de doute, il n'y a pas d'arbitraire, et c'est pourquoi le mécanisme qu'on prévoit, c'est celui qui existe déjà, c'est-à-dire que le corps de police communique avec le ministre. Puis je n'ai aucune discrétion là-dessus. Il y a immédiatement -- et pas deux jours plus tard, c'est immédiat -- déclenchement d'une enquête indépendante. Et c'est ce processus-là qui sera poursuivi. Donc, ce n'est pas un pouvoir discrétionnaire qu'on me donne, c'est un automatisme qui est prévu par la loi. Donc, il n'y a pas de doute possible. Si ça répond à la définition qu'on a là, un décès, peu importent les circonstances, une blessure grave ou une blessure par arme à feu, il doit y avoir déclenchement d'une enquête indépendante. Il n'y a aucune discrétion possible de la part du ministre.

Et simplement signaler que la Protectrice du citoyen était également à l'aise avec cela, à l'aise avec la composition du bureau, à l'aise avec le fait que ça relève du ministre de la Sécurité publique. Alors, évidemment, ça ne fait pas foi de tout, mais, puisqu'on invoque abondamment le Protecteur du citoyen de l'Ontario par rapport à un modèle qui est autre, j'aimerais qu'on prenne en considération aussi ce que dit la Protectrice du citoyen par rapport à ce modèle qu'on propose.

Vous parlez aussi du fait que vous aimeriez qu'il y ait dévoilement des résultats de l'enquête. On a abondamment discuté de cela jusqu'à présent. Je pense que c'est une préoccupation. On a cru que dans le projet de loi il y avait des dispositions qui permettaient une certaine transparence. Les collègues ont énoncé des propositions possibles pour essayer d'accroître ce processus de transparence. Mais il est important de noter que, parallèlement au processus d'enquête indépendante, il puisse y avoir aussi un processus en déontologie, un processus en discipline puis une enquête du coroner. Or, est-ce que le fait de dévoiler des éléments de preuve en cours de processus peut contaminer les autres processus? La question se pose. Est-ce que c'est au bureau de faire, de dévoiler ce genre d'information là? Est-ce que ce n'est pas plutôt au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui relève du ministre de la Justice, de dévoiler ce genre d'information? Je pense qu'au bureau du directeur... au bureau du ministère de la Justice on réfléchit justement à qu'est-ce qu'on pourrait faire pour accroître la confiance du public dans les décisions qui sont prises quand on décide de ne pas porter d'accusation, puis il faudra voir éventuellement ce avec quoi ils nous reviennent.

Évidemment, je suis, pour des raisons usuelles en législation, plutôt en désaccord avec vous quant au fait que les modalités de l'enquête doivent être définies dans la loi elle-même. Ce n'est pas dans la tradition législative qu'est la nôtre que de définir ce genre de détail dans la législation, mais il est clair qu'on a l'intention de le faire dans la réglementation. On entend ce que vous nous dites puis on entend évidemment en tenir compte. Et le projet de règlement sera publié et donnera lieu à toutes les consultations prévues dans ce genre de circonstance.

Alors, je ne sais pas si j'ai fait le tour, mais peut-être vous permettre de commenter jusqu'à présent, puis je vais voir s'il y a d'autres trucs qui ont retenu mon attention.

Le Président (M. Marsan): Mme Filion.

Mme Filion (Nicole): Oui. Alors, bon, par rapport aux propos de la Protectrice, effectivement on a regardé rapidement sa présentation de ce matin par le miracle de l'informatique et on a constaté qu'elle recevait positivement le projet de loi n° 12, mais il y avait quand même des éléments qu'elle demandait à être améliorés.

Nous, si on réfère à l'expérience de l'Ontario, c'est qu'on a l'impression qu'en ne mettant pas de côté les difficultés qu'a connus le mécanisme ontarien dès le départ on ne tient pas compte de ces problèmes-là et on va reproduire à nouveau... on va se retrouver comme 10 ans en arrière par rapport à ce qu'il y avait en Ontario à ce moment-là. Alors, quand nous, on demande qu'il y ait seulement des civils non anciens policiers, excluant tout ancien policier, on veut éviter de reproduire les problèmes qui avaient été marquants dans le premier rapport Marin. Parce qu'on a parlé de fraternité bleue -- c'était le terme qui était utilisé dans le rapport Marin -- la difficulté d'avoir des enquêtes impartiales. En tout cas, ça colorait les enquêtes. Alors, pourquoi on parle de... pourquoi on réfère à ce modèle-là? C'est que c'est un modèle qui a cheminé, c'est un modèle qui est perfectible encore, mais c'est surtout un modèle qui au départ posait des problèmes majeurs.

Quant au problème organisationnel qui est mentionné par le ministre sur la question de rattacher au ministère de la Justice ou au ministère de la Sécurité publique... le principal problème, c'est qu'à la Sécurité publique le mandat du ministère, c'est un mandat de gestion des forces policières. On a besoin de détacher le mécanisme du ministère qui est chargé de la gestion des forces policières. C'est un principe qu'il faut mettre de l'avant. D'ailleurs, le modèle ontarien était au départ attaché à la Sécurité publique. Il a été ensuite rattaché au ministère de la Justice. C'est quelque chose qui est sûrement réalisable. Ce n'est pas un problème insurmontable, un problème opérationnel.

**(19 h 50)**

M. de Massy (Philippe Robert): La raison pour laquelle nous mettons autant d'accent sur le rapport Marin... En fait, c'est le deuxième rapport Marin qu'il est extrêmement important de reprendre et de reprendre dans les détails, parce que le deuxième rapport Marin survient quand Marin veut voir ce qu'il est advenu de ses recommandations. Alors, en 2008, il fait son premier rapport. En 2011, il fait le deuxième. Et dans le deuxième ce qui est tout à fait intéressant, c'est que l'UES, l'Unité d'enquête, s'est beaucoup améliorée. Il y a des tas de choses qui se sont améliorées. Je vous mentionnerais juste le recrutement, par exemple, des nouveaux membres du personnel de gestion ne provenant pas du secteur policier, embaucher plus d'enquêtes sans antécédents policiers, etc. Il y a eu des tas de choses qui se sont améliorées. Et même le ministère du Procureur général a alloué des fonds supplémentaires. Mais c'est... il faut relire... Je vous jure que ça va aider énormément à définir un organisme qui va avoir l'indépendance qu'on recherche, que vous recherchez sans doute. C'est de comprendre que, si l'UES a évolué entre les deux rapports, le ministère, lui, n'a pas évolué, est resté sur ses positions.

Le Président (M. Marsan): Si vous voulez terminer.

M. de Massy (Philippe Robert): Oui, je fais très attention. Je ne déborderai pas. Juste... je finis ma phrase.

Et surtout les corps policiers ont exercé une résistance à la collaboration avec l'UES, et il faut le savoir, ça.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine cette première période d'échange. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Et je vais céder la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est aussi le critique dans le domaine de la sécurité publique. M. le député.

M. Poëti: Merci, M. le Président.

Alors, merci d'être ici ce soir, d'avoir déposé ce rapport-là. Et je comprends d'emblée que vous vous opposez d'une façon assez claire à... je ne sais pas si je suis exact de dire presque l'ensemble du projet de loi, à bien des égards, partant du principe, à la base même, que vous vous opposez complètement à ce qu'un policier retraité puisse être un enquêteur de ce bureau-là. Donc, c'est-à-dire que, sur les 15 000 policiers au Québec, dont certains ont cette expertise-là, vous ne croyez pas qu'aucun de ces policiers-là serait intègre ou transparent pour faire cette enquête-là -- est-ce que je comprends ça? -- une enquête comme cela.

M. de Massy (Philippe Robert): Non, non, ce n'est pas parce qu'on pense ça. C'est que nous voulons assurer une totale indépendance de cet organisme-là par rapport à la culture policière. Je veux dire, ça va être quoi, la proportion qu'on... Quand est-ce que c'est correct, quand est-ce que ce n'est pas correct? Nous, la position que nous avons prise, c'est que, pour assurer vraiment des enquêtes indépendantes, il faut des gens qui n'ont jamais... qui n'ont pas eu de lien avec la police, tout simplement. Et nous voulons que ce soit rattaché à un ministère qui n'a pas de lien non plus avec la police.

M. Poëti: Bien, il faudrait peut-être aller à la Culture, là, parce qu'à la Justice ils ont des liens avec la police beaucoup, là. Quand vous suggérez la Justice, il y a pas mal de policiers qui travaillent avec les procureurs de la couronne.

M. de Massy (Philippe Robert): Bien, le sous-ministre du ministère de la Sécurité publique est un ancien policier, directeur policier. Le sous-ministre aux affaires policières, au ministère de la Sécurité publique, est aussi un ancien officier de police. Le ministère est très, très, très proche de la police, et nous craignons que ça empêche de... et que, si c'est sous l'égide d'un ministère qui n'a pas du tout ce même type de relation là avec la police, ça va assurer une plus grande autonomie.

M. Poëti: Vous ne croyez pas que l'expertise policière, justement, d'un sous-ministre ou d'un nouveau député porte-parole en matière de sécurité publique puisse être utile à un tel exercice et être capable aussi d'assurer une intégrité et une honnêteté dans l'exercice de leurs fonctions?

Mme Filion (Nicole): On nous répond souvent que ça prend d'anciens policiers et des enquêteurs chevronnés pour faire les enquêtes criminelles qui portent sur la police. Là-dessus, on a pris connaissance du mémoire que la Protectrice du citoyen avait déposé lors du projet de loi n° 46, et elle citait un enquêteur, un ancien policier qui a été par la suite enquêteur pour l'UES et qui était maintenant au bureau de l'ombudsman. Et vous l'avez à la page 15 de notre mémoire, et c'est assez élogieux, le propos qu'il a, parce qu'il dit, lui qui a travaillé pendant plusieurs années à l'UEA, qu'à son sens il n'y a pas de différence entre les compétences qu'un civil peut avoir et qu'un policier, un ancien policier peut avoir. Bon, il fait état de... Ce n'est pas des enquêtes qui sont compliquées au même titre que des enquêtes où qu'il doit chercher qui a tiré, qui a tué. On connaît, on sait c'est qui, on sait qu'il y a un policier, on l'a identifié, il y a des témoins qui sont sur place. Les enquêtes n'ont rien comme... Il s'exprime de cette façon-là: «...ces enquêtes n'ont rien à voir avec des "polars".» Ça s'apparente davantage à une situation où une personne meurt suite à l'intervention de son mari, dans un cas de violence conjugale. Ensuite, il explique... C'est assez intéressant. Il dit que l'absence d'expérience dans la police, ça offre «des avantages bien précis, notamment lorsque la perception entrait en jeu». Alors, ne serait-ce que pour répondre à votre préoccupation d'assurer que la perception soit bonne, il me semble qu'on devrait aller jusqu'au bout dans le raisonnement.

Et la formation, ça s'acquiert. À ma connaissance, un policier va à l'école de police pour être formé. Un enquêteur pourrait être formé aussi. Le bureau pourrait concevoir la formation nécessaire. Mon collègue me faisait remarquer que, quand on a adopté la charte et on a créé la commission, la Commission des droits de la personne a eu un an pour mettre en place les services qui devaient aller avec sa mission. Pourquoi on ne se donnerait pas la peine de mettre en place, prendre le temps de mettre en place un bureau vraiment indépendant? Pourquoi on se priverait de cette possibilité-là?

M. Poëti: Alors, si je suis votre propos, si on prend des gens civils qui n'ont aucune connaissance du milieu policier, non plus d'enquête, qu'on va les former, à quel type de personnes que vous référez, à qui vous pensez? À quel type de profession ou de personne, de profil?

Mme Filion (Nicole): Il y a des avocats qui peuvent faire ce travail-là, il y a des juges à la...

M. de Massy (Philippe Robert): Mais il y a des tas de gens qui font des enquêtes au Protecteur du citoyen, à la Commission des droits de la personne, dans toutes sortes de ministères, dans... Il y a plein de gens qui font des enquêtes, des enquêteurs.

M. Poëti: ...assurerait qu'un civil qui n'a pas travaillé dans la police ne pourrait pas avoir de préjugé négatif face à la police? Ça, ça assurerait ça?

M. de Massy (Philippe Robert): Ah! bien, on voudrait sûrement que la personne qui travaille dans ce domaine-là n'ait pas de préjugé, sûrement, oui.

M. Poëti: Comment vous testez ça? Comment vous pouvez savoir ça?

M. de Massy (Philippe Robert): Bien, écoutez...

M. Poëti: Alors là, il faudrait qu'il y ait un bureau pour suivre les civils qui font les enquêtes. Écoutez, je voulais juste... Parce que je voulais comprendre pourquoi vous ne voulez absolument pas utiliser d'anciens policiers. C'est-à-dire que c'est d'emblée de dire: Bien, on pense qu'ils peuvent être honnêtes ou intègres, mais on aime mieux éliminer ça puis partir à zéro avec des gens qui n'ont pas de formation ou qui en ont une moyenne et les faire former pour arriver à ça.

M. de Massy (Philippe Robert): M. le Président, la question du député, pour moi, elle nous attribue, là, l'intention de mettre en doute l'intégrité. Ce n'est pas une question d'intégrité, c'est une question d'autonomie par rapport à tout ce qui concerne la police. C'est ça qu'on a toujours reproché aux enquêtes qui sont faites par des policiers. Et vraiment, si on regarde l'expérience ontarienne, c'est lancinant, ce problème-là, en Ontario. Ça a toujours été un problème. En Colombie-Britannique, on a décidé que cette unité, qu'on vient de créer en Colombie-Britannique, d'ici cinq ans n'aura plus de policier à son emploi, et il faut qu'il y ait un rapport qui soit fait, un examen qui soit fait de ça par l'Assemblée législative pour s'assurer qu'on a progressé dans ce sens-là. Et nous croyons que c'est tout à fait possible et que c'est tout à fait possible d'avoir un organisme qui soit très crédible aussi de la part de la police. Je pense que la police a tout à gagner à ce qu'il y ait vraiment une autonomie par rapport aux forces policières et à la culture policière, de façon à ce que le public ait confiance que les enquêtes sont faites de façon impartiale, et cette impartialité-là va jouer aussi en faveur des policiers en même temps que de l'ensemble de la population.

M. Poëti: D'accord. Merci. Alors, je vais y aller avec mon collègue...

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Pour combien de temps, M. le Président?

**(20 heures)**

Le Président (M. Marsan): Il reste 2 min 30 s, trois minutes. Mais vous pouvez dépasser, puis ce sera pris sur votre temps pour la prochaine intervention.

M. Ouimet (Fabre): Je peux le reporter à tantôt?

Le Président (M. Marsan): Non, mais vous pouvez dépasser, et on diminuera d'autant.

M. Ouimet (Fabre): Ah! on peut dépasser? Ah! merci, M. le Président, vous êtes bon pour moi.

M. Duchesneau: Mais pourquoi moi, je ne peux pas dépasser?

Le Président (M. Marsan): Bien, parce que vous avez juste une intervention.

M. Ouimet (Fabre): Bien, vous pouvez dépasser sur le reste du temps, il n'en reste pas.

M. Duchesneau: Le ministre va m'en donner.

Une voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Là, ces blagues sont sur mon temps.

Il y a un point sur lequel vous avez... vous en avez parlé tantôt, c'est la question de l'avis. Et je pense, M. le ministre, qu'il y a peut-être un... ça a peut-être du mérite, cette idée de l'avis donné directement au Bureau d'enquêtes indépendantes plutôt que de transiter par le ministre. Je vous ai entendu, M. le ministre, vous avez indiqué clairement: Puisque c'est le texte de la loi, de toute façon, qui dit qu'il n'y a pas de discrétion, on doit tenir une enquête. Lorsque je vous ai entendu, je me suis fait la réflexion: Bien, à ce moment-là, pourquoi ajouter cet élément de délai? Et je n'en suis que dans le délai opérationnel, que ce soit 30 minutes, que ce soit une heure, que ce soit deux heures. Puisque le ministre, de toute façon, va se retourner et immédiatement communiquer avec le directeur du Bureau des enquêtes indépendantes, je me suis posé la question à savoir pourquoi on prévoyait que l'avis allait au ministre, et le ministre qui l'envoyait au Bureau d'enquêtes indépendantes. Alors, je pense... Et vous avez fait cette observation-là et j'ose penser que, d'un point de vue opérationnel, ça a du mérite. Je pense qu'il faut absolument que le ministre soit aussi avisé.

M. de Massy (Philippe Robert): ...pourquoi pas aviser les deux?

M. Ouimet (Fabre): Mais je pense que, dans l'optique de l'intervention rapide du Bureau d'enquêtes indépendantes, ce n'est pas une suggestion inutile que de prévoir... Puisque nous sommes tous d'accord que, dans l'application, dans le 289.1, c'est automatique, il y a une enquête, là, je pense qu'on pourrait envisager de faire aviser immédiatement le Bureau d'enquêtes indépendantes, au-delà des... Et je n'en suis pas sur les considérations de donner un caractère indépendant, appuyer l'indépendance du bureau. J'en suis simplement au niveau opérationnel. Est-ce que mes remarques font du sens, du point de vue opérationnel?

Mme Filion (Nicole): C'est ce qu'on demande, effectivement, pour éviter des délais.

Mais je reviendrais aussi, j'en profiterais pour revenir sur la question de la définition. La définition de «blessure» est quand même... Qu'est-ce qui va déterminer que la blessure causée ouvre la mise en place du mécanisme? Et j'aimerais qu'on considère la définition, la proposition de définition qu'on en a faite. En Ontario, malgré qu'on voudrait peut-être moins en parler, mais quand même, en Ontario, c'est une source de problèmes, le fait qu'on n'ait pas une définition claire de la nature de la blessure qui peut ouvrir la voie au mécanisme d'enquête indépendante. Et on n'a pas relevé, là, le fait qu'on avait proposé une définition qui pourrait aider à régler ce genre de problème là. Et, bon, le fait qu'on confie au bureau le soin de déterminer qu'on est dans une situation qui ouvre la voie, bien ils vont développer aussi une expertise qui va être importante là-dedans.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Alors, nous revenons au parti ministériel. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs dames. Je voulais juste revenir un petit peu sur votre vision par rapport à la composition du bureau, et j'ai un questionnement. Et j'ai bien compris toute votre préoccupation que vous avez exprimée par rapport à assurer cette impartialité dans une enquête et cette indépendance d'enquête. Mais en même temps, si on regarde justement la composition que vous souhaitez, uniquement de civils et non pas d'anciens policiers, mais on prend... on part du point qu'un policier serait mis en cause dans une enquête, et on connaît aussi la complexité du travail policier, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait être une contribution positive d'avoir des anciens policiers, simplement ne serait-ce qu'au niveau de l'expertise qu'ils peuvent... que ces civils-là peuvent avoir développée? Et est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait contribuer à assurer un certain équilibre entre... Vous avez une préoccupation que l'enquête ne soit pas biaisée du côté policier, et on pourrait avoir, d'un autre côté, cette même préoccupation que l'enquête ne soit pas biaisée, non plus, complètement. Est-ce que vous ne pensez pas que d'avoir une certaine mixité dans la composition du bureau pourrait justement assurer une certaine vision équilibrée d'une enquête sur un policier?

Mme Filion (Nicole): C'est justement ce que le mécanisme ontarien avait au départ et c'est ce qui a posé problème. J'ai parlé tantôt de la fraternité bleue. Il y avait vraiment un problème quand ces agents-là, ces enquêteurs-là se présentaient sur place. Il y a une identification qui était faite entre les policiers enquêtés et les anciens policiers qui faisaient cette enquête.

C'est un professeur agrégé de criminologie à l'Université de Toronto -- c'est à la page 6 de notre mémoire -- qui dit: «Il y a un dicton: quand on est flic, on le reste... la "fraternité bleue" est très forte... une fois qu'on a été membre de cette fraternité, on l'est pour toujours... Je sais qu'il existe certains mécanismes de sécurité à l'UES... mais c'est une source de préoccupation... certains segments de la population, qui sont déjà cyniques et sceptiques envers la police -- il me semble qu'on est dans une situation assez critique actuellement par rapport à ce que la population du Québec perçoit par rapport aux policiers -- et qui croient déjà en un favoritisme, vont dire que si la police enquête sur la police... elle va consciemment ou inconsciemment pencher en faveur de la police...» Ce n'est pas un partisan opposé à la police qui parle, c'est un criminologue qui s'exprime. M. Marin... Je ne peux pas vous lire des extraits, là, du rapport Marin longuement, mais ça vaut la peine de se pencher sur ces extraits-là dont on vous a fait part et surtout les premières recommandations que Marin avait faites à l'époque, là, de son premier rapport.

Le Président (M. Marsan): Une autre question ou commentaire?

Mme Proulx: Bien, en fait, juste... Vous parlez du rapport Marin, mais vous, est-ce que vous ne pensez pas, est-ce que vous ne croyez pas qu'une mixité pourrait avoir un effet positif?

M. de Massy (Philippe Robert): Bien, c'est parce que l'UES, en Ontario, ça a été, jusqu'à il y a juste quelques années, le seul mécanisme d'enquête voulant être indépendant. Et, si vous lisez les deux rapports Marin, vous voyez que ça a toujours posé problème, cette question-là, tout le temps. Alors, nous, nous croyons qu'il faut peut-être prendre une leçon de cette longue expérience là, comme la Colombie-Britannique semble l'avoir fait, et dire: On va définir des mécanismes qui font que ça sera complètement distinct de la police. On ne pourra pas penser qu'il y a un certain nombre de policiers, là, qui ont fait l'enquête, et qui ont influé, puis qui sont solidaires avec les autres policiers, etc. On a cette indépendance complète. Et je suis convaincu qu'assez rapidement, si le travail est bien fait, même les corps de police finiront pas reconnaître l'indépendance et l'impartialité de cet organisme-là si c'est bien fait.

Ça n'exclut pas du tout qu'on aille chercher de l'expertise pour savoir comment ça se passe. Ça serait normal, il me semble, quand on fait une enquête, de savoir, dans une enquête policière, qu'est-ce qu'on fait normalement. On peut consulter des experts à l'Institut de police, on peut consulter des experts dans l'état-major policier pour savoir: Est-ce que vous faites ça vraiment comme ça? C'est comme ça qu'on fait ça dans le quotidien? Il me semble que des enquêteurs intelligents vont aller chercher de l'expertise. Mais l'enquêteur, il se sent complètement indépendant de l'organisation policière. Il n'a pas participé à l'organisation policière.

C'est comme ça que nous le voyons, en tout cas. C'est notre opinion. Enfin, nous avons beaucoup réfléchi à ça, puis c'est la seule solution à laquelle on en est arrivés. Et c'est ce qu'ils ont fait très récemment, il y a trois ans, en Colombie-Britannique. Ils ont dit: Il va y avoir des policiers au début, mais petit à petit l'objectif, c'est qu'il y en ait de moins en moins. En Ontario, c'est qu'il y en ait aussi de moins en moins.

Mme Filion (Nicole): J'ai peut-être un commentaire...

**(20 h 10)**

Le Président (M. Marsan): Mme Filion.

Mme Filion (Nicole): ...parce que je n'ai pas pu m'exprimer là-dessus, puis, bon, ça peut être aussi... Parce qu'on souhaiterait que, quel que soit le mécanisme qui sera mis en place, il y aurait un véritable... un exercice de révision de la loi après trois ans. Bon, la loi parle de... il y aura un rapport qui se fera après trois ans, mais ça ne nous semble pas être un mécanisme aussi formel que, par exemple, la loi contre les poursuites-bâillons, qui a prévu un mécanisme formel de révision. Ce mécanisme-là, bien, ça pourrait être à la base... À la base du mécanisme, il devrait y avoir, au bout de trois ans, un rapport que le bureau rend public. Ce rapport-là devrait fournir toute information pertinente justement par rapport au fonctionnement. Le gouvernement semble s'orienter vers un bureau indépendant avec la mixité. On en parle. Je pense qu'il y a eu des annonces ce matin. On n'était pas là. Bien, on pourra juger justement est-ce qu'il y a eu... est-ce que c'était pertinent de faire ça ou s'il n'y a pas lieu de cheminer vers des enquêteurs strictement civils, bien que nous, on le souhaiterait au tout départ.

Il faudrait vérifier aussi si le bureau rencontre les objectifs qui sont recherchés au niveau de son indépendance et de son impartialité. Il faut qu'il y ait aussi des solutions qui soient proposées pour l'avenir et évidemment qu'il y ait des audiences publiques sur ce... qui permettraient à la population de se prononcer sur: On a-tu atteint nos objectifs avec ce qu'on voulait faire avec ce bureau-là?

Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, je vous remercie. Nous poursuivons avec l'opposition officielle.

M. Poëti: Peut-être une dernière question: Qui vous voyez directeur? Quel type de personne, de profession, en fait, de profil, je ne peux pas le dire autrement, là, pour être le patron d'une escouade comme vous le soulignez? Nous, on suggère un juge à la retraite. Est-ce que vous avez confiance dans un juge à la retraite, ou il pourrait être influencé?

M. de Massy (Philippe Robert): Ça pourrait être. Ça pourrait peut-être. Le juge Gomery nous a montré qu'un juge à la retraite peut faire des choses bien. Et, même si le juge Gomery a été civiliste toute sa vie, il a montré sa capacité. Enfin, un juriste intelligent est capable d'aborder n'importe quel type de problème. Non, il faut juger les personnes ou les candidats sur leur mérite personnel, leur intégrité, leur histoire de vie. On n'a pas de...

M. Poëti: Un juge, c'est correct? Un juge, vous seriez bien avec ça?

M. de Massy (Philippe Robert): Ça pourrait être un juge mais pas nécessairement.

M. Poëti: Non, je vous demandais si c'était quelque chose que... que vous ne vous opposiez pas au fait que ça soit...

M. de Massy (Philippe Robert): Mais oui, tout à fait. Mais on chercherait quelqu'un de sage, quelqu'un qui a un bon jugement, qui est capable aussi d'avoir des attitudes qui feraient que petit à petit cet organisme aurait une crédibilité dans l'ensemble de la population, y compris la population policière.

M. Poëti: Très bien. Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Marsan): Juste avant de laisser la parole à notre collègue le député de Saint-Jérôme, le député de Sherbrooke m'avait fait signe pour une petite question. Alors, je vais lui céder la parole et ensuite M. le député de Saint-Jérôme.

M. Cardin: Une petite question relativement rapide. Il faudrait m'éclairer, par contre, avant. La Colombie-Britannique puis l'UES, la condition, au début, c'était quoi? Les enquêteurs pouvaient être policiers retraités ou bien actifs?

M. de Massy (Philippe Robert): Non, non, c'était anciens policiers, oui.

M. Cardin: O.K., donc retraités.

Une voix: ...

M. de Massy (Philippe Robert): Même des policiers actifs, oui?

Une voix: ...

M. de Massy (Philippe Robert): O.K. Ils mettaient un terme à leur lien d'emploi, oui, c'est ça. Pas nécessairement retraités, oui.

M. Cardin: C'est parce que je voyais aussi... Quand vous parlez de la fraternité bleue, je peux peut-être comprendre, dans un contexte où les gens travaillent quotidiennement ensemble, régulièrement ensemble, partagent des choses difficiles souvent ensemble et qui, du jour au lendemain, se retrouvent enquêteurs pour enquêter sur d'autres policiers, peut-être qu'il y aurait peut-être une petite tendance comme ça de fraternité bleue, mais, s'il y avait un décalage... Quelqu'un pourrait être... avoir été policier, mais, s'il arrivait comme enquêteur mais un peu plus tard, donc un espace temporel, je veux dire, est-ce que vous pensez que les personnes vont avoir encore une réaction comme vous pensez, selon ce que le professeur criminologue réputé avance?

Le Président (M. Marsan): En terminant.

Mme Filion (Nicole): On s'appuie sur ce qui a été dit dans ce rapport-là, on n'invente pas ça.

M. de Massy (Philippe Robert): Le choix que nous avons fait, c'est de dire: On ne veut pas de problème, on veut une autonomie, on veut une indépendance. Alors, allons carrément à ça parce qu'on peut former des enquêteurs, on peut... Il y a toutes sortes de façons de le faire et puis de le faire très bien, et c'est tout. En Colombie-Britannique, ils ont choisi de commencer avec des policiers puis petit à petit de tasser les policiers puis n'avoir que des civils. Pourquoi faire ça comme ça? On pourrait donner à l'organisme le temps de s'organiser, peut-être un an ou un an et demi. La Commission des droits de la personne avait un an, entre 1975 et 1976, là, pour s'organiser avant que la charte entre en vigueur. Cette loi-ci pourrait entrer en vigueur un an après son adoption, et puis on recrute des enquêteurs, on définit les types d'enquête, etc.

Le Président (M. Marsan): Ça va?

M. de Massy (Philippe Robert): Ça n'exclut pas qu'on ne consulte pas les milieux policiers pour toutes sortes de choses et que l'Institut de police ne soit pas associé à la recherche qu'on a. Parce qu'il y a des expériences quand même, là. Mais des bons juristes savent interroger des témoins, normalement, des juristes d'expérience. C'est ça, l'enquête, c'est interroger des témoins. Pour ce qui est du reste, des questions très techniques, balistique, et autres, il y a l'institut... bien ce qui s'appelait l'institut médico-légal, je ne sais plus... le laboratoire de... Alors, il y a...

Le Président (M. Marsan): Merci.

M. de Massy (Philippe Robert): ...il y a des ressources, là, et... Bon.

Le Président (M. Marsan): Merci beaucoup. Et je vais céder la parole à notre collègue M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

J'ai bien aimé les qualificatifs que vous avez utilisés tantôt en parlant du juge, quelqu'un d'intelligent, de sage, ayant un bon jugement. Vous savez qu'on pourrait enlever le mot «juge» et mettre le mot «policier», et on trouverait quand même des gens intelligents, sages, avec un bon jugement. D'ailleurs, les policiers souvent restent en vie parce qu'ils ont un bon jugement. Malheureusement, à Kuujjuaq, la semaine passée, le bon jugement n'a pas aidé.

Écoutez, moi, je vous suis sur la majorité des choses, puis il y a des choses avec lesquelles je suis en total désaccord parce que des fois je pense qu'on tombe dans la pensée magique. Quand vous parlez d'une loi spécifique, je pense que je vous suis là-dessus. Ce n'était pas comme ça, mais vous êtes en train de me convaincre. Définir le mot «blessure»? Oui, parce que ça va ouvrir toutes sortes d'interprétations et ça pourrait nuire. Initier des enquêtes indépendantes? Très bon point.

Mais, quand on commence à tomber dans le menu détail, dire que le suspect doit être interrogé dans l'heure qui suit, vous savez que souvent ça a des effets pervers. Il faut d'abord que tu ais fait parler ta scène de crime. Il faut que tu ais vu des témoins. Après ça, tu parles à ton principal suspect. Parler trop vite, des fois, ça peut amener des complications d'ordre juridique. Alors, ça, c'est un premier point.

Quand on dit: Bien, dehors, les anciens policiers!, bien, l'exemple, justement, de la Colombie-Britannique, on se donne un cinq ans. Parce qu'il ne faut pas mélanger. Le mot «enquêteur» peut être utilisé à toutes sortes de sauces. Enquêteur au Directeur général des élections, c'est une chose, mais enquêter sur un crime majeur, là... Vous savez que la majorité des policiers qui s'en vont à des escouades d'enquête de crimes majeurs ont 20, 25 ans de service. Parce qu'ils ne sont souvent pas qualifiés pour faire ce genre d'enquête là. Parce qu'il n'y a pas juste l'enquête. Il faut aussi qu'on se rende devant les tribunaux, qu'on sache comment témoigner. Parce qu'une fois qu'on aura décidé de porter des accusations imaginez, là, si on témoigne mal à la cour, et que la cause est rejetée, et que la personne est acquittée, on revient à la case départ encore, hein? Donc, il faut se donner des moyens. Et, dans les propos que vous avez tenus, je trouve qu'on antagonise les parties, d'une certaine façon. Chef de police, là, je l'ai été et je vais être... Si j'étais encore chef de police, là, je serais content de vous donner l'enquête tout de suite. Ça fait que ne mettez pas dans la loi que ça va prendre une heure. Moi, je vous dis que ça va peut-être prendre 10 minutes, puis ils vont dire: On l'appelle, puis qu'il vienne prendre l'enquête. Parce que ça va être de plus en plus compliqué.

Le problème qu'on a actuellement, c'est un problème de perception. Et le danger qu'on a, c'est: si aujourd'hui, après les études que vous avez faites, on arrive à dire: Il y a eu tant de cas où des policiers ont utilisé leurs armes, des personnes sont décédées, et qu'il n'y a pas d'accusation de portée, bien moi, je vous dis que dans cinq ans, là, on sera autour de la même table, puis on va tenir la même discussion, et là ça sera le directeur du Bureau des enquêtes indépendantes. On va dire: Mais il n'a pas fait son travail. Parce que, ce que j'ai entendu aujourd'hui, là, on n'a pas confiance aux anciens policiers, on n'a pas confiance aux enquêteurs, qui ne font pas des enquêtes comme il faut, on n'a pas confiance aux directeurs de police, qui pourraient être de connivence, on n'a pas confiance au ministre, la justice... le système de justice, on le remet en question. Puis moi, je vous dis: Le directeur du Bureau des enquêtes, là, parce qu'il n'aura pas obtenu ses statistiques... Parce que vous semblez partir avec une prémisse qui fait en sorte qu'il y a quelque chose qui vous est caché puis qu'il y a des accusations qui pourraient être portées qui ne le sont pas. Moi, je vous dis, là, pour l'avoir vécu: Ce n'est pas ça qui est la réalité.

**(20 h 20)**

Mme Filion (Nicole): Bien, M. le Président, il a fallu qu'on ait l'enquête publique Villanueva pour savoir comment étaient menées, comment on menait les enquêtes dites indépendantes. Si on n'avait pas eu cette enquête publique là, on n'aurait pas compris comment... Sans avoir quelque chose de formel, un mécanisme formel, un mécanisme indépendant, on n'aurait pas pu envisager... Il n'y avait rien de public, il n'y avait rien qui était su. Alors, je ne comprends pas qu'on puisse dire que c'est seulement un problème de perception, parce qu'à ce moment-là on a démontré clairement que ce n'était pas une perception, c'était vicié. Le processus était vicié. On n'avait pas respecté aucune règle... on n'avait aucun minimum des règles qui avait été respecté, les policiers n'ont pas été séparés... enfin, vous êtes au courant. Alors, qu'on arrête de parler de perception. Il y avait plus qu'un problème de perception. Il y a un problème de fonctionnement, puis il faut y mettre un terme. Et ce qu'on veut, c'est avoir vraiment l'occasion de mettre en place un mécanisme qui ne va pas dérailler après quelque temps.

On parle de la Colombie-Britannique...

M. Duchesneau: Mais là il faut que je... Non, mais là je vais reprendre.

Le Président (M. Marsan): ...de Saint-Jérôme, la parole est à vous.

M. Duchesneau: Je vais reprendre parce que vous avez fait des affirmations.

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Duchesneau: Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Marsan): Très peu de temps.

M. Duchesneau: Dans l'affaire Villanueva, le problème, c'est un problème de supervision et un problème de manque de ressources quand on arrive sur les lieux. Et on va voir, là, quand on aura des enquêtes, là, on ne peut plus arriver avec deux enquêteurs pour faire une enquête de cette envergure-là. Et c'est pour ça que j'ai toujours critiqué le nombre de policiers qu'on voit dans cette escouade-là, là. Aujourd'hui, sur des scènes de meurtre, dans la majorité des services de police au Canada, on arrive au moins huit enquêteurs pour faire le travail. Et, si on avait eu ça dans l'affaire Villanueva, peut-être qu'on n'aurait pas eu d'enquête comme celle qu'on a eue.

Le Président (M. Marsan): Merci. Ceci termine notre échange. Et je voudrais vous remercier, remercier les représentants de la Ligue des droits et libertés, M. Philippe Robert de Massy et Mme Nicole Filion.

Et j'inviterais les représentants, maintenant, de l'association des policiers et policières provinciaux du Québec.

Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 22)

 

(Reprise à 20 h 26)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et c'est avec plaisir que nous recevons l'Association des policières et des policiers provinciaux du Québec. Je vais d'abord vous demander de vous présenter, chacun, et ensuite vous avez une dizaine de minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire sur le projet de loi n° 12. La parole est à vous.

Association des policières et policiers
provinciaux du Québec (APPQ)

M. Veilleux (Pierre): Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter les membres qui m'accompagnent: Me Alain Rousseau, procureur de l'association, ici à ma gauche, et M. Jacques Painchaud, vice président, Discipline, déontologie à l'association. Moi-même, Pierre Veilleux, président de l'association.

L'APPQ tient à remercier la commission de l'opportunité qui lui est donnée de faire valoir son point de vue concernant le dossier des enquêtes indépendantes. Avant l'année 2012, les différents gouvernements qui se sont succédé n'ont jamais perçu l'urgence ou la nécessité de légiférer. À notre avis, il est raisonnable de croire que cette situation provient, en partie du moins, par le fait que jusqu'à présent les différents intervenants dans le milieu policier n'ont pu identifier aucun dossier dans lequel les enquêteurs, soit par complaisance, négligence ou mauvaise foi, auraient fait une mauvaise enquête afin de favoriser des policiers.

Tout d'abord, nous désirons vous exprimer notre surprise du fait que ce projet de loi retient, à peu de choses près, le modèle ontarien connu sous le nom de SIU. En effet, le projet de loi tel que déposé, retenant en grande partie le modèle ontarien, ne résout rien en s'attaquant au seul volet de l'indépendance, alors que c'est la transparence qui, à notre avis, fait défaut dans le processus actuel et aurait dû retenir davantage l'attention du gouvernement.

Création d'un modèle québécois. Tel que mentionné précédemment, nous croyons qu'il est essentiel que ces enquêtes indépendantes continuent d'être effectuées par des policiers actifs, compétents et qui possèdent une expertise d'enquête pertinente, contemporaine. Ceci étant dit, il va de soi qu'une amélioration du modèle existant est nécessaire, en plus de l'instauration d'un mécanisme de transmission de l'information auprès du public. Ainsi, nous nous permettons respectueusement de vous proposer un modèle québécois.

Ce modèle devrait prévoir la création d'un poste qui pourrait être appelé coordonnateur aux enquêtes indépendantes, lequel devrait être un avocat ayant plus de 15 ans de pratique en droit criminel. Le rôle de ce coordonnateur serait d'être impliqué directement dans l'enquête, et ce, avec l'équipe d'enquêteurs du service de police chargé de faire la lumière. Plus particulièrement, il devra s'assurer de coordonner l'équipe d'enquêteurs afin de minimiser les délais, en plus de s'assurer également que l'enquête se fasse selon les règles de l'art. Nous croyons que ces coordonnateurs, alliés à des enquêteurs actifs, expérimentés, de haut niveau, n'auront besoin que d'une formation adaptée à leur rôle spécifique.

De plus, l'implantation de ce modèle comporterait deux avantages principaux: d'être beaucoup moins lourd pour les fonds publics et d'avoir la possibilité de sa mise en place à court terme. Nous croyons que ce modèle est en mesure de rencontrer largement les objectifs du gouvernement, en termes d'indépendance, dans le cadre de ce projet de loi, et ce, par la présence de civils directement impliqués dans l'enquête, lesquels seraient des intervenants au fait du dossier et qui seraient, en quelque sorte, les yeux du public.

Subsidiairement, quant au projet de loi n° 12, voici le résultat de notre analyse. Alors que présentement ce type d'enquête se fait par des policiers d'expérience, vous comprendrez aisément notre inquiétude de voir arriver des enquêteurs civils n'ayant aucune formation de policier ni l'expertise nécessaire, sans connaissance approfondie du travail des policiers, effectuer un travail aussi important, autant pour le citoyen que pour les policiers concernés.

**(20 h 30)**

D'ailleurs, ce positionnement du législateur est d'autant plus discutable dans la mesure où, dans la foulée de la commission Poitras, un règlement a été instauré, soit le Règlement sur les qualités minimales requises pour exercer les fonctions d'enquête dans un corps de police, lequel comporte un minimum de 285 heures de formation universitaire. À ce sujet, nous croyons opportun de vous référer aux propos de Mme Marie Gagnon, directrice générale de l'École nationale de police, lors de sa présentation devant la commission parlementaire du défunt projet de loi n° 46.

Pour ces motifs, l'association est profondément inquiète d'une baisse probable de la qualité des enquêtes pour ce type de dossier, lesquelles se font habituellement par des enquêteurs provenant des escouades de crimes majeurs.

L'indépendance et la crainte raisonnable de partialité. La présence, dans le projet de loi, d'enquêteurs civils provient, à notre avis, de la perception que les policiers, et ce, même s'ils émanent d'un autre corps de police, vont nécessairement s'aider ou s'appuyer. Les statistiques mentionnées dans notre mémoire démontrent avec éloquence que les enquêtes criminelles à l'endroit des policiers faites par des policiers peuvent conduire à des mises en accusation.

L'association a retenu les services de Me Jean-Claude Hébert afin qu'il nous fasse part de son point de vue juridique. Me Hébert nous affirme que «la Cour suprême a précisé qu'une allégation de partialité ne suffit pas pour conclure à une partialité réelle ou perçue. La personne qui allègue la partialité doit en établir l'existence. [...]En somme la détermination de la partialité institutionnelle suppose qu'une personne bien renseignée, ayant étudié la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, éprouve une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas.»

Vous aurez donc compris, à la lecture des commentaires de Me Hébert, que la partialité appréhendée à l'égard des policiers n'est basée que sur une croyance populaire nullement fondée sur une crainte raisonnable de partialité.

Présence d'enquêteurs policiers retraités. La présence de policiers retraités dans le cadre des enquêtes indépendantes pose le problème de l'actualisation des compétences. De plus, rien ne nous garantit que ces enquêteurs proviendront d'escouades de haut niveau, comme c'est le cas présentement dans le système actuel.

De plus, considérant que présentement les enquêtes se font par des enquêteurs hautement qualifiés provenant des crimes majeurs, l'association et ses membres sont extrêmement préoccupés par l'absence de ratio entre enquêteurs civils et enquêteurs policiers retraités.

À ce stade-ci, étant donné que nombre d'intervenants ne manqueront pas d'élaborer sur ces modalités d'enquête, même si elles ne font pas partie intégrante du projet de loi, nous croyons nécessaire de vous faire part de nos commentaires relativement à certains éléments d'importance soulevés par cette question.

Obligation de faire un rapport ou une déclaration écrite dans un délai de 24 heures. D'abord, nous désirons souligner que la majorité des rapports d'événement faits par des policiers sont rédigés dans un délai de 24 heures. Par contre, il importe de souligner également que ces rapports ne se situent nullement dans le cadre d'une enquête faite dans des circonstances aussi graves que celles prévues dans le cadre du projet de loi. En conséquence, ce serait une erreur de ne pas tenir compte des possibles conséquences psychologiques de ce type d'incident sur les policiers impliqués, et ce, dans la majorité des événements tragiques. D'ailleurs, nous vous référons, à ce sujet, aux propos tenus par le Dr Michel Grégoire, psychiatre, dans notre mémoire.

Quant à nous, même dans l'éventualité où le policier impliqué est médicalement en possession de tous ses moyens sur le plan psychologique, l'exigence de rédiger un rapport immédiatement après l'événement est un exercice périlleux. Les policiers peuvent, dans ces circonstances, facilement commettre des erreurs de bonne foi qui s'avéreront quasi impossibles à corriger par la suite, car le premier rapport sera perçu comme étant rédigé de façon contemporaine aux événements versus un rapport fait par la suite qui ajouterait ou corrigerait des éléments du premier. Il est évident que cette situation ne sert ni le policier ni l'enquête et encore moins les fins de la justice.

Admissibilité en preuve des rapports policiers lors de procédures criminelles. En plus de l'opinion exprimée par Me Catherine Davidson dans notre mémoire, Me Jean-Claude Hébert s'est également prononcé dans le même sens sur cette question: «Force est de constater que la comparaison du traitement réservé aux policiers visés par une enquête du BEI et celui qui est fait aux témoins devant une commission d'enquête écorne l'exigence de l'égalité de tous devant la loi. Dans un cas, jouissant de l'immunité, des témoins reconnaissent publiquement en toute impunité avoir commis des crimes graves à répétition. Dans l'autre cas, présumés innocents, mais forcés de s'auto-incriminer par une procédure administrative, des policiers sont privés du privilège de l'immunité.

«Le législateur devrait profiter du débat parlementaire concernant le projet de loi n° 12 pour corriger le traitement inéquitable réservé aux policiers visés par une enquête criminelle. Il suffirait de leur accorder l'immunité dans la loi, comme c'est d'ailleurs le cas pour les policiers rencontrés à titre de témoin.» Fin de la citation.

Isolement des policiers et interdiction de communiquer entre eux. Soulignons d'emblée que, dans notre système de droit, détenir, pour des fins de l'interroger, une personne qui n'est pas en état d'arrestation est illégal au sens de la Charte des droits et libertés. Il est donc à prévoir qu'un règlement qui établirait une telle pratique franchirait la frontière entre l'isolement et la détention au sens de la charte. Il faut donc également prévoir que les associations syndicales prendraient alors leurs responsabilités à cet égard et que des contestations juridiques seraient à venir. Il en serait de même si les enquêteurs devaient instaurer une telle pratique de leur propre chef.

Nous croyons également que cette exigence de ne pas communiquer entre eux et d'être isolés les uns des autres est tout à fait déraisonnable et ne tient aucunement compte de la réalité opérationnelle de ce genre d'événement. Cette réalité est d'autant plus flagrante dans les régions éloignées couvertes par la Sûreté du Québec, où le personnel policier est restreint et le temps de déplacement de l'équipe d'enquêteurs chargée de l'affaire peut être plus ou moins long. Un isolement des policiers, dans ces circonstances, par l'absence de couverture qui en résulterait, serait même de nature à mettre en péril la sécurité des citoyens.

En conclusion, nous ne croyons pas que le modèle retenu, similaire au modèle ontarien, soit une panacée. Avec respect, nous croyons plutôt que le législateur devrait retenir un modèle typiquement québécois, qui rencontrerait les critères de sélection des enquêteurs compétents et efficaces, de crédibilité aux yeux du public et de légitimité aux yeux des policiers.

À cet égard, il serait déplorable que, par l'implantation d'un BEI en réaction à une crise de confiance d'une certaine partie de la population basée sur des perceptions, que le gouvernement, par retour du balancier, provoque une crise de confiance profonde des policiers envers les enquêtes indépendantes. Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Veilleux. Alors, je vais tout de suite donner la parole au ministre de la Sécurité publique et député de Verchères. M. le ministre.

M. Bergeron: Merci, M. le Président.

D'abord, merci infiniment de votre présentation. L'objectif n'est certainement pas de créer quelque chose, de mettre en place une unité qui va provoquer la perte de confiance des policiers dans le processus d'enquête indépendante. Alors, c'est clair que tous les points de vue, y compris le vôtre, sont très importants pour éclairer le nôtre quant à ce qu'on va faire.

Évidemment, vous avez fait quelques recommandations quant à la conduite de l'enquête dans ses phases initiales. Nous allons en tenir compte dans la rédaction de la réglementation, en nous assurant évidemment que la réglementation traduise, un peu pour reprendre votre expression, ce qui doit être fait dans les règles de l'art. Et il n'y a pas de raison pour que ce qui doit être fait dans les règles de l'art pour un citoyen, quel qu'il soit, ne soit pas les mêmes règles qui soient appliquées dans les règles de l'art pour un policier. Alors, on va s'organiser effectivement pour que ce soit fait dans les règles de l'art. Merci pour vos observations.

Maintenant, il y a un certain nombre d'éléments, dans votre mémoire, qui suscitent des interrogations. D'abord, quant au fait que des policiers retraités... jusqu'à... À la rigueur, je pourrais comprendre que vous ayez des réserves au fait qu'il y ait des civils qui n'ont jamais été agents de la paix qui puissent agir comme enquêteurs. Mais là vous nous dites même que vous avez des réserves à ce qu'un policier., un enquêteur retraité puisse occuper ces fonctions. Vous avez des inquiétudes quant à la mise à jour de ses compétences alors qu'il est clairement indiqué qu'il va y avoir une formation. Donc, on va faire une formation continue pour s'assurer que nos enquêteurs demeurent à la page.

Puis il y aura également une disposition visant à faire en sorte qu'on n'ira pas chercher un enquêteur qui était enquêteur il y a 18 ans, là. Il va y avoir un délai, là, de cinq ou trois ans en arrière. Puis, je le répète, là, jamais je ne croirai que vous allez nous dire qu'il n'y a pas au Québec sept... autour de sept enquêteurs de haut niveau qui pourraient occuper ces fonctions-là demain matin. La réponse, vous le savez, c'est: Oui, il y a facilement sept enquêteurs de haut niveau qui demain matin peuvent occuper ces fonctions-là.

**(20 h 40)**

Maintenant, pour les civils, même pour les civils, deux observations qui nous ont été faites aujourd'hui. D'abord, la Ligue des droits et libertés, qui nous citait un rapport du Protecteur du citoyen en Ontario, où un ex-policier nous dit que finalement, là, les civils, là, sont aussi bons pour faire le travail d'enquêteur que ne le sont les policiers, là. Quand ils ont la formation adéquate, ils sont tout à fait en mesure de le faire.

Et Marie Gagnon aujourd'hui, que vous citez abondamment par rapport au projet de loi n° 46, qui nous dit que, oui, il y a moyen de faire en sorte d'avoir une formation modulée qui va nous permettre, sur la base de l'expérience... Parce que ce ne sera pas des quidams, là, qui vont avoir été choisis pour siéger au Bureau des enquêtes indépendantes, là. Ça va être des gens qui vont avoir une solide expérience professionnelle, une solide formation académique qui vont être choisis pour occuper des fonctions d'enquêteur, et Mme Gagnon estime que, oui, ces gens-là vont avoir... on va pouvoir leur donner une formation sur mesure, qui va nous permettre d'avoir, de nous assurer...

Puis, vous avez une préoccupation que je partage: il faut que le traitement auquel ont droit des policiers, en termes d'enquête, soit un traitement équivalent, tout à fait équivalent à celui que n'importe quel citoyen... auquel a droit n'importe quel citoyen, en termes d'enquête, puis je suis tout à fait d'accord avec vous, de ce côté-là, puis c'est ce qu'on va rechercher. Je ne sais pas si ma seule parole peut vous rassurer, mais c'est vraiment ce qu'on va rechercher, parce que l'objectif, je vous le dis, je vous le répète, là, ce n'est certainement pas de créer une crise de confiance du côté policier. L'important, c'est d'avoir un projet de loi qui va être équilibré, qui va nous permettre de rétablir la confiance du public, tout en conservant la confiance des organisations policières. Alors, c'est pour ça que vos observations, vos points de vue nous sont précieux.

Donc, j'aimerais ça que vous vous exprimiez sur, un, les ex-policiers -- je suis un peu préoccupé par le fait que là vous trouvez qu'il n'y a peut-être même pas là la compétence requise pour faire le travail -- et les observations qui ont été présentées aujourd'hui par... dans le rapport du Protecteur du citoyen en Ontario et par Mme Gagnon elle-même à l'effet que nous sommes tout à fait en mesure d'avoir des enquêteurs civils qui vont être à la page et en mesure de faire le travail.

Vous parliez de l'admissibilité en preuve des rapports de police. Selon notre évaluation des choses -- puis ça a été confirmé par des représentants du Barreau aujourd'hui -- un rapport de police ne pourrait pas être retenu en preuve contre un policier, pour la simple et unique raison que, lorsque le policier rédige son rapport, on ne lui a pas lu ses droits, il n'y a pas eu de mise en garde, là. Donc, ça ne peut pas être retenu, devant un tribunal, en preuve contre le policier. Donc, je tiens à vous rassurer de ce côté-là, il n'y a pas d'inquiétude à avoir quant au rapport comme tel. Donc, peut-être une petite précision, puis je vais vous laisser, peut-être, commenter sur ce que je viens d'évoquer, puis on verra s'il y a lieu d'approfondir.

Le Président (M. Marsan): M. Veilleux.

M. Veilleux (Pierre): Merci, monsieur. Écoutez, c'est une question à développement, on s'entend, là. Premièrement, pour ce qui est du rapport, effectivement, je pense qu'on s'entend bien là-dessus, et c'était une de nos craintes. Cependant, dans la Loi de police, si je ne m'abuse, c'est déjà inscrit pour le policier témoin. Donc, on ne verrait pas pourquoi que ce ne serait pas inscrit ou il n'y aurait pas une mention qui pourrait clarifier la situation, avant, peut-être, qu'il y ait une... je ne veux pas parler d'erreur, mais qu'il y ait une personne qui y penserait, d'utiliser le rapport dans ce sens-là. Je vous le soumets respectueusement.

Au niveau de la formation, je suis un peu sensible à la formation, moi, parce que j'étais un ancien vice-président à la formation et aux griefs, donc ça me tenait à coeur. Et la réflexion était ma suivante, pour les policiers. Si, pour un policier, pour débuter ma carrière d'enquêteur, après mes quelques années de patrouilleur, ça me prend une formation universitaire et que le Québec a choisi d'aller vers ça, suite à divers rapports ou à diverses commissions qui ont pu traiter le sujet, ce n'est pas le fruit du hasard. C'était un besoin. En tout cas, moi, je l'imagine de même. C'est logique. Pour les enquêtes indépendantes, cela est fait depuis des années par des enquêteurs chevronnés, des enquêteurs de haut niveau de crimes majeurs, appelons-le... utilisons les mêmes termes que Mme Gagnon. Ça non plus, ce n'est pas le fruit du hasard. Donc, je me dis...

Puis là je parle plutôt du personnel civil qui pourrait être appelé à faire des enquêtes. Je n'ai pas l'impression que, bien qu'on puisse avoir... Et je pense que tout le monde est de bonne volonté pour faire une formation qui pourrait être sur mesure ou adaptée à des personnes civiles. Et loin de moi l'idée de penser que ces personnes-là ne seraient pas compétentes. Mais, si, moi, on m'exige, comme policier, de suivre un cours en technique policière, de suivre un cours de formation de base à l'École nationale de police, de faire une expérience policière pertinente, d'aller resuivre des cours encore universitaires pour aller enquêter des enquêtes de façon générale, avant même d'atteindre les niveaux de crimes majeurs, j'ai peine à m'imaginer comment on pourrait faire, avec une personne qui n'a jamais été policier, de le former en quelques mois et d'en faire un enquêteur aussi, aussi expérimenté, du moins aussi... Parce qu'il y a deux volets. Il y a l'expérience, qui se calcule en termes d'années, mais il y a aussi la connaissance, qui se calcule en termes de formation continue. On a de la misère à s'imaginer ça. Peut-être qu'on va y arriver, tant mieux, mais on en doute, on en doute.

Pour ce qui est des civils, ça va. Pour ce qui est des enquêteurs retraités, maintenant, oui, vous avez raison qu'il y a sûrement, à travers les policiers retraités dans la province de Québec, des enquêteurs qui sont retraités présentement puis qui ont fait des enquêtes de ce niveau-là. Par contre, est-ce que c'est des personnes qui sont retraitées depuis six mois, un an, trois ans? Moi, déjà, trois ans, je trouve qu'on commence à être déphasé un peu, parce que ça évolue rapidement, le droit évolue rapidement, les jurisprudences, etc. Idéalement, au pire aller, et c'est subsidiairement qu'on en parle, si à tout le moins on doit travailler avec des enquêteurs retraités, il faudrait qu'ils soient retraités, sans reprendre les dires de M. Poëti, au 1er janvier du mois suivant la retraite, pour qu'il n'y ait pas d'érosion ou de perte d'expertise, parce que ça roule vite.

On pense qu'il va y avoir un problème de recrutement tôt ou tard, au niveau du bassin possible dont vous avez parlé ce matin. Parce qu'on peut, oui, prétendre qu'à la Sûreté du Québec, exemple, il y a une centaine de personnes qui seraient capables de faire des enquêtes, mais dans ces 100 personnes là, si je regarde la courbe démographique des policiers, ce n'est pas tous des policiers qui sont mûrs pour la retraite, ce n'est pas tous des policiers, même s'ils sont mûrs pour la retraite, qui veulent la prendre, et ce n'est pas tous des policiers qui veulent faire ce type d'enquête. Donc, le bassin rétrécit au fur et à mesure qu'on discarte, d'une certaine façon, les candidats ou en tout cas le bon vouloir des candidats. Donc, c'est un peu ça qui nous inquiète. Et nous, on se dit: Bien, tant qu'à prendre des enquêteurs retraités de la semaine dernière ou à peu près, pourquoi ne pas rester avec des policiers? Pourquoi ne pas demeurer, tout simplement...

Et il faut comprendre aussi que, ces policiers-là, quand ils vont être à la retraite et qu'ils vont faire des enquêtes indépendantes, la masse critique du nombre de dossiers qu'il se fait dans une année n'est pas énorme. Et, la beauté de l'enquêteur qui est actif, il travaille avec une masse critique, et son éventail de dossiers est beaucoup plus grand qu'une enquête indépendante. Il fait de tout. Il se tient chaud comme un athlète, il se tient prêt à compétitionner, si on veut faire une analogie. Donc, pour moi, c'est une personne qui va être beaucoup plus... je ne dis pas meilleure, je fais attention à mes mots, mais beaucoup plus prête à travailler pour faire des enquêtes indépendantes.

Donc, c'est notre position. Ça nous inquiète un peu. Ça nous inquiète beaucoup, même, et je pense qu'avec le modèle qu'on a proposé tout à l'heure ça pourrait être un bon compromis, ça pourrait atteindre les mêmes objectifs. Et reculer, après ça, s'il y a des ratés ou des trucs du genre, bien ça va être difficile, ça va être difficile. Et là c'est là ma crainte de créer -- je ne pense pas, j'espère que non -- de créer une crise de confiance à l'inverse.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie.

M. Veilleux (Pierre): Merci, monsieur,

Le Président (M. Marsan): Nous poursuivons avec le parti de l'opposition officielle. Et je cède la parole au député de Marguerite-Bourgeoys, qui est aussi le critique en matière de Sécurité publique.

M. Poëti: Merci, M. le Président.

Merci à vous d'être ici ce soir pour nous présenter votre analyse. Le travail que vous avez fait est quand même majeur, sur votre mémoire, et intéressant.

Vous avez certaines recommandations que vous avez émises, à l'intérieur de votre rapport, sur lesquelles j'aimerais vous entendre. Peut-être... Vous venez de parler de la difficulté, peut-être, d'obtenir ou d'avoir des policiers d'expérience, mais vous donnez, dans vos recommandations, vous soulignez, vous proposez qu'il y ait plus d'effectifs policiers ou d'ex-policiers, si vous l'acceptiez à la rigueur, que le nombre de civils. Pouvez-vous nous faire un ratio ou les raisons pour lesquelles...

**(20 h 50)**

M. Veilleux (Pierre): On parle de prédominance. On parle de prédominance. Je pense qu'il y a un chiffre qui a été lancé ce matin, 50 % plus un. C'est une prédominance, pour nous. Ça peut être plus. C'est une question d'équilibre. C'est une question d'équilibre entre les connaissances et l'expérience, et c'est une question d'équilibre aussi... Parce que, vous savez -- puis c'est la réalité -- débarquer sur une enquête indépendante où c'est le moindrement compliqué, ça prend énormément, premièrement, de ressources, et ça prend énormément de connaissances, et c'est complexe. C'est beaucoup plus complexe qu'on le pense. Et, avec tout le respect que je dois aux personnels civils qui peuvent prétendre être en mesure de faire des enquêtes, on peut avoir une grande connaissance du milieu juridique, on peut avoir une expérience folle en plaidoirie, ça n'empêche pas que le métier de policier, ça se développe avec le temps. Et je pense que... Moi, en tout cas, quand je vais enquêter quelqu'un, c'est un policier qui le rencontre. J'aimerais me faire rencontrer, moi, si on m'enquête, par un policier. Je pense que ça fait aussi partie et c'est aussi légitime que le respect des droits et libertés.

M. Poëti: D'accord. Vous soulignez également dans votre mémoire qu'il serait peut-être avantageux d'avoir un représentant du monde de la police sur le comité de sélection. Vous ne précisez pas de quelle nature vous aimeriez qu'il soit là. Est-ce que je comprends qu'un chef de police, qu'un... ou est-ce que quelqu'un syndiqué... Est-ce que vous avez une idée sur le profil recherché quand vous parlez d'un représentant? C'est un peu large, pour moi, là.

M. Veilleux (Pierre): C'est rare que vous allez entendre ça de la part d'un représentant syndical...

M. Poëti: Bien, écoutez, je me dis: Je vais me payer un moment, là.

M. Veilleux (Pierre): ...mais je peux vous dire que ça ne nous dérangerait pas. En fait, qu'il soit cadre, qu'il soit chef de police, qu'il soit syndiqué, qu'il soit expert en enquête, je pense que c'est le principe qu'on tente de partir, d'une certaine façon, un corps de police. C'est ça qu'on parle. C'est des agents qui vont être considérés comme des policiers, comme un corps de police, donc je ne verrais pas pourquoi... Et là on ne parle pas d'enquête, on ne parle pas de perception, on ne parle pas de camouflage, de rien de ça. On parle juste de sélection, et je pense qu'une personne qui a une expérience pertinente au domaine des enquêtes, qui est active encore, qui est au summum des connaissances pourrait facilement aider dans la sélection, aider de façon positive dans la sélection.

M. Poëti: Bien, je peux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous. En fait, je pense que, si j'ai soulevé cette notion-là, effectivement, c'est pour que le ministre l'entende. Et j'en ferai une proposition, parce que, sous l'idée de la transparence, il me semble que d'exclure du monde du milieu policier, dans un comité de sélection, pour avoir... Si je reprends votre expression, qui est une caricature d'athlète, il faut toujours bien un athlète pour en reconnaître un autre un peu, aussi, je pense, à quelque part. Et je pense aussi que ce serait envoyer un autre message, un message divergeant, de dire que bien là, ça, ça a été tout sélectionné mais pas par des gens qui connaissent la police parce qu'ils ont... et là... et je pense qu'il y aurait peut-être... ce serait peut-être une erreur. Et je pense que d'avoir soulevé ce point-là dans votre mémoire est assez important en ce qui me concerne.

L'autre élément aussi, qu'on n'a pas parlé depuis le début de la journée... Et je l'avais en tête à peu près toujours puis je me disais: De quelle façon je peux amener ça? Alors, je vais vous remercier parce que vous l'avez amené dans vos recommandations. J'aurais trouvé le moyen, hein, d'ici la fin de nos discussions. Mais les membres civils qui seront choisis ne doivent pas avoir des liens avec des groupes antipoliciers parce que je pense que les perceptions et l'attitude parfois qu'on reproche à certains policiers... Et tantôt j'ai entendu des gens dire: Mais c'est parce que, si c'était des civils, ça n'arrivera pas, ça. Je m'excuse, là, j'ai entendu aujourd'hui, disons-le franchement -- c'est mon opinion, je ne parle que pour moi-même -- certaines personnes qui ont des préjugés défavorables au milieu policier. À tort ou à raison, mais convenons ensemble qu'on a entendu ça clairement. Et je pense que... Et on devra prévoir à quelque part aussi des vérifications sur des membres civils qui seront autant sur le comité de sélection ou... qui n'aient pas de lien d'aucune façon.

Vous parliez aussi, dans vos recommandations, des délais raisonnables pour les déclarations des policiers après les actes, sans isolation... pas d'isolement automatique. Est-ce que vous avez une ouverture, cependant, à ce qu'il y ait quelque chose de peut-être un peu différent avec ce qu'on vit actuellement, où il y a des dossiers où il y a eu des délais très longs pour que les policiers puissent en fait rencontrer les enquêteurs, des délais qui ont paru, à certaines personnes, déraisonnables? Est-ce que vous avez une ouverture? Je comprends qu'on parle de une heure, là, mais avez-vous une ouverture qui n'est pas en nombre d'heures à ce sujet-là?

M. Veilleux (Pierre): C'est parce qu'une enquête indépendante, théoriquement, on ne part pas avec un suspect, là. Ce n'est pas, comme j'ai entendu aujourd'hui, malheureusement, qu'on a abattu notre femme. Non, ce n'est pas ça, là. On a fait un travail, et malheureusement l'événement a fait en sorte qu'on a dû utiliser une force nécessaire, souvent, très souvent, et ça a amené un événement tragique. Donc, pour moi, pour nous, l'enquête indépendante, qu'elle soit faite par un BEI, que ce soit fait par les corps policiers, c'est d'abord et avant tout de vérifier le travail des policiers. Est-ce que ça c'est fait dans les règles de l'art? Et ça se pourrait que ça découle sur une négligence de nature criminelle, etc., ou qu'il n'y ait pas une criminelle mais qu'il pourrait y avoir du disciplinaire ou de la déonto. Bon. Ça reste à voir.

Donc, pour nous, souvent, dans ce genre d'événement là, très souvent même, comme le Dr Grégoire l'a mentionné dans son rapport, que je vous invite à lire attentivement, il y a souvent des états de stress aigu ou des états de... post-traumatiques dans les jours suivants, qui fait en sorte que le policier concerné, qui peut être un témoin, qui peut être même un «partner» qui était loin de la scène, dépendamment des limites de chaque personne, peut faire en sorte qu'il ne soit pas capable de donner un rapport adéquat pour aider l'enquête. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut qu'il y ait une notion de délai raisonnable. Et je suis d'accord de ne pas extensionner les délais indûment.

Je pense que c'est du cas par cas, malheureusement. Il n'y a pas de règle générale qui doit se faire, tu sais. Je dirais: Le plus vite possible, à moins de circonstances explicables. Et ça sera à l'enquêteur ou au coordonnateur, peu importe, ça sera à l'équipe d'enquête de déterminer si oui ou non cette personne-là est rencontrable. Si cette personne-là est obligée de se faire traiter en post-trauma, il y a certainement un médecin qui va se prononcer à quelque part, il y a certainement un papier médical qui va circuler, ne serait-ce que pour valider son absence de maladie du service.

M. Poëti: ...arrivait à la conclusion qu'il peut être rencontré, vous seriez d'accord? Parce que vous savez qu'on vous reproche... Je ne dis pas vous, mais on reproche souvent au milieu syndical de vouloir étirer plus longtemps ce temps-là. Si le médecin, après un examen, permettait une rencontre, vous ne seriez pas contre?

M. Veilleux (Pierre): Non, je ne serais pas contre.

M. Poëti: Merci. Je vais laisser mon confrère...

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Vimont.

M. Rousselle: Oui. Bonjour. Bonsoir, plus, à cette heure-là. On sait que cette loi-là est faite pour la crise... C'est une crise de confiance auprès de la population, bon, mais, si on regarde ça de l'autre côté, la loi n° 12, avec policiers retraités que ça ne fait pas longtemps qu'ils sont retraités, concernant la crise de confiance des policiers, avez-vous... Est-ce que vous avez regardé ça un petit peu de ce côté-là? Est-ce que vous avez... Parce que sûrement, là, dans le milieu policier, on en parlait un petit peu, là, de cette loi-là.

M. Veilleux (Pierre): Bien, écoutez...

M. Rousselle: Avez-vous fait une analyse ou... tu sais?

**(21 heures)**

M. Veilleux (Pierre): Bien, l'analyse qu'on a, c'est un peu les retours de nos membres, c'est le feed-back de nos membre qui... Excusez d'utiliser les mots anglais, là, surtout dans ce temps-ci. Ce qu'on reçoit, nous, de nos membres, c'est que déjà c'est déjà stressant d'être impliqué dans une enquête où il y a mort d'homme, où il y a blessure grave. C'est stressant pour le policier, la famille, etc. Se faire enquêter par une enquête indépendante stresse beaucoup de membres, hein? C'est le gouvernement qui décrète une enquête. Surtout quand les membres sont jeunes, sans expérience, c'est stressant. Veux veux pas, déjà, là, il a un deuxième stress, c'est de se faire enquêter puis peut-être de se faire dire qu'il n'a pas fait son travail de la bonne façon. Mais souvent on leur dit: Écoute, c'est des policiers qui t'enquêtent. Ils connaissent le métier, ils vont regarder le continuum de force, ils vont regarder les règles de l'art. Si tu n'as rien à te reprocher, il n'y a pas de problème. Tu sais, je veux dire... Mais il y a quand même une appréhension de la part des membres.

C'est sûr que, si au lendemain c'est un civil, une personne, un personnel civil qui a un métier professionnel autre que policier, qui dit: Bonjour. Je suis enquêteur au BEI, et ça fait un an que je suis enquêteur, et je viens t'enquêter, je ne sais pas quelle va être la réception de nos membres. Ils vont sûrement être inquiets, ça, c'est clair. Ça, c'est clair. Est-ce que ça va régler le problème? Je ne pense pas. On le voit avec les différents groupes. Je ne le pense pas. On l'a vu tantôt, il y a des personnes qui disent: Non, non, non, il faut que ça soit tous des civils, il faut que ça soit des policiers, pas de policiers... Je ne pense pas... Et je suis un peu de l'avis de M. Duchesneau que dans trois ans on va être encore au même point parce qu'il n'y aura pas plus d'accusations. Et ce n'est pas une inquisition, là, qu'on est en train de parler aujourd'hui, là. On parle de vérifier un travail de policier. Et j'ai l'impression qu'il y a des personnes qui veulent, qui espèrent un bûcher. Et je ne veux pas faire de mauvais jeu de mots. Mais j'ai l'impression qu'il y a du monde qui ont des attentes au-delà de la réalité.

Et moi, je dis qu'au Québec les policiers font un bon travail. On a le meilleur système de formation en Amérique. J'ai personnellement siégé sur la Commission de formation et de recherche de l'École nationale de police, je fais partie du C.A. présentement et je pense qu'on a vraiment... on est supérieurs à beaucoup de corps de police et on est vraiment professionnels. Et la preuve...

Le Président (M. Marsan): Je vais vous remercier là-dessus.

M. Veilleux (Pierre): Oui. Merci, monsieur.

Le Président (M. Marsan): On va tout de suite aller du côté du parti ministériel. Et je vais donner la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. C'est vraiment intéressant, les discussions que nous avons présentement.

Je vous pose la question, parce que la préoccupation, évidemment, c'est de faire en sorte que tout un chacun, qu'il soit policier ou non, puisse avoir un traitement, disons, équitable. Un civil qui commet un geste potentiellement criminel ou répréhensible, le policier ne se préoccupera pas de savoir si le civil est stressé, s'il a un choc de voir arriver le policier, à tort ou à raison, là, mais le policier, il va le rencontrer puis il veut avoir rapidement les infos. Je comprends, puis notre collègue de Saint-Jérôme le disait, tu ne rencontres pas, non plus, n'importe quand, là, ça te prend un minimum d'informations avant de débarquer. Ça fait qu'il y a de toute façon un délai normal avant que le policier débarque soit chez le civil ou chez l'autre policier, là. Mais c'est sûr que toutes vos observations entrent dans notre réflexion de ce qui doit constituer le cadre général des règles de l'art applicables tout aussi bien à un civil qu'à un policier, en tenant compte des réalités particulières de la situation des deux. Et c'est pour ça que je trouve que la discussion est fort intéressante, et je vous remercie de vos commentaires.

Cela dit, tout à l'heure vous sembliez dire que le niveau d'enquêtes -- vous parliez de 15 -- le niveau d'enquêtes au Québec, même avec une petite équipe réduite, ferait en sorte que nos enquêteurs ne seraient pas occupés à temps plein. J'entendais le député de Saint-Jérôme m'exprimer l'opinion totalement inverse aujourd'hui, disant qu'au nombre d'enquêteurs prévu ils ne suffiront pas à la tâche, là. Pour reprendre la perception du député de Saint-Jérôme, j'ai comme l'impression que les enquêteurs du BEI, là, si tel est... selon sa perception, vont demeurer chauds comme des athlètes, parce qu'ils ne lâcheront pas, là, conséquemment devraient être en mesure de se garder à la page pour pouvoir faire le travail de façon efficace.

Mon collègue de... notre collègue de Marguerite-Bourgeoys évoquait tout à l'heure... Justement, je voulais revenir là-dessus, là, sur la recommandation 2, parce que, la recommandation 2, on dirait que vous lancez la serviette, à un moment donné, par rapport à votre revendication très vindicative à l'effet que ce doit nécessairement être des policiers actifs. Et vous dites: «Que soit prévu au projet de loi, pour des motifs d'efficacité et de crédibilité, que la présence des enquêteurs policiers retraités...» Alors là, vous admettez, vous avez l'air de lancer la serviette puis de dire: Bon, bien, coudon, ça a l'air qu'ils sont bien décidés à aller avec des policiers retraités. Alors, vous semblez admettre que ça puisse être des policiers retraités. Mais vous demandez qu'il y ait une prédominance au sein du Bureau des enquêtes indépendantes. Est-ce que j'interprète bien ce que je lis?

M. Veilleux (Pierre): En fait, c'est subsidiaire à notre modèle québécois qu'on a dressé les grandes lignes. On y a réfléchi longuement. On s'est dit: On pourrait arriver avec notre projet québécois et s'en tenir à ça. Je pense qu'on est quand même capables d'être constructifs dans le débat. Et évidemment ce n'est pas moi le législateur, donc ce n'est pas moi qui peux décider si oui ou non le projet de loi va avoir lieu. Ça fait que donc, idéalement, notre position a, sur le modèle québécois, serait de garder des policiers actifs. Mais, si les législateurs et le gouvernement décident d'aller de l'avant dans le projet, donc je pense que c'est important quand même qu'on émette des commentaires, là. C'est un peu dans ce sens-là, monsieur.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous revenons au parti de l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci. Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier, messieurs, pour votre éclairage, c'est très intéressant. Dans une perspective d'avoir un regard global et balancé, c'est important d'écouter le point de vue des policiers, policiers d'expérience de surcroît. Alors, merci.

Ceci dit, il y a trois petits points que j'aimerais aborder, et, le premier, je vais faire... Sur celui-là, nous serons d'accord. Je vais exprimer mon point de vue et je vais être d'accord avec cette idée de la présence... une contribution... je vais appeler ça une contribution policière au comité de sélection. Et je vais faire le lien avec une remarque préliminaire, une remarque plus tôt dans la journée. Si on augmente le nombre de membres du comité de sélection de trois à cinq, comme je pense qu'on devrait peut-être le faire, là, à ce moment-là, on a une place plus aisément et on n'a pas à prendre une des trois places à l'heure actuelle pour aller chercher cette expertise du regard du monde policier dans un comité de sélection. En tout cas, il me semble. Et j'espère que le ministre va écouter cette idée puis qu'on va pouvoir en rediscuter, parce que je pense que le député de Saint-Jérôme avait aussi évoqué cette idée-là plus tôt et mes collègues. Donc, ça a du mérite, je pense, cette idée que vous soulevez.

Sur la question du règlement pour encadrer l'enquête, et il y a énormément de choses à dire sur ça, mais le premier point, moi, qui m'interpelle, c'est que je pense qu'il y a un élément qui doit faire l'objet d'un débat dans le cadre... un débat ouvert et non pas l'exercice réglementaire par le gouvernement, parce qu'il y a une question, entre autres, que vous abordez, qui est celle de l'obligation de collaborer «slash» la protection contre l'auto-incrimination et toutes les problématiques qui sont liées à cette obligation-là, dans un contexte d'intervention où on ne sait pas s'il y aura des accusations criminelles, déontologiques. Est-ce qu'on force la collaboration? Qui est témoin? Qui sera un suspect potentiel? C'est un sujet... Je veux dire, je pense qu'on n'a pas encore commencé à élaborer, là, la difficulté qu'on a avec ce débat-là.

Ceci dit, par contre, il y a des questions fondamentales, à savoir: Est-ce qu'on veut imposer aux policiers témoins d'un incident dans lequel il y a une enquête visée par le projet de loi n° 12, est-ce que ces policiers -- et quels policiers -- seraient contraints de fournir une déclaration, l'obligation de collaborer telle qu'elle existe à l'heure actuelle dans la Loi sur la police? Il y a là un débat, M. le ministre, je pense, qui mérite un débat fondamental, et je pense, moi, que cette question-là devrait être abordée dans la loi et non pas dans le cadre du projet de règlement que la loi permettrait au gouvernement d'adopter. C'est une question fondamentale, l'obligation de collaborer ou non, et les paramètres de cette obligation-là sont, m'apparaissent une question fondamentale. Et, pour revenir à une question que vous avez soulevée, la protection contre l'auto-incrimination naît de l'obligation légale de collaborer. C'est une des façons de la faire naître. Et, si la loi prévoit qu'il y a une obligation de collaborer, à ce moment-là le policier qui aura collaboré bénéficiera nécessairement de la protection contre l'auto-incrimination prévue par les chartes. Alors, ça, c'est un point qui m'apparaît très important.

Il me reste combien de... Quelques minutes? Alors, je vais terminer mon troisième point, et vous pourrez après ça commenter. C'est sur la question des enquêteurs civils. Vous me permettrez... Alors, je suis un criminaliste. J'ai 25 ans d'expérience. J'ai été procureur de la couronne, j'ai été avocat de la défense. Et moi, je pense qu'un avocat, un criminaliste d'expérience qui a été un plaideur, qui a préparé des procès, tant en poursuite qu'en défense, qui a côtoyé des enquêteurs, qui a formé des enquêteurs, qui a plaidé des procès aux assises, des causes de meurtre, je pense qu'un avocat comme ça peut très bien jouer le rôle d'un enquêteur.

Ceci dit, je ne prétends pas qu'il ne devrait y avoir que des civils, parce que je pense que l'expérience des policiers est une expérience pertinente au sein d'une équipe comme on la conçoit. Mais j'ai de la difficulté avec l'argument à l'effet que des enquêteurs civils ne peuvent pas avoir une expérience compétente, une expérience pertinente qui permet d'assurer et aux personnes impliquées et à la société des enquêtes de qualité, qu'au bout du compte il y ait dépôt d'accusation ou pas. Et sur ce point-là... Et je vais être d'accord encore une fois, et c'est important qu'on passe ce message-là, ce n'est pas parce que le projet de loi n° 12 sera adopté ou serait adopté, qu'on créerait ce Bureau des enquêtes indépendantes qu'il y aurait nécessairement une augmentation du dépôt des accusations, parce que, et vous l'avez souligné à juste titre, et plusieurs personnes ici l'ont dit, les policiers font un bon travail, et ces incidents malheureux ne sont pas nécessairement des situations qui donnent ouverture à des accusations criminelles. Et donc c'est important de rappeler ce message-là. Le fait qu'on se dote d'un bureau d'enquêtes indépendant, ce n'est pas dans le but d'augmenter les accusations criminelles contre les policiers. Il faut que la justice criminelle respecte ses règles, que les règles soient appliquées avec justice et équité pour les policiers, pour les victimes et pour la société en général. Voilà. Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires sur mes commentaires.

**(21 h 10)**

Le Président (M. Marsan): Merci. M. Veilleux, un commentaire?

M. Veilleux (Pierre): ...peu, très peu. On se rejoint sur plusieurs points. Et je regarde votre curriculum vitae et vous pourriez très bien faire l'affaire comme coordonnateur aux enquêtes.

Le Président (M. Marsan): Merci. Merci, M. Veilleux. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marsan): Oui. Oui. Alors, nous poursuivons. Et je vais donner la parole maintenant à notre collègue de Saint-Jérôme. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous.

M. Duchesneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis d'accord avec mon collègue de Fabre, oui à un débat, mais je pense qu'il faut progresser. Je pense qu'on a atteint une voie de non-retour. La situation actuelle, à cause de tout ce qu'on a entendu et qu'on continue d'entendre, on doit aller au-delà de ça. Ça fait que c'est pour ça que moi, je supporte le projet de loi, qui demande à être bonifié, mais, dans son essence même, je n'y vois que du bien. Il ne faut pas oublier, et je pense que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys en a parlé en Chambre aujourd'hui, le 2 mars dernier un policier a été tué à Kuujjuaq, et la différence entre être sous enquête par le Bureau des enquêtes indépendantes ou aller à sa funéraille, c'est une fraction de seconde. Tu décides d'entrer dans la maison ou tu restes dehors. Et, si tu restes dehors puis que quelqu'un se fait tuer, bien là on a la déontologie, le Bureau des enquêtes indépendantes, etc. Donc, il ne faut pas oublier ça.

Le fait d'avoir uniquement des policiers en service, ça aussi, je suis contre ça. Le modèle de Colombie-Britannique, que j'aime, où quelqu'un qui a atteint, disons, 25 ans de service peut continuer son service avec le bureau mais ne pourra plus revenir comme policier... Alors donc, je pense que c'est un bon mélange des deux. Puis encore là je ne veux pas qu'on tombe dans la pensée magique. Il y en a qui pensent que d'être enquêteur, là, ça se fait comme ça. Mes deux fils vont être papas bientôt. Même s'ils ont hâte d'avoir leurs enfants, là, ça prend neuf mois pour avoir un enfant. Bien, c'est la même chose pour un enquêteur. Tu ne peux pas t'inventer enquêteur du jour au lendemain. Puis c'est une chose, enquêter, comme je le disais tantôt, au Directeur général des élections, mais, quand il y a mort d'homme, là, tu es un enquêteur, tu dois assister à l'autopsie le lendemain matin, je ne suis pas sûr que tout le monde, quand ils vont comprendre c'est quoi, la job, qu'ils vont aimer ça nécessairement.

Maintenant, au niveau des perceptions encore, je pense qu'on ne peut plus donner l'impression que les policiers ont un traitement de faveur. Donc, oui, je suis d'accord avec le ministre, ils ont des droits, mais la population a aussi le droit de savoir si ces policiers, quand ils utilisent leurs armes, par exemple, le font de façon juste et équitable. Et ça, ça ne peut pas donner la permission d'avoir des délais. On doit expliquer rapidement. Et mon expérience me montre que, quand on l'explique, à part de quelques individus, les gens comprennent. Mais c'est quand on les maintient dans le silence que les gens commencent à fabuler et ça donne ce que j'entends, là, depuis quelque temps là-dessus.

Au même titre, puis je faisais l'analogie ce matin, moi aussi... Parce que là il y a une possibilité qu'un policier soit accusé s'il a mal utilisé son arme. Bien, c'est la même chose que quand je vais voir un médecin, moi, le chirurgien, puis qu'il m'annonce qu'il a juste un an d'expérience, là, moi, j'ai peur. Je ne suis pas sûr que je vais me coucher sur la table puis je vais lui dire: O.K., ouvre-moi puis... Bien, c'est la même chose pour quelqu'un qui vient t'enquêter. S'il comprend mal ce que tu as à dire, là, bien ça fait la différence entre tu es accusé ou tu ne l'es pas. Donc, il faut trouver le juste équilibre, c'est-à-dire, oui... Puis d'ailleurs, la Sûreté du Québec, vous avez fait des entrées latérales après la commission Poitras, vous êtes allés chercher des gens qui étaient avocats, qui sont devenus directement enquêteurs, et ça a fonctionné. Même des avocats, imaginez-vous. Il y en a des bons. Donc, sur l'essence même, si ce n'est, là, le fait qu'on voit uniquement des policiers, je vous suis dans votre démarche agréablement.

Je n'ai pas pris mon cinq minutes. Voulez-vous... Je peux continuer à parler encore. Je ne suis tellement pas habitué.

Le Président (M. Marsan): Peut-être laisser un commentaire à nos invités.

M. Veilleux (Pierre): Vous avez abordé la transparence ou l'information qu'on devrait donner au public. Nous, on pense qu'effectivement... La complication, c'est qu'il y a deux paliers, hein? Il y a le ministère de la Sécurité publique, d'un côté, et tu as le ministère de la Justice, de l'autre côté. Bon, les conclusions de l'enquête pourraient, s'il y a accusation ou non, pourraient relever du ministère de la Sécurité... pas de la Sécurité publique, mais du ministère de la Justice facilement, sans donner nécessairement tous les détails.

Mais vous avez abordé un point avec lequel je suis d'accord, sur le fait des délais. Chaque cas est un cas d'espèce. On s'entend qu'il y a des délais qui sont plus ou moins longs, dépendamment de la nature de l'enquête, dépendamment du nombre de personnes à rencontrer, les expertises médico... et bon. Je pense qu'à tout le moins, et c'est là que c'est un peu... c'est délicat, d'arriver, d'expliquer sans brûler l'enquête, sans compromettre l'enquête, mais ne serait-ce que d'expliquer les délais... Je vous donne un exemple. On ne peut pas rencontrer personne présentement parce qu'on attend l'expertise du médicolégal pour telle chose, ça va prendre deux semaines, une balistique. Si on le dit, qu'on l'explique, puis on s'attend qu'il n'y aura pas personne de rencontré dans les deux premières semaines, il est où, le problème? Et les journalistes vont aimer ça. La famille, les familles qui sont touchées par l'enquête, malheureusement, vont également aimer ça se faire dire au moins: Ça ne bougera pas pendant les deux prochaines semaines. On est rendu là. Il faut aller chercher des expertises. Il y a des choses qui s'expliquent. Et, à partir du moment aussi que les policiers ou le bureau, peu importe, transmettent le rapport au DPCP, bien il y a un autre délai qui part. Et là moi, je ne suis plus responsable de ça, moi. Donc, il faut l'expliquer, ça: c'est maintenant rendu au niveau du procureur...

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Veilleux...

M. Veilleux (Pierre): ...fait plaisir.

Le Président (M. Marsan): ...M. Painchaud, Me Rousseau, de nous avoir donné le point de vue de l'Association des policières et des policiers provinciaux du Québec.

À ce moment-ci, j'aimerais remercier tous ceux qui de près ou de loin ont participé à nos travaux aujourd'hui.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi le 13 mars 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, dans cette même salle, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 12. Merci et bon retour.

(Fin de la séance à 21 h 18)

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