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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 25 novembre 2015 - Vol. 44 N° 78

Étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Guy Leclair, président suppléant

Mme Stéphanie Vallée

Mme Agnès Maltais

M. Richard Merlini

M. Maka Kotto

Mme Carole Poirier

Mme Nathalie Roy

M. Sébastien Proulx

M. Jean Boucher

M. Luc Fortin

M. Marc Tanguay

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en après-midi pour l'étude détaillée du projet de loi n°78, Loi encadrant l'octroi des allocations de transition aux députés qui démissionnent en cours de mandat. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Vingt heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Leclair) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas perturber nos travaux.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fortin (Sherbrooke) remplace M. Bernier (Montmorency); M. Koto (Bourget) remplace Mme Hivon (Joliette); et Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Marceau (Rousseau).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci. Nous sommes prêts à débuter. Alors, lors de notre séance d'hier, nous avions débuté l'étude de l'article 1 édicté par l'article 1 du projet de loi. Mme la députée de Taschereau avait présenté un amendement, et au premier alinéa de cet article. M. le député de La Prairie a soulevé une question de règlement quant à la recevabilité de cet amendement. Après avoir entendu les membres de la commission à ce sujet, la présidence a pris la question en délibéré, et je suis maintenant prêt à rendre la décision.

Alors, ma décision sur la recevabilité de l'amendement présenté par la députée de Taschereau. Cet amendement vise à remplacer l'objet de la loi introduite par l'article 1 du projet de loi par le suivant :

«...établir des mesures de prévention et de lutte contre la radicalisation menant à des actes terroristes.»

Je rappelle que la jurisprudence a établi différents critères afin de déterminer si un amendement est recevable. Parmi ceux-ci, mentionnons que l'amendement doit se rattacher au principe du projet de loi et ne peut ni le contredire ou l'écarter, ni l'élargir d'une manière telle qu'il va au-delà de l'objet du projet de loi. La jurisprudence a aussi reconnu qu'un amendement pouvait préciser la motion principale. Selon le député de La Prairie, en changeant l'objet du projet de loi, l'amendement aurait pour effet de dénaturer son principe, et donc de l'écarter. Quant à la députée de Taschereau, selon elle, l'amendement viserait plutôt à préciser l'objet du projet de loi.

Je constate, pour ma part, que, dans le cadre actuel de l'étude détaillée, tous les groupes parlementaires ont présenté ou ont annoncé vouloir présenter des amendements concernant le phénomène de la radicalisation, qui se rapporte au présent projet de loi. Ainsi, en vue de permettre à la commission de débattre de cet enjeu d'importance et conformément à la pratique à l'effet de favoriser le débat, je déclare l'amendement présenté par la députée de Taschereau recevable. Il reviendra par la suite aux membres de la commission de se prononcer sur l'opportunité de l'adopter ou non.

Alors, sur l'amendement, est-ce qu'il y a des commentaires? Nous pouvons poursuivre nos échanges. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Merci. Alors, c'est bien. J'accueille, évidemment, avec plaisir la décision de la présidence, qui correspond un peu à l'esprit des débats que nous avions. Les débats étaient à l'effet que, si on voulait contrer les discours haineux, ce que nous disait beaucoup la ministre, c'était parce qu'on voulait... le discours haineux était en amont de la radicalisation. Alors, c'est exactement ce qu'on veut faire, on veut préciser l'objet de la loi. Je rappelle que nous sommes dans le cadre d'un plan de lutte à la radicalisation, que tout le préambule du premier ministre, qui annonce les actions qui vont aller dans le sens de ce plan de lutte à la radicalisation... sont pour lutter contre l'intégrisme religieux et que la ministre elle-même disait : Bien, les discours haineux, si on veut les attaquer, c'est parce qu'ils sont parfois l'amorce de la radicalisation.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : On veut qu'on parle des vraies affaires. Si je regarde, d'ailleurs, l'amendement qu'a proposé la ministre, mais que nous n'avons pas encore étudié, puisque c'est un amendement au titre et qu'on le sait, on se l'est dit, et le titre et le préambule seront étudiés à la fin de la loi — ce qu'a proposé l'amendement qu'on a entre les mains, c'est d'ajouter «et de lutter notamment contre la radicalisation» — donc la ministre, elle aussi, sait très bien que son projet de loi a pour objet de lutter contre la radicalisation. On peut ajouter un «notamment» si elle le veut, mais c'est vraiment... l'esprit, c'est de lutter contre la radicalisation.

Alors, moi, je pense que de voter pour cet amendement permettrait de préciser l'esprit de la loi puis la portée de la loi, à quoi on veut qu'elle serve. Alors, voilà, M. le Président. Alors, moi, je demande à ce qu'on appuie cet amendement parce qu'il permettrait de clarifier le discours de tout le monde, puis l'esprit, puis l'objectif de tout le monde.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement de l'alinéa un? Oui, M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis surpris de la décision de la présidence parce que l'objet du... dans le premier paragraphe est évidemment... on parle d'une lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence. Nonobstant le fait que ça fait partie d'un plan à la lutte contre la radicalisation, on rajoute dans l'amendement «menant à des actes terroristes», et, pour moi, je crois que l'objet des discours haineux et l'objet des discours incitant à la violence... ne mènent pas tous nécessairement à des actes terroristes. La ministre a fait référence à différentes formes de discours haineux et de discours incitant à la violence qui ne mènent pas nécessairement à des actes terroristes. On a des gens qui sont venus témoigner dans les consultations particulières qui ont parlé de discours haineux et d'actes incitant à la violence, il y a eu des témoins qui en ont parlé. Je pense à la Fondation Jasmin-Roy, il y a des communautés LGBT qui nous en ont parlé également. Mais là, en rajoutant ceci, «menant à des actes terroristes», je crois qu'on vient dénaturer l'objet du premier paragraphe, qui est vraiment d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence.

Nonobstant, comme vous aviez dit, Mme la députée de Taschereau, qu'il y a un amendement que la ministre a proposé par rapport au titre, qu'on discutera en temps et lieu, par rapport à la lutte à la radicalisation, je crois qu'en ajoutant l'aspect des actes terroristes dénature l'objet du projet de loi n° 59 et je vais inviter les membres à voter contre l'amendement tel qu'il est proposé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Merci, M. le député de La Prairie. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement de l'article 1, premier alinéa? Mme la députée de Taschereau.

• (20 h 40) •

Mme Maltais : Écoutez, M. le Président, j'entends bien ce que le député vient de dire. Je lui rappellerai toutefois pourquoi on est ici. Pourquoi est-ce qu'on est assis autour de la table aujourd'hui? Pourquoi le débat a-t-il été soulevé contre les discours... Pas tellement contre les discours haineux, ce n'est pas vraiment ce qui est arrivé dans la société québécoise dans la dernière année, mais des discours qui ont provoqué la radicalisation de jeunes. Et, quand on parle de radicalisation de jeunes, quand on parle de la radicalisation, on parle véritablement de jeunes qui partent en Syrie combattre là-bas, et qui reviennent, et qui mènent des actes terroristes. On parle aussi de radicalisation de jeunes comme ceux qu'on a eus, qui ont mené aux événements de Saint-Jean-sur-Richelieu et aux événements d'Ottawa. C'est ça qui nous fait agir. C'est ça, le moteur de la loi. Le moteur du plan de lutte à la radicalisation et le moteur de la loi, il est exprimé, je le répète, par le premier ministre lui-même dans le préambule du plan de lutte à la radicalisation. Et le moteur, le moteur de la loi, c'est la radicalisation menant à des actes terroristes. Alors, on veut prévenir puis on veut lutter contre, mais nommons les choses, nommons les choses.

Le député m'a parlé de la Fondation Émergence. Les groupes LGBT, les autres groupes sont tous venus, nous ont dit : On comprend qu'il y a la radicalisation des jeunes, il y a d'autres moyens, mais ils nous ont parlé beaucoup de prévention, eux. Ils ont dit que le projet de loi était beaucoup, beaucoup, beaucoup trop large. En fait, beaucoup de gens sont venus nous dire que le projet de loi était beaucoup, beaucoup, beaucoup trop large. Alors, la proposition de notre amendement, c'est de fixer les choses, ce qui donnera une indication claire, entre autres à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse quand elle aura ensuite la mécanique à suivre. Parce que de faire cela, d'accepter notre amendement ne fait pas que le projet de loi n'existe plus, là, toute l'autre mécanique s'ensuit. Après ça, on aura à débattre de chaque partie de la loi, on aura à débattre de chaque article, de sa pertinence ou non. Mais ce qu'on fait, c'est fixer présentement l'objectif de la loi. Moi, je pense qu'on va y gagner, on y gagnerait tous à fixer véritablement l'objectif de la loi.

Le Président (M. Leclair) : Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement de l'alinéa un? M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Kotto : Merci, M. le président. Prévenir, détecter, agir, ce sont des concepts, dans le cas du débat qui nous occupe, des concepts qui ont fort probablement, de l'aveu même de la ministre de la Justice... qui ont inspiré cet exercice, du moins qui ont donné naissance à cette proposition de projet de loi. Et ce que ma collègue de Taschereau essaie, disons, avec beaucoup de respect, de défendre comme point, c'est l'incohérence entre l'idée proposée et l'objectif poursuivi. Je disais — je ne sais plus si c'était hier ou avant-hier — en évoquant Camus, que mal nommer les choses, c'est contribuer au malheur du monde. Il est important, pour nous, législateurs, en l'occurrence, d'avoir dans les circonstances une approche claire, une approche qui n'inspire pas des ambiguïtés, ce qui permet à la population, quel que soit son niveau cognitif, d'appréhender un objet comme celui-ci, un projet de loi comme celui-ci en toute transparence, en toute clarté et avec toutes les précisions qui doivent le soutenir.

Quand on ne sait plus où on va, M. le Président, on a le devoir impérieux de revenir d'où l'on vient. Et replaçons-nous, remettons-nous en perspective relativement à tout ce qui nous a occupés ici, à l'Assemblée nationale, pour évoquer une stratégie globale contre la radicalisation, les attentats de Saint-Jean, l'attentat d'Ottawa. Derrière ces attentats, il y avait des individus fragilisés, fragilisés et des individus qui se sont retrouvés exposés à des discours haranguants, à des discours qui... Je ne suis pas un exégète de la psychanalyse ou de la psychiatrie, mais qui ont conditionné leur comportement ou qui les ont confortés dans l'idée de passer à l'acte après avoir, bien sûr, vécu des phases d'embrigadement, je dirais, de contamination idéologique, pour ne pas spécifier, pour ne pas stigmatiser une religion en particulier, et, par la suite, ces individus sont passés à l'acte.

Donc, il y a eu, dans le processus qu'ils ont consciemment ou inconsciemment suivi, une place importante accordée à ce discours qui a été, ci et là, rapporté par des témoins en commission parlementaire, ci et là dénoncé par certains observateurs qui, depuis toujours, suivent de très près ces phénomènes, que ce soit ici, au Québec, ou en Europe. C'est important pour nous aujourd'hui d'affronter de face, sans aucune pudeur, sans aucune ambiguïté et en toute simplicité le sujet, en nommant les choses telles qu'elles sont, en nommant l'objet de notre présence ici et ce qui, par le fait même, faciliterait, dans la mesure où nos collègues d'en face accepteraient d'appuyer l'amendement de ma collègue, faciliterait l'exercice qui nous occupe ici aujourd'hui.

 Si nous procédons sur la voie de l'ambiguïté et du flou artistique, il est fort probable que nous passions énormément de temps ici. Parce que je vous avouerai, M. le Président — et Mme la ministre le rappelait la dernière fois que nous nous sommes réunis ici — que l'exercice qui nous a occupés dans le cadre du projet de loi n° 94 en 2010 n'était pas, disons, un modèle de référence, nous avons passé énormément de temps, et, de mémoire, je dirais, nous avons passé beaucoup de temps sur l'article 1. Et, si mes souvenirs sont bons, c'est un mois entier, que nous avons passé sur l'article 1 parce que nous ne nous entendions pas sur les assises mêmes de ce projet de loi qui avait, évidemment... qui poursuivait un autre objectif, celui de la laïcité, une réponse au rapport Bouchard-Taylor.

Je ne souhaite pas que nous tombions dans le même scénario ici. Je souhaiterais voir, du côté de nos amis de l'aile gouvernementale, une ouverture. Et l'approche de ma collègue de Taschereau en est une qui est constructive, elle n'est pas ici pour démolir cette démarche. La perspective de la lutte contre la radicalisation et qui conduit au terrorisme, comme ici évoqué, participe à une construction, disons, politique et sociale qui, de mon point de vue, n'est pas l'apanage, n'est pas le monopole d'un parti ou d'un autre. C'est un effort collectif, on nous invite tous collectivement à y contribuer, et personne n'en tirera, individuellement ou sur une base partisane, les marrons ou les médailles. C'est une responsabilité collective, et je souhaite, par mon intervention, inviter nos collègues d'en face à un peu plus d'ouverture.

On a eu des débats en Chambre relativement à la nécessité de scinder le projet de loi. N'eût été de la fermeture, je pense qu'on aurait déjà adopté le volet 2 de ce projet de loi et nous serions aujourd'hui concentrés probablement sur une réécriture que j'aurais souhaitée collégiale avec la partie gouvernementale. Mais ce n'est point le cas. Alors, M. le Président, j'invite mes collègues en face de faire preuve d'un peu plus d'ouverture, de ne pas se camper dans des postures que nourrit parfois l'orgueil, mais de s'ouvrir, de s'ouvrir, à l'instar de ce que ma collègue de Taschereau exprime par sa volonté de collaborer, de contribuer ici ce soir.

• (20 h 50) •

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, M. le député de Bourget. Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'amendement à l'article 1, l'alinéa un? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

Mme Poirier : Merci. M. le Président, lundi matin, j'ai eu le privilège, avec d'autres collègues, de rencontrer le directeur du nouveau centre sur la radicalisation de Montréal et qui est financé à frais partagés entre Montréal et le gouvernement du Québec, et je vais vous dire que j'ai été très impressionnée par le degré de professionnalisme affiché par son responsable. Le discours sur la nécessité de mettre en place ce centre est justement basé sur le fait de faire face à la réalité. Il y a un besoin, M. le Président, de dire les vraies choses. Et, depuis son ouverture, il n'y a même pas un an maintenant, il y a même quelques mois, c'est 400 appels qui ont été adressés à ce centre. Et ce centre, c'est le centre pour contrer la radicalisation.

Alors, l'amendement de ma collègue... de dire que l'amendement... de nommer l'amendement pour... indiquant la radicalisation dans son amendement est, à mon avis, tout à fait pertinent parce que ce centre, ce qu'il vient faire actuellement, c'est justement d'entendre les parents, d'entendre les parents qui ont peur que leurs enfants choisissent la radicalisation ou des parents d'enfants qui voient leurs enfants se transformer sous leurs yeux et adopter de nouveaux comportements. Et je pense que, si on veut faire oeuvre utile pour, justement, aller vers ce à quoi, on croit, on a besoin de faire, je pense qu'il faut nommer les choses par leur vrai nom.

Ce centre-là a déjà huit cas, M. le Président, importants et significatifs où il y a eu de l'intervention. Une intervention pointue et policière, mais huit cas d'accompagnement où les parents avaient confiance parce que ce n'est pas une approche policière, c'est une approche d'aide à la personne. Et, finalement, ce que cela fait, c'est que ça met les gens en confiance. Mais c'est un phénomène qui existe. Il y aurait, semble-t-il, M. le Président, une quarantaine de nos jeunes Québécois qui sont déjà partis. Il y a aussi d'autres jeunes qui veulent partir. Alors, ne pas nommer, ne pas nommer la radicalisation aujourd'hui, c'est un peu faire semblant que ça n'existe pas, c'est passer à côté de ce que la population craint présentement. La population craint de voir son enfant partir. C'est de ça, de ça dont on parle. Et la mise en place de ce centre répond, justement, en partie probablement à la crainte des parents.

Alors, quand ma collègue vient nommer dans le premier alinéa de l'article 1 la radicalisation menant à des actes terroristes, elle nomme le problème, elle nomme ce à quoi devrait s'adresser le message public de ce projet de loi là. C'est de ça dont les gens parlent. Et, par le phénomène de la radicalisation, bien, on a, effectivement, des agents provocateurs qui viennent soit rencontrer nos jeunes... Et on l'a vu avec les gens du cégep Maisonneuve, on a des prédicateurs ou des gens qui viennent nous tenir des discours, comme Tariq Ramadan lundi dernier, que ça a d'ailleurs fait l'objet d'un reportage à la télé. Alors, la radicalisation, c'est de ça dont on parle.

Est-ce qu'à Paris présentement on parle de discours haineux? Non, non, on parle de la radicalisation de personnes qui ont fait des attaques. C'est de ça dont on parle. C'est comme réduire le problème que de ne pas vouloir en parler. C'est comme faire en sorte de dire que ça n'existe pas. Ça existe. Ça existe, malheureusement, M. le Président. Il y a des jeunes Québécois qui se radicalisent. Il y a des parents inquiets de voir leurs jeunes se transformer. L'Internet est le meilleur moyen pour rejoindre les jeunes pour les radicaliser. Et pourquoi les jeunes se radicalisent? Pour toutes sortes de raisons. Et il n'y a pas de profil, nous a-t-on indiqué, il n'y a pas de profil de vulnérabilité. On aurait pu penser qu'un jeune démuni qui se cherche... Non, non, oubliez ça, ce n'est pas ça, ce n'est pas le profil. Bien au contraire, ce sont des jeunes plutôt de classe aisée qui se sont radicalisés, des jeunes qui étaient des premiers de classe, et qui veulent changer le monde, et qui y vont pour un projet en tant que tel.

Alors, ne pas nommer ici, d'entrée de jeu, de façon affirmative, de façon forte, de façon claire que ce projet de loi là vient, justement, intervenir pour que cesse ou, du moins, qu'on va venir traiter de ce sujet-là, à mon avis c'est passer à côté d'une belle occasion. Et je pense que le message doit être fort, M. le Président, je pense que notre message doit être clair. Nous voulons tout faire pour que nos jeunes ne se radicalisent pas. Nous voulons tout faire pour que nos jeunes n'aillent pas vers des actes de terrorisme.

Le terrorisme est quelque chose qui fait peur à tout le monde. On le voit, là, c'est tous les jours. Tous les jours, il y a actuellement des actes terroristes dans le monde. On a peur de cela. Et ce qui fait la peur, c'est aussi de voir son propre enfant se transformer, et faire en sorte d'adopter des pratiques, et éventuellement vouloir un passeport. Un enfant qui décide, du jour au lendemain, de vouloir un passeport, il y a une raison. On n'a pas un passeport parce qu'on veut rester à la maison. Il y a là des étapes. Il y a là un processus qui s'enclenche pour faire en sorte que ces enfants-là, pour des idéaux, décident de se radicaliser. Il y a des gens qui sont des agents prêts à inciter des jeunes à se radicaliser, il y a un circuit fait pour ça.

Alors, M. le Président, je souhaite que la ministre se rende à nos arguments parce que le discours haineux, il est dans la radicalisation. Quand Roosh V, cet été, nous tenait un discours haineux, c'est une forme de radicalisme, c'est une forme de tirer les gens vers le bas et de nous ramener à des modèles que l'on ne souhaite pas. Parce que les gens qui tiennent ce type de discours là, radicaux, nous tirent vers le bas, ne nous amènent pas vers cette société que nous souhaitons.

Alors, M. le Président, je souhaite que la ministre puisse entendre, entendre ce plaidoyer que nous faisons. Et j'espère qu'elle entendra aussi... je lui souhaite de rencontrer, si elle ne l'a pas fait encore, de rencontrer le directeur du centre sur la radicalisation à Montréal, un homme fort intéressant, fort documenté et qui... En tout cas, je vais vous dire, s'il y a quelqu'un qui sait de quoi il parle, c'est bien lui, et il est riche en données, en modèles et surtout, surtout en situations... Je vais vous dire, ça vous chavire. Entendre les modèles de jeunes qui... mais particulièrement les parents, le parent qui appelle et qui ne sait pas quoi faire, qu'est-ce qu'on fait, c'est chavirant, et, fort heureusement, on s'est doté de ce centre-là. Fort heureusement. Et on le voit en France, on le voit ailleurs, ce sont des services pour aider les parents, ce sont des services... En France, ce sont des familles qui se sont regroupées pour, justement, faire face à ce radicalisme de leurs jeunes. Alors, ne pas nommer les choses, M. le Président, c'est passer à côté. Merci.

• (21 heures) •

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui voudraient se faire entendre sur l'amendement du premier alinéa de l'article 1? Mme la ministre.

Mme Vallée : Simplement, question de récapituler et repasser un message qui a été formulé hier et avant-hier. Le collègue de Bourget et la collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, peut-être, n'avaient pas en main les amendements qui avaient été distribués, mais, à la lecture des amendements qui ont été distribués la semaine dernière, vous comprendrez que la référence au radicalisme et à la radicalisation se voit dans les différents amendements, notamment dans l'amendement qui sera présenté au titre et à l'amendement qui sera présenté au préambule. Donc, évidemment, il y a cette volonté d'attacher et de rattacher le projet de loi, évidemment, à la radicalisation, évidemment. Mais, par contre, nous n'irons pas à ces amendements-là tout de suite, puisqu'il a été convenu que ces amendements-là seront étudiés à la fin du projet de loi.

Donc, je tiens simplement à rassurer ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve parce qu'il est certain que je suis tout à fait d'accord avec elle. Puis je l'écoutais, puis je me disais : Finalement, nos propos se recoupent et se rejoignent parce que la radicalisation, dans le fond, c'est effectivement... c'est un processus. Puis il y a un guide assez intéressant — je suis tombée dessus et j'invite les collègues, peut-être, à en prendre connaissance — c'est la Trousse derenseignements sur l'extrémisme violent, qui a été préparée par l'UQAM et qui comporte un tas de références intéressantes, notamment, au glossaire, une définition de la radicalisation, qui est un «processus selon lequel des personnes sont initiées à un message idéologique et à un ensemble de croyances et sont encouragées à remplacer leurs croyances modérées et généralement admises par des opinions extrêmes».

Et puis lutter contre la radicalisation, c'est aussi, parce que ça prend différentes formes... Ma collègue a fait référence au centre qui fait partie des outils qui sont mis en place pour lutter contre ce fléau. Le projet de loi en est un, le projet de loi n° 59, qui vise notamment à s'attaquer à différentes formes de manifestation de la radicalisation, le discours haineux en étant un. Et le discours haineux, bien, c'est un discours qui n'a simplement pas sa place dans une société libre et démocratique et auquel on doit s'attaquer, puis c'est un discours qui a été défini par la jurisprudence.

Alors, je voulais, tout simplement, faire cette petite remarque pour rassurer notre collègue parce qu'elle nous indiquait qu'il était important de faire référence à l'article 1 à un certain type de thème. Moi, je ne crois pas que l'amendement... En fait, en tout respect, je vous dirais, M. le Président, que les références dans le titre et les références aux attendus sont peut-être les endroits les plus à propos pour faire référence au radicalisme, puisque l'article 1, lui, s'attaque plutôt à la définition du discours haineux et au discours incitant à la violence. Voilà.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : On est sur le fondement, là, de quoi doit parler cette loi, de quoi veut-on nous protéger. Parce que, quand on écrit une loi, c'est parce qu'on veut développer un secteur ou protéger un secteur. Or, de quoi veut-on nous protéger? Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas de développer, il s'agit de protéger. De quoi veut-on nous protéger? Puis ma collègue a parlé du centre de lutte à la radicalisation de Montréal, elle a raison, eux sont véritablement dans la bataille qui a fait les médias au Québec et qui interpelle les Québécois et les Québécoises, c'est la bataille contre la radicalisation qui mène à des actes de violence ou à des actes terroristes. Bon. Mais la question, c'est ça, de quoi veut-on nous protéger?

Dans la façon dont est écrit l'article 1 actuellement, le premier alinéa de l'article 1, ce dont on essaie de nous protéger, c'est des discours haineux et des discours incitant à la violence. Comment ça se fait que quelque chose qui paraît une belle intention comme ça tout à coup, à première vue : Ah! discours haineux, discours incitant à la violence, on va prévenir ça, puis on va mettre toute une mécanique en branle de tribunal, d'amendes, de listes pour juguler les discours haineux et les discours appelant à la violence... Pourquoi? Pourquoi, tout à coup, on fait cette loi-là? Nous, ce qu'on pense, c'est que l'intention est peut-être belle, mais les dérives qui peuvent succéder à cette intention sont inacceptables. Et c'est ce que la majorité des mémoires sont venus nous dire. Et ça aussi, il faut s'en rappeler.

C'est pour ça que le premier alinéa, il est très important, il fixe l'objet de la loi. L'objet de la loi actuellement, ce que tout le monde est venu nous dire, c'est : Il est trop large, l'objet de loi. Il est trop large. Tous les écrits qui ont été antérieurs à cette loi-là disent qu'il faut lutter contre la radicalisation, puis on arrive avec une loi qui, elle, s'attaque aux discours haineux de façon très large et, entre autres, la radicalisation. Nous, on dit que ce n'est pas entre autres la radicalisation, c'est d'abord, d'abord la lutte à la radicalisation, et une lutte à la radicalisation menant à des actes terroristes. On ne fait que rétrécir le pan de la loi.

De quoi veut-on nous protéger? Mais de la radicalisation menant à des actes terroristes. C'est de ça dont on veut nous protéger. Les gens des communautés sont venus nous dire : Ce n'est pas une bonne idée. Les gens les plus ostracisés qui ont plus de discours haineux, d'actes violents contre eux — selon Statistique Canada, pas selon moi — sont venus nous dire : Ce n'est pas cela que nous voulons comme outil.

J'ai un exemple ici, j'ai le mémoire de l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité. Qu'est-ce qu'ils nous disent? Ils disent : «Les discours haineux et les discours incitant à la violence sont des facteurs de désordre social, et nous comprenons l'importance d'une action gouvernementale pour les combattre.» Donc, ils sont comme nous, ils disent : Il y a une bonne intention. «Une action ferme est nécessaire face aux événements nationaux et internationaux survenus depuis un an — alors là, tout à coup, tiens, déjà on cible — dont la montée fulgurante du groupe terroriste qualifié par les médias et les politiques occidentaux d'État islamique — c'est DAESH — la divulgation très facile du discours islamiste radical et du discours haineux sur le cyberespace, mais également par des prédicateurs islamistes qui prônent le djihad armé ici même, dans des écoles, des mosquées, des centres communautaires du Québec et des espaces apprenants mobiles.»

• (21 h 10) •

Vous voyez, ils sont inquiets, mais ils sont inquiets de la même chose que nous. Pas large, de façon très précise, très pointue. Ils ajoutent: «Malgré cela, nous nous inquiétons pour la liberté d'expression au Québec. Notre crainte provient du flou qui règne autour de la notion de ce qu'est un "discours haineux". Nous craignons une censure abusive de la parole, et notamment la censure de toute critique religieuse.»

Et là j'y arrive. La censure de critique religieuse, ça fait partie des craintes qui nous ont été amenées très régulièrement, M. le Président. Et c'est pour ça qu'on veut fixer mieux l'objectif de la loi, parce que l'ensemble des intervenants sont venus nous dire que rapidement, quand on établit des règles à la liberté d'expression, elles peuvent jouer, les contraintes, elles peuvent jouer d'un côté comme de l'autre. Et les gens ont peur d'être visés par cette idée, ce concept très large de discours haineux, même avec la définition qu'on nous apporte, une... Et les gens ne veulent pas, ne veulent pas vivre dans un climat d'autocensure en se demandant : Si je vais jusque-là, si je vais jusque-là, est-ce que je vais me ramasser tout à coup devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse? C'est de ça dont on a parlé.

Alors, la proposition qu'on fait, c'est que, dans le premier alinéa, on dise bien à quoi sert la loi, puis ensuite on verra, pour la définition du discours haineux, à la faire, à la contraindre en fonction de ce à quoi doit servir la loi. Là, il y a une mécanique qui va se mettre en branle où on va nettoyer la loi des craintes qui ont été exprimées en commission parlementaire, puis on va aboutir finalement à ce qu'on veut tous et toutes. C'est ça qu'on veut, c'est prévenir la radicalisation menant à des actes terroristes. C'est ça que j'avais à dire. J'espère que ça va finir par ébranler la ministre parce qu'on espère arriver à travailler avec elle sur ce à quoi les gens s'attendent à ce qu'on travaille. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Alors, Mme la ministre, avez-vous autre chose à rajouter?

Mme Vallée : Sur l'amendement, non.

Le Président (M. Leclair) : Sur l'amendement, est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont quelque chose à rajouter? M. le député de Bourget.

M. Kotto : Oui. M. le Président, je souhaiterais ici rappeler le mot du premier ministre dans le calepin — appelons ça comme ça — intitulé La radicalisation au Québec : Agir, prévenir, détecter et vivre ensemble. C'est un beau projet en soi. Et, dans l'écrit, dans les mots mêmes du premier ministre, nous sommes dans l'essentiel. Il dit — et je cite : «Chez nous au Québec et partout ailleurs, la radicalisation, avec en miroir la crainte de l'autre et l'intolérance...»

On a ici le phénomène de l'action et de la réaction. Face à la radicalisation, il y a une réaction dans l'environnement qui subit cette radicalisation ou qui témoigne de cette radicalisation et qui suscite le rejet, la haine, l'intolérance, voire même le racisme. Et mes deux collègues l'ont rappelé, la radicalisation n'est pas un phénomène spontané. Quand on observe le profil des personnes radicalisées, quand on analyse le parcours de ces personnes, il est simple de constater que c'est toujours ces jeunes qui sont en pleine phase de la construction de leur personnalité psychique, c'est-à-dire de leur moi.

Et ces jeunes, à partir du moment où ils sont préparés à la base à l'école... On nous rappelait encore récemment qu'à la fin des années 70 que le curriculum, dans certaines écoles de certains pays où une certaine secte avait pris le dessus sur l'approche noble de la religion musulmane... on a vu se développer des enfants un peu comme des jardins, avec des engrais, disons, assez efficaces qui amenaient ces enfants à être ouverts, réceptifs à un certain discours. Ils n'étaient pas, dans cette première phase, radicalisés, mais ils étaient préparés pour l'être le moment venu face à des personnes en autorité religieuse et sectaires, et qui tenaient des discours, et qui les conditionnaient, un peu comme on conditionne un ordinateur, à l'effet de commettre, de poser des gestes, de commettre des actes répréhensibles qui pouvaient aller jusqu'au terrorisme. C'est suivi, c'est documenté.

Et, quand des phénomènes comme celui de Saint-Jean-sur-Richelieu ou Ottawa arrivent au Québec ou en France encore récemment, ce que ça génère dans la société, dans la cité, c'est de la méfiance, c'est l'effet de miroir, la méfiance, le rejet, l'intolérance. C'est ce vers quoi le premier ministre ne veut pas voir s'enfermer le Québec un jour, d'ici une ou deux générations. Et je parle d'un phénomène qui n'est pas spontané, mais qui prend racine relativement à un discours. Ce n'est pas le discours de la table ronde, du moins, de l'histoire des Noirs qui radicalise le monde, ce n'est pas l'association LGBT, ce n'est pas son discours qui radicalise le monde, ce n'est pas... J'en nommerai des tonnes, des organismes, des associations, ce n'est pas ça.

On a identifié une des sources du mal et on sait où il opère, ce discours, on connaît les supports à travers lesquels il trouve ses voies de transmission, un peu comme des virus, et toujours vers cette même cible, ces jeunes fragiles, avec parfois des parents qui ne sont pas équipés pour les protéger, des jeunes... Vous l'avez été, je l'ai été. Souvenez-vous, quand vous aviez 16 ans, ce qui vous habitait. Certainement, connaissant vos valeurs, c'est ce désir de justice. Partout où vous voyiez de l'injustice, vous aviez envie de réagir. C'est ce que la plupart ont développé, mais ils ont été détournés à mauvais escient.

Je prends l'exemple d'un pays où j'ai vécu longtemps, la France, à la fin des années 70, début des années 80, avec la montée du Front national, là, qui arrivait sur le paysage politique et qui redéfinissait ce qu'est être un Français et ce qui — comment dire? — ce que... ne pas être un Français, démarche qui aboutit à l'exclusion ou à l'autoexclusion d'une certaine portion de la société, en somme des enfants des immigrants qui sont venus, quelques générations plus tôt, reconstruire la France après la Seconde Guerre mondiale, mais qui étaient cantonnés dans les banlieues et qui, au terme de la reconstruction, se sont retrouvés en marge de la société. Et leurs enfants se retrouvant face à ces parents qui n'étaient plus, à leurs yeux, des modèles d'identification ou de référence positive, se sont tournés vers d'autres modèles, toujours sur la base du discours : Vos parents, c'est des nuls. Nous, on est bons, c'est nous que vous devriez suivre. On va vous donner votre place, on vous aime. On est dans le discours qui conditionne. Ça passe par le banditisme, le grand banditisme et, par la suite, arrivés quelques années plus tard dans ces milieux-là, des prêcheurs salafistes, notamment, qui les récupèrent pour les amener ailleurs et qui les conditionnent par ces mêmes discours de haine, de rejet de ce qu'est la république.

Vous êtes vous, ils sont eux. Et votre objectif à vous, c'est de détruire ce qu'ils sont parce que c'est à cause d'eux que vos parents sont ce qu'ils sont, des parias. On est jeune. Quand on est jeune et qu'on cultive le sentiment d'injustice, ça peut déboucher à la violence. Derrière tout cela, on retrouve quoi? Toujours le même dénominateur, le discours haineux. Et c'est de ça qu'on parle, c'est de ça qu'il faut parler.

Je pense qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.

• (21 h 20) •

Le Président (M. Leclair) : Il vous reste environ trois minutes, M. le député.

M. Kotto : Trois minutes? O.K. Je le prendrai plus tard.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Taschereau, est-ce que vous avez quelque chose à rajouter?

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Écoutez, l'article 1, le premier alinéa particulièrement, c'est l'objet de la loi. Nous, on a dit qu'on veut travailler, on veut collaborer, mais on a toujours demandé une révision en profondeur de la loi. La ministre nous a amené une définition du discours haineux, mais ça ne change pas l'objectif de la loi, ça ne le précise pas. Ça précise le discours, puis encore, je trouve que la précision est encore très, très, très large, on va avoir des commentaires là-dessus.

Mais quel est l'objet de la loi? Pourquoi on veut ça? Parce qu'ensuite une loi, c'est une mécanique. Si l'objet de la loi est plus précis, il va avoir l'objet, ensuite vont en découler les moyens, et on va les faire, les moyens, véritablement en fonction de l'objectif sociétal que nous avons, qui est la lutte à la radicalisation. Ensuite de ça, les infractions vont en découler, et ensuite les sanctions. Une loi, c'est un objet, des moyens, des infractions, des sanctions. Dans ce type de loi pénale, là, c'est ça, on se donne un objectif, on prend les moyens puis, ensuite, on dit : Ceux et celles qui ne répondront pas à ça, vous allez faire des infractions, voici les sanctions qu'il y aura lieu... Là, on a un problème avec l'objet, qui n'est pas l'objet auquel on s'attendait comme société.

L'autre problème que nous avons, c'est que, comme la loi va être ensuite gérée, toute cette mécanique qu'on met en branle va être gérée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Rappelons-nous des propos du président, M. Jacques Frémont, qui a dit : Je veux une loi sur le discours haineux pour faire taire... Bien, j'exagère un peu, je pense, en disant faire taire, mais pour enfin sanctionner les discours qui critiquent les religions. Et il a dit contre l'islamophobie. Donc, il a donné, lui, un sens à la loi. Lui a donné un sens à la loi.

Alors là, tout le monde a dit : Ça y est, on est contre les discours haineux. On sait que les islamistes, les intégristes religieux islamistes, sont très bien outillés, très bien financés pour aller devant les tribunaux et essayer de faire taire le discours qui est critique envers l'islam radical. On a eu même ici un imam, M. Elmenyawi, qui est venu nous dire : On ne doit même pas blasphémer contre les religions. Je sais que la ministre nous dit : Oui, mais la loi ne dit pas ça. Sauf que ce n'est pas ça que les gens comprennent. Ce n'est pas ça que les gens comprennent, et il y a que le président de la CDPDJ est venu nous dire : Moi, je veux une loi pour ça. Il est venu à Radio-Canada le dire : Moi, je veux une loi pour ça. Et il est allé à un colloque à l'INRS, un colloque sur l'islamophobie. Il y a comme une mécanique, là, dans laquelle la CDPDJ est entraînée.

Nous, ce qu'on propose, c'est : Si, vraiment, la loi est là pour s'attaquer à la radicalisation menant à des actes terroristes, nommons-la, et, ensuite, croyez-moi, ça va rassurer bien des gens parce qu'après on va tous comprendre le sens de la loi véritable, puis, après ça, la mécanique va en découler. Mais, si on reste large au départ sur l'objet, on donne toute la marge de manoeuvre voulue ensuite à l'interprétation de la loi, et c'est là que ça ne marche pas. Le premier alinéa, là, il est important, c'est l'objectif de la loi. Alors, nous, ce qu'on veut, c'est préciser l'objet de la loi, et s'attaquer ensuite à la mécanique, puis faire que la mécanique corresponde à l'objet de la loi. Ce qui est drôle, là, c'est que le groupe parlementaire, en ce moment, qui essaie de répondre le mieux et le plus au plan de lutte à la radicalisation et à l'appel du premier ministre et des neuf ministres qui ont signé à côté, c'est nous, c'est l'opposition officielle. J'ai mon voyage, c'est l'opposition... Et vous aussi, la deuxième opposition aussi me signale qu'eux aussi veulent ça.

Alors, nous, là, les oppositions, nous voulons respecter non seulement le voeu de la société puis l'appel qu'on a eu, mais, le plan de lutte à la radicalisation, on veut le nommer dans l'objet de la loi. Je ne comprends pas pourquoi on ne nomme pas l'objectif de la loi, si c'est celui qui, vraiment, a été exprimé par le premier ministre et les autres là-dedans, pour rassurer tout le monde. Ce dont on a peur, on l'a dit, c'est que les propos du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse soient l'angle avec lequel on va maintenant interpréter cette loi. Il est là, notre problème.

Alors, je vais vous donner un exemple. La même association, l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité dit : «En tant que Québécois d'origine nord-africaine, nous nous inquiétons tout particulièrement de la censure que cette loi pourrait amener de toute critique de l'islam et de son succédané, l'islamisme. Cette crainte est motivée — ce n'est pas moi qui le dis — par le fait que seule la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est habilitée à juger de ce qu'est un discours haineux. Pourquoi? Parce que, lors de son intervention dans les médias, les seuls exemples de discours haineux donnés par le directeur de la CDPDJ étaient ceux dirigés contre l'islam. Or, la radicalisation dont il est question dans le plan d'action ministériel déposé le même jour que le projet de loi n° 59 est celle liée à l'islam politique ou islamisme. [...]cette idéologie provoque des dégâts incommensurables au sein même des groupes de musulmans.»

Voilà. Même eux, les Nord-Africains pour la laïcité nous disent : Attention! Ne faites pas ça. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Fixons l'objectif de la loi, puis après vous allez voir, là, ça va bien travailler parce qu'on va savoir exactement sur quoi on travaille. On met les craintes de côté, on met la crainte de l'autocensure de côté, puis on travaille ensemble ensuite à dérouler la loi. Mais, si, au départ, on ne fixe pas le bon objectif, comment pourrons-nous avoir les bons moyens, les bonnes infractions, les bonnes sanctions? Ça nous prend le bon objectif, et c'est là-dessus qu'on plaide, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Alors, je passerais la parole maintenant à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (21 h 30) •

Mme Poirier : M. le Président, la ministre, lorsqu'elle m'a répondu tout à l'heure, elle avait tout à fait raison de dire que le fait de nommer la radicalisation — l'amendement qui sera déposé plus tard — dans le titre de la loi et dans les attendus, est, effectivement, un geste du gouvernement pour nommer la radicalisation. Alors, c'est vrai, on a les amendements devant nous, mais raison de plus, M. le Président, à partir du moment où on vient modifier le nom de la loi... Alors, la modification qui est proposée par le gouvernement... Alors, on lit, actuellement, que le titre de la loi se dit : Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, et là ce que la ministre va proposer plus tard, c'est de venir ajouter «et lutter notamment contre la radicalisation». Ça, c'est l'amendement que la ministre va déposer à la fin de nos travaux pour modifier le texte de loi.

Alors, à partir du moment où la ministre elle-même vient nommer «lutter contre la radicalisation» dans le titre de la loi, il faut aller le mettre dans l'objet de la loi. C'est une question de concordance, c'est une question de rédaction. Et c'est une question particulièrement d'intention parce qu'à partir du moment où la ministre vient nommer dans le titre de la loi que cette loi-là, elle est là pour lutter notamment contre la radicalisation, eh bien, l'objet de la loi doit reprendre le pourquoi de cette loi-là. Et la ministre va venir modifier le titre de la loi plus tard pour, justement, venir dire que cette loi-là, elle est là pour lutter contre la radicalisation.

Alors, le texte de l'objet de la loi, qui est vraiment l'introduction... Et mon collègue nous a rappelé les nombreuses heures du projet de loi n° 94 que nous avons passées. La ministre, elle était présidente de la commission bien souvent, le poste que vous occupez, M. le Président, et c'est de l'objet de la loi dont on n'a jamais été capables de sortir parce qu'on n'était pas capables de s'entendre sur l'objet de la loi. Mais ici la ministre vient même nous donner la réponse, c'est la ministre elle-même qui vient introduire cet amendement de lutter notamment contre la radicalisation, c'est son propre amendement. Donc, son propre amendement doit se retrouver, puisqu'on est à l'étape du premier article, qui vient définir... On parle d'une loi de quoi? Bien, on parle d'une loi qui va parler, justement, des mesures de... Ma collègue propose des mesures de prévention et de lutte contre la radicalisation menant à des actes terroristes. M. le Président, c'est le titre que la ministre va venir changer à la fin de nos travaux, il y a là une question, à mon avis, de concordance tout à fait claire.

Mais, de plus, la ministre nous a dit tout à l'heure qu'elle venait aussi modifier le préambule de la loi. Alors, «préambule», là, c'est les attendus, qui sont très nombreux. Ils sont neuf, il y a neuf attendus, M. le Président. Mais le neuvième que la ministre vient introduire, il dit : «Attendu qu'il y a lieu de prévenir et de lutter notamment contre la radicalisation...» Alors, si, dans les attendus, on vient nommer la radicalisation, il est à, mon avis, tout à fait juste de venir ajouter dans l'objet de la loi la radicalisation en tant que telle, ce n'est qu'une question de concordance. Moi, je pense que la ministre, elle l'a oublié. C'est juste ça, moi, je pense qu'elle l'a oublié.

Et le premier paragraphe de l'article 1 doit refléter le futur titre parce que, si on change le titre à la fin, M. le Président, et qu'on vient ajouter «radicalisation» à la fin, il va falloir revenir à l'article 1 parce que l'article 1 doit refléter le titre de la loi. Le titre de la loi ne peut pas parler de quelque chose dont on ne parle pas, duquel c'est l'objet. L'objet de la loi doit refléter l'orientation qu'on donne à cette loi-là, on veut parler de quoi dans cette loi-là, et c'est ce que vient faire ma collègue. Si la ministre pense que le libellé que ma collègue propose n'est pas exact, qu'on nous en propose un autre. Moi, je pense qu'on est très ouverts là-dessus. Mais même la ministre elle-même va venir faire cette modification-là à la fin de nos travaux.

Une voix : ...

Mme Poirier : Bien, elle le rentre dans le titre, elle le rentre dans le titre de la loi. Mais le titre de la loi ne peut pas nommer quelque chose duquel on ne parle pas dans la loi, et on vient en parler dans l'attendu que la ministre va proposer à la fin du préambule de la loi. Alors, il y a là, M. le Président, une forme de drôle de façon de faire, je vais le dire comme ça, et je pense que d'ajouter la radicalisation dans l'objet de la loi est, à mon avis, inclusif. Si la ministre pense qu'il faut garder «mesures de prévention», tel que ma collègue le propose... Et la ministre avait dit «contre les discours haineux et les discours incitant à la violence», tel est le titre de sa loi. Tel est le titre de sa loi, mais la ministre va venir ajouter «et lutter notamment contre la radicalisation», ce que ma collègue fait, elle vient rajouter cela. Alors, je ne comprends pas comment l'objet de la loi ne reflète pas le titre de la loi. Il y a quelque chose de mécanique, M. le Président, ou peut-être de philosophique, je ne le sais pas, mais il y a quelque chose qui fait en sorte que refuser d'introduire la radicalisation dans l'objet, bien, c'est contre l'amendement que la ministre va venir déposer à la fin de nos travaux, à moins que la ministre introduise cet amendement-là à la fin et nous revienne à l'article 1, pour lequel on passe beaucoup de temps présentement. Je pense qu'on pourrait économiser du temps. C'est ce que je nous propose, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres gens qui voudraient faire des commentaires sur... M. le député de Bourget. Je vous rappelle qu'il vous reste 2 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Les 2 min 30 s pour réitérer mon invitation à la ministre et à la partie gouvernementale à plus d'ouverture d'esprit. On est de bonne disposition pour collaborer et travailler dans un même dessein, un dessein clair, énoncé notamment par le premier ministre et rappelé ici par ma collègue de Taschereau et ma collègue d'Hochelaga. À partir du moment où il y aurait une contreproposition allant dans le sens de la finalité de cet exercice, à l'évidence nous serions surpris de voir la vitesse à laquelle l'étude de ce projet de loi article par article avancera en toute célérité. J'ai hâte d'avancer, de travailler de façon constructive, moi aussi, et je souhaite juste voir un peu plus d'ouverture du côté ministériel. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres personnes? Bien, je crois que le temps est tout écoulé de la part de l'opposition officielle. Alors, Mme la ministre, est-ce que vous avez d'autres commentaires?

Mme Vallée : Pas sur l'amendement. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclair) : Pas sur l'amendement. Alors, nous allons mettre aux voix l'amendement s'il n'y a pas d'autre commentaire. Puis est-ce que l'amendement est adopté, premier alinéa de l'article 1?

Des voix : Rejeté.

Une voix : ...

Le Président (M. Leclair) : Un vote par appel nominal. Alors, nous allons procéder au vote.

La Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?

Mme Maltais : Pour.

La Secrétaire : M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto : Pour.

La Secrétaire : Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier : Pour.

La Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?

Mme Roy (Montarville) : Contre.

La Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?

Mme Vallée : Contre.

La Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

M. Merlini : Contre.

La Secrétaire : M. Proulx (Jean-Talon)?

M. Proulx : Contre.

La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?

M. Boucher : Contre.

La Secrétaire : M. Fortin (Sherbrooke)?

M. Fortin (Sherbrooke) : Contre.

La Secrétaire : M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Leclair (Beauharnois)?

Le Président (M. Leclair) : Pour.

La Secrétaire : ...

Le Président (M. Leclair) : Alors, l'amendement est rejeté. Alors, nous allons maintenant passer au deuxième alinéa de l'article 1, alors, qui se lit ainsi : «Elle s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement et qui visent un groupe de personnes qui présentent une caractéristique commune identifiée comme un motif de discrimination interdit à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.»

Je suis désolé, Mme la ministre, je suis en train de faire votre job, là. Je pense, ça, c'était votre bout, à le lire, mais je vous ai donné un avant-goût de ce qu'il y avait dans le deuxième alinéa.

Une voix : Pardon, M. le Président...

Le Président (M. Leclair) : Ah! exact, nous étions sur l'amendement. Effectivement, nous devons revenir au premier alinéa. Est-ce que la députée de Montarville voulait me souligner le fait que nous revenions au premier alinéa ou vous vouliez prendre la parole?

Mme Roy (Montarville) : Bien, je ne voulais surtout pas perdre mon droit de parole, dans la mesure où j'avais un amendement... ou appelons-le un sous-amendement à proposer.

Le Président (M. Leclair) : Effectivement, vous aviez un amendement. Alors, l'amendement avait été déposé hier? C'est ça?

Mme Roy (Montarville) : Non, non, non, on en avait discuté un peu, mais...

Le Président (M. Leclair) : O.K. Il avait été distribué et non déposé. Alors, l'amendement est déposé. Alors, je vous laisse procéder, Mme la députée de Montarville.

• (21 h 40) •

Mme Roy (Montarville) : Alors, naturellement, l'article 1, on est dans le chapitre I, qui s'intitule Objet. Je crois que c'est important de le spécifier à ce stade-ci. Donc, remplacer le premier alinéa de l'article 1 de la Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, édicté par l'article 1 de ce projet de loi, par le suivant — voici le nouvel alinéa un :

«La présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre l'intégrisme religieux et les appels à la radicalisation qui prônent, par des discours haineux incitant à la haine ou même à la violence, le rejet et le dénigrement des droits et libertés consacrés dans la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).»

Le Président (M. Leclair) : Alors, nous pouvons continuer la discussion sur votre amendement, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Je...

M. Merlini : Question de directive, M. le Président. En vertu de l'article 215, la discussion avait commencé lors de la dernière rencontre, et le président avait convenu que le temps serait comptabilisé dans l'étude de l'amendement qui est maintenant déposé. Alors, pouvez-vous nous indiquer le temps qui demeure, qu'il nous reste à l'étude de l'amendement de la députée de Montarville?

Le Président (M. Leclair) : Mme Roy ne l'avait pas présenté, on avait juste discuté dans les préambules. Donc là, elle vient de le déposer. Donc, chaque parlementaire a 20 minutes pour l'amendement.

M. Merlini : Je crois que, M. le Président, en tout respect, la ministre a bien indiqué que le temps qui serait dévolu à la discussion devrait être inclus. Et le président, à ce moment-là, qui est le vice-président de la Commission des institutions, a bien indiqué que le temps serait compté pour, justement, ne pas recommencer encore une fois. Sinon, on a perdu, effectivement, du temps à discuter d'un...

Le Président (M. Leclair) : Est-ce que vous parlez du temps pour l'amendement de la députée de Montarville ou le temps qui avait été discuté sur l'article?

M. Merlini : Non, le temps qui avait été... Le président a permis la lecture de l'amendement, et une discussion s'en est suivie, ce à quoi la ministre a demandé d'inclure le temps dans l'étude de l'amendement qui serait éventuellement déposé parce qu'en termes de règlement on ne pouvait pas déposer tant qu'on n'avait pas disposé du premier amendement. Alors, je vous demande simplement...

Le Président (M. Leclair) : Merci, M. le député. On m'informe, effectivement, que le temps a été retiré sur l'article 1, sur le temps total. Et non sur l'amendement, car il n'avait pas été déposé, mais sur le temps total de l'article 1. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Merci, M. le Président. Nous nous étions entendus que c'était la discussion sur l'amendement. Alors, on ne nous avait pas avisés qu'on nous avait enlevé du temps, à moins que nous... Ça été enlevé à la hauteur de l'amendement ou à tout le monde? À la députée de Montarville, mais j'aimerais savoir si elle était avisée qu'elle se faisait enlever du temps sur l'article, et non sur son amendement.

Mme Roy (Montarville) : ...mais, cela dit, pour répondre aux craintes du député de La Prairie, on en avait parlé pas très longtemps, là, quelques minutes à peine, là, ce n'était pas...

Le Président (M. Leclair) : Exact, là, on m'avise de plus ou moins quatre, cinq minutes qui avaient été prises sur l'article. Est-ce que ça vous va, M. le député?

M. Merlini : C'était la directive que je souhaitais que vous éclairiez, que le temps va aller dans l'ensemble de l'article 1, effectivement.

Le Président (M. Leclair) : C'est bien, M. le député. Alors, sur ce, nous revenons à l'amendement de la députée de Montarville. La parole est à vous, ma chère députée.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je ne suis pas à deux minutes près, pas de problème. Ce qui est important ici, je pense, c'est vraiment... À la lumière du premier amendement qui était discuté tout à l'heure, je crois qu'il est toujours — et enfin la présidence a tranché — important de dire que, dans l'objet — et c'est vraiment l'objet, l'article 1 de la loi — il faut qu'on retrouve le terme de radicalisation, et on en convient également. Cependant, la plupart des gens, la grande majorité des groupes que nous avons rencontrés — je crois, de mémoire, 33, 34 groupes, vous me corrigerez — la grande majorité avait des considérations à l'égard de discours haineux ou incitant à la violence, mais qui émanaient de religions ou de discours intégristes religieux. Et, à part peut-être M. Jasmin Roy, qui est venu nous parler d'intimidation, qui est vraiment une problématique externe à la problématique de départ, la grande majorité des gens nous parlaient d'intégrisme religieux.

D'ailleurs, il y a des imams qui sont venus nous expliquer leur point de vue puis nous expliquer ce qu'ils comprenaient de ce projet de loi, ce qu'ils attendaient de ce projet de loi, ce qu'ils souhaitaient de ce projet de loi. Donc, si ce n'est pas religieux, je me demande ce que c'est. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est important d'inclure ces termes dans l'objet de la loi, l'article 1, qui est le but de départ de tout ce travail que nous voulons faire. Et, comprenez-nous bien, M. le Président, nous voulons le faire en toute collégialité pour faire avancer les choses.

Et c'est important de revenir à la genèse. À plusieurs reprises, le gouvernement, le premier ministre... même Mme la ministre, lors de l'étude des crédits, en juin 2014, nous avait dit qu'il fallait lutter contre l'intégrisme religieux, et, à chaque fois, j'ai applaudi. À chaque fois, j'ai dit : Bon, le Québec va avancer. On va nommer un chat un chat, on va parler de la problématique qui nous touche, qui est en train de nous toucher, qu'on ne connaissait pas, là, il y a 10, 15 ans à peine, là, on était très ignorants de ces choses-là. Mais, avec les médias sociaux puis avec la rapidité avec laquelle l'information circule sur la planète maintenant, on ne peut plus nier qu'il y a une problématique avec l'intégrisme religieux.

Et, depuis le début, nous croyons que tout le travail qui a été fait et le plan de radicalisation, le plan pour contrer la radicalisation, est justement fait pour contrer la radicalisation issue de l'intégrisme religieux parce que ce n'est pas une problématique à d'autres égards. Il y a d'autres types de mécanismes qui existent pour toutes sortes d'autres types de discours haineux ou incitant à la violence, mais il n'y a rien de précis pour contrer ce qui vient de l'intégrisme religieux, alors que les problèmes, la radicalisation, les actes terroristes, les crimes, ce qu'on voit, ce qu'on entend et qui se passe — il y en a aux 24 heures, là, par les temps qui courent — ça provient uniquement de l'intégrisme religieux, et ce sont des actes qui sont tous commis au nom d'une religion. D'où la nécessité d'inclure dans ce projet de loi qu'il faut que les discours, ces discours haineux et incitant à la violence aient un lien avec l'intégrisme religieux pour ne pas qu'on interdise tous types de discours pour lesquels il existe déjà d'autres mesures.

Et les collègues disaient à juste titre : Mais de quoi voulions-nous nous prémunir? C'est bien de cette nouvelle menace, qui est une menace terroriste, mais pas le terrorisme... C'est un terrorisme qui est issu d'une mouvance d'intégrisme religieux, et pas d'autre chose, ce n'est que ça. Et c'est à ça que sont confrontées les démocraties parce que cet intégrisme religieux qui... Et, comme je le disais l'autre soir, si nous avions vraiment voulu être honnêtes, vraiment honnêtes, nous aurions parlé d'islamisme radical. Certains nous diront que c'est un pléonasme, dire islamisme et radical, que l'islamisme est toujours très radical. Cependant, je pense que c'est plus clair pour les gens, là, on ne parle pas de musulmans modérés qui pratiquent leur religion d'une façon tout à fait paisible. L'islamisme radical a un objet, l'islamisme radical a un agenda, l'islamisme radical veut conquérir les États démocratiques via son agenda politico-religieux. Et ça, il faut se dire les choses, il faut être honnête, il faut l'avouer, et il y a actuellement au Québec des agents de radicalisation, des agents envoyés par des bras, des bras de l'Arabie Saoudite pour arriver à faire cet endoctrinement qui est tant recherché, pour arriver à leur fin, la fin des islamistes radicaux.

Mais, comprenons-nous bien, là, il n'y a personne au Québec qui veut ça, il n'y a personne au Québec qui veut ça. D'ailleurs, ici, à l'Assemblée nationale, tous les députés avaient voté à l'unanimité contre la charia. Parce qu'on a eu des demandes, des demandes d'instaurer des tribunaux islamiques, M. le Président, faites ici même dans les années 2000. 2005, 2006, de mémoire, je n'étais pas là, mais ça a été fait, ces demandes-là, et il y a fort à parier qu'elles seront répétées ultérieurement.

Alors, il faut être vigilant. Puis les gens qui nous écoutent le savent, il faut être vigilant. Il ne faut pas baisser les bras, il faut voir ce qui se passe ailleurs. On n'écrira pas dans le projet de loi «islamisme radical», je le comprends. Enfin, je comprends que le gouvernement ne veuille pas le faire, mais, minimalement, inscrivons «intégrisme religieux». Surtout, surtout, je le répète, moi, ça m'a profondément touché quand M. Couillard l'a dit à deux reprises, qu'il fallait lutter contre l'intégrisme religieux. Puis Mme la ministre de la Justice l'a répété également. Donc, c'est la raison pour laquelle c'est tellement important.

Et, dans l'amendement, la façon dont notre amendement a été rédigé... Et je suis prête à toutes les modifications, les ratures, les concessions, mais il faut absolument que le discours haineux et incitant à la violence provienne, provienne d'un intégrisme religieux, d'un discours d'intégrisme religieux qui, lui, appelle à la radicalisation. Ce n'est pas un discours — et là je vais dire le mot — de l'islam modéré qui appelle à la radicalisation, c'est un discours d'intégrisme, c'est un discours extrême. Et il faut le dire, il faut le nommer, puisque c'est à ça que nous voulons nous attaquer.

Alors, je vous soumets respectueusement que nous l'avons rédigé dans ces termes, mais, si les juristes de l'État ont une façon beaucoup plus précise, encore plus judicieuse de l'écrire, on est très ouverts, très ouverts. Mais, pour nous, c'est indéniable, et je vais le répéter, et Mme la ministre va être tannée de m'entendre le dire, mais les mots «intégrisme religieux» doivent apparaître en quelque part dans ce projet de loi. Sinon, on rate la cible. Sinon, ce sera tous types de discours incitant à la haine ou à la violence qui seront prohibés, ce qui sera beaucoup trop large.

Et je vais vous faire grâce, je ne reprendrai pas l'article de Lysiane Gagnon dans La Presse d'hier qui traitait de ce projet de loi de projet de loi liberticide, Et pourtant Dieu sait que Mme Lysiane Gagnon est plutôt proche des politiques du Parti libéral, mais celle-là, ça ne passait pas. La raison pour laquelle ça ne passait pas, parce que c'est trop large. Donc, soyons plus précis, et c'est au législateur de le faire. C'est au législateur, cessons de dire : Ça ne passera pas le test des chartes. Les chartes, il faut les ébranler, des fois. Puis les chartes, elles sont modifiées par les législateurs, et c'est au législateur de décider qu'il y a une circonstance particulière, extrême qui fait en sorte que nous devons parler d'intégrisme religieux dans le cas qui nous préoccupe, qui préoccupe tous les gens qui suivent cette commission actuellement.

Donc, nous l'avons rédigé de la sorte. Remarquez, M. le Président, que nous rédigeons toujours nos amendements également de concert avec des juristes à qui nous demandons quand même une opinion pour ne pas être totalement dans le champ gauche. Donc, moi, je soumets à la ministre et à son équipe : Comment pourrions-nous intégrer ces termes, surtout qu'on est au chapitre de l'objet?

• (21 h 50) •

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme la députée de Montarville. Alors, Mme la ministre, est-ce que vous avez des commentaires à faire sur l'amendement?

Mme Vallée : Oui. La semaine dernière, lorsqu'on a entrepris l'étude du projet de loi, on a eu la chance d'échanger sur l'utilisation de certains termes et puis les défis que ça pouvait causer. Parce que la collègue nous invite à faire référence clairement à l'intégrisme religieux, mais l'intégrisme — puis on en a parlé abondamment — il peut être d'une autre source qu'une source religieuse. Et c'est vrai que l'on a des manifestations d'une forme d'intégrisme religieux qui sont fort troublantes, mais, maintenant, on a eu dans le passé... et l'histoire nous enseigne que d'autres formes d'intégrisme ont aussi mené à des situations tout à fait inacceptables. Et donc c'est l'enjeu un petit peu, c'est la question qui est soulevée, c'est que s'attaquer à l'intégrisme religieux restreint de beaucoup la portée du projet de loi.

Je reviens encore, puis je pense que c'est intéressant de... J'y ai fait référence tout à l'heure, à la petite brochure, à la brochure qui a été préparée par l'UQAM. On nous parle d'un certain concept, on nous dit qu'il est important de distinguer la radicalisation, le fanatisme, le fondamentalisme et l'intégrisme et on nous explique ce qui suit : «La radicalisation, elle est souvent confondue, à tort, avec le fanatisme, le fondamentalisme ou l'intégrisme. Cet amalgame terminologique laisse croire que la radicalisation se limite au domaine religieux et brouille notre compréhension du phénomène en question. [...]un grand nombre d'observations vont à l'encontre de cette proposition : plusieurs groupes [notamment] d'extrême droite, d'extrême gauche, dits ethnonationalistes [...] sont guidés par des idées politiques plutôt que religieuses.»

Et il ne faut pas l'oublier, l'an dernier on a eu aussi des manifestations d'extrême droite aussi qui ont suscité la crainte des différents milieux, on a eu des manifestations... Notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve faisait référence tout à l'heure, encore une fois, au blogueur Roosh V qui tenait des propos qui incitaient à la violence à l'égard des femmes, qui étaient carrément des propos haineux, et c'est aussi ce type de propos là auquel on vise à s'attaquer parce que c'est une forme d'intégrisme, c'est une manifestation d'une intolérance qui n'est simplement pas acceptable dans notre société. Elle se manifeste aussi parfois, cette intolérance-là, dans le cadre de discours religieux, c'est vrai, et il ne faut pas les exclure. Mais je ne voudrais pas que nous nous empêchions de nous attaquer à ceux et celles qui, en raison, d'une idéologie plutôt politique — je parle, à l'extrême droite — ou une idéologie non pas religieuse, mais... L'idéologie poussée par Roosh V n'est pas nécessairement une idéologie religieuse, mais elle amène quand même à des propos qui incitent à la haine, qui incitent à la violence. Ça aussi, on s'attaque au phénomène, on se penche sur la question. Il ne faudrait pas exclure ce type de manifestation là, d'intolérance, et c'est pour ça...

Puis je comprends les préoccupations lorsqu'on dit : Écoutez, Mme la ministre, on a des préoccupations, on est inquiets de la portée du projet de loi. On ne voudrait pas que le projet de loi vienne empêcher, par exemple, de critiquer une religion. On ne voudrait que le projet de loi limite la liberté d'expression lorsqu'il est question d'exprimer une critique. Mais c'est pour ça qu'on a introduit la définition qui s'inspire de la Cour suprême, c'est pour vraiment venir circoncire le débat parce que... Oui, désolée, un petit oups! de fin de soirée, ce n'était pas... circonscrire le débat, pardon, et l'amener là où il doit être, c'est-à-dire dans le cadre du discours haineux et aux discours qui incitent à la violence.

Et qu'est-ce que c'est? Bien, c'est qu'on sera appelés à définir, mais ma préoccupation, je suis... Je sais que notre collègue souhaite vraiment qu'on travaille de façon constructive, puis c'est pour ça, là, que j'ai... Je vous avoue qu'on a étudié — j'ai étudié avec les équipes — de façon sérieuse l'amendement qui est proposé au même titre que l'amendement qui avait été proposé par les collègues de l'opposition officielle tout à l'heure, mais, en limitant à l'intégrisme religieux, on limite la portée du projet de loi, puis je pense qu'on ne se donne pas la possibilité de venir couvrir ce qui aussi est une forme d'intégrisme, de radicalisme qui n'est pas religieux, mais qui amène quand même à la violence.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme la ministre. Alors, nous allons revenir à la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci. Merci pour ces échanges, Mme la ministre. Je comprends que vous ne voulez pas... vous trouvez — puis vous l'aviez dit l'autre fois, puis c'est pour ça que je l'avais écrit — que mettre «intégrisme religieux», pour vous, c'était trop limitatif parce que ça n'impliquait pas les autres types d'intégrisme. Parfait. Il y a un beau mot de la langue française qui est le «notamment». Si nous ajoutions le descriptif intégrisme religieux, mais nous lui accolions devant «notamment» l'intégrisme religieux, donc on touche à toute autre forme d'intégrisme, mais au moins, et ne serait-ce que dans la perception... ou pour l'auditeur ou le lecteur qui lira la loi, verra que ces mots sont là. Il comprendra que, parmi les buts recherchés, un des buts ultimes était de contrer cet intégrisme religieux qui mène à la radicalisation parce qu'actuellement la radicalisation contre laquelle on se bat ou on veut se défendre ou se protéger, elle vient de l'intégrisme religieux, elle ne vient pas d'ailleurs. C'est ça, le problème, la radicalisation vient de l'intégrisme religieux. Donc, si nous glissions un «notamment» devant l'intégrisme religieux... Formulez-le comme les juristes croiront qu'il serait préférable de le faire, mais l'inclure.

• (22 heures) •

Le Président (M. Leclair) : Ça va. Merci, Mme la députée de Montarville. Alors, Mme la ministre, avez-vous des commentaires?

Mme Vallée : En fait, c'est parce que, comme je vous disais, les juristes sont en travail constant autour de moi, et on a peut-être quelque chose. Et là il faudrait en discuter, là, mais il y aurait peut-être lieu de venir inclure ou ajouter à l'article 1 une référence à l'alinéa un, une référence au fait que les propos s'expriment dans un contexte d'intolérance ou de radicalisation qui pourrait mener à l'extrémisme violent. Écoutez, on a quelque chose, là, qui semble faire un tout et s'inscrire tant dans les préoccupations qui ont été portées tout à l'heure par notre collègue de Taschereau que par la préoccupation de notre collègue de Montarville. C'est parce que, là, on a un tas d'amendements et des sous-amendements écrits à la main, mais il y aurait peut-être une voie de passage avec les deux recommandations, les deux propositions qui ont été formulées et qui viendraient... Parce que, dans le fond, là, ce que je retiens des propos qui ont fait suite aux deux amendements, c'est cette volonté de bien camper le contexte dans lequel les propos sont tenus.

On comprend qu'on a dans certains cas des propos qui sont tenus dans le cadre, par exemple, de prêches, dans le cadre de discours qui ont une connotation religieuse. On a d'autres discours qui ne sont pas nécessairement dans un contexte religieux, qui peuvent être récupérés, par contre, par d'autres groupes, mais qui sont tout aussi nocifs et qui portent aussi atteinte aux droits. Mais il pourrait y avoir lieu de camper le contexte de la tenue des discours. Ça, il y a une possibilité de le faire sans faire référence précisément au contexte religieux. On parlerait plutôt d'un contexte d'intolérance, de radicalisation. Alors là, on vient chercher, on inclut à l'article 1 la radicalisation, qui, comme on l'a mentionné, peut s'exprimer de différentes façons, dans différents contextes. Elle n'est pas que religieuse. Elle peut être religieuse, on la voit beaucoup sous sa forme religieuse, mais elle peut être idéologique... et qui peuvent mener à l'extrémisme violent.

Alors, on fait référence, dans le fond, à différents extraits de passages qui ont été lus. Peut-être que ça permet de mieux camper... Là, il est 10 h 5. Écoutez, moi, M. le Président, là, on pourrait peut-être travailler sur la formulation, mais il y a peut-être quelque chose à faire si vous me dites : Nous, de part et d'autre, là, c'est notre préoccupation la plus importante, et on souhaite l'inclure. Parce qu'inclure «terrorisme» tout à l'heure, c'était trop fort, on passe à côté de bien des trucs. On passe à côté, par exemple, de l'exemple de Roosh V. On n'en veut pas. On veut se doter d'outils, alors c'est trop fort. L'amendement proposé par la collègue de Montarville nous limite encore une fois, mais il y a quand même, je pense, dans l'essence des propos, des propos des parlementaires, des moyens d'arriver peut-être à faire un amendement commun qui inclut ce que, chacun de notre côté, on a pu apporter comme eau au moulin dans cet exercice.

Alors, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je vous proposerais, M. le Président, peut-être de faire un petit exercice de peaufinage de rédaction. Je pourrais vous présenter quelque chose, et puis on pourrait voir si ça répond à vos préoccupations. Sans nécessairement le déposer officiellement, là, mais dans le cadre de la discussion sur l'amendement présenté par la collègue de Montarville.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la ministre. Alors, juste avant qu'on poursuive, pour voir, pour la procédure, si vous voulez qu'on suspende ou non. Il y avait une main levée tantôt de la députée de Taschereau. Alors, est-ce que c'est toujours... vous voulez apporter des commentaires, Mme la députée?

Mme Maltais : Écoutez, M. le Président, je viens de voir l'ouverture de la ministre, alors, moi, je veux comprendre la méthode. Moi, je peux attendre, là, pour jaser, pas de problème. Parce que je voulais parler de mon opinion sur l'amendement de la députée de Montarville, mais est-ce qu'on suspend pour écrire ou on continue? Je ne sais pas, là, c'est ça que je veux comprendre.

Mme Vallée : Écoutez, ce que je vous propose, je ne veux pas non plus vous couper dans votre élan parce que l'équipe...

Mme Maltais : J'en ai bien d'autres.

Mme Vallée : Je le sais. Je le sais. En fait, j'ai une équipe talentueuse devant moi ce soir, mais, farce à part, si notre collègue souhaite intervenir sur la question pendant que les équipes procèdent à la rédaction ou pendant qu'on procède à une rédaction qui nous permet d'avoir un texte continu... Parce que modifier des passages comme ça, c'est peut-être... c'est toujours mieux de les inclure dans un texte global, et on pourrait par la suite... Puis je vous propose, suspendre... Une fois que notre collègue aura fait ses commentaires, on pourrait suspendre, avoir peut-être une discussion hors micro sur la question, là, pour peut-être peaufiner puis, par la suite, réouvrir avec quelque chose qui pourrait peut-être, si ça fonctionne, convenir. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme la ministre. Alors, ce que j'ai compris de la députée de Taschereau, comme on apporterait peut-être un nouveau texte avec, peut-être, un amendement modifié, alors, moi, je suggère qu'on suspende puis...

Mme Maltais : Je voudrais dire un petit mot, si vous permettez, avant.

Le Président (M. Leclair) : Mme la députée de Taschereau, la parole est à vous.

Mme Maltais : Je veux juste dire un petit mot parce que je veux le dire au micro comme ça pour... Je sais que les gens n'aiment pas beaucoup quand on suspend puis qu'on arrange les affaires en dessous, ils ont l'impression qu'ils ne voient plus ce qui se passe, la transparence d'une commission parlementaire, mais, en même temps, on a besoin de ces temps-là pour s'entendre à côté.

Mais je veux juste, justement parce que l'amendement de la députée de Montarville a été déposé, le nôtre, on s'est bien exprimé dessus, je pense qu'on a fait valoir notre point... je voudrais juste dire, par rapport à son amendement, qu'on l'avait regardé beaucoup. Évidemment, la partie qui nous intéresse dans l'amendement de la députée, de la collègue, c'est que, là, on cible aussi, là, véritablement la radicalisation. Peu importent les mots, cette partie-là nous intéresse, c'est ce qu'on veut, c'est que le premier alinéa fixe l'objet de la loi en fonction de l'objectif qu'on a.

Cependant, je le dis tout de suite, là-dedans on avait encore un problème, c'est qu'encore une fois, dans l'objet de la loi, on parle du discours haineux, tandis que, dans le deuxième alinéa — puis je le fais remarquer tout de suite — on dit que la loi s'applique aux discours haineux. Donc, pour nous, c'était l'objet de la loi dans le premier alinéa, et, dans le deuxième alinéa, elle s'applique à quoi. Il y avait une vision là-dedans mécanique, cohérente qui nous semblait... Là, encore une fois, je trouve que tout est mélangé dans le même alinéa. Mais, ceci dit, je vais juste l'exprimer tout de suite. Mais, ceci dit, sur la vision, mettons, de l'idée de l'objectif, là, on souscrit aux propos qui ont été tenus récemment. Sur le «notamment», encore une fois, on aura des... sur le «notamment ou pas», là, on a peut-être un bémol, mais tout est discutable.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Je sais que j'ai déposé mon amendement, qui est suspendu, mais peut-être, pour la suite des travaux, parce qu'on fait référence aussi au plan de prévention de la radicalisation, puis il y a peut-être une phrase qui pourrait nous guider pour la rédaction qui est à la page 7... Enfin, ici, on parle des mesures qui permettraient de dépister, on parle des comportements pouvant mener à la radicalisation, et c'est un peu ça, dans le fond, c'est qu'on parle de radicalisation, mais les comportements pouvant mener à la radicalisation, quels sont-ils? Vous, vous dites que ce sont les discours, d'où cette gradation, là. Mais on pourrait s'inspirer également de ça.

• (22 h 10) •

Le Président (M. Leclair) : Alors, Mme le ministre, est-ce que vous êtes inspirée?

Mme Vallée : Oui, nous sommes inspirés et puis nous sommes à rédiger, justement, une proposition. Je ne sais pas si d'autres commentaires... C'est certain que... Disons, pour revenir au commentaire de notre collègue de Taschereau, c'est important, on a notre objectif, le but de la loi dans le premier alinéa, mais il faut aussi, par la suite, voir dans quelle mesure cette loi-là s'applique, donc ces discours-là, ils sont tenus dans quel contexte, et c'est ce qu'on retrouve au deuxième alinéa. Puis ce sont des discours qui visent qui? Parce que ce n'est pas qu'un discours haineux très large, il faut le ramener au discours qui s'attaque notamment à un groupe qui a une caractéristique commune. Alors, ça, on doit quand même faire référence parce que, si on veut s'assurer que ça cadre avec les principes qui ont été définis, qui ont été établis par la Cour suprême, on ne veut pas s'en éloigner. Parce que, si on s'en éloigne, on fragilise notre projet de loi, alors il faut quand même cadrer avec ces principes-là. Alors, c'est pour ça que l'on retrouve un certain nombre de références dans l'article 1. Puis, dans l'article 1, tel que j'avais proposé, on avait initialement proposé un amendement qui prévoyait aussi une définition de... En plus du champ d'application, il y avait la définition.

Donc, dans le fond, dans notre article premier, il y a trois éléments : il y a l'objet, il y a les actes visés, le contexte et il y a la définition de l'action visée. C'est comme ça qu'on l'a monté, qu'on l'a établi. Et je comprends que certains peuvent avoir des craintes, et c'est important aussi de les rassurer parce que, pour nous, le discours haineux, il est clair, il s'inscrit dans un contexte très clair qui est défini. Mais, encore une fois, soyons pédagogues. Là-dessus, je suis d'accord, puis je pense qu'on est capables de l'être.

Le Président (M. Leclair) : Alors, merci, Mme la ministre.

Alors, je vous suggère de suspendre deux petites minutes. Nous allons passer la documentation, et on vous revient dans quelques secondes. Merci.

(Suspension de la séance à 22 h 13)

(Reprise à 22 h 23)

Le Président (M. Leclair) : Alors, nous revoilà, nous revenons à nos travaux. Alors, ça me prend un consentement de la part des membres de la commission pour retirer l'amendement qui avait été fait par la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Bien, de un, je vous annoncerais que je vais le retirer dans la mesure où on veut tenter de trouver un compromis avec la ministre, là, on est en train d'essayer d'écrire quelque chose. Pour que les gens qui nous écoutent comprennent, là, on est en train d'essayer d'écrire quelque chose pour qu'on puisse s'entendre pour commencer à avancer. Donc, je vais le retirer, et puis on va voir comment le reste va se dérouler.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée. Merci. Alors, est-ce que j'ai le consentement pour retirer l'amendement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Leclair) : Consentement. Mme la ministre.

Mme Vallée : Ce que je vous propose... Et je ne sais pas ce que nos collègues pourraient en penser, mais, compte tenu de la réflexion puis des échanges qu'on a actuellement, je comprends que, de part et d'autre, il y a peut-être un retour qui doit être fait auprès des groupes parlementaires parce qu'il y a eu quand même... Je pense, c'est quand même un projet de loi qui a suscité l'intérêt des collègues parlementaires. Puis, compte tenu de nos réflexions, moi, je vous proposerais, si vous le souhaitiez, qu'on pourrait peut-être entamer l'étude de l'article 2, ce qui nous amènera à faire un petit bout de chemin, puis nous pourrons revenir demain à l'article 1. Mais moi, je suspendrais l'article 1, compte tenu de nos échanges, qui se veulent vraiment, en tout cas, je crois, très constructifs.

Nous, on a présenté quelque chose aux collègues qui visait peut-être à ramener un petit peu les positions des trois groupes parlementaires et qui ne changeait pas l'esprit, évidemment, du projet de loi, qui fait référence à des notions d'intolérance, de radicalisation auxquelles on a fait référence dans nos échanges. Je pense que c'est tout à fait à-propos de faire référence, même dans l'article 1, à la radicalisation. Je ne crois pas que ce soit un problème, au contraire, parce que le projet de loi s'inscrit dans un plan de lutte à la radicalisation. Alors, je pense qu'on peut s'inspirer de Camus, comme le disait si bien le député de Bourget, et avoir des références peut-être plus précises, et nous faisons référence à l'extrémisme violent qui peut se manifester sous diverses formes.

Mme Maltais : M. le Président.

Le Président (M. Leclair) : Alors, Mme la députée de Taschereau, pour des commentaires.

Mme Maltais : Peut-être inviter la ministre à déposer son amendement.

Mme Vallée : Bien, c'est que, là, j'en ai un... Alors, avant de retirer celui qui avait été déposé au départ, je vous laisserai faire... C'est parce que, là, on a une série d'amendements...

Mme Maltais : Y avait-tu un amendement sur l'alinéa un?

Mme Vallée : Oui, on l'avait déposé la semaine dernière.

Le Président (M. Leclair) : Excusez-moi, juste pour une question technique, s'il vous plaît, ne pas vous interpeler. Mais, effectivement, sur le deuxième alinéa, il y a un amendement qui avait été déposé, mais pas sur le premier.

Mme Maltais : Pas sur le premier.

Le Président (M. Leclair) : Exact.

Mme Vallée : Sur le premier.

Mme Maltais : Sur le premier, c'était quoi, donc?

Le Président (M. Leclair) : C'est sur le deuxième, je l'ai sur le deuxième.

Mme Maltais : Non, c'est ça, il n'y en avait pas.

Le Président (M. Leclair) : Alors, la parole est à vous, Mme la ministre, si...

Mme Vallée : Bien, écoutez, avant de le déposer, je pense que je laisserais le soin à tous de dormir sur la question, puisqu'il ne nous reste que quelques minutes avant 10 h 30. Mais, d'entrée de jeu... puis je pense que, pour ceux et celles qui suivent nos travaux ce soir, c'est quand même important de mentionner que l'on ferait référence dans le texte à la radicalisation. On conserve le corps actuel, le début du premier alinéa, on fait référence au contexte dans lequel ces discours s'inscrivent, un contexte d'intolérance, de radicalisation, et qui peuvent mener, qui peuvent mener à l'extrémisme violent. Puis cet extrémisme violent, il n'est pas que religieux, il peut être un extrémisme d'une autre forme, il peut être idéologique et il est tout aussi néfaste, et nocif, et...

Mme Maltais : Sur ce, M. le Président, on est d'accord pour dire qu'on a bien travaillé ce soir. On va réfléchir, chacun de notre côté. J'ai déjà dit que, le mot «notamment», on s'expliquerait là-dessus, sur la valeur juridique, et tout. L'autre, sur quand on dit «idéologique», moi, ça fait deux fois que la ministre parle de ça, je vais sûrement demander des explications sur qu'est-ce qu'un extrémisme idéologique qu'on veut bannir. On va sûrement discuter de ça pour être sûr qu'on balise bien, là, ce qu'on est en train de faire.

Sur le reste, M. le Président, il reste une minute, on peut peut-être suspendre puis, à tête reposée, regarder ce travail que nous avons fait ce soir.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme la députée de Taschereau.

Alors, compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 29)

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