L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 9 septembre 2014 - Vol. 44 N° 9

Entendre le Protecteur du citoyen


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Exposé de la Protectrice du citoyen, Mme Raymonde Saint-Germain

Document déposé

Discussion générale

Autres intervenants

M. Gilles Ouimet, président

M. Jean Rousselle

M. Luc Fortin

M. Jean-François Lisée

M. Patrick Huot

Mme Nathalie Roy

M. Jean Boucher

Mme Carole Poirier

M. Mathieu Lemay

M. Marc Tanguay

*          M. Claude Dussault, bureau du Protecteur du citoyen

*          M. Marc-André Dowd, idem

*          M. Claude Dussault, idem

*          M. Jean-François Bernier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en après-midi pour tenir des consultations particulières relatives à l'étude du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Code de procédure pénale concernant la perception des amendes. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, bonjour, bonjour, tout le monde. Je vous demande de prendre place. Nous avons quorum, alors je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Huot (Vanier-Les Rivières) remplace M. Merlini (La Prairie).

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, un seul remplacement. Alors, je suis heureux de vous retrouver tous après cet été. C'est notre rentrée parlementaire, à la Commission des institutions. J'espère que vous avez bien profité de l'été parce que notre automne s'annonce actif, à la Commission des institutions, comme d'habitude. Le gouvernement nous annonce plusieurs projets de loi et c'est, de toute façon, la coutume à la Commission des institutions. Alors, il me fait plaisir de vous saluer, les collègues, les personnels de nos groupes parlementaires respectifs, le personnel de l'Assemblée, qui a profité de ces deux mois pour se reposer de notre présence mais que je sens tous fébriles et heureux de reprendre le collier, comme nous. Alors, merci d'être là, merci de nous appuyer dans notre travail.

En vertu du règlement, notre règlement, l'article 294.1, la Commission des institutions doit entendre à chaque année le Protecteur du citoyen et le Directeur général des élections. Malheureusement, compte tenu de la charge, je dirais la surcharge de travail à la Commission des institutions, c'est une obligation qu'on a de la difficulté à respecter. Alors, j'espère et je... En tout cas, je vais faire tout ce que je peux pour que le travail que nous entreprenons ce matin, nous puissions le reprendre à chaque année, tel que l'exige l'article de notre règlement.

Alors, ce matin, nous recevons avec beaucoup de plaisir le Protecteur du citoyen, Mme Raymonde Saint-Germain, et les membres de son équipe qu'elle va nous présenter. Et donc c'est avec beaucoup de plaisir que la Commission des institutions vous reçoit. Nous avons prévu l'avant-midi pour une période d'échange, de présentation de votre part et d'échange avec les parlementaires. Et donc, Mme Saint-Germain, je vous cède la parole, en vous demandant, dans un premier temps, de présenter votre équipe qui vous accompagne et en vous mentionnant que vous disposez d'une période de 30 minutes pour votre présentation. À vous la parole.

Exposé de la Protectrice du citoyen,
Mme Raymonde Saint-Germain

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci. Merci de votre accueil, M. le Président, Mmes, MM. les députés membres de la commission. Alors, je vous présente mes collaborateurs : à ma droite immédiate, M. Claude Dussault, vice-protecteur; à sa droite, Me Marc-André Dowd, également vice-protecteur; et, à ma gauche, M. Jean-François Bernier, qui est secrétaire général et directeur des affaires juridiques.

Je vous précise d'emblée que je résumerai plusieurs éléments du texte que je vous ai fait parvenir hier parce que je souhaite consacrer la majeure partie du temps à des échanges et à la réponse à vos questions. Mes collaborateurs et moi, nous tenons à vous remercier de votre intérêt pour le Protecteur du citoyen et du temps que vous nous consacrez aujourd'hui. Nous avons le souci, au cours de cette séance, de vous rendre compte le plus complètement possible de nos activités et aussi de notre gestion.

Comme vous le savez, la mission du Protecteur du citoyen est de s'assurer, en toute indépendance et impartialité, du respect des droits des citoyens, qu'il s'agisse d'individus, d'entreprises ou d'associations, dans leurs relations avec les services publics du Québec. Le Protecteur du citoyen est aussi le protecteur des usagers des services de santé et des services sociaux, pour lesquels nous agissons principalement en deuxième et en dernier recours. Enfin, à titre d'ombudsman correctionnel du Québec, nous sommes chargés d'assurer le respect des droits résiduels des personnes incarcérées dans les établissements de détention et dans les quartiers cellulaires des palais de justice du Québec. Je reviendrai, d'ailleurs, sur ce mandat particulier.

Plus de 375 instances sont formellement assujetties à notre compétence, soit 80 ministères et organismes du gouvernement et 295 établissements de santé et de services sociaux qui regroupent près de 1 700 installations. La finalité de notre travail est de nous assurer que les dispensateurs de services publics traitent les citoyens de manière juste et équitable. L'équité est d'ailleurs une notion fondamentale au coeur de notre mission et qui en constitue la spécificité même. En effet, la Loi sur le Protecteur du citoyen nous habilite à intervenir lorsque nous constatons qu'un acte ou une omission, une omission d'agir, est de nature déraisonnable, injuste ou abusive.

Quelques mots sur notre clientèle et son profil. Au cours des deux années pour lesquelles nous vous rendons compte aujourd'hui, donc 2011‑2012 et 2012‑2013, près de 39 000 demandes ont été logées au Protecteur du citoyen. Je vous présente le profil des citoyens qui se sont adressés à nous — à l'exclusion de celui des personnes incarcérées, sur lequel je reviendrai — parce que ce profil démontre bien leur diversité d'âge, leur provenance et leur statut socioéconomique.

• (9 h 40) •

52 % sont des hommes. Les trois quarts ont entre 35 et 64 ans, alors que moins de 1 % ont entre 18 et 24 ans. 95 % ont au moins un diplôme secondaire; parmi eux, 36 % ont complété des études universitaires et 25 % le cégep. On constate donc dans notre clientèle une surreprésentativité de citoyens qui détiennent minimalement un diplôme collégial, donc 61 % de notre clientèle, par rapport à la population générale du Québec, où 49 % détient un diplôme d'études collégiales. 57 % ont un revenu individuel avant impôt de moins de 39 000 $ et 30 % entre 40 000 $ et 79 000 $. Quant à leur occupation principale, 43 % sont sur le marché du travail, 23 % sont retraités, 8 % sont prestataires de l'aide sociale, 6 % reçoivent des indemnités soit de la CSST ou de la SAAQ, et 2 %, de l'assurance-emploi, et 3 % sont des étudiants.

Quelques résultats de notre action principale d'enquête. Au cours des deux exercices étudiés, lorsque nous avons conclu que les motifs d'insatisfaction des citoyens étaient fondés, nos recommandations, à impacts individuels comme collectifs, ont été acceptées à plus de 98 %. J'insiste sur le fait que le suivi de ces recommandations est de première importance, car, en l'absence de pouvoirs contraignants, notre efficacité repose à la fois sur la rigueur de nos enquêtes, sur la qualité de notre argumentaire et sur le réalisme de nos recommandations afin que celles-ci remédient concrètement aux préjudices qu'elles visent à corriger.

Les principaux motifs de plaintes fondées qui ont fait l'objet d'une enquête au cours de ces deux exercices ont été : le premier, les délais et les difficultés d'accès aux soins et aux services; le manque de coordination entre les programmes et les services; les incidences financières; l'environnement et le milieu de vie; le non-respect des droits; la compétence et l'attitude du personnel. Cela dit, le haut degré de suivi de nos recommandations reflète la bonne collaboration générale que nous recevons des services publics, une collaboration que nous nous efforçons d'encourager par une approche constructive auprès des organismes et des instances concernés.

Le travail que nous effectuons en réaction aux problèmes qui nous sont soumis est complété par notre intervention en matière de prévention des préjudices. Sans qu'il nous soit possible d'en faire une démonstration statistique, cette prévention s'exerce pour un nombre beaucoup plus élevé de personnes que celui, déjà important, qui s'adresse à nous, personnes et entreprises, et qui ont effectivement requis nos services.

J'aborderai brièvement le résultat de quelques-unes de nos interventions de nature systémique.

L'organisation des services d'intervention d'urgence hors du réseau routier a fait l'objet d'un rapport spécial du Protecteur du citoyen en mars 2013. Ce rapport visait à diminuer le nombre de décès et à réduire le risque de handicaps permanents chez les survivants d'un accident qui survient hors route, notamment dans des milieux isolés. Ce rapport s'intitulait Une desserte à optimiser pour sauver des vies. Nous avons conclu à la nécessité d'une meilleure organisation des services d'intervention d'urgence hors du réseau routier afin d'en accroître la qualité et l'accessibilité. Pour ce faire, nous avons formulé sept recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux et au ministère de la Sécurité publique, qui sont les principaux organismes publics intervenants dans ce domaine.

Je note avec satisfaction que les deux ministères ont pris la décision de travailler ensemble à la mise en oeuvre d'un plan d'action commun qui comporte trois grands champs d'action : le financement des interventions; la sensibilisation et les communications; la création et la mise en oeuvre des équipes de secours. Notre analyse des plus récents rapports d'étape, qui nous ont été soumis en juillet dernier, confirme que des efforts importants ont été consentis par ces deux ministères au suivi de nos recommandations.

Nous avons également produit un rapport spécial sur la contribution financière des parents au placement de leurs enfants. Je réfère ici au placement d'enfants généralement sur ordonnance de la cour, soit dans des centres jeunesse ou dans des milieux de vie substituts. Dans ce rapport, publié en mars 2013, nous avons constaté que le règlement qui encadre la gestion de la contribution financière des parents dont l'enfant mineur est placé en milieu substitut, par exemple en famille d'accueil, est désuet et que son application diffère d'un centre jeunesse à l'autre et que cela entraîne des incohérences et des inéquités. Nous estimons de plus qu'il est nécessaire de réviser le mode de calcul et de perception de cette contribution et d'uniformiser les pratiques des centres jeunesse à cet égard.

Nous avons, en conséquence, formulé 11 recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux, à la Régie des rentes du Québec, à l'Agence du revenu du Québec ainsi qu'au ministère des Finances et de l'Économie.

Les inéquités que suscite la disparité, d'un centre jeunesse à l'autre, des pratiques de calcul, de facturation, de perception et de recouvrement des contributions occasionnent des préjudices importants pour les parents et les enfants hébergés en milieu substitut. Je suis donc d'avis que la révision de la réglementation s'impose rapidement et que les pratiques des centres jeunesse en cette matière doivent être rendues plus équitables et plus efficaces.

Nous avons également produit un deuxième rapport sur les services offerts aux personnes qui présentent un trouble envahissant du développement, qu'on appelle plus communément un TED, un deuxième rapport qui a suivi un premier rapport publié en 2009 sur les services aux enfants de sept ans ou moins qui sont également atteints de ce syndrome du trouble envahissant du développement.

Nous avons constaté que l'accès aux services publics pour les personnes qui présentent un TED constitue un parcours parsemé d'embûches qui engendrent de nombreuses insatisfactions, généralement fondées. Même si on peut recenser une offre de services publics théorique qui est destinée aux adolescents et aux adultes, cette offre est, en réalité, sur le terrain, peu accessible et inégalement accessible. Je précise que, selon une estimation minimale récente, plus de 20 000 personnes pourraient présenter un trouble envahissant du développement au Québec et que le taux de prévalence est en croissance constante depuis le début des années 2000. Il y a de plus en plus de diagnostics qui expliquent la hausse de ce taux de prévalence.

Au 31 mars 2013, 2 440 personnes qui présentaient un TED étaient en attente d'un premier service dans un établissement du réseau de la santé et des services sociaux, ce qui représente une augmentation de 24 % par rapport à 2012. Le délai moyen d'attente se situait à un an en 2013 contre 261 jours en 2012. On peut conclure de ces données que la pression sur les services publics est et sera de plus en plus importante.

D'une manière générale, les ministères et les organismes concernés répondent avec ouverture à nos recommandations. Par exemple, plusieurs programmes de formation sur la problématique particulière des TED sont déployés auprès du personnel du réseau de la santé et des services sociaux, auprès du personnel aussi du réseau de l'éducation. Nous avons recensé des actions conjointes qui touchent le soutien aux familles, le guichet unique, l'intervention pivot et l'évaluation du programme d'intervention comportementale intensive. Je suis satisfaite évidemment du fait qu'il s'agisse d'actions conjointes et concertées, mais les délais pour l'accessibilité aux services demeurent encore très préoccupants.

Services de soutien à domicile, maintenant. On connaît l'importance de ces services de soutien et la place qu'on leur fait dans le réseau de la santé et des services sociaux. Quand on dit : On va désengorger les urgences, on va s'assurer que le maintien à domicile, qui est moins coûteux, soit facilité et soit fait dans les meilleures conditions à la fois pour les personnes âgées mais aussi pour les personnes qui présentent des handicaps et qui pourraient demeurer à domicile à condition de recevoir de meilleurs services, malheureusement nous avons constaté, dans notre rapport publié en mars 2012 et qui s'intitule Chez soi : toujours le premier le choix? — une interrogation, donc — nous avons constaté que, faute de moyens, les instances locales ont dû développer des pratiques qui privent les usagers des services nécessaires pour répondre à leurs besoins. Ainsi, plusieurs centaines d'usagers sont en attente de services ou ne reçoivent qu'une partie des services auxquels ils devraient avoir droit en fonction de la politique de soutien à domicile adoptée en 2003.

L'enjeu, en fait, concret pour les CSSS, pour les CLSC, c'est d'essayer de donner le plus de services possible au plus grand nombre de personnes possible, ce qui fait en sorte que, dans certains cas, des services sont évalués avec un besoin de 22 heures par semaine, mais on va être en mesure d'offrir seulement une dizaine d'heures, ce qui compromet la capacité de la personne de rester à domicile. Alors, il y a à la fois un enjeu d'équité, il y a un enjeu de partage le plus adéquat possible des ressources, et, sur le terrain, ce sont des enjeux extrêmement difficiles à gérer et qui sont source évidemment d'insatisfaction. Alors, cet écart entre les orientations de la politique et la réalité a un impact important non seulement sur l'épuisement des proches aidants, mais aussi sur le fonctionnement du système de santé, notamment par une utilisation inappropriée des places en milieu hospitalier, en réadaptation ou en milieu d'hébergement.

• (9 h 50) •

Face à ces constats, nous avons adressé deux recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux : un, déterminer le taux de financement qui serait requis pour les services de soutien à domicile en procédant à l'analyse des listes d'attente pour l'ensemble des régions du Québec. Au ministère de la Santé, on n'a pas la connaissance du besoin réel et de la demande actuelle dans chacune des régions pour les services à domicile. On a évidemment, en conséquence, demandé qu'on fasse une projection des besoins pour les prochaines années de telle sorte de pouvoir identifier les ressources qui seront disponibles.

Et, deuxièmement, deuxième recommandation, donc : présenter clairement à la population l'offre de services qui est réellement disponible. Parce qu'actuellement, dans les faits, on a une politique avec une offre de services qui sont théoriques, mais, sur le terrain, cette offre de services n'est généralement pas accessible au niveau où elle est annoncée.

Notre rapport spécial, maintenant, sur les enquêtes policières indépendantes. Je dois insister sur ce dossier qui est important dans une société démocratique : l'indépendance des enquêtes policières lorsqu'il s'agit d'enquêter sur des incidents où il y a eu intervention policière et qui ont causé la mort ou des blessures graves à des civils ou à d'autres policiers. Je ne reviendrai pas sur notre rapport d'enquête publié en 2010, mais j'insisterai surtout sur notre intervention en mars 2013, par suite du dépôt de la Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes et qui donnait suite, pour l'essentiel, à ce rapport de 2010 du Protecteur du citoyen.

J'ai donné mon appui général au projet de loi, qui proposait notamment la création du bureau des enquêtes indépendantes, un organisme chargé de mener de telles enquêtes. Le projet de loi n° 12 a été adopté et est entré en vigueur en mai 2013, il y a donc 16 mois, à l'exception des articles qui concernent ce bureau des enquêtes indépendantes. Je suis préoccupée par les délais de mise en place du bureau et surtout le début de ses activités. En janvier dernier, le ministère m'a informée que la mise en place était prévue pour 2015. Il s'agit, selon moi, d'un délai maximal qui ne devrait faire l'objet d'aucun report.

Le comité de sélection est constitué. Un deuxième avis de candidatures pour le poste de directeur ou de directrice du bureau vient d'être publié. Un plan de formation des futurs enquêteurs est en voie de réalisation par l'École nationale de police. Bref, des gestes encourageants sont posés. Je demeure cependant en attente d'un important projet de règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes. Ce règlement sera déterminant pour assurer l'indépendance, l'impartialité et la crédibilité des enquêtes. Il fera l'objet d'une attention toute particulière de notre part.

À titre de parlementaires, votre vigilance à l'égard de cette loi, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, est certes, à mon avis, de nature à assurer dans les meilleurs délais la mise en oeuvre effective de ses dispositions dans le meilleur intérêt des services policiers comme des citoyens. On le voit, encore des événements récents, il y a moins de deux semaines, ont fait en sorte que la crédibilité des policiers, l'indépendance de l'enquête ont à nouveau été remises en question, et cela est au détriment, à mon avis, de la confiance que l'on doit avoir envers ces enquêtes indépendantes. Donc, je pense que les délais sont difficilement explicables et que cette situation devrait être réglée dans les meilleurs délais. J'ajoute aussi qu'il y aura certainement des économies à faire avec ce nouveau type d'enquêtes puisqu'actuellement les enquêtes sont produites par différents services policiers, et j'ai toutes les raisons de croire qu'elles seront menées avec efficience par le bureau des enquêtes indépendantes et de manière encore plus économique.

Un dossier sensible, maintenant, sur lequel nous avons produit un rapport : les services offerts aux personnes incarcérées qui présentent un problème de santé mentale. Je dis que c'est un dossier sensible parce que très souvent il y a peu de sympathie pour les personnes qui sont incarcérées. Certes, ce sont des personnes qui ont commis des crimes pour lesquels elles doivent effectivement assumer les conséquences et notamment encourir une peine, notamment d'emprisonnement, mais, en même temps, la problématique que nous avons constatée comme ombudsman correctionnel, de santé mentale dans les centres de détention, des personnes qui ont besoin de traitements, de soins, qui ne reçoivent pas ces soins pendant cette période et qui vont sortir avec aucune prise en charge adéquate, notamment au niveau de leur réintégration sociale, je pense que c'est une problématique de société qui doit faire l'objet d'une attention plus grande de la part des services publics qui sont concernés.

Ce sont des enjeux, donc, liés à la prise en charge médicale et psychosociale des personnes incarcérées qui nous ont amenés à faire ce rapport spécial. Ce rapport, donc, porte sur les interventions policières auprès des personnes qui éprouvent un problème de santé mentale avant l'incarcération, sur les défis que représente l'adaptation du système judiciaire à leur prise en charge, sur les enjeux qui sont liés aux services de santé et aussi aux services sociaux qui leur sont offerts pendant la période de détention et à leur sortie et sur les difficultés qui touchent leur réinsertion sociale au terme de l'incarcération.

Une première série de nos recommandations porte sur le soutien aux interventions policières, sur la formation des policiers et la mise en oeuvre d'initiatives qui permettraient d'éviter la judiciarisation et de prévenir, le cas échéant, l'incarcération à nouveau de ces personnes qui requièrent avant tout un accompagnement psychosocial. Sur ces points, je note des avancées positives et je désire souligner la bonne collaboration du ministère de la Sécurité publique, des services de police et de l'École nationale de police, ainsi que le leadership du ministère de la Justice.

Une deuxième série de recommandations vise l'adaptation des services de santé mentale qui sont offerts aux personnes incarcérées, ainsi que leur préparation à leur sortie de détention dans l'objectif d'une réintégration réussie dans la communauté. À ces égards, malheureusement, mon appréciation du suivi de nos recommandations est mitigée. J'aurai l'occasion de répondre davantage à vos questions, mais je peux vous dire que, pour l'essentiel, ce rapport demandait que le réseau de la santé et des services sociaux assume ses responsabilités de gérer, d'administrer les services de santé aux personnes détenues pendant leur incarcération et que, à ce jour, à peu près rien n'a été fait et que cette prise en charge donc n'est pas assumée par le ministère de la Santé.

J'en arrive maintenant aux considérations qui sont liées à la gestion de l'institution du Protecteur du citoyen, qui est une institution publique, financée à même des fonds publics et qui doit donc se soumettre aux plus hauts standards de gouvernance et de bonne administration.

Au 31 mars 2013, au terme de la première année de mise en oeuvre de notre planification stratégique 2012‑2017, nous avions atteint 16 des 21 cibles dont la réalisation était prévue au cours de cette année ou qui pouvaient être mesurées. Dans le traitement de nos dossiers individuels, nous avons réussi des gains d'efficience qui ont permis la réduction de nos délais à hauteur de 12,5 % pour les interventions auprès des ministères et organismes du gouvernement, soit un délai moyen de traitement ramené de 33,7 à 29,5 jours ouvrables et de 10 % en ce qui concerne nos interventions auprès des établissements de santé et de services sociaux, soit un délai moyen de traitement ramené de 114 à 102,6 jours ouvrables. Je tiens à souligner, on en parle beaucoup de ces temps-ci, que le Protecteur du citoyen fonctionne avec un effectif constant, donc un effectif dont on peut dire qu'il est gelé depuis 2006, un effectif de 133 personnes, et que, malgré cela, ces efforts d'optimisation, de réorganisation du travail ont permis des gains d'optimisation. Alors, je tiens à souligner que c'est quand même possible de faire des gains d'efficience avec des effectifs qui sont constants.

Cinq de nos rapports systémiques publiés entre 2009 et 2012, auxquels d'ailleurs je viens de faire référence, faisaient l'objet d'un suivi au cours de l'année 2012‑2013. Des 64 recommandations qui en ont découlé, 61 avaient été acceptées par les instances concernées, dont 51 impliquaient un suivi au 31 mars 2013. Ces résultats relatifs au traitement des plaintes et à nos interventions ne pourraient être les mêmes sans l'engagement et sans la compétence du personnel de l'institution. Notre efficacité repose avant tout sur cette compétence, et c'est pourquoi chaque employé a reçu en moyenne près de quatre jours de formation pertinente à ses fonctions en 2012‑2013. Notre efficacité repose aussi sur la qualité des outils mis à la disposition du personnel. C'est pourquoi nous réalisons, depuis deux ans, l'actualisation des systèmes de gestion des dossiers d'enquête. C'est un projet informatique d'envergure, et, au moment où je m'adresse à vous, le budget et l'échéancier en sont rigoureusement respectés.

Cela étant, pour desservir efficacement les citoyens, encore faut-il que ceux-ci connaissent l'existence du Protecteur du citoyen. Et on a vu, tout à l'heure, s'agissant des citoyens qui s'adressent à nous hors les services correctionnels, que nous rejoignons quand même des citoyens généralement plus scolarisés que la moyenne des citoyens du Québec, et c'est, pour moi, une préoccupation constante de rejoindre davantage de citoyens dont le niveau de scolarisation n'est pas élevé. Alors, nous y consacrons des efforts significatifs. Nos résultats jusqu'à maintenant sont quand même encourageants, même si nous souhaitons obtenir davantage, là, de pénétration dans les milieux moins scolarisés, notamment l'achalandage de notre site Web, qui a connu une hausse de 40 % depuis trois ans.

• (10 heures) •

Nous nous efforçons également d'informer les citoyens sur leurs droits et leurs obligations dans leurs relations avec les services publics. C'est très important parce que souvent nous constatons que des citoyens n'étaient pas informés également de leurs obligations et que cela était source de leur peur de préjudice ou de privation de services. Et c'est une façon, quant à moi, de prévenir qu'ils soient préjudiciés.

L'ensemble des activités qu'exerce le personnel du Protecteur du citoyen et les services qu'ils rendent au citoyen semblent appréciés par ces derniers comme en fait foi le plus récent sondage de satisfaction que nous avons réalisé auprès d'eux. Ces résultats de même que notre faible taux d'encadrement nous permettent de nous classer avantageusement dans l'exercice de comparaison que nous avons fait avec d'autres ombudsmans parlementaires et qui est publié dans notre rapport annuel de gestion 2012‑2013. Demeurent cependant des enjeux et des défis que je partage avec vous à l'instant, notamment... Enfin, je partagerai deux enjeux principaux avec vous.

En votre qualité de parlementaires, vous êtes, je le sais, très conscients de ce que cela signifie être dans la peau de celui qui doit, seul, affronter l'Administration avec les moyens dont elle dispose. Bien avant les réflexions somme toute récentes sur les modes alternatifs de règlement des différends, qui ont notamment été illustrés dans la réforme du Code de procédure civile du Québec, le Protecteur du citoyen agissait comme médiateur entre l'Administration et les citoyens. Par son essence même, en plus d'être un acteur clé du règlement alternatif des mésententes entre citoyens et services publics, il est un agent de prévention de la judiciarisation en pareilles circonstances. Son action permet d'éviter des recours souvent longs et onéreux pour toutes les parties. La pertinence de sa mission ne s'en voit, à mon avis, que renforcée à la lumière des constats sur une incontournable réforme du système judiciaire.

Cependant, pour être en mesure de remplir pleinement ce rôle, je suis d'avis que la mission et les fonctions du Protecteur du citoyen sont appelées à évoluer pour s'arrimer à la société et aux services publics de demain. Cette notion de services publics m'apparaît d'ailleurs des plus fondamentales relativement au mandat même de l'institution. À maints égards, c'est cette notion qui devrait dicter le recours des citoyens au Protecteur du citoyen et non le fait que les employés d'un organisme soient nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique, comme c'est actuellement le cas, sauf exception.

Je n'arrive toujours pas à m'expliquer, par exemple, tout comme certains de mes prédécesseurs, ce qui peut justifier l'absence de recours indépendant, sans frais, dénué de formalisme et diligent pour les citoyens qui se sentent lésés par une décision d'Hydro-Québec. Est-ce normal que ces personnes aient à se tourner vers la Cour des petites créances ou un tribunal de droit commun pour régler un différend qui, dans bien des cas, aurait pu se régler autrement et bien plus rapidement? Pourquoi les citoyens concernés, qu'il serait ici réducteur de qualifier de simples clients, doivent-ils être privés d'un tel recours quant à la qualité des services rendus par cet organisme public qu'est Hydro-Québec, en situation de monopole, et quant au respect de leurs droits? L'Assemblée nationale a d'ailleurs assujetti récemment Hydro-Québec à la compétence d'intervention du Vérificateur général afin qu'il puisse procéder à des vérifications relevant de son expertise. J'en appelle à la commission pour qu'il en soit de même de l'assujettissement d'Hydro-Québec au Protecteur du citoyen, qui lui accorderait le même traitement impartial et rigoureux qu'il accorde à toutes les instances auprès desquelles il intervient.

En terminant, avant de répondre à vos questions, je souhaite vous soumettre brièvement un dernier enjeu. Il a trait au renforcement de l'indépendance du Protecteur du citoyen. Cette institution est la seule des cinq relevant de l'Assemblée nationale dont les budgets ne sont pas autorisés par elle. Ce faisant et bien qu'en réalité, je dois le dire, cette situation n'ait eu à ce jour aucune répercussion négative, le Protecteur du citoyen est placé dans la situation où il est financièrement tributaire d'un organisme, le Conseil du trésor, sur lequel il peut intervenir en certaines circonstances. Cette situation a d'ailleurs fait l'objet d'une intervention de la Commission de l'administration publique, qui, dans son Vingt-quatrième rapport sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, en juin 2010, recommandait que le Protecteur du citoyen soit soumis aux mêmes obligations envers le Bureau de l'Assemblée nationale que les autres personnes désignées par celle-ci pour lui — et je cite la commission — «[assurer] une autonomie appropriée vis-à-vis du gouvernement». Fin de la citation.

Ces obligations sont la présentation des demandes budgétaires et la reddition de comptes au Bureau de l'Assemblée nationale. Enfin et compte tenu de sa connaissance de l'administration publique et de ses réseaux, sachez que le Protecteur du citoyen fera toujours preuve d'ouverture si le législateur envisageait de lui confier des mandats en lien avec le respect des droits des citoyens, la bonne gouvernance et l'indispensable confiance en leurs services publics. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie... En fait, je ne sais jamais comment m'adresser au protecteur... Je comprends que l'institution, c'est le Protecteur du citoyen, mais, Mme Saint-Germain, vous me pardonnerez si je n'utilise pas la bonne façon. Est-ce qu'on s'adresse à vous : Mme le protecteur, Mme la Protectrice?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, l'institution, comme vous le disiez, est le Protecteur du citoyen, mais, la personne titulaire, selon que c'est un homme ou une femme, on masculinise ou on féminise. Alors, moi, je suis la Protectrice.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, merci, merci pour cette précision. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous nous avez effectivement transmis un texte complet de votre présentation, et j'ai compris que vous souhaitiez non seulement le rendre disponible aux membres de la commission, mais qu'il puisse être déposé sur le site de la commission à l'Assemblée nationale. C'est exact?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est exact.

Document déposé

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, je vais donc produire le document qui nous a été produit, il fait maintenant partie des documents disponibles. Ceux qui pourront le lire vont avoir plus de précisions, au-delà des questions qui vous seront posées. Avant d'entreprendre la période d'échange, je me permets simplement de souligner, comme vous l'avez fait au début, l'importance que les parlementaires accordent au Protecteur du citoyen. Et je pense qu'il y a une raison assez simple, parce que votre mission est très semblable à la mission des députés... un des volets du rôle des députés, c'est-à-dire de s'assurer, dans les interactions entre nos concitoyens et l'administration publique, d'un traitement équitable et impartial. C'est le rôle du député également... un des rôles du député. Et, dans ce sens-là, vous nous aidez à faire notre travail, à mieux faire notre travail, et nous avons tout intérêt à travailler en collaboration, et c'est fort apprécié.

Également, je ne peux m'empêcher de souligner, parce que vous l'avez fait aussi, le rôle important du Protecteur du citoyen dans l'accès à la justice. Vous avez souligné que vous jouez un rôle important pour informer nos concitoyens de leurs droits et obligations, ce qui est souvent la cause ou à la... une des causes de conflit ou de... qui donnent lieu à des plaintes ou des insatisfactions de la part de nos concitoyens et qui peuvent donner lieu à des litiges devant les tribunaux.

Et, à juste titre, vous soulignez l'importance de votre rôle pour amener, par des moyens qu'on a qualifiés d'alternatifs à une autre époque, des solutions, et je pense que c'est un excellent moyen pour améliorer l'accès à la justice, qui est un thème que les acteurs du système de justice soulignent et commentent depuis de nombreuses années. Et cette approche du Protecteur du citoyen et le rôle du Protecteur du citoyen contribuent largement à améliorer l'accès à la justice, et il est très important de souligner ce rôle-là, et je vous remercie de l'avoir fait dans votre présentation.

Discussion générale

Sur ces brèves remarques introductives de la part du président, je me tourne maintenant vers le groupe parlementaire gouvernemental pour un premier bloc d'interventions. Et M. le député de Vimont réclame la parole, que je lui cède avec plaisir.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, M. Dowd, M. Dussault et M. Bernier, bienvenue ici. Vous savez, je lisais, et puis en même temps je regardais votre mission, puis je regardais qu'est-ce que vous faites, et ça, justement, une mission en toute indépendance et impartialité, ça me rappelle toujours... Parce que j'ai déjà travaillé pour les Nations unies, puis je suis donc heureux d'être ici au Québec parce qu'on a une institution vraiment sécuritaire et vraiment... On écoute nos citoyens, on veut les protéger, on veut améliorer notre système aussi. Puis vous faites partie de l'engrenage, parce que vous nous aidez là-dedans, et je pense que c'est vraiment important. Mais je voulais le souligner parce que des fois on l'oublie, qu'on est au Québec puis que... la chance qu'on a d'être ici. Vraiment, je vais vous dire de quoi, comme vous, sûrement, ou d'autres... des collègues aussi ont voyagé, et puis, je veux dire, on a vraiment une chance incroyable ici.

Mme Saint-Germain, je regardais dans votre présentation. Vous avez plus de... 375 instances sont formellement assujetties à votre compétence, ce que vous dites, soit 80 ministères et organismes du gouvernement, 295 établissements de santé et de services sociaux regroupant près de 1 700 installations. C'est beaucoup. Je voudrais savoir, pour faire votre mission, là, la coopération de tous ces gens-là... Parce qu'il y en a des gens, là-dedans, là. Et puis est-ce qu'il y a des gens qui sont réfractaires à ça? Est-ce que... Parce que, vous savez, quand vous faites une enquête... Je suis un ancien policier, donc je le sais, des fois, quand tu fais quelque chose, quand tu rentres sur le terrain de l'autre, des fois la crainte embarque, puis ce n'est pas toujours évident. Vous, est-ce que vous vivez ce côté-là ou...

• (10 h 10) •

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, la question du député m'amène — et votre introduction — à préciser justement que le Protecteur du citoyen a, par l'Assemblée nationale, des pouvoirs d'enquête. En fait, nous avons les pouvoirs d'une commission d'enquête, sauf celui de décréter l'emprisonnement, qui n'est pas un pouvoir que je revendique, par ailleurs.

Des voix : ...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Et, si nous avons ces pouvoirs d'une telle importance, c'est justement pour pouvoir bien éclairer les députés et l'Assemblée nationale et bien les soutenir dans leur rôle, donc les amener à avoir la connaissance réelle de ce qui s'est passé et des faits de manière impartiale. Donc, il est exact de dire que certaines instances sont parfois réticentes à collaborer avec nous, mais notre approche, qui est l'approche d'un médiateur, au fond, c'est de leur faire comprendre que nous agissons d'abord de manière rigoureuse, de manière impartiale, que nous avons ces pouvoirs d'accès à tous les documents, à tous les faits, à toute personne que nous pouvons convoquer, y compris par subpoena. Et, de façon générale, notre approche convainc les gens de collaborer.

Il y a eu certaines situations difficiles, avec le temps, que j'ai dû porter à l'attention de l'Assemblée nationale dans les rapports annuels, et ces situations-là se sont vraiment réglées. Donc, de façon générale, je suis satisfaite de l'accès et de la collaboration que nous recevons des services publics, qui nous permettent de mener nos enquêtes dans de bonnes conditions. Évidemment, cette satisfaction ne va pas toujours jusqu'à être en accord avec les délais qui sont mis à mettre en oeuvre certaines de nos recommandations.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la Protectrice. M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Je regarde encore toujours dans votre présentation, je vais auprès des demandes qui sont logées justement à la protection... Protecteur du citoyen : 38 714, exactement, près de 39 000. Puis, j'ai remarqué, dans un autre document, je pense, qu'il y a augmentation de 1 %. Dites-moi si je me trompe, là... pour ça, la question. 1 %, est-ce que, pour vous, c'est beaucoup? Est-ce que ça se maintient? Est-ce que c'est... Juste nous expliquer un petit peu pourquoi qu'il y a eu une augmentation de l'ordre de 1 % point quelques, là.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, Mme la Protectrice.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, de façon générale, je dirais que notre demande est relativement stable. Du côté de la santé et des services sociaux, il y a une hausse qui est quand même significative. Je vais laisser, M. le Président, avec votre accord, la parole au vice-protecteur qui s'occupe des enquêtes. Mais, juste avant, je veux vous préciser que nous sommes satisfaits du fait que de plus en plus nos demandes sont des demandes qui sont liées à notre compétence directe et qui donnent lieu à des enquêtes, et que nous avons de moins en moins de demandes qu'on appelle soit hors compétence ou soit qui nous amènent à faire de l'aide et de la référence vers d'autres instances. On est toujours intéressés à le faire, et je pense que c'est notre rôle aussi de ne pas laisser en plan un citoyen qui vient chez nous pour des raisons qui ne relèvent pas de notre mandat, mais que l'essentiel de nos ressources soit consacré à nos enquêtes nous apparaît plus important.

M. le Président, donc, je laisserais la parole au vice-protecteur M. Dussault pour faire le point sur la demande statistique en ce qui concerne nos enquêtes en administration publique et en santé et services sociaux.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Simplement pour les fins de l'enregistrement, vous présenter, et ça va nous faire plaisir de vous entendre.

M. Dussault (Claude) : Certainement, M. le Président. Claude Dussault, vice-protecteur, Service aux citoyens et aux usagers. L'essentiel de ma fonction, c'est d'être responsable de la tenue des enquêtes.

Pour répondre à la question du député, essentiellement les demandes en administration publique, c'est plutôt stable. D'année en année, ça va varier de plus ou moins 1 %, mais, disons, à long terme, c'est, les quatre, cinq dernières années, plutôt un phénomène relativement stable. En santé, par contre, ça augmente légèrement d'année en année, là, on parle toujours de 2 %, 3 % d'augmentation à chaque année. On sent la pression qu'il y a sur les services de santé, et ça se reflète au niveau des plaintes, beaucoup évidemment les questions de délai, les questions d'accès aux services de santé.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député de Sherbrooke.

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je voudrais saluer la Protectrice du citoyen et les gens qui l'accompagnent. C'est un plaisir de la retrouver. J'ai eu l'occasion de l'entendre lors de consultations particulières sur le projet de loi n° 2, et elle nous a émis des commentaires, des recommandations fort pertinentes qui ont alimenté notre réflexion, et je suis convaincu que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pourra également en témoigner. Alors, on voit toute la pertinence de votre organisme, la pertinence de votre mission. Mais en même temps, vous l'avez dit, Mme Saint-Germain, d'entrée de jeu, que vous étiez une administratrice de fonds publics à titre de dirigeante d'organisme, et c'est un petit peu à cet effet-là que je veux vous interpeller, en fait, vous poser une question ce matin.

Au cours des trois dernières années, vos dépenses sont demeurées relativement stables, globalement parlant. Je sais que, pour l'année financière en cours, votre budget est augmenté de 0,3 million de dollars, si je ne me trompe pas. Mais vous savez dans quel exercice le gouvernement se livre présentement dans toute la révision des dépenses du gouvernement. Et le président du Conseil du trésor appelle évidemment un effort national où l'ensemble de la société sera appelée à contribuer. Pour l'instant, je note que, pour l'année en cours, votre budget est maintenu, voire augmenté légèrement. Et là je ne parle pas des élus, je ne parle pas du gouvernement, je ne parle pas du Conseil du trésor. Mais je pense que justement, dans cet exercice-là, les Québécois vont s'attendre de l'ensemble de leurs institutions publiques qu'elles donnent l'exemple. Alors, je voulais savoir si, de votre propre initiative, vous vous étiez fixé un objectif de rationalisation de vos dépenses peut-être pour l'année en cours ou pour l'année à venir et, si oui, comment vous comptez atteindre cet objectif-là.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, moi, je n'ai pas attendu qu'on demande des restrictions formelles. Je suis Protectrice du citoyen depuis 2006. Déjà l'intégration des deux organisations a fait en sorte que le Protecteur du citoyen fonctionne avec quatre postes de moins et inclut... il n'y a plus de deux protecteurs, un protecteur du citoyen, un protecteur des usagers, mais un seul. Et j'ai pris différentes mesures avec mes collaborateurs pour améliorer la performance depuis que je suis en fonction.

Notamment, je peux vous dire que, depuis 2006, nous traitons un nombre de plaintes qui est beaucoup plus élevé que ce qui était traité par le Protecteur des usagers. Nous avons, en santé, actuellement, 1 135 plaintes par année, alors qu'en 2006 le Protecteur des usagers avait 478 plaintes. Et, pour ce faire, nous avons 39 personnes qui travaillent en santé, alors qu'au Protecteur des usagers il y en avait 38. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire qu'il y a eu des mesures importantes d'optimisation qui ont été faites, revues, dans certains cas à la baisse. Le niveau de poste, des postes de délégués adjoints, qui sont des techniciens en droit, pouvaient faire un travail qui ne nécessitait pas toujours la responsabilité d'un professionnel. Nous avons revu la méthode d'enquête. Le taux d'encadrement est parmi les plus bas de tous les organismes comparables que nous avons vus au Protecteur du citoyen. Il y a beaucoup de formation qui est faite à l'interne. Nous ne payons pas des frais de formation externe; l'expertise, elle est vraiment interne. Nous avons revu notamment tous les enjeux de location d'espaces. Les centres de documentation, il n'y a presque plus de documents papier. C'est sûr qu'on a encore le Code de procédure civile aussi papier, mais on fait beaucoup d'efforts dans ce sens-là. Donc, nos coûts de gestion sont quand même très bas. Ce sont des coûts de gestion qui sont à 7 %. On a revu les déplacements à la baisse le plus possible. Évidemment, dans certains cas, on ne peut pas faire l'économie d'aller constater, souvent sans s'annoncer. Quand on a un signalement, par exemple, dans une résidence où on abuserait de personnes handicapées, il faut se déplacer. Mais il y a des efforts qui sont constants parce que je suis consciente qu'il y a beaucoup à faire, nous avons encore des délais de traitement, et les ressources vont toujours demeurer constantes. Vous parlez de l'augmentation du budget. En fait, c'est une augmentation qui ne nous donne rien de plus pour mieux servir les citoyens. Ça, c'est ce qu'on appelle les coûts de système, hein, les coûts d'augmentation notamment des loyers et l'augmentation... l'indexation des salaires.

Alors, je pense que c'est important d'agir comme ça. Il n'y a pas de zones qui ne sont pas regardées, au Protecteur du citoyen. Je vais vous donner un exemple qui peut vous paraître un peu simpliste, mais ça a été le cas. On a certains tapis, dans notre bureau de Québec, qui étaient usés. Alors, on m'a fait une proposition de changer les tapis au bureau de Québec. J'ai dit : Non, on ne changera pas les tapis. Il y avait une zone précise qui était le corridor central et puis une autre salle qui étaient très usés. Alors, on a changé cette partie-là, et, oui, ça fait une différence de couleur, mais ce n'est pas plus grave que ça. Je pense qu'on est rendu à se dire : Il n'y a pas de fausses économies, il n'y a pas de petites économies, mais ce qu'il faut surtout, c'est préserver les services publics. Et, dans ce sens-là, je pense que le Protecteur du citoyen doit donner l'exemple. Je crois que nous donnons l'exemple. Et, encore une fois, tout continue d'être regardé. J'ai encore, avec mes collaborateurs, certaines pistes en tête. Nous attendons aussi des occasions. Vous savez, chaque départ, généralement des départs à la retraite, est une occasion à saisir pour réévaluer le niveau d'un poste, pour réévaluer la pertinence de l'affectation de ce poste au service à la clientèle. Alors, il faut vraiment être extrêmement vigilant. C'est un travail continu.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète le bloc, ce premier bloc d'intervention. En fait, on l'a un peu dépassé, mais je pense qu'il était important de permettre à Mme la Protectrice de compléter sa réponse. On fera les ajustements en conséquence au niveau du temps, de la répartition du temps. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle et le vice-président de la commission. La parole est à vous.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme la Protectrice, très heureux de vous voir, les vices-protecteurs, M. Bernier. Je pense qu'en regardant les documents, d'abord on va se concentrer bien sûr sur ce qui ne fonctionne pas, mais il faut commencer par dire ce qui fonctionne. Moi, je suis assez soufflé de voir que 98 %, 99 % des recommandations que vous faites sont intégrées par l'administration publique à votre satisfaction. C'est énorme, hein, c'est une note presque parfaite qui vous permet de vous concentrer sur le 1 % qui reste. Mais ça nous donne une mesure de l'importance de l'institution que vous incarnez maintenant avec votre équipe, qui fonctionne depuis 1968, et comment il était sage pour l'Assemblée nationale et le premier ministre Daniel Johnson, l'Union nationale de l'époque, de dire : Bon, bien, l'administration publique, c'est bien, on a une administration publique remarquable, mais il lui arrive d'être un peu normative et de laisser passer... enfin, d'être trop froide... On leur demande d'être froids avec leurs normes, mais trop froid ça existe, et le Protecteur du citoyen est là pour tiédir un peu le refroidissement qui peut arriver dans l'application des normes. Alors, je tiens à saluer votre travail.

On voit cependant, que, lorsque vous ciblez des cas problèmes, en ce moment, Hydro-Québec, Revenu Québec, Santé et Services sociaux, en particulier dans les problèmes d'hébergement, font partie des récidivistes de la froideur. Alors, je vais vous en parler un petit peu. Mais d'abord je reviens sur ce que vous avez dit sur les petites économies que vous faites et qu'il n'y a pas de petites économies, il faut préserver les services publics. Alors, vous n'êtes pas sans savoir que... vous êtes aux premières loges, d'ailleurs, comme observatrice, qu'il y a des optimisations, des compressions budgétaires qui sont faites depuis un certain nombre d'années et vous avez déclaré, il n'y a pas si longtemps, le 25 septembre 2013, la chose suivante : «Avec chaque annonce de compression, revient la formule consacrée que les services directs à la population ne seront pas touchés. Ce n'est plus vrai.»

Alors, alors qu'on est à l'aube d'une grande série de compressions et de révisions de programmes, quelle est votre appréhension, d'abord votre lecture de l'impact des compressions que l'on vit déjà et votre lecture de ce qui va se passer dans les mois et les saisons qui viennent?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme la Protectrice.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Avant de répondre directement à la question du vice-président de la commission, j'aimerais préciser que, si 98 % de nos recommandations sont suivies, ce n'est pas parce que nous faisons des recommandations de compromission pour qu'elles soient acceptées. Je tiens à le dire parce que c'est une des questions que je pose régulièrement : Est-ce qu'on aurait pu aller plus loin? Est-ce que... Donc, on ne négocie pas nos recommandations.

Une précision évidemment sur Hydro-Québec. Comme nous n'avons pas la compétence actuelle d'intervention, je ne saurais présumer qu'il y a ou non préjudice envers les citoyens chez Hydro-Québec.

Compressions budgétaires. C'est exact, M. le vice-président citait très exactement une déclaration que j'ai faite lors du dépôt du rapport annuel l'an dernier, cette déclaration, elle avait pour but de dire : Attention, il faut s'assurer que tout est fait pour préserver les services publics. Il n'y a pas de petites économies, et il faut regarder partout parce que moi, je considère que, lorsque les listes d'attente ne cessent de s'allonger... C'est le cas pour les services d'orthophonie pour des jeunes enfants à l'école. C'est le cas pour l'accès aux urgences.

C'est le cas pour l'accès à la justice administrative, et ça, c'est très important. Des tribunaux administratifs comme la Régie du logement, le Tribunal administratif du Québec, pour des causes où des citoyens en attente de prestations ou d'indemnités de la CSST et de la SAAQ ne seront pas entendus avant deux ans, deux ans et demi, ça pose un problème fondamental non seulement d'accès à la justice, mais de bon fonctionnement de la justice parce qu'imaginez la qualité des preuves, la qualité des témoignages qui, avec le temps, peuvent s'effriter. Donc, cela m'apparaît important.

Est-ce que, pour autant, il n'y a pas lieu de faire des compressions dans le système public? Je ne peux pas... je ne suis pas en mesure de répondre à cette question-là. Je pense qu'il faut tout regarder ce qui est administratif, ce qui est au niveau des économies qui peuvent être réalisées, au niveau du travail moins en silo, de la hausse de productivité, la révision, dans certains cas, de niveaux de poste. Donc, il faut tout faire pour préserver les services publics. Et je pense que ce sera important de le faire avec beaucoup de transparence, non seulement que l'on annonce qu'il y a des coupures de tant de millions ou de tant de postes, mais qu'on dise aussi... et qu'on mesure l'impact sur les différents services qui vont être coupés parce que les citoyens sont en droit de savoir ce à quoi ils auront encore droit ou ce à quoi ils n'auront plus droit. Et cette transparence-là, elle est importante, et, à mon avis, elle est déficiente, et cela, depuis plusieurs années.

Quand je dis «déficiente», notamment, par exemple, dans le réseau de la santé, on parle des délais d'attente. On a fait des rapports, deux rapports spéciaux sur la situation des personnes qui ont un TED. On annonce des délais d'attente qui sont très longs mais qui ne sont pas complets. Le délai d'attente, c'est pour avoir accès à un diagnostic. Mais, entre le moment où vous avez le diagnostic et vous avez le premier service, il peut s'écouler encore six mois, neuf mois, un an; on a des délais, là, détaillés. Même chose, j'en parlais tout à l'heure, la justice, l'accès à la justice, on a des délais des tribunaux, mais ça, c'est pour la première audition de la cour, mais le jugement, la décision du tribunal sera rendue quand? Alors, tout ça, ça fait partie de la transparence, de donner une information qui soit de qualité et qui permette véritablement d'apprécier les choses.

Si je résume, donc, ce n'est pas au Protecteur du citoyen bien sûr de décréter ou de juger que telle coupe devrait être faite ou non, mais le Protecteur sera là par contre pour vous informer, vous faire rapport sur les conséquences des compressions s'il y a lieu, sur le respect ou le non-respect des droits et sur la qualité des services, et surtout pour mesurer l'écart entre ce à quoi on s'est engagé et ce qui, dans la réalité, a été rendu comme services publics.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. M. le vice-président, en vous mentionnant qu'il reste un peu plus de trois minutes.

M. Lisée : Merci. Bien, merci pour ces précisions effectivement. Parce que la promesse est faite qu'il n'y aura pas de coupure de services. Alors, on a déjà un certain nombre d'éléments, de connaissance de coupures de services réelles qui sont faites, donc d'aggravation de la situation. Donc, on compte aussi sur vous pour faire rapport de ça et d'attirer l'attention rapidement.

Maintenant, sur Hydro-Québec, je comprends que vous n'avez pas le pouvoir d'y aller. C'était la même chose avec le Vérificateur général. Lorsqu'on était au gouvernement, le Parti québécois, on leur a donné ce pouvoir-là. J'aimerais bien que vous l'ayez. Mais aussi la recommandation que vous faites pour faire en sorte que les citoyens, qui ne devraient pas être désignés par le terme «clients», puissent avoir un mode de médiation dans leurs rapports avec Hydro-Québec lorsqu'ils ont une difficulté. Est-ce que cette recommandation-là, vous l'avez faite au ministre responsable de l'Énergie, à Hydro-Québec? Est-ce qu'il y a eu une réponse? Si oui, laquelle?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

• (10 h 30) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. En fait, cette recommandation, je l'ai faite au gouvernement depuis 2010 par la voix du ministère du Conseil exécutif, je l'ai faite également en 2013 au ministre responsable des Institutions démocratiques, et, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de suite concrète.

Hydro-Québec connaît évidemment les intentions du Protecteur du citoyen, mais, à mon avis, c'est au gouvernement de faire une proposition de modification législative. Il est certain qu'un organisme public ne fera pas les démarches requises pour être assujetti à un organisme de surveillance. Et, de la même façon que ça a été fait pour le Vérificateur général, je crois que la compétence d'intervention du Protecteur du citoyen devrait être accordée par l'Assemblée nationale, alors... Et ce serait très simple, d'ailleurs, en matière de législation. Il suffit de modifier un article, l'article 15 — le directeur des affaires juridiques connaît par coeur la loi et l'article 15 — pour ajouter, donc, un alinéa qui serait Compétence d'intervention sur Hydro-Québec.

Et je tiens à vous dire que ce ne serait pas une compétence très coûteuse parce que nous avons déjà toutes les infrastructures d'enquête et nous avons déjà les locaux, donc il suffirait de recruter quelques personnes qui seraient consacrées à ce type d'enquête. Et je pense... bien sûr, nous ne l'avons pas documenté, là, de manière comptable détaillée, mais je pense que les recours judiciaires, que ce soit devant les tribunaux administratifs ou la Cour des petites créances, qui impliquent des frais pour les citoyens comme pour Hydro-Québec, pourraient amplement... l'économie sur ces recours pourrait amplement justifier, et plus encore, que cette compétence soit donnée au Protecteur du citoyen.

Et encore une fois j'insiste pour dire que notre travail serait impartial. Nous avons un plan de travail — ça fait partie de ce que j'ai soumis au gouvernement, tant avant 2013 qu'en 2013 — nous avons un plan par lequel nous commencerions par rencontrer les instances d'Hydro-Québec, expliquer notre pouvoir, notre méthode d'enquête, comment nous fonctionnons, préparer notre connaissance du dossier pour pouvoir bien intervenir, et ça se ferait d'une manière professionnelle et diligente. Donc, j'espère que ce sera une réalité bientôt.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, Mme la Protectrice du citoyen. Ça complète le bloc. M. le vice-président, vous aurez l'occasion de revenir sur le prochain bloc. Je me tourne vers le député de Vanier-Les Rivières. Je vous cède la parole.

M. Huot : Merci. Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, M. Dowd, M. Dussault, M. Bernier, bienvenue, ça fait plaisir de vous revoir. Je vous ai déjà vus en commission parlementaire par le passé. Je vais poursuivre rapidement sur le cas Hydro-Québec. Je voulais... Petite question peut-être, là, technique : Est-ce qu'actuellement il y a plusieurs cas de citoyens qui vous appellent pour des cas d'Hydro-Québec? Je présume. Si vous en faites la demande, c'est parce que ça doit se rendre à votre bureau. La réponse, c'est tout simplement : On n'a pas la compétence, si je comprends bien?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, tout en sachant que nous n'avons pas compétence, plus de 200 citoyens s'adressent à nous chaque année. Parmi ces citoyens, des travailleurs sociaux, des médecins, des travailleurs communautaires qui nous réfèrent des situations notamment de bris de courant ou de facturation illégale. Et je dois vous dire qu'il y a des citoyens qui sont même un peu mécontents contre nous, du fait que nous n'ayons pas cette compétence, et qui sont vraiment déçus, qui le disent...

M. Huot : Ils nous appellent, dans ce temps-là, dans nos bureaux de députés. Effectivement, il n'y a pas un député qui n'a pas eu de cas d'Hydro-Québec, là, de facturation, entre autres, des choses comme ça, tous les députés en ont. Donc, moi, j'entends bien ce que vous dites. Et est-ce qu'il y a déjà eu des approches, des discussions de façon peut-être plus informelle avec la haute direction d'Hydro-Québec pour ces choses-là ou on n'est pas rendu là encore?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non. En fait, les approches ont été formelles avec les autorités du ministère du Conseil exécutif à plusieurs reprises et avec aussi la Commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale en 2011, qui a donné son appui, mais toujours sous réserve du fait que ça doit évidemment... c'est un projet de loi qui doit être préparé par le gouvernement et déposé par le gouvernement.

M. Huot : ...mais jamais auprès d'Hydro-Québec directement. Et je vais continuer sur un autre sujet du député de Rosemont. Au départ, on parlait de 98 % des recommandations qui étaient suivies. Puis ça va peut-être permettre de revenir sur un volet de votre présentation de départ sur la contribution financière des parents au placement de leur enfant.

Je vais prendre l'exemple du 98 % des recommandations qui sont suivies. Et vous dites, dans la présentation, vous avez mentionné... Vous avez fait 11 recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux, Régie des rentes, Agence du revenu du Québec et ministère des Finances. Et vous dites : «Ces recommandations, toutes acceptées, visent à ce que la contribution financière au placement... Donc, vous avez une série de critères, mais vous dites, par la suite, que les inéquités demeurent et que les solutions seraient simples. Donc, à quelque part, ce que je comprends de la présentation : on suit les recommandations, mais les problèmes ne sont pas réglés. C'est ce qu'on déduit de ça. Donc, jusqu'à quel point, si vous dites que 98 % des recommandations sont acceptées... mais elles sont mises en oeuvre ou sont mises en application de quelle façon? Êtes-vous en mesure de faire une distinction entre acceptées et mises en oeuvre?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Absolument, M. le Président, effectivement une recommandation acceptée n'est pas automatiquement mise en oeuvre. C'est pourquoi, dans nos dossiers, nous faisons... Bon, nous avons un système de suivi de nos recommandations, et un dossier n'est fermé, au Protecteur du citoyen, qu'au moment où la recommandation est implantée.

Dans le cas de ce dossier particulier, oui, tous les ministères ont accepté. Il y a des difficultés présentement liées, comme vous dites, à la mise en oeuvre. Je vais, M. le Président, si vous êtes d'accord, laisser la... demander au vice-protecteur, M. Dowd, qui a dirigé l'enquête spéciale sur ce dossier, de vous répondre plus précisément sur l'état du suivi.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, c'est avec plaisir. En vous demandant de vous présenter, dans un premier temps, et on va vous écouter avec grand plaisir.

M. Dowd (Marc-André) : Avec plaisir. Marc-André Dowd, vice-protecteur, Prévention et innovation. Alors, la question du député me permet de préciser un peu ce qu'on veut dire lorsqu'on parle d'intervention systémique au Protecteur du citoyen. Effectivement, on recevait plusieurs plaintes de parents dont les enfants étaient hébergés en centre jeunesse ou en famille d'accueil et malheureusement on devait constater que ces plaintes-là, techniquement, elles étaient non fondées parce qu'on appliquait correctement le règlement, mais le problème, c'est que le règlement était désuet. Alors là, il faut remonter à la source pour dire : Bien, on va regarder la source du problème et on va regarder le système comme tel. Et c'est ce qu'on a fait dans notre intervention sur la contribution financière au placement.

On en est venus à la conclusion qu'on doit aller vers un nouveau règlement, une refonte du règlement, et là-dessus c'est un dossier qui chemine très bien, je dois vous dire. Mais évidemment on parle de collaborations qui doivent s'établir entre la Régie des rentes du Québec, le ministère de la Santé, les centres jeunesse. Donc, vous savez, il faut prendre le temps d'asseoir les personnes à la même table, d'avancer. Mais, aux dernières nouvelles, on était globalement satisfaits du suivi des recommandations.

Je dirais, par contre, qu'on nous a... Et ça m'amène sur la question de la révision des programmes. C'est qu'on nous a signifié, lors d'une récente rencontre, que cette question-là était regardée par la commission de révision des programmes avec la question plus large de la contribution à l'hébergement des adultes. Alors là, j'imagine que les travaux de la Commission de révision permanente vont permettre de donner des orientations qui vont avoir un impact sur notre dossier. Mais on suit ça avec beaucoup d'intérêt.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Huot : Oui. Bien, ça amène... Vous avez commencé... au début de votre discours, vous parliez, entre autres, de manque de coordination, je pense, entre les programmes et les services, les différents... Et, à chaque fois qu'on entend ça... Je pense que, depuis que la fonction publique existe, il y a eu des promesses de politiciens à chaque campagne électorale où, chaque discours : Fini les silos, il n'y en aura plus de silos, les gens vont travailler ensemble. Visiblement, on a encore des problèmes de collaboration. Peut-être vous entendre plus spécifiquement...

Et là on parle de révision des programmes. On est avec des départs à la retraite assez importants. On est dans une période où est-ce qu'il faut penser à se réorganiser, à revoir les façons de faire, une meilleure collaboration, mais ce qui veut dire collaboration entre les différents ministères, entre les différents organismes, mais même on peut parler de collaboration à l'intérieur même d'un même ministère ou d'un même organisme où est-ce que différents gestionnaires n'accepteront pas de collaborer ensemble non plus. Donc, vous voyez un peu ce que je veux dire? Ce n'est pas toujours simple de faire collaborer des ministères quand, à l'intérieur d'un même ministère, c'est difficile, la collaboration est difficile. Vous constatez certaines choses, vous constatez certains problèmes, vous dénoncez certains problèmes, mais les pistes de solution théoriques sont belles, mais, dans la pratique, comment on peut faire en sorte d'améliorer ces collaborations-là ou d'avoir une meilleure coordination entre les différents programmes, les différents services?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Mme Saint-Germain.

• (10 h 40) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, c'est une question de mettre les priorités et les attentes au bon endroit. Si on évalue les dirigeants d'organismes, les cadres sur leur capacité d'avoir résolu des problèmes, de s'être concertés avec les bonnes instances, déjà ça oriente vers les actions qu'ils devront prendre, vers les attitudes qu'ils devront avoir. Je pense qu'il faut... Dans ce contexte de révision des programmes, moi, je ne vois pas que l'on doive se concentrer sur les structures, que l'on doive se concentrer sur les moyens, mais qu'on doive surtout mettre l'accent sur la finalité des choses. En d'autres termes, faut-il défendre des organisations précises? Faut-il défendre des postes et des niveaux précis? Je pense que non. Ce qu'il faut défendre et ce sur quoi il faut prendre les décisions, c'est sur les résultats et sur les besoins de la population.

Et, dans ce sens-là, la préoccupation que j'ai et qu'on a beaucoup documentée, au Protecteur du citoyen, je n'aimerais pas que les compressions, que les mesures de redressement qui doivent être prises donnent lieu à de la déresponsabilisation, en d'autres termes, que l'on dise, par exemple : Nous allons dévoluer telle responsabilité soit à un organisme communautaire, soit à une entreprise privée, sans donner un cadre qui va garantir un niveau de qualité et un niveau de contrôle de la protection des droits, notamment quand il s'agit de personnes vulnérables.

On a vu ça, par exemple — et on le voit encore — pour le désengorgement des urgences et la libération de certains lits de soins de longue durée dans les hôpitaux. Il y a eu des ententes avec des résidences privées pour personnes âgées. Je ne suis pas contre ces ententes-là; bien au contraire, je pense que ça peut être un apport très important et essentiel, l'apport du secteur privé. Le problème dans ce dossier-là, c'est qu'il y a eu une déresponsabilisation quant à la capacité de ces résidences privées là de prendre en charge une clientèle qui a des besoins lourds et importants qu'on lui a référée. On a fait comme dire : Bon, bien, c'est fini, ça sort de l'hôpital, ça s'en va à la résidence, c'est terminé. Alors, la déresponsabilisation, c'est un risque, et il faut vraiment en être conscient, il faut vraiment faire attention de ne pas s'engager dans ce volet-là.

L'autre élément, c'est : il faut s'assurer d'agir de façon diligente et de conserver les ressources pour agir de façon diligente. On voit de plus en plus que l'accessibilité ou la non-accessibilité, les longs délais, c'est notre premier motif de plainte, qu'on soit à l'endroit des ministères et organismes, à l'endroit du réseau de la santé et des services sociaux. Comment se fait-il que c'est aussi long, avoir accès aux services publics? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on ne peut pas agir plus vite? Alors, ça, il faut regarder ces conditions-là. Bien sûr, le Protecteur du citoyen n'a pas les moyens et les ressources pour examiner tout ça, on ne fera pas des enquêtes administratives de ce type-là, mais je pense que... s'assurer qu'on ne se déresponsabilise pas de responsabilités qui sont d'intérêt public et s'assurer aussi qu'on prend tous les moyens pour consacrer les ressources aux services et agir le plus rapidement possible dans le contexte.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, Mme la Protectrice. Ça met un terme à ce bloc d'interventions. Je me tourne maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Je salue mes collègues parlementaires, C'est la rentrée. Je vous salue, Mme Saint-Germain, c'est la première fois que j'ai l'occasion de vous rencontrer, merci de votre présence, merci pour la présentation de ce matin, et naturellement tous vos collègues qui sont à la table avec vous. En tant qu'ex-journaliste... Le Protecteur du citoyen est une institution éminemment importante pour tout citoyen québécois, citoyenne et citoyen. On a besoin de savoir ce qui se passe avec le gouvernement. C'est David contre Goliath. C'est une machine monumentale, le gouvernement et l'administration gouvernementale, surtout pour tout citoyen les néophytes. Et nous sommes encore à lire tout ce qui est rapporté, et le citoyen n'en connaît... on n'en est informés que d'une infime part. Donc, votre rôle est primordial.

En lisant les documents préparatoires, d'ailleurs très bien faits — incidemment, je veux remercier tous ceux qui ont collaboré à la préparation des documents — vous avez dit quelque chose, et enfin dans les documents on en parle, vous en avez parlé dans vos rapports. Et je disais qu'en tant qu'ex-journaliste, à chaque fois qu'un rapport du Protecteur du citoyen sort, on dit : Enfin, il va y avoir de la nouvelle, on va apprendre quelque chose qu'on ignore ou on va pouvoir mettre le doigt sur une situation où il y a des injustices qu'il faut, qu'il faut redresser.

Alors, quand vous nous dites, tout à l'heure — et là je vais vous citer : «Je n'arrive toujours pas à m'expliquer, par exemple, tout comme certains de mes prédécesseurs, ce qui peut justifier l'absence de recours indépendant, sans frais, dénué de formalisme et diligent pour les citoyens qui se sentent lésés par une décision d'Hydro-Québec», écoutez, Mme Saint-Germain, ça, c'est de la musique à mes oreilles, c'est de la musique aux oreilles du deuxième groupe parlementaire que je représente.

Et vous poursuivez : «Comment se fait-il que les citoyens, qu'on appelle les «clients», soient «privés d'un tel recours quant à la qualité des services rendus par cet organisme [en situation de monopole] — que vous avez rajouté, ce n'est pas dans votre texte — et au respect de leurs droits?» C'est de la musique à nos oreilles. Et sachez que vous trouvez auprès du deuxième groupe d'opposition une oreille attentive et un appui.

D'ailleurs, d'ailleurs, pour la petite histoire — et je pense que c'est l'occasion pertinente de le faire — en mai 2013, alors que nous avions un autre gouvernement et que certains des collègues qui sont à ma droite étaient ministres à l'époque, mon collègue le député de Granby a proposé un projet de loi, le projet de loi n° 391, visant à assujettir à la compétence du Protecteur du citoyen les sociétés, les autres organismes publics visés par la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, et les organismes dont le gouvernement nomme au moins la moitié des membres ou administrateurs, ainsi que les organismes dont plus de 50 % des actions comportant le droit de vote de leur fonds social font partie du domaine de l'État ou sont détenues en propriété par un autre organisme public ou par un organisme du gouvernement. Ça entre là-dedans, Hydro-Québec. Donc, toujours pour un exercice de mémoire, de mémoire collective, j'aimerais rappeler que le parti politique qui était au gouvernement à cette époque-là — le député de Rosemont pourra en témoigner — n'avait pas appelé notre projet de loi. Ça aurait pu être utile...

Une voix : On n'a pas eu le temps... pas eu le temps... pas eu le temps.

Mme Roy (Montarville) : ...ça aurait pu être utile, mais il y avait d'autres priorités. Alors, cela dit, ma question est fort simple, Mme la Protectrice, et je crois que la réponse sera positive, à la lumière de ce que vous nous avez dit : Seriez-vous en faveur que notre formation dépose à nouveau ce projet de loi? Et croyez-vous que le nouveau gouvernement devrait le considérer, cette fois-ci, puisqu'il aura plus de temps, là?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci pour cette question. Je vais céder la parole à Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, il pourrait sembler que poser la question, M. le Président, c'est y répondre. Mais j'aimerais que toutes les formations politiques effectivement soient d'accord et que ce projet de loi soit effectivement déposé à l'Assemblée nationale.

Mme la députée a fait référence à la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. C'est une loi que je connais bien. Et, dans cette loi, le mot «citoyen», vous ne le trouverez pas. Je pense que cette loi, elle a une autre finalité que celle de la protection des droits des citoyens qui transigent avec les sociétés d'État et que le rôle du Protecteur du citoyen est bien celui-là. Et, dans le contexte où de plus en plus il y aura probablement dévolution de services publics, je crois que ce serait une bonne garantie tant pour l'Assemblée nationale que pour le gouvernement que les organismes qui sont financés à 50 % et plus par l'État, on puisse avoir une assurance que le citoyen qui reçoit des services de ces organisations puisse être bien traité, selon le respect de leurs droits.

Et, vous savez, le seul fait que le Protecteur du citoyen intervienne dans un dossier, c'est une source d'autodiscipline de la part des organisations, et ça, en soi, ce n'est pas coûteux. Je ne sais pas si vous avez remarqué, dans nos statistiques, on publie toujours la statistique «dossier interrompu». Qu'est-ce que ça veut dire, un dossier interrompu? Il y a plusieurs explications. Une des explications, c'est que le dossier s'est réglé entre-temps, et c'est une explication qui revient fréquemment. Réglé entre-temps pourquoi? Parce que, oups!, le Protecteur du citoyen a téléphoné à la régie de, à la société de, au ministère de : Oh! ils sont dans le dossier, eux! Ah! on règle! Ça n'a pas coûté cher, hein? Évidemment, chez nous, c'est interrompu parce qu'on a simplement fait une demande d'information, donc l'enquête s'amorce et le citoyen nous rappelle en nous disant... ou l'instance aussi, souvent c'est l'instance, hein, qui nous rappelle et qui nous dit : Bon! Oui, oui, le dossier de monsieur X ou de madame Y, c'est correct, inquiétez-vous pas, c'est réglé. Donc, je pense qu'il y a de l'optimisation qui pourrait être faite. Et donc, à mon avis, il y a plusieurs avantages. Et le rapport qualité-prix, il est important.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Je poursuis. On parle d'Hydro-Québec ici. Mon collègue du gouvernement disait avec justesse que, dans les bureaux de comté, il y a beaucoup, beaucoup de cas qu'on ne peut vous référer parce que naturellement ce n'est pas de votre juridiction, cependant c'est vraiment notre pain et notre beurre au niveau des plaintes. Donc, moi, je souhaite de tout coeur, tout comme vous, qu'Hydro-Québec soit assujettie. Et, lorsqu'on voit le nombre de plaintes que vous avez tout de même reçues sachant que vous n'avez pas juridiction pour le faire, plus de 200 quelques plaintes, c'est plus que les plaintes que vous recevez pour les CHSLD, c'est énorme, je pense qu'il y a urgence d'agir. J'espère que le gouvernement prend acte et entend bien ce qui se dit ici aujourd'hui à cet égard, parce que nous pourrions tous y gagner collectivement. Cela dit, y a-t-il d'autres organismes qui ne sont pas assujettis à votre pouvoir qui mériteraient... ou dont la société pourrait mériter grandement du fait que vous le soyez?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je dirais que la société principale de services publics qui dessert tous les citoyens et toutes les entreprises du Québec en situation de monopole qui n'est pas assujettie, c'est Hydro-Québec. Cette demande du Protecteur du citoyen ne vise aucunement, par exemple, une société comme la Caisse de dépôt et placement. C'est un autre contexte. Ce n'est pas le type de services publics pour lequel le Protecteur du citoyen pourrait intervenir. Alors, je dirais que la principale, c'est vraiment Hydro-Québec, à ce moment-ci. Je tiens à souligner que, dans des situations urgentes, notamment celles qui nous ont été référées par des médecins ou des travailleurs sociaux, on a réussi à rejoindre la direction d'Hydro-Québec, à signaler des situations et à dire : S'il vous plaît, réglez ça. Mais c'est quand même très arbitraire.

Dans l'estimation des coûts, parce qu'avant de demander cette compétence on a fait un travail d'analyse et on a fait une estimation notamment du nombre de demandes qu'on pourrait avoir par année, une estimation des coûts, cette estimation-là est entre autres basée sur ce que reçoivent comme demandes les autres ombudsmans parlementaires du Canada, qui tous, sans aucune exception, ont compétence sur la société hydroélectrique de leur province, y compris quand la société est une société qui est publique-privée. Alors, nous estimons à 1 500 demandes que nous recevrions par année. Évidemment, c'est un estimé, ça reste comme ça. Et donc, pour nous, ça nous a permis, donc, d'identifier le nombre de ressources qui seraient requises, et c'est vraiment, à mon avis, un coût minimal qui serait amplement compensé par les économies qu'on pourrait faire faire autant aux citoyens qu'à Hydro-Québec au niveau des frais d'avocats. Et, en plus et avant même les frais, je pense que ça serait une source de règlement diligent de différends et d'amélioration, lorsque ça aura été jugé fondé, de la qualité des services et du respect des droits des citoyens.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Mme la députée...

Mme Roy (Montarville) : C'est une précision importante...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : ...de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui, c'est une précision importante que vous apportez. Je vais clore sur Hydro-Québec, je pense que c'est très clair. Le point est clair.

Dans les documents que nous avons reçus, naturellement les plaintes qui vous sont adressées touchent principalement les délais d'attente et également l'accessibilité aux services de façon générale. C'est également les plaintes que nous recevons dans nos bureaux de députés, l'accessibilité aux services. Vous parliez des personnes souffrant d'un TED, c'est la majeure partie des plaintes ou des demandes que nous avons, le manque, un, de professionnels et, deux, de services pour les enfants pour qu'on puisse dépister très tôt et partir avec un programme.

Outre ça, quand vous parlez des délais, vous touchez aussi le monde de la justice, le délai dans les greffes. Ça me touche personnellement en tant qu'ex... ancienne avocate, je devrais dire. Vous nous parliez plus spécifiquement de la Régie du logement dans certains de vos documents, le fait, entre autres, que des demandes formulées auprès de la Régie du logement pour justement récupérer le logement à payer étaient traitées beaucoup trop tardivement. Où est-ce qu'on en est à cet égard? Est-ce que des mesures de... ont été apportées par le ministère concerné, le ministère de la Justice ou est-ce que c'est encore une réalité? Dans les documents — là, j'y vais de mémoire — je lisais, entre autres, qu'il y avait une forme d'inéquité dans le traitement de ces plaintes puisque le délai était beaucoup trop long.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. Est-ce que vous nous annoncez que vous n'êtes plus membre du Barreau?

Mme Roy (Montarville) : Non, non, non, je suis toujours membre, mais je ne suis plus avocate pratiquante.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ah! O.K.

Mme Roy (Montarville) : Non, non, je suis toujours membre.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ah! vous n'êtes plus pratiquante.

Mme Roy (Montarville) : Non, je ne suis plus pratiquante.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Vous croyez quand même.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Elle plaide autrement et ailleurs. La situation à la Régie du logement, la situation des délais ne s'est pas améliorée, elle s'est détériorée. En fait, pour être entendu à la régie, en moyenne, 20,1 mois pour les causes civiles générales étaient les délais, les derniers délais qui ont été documentés. Alors, c'est quand même beaucoup, surtout qu'on voit que c'est quand même une relation de relative proximité, hein? Plusieurs propriétaires sont également des habitants, donc, des mêmes immeubles, alors ils voient leurs locataires à tous les jours, c'est quand même une situation particulière.

Mais la Régie du logement, c'est un très bel exemple où justement on pourrait faire de l'optimisation s'il y avait moins de formalisme. Et j'ai eu l'occasion de remettre un rapport au ministre, à l'époque, là, des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire sur des façons de simplifier le fonctionnement, l'organisation, de réaffecter les ressources à la Régie du logement. Il y a beaucoup de demandes qui sont des demandes qui pourraient être entendues par un greffier plutôt que par un commissaire. D'abord, le greffier coûte moins cher. Ce serait beaucoup plus rapide. Vous savez, les demandes où on peut attester du non-paiement d'un loyer, c'est très facile. Si on a payé le loyer, on a une preuve. Alors, et ça, ce sont encore des demandes qui sont entendues par des régisseurs. C'est quand même plus lourd.

Il y a beaucoup de façons d'optimiser et de réduire les coûts, alors je pense que ça doit être regardé aussi. Quand on dit : Si on veut améliorer le rendement des services publics, il y a plusieurs approches, ce n'est pas une seule chose, ce n'est pas seulement regarder les structures, c'est regarder le fonctionnement, les niveaux de postes. Alors ça, c'est quand même un très bel exemple. Favoriser de plus en plus la médiation.

Nous sommes à regarder certains enjeux concernant l'équité des baux. Je pense qu'on pourrait optimiser un certain nombre de choses. Les baux, la légalité de certains baux notamment dans des résidences pour personnes âgées, nous sommes à documenter des difficultés présentement. Et, si ce dossier-là est examiné et réglé d'une manière qui fait en sorte que ces baux-là deviennent légaux, il y aura de moins en moins de requêtes qui seront portées, qui seront logées à la Régie du logement et ça va donc permettre de diminuer la demande. Mais donc, pour revenir à la réponse précise à votre question, la situation des délais à la Régie du logement a continué de se dégrader.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Ça complète ce bloc d'interventions. Je me tourne vers le député d'Ungava.

M. Boucher : Alors, bonjour, Mme Saint-Germain, M. Dowd, M. Dussault, M. Bernier. À titre de nouvel élu lors de la dernière élection, en avril dernier, j'ai eu l'occasion, bon, à quelques reprises d'assister à des commissions parlementaires, mais c'est la première fois où j'ai l'occasion d'entendre un organisme public. Donc, à titre de première, c'est, pour moi, un plaisir puis un honneur d'entendre votre organisme, le Protecteur du citoyen.

Souvent, bon, dans la machine gouvernementale, sans citoyen, on n'a plus de raison d'être, tout le monde ici s'en va chacun à la maison. Et puis il arrive, des fois, que peut-être que certaines instances gouvernementales ou certains services perdent un peu le focus de leur raison d'être, hein? Ils sont souvent... Pas souvent, mais il peut arriver qu'on défend plus son budget ou son service que de défendre la prestation qu'on doit rendre. Et puis c'est à ce moment-là que vous... votre rôle est là pour peut-être replacer les pendules à la bonne place et puis remettre les choses un petit peu en perspective.

À la page 2 de votre rapport, bon, vous dites... des statistiques : la proportion hommes-femmes, les tranches d'âge, la scolarité des gens qui vous consultent, les revenus, etc., retraités, bon, travailleurs, étudiants. Avez-vous des statistiques sur la provenance dans les régions? Est-ce que c'est des gens plus des grandes villes, de l'extérieur, des campagnes? Avez-vous des données là-dessus?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui, M. le Président, effectivement, nous avons et nous publions dans chacun de nos rapports annuels les statistiques régionales, donc de provenance de la demande au Protecteur du citoyen. Et ce sont des statistiques intéressantes parce qu'elles nous permettent de constater notamment qu'il y a une surreprésentation... — «une surreprésentation», en fait, je devrais le dire autrement — qu'au prorata de la population les grands centres, Montréal, Québec, Sherbrooke, donc l'Estrie, connaissent mieux le Protecteur du citoyen, font plus de demandes que les régions les plus éloignées. C'est pourquoi nous avons pris des mesures, notamment pour aller rencontrer les bureaux des députés, les médias, des relayeurs dans les différentes régions. Je serai moi-même bientôt dans la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent.

Mais effectivement nous avons des demandes en provenance de toutes les régions. Vous verrez, dans ce tableau qui est dans le dernier rapport annuel à la page 135, que nous donnons la proportion de la population du Québec. Par exemple, je vais prendre la région du Bas-Saint-Laurent... Votre région, c'est l'Ungava, je pense, hein?

M. Boucher : Le Nord-du-Québec...

Des voix : ...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est ça, le Nord-du-Québec. Je vais prendre votre région en exemple. Alors, en administration publique, c'est ça, vous représentez 0,1 % de la population, et nous avons eu 0,5 % de demande, donc inférieur à la proportion de citoyens. Mais nous avons bientôt l'occasion de nous rendre chez vous parce que nous serons en enquête — je peux le dire? — ...

Une voix : Oui.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : ...dans le centre de détention. Il y a certaines situations qui font en sorte que nous allons nous déplacer dans ce centre de détention. Et nous allons en profiter pour rencontrer des relayeurs dans la région. Je vous ai donné, donc, cette proportion pour la santé et les services... pardon, pour l'administration publique, donc les ministères et organismes du gouvernement. Je vais vous la donner en santé et services sociaux. Alors, le Nord-du-Québec... Oui. Donc, au prorata de la population, voyez-vous, c'est 0,2, % seulement de la population que nous avons... qui a logé des plaintes chez nous, alors qu'en santé et services sociaux le découpage est différent, vous représentez 0,7 % de la population. Et donc cet indice-là, pour nous, il est important. On trouve que normalement on devrait avoir une proportionnalité qui soit à peu près équivalente. Enfin, notre a priori est que les gens nous connaissent moins dans ces régions-là, alors ça nous permet d'orienter nos efforts.

• (11 heures) •

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme Saint-Germain. En fait, je suis heureux d'entendre que le protecteur va se diriger vers le Nord, parce que... sur une question de détention. C'est un sujet qui préoccupe les membres de la commission et particulièrement le député d'Ungava, qui travaille, je pense, sur un petit projet pour la justice dans le Nord. Et il pourra, un jour, nous en reparler, très prochainement, je pense. Alors, M. le député d'Ungava.

M. Boucher : Alors, c'est ça. C'est un petit peu une impression que j'avais, où vous étiez peut-être plus connus du côté urbain que du côté régions éloignées. Et puis, vous savez, bon, dans mon comté, qui représente 55 % du territoire du Québec, il y a à peu près 35 000 citoyens dans ces coins-là, dans le comté, dont 10 000 Inuits, à peu près 12 000 Cris et puis la balance sont des non-autochtones ou des blancs, comme on disait dans le bon vieux temps, là.

Vous dites que, bon, vous allez vous déplacer concernant une histoire dans un centre de détention. Quels sont les efforts que vous mettez ou que... Parce qu'on le sait, bon, la culture inuite, la culture crie, je veux dire, ça n'a rien à voir avec la culture ne serait-ce que des gens de Chibougamau ou Chapais, là. Est-ce qu'il y a des efforts d'adaptation au contexte culturel qui sont faits? Parce que je suis convaincu que je vais à Kuujjuaq puis je demande à 100 personnes : Connais-tu le Protecteur du citoyen, puis, si oui, ça fait quoi?, ça va être : Aucune idée, là. Quels sont les efforts qui sont mis, là, de ce côté-là?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je n'essaierai pas de vous plaider que nous faisons tous les efforts requis. Je pense qu'on doit en faire plus, je l'admets d'emblée.

J'ai quand même pris contact avec notamment le président de l'Assemblée des Premières Nations, à l'époque M. Picard, lorsque nous avons fait nos deux rapports spéciaux sur les enfants qui souffrent de troubles envahissants du développement pour avoir l'état de situation au niveau des réserves notamment et comment on pouvait rejoindre les différentes personnes. Lorsque j'ai fait des tournées des régions, j'ai systématiquement rencontré, entre autres à Métabetchouan, les leaders des Premières Nations pour voir comment composer effectivement avec eux, parce qu'on sait qu'il y a des personnes qui ont plus d'autorité, qui sont plus des références auprès d'eux, et ce sont auprès de ces personnes-là que nous pouvons travailler. Je vais demander à mon collègue de sortir, au niveau statistique, le pourcentage que nous avons des Premières Nations. Je ne l'ai pas de mémoire, mais nous avons quand même un certain nombre de demandes.

Notre contact principal, il est beaucoup avec les aumôniers dans les centres de détention parce que déjà on voit que... Vous savez que notre fonction d'ombudsman correctionnel nous amène à travailler avec le personnel pour nous assurer du respect des droits résiduels des personnes détenues, et, parmi les préoccupations que nous avons, c'est que les personnes qui sont issues des Premières Nations et qui sont incarcérées puissent être traitées adéquatement et qu'il n'y ait pas de conflit entre détenus. On sait que, dans certains contextes, la cohabitation est plus difficile. Et, dans ce contexte-là, pour la compréhension des choses, je dois dire que les aumôniers en centre de détention sont des personnes-ressources qui sont quand même très importantes pour nous.

Autrement, évidemment, tous nos services annoncés sur Internet, bien sûr, sont annoncés pour l'ensemble de la population du Québec, mais je reconnais qu'il nous faut faire plus et davantage. Alors, dans les tournées régionales que nous faisons, nous allons encore une fois continuer de mettre l'insistance. Je ne sais pas si on a le chiffre. Je vais demander... Sinon, je vous le ferai parvenir à la commission. Mais on a quand même des demandes qui sont liées à d'autres services publics, notamment des demandes auprès de Revenu Québec et des demandes auprès du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale qui viennent des personnes qui sont originaires des Premières Nations.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète ce bloc d'intervention, M. le député d'Ungava. Vous aurez l'occasion, si vous êtes convaincant auprès de vos collègues, d'avoir la parole au prochain tour. Je me tourne maintenant vers le... Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour un bloc d'intervention. À vous la parole.

Mme Poirier : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la Protectrice, ainsi que vos collègues. Moi, j'irais sur le volet coroner. On se rappellera qu'on a, dans une loi précédemment adoptée à l'Assemblée nationale, fait en sorte que le coroner puisse agir entre autres au niveau du décès des personnes âgées dans les résidences de personnes âgées, ou autres endroits, mais principalement dans les résidences de personnes âgées. C'est une discussion que nous avions eue lors de la certification des résidences, à l'effet que le coroner devait adopter dans sa procédure un document pour faire l'analyse des décès en tant que tels.

Je regarde dans le plan d'action — parce qu'on nous a transmis le plan d'action que vous aviez sollicité, je vois qu'en date du 15 juin ils vous ont transmis le plan d'action — et je ne vois pas ça apparaître. Et je me rappelle très bien de vos recommandations là-dessus parce que c'était justement suite à vos recommandations que nous avions demandé au coroner d'établir un formulaire, du modèle de celui de l'Ontario, à l'effet de documenter le décès des personnes âgées en résidence lorsqu'il y avait apparence — là, on était bien d'accord — lorsqu'il y avait apparence de doute.

Alors, je voudrais vous entendre à savoir quelles suites ont été données à ça, quel suivi vous avez fait à ce sujet-là pour la mise en place de ce formulaire-là, qui était existant? On avait juste à changer le gouvernement de l'Ontario pour celui du Québec, là. Mais qu'est-ce qui est arrivé avec ça? Et je ne le vois pas dans le plan d'action.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président... Le rapport spécial auquel vous référez, Mme la députée, ne portait pas sur le dossier du coroner comme tel... pardon, des décès de personnes en résidence pour personnes âgées, mais portait sur les délais du coroner. D'ailleurs, vous aurez, je pense, l'occasion d'entendre le coroner plus tard cette semaine.

Quant aux résidences pour personnes âgées, il faut bien comprendre que... Il faut faire une distinction entre le décès qui est documenté par un médecin, pour cause soit de mort naturelle ou de mort liée à une maladie, qui ne justifierait pas que des fonds publics soient investis dans des enquêtes du coroner, donc, distinguer ces décès, entre guillemets, dits normaux compte tenu de la clientèle des résidences pour personnes âgées, des décès qui, par ailleurs, peuvent être suspects et originer de causes qu'il faut élucider et qui, dans ces cas-là, relèvent du mandat du coroner.

Alors, dans ces situations-là, le coroner a déjà tous les pouvoirs pour enquêter. Il s'agit pour lui de prendre les initiatives et de faire en sorte qu'il puisse mener ses enquêtes dans les délais requis, donc de s'adresser aux résidences pour personnes âgées et de faire en sorte d'agir en conséquence, parce que ces décès-là sont toujours constatés par un médecin, alors c'est... Il dispose de tous les moyens pour pouvoir assumer cette responsabilité.

Et d'ailleurs je dirais deux choses sur... Je fais, cette fois, le lien avec le rapport spécial que nous avons publié sur les délais du coroner. Nous avons constaté, premier commentaire, que le coroner avait, par la loi, déjà tous les pouvoirs pour mener les enquêtes et pour agir dans des délais raisonnables. Premièrement. Donc, nous avons constaté une certaine forme de manque de leadership de la part du coroner.

Et, deuxièmement, contrepartie de ça, je dois souligner que, depuis décembre dernier, le nouveau coroner en chef a apporté au Protecteur du citoyen une collaboration que je qualifie d'exemplaire et il a mis en place un plan d'action très détaillé qu'il nous a soumis, duquel il nous fait rapport, et c'est de très bon augure pour qu'il y ait une correction de cette situation-là et, je dirais, l'accomplissement d'un mandat avec diligence et compétence de la part du Bureau du coroner.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme Saint-Germain. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier : Donc, selon votre appréciation du plan d'action déposé et quand je vois, dans le rapport que vous aviez déposé, les différences de délais, le comparatif des délais entre les provinces à l'effet que le délai moyen était de 12 mois ici, versus quatre à cinq mois... quatre mois et demi, entre autres, en Colombie-Britannique et de six à neuf mois en Ontario pour des causes... pour, dans le fond, une proportion de causes similaires, là, donc est-ce qu'on peut espérer une réduction des délais ou est-ce qu'on va nous invoquer le manque d'effectifs pour atteindre ces délais-là?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

• (11 h 10) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense que ce serait gênant d'évoquer le manque d'effectifs comme seule raison parce que, dans les autres provinces, on a vu qu'il n'y a pas plus d'effectifs et les délais sont moindres, alors ce serait quand même gênant. Je pense que c'est beaucoup une question d'optimisation du travail, une question de réorganisation, peut-être certaines exigences qui sont plus bureaucratiques qui pourraient être diminuées ou même éliminées.

Un des problèmes aussi, c'est toute la question du temps que les pathologistes, dans les hôpitaux, dans les centres hospitaliers, peuvent consacrer aux rapports des coroners. Ce qui va arriver souvent, c'est que le pathologiste va faire rapidement les constats, mais son rapport... il n'aura pas le temps de faire tout de suite son rapport, et ça, ça occasionne des délais, parce que bien sûr le coroner doit travailler à partir du rapport du pathologiste.

Alors, est-ce qu'on peut exiger des rapports moins longs? Est-ce qu'on peut se contenter d'un certain constat avec quelques éléments? C'est à regarder de la part du coroner. Mais je pense qu'il y a là une source d'optimisation parce qu'en même temps il faut bien reconnaître que les pathologistes aussi dans les hôpitaux doivent travailler sur des dossiers qui concernent des personnes encore hospitalisées, des personnes qui sont donc encore des usagers, et c'est délicat, donc c'est quand même important.

Si vous me permettez, c'est une question qui mérite aussi un certain nombre de nuances. Et le vice-protecteur, M. Dowd, qui a dirigé le rapport spécial, l'enquête qui a donné lieu au rapport spécial sur les délais du coroner, pourrait vous apporter des précisions intéressantes.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. Dowd.

M. Dowd (Marc-André) : Oui, alors, bien, il y a un élément qui est ressorti de façon très claire dans notre enquête, c'est ce qu'on appelle la priorisation des vivants. La plupart des enquêtes sont faites par des coroners à temps partiel, donc qui sont médecins et qui ont une charge de coroner à temps partiel en plus d'une pratique médicale. Et ce qu'on se rend compte dans nos entretiens avec les coroners, c'est que la plupart ne paraissent pas suffisamment sensibilisés à l'impact des délais, parce qu'eux se disent : Oui, mais moi, là, je priorise les vivants, alors, oui, je suis coroner, je fais mon rapport quand j'ai le temps de faire mon rapport, mais sinon moi, j'ai une clientèle, moi, je travaille avec des personnes que je dois aider, qui sont malades.

Et on s'est rendu compte, en parlant aux gens qui sont en attente des rapports du coroner, des impacts très, très, très importants : impacts psychologiques d'abord, incapacité de faire son deuil, de tourner la page avant de savoir ce qui s'est passé dans des cas particulièrement tragiques, là, de mort violente ou dans des circonstances obscures, mais, encore plus, des incidences financières parce que les compagnies d'assurance, qu'elles soient publiques ou privées, souvent ne verseront pas les indemnités avant d'avoir le rapport du coroner. Alors, il y a un axe de notre rapport qui est la sensibilisation des coroners sur les impacts des délais. Et ça, on sait que le nouveau coroner a déjà entrepris dans son plan d'action... et déjà les coroners ont été rencontrés et sensibilisés, et je pense que c'est un axe qui est très porteur.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète ce bloc d'intervention. Je me tourne du côté du gouvernement. Et est-ce que les représentations du député d'Ungava ont porté fruit?

M. Boucher : Il semble que oui, donc...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, je vous cède la parole.

M. Boucher : O.K. Alors, dans un tout autre ordre d'idées, vous parliez, bon, dans votre rapport, des services offerts aux personnes incarcérées qui présentent un problème de santé mentale. Des détenus, bon, qui sont détenus pour toutes sortes de petits crimes n'ont pas, à la prison, bon, les services dont ils pourraient avoir besoin puis souvent, après l'incarcération, ils sont un petit peu laissés à eux autres mêmes. Est-ce que votre rapport aussi regardait les raisons qui ont mené souvent...

Bon, dans une autre époque, dans une autre vie, bon, j'étais avocat puis je faisais un petit peu de droit criminel, puis j'avais souvent, bon, des clients qui étaient arrêtés pour soit des voies de fait ou soit des méfaits, rien de grave, mais, quand ça fait plusieurs dossiers à la cour pour voie de fait ou pour méfait, bien souvent ça arrive avec une petite sentence d'emprisonnement. Puis c'est des gens qui ont des problèmes psychiatriques à la base et puis qui se ramassent dans le milieu carcéral plutôt que de se ramasser à l'hôpital. Est-ce que votre rapport couvrait cet aspect-là un peu de comment prévenir à la source, là, ce genre de chose là?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Oui, Mme la Protectrice.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, effectivement, le rapport couvrait cette dimension parce que le rapport, en fait, a suivi toute la cohorte qui précède l'incarcération jusqu'à la libération. Et nous nous sommes rendus compte que très souvent les policiers sont les premiers intervenants, qu'ils n'ont pas l'aide des intervenants psychosociaux et que, pour eux, le seul endroit où ils peuvent amener ces personnes, au fond, délinquantes et parfois en prévention de la délinquance, ce sont les centres de détention qui sont ouverts tous les jours, 24 heures par jour, sept heures par semaine. Alors, oui, le rapport couvre ça.

Mais ce que le rapport couvre surtout c'est les raisons pour lesquelles ces personnes-là qui retournent systématiquement en détention et qui auraient dû plutôt être traitées par des services psychosociaux, donc les raisons pour lesquelles ces personnes-là n'ont pas accès à ces services-là, d'où notre recommandation de faire en sorte que, autant dans leur propre intérêt que dans un intérêt de sécurité publique, intérêt de réinsertion sociale, elles puissent avoir, pendant l'incarcération, les soins et les services de santé, services psychosociaux dont elles ont besoin, de telle sorte qu'à leur sortie elles puissent être accompagnées et ne plus présenter de menace pour la société, et, je dirais, être réintégrées le mieux possible.

Alors, le rapport couvre cette dimension-là. Et je dois dire que notamment les services policiers ont beaucoup appuyé ce rapport-là. Il y a eu de la formation par l'école de police. Et ils sont les premiers à être victimes, quelque part, les policiers, de l'absence de services psychosociaux, d'intervention en temps opportun dans les espaces publics, dans les endroits où il y a notamment de l'itinérance.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie, Mme Saint-Germain. Effectivement, toute la question de la santé mentale et du système de justice criminelle est un sujet très important et très problématique parce que souvent le système de justice criminelle, incluant les intervenants, les policiers... sont un peu perçus comme le filet qui récupère ce que malheureusement les services sociaux, le système de santé ne réussit pas à incorporer. M. le député d'Ungava, je m'excuse de cette intervention de ma part.

M. Boucher : Il n'y a pas de problème, M. le Président, vous êtes tout pardonné. Je vois que... chaque fois que je tourne, ça a changé de président.

O.K. Avez-vous aussi regardé un petit peu ou fait des recommandations... On sait que, bon, il y a la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Puis, quand quelqu'un a dans son entourage une personne au comportement, disons, erratique ou anormal, entre guillemets, puis que la personne refuse de reconnaître son état puis ne veut pas se faire se soigner, puis c'est souvent le cas... Ces personnes-là, bon, bien, ce n'est pas eux qui ne vont pas bien, c'est le monde qui ne va pas bien. Les personnes de l'entourage sont souvent démunies face à ces gens-là. Est-ce que vous avez regardé un petit peu cet aspect-là, là? Parce que souvent ça déboule, hein? On a quelqu'un dans notre entourage qui a un comportement comme ça, puis ça dégénère, dégénère jusqu'au moment où cette personne-là est arrêtée pour une question x, y et puis... Avez-vous regardé cet aspect-là un petit peu?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, ce qu'on a regardé surtout, c'est le respect de la loi sur la protection des personnes qui présentent un danger pour elles-mêmes et pour autrui généralement en raison de leur état de santé mentale pour constater que les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux n'étaient pas tous toujours au fait des dispositions de la loi et ne l'appliquaient pas toujours dans des conditions qui sont à la fois soucieuses du respect des droits des personnes, mais aussi du meilleur intérêt public, entre autres des situations où, par exemple, des personnes se sont présentées à l'urgence d'un hôpital, des personnes qui ont un dossier en santé mentale, à l'urgence d'un hôpital pour un problème de santé physique et ont été immédiatement référées à l'urgence psychiatrique, alors ce qui est quand même contraire à la loi.

On a constaté aussi notamment, dans les centres de détention, qu'il y a eu des mises sous contention de personnes détenues qui étaient en crise dans des conditions qui n'étaient pas propices à amener la personne à décompresser et à mieux réagir dans les situations de crise. Et on a aussi constaté, dans des centres hospitaliers encore, des situations où des personnes qui sont en état de crise sont maintenues en isolement pendant des délais... On a eu un cas, ça a été 70 jours en isolement dans sa chambre, en dérogation complète de la loi, sans qu'on ait eu les autorisations médicales et judiciaires qui sont requises. Alors, c'est plutôt cet angle-là qui a été documenté.

Mais ce que le rapport vient démontrer, c'est le fait que la loi, elle existe, elle est généralement bien pensée, cette loi-là, mais malheureusement elle est mal appliquée. Et, comme vous le dites si bien, une personne qui est désorientée, qui est déstabilisée, d'une part, elle doit recevoir des soins et des services pour bien être traitée, mais, en même temps, il y a des dispositions qui sont prévues pour ses proches et pour les gens d'une collectivité qui ont à affronter cette situation-là. Et cette loi est une loi qui est méconnue. Donc, c'est un problème aussi beaucoup de méconnaissance de la loi. Alors, notre travail a été de documenter ça, de s'assurer qu'il y a une meilleure information mais aussi une meilleure application des dispositions de la loi par les services publics.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député d'Ungava.

M. Boucher : Ça complète. Je vais laisser la chance à mes collègues...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ah! vous êtes magnanime. Alors, je me tourne vers le député de Sherbrooke.

• (11 h 20) •

M. Fortin (Sherbrooke) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Saint-Germain, vous avez dit, en réponse à une question de mon collègue d'Ungava, qu'effectivement en Estrie, peut-être plus particulièrement à Sherbrooke, il y avait beaucoup de gens qui faisaient appel à vos services. Ceci étant dit, on a, dans notre région, malheureusement, beaucoup de clientèles vulnérables. Alors, en tout respect de l'indépendance de votre fonction, je vous suggère quand même de continuer à faire connaître vos services dans notre région et même si... nous, à titre d'élus, on peut vous aider auprès de nos concitoyens, parce qu'on est souvent la porte d'entrée pour nos concitoyens, vous faire connaître davantage. Si vous souhaitez rencontrer les collègues députés de l'Estrie, je pense que les collègues accepteraient avec grand plaisir de vous rencontrer, à savoir comment on peut vous aider à vous faire mieux connaître dans notre région. Et je pense que c'est très important de le faire parce qu'on a beaucoup de clientèles vulnérables chez nous, notamment c'est une population qui est particulièrement vieillissante et, disons, une surreprésentation aussi au niveau des problèmes mentaux. Comme par exemple, il y a 20 % des traitements aux dépendances, à travers le Québec, qui sont... les traitements sont faits en Estrie, alors qu'on représente seulement 4 % de la population.

Et également on a une grande clientèle de communautés culturelles, des gens qui sont issus de l'immigration. Comme vous savez, Sherbrooke est une terre d'accueil. Et souvent la clientèle que nous avons au niveau de l'immigration provient d'endroits sur la planète où, si je peux le dire ainsi, disons, les plaintes ou la dénonciation envers le secteur public, les services publics, ce n'est certainement pas encouragé.

Alors, je voulais tout simplement savoir si justement, à travers les clientèles qui sont issues de l'immigration, vous rencontrez des problèmes particuliers à faire valoir vos services ou si les gens sont davantage hésitants à faire appel à vous de peur d'avoir des représailles quelconques de l'État. Et, si oui, comment on peut faire, justement, pour pouvoir surmonter ça? Et comment nous, comme élus, même, on peut vous aider à surmonter ces difficultés-là, à vous faire davantage connaître et reconnaître auprès des gens issus de l'immigration?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, d'abord, je tiens à rassurer M. le député et tous les députés. Nous allons continuer d'intensifier nos efforts partout pour nous faire connaître concrètement sur les services que nous pouvons apporter. Nous avons fait des rencontres au bureau du député de Sherbrooke il y a quelque temps et nous allons effectivement y retourner.

Vous avez parlé des personnes vulnérables. Je tiens à dire qu'il y en a partout et que la vulnérabilité d'une personne, c'est parfois conjoncturel. Il y a des gens qui vont venir chez nous, qui sont des gens très scolarisés, mais qui ont eu des difficultés soit en santé mentale, qui ont eu des problèmes financiers et qui sont conjoncturellement vulnérables. Alors, ce souci de rejoindre les personnes vulnérables partout au Québec, il est vraiment constant chez nous.

J'en viens à l'immigration. Vous, vous posez une question qui rejoint tout à fait nos préoccupations parce que, parmi les clientèles prioritaires que nous avons ciblées pour notre plan de communication, il y a les nouveaux arrivants, les enfants des personnes immigrantes et aussi les jeunes entrepreneurs. Et nous avons, entre autres, fait une infolettre aux nouveaux arrivants, aux organismes relayeurs qui travaillent avec l'immigration, avec les citoyens issus de l'immigration, pour justement bien leur faire comprendre quel est le rôle du Protecteur du citoyen. Parce que plusieurs viennent de pays où se plaindre d'un service public, c'est effectivement non seulement source de représailles, mais, dans certains cas, on n'y pense même pas. Alors, c'est important de leur faire comprendre que ce n'est pas un service qui est négatif, que ce n'est pas un service qui va leur apporter ou leur faire subir des représailles.

Et, en même temps, c'est, pour nous, l'occasion de leur faire connaître aussi leurs obligations. Entre autres, nous avons fait des communications sur le fait que les nouveaux arrivants, pendant les trois premiers mois de leur arrivée, sauf certaines exceptions, ils ont un délai de carence par rapport aux services publics de santé. Plusieurs n'étaient pas suffisamment informés. On a fait une recommandation à la Régie de l'assurance maladie, qui l'a mise en oeuvre, mais on insiste pour leur dire : Les trois premiers mois, vous devez vous prendre une assurance parce que vous n'êtes pas couverts, sauf exception.

Alors, oui, on essaie de les rejoindre. On essaie de les rejoindre par les relayeurs, de leur faire comprendre leurs obligations, de leur faire connaître leurs droits et qu'ils sont bienvenus aussi chez le Protecteur du citoyen. Et, en général, je pense, je dois dire que ça se passe vraiment très bien tant au niveau de la capacité de communiquer, là, dans les langues d'accueil que la compréhension des enjeux. Ça s'est, jusqu'à maintenant, très bien passé.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci beaucoup pour cette réponse. Ça termine ce bloc d'intervention. Je me tourne maintenant vers mon vice-président, et c'est notre vice-président à tous, et je lui cède la parole.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Donc, je veux revenir sur Revenu Québec. On a l'impression, ces dernières années, qu'il y a un genre d'augmentation de l'agressivité de certaines démarches. Évidemment, on applaudit la volonté de Revenu Québec de mieux vérifier les revenus, les revenus légaux, les revenus illégaux, de faire reculer le travail au noir, ce qu'ils ont fait avec un grand succès, ces dernières années. Mais, et on le voit dans nos circonscriptions avec les gens qui nous en parlent et qui font la comparaison entre Revenu Québec et Revenu Canada, et Dieu sait que je n'aime pas faire la promotion du Canada, mais on nous dit : C'est plus simple avec Revenu Canada, ils ne sont pas moins avides de nos sous, mais en tout cas on peut discuter, alors qu'avec Revenu Québec, on a l'impression qu'il n'y a pas de répondant, qu'il y a quelque chose de très dur, il y a quelque chose de très difficile.

Il y a un cas, là, dont on a vu le récit ce matin, dans La Presse, où vous êtes intervenu pour une famille d'entrepreneurs qui avait demandé à trois reprises une rencontre avec le vérificateur de Revenu Québec parce qu'il y avait eu une cotisation qui avait été envoyée avec un retard et qu'il a eu un gel des comptes bancaires de l'entreprise, et, grâce à votre intervention, il a pu y avoir un règlement. Alors, dites-nous, est-ce que, d'après votre appréciation, le nombre de plaintes que vous avez eu à traiter, est-ce qu'il y a un problème de culture à Revenu Québec avec... dans le traitement des cas difficiles ou est-ce que c'est un problème qui est plus limité? Et comment voyez-vous l'évolution des choses?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le vice-président. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Question effectivement très intéressante. D'une part, je tiens à dire que le pourcentage de plaintes fondées, au Protecteur du citoyen, à l'endroit de Revenu Québec est de 30 %. Le calcul qui a été fait, de 15 %, c'est qu'on a inclus les interrompues. Je vous ai expliqué ce que c'était, souvent, les interrompues. C'est que le dossier est réglé avant même qu'on ait à faire la recommandation. Donc, c'est 30 %.

Élément de contexte important. La loi sur le revenu du Québec fait en sorte que le fardeau de la preuve incombe au contribuable et non à Revenu Québec. Cela induit effectivement une culture d'organisation qui fait en sorte qu'on cherche le coupable et on ne le fait pas toujours dans le respect de la Loi sur la justice administrative, une loi à laquelle les fonctionnaires de Revenu Québec ne sont pas soustraits. Alors, il y a là une dimension importante.

Cela étant, j'insiste, et M. le vice-président le faisait valoir aussi, d'une part, la fraude ne passe pas, au Protecteur du citoyen, et il est exact qu'il est tout à fait important que cette mission de Revenu Québec de récupérer les impôts et les taxes qui sont dus à l'État pour justement pouvoir financer les services publics, c'est une mission essentielle qui doit être bien remplie. Mais ce que nous constatons malheureusement, c'est que, dans les cas que nous avons documentés et qui ont été... que nous avons conclu fondés, il y a eu une rigidité administrative, il y a eu le non-respect de l'équité procédurale et le non-respect des droits des citoyens. Dans certaines situations, nous avons refait les enquêtes pour constater que les contribuables en question qui n'étaient pas des fraudeurs, si on les avait contactés, ils avaient tous les éléments pour bien répondre et bien faire comprendre à Revenu Québec qu'ils avaient... ils n'étaient pas associés à un faux stratagème, par exemple, de fausse... à un stratagème, pardon, de fausse facturation, qu'ils n'y avaient pas été associés.

Il y a aussi un enjeu qui est important et qui, encore là, quant à moi, n'est pas un enjeu où Revenu Québec respecte les droits, c'est celui de la culpabilité par association. Par exemple, certaines entreprises au Québec font affaire avec des sous-traitants. Certains de ces sous-traitants là n'ont pas tous rempli leurs obligations vis-à-vis de l'impôt. Alors, parfois, à défaut d'être capable d'épingler le sous-traitant on va envoyer les avis de cotisation à l'entreprise qui, elle, s'est tout à fait bien acquittée de ses responsabilités vis-à-vis de Revenu Québec.

• (11 h 30) •

Alors, encore une fois, ce sont des enjeux où, oui, il faut s'assurer de récupérer toutes les sommes dues à l'État, mais il faut en même temps s'assurer de traiter les contribuables, citoyens comme entreprises, de manière juste et de manière équitable. Alors, c'est ce que nous constatons avec Revenu Québec.

Je dois dire que j'ai eu l'occasion à quelques reprises directement de formuler des recommandations et de soumettre des dossiers au président-directeur général de Revenu Québec et que ces dossiers-là ont été traités avec diligence. Je pense qu'il y a certains enjeux systémiques de prise en compte plus grande du respect des droits, de la Loi sur la justice administrative dans les méthodes d'enquête avec Revenu Québec. Et nous allons continuer, j'en assure tous les députés et tous les contribuables, d'agir avec beaucoup de diligence, en même temps que je dois vous dire que les dossiers... certains dossiers où nous constatons que les contribuables qui s'adressent à nous n'ont pas rempli leurs obligations, nous les invitons ardemment à remplir leurs obligations auprès de Revenu Québec.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme Saint-Germain. M. le vice-président.

M. Lisée : Donc, si je comprends bien, vous nous dites que, lorsque vous intervenez ponctuellement, la réponse de Revenu Québec est adéquate, mais qu'au-delà de ça il n'y a pas de remise en cause, à Revenu Québec, de la façon de procéder, et ça, c'est une réflexion qu'ils ne font pas. Alors, qu'est-ce qu'il faudrait, au-delà de vos recommandations, pour faire en sorte qu'ils s'attaquent aux problèmes systémiques?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, je pense qu'effectivement, à mon avis, la proactivité de Revenu Québec n'est pas suffisante quant au respect des droits, c'est clair. Je pense qu'on a fixé des quotas. On va souvent annoncer, et ce sont de bonnes nouvelles, qu'on a récupéré x milliards, et bravo, moi, j'applaudis à chaque fois, mais, en même temps, ça ne doit pas se faire au détriment du respect des contribuables qui, eux, agissent bien. Et, vous savez, dans des situations où on est intervenus auprès de Revenu Québec, on était dans des situations où certaines petites entreprises étaient acculées à la faillite en raison de demandes budgétaires qu'on leur faisait, de cotisations qui étaient... — merci — qui étaient beaucoup trop élevées et qui n'étaient pas justifiées. Donc, ça mettait en péril des emplois au sein des entreprises. Pour ces dossiers-là, j'ai eu une collaboration excellente vraiment du président-directeur général lui-même, et je tiens à le souligner.

Cela étant, on souhaite, oui, plus de proactivité. Avec votre permission, je laisserais la parole au vice-protecteur aux enquêtes parce que nous avons un dossier, justement, sur lequel je pense qu'il y a un enjeu systémique qui est actuellement actif, en cours avec Revenu Québec et pour lequel on pourrait vous apporter un éclairage pertinent.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, c'est avec grand plaisir qu'on va vous écouter, M. le vice-protecteur.

M. Dussault (Claude) : Merci, M. le Président. Claude Dussault, vice-protecteur. Bon, effectivement, quand on observe Revenu Québec, il y a une récurrence de plaintes de certains secteurs. Évidemment, ça nous pose la question, là, des cas individuels : Est-ce qu'il y a un problème qui est systémique, qui est plus global? Et on est toujours prudents avant de tirer un lien puis de tirer une... mais je dois vous dire qu'on a une préoccupation en ce moment concernant tout ce qu'on appelle les stratagèmes de complaisance, Mme Saint-Germain y a fait allusion tantôt. On a 24 plaintes, dans la dernière année, concernant ça.

Classiquement, c'est une entreprise qui reçoit une cotisation de Revenu Québec parce qu'un de ses fournisseurs lui-même est un délinquant fiscal, n'a pas tout déclaré, donc culpabilité par association. Et évidemment ces dossiers-là ne sont pas... On a toute une gamme de dossiers. On en a qui sont blancs, c'est-à-dire que vraiment, l'entreprise, c'est impeccable. Et, dans trois dossiers, ceux-là, on a réussi à obtenir de Revenu Québec l'annulation des cotisations. Il y en a six autres qui étaient noirs, c'est-à-dire que nous, après notre propre enquête — évidemment, on est neutres — on est arrivés à la conclusion inverse, que c'était... les entreprises effectivement étaient de connivence, avaient contribué. Donc, évidemment, là, quelqu'un peut dire : Bien, donc, Revenu Québec, si vous dites... puis on en a encore 12 autres qui sont sous enquête... pourrait dire : Bien, deux fois sur trois... Ça fait que le pourcentage n'est pas différent de celui qu'on a en général des plaintes fondées.

Cependant, ce qu'on s'interroge, c'est à quel point la pratique devient systémique, où on dit : On va cotiser puis on va laisser la personne se défendre par la suite. Un cas qui nous préoccupe particulièrement, dans certains cas, ça a descendu jusqu'aux employés, c'est-à-dire qu'il y a des gens... À un moment donné, c'était une agence de placement. C'est clair, c'est avéré, bien, l'agence de placement, à un moment donné, a fait de la fausse facturation. Mais souvent, ces gens-là, ce n'est pas juste une coquille vide, c'est-à-dire qu'ils font de la vraie facturation mélangée avec de la fausse. Et ces gens-là, à un moment donné, vont émettre, par exemple, des relevés 1. Des fois, ce sont des relevés 1 qui sont purement fictifs, bien c'est un monsieur X qui n'a jamais existé, mais des fois il y a des gens, ils fournissent des vrais services, puis monsieur, madame X a existé. Là, des fois, Revenu Québec y allait avec des avis de cotisation systématiques à toutes les personnes qui avaient reçu des relevés 1 de cette entreprise-là. Et ça, c'est justement l'aspect systémique là-dessus qui nous préoccupe grandement. On n'est pas capables, au moment où je vous parle, de tirer une conclusion formelle, mais, je vous dirais, ça nous préoccupe, puis c'est pour ça qu'on investigue grandement ce phénomène-là de façon générale.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : On a bien hâte de connaître les résultats.

M. Lisée : Il reste un peut de temps?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : M. le vice-président, oui.

M. Lisée : Mme la Protectrice, je voudrais vous parler d'itinérance. Il y a deux aspects que vous avez abordés, d'abord la question de la formation des policiers lorsqu'ils doivent intervenir avec des itinérants qui sont aux prises avec des problèmes de déficience mentale, avec parfois des conséquences tragiques, on l'a vécu à Montréal ces dernières années et, deuxièmement, la réorientation du programme fédéral Chez soi, avec la SPLI, qui ferait en sorte de rendre très difficile l'utilisation de sommes qui transitent par le Québec mais qui devraient être utilisées de façon polyvalente par les organismes régionaux qui s'occupent d'itinérance et que, à cause des nouvelles directives fédérales, devraient n'investir que dans le logement. Quelles sont vos vues là-dessus?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Gervais.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bien, je pense que... ça va peut-être vous surprendre, mais, quand on regarde les enjeux d'itinérance, c'est là où on voit que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, les services sociaux sont souvent l'enfant pauvre. Plusieurs de ces enjeux ne sont pas d'ordre médical mais sont d'ordre psychosocial, sont d'ordre d'un accompagnement des personnes itinérantes, sont d'ordre de services de logements communautaires. Et plus les compressions affectent ces services-là, plus on se retrouve avec des situations où justement il y a l'itinérance, il y a des petits crimes qui sont commis, il y a l'incarcération, il y a l'enjeu des portes tournantes, il y a l'enjeu de la santé mentale. Alors, tout ça est mis en évidence.

Et moi, je pense que, quand on examine la responsabilité de l'État, c'est un enjeu à la fois, d'une part, un enjeu humain, de prise en charge de ces personnes, mais il y a aussi un enjeu de sécurité publique qui devient important, et, à mon avis, ces coupes-là ne sont pas toujours les coupes les plus avisées. C'est facile de les faire, hein, parce que souvent c'est des subventions à des organismes qui rendent des services, des organismes communautaires, il n'y a pas d'employé permanent, il n'y a pas de convention collective, alors on peut couper plus facilement. Mais, malheureusement, quand on regarde le terrain, ce sont des gens qui, sur la rue, rendent des services très importants. Alors, c'est certain que moi, j'invite à beaucoup de prudence quand on fait des compressions de cette nature-là au niveau des services psychosociaux et au niveau des organismes communautaires.

Une fois qu'on a dit ça, je pense qu'il faut reconnaître que la formation des policiers, l'École nationale de police, au niveau de l'intervention dans la rue auprès des personnes qui ont des problématiques de santé mentale, au niveau des enjeux d'itinérance, bien sûr tout n'est pas réglé, mais, au cours des deux dernières années, il y a eu quand même des efforts qui sont très importants, et j'espère que ces efforts-là vont pouvoir être complétés par... Par exemple, vous parliez de Montréal, M. le vice-président. Urgence psychosociale, c'est très important, les services d'intervention de PECH, à Québec, qui sont aussi des services d'intervention psychosociale, et, selon les dernières informations que j'ai, ce sont des services qui ont été comprimés. Alors, je pense que, tant qu'il y aura de l'itinérance, il faudra bien mesurer l'importance de ces services-là et s'assurer qu'ils peuvent être rendus. C'est une question, à mon avis, d'intérêt public.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme Saint-Germain. M. le vice-président, quelques secondes à peine. Ça vous va? Merci. Je me tourne maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson, à vous la parole.

• (11 h 40) •

M. Lemay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme la Protectrice du citoyen, merci. Tout d'abord, je tiens à souligner votre rigueur de toute votre organisation ainsi que le professionnalisme dans la tenue de vos rapports. Donc, ça, c'est un fait. Je sais que la députée d'Hochelaga en a déjà fait mention tantôt, mais moi, j'aimerais quand même revenir sur un élément concernant les coroners dans votre rapport. Je sais que M. Dowd, tantôt, avait fait une partie de réponse, là, mais j'aimerais juste un petit peu plus de précisions.

Bon, tout le monde sait que le délai moyen d'investigation du Bureau du coroner est actuellement de 12,2 mois, là, bon, O.K. C'est plus que qu'est-ce qui est annoncé sur leur site Web, qui est une donnée, je crois, qui date de 2007, si je ne me trompe pas. Bon, maintenant, selon Me Marsolais, la production d'un rapport d'investigation, c'est le fruit évidemment du travail du coroner, mais aussi le fruit de plusieurs partenaires en amont, tels que les pathologistes, les laboratoires, les centres hospitaliers, les policiers, ce qui expliquerait, selon lui, les longs délais.

Bon, on voit, vous avez fait mention dans votre rapport, vous comparez avec la Colombie-Britannique et l'Ontario aussi, qu'on peut voir un peu des similitudes, on voit qu'on est nettement supérieurs, au Québec, dans nos délais d'investigation. Vous avez fait sept recommandations pour le plan d'action qui a eu lieu le 15 juin, qui a été émis. Parmi les actions que le coroner veut mettre en place, il y a la ligne 1 888 CORONER pour justement donner plus de suivi aux familles endeuillées ainsi que les divers intervenants. Puis il y a aussi la mise en place d'un nouveau processus administratif de traitement des dossiers qui serait une sorte de tableau de bord permettant de connaître la progression des enquêtes — on salue ces actions-là — ainsi qu'une collaboration accrue entre les divers intervenants. M. Dowd faisait mention tantôt qu'à la lueur de la lecture du plan d'action vous étiez quand même satisfaits de la rigueur des informations qui y étaient contenues.

Moi, ma question, c'est... Le coroner veut réduire son délai de moitié, le ramener à six mois au cours des trois prochaines années. Compte tenu du fait qu'une des conclusions de votre rapport à vous, c'est que le délai de production des rapports finaux d'autopsie par les pathologistes de centres hospitaliers ou du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale est environ de neuf mois, donc, ce qui représente 74 % du délai du coroner en tant que tel, est-ce que vous croyez que c'est réaliste ou pas, selon les mesures que le coroner a mises en place, de vraiment réduire de six mois le délai total de production d'un rapport?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, quand le Bureau du coroner nous a remis son plan d'action, nous avons effectivement constaté et considéré que ce délai était réaliste parce que ça va s'accompagner de mesures qui vont être prises auprès des pathologistes avec la collaboration du ministère de la Santé et il va y avoir aussi un allègement des procédures. Je pense qu'il pourra vous expliquer... c'est son plan d'action, il pourra vous expliquer ça plus en détail. Mais ça nous apparaît réaliste.

Et je dirais qu'on parle des trois prochaines années, mais on pourrait être même plus ambitieux après trois ans parce qu'on peut dire encore que... On faisait valoir, tout à l'heure, les conséquences, hein, sur notamment les compagnies d'assurances qui ne versent pas, sans les rapports du coroner, les autorisations, notamment dans les cas de suicide, parce que ça peut avoir une incidence même sur le non-versement éventuel ou la non-éligibilité à une prime d'assurance. Alors, déjà, six mois, c'est quand même important. Et on a vu, dans beaucoup des cas étudiés, que les personnes qui étaient décédées étaient la principale source du revenu familial. Alors, déjà, six mois, c'est important. Donc, c'est réaliste sur trois ans. Et moi, j'espère qu'après trois ans on va encore diminuer ce délai.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le député de Masson.

M. Lemay : Si on poursuit, tantôt, M. Dowd, vous parliez que la majorité des coroners sont aussi médecins puis qu'ils ont le phénomène de mettre la priorité sur le vivant. Si je fais juste revenir à votre tableau 12, là, dans votre rapport du coroner, qui compare les trois provinces, on voit que, sur les 92 coroners, seulement 7 % sont à temps plein, ce qui explique aussi le fait qu'ils sont aussi médecins, donc. On se compare à la Colombie-Britannique qui ont un nombre similaire, là, ils sont déjà à 28 %. Je comprends que ça engendrerait des coûts supplémentaires d'avoir des coroners à temps plein, mais ne serait-ce pas, il me semble... Une de mes constatations, ça serait que simplement en augmentant le taux de coroners à temps plein, on pourrait déjà là voir des résultats beaucoup plus probants et beaucoup plus rapidement.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme la Protectrice.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, lorsque nous avons examiné son plan d'action, le coroner nous a fait valoir deux éléments de solution à ce niveau-là. Le premier élément, c'est qu'il va essayer de faire adopter le principe que des coroners non médecins soient de plus en plus recrutés, notamment des notaires, plus d'avocats, des psychologues. C'est déjà une première piste de solution. Dans certains cas, il faut obligatoirement des médecins. Et, deuxièmement, que ce soit effectivement des coroners qui sont vraiment à temps plein et qui puissent, à ce moment-là, agir. On va avoir besoin de moins de coroners, mais qui vont agir avec beaucoup plus de diligence et plus de rapidité, à ce moment-là. C'est donc une partie de la solution. Et on le voit d'ailleurs, vous le dites vous-même, dans la comparaison avec les autres provinces canadiennes, la Colombie-Britannique, c'est 28 %, qui sont quand même à temps plein, alors c'est quand même important. Je crois, M. le Président, que le vice-protecteur aurait aussi encore une précision à apporter.

M. Dowd (Marc-André) : Oui, tout à fait. En fait, ce qui était frappant dans cette enquête-là — puis c'est le constat principal, je crois, qu'on peut tirer de notre rapport — c'est qu'il n'existait pas, je dirais, une culture de suivi administratif de l'activité des coroners. Et notre analyse juridique, c'est que la loi actuelle donne tous les pouvoirs au coroner en chef pour, par directive ou simplement parce qu'il gère les activités du Bureau du coroner, être beaucoup plus ferme en termes de délais, en termes de tenue de dossier, et c'est tout à fait l'approche qui a été prise par le nouveau coroner. Alors, oui, il y a la piste de davantage de coroners à temps plein, qui est une piste à explorer certainement, mais, je dirais, une tenue administrative beaucoup plus rigoureuse m'apparaît la piste qui est privilégiée actuellement et elle nous semble très porteuse.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : C'est, entre autres, pour ça aussi que la Commission des institutions a un mandat de surveillance à l'égard des organismes publics, tel le coroner, que nous aurons le privilège de recevoir dès jeudi. M. le député de Masson.

M. Lemay : M. le Président, je voudrais céder la parole à Mme la députée de Montarville.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ah! c'est toujours un plaisir. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais en profiter pour passer à un autre sujet parce que le temps qui nous était imparti est quand même, somme toute, restreint...

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : 1 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Ah, misère! Je voulais parler du fameux Bureau des enquêtes indépendantes. Vous en faisiez mention. Vous vous inquiétez du fait que ce bureau-là n'est pas encore mis sur pied. C'est extrêmement d'actualité, les enquêtes indépendantes des policiers, on le voit, là, avec l'incident terrible qui s'est produit ici, à Québec, le cycliste qui a été renversé, c'est la police de Québec qui est impliquée. Donc, ce qui est intéressant, c'est que vous disiez que vous étiez préoccupés par le fait que ce bureau pourrait voir le jour aux alentours de 2015. Le ministre de la dernière législature vous l'avait dit. Je vous soumets que l'actuel ministre a mentionné dès son entrée en poste que ce fameux bureau pourrait voir le jour en 2015 ou 2016. Alors là c'est un délai un petit peu plus long que ce que vous préconisiez. Je voulais savoir si, selon vous, ce délai est inacceptable. 2016, est-ce que c'est trop long pour le bureau? Et, si oui, pourquoi?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, en janvier, le bureau de la ministre m'a donné l'assurance écrite que le bureau serait implanté en 2015, ce qui m'apparaît être un délai maximal. Les démarches pour la mise en place de ce bureau sont déjà amorcées, j'y ai fait référence en introduction. Et je pense que, si on met la volonté, c'est tout à fait réaliste, dans les prochains mois, de faire adopter la réglementation qui est nécessaire, d'embaucher le personnel et de mettre en oeuvre ce bureau-là.

Vous savez, il y a plusieurs personnes parmi d'ex-policiers qui sont intéressées à travailler à ce bureau-là. Il y a des enquêteurs qui sont déjà actifs au Québec dans des enquêtes administratives, qui pourraient être formés par l'école de police. L'école de police a déjà planifié la formation additionnelle en enquêtes criminelles qui devrait être requise. Et je pense que c'est un enjeu d'intérêt public qui est un intérêt autant pour les policiers que pour les citoyens et que le ministère de la Sécurité publique doit y accorder la plus grande priorité.

Alors, pour moi, réalistement, oui, c'est possible et, oui, ça doit se faire au plus tard en 2015, parce que chaque fois qu'il y a un incident policier — on l'a vu la semaine dernière à Québec, quelques semaines auparavant à Montréal — à chaque fois, la crédibilité des enquêtes est remise en cause, et, à mon avis, ce n'est pas sain dans un État démocratique. Donc, c'est dans l'intérêt de tous, policiers comme citoyens, que ce Bureau des enquêtes indépendantes fonctionne adéquatement et dans les meilleurs délais.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la protectrice. Ça complète, malheureusement, le temps. En fait, j'ai même emprunté une minute sur le temps du groupe formant le gouvernement. On pourra se reprendre à une autre occasion. Alors, je me tourne maintenant vers le député de LaFontaine qui réclame la parole depuis longtemps...

M. Tanguay : Non. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Non? Bien, alors...

• (11 h 50) •

M. Tanguay : Je vous remercie beaucoup. Vous savez, c'est une marque d'affection qui restera dans mon coeur longtemps. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup à Mme la Protectrice du citoyen. J'ai été particulièrement, je vous dirais, interpellé par vos commentaires et les commentaires également du vice-protecteur lorsque vous avez parlé de Revenu Québec et de l'importance d'avoir un processus qui, oui, lorsque la loi... La loi, de la manière dont elle est rédigée, il y a renversement du fardeau de la preuve. Mais, en droit, là, on sait qu'avant qu'il y ait un véritable renversement du fardeau de la preuve, il faut qu'il y ait, d'habitude, un commencement de preuve. Et je pense que c'est important.

J'ai personnellement, hier, dans mon bureau de comté, dû répondre à des questions et des interrogations d'une entreprise qui fait face... et évidemment je n'irai pas avec des noms de façon plus précise, mais qui est dans un processus judiciaire, c'est maintenant judiciarisé. Alors, c'est une préoccupation que je partage. Et je suis heureux que vous ayez pu en toucher mot. Et, comme député, M. le Président, j'aurai l'occasion de faire écho des cas concrets auxquels des citoyens, des hommes, des femmes propriétaires d'entreprise font face et qui a un impact tangible sur la capacité d'une entreprise, par exemple, d'avoir les fonds nécessaires pour faire un agrandissement pour créer de nouveaux emplois. Alors, il y a un impact dans certains cas — vous l'avez bien dit, ce n'est pas tous les cas, mais dans certains cas — il y a un impact tangible, et ça peut aller jusqu'à une limitation de la création d'emplois. Alors, c'est important, évidemment, au premier chef, évidemment, les règles de justice naturelle premières qui doivent être respectées. Alors, merci beaucoup, M. le Président, de m'avoir donné l'occasion d'avoir souligné ce fait-là, et nous aurons l'occasion d'en discuter, je le souhaite. Merci.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Vous savez que l'amour que je vous témoigne est aussi partagé par vos voisins immédiats.

M. Huot : On peut parler d'affection peut-être, pas d'amour.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mais, puisqu'il nous reste quelques minutes, j'aurais, moi, quelques questions pour creuser un peu, là, les points qu'on a abordés. On a parlé abondamment d'Hydro-Québec. Est-ce qu'à votre connaissance Hydro-Québec a déjà eu l'occasion, en commission parlementaire, d'expliquer ce qui justifierait, selon Hydro-Québec, ou même objectivement, ce qui pourrait justifier qu'Hydro-Québec ne soit pas soumise à la juridiction du Protecteur du citoyen?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : À notre connaissance, non, donc, sous toutes réserves parce que je n'ai pas examiné les transcriptions de toutes les commissions parlementaires récentes auxquelles Hydro-Québec a été... a participé, mais, à ma connaissance, non.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, le premier volet donc, à votre connaissance, il n'y a jamais eu cet... on ne se serait jamais livré à cet exercice. Mais, si on essayait de le faire, est-ce qu'il y a, selon le Protecteur du citoyen, des raisons objectives, des éléments qui pourraient justifier une telle réticence ou un tel refus?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Si Hydro-Québec est ouverte à avoir un médiateur impartial qui atteste du respect ou non des droits des utilisateurs d'Hydro-Québec et si la société est consciente de l'intérêt pour elle, le cas échéant, d'être informée des préjudices qui peuvent être causés aux citoyens par ses services et, en conséquence, des possibilités d'amélioration de la qualité de ses services, je pense qu'elle n'aura aucune objection à un assujettissement à la compétence du Protecteur du citoyen.

D'ailleurs, je pense que les mêmes raisons qui militaient pour l'assujettissement du Vérificateur général à Hydro-Québec militent pour le Protecteur du citoyen. Que de simples contribuables soient obligés d'utiliser des recours judiciaires, que ce soit la Cour des petites créances ou des tribunaux de droit commun, pour faire reconnaître leurs droits vis-à-vis Hydro-Québec, à mon avis, c'est très coûteux, c'est presque inaccessible dans plusieurs cas. Et, encore une fois, ce serait source de justice administrative et d'amélioration de la qualité des services pour les cas où les plaintes sont fondées. Et, dans les cas où les plaintes ne sont pas fondées, bien ce serait tout à l'honneur et ce serait très rassurant pour Hydro-Québec.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. J'aurais une autre question complémentaire. On a évoqué plus tôt... vous avez mentionné un amendement à l'article 15 de votre loi, et on nous a rappelé ce qui était déjà dans les archives de l'Assemblée nationale, le dépôt du projet de loi n° 391, qui proposait une formulation un peu différente. À comparer les deux formulations, c'est-à-dire une qui amende l'article 15 de la Loi sur le Protecteur du citoyen et qui ne cible qu'Hydro-Québec, versus une formulation plus générale qui faisait référence aux organismes dont le financement est 50 % plus... 50 plus un — pas 50 % plus un, c'est un autre débat — est-ce que pouvez faire la nuance entre les deux propositions, là? Dans votre recommandation, vous visiez spécifiquement Hydro-Québec, alors que le projet de loi n° 391 de la 40e législature était plus large.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, nous visions, de notre côté, Hydro-Québec dans la perspective très précise où nous avons des demandes de citoyens que nous ne pouvons satisfaire, où c'est un monopole public qui dessert tous les citoyens, toutes les entreprises et qu'il nous apparaît vraiment une anomalie que la société ne soit pas assujettie au Protecteur du citoyen.

Cela étant, l'autre projet de loi effectivement est un projet complémentaire à celui qui assujettissait le Vérificateur général à la... pardon, Hydro-Québec à la... le Vérificateur général c'est-à-dire, projet complémentaire à celui du Vérificateur général qui assujettissait le Protecteur non seulement à la compétence d'Hydro-Québec, mais à celle de toutes les sociétés d'État, à l'exclusion de la Caisse de dépôt et placement, ce qui est normal, et de toute société non publique financée à 50 % et plus par les fonds publics. Évidemment, c'est un modèle idéal pour lequel nous aurions évidemment, à ce moment-là, à évaluer quels seraient les coûts. Mais je pense qu'il y a des coûts qui sont assortis d'économies et surtout il y a un prix, il y a une valeur au respect des droits. Je ne sais si le directeur des affaires juridiques souhaite compléter.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Souhaite-t-il compléter?

M. Bernier (Jean-François) : Non, ça va aller, merci.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Ça va aller? J'aurais une dernière complémentaire sur ce point-là. Vous avez mentionné que, dans l'évaluation que vous avez faite de l'assujettissement d'Hydro-Québec, vous avez, je pense, parlé de 1 500 demandes additionnelles.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Estimées.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Estimées. Est-ce que, en dollars ou en termes de budget additionnel, vous avez également fait l'exercice? Est-ce que vous avez... J'ai peut-être manqué la réponse à cette question.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : La réponse, M. le Président, est oui, mais vous n'avez pas manqué les chiffres, je vais les donner. Estimation qui a été faite en 2013, pour la première année d'assujettissement, il y aurait des coûts additionnels... il y a des coûts quand même plus élevés qui seraient de l'ordre de... Excusez-moi, je veux être certaine de vous donner les bons chiffres. O.K.

Donc, la première année, ce serait 413 000 $... pardon, 463 000 $, c'est ça, il y a une différence de 50 000 $, hein? C'est ça. Première année, 463 000 $, et ensuite les coûts annuels récurrents, 413 000 $. Ce sont des coûts évidemment qui, comme tous les coûts publics, seraient indexés. Donc, je répète parce que je n'ai pas été claire, là, je m'en excuse : Première année, 463 000 $; et, deuxième année, 413 000 $. J'ai la prétention d'affirmer que ces coûts seraient probablement rapidement compensés par l'économie en frais d'avocat ne serait-ce qu'au sein d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. Ça complète les questions pour moi, je pense... M. le député, une minute et demi.

M. Huot : Oui. O.K. Il y avait plusieurs sujets, mais je voulais voir sur l'optimisation des ressources rapidement. Vous en avez parlé. Est-ce que ça fait partie de votre mission spécifique? Parce que le Vérificateur général a un mandat d'optimisation... de faire des recommandations d'optimisation des ressources. Je ne sais pas si c'est officiel dans votre mission, votre mandat. Et quelle collaboration vous avez avec le Vérificateur général? Parce que vous vérifiez les mêmes... pas «vous vérifiez», lui vérifie. Vous enquêtez dans les mêmes organismes. Est-ce qu'il y a une collaboration ensemble pour une meilleure efficience de l'appareil public?

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : D'une part, l'optimisation des ressources, il nous arrive, dans les enquêtes, de constater que la prestation des services est organisée d'une manière qui n'est pas la plus optimale. Donc, à ce moment-là, de notre propre initiative, nous faisons les recommandations d'optimisation des ressources. Le rôle du Vérificateur général évidemment est différent. Il doit vérifier le bon usage des fonds publics, donc, sous l'angle de la conformité et l'optimisation des ressources en termes de processus.

Et, réponse à votre question sur la collaboration, il nous arrive de signaler — ça se fait à mon niveau, à ce moment-là, auprès du Vérificateur général — des inquiétudes quant à la bonne administration de certaines entités publiques. À ce moment-là, nous lui faisons ce qu'on appelle un signalement. Ça se fait d'une manière confidentielle, et il décide ou non... il a toute indépendance pour décider s'il donnera suite ou non, et généralement, jusqu'à maintenant, il a donné suite.

Le Président (M. Ouimet, Fabre) : Je vous remercie. Ça complète tout le temps. Alors, au nom de tous les membres de la commission, Mme la Protectrice du citoyen et les membres de votre équipe, on vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Comme toujours, des informations fort pertinentes, utiles, qui alimentent notre réflexion et qui facilitent notre travail comme parlementaires. Alors, merci, continuez votre bon travail. Et je crois comprendre que nous nous reverrons bientôt. Alors, ce sera un plaisir.

Sur ce, la commission suspend ses travaux quelques minutes.

(Fin de la séance à 12 heures)

Document(s) associé(s) à la séance