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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 9 avril 2013 - Vol. 43 N° 30

Consultation générale et auditions publiques sur le rapport « Technologies et vie privée à l'heure des choix de société »


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Bernard Drainville

Mme Rita de Santis

M. Christian Dubé

Auditions

Commission d'accès à l'information (CAI)

Comité des orphelin-e-s victimes d'abus (COVA)

Mme Monique Dumont

Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

Québec ouvert et Nord ouvert inc.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président suppléant

M. Pierre Marsan, président

Mme Christine St-Pierre

M. Gilles Ouimet

M. Luc Trudel

M. Alain Therrien

*          M. Jean Chartier, CAI

*          M. Lucien Landry, COVA

*          M. Brian Myles, FPJQ

*          M. Pierre Craig, idem

*          M. Claude Robillard, idem

*          M. Jonathan Brun, Québec ouvert et Nord ouvert inc.

*          Mme Anne Pineau, CSN

*          Mme Isabelle Lacas, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information intitulé Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.

Avant de demander à la secrétaire s'il y a des remplacements, j'aimerais avoir l'autorisation, le consentement de la commission pour annoncer un remplacement pour une partie de séance. Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Reid) : Merci. Mme la secrétaire, il y a-t-il des remplacements? Il y en a.

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Trudel (Saint-Maurice) remplace M. Ferland (Ungava); Mme de Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys); M. Dubé (Lévis) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme) pour l'avant-midi et la soirée; et M. Deltell (Chauveau) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme) pour l'après-midi.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme j'ai peu de temps, je vous salue tous et toutes, en particulier le président de la Commission d'accès, qui est parmi nous. Je nous souhaite de très bons travaux.

On a la chance extraordinaire, on ne se le dit pas suffisamment souvent, de vivre en démocratie. On a la chance de vivre dans une société de droit qui protège notre liberté d'opinion, notre liberté de défendre nos convictions, notre liberté de débattre. Cet héritage démocratique, c'est quelque chose de précieux, d'important, qu'il nous faut protéger, qu'il nous faut garder en bonne santé. Et c'est ce qu'on a fait au cours des derniers mois, je pense, avec une série de projets de loi que nous avons déposés, dont certains ont été adoptés à l'unanimité, dans le cas du nouveau système de financement des partis politiques, qui est, je pense, on en convient tous, gage de davantage d'intégrité, de démocratie dans notre système politique. D'autres mesures devraient être adoptées, on l'espère, comme par exemple le projet de loi qui va permettre aux jeunes de voter sur les campus. On va se pencher également sur cette idée de redonner à la population la date des élections. Tout ça, je pense, fait en sorte de renforcer notre démocratie, de la renouveler, de la remettre, je dirais, sur des bases qui sont plus fortes et plus saines.

Mais, pour que notre démocratie soit en santé, il faut également améliorer l'accès à l'information parce qu'une démocratie opaque, ça ne doit pas exister. Une démocratie opaque contribue à des travers, à des abus, dans certains cas, et je pense que c'est ce genre d'abus, de travers qui peuvent contribuer parfois au cynisme de nos concitoyens. Alors, une information accessible compréhensible, traitable, c'est très bon pour la démocratie. Je pense qu'on est pas mal tous unanimes là-dessus.

Alors, depuis 30 ans, la Commission d'accès à l'information joue un rôle extraordinaire pour assurer la vitalité de la démocratie québécoise. En même temps, il faut prendre acte du fait que l'environnement a beaucoup évolué depuis que la Loi d'accès a été créée et que la Commission d'accès a été créée. L'arrivée d'Internet, l'arrivée des réseaux sociaux, des chaînes d'information continue, ce sont des éléments qui ont pas mal changé la donne et qu'il nous faut considérer dans les travaux que nous allons maintenant entreprendre. Comme la façon aussi de protéger la vie privée de nos citoyens, de protéger les renseignements personnels à l'ère d'Internet. Ça aussi, c'est un enjeu qui est fort important. Il faut le reconnaître, la frontière entre la vie privée et le domaine public devient de plus en plus poreuse dans la société numérique qui est la nôtre. Ça nous oblige à se poser des questions, ça nous oblige à se remettre en question, ça nous oblige à s'interroger.

Par exemple, comment est-ce qu'on peut assurer le respect de la vie privée de nos citoyens à l'ère d'Internet, à l'ère des réseaux sociaux, notamment les plus jeunes? Il faut également se préoccuper de l'impact des incidents de sécurité, les incidents de sécurité d'information qui peuvent parfois compromettre la confidentialité des renseignements personnels. C'est une responsabilité qui est partagée entre l'État et les entreprises privées. Il faut également réfléchir à ça, et on va le faire.

Comment est-ce qu'on peut mieux outiller la loi d'accès à l'information et la Commission d'accès à l'information pour qu'elles remplissent encore davantage, encore mieux leur mission? Est-ce qu'on doit revoir cette mission-là? Comment est-ce qu'on peut réformer, moderniser la Loi d'accès et le rôle de la Commission d'accès pour leur permettre d'atteindre encore mieux leurs objectifs?

Dans le cadre du processus de révision quinquennal de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Commission d'accès à l'information propose 21 recommandations qui visent à améliorer et à renforcer l'application de la loi d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, applicables au secteur public et également au secteur privé. Ces recommandations, bien entendu, vont alimenter notre réflexion comme gouvernement. Et on va entendre évidemment et écouter avec beaucoup d'attention ce que les organismes et les citoyens auront à nous dire là-dessus.

• (10 h 10) •

Dans notre esprit, toute la réflexion à laquelle nous sommes conviés dépasse largement l'obligation de revoir le mandat de la commission aux cinq ans. Dans les faits, ce qu'on va faire dans les prochains jours, c'est contribuer à faire entrer notre démocratie dans le XXIe siècle. Comment peut-on renforcer la Loi d'accès pour nous permettre d'avancer dans la mise en place d'un véritable gouvernement ouvert, transparent, qui va contribuer à outiller nos citoyens pour qu'ils soient encore davantage les chiens de garde de notre démocratie, pour qu'ils contribuent encore davantage, par exemple, à la lutte à la corruption et à la protection de nos institutions publiques?

Alors, tous ces débats-là, nous les ferons, j'en ai la conviction profonde, M. le Président, dans un climat qui est respectueux. Je pense, sur les grands principes, qu'il sera possible de s'entendre. Maintenant, comme on dit souvent, c'est dans le détail que se cachent parfois les désaccords. On va essayer, M. le Président, de les aplanir au fur et à mesure où nous discuterons. Et l'objectif, M. le Président, je ne m'en cache pas, je l'ai déjà dit publiquement, l'objectif, c'est de recueillir les meilleures idées, de recueillir les réflexions de tous et chacun et de proposer, probablement à l'automne, une loi d'accès à l'information qui sera modernisée et mieux adaptée aux circonstances présentes, à notre environnement du XXIe siècle.

Alors, encore une fois, merci à tout le monde d'être là. Et je suis très heureux qu'on puisse échanger sur ces sujets qui sont très importants pour l'avenir de la société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et députée de Bourassa-Sauvé à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de six minutes.

Mme Rita de Santis

Mme de Santis : Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux vous saluer, saluer le ministre, tous mes collègues députés qui sont membres de la commission et toute autre personne qui est dans la salle, ici, aujourd'hui.

J'ai hâte de plonger dans le vif du sujet, car les enjeux que nous aborderons sont d'importance capitale pour tous les segments de la société québécoise. En effet, le rapport de la commission nous interpelle à la fois sur les grandes questions de transparence gouvernementale et sur le respect du droit à la vie privée. Nous aurions à réfléchir et sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels, les deux côtés d'une même pièce de monnaie, pour reprendre une jolie expression employée dans la littérature juridique, dans l'arrêt Dagg de notre Cour suprême. Il s'agit d'un défi de taille, car il commande un délicat équilibre entre, d'une part, le droit de savoir et, d'autre part, «the right to be left alone», comme l'a décrit le célèbre juriste américain Louis Brandeis.

Dans ce rapport qui date de juin 2011, la Commission d'accès préconise une transparence accrue au sein des organismes publics québécois. Et on est d'accord. La transparence doit être beaucoup plus que simplement un slogan. En deux ans, beaucoup a déjà été fait dans ce domaine, car, un mois avant même le dépôt du rapport, on s'engageait à devenir un gouvernement ouvert. L'équipe libérale avait dévoilé nombre d'initiatives à être mises en oeuvre pour justement donner suite au rapport Gouverner ensemble, produit par le député de Verdun, notre collègue Henri-François Gautrin. Pour nous, la notion de gouvernement ouvert se base sur les principes fondamentaux de transparence, de participation et de collaboration, et elle consiste, un, à offrir aux citoyens la possibilité de consulter l'information publique dans des formats plus accessibles et plus conviviaux, deux, à pouvoir se renseigner davantage sur les activités gouvernementales, trois, à participer plus directement au processus décisionnel, quatre, à collaborer avec les divers acteurs gouvernementaux. Et moi, j'ajoute un cinquième… dans la mesure du possible, la divulgation de renseignements en temps réel.

Pour incarner cette volonté, le gouvernement précédent a déployé, en juin 2011, le portaildonnées.gouv.qc.ca, grâce auquel les utilisateurs peuvent maintenant obtenir une vaste gamme de données ouvertes avec une licence pour les utiliser librement et gratuitement. Le portail offre aussi un tableau de bord sur plusieurs projets. Il permet aux citoyens, aux parlementaires et aux journalistes de vérifier le respect des échéanciers et des budgets octroyés à ces projets. Le portail offre également des informations sur les ponts et les routes, de même que de nombreuses applications géomatiques. Les initiatives de gouvernement ouvert et données ouvertes ont maintenant essaimé aussi au niveau municipal puisque Montréal, Québec et Gatineau se sont dotées de portails ville données ouvertes. Un premier pas important a donc été franchi, mais il reste encore beaucoup, beaucoup à faire pour se doter d'un gouvernement véritablement ouvert.

Mais je veux ici nous mettre en garde d'y voir la panacée à tous nos problèmes de corruption et de collusion. En effet, combien de fois entend-on dire, ces temps-ci, que plus des informations seront divulguées, notamment dans le cas de l'octroi de contrats gouvernementaux, moins il y aura de corruption et de collusion. Attention! Dans la réalité, ça peut être tout le contraire. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à réécouter le tout premier témoignage entendu lors des audiences de la commission Charbonneau, celui de Lino Zambito. On est tous restés bouche bée de l'entendre expliquer que c'est à partir du moment où les entrepreneurs ont pu avoir accès aux listes des entreprises qui venaient chercher les documents pour préparer leurs devis et soumissions, aux listes des soumissionnaires qu'ils ont pu s'entendre entre eux, développer leurs stratagèmes de trucage et pervertir l'attribution de contrats. Auparavant, ils ignoraient qui étaient leurs concurrents qui soumissionnaient sur quels appels d'offres. Donc, attention avant de conclure que plus d'information mène nécessairement à la fin de la corruption et de la collusion. Ne soyons pas naïfs, n'adoptons pas une approche superficielle. Il faut réfléchir. Mais, on est d'accord, l'approche doit être à l'accès libre et facile. On doit partager les renseignements pour élever le débat politique.

Quant au second volet, à savoir le respect du droit à la vie privée, voilà un immense défi. Si, au sein des organismes publics qui sont assujettis à la législation sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels, la situation est moins problématique, car les balises sont connues et bien mises en oeuvre depuis une trentaine d'années, maintenant, il en va autrement dans le secteur privé. Les nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux, explosent à un rythme effarant, et tous ceux qui les utilisent ne sont pas nécessairement aussi sensibles qu'ils devraient être aux grands dangers posés par leur utilisation. Le rapport de la commission contient des recommandations à cet effet, mais il faut s'interroger. Il faudra bien réfléchir à savoir si ce sont les moyens appropriés pour atteindre les objectifs visés, pour faire comprendre toutes les conséquences de naviguer sur des sites Internet, d'utiliser les réseaux sociaux, de mettre en ligne des données, des photos et d'autres informations qui peuvent revenir les hanter des mois, voire des années plus tard.

Je conclus en remerciant la commission pour son rapport. Et je remercie toutes les personnes qui ont préparé des mémoires fouillés, bien documentés et qui viendront les discuter avec nous au cours de nos audiences. Merci, M. le Président, et à vous et à tous nos collègues je souhaite de fructueuses consultations. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Lévis à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de trois minutes.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, rapidement, j'aimerais remercier tout le monde de leur participation, parce que je pense que ça va être non seulement très intéressant, mais c'est important. Je salue le ministre de son point sur la démocratie parce qu'effectivement l'information fait partie de... une composante importante du processus démocratique.

Et, étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, je pense que le point que... les quelques points que je voudrais faire, M. le Président, se rapportent aux types d'information, puis on aura l'occasion, tout à l'heure, d'écouter les gens de la commission, mais j'aimerais diviser en trois catégories l'information lorsqu'on parle d'information. Je pense qu'il y a de l'information qui est dite personnelle, puis on peut penser aux données personnelles, qu'elles soient fiscales ou qu'elles soient sur la santé. Je pense qu'il n'y a jamais personne qui va questionner que ces informations-là devraient rester des informations personnelles. Lorsqu'on parle d'informations plus de nature stratégique, c'est là, des fois, que ça devient un petit peu délicat pour la commission puis c'est peut-être là qu'il faudra faire des grandes catégories. Je pense à des procès-verbaux de sociétés publiques, ou des choses comme ça. C'est là que ça devient un peu une ligne importante à tracer, puis on pourra y revenir, sur les grands principes. Mais je pense qu'avec un gouvernement ouvert c'est la troisième catégorie qui pourrait aider beaucoup à déblayer des choses. C'est là qu'on doit avoir un gouvernement ouvert parce que, lorsqu'on parle de données de gestion, de données d'opération, ce sont ces données-là qui permettraient d'en enlever énormément, d'informations qui sont dites cachées, qu'on pourrait rendre publiques. Puis à ce moment-là le vrai travail, pour moi, de la commission sur l'information devrait être beaucoup plus clair. On travaillerait sur les vraies choses, sur les choses personnelles, que je disais tout à l'heure, ou des données qui sont de nature stratégique, comme par exemple plus des contrats ou des procès-verbaux.

• (10 h 20) •

Ce qui m'amène à dire... Et je salue encore le ministre et son équipe de dire qu'on veut en faire un processus démocratique. Je ne mets pas en doute, mais je questionne... Les exemples que l'on a vus à date, par exemple le tableau de bord informatique, par exemple les questions qui ont été demandées dans le dernier processus des crédits et des dépenses, on n'a pas eu toujours, je le dis souvent, les bottines qui suivent les babines. Alors, ce que j'aimerais demander, à travers les écoutes qu'on va faire des différentes personnes, comités, de s'assurer qu'on veut vraiment faire les vraies choses, plutôt que de dire : Oui, on veut être transparent, mais dans la réalité on ne l'est pas pour d'autres raisons.

Alors, je salue cette initiative, M. le ministre, et votre équipe, et j'espère qu'on aura des cas pratiques d'amélioration dans les prochaines semaines. Merci.

Auditions

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Lévis. Nous allons, sans plus tarder, débuter les auditions avec la Commission d'accès à l'information. Me Chartier, je vous demanderais de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Chartier (Jean) : Avec plaisir, M. le Président. Je vous remercie. Alors, effectivement, les gens qui m'accompagnent : à ma gauche immédiate, Mme Christiane Bétie, qui est directrice par intérim de la Direction de l'analyse et de l'évaluation, en fait la division de la surveillance à la commission, la division qui reçoit les plaintes; à ma droite, Me Jean-Sébastien Desmeules, qui est secrétaire général de la commission et directeur des affaires juridiques; et à ma gauche, un peu plus loin, Me Cynthia Chassigneux, qui est à la Direction des affaires juridiques, avocate à la Direction des affaires juridiques et qui a collaboré au contenu du rapport quinquennal.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui afin de vous livrer le sommaire de la réflexion engagée depuis plusieurs mois par la Commission d'accès à l'information et qui a donné lieu, en juin 2011, à la production de son rapport quinquennal.

Je retourne brièvement en 2002, soit lors du dernier rapport quinquennal produit par la commission, pour vous dire qu'à cette époque Facebook, Twitter, YouTube, Google Street View, pour ne donner que ces exemples, n'existaient pas encore. La popularité exponentielle de ces nouvelles technologies est une des raisons qui a dicté évidemment à la commission le titre de son nouveau rapport quinquennal : Technologies et vie privée à l'heure des choix de société. Depuis 10 ans, le traitement informatique des données personnelles et les technologies de communication ne sont plus réservés aux États, aux gouvernements et aux grandes entreprises. Durant cette période, malheureusement, l'évolution des technologies a été plus rapide que le temps et la réflexion que l'on a mis à mesurer les impacts de cette évolution.

Le vol d'identité, la cyberintimidation, les failles de sécurité, le commerce en ligne, la géolocalisation n'existaient pas ou presque il y a 10 ans. C'est la raison pour laquelle le rapport de la commission s'est d'abord et avant tout intéressé, dans ses premiers chapitres, à la protection des renseignements personnels. Les ordinateurs portables, les téléphones intelligents, les tablettes numériques, la possibilité de se brancher sur Internet maintenant partout où l'on est ont changé de façon drastique les modes de communication. Ces nouvelles technologies posent évidemment des défis grandissants, en matière de protection des renseignements personnels, mais ont aussi créé des opportunités en matière d'accès à l'information. La commission se préoccupe, dans son rapport, de la collecte grandissante des renseignements personnels de nos concitoyens par les entreprises commerciales et les organismes publics.

La plupart des sites Web de ces entreprises et de ces organismes affichent, sur leurs pages d'entrée, des politiques relatives à la confidentialité qui sont destinées à rassurer et à informer les utilisateurs ou les clients sur la collecte des renseignements personnels qui est faite de leurs renseignements et sur la sécurité qui entoure, soi-disant, ces renseignements personnels. Ces politiques sont décriées de toutes parts, y compris par la commission, à cause de leur longueur et de leur complexité. Il suffit de faire descendre la bande défilante d'une politique de confidentialité d'une grande entreprise — vous le ferez à l'occasion de votre prochaine session de Web — pour voir à quel point ces politiques de confidentialité sont longues, interminables, écrites dans un langage juridique à peine compréhensible. Et elles méritent évidemment d'être revues, écourtées, rédigées en quelques lignes, dans un langage clair et, tel que la commission le suggère par quelques illustrations dans son rapport quinquennal, pourquoi pas, identifiées par des pictogrammes qui les rendraient facilement compréhensibles.

Quoi qu'il en soit de ce que l'Assemblée décidera de faire avec ces politiques de confidentialité, il faut aussi être conscient qu'il y a une portion de la population, notamment les jeunes, qui ne prennent aucune précaution lorsqu'ils sont sur le Web. C'est pourquoi la commission recommande que des programmes de sensibilisation soient mis en oeuvre et développés à l'intention de cette nouvelle génération, que nous avons appelée les natifs du numérique et qui doivent être informés, dès leur plus jeune âge, de l'importance du respect de la vie privée et de la protection des renseignements personnels, tant les leurs que ceux des autres qui les entourent.

De même, les entreprises qui sollicitent cette clientèle en bas âge devraient être sensibilisées et mieux informées de leurs obligations en matière de collecte et de protection des renseignements personnels. En outre, la commission recommande qu'on interdise la collecte de renseignements personnels des enfants en bas âge. Cette collecte sert au profilage, et il y aura lieu, pour la commission parlementaire et l'Assemblée nationale, de se pencher sur cette question. Nous recommandons, comme je l'ai déjà mentionné, qu'une interdiction soit faite pour la collecte des enfants. On pourra à ce moment-là déterminer quel serait l'âge limite, mais voilà une de nos recommandations.

Nous recommandons également que soit rendue obligatoire la déclaration, dans les paroles d'ouverture des parlementaires — vous l'avez mentionné — la déclaration des failles de sécurité, tant pour les organismes publics que pour les entreprises privées. Évidemment, nos lois prévoient déjà l'obligation, pour les entreprises et les organismes, de prendre toutes les mesures de sécurité afin de protéger les renseignements personnels qui sont collectés, autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais, s'il y a une faille, s'il y a un vol, s'il y a une perte, par exemple, d'un ordinateur, de disques durs, de données personnelles relatives aux usagers ou aux clients d'une entreprise privée, il nous semble que dorénavant tous devraient être soumis à un régime de déclaration obligatoire à la commission. Ce régime pourrait dès lors permettre à la commission d'assister l'entreprise ou l'organisme, l'aider à prendre les mesures de protection et l'aider à aviser évidemment l'ensemble de nos concitoyens qui auraient ainsi été victimes de la perte de leurs renseignements. Il faudra moduler, si cette suggestion est retenue, il faudra moduler les cas où l'intervention de la commission sera nécessaire et il faudra déterminer les circonstances où l'intervention de la commission sera nécessaire. On peut penser à des cas où il ne sera pas nécessaire de mobiliser les ressources de la commission, mais je vous dirais que, dans le monde, dans les pays qui nous entourent, de plus en plus cette déclaration obligatoire des failles de sécurité est maintenant devenue un standard.

De plus, après 20 ans d'application de la loi sur le privé, il nous apparaît maintenant nécessaire de prévoir que les entreprises de plus de 50 employés — la norme de 50 employés est une suggestion de la commission — que ces entreprises nomment dorénavant un responsable de la protection des renseignements personnels pour oeuvrer au sein de l'entreprise afin d'assurer une réponse efficace et diligente aux demandes d'accès aux renseignements personnels des citoyens, ainsi que de veiller à faire la promotion de la protection des renseignements personnels au sein même de l'entreprise et de ses activités.

En ce qui concerne l'accès à l'information, la commission croit que le temps est venu d'ouvrir encore plus les portes afin de favoriser l'accès à l'information détenue par l'ensemble des organismes publics, les ministères, le monde municipal, le monde scolaire et le monde de la santé. D'abord, la commission croit qu'il faut absolument élargir le règlement sur la diffusion automatique de l'information, qui existe déjà, aux mondes municipal, scolaire et de la santé. Sachez que ces trois grands secteurs de l'activité publique, collecteurs de renseignements personnels, collecteurs, évidemment, de beaucoup d'informations, pensons à l'ensemble des contrats que ces grands organismes publics, ces grandes catégories d'organismes publics collectent, ne sont pas encore assujettis au règlement sur la diffusion automatique de l'information.

Il faut également élargir la portée du règlement et faire en sorte de s'engager dans le gouvernement ouvert, soit la mise à la disposition de plus en plus de données, de renseignements et de statistiques détenus par les organismes publics, et ce, sous une forme qui permette aux citoyens la réorganisation et les réutilisations de ces données.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Reid) : Me Chartier, juste pour vous avertir que vous avez environ une minute qui vous reste.

M. Chartier (Jean) : Une minute? D'accord, je me dépêche.

En ce qui concerne le gouvernement ouvert, évidemment il y a déjà des initiatives ailleurs dans le monde, en Australie, aux États-Unis, dans quelques villes canadiennes, mais il faut absolument avancer et augmenter l'initiative qui a été commencée par le rapport Gautrin.

Afin d'améliorer la transparence des organismes publics, l'accès à leurs documents et l'efficacité, la commission recommande également des modifications en matière d'accès — sur lesquelles je pourrai revenir lorsque je serai à votre disposition pour vos questions — modifications en matière d'accès qui auraient pour effet d'augmenter la transparence.

En guise de conclusion, je voudrais rappeler à cette commission parlementaire que les tribunaux judiciaires qui ont appliqué la Loi sur l'accès depuis 30 ans ont reconnu à maintes reprises l'importance des droits qu'elle protège, qu'il s'agisse du droit d'accès à l'information ou du droit à la protection des renseignements personnels. Ils y ont reconnu un fort symbole d'une société démocratique. La commission et tous ses employés s'y consacrent depuis 30 ans.

Cependant, qu'il s'agisse de ses responsabilités actuelles ou de toute responsabilité que cette Assemblée voudra bien confier à la commission dans l'avenir, la commission ne pourra remplir sa mission adéquatement sans uneaugmentation à court terme de ses crédits. J'ai déjà eu l'occasion de le mentionner sur d'autres tribunes, les compressions budgétaires auxquelles la commission doit faire face, notamment pour l'année financière qui commence, nous imposeront, à la commission, dans les mois à venir des choix déchirants et de possibles compressions de personnel dans le personnel déjà limité de la commission, qui se chiffre à 60 employés pour couvrir la totalité du Québec.

Dans la foulée de la volonté maintes fois exprimée par le ministre responsable de l'application de la loi, qui veut augmenter la transparence des institutions publiques, la Commission d'accès à l'information est un outil dont la population québécoise ne peut se priver. Dans son rapport de 1981, qui avait précédé l'adoption de la Loi sur l'accès, le journaliste Jean Paré écrivait — et je termine avec ça, M. le Président : «Nous avons laissé, mes collègues et moi, un travail qui peut servir de base à un régime amélioré et plus transparent, mais qui sera toujours tributaire de la bonne volonté des gouvernements.» Je vous remercie.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Nous allons passer maintenant à la période d'échange. Et nous allons commencer avec M. le ministre et le bloc de l'opposition... le bloc, pardon, du gouvernement.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Je souhaite, M. le président de la Commission d'accès, que nous abordions le maximum de sujets possible, alors je ne vais pas m'étendre trop longtemps, là, sur des commentaires à caractère général, je vais aller tout de suite dans le spécifique et le très concret.

Vous avez abordé, à la fin de votre intervention, toute la question du règlement, le fameux Règlement sur la diffusion. D'abord, j'aimerais ça que vous expliquiez, en particulier pour les gens qui nous écoutent, en quoi consiste ce règlement-là. On sait que pour le moment seuls les ministères et organismes gouvernementaux sont assujettis à ce Règlement sur la diffusion, donc le réseau de la santé n'est pas assujetti, le réseau scolaire non plus, les sociétés d'État également ne le sont pas. Alors, j'aimerais ça que vous nous fassiez un résumé très succinct de ce Règlement sur la diffusion, qui a été adopté en 2009 et qui prévoit donc une diffusion proactive de documents. Donc, les gens en principe n'ont pas besoin de demander la diffusion de ces documents-là, ils doivent être rendus disponibles notamment sur le site Internet des ministères qui sont concernés. On parle de l'organigramme, on parle… par exemple, le plan de classification des documents, les études, rapports de recherche, et tout le reste.

Alors, parlez-nous un peu du fonctionnement de ce règlement-là. Donnez-nous un peu votre bilan de l'application de ce règlement-là. Est-ce que ça fonctionne, est-ce que ça ne fonctionne pas? C'est quoi, les problèmes? Et pourquoi suggérez-vous que ce règlement-là soit dorénavant étendu aux organismes scolaires, aux organismes de santé, aux municipalités également — j'ai omis de le dire tout à l'heure, là — et également aux sociétés d'État dont le gouvernement est propriétaire à plus de 50 %? Alors, commençons par ça. Puis en sous-question, je vous dirais, comment vous faites l'arrimage entre cet élargissement du Règlement sur la diffusion et la mise en place d'un gouvernement ouvert? Comment est-ce que cet élargissement-là s'inscrit dans ce projet de gouvernement ouvert que l'on partage tous autour de cette table?

Le Président (M. Reid) : Me Chartier, à vous la parole.

M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président. Alors, effectivement, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre, ce règlement, qui s'intitule Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection des renseignements personnels, a été édicté en 2008. Certaines dispositions sont entrées en vigueur un peu après, mais essentiellement elles forcent maintenant tout organisme public qui y est assujetti, et pour le moment, à l'heure où on se parle, ce sont les ministères et organismes gouvernementaux, à l'exception du secteur de la santé, à l'exception du secteur scolaire et à l'exception du secteur municipal, mais elles forcent — je reviens à ce que je vous disais — à diffuser l'ensemble des renseignements qui sont mentionnés à son article 4, que je ne vais pas vous lire, le ministre y a référé assez rapidement, mais en fait, par exemple, l'organigramme, le nom du responsable de l'accès, le plan de classification des documents, les études, les rapports de recherche que l'organisme a fait préparer pour son compte, toutes les demandes d'accès auxquelles il a répondu et que l'organisme juge pertinentes, les projets de règlement publiés à la Gazette, les renseignements relatifs aux contrats qu'il a conclus et prévus à l'article 22 de la Loi sur les contrats des organismes publics. Alors, tous ces renseignements-là doivent être systématiquement et sans exception publiés sur le site Web de l'organisme depuis 2009. Également, on peut y retrouver, par exemple, comme je vous l'ai mentionné, des statistiques des demandes d'accès. Et il nous est apparu, avant de s'engager, avant de recommander au gouvernement ou à l'Assemblée nationale de s'engager de façon pleine et entière dans ce qu'on appelle le gouvernement ouvert, il nous est apparu nécessaire peut-être d'appliquer ce Règlement sur la diffusion, qui était déjà, en 2008, une avancée par rapport à tout ce qui était... tout ce qui existait en matière d'accès, il nous est apparu nécessaire, voire indispensable, à tout le moins, de soumettre l'ensemble des organismes publics qui n'y sont pas déjà assujettis.

Le ministre me demandait, dans sa question, d'élaborer également sur quelle serait la différence entre l'application d'un tel règlement et le gouvernement ouvert. Et c'est très différent, en ce sens que ce que le règlement vient faire, c'est d'obliger systématiquement, comme je vous le disais, l'ensemble de ces organismes publics à mettre sur leurs sites Internet l'ensemble des documents qui y sont mentionnés et qui sont, à ce moment-là, assujettis, par exemple, à des inspections de la commission. Je peux vous dire que la commission fait son travail d'inspection, par exemple, auprès des organismes publics qui sont assujettis actuellement. On est allés inspecter pour voir si les documents sont sur leurs sites Web, et cette inspection a confirmé que tous ou presque s'y conforment. Mais les documents qui sont là ne sont pas les documents que recherchent les tenants d'un gouvernement ouvert parce que ce ne sont pas des données réutilisables ou réorganisables. On prend le contrat qui est là, on prend une demande d'accès, on prend l'organigramme du ministère, on prend le nom du responsable de l'accès, on ne fera pas grand-chose avec ça.

Le gouvernement ouvert est une tout autre notion, qui prévoit de mettre sur un site Web ou à la disposition des citoyens, d'une autre façon, des statistiques, des données compilées par l'organisme, par exemple, si on parle d'éducation, l'ensemble des inscriptions au niveau primaire depuis 15 ans, par exemple. Ça pourrait être un exemple. Et ces données-là doivent être réutilisables, réorganisables par celui qui les détient ou qui peut y avoir accès. Et c'est l'ensemble, finalement, des données compilables, réorganisables, utilisables que nos ministères et organismes ont fait préparer soit par l'Institut de la statistique, soit par leurs propres services, dont ils n'ont plus nécessairement besoin mais qui ont servi à, par exemple, mettre sur pied des programmes sociaux, déterminer le coût de programmes sociaux, déterminer le coût de mesures quelconques gouvernementales, de façon à permettre aux citoyens d'avoir accès à ces informations-là. Mais vous aurez compris qu'il y a un rattrapage à faire sur le règlement sur la diffusion automatique mais qu'il faut aussi distinguer ce qu'on appelle le gouvernement ouvert, qui est une nouvelle façon de mettre à la disposition des citoyens des bases de données, dont il faudra évidemment extraire les renseignements personnels.

Et enfin je termine en vous disant que tant le Règlement sur la diffusion que le fait pour le gouvernement de s'engager dans un programme de gouvernement ouvert ou dans une initiative de gouvernement ouvert… je pense que, compte tenu des complaintes que je vous ai laissées à la fin de mon discours… auraient aussi pour effet de diminuer un peu le nombre de demandes de révision à la Commission d'accès, étant entendu que toute cette information nouvellement disponible pour les citoyens ne fera pas l'objet de demandes officielles auprès des ministères ou des organismes.

• (10 h 40) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Chartier. M. le ministre.

M. Drainville : Très bien. Très clair. Merci, M. le président de la Commission d'accès. Autre sujet que je voudrais aborder avec vous, les délais, les délais pour entendre les demandes de révision, qui sont en moyenne de plus d'un an, hein? Évidemment, vous savez qu'il y a plusieurs groupes qui vont venir nous dire à quel point c'est vexant et à quel point ils trouvent que les délais sont trop longs, ce qui m'amène à poser la question : Comment on règle ce problème-là? Je sais que vous allez me parler de ressources, vous l'avez déjà fait, et c'est de bonne guerre, je pense que c'est important que vous nous rappeliez à quel point la question des ressources, elle est importante, mais j'essaie de concilier les délais déjà fort longs avec les responsabilités supplémentaires qui pourraient découler de certaines de vos recommandations. Si, avec les responsabilités que vous avez déjà, les délais sont longs et qu'on ajoute à vos responsabilités, dans une volonté de transparence, dans une volonté de rendre la loi encore plus performante, si je peux dire, ça risque de vous faire plus de travail, ça. Alors, j'essaie de voir un peu comment vous allez concilier ça. Est-ce que vous aviez prévu, à l'interne, des façons de faire améliorées qui vont vous permettre d'être plus efficaces dans les tâches qui sont déjà les vôtres? Et de façon générale...

Par exemple, un des moyens qui a été évoqué, et j'aimerais bien vous entendre là-dessus, c'est toute la question de la médiation, rendre la médiation obligatoire. Donc, plutôt que de forcer quelqu'un qui s'est vu refuser l'accès à un document à devoir aller en révision... Pour les gens qui nous écoutent, c'est aller en appel, si on peut dire, d'une décision défavorable. Donc, je demande un document à un ministère, je me fais dire non et là j'ai une procédure, j'ai le droit d'appeler de cette décision-là, donc d'aller en révision devant la Commission d'accès. À ce moment-là, la Commission d'accès joue son rôle de tribunal administratif. Alors, est-ce que la question de la... cette idée d'une médiation obligatoire, qui ferait en sorte qu'avant d'aller en révision, avant d'aller en appel, si je peux dire, on obligerait le demandeur et l'organisme ou le ministère à s'asseoir à une même table, une même table, dis-je bien, puis essayer de trouver un compromis pour faire en sorte que l'information soit rendue publique en tout ou en partie et dans des délais, bien sûr, acceptables, M. le président…

Le Président (M. Reid) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président. Vous touchez évidemment un point douloureux, à la commission, parce que c'est un peu la quadrature du cercle que nous tentons de réussir. Et je ne vous cacherai pas que, compte tenu de la connaissance que j'ai prise des ressources, lorsque j'ai été nommé comme président de la commission, au tout début de 2011, les premiers mois de ma présidence, pendant lesquels évidemment nous avons dépensé beaucoup d'énergie, notamment à faire ce rapport quinquennal, nous nous sommes aperçus qu'il était peut-être un peu contradictoire de solliciter de la commission... c'est-à-dire de l'Assemblée nationale de nouvelles responsabilités, parce que nous croyons vraiment qu'elles doivent nous être imputées et confiées, tout en, évidemment, admettant, bien sûr, que même à l'heure actuelle, sans aucune responsabilité additionnelle, la commission n'est pas capable de remplir sa fonction, compte tenu des crédits et de ses effectifs, ce qui ne veut pas dire, comme je le mentionnais dans mon allocution d'ouverture, que nous ne tentons pas, évidemment, d'améliorer les choses.

Vous parliez au tout début de votre intervention, M. le ministre, des délais d'audience, délais d'audience qui sont encore trop longs mais qui depuis deux ans ont quand même été réduits de, je vous dirais, quelque chose comme 20 mois, dans la région de Montréal, à 14 à 15 mois actuellement. Et, dans la région de Québec, touchons du bois, les délais d'audience sont d'à peu près un maximum de six mois. Évidemment, il en est autrement... Parce que, comme je vous le disais, la commission doit couvrir l'ensemble du Québec, alors il en est autrement dans certaines régions où, par exemple, je vous donne l'exemple de la Côte-Nord, l'exemple de la Gaspésie, où il faut attendre d'avoir une masse critique de dossiers avant de pouvoir y envoyer un juge administratif, alors les délais sont habituellement, dans ces cas-là, plus longs, compte tenu évidemment de la petitesse de nos ressources. Mais il y a quand même des efforts qui ont été faits au niveau de la mise au rôle.

Vous avez mentionné la médiation. La médiation existe déjà depuis 15 ans à la commission. Nous pouvons compter sur une dizaine de médiateurs qui sont consacrés... qui consacrent en fait leurs journées entières à faire la médiation et à tenter de trouver un terrain d'entente entre le demandeur d'accès et l'organisme public qui détient les documents ou l'entreprise privée, et, je vous dirai, ça fonctionne et ça fonctionne très bien. À l'heure où on se parle, la proportion — c'est ce que je vérifie avec mon secrétaire général — la proportion actuelle des dossiers réglés par médiation est d'à peu près les deux tiers, bon an, mal an, ce qui veut dire qu'il reste un tiers à confier au juge administratif. Et, quand on parle de deux tiers de dossiers réglés sans l'intervention d'un juge administratif, d'un commissaire, ça nous apparaît un grand succès. Mais, comme je vous le mentionnais, il demeure une masse critique de dossiers. Nous ouvrons approximativement 2 000 à 2 500 nouveaux dossiers par année. Nous avons actuellement sept juges administratifs, 10 médiateurs. Je vous dirai bien honnêtement, il y a une limite à ce que l'on peut faire. On y met tous les efforts, évidemment, pour améliorer. Tel que je vous l'ai mentionné, les rôles sont maintenant cédulés de façon plus efficace. La commission peut compter depuis quelques mois sur un nouveau système de gestion, pour lequel elle a obtenu les crédits il y a quelques années et qui vient tout juste d'être terminé. Un nouveau système de gestion des rôles et de gestion de ses dossiers, qui apporte de l'efficacité, évidemment sans effort supplémentaire, ça a apporté de l'eau au moulin et ça permet d'améliorer. Mais évidemment il demeure qu'avec 60 employés, M. le ministre, et avec tout le respect que j'ai pour cette Assemblée, il y a une limite à ce que l'on peut faire.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. M. le ministre.

M. Drainville : Oui. Bon, vous avez bien fait le portait de la situation actuelle, là, au regard de la médiation, mais je pense que votre... En fait, posons la question directement : Est-ce qu'il faut envisager la médiation obligatoire? Parce qu'elle n'est pas obligatoire présentement, n'est-ce pas?

M. Chartier (Jean) : C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, ce qui arrive, on a des processus qui prévoient que, dès qu'un dossier… dès qu'une demande de révision, donc, de… Un citoyen mécontent de la réponse qu'il a obtenue de l'organisme fait sa demande à la commission, un dossier est ouvert et il est immédiatement confié à un de nos 10 médiateurs. Et le médiateur... et une lettre est transmise au citoyen et à l'organisme pour dire : Le dossier a été ouvert à la commission, vous avez... Et on mentionne les coordonnées du médiateur en donnant le numéro de téléphone et on leur mentionne qu'un médiateur entrera en contact avec eux. C'est certain que, si un citoyen ou un organisme dit — passez-moi l'expression : Je ne veux pas rien savoir de ton médiateur, je veux obtenir le document en entier, ou, de l'autre côté, l'organisme dit : Il n'est pas question que j'entre dans une quelconque tentative de négociation, il n'est pas question que cette information-là soit divulguée, nous attendrons une décision d'un commissaire, d'un juge administratif, évidemment, on ne peut pas rien faire. Mais nos processus prévoient déjà que...

M. Drainville : Mais ça arrive, ça arrive dans combien de cas, ça, monsieur… Me Chartier?

M. Chartier (Jean) : Ah! je vous dirais que...

M. Drainville : Sur 10 offres de médiation, là, il y en a combien qui sont refusées d'emblée par des gens qui disent : Non, non, non, moi, je veux aller devant le tribunal, là?

M. Chartier (Jean) : Moi, je vous dirais trois sur 10, à peu près.

M. Drainville : C'est beaucoup. C'est beaucoup. C'est pour ça que la question de la médiation obligatoire se pose. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de la médiation obligatoire?

Le Président (M. Reid) : Me Chartier.

• (10 h 50) •

M. Chartier (Jean) : Je vous dirais qu'elle aura toujours ses limites, c'est-à-dire que, bien que je force deux parties à s'asseoir l'une en face de l'autre ou à se parler au téléphone avec l'aide d'un juriste ou d'un médiateur, peu importe sa compétence, là — une compétence en médiation va de soi — afin de négocier, M. le ministre, en tout respect, c'est un peu comme n'importe quelle instance devant n'importe quel tribunal pénal, civil, la Cour supérieure, la Cour du Québec, il restera toujours des dossiers où la négociation ne peut avoir lieu. Par exemple, vous vous souvenez très bien que dans la Loi sur l'accès il y a certaines dispositions où l'organisme public doit refuser le document. Il y a des dispositions, dans la Loi sur l'accès, où l'organisme public n'a aucune espèce de discrétion pour accepter de le donner, mais ça, les citoyens ne le comprennent pas toujours, et ça prend une décision pour dire aux citoyens : L'organisme public n'a pas le choix, la loi lui oblige de refuser de donner le document. Alors, il y aura toujours, je pense, malgré une médiation qui deviendrait obligatoire… je crois qu'il y aura toujours une proportion, que l'on espère la plus petite possible, de dossiers à soumettre au juge administratif.

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Il me reste deux minutes. Changeons de sujet, parlons des failles ou des incidents de sécurité qui affectent la protection des données personnelles. C'est l'autre mandat très important de notre... enfin de toute cette discussion que nous aurons au cours des prochains jours, donc la responsabilité de protéger les renseignements personnels et, de façon plus large, la vie privée des gens. Est-ce que vous avez des indicateurs de l'ampleur des failles de sécurité qui sont survenues soit dans les organismes publics ou encore dans les entreprises privées? Est-ce qu'on a un portrait global? Et quels dommages ces incidents de sécurité ont-ils causés? Il me reste à peu près deux minutes, là, donc, si vous pouvez nous donner à tout le moins un début de réponse sur cette question-là…

Le Président (M. Reid) : Me Fortier.

M. Chartier (Jean) : Oui, bien sûr. Merci, M. le Président. La commission se préoccupe évidemment de ces choses-là, et la raison pour laquelle elle en a fait une recommandation précise était appuyée sur des constatations qu'elle a faites, notamment lors d'une inspection que la commission a menée en 2010, avant la rédaction de son rapport quinquennal, auprès de tous les ministères et organismes québécois. On parle de 21 ministères et de 117 organismes gouvernementaux, pour un total de 138 — ce qu'on appelle des MO — ministères et organismes québécois. On est allés demander à ces gens ou enfin aux responsables de l'accès et à la protection des renseignements personnels dans chacun de ces ministères et organismes quels étaient les incidents de sécurité. En était-il arrivé dans leur milieu au cours des trois années précédentes, c'est-à-dire entre 2007 et 2010? 107 incidents de sécurité, M. le ministre, ont été déclarés lors de l'inspection. Il s'agissait de pertes de renseignements personnels, de vols de renseignements personnels. Et on a même constaté, parmi ces ministères et organismes, qu'il n'y en avait qu'un pourcentage de 23 % qui avaient une politique sur la perte et le vol des renseignements personnels en leur milieu.

M. Drainville : Vous parlez d'organismes publics, là.

M. Chartier (Jean) : D'organismes et de ministères, 138 ministères et organismes. Alors, constatant cela, on s'est dit : C'est peut-être la totalité, c'est peut-être seulement la pointe de l'iceberg, et on s'est alors demandé... Parce qu'une inspection de cette nature n'a pas eu lieu dans les entreprises privées. Mais les entreprises privées sont encore plus nombreuses et elles sont très nombreuses à détenir des renseignements personnels. Pensez évidemment à toutes les banques, les grandes chaînes commerciales. Et là on s'est dit : Quelle serait une éventuelle inspection faite dans les entreprises privées? Nous n'avions pas les effectifs pour le faire à ce moment-là. Mais voilà le résultat de cette inspection que nous avons faite en 2010.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition officielle. Et je donne la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Mark Zuckerberg a dit : «Privacy is dead.» Aujourd'hui, on se trouve dans un monde où le commerce de l'information est parmi les plus importants commerces mondiaux. Pour avoir accès à un site Web, il faut que j'accepte les politiques, y compris les politiques de confidentialité. Même les personnes qui comprennent les conséquences d'accepter les conditions de... la politique de confidentialité cliquent parce qu'ils veulent avoir accès au Web. Alors, combien, vraiment, refusent les conditions de confidentialité, même en comprenant ces conditions-là? Et vraiment est-ce que les pictogrammes sont une solution? On veut avoir accès, on va cliquer. En plus, vous suggérez une politique condensée et une politique détaillée. Si je clique sur la politique condensée, quels termes et conditions j'accepte, qu'on va retrouver uniquement dans la politique détaillée? Qu'est-ce qui sera caché dans le détail? Comment vraiment réveiller toute une société aux enjeux quant à la protection de leurs renseignements, dans un monde, aujourd'hui, où les gens ne comprennent pas c'est quoi, le contrôle de leur identité, qu'ils sont en train de le perdre à tout moment, tous les jours, que perdre le contrôle sur leur identité, c'est perdre leur liberté et c'est se perdre, encore plus, ce concept de démocratie dont le ministre parlait tout à l'heure? Alors, s'il vous plaît, est-ce que c'est vraiment simplement une poudre aux yeux de me dire : On va avoir des pictogrammes, des politiques qui sont plus compréhensibles? Qu'est-ce qu'il faut faire?

Le Président (M. Reid) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président…

Mme de Santis : Et est-ce que je peux vous demander de garder vos réponses un peu plus courtes parce qu'on a beaucoup de questions?

M. Chartier (Jean) : Oui. Oui. Écoutez, vous touchez un point évidemment très important : Est-ce que la réduction ou les recommandations de la commission sur la réduction des politiques de confidentialité seraient assez? Il est bien évident que, tout dépendant, en plus, de ce que les entreprises en feraient… Est-ce que, par exemple, il faudrait que la commission propose un modèle de politique condensée? Peut-être. Est-ce qu'il faudrait que la commission se fasse l'arbitre ou enfin le censeur des politiques condensées qui devraient être mises par les institutions? À tout le moins, on pourrait penser à au moins une première intervention auprès des organismes publics et des différents ministères et organismes. Ensuite, les entreprises, évidemment, il faut aussi comprendre que, si l'Assemblée nationale décidait de légiférer en ce sens, ça ne serait que sur le territoire québécois ou enfin les entreprises qui ont une place d'affaires au Québec, parce que sinon les entreprises qui ont des places d'affaires ailleurs dans le monde et qui ont des sites Web qui sollicitent notre propre population se sentiraient plus ou moins liées par ce genre d'intervention.

Mais, lorsque vous dites : Aurions-nous un quelconque effet? Nous avons mis, dans le rapport quinquennal, un exemple où le Québec a légiféré et où ça a eu certainement un effet. Souvenez-vous de la législation québécoise en matière de protection du consommateur, où on est venu interdire, au Québec, la publicité destinée aux enfants. Et aujourd'hui... À l'époque, je n'y étais pas, évidemment, dans les débats qui ont donné lieu à cette intervention législative, mais probablement qu'à l'époque on se disait : Bien, voyons, on vit dans l'ensemble nord-américain, on vit sur une bien petite planète, ça ne sert à rien de mettre une intervention comme ça. Mais aujourd'hui il n'y a plus de publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Et on pensait un peu à ce genre d'intervention législative qui pourrait être faite. Mais, lorsque vous dites : Y a-t-il vraiment des chances de succès?, nous croyons que ça prend de l'éducation, de la sensibilisation et un minimum de législation.

Le Président (M. Reid) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : La...

Une voix : …sensibilisation.

Mme de Santis : … — exactement — l'éducation, etc., on en a parlé dans un autre forum. O.K. Mais à quel point vous faites ça aujourd'hui? Parce que, si c'est essentiel pour qu'une société comprenne les enjeux, il faut en faire. Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui?

M. Chartier (Jean) : On fait ce qu'on peut, malheureusement. On fait bien peu, mais depuis trois ans... depuis deux ans la commission a diffusé, tant sur son site Web que dans le milieu scolaire, primaire et secondaire, des dépliants, des affiches, d'une part, pour informer les jeunes, les jeunes en très bas âge, du niveau primaire, des dangers d'aller sur Internet et des précautions qu'on devrait prendre. Et on a également procédé à la diffusion et à la distribution, dans le réseau scolaire, d'affiches que nous avons préparées sur les 10 conseils de la CAI pour surfer sur le Web de façon sécuritaire. Bon. Nous avons ajouté à cela la présence de nos professionnels, qui sont allés évidemment faire des conférences, expliquer, dans le réseau scolaire… Ils sont toujours très bien accueillis. Ils sont très sollicités, mais ils ne sont que 10. Alors, évidemment, nous agissons à la mesure de nos moyens, et nos moyens sont certes insuffisants.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Je voudrais passer la parole maintenant à la députée de l'Acadie.

Mme de Santis : Parfait.

Mme St-Pierre : As-tu fini?

Mme de Santis : Moi, j'ai d'autres questions, mais vas-y, et après…

Mme St-Pierre : Vous comprenez que c'est fort intéressant comme sujet. Je veux vous saluer et saluer les collègues députés, saluer aussi les gens qui nous écoutent, et je suis sûre qu'ils écoutent avec énormément d'intérêt.

Moi aussi, je vais vous demander de faire des réponses très courtes parce que ma collègue a des questions encore à poser. Vous avez parlé, dans votre rapport... Dans les recommandations, vous ne parlez pas de la recommandation du rapport Payette, qui recommandait que les journalistes aient un accès privilégié lorsqu'ils font une demande d'accès à l'information. Est-ce que vous vous penchez sur cette question-là, oui ou non? Êtes-vous d'accord, oui ou non?

• (11 heures) •

M. Chartier (Jean) : Nous nous sommes penchés sur cette question au moment où la rédaction du rapport quinquennal a été effectuée. La commission s'est mise en retrait, parce qu'il y avait déjà deux dossiers qui étaient… pas suspendus, mais dont on attendait l'audience en Cour du Québec, qui est le tribunal d'appel de la commission, alors nous ne pouvions pas nous positionner. Et dans le rapport quinquennal nous avons tout simplement dit... nous avons exposé ce cas et nous avons dit à l'Assemblée : l'Assemblée nationale devra régler ce problème-là. Mais il nous apparaissait que l'Assemblée nationale ne devrait pas régler le problème seulement pour les journalistes, de façon à ne pas en faire une classe à part, de citoyens à part, qui pourraient avoir ainsi plus de droits devant la Commission d'accès.

Aujourd'hui, à l'heure où on se parle, les deux décisions dont je vous parle ont été rendues. La Cour du Québec… Dans un cas, la décision est plus ou moins pertinente, compte tenu de la façon dont le juge l'a rédigée. Dans l'autre cas, la décision concernait un journaliste de La Presse dont l'entreprise... dont l'organisme public soumettait que la demande de révision aurait dû être faite par un avocat représentant ce journaliste. Et le juge à la Cour du Québec a décidé que la demande du journaliste était une demande personnelle de l'individu, de la personne elle-même, qui, en vertu de l'article 9 de la Loi sur l'accès, a un droit d'accès à l'information et un droit de demander toute espèce d'information à un organisme public. Et le juge a dit : Il n'y a rien là qui nécessite… ou qui fait la démonstration que la demande de l'individu qu'il avait devant lui était la demande de son consortium employeur. Le juge a conclu qu'il s'agissait d'une demande personnelle du journaliste et qu'à ce titre il n'avait pas besoin d'avocat. Alors, nous, on a considéré que ça réglait la question, à tout le moins en partie.

Mme St-Pierre : …que vous ne répondez pas vraiment à ma question, à savoir si la commission est d'accord ou pas d'accord, mais enfin on pourra peut-être en rediscuter à un moment donné.

Vous avez fait référence à vos effectifs, à vos budgets. Vos budgets sont en décroissance ou en croissance? Avez-vous augmenté cette année? Ou, si vous êtes diminués, vous êtes diminués de combien?

M. Chartier (Jean) : Cette année, nous faisons face à une ponction d'un peu moins de 200 000 $ sur un budget total de 5 700 000 $.

Mme St-Pierre : …pourcentage? Vous ne savez pas? O.K., c'est correct.

M. Chartier (Jean) : Je ne l'ai pas à l'idée, le pourcentage, là, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas que la ponction qui nous est imposée, parce que nous avons aussi d'autres charges qui... par exemple, les augmentations de salaire que nous devons assumer, etc., mais tout ça pour vous faire un chiffre global, tout à l'heure, ce que je disais dans mon discours d'ouverture, toutes choses étant égales par ailleurs, si la commission ne met personne à pied d'ici la fin de l'année, nous allons être dans une situation déficitaire d'à peu près 400 000 $.

Mme St-Pierre : O.K. Maintenant, une dernière...

Le Président (M. Reid) : Merci. Est-ce que je reviens à la députée de Bourassa-Sauvé…

Mme St-Pierre : Une autre question, les failles de sécurité. Il y a eu un reportage à TVA récemment sur le palais de justice et l'accès que les gens ont, au palais de justice, aux dossiers personnels. Comme journaliste, je me suis servie beaucoup de cette section-là des archives au palais de justice. Ça vous dit quoi, là? Ça nous dit que c'est beau, l'ouverture, là, mais...

M. Chartier (Jean) : Non, au contraire, ça nous dit que tous les dossiers judiciaires, Mme la députée, sont — et ça, je crois, en tout respect, c'est une erreur que le journaliste a faite — tous les dossiers judiciaires sont publics, et doivent l'être ainsi, et sont accessibles dans les lieux mêmes, là, des réseaux judiciaires. Mais au surplus il y a une disposition de la Loi sur l'accès qui rend inapplicable aux tribunaux judiciaires la Loi sur l'accès. Alors, vous savez bien qu'au moment de faire ce reportage nous avons eu notamment des demandes d'information des journalistes, et malheureusement on ne pouvait pas faire quelque commentaire que ce soit, les tribunaux judiciaires sont hors du champ d'application de la Loi sur l'accès.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous revenons à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : J'ai fait référence tout à l'heure à Gouverner ensemble, le rapport d'Henri-François Gautrin, où il y avait 32 recommandations. Parmi ces recommandations-là, il y avait une recommandation n° 23 quant à la gouvernance, et ça dit : «Que la gouvernance du projet — ici du projet de gouvernement ouvert — soit placée sous l'autorité directe du premier ministre afin qu'il ou elle fasse connaître, dans une déclaration, sa volonté quant à la réalisation du projet, tout en rappelant que les changements doivent se faire progressivement.» Et il amène la gouvernance au niveau du premier ministre. Je pense que ce qu'on veut atteindre, avec un gouvernement ouvert, ce n'est pas simplement une législation, mais c'est aussi un changement de culture. Comment atteindre ce changement de culture? Et je pose ça même avec le renseignement suivant, que j'ai lu dans un autre mémoire, qui était le mémoire qui a été présenté par la fédération des journalistes, qui nous dit que vous avez vous-mêmes réalisé, l'année dernière, une étude sur la mise en oeuvre de la divulgation automatique sur les sites de divers organismes publics et que cette étude sur la divulgation automatique n'a pas été divulguée automatiquement par vous sur votre site. Vous en avez fait mention, mais vous n'y avez pas donné accès. Et, quand ils vous ont demandé… ils se sont fait dire : Faites une demande d'accès à l'information. Qu'eux disent… c'est suprême ironie. Alors, comment on change une culture partout?

Le Président (M. Reid) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Vous me voyez sourire à la conclusion de votre question, parce que je dois dire que ce que vous soulevez, c'est tout à fait exact, mais c'était... Ce qu'on soulève à... ce qu'on me souffle à l'oreille, c'est que c'était une erreur, et qu'il est vrai que cette étude a été faite sur l'application et le respect du Règlement sur la diffusion, et elle n'a absolument rien de secret. Elle est sur le Web... ou elle va l'être. Elle va être sur notre site Web sans avoir, évidemment, été de quelconque façon modifiée. C'était une erreur, si la personne s'est fait répondre : Vous devriez faire une demande d'accès, parce que c'est exactement le genre de document qui devrait se retrouver sur le site Web de la commission, d'abord et avant tout. Compte tenu des leçons que la commission a tendance à faire aux autres, elle devrait se les imposer à elle-même, j'en suis tout à fait conscient.

Mme de Santis : Alors, un changement de culture, c'est très difficile.

M. Chartier (Jean) : Mais je vous dirais que chez nous ce n'était vraiment pas un changement de culture, c'était beaucoup plus une erreur d'alignement.

Mme de Santis : Mais est-ce que vous êtes d'accord que ça devrait être à partir du premier ministre... la première ministre que les changements doivent commencer?

M. Chartier (Jean) : Oui, je suis tout à fait en accord avec vous, il faut qu'il y ait une impulsion qui vienne de haut.

Mme de Santis : Maintenant, j'ai une autre question. À la page 66 de votre rapport, vous parlez de financement qui devrait... On parle maintenant de qui devrait être assujetti à la loi, O.K.? Et on parle de filiales, de sous-filiales, de fonds social, on parle de l'exemple d'Hydro-Québec, et vous mettez beaucoup d'emphase sur un financement qui est assuré par l'État. Donc, vous parlez, dans votre présentation, qu'on devrait avoir accès aux organismes dont le financement est largement assuré par l'État. Sauf que, dans votre recommandation, ce n'est pas du tout votre recommandation. Dans votre recommandation, vous recommandez, à la recommandation 20, que... Le commissaire recommande que soit modifiée la loi «afin d'assujettir tous les organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État». Vous savez, on peut détenir 20 % d'une société d'État... pas d'une société... d'une société ou d'une entreprise et en plus leur donner une subvention qui leur fournisse 60 % de leur financement. Alors, comment vous faites tout un argumentaire basé sur le financement et vous arrivez à faire la recommandation que vous faites?

Le Président (M. Reid) : Me Charftier.

• (11 h 10) •

M. Chartier (Jean) : En fait, c'est qu'à l'heure actuelle, de la façon dont la loi est libellée, Mme la députée, ce qui est prévu à l'article 4 de la Loi sur l'accès, c'est que les organismes gouvernementaux... sont assujettis à la Loi sur l'accès ceux «dont le fonds social fait partie du domaine de l'État». C'est le texte actuel, ceux «dont le fonds social fait partie du domaine de l'État». Et la Cour d'appel — et c'est un peu ce qui nous a amenés à faire cette suggestion-là — la Cour d'appel, dans une décision qu'elle a rendue récemment, a décidé que cette expression-là, «dont le fonds social fait partie du domaine de l'État»… le législateur voulait probablement dire : dont le fonds social fait partie en totalité du domaine de l'État. Donc, voyant cela, on s'est dit : Les citoyens ne pourront donc obtenir de l'information sur la provenance des sommes ou la façon dont elles sont utilisées que s'ils font affaire à un organisme public créé par l'État et financé en entier. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes dit : Il y a certainement du travail à faire, il y a du progrès à faire en termes de transparence. Il faut réduire cette proportion de capital public dans les entreprises afin de pouvoir permettre aux citoyens d'obtenir l'information.

Pourquoi 50 %? Parce que nous nous sommes... Et là, évidemment, nous nous rendrons à toute espèce de volonté exprimée par l'Assemblée nationale. Mais pourquoi nous avons choisi ce pourcentage de 50 %? C'est parce que nous nous sommes dit : À partir de 50 %, on dépasse la majorité du financement provenant de nos concitoyens, du financement public. En bas de 50 %, si on devait rendre… par exemple, tout organisme créé par l'État en tout ou en partie et financé par l'État, par exemple, à une proportion de 25 %, ça voudrait quand même dire qu'il y a 75 % de capital privé et là ça voudrait dire que nous assujettirions à la Loi sur l'accès des entreprises dont une majorité du capital vient du privé, ce qui n'est pas le cas actuellement dans la Loi sur l'accès. Les citoyens n'ont le droit d'obtenir de l'information que de leurs organismes publics ou financés par leur gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle on a placé le plancher à 50 %, parce que c'était la limite de la majorité de leur financement venant de l'État.

Mme de Santis : Mais vous reconnaissez que le financement se fait autrement que par un investissement dans le fonds social, et donc, peut-être, votre recommandation était plus large que ce que je retrouve à la recommandation n° 20?

M. Chartier (Jean) : C'est-à-dire que ce que je reconnais, c'est que nous ne l'avons pas mise dans le rapport quinquennal, mais que, compte tenu de ce que l'on entend, par les temps qui courent, notamment à la commission Charbonneau, que vous avez évoquée et depuis la rédaction du rapport quinquennal, il y a peut-être d'autres idées qui nous viennent, en termes de modifications à la loi qu'on pourrait ajouter, afin d'obtenir un peu plus de transparence pour les citoyens sur ce qui est fait avec l'argent public.

Le Président (M. Reid) : Merci, monsieur… Me Chartier. Le temps est terminé pour le bloc de l'opposition officielle. Nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition. Et je passe la parole au député de Lévis.

M. Dubé : Merci, M. le Président. J'ai combien de temps, en fait?

Le Président (M. Reid) : Environ cinq minutes.

M. Dubé : O.K. Merci beaucoup. Alors, peut-être, le premier volet de ma question, M. le président, c'est de regarder... Tout à l'heure, j'ai fait le point, au début — vous étiez là — des trois catégories d'informations, on peut dire, les personnelles, les stratégiques et celles qu'on peut appeler plus de gestion d'opérations. Sans aller dans le détail, parce qu'on n'a pas le temps, vous avez fait référence à environ 2 500 dossiers ou demandes qui sont faites. Est-ce que vous pouvez me dire dans quelle catégorie se situent les plus grands des besoins ou des demandes? Puis le corollaire de ça, c'est de dire que, s'il y avait vraiment un gouvernement ouvert, qui va prendre un certain temps, on en convient, d'ailleurs vous avez quelques recommandations là-dessus, on pourra en parler, mais, s'il y avait vraiment un gouvernement ouvert, est-ce qu'il y aurait un impact important sur le nombre de demandes, qui ferait que les questions qui ont été posées sur les délais, qui ont été posées sur le nombre de personnes que vous avez besoin, ça pourrait avoir un impact? Alors, je voudrais vous entendre sur ça pour voir comment le gouvernement ouvert peut avoir un impact sur votre organisation puis la façon dont on répond aux contribuables.

Le Président (M. Reid) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président. Malheureusement, M. le député, cet exercice n'a pas été fait, compte tenu évidemment, encore une fois, de nos ressources, mais il est certain que ce que vous touchez là — et je l'ai mentionné — constitue, je dirais, une éventuelle amélioration de nos performances, si on allait vers un gouvernement ouvert, parce que, oui, il y a une proportion des documents qui sont demandés aux organismes publics par les citoyens, qui, s'ils étaient de façon automatique mis sur le Web ou à la disposition des citoyens, limiteraient de beaucoup le nombre des demandes d'accès. Pensons simplement à ce que je faisais comme recommandation — quand je dis «je», la commission — à l'effet d'élargir le Règlement sur la diffusion. À l'heure actuelle, les municipalités — et ce ne sont pas les moindres acteurs dans le contexte actuel — tous les établissements de santé et tous les établissements scolaires, qu'on parle du scolaire primaire, secondaire, universitaire, sont non assujettis au Règlement sur la diffusion. Et, comme je vous le mentionnais, dans le Règlement sur la diffusion, en outre, il est prévu : tous les contrats conclus par l'ensemble de ces organismes-là doivent être publiés. Alors, imaginez si le Règlement sur la diffusion était élargi à ces trois catégories. C'est déjà... Ça, je peux vous le dire par connaissance personnelle, parce qu'en plus d'être président je suis aussi juge administratif. Je peux vous dire qu'on diminuerait, là, le nombre de demandes faites à la commission, parce qu'il y a un grand nombre de ces documents qui se retrouveraient immédiatement à la disposition de la population.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Lévis, allez-y.

M. Dubé : Parce qu'en fait, M. le Président, si je peux continuer là-dessus, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, c'est de vous dire : Le principe… puis je crois que c'est au ministre à… par la suite, où on va entendre d'autres personnes… mais ça serait de s'assurer qu'on fait une analyse de ces 2 500 demandes là parce que je pense que le problème part de là. Si on est capable de savoir il y en a combien qui pourraient être éliminées, bien on n'a plus de délais puis on a moins besoin de personnes, ou peut-être que les personnes peuvent travailler sur les renseignements personnels qui sont à protéger, etc. Donc, je pense que cette analyse-là devrait être faite.

Mon deuxième point, c'est de respecter... je voudrais vous entendre sur le principe. Malheureusement, aujourd'hui, je dirais que le principe, c'est que l'information n'est pas fournie, puis c'est par exception qu'on donne l'information. Je pense que la norme, selon moi, devrait être que l'information devrait être disponible puis que l'exception, ça serait de protéger de l'information. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, si on ne s'entend pas sur la norme ou sur les principes, bien je pense qu'on ne s'en va nulle part. Alors, j'aimerais vous entendre sur… Est-ce qu'il devrait y avoir une inversion de la norme, si je me permets?

Le Président (M. Reid) : Me Chartier, il vous reste une minute pour répondre.

M. Chartier (Jean) : Je vous dirais que, dans un monde idéal, oui, sauf que, vous avez pu le constater, dans le rapport quinquennal de la commission, nous ne sommes pas venus modifier ou faire de recommandations relativement à plusieurs modifications, à l'heure actuelle, dans Loi sur l'accès, parce que vous savez que la Loi sur l'accès, elle est ainsi construite qu'elle contient plusieurs restrictions, comme vous l'avez mentionné, à certains documents. Je pense qu'il y a quand même des restrictions qu'il faut absolument maintenir, les restrictions, par exemple, relatives aux enquêtes policières, les restrictions relatives aux documents qui émanent du Conseil des ministres…

M. Dubé : Ce que j'ai appelé les informations stratégiques, peu importe, là, cette catégorie-là.

M. Chartier (Jean) : C'est ça. C'est ça. Celles-là, elles doivent... Bon, maintenant, je pense, oui, qu'il y a des efforts qui pourraient être faits, en termes de transparence dans la loi, je pense qu'il y a des dispositions qui pourraient être ajoutées, de façon, par exemple, à obtenir systématiquement la divulgation des contrats des organismes publics, les montants des soumissions. Par exemple, pensons aux questions qui nous sont souvent posées par les citoyens, aux municipalités, aux organismes publics : Combien coûtent les services juridiques engagés?

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, Me Chartier…

M. Chartier (Jean) : Il pourrait y avoir un effort de transparence.

Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Votre temps est terminé. Je remercie les représentants de la Commission d'accès à l'information pour leur présentation.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de demander au Comité des orphelins victimes d'abus de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 21)

Le Président (M. Reid) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au Comité des orphelins victimes d'abus. M. Landry, je vous demanderais de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je souligne également que vous avez distribué ou fait distribuer aux membres de la commission un supplément ou un complément à votre mémoire. Alors, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. M. Landry.

Comité des orphelin-e-s victimes d'abus (COVA)

M. Landry (Lucien) : Alors, merci, M. le Président, de nous accueillir au nom des personnes qu'on appelle, pour nous, les personnes... orphelins du comité. On représente l'ensemble des orphelins. J'ai préparé une courte présentation, qui nous sommes, en premier lieu. En deuxième lieu, M. le Président, nous avons pensé de vous présenter les raisons pourquoi nous sommes devant vous, puis, troisièmement, par rapport avec le dossier qu'on appelle spécifiquement… sur votre document du rapport des technologies et vie privée à l'heure du choix de la société, du rapport quinquennal.

Il faut vous dire, M. le Président, aussi que je suis accompagné… à ma droite, Mme Suzie Quirion, qui collabore avec nous auprès du comité, et M. Alexandre Martin, qui travaille avec moi au bureau du comité, dans le cadre du programme Emploi-Québec, comme stagiaire chez nous pour la période de 26 semaines. Et nous sommes devant vous.

Je vais lire une courte présentation, M. le Président, si vous me le permettez. M. le Président, COVA est un organisme reconnu par le gouvernement du Québec et enregistré depuis 2002. Nous avons le plaisir de vous joindre à notre mémoire une copie de notre charte. Nous souhaitons vous apporter quelques éléments d'information statistique sur le dossier des victimes que nous représentons.

Nous sommes les porte-parole de l'ensemble des orphelins, orphelines de Duplessis victimes d'abus des années 30 à 60. On dénombre au-delà de 60 institutions, crèches, orphelinats, instituts, écoles d'industrie, écoles de réforme qui se sont vu confier par l'État la garde des orphelins, mais aussi des instituts médicolégaux ainsi que des prisons, juridiction provinciale. Les abus physiques et sexuels étaient systématiques dans toutes ces institutions. On comptait parmi 30 000 orphelins à 60 000 enfants déclarés illégitimes, selon la Commission du droit du Canada. Puis les enfants placés en établissement, les orphelins ont largement contribué à cette recherche. Notre organisme représente l'ensemble des orphelins du Québec. Par… ceux-ci aussi sont établis dans toutes les provinces à travers le Canada.

Au Québec, certaines institutions ont changé de vocation pour devenir des établissements à vocation psychiatrique, dans le seul but de recevoir des subventions fédérales, au mépris des droits des orphelins. Les orphelins ont été victimes de faux diagnostics psychiatriques de façon systémique. Nous espérons grandement que ces informations additionnelles de notre présence, des victimes qui ont subi des abus physiques et sexuels en établissement public, sauront vous convaincre de l'importance de témoigner devant la Commission des institutions.

Les raisons pourquoi nous sommes devant vous, M. le Président, il est facile de nous distraire sur les moments difficiles de nos vies durant notre jeunesse, lors des années 30-65 au Québec, en nous disant que ceux-ci font partie du passé et qu'il faut regarder l'avenir. Nous sommes heureux de venir devant vous sans encombre, ce qui témoigne votre ouverture face à nos demandes envers une quête de vérité, ceci afin d'être mieux informés pour tranquilliser nos esprits et dégager nos souffrances du passé. Nous croyons sincèrement que notre communauté est composée de personnes âgées parmi les plus vulnérables de la société et qu'ils ont droit au respect et à la reconnaissance de la vérité. Par l'accès à l'information, nous avons l'opportunité unique de connaître ce qui s'est passé avec les grands acteurs de l'époque des années 30-60 mais également de connaître davantage sur l'élaboration du Programme national de réconciliation avec les orphelins.

Alors, M. le Président, c'est de ces témoignages-là, par la suite, que nous nous sommes intéressés d'une façon active à pouvoir permettre à l'ensemble des personnes que nous représentons de connaître ce qu'on appelle, pour nous, la voie de la vérité. Et la Commission d'accès à l'information, pour nous, elle est un étendard, elle est le phare, la lumière, un outil de vérité pour nous permettre de connaître ce qui s'est passé. Alors, c'est un petit peu dans ce sens-là, M. le Président, qu'on a voulu faire cette première présentation.

Suite à cela, M. le Président, on a pris connaissance du document qui était vivement intéressé par notre niveau, pas sur tous les aspects du mémoire, parce que c'est sûr qu'on n'a pas toute une infrastructure organisationnelle comme le gouvernement ou comme certains organismes parapublics. Mais, avec les faibles moyens que nous avons, nous nous sommes penchés sur l'ensemble des recommandations, et il y en a trois en particulier qui nous ont interpellés, à savoir l'accessibilité aux documents publics, la transparence, la question aussi de la représentation devant la Commission d'accès à l'information, et, troisième point, c'était spécifiquement aussi sur les moyens pour s'y rendre, à avoir les outils nécessaires technologiques auprès des personnes qui sont démunies, qui sont âgées. Alors, quand on parle de la technologie, M. le Président, ce qui est clair, pour nous ce n'est pas si facile que ça. On est d'accord, on ne se prononce pas contre la technologie, mais il faut penser aussi à la question de la compréhension de l'accessibilité des personnes démunies à cette démarche-là.

Alors, c'est un petit peu ces trois points-là, majeurs, qu'on a voulu traiter. Je ne veux pas en faire toute la lecture des documents, mais ce qui est clair, pour nous, il faut vous souligner notre présence. On a regardé aussi dans la liste des organismes qui vont comparaître et on croit que nous sommes presque l'unique groupe qui représente les personnes âgées, démunies, vulnérables. Et, pour nous, c'était important, et on apprécie votre accueil à cet égard-là, d'entendre la voix de ceux qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer et que nous, comme organisme, nous avons la responsabilité de les représenter et aussi de défendre leurs droits, leurs intérêts devant les instances. Et ça, M. le Président, ça fait partie de la charte que le ministère nous a accordée.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup, M. Landry. Nous sommes très heureux de vous entendre. Et je constate que vous avez bien respecté les délais qui vous avaient été donnés. Je passe la parole maintenant, pour le bloc du gouvernement, au ministre.

• (11 h 30) •

M. Drainville : Merci, M. le Président. Alors, je vous salue, M. Landry, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Et évidemment, d'entrée de jeu, on tient à redire, je dirais, la... on comprend la douleur, je pense que c'est important de le redire, là, on comprend la souffrance que vous avez vécue. Et votre présence ici, parmi nous, témoigne de votre engagement. C'est un combat que vous menez depuis plusieurs années, et on tient à vous redire toute l'estime que nous vous portons.

Maintenant, dans votre mémoire, vous soulevez un certain nombre de choses. Moi, j'aimerais ça vous entendre d'abord sur les difficultés que vous rencontrez lorsque vous faites des demandes d'accès. Dites-nous un peu... donnez-nous des exemples très concrets, là, de difficultés que vous avez rencontrées, des informations ou des renseignements que vous auriez souhaité obtenir, et comment ça s'est conclu, tout ça. Donnez-nous un peu une idée, là, de... faites-nous un peu le portrait de la situation, là.

M. Landry (Lucien) : Brièvement, M. le Président, comme réponse que je vais donner, oui, nous sommes en ce moment... nous avons formulé au-delà de 101 demandes devant la Commission d'accès à l'information.

M. Drainville : 101 demandes de révision, de révision, hein?

M. Landry (Lucien) : Non, pas nécessairement toutes de révision. Au total, 101 demandes depuis un an et demi. Et, sur 101 demandes, nous avons eu 39 refus, 36 pas de réponse, et d'autres parties, c'est en attente. En grande partie de nos demandes, c'est lié directement par rapport aux réponses qu'ils nous donnent face à nos demandes. Puis on a voulu évoquer aussi dans ça, par rapport avec l'article 33, si je ne me trompe pas, là, O.K., que la plupart des orphelins...

M. Drainville : 30. 30 et 33. 30 et 33, oui, c'est ça.

M. Landry (Lucien) : … — 30 et... oui — pour des raisons spécifiques de demandes… empêchant à la fois plus d'orphelins d'avoir accès… Chacune des décisions évoque la possibilité d'inexistence du dossier ou rappelle l'incroyable difficulté à tenter de formuler une demande spécifique.

Je vous donne un exemple. Nous, on a adressé une demande au ministère de l'Emploi et de Solidarité, qui a hérité du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté dans les années 2001 à 2004. Et ce qui s'est passé, c'est qu'on nous dit : C'est transféré au ministère de l'Emploi. Souvent, la commission nous demande de préciser… le responsable de la loi de l'accès à l'information au ministère, de préciser la demande, la date, l'auteur, et nous, on ne le sait pas. Mais on le sait qu'il existe un document, exemple le protocole-cadre d'entente sur le dossier des orphelins. Or, ce qui s'est passé, c'est qu'on nous demande : Est-ce qu'il y a eu une date, est-ce qu'il y a eu l'auteur? Nous, on n'a pas ça, mais on sait qu'il existe une entente-cadre. Parce que, quand le gouvernement fait un décret, annonce un programme, met de l'avant des critères, il a dû y avoir des négociations, il a dû y avoir des démarches préparatoires, des consultations pour en arriver à ce qu'on appelle une entente-cadre. Comment on vient à s'apercevoir qu'il y a une entente-cadre? Bien, ce qui est clair, du côté des autochtones, du côté des autres organismes de victimes qui font des... il y a des dossiers comme ça qui sont préparés pour en arriver à telle démarche, telle démarche. Alors là, on nous demande la liste des auteurs, la date de ces documents-là, mais, ces documents-là, on ne le sait pas. Alors là, tu as ce problème-là.

D'autres démarches… exemples des difficultés, ces documents-là relèvent du Conseil des ministres ou relèvent du Conseil du trésor ou du Vérificateur général, et il y a certains critères très spécifiques. On ne peut pas y avoir accès. Or, c'est là que, nous, en plus d'ignorer le titre exact du document, on nous dit : Ah! bien, ça, ça relève du Conseil du trésor, puis il y a des normes très précises à ce niveau-là. Puis c'est évoqué à l'article 30 et 33… demandes, empêchant à la fois plus d'orphelins d'avoir l'accès…

Et, à l'article 137, refusant des demandes… celles-ci imposent… le nombre… des caractères similaires. Cela rappelle l'incohérence du système actuel en place qui... ressource d'information pour permettre au demandeur d'effectuer précisément sa demande précise, le forçant inévitablement à effectuer des requêtes multiples dans l'espoir d'obtenir la moindre parcelle… Au moins pour préciser la demande.

Alors, c'est ça, M. le ministre, des genres de... Puis il y a aussi la question aussi... On nous refuse, on doit en appeler de la décision et par la suite, pour en appeler de la décision, on doit passer devant le tribunal. Là encore, il y a des complications. Exemple, on doit avoir les services d'un procureur, sinon on ne peut pas comparaître devant le tribunal d'accès à l'information. Mais ça, on va en parler plus... C'est une autre de nos préoccupations.

M. Drainville : Bien, justement, on va enchaîner avec ça, là, quitte à revenir à la première question que je vous ai posée, parce que je veux vous entendre là-dessus, justement, sur l'obligation qui vous est faite, lorsque vous allez en révision, d'être accompagnés d'un avocat. Est-ce que vous avez effectivement essayé de convaincre la commission d'accès que vous agissiez à titre de citoyen et donc que vous n'aviez pas l'obligation d'être représenté par un avocat ou d'être accompagné par un avocat? Est-ce que vous avez tenté de convaincre la commission?

M. Landry (Lucien) : Non, parce qu'il faut vous dire que les demandes, ce qui est très clair, sont faites pour l'organisme qui représente l'ensemble des orphelins. C'est sûr que ça m'a été soulevé, la question : Est-ce que vous avez réfléchi à faire cette demande-là? Mais, moi...

M. Drainville : À titre de citoyen.

M. Landry (Lucien) : À titre de citoyen. Mais je me suis dit… je me suis fait à l'image que c'était plus facile au nom d'un organisme qui représente l'ensemble des orphelins. C'était un petit peu dans ce sens-là. Maintenant, est-ce qu'il faut voir les détails par rapport à ces deux choix-là?

Mais il faut vous dire aussi, M. le ministre, que nous, nous avons fait une demande de conseiller juridique. Nous nous sommes présentés devant la Commission des services juridiques. On a été refusés. Nous en avons appelé devant la Commission des services juridiques à un autre niveau, et là aussi on nous a refusés pour avoir les services d'un avocat.

M. Drainville : Et sur quelle base vous a-t-on refusés?

M. Landry (Lucien) : Que l'ensemble des orphelins, à cause des règlements de régie interne de l'aide juridique, qu'à cause de l'échelle des montants il fallait divulguer, auprès de la commission, la liste de toutes les personnes, les moyens des revenus qu'ils ont. Et c'était tout un «embryonnement» de démarches que nous... Et on n'était pas d'accord de partager cet aspect-là d'informations personnelles des orphelins, des avoirs financiers, du contenu de leurs rapports d'impôt pour pouvoir justifier, oui ou non, son admissibilité auprès de la Commission des services juridiques. Et ma réaction première devant la Commission de révision… J'ai dit : Je pense qu'à mon avis ces gens-là ont assez souffert. De demander qu'on leur produise des copies de leurs états de revenus d'impôt de l'année précédente pour pouvoir valider ou pas l'admissibilité, c'était inadmissible, pour notre part.

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

• (11 h 40) •

M. Drainville : Merci, M. le Président. J'imagine que, lorsque vous avez entendu parler du jugement très récent de la Cour du Québec, qui a permis à un journaliste de pouvoir se représenter lui-même devant la Commission d'accès pour faire... pour demander la révision d'une décision, j'imagine que vous vous êtes dit : Bien, si c'est bon pour un journaliste, ça devrait être bon pour nous également. Je ne sais pas, je vous pose la question. Vous avez entendu parler de ça, n'est-ce pas, de cette décision de la Cour du Québec, qui a dit : Le journaliste se représente... On juge que le journaliste se représente, d'abord et avant tout, à titre de citoyen et non pas à titre de représentant de son employeur? Et donc vous avez dû faire un plus un puis vous dire : Bien là, on pourrait plaider la même chose. Moi, je pourrais plaider qu'à titre d'orphelin qui a subi des traitements que je juge inacceptables, c'est d'abord et avant tout ma situation, ma condition qui est en cause dans ma demande, et donc je veux me prévaloir, moi aussi, de cette possibilité-là à l'avenir. Est-ce que vous avez fait une réflexion là-dessus?

Le Président (M. Reid) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Je vais dire clairement, M. le Président, que, M. le ministre, non, je ne suis pas au courant des faits précis de cette démarche-là. Par contre, M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, nous avons accompagné un autre journaliste, d'un autre niveau, qui a fait cette même démarche-là à titre personnel, et je peux vous dire que nous avons suivi de très près cette demande-là. Par coïncidence, M. le Président, il a fait les demandes que nous aussi, on a fait ces mêmes démarches-là. On voit qu'est-ce qui se passe, au moment où on se parle, de son traitement de dossier devant la commission et devant l'appel qu'il a fait devant le tribunal. Et en plus de ça, M. le Président, c'est que le gouvernement du Québec en appelle de la décision de la Commission d'accès à l'information. Et ça, on est au courant, on suit, on a tout le dossier de ça. Ça nous inquiète. Même à titre personnel, on voit les difficultés qu'il rencontre. Imaginez-vous, nous, si on fait la même chose, on répète ces mêmes démarches-là. Ça nous interpelle, M. le ministre, de voir ça à ce niveau-là, ce qui se passe dans un des dossiers d'un autre journaliste qui a fait les mêmes demandes que nous à la Commission d'accès à l'information.

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

M. Drainville : Oui. On va vérifier, M. le président, ce dont il s'agit, là, quand vous dites : Le gouvernement en appelle de la décision de la commission... Comment vous avez dit ça, là?

M. Landry (Lucien) : Oui, du tribunal de la Commission d'accès, qui lui a donné raison pour avoir accès aux documents sur les boîtes que les ministères du Conseil exécutif et de la Justice détiennent. Et il avait gagné sa cause par le biais de la Commission d'accès, le tribunal de la Commission d'accès, et le gouvernement du Québec en appelle par la procédure d'appel devant la Cour du Québec. Et ça, au moment où on se parle, M. le Président, on suit ça de très près, et ça nous inquiète, M. le Président. Vous nous suggérez, M. le ministre, qu'on puisse agir… semblable, à titre personnel. Mais, quand on voit ce qui se passe, on se pose des questions. Comment devrons-nous agir? Puis nous, on est moins équipés, on est moins organisés, on a moins d'infrastructures que ces gens-là qui font ces démarches-là, dont l'employeur n'a pas voulu s'immiscer davantage, mais qu'à titre personnel il a fait ces démarches-là. On voit ça, M. le Président, ça nous inquiète. Puis on est prêts à collaborer, à vous donner de l'information pertinente à ce niveau-là.

M. Drainville : Très bien. Bien, c'est gentil de nous l'offrir parce qu'on va faire des vérifications de notre côté, mais, si effectivement on a besoin de plus de renseignements, on pourra entrer en contact avec vous.

Par ailleurs, M. Landry, puis c'est sans arrière-pensée, là, que je pose ces questions-là, je suis vraiment... c'est des questions très ouvertes, c'est l'information que je souhaite obtenir de vous, là, mais j'imagine que vous êtes confrontés, dans certains cas, à la protection des renseignements personnels également. Quand vous faites une demande d'accès qui concerne le cas précis d'une personne, à un moment donné, le fameux équilibre entre l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, la protection de la vie privée, cet équilibre-là, il est nécessairement questionné par certaines de vos demandes, c'est évident. Alors, comment vous composez avec ça?

Le Président (M. Reid) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Ça, à titre d'expérience, au moment où on se parle, depuis environ 2003… 2001 que je travaille pour accompagner les orphelins, dans le cadre de leur programme de réconciliation, où, d'une façon très claire, depuis 2001, je m'implique à accompagner les orphelins, faire leurs demandes, remplir les formulaires, aller chercher leurs dossiers personnels d'internement, leurs dossiers qu'on appelle d'antécédents sociobiologiques, au sein des différents ministères, il existe des procédures, ce qu'on appelle d'autorisation de l'accès aux documents personnels, et ça, on respecte ça. Et par cette voie-là, dans cette démarche-là, on demande à l'orphelin, idéalement, puis c'est une politique claire, avant d'intervenir, avant de demander de l'information sur son dossier personnel, nous lui demandons son accord. Et on établit des mécanismes de relation de confiance, de confidentialité, de personnalisation de démarche face à cette démarche-là. Et je peux vous dire qu'en connaissance nous avons accompagné beaucoup d'orphelins dans leurs démarches, où déjà leurs dossiers étaient en traitement. Au moment où on se parle, M. le Président, on a des dossiers qui sont en traitement par le ministère, on a obtenu une copie, mais ça, avec le consentement implicite de la personne, en relation de confiance, de respect, de confidentialité.

Alors, c'est clair qu'à ce niveau-là le ministère a des procédures clairement établies, puis nous, à l'interne, au comité, on a des procédures claires, à ce niveau-là, de confidentialité. C'est une question de relation de confiance, d'équilibre. Je vous donne un exemple où il y a un orphelin, il fallait avoir sa permission pour avoir accès à des documents de nature médicale par rapport à sa situation. Là encore, il fallait avoir l'autorisation de la personne elle-même pour nous autoriser à contacter son médecin, pour envoyer une communication au sein du ministère. Alors, c'est une question de relation de confiance, de relation de respect avec la personne.

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

M. Drainville : Et donc ce que vous nous dites, c'est que, dans certains cas, ça fonctionne, dans certains cas, vous réussissez à obtenir l'information que vous cherchez.

M. Landry (Lucien) : Oui. Dans certains cas, oui. Ce qui est plus difficile, c'est au niveau de l'organisation administrative. Les dossiers personnels, quand la personne a droit à son dossier, a le droit... Mais, quand il s'agit des dossiers d'organisation, d'implantation des programmes, l'analyse, l'évaluation, la recherche, c'est là qu'on a le plus de difficultés. Ce qu'on appelle, pour nous, des dossiers personnels et des dossiers administratifs, c'est différent.

M. Drainville : Juste avant de passer à ma dernière question, je veux juste être bien sûr que je saisisse bien votre position sur la présence de l'avocat, là. Est-ce que vous nous demandez de permettre à un citoyen qui représenterait un organisme comme le vôtre de pouvoir aller en révision sans être accompagné d'un avocat? Est-ce que vous nous en faites la demande formelle?

M. Landry (Lucien) : Oui. Oui, M. le Président. D'ailleurs, M. le ministre, on a fait la demande dans ce sens-là, parce qu'on croit qu'aussi la personne qui est devant la commission est la plus... c'est elle qui a vécu des problèmes, c'est elle qui connaît le dossier, c'est elle qui en somme peut apporter ce qu'on appelle, en langage clair, la vérité même des situations. Et on se pose la question : Pourquoi que les personnes morales… On n'est pas contre aussi la présence d'un avocat, mais aller dire que ça prend un avocat, vous ne pouvez pas y participer, même si vous êtes sans avocat… Il y a cette question.

L'autre question, c'est : quand on implique des services qu'on appelle, entre guillemets, juridiques, on judiciarise le dossier, ça a des implications, M. le Président, ce qu'on appelle des implications financières. Il y a des OSBL, les personnes morales, il y a beaucoup d'organismes qui n'ont pas les moyens financiers pour pouvoir se permettre d'avoir les services juridiques.

M. Drainville : Il me reste seulement une minute, M. Landry. Vous parlez du gouvernement ouvert, hein, dans votre mémoire. En une minute, là, si je vous demandais la première chose qu'il faudrait changer pour qu'on ait un vrai gouvernement ouvert, ce serait quoi, selon vous? S'il y a une chose, là.

• (11 h 50) •

M. Landry (Lucien) : Ce qui serait intéressant, c'est que les structures permettent à vulgariser toute la liste des informations que le gouvernement possède à tel niveau puis d'accompagner les personnes à préciser davantage, pas arriver puis de jouer ce qu'on appelle, pour nous, un jeu de difficultés.

Je vais vous conter une petite anecdote rapidement, M. le ministre. Quand il y a eu la décision du gouvernement du Québec, dans les années 99, de ne pas poursuivre, dans le dossier des orphelins des communautés religieuses, des abus sexuels, des sévices et du... officiellement le gouvernement du Québec a décidé cette décision-là. On a rencontré le ministre responsable à l'époque et on avait demandé, lors de cette rencontre-là qu'on a eue, une copie de son document qu'il s'est appuyé, des recommandations du procureur… du substitut du Procureur général du gouvernement du Québec de ne pas poursuivre. Il nous l'a remis sur place. On l'a demandé à son attaché politique, son attaché politique s'est adressé au ministre, il nous l'a autorisé. 20 ans après, on fait la même demande. On avait tous les détails de la page couverture, tous les renseignements. On nous dit : Ce document-là est ultraconfidentiel. Nous, on se dit : Ça n'a pas de bon sens, ils ne veulent pas nous le remettre. Alors, on le savait, la date, qui c'était adressé, qui a signé ce rapport-là.

Alors, quand on précise davantage et qu'on a cette information-là de tous les détails de tel type de document, oui, M. le Président, je pense qu'à ce niveau-là ça permet de prendre connaissance, d'une façon plus détaillée, de la liste des documents ou de nous accompagner pour préciser nos demandes, faciliter cette démarche-là.

M. Drainville : Très bien, M. Landry. Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Landry. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition officielle. Et je donne la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. M. Landry, M. Martin, Mme Quirion, je suis vraiment fière que vous soyez là aujourd'hui. C'est très important pour nous d'avoir votre présentation pour mieux comprendre comment les lois qui sont adoptées par la législature fonctionnent. Et vous venez ici avec une bataille de longue date. Ça m'impressionne énormément. Votre persévérance… Je vous salue vraiment, au fond de mon coeur. Je crois que tout le monde autour de la table, on se sent comme ça.

Beaucoup de questions que je voulais poser, le ministre a déjà posées, mais je veux continuer dans la même veine. Vous avez dit que vous avez 101 demandes que vous avez faites depuis un an et demi. Est-ce qu'avant un an et demi, vous n'avez pas fait de demande à la commission, de demande d'accès à l'information?

M. Landry (Lucien) : Non, parce que la structure elle-même, pour votre information… Nous, on avait travaillé plus sur… à défendre l'existence de notre organisme, de s'occuper davantage des besoins des personnes qui sont encore dans, disons, la séquelle. Et on se préoccupait davantage des personnes que de faire des grandes démarches à caractère…

Mais, suite aux demandes des orphelins, qui veulent connaître la vérité, ils veulent savoir ce qui s'est passé, pourquoi ci, pourquoi ça… Pourquoi a-t-on décidé, exemple, de demander aux orphelins, dans leur quittance, de signer une quittance pour renoncer à leur droit de poursuivre le fédéral? Pourquoi le gouvernement du Québec prend-il la parole du gouvernement fédéral pour demander aux orphelins de ne pas poursuivre pour des sévices sexuels? Ça, on se pose de sérieuses questions. C'est l'ensemble des orphelins. Je vous donne une situation concrète qu'on a demandé d'avoir des informations. Y a-t-il eu une entente entre le gouvernement du Québec et le fédéral pour demander aux orphelins de renoncer à leur droit de faire des démarches au niveau fédéral? Je vous donne un exemple concret de ces demandes-là. Ça, c'est venu après que l'ensemble des orphelins ont exprimé…

Mais en premier lieu il fallait créer l'organisme, il fallait établir des relations de confiance, aller chercher un budget de fonctionnement. C'est tout ça qu'on a fait en premier lieu. Puis, c'est pour ça, depuis rien qu'un an et demi, on est à actualiser des dossiers qui touchent des dossiers collectifs des orphelins.

Mme de Santis : Regardons cet exemple que vous donnez. Est-ce que vous avez reçu une réponse, s'il y a une entente entre le provincial et le fédéral?

M. Landry (Lucien) : Au moment qu'on vous parle, non. Mais il y a une demande devant la Commission d'accès, qui est adressée au ministère de l'Emploi et de Solidarité sociale pour savoir, à l'époque des années 2000... 1998, 1999, 2001, quand ils ont instauré ce programme-là, ils ont confectionné ce programme-là… On a demandé cette information et on ne l'a pas reçue encore, au moment où on se parle.

Mme de Santis : Depuis quand vous avez formulé votre demande, plus ou moins?

M. Landry (Lucien) : Ah! je n'ai pas les dates précises, mais ça fait environ un an.

Mme de Santis : Et depuis un an…

M. Landry (Lucien) : Aussi bizarre que ça peut... il y a un orphelin qui a fait sa demande personnelle pour s'adresser auprès du ministère de la Justice fédéral, qui a posé cette question-là : J'ai une quittance. On me demande de ne pas poursuivre le gouvernement fédéral. Avez-vous eu une entente? Le ministère de la Justice fédéral a très bien mentionné à l'orphelin qu'il n'y avait pas eu d'entente, aucune autorisation donnée au gouvernement du Québec de pouvoir parler au nom du gouvernement fédéral, demandant aux orphelins de renoncer à ces poursuites-là. Puis, quand on sait très bien, M. le Président, que ces orphelins-là ont été victimes aussi avec une implication fédérale… Mais on veut comprendre, on veut savoir. C'est tout à fait normal. C'est de connaître la vérité à cet égard-là.

Mme de Santis : Vous avez dit que vous avez eu 39 refus. Est-ce que vous avez porté vos refus en appel?

M. Landry (Lucien) : Une grande partie, oui. Et, au moment où on se parle, c'est en procédure de traitement par le biais du tribunal de la Commission d'accès à l'information.

Mme de Santis : Est-ce que vous êtes représentés par avocat?

M. Landry (Lucien) : Non, au moment où on se parle, et on a fait des démarches, en ce moment, avec... Il faut vous dire qu'on est imaginatifs un peu, on se vante un peu, on s'est associés avec certaines facultés de droit, l'Université McGill, l'Université de Sherbrooke, l'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal. Il y a certaines facultés qui offrent des supports aux organismes démunis communautaires pour les accompagner dans leurs dossiers, et ça, ça nous permet d'éviter des frais. Il y a aussi l'organisme Juripop qui tout récemment s'intéresse à notre dossier. Ils vont nous accompagner à cet égard-là.

Mme de Santis : Alors, vous avez aussi dit qu'il y avait 36 sans réponse, et le délai de sans réponse... Est-ce que vous avez posé vos 101 questions il y a un an ou...

M. Landry (Lucien) : Non, c'est durant... Pendant un an, il y a eu différentes démarches, parce que de plus en plus il fallait, nous, faire de la recherche pour pouvoir préciser nos demandes, et cela, ça a été pas facile, ces difficultés qu'on a rencontrées, parce qu'on avait déjà les premières demandes, voilà un an, qu'il fallait clarifier nos demandes, mentionner le nom de l'auteur, à qui c'était adressé, qui a signé. Bizarrement aussi, M. le Président, on a été informés qu'il y a certains ministres qui ont travaillé dans ce dossier-là. Ils avaient donné leur consentement qu'une partie de leurs mémoires présentés au Conseil des ministres puisse être rendue publique, et, du revers de la main, on refuse de nous avoir accès à ces documents-là, et ça, c'est assez éloquent. On a des preuves, on a des noms de ces personnes-là. Alors, c'est pour vous dire qu'avec minutie on suit différentes étapes de nos dossiers.

Le Président (M. Reid) : Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Moi aussi, à mon tour, je veux vous saluer. D'ailleurs, on se connaît depuis plusieurs années. Je vous ai connu dans une autre vie, et ça a toujours été très, très agréable de vous rencontrer. Et j'avais suivi, à une certaine époque, votre bataille, et c'était assez touchant. Et ça l'est toujours parce qu'on vous écoute encore aujourd'hui puis on ne peut pas imaginer encore que le Québec ait vécu une époque aussi triste.

Vous parlez ici... Dans un des documents, à la page 2, vous dites, dans les recommandations, que «nous croyons que les organismes religieux qui sont actuellement financés en partie par l'État doivent être assujettis à la loi de l'accès à l'information». Ça veut dire que, si je comprends bien, quelle que soit la demande que vous pourriez faire à un organisme religieux, un archevêché, un évêché, tout ce qui touche l'Église catholique en son ensemble, vous n'avez absolument pas accès à rien, parce que l'Église catholique ou enfin les organismes religieux ne sont pas inclus dans la loi.

M. Landry (Lucien) : C'est ça. Effectivement, on a communiqué avec la Commission d'accès. On leur a demandé cette information-là, s'ils sont assujettis. Ils nous ont répondu que non, parce que c'est considéré comme un organisme privé.

Mais, M. le Président, là encore on recommande haut et fort que ces organismes-là... Parce que, M. le Président, ces organismes-là sont financés, une partie, par l'État. Je regarde les maisons d'enseignement. Voilà trois semaines, on a eu une manifestation. On accompagnait les victimes sourdes-muettes qui ont été violentées par des clercs de Saint-Viateur. Il y a le responsable qui me demandait : M. Landry, pouvez-vous nous aider à avoir accès au rapport financier du collège des Clercs de Saint-Viateur? Bien, j'ai dit : Oui, on va faire cette démarche-là. On a commencé à communiquer avec la commission s'ils sont assujettis. On a communiqué avec les clercs. Ils nous ont revirés royalement, disant que c'est un organisme privé. Vous n'avez pas accès. Alors, ce qu'on dit, nous, si l'État contribue financièrement, il reçoit de l'argent. Jusqu'à combien? On ne le sait pas, depuis certaines années. À quelque part, ça doit être rendu public. C'est nos argents que le gouvernement administre et qu'il donne aux communautés religieuses. Alors, on s'est dit, nous : Pourquoi ça ne doit pas être inclus parmi les organismes publics ou parapublics, si vous voulez?

• (12 heures) •

Mme St-Pierre : Donc, il faudrait un amendement législatif. Mais il y a quand même, si je comprends bien, tout un pan d'information qui vous manque. Vos demandes d'accès à l'information, vous les faites dans quels domaines, si ce n'est pas dans les endroits où vous viviez, où vous étiez accueillis? Puis c'étaient des communautés religieuses. Et malheureusement il y a des choses qui se sont passées qui étaient terribles. Mais il y a des religieux puis des religieuses qui ont été très dévoués puis qui ont bien travaillé, puis ça, il ne faut pas non plus noircir tout le portrait.

M. Landry (Lucien) : Loin de là.

Mme St-Pierre : Donc, vos demandes d'accès à l'information, si ça ne touche pas des communautés religieuses ou des organismes qui vous ont accueillis, ça touche quoi, exactement? Vous avez parlé de certains rapports du Conseil des ministres, de ministres...

M. Landry (Lucien) : Mais spécifiquement… Comme, un exemple, quand ils ont fait la confection du programme de réconciliation, ça a été réfléchi à l'intérieur du ministère de l'Immigration, qu'ils appelaient Immigration et Solidarité sociale sous le ministre Rémy Trudel. Et on a demandé, s'il existait des ententes entre la Conférence des évêques, des communautés religieuses, des ententes avec le gouvernement du Québec, pourquoi ils ne participent pas conjointement au programme de réconciliation. Parce qu'on disait que ce sont des acteurs. Ils avaient des contrats signés avec l'État. Pourquoi ils ne participent pas à ça? Alors, on voulait comprendre puis savoir, à cet égard-là…

Alors, on s'est adressés au ministère concerné qui pilote ce dossier-là et qui nous a dit : Bien, tout ce qui est aspect religieux... Coïncidence encore, nous, on a eu accès à des documents des années 1997, 1998, des communications par l'ancien président, Bruno Roy, qui était très actif dans ce dossier-là et qui nous faisait une démonstration, en léguant ses dossiers chez nous, au comité, qu'il y a eu des communications avec une attachée politique du bureau de Rémy Trudel. Coïncidence, elle s'appelle telle personne comme ministre… sous-ministre, puis là, nous, on apprend qu'elle est nommée, aujourd'hui, sous-ministre au ministère de l'Emploi et de Solidarité sociale. C'est elle qui a confectionné… c'est elle qui a dirigé le programme, c'est elle qui a collaboré avec les différentes étapes de négociation, à différents niveaux. Là on a eu une rencontre avec elle. On lui a posé la question : Est-ce que c'est vous qui avez traité… c'est vous qui avezcommuniqué… c'est vous qui avez participé à la mise en place de... Elle nous a confirmé que oui. On était fiers. Bien, on a dit : Ça y est, on va pouvoir avoir l'information.

Là encore, ce n'est pas facile. Ce qu'on a le goût, c'est de lui rappeler la mémoire : Vous avez participé à telle démarche, telle démarche, telle démarche, à tel niveau, tel niveau. On a certaines informations. Pouvez-vous nous aider à préciser nos demandes pour que, via la Commission d'accès, on précise… Puis comment ça fonctionne? Chaque ministère, il y a une entente avec la commission, qui ont des responsables de l'accès aux documents et aux renseignements personnels, et on communique avec la liste de chaque ministère concerné.

Mme St-Pierre : Mais, s'il y avait une ouverture de la loi, si la loi était refondue, ça serait, pour vous, absolument essentiel que l'on inclue dans la loi les communautés religieuses. Parce qu'elles ont des archives qui sont assez bien documentées, je vous remercie…

M. Landry (Lucien) : Énormes, énormes, et qui nous...

Mme St-Pierre : …et ça, ça serait, pour vous, quelque chose d'absolument important, essentiel, primordial.

M. Landry (Lucien) : Oui. On pourrait vous dire même avec coeur qu'ils nous ont enseigné de connaître la vérité. Mais qu'ils agissent donc en ce sens-là. Ils nous disent : On vous prône de dire la vérité. C'est eux qui nous enseignent ça. Mais qu'ils commencent donc par eux autres. Il y a un proverbe qui dit : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais. Mais c'est important, pour nous, que les communautés religieuses aujourd'hui puissent être au même pied d'égalité que la société civile. Mais ça, c'est un autre dossier qu'on va revenir plus tard par rapport avec le dossier de la laïcisation. Et on en a beaucoup sur le coeur. Mais ça, on a hâte de venir. On suit ça de près, M. le ministre. Je vous parle avec coeur. Mais, ce qui est important, on croit que, nous, tous doivent être égaux, pas de distinction à cet égard-là, pour connaître la vérité. Et la diffusion de l'information, la diffusion des renseignements, c'est la vérité.

Le Président (M. Reid) : Merci. Est-ce qu'on a une autre question du côté de l'opposition officielle? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : C'est quoi, l'âge moyen des orphelins?

M. Landry (Lucien) : Ah! ça, c'est un autre point majeur. Aujourd'hui, madame... M. le Président, ce qui est clair, c'est que la moyenne d'âge, c'est 60 ans et plus. On a de 60 ans à 92 ans. Puis en ce moment, M. le Président, durant qu'on vous parle, il y en a beaucoup qui sont dans des hôpitaux, dans des CHSLD, des habitations à prix modique, et le temps presse, M. le Président, par rapport à notre dossier, par rapport à nous permettre à connaître la vérité.

Mme de Santis : Je veux revenir au fait que vous avez dit qu'il y avait 101 demandes et il y avait 26 en attente. Qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

M. Landry (Lucien) : C'est parce que là, en attente, c'est pour justement les mécanismes de recherche pour préciser nos demandes. Parce qu'on nous informe qu'ils ne peuvent pas traiter notre dossier, tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas des... Refaire nos demandes. Il y a encore une question de délai de 20 jours, 10 jours additionnels. Puis, deuxièmement, c'est dû aussi... occasionné à cause des transferts de responsabilité entre certains ministères. Alors là, il faut reformuler, encore là, des demandes. C'est pour ça qu'il y a encore des dossiers en suspens.

Mme de Santis : Vous avez séparé... Vous dites qu'il y a des dossiers personnels et des dossiers administratifs. Dans ces 101 demandes, combien sont personnelles et combien sont administratives?

M. Landry (Lucien) : Aussi bizarre que ça peut être, M. le Président, c'est presque 75 % à 80 % des chances. Dans l'ensemble des dossiers personnels, c'est très facile, ça va très bien, parce qu'il y a déjà, à l'intérieur de chaque ministère, des mécanismes prévus. Lorsqu'il y a un dossier ouvert à tel niveau, tel niveau, ça prend l'autorisation de la personne, il y a des formulaires appropriés, à cet égard-là, et on se conforme, à cet égard-là. Et, du côté administratif, c'est là qu'il est le plus difficile…

Mme de Santis : Mais, des 101 demandes que vous avez faites, combien sont des demandes administratives?

M. Landry (Lucien) : Bien, presque 80 %, 90 % des demandes.

Le Président (M. Reid) : Ça va, du côté de l'opposition officielle? M. le député de Fabre, oui.

M. Ouimet (Fabre) : Oui. Bonjour. Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer et de vous remercier pour vos représentations. Petite question, là, et, si vous ne l'avez pas, c'est correct, mais avez-vous un tableau qui présente, là, les... vous nous parlez des 101 demandes, avec des statistiques? Ça pourrait illustrer un peu, puisqu'on parle d'accès à l'information et qu'on parle beaucoup de vos demandes. Ah! La réponse, c'est… vous avez un tableau?

M. Landry (Lucien) : Oui.

M. Ouimet (Fabre) : Mais en fait, c'est...

Mme de Santis : C'est au président…

M. Ouimet (Fabre) : Oui, c'est ça, là.

M. Landry (Lucien) : Sauf, ce n'est pas précisé spécifiquement, les demandes. Je vais vous dire pourquoi il y a encore... pourquoi on n'a pas pu vous préciser davantage. C'est qu'il y a certains dossiers qui sont devant ce qu'on appelle le niveau judiciaire. Et, lorsqu'il y a des dossiers qui sont dans des instances judiciaires, on sait qu'on se fait répondre : C'est sub judice, en voulant dire qu'on ne peut... le niveau politique ne peut pas intervenir au niveau judiciaire, c'est délicat. Tant et aussi longtemps que c'est en traitement devant les tribunaux, le niveau politique ne s'immisce pas, à cet égard-là. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu en élucider, parce qu'on est en train de faire l'analyse de tout ça.

L'autre démarche — juste un petit point, M. le Président — c'est que la Commission d'accès a un milieu qu'on appelle… d'une personne qui agit comme négociatrice ou...

• (12 h 10) •

Une voix : Médiateur.

M. Landry (Lucien) : …médiateur, et là on va s'asseoir, on va réviser certaines de nos demandes, puis on va essayer de voir comment... On va participer à cette démarche-là, là encore dans le but d'éviter la judiciarisation de nos démarches.

Le Président (M. Reid) : Les membres de la commission… Ce bloc est terminé. Les membres de la commission trouveront sûrement les réponses dans un document qui est en train d'être photocopié, qui correspond à la liste, je pense, des demandes, n'est-ce pas? Alors, en attendant, je passe la parole au député de Lévis pour le bloc du deuxième groupe d'opposition.

M. Dubé : Merci, M. le Président. Alors, moi, je voudrais vous dire, M. Landry, là, qu'au contraire de mes collègues je ne vous connais pas. C'est la première fois que je vous rencontre, puis je suis sans mot. Sans mot, dans le sens… je suis impressionné du travail que vous faites. Je peux vous dire que je suis sans mot.

J'aimerais vous dire, j'ai lu votre rapport et j'essaie d'être complémentaire à mes différents collègues. Il y a une chose qui m'a frappé, c'est quand vous expliquez, à votre recommandation 15, qu'«il y a un manque de cohérence dans l'affirmation d'indépendance de la commission quand il est indéniable qu'elle joue à la fois le rôle du juge et de l'arbitre auprès des demandes». Je pense qu'on peut assez facilement lire entre les lignes, avec tout ce que vous venez d'expliquer de vos difficultés avec la Commission d'accès à l'information. J'aimerais vous entendre clairement : Qu'est-ce que vous pensez que le gouvernement essaie de vous cacher?

Le Président (M. Reid) : Ça, ce n'est pas une question très...

M. Landry (Lucien) : Juste pour me permettre de préciser, vous êtes la deuxième opposition.

M. Dubé : ...alors...

M. Landry (Lucien) : Non, mais je veux voir quel parti...

M. Dubé : La Coalition avenir Québec.

M. Landry (Lucien) : Ah! O.K., la CAQ, avec M. Duschesneau, si je me...

M. Dubé : Voilà.

M. Landry (Lucien) : Bon, bien, je pense...

Des voix : ...

M. Landry (Lucien) : Mais j'ai...

M. Dubé : On est très à l'aise avec la transparence, vous le savez, alors, c'est pour ça que je veux vous entendre sur la transparence.

M. Landry (Lucien) : C'est un petit peu dans ce sens-là que je veux vous aborder, parce que c'est ce qu'on appelle votre étendard, votre bouclier, l'indépendance, la transparence, l'ouverture, que vous seriez, à nos yeux, un allié principal à nos demandes, par rapport à cette demande-là d'autonomie, d'indépendance puis d'ouverture, parce que dans votre discours vous êtes, pour nous, sans vous offenser, mais comme l'époque des religieux qui nous disent : Il faut connaître la vérité. Nous la demandons, cette vérité-là, et on croit que vous pouvez collaborer avec nous, à cet égard-là, qui est une de vos principales batailles de la...

M. Dubé : Je vous le redemande, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, M. le président, qu'est-ce que vous pensez que le gouvernement essaie de cacher lorsque vous dites qu'il n'y a pas d'indépendance?

Le Président (M. Reid) : Pardon. Excusez-moi, M. le député, c'est un terme qui n'est pas parlementaire et c'est la deuxième fois que vous l'employez. J'aimerais que vous trouviez une autre formule, s'il vous plaît.

M. Dubé : Alors, qu'est-ce que vous aimeriez savoir?

M. Landry (Lucien) : Bien, c'est clair. C'est, comme un exemple, de connaître davantage pourquoi attendre 25 ans. Pourquoi ça passe par des procédures qui sont fort complexes pour pouvoir y avoir accès?

Exemple, quand on a adressé au Conseil du trésor une demande par rapport aux statistiques des montants dépensés, pas personnels à chaque orphelin, mais globalement, suite à la parution d'un document du Conseil du trésor, qui a été rendu public, que nous, on a examiné, qu'on a demandé des précisions, on nous réfère au Conseil des ministres, parce que les demandes qu'on doit adresser au Conseil du trésor, au Vérificateur général doivent passer par le président de l'Assemblée. Nous, comme citoyens, on ne peut pas faire ces demandes-là. Mais ça les concerne, c'est suite à leurs rapports. Alors, là encore, il y a des complications. Alors, ce qu'on demande, dans la mesure du possible, que tous les organismes, qu'ils soient gouvernementaux, parapublics et religieux, puissent au moins être sur le même pied d'égalité pour produire et rendre les documents accessibles.

M. Dubé : Alors, moi, je voudrais, s'il me reste quelques minutes...

Le Président (M. Reid) : Une minute.

M. Dubé : ...pour proposer... j'aimerais vous demander de continuer. Et vous avez dit — et je pense que les... il n'y a pas de partisanerie ici, que ça soit notre parti et les autres — de vous donner le maximum d'encouragement aujourd'hui. C'est tout ce que je peux vous dire. Parce que vous avez démontré à tout le monde que vous voulez faire la lumière là-dessus. Je pense qu'il vous manque de temps parce que, vous l'avez dit, vos gens... Il y a à peu près juste vous qui n'avez pas l'air de vieillir, à ce que je comprends de mes collègues. Alors, je vais vous dire de continuer. Puis j'espère que l'initiative qui est lancée par le gouvernement va entre autres avoir un client. Vous êtes des gens qui ont besoin d'aide, puis j'espère que cette démarche-là qui est organisée par le gouvernement va vous donner des réponses rapidement et pas attendre encore un autre 10 ans.

Le Président (M. Reid) : Alors…

M. Dubé : ...Landry, et à votre équipe.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste 30 secondes pour un commentaire, M. Landry, si vous le souhaitez, 30 secondes.

M. Landry (Lucien) : Mais seulement vous sensibiliser, auprès des membres de la commission, que, suite à notre témoignage, nous avons un mot à dire : C'est par la vérité… Il faut connaître… et de voir la lumière au bout du tunnel. Nous, notre journal d'information que l'on envoie à tous nos orphelins, c'est De l'ombre à la lumière. Alors, vous êtes, pour nous, le phare de la lumière pour connaître la vérité, et on espère que nos demandes vont être entendues puis on vous souhaite bonne chance. Et on se pose la question… Peut-être que je pourrais la poser au ministre concerné. Juste un petit renseignement : Est-ce que vous prévoyez éventuellement enclencher, d'ici peut-être l'automne ou l'hiver prochain, un projet de loi pour amender la loi de l'accès à l'information?

M. Drainville : La réponse, c'est oui.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Landry, merci, Mme Quirion, merci, M. Martin, c'est ça. Et je vais...

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit environ vers 15 heures. Merci. Alors, on vous demande de ne pas laisser vos affaires ici puisque la salle va être utilisée à d'autres fins pendant la période du midi.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Marsan) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Monique Dumont. Mme Dumont, la parole est à vous. Et vous disposez d'une dizaine de minutes pour nous présenter votre point de vue.

Mme Monique Dumont

Mme Dumont (Monique) : Merci. Bon après-midi à tous et toutes. Tout d'abord, je voudrais vous remercier de m'accueillir et aussi de vous intéresser à ce sujet de l'accès à l'information, qui n'est pas le plus jazzy des sujets mais qui, à mon humble avis, est un élément fondamental de la démocratie parce que la démocratie passe par l'information, et les citoyens ont droit à cette information avec le plus de rigueur et de transparence possible.

Alors, évidemment, je pratique les lois d'accès depuis plus de 25 ans, donc j'ai de l'expérience non seulement au Québec, mais avec les lois d'accès canadienne, britannique, américaine, australienne. J'ai pu comparer certaines pratiques, et ce qui m'a désolée, c'est de voir la manière dont la loi du Québec a été détournée, à mon avis, de son sens. L'esprit initial de la loi... Et j'ai mis dans le mémoire plusieurs citations qui remontent à l'origine de la loi, soit des citations du rapport de la commission Paré, Information et libertés. Et ce que je constate, c'est qu'il y a des dérapages incroyables qui font que cette loi-là a perdu son esprit initial. Il y a donc urgence, et c'est pourquoi mon mémoire parle relativement peu de protection de la vie privée et renseignements personnels, mais parle beaucoup plus d'accès à l'information, essentiellement, en fait. C'est ma préoccupation.

Je vous dirais d'emblée que je croirais que cette loi-là mérite d'être révisée presque totalement, d'être réécrite, qu'on doit lui redonner toutes ses lettres de noblesse, qu'on doit y réintroduire la notion d'intérêt public comme étant un critère prépondérant de divulgation de l'information. Je crois aussi… et je le suggère, en tout cas, d'envisager la possibilité de scinder la loi, c'est-à-dire un peu sur le modèle fédéral, c'est-à-dire une loi d'accès à l'information, d'accès aux documents des organismes publics, et une loi sur la protection des renseignements personnels, avec deux entités différentes pour gérer ces deux paramètres, si on veut, là, de l'information, un peu sur le modèle fédéral, qui n'est pas si mauvais que ça, pour ce qui est de cette partie-là, parce qu'on peut reprocher évidemment à la loi d'accès fédérale bien, bien des lacunes aussi.

Dans mon mémoire, j'ai montré aussi combien la culture de l'Administration, et je prends «Administration» avec un grand A pour un peu englober toute l'activité gouvernementale, combien cette culture-là n'est pas à l'heure de la transparence et de la divulgation. Il faut être pas nécessairement journaliste, mais il faut avoir un très bon sens de l'humour, pour faire des demandes d'accès à l'information, et avoir beaucoup de détermination mais surtout de l'humour parce qu'il y a de quoi être frustré. Je ne dirais pas que j'ai développé des tendances suicidaires à force de faire des demandes d'accès, mais je dois dire que j'ai eu régulièrement ma minute d'indignation, et ça a probablement contribué à faire augmenter ma pression plusieurs fois, surtout lorsqu'on vous ment effrontément et qu'on vous prend vraiment, là, pour une valise, et vraiment c'en est frustrant.

• (15 h 30) •

C'est pourquoi aussi je questionne le peu de pouvoir de la Commission d'accès à l'information, son manque de volonté à vouloir exiger des organismes une véritable reddition de comptes. La Commission d'accès à l'information ne fait peur à personne. Les commissaires sont d'une complaisance absolument incroyable devant l'argumentation des organismes, de telle sorte que s'est développée une jurisprudence avec laquelle maintenant on est tenu et qui fait en sorte qu'un exercice d'accès à l'information devient un chemin de Damas. Il faut vraiment l'avoir pratiqué pour le savoir. Donc, il faudrait une commission d'accès avec beaucoup plus de mordant, beaucoup plus de dents, une volonté, et qui repose sur des responsables de l'accès à l'information dans les organismes qui soient vraiment des tenants de la divulgation de l'information. J'ai montré, dans mon mémoire, plusieurs moyens qui sont utilisés par les organisations pour camoufler de l'information, cacher de l'information, détruire des documents, les rendre, à toutes fins pratiques, non divulgables, en se cachant sous des argumentations tels le secret professionnel ou même la protection des renseignements personnels.

En bout de ligne, je crois qu'on a une responsabilité aussi envers les générations futures, parce que la conservation des archives, des documents gouvernementaux fait de telle sorte que l'histoire se fait à tous les jours et que ce volet-là est essentiel. Le hasard veut qu'aujourd'hui, ou enfin hier, je crois, a été publié un ouvrage, La Bataille de Londres, dont vous avez probablement entendu parler aujourd'hui, puisque votre collègue M. Cloutier semble vouloir demander en tout cas que des documents soient divulgués par Ottawa. Mais il faut se rappeler que l'historien a dû utiliser la loi d'accès britannique pour avoir accès à ces documents-là et non pas ni la loi... non pas la loi canadienne.

Alors, simplement, je crois qu'il est important de mettre sur pied différents chantiers, de s'inspirer, à travers un exercice de «benchmarking», des meilleures pratiques à travers le monde — il y a des lois qui sont très innovatrices, la loi australienne notamment, même la loi britannique, la loi américaine est fort intéressante aussi — et à ce moment-là de vraiment faire de l'accès à l'information une priorité, parce que c'est le pilier de la démocratie et sinon ça ouvre la porte à l'arbitraire et au totalitarisme.

Le Président (M. Marsan) : Ça va?

Mme Dumont (Monique) : Oui.

Le Président (M. Marsan) : Eh bien, je vous remercie beaucoup pour cette présentation, Mme Dumont. Alors, nous allons immédiatement procéder à la période d'échange. Et je vais demander au ministre des Institutions démocratiques et à la Participation citoyenne de commencer nos échanges. M. le ministre.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Dumont. Content de vous revoir.

Je vais y aller, d'entrée de jeu… Parce que je pense que c'est important que vous nous donniez un peu plus de détails sur les propositions que vous faites pour passer de ce que vous appelez… de la culture de la discrétion à une culture de gouvernement ouvert. Vous avez l'air un petit peu sceptique sur, comment dire, la mise sur pied ou la mise en place, je devrais dire, du gouvernement ouvert. Dans votre conclusion, vous écrivez : «Est-on prêt pour un gouvernement ouvert?» Alors, j'ai le goût de vous demander : Comment est-ce qu'on passe d'une culture de la discrétion à une culture de gouvernement ouvert? Très concrètement, là, quels seraient, selon vous, les deux ou trois changements absolument prioritaires qu'il nous faudrait apporter à la loi d'accès à l'information?

Mme Dumont (Monique) : Alors, vous savez certainement — tous les gestionnaires étudient ça, tout le monde — que le changement de culture est probablement ce qu'il y a de plus difficile à faire dans une organisation. J'ai même mis une citation du rapport de la commission Paré, qui disait même à l'époque, et on parle de 1981, qu'il fallait instaurer ce changement de culture là, déjà à cette époque.

Mon expérience me montre que le changement de culture est loin d'avoir été fait. Je pense que... Bon, pourquoi ma réticence face à un gouvernement ouvert? C'est que je pense que c'est un peu mettre la charrue avant les boeufs. Je comprends que la technologie peut permettre effectivement… Puis je cite souvent Google et ses microrobots, là, qui se promènent un peu partout. La technologie peut effectivement permettre, en apparence, de rendre disponible l'information gouvernementale aisément. Je vous donne juste un exemple. Dans le rapport Information et libertés, on recommandait déjà, là, de faire une espèce de liste de toutes les bases de données qui étaient disponibles au gouvernement. Au fédéral, ils ont une publication qui s'appelle Info Source, qui est disponible et qui vous donne justement ce répertoire-là. Ceci n'a même pas encore été fait au Québec. On n'a aucun outil de cette nature-là. Et, même lorsqu'on demande à un organisme, mettons, même en accès à l'information, quelles sont leurs bases de données accessibles, c'est très difficile d'avoir cette information-là. On ne l'obtient même pas en matière d'accès.

Changer une culture, je pense, d'abord, le premier élément, comme dans toute gestion, ce serait de donner un signal fort de la part du politique. Le politique n'est jamais très loin. J'ai montré l'absence de mur entre les responsables de l'accès et le pouvoir politique. Quand je donnais des exemples de destruction de documents, je ne le mentionnais pas, mais les exemples que nous avons eus de gens et des témoignages que j'ai eus, c'étaient des sous-ministres qui donnaient cette directive-là d'aller nettoyer les dossiers, O.K.? Et je peux vous dire qu'il y a, de l'autre côté, des fonctionnaires honnêtes qui avaient gardé des copies des documents et qui les remettaient dans les dossiers par après, O.K.? Mais la directive venait des sous-ministres. Donc, premier, je crois, élément pour changer la culture, c'est qu'il y ait une tolérance zéro face à des actions de cette nature-là. Il faut que le message du politique, donc de vous, des ministres, du premier ministre, soit très clair qu'au Québec c'est la divulgation de l'information.

Le deuxième… pour changer la culture, c'est de revoir de façon très approfondie les multiples restrictions qu'il y a dans la loi. Les restrictions occupent les articles 18 à 41 de la loi. Généralement, elles sont écrites avec le verbe «peut». Ça veut dire que le document «peut» être disponible. Malheureusement, les responsables de l'accès… Et je vais revenir à un autre élément qui est important au niveau de la culture, c'est-à-dire choisir… enfin le recrutement, enfin, des responsables de l'accès dans les différents organismes et ministères. Alors, il faudrait donc que le «peut» soit vraiment un «peut» et ne devienne pas un «doit», O.K., autrement dit, que les responsables n'interprètent pas les restrictions de façon large plutôt que restrictive.

Ce message du politique peut prendre aussi différentes formes. J'ai montré, aussi, concrètement combien le gouvernement lui-même crée des organismes ou permet à ses créatures, comme les municipalités, de créer des organismes qui sont à l'abri de la loi d'accès à l'information, alors, exemple, les paramunicipales, exemple, les municipalités qui confient à des organismes sans but lucratif la gestion d'arénas ou d'amphithéâtres. Récemment, votre gouvernement a aboli la SOGIQUE. La SOGIQUE était une société qui gérait les centaines de millions de dollars des contrats informatiques du ministère de la Santé et des Services sociaux. Maintenant, ils sont rapatriés dans le ministère. J'ai hâte, je vais faire quelques petites demandes d'accès à l'information, éventuellement, au ministère pour voir s'il y aura transparence dans la divulgation des contrats. Mais le gouvernement lui-même crée des organismes ou crée une situation qui favorise la non-divulgation de l'information en créant des organismes comme la SOGIQUE.

• (15 h 40) •

Pourquoi est-ce que le gouvernement aussi — quand je disais «un message fort» — permet à Hydro-Québec de ne pas divulguer ses contrats? C'est vous, les députés, qui avez dû faire une demande d'accès à Hydro-Québec pour les obtenir. Ça vous a... Ça a été une croix et la bannière pour les obtenir. Vous n'avez eu que des contrats parcellaires, même pas avec toute l'information, et en plus de ça dans un format complètement inutilisable. Je le sais parce que nous, à Radio-Canada, à l'époque on a fait l'exercice de devoir tout retranscrire les contrats dans un fichier Excel pour pouvoir les manipuler et faire du «data journalism». Alors, vous-mêmes, il faut donc que le message soit clair pour que le changement de culture se fasse. Tant que ce changement-là ne sera pas fait... Excusez-moi, je veux bien croire... Je suis une optimiste, moi, par rapport à la nature humaine, je suis humaniste, hein, dans ma philosophie de base, mais je crois que la réalpolitique est toujours celle qui parle.

Alors, les gestionnaires de l'accès à l'information qui relèvent d'un sous-ministre qui va jusqu'à donner ordre de détruire des documents, ou de les cacher, ou de changer les noms de telle sorte qu'on ne puisse pas les repérer, comment voulez-vous qu'ils puissent appliquer de façon ouverte et transparente la loi et appliquer les restrictions de manière à favoriser l'intérêt public? Alors, le changement de culture se fait par une multitude de gestes mais au départ par un signal fort que c'est une priorité et, ma foi, un sine qua non de l'activité gouvernementale. C'est pour ça que je suis sceptique face au gouvernement ouvert, parce qu'on va être tributaire de ladite bonne foi des fonctionnaires ou des dirigeants. Ils vont dire : Mais tout est sur Internet, hein? On vous les a mises, les bases de données, alors tout est accessible. Il y a eu un petit incident récemment au Conseil du trésor, là, sur des bases de données qui auraient été mises en ligne mais qui auraient été un peu manipulées. Alors, imaginez, ce n'est pas pour donner confiance, au départ. Et personnellement je me pose la question : Sur qui va reposer le fardeau de la preuve de démontrer que ce qui est sur le site Internet ou ce qui est supposément divulgué est vraiment tout ce qu'il y a à être divulgué et que les documents n'ont pas été modifiés, transformés?

Alors, je veux bien croire, moi, pas de manière utopique, au gouvernement ouvert, mais je pense qu'au départ il y a toute une série de gestes qui devraient être posés avant de penser au gouvernement ouvert.

Le Président (M. Marsan) : M. le ministre.

M. Drainville : Et un de ces gestes-là, nous dites-vous, c'est de renforcer et de blinder — c'est le mot que vous utilisez, là — l'indépendance des responsables de l'accès.

Mme Dumont (Monique) : Absolument.

M. Drainville : Comment on fait ça? Est-ce que vous avez des exemples à nous donner de ce qui se fait ailleurs ou est-ce que vous avez votre propre recommandation là-dessus?

Mme Dumont (Monique) : Bon, moi, j'ai de la difficulté et j'ai toujours eu de la difficulté à comprendre, comment dirais-je, la pusillanimité, la fragilité, la peur de certains fonctionnaires à faire leur travail tel qu'il devrait être. Ce sont des gens qui sont syndiqués mur à mur. O.K., peut-être que leur carrière va plafonner, hein, s'ils ne font pas ce que le sous-ministre leur dit. Je connais peu, mettons, comment ça se passe dans les arcanes, bon, de la fonction publique. Le tablettage, probablement, est une pratique qui se fait encore, je n'en sais rien. Quelles seraient les conséquences, pour un responsable de l'accès, d'y aller en fonction de ce qu'est son rôle?

J'ai vu une description de tâches de responsable de l'accès. Je pense qu'un certain nombre de principes devraient être émis à la base pour blinder l'indépendance. Le responsable de l'accès ne devrait rendre compte... ne devrait pas avoir à rendre compte, par exemple, à un responsable des communications ou des relations publiques. Il ne devrait pas parler des demandes d'accès. Il ne devrait pas identifier les demandeurs, notamment les demandeurs journalistes. Je ne veux pas dire que les journalistes sont particulièrement ciblés, mais comme par hasard… Et je l'ai montré dans le cas du ministère du Transport. On a même fait un reportage à Radio-Canada sur ça, où une demande d'accès pour avoir le nom des membres des comités de sélection était refusée aux journalistes mais diffusée allégrement aux ingénieurs qui les demandaient. Et je sais pertinemment qu'il y a des réunions qui se tiennent où est-ce que les responsables de l'accès identifient, avec les responsables politiques, les demandes d'accès. Ça m'apparaît tout à fait, peut-être, légitime, on veut voir venir les coups, mais là il y a une indépendance, à mon avis, qui devrait être renforcée et écrite, même, et qui permettrait au responsable de l'accès de vraiment faire son travail. Quand un responsable de l'accès, dans un ministère que je ne nommerai pas, me dit : C'est ce qu'on m'a dit de vous écrire — en réponse à ma demande d'accès — allez en révision, vous avez des bonnes chances de gagner, je pense qu'il y a un problème sérieux d'indépendance dans les faits.

Je pense aussi que le mode de recrutement, le choix des responsables de l'accès devrait être beaucoup mieux balisé. Il y a une ambiguïté. Quand on regarde la liste des responsables de l'accès dans les organismes, ça va du président de l'organisme au secrétaire général, souvent un avocat. Je n'ai rien contre les avocats. Ils font preuve de beaucoup de créativité en matière d'accès à l'information, pas une créativité qui soit nécessairement toujours très positive, je dois dire.

M. Drainville : ...regards se tournent vers le député de Fabre.

Mme Dumont (Monique) : Je ne le sais pas. J'aime bien...

M. Drainville : Il aura l'occasion d'intervenir. On s'excuse de vous interrompre.

Mme Dumont (Monique) : J'aime bien les avocats, j'adore les avocats, j'aime les avocats. S'il n'y avait pas eu les cours de procédure civile, j'aurais peut-être fait une avocate. Mais, ceci étant dit, il y a beaucoup de créativité, et ce sont souvent les avocats, les secrétaires juridiques des organismes qui sont nommément responsables de l'accès. Moi, je pense que là il y a un problème. Quand le président de l'organisme est responsable de l'accès, alors qu'on peut faire, dans une demande d'accès, des documents qui peuvent le mettre, disons, dans une situation difficile, j'ai des doutes sur l'indépendance.

Alors, comment le faire concrètement? Écoutez, je ne suis pas, comme je vous dis, dans les arcanes de la fonction publique, et des descriptions de tâches, et des descriptions de poste, mais je pense que là il y a un travail à faire. On ne doit pas non plus confier l'accès à l'information à quelqu'un qu'on veut tabletter, là, puis dont on ne sait pas trop quoi faire dans l'administration, puis qui n'y connaît strictement rien.

Dans les municipalités, c'est pathétique, les responsables de l'accès à l'information. Souvent, c'est le greffier. Je me demande si le greffier est la meilleure personne. Je pose la question. Dans les petites municipalités, c'est absolument pathétique. Ça peut être la secrétaire du directeur général de la ville. Non, il y a une panoplie, là… Si on faisait une petite cartographie de qui est responsable, quelle formation ces gens ont… Je me pose souvent la question, parce que parfois ça m'est arrivé, comment dirais-je, de faire une formation in situ d'un responsable de l'accès en lui rappelant quelques vérités : Bien non, la rédaction d'un article, tu sais, notamment… Et puis, tu sais, tout le monde a le Doray-Charette, qui est à peu près la bible en matière d'accès à l'information. Alors, quelle est la formation des responsables? Est-ce qu'il y a un suivi qui se fait à ce niveau-là? Je pense que là il y a un travail à faire, très sérieusement, de regarder ça. Il y a plusieurs chantiers en fait, hein, qui devraient être ouverts. On aime ça, ce mot-là.

Le Président (M. Marsan) : Merci. M. le ministre.

M. Drainville : Vous posez la question également, à la page 10 de votre mémoire : «Faut-il scinder la loi et par [elle-]même la commission en deux? Une loi accès à l'information, une loi protection des renseignements personnels.» Et là vous dites, je vous cite, là : «Au XXIe siècle, [est-ce qu'il y a] lieu de revoir cette façon de voir les choses? Au fédéral, il y a deux lois et deux organismes. Un commissaire à l'information est très efficace pour intervenir quant à l'application de la Loi d'accès fédérale. Ce qui est loin d'être le cas au Québec.» Et là vous continuez sur ce thème-là. Est-ce que vous soutenez, vous, que le fonctionnement à Ottawa, la séparation des deux fonctions, renseignements... protection de la vie privée, dans le fond, et accès à l'information, est un système qui fonctionne bien?

Mme Dumont (Monique) : Je pense...

M. Drainville : Est-ce que ça marche mieux à Ottawa qu'à Québec?

Mme Dumont (Monique) : Bon, évidemment, on n'est pas ici pour faire le procès de la Loi d'accès fédérale. La Loi d'accès fédérale, je pourrais aussi écrire un mémoire sur... J'ai eu des choses extraordinaires avec les responsables de l'accès. Mais il y a quand...

M. Drainville : Au Québec, vous voulez dire?

Mme Dumont (Monique) : Non, au fédéral.

M. Drainville : Au fédéral.

• (15 h 50) •

Mme Dumont (Monique) : Oui, oui, ils sont extraordinaires, surtout la question des délais, au fédéral, la question aussi de la compréhension des demandes, bon, il y a plein de choses. Mais il y a quand même... Pourquoi est-ce que… Dans le rapport de la commission Paré, le principal argument pour joindre les deux, c'était le risque de duplication, O.K.? On disait : Comme ça, il n'y aura pas deux lois, là, qui vont parler de choses à peu près semblables et puis il n'y aura pas de doublon, et tout. On le voit dans le rapport du président de la Commission d'accès, la très grande majorité de son mémoire porte sur la protection des renseignements personnels. Aujourd'hui, c'est un enjeu en soi, la protection de la vie privée, on le sait, avec le vol d'identité, la protection des renseignements personnels aussi. Au fédéral, je peux faire des demandes d'accès en vertu des deux lois, tu sais, à la fois en vertu de la Loi d'accès et en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, en autant que j'aie une autorisation ou une procuration de la personne, bon, avec qui je suis en contact. Bon.

Personnellement, je pense que de scinder les deux permettrait à une commission d'accès à l'information québécoise de vraiment se concentrer sur sa mission. Une double mission… Quand la Commission d'accès oeuvre avec les organismes, quand elle est en matière d'accès à l'information, en principe elle surveille, elle demande des redditions de comptes. Elle devrait taper sur les doigts, elle devrait sanctionner, elle devrait imposer des amendes. Un responsable de l'accès qui serait pris en flagrant délit de mentir pourrait être sanctionné, etc. Mais, quand elle est avec ce même organisme au ministère, là, sur le volet renseignements personnels, elle devient dans une relation d'affaires, puis ce n'est pas du tout la même mission ni le même mandat. Alors, personnellement, je pense que de scinder les deux permettrait de rendre les missions beaucoup plus claires entre l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, et d'aller de façon beaucoup plus profonde dans chacun des volets.

Le Président (M. Marsan) : Je vais vous demander de conclure pour laisser une dernière question à M. le ministre. Allez-y.

Mme Dumont (Monique) : Je voudrais terminer sur le fait que ça permettrait aussi de réduire les délais en révision de la Commission d'accès, qui sont absolument frustrants. J'ai fait un petit échantillonnage. À peu près les trois quarts des décisions portent sur des demandes ayant trait aux renseignements personnels et non pas en matière d'accès à l'information. Donc là, il y aurait un gain d'efficacité aussi.

Le Président (M. Marsan) : M. le ministre, en terminant.

M. Drainville : Il me reste une minute? Deux minutes?

Le Président (M. Marsan) : À peu près.

M. Drainville : Très bien. Une autre question que j'ai le goût de vous poser — ça risque d'être la dernière — vous souhaitez réintroduire dans la loi la notion d'intérêt public, qui, dites-vous, a disparu après 2006. Qu'est-ce que ça changerait, selon vous, de réintroduire cette notion d'intérêt public? Et est-ce que cette notion-là qui existait avant 2006 a permis de faire des choses qui sont devenues impossibles après 2006, après que cette notion-là ait été retirée, si je comprends bien, de la loi, là?

Mme Dumont (Monique) : Je n'ai pas analysé la jurisprudence ou les décisions antérieures à 2006 pour pouvoir répondre de façon précise à votre question, mais la notion d'intérêt public, si on regarde des décisions récentes de la Cour fédérale, notamment en matière d'accès à l'information dans une cause, notamment, impliquant Bibliothèque et Archives Canada, la notion d'intérêt public a été prédominante pour permettre l'accès à l'information que voulait ne pas divulguer Bibliothèque et Archives Canada, qui était dépositaire, là, de certains documents. De plus en plus, dans les décisions de la Cour suprême du Canada, la notion d'intérêt public, de bien commun, devient un critère prépondérant et permet, à ce moment-là, de transcender des critères accessoires ou secondaires. Et je pense que, si on réintroduisait cette notion-là... D'ailleurs je ne sais pas pourquoi elle a disparu. Bon, je me pose la question.

M. Drainville : Et je me la pose aussi.

Mme Dumont (Monique) : Oui. Je ne le sais pas, je ne suis pas retournée dans les débats à l'époque pour savoir pourquoi elle a disparu, mais il y a eu un jugement impliquant Investissement Québec et, à la suite de ce jugement-là, qui était favorable au demandeur, il y a eu une modification à la loi, et la notion d'intérêt public a disparu. Investissement Québec est une société d'État et elle a été déboutée à ce moment-là. Alors, est-ce qu'on trouvait qu'«intérêt public» devenait un élément trop fort qui permettait, à ce moment-là, de divulguer des documents? Je ne le sais pas, mais je pense qu'il faudrait qu'on l'affiche dans un article 1.

Le Président (M. Marsan) : Merci, madame. Ceci termine cette première période d'échange. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Et je vais céder la parole à M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Dumont. Je trouve ça très intéressant. J'aurai l'occasion de revenir sur les avocats et... Non, mais en fait vous pourriez être surprise parce que je les connais quand même assez bien.

Mme Dumont (Monique) : Moi aussi.

M. Ouimet (Fabre) : Et je pense que je peux comprendre pourquoi, dans certaines situations, on a cette perception du rôle de l'avocat. Mais, ceci étant dit, je suis convaincu qu'il y en a encore plus qui travaillent de façon constructive et j'aurai l'occasion de vous en reparler peut-être privément.

Donc, merci pour la présentation que vous faites. C'est particulièrement intéressant d'avoir des citoyens, des gens qui utilisent une loi et qui sont confrontés aux lacunes, aux difficultés. Et je trouve ça... Et je suis convaincu que la commission apprécie l'éclairage que vous apportez parce que c'est très concret. Vous l'avez vécu et vous partez de situations que vous décrivez et que vous nous avez décrites aujourd'hui. Et je trouvais ça quand même bien, et vous l'avez souligné, vous êtes optimiste, vous utilisez l'humour malgré les situations désolantes que vous avez vécues. Parce que je pense qu'effectivement, quand on vit avec des délais et des situations que vous avez décrites, des situations frustrantes quand on veut avoir accès à de l'information, je pense qu'il faut avoir un bon sens de l'humour pour ne pas se déprimer et ne pas se décourager. Donc, bravo, pour votre travail en général et pour les représentations que vous nous faites.

Ceci dit, je vais revenir sur un élément important, parce que je pense que vous avez frappé le clou sur la tête lorsque vous avez parlé de changement de culture. Et je pense qu'effectivement, du point de vue juridique, c'est très difficile d'imprimer ou d'assurer un changement de culture par la loi. Je pense que ça se fait plus par l'exemple. Et, vous l'avez dit, et je veux revenir sur ça brièvement, je pense que ça part d'en haut. Et, à mon point de vue, je pense que ça part de l'Assemblée nationale. Et, quand on parle de changement de culture, hein… On a déjà eu l'occasion d'en discuter depuis le début de la présente législature, on a fait référence à l'exercice qui est peut-être l'exercice... un des exercices importants à l'Assemblée nationale, c'est les crédits. Et ça, c'est notre exercice où l'opposition demande au gouvernement del'information pour procéder à la reddition de comptes. Et je pense que, et là je fais le pont avec ce que vous nous avez dit quand vous parlez de changement de culture, il serait important que nous, les députés, qui avons… Ceci dit, je le rappelle à toutes les occasions que j'ai, on a un code de déontologie, les valeurs de l'Assemblée nationale, les valeurs auxquelles les députés adhèrent, et les députés, parmi ces valeurs-là, recherchent la vérité. Alors, je pense qu'on a déjà, dans notre code de déontologie, cette obligation d'ouverture. Et je pense que, si à l'Assemblée nationale on envoyait ce message-là, ça pourrait aider au changement de culture.

Je vais aller à un aspect très pratique que vous soulevez, qui me rejoint aussi dans ma pratique, c'était le volet des enquêtes. Vous avez abordé ça, je pense, à la page 3 de votre mémoire, et j'aurais aimé vous entendre sur, concrètement, comment ça se vit. On parle, là, d'enquêtes puis on ne sait plus que l'enquête se termine... Parlez-nous donc un peu de ce volet-là de votre expérience.

Mme Dumont (Monique) : Oui. Ça, c'est assez... ça, c'est vraiment un très grand sujet de frustration, quand on fait une demande d'accès et qu'on nous invoque ces fameux articles-là, parce qu'automatiquement «enquête» nous ferme totalement les portes. On n'est même pas capables de valider qu'il y a vraiment une enquête. On n'est même pas capables de valider où en est l'enquête. Le responsable de l'accès nous répond : Je ne peux rien vous dire, hein? Je ne peux rien vous dire.

Et là on ne parle pas seulement d'enquêtes. Moi, j'ai donné l'exemple des enquêtes menant à des poursuites judiciaires, mais ça touche aussi les enquêtes de type administratif. Moi, on m'a déjà refusé, au ministère de l'Environnement, avant qu'il y ait un changement de politique il y a à peu près trois ans, l'accès, par exemple, aux documents menant à des sanctions administratives. Il était impossible, il y a quatre ans, de savoir quelle compagnie avait été sanctionnée, par exemple, ou avait reçu des avis du ministère de l'Environnement. On ne pouvait même pas savoir s'il y avait des enquêtes qui étaient menées sur ces entreprises-là. On m'a même... Une fois, un responsable de l'accès m'a même invoqué que c'étaient des renseignements personnels. Excusez-moi, une entreprise, c'est une personne morale. Les renseignements personnels n'ont strictement rien à voir dans ça. Je ne demande pas des renseignements sur le président de l'entreprise, je demande sur l'entreprise.

Les ministères sont excessivement frileux. L'Autorité des marchés financiers est excessivement frileuse. Avec l'Autorité des marchés financiers, c'est extraordinaire. À un moment donné, j'ai fait des tests où j'avais reçu des documents et... Je les avais et j'ai fait quand même une demande d'accès à l'information, ne serait-ce que pour protéger mes sources. C'est extraordinaire, ce qu'on m'a répondu et la façon dont on avait caviardé ça, incluant le «ticket symbol», donc le code d'identification de la compagnie à la bourse. Alors, tout ce qui est enquête tombe dans une espèce de coffre-fort totalement blindé. Et ce qui est frustrant, c'est qu'on n'est pas capable de dire : Y a-t-il vraiment une enquête? Et où elle en est?

• (16 heures) •

Le Président (M. Marsan) : M. le député.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. En fait, je ne voulais pas vous interrompre. C'est juste parce qu'on a quelques questions et on veut essayer de tout couvrir. Mais est-ce qu'on a une solution? Avez-vous une solution à proposer dans cette...

Mme Dumont (Monique) : Je vous ai dit : Je ne suis pas juriste, hein? Donc, il faudrait un juriste avec une belle imagination créative. J'espère qu'il y en a. Mais je pense qu'il y aurait certainement moyen de baliser ces articles-là pour permettre une divulgation qui n'empêche pas ou qui ne mette pas en péril le processus, que ce soit d'enquête administrative ou d'enquête judiciaire. Parce qu'il faut bien se rendre compte que la justice, elle est publique, au Québec. Une fois qu'une poursuite est déposée, tous les documents deviennent publics, bien sauf s'il y a des ordonnances de non-publication, ou bien si le dossier nous est camouflé, pour quelque raison que ce soit, ou si des documents sont sous scellés. Mais de façon générale le processus est public, et on devrait y avoir accès. Et à ce moment-là c'est dans cet esprit-là que devraient être réécrits les articles en question pour qu'ils soient cohérents avec la philosophie de publicité de la justice.

Je donnais l'exemple aussi, dans un autre cas, du régime de divulgation qui s'applique aux compagnies cotées en bourse et comment le ministère des Ressources naturelles m'avait refusé les documents alors que je les ai trouvés dans les rapports annuels. Alors, c'est comme si la Loi d'accès vit dans un monde clos, par elle-même, puis là il se crée toute une série de jurisprudences et toute une série d'obstacles à la divulgation. Et le cas des enquêtes n'est pas unique au Québec. Quand j'ai enquêté sur le cas CINAR, je peux vous dire que la GRC et le ministère de la Justice fédéral ont tout été sauf transparents, hein? Alors là, il y a là comme une culture. Faites une demande d'accès à la Sûreté du Québec, c'est extraordinaire. Oui, savez-vous que la Sûreté du Québec ne divulgue même pas les heures supplémentaires de ses gens, contrairement à la GRC? Non, elle met sous le couvert de l'enquête toute une série de documents qui devraient normalement être des documents dits administratifs et qu'elle cache sous ces articles-là.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. En fait, la raison... M. le Président, la raison pour laquelle j'abordais ce volet-là, c'est que j'ai été aux poursuites criminelles, j'ai été en défense. C'est un milieu que je connais assez bien, et effectivement j'ai pu constater que la culture du secret est imprégnée... Et pas de mauvaise foi, là, quand je dis ça, à la base, c'est pour une bonne raison, mais je pense que la notion d'accès à l'information n'a pas été véritablement intégrée au niveau des enquêtes, qu'elles soient administratives ou qu'elles soient criminelles.

Ceci dit, dernier point avant de céder la parole à la députée de l'Acadie, M. le Président, je voudrais juste, simplement, souligner… Vous mentionnez le délai de 20 jours qui est systématiquement non respecté. Mais à ce moment-là peut-être qu'on court après le trouble en mettant un délai qui est trop court, parce que 20 jours, c'est quand même relativement court, alors que je note, dans votre mémoire… vous indiquez qu'après 30 jours, généralement, vous avez la réponse.

Mme Dumont (Monique) : Bien, au début, là, moi, je me rappelle, le 20 jours était respecté, hein? Il faut dire que c'est un 20 jours calendrier, là. Bon. Alors, le 20 jours était respecté. Mais soudainement est arrivée une pratique, puis je pense que c'est un copier-coller, là. La demande d'accès arrive. Elle est sitôt arrivée sur le fax de l'organisme qu'on reçoit par fax 10 jours additionnels. Ils ne l'ont même pas regardée. Remarquez qu'au fédéral — on pourrait éventuellement en parler — bien là les délais peuvent être beaucoup plus longs. Bon. Mais ça, c'est un autre cas. Je dirais qu'en général les organismes respectent assez le délai de 30 jours. Mais c'est une illusion de penser le 20 jours, donc c'est factice, là. En réalité, c'est 30 jours et plus. Il nous arrive que le responsable de l'accès va nous appeler et nous demander des délais additionnels. Nous autres, de façon générale, on est toujours très souples et flexibles, tant que ça ne va pas jusqu'à l'abus.

Le Président (M. Marsan) : Merci. Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci. Merci beaucoup. Vous savez, c'est un sujet qui nous passionne, évidemment, et c'est un très beau sujet. Et, quand le ministre a confirmé, ce matin, son intention de faire une nouvelle loi, je pense que c'est une très bonne idée, une très bonne chose. D'ailleurs, on ne fait que commencer nos travaux, et je me disais, en vous écoutant : Peut-être qu'on aurait dû entendre la Commission d'accès à l'information en dernier et non pas en premier, on aurait peut-être eu des questions différentes, et peut-être les entendre encore plus longtemps. Mais, quoi qu'il en soit, c'est fort intéressant.

Moi, ce sur quoi je voudrais vous poser des questions, c'est... Vous êtes une journaliste. Vous êtes une journaliste qui est connue. Vous êtes dans le métier depuis plusieurs années. Le rapport Payette recommandait, à larecommandation 26, l'imposition à tout ministère, organisme, régie gouvernementale ou municipalité d'accorder la priorité aux demandes d'accès à l'information faites par des journalistes professionnels. Évidemment, ça, ça sous-entend qu'il y ait un statut de journaliste professionnel. Est-ce que vous êtes en faveur avec cette recommandation, c'est-à-dire que quelqu'un qui fait un métier de journaliste puisse avoir un accès privilégié ou enfin un accès prioritaire?

Mme Dumont (Monique) : Actuellement, l'article 9 dit «toute personne». Personnellement, je suis pour un accès égal à l'accès à l'information. Je ne voudrais pas, personnellement, même si je suis journaliste, que mes demandes aient une priorité d'accès, ou autres. Je suis plutôt pour l'égalité d'accès.

Maintenant, ce que je n'aime pas, c'est que les demandes des journalistes soient traitées différemment en accès à l'information. J'ai donné le cas du ministère des Transports, qui traitait différemment… J'ai donné le cas des réunions où est-ce qu'on identifie le journaliste alors que ça devrait être confidentiel. Même mon nom devrait être confidentiel. Or, je me suis fait appeler par un responsable des communications d'une université pour me demander qu'est-ce que je voulais, exactement, dans ma demande d'accès à l'information. Il faut le faire, là. O.K.?

Donc, non, je ne serais pas pour un canal privilégié pour les journalistes professionnels. Je veux avoir une égalité de traitement, une égalité d'accès...

Mme St-Pierre : Vous ne voulez pas être mise en dessous de la pile. Ni au-dessus, ni en dessous.

Mme Dumont (Monique) : Je ne veux pas être mise en dessus, ni en dessous. Je veux être traitée également et de façon absolument juste.

Mme St-Pierre : C'est des questions qui sont effectivement très sensibles, l'accès à l'information, que ce soit encore plus ouvert, plus accessible. Puis il y a des organismes qui ne sont pas soumis à la loi d'accès à l'information, puis je pense qu'il faut soumettre ces organismes-là à la loi d'accès à l'information. Ce matin, on entendait les — pardon, je n'ai pas fermé mon téléphone — on entendait les orphelins de Duplessis dire que des communautés religieuses ne sont pas soumises à la loi d'accès à l'information. Alors, il y a vraiment des pans, là, qu'il faut absolument ouvrir. En même temps, il peut y avoir des effets pervers dans tout ça, c'est-à-dire avoir... on peut salir facilement la réputation de quelqu'un. Il y a le jugement diffusé aussi. Il y a le traitement que le journaliste ou la personne veut en faire, mais, une fois que le traitement est fait, il y a le jugement aussi là-dedans. Et salir des réputations, on n'est pas plus avancé. Alors, l'équilibre, il n'est pas si facile que cela.

L'autre chose, l'autre question, la question que je voulais vous poser, c'est sur la question des secrets d'entreprise. Par exemple, une organisation comme Hydro-Québec, ça fait des affaires, puis ça fait des affaires à l'international, puis ça fait des affaires au Québec, ça fait des affaires au Canada. Il y a des secrets importants non pas uniquement pour la société d'État, mais pour l'ensemble du Québec. Comment on gère ça? Et est-ce qu'on laisse entre les mains d'une seule personne la décision de livrer l'information ou pas? Parce que vous sembliez dire : Il faut qu'il y ait une sorte de coupe-feu entre le sous-ministre ou enfin la direction générale puis la personne responsable de l'accès à l'information. Mais la personne responsable de l'accès à l'information a besoin d'avoir du jugement pour être sûre que l'information qu'elle livre, c'est une information qu'elle peut livrer.

• (16 h 10) •

Mme Dumont (Monique) : Des responsables de l'accès m'ont confié qu'aussitôt qu'un sujet est le moindrement sensible, politiquement, la demande remonte immédiatement au cabinet, et c'est au cabinet que ça se fait. Maintenant, bon, ce n'est pas qu'au Québec que ça peut se faire. On sait comment ça se passe, enfin, au fédéral, où est-ce que le Bureau du Conseil privé a vraiment un contrôle important sur toutes les demandes d'accès, à tel point que les délais au fédéral sont maintenant encourus parce qu'il y a cette consultation-là au Bureau du Conseil privé, qui est le bureau du premier ministre.

Bon, il y avait deux volets sur la question des sociétés, O.K., les sociétés comme Hydro-Québec, Investissement Québec, toutes les sociétés qui ont des activités commerciales. Moi, je suis sensible évidemment à la question du secret commercial, du secret industriel, mais il faut bien se rendre compte, par contre, là, que… Je ne sais pas si vous faites un peu de recherche, mais, tu sais, les brevets, là, c'est public, ça, hein, si vous connaissez les bases de données des brevets, là. Alors, moi, quand Hydro-Québec me refuse des choses mais que je suis capable de les avoir autrement... C'est ce qui est arrivé avec le ministère des Ressources naturelles.

Donc là, le problème des restrictions, là, que ce soient secret commercial, secret industriel, secret financier, m'apparaît, moi, être devenu, là, des espèces de fourre-tout dans lesquels maintenant tout passe. Alors, j'ai de la difficulté à comprendre. Investissement Québec, ce n'est pas une banque, là. Alors, c'est très difficile, par exemple, de documenter l'intervention d'Investissement Québec dans certains dossiers. Il peut y avoir des aspects des contrats qui soient confidentiels. Moi, je n'ai aucun problème avec ça qu'on regarde un document puis qu'on caviarde, O.K., des éléments qui peuvent être concurrentiels, mais que tout le document, tout d'un coup, tombe sous la chape de plomb de l'article sur les secrets industriels, commerciaux, idem sur les renseignements personnels, alors à tel point que maintenant c'est rendu un fourre-tout, ou le secret professionnel… Je donne l'exemple des noms d'avocats qui sont mis sur des listes de distribution de documents pour qu'on puisse invoquer cet argument-là pour ne pas rendre les documents divulgables.

Alors, je pense qu'il y a lieu, dans la loi, de baliser, encore une fois, l'interprétation, mais au départ il faut rappeler aux responsables de l'accès que les interprétations doivent être interprétées, hein, de façon très restrictive, mais ce n'est pas le cas actuellement. Et je suis sensible à cet équilibre-là entre le secret, qui peut être nécessaire, et la divulgation. C'est, comme vous le dites, un équilibre fragile, O.K., et qu'il faut bien mesurer. Mais là, actuellement, on est rendu où est-ce que le balancier est véritablement du côté de la non-divulgation, de la non-transparence.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Dumont, de nous avoir donné votre point de vue sur un sujet aussi intéressant.

Et sur ce je vais suspendre quelques instants, mais je vais inviter les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec à venir prendre place. Alors, nous suspendons pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Et je vais demander à M. Brian Myles, qui en est le président, de nous présenter les gens qui l'accompagnent et de débuter sa présentation pour une période d'environ 10 minutes.

Fédération professionnelle des
journalistes du Québec (FPJQ)

M. Myles (Brian) : Merci beaucoup. Vous avez, à votre droite, Pierre Craig, qui est vice-président de la fédération et journaliste à La facture, et ici, à votre gauche, Claude Robillard, secrétaire général de la fédération. Il y a également un grand absent avec nous, mais sa force d'esprit plane sur notre mémoire. C'est Raymond Doray, avocat au cabinet Lavery de Billy, et il a planché sur notre mémoire. Me Doray était l'assistant de recherche de la commission Paré, qui avait dessiné l'esquisse de la loi il y a 30 ans. Il a révisé notre mémoire et il a fait quelques recommandations et suggestions pour améliorer la loi ou refondre, à partir de zéro, une nouvelle loi. On lui doit un gros merci pour ce travail très rigoureux.

La FPJQ attendait avec impatience ce rendez-vous à la commission parlementaire. Nous étions prêts, mais malheureusement les élections ont eu raison des travaux. On l'attend parce que c'est un rendez-vous important. À notre avis, les députés ont une occasion unique aujourd'hui de s'élever au-dessus de la partisanerie et de poursuivre une valeur à laquelle on croit tous, en démocratie, c'est-à-dire la recherche du bien commun et de l'intérêt public. La réforme de la loi d'accès à l'information est nécessaire, nécessaire pour accroître la transparence de l'État dans tous les domaines.

Inutile de vous dire qu'avec la multiplication des scandales dans les journaux, les travaux de la commission Charbonneau, il y a la démonstration qui a été faite de l'appétit du public pour l'information et pour la transparence et la nécessité également de rendre publique cette information. À la fédération, nous plaidons toujours que l'information, c'est l'oxygène d'une démocratie. Et, sans la transparence, sans la reddition des comptes, les efforts que ce gouvernement a entrepris pour assainir les moeurs et juguler la corruption et la collusion, avec l'appui des partis d'opposition, bien ces efforts vont être incomplets. Dans votre réflexion, vous devez doter les Québécois d'une loi d'accès à l'information digne de ce nom, une loi qui va tenir compte des outils du XXIe siècle et de cette réalité du gouvernement ouvert. Alors, à notre avis, le rendez-vous qui est le vôtre, c'est un rendez-vous historique qui est tout aussi important que celui qui avait mené à la création de ladite loi il y a 30 ans.

Cette loi, malheureusement, vieillit mal. Elle accuse très mal le poids de ses 30 ans. Récemment, j'ai été à un congrès du Barreau avec Jules Brière, qui est un des pères fondateurs de la loi, et Me Brière nous disait : Écoutez, l'objectif de départ n'a pas été atteint, malheureusement. Cet objectif, c'était que la loi soit tellement efficace, tellement claire, tellement comprise de tous les fonctionnaires et titulaires de charge publique qu'elle devienne obsolète au bout de cinq ans et qu'on n'ait plus besoin d'une loi d'accès à l'information, parce qu'on aurait transformé à jamais la culture et que les fonctionnaires et les détenteurs de charge publique, plutôt que d'avoir la main sur le robinet fermé, allaient l'ouvrir et qu'on allait permettre la circulation tous azimuts de l'information.

Me Brière était... en fait nous a déprimés énormément mais nous a rassurés, également, dans cette bataille ou ce combat que l'on mène pour avoir davantage de transparence. Cet objectif-là de départ, qui est de casser les monopoles, les petits monopoles des fonctionnaires ou des titulaires de charge publique sur l'information, bien c'est encore un objectif qu'on doit poursuivre. On se doit de transformer cette culture du secret, que Monique Dumont a très bien décrite, et favoriser l'ouverture et le partage de l'information. L'information, ce n'est pas la propriété de l'État, ce n'est pas un bien privé. L'information, c'est un bien public, et c'est à partir de ce bien public là que les citoyens peuvent faire des décisions éclairées dans une démocratie.

Comme Me Brière, comme Mme Dumont, la FPJQ et les journalistes qui utilisent régulièrement la loi d'accès à l'information constatent qu'il y a des nombreuses difficultés, nombreuses restrictions. On les détaille un peu dans notre mémoire, on pourra vous donner des exemples dans la période des questions, mais en résumé ce que l'on constate, c'est qu'il est toujours plus difficile et plus complexe d'obtenir des documents qui sont pourtant publics. Les journalistes vont se heurter à des multiples exceptions. Le cas du document qui a circulé dans un cabinet d'avocats puis qui devient frappé soudainement, comme par miracle, du secret professionnel, il est trop réel. Le cas du document qui n'est jamais divulgué parce que c'est un processus décisionnel non terminé, c'est réel. Donc, les exceptions, les délais, la judiciarisation également et des coûts toujours plus grands.

Un exemple parmi tant d'autres — et, pour nous, c'est le meilleur — de cette culture du secret, pour obtenir une étude de la Commission d'accès à l'information sur l'évaluation d'une politique de divulgation automatique, la fédération a dû faire une demande d'accès à l'information sur recommandation de la vice-présidente de l'organisme. J'insiste, la Commission d'accès nous a fait faire une demande d'accès pour ses propres documents. Et, ce problème-là, on l'a rencontré également quand on a voulu avoir, il y a deux ans, le résultat de l'évaluation de la divulgation automatique qui avait été faite à titre d'expérience pilote.

La commission, malheureusement, n'a pas bien rempli son rôle au fil des ans. Quand Hydro-Québec a décidé d'utiliser la Loi sur le Barreau pour empêcher les journalistes de se représenter eux-mêmes en appel, la commission a été très silencieuse. Elle n'est pas montée au bâton pour défendre les journalistes. Au contraire, elle a souhaité que les parties s'entendent entre elles. Le résultat, c'est qu'il a fallu attendre quatre ans, compter sur le courage des grandes entreprises de presse et de leurs contentieux pour obtenir un jugement sans équivoque de la Cour du Québec récemment. Et l'indignation qu'on attendait de la Commission d'accès est venue de la Cour du Québec, Dieu merci.

La Commission d'accès a également un pouvoir, vous savez, en vertu des articles 158 et 164, pouvoir qui lui permet de poursuivre et de sanctionner ceux qui font de la rétention d'information. C'est une disposition pénale qui permet d'imposer des amendes de 500 $ à 1 000 $ pour les fautifs. Encore une fois, on a fait des vérifications. En 30 ans, la commission n'a jamais utilisé ce pouvoir de sanction ne serait-ce qu'une seule fois.

• (16 h 20) •

Bon an, mal an, enfin, le Québec récolte la note F dans le palmarès ou le bulletin qui est fait par l'Association canadienne des journaux. L'association fait une série de demandes d'accès à l'information en bloc. Pour chacune des provinces, on va cibler des ministères, des agences gouvernementales, des villes. Et on demande toujours les mêmes documents et on compare les réponses et les délais de réponse. Et bon an, mal an on fait partie des cancres de la classe, au Québec, à quelques exceptions près. On va trouver parfois un ministère ici, une ville là qui sont les premiers de classe, mais globalement nous sommes finalement très pauvres en matière d'accès à l'information. Alors, nous vous invitons à ne pas vous laisser bercer par les rêves ou les illusions que certaines institutions pourraient entretenir devant vous. Non, la loi d'accès à l'information et la Commission d'accès ne font plus l'envie du monde. C'était peut-être le cas il y a 30 ans, malheureusement ça ne l'est plus.

C'est pourquoi, nous, ce qu'on demande, dans un premier temps, c'est un leadership de la première ministre, Pauline Marois, et qu'elle déclare publiquement sa volonté de rendre l'État plus transparent. Il faut que l'ordre, la directive vienne d'en haut pour qu'elle se répande dans tous les ministères et pour qu'on commence à penser réellement à un changement de culture. Le député Drainville a des très bonnes intentions de réformer la loi, et on ne doute pas de sa sincérité, mais aux États-Unis, quand on a voulu insuffler une culture de transparence et de gouvernement ouvert, c'est Barack Obama lui-même qui a pris les devants et qui a enjoint, par une directive présidentielle, toutes les agences à se doter d'un portail unique pour transmettre les données et à rendre ça beaucoup plus simple et clair, que les données publiques devaient être publiques et accessibles à partir de bases de données qu'on peut exploiter et non pas de fichiers obscurs, de PDF, ou autres, avec lesquels on ne peut rien faire à l'ère du Web 2.0.

Ce changement vers un gouvernement ouvert exige davantage d'une déclaration de la première ministre. Il nous faut aussi une véritable politique de divulgation automatique qui sera claire et qui s'appliquera au monde municipal. La dernière fois où on a tenté le coup, le monde municipal a crié au loup, que c'était impossible pour eux d'avoir ce fardeau-là. On vous invite encore une fois à ne pas vous laisser effrayer par les cris d'épouvante que pourra certainement pousser le monde municipal, puis il faut qu'il soit inclus dans la divulgation automatique. Vous savez, là, l'appétit, encore une fois, du public pour la chose démocratique, la chose municipale se fait très bien sentir cette année, à plus forte raison avec une élection qui s'en vient en novembre dans toutes les villes. On se doit de rendre les municipalités plus transparentes, au même titre que le gouvernement provincial.

On voudrait également que les documents, dans ce contexte-là, soient identifiés plus clairement sur les sites Internet des ministères et des villes, et qu'on retire le pouvoir discrétionnaire qui permet de diffuser les documents qu'on juge d'intérêt public. Quand on a fait la politique de divulgation automatique, on a laissé cette possibilité-là. C'est l'agence ou le ministère qui décide ce qui est d'intérêt public ou pas. Alors, on a des situations où des ministères tout entiers jugent qu'ils n'ont aucun document d'intérêt public. Bref, il faut enlever cette espèce d'outil qui finalement permet de contourner carrément la politique de divulgation.

Enfin, comme je le disais, bien, il faut avoir des bases de données qui permettent de tirer le plein potentiel des données. On a eu des cas où, pour avoir accès à des données d'une commission scolaire, il fallait acheter un logicielà 2 000 $. Qui va faire ça? Et, une fois qu'on a installé le logiciel, il n'est pas dit qu'on va être capable d'exploiter les données d'une façon telle qu'on va en créer une application ou un graphique interactif sur le site Web qui soit viable.

En conclusion, j'aimerais vous rappeler que dans les dernières années, si vous y pensez, il n'y a à peu près pas une enquête journalistique qui s'est faite au Québec et même au Canada sans passer, un moment ou l'autre, par la loi d'accès à l'information. On se souviendra d'un exemple qui semble lointain aujourd'hui, celui du scandale des commandites. Mais le scandale des commandites a commencé par une demande d'accès à l'information de Daniel Leblanc, qui a obtenu trois rapports identiques de Groupaction payés 600 000 $, et on connaît le reste de l'histoire. Ce besoin, et cette utilisation, de l'accès à l'information par les journalistes ne va pas aller en diminuant. D'une part, on a une crise des médias très importante. Dans un contexte où nos revenus publicitaires diminuent, on cherche à se distinguer des autres, et la valeur ajoutée, la distinction en information passe maintenant par l'enquête. Et donc, pour faire des enquêtes, il faudra assurément avoir une loi d'accès à l'information viable et efficace.

Les demandes d'accès aussi se multiplient parce qu'il y a une culture du secret dans les ministères et dans les municipalités. On a vu récemment qu'un fonctionnaire à la ville de Montréal, qui est quand même une grosse ville au Québec, qui a un bilan généralement positif en accès à l'information, on a vu qu'il y a un fonctionnaire qui a été suspendu cinq jours parce qu'il avait parlé, sous le couvert de l'anonymat, à la presse de l'affaiblissement des mesures de lutte à la collusion. Cette culture du secret empêche les gens de parler et rend nécessaire l'utilisation de l'accès à l'information pour arriver à obtenir ce que l'on veut, soit des histoires d'intérêt public.

Voilà. Nous vous invitons, en conclusion, à ne pas négliger que l'information, une information réelle, accessible, facilement accessible est essentielle dans vos réflexions pour accroître la transparence et le lien de confiance du public à l'égard de l'État. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, M. Myles. Et nous allons immédiatement débuter cette période d'échange. Je vais donner la parole au ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le ministre.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je suis bien content de vous voir. Je me faisais la réflexion, tout à l'heure, qu'on est suffisamment de journalistes dans cette salle pour faire un bulletin de nouvelles. On aurait les caméras, là, je pense qu'on pourrait s'arranger puis on aurait un pas pire bulletin de nouvelles, M. le Président, si on se fie sur, comment dire, les historiques des différentes personnes qui sont autour de cette table.

J'aimerais y aller tout de suite avec les questions. D'abord, allons-y sur les municipalités parce que visiblement c'est un irritant majeur pour vous. J'ai plusieurs questions à vous poser, donc, si c'est possible de donner des réponses assez courtes. Dans le fond, le principal problème que vous rencontrez, quand vous faites des demandes d'accès auprès des municipalités, c'est quoi, et quelle est la solution à ce problème-là?

M. Myles (Brian) : Il y a un bout de la solution qui appartient au ministère des Affaires municipales. Le principal problème, c'est qu'on est obligé de faire des demandes d'accès pour des documents qui sont publics et qui ne devraient pas être soumis à la loi d'accès, exemple le procès-verbal de l'assemblée, l'ordre du jour, les sommairesdécisionnels des comités exécutifs. Dans certaines petites villes, où le maire règne sans partage, il a pris l'habitude de ne pas partager l'information. Ça, c'est un problème important.

L'autre, c'est qu'on n'a pas assujetti les municipalités à la divulgation automatique. Les municipalités ont dit : Ça va nous inonder de demandes, ça va être un fardeau trop lourd. On vous dit de les inclure et de les accompagner avec les outils et la formation nécessaires pour qu'ils puissent se faire des sites Internet et rendre cette information-là disponible. Ce n'est pas si complexe que ça, mais on doit le faire.

M. Craig (Pierre) : Si vous me permettez, dans le mémoire de la FPJQ, on lit que...

Le Président (M. Marsan) : …M. Craig.

M. Craig (Pierre) : Merci. Oui, sur la procédure, je ne suis pas habitué, vous me pardonnerez. On lit donc, dans le mémoire, qu'en Gaspésie un survol fait par nous, par la FPJQ, au début de 2013 montre que 22 municipalités sur 42 ne placent pas les procès-verbaux — là, on ne parle pas de secret industriel, on parle des simples procès-verbaux de ces municipalités-là — sur leurs sites Web. Est-ce qu'une municipalité est une entreprise privée ou est-ce que c'est un pouvoir public dépensant des fonds publics et devant servir le public? Ça pose ces questions-là.

Il y a une municipalité, qui s'appelle Saint-Modeste, qui avance un argument de poids pour refuser de divulguer automatiquement certains documents. Elle dit que la divulgation automatique pourrait donner des munitions à l'opposition et pourrait permettre des poursuites. C'est un exemple qu'on vous donne. On est en relation avec le ministère des Affaires municipales parce que, dans nombre de municipalités du Québec, les journalistes, on leur interdit de faire leur métier, on leur interdit de procéder à des enregistrements. On voudrait écouter les enregistrements qu'ils font pour donner un imprimatur quelconque, ou je ne sais trop. On essaie de régler ces problèmes-là.

Mais encore une fois… Et je reviens à ce que Mme Dumont dit. J'ai un immense respect pour elle. Si on a une commission Charbonneau, c'est en partie, je dis bien «en partie», à cause de gens comme elle. Elle a dit : La loi devrait être réécrite complètement. C'est vraiment une question de culture. Le Québec, là... Moi, vous savez, je suis moins savant que Claude, et Brian, et Mme Dumont, parce que je débarque, là, comme vice-président depuis quelques mois seulement, je ne suis absolument pas savant en matière d'accès à l'information. Mais, quand j'ai lu ces affaires-là, la colère m'a monté, vous ne pouvez pas imaginer à quel point. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je me retiens actuellement, parce que c'est un lieu quand même assez… hein, ça impose une certaine, comment dire, tranquillité ici. Mais je suis en colère, en colère profonde, M. le député, parce que, quand ils m'ont appris qu'Hydro-Québec avait dépensé des fonds publics pour nier le droit du public à l'information, que le Barreau d'ailleurs supportait cette cause-là, vous ne pouvez pas imaginer la colère dans laquelle... Et j'espère que vous étiez en colère aussi.

Parce que finalement la question que je me pose, et je ne prendrai pas trop de temps… Est-ce que vous, les représentants du peuple, l'État et l'Administration, et nous, le public et les journalistes, sommes en guerre, une guerre dont l'enjeu, c'est l'information, ou est-ce qu'on veut la même chose? Moi, je pense qu'on peut parler des détails, et c'est important, mais je pense qu'il y a des questions fondamentales à aborder. On est-u en guerre, l'État, l'Administration, le gouvernement et nous, ou est-ce qu'on veut la même chose, c'est-à-dire que le public reçoive l'information, toute l'information?

• (16 h 30) •

M. Drainville : Je vous assure qu'on n'est pas en guerre...

M. Craig (Pierre) : J'espère, mais ce n'est pas l'impression que j'ai.

M. Drainville : …et je dois vous dire que notre intention, c'est d'aller vers beaucoup plus de transparence et beaucoup plus d'accès à l'information. C'est ça, notre intention, et on va aller aussi loin qu'on peut aller. Évidemment, il va falloir travailler avec les autres partis qui sont autour de cette table, mais notre intention, c'est d'aller le plus possible vers une refonte de la loi, une réforme de la loi, parce qu'effectivement on a l'impression, par moments, qu'elle sert davantage à bloquer l'accès qu'à nous donner l'accès.

Je veux revenir sur votre mémoire et sur les propositions que vous faites. Vous dites : Il faut mettre en place un système de données ouvertes qui seraient versées sur un portail qui regrouperait l'ensemble de ces données-là. Et vous recommandez également que ces données-là soient obligatoirement des données brutes et non des données préalablement traitées. Alors, données ouvertes sur un seul portail, est-ce que ça existe ailleurs? Et, deuxièmement, quand vous dites «données brutes», est-ce que ça ne pose pas la question de la vulgarisation puis de l'organisation de ces données-là? Parce que j'entends, moi aussi, les organismes qui favorisent l'accès et qui nous disent : Donnez-nous les données brutes, puis nous autres, on va les travailler puis on va pouvoir arriver à des résultats. On ne veut pas être pris avec des PDF, là, on ne veut pas être pris avec de la matière déjà... Mais, si on part avec des données brutes, est-ce qu'on ne risque pas de se faire reprocher que c'est un magma de données, justement, qui est incompréhensible pour le commun des citoyens?

M. Myles (Brian) : Bien, ça sera le rôle des journalistes, à ce moment-là, de traiter, prioriser, hiérarchiser le réel et de lui donner un sens. Ce que l'on demande, c'est de changer le paradigme. En ce moment, on n'y a pas accès, à ces données brutes là, et ça freine notre travail et ça ne permet pas de tirer le plein potentiel du Web 2.0. Alors, dans un premier temps, il faut réfléchir à comment on va le faire. Et l'heure où il faut se questionner sur est-ce qu'on le fait, oui ou non, à mon avis, est passée. Il faut dire : Oui, on embarque dans le jeu de la modernité et on trouve les solutions pour le faire. Et vous allez trouver quantité d'experts, à ce moment-là, qui pourront vous éclairer sur le comment. Moi, je ne crains pas la masse d'informations. Vous savez, récemment les journalistes du consortium d'enquête à travers le monde ont eu 12 millions de documents qui ont permis d'exposer la fraude fiscale et l'utilisation des paradis à l'échelle planétaire. On ne devrait pas avoir peur de la divulgation parce qu'il y a une masse de documents qui nous attendent.

Pour ce qui est du portail, que ça soit un portail unique ou un portail pour chacun des ministères, on n'a pas une préférence. Je vous dirais que c'est peut-être même plus pratique de le faire par ministère, à condition que ce soit bien identifié. En ce moment, avec la divulgation automatique, on a fait l'exercice, c'est un fouillis incompréhensible sur certains sites. Il n'y a pas un onglet «données», ou «gouvernement ouvert», ou «divulgation automatique» identifié nommément qui nous permet de s'y retrouver rapidement.

M. Drainville : Autre sujet que vous abordez, vous dites qu'il faut inclure la participation des citoyens dans la mise en place du gouvernement ouvert, notamment en utilisant les réseaux sociaux et la collaboration avec la société civile pour concevoir et améliorer le système de gouvernement ouvert. Pouvez-vous nous préciser un peu ce que vous voulez dire quand vous parlez d'utiliser les réseaux sociaux et la collaboration avec la société civile?

M. Myles (Brian) : C'est une façon pour nous d'inclure, cette société-là, les développeurs, les créateurs de demain qui ont déjà réfléchi. Je pense aux gens de Québec ouvert, qui ont fait un travail considérable pour avancer, lesprogrammeurs. C'est des gens qui ont une expertise puis une réflexion beaucoup plus avancée que la nôtre sur le comment. Nous, on agit sur le principe. Le principe, c'est que les données publiques devraient l'être et qu'un gouvernement transparent ne devrait pas craindre la diffusion de l'information. Il nous apparaît essentiel de s'adjoindre du plein potentiel de la société civile, qui a des idées à faire valoir. Vous pouvez trouver des pistes de solution intéressantes dans le rapport de M. le député Gautrin, qui a fait, honnêtement, un travail remarquable. Le rapport Gautrin sur le Web 2.0, le gouvernement ouvert donne d'excellentes pistes de réflexion pour poursuivre vers le gouvernement ouvert. Et je vous dirais que l'esprit de cohabitation et de coalition qui préside à un gouvernement minoritaire rend l'exercice de consulter Gautrin encore plus intéressant. On a appuyé à peu près tout ce qu'il y avait dans son rapport, nous, à la FPJQ.

M. Drainville : Mais je suis d'accord avec vous qu'il y a beaucoup, beaucoup de bonnes choses dans ce rapport-là, M. Myles.

Juste avant de quitter le thème, là, des données ouvertes, vous savez qu'il existe actuellement un portaildonnes.gouv.qc.ca? Je ne sais pas si vous l'avez déjà consulté, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Robillard (Claude) : Bien, écoutez, on sait qu'il existe, là...

Le Président (M. Marsan) : Alors, M. Robillard.

M. Robillard (Claude) : Merci. Oui, on sait qu'il existe, évidemment, on l'a consulté, mais ce que... Disons, notre expertise, notre compétence là-dessus vient surtout des gens qui font du «data journalism» puis que vous allez peut-être entendre bientôt, là, comme Jean-Hugues Roy. Et, dans le fond, on n'a pas une évaluation du portail comme tel, mais ce que nous disent ces gens-là, c'est que c'est un début. Ce n'est pas le bout du chemin du tout, puis tout ça. Donc, c'est vraiment à encourager, c'est à développer, c'est à consolider, puis tout ça, mais les spécialistes du «data journalism» nous disent : Ce n'est pas le bout.

Et, dans la question que vous posiez, justement, sur la collaboration avec les gens, avec la société, il y a eu hackethon, qui a essayé de créer des logiciels, des applications qui permettraient de déjouer la corruption, c'est-à-dire d'identifier plus facilement là où les problèmes se posent, etc., et là ils se sont frappés au fait que des fois, par le format des données, etc., c'était très difficile pour eux autres. Ils ont été obligés de traduire, un peu comme ce que disait tantôt Mme Dumont, dans d'autres logiciels pour réussir à combiner avec, par exemple, le système électronique d'appel d'offres, de combiner ce qui est là avec d'autre chose. Donc, en ce moment, il y a encore du travail à faire pour que cette utilisation-là soit plus simple pour les gens qui connaissent ça, le commun des mortels ne le fera pas, là, mais... Donc, c'est ça, c'est un début, et il faut l'ouvrir de manière à ce qu'il soit utilisable pour des croisements comme ce dont je parle.

M. Drainville : L'une de vos recommandations, c'est de remplacer le concept d'information de valeur par celui qui présente un intérêt pour l'information du public... Ou c'est l'inverse plutôt, excusez-moi. Vous voulez remplacer le concept qui présente un intérêt pour l'information du public par le concept d'information de valeur. Qu'est-ce que ça changerait, ça?

M. Myles (Brian) : Bien, ça changerait l'espèce de caricature qu'on a eue de divulgation automatique avec certains ministères. Écoutez, ça fait quoi, déjà, deux ans, la divulgation automatique, qu'on trouve des ministères qui… trois ans qu'on trouve des ministères qui jugent qu'ils n'ont aucune information d'intérêt public à divulguer, c'est la preuve qu'on n'a pas réfléchi sérieusement et qu'on ne veut pas en divulguer, de l'information. Donc, ce critère d'intérêt public devient comme un outil de censure, comme je le disais précédemment. L'information de valeur, ça oblige à un questionnement plus profond sur : Est-ce que l'information que je détiens dans mon ministère, est-ce que l'étude dont je suis en possession pourrait avoir un intérêt pour un citoyen? L'amène-t-elle à prendre une décision éclairée, à mieux comprendre comment les décisions et les fonds publics... comment les décisions sont prises, et les fonds publics, dépensés en son nom? Alors, c'est ce principe plus général d'intérêt public qu'on veut... On veut l'élargir pour éviter que ça soit strictement soumis au bon vouloir et à l'opinion qu'un gestionnaire peut s'en faire.

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Robillard.

M. Robillard (Claude) : C'est ça, c'est que nous, on a été très troublés par le fait qu'il y a le même critère d'intérêt public pour les demandes d'accès à l'information. Celles qui sont jugées d'intérêt pour l'information du public doivent être divulguées sur les sites. Mais nous, on a fait nous-mêmes des demandes d'accès à l'information et on ne les trouve pas sur les sites. Comme par exemple, récemment je regardais sur le site de la Commission d'accès à l'information. C'est marqué : Nous n'avons aucune demande d'accès qui est d'intérêt public. Mais, la demande que nous avons faite sur son étude, son rapport d'inspection, sa divulgation, pour moi, c'était d'intérêt public, c'est d'intérêt public. Elle n'est pas là. Bizarre. Nos demandes qu'on a faites au Conseil exécutif pour avoir leur propre rapport sur la divulgation automatique ne sont toujours pas, un an après, sur le site du Conseil exécutif. Alors là, on est en train ici, tous ensemble, d'examiner l'accès à l'information puis la divulgation automatique. Le Conseil exécutif a deux rapports là-dessus, de l'ENAP et de Paul-André Comeau. Aucun des deux ne se trouve sur leur site. Bien, si ce n'est pas d'intérêt public, c'est quoi, tu sais? Donc, aussitôt qu'on connaît un petit peu les documents qui existent, on voit que... ou, dans ce cas-ci, les demandes d'information qui ont été faites, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas sur les sites. Bien, à ce moment-là, c'est parce qu'il y a une échappatoire qui leur permet de ne pas mettre ça sur les sites, et l'échappatoire, c'est «jugé d'intérêt public».

Et récemment — je conclus là-dessus — quand la Commission d'accès à l'information a fait son rapport d'inspection, à l'été dernier, sur la divulgation automatique, quand elle a signalé à certains organismes publics : Comment ça se fait qu'il n'y a aucune demande d'accès à l'information sur votre site?, ils ont répondu : Il n'y en a aucune qui est d'intérêt public. O.K., dans ce cas-là, si vous le dites, c'est vrai. Donc, ça, le citoyen ne peut pas savoir, lui, ce qu'il y a, sauf s'il a fait une demande. Mais nous, ayant fait des demandes, on s'aperçoit que ce critère-là sert d'échappatoire pour...

• (16 h 40) •

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Craig, vous voulez faire une courte intervention?

M. Craig (Pierre) : Oui. Bien non, je vous le répète, on demande à la Commission d'accès à l'information du Québec, dont la mission — je fouillais ça ce matin sur leur site — est de promouvoir l'accès à l'information — puis, quand vous regardez la définition du verbe «promouvoir», ça veut dire «favoriser l'essor, le succès de» — on lui demande une étude qu'elle a réalisée sur la divulgation automatique, et la vice-présidente de la Commission d'accès àl'information — je ne parle pas de la commission du non-accès à l'information, là — la vice-présidente de la Commission d'accès à l'information nous dit : Faites une demande d'accès à l'information. Le bureau du premier ministre, à qui on demande des études, une de Paul-André Comeau, l'autre de l'ENAP sur le même sujet, nous dit : Faites des demandes d'accès à l'information. 17 % — ça, ça vient de l'étude de l'ENAP — 17 % des organismes mettent en ligne les documents des demandes d'accès satisfaites. La divulgation automatique leur demandait de le faire. 17 %, ce n'est pas un sur cinq. 86 % des responsables affirment qu'aucun des documents transmis suite à une demande d'accès ne représente un intérêt pour le public. J'aimerais beaucoup voir la définition de ce qu'est l'intérêt pour le public de ces gens-là. On aurait beaucoup de plaisir à discuter. Je termine là-dessus, M. le Président, et ça va un petit peu dans le sens de ce que je viens de dire, la moitié ont des critères pour identifier ce qui est d'intérêt pour le public. Je m'excuse, hein, encore une fois, j'ai mon indignation à vous offrir, eux ont les renseignements, alors on va vivre comme ça, bicéphalement.

Le Président (M. Marsan) : Alors, M. le ministre.

M. Drainville : Oui, je veux juste dire, là, les deux documents dont vous parlez, là, qui faisaient l'évaluation de la politique de divulgation, là, politique de diffusion, sont sur le site du secrétariat. On s'en est assurés depuis la semaine dernière. Quand on est arrivés, ils n'y étaient pas, mais là on s'est assurés qu'ils y soient. Alors, c'est fait. Vous pourrez les consulter.

Et je pense, M. le Président, que le député de Saint-Maurice aurait une question.

Le Président (M. Marsan) : M. le député de Saint-Maurice, la parole est à vous.

M. Trudel : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Il y a un mot que j'entends beaucoup, depuis le début de votre présentation, le terme «culture». Moi, je suis du comté de Saint-Maurice. La ville principale, c'est Shawinigan. Puis chez nous, depuis une vingtaine d'années où je fais de la politique, j'ai entendu parler beaucoup de mots comme «commandites» mais aussi «Ressources humaines», «Shawinigate». Et puis depuis un certain temps on a entendu parler beaucoup ici, à Québec, de garderies, rapport Duchesneau, commission Charbonneau, et ainsi de suite. Moi, c'est une question fondamentale que je désire vous poser. On réclame aujourd'hui des modifications à la loi, mais la question fondamentale que je me pose, que je vous pose, c'est que, malgré toutes les lois qu'on peut avoir, n'est-ce pas plutôt une question de comportements, d'individus, de choix personnels? Et c'est en ça que je touche plus, là, votre terme de «culture», culture organisationnelle, ainsi de suite. Est-ce que juste changer des lois ne vient pas comme masquer une partie de la réalité? Est-ce que ça garantit l'accès du public à l'information, nécessairement?

M. Myles (Brian) : Moi, je veux être très clair là-dessus, là, la loi est obsolète. La Commission d'accès, dans l'interprétation de la loi, a évolué vers une protection exacerbée des renseignements personnels et de la vie privée, à un point tel qu'on a assimilé à des renseignements personnels l'expression d'opinion par un titulaire de charge publique. On a de la difficulté à avoir des rapports d'inspection. C'est impossible de savoir quel propriétaire a été condamné pour insalubrité de ses logements. Bref, c'est très difficile, en ce moment, de travailler vers la recherche d'intérêt public avec cette loi-là, et c'est pour ça qu'il faut un sérieux coup de barre.

Notre recommandation qui est la plus importante dans le mémoire, c'est la 17. On veut que le Commission de l'accès à l'information soit transformée, qu'elle agisse davantage comme la Commission des droits de la personne le fait, qu'elle prenne fait et cause pour le demandeur d'accès à l'information, pour casser cette culture-là. Et, sur la question précise de savoir si c'est des comportements individuels, on se l'est posée, la question. Et on se fait dire parfois cet argument-là par des parlementaires et par même des fonctionnaires. Si c'était des problèmes individuels, on ne les verrait pas apparaître aussi souvent, dans autant de ministères, avec autant de personnes, avec autant de roulement de personnel et roulement de journalistes. Les visages changent, les années passent, les gouvernements se succèdent, mais le problème de fond demeure. Alors, par conséquent, je ne peux pas accepter l'idée que ça soit juste un problème d'individus. Il y a une culture où, dès que l'information a un potentiel néfaste, qu'elle peut être dommageable, on a un réflexe de prudence et de rétention, et non pas un réflexe d'ouverture et de divulgation.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. En terminant, M. Craig, une dernière intervention.

M. Craig (Pierre) : Oui, si je peux, rapidement, la réponse à votre question, M. le député, c'est non. Une loi, ce n'est pas suffisant du tout, du tout. Le député de Fabre tout à l'heure disait : L'Assemblée nationale pourrait faire quelque chose. Une de nos recommandations, c'est que la première ministre du Québec prenne le leadership de cette affaire-là. Je pense qu'il faut aller plus loin que ça encore. Il faut que l'Assemblée nationale prenne le leadership, il faut qu'il y ait — je présume que vous pensiez à ça — qu'il y ait une résolution unanime de l'Assemblée nationale. La CAQ disait dans les journaux ce matin : Nous autres, on veut que le refus de fournir des documents soit l'exception. Moi, je pense qu'au plus haut niveau de l'État et surtout de vous, les représentants du peuple, il faut que ça soit dit clairement que ça suffit. Tu sais, ce n'est pas un complot, là. Ils ne sont pas méchants, les fonctionnaires qui nous disent non, il n'y a pas de méchanceté là-dedans. L'impression que j'ai, c'est qu'ils aimeraient ça nous les donner, mais ils ont peur. Comme on dit en bon Québécois, ils ont la chienne. Il faut donc aller au-delà de ça, leur dire : Nous voulons que ce soit fait. Pas faire comme la ville de Montréal, qui a suspendu pendant cinq jours — très bon message, ça va marcher 100 %, cette affaire-là — qui a suspendu pendant cinq jours un fonctionnaire courageux, qui devrait avoir une médaille de l'Assemblée nationale, parce que lui, il a eu le courage de dénoncer quelque chose qui ne marchait pas.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. Craig. Ceci termine le premier échange, avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je m'excuse que j'étais en retard parce que je siégeais à une autre commission parlementaire. Alors, excusez-moi. Il y a beaucoup de questions, donc, très vite… Ce n'est pas dans votre mémoire comme tel ni dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès dont cette commission est chargée de faire l'étude, mais j'aimerais vous demander si vous avez des commentaires, si vous avez des observations à partager avec nous sur le système mis en place dans d'autres juridictions, aux États-Unis par exemple, où on a introduit la notion d'«expedited process», un système qui fait en sorte que les demandes d'accès présentées par des journalistes sont traitées en priorité. Comment verriez-vous cela? Est-ce que ça serait une façon de réduire les délais dans le traitement d'une demande et la divulgation d'information? Est-ce que ça serait une façon d'incarner la notion d'intérêt public, qui est soulevée à plusieurs reprises dans votre mémoire?

Le Président (M. Marsan) : M. Myles.

M. Myles (Brian) : On ne demande pas un traitement préférentiel, et ça ne réglerait pas le problème de fond. Le problème de fond, ce n'est pas qu'il y a trop de demandes puis que les gestionnaires n'ont pas le temps, c'est que la mécanique est plus complexe. On multiplie les exceptions, en retient les documents et on rend la chose plus proche d'un tribunal de droit commun.

Je vais vous donner un exemple. Daniel Tremblay, pour ne pas le nommer — tout le monde le connaît sous le pseudonyme de DT, en accès à l'information — avait demandé des renseignements sur les orphelins de Duplessis. À l'origine, on lui a signifié qu'il devrait y en avoir pour deux semaines d'audience. Alors, d'être journaliste ou pas ne change rien à ces délais-là. Les délais sont dus au fait que l'on multiplie les entraves à la divulgation, et c'est pour ça qu'on demande à ce que le rôle de la commission se transforme et que déjà, dès le départ, ils agissent comme une espèce de... comme la Commission des droits le fait, ex parte, s'il le faut, et, quand un document est refusé, qu'ils aillent tout de suite s'enquérir auprès de l'organisme, dire : Pourquoi vous avez refusé et à quel but? Est-ce que c'était justifié, oui ou non?, pour être capable d'avoir une décision rapide. Parce qu'en ce moment, c'est absurde, on peut avoir des journalistes qui sont pendant une semaine de temps dans un tribunal, dans le couloir, à attendre pendant qu'on plaide leur cause, parce que c'est trop sensible. Le simple fait de plaider des arguments va révéler des informations sur le document que le journaliste recherche, alors on fait la chose à huis clos, en son absence. On veut une transformation du rôle de la commission pour qu'elle ait plus de dents, plus de mordant et un souci pro-information. Et, que ce soit pour les journalistes ou pour le public, à notre avis, c'est du pareil au même.

M. Craig (Pierre) : Juste un petit complément, M. le Président, si vous permettez…

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Craig.

M. Craig (Pierre) : …on veut que la commission entende rapidement, effectivement, les arguments, mais on veut aussi qu'en cas de refus de l'organisme la commission prenne fait et cause pour le demandeur. Si la commission dit à l'organisme : Vous devriez donner le document, et que l'organisme continue à refuser, ce qu'on demanderait, c'est que les procureurs de la commission deviennent les procureurs du demandeur, soient ses avocats, bref que la commission joue son vrai rôle de chien de garde du droit du public à l'information.

Le Président (M. Marsan) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Dans votre mémoire, vous faites état des délais indus, d'importants retards dans l'examen des refus de divulgation des documents suite à des demandes d'accès. Vous recommandez que les fonctions de la commission soient scindées en deux, comme le modèle qu'on retrouve en matière de droits de la personne, qu'il y ait une section qui mène des enquêtes et une section qui ait une fonction de tribunal.

Que pensez-vous du modèle qui existe dans d'autres provinces, par exemple en Alberta, où le Commissariat à l'information mène d'abord une enquête quand il y a une plainte parce qu'un organisme a refusé de divulguer un document? Durant cette enquête, on offre un processus de médiation entre l'auteur de la demande d'accès et l'organisme qui l'a traitée. Et par la suite, si les parties n'arrivent pas à une entente ou à s'entendre, l'affaire est soumise au commissaire, qui rend une ordonnance. Est-ce que ce modèle, ce serait un modèle qui vous plairait?

• (16 h 50) •

Le Président (M. Marsan) : M. Myles.

M. Myles (Brian) : Je vous réponds à chaud, parce que je n'ai pas étudié les fins détails du modèle, mais ça ressemble un peu à ce qu'on propose et ce que la Commission des droits fait dans le domaine des droits de la personne. Et ce qu'on veut, dans le fond, on partage cette préoccupation-là, c'est d'accélérer... À partir du moment où un organisme refuse, on veut court-circuiter l'inaction, accélérer la procédure par laquelle on va forcer la divulgation ultimement et que les demandes qui se rendent sur le fond à la Commission d'accès, avec un débat, soient réservées à des véritables enjeux qui posent problème, ne serait-ce que pour préserver une enquête de police, des droits fondamentaux, mais qu'on soit en mesure de circonscrire au strict minimum les causes difficiles et complexes devant la commission d'accès. Alors, la réponse, oui, sous réserve de l'étudier davantage, ce modèle-là, ça pourrait être une très belle option.

Il y a une chose que je voudrais dire aussi — ou à moins que tu veuilles le préciser — sur la séparation. On ne voit pas d'un bon oeil la séparation du renseignement personnel et de l'accès à l'information. On a décidé, il y a 30 ans, de jumeler les deux. On est d'accord avec ça. Nous, ce qu'on craint, c'est que, si on sépare comme le fait le modèle fédéral, on va avoir deux organismes qui se disputent l'un et l'autre, un qui voudrait plaider pour l'information, l'autre, pour les renseignements personnels, et au final on ne sera pas mieux servis du point de vue journalistique.

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Robillard.

M. Robillard (Claude) : Oui, bien, ce que je voulais ajouter, c'est que dans notre proposition c'est vraiment d'essayer de rétablir aussi l'équilibre des forces. Parce qu'en ce moment, quand on voit des organismes publics arriver avec un gros bureau d'avocats contre un pauvre plaideur en révision, la disproportion des forces est trop considérable. Avec notre proposition, c'est que la Commission d'accès devient un militant pour l'accès. C'est un organisme qui défend l'accès, qui promeut l'accès, qui fait en sorte que ça existe. Et, quand la commission dirait : Ce document-là est public, si l'organisme refuse, c'est la commission qui met ses propres procureurs en opposition aux procureurs de l'autre, de l'organisme public, et donc, à ce moment-là, l'organisme public sait qu'il va avoir affaire à forte partie, et ce n'est plus le demandeur qui a sur ses épaules le fardeau d'engager des avocats, ce qu'il ne peut pas faire, etc.

Le Président (M. Marsan) : Merci. Madame...

Mme de Santis : Combien de temps il reste, s'il vous plaît?

Le Président (M. Marsan) : Une dizaine de minutes. Allez-y, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci. Dans votre mémoire, vous abordez ce que vous appelez la politisation du rôle, des fonctions du responsable de l'accès au sein de l'organisme public, peu importe que ce soit au niveau de la province ou une municipalité assujettie à la Loi sur l'accès. C'est pour le moins ironique, car, quand la législation a été développée, c'était justement pour marquer l'importance de l'accès comme outil pour favoriser l'imputabilité et la transparence que le législateur avait décidé de confier cette responsabilité au premier dirigeant de chaque organisme public assujetti à la loi. Si on comprend bien les commentaires et recommandations à ce sujet dans votre mémoire, il faudrait que le responsable de l'accès ne relève pas de l'organisme où il gère l'accès. Le responsable relèverait fonctionnellement de l'organisme dont il est le responsable de l'accès mais hiérarchiquement du ministère du Conseil exécutif responsable des dossiers des institutions démocratiques et la participation des citoyens. Vous aimeriez voir que soient séparés, que soient distincts ces liens hiérarchiques et fonctionnels. Est-ce que c'est ça?

M. Myles (Brian) : C'est exact. On voudrait être en mesure d'éviter que le gestionnaire d'accès, le responsable soit soumis à un risque de politisation et que les demandes sensibles remontent tout de suite au cabinet, au ministère et soient bloquées. Cette solution-là nous apparaît être une bonne façon, mais on est ouverts à toute réflexion, le but étant de donner un peu une zone de confort à la personne qui prend la décision pour qu'elle puisse la prendre à la face même du document et de la loi qu'elle a à interpréter, et non pas des qu'en-dira-t-on et du potentiel de dommage qui pourrait être causé par la divulgation de l'information. Parce que la réalité, c'est ça. C'est que, dès que l'information est sensible, c'est là que ça bloque dans la machine.

Mme de Santis : Merci.

Le Président (M. Marsan) : Mme la députée... M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Bien, je vais céder la parole, mais j'aimerais avoir une petite minute à la fin.

Le Président (M. Marsan) : Alors, Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci beaucoup. Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. C'est un plaisir de vous voir. Vous avez parlé évidemment de transparence, de politique de divulgation automatique. Vous avez parlé d'une déclaration claire de la première ministre en faveur d'un plus grand accès à l'information. Mais, de votre côté, la Fédération professionnelle des journalistes, quel est le message que vous envoyez à vos membres, c'est-à-dire en termes d'éthique, en termes de jugement, en termes de présentation de l'information? L'information, lorsque vous la recevez, elle doit être traitée, et il y a des réputations qui peuvent être considérablement amochées. Alors, je me demande : Est-ce que de votre côté, si c'est, pour vous... Évidemment, c'est, pour vous, très, très important, ce que vous demandez à la commission, ce que vous demandez au ministre, au gouvernement, mais en même temps, de votre côté, est-ce que vous avez des engagements à prendre, par rapport à la manière, la façon dont l'information peut être traitée? Parce que je sais que les médias, vous le savez, les médias sont en compétition les uns envers les autres. Il y a des médias qui peuvent aller très rapidement avec une information, sans aller vérifier si tout ça est exact ou pas, et il y en a d'autres qui vont prendre plus de temps. Il y a des médias qui ont beaucoup d'argent, il y en a qui n'en ont pas. Il y a des petits journalistes, dans des régions, qui peuvent être victimes d'une demande d'accès à l'information. Alors, il y a quand même des choses, là, de votre côté, sur lesquelles vous devriez... En fait, est-ce que vous avez réfléchi sur certaines choses? Je comprends que M. Craig est en colère, mais il peut y avoir des gens qui sont en colère aussi.

M. Craig (Pierre) : Oui, mais on… je peux la calmer, je peux la calmer.

Le Président (M. Marsan) : Allez-y, M. Craig.

M. Craig (Pierre) : Mais, vous savez, Mme St-Pierre, Saint-Juste disait : Je suis totalement contre ce que vous dites, mais je me battrai pour vous permettre d'exprimer votre opinion. Oui, transmettre l'information au public ou aux journalistes, ça peut faire mal à des gens, ça peut faire mal à des politiciens, ça peut faire mal au gouvernement, mais ce n'est pas une raison pour ne pas la transmettre. La raison est simple : elle ne vous appartient pas, elle ne nous appartient pas, elle appartient au public. L'information...

Mme St-Pierre : Non, mais comprenez-moi bien, là, ce n'est pas ça que j'ai voulu dire.

M. Craig (Pierre) : Non, non, je vais juste finir en deux secondes. L'information appartient au public. Il est possible que des journalistes fassent mal leur boulot puis fassent des coches mal taillées. Il y a des instances où ces choses-là se règlent, mais... Il est possible, oui. Mais est-ce qu'on va dire : On transmet l'information, oui, mais… ou on dit : On transmet l'information?

Mme St-Pierre : Sur les délais, qu'est-ce qui serait, pour vous, raisonnable? Je vous comprends, sur les délais, parce que j'ai eu une expérience récemment, une déclaration qui a été faite en commission parlementaire concernant le ministère dont j'ai eu la responsabilité. J'ai demandé à l'attaché de presse l'information. On m'a répondu : Faites une demande d'accès à l'information. Alors, j'avais 30 jours. L'information venait de sortir.

M. Craig (Pierre) : Il vous a prise pour une journaliste.

Mme St-Pierre : Alors, voilà. J'ai été moi-même assez abasourdie de la réponse. Et qu'est-ce qui serait, pour vous, acceptable? Parce que peut-être qu'il faut le chercher, le document, puis, si ça fait des années que c'est perdu, c'est dans les archives, ça peut prendre du temps. Est-ce que vous dites : Il y a des choses qui devraient être immédiatement diffusées, aussitôt que l'information est prête, et qu'on n'ait pas à faire de demande d'accès à l'information, ou vous faites une demande d'accès à l'information? Comment vous voulez que ça soit géré, ça?

M. Myles (Brian) : On a regardé un peu du côté fédéral, où on est un petit peu plus proactif, en première instance, pour favoriser la divulgation de l'information, et on constate que là-bas les délais de traitement, ultimement, là, c'est de deux à six mois, et c'est réglé, et 97 % des dossiers se règlent sans qu'il soit nécessaire de faire une audience au fond. Ça, ça peut être une belle façon de l'envisager. Transformer le rôle de la Commission d'accès, c'est permettre de réduire les délais. Je n'ai pas un chiffre en tête, je ne vous dirai pas 30 jours, 60 jours, mais je vous dirai : Les réduire au strict minimum, couper court aux arguties judiciaires, à la procédurite, aux exceptions déclinatoires, privilégier l'intérêt public au détriment de la protection des renseignements confidentiels, qui parfois n'en sont pas vraiment, c'est là qu'on veut agir. Écoutez, le cas d'Hydro-Québec a pris quatre ans. Qu'est-ce que le recherchiste de La Presse aurait trouvé, dans ces documents-là, qui était pertinent il y a quatre ans, on l'ignore, mais ça n'obéit pas à un principe de saine gouvernance, ni pour un gouvernement ni pour les journalistes, d'attendre aussi longtemps des informations qui sont pourtant publiques.

Le Président (M. Marsan) : M. le député de Fabre.

• (17 heures) •

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Vous permettrez... Merci pour vos observations, là. Je vais aller à l'essentiel et je ne peux pas m'empêcher de ne pas faire suite aux propos de M. Craig sur le dossier... En fait, M. Myles aussi a parlé du dossier Hydro-Québec et de l'intervention du Barreau. Moi, je suis fier du rôle joué par le Barreau, la protection du public, mais je ne suis pas d'accord avec tout ce que fait le Barreau. Et je n'étais plus bâtonnier au moment où le Barreau a pris cette position-là. J'ai tout de même un devoir de réserve et je ne ferai pas de commentaire sur cette position-là. Ceci dit, je pense que c'est une excellente décision de la Cour du Québec.

Un dernier point, avant de vous donner l'occasion de répondre, vous avez tantôt fait référence à mes propos au niveau des valeurs, et je pense qu'effectivement vous avez interpelé la première ministre. Pour ma part, je pense que c'est le devoir de tous les députés, et ce message-là doit être porté par l'Assemblée nationale. Je réfère continuellement au code de déontologie et aux valeurs que nous avons adoptés en 2010, et, pour moi, ça doit partir de là. L'obligation de rechercher la vérité, c'est une obligation à laquelle... qui s'applique à tous les députés, dans toutes les facettes de notre rôle, députés, qu'on soit ministre ou pas. Et ça, je pense que, si on partait de là, ce serait... Parce qu'au-delà de la loi… Malheureusement, là, ce n'est pas quand on écrit dans une loi… On va toujours trouver une façon de... les gens vont soulever des arguments contre ou invoquer des exceptions. Alors, il faut bien rédiger les lois, je le dis tout le temps, simples, claires, efficaces, mais il faut aller au-delà de ça, et, pour moi, c'est une question de mentalité et ça doit partir de l'Assemblée nationale. Voilà.

M. Myles (Brian) : Bien, on dit qu'il y a un problème culturel, et, pour nous, la solution, c'est une solution totale, c'est l'appel du pied de la première ministre, c'est aussi une loi la plus simple possible, c'est des sanctions également, pour les fautifs qui vont faire de la rétention d'information, et c'est de revenir à la base. L'information est un bien public, et la Loi d'accès n'est pas là simplement pour les journalistes, elle est là pour les citoyens également. Alors, à mon avis, il nefaut pas se soucier que l'information puisse être dommageable ou non pour d'éventuelles réputations. Il faut se préoccuper de savoir si... Est-elle publique, oui ou non? Doit-elle être divulguée au nom de l'intérêt public? Le cas des firmes de génie-conseil qui obtiennent des renseignements que l'on refuse à des journalistes, ce n'est quand même pas banal, et on voit à quel point il était utile et pertinent d'obtenir ces informations-là, en ce moment. Alors, pendant des années la commission a été un peu molle dans les sanctions, pour ne pas dire tout à fait inefficace, et elle s'est laissé gagner par les arguments de protection du renseignement personnel et de la vie privée. Moi, je vous invite à donner un sérieux coup de barre et ramener ça vers la divulgation au nom de l'intérêt public et du nécessaire lien de confiance entre la population et la classe politique.

M. Craig (Pierre) : Dans le fond, si vous permettez, M. le Président…

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Craig, en terminant.

M. Craig (Pierre) : …il ne s'agit pas d'inventer la roue. Je regardais la loi d'accès à l'information ce matin. C'est une belle loi qui date de 1982. L'article 9, qui est, dans le fond, l'article fondateur — en télévision, on appelle ça l'idée maîtresse, Mme St-Pierre, vous vous en rappelez, M. Drainville aussi — ça dit — et c'est vraiment le premier article après les définitions : «Toute personne — toute personne — qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.» Là, il y a un point après ça. Ça devrait être ça, le principe. Et je suis sûr que tous les députés de tous les partis doivent se mettre ensemble pour mettre l'épaule à la roue. Mes collègues m'ont demandé de vous dire ça.

Vous savez, moi, ça fait 10 ans que j'anime La facture, et ce que j'ai constaté, en 10 ans, c'est que le citoyen rapetisse de plus en plus. Vous le savez, M. le député, j'ai fait une entrevue avec vous sur l'accès à la justice. Le ministre de la Justice de l'époque, M. Fournier, disait : Trop long, trop cher. Les citoyens n'ont pas accès à la justice. La juge en chef de la Cour suprême du Canada, Mme McLachlin, dit : Les citoyens... la classe moyenne n'a pas accès à la justice. Le citoyen rapetisse face au monde marchand et face aux pouvoirs publics de façon constante et inexorable. L'accès à l'information, c'est un des derniers boucliers que vous, les élus du peuple... Vous savez, c'est des grands mots, là, mais je pense que c'est important de les redire. Je regardais le film Lincoln il y a quelques jours. Je vous conseille de le regarder. C'est un film assez inspirant. Je pense qu'il y a des grands moments. Et je pense que le travail que vous faites sur la loi d'accès à l'information est un de ces grands moments là, un moment qui vous donne l'occasion de redonner un minimum d'existence et de pouvoir aux citoyens.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. Myles, M. Craig, M. Robillard, de nous avoir donné le point de vue de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je vais inviter les gens qui représentent le Québec ouvert et le Nord ouvert à venir se présenter à cette table.

Et nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous remercie.

Il nous fait plaisir d'accueillir M. Jonathan Brun, qui est le cofondateur de Québec ouvert. M. Brun, ça nous fait plaisir de vous avoir avec nous. Vous avez une dizaine de minutes pour nous présenter le point de vue de votre organisation.

Québec ouvert et Nord ouvert inc.

M. Brun (Jonathan) : Bonjour. Merci. Alors, aujourd'hui, je représente non seulement Québec ouvert en tant que cofondateur, mais également l'organisme Nord ouvert, donc je porte deux chapeaux. Très brièvement, donc en 10 minutes, on va faire le plus possible.

Juste pour un petit survol, Québec ouvert est une initiative citoyenne pour promouvoir l'accès aux données publiques du gouvernement du Québec. Donc, initiative citoyenne, il n'y a pas de structure légale, il n'y a pas de financement. On milite, on organise des événements et on travaille… on essaie de sensibiliser les élus et les fonctionnaires, et notamment on travaille avec des élus des trois grands partis, on travaille avec M. Drainville, M. Gautrin et M. Duchesneau. Donc, on fait le tour, on est non partisans et on promouvoit les données ouvertes.

Nord ouvert, à côté, est un organisme à but non lucratif, incorporé, financé, qui effectue des projets avec les données du gouvernement, non seulement le gouvernement du Québec, mais également les municipalités et le gouvernement fédéral. Donc, Québec ouvert, on milite, on fait du lobbying, Nord ouvert, on effectue des projets. Et je suis cofondateur des deux. Je siège sur le C.A. de Nord ouvert.

• (17 h 10) •

Alors, les données ouvertes, très brièvement, je pense que c'est bien décrit dans nos mémoires ainsi que dans les mémoires des autres organismes. Mais ce qu'on souhaite, c'est un accès aux données publiques du gouvernement du Québec, dans des formats ouverts et numériques, avec une licence qui permet la réutilisation, donc, très brièvement, pas des PDF, mais plutôt des bases de données ou des fichiers Excel, avec une licence qui permet aux entrepreneurs, aux organismes et aux citoyens de prendre ces informations et de créer des outils, de les mélanger avec d'autres informations pour produire quelque chose de valeur aux citoyens.

Comme vous le savez probablement, le Québec se classe dernier parmi les provinces, au point de vue accès à l'information, selon l'organisme Newpapers Canada, donc de quoi être très fier. Alors, nous croyons qu'il y a beaucoup de travail à faire et on est ici pour vous aider. On n'est pas ici pour faire la guerre ou pour vous engueuler, mais pour vous aider et pour vous donner quelques pistes de réflexion et quelques outils qui pourraient faire avancer le Québec en matière de transparence et accès aux informations publiques.

On comprend que vos emplois, en tant que députés, sont très difficiles, très chargés. Vous avez beaucoup d'obligations et à tous les quatre ans, plus ou moins, vous devez demander de garder votre emploi, et on comprend ces contraintes. Mais nous croyons que c'est fondamentalement vous qui devez prendre un rôle de leadership, comme il a été souligné… les personnes juste avant moi. Si les fonctionnaires ne voient pas de leadership, en matière de transparence, parmi les élus, les fonctionnaires ne vont pas avancer en matière de transparence. Donc, premièrement, il faut que les députés prennent ça en main. Et, encore une fois, on est là pour vous aider.

Comme également, je vais essayer de ne pas répéter ce que les autres ont dit, mais je crois fondamentalement que la loi d'accès à l'information, c'est un geste... ou la réforme est quelque chose qui affecte tous les départements, tous les ministères et donc qui est extrêmement important. Si on réussit à bien faire la réforme, ça peut véritablement améliorer la qualité de vie de tous les Québécois et Québécoises. Je le crois, et nos organismes le croient. Donc, on est ici pour vous aider. C'est vraiment une opportunité de faire un grand pas vers l'avant si on le souhaite. Ça peut, bien sûr, nous aider au point de vue de la lutte contre corruption, la qualité des services, santé, éducation. Vraiment, ça affecte tout et c'est assez rare qu'on voie des projets de loi qui vont affecter tous les ministères et tous les citoyens.

Et fondamentalement, cette réforme, on l'espère, va permettre de restaurer la confiance des citoyens envers leur gouvernement, parce que, je crois, très souvent, lorsque les citoyens font des demandes d'accès à l'information, elles sont refusées. C'est une société... Le gouvernement du Québec est très... Il y a beaucoup de secrets, on divulgue très peu, et les citoyens se disent : Bien, le gouvernement ne m'écoute pas. Le gouvernement est là-bas, à Québec, sur la colline parlementaire. Ils font leur truc, et ça ne m'affecte pas, et je n'ai aucune influence sur le gouvernement. Et, lorsque les citoyens croient ça, ils se désengagent. Ils ne participent plus aux commissions, ils ne participent plus aux consultations, et on devient une société avec deux groupes, des élus et des citoyens, qui ne se parlent plus et qui ne se respectent plus.

Je veux citer trois exemples, très rapidement, de demandes d'accès à l'information, au Québec, qui n'ont pas fonctionné. Premièrement, un journaliste que je connais bien a fait une demande d'avoir une liste de tous les documents vendus par le gouvernement du Québec, et cette liste a été fournie en PDF encrypté. Donc, au lieu de fournir une base de données avec tous les documents vendus, les montants, les prix, la réponse a été en fichier PDF encrypté, et il a dû dépenser beaucoup d'heures, beaucoup d'argent pour décrypter ce document, pour ensuite pouvoir le mettre dans une base de données et comptabiliser les revenus qui ont été tirés de la vente de ces documents. Donc, bref, ils ont mis les bâtons dans les roues de ce journaliste pour réduire sa capacité de communiquer avec le public.

Un autre exemple, que moi, j'ai fait personnellement, j'ai fait une demande d'avoir les inspections de salubrité des établissements alimentaires depuis 2005 pour Québec. Est-ce que les restaurants ont reçu des amendes? Est-ce qu'ils ont réussi leurs inspections de salubrité? Est-ce que les inspections ont été effectuées, etc.? Et j'ai été refusé. Les seules informations qu'on a au Québec, à propos de la salubrité de nos établissements alimentaires, sont les amendes parce que ça a passé par le système judiciaire. Si on compare ça à d'autres endroits au Canada ou aux États-Unis, lorsqu'on va à Toronto, lorsqu'on va dans plusieurs autres villes en Amérique du Nord, lorsqu'on entre dans un restaurant, on voit, affiché sur la porte, est-ce que le restaurant a été inspecté, est-ce qu'il a réussi, est-ce qu'il a reçu un avertissement, est-ce qu'il a reçu une amende, ce qui permet au citoyen, au consommateur de prendre des décisions. Est-ce que je souhaite manger dans un restaurant qui a reçu cinq avertissements de manque de salubrité depuis 2010? Et bien sûr ça met de la pression sur les restaurateurs de garder leurs établissements propres. Et, quand ils ont implanté ce système à Los Angeles, le taux d'intoxication alimentaire a baissé de 25 % en trois ans. À Los Angeles, ça équivaut à peu près à 1 000 personnes qui ne sont pas allées à des hôpitaux pour se faire traiter pour l'intoxication alimentaire, donc ça veut dire des journées de congé qui n'ont pas été prises. Ça aide l'économie. Ça met moins de pression sur les hôpitaux, sur les cliniques et sur les familles, bien sûr. Et ça, c'est les personnes qui sont allées à l'hôpital. Il y a beaucoup de personnes qui ont des intoxications alimentaires qui restent chez eux. Donc, on voit qu'en divulguant de l'information on peut sauver des vies. On a également l'exemple des informations pour la maladie légionnelle… ou C. difficile, excusez-moi, C. difficile. Lorsqu'on a divulgué les résultats des hôpitaux, ça a aidé à réduire la transmission de cette maladie.

Dernier exemple, les amendes qui sont données par l'intérim des lois environnementales au Québec. J'ai fait une demande. J'ai également une entreprise à but lucratif qui travaille dans ce milieu. Et on a reçu... J'ai demandé toutes les amendes qui ont été données depuis l'an 2000, et on a reçu un document écrit à la main avec une liste des amendes qui ont été données depuis 2000, ce qu'on a dû retaper, le mettre dans une base de données, pour ensuite écrire un rapport et expliquer au public que ces amendes ont été données ou... très peu d'amendes ont été données, en réalité. Mais c'est toujours un exemple de mettre des bâtons dans les roues des personnes qui souhaitent améliorer le Québec.

Alors, je vais conclure avec un dernier exemple. Au Royaume-Uni, il y a un portail Web qui s'appelleWhatDoTheyKnow?, donc ce qu'on peut traduire «Je veux savoir» ou «Qu'est-ce qu'ils savent?», qui permet aux citoyens de faire les demandes d'accès à l'information au gouvernement, et les réponses sont affichées sur ce même portail. Donc, si le gouvernement répond avec des informations, c'est affiché sur le portail, donc on ne va pas faire la même demande deux fois, et en moyenne, ces demandes, les résultats sont consultés plus de 20 fois. Donc, on peut économiser des ressources au gouvernement en mettant en place un portail comme ça. Et plus de 15 % des demandes d'accès à l'information au Royaume-Uni maintenant passent par ce portail. Et c'est un portail qui n'est pas géré par le gouvernement. C'est un portail qui est géré par un organisme à but non lucratif, et qui envoie des demandes au gouvernement, et qui reçoit les réponses. Également, on voit les temps, les délais pour les réponses, donc on peut voir la performance de chaque ministère et de chaque département au Royaume-Uni, point de vue… en temps réel, point de vue… l'accès à l'information. Alors, ça, ça tombe un petit peu dans l'accès proactif.

Et, parmi nos recommandations qui sont énumérées dans nos mémoires, c'est notamment d'obliger lesdépartements à répondre en format numérique et ouvert, les bases de données, pas des fichiers PDF, etc. Et je veux juste conclure en disant que je crois fondamentalement que c'est les députés qui doivent prendre un rôle de leadership là-dedans, sinon les fonctionnaires ne vont jamais suivre.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Bonjour, M. Brun. Allons-y tout de suite avec le contenu. L'actuelle licence du gouvernement québécois qui est appliquée au site données.gouv.qc.ca, qu'est-ce que vous en pensez? Et qu'est-ce qu'on devrait faire pour l'améliorer? Je note, dans votre mémoire, que vous suggérez que le Québec adopte la licence gouvernement ouvert, Open Gov, qui est utilisée par la province de Colombie-Britannique. Alors, quelle est la différence entre la licence qui est actuellement appliquée au site québécois données.gouv.qc.ca… Et qu'est-ce que nous permettrait... quel bénéfice supplémentaire obtiendrions-nous si nous utiliserions la licence qui est utilisée, donc, par le gouvernement de la Colombie-Britannique ou par l'État de la Colombie-Britannique?

• (17 h 20) •

M. Brun (Jonathan)  L'an dernier, en 2012, le Conseil du trésor nous a demandé de préparer un document avec nos recommandations juste à propos de la licence. On l'a fait. On l'a envoyé. Je ne l'ai pas devant moi, mais de mémoire je crois que, la licence du Québec, le gouvernement retient la possibilité de retirer les données du portail sans préavis, ce qui nuit au développement des logiciels, dans le sens que, si quelqu'un va investir son temps et son argent pour développer un logiciel qui va prendre des données du portail du gouvernement du Québec, et, du jour au lendemain, le gouvernement du Québec peut dire : On enlève ces données, et donc le site Web qui utilise les données va tomber en panne, bien le développeur, ou l'entreprise, ou l'organisme à but non lucratif va être moins enthousiaste de créer telle application.

On prend l'exemple Resto-Net, qui est un site Web qui affiche les amendes en matière de salubrité des restaurants. C'est un site Web qui est basé sur les données du gouvernement. Mais ces données... la licence qui est disponible en ce moment n'est pas suffisante pour justifier plus d'investissement dans le site Web. Donc, ça veut dire... C'est un exemple parmi d'autres, mais... Honnêtement, je n'ai pas toutes mes recommandations devant moi pour la licence, mais le problème fondamental… La licence, il faut l'améliorer, oui, mais, si on n'a pas de données, la licence ne nous sert pas à grand-chose non plus. Donc, en priorité, je pense qu'il faut régler le problème de publication de données et de la loi d'accès à l'information avant même qu'on commence à penser à améliorer la licence.

M. Drainville : Donc, vous, vous militez pour une politique de données ouvertes?

M. Brun (Jonathan) : Oui.

M. Drainville : Pouvez-vous nous dire concrètement, là, pour les gens qui nous écoutent puis qui ne sont pas nécessairement familiers avec cette question-là, qu'est-ce que ça changerait, une politique de données ouvertes? D'abord, qu'est-ce qu'on a présentement, selon vous, au Québec, là? Ça s'appelle comment?

M. Brun (Jonathan) : Bien, il n'y a rien. Il n'y a rien. Il y a un portail de données ouvertes, mais, à ma connaissance, il n'y a pas de politique annoncée par le gouvernement. Ça aurait été le gouvernement précédent. Mais, à ma connaissance, il n'y a pas de politique officielle qui a été émise par le bureau du premier ministre ou par n'importe quel ministère à propos de la publication des données en format ouvert, à ma connaissance.

M. Drainville : Ça veut dire quoi, ça, des…

M. Brun (Jonathan) : Donc, on pourrait...

M. Drainville : «Données ouvertes», ça veut dire quoi, ça, très concrètement?

M. Brun (Jonathan) : Donc, les données ouvertes, juste pour peut-être prendre un peu de recul, les données ouvertes, il y a plusieurs critères qui sont énumérés dans notre mémoire, mais, version courte, c'est publié dans des formats ouverts. Donc, un PDF, en réalité, c'est un format propriétaire, et le format appartient à l'entreprise Adobe, juste comme le format DOC appartient à l'entreprise Microsoft ou l'entreprise... ou il y a différents formats. Donc, au lieu de publier dans des formats qui sont contrôlés par les entreprises privées, c'est de publier dans des formats qui sont ouverts, donc qui peuvent être lus par n'importe quel logiciel libre. Donc, au lieu d'un fichier XLS, qui est Excel, c'est publier en CSV. Donc, ça, c'est sans rentrer dans tous les détails techniques. Mais c'est publier dans des formats qui peuvent être lus sans avoir besoin d'aller acheter un logiciel qui appartient à une entreprise particulière. Ensuite, c'est de publier avec une licence qui permet la réutilisation et finalement d'offrir ces données dans un endroit centralisé qui est permanent, qui ne bouge pas et qui est alimenté d'une façon continue. Donc, ça, c'est peut-être les trois critères parmi 12, mais, si on faisait ces trois, déjà, ce serait formidable.

Et, pour répondre à la question de la politique, par exemple, à Montréal, ils viennent d'annoncer une politique, donc c'est une politique qui a été votée au conseil de la ville… comité exécutif, excusez-moi, qui oblige maintenant les différents départements de la ville de Montréal à publier de l'information en format ouvert. Comme ça, les fonctionnaires qui souhaitent publier en format ouvert ou même les citoyens peuvent dire : Non, vous avez publié en fichier PDF. Maintenant, vous êtes obligés de publier en format ouvert. Et c'est la même chose qu'on a faite aux États-Unis, auRoyaume-Uni. Ça peut être un règlement, ça peut prendre différentes formes. Aux États-Unis, il y avait un «executive order», je crois, qui a été émis par le président Barack Obama, qui dit : Vous êtes obligés de publier en format ouvert et, non seulement ça, vous êtes obligés de publier des ensembles de données importants. Donc, pas simplement l'état des patinoires, mais plutôt les dépenses de votre ministère devraient être disponibles sur votre site Web ou sur le portail des données ouvertes, en format ouvert. C'est important de publier des données qui ont de la viande, qui ont de la chair. Donc, ça peut prendre différentes formes, point de vue légal, mais, à ma connaissance, au Québec, pour le gouvernement du Québec, il n'y a pas encore de politique de données ouvertes. J'espère que ça répond à votre question.

M. Drainville : Oui, absolument. La publication de données brutes en format ouvert, donc des données brutes qui ne sont pas organisées, est-ce que ça ne risque pas de mener certains à dire... ou d'amener certains à dire : C'est incompréhensible, c'est impossible d'utiliser cette information-là parce que justement c'est une information qui est brute, qui est pêle-mêle, qui n'est pas facile à comprendre? Et donc est-ce que ça ne risque pas de mener à l'effet contraire que l'on désire? Ce qu'on désire, dans le fond, c'est que le public ait davantage accès à l'information. Certains pourraient nous accuser de chercher plutôt le contraire en, comment dire, libérant des tas de données qui ne sont pas organisées. Alors, toute la fonction, je dirais, vulgarisation, organisation de la matière, transmission de cette matière-là dans une forme ordonnée est perdue. Certains pourraient dire : Bien, moi, je ne veux pas les données brutes, je veux que ces données-là soient rendues publiques, oui, sur un site, oui, mais je veux être capable de les comprendre, je veux être capable d'en saisir le sens. J'aimerais ça que vous me répondiez à cet argument-là.

M. Brun (Jonathan) : Oui. Juste pour clarifier, quand on dit «données brutes», ça ne veut pas dire les données qui ne sont pas organisées. Donc, nous, ce qu'on souhaite, quand on dit «données brutes», il faut imaginer des immenses bases de données, par exemple des contrats. Bon, comme dans un fichier Excel, on va avoir une colonne qui va être le nom de l'entreprise, le montant, le contrat, la date, etc. Donc, c'est des données qui sont organisées. Oui, ça peut être des ensembles de données immenses, qui ne sont pas nécessairement compréhensibles en cinq minutes. Mais, comme les personnes avant moi ont indiqué, ça, c'est le rôle des journalistes, des citoyens, des entreprises, des organismes à but non lucratif de prendre ces données, de les traiter et de les rendre accessibles à M. et Mme Tout-le-monde.

Alors, on prend l'exemple de Resto-Net, qui prend les données du MAPAQ et qui les affiche sur son site Web avec une carte qui permet de voir quel restaurant a reçu quelle amende à quelle date. Ça a reçu plus de 125 000 visites en 18 mois, je crois. PatinerMontreal est un autre site, qui affiche l'état des patinoires extérieures de la ville de Montréal. Donc, ça, ce sont des données qui sont publiques et qui sont disponibles sur le site Web de la ville de Montréal ou le site Web du MAPAQ, mais c'est des fichiers qui sont difficiles à lire. Il faudrait passer un après-midi à faire ça. Mais des développeurs en informatique prennent ça puis créent des applications pour téléphones intelligents ou pour sites Web, qui facilitent la compréhension.

Mais, juste pour conclure, je ne veux pas qu'on confonde gouvernement ouvert, données ouvertes et loi d'accès à l'information. Le but ultime du mouvement des données ouvertes, qui est international et qui se retrouve dans plusieurs pays à travers le monde ou beaucoup de pays à travers le monde, c'est de passer d'un gouvernement qui est fermé par défaut, ce qu'on a actuellement, où il faut demander d'ouvrir un ensemble de données à la fois, éventuellement à un gouvernement qui est ouvert par défaut et où le gouvernement doit justifier pourquoi tel ensemble de données n'est pas public, n'est pas disponible. Mais entre ces deux points il y a du chemin à faire, et, pour faire ce chemin, on a besoin de légiférer. Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions il y a des fonctionnaires... il y a des députés, je veux dire, qui ne souhaitent pas faire ce chemin entre un gouvernement qui est fermé par défaut et un gouvernement qui est ouvert par défaut. Et le seul moyen de le faire et de le faire à long terme, peu importe le gouvernement qui est au pouvoir, peu importe les fonctionnaires qui sont là, c'est de légiférer. Et c'est pour ça qu'on croit qu'il faut réformer la loi d'accès à l'information, pour intégrer les recommandations qu'on a faites mais les recommandations du rapport quinquennal, et autres. Donc, voilà.

M. Drainville : Donc, vous dites qu'il ne faut pas les confondre, mais en même temps l'un est dans le prolongement de l'autre.

M. Brun (Jonathan) : Oui, mais très long. Il y a prolongement... On ne va pas être là demain, ou dans cinq ans, ou dans 10 ans. Ça va prendre...

M. Drainville : …être là où? C'est dans un gouvernement ouvert, vous voulez dire?

M. Brun (Jonathan) : Oui, dans un gouvernement vraiment ouvert.

M. Drainville : Mais on s'entend qu'une loi d'accès à l'information renforcée, réformée pour lui redonner peut-être davantage de son sens initial, de son sens originel, ce serait un pas dans la bonne direction vers la mise en place d'un gouvernement ouvert. On s'entend là-dessus.

M. Brun (Jonathan) : Oui. Ça va surtout être un outil pour les fonctionnaires, pour les élus, pour les citoyens, pour les organismes qui souhaitent faire ce chemin. C'est un outil, mais ce n'est pas une solution. Donc, c'est pour ça qu'il faut le renforcer.

M. Drainville : Ce n'est pas une solution magique, ce n'est pas la solution qui règle tout, c'est une des solutions.

• (17 h 30) •

M. Brun (Jonathan) : C'est une des solutions si on réforme bien la loi et si on l'utilise. On a des lois formidables mais qui ne sont pas appliquées. On ne va pas juste... loi d'accès à l'information, mais il y a plein de lois qui sont là, qui sont dans... qui sont écrites, qui sont passées à l'Assemblée nationale, mais on ne les applique pas. Donc, c'est pour ça que je dis : Il faut non seulement réformer la loi d'accès à l'information, mais il faut créer une culture, il faut financer les organismes qui vont utiliser la loi, que ça soit les journalistes, ou les organismes à but non lucratif, ou autres. Donc, c'est un outil qui va nous aider à faire ce chemin vers le gouvernement ouvert, mais ça va être un chemin qui va durer très longtemps.

M. Drainville : Vous proposez, dans votre mémoire, d'offrir une liste en format ouvert de toutes les demandes d'accès à l'information qui sont adressées, donc, à l'État québécois, qui ne toucheraient pas des informations à caractère nominatif. Bon. Comment ça fonctionnerait, ça? Comment on s'assure que l'information qui est déposée en format ouvert, que les demandes d'accès qui sont déposées en format ouvert sur un site ne portent pas atteinte, justement, au droit à la vie privée, par exemple? Est-ce qu'il y a des cas où ça fonctionne déjà comme ça, des États où ça fonctionne…

M. Brun (Jonathan) : Oui, il y a plusieurs pays, notamment le Royaume-Uni, où ils publient une liste des demandes d'accès à l'information qui ont été faites, certaines qui ont été... Comme ça, on peut quantifier le nombre qui ont été refusées, les autres où on a répondu. Donc, c'est très simplement un fichier qu'on va déposer sur le site données.gouv.qc.ca, avec une liste de toutes les demandes qui ont été faites aujourd'hui, ou cette semaine, ou sur une période x, et les réponses... pas nécessairement les réponses mêmes, mais au moins est-ce qu'on a répondu avec la demande, ou est-ce qu'on a refusé, ou est-ce que c'est en période de clarification. Donc, ça pourrait se faire, mais...

M. Drainville : Est-ce que c'est un site gouvernemental, dans le cas de la Grande-Bretagne, ou c'est le site WhatDoTheyKnow? dont vous parliez tout à l'heure?

M. Brun (Jonathan) : Non. Bien, il y a WhatDoTheyKnow? qui le fait à l'extérieur du gouvernement, mais il y a également le gouvernement de la Grande-Bretagne qui dépose ce document. Parce que WhatDoTheyKnow?, ça ne gère pas toutes les demandes d'accès à l'information, ça gère seulement les demandes des personnes qui le font par l'intérim de ce portail. Il faut noter… Par exemple, le portail ne donne pas la possibilité d'avoir... en anglais, on dirait «an embargo». Donc, les journalistes qui souhaitent écrire un article veulent que leurs demandes ne soient pas diffusées tout de suite sur le site, parce qu'ils ont besoin d'un peu de temps pour faire leurs recherches et écrire l'article. Le siteWhatDoTheyKnow? ne permet pas de faire ça. Donc, les journalistes vont quand même faire leurs demandes directement auprès du gouvernement. Donc, ça gère à peu près 15 % des demandes au Royaume-Uni...

M. Drainville : ...WhatDoTheyKnow?.

M. Brun (Jonathan) : WhatDoTheyKnow?, oui, le site Web, qui est géré par un organisme à but non lucratif.

M. Drainville : Donc, est-ce que les citoyens britanniques passent par le site WhatDoTheyKnow? pour faire des demandes d'accès?

M. Brun (Jonathan) : Ils ne sont pas obligés...

M. Drainville : Mais certains le font. Certains le font.

M. Brun (Jonathan) : Oui. 15 % des demandes sont faites par ce site, mais ce n'est pas obligatoire de passer par ce site.

M. Drainville : Mais j'essaie de comprendre quel est... Si vous nous dites qu'à terme la demande qui est faite au gouvernement du Royaume-Uni finit par être déposée sur un site gouvernemental où apparaissent toutes les demandes d'accès, quel est l'intérêt, à ce moment-là, de passer par WhatDoTheyKnow?, si de toute façon le site gouvernemental va avoir l'ensemble des demandes et éventuellement s'ils ont eu une réponse ou pas, peut-être pas la réponse comme telle, dites-vous, mais à tout le moins s'ils ont eu une réponse ou pas? Alors, j'essaie de voir en quoi le siteWhatDoTheyKnow? est complémentaire au site gouvernemental, en quoi l'un apporte plus que l'autre ou en quoi il apporte quelque chose de différent à l'autre.

M. Brun (Jonathan) : Alors, WhatDoTheyKnow?, ça permet de voir les demandes qui ont déjà été faites et les résultats. Alors, les demandes où ils ont réussi à avoir le résultat sont sur le site et elles sont consultées à peu près 20 à 50 fois par résultat.

Deuxièmement, c'est centralisé. Au Québec, je pense qu'on a à peu près 1 300 ministères, bureaux, départements, différentes choses, organismes où on peut faire des demandes. Donc, au lieu d'aller chercher l'organisme où il faut faire la demande, on peut passer par un site qui est centralisé. On peut faire la demande à plusieurs organismes, des fois, à plusieurs niveaux, plusieurs paliers de gouvernement, et les résultats vont être affichés. Également, WhatDoTheyKnow? aide les personnes à formuler leurs demandes. Souvent, les personnes sont... leurs demandes sont refusées parce qu'il y a des erreurs, ce n'est pas bien formulé. Donc, le site permet de voir comment est-ce qu'on formule bien une demande, qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas. Donc, ça a plusieurs avantages et, d'une manière générale, c'est plus «user-friendly», c'est plus facile à utiliser que les sites du gouvernement en général.

Le Président (M. Marsan) : Merci. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Oui. Merci. D'abord, je vous remercie pour votre présence. C'est très instructif. Je voudrais revenir sur un élément de votre analyse. Quand vous parlez, là, de format ouvert, vous condamnez, d'une certaine façon, l'utilisation du PDF. Est-ce qu'il n'y a pas des... Parce que moi, à un moment donné, j'avais une entreprise puis des fois j'envoyais des documents par PDF tout simplement dans le but de… que ça ne soit pas falsifié puis que ça soit... que l'original soit respecté, d'une certaine façon. Quand vous parlez, là, d'utiliser le format ouvert absolument, est-ce qu'il n'y a pas des exceptions? Parce qu'il y a des moments où est-ce qu'on peut envoyer de l'information par PDF pour justement rendre la falsification plus difficile un peu, faire en sorte qu'il n'y ait pas de troncage, là, d'informations qui pourraient être utilisées à mauvais escient. Est-ce que vous ne considérez pas, à quelque part, que le PDF peut avoir son utilité pour ces raisons-là ou vous le condamnez systématiquement?

M. Brun (Jonathan) : Non. Le PDF ne va pas régler les problèmes de trucage ou de modification des documents. C'est une illusion. On peut truquer un PDF, on peut le modifier puis vraiment donner l'impression que c'est l'original. Le seul moyen, avec les formats numériques, de s'assurer que quelque chose, c'est l'original, c'est de le prendre à la source. Et c'est pour ça que le gouvernement doit gérer un portail de données ouvertes où les données sont publiées par le gouvernement. Et, lorsqu'on va sur données.gouv.qc.ça, on sait que c'est les données originales et pas des données qui ont été modifiées. Que ça soit PDF, Excel ou autres, on peut toujours le falsifier. Et également, si on regarde Wikipédia, qui est un site Web qui est créé 100 % par des utilisateurs, si je vous disais en 2002 : Je vais créer un site Web que n'importe qui peut modifier sans autorisation, et ça va devenir le site Web avec le plus d'information presque le plus fiable sur Internet, vous allez dire : Vous êtes complètement cinglé, c'est fou, ça ne va jamais fonctionner. Et pourtant c'est ça qu'on a aujourd'hui. Parce qu'avec les technologies numériques on est capable d'avoir l'historique d'un document, les modifications qui ont été effectuées et on peut remonter à la source, et c'est le seul moyen de s'assurer que quelque chose n'a pas été modifié. Donc, que ça soit PDF, Excel, ça ne va pas assurer la sécurité du document.

M. Therrien : Donc, à ce moment-là, pourquoi eux utiliseraient le PDF?

M. Brun (Jonathan) : Qui, eux?

M. Therrien : Bien, je parle, là… les gouvernements, là, qui vont utiliser le PDF. Pourquoi, à ce moment-là, ils l'utiliseraient si...

M. Brun (Jonathan) : Le PDF a...

M. Therrien : Mais...

M. Brun (Jonathan) : Oui. Le PDF a certains avantages de présentation physique. On peut préparer un document qui est beau, qui a l'air d'être un document imprimé. Nos habitudes sont formées avec le papier, et avec les livres, et avec tous ces documents avec quoi on travaille depuis 1444, là. Donc, ça, c'est nos habitudes, puis elles sont difficiles à changer, mais c'est juste des habitues, ça n'a aucun... Tantôt, j'ai cité l'exemple d'un PDF encrypté qui a été envoyé par le gouvernement à un journaliste. Bien, ensuite, il l'a décrypté, ce qui en pratique est impossible, mais bien sûr tout est possible dans le numérique, pour ensuite le mettre dans une base de données pour pouvoir faire ses calculs. Donc, le PDF, ce n'est pas la sécurité, ça n'égale pas la sécurité. Oui, on peut présenter un peu mieux, du point de vue physique, présentation, mais c'est tout. Il n'y a pas d'autre avantage.

M. Therrien : J'aurais une dernière petite question, 30 secondes. Écoutez, juste savoir… Parce que là vous parlez de la situation parfaite puis de la situation où est-ce que le gouvernement est fermé, là. Je parle d'un gouvernement ouvert, là. D'abord, très rapidement, parce que je ne veux pas emprunter le temps sur les autres, là, dans le monde, quel est le gouvernement qui serait le plus ouvert, puis comment ils y sont arrivés, à ce quasi-nirvana-là?

Le Président (M. Marsan) : Répondez en très peu de temps, parce que...

M. Therrien : ...donner les éléments d'information, là, comment y arriver?

M. Brun (Jonathan) : Au niveau national, ça serait le Royaume-Uni ou les États-Unis, probablement. Comment ils sont arrivés là, c'est du leadership politique. C'est le premier...

Une voix : ...

M. Brun (Jonathan) : Du leadership politique. C'est le premier ministre ou le président qui a dit : On va faire ça, on va ouvrir les bases de données, on va répondre aux demandes d'accès à l'information d'une manière rapide et bien faite, et c'est ça. Et au Québec on n'a pas eu ça encore. On espère que la première ministre va entamer ce processus pendant son mandat.

Le Président (M. Marsan) : Merci. Nous allons maintenant poursuivre avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Brun. Merci d'être là. C'est très intéressant. J'ai une question sur WhatDoTheyKnow? : Est-ce qu'il y a un coût pour la personne qui demande l'assistance de cette organisation pour avoir accès aux documents au Royaume-Uni?

(17 h 40)

M. Brun (Jonathan) : Non, c'est gratuit.

Mme de Santis : C'est gratuit? O.K. Maintenant, je regarde plutôt le mémoire de Nord ouvert, O.K., et à la page 6 du mémoire, à la rubrique Accès aux données nous concernant, vous mentionnez les sites Internet Blue Button et Green Button, qui permettent aux Américains d'avoir accès en ligne, dans un cas, à leurs dossiers médicaux et, dans l'autre, à leur consommation énergétique. J'imagine que vous faites référence à leur consommation d'électricité. Est-ce qu'on doit comprendre que, pour ce que vous décrivez comme les informations médicales, vous prenez un dossier de santé unique pour chaque personne, dossier qui comprendrait les renseignements de tous les praticiens de la santé visités en cabinet, toutes les notes et tous les résultats de test, lorsqu'une personne est hospitalisée, toutes les données de pharmacie où des prescriptions sont remplies? Est-ce que c'est ce genre de dossier que vous pensez? Qui serait responsable de constituer un tel dossier? Qui le mettrait en ligne? Qui en assurerait la mise à jour constante, puisqu'on parle d'informations médicales, un terme large qui pourrait aussi englober, disons, les visites chez un physiothérapeute, un ergothérapeute, etc.? Dans le modèle que vous proposez, qui assumerait le coût d'une telle initiative?

D'autre part, en ce qui a trait aux renseignements concernant ce que vous appelez la consommation énergétique, qu'est-ce que vous entendez par cela? Ça peut être assez large pour englober aussi, disons, par exemple, l'essence que consume une personne qui utilise une voiture. Si vous voulez parler plutôt de la consommation d'électricité, est-ce que ces informations ne sont pas déjà disponibles via Hydro-Québec? Est-ce que chaque personne ne peut pas déjà avoir sans grande formalité les renseignements sur sa consommation d'électricité et même sur la consommation d'électricité d'un logement où une personne envisage de déménager?

M. Brun (Jonathan) : Pour répondre à la première question ou les premières questions à propos du Blue Button, qui va assumer les coûts et gestion de ce système...

Mme de Santis : Est-ce que vous proposez ça pour nous?

M. Brun (Jonathan) : Oui. Bien, je pense… et je ne suis pas du tout spécialiste du domaine de la santé, mais, à ma connaissance, il y a déjà des démarches en cours pour centraliser les données médicales pour chaque patient dans un système, mais je ne suis pas du tout au courant des détails. Donc, ça serait, les coûts et gestion, mise à jour, tout ça,ça devrait être géré par le gouvernement, le ministère de la Santé ou d'autres ministères qui sont responsables de centraliser les informations qui proviennent des différents médecins, différents cabinets, etc. Donc, ça, c'est la réponse n° 1.

Énergétique, le Green Button, en effet Hydro-Québec offre déjà l'accès à ses propres données de consommation d'hydroélectricité. On pourrait aller beaucoup plus loin avec Hydro-Québec. Je pense que mes collègues ont parlé de leur manque de transparence. Ça, c'est une autre modification à la réforme qu'on souhaite apporter, c'est d'appliquer la loi d'accès à l'information, d'élargir l'application à tous les ministères, tous les organismes qui sont financés par l'État, plus ou moins, ou qui sont contrôlés par l'État, ou qui ont été créés par l'État. Donc, la loi d'accès à l'information devrait appliquer à tous ces organismes et pas seulement les organismes auxquels elle s'applique aujourd'hui. Hydro-Québec a plusieurs manques ou lacunes de transparence qu'on aimerait régler, mais c'est seulement en élargissant l'application de cette loi et en l'améliorant qu'on va réussir à faire ça. Mais le Green Button, oui, c'est semblable à ce qu'Hydro-Québec offre déjà, mais on souhaite aller plus loin, au point de vue de l'accès aux données énergétiques du gouvernement... de la nation québécoise, et des Québécois et Québécoises.

Mme de Santis : Hydro-Québec est déjà soumis à la Loi sur l'accès.

M. Brun (Jonathan) : Oui, en principe, mais, comme on voit, les batailles qu'il faut mener avec Hydro-Québec pour avoir de l'information sont très coûteuses, très longues ou très complexes, ce qui fait en sorte que, même s'il est soumis, il n'est pas... le simple citoyen a beaucoup de difficulté à extraire de l'information d'Hydro-Québec, on va le dire comme ça, peut-être.

Mme de Santis : O.K. Je vais procéder à une autre question. En ce qui a trait à la réception et au traitement des demandes d'accès en vertu de la loi, pas des demandes informelles, mais des demandes formelles, vous proposez, à la page 7 du mémoire de Nord ouvert, de mettre en place un portail centralisant les demandes d'accès à l'information, soit directement par le gouvernement ou la Commission d'accès à l'information. Est-ce que vous êtes en train, par là, de transformer le rôle de la Commission d'accès pour en faire le dépositaire de toutes les réponses à des demandes d'accès traitées en vertu de la loi, que les réponses de toutes les demandes de toutes les lois... de tout... de partout, peut-être des quelques milliers d'organismes publics assujettis à la loi soient numérisées et mises en ligne sur un site qui gérerait la Commission d'accès? Est-ce que ça ne serait pas mieux d'avoir un modèle comme aux États-Unis, au niveau fédéral, ou au niveau fédéral ici, au Canada, où c'est plutôt chaque organisme qui répond à une demande d'accès qui rendrait disponibles sur son site Internet les documents, les renseignements, les données communiquées en réponse à une demande d'accès?

M. Brun (Jonathan) : Pour répondre à votre question, je pense qu'il faut, en premier, commencer par obliger les organismes qui sont assujettis à la loi d'accès à l'information à répondre en format électronique et à accepter les demandes en format électronique, notamment le courriel. Donc, déjà ça, si on réussit à faire ça, ça veut dire que les demandes et les réponses vont être en format électronique. Lorsqu'ils sont en format électronique, donc, déjà, si on accomplit ça, on peut ensuite soit les mettre sur un portail qui est géré par le gouvernement, que ça soit la commission, ou un autre organisme, ou un autre ministère, ou on peut financer des organismes extérieurs pour créer des portails semblables à WhatDoTheyKnow? pour l'avoir au Québec, et ça peut être géré par des organismes à l'extérieur du gouvernement. Et les demandes qui passent par ce portail et les réponses, comme ils vont être obligés de répondre en format électronique, ce qui n'est pas le cas actuellement, elles vont être sur ce portail, et ça accomplirait le travail d'ouvrir les demandes et les réponses d'accès à l'information.

Donc, ce n'est pas nécessaire que la commission fasse tout le travail. Il faut, en premier, obliger les organismes à répondre et à accepter des demandes en format électronique, ce qui n'est pas le cas au niveau fédéral. Au fédéral, il faut faire des demandes en format papier. Il faut payer 5 $ pour chaque demande, et le gouvernement peut répondre avec des CD, avec des choses écrites à la main, avec n'importe quoi. Ils peuvent nous envoyer un éléphant si ça répond à la demande. Donc, un, c'est obliger la numérisation des demandes et des réponses, et, après qu'on a fait ça, on peut avoir un portail. Et le portail est relativement simple à faire. Si on a les données, on peut les mettre sur un site Web. Ce n'est pas coûteux, ce n'est pas compliqué.

Mme de Santis : WhatDoTheyKnow?, est-ce que c'est le gouvernement qui subventionne ça?

M. Brun (Jonathan) : Je ne connais pas leur modèle exact de financement, mais le gouvernement donne beaucoup d'argent à l'organisme qui gère ce site Web, l'organisme qui s'appelle MySociety. C'est un organisme à but non lucratif et c'est financé par Nesta, en partie par Nesta, qui est l'équivalent de Loto-Québec. Donc, au Royaume-Uni, ils ont un fonds qui est financé par leur loterie nationale, qui finance des organismes à but non lucratif, des choses dans la communauté, etc., et ils financent en grande partie MySociety, qui gère le portail WhatDoTheyKnow?.

Mme de Santis : D'après la recommandation n° 7, toujours de Nord ouvert, «la Commission d'accès devrait tenir des indicateurs de performance quant aux réponses des organisations sollicitées : taux de refus, temps de réponse moyen, etc. Le commissaire devrait être habilité à blâmer les organisations avec des indicateurs en dehors de la moyenne.» Ça, c'est votre recommandation. Alors, vous proposez de transformer la Commission d'accès en organisme de surveillance de la performance des organismes publics qui traitent des demandes d'accès. La commission a été constituée pour être ce qu'on appelle en droit un tribunal administratif, c'est-à-dire un tribunal qui exerce des fonctions quasi judiciaires, qui est saisi d'un litige, qui entend les parties et qui rend une décision de nature quasi judiciaire. Vous verriez la commission assumer aussi le rôle de gendarme, de vérificateur de la performance de chaque organisme qui traite des demandes d'accès, puisqu'il aurait la responsabilité, le rôle de blâmer les organisations avec des indicateurs de performance en dehors de la moyenne. Est-ce que vous êtes, là, en train de nous proposer que la commission soit scindée en deux, qu'il y ait une commission de surveillance, et l'autre qui soit le tribunal? Ou comment vous voyez tout ça?

• (17 h 50) •

M. Brun (Jonathan) : Je crois que les personnes avant moi ont proposé quelque chose dans le même axe. Je ne suis pas avocat et je ne suis surtout pas spécialiste des structures du gouvernement, mais, s'il faut faire ça pour avoir quelqu'un qui surveille la performance des organismes du gouvernement du Québec, oui, il faut le faire. Il faut bien que quelqu'un surveille la performance, et pour le moment, à ma connaissance, il y a très peu de surveillance, à part ces associations de journaux qui émettent des rapports tous les deux, trois ans. Donc, il faut faire quelque chose pour mettre de la pression sur les différents organismes, les différents ministères qui tardent à répondre, ou qui ne répondent pas, ou qui dépensent des fortunes à aller en cour pour se battre avec des personnes qui font des demandes d'accès à l'information. Il faut faire quelque chose pour mettre plus de pression à répondre à temps.

Mme de Santis : Merci.

Le Président (M. Marsan) : Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci. D'abord, bienvenue à cette commission. Ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, c'est un peu le procès, si vous voulez, de la Commission d'accès à l'information, procès disant que la Commission d'accès à l'information ne mettait pas suffisamment de pression sur les organismes, sur les ministères pour que l'information soit rendue rapidement, et qu'on semblait, enfin, nous dire que la commission était plus progouvernement que pro-demandeur d'accès à l'information. Alors, c'est un peu ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. J'imagine que ça va se poursuivre pendant la commission.

Moi, j'ai simplement un questionnement sur votre organisme qui s'appelle Nord ouvert. Je regarde sur vos sources de financement. Vous êtes un jeune organisme, d'abord, 2012, et vous avez des contrats avec... vous avez du financement principalement du gouvernement fédéral, ministère des Ressources naturelles, gouvernement du Canada. Est-ce que c'est parce que vous faites du travail pour le ministère des Ressources naturelles ou vous conseillez le ministère des Ressources naturelles sur comment livrer de l'information ou diffuser de l'information? C'est quoi, votre relation? Et est-ce que vous... En plus, vous nous avez dit que dans votre autre organisme vous aviez un rôle de lobbyiste. J'essaie un peu de faire la part des choses. Mais tout d'abord expliquez-moi votre relation par rapport au ministère des Ressources naturelles, gouvernement du Canada. La majorité de vos fonds viennent de là, 87 000 $.

M. Brun (Jonathan) : Oui. Nord ouvert, comme vous avez indiqué, est un organisme très jeune. On a reçu un contrat d'un organisme, au niveau fédéral, qui s'appelle GeoConnections, qui, je pense, se retrouve dans le département des Ressources naturelles, mais c'est un contrat pour développer un standard pour les travaux routiers. Donc, en ce moment, chaque gouvernement, que ça soit au niveau provincial, municipal ou fédéral, au Canada publie des informations à propos des travaux routiers dans différents formats. Donc, ils disent : Telle voie est fermée entre 9 heures et 5 heures le mardi et le jeudi sur telle route, mais tout le monde publie dans un format différent, ce qui rend la tâche d'intégrer ça dans les systèmes de navigation GPS, Google Maps, ou autres, quasiment impossible ou tellement chère que ce n'est pas possible. Donc, on a reçu un contrat en 2012 ou 2011, si je me souviens bien, pour créer un standard ouvert qui va être disponible gratuitement à tous les gouvernements, non seulement au Canada, mais à l'international, et c'était un contrat qui était relativement grand pour notre organisme. On a d'autres sources de financement. On a des sources de financement qui proviennent d'entreprises privées, la ville de Montréal. On a effectué plusieurs contrats pour eux. Mais ça, c'est le plus gros du financement, parce que c'est un gros contrat puis c'est pour créer un standard ouvert pour les travaux routiers.

Mme St-Pierre : Mais les travaux routiers relèvent du gouvernement du Québec, enfin, au Québec.

M. Brun (Jonathan) : Bien, ce qu'on crée, c'est un standard de publication. Donc, si le gouvernement du Québec, qui a été invité d'ailleurs à participer au projet, ferme une route ou ferme une partie d'une route, au lieu de le publier dans leur format, qui est juste utilisé par le gouvernement du Québec, ils vont le publier dans... Ce n'est pas notre standard, mais c'est un standard développé par Nord ouvert. Et, si tout le monde publiait dans ce standard, vous, en tant que conductrice, pourrez utiliser votre système GPS, et votre système GPS va vous aviser : Ne prenez pas telle route parce qu'il y a des travaux qui sont en cours, et donc il risque d'y avoir plus de trafic ou des embouteillages. Donc, le standard est neutre. Ça ne relève pas d'un gouvernement ou d'un autre. C'est un standard qui a été créé avec des fonds du gouvernement fédéral, mais ça va être... c'est disponible gratuitement à tout le monde, à n'importe quel gouvernement, que ça soit municipal, provincial ou fédéral.

Mme St-Pierre : Mais vous avez dit : Le gouvernement du Québec a été invité à y participer. Est-ce qu'il y participe?

M. Brun (Jonathan) : Non, il ne participe pas, à ma connaissance.

Mme St-Pierre : Et le ministère?

M. Brun (Jonathan) : Montréal participe, Vancouver. Je n'ai pas tous les détails du contrat devant moi, mais il y a plusieurs gouvernements au Canada qui y participent, mais le gouvernement du Québec a refusé, à date.

Mme St-Pierre : Vous avez aussi des fonds pour développer MaMairie.ca. Qu'est-ce que c'est, ça?

M. Brun (Jonathan) : Oui, MaMairie.ca — puis je vais peut-être essayer de faire le pont vers la loi d'accès à l'information — MaMairie.ca, c'est un site Web qui regroupe de l'information à propos des élus au niveau municipal. Alors, on tire de l'information des réseaux sociaux, par exemple Twitter, Facebook, ce que les élus mettent sur leurs comptes à eux. On tire de l'information du site Web de la ville en question. Ça peut être Montréal, ça peut être Québec, peu importe. On tire de l'information des réunions de conseil, des votes, comment est-ce que les élus votent, quelles sont leurs dépenses, quels sont leurs salaires, qu'est-ce qu'ils disent en comité, etc. On met tout ça sur un site, et le citoyen peut aller sur le site, mettre son adresse ou son code postal, et ensuite voir qu'est-ce que ces élus sont en train de faire ou qu'est-ce qu'ils ont fait il y a deux mois. Mais c'est au niveau municipal.

Mme St-Pierre : Donc, pour obtenir l'information pour pouvoir alimenter ces contrats-là, vous avez besoin de la Commission d'accès à l'information, parce que vous avez besoin de faire des demandes d'accès à l'information, non?

M. Brun (Jonathan) : Idéalement, on souhaite que le gouvernement publie ces données d'une façon proactive et dans un format ouvert, mais, s'il refuse de... On ne peut pas créer un site Web en faisant des demandes d'accès à l'information parce qu'un site Web a besoin d'être alimenté tout le temps. On ne va pas faire les demandes d'accès à l'information à chaque mois. On espère qu'en faisant des demandes d'accès à l'information le gouvernement va réaliser que ça va être plus productif, plus efficace de simplement publier ces données sur le portail des données ouvertes, que ça soit pour le gouvernement du Québec, ou Montréal, ou le gouvernement fédéral. Donc, ça, c'est le but. Comme je vous ai dit tantôt, la loi d'accès à l'information est un outil pour encourager l'ouverture des organismes, des ministères et des gouvernements en général. Mais idéalement, et je dis bien «idéalement», le gouvernement publierait toute donnée non nominative en format ouvert et en temps réel, d'une manière proactive. Mais...

Le Président (M. Marsan) : Alors, M. Jonathan Brun, merci beaucoup de nous avoir donné le point de vue du Québec ouvert et de Nord ouvert.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Vous pouvez laisser vos effets dans cette salle, ça va être barré. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Marsan) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux, Mme Pineau et Mme Lacas. Et je vous demanderais de nous indiquer qui est Mme Pineau, qui est Mme Lacas, d'abord. Et ensuite vous disposerez de 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous remercie.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Pineau (Anne) : Suspense. Alors, Mme Pineau, c'est moi. Je suis Anne Pineau, adjointe au comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, et Me Isabelle Lacas, du Service juridique de la CSN, qui m'accompagne. M. Jean Lortie, secrétaire général de la CSN, devait être présent ce soir avec nous. Il est retenu à Montréal pour une affaire urgente. Il en est désolé. Et nous tenons à faire nos excuses relativement à cette absence impromptue.

Donc, le mémoire sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information… J'ai 10 minutes. Donc, la CSN s'intéresse depuis ses tout débuts à la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Nous avons été de toutes les révisions quinquennales de la loi d'accès à l'information depuis ses tout débuts. Nous avons participé à différentes consultations sur les cartes d'identité, sur la carte à puce en santé. Nous avons fait des représentations au niveau fédéral aussi pour que le Québec soit exclu de l'application de la loi fédérale. Donc, c'est un sujet qui nous tient à coeur.

Le rapport qui est présenté par la commission aujourd'hui, bien qu'il porte le nom de rapport quinquennal, est en fait un rapport décennal. C'est un peu dommage. Le fait est que 10 ans ont passé, et il s'est passé beaucoup de choses depuis ces 10 années, comme le note d'entrée de jeu le commissaire, le président de la commission. Twitter, Facebook, des mots qui n'avaient aucun sens en 2002, sont maintenant devenus des incontournables. Alors, ça change effectivement la donne. Et le rapport qui nous est présenté en ce sens est un rapport 2.0, un rapport moderne, qui se préoccupe de ces questions-là, et je pense qu'il fallait effectivement le faire.

Donc, nous sommes en accord généralement avec les propositions qui sont présentées par la commission pour une simplification des politiques de confidentialité, l'idée des pictogrammes de protection qui permettraient de savoir rapidement et sans avoir à se taper une lecture, que personne finalement ne fait, de politique de confidentialité… le signalement de tout mécanisme d'identification permettant de localiser une personne lors de l'utilisation d'un produit, la fameuse… l'identification par radiofréquence — alors, effectivement, il faut qu'on encadre ces procédés-là — l'obligation de dénoncer toute autre technologie ciblant les individus. C'est, pour nous, des avancées intéressantes.

Évidemment, les natifs du numérique, tout natifs qu'ils soient du numérique, semblent ne pas nécessairement avoir conscience du caractère public, finalement, de tous ces médias-là, sociaux, d'Internet, des blogues. Et c'est essentiel que les jeunes soient sensibilisés à toute la question du respect de la vie privée, comment se protéger relativement aux données qui sont rendues publiques sur ces systèmes-là. Et je vous dirai qu'il n'y a pas que les jeunes qui devraient être éduqués et sensibilisés autour de ces questions-là. Je pense que bien des adultes ne sont pas conscients de la portée de mettre des données sur ces sites-là.

Les déclarations de faille de sécurité, évidemment, il faut s'intéresser à ça. Ça doit être obligatoire. Et c'est la commission qui est la mieux placée pour recevoir les déclarations à cet effet-là.

La fonction de responsable dans le secteur privé, oui, c'est intéressant. Il faut moduler en fonction de la taille de l'entreprise, mais ça ne règle pas tout si le responsable n'est pas bien formé et n'est pas bien renseigné quant à l'application de la loi.

Le passage à la transparence vers un gouvernement ouvert, c'est essentiel. La Loi d'accès de 1982 a mal vieilli. La lourdeur des processus, les multiples restrictions d'accès, les délais interminables et l'impunité dont bénéficient les gestionnaires en cas de refus compromettent le droit d'accès à l'information. Il est grandement temps de revoir la loi de fond en comble et d'y aller vers une véritable divulgation proactive. Alors, nous appuyons évidemment lesrecommandations pour pousser plus loin le principe de la divulgation automatique, étendre le Règlement sur la diffusion aux organismes publics et donner accès aux données brutes, sans pour autant que le gouvernement ne délaisse la tâche de formaliser, en quelque sorte, ces données-là, de les analyser et de produire des enquêtes et des rapports qui soient lisibles.

Le délai pour motiver un refus d'accès, il est... ça fait des années qu'on demande ça, un respect strict des délais pour motiver les refus.

La représentation par avocat, depuis ses tout débuts nous demandons qu'on puisse se représenter par quelqu'un d'autre qu'un avocat, devant la Commission d'accès à l'information. Nous l'avons toujours fait. Et la récente décision de la Cour du Québec ne règle pas tout, selon nous.

L'assujettissement des organismes dont le fonds social fait partie du domaine public, c'est effectivement, pour nous, un plus d'assujettir toute filiale qui détient des actions à plus de 50 % par l'État.

Les autres revendications, maintenant, de la CSN, portées depuis des années. Nous avons presque des revendications ancestrales sur certains sujets, notamment la surveillance en emploi. Depuis des années, nous demandons que des mécanismes soient intégrés à la Loi sur les normes du travail, de sorte à s'assurer que la surveillance qui s'exerce sur les employés, en entreprise, soit encadrée et qu'on ajoute un chapitre à la Loi sur les normes qui garantirait que toute surveillance devra préalablement être autorisée après démonstration que des motifs sérieux le justifient et que d'autres méthodes d'enquête ont été utilisées en vain. C'est un aspect important, pour nous, de la protection des renseignements personnels.

• (19 h 40) •

Maintenant, la modification assurant l'accès aux contrats conclus avec les organismes publics. La Loi d'accès, je l'ai dit, a mal vieilli. Les restrictions sont tellement nombreuses qu'il est très difficile d'avoir accès à des contrats publics conclus par des ministères, par des organismes du gouvernement, alors que ces contrats-là portent sur des sommes souvent astronomiques. C'est des projets majeurs qui concernent les deniers publics, la façon dont on utilise ces deniers publics là, et il y a une espèce de secret qui entoure l'attribution et les termes de ces contrats-là, et, pour nous, il est temps qu'on agisse sur cette question-là si on veut vraiment parler d'un gouvernement ouvert.

En conclusion, contrairement à l'idée que peuvent entretenir plusieurs organismes publics, l'information gouvernementale n'appartient pas au gouvernement. Elle appartient aux citoyennes et aux citoyens. En langue swahilie, l'un des termes utilisés pour «gouvernement» signifie «secret», «farouche». Les gouvernements démocratiques eux-mêmes aimeraient mieux poursuivre leurs travaux à l'abri des regards du public. Les gouvernements trouvent toujours de bonnes raisons pour justifier leur goût du secret. L'accès à l'information est l'un des piliers d'une société démocratique. Les enquêtes journalistiques ayant mis à jour, ces dernières années, des pratiques de collusion et de corruption dans l'octroi de contrats publics démontrent toute l'importance qu'il convient d'apporter à la transparence administrative et gouvernementale.

Cela étant, la loi québécoise sur l'accès doit prendre un virage. Il faut en finir avec la logique de l'information disponible mais sur demande seulement. Il faut revoir les très nombreuses exceptions permettant de faire obstacle à une demande d'accès, surtout lorsque des motifs facultatifs sont en cause. Il faut de plus revoir l'approche, sortir du modèle qui judiciarise à outrance l'accès à l'information. Tout retard dans l'accès à un document ou à un renseignement est une atteinte au droit à l'information. Or, l'obtention d'une audition à la CAI peut facilement prendre de 18 à 24 mois. De tels délais rendent sans objet plusieurs demandes d'accès.

Le cinquième rapport quinquennal de la commission, sans répondre à toutes nos attentes, présente tout de même plusieurs recommandations intéressantes qui vont dans le sens de ce nécessaire renouveau en matière d'accès à l'information. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie, Mme Pineau. Et nous allons immédiatement débuter cette période d'échange. Et je vais donner la parole au ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le ministre.

M. Drainville : Merci beaucoup. Merci, mesdames, d'être présentes parmi nous ce soir. On l'apprécie. Première question que j'ai le goût de vous poser, vous prenez position en faveur de l'application du Règlement de diffusion aux organismes qui sont à propriété étatique, là, pour plus de 50 %. Est-ce que je peux vous demander si vous êtes favorables également à ce que le Règlement de diffusion s'applique, par exemple, au réseau de la santé, au réseau scolaire, aux municipalités également? Est-ce que vous avez une position là-dessus?

Mme Pineau (Anne) : Oui, oui, tout à fait, tout à fait. On parle d'une véritable ouverture, là. Il faut ouvrir pour terminer, en quelque sorte, le travail concernant le Règlement sur la diffusion.

M. Drainville : O.K. Bon, par ailleurs, vous prenez position pour que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé soit modifiée pour créer la fonction de responsable de l'accès et de la protection des renseignements personnels. Vous êtes d'accord avec l'avis de la Commission d'accès qui suggère que cette fonction-là devrait être créée en fonction de la taille de l'entreprise. Est-ce que je peux vous demander comment vous définissez une taille qui justifierait, donc, la création d'un poste comme celui-là? Est-ce que vous parlez, par exemple, du nombre d'employés? Est-ce que vous souhaiteriez, je ne sais pas, moi, une entreprise qui compte plus de 50 ou de 100 employés? Créer cette fonction-là, est-ce que vous avez réfléchi aux modalités d'application, dans le fond?

Mme Pineau (Anne) : Écoutez, pas plus à fond que ça. Je sais que ce matin, par exemple, le président de la commission parlait de 50 et plus. Je pense que ça fait partie, là, des modulations habituelles qu'on utilise dans les lois du Québec, notamment en ce qui concerne l'équité salariale. Un responsable de la protection des renseignements personnels pour une entreprise de 10, ça serait difficilement compréhensible, difficilement justifiable, d'autant que, pour nous, il faut qu'on mette effectivement du sérieux dans ce poste-là, c'est-à-dire que la personne qui serait nommée responsable devrait être formée et devrait être informée des tenants et aboutissants de la loi et posséder une véritable expertise, ce qui suppose qu'il y ait certaines sommes de déboursées, là, pour faire cette formation-là. Donc, je pense qu'à partir de 50 employés ça peut être justifié. Mais ça ne réglerait effectivement pas tout si la personne, finalement, ignore comment appliquer la loi.

M. Drainville : Très bien. Par ailleurs, à quel niveau de l'entreprise situez-vous la personne qui serait justement responsable de la protection des renseignements personnels? Est-ce que vous avez...

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, moi, je pense que ça serait, à ce moment-là, à l'entreprise à définir elle-même qui elle entend nommer sur ce poste-là. On peut difficilement imposer...

M. Drainville : Vous souhaiteriez que ce soit quelqu'un dans la direction, au sein de la direction, ou ça pourrait être quelqu'un des...

Mme Pineau (Anne) : En fait, on espère et on pense qu'il faut que ce soit quelqu'un qui puisse avoir les coudées franches. C'est surtout ça qui est important. Alors, effectivement, plus on aura quelqu'un qui est en autorité, plus ça sera facile. Mais il faut que ça soit quelqu'un qui puisse réellement voir à l'application de la loi et qui ait la latitude pour le faire.

M. Drainville : Bon, par ailleurs, si j'ai bien compris, vous êtes d'accord avec la recommandation de la Commission d'accès à l'information à l'effet d'ajouter une obligation de déclarer à la CAI les failles de sécurité qui surviennent dans les organismes publics ou encore dans les entreprises privées et qui impliquent des renseignements personnels. Est-ce que je peux vous demander... Bon, par exemple, vous savez, il y a toujours un débat au sein du secteur privé quant à savoir s'il faut demander aux entreprises de s'autoréguler ou est-ce qu'il faut créer une obligation légale. Qu'est-ce que vous en pensez, là-dessus?

Mme Pineau (Anne) : Une obligation légale, ça ne fait aucun doute, parce que l'autorégulation, c'est bien pour ajouter à des obligations légales, pour peaufiner, peut-être, pour faire plus que ce que la loi prévoit, mais l'autorégulation, ce n'est jamais, selon nous, suffisant si on veut vraiment obtenir un résultat.

M. Drainville : O.K. Bon, par ailleurs, vous avez abordé un certain nombre de thèmes qui ne figuraient pas, explicitement du moins, dans le rapport de la Commission d'accès. Par exemple, vous soutenez que seuls les motifs d'ordre public devraient pouvoir être invoqués pour refuser une demande d'accès. Qu'est-ce que vous voulez dire?Est-ce que c'est la notion d'intérêt public, là? Parce que ça nous a déjà été suggéré ou plaidé, effectivement, qu'on devrait réinsérer dans la loi la notion d'intérêt public qui existait auparavant et qui a été retranchée.

Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait, quand on dit qu'il faut revoir la loi de fond en comble, c'est un peu le modèle qui est proposé par la loi qu'il faut revoir, parce qu'il y a tellement de restrictions dans cette loi-là, tellement d'occasions de faire échec à une demande d'accès que ça devient un parcours du combattant. Alors, les articles 18 à 41, là, sont là pour faire autant d'obstacles, O.K., à une demande d'accès. Là-dessus, il y a des motifs qui sont d'ordre public, hein, des motifs obligatoires, qui doivent même être soulevés d'office par la Commission d'accès à l'information. Bon, il y a ces motifs-là, mais vous avez plein d'autres motifs qui sont discrétionnaires pour l'organisme.

Je vous donne un exemple, qui est peut-être le plus patent pour nous, qui est 67.1. Vous avez, à 67.1 de la loi d'accès à l'information, une obligation qui prévoit que l'organisme public peut donner accès à un renseignement si cela est nécessaire à l'application d'une convention collective. Alors, on a eu un cas, nous, en 1988, qui est monté jusqu'en Cour d'appel, O.K., où on a pris... On a demandé, par exemple, à un organisme public les feuilles de remplacement des travailleurs, O.K., et des travailleuses pour voir si les remplacements… si les appels des occasionnels étaient faits correctement. C'est nécessaire à l'application de la convention collective. On a démontré à la commission que c'était nécessaire à l'application de la convention collective. La commission a dit : Oui, c'est vrai, mais c'est «peut». Alors, si l'organisme ne veut...

M. Drainville : C'est quoi?

• (19 h 50) •

Mme Pineau (Anne) : «Peut.» C'est une discrétion. Le mot «peut donner», c'est une discrétion. Alors, on est montés jusqu'en Cour d'appel en disant : Ça n'a pas de sens, ça ne peut pas… L'organisme, à ce moment-là, peut retenir, à sa discrétion, le renseignement. Or, c'est un renseignement qui pourrait être donné mais qui ne l'est pas. Alors, ça, c'est un exemple patent de ce qu'on dit quand on dit qu'il y a des motifs dans la loi… Pour nous, il devrait y avoir une seule règle : un document est public ou il ne l'est pas, et ça ne devrait pas dépendre du calcul que fait l'organisme, O.K., sur : Ah! je vais-tu le donner, je ne le donnerai pas? Ça, c'est un problème, pour nous. Alors, si on veut vraiment opter pour un gouvernement ouvert et une véritable transparence, bien il faut revoir toutes les restrictions de cette loi-là, parce qu'autrement je ne vois pas ce qu'on va rendre public, honnêtement, sur le site...

M. Drainville : …c'est ça, dans… une de vos recommandations, c'est justement de modifier 67.1, voilà, pour faire en sorte qu'une information qui est nécessaire à l'application d'une convention collective soit transmise.

Mme Pineau (Anne) : Soit obligatoirement transmise, parce que sinon, nous, qu'est-ce qu'on fait? On fait un grief, hein, puis, dans le cadre du grief, on a droit d'accès, parce qu'on est dans le cadre d'un procès quasi... des règles quasi judiciaires, et on fait constater qu'on a besoin de l'information. L'information est divulguée. Mais à quoi on joue, là? On a perdu temps, argent pour avoir accès à une information qui aurait dû être donnée dès le départ.

M. Drainville : O.K. Par ailleurs, vous demandez de modifier la loi pour que toute surveillance en emploi soit préalablement autorisée. Puis ça, c'est dans les milieux de travail. Et vous ajoutez, là, je pense que ça résume assez bien votre recommandation, vous ajoutez : «...de même que pour interdire toute utilisation clandestine de moyens de contrôle ou de surveillance en emploi.» L'autorisation devrait être accordée uniquement pour des motifs sérieux, «sur preuve que d'autres méthodes d'enquête ont été utilisées en vain». Pouvez-vous nous donner un peu le contexte de cette recommandation que vous nous faites?

Mme Lacas (Isabelle) : Bien, en fait, actuellement, lorsqu'il y a de la surveillance en emploi ou de la surveillance clandestine, on doit aller devant les tribunaux pour la faire déclarer illégale. On la découvre souvent après coup, c'est-à-dire qu'on ne sait pas que la surveillance est là. C'est souvent à l'occasion... Je vous donne l'exemple d'une mesure disciplinaire, ou on va découvrir, à l'occasion d'un bris d'équipement, par exemple, qu'il y avait quatre, ou cinq, ou six caméras qui étaient là, qu'on ne connaissait pas. L'employeur ne nous l'avait pas dit. C'étaient des caméras cachées. Évidemment, dans certains... Et là on va aller en grief, on va aller en arbitrage, on va plaider la charte. On va plaider soit que c'est une condition de travail qui était abusive au sens de 46 ou qu'il y a violation de la vie privée et que ça contrevient à 5 de la charte. On va devoir faire déclarer par l'arbitre que le moyen utilisé était trop attentatoire à la vie privée et que l'employeur n'a pas pris d'autres mesures. Et là, pendant tout ce temps-là, les travailleurs ne le savaient pas, ce n'est pas divulgué, c'est caché. Et de plus en plus on constate, à cause de la technologie qui évolue, qu'il est extrêmement facile de poser toutes sortes de moyens de surveillance.

Évidemment, les décisions des tribunaux parlent plutôt de caméras, là, vidéo, mais de plus en plus il y a des mécanismes de contrôle et de surveillance évidemment qui s'installent à l'intérieur des ordinateurs, qui permettent de savoir le nombre de frappes que quelqu'un va faire à l'ordinateur, qui permettent de savoir, dès le moment où une personne entre sur le réseau, ce qu'elle fait, si elle travaille ou si elle ne travaille pas, si elle se lève pour aller à la salle de bains. Évidemment, on ne la surveille pas, on ne la suit pas nécessairement avec une caméra, mais elle est constamment espionnée et elle ne le sait pas. Généralement, les salariés ne le savent pas. Ce n'est pas divulgué. Et on va l'apprendre dans un contexte de procédure judiciaire, souvent, parce que l'employeur va utiliser ces données-là. Et on va... La mécanique que l'on propose, c'est-à-dire la mécanique qui permettrait d'ajouter aux normes un préalable, dans le fond, une autorisation, bien c'est exactement pour éviter la procédure judiciaire. Parce qu'actuellement en arbitrage ce qu'on fait, c'est de déterminer : Y aurait-il eu ou n'y aurait-il pas eu autorisation?

Donc, lorsqu'on gagne le grief, évidemment, on en comprend… souvent, parce que la preuve est rejetée, l'arbitre va dire : Bien non, cette surveillance-là n'aurait pas dû être autorisée. Elle est illégale. J'en rejette tout le contenu. Or, ce que l'on propose ou ce que l'on souhaite, c'est que l'employeur, avant d'installer ce type de mécanique-là doive être autorisé par l'organisme à installer les moyens de surveillance. Parce que...

          M. Drainville : Par qui? Qui devrait donner l'autorisation? Est-ce que vous suggérez que ce soit la Commission d'accès?

Mme Lacas (Isabelle) : Oui, je pense que la Commission d'accès a l'expertise pour s'assurer de ces questions-là. Effectivement, on suggère ça.

M. Drainville : Donc, ce serait quelqu'un, par exemple, qui travaille pour la protection des renseignements personnels au sein de la Commission d'accès à l'information qui serait responsable d'évaluer...

Mme Lacas (Isabelle) : D'autoriser ce type de surveillance là, de préautoriser… ou enfin de déterminer que la surveillance peut... que les moyens de surveillance qui sont déterminés par l'employeur peuvent être installés, parce qu'il y a un motif raisonnable et parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'arriver aux fins que l'employeur recherche que d'installer ce type de surveillance là. Parce que, dans bien des cas, il faut comprendre que la surveillance est installée parce qu'elle est disponible et que c'est un moyen plus simple. Souvent, on a des dossiers ou en tout cas on a eu des dossiers où il y a des caméras de surveillance qui sont déjà installées dans l'entreprise, et c'est correct. Il arrive parfois que le syndicat y a consenti ou que ça a été reconnu pour des motifs de sécurité parce qu'il y a une problématique. Et l'employeur ensuite va en installer, des caméras supplémentaires, en disant : Bien, il y en a déjà, des caméras. Ça change quoi que j'en installe d'autres? Et il faut à chaque fois aller vérifier. Bien, elles sont installées pourquoi, dans quel but? Elles vont surveiller qui et à quelles fins? Et on va utiliser le produit de cette surveillance-là à quelles fins? Parce que c'estextrêmement difficile, lorsqu'on ne sait pas ce qui nous surveille, de demander son dossier personnel pour aller vérifier les informations qu'il contient. Par exemple, est-ce qu'on me surveille 24 heures sur 24? Si je ne sais même pas que je suis surveillée, bien, évidemment, il n'y a pas de demande d'accès au dossier personnel qui devrait contenir le produit de la surveillance.

Le Président (M. Marsan) : Oui, Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Si je peux me permettre, d'ailleurs, la Commission d'accès à l'information, en juin 2004, recommandait qu'effectivement l'utilisation de la vidéosurveillance soit soumise à un processus d'approbation devant être à la fois simple, souple et efficace. Alors, ça faisait déjà partie, en 2004, des recommandations de la commission sur cette question-là suite à une vaste consultation relativement à l'installation de caméras de surveillance.

M. Drainville : Mais à ce moment-là, ces autorisations-là, il faudrait éventuellement les rendre publiques après un certain nombre de mois ou d'années. Comment vous voulez gérer ça? Une fois que vous avez désigné quelqu'un pour autoriser de la surveillance, cette décision-là devient en soi de l'information, là, à laquelle certaines personnes, par exemple une centrale syndicale, pourraient vouloir avoir accès. Comment on gère ça, une fois qu'on a créé cette fonction-là?

Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait, ce qu'il faut voir, c'est que la commission a émis des règles qui doivent être respectées pour pouvoir procéder à une vidéosurveillance. Le problème, à l'heure actuelle...

M. Drainville : Ça, c'est dans le secteur public.

Mme Pineau (Anne) : Oui, effectivement, dans le secteur public. Mais ici, là, la recommandation, éventuellement, ça pourrait... On a pratiquement les mêmes règles au niveau de la Loi de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. C'est les mêmes principes qui s'appliquent, hein? On ne peut recueillir que l'information qui est nécessaire, O.K.? On doit donner accès au dossier. Alors, c'est les mêmes règles. Le problème, c'est que l'encadrement existe, mais personne ne s'assure vraiment que préalablement il y ait une autorisation.

M. Drainville : O.K. Bon, par ailleurs, vous demandez d'examiner les articles 21 et 27 de la loi d'accès à l'information, qui concernent les renseignements ayant des incidences sur l'économie. Ce sont des articles qui sont parfois invoqués pour interdire ou refuser, dis-je, des demandes d'accès sur les contrats. Comme vous le savez, dans certains cas, même, je dirais, très souvent, ces demandes d'accès là sont refusées au nom du secret commercial. Vous, est-ce que vous êtes d'avis que le secret commercial ne peut en tout temps être invoqué pour refuser une demande d'accès? Est-ce que, pour vous, c'est un critère qui devrait être carrément mis de côté? Ça n'a pas de justification pour vous, le secret commercial, pour refuser une demande d'accès?

• (20 heures) •

Mme Pineau (Anne) : Bien, effectivement, nous, on pense qu'on est rendus au point où il devrait être normal que, si je veux contracter avec le gouvernement, bien je vais devoir être transparente, je vais devoir mettre cartes sur table et je vais devoir indiquer quels sont mes prix et à quelles conditions je fais le contrat. Je pense que les révélations qui se succèdent à la commission Charbonneau depuis quelque temps devraient nous amener à revoir sérieusement toute la question du secret commercial des contrats énormes, par exemple en PPP. Dans le mémoire, là, on vous parle notamment d'une enquête qui a été faite par un chercheur de l'IRIS et qui visait à analyser, là, le bien-fondé d'une utilisation en PPP au CHUM et CUSM. Et il n'a pas pu aller aussi loin qu'il aurait voulu dans son analyse parce qu'il n'a pas accès aux contrats. Ça nous semble tout à fait déplorable.

Je pense qu'il faut revoir — et ça, ça fait partie d'une révision complète, pour nous, des règles d'accès, ça fait partie de tout ce dont on vous parle depuis le début — toutes les restrictions d'accès. Et l'une de celles-là, régulièrement évoquée, concerne effectivement les contrats, où on a finalement toujours accès au montant global, mais il n'y a aucune ventilation quant aux termes du contrat. Et on a plein d'exemples, là. Je veux dire, on parle de choses, là, comme, mettons, quelqu'un qui veut avoir accès à... Les documents, l'appel d'offres et le contrat ont été communiqués au demandeur, cependant ces documents ne précisent pas les montants payés par l'organisme. Alors, ces informations échappent à la transparence administrative. Et là c'était quelqu'un qui voulait recevoir copie du dernier contrat de services en vigueur entre l'UQTR et une certaine entreprise. Non, moi, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est normal qu'on ne puisse pas avoir accès à cette information-là.

Dans une autre affaire, on nous explique, voyez-vous, que, si on donnait accès à cette information-là, la divulgation permettrait sans doute de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Ce faisant, les compétiteurs, nombreux, pourraient approcher la MRC dans le but d'offrir un partenariat qui serait plus avantageux. Oui, moi, je pensequ'effectivement, comme organisme public, on a droit d'avoir accès à des termes plus avantageux si c'est possible. Alors, je pense qu'il faut remettre en cause toute cette notion-là, qui sert souvent d'échappatoire, tout à fait.

M. Drainville : Bon, par ailleurs, vous avez par le passé, et vous le refaites dans votre mémoire, demandé une modification à l'article 128 de la Loi sur le Barreau pour permettre la représentation sans avocat devant la Commission d'accès à l'information. Je comprends très bien les raisons qui vous amènent à suggérer ce changement-là à la Loi sur le Barreau, là, vous l'expliquez bien dans votre mémoire, mais laissez-moi me faire un peu l'avocat du diable. Certains diront : La CSN a un service du contentieux, des services juridiques qui sont reconnus. Il y a beaucoup d'avocats auxquels vous pouvez avoir accès. Certains diront : Bien, si on permet à la CSN de pouvoir permettre à un de ses conseillers syndicaux, par exemple, de se présenter devant la CAI, à ce moment-là il va falloir le faire également pour les entreprises. Donc, en d'autres mots, on ne parle pas, par exemple, d'un organisme communautaire ou d'organisations qui n'ont pas nécessairement les moyens de se payer des services juridiques. Alors, si vous le souhaitez pour une centrale, est-ce que vous êtes prête à accepter, à ce moment-là, que cet amendement à la Loi sur le Barreau s'applique à tout le monde et donc que dorénavant ce soit possible pour n'importe qui, peu importe son statut, de pouvoir se représenter sans la présence d'un avocat en révision devant la Commission d'accès à l'information?

Mme Lacas (Isabelle) : Oui, tout à fait. Tout à fait. De toute façon, à l'heure actuelle, c'est exactement la situation qui se passe, pour parler de quelque chose que je connais bien, de la Commission des relations du travail, hein, il n'y a pas d'obligation d'être représenté par avocat. Je connais peu d'employeurs qui n'utilisent pas les services d'un avocat, par ailleurs. Et tant mieux si Hydro-Québec ne délègue plus de bureau d'avocats pour venir devant la Commission d'accès. J'en doute, mais tant mieux, on ne s'y objectera pas. Mais effectivement je pense qu'il y a plein de tribunaux administratifs où la représentation par avocat n'est pas nécessaire, et c'est généralement à l'avantage de ceux qui n'ont pas les moyens de se payer la représentation par avocat. Ça leur donne un accès à la justice qui est plus grand et ça n'enlève pas d'accès à la justice, certainement pas, à une entreprise. Et, si les entreprises... une grande corporation décide demain matin qu'elle va à la Commission d'accès sans avocat et que c'est le responsable de l'accès qui est là, bien, tant mieux, je ne pense pas que quelqu'un va s'en plaindre.

M. Drainville : Vous lui souhaitez bonne chance.

Mme Lacas (Isabelle) : Bien, en fait, je pense que... et je ne veux pas parler pour eux, mais pour nous la difficulté, elle est beaucoup plus du côté… oui, pour nous de la centrale mais, vous l'avez dit, d'un organisme communautaire, des associations, c'est beaucoup plus là que se vit la difficulté. On a eu affaire, nous, à la CSN, à énormément de dossiers en exception déclinatoire, récemment, où, parfois, même nos conseillers syndicaux ont été déboutés, là. La cause Hydro-Québec, on en a eu des semblables, et il y a eu des conclusions à l'inverse pour nous. Et ça prend énormément de temps. Et en bout de ligne, le fond du dossier, la question de l'accès, le document, on n'en parle pas. Et donc cette modification-là rendrait la Commission d'accès semblable à la plupart des autres tribunaux administratifs, comme la CRT, comme la CLP.

Le Président (M. Marsan) : En terminant.

M. Drainville : Il me reste 30 secondes. Je devine la réponse, mais, par acquit de conscience, je vous la pose, je vous l'ai posée tout à l'heure, la question des failles de sécurité. Les personnes qui sont concernées par la faille devraient être informées qu'il y a eu faille et que leurs renseignements personnels pourraient être mis en cause dans la faille de sécurité?

Mme Pineau (Anne) : Oui, oui, tout à fait.

M. Drainville : Ça va de soi pour vous?

Mme Pineau (Anne) : Oui, oui, ça va de soi, mais effectivement ça transite par la Commission d'accès à l'information.

M. Drainville : ...d'accès à l'information.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci bien.

M. Drainville : Très bien. Merci beaucoup, hein?

Le Président (M. Marsan) : Ceci termine cette première période d'échange. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir. La simplification des politiques de confidentialité, est-ce que vous croyez vraiment que cela va régler le problème que, je crois, est le problème réel, que les gens ne prennent pas assez le temps de considérer, c'est quoi, la protection des renseignements personnels, c'est quoi, la perte de contrôle sur leur identité, etc.? Quand quelqu'un veut avoir accès à un site sur le Web, il va vouloir accès au site. Aujourd'hui, on trouve une politique qui est écrite de telle façon que très peu de gens, même pas les avocats, comprennent. Mais, même si on réduit ça et on simplifie cette politique, est-ce que vous croyez qu'on aura résolu un problème? Parce que, que ce soit un pictogramme, que ce soit quelque chose où on utilise le langage ordinaire, est-ce que les gens ne vont pas simplement cliquer?

Mme Pineau (Anne) : Bien, je pense qu'il y a deux ordres de préoccupation ici. Le problème, avec les longues listes, O.K., qu'on trouve sur les sites, c'est-à-dire les longs contrats qu'on nous demande de confirmer qu'on a bien lu et que personne ne lit... Moi, je ne les lis pas non plus parce que je veux avoir accès à mon Black, je veux avoir accès à un site, je veux avoir... Et j'ai toujours un pincement de coeur, en me disant : Bon, j'accepte, mais je ne devrais donc pas puis je devrais tout le lire. Mais personne n'a le temps de lire ça, personne non plus n'est capable de tout comprendre ce qui est écrit là. Mais je pense que c'est là que les pictogrammes doivent servir à quelque chose. Moi, ce que j'aimerais pouvoir savoir, c'est : Est-ce que ce site-là est ISO, loi d'accès à l'information? Est-ce que je peux savoir que la commission est passée derrière cette politique-là de confidentialité, qu'elle l'a lue, qu'elle me dit : Oui, ça, c'est O.K., ça respecte les principes de la loi, soit privée, soit publique, O.K., et je peux dire que... Parce que, pour moi, un pictogramme doit signifier quelque chose, c'est la preuve qu'on répond à certaines normes, O.K.? Alors, je ne sais pas comment vous, la commission ou... Ce n'est pas très détaillé, la question des pictogrammes, mais, pour moi, il y a une valeur associée au pictogramme, celle d'un organisme qui serait, par exemple, la Commission d'accès à l'information.

Mme de Santis : …pictogramme va vous dire que... Parce que vous allez consentir qu'ils peuvent utiliser les renseignements qu'ils vont pouvoir cerner, du fait que vous allez sur leur Web, pour toutes fins qu'eux déterminent. C'est ça que le pictogramme va dire. Vous, vous allez cliquer, et ensuite, c'est quoi... Qu'est-ce qu'on a résolu avec ça?

• (20 h 10) •

Mme Pineau (Anne) : Oui, bien, c'est parce que là on n'a rien résolu si on ne fait rien. Parce que là il y a vraiment des... plein d'occasions où on est appelé à confirmer qu'on accepte de souscrire à tout ce qui est écrit là alors qu'on ne sait même pas ce qui est écrit là et on ne prendra pas le temps de lire ce qui est écrit là. Alors, moi, je pense que le pictogramme ne résout pas tout, vous avez entièrement raison là-dessus. Il y a bien d'autres choses à faire, et moi, je pense qu'il y a une bonne part d'éducation, en plus, à faire. Mais je pense que le pictogramme, c'est un des outils qu'on pourrait avoir pour permettre de savoir : Bon, bien, voici, est-ce que ce site-là ou cette politique-là respecte au moins l'obligation de ne recueillir que les renseignements nécessaires, O.K., que j'ai droit d'accès, que... Donc, les grands principes de la Loi d'accès ou de protection des renseignements personnels sont respectés.

Donc, ce n'est pas une panacée, ça, c'est vrai. Je pense qu'il y a beaucoup plus à faire au niveau de l'éducation, de ce côté-là. J'en prends à témoin toutes les fois où je vois des gens qui consomment un bien, et qui arrivent à la caisse, et à qui on demande «votre numéro de téléphone», et qui le donnent sans problème, «votre adresse»… Il n'y en a pas, d'éducation, relativement à ça. Les gens ont le droit de refuser de donner cette information-là, mais ils n'ont pas nécessairement le réflexe de refuser de donner cette information-là.

Mme de Santis : Alors, qu'est-ce que vous proposez, en termes d'éducation? Parce que ce n'est pas simplement éduquer les tout jeunes, c'est éduquer notre population «at large». C'est quoi, les suggestions quant à l'éducation? Et est-ce que vous, comme syndicat, vous faites quelque chose chez vous pour sensibiliser les gens de chez vous sur ce sujet-là?

Mme Pineau (Anne) : Oui, effectivement... Je passerai peut-être la parole aussi à Isabelle sur cette question-là. Bon, évidemment, nous, il y a les jeunes. Dans les cursus scolaires, c'est essentiel, au primaire et au secondaire. Je pense qu'il faut, à des degrés divers et de façon de plus en plus complexe, alerter les jeunes, leur apprendre, O.K., tous les pièges qui les guettent sur ces médias sociaux là et le prix qu'ils peuvent devoir en payer longtemps d'avoir, O.K., diffusé à tout vent plein d'informations les concernant.

Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que les adultes aussi ont besoin d'être éduqués, particulièrement sur la question des réseaux sociaux. Nous, on le voit beaucoup, là, dans nos milieux de travail, les gens de plus en plus sont confrontés, par exemple en arbitrage de grief, à des profils Facebook, à de l'information qu'ils ont donnée sur le Net, dans des blogues, et ils se voient opposer ça par l'employeur, et ils découvrent que, mon Dieu, finalement, ce n'est pas si privé que ça, le réseau social. Ils ont plein d'amis, mais ils ne réalisent pas que ça fait autant de personnes pour diffuser les informations les concernant.

Alors, effectivement, on fait notamment des bulletins d'information, on alerte nos membres. Mais je pense qu'on est tous en besoin, je pense, de ce côté-là, d'apprendre, par exemple, à définir nos profils, comment les rendre confidentiels, ouverts à certaines personnes seulement. Mais je pense qu'il y a beaucoup d'éducation à faire. Je ne sais pas si, Isabelle, tu veux...

Mme Lacas (Isabelle) : Bien, d'éducation à faire puis d'éducation qui se fait, malheureusement, souvent suite à un incident malheureux, là. Vous venez d'en avoir un exemple, mais ça, on en a beaucoup, des salariés qui vont écrire tout et n'importe quoi sur leur statut Facebook, par exemple, et ensuite être absolument étonnés que ça ait été entre les mains, par exemple, de l'employeur, alors même qu'ils étaient amis avec l'employeur, ou avec le fils de l'employeur, ou avec, sans le savoir, là, avec l'ami d'un ami qui lui-même était ami avec l'employeur. De plus en plus, dans les milieux de travail, effectivement, il y a de l'éducation qui se fait. Il y a une volonté, qui vient souvent avec les renouvellements de convention collective, de connaître les politiques d'utilisation d'Internet, de participer à l'élaboration des politiques d'utilisation des outils informatiques chez l'employeur et des réseaux sociaux. Et là-dessus les conseillers syndicaux et les syndicats eux-mêmes se donnent de la formation. Plusieurs syndicats vont eux-mêmes avoir un site Facebook, par exemple, ou un site Internet, une page Facebook et, via ça, vont donner de l'information, effectivement, aux syndiqués parce qu'il manque énormément d'information là-dessus.

Et, bon, la recommandation pour les natifs du numérique qui doivent savoir que ce n'est pas leur vie privée, je vous dirais que, pour plein de gens qui ne sont pas natifs du numérique, ils croient également qu'un statut Facebook, qu'un tweet ou même qu'un commentaire laissé sur un blogue est aussi privé qu'un commentaire qu'on peut faire au 5 à 7, dans un cocktail. Or, évidemment, on le sait, ce n'est pas le cas. Ça fait que donc, effectivement, on a notre bout à faire, au niveau de l'éducation, pour éduquer nos membres à ce que ça veut dire que la confidentialité, que la vie privée, à ce que c'est et aussi à ce que ce n'est pas, la vie privée.

Mme de Santis : J'aimerais retourner à l'article 67.1. L'article 67.1, c'est une exception à la règle générale qui dit que les renseignements personnels ne peuvent pas être divulgués sans le consentement de la personne concernée. Donc, 67.1, c'est une exception. Vous voulez que cette exception soit absolue, donc qu'on pourrait à tout moment communiquer un renseignement personnel à une personne ou un organisme si c'est nécessaire à l'application d'une convention collective. Est-ce que vous ne croyez pas que vous allez un peu loin avec l'exception? J'aimerais aussi vous demander… Vous avez donné un exemple d'un cas où les renseignements n'ont pas été fournis en vertu de 67.1, mais vous dites aussi, dans votre mémoire, qu'il y avait d'autres demandes syndicales où vous avez... on vous a systématiquement rejeté la demande. J'aimerais connaître c'est quoi, ces exemples-là.

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, je n'ai pas... Vous savez, après Émilie-Gamelin, là… Il y avait quelques demandes d'accès qui traînaient encore, mais avec Émilie-Gamelin on ne peut plus rien faire, parce que, même si on démontre que c'est une information nécessaire à l'application d'une convention collective, on se rive au mur que… Oui, mais je ne suis pas obligé de le donner. Alors, ça devient un exercice inutile. À quoi ça sert de faire une demande d'accès et si je peux démontrer que c'est nécessaire à l'application de la convention collective, si de toute façon l'organisme peut me dire : Oui, mais ce n'est pas grave, je ne te le donne pas. C'est ça, l'enjeu, là.

Mme de Santis : Mais on parle de renseignements personnels, et ces renseignements personnels sont protégés. Est-ce qu'on peut avoir le consentement de l'employé en question ou des employés en question?

Mme Pineau (Anne) : Pour l'application de la convention collective, on ne peut pas faire dépendre du consentement de l'employé… D'ailleurs, on ne le sait même pas, éventuellement, qui a été rappelé pour faire le rappel ou pas.

Mme de Santis : …le mettre dans votre convention que...

Mme Pineau (Anne) : Oui. Oui, mais la loi sert à quoi, à ce moment-là? L'article ne sert absolument à rien. Bon, c'est sûr qu'on peut le mettre dans la convention et c'est vrai que suite à ça il y a des syndicats qui ont réussi à négocier ça dans leurs conventions collectives, mais ce n'est pas tous les syndicats qui y sont parvenus. Et pour les milieux non syndiqués, bien, le problème reste entier parce que ça peut être aussi pour l'application d'un contrat. On n'a pas... Je suis convaincue que, pour l'application d'un règlement, ces débats-là ne se font pas. Si c'est pour l'application d'un règlement, l'organisme va normalement sans problème le donner. Mais ici on a neutralisé l'effet, en quelque sorte, d'une disposition en disant : Même si vous démontrez que c'est nécessaire — ça devrait servir à quelque chose, ça — nécessaire à l'application d'une convention collective, bien, même si on démontre ça, vous ne l'aurez pas quand même.

Mme de Santis : ...est-ce que vous suggérez qu'on modifie la définition de «renseignement personnel»? Présentement, c'est un renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. Est-ce que vous proposez un amendement à la définition de «renseignement personnel»?

Mme Pineau (Anne) : Non, pas du tout. Pas du tout.

Le Président (M. Marsan) : Oui, monsieur ou madame…

Une voix : Combien de temps?

Le Président (M. Marsan) : Il reste huit minutes, un petit peu moins de huit minutes. Alors, Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Moi, j'ai une question qui est plus d'ordre général, à savoir que, bon, on est en train d'étudier évidemment un rapport quinquennal — un rapport, comme vous nous avez dit, qui n'est pas quinquennal du tout — de la Commission d'accès à l'information. On est en train aussi de regarder la possibilité d'une refonte complète de la loi parce qu'évidemment cette loi-là, elle a vieilli puis elle a probablement besoin d'être remaniée complètement. Vous avez parlé de révision complète des règles d'accès à l'information, vous avez parlé des informations en provenance... vous avez parlé dans le secteur public, secteur privé, évidemment l'accès à l'information, un accès le plus vaste et large possible à l'information. Qu'en est-il du secret syndical? Est-ce que vous accepteriez que les syndicats soient soumis à la loi d'accès à l'information?

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, dans la mesure où vous mettez toutes les entreprises privées, parce qu'il n'est pas question qu'on soit traité de façon différente.

Mme St-Pierre : Non, non, mais juste que...

• (20 h 20) •

Mme Pineau (Anne) : Moi, honnêtement… On n'a pas considéré ça. Je vous dirais qu'on a déjà des règles qui s'appliquent à nous, on fait déjà preuve de beaucoup de transparence. Il y a des règles, au niveau du Code du travail, qui régissent les renseignements qui doivent être donnés. Moi, je ne pense pas qu'on est dans ce débat-là, à l'heure actuelle, c'est-à-dire à moins que vous proposiez que l'accès à l'information s'applique à l'entreprise privée. Je ne sais pas si c'est ce que vous entendez soutenir, mais en tout cas, pour l'heure, on n'est pas là, là.

Mme St-Pierre : Non, c'est parce qu'on est évidemment dans le domaine des hypothèses, et comment on devrait élargir la loi, et à qui la loi devrait s'appliquer. Et, la question, évidemment, il y a des gens qui se la posent dans le public. Est-ce qu'on devrait en savoir plus sur les activités des syndicats, et comment les syndicats fonctionnent, puis qu'est-ce qui se passe, puis quels sont les rapports qu'ils ont et toute la documentation qu'ils ont? Simplement, je vous pose la question : Où est-ce que vous logez, en tant que centrale syndicale, puisque, depuis trois quarts d'heure, vous nous faites la démonstration de l'importance d'avoir accès le plus possible à de l'information? Vous recevez des cotisations syndicales, donc vous êtes aussi responsables de ce que vous... de comment vous gérez l'argent des syndiqués. La question se pose, je

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, vous savez qu'on est en campagne contre la loi C-377, si c'est là où vous voulez en venir. On estime que c'est une attaque clairement antisyndicale, de la part du gouvernement conservateur, qui a carrément ciblé les syndicats comme... et dans le but de contrôler leurs activités. Alors, si c'est le type d'intervention dont vous parlez, évidemment on n'est pas d'accord avec ça.

Le Président (M. Marsan) : M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Il me reste...

Le Président (M. Marsan) : Quatre minutes.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. Deux points que j'aimerais aborder : la question de la surveillance des employés et la question du Barreau. En fait, je vais y aller avec le Barreau en premier, si vous me permettez, question de dissiper...

Des voix :

M. Ouimet (Fabre) : Je ne sais pas pourquoi, mais, quand on parle du Barreau, les regards se tournent vers moi. Je l'accepte.

Une voix : ...

M. Ouimet (Fabre) : Oui, quand même, quand même. Non, mais en fait je tiens à dire… Parce que, pour moi, c'est... sur ce sujet-là, je crois qu'il faut permettre le plus grand accès possible au mécanisme de révision, et je considère que, si l'article 128 de la Loi sur le Barreau constitue un frein au mécanisme de révision de la Commission d'accès à l'information, c'est une erreur, et il faudrait amender la Loi sur le Barreau parce que, pour moi, je pense que ça ne devrait pas être le cas. Maintenant, je ferai un vibrant plaidoyer à l'effet que la Loi sur le Barreau...

M. Drainville : ...

M. Ouimet (Fabre) : C'est déjà fait. Inquiétez-vous pas, M. le ministre, vous aurez mon appui sur ce point-là.

Je veux aller sur la surveillance des employés parce que c'est un point très important. J'ai lu votre mémoire et j'écoutais les questions du ministre, qui avait ciblé aussi cet élément-là, et je dois vous avouer que je suis un peu demeuré sur ma faim, parce que je connais très peu la jurisprudence en matière civile, relations de travail, au niveau de la protection de la vie privée, je connais beaucoup plus au niveau criminel, et j'aurais aimé en avoir un peu plus en termes de c'est quoi, l'état du droit sur la protection de la vie privée. Parce que ce que vous proposez, c'est de baliser ce domaine du droit, et je n'ai pas beaucoup d'éléments pour comprendre, là, ce qui est favorable, ce qui est défavorable. Parce qu'en matière de protection de la vie privée et de surveillance des employés, là, parce que c'est dans ce domaine-là qu'on se situe, il y a le côté de l'employeur, le pouvoir de gérance, et, de l'autre, la vie privée, et c'est un équilibre à trouver entre les deux, et c'est un équilibre délicat. Et j'aurais aimé avoir un peu plus de détails sur cette question pointue.

Mme Pineau (Anne) : Je pense qu'il y a deux ordres de questions. Il y a la surveillance en entreprise, O.K., qui est… On parle souvent de caméras de surveillance en entreprise. Bon, un des problèmes, c'est qu'en général on ne le sait pas, qu'on est surveillé. Ce n'est pas «fair», hein, on ne le sait pas. Il y a un mécanisme de surveillance, on ne sait pas qu'on est surveillé. Pourtant, la jurisprudence nous dit que la surveillance en entreprise n'est autorisée que si elle remplit certains critères, hein? Alors, il y a plein de jurisprudences élaborées depuis 20, 30 ans, O.K., autour de… D'abord, ça doit faire suite à des incidents importants en matière de sécurité ou de vol. On doit avoir essayé d'utiliser d'autres alternatives. La surveillance ne doit être limitée que pour le temps qu'on endigue le problème, O.K.? Elle ne doit pas servir à des fins disciplinaires. Elle ne doit pas être dirigée constamment sur le salarié comme s'il était un moustique sous le microscope. Alors, on a plein de beaux principes comme ça, mais évidemment, s'il y a une surveillance clandestine, bien on ne le sait même pas qu'on est surveillé, on ne peut même pas faire vérifier que les critères établis par la jurisprudence sont respectés. Donc, si jamais l'employeur décide, à la suite d'une surveillance clandestine, d'utiliser en preuve contre un salarié… c'est là qu'on apprend que... et c'est là qu'on fait le débat, un débat qui n'est pas sur devait-il, pouvait-il installer des caméras, mais un débat de preuve, hein, est-ce que la preuve est recevable ou pas. Alors, premier problème. Alors, les règles n'ont pas été respectées, mais c'est sans conséquence pour l'employeur en quelque sorte. Et même il peut profiter de la preuve qu'il a obtenue, alors qu'il n'aurait pas pu, normalement, éventuellement poser des caméras.

M. Ouimet (Fabre) : Il me reste peu de temps…

Le Président (M. Marsan) : Non, c'est terminé. Je voulais vous remercier. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Lévis, vous avez la parole.

M. Dubé : Je suis vraiment désolé, M. le Président, d'interrompre les questions du Barreau, mais je vais profiter des quelques minutes que j'ai. Je vais m'essayer pour deux questions. Une, la première, plus tôt aujourd'hui, j'ai indiqué que, pour moi, il y avait trois catégories d'information, un peu dans le sens de ma collègue ici, de dire : Bon, il y a de l'information qui est vraiment personnelle. Il n'y a pas beaucoup de gens qui s'obstinent que ça, ça devrait rester confidentiel. Il y en a d'autres, une deuxième, que je mettrais, de l'information de gestion, puis je donnerai l'exemple que vous avez dit tantôt pour l'application, par exemple dans votre cas, d'une convention collective. Ça, c'est probablement, puis je dis «probablement», de l'information qui devrait être disponible. Puis il y a une troisième catégorie que j'aimerais vous entendre, c'est ce que j'appelle de nature stratégique. Tout à l'heure, M. le ministre a peut-être parlé, des fois, au niveau commercial, où... Mais, quand je lis votre mémoire, vous avez l'air de dire que c'est l'un ou l'autre, qu'il n'y aurait pas cette troisième catégorie là. Je veux vous entendre un peu là-dessus parce que, quand on vous dit : Bien, y a-tu des choses que vous ne seriez pas prêtes à dire, en tant que centrale syndicale?, je vous pose un peu la même question : Est-ce que vous comprenez qu'il y a peut-être des natures… même pour un gouvernement qui a à travailler au niveau stratégique dans ses sociétés d'État, etc., de sa vision… Est-ce que vous croyez qu'il y a des informations qui sont de nature stratégique qui ne devraient pas être communiquées?

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, d'abord, il y a dans la loi des distinctions à faire entre les renseignements personnels puis les renseignements qui concernent le gouvernement. Là, il n'y a aucun problème avec ça, et on ne remet pas ça en cause. 67.1, c'est sûr que c'est une exception au droit de divulguer des renseignements...

M. Dubé : ...la donne, celle-là, là. Je dis, pour fins de notre discussion, là, je vous dis : L'information que vous, vous considérez de gestion, qu'il serait tout à fait normal, dans une norme de travail d'une entreprise avec ses syndiqués, de dire : Je dois vous donner ça parce qu'on a une convention... Je vous le donne, ça. Ce n'est pas ça mon point. Moi, je vous dis : On s'entend qu'il y en a deux. Moi, je pense qu'il y en a une troisième, qui s'appelle de l'information de nature stratégique, que, même pour un gouvernement… devrait dire… Puis là je vous demande si vous êtes d'accord avec ce principe-là qu'il y en a. Puis c'est un peu dans le même sens que ma collègue disait. Si je m'appliquais le… Est-ce que vous me diriez qu'à la CSN il y a des informations qui sont de nature stratégique, que vous aimeriez protéger?

Mme Pineau (Anne) : Bien, moi, je... En tout cas, nous, ce qu'on avance, c'est que les dispositions, là, sur les renseignements à saveur économique, là, 22, 23, 24 de la loi d'accès à l'information et qui concernent sur… les secrets commerciaux sont trop facilement invoqués pour faire échec à de l'information qu'il est normal d'avoir, selon nous. C'est anormal qu'on ne sache pas à quel prix un contrat a été attribué, qu'on puisse...

M. Dubé : ...stratégique, ça. Ce que je vous demande, c'est...

Mme Pineau (Anne) : Non, mais ça, à l'heure actuelle...

M. Dubé : Oui, O.K., vous me dites que c'est économique, mais…

Mme Pineau (Anne) : Oui, mais alors moi, bon, je ne suis pas... on n'est pas entrés dans le détail. Quand on vous dit qu'il faut réviser de fond en comble la loi, il y a place à discussion, là, sur ce qui pourrait rester. Mais à l'heure actuelle, là, tout est en pain. Dans 22, 23, 24, tout passe par… un, on invoque secret... et, à partir de ce moment-là, tout ce qui est contrat conclu avec le gouvernement...

M. Dubé : Donc, pour bien préciser ma question mais comprendre aussi votre réponse, vous dites : Il pourrait y avoir, selon vous, comme...

Mme Pineau (Anne) : Bien, en tout cas, c'est effectivement à voir au vu de la jurisprudence. Mais les exemples que je vous ai donnés tantôt, ce n'était quand même pas, là, extraordinaire, ce qu'on demandait là, là.

• (20 h 30) •

M. Dubé : …pas les débattre ici parce que malheureusement on n'a pas beaucoup de temps.

Et ma deuxième question, juste par curiosité, là, il y a eu beaucoup de discussions sur la surveillance, pourquoi… Puis j'ai revenu là-dessus, tantôt, dans votre mémoire. Mais pourquoi ça ne se fait pas au niveau des normes de travail plutôt qu'à la... Si, par exemple, il y avait cette discussion-là, et c'était dans les documents de normes de travail qu'on encadrait la surveillance des employés, on n'aurait pas besoin d'aller, encore une fois, à la Commission d'accès. Parce que c'est un peu...

Mme Pineau (Anne) : Bien, effectivement, nous, c'est d'abord au niveau de la Loi des normes, effectivement, qu'on prévoit...

M. Dubé : Bon. Je voulais juste bien... Parce que M. le ministre vous a posé la question de dire : Est-ce que vous vous rendez compte que vous demandez à la Commission d'accès d'avoir ce rôle-là? Mais ce n'est pas tout à fait ça que vous dites. Vous dites : C'est parce qu'en ce moment ce n'est pas nulle part, ce n'est notamment pas dans les normes du travail.

Mme Pineau (Anne) : Effectivement. Nous, ce qu'on dit, c'est que, par exemple, ça devrait être dans la Loi sur les normes du travail qu'on retrouve les dispositions qui concernent l'encadrement de la surveillance en emploi. Dans le cadre où il y aurait un mécanisme d'autorisation, bien ça serait soit la Commission d'accès, soit la Commission des normes, là.

M. Dubé : O.K. Je voulais avoir cette précision-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan) : Ceci...

M. Dubé : …est-ce que j'ai étiré mon temps du Barreau, en plus, un peu, là?

Le Président (M. Marsan) : C'est très bien. Alors, ceci termine nos échanges. Et je voudrais vous remercier, Mme Pineau, Mme Lacas, de nous avoir donné le point de vue de la CSN.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 10 avril 2013, après les affaires courantes, vers 11 heures, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société. Merci et bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 20 h 32)

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