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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 21 septembre 2016 - Vol. 44 N° 140

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fédération des cégeps

Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ)

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en
électrophysiologie médicale du Québec (OTIMROEPMQ)

Ordre des technologues professionnels du Québec (OTPQ)

Les Entreprises Daniele Henkel inc.

Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles

Mémoires déposés

Documents déposés

Intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini, président suppléant

Mme Stéphanie Vallée

Mme Mireille Jean

Mme Nathalie Roy

Mme Diane Lamarre

M. Simon Jolin-Barrette

M. Maka Kotto

*          M. Bernard Tremblay, Fédération des cégeps

*          Mme Marie-France Bélanger, idem

*          Mme Isabelle Laurent, idem

*          M. Jacques Grisé, OAAQ

*          Mme Francine Sabourin, idem

*          M. Simon Denault, idem

*          M. Bertrand Bolduc, OPQ

*          M. Jean Landry, idem

*          Mme Manon Lambert, idem

*          Mme Danielle Boué, OTIMROEPMQ

*          M. Alain Bernier, OTPQ

*          M. Denis Beauchamp, idem

*          M. Richard Legendre, idem

*          Mme Daniele Henkel, Les Entreprises Daniele Henkel inc.

*          M. Guy R. Brisson, idem

*          M. Gilles Brisson, idem

*          M. André Gariépy, Commissaire aux plaintes en matière de
reconnaissance des compétences professionnelles

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par Mme Lamarre (Taillon).

Le Président (M. Ouellette) : Oui, O.K. Puis Mme Roy, c'est la porte-parole. C'est correct.

Auditions (suite)

Nous entendrons cet avant-midi les organismes suivants : l'Ordre des acupuncteurs du Québec, l'ordre...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! c'est une erreur, c'est ce que je pensais. Donc, nous entendrons cet avant-midi la Fédération des cégeps — c'est mieux que les acupuncteurs, hein, bon, c'est correct — l'Ordre des administrateurs agréés du Québec et l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Représentant la Fédération des cégeps, son président-directeur général, M. Bernard Tremblay... qui allez nous faire la présentation et qui allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes, il y aura, après ça, une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions, la porte-parole officielle maintenant la députée de Chicoutimi, qui est rendue membre de notre commission, et la députée de Montarville, qui se joint à nous pour la dernière journée de nos consultations.

M. Tremblay, à vous la parole.

Fédération des cégeps

M. Tremblay (Bernard) : Bonjour. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Tout d'abord, merci, évidemment, de nous recevoir pour présenter le point de vue et les commentaires de la Fédération des cégeps sur le projet de loi n° 98.

Alors, je me présente, Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné de la présidente du conseil d'administration, Mme Marie-France Bélanger, qui est également directrice générale du cégep de Sherbrooke, ainsi que de ma collègue Mme Isabelle Laurent, qui est directrice des affaires éducatives et de la recherche à la Fédération des cégeps.

Le projet de loi n° 98 touche l'ensemble des 48 cégeps, puisque ceux-ci offrent des programmes donnant ouverture aux permis des ordres professionnels sous forme de diplômes d'études collégiales, les D.E.C., et d'attestations d'études collégiales, les A.E.C.

À l'automne 2015, près de 17 300 étudiants sont inscrits à l'un ou l'autre de ces programmes donnant ouverture aux permis des ordres dans le domaine de la santé, soit 21,7 % de tous nos étudiants cette année-là. Les cégeps contribuent ainsi largement à la formation des futurs membres des ordres professionnels sur l'ensemble du territoire québécois, et ce, tant en anglais qu'en français. Nos programmes sont en effet associés à 13 ordres professionnels.

Nous suivons de très près l'évolution des travaux de modernisation du système professionnel québécois et nous en faisons d'ailleurs une de nos priorités stratégiques pour 2016-2017. Nous accordons aussi une importance toute particulière aux travaux de concertation avec les ordres professionnels et avec les différentes instances qui les encadrent, ainsi qu'avec les ministères et organismes concernés par ces travaux, dans le respect de l'autonomie et dans le respect des rôles et responsabilités de chacun. Ainsi, depuis au moins 2010, la fédération a mis sur pied une table de concertation sur la formation collégiale avec le Conseil interprofessionnel du Québec et des membres des ordres professionnels, et un pôle de coordination a aussi été mis en place, et auquel nous participons, pour l'accès à la formation prescrite par les ordres professionnels ainsi qu'aux stages.

La fédération accueille positivement certains éléments du projet de loi, notamment ceux qui visent à assurer la bonne gouvernance des conseils d'administration des ordres professionnels et une meilleure représentativité des jeunes au sein des conseils d'administration. Cependant, la fédération émet certaines réserves. Il s'interroge sur le bien-fondé de certains moyens proposés pour améliorer l'accès aux formations prescrites par les ordres professionnels, notamment les pouvoirs d'enquête dévolus au futur commissaire à l'admission aux professions auprès des cégeps et le fait que les A.E.C. ne font pas partie des exclusions prévues par le législateur à l'article 16.10 de ce projet de loi. Pour ces motifs, nous ne saisissons pas comment le législateur, donc, a choisi d'élargir... Pour des motifs que nous ne saisissons pas, pardon, le législateur a choisi d'étendre la portée de l'article 16.10 révisé aux attestations d'études collégiales. Celles-ci représentent la majorité des programmes où se réalisent des formations d'appoint prescrites par les ordres professionnels, même si nous offrons aussi des D.E.C. à la formation continue.

Nous recommandons donc que les A.E.C. fassent partie des exclusions prévues au projet de loi à l'article 16.10, puisqu'elles relèvent de l'autorité des collèges tout comme les D.E.C. Mme Bélanger va poursuivre.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bélanger.

• (11 h 30) •

Mme Bélanger(Marie-France) : Nous nous interrogeons par ailleurs sur les pouvoirs d'enquête et de recommandation donnés au commissaire à l'admission et aux professions en ce qui concerne surtout leur caractère prescriptif, comme si les établissements d'enseignement supérieur ne disposaient pas déjà de mécanismes d'enquête indépendants pour évaluer les questions se rapportant à la pédagogie ou à toute autre matière.

Il faut rappeler que le Règlement sur le régime des études collégiales et la Loi sur les collèges ont prévu des mécanismes de régulation et d'enquête pour s'assurer de la saine administration et gestion des programmes et des cégeps. Notamment, l'article 29 de la Loi sur les collèges prévoit que «le ministre peut charger une personne qu'il désigne de vérifier si les dispositions de la présente loi et de ses textes d'application sont observées par un collège ou d'enquêter sur quelque matière que ce soit se rapportant à la pédagogie, à l'administration ou au fonctionnement d'un collège». De plus, la réalisation des activités liées à la mission éducative des collèges est soumise à un processus d'évaluation de la qualité par un organisme indépendant du ministère et externe aux cégeps, actuellement la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial.

Le pouvoir d'enquête dévolu au futur commissaire à l'admission et aux professions nous semble donc superflu, considérant les dispositions déjà prévues par la Loi sur les collèges en matière d'enquête. Il nous semble au surplus surprenant que les articles se référant au pouvoir du commissaire, qui étaient dirigés vers les ordres professionnels incluent dorénavant les établissements d'enseignement.

Nous profitons de l'occasion pour rappeler par ailleurs nos préoccupations en lien avec les comités de formation des ordres professionnels, qui ne sont pas l'objet de discussion dans ce projet de loi, mais qui servent de principaux espaces de concertation entre les établissements d'enseignement, les ordres professionnels et les ministères concernés. Ces comités, qui ont un statut consultatif, permettent aux différents partenaires de partager des réflexions sur un programme, d'échanger sur l'évolution des pratiques et les impacts qui s'ensuivent sur la formation. Les représentants des collèges font partie de 13 comités de formation associés aux programmes qui donnent ouverture aux permis des ordres.

Nous investissons beaucoup d'énergie et d'efforts pour cet objectif de concertation. La fédération a soulevé à quelques reprises auprès de l'Office des professions du Québec que certains de ces comités vivent des problèmes intrinsèques de fonctionnement qui rendent difficile la concertation dans certains dossiers. Nous recommandons donc qu'une réflexion sur les comités de formation soit amorcée dans le cadre des travaux liés au projet de loi n° 98 et que celle-ci se fasse en concertation avec les membres de ces comités.

En tant que membres du pôle de coordination depuis sa création, nous nous questionnons également sur la disparition de la coresponsabilité de ses activités entre l'Office des professions et le ministère de l'Enseignement supérieur. Nous avons toujours apprécié le fait que le pôle soit sous la coordination conjointe de l'Office des professions et du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, ce qui garantissait un équilibre des prises de position et une certaine indépendance des points de vue. Dans l'adéquation formation-emploi, il y a une dualité, l'emploi évidemment est beaucoup mieux assumé par des représentants d'employeurs, dont les ordres professionnels et l'Office des professions, alors que la formation, c'est notre champ d'expertise. Je pense qu'on a avantage à travailler en collaboration, d'où le fait que, dans un pôle qui soit assumé par les deux volets, ça nous semble une garantie de succès. Donc, le pôle qui serait enchâssé dans la nouvelle loi, il nous semble imprudent de le faire relever uniquement de la responsabilité de l'Office des professions.

Nous souhaitons poursuivre les travaux dans une optique de partenariat avec les ordres professionnels, dans une perspective de collaboration et de complémentarité des interventions dans nos réseaux respectifs. Nous recommandons donc que le pôle demeure sous la responsabilité conjointe de l'Office des professions et du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et que sa présidence soit assumée en alternance par ces deux organismes.

Rappelons que le réseau collégial a subi une série de compressions budgétaires au cours des sept dernières années, qui totalisent 155 millions de dollars. Ces coupes successives ont fragilisé l'offre de services, notamment aux étudiants issus de l'immigration. Bien que les collèges bénéficient du soutien financier du gouvernement pour le développement et l'offre de formation d'appoint, il faut insister sur le fait que les besoins des étudiants issus de l'immigration dépassent le cadre de ces formations financées et qu'ils requièrent des services d'accueil, de francisation, de reconnaissance des acquis et des compétences, de soutien psychosocial et d'intégration socioprofessionnelle.

M. Tremblay (Bernard) : Je vais conclure.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, en conclusion.

M. Tremblay (Bernard) : Donc, il nous apparaît que les mécanismes supplémentaires proposés pour favoriser l'accès aux professions réglementées empiètent, en quelque sorte, sur les règlements et lois qui encadrent déjà les collèges et contribueront à alourdir un dossier qui compte déjà toute une panoplie d'acteurs. Alors, que les collèges oeuvrent et innovent pour l'insertion des personnes immigrantes, il nous semble que les moyens sont disproportionnés, considérant les travaux de concertation, qui se déroulent bien, somme toute, au sein du pôle de coordination et que des changements positifs ont été observés au cours des dernières années, comme en témoigne un rapport préparé par le pôle en 2014, qui mentionne que des progrès et des avancées ont été constatés en matière de formation d'appoint au Québec.

Devant ce constat positif, nous ne pouvons que souhaiter que cette collaboration se poursuive dans des conditions harmonieuses et dans un cadre qui laisse une place aux établissements d'enseignement. Changer le mandat de l'actuel commissaire aux plaintes et étendre la portée de ses pouvoirs vers les maisons d'enseignement supérieur créent, selon nous, un précédent et sèment la confusion dans les rôles et responsabilités des différents partenaires dans ce dossier. Il nous semble aussi que les pouvoirs dévolus à l'appareil professionnel dans ce projet de loi ne contribueront qu'à exacerber cette confusion. Des lieux de concertation sont déjà opérationnels.

Par ailleurs, dans le contexte des coupures, comme le mentionnait ma collègue, la fédération rappelle que les cégeps doivent pouvoir compter sur toutes les ressources financières pour développer et mettre en oeuvre non seulement les formations d'appoint, mais celles en éthique et déontologie dorénavant exigées par le projet de loi, et aussi tous les services nécessaires à la réussite éducative des étudiants formés hors Québec. Car, je le répète, il ne faut pas sous-estimer les autres besoins des étudiants issus de l'immigration.

En clair, nous souhaitons que l'autonomie des collèges quant à l'élaboration des activités d'apprentissage et à la gestion de leurs programmes d'études, qui, répétons-le, s'adaptent aux besoins locaux et régionaux, soit prise en considération dans les travaux de modernisation du système professionnel. Les ordres professionnels et les maisons d'enseignement ont chacun des rôles et responsabilités distincts, tout comme le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et celui de la Justice. Il ne faudrait pas, selon nous, qu'au nom de la modernisation du système professionnel un glissement de responsabilités s'opère dans les champs de compétence des établissements d'enseignement. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup, M. Tremblay. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. Tremblay, pour votre présentation.

J'aimerais, d'entrée de jeu, vous rassurer : L'objectif du projet de loi, ce n'est pas du tout de placer les établissements d'enseignement sous la juridiction de l'office, ce n'est pas ça pantoute, comme on dit en bon québécois. Ce n'est pas non plus d'encadrer les collèges d'enseignement par le système professionnel, ce n'est pas la volonté. Le projet de loi n'a pas aucune des intentions que vous lui prêtez, il n'est pas rédigé non plus dans ce sens-là. Lorsque nous avons élaboré le projet de loi, j'ai eu des échanges, j'ai rencontré ma collègue la ministre de l'Enseignement supérieur. Le projet de loi s'est rédigé de concert avec nos équipes respectives. Donc, il est faux de prétendre que nous avons travaillé en silo, dans notre cave, bien à l'abri des regards et des commentaires des équipes du ministère de l'Enseignement supérieur. Nous avons travaillé ensemble, parce que c'est comme ça qu'on travaille dans notre équipe, ensemble.

Et par contre notre objectif était de voir à bien reconnaître cette complémentarité, parce qu'elle existe, la complémentarité. Dans l'admission aux professions, il y a plusieurs éléments qui relèvent de l'office des ordres professionnels, dont je suis la ministre responsable, il y a des éléments qui, immanquablement, relèvent de ma collègue la ministre de l'Enseignement supérieur, parce que les institutions d'enseignement dispensent des formations d'appoint, notamment, et il y a même des éléments qui vont interpeller mon collègue de la Santé. On est condamnés à travailler ensemble. Et vous savez quoi? Vous êtes condamnés à travailler avec nous, parce qu'à quelque part vous avez des pouvoirs qui vous sont dévolus par les lois du gouvernement du Québec. On n'a pas le choix.

Et on ne peut pas se cacher sous notre indépendance, chacun d'entre nous, pour dire : Les problématiques auxquelles on fait face au Québec, ça ne me regarde pas, ça regarde l'autre. Et la volonté, dans ce projet de loi là, c'est justement d'attaquer cette mauvaise habitude parfois que nous avons de travailler en silo ou parfois de regarder une problématique et d'être très heureux de travailler en silo pour pouvoir dire : Ah! non, ce n'est pas moi. L'objectif, c'est d'avoir une entité qui réponde du gouvernement.

Parce qu'on s'entend, là, le commissaire n'est pas une créature indépendante n'ayant aucun compte à rendre. Le commissaire, il existe déjà, son rôle est déjà prévu, il a déjà des pouvoirs de recommandation, et l'objectif, c'est de permettre à cette tierce partie d'avoir une vision d'ensemble et d'amener des recommandations. Donc, il a ces pouvoirs de recommandation actuellement, là, le projet de loi ne vient pas changer le pouvoir ultime du commissaire que de dire : Écoutez, il y aurait peut-être une modification réglementaire à apporter, il y a peut-être une solution, que je vois d'un regard externe, qui amène un ordre professionnel et peut-être une maison d'enseignement à revoir une façon de travailler.

Donc, moi, j'essaie de comprendre comment un pouvoir de recommandation peut être perçu comme une ingérence dans l'indépendance de l'institution, qui n'est pas remise en cause, d'aucune façon, dans le projet de loi, là. Et ça serait ma première question pour vous, parce que j'essaie de comprendre en quoi un regard externe d'un fonctionnaire nommé en vertu du Code des professions peut être considéré comme une ingérence.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Tremblay.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Bien, écoutez, Mme la ministre, nous sommes convaincus de vos intentions et nous avons bien compris dans quelle perspective le projet de loi avait été écrit. Et je ne doute pas non plus qu'il y a eu un travail de fait avec les gens du ministère de l'Enseignement supérieur. Ce qu'on vous amène, en fait, c'est notre point de vue. Et, vu du point de vue, donc, des établissements... Il faut se rappeler que le réseau des collèges c'est un... j'aime dire que c'est un grand réseau, mais de petites organisations, de très petites organisations. Et, dans le contexte où on doit rendre des comptes, de façon très élaborée, à différents ministères, en commençant par le ministère de l'Enseignement supérieur... On a une commission de l'évaluation de l'enseignement collégial, comme on l'a mentionné, donc on a un mécanisme d'assurance qualité qui nous est propre, qui est très exigeant, qui demande des travaux et des investissements importants, et, face, donc, à un contexte budgétaire difficile, où on nous a dit : Concentrez-vous sur les services aux étudiants, diminuez la bureaucratie, ce qu'on vous dit, c'est que, là, on parle d'un mécanisme qui existe, et qui va devenir plus puissant, et qui va nous demander de rendre des comptes. On parle d'un commissaire qui a des pouvoirs d'un commissaire d'enquête, c'est important, qui va, oui, émettre des recommandations, mais à qui on va devoir fournir des informations... accompagner lors de ses enquêtes, répondre à ses recommandations dans un délai de 60 jours. Il y a une exigence administrative qu'on ne peut pas négliger.

Et, nous, ce qu'on privilégie, c'est une approche de concertation, qui est déjà en place. Parce que je pense qu'il y a des mécanismes qui existent, de concertation, et on a déjà des illustrations de situations où, lorsqu'on se parle, avec l'office, avec les ordres professionnels, on met le doigt sur des difficultés et on cherche des solutions ensemble. Et donc cette mécanique-là nous semble plus porteuse qu'un mécanisme d'enquête.

Et, encore une fois, le mécanisme d'enquête, il faut le faire vivre, et ça, bien, on n'a pas les ressources puis on n'a pas, je dirais, les moyens nécessaires pour être en mesure de vraiment répondre de façon efficace. On a déjà des exemples de recommandations du commissaire qui, malgré qu'il n'ait pas les pouvoirs, vient nous dire, par exemple, dans son dernier rapport, que, lors de la révision des programmes de D.E.C., même si ce ne sont pas dans ses pouvoirs et ce ne sont pas dans ses capacités actuelles, donnant ouverture aux permis des ordres, il faudrait porter une attention particulière à certains écarts. Donc, on se retrouve avec une mécanique additionnelle qu'on devra alimenter, et on ne peut pas négliger les efforts administratifs qui vont devoir résulter de ça.

Et, même si c'est juste un pouvoir de recommandation, je dois vraiment vous dire que c'est pris avec beaucoup de sérieux par les collèges. Quand un organisme ou un... oui, un organisme du gouvernement émet des recommandations, même si c'est juste de la nature d'une recommandation, il faut qu'on s'assoie, il faut qu'on l'analyse, il faut qu'on réponde — ce sera dans le projet de loi, de toute façon — donc, il y a un effort associé à ça qui est énorme, et, pendant ce temps-là, on ne se pose peut-être pas les vraies questions sur comment, concrètement, mettre en place les meilleures mécaniques qui feraient en sorte qu'on réglerait les problèmes sur le terrain. Donc, je pense que c'est ça, le sens de notre message.

Le Président (M. Ouellette) : Trois minutes, Mme la ministre.

Mme Vallée : Mais vous avez, dans votre mémoire, fait référence à des données de l'Office des professions, des données, je pense, qui vous sont utiles.

Actuellement, comment ça s'effectue, votre collaboration avec les ordres?

M. Tremblay (Bernard) : ...ma collègue Mme Laurent.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Laurent.

Mme Laurent (Isabelle) : Oui. Alors, bien, comme on le disait tout à l'heure et dans notre mémoire, bien, l'instance majeure de collaboration avec les ordres se fait évidemment dans les comités de la formation. L'ensemble des ordres professionnels ont des comités de la formation, où on discute essentiellement de la formation, des programmes, de leur actualisation, des besoins de part et d'autre, des moyens. Ça, c'est vraiment des instances qui sont privilégiées. On note... On souhaite qu'il y ait des éléments sur lesquels on réfléchisse plus en termes de responsabilité, mais on est vraiment, comment dire, participants de façon très, très active à ces comités de la formation. Ce sont les directeurs des études qui y siègent, et ça, je pense que, de part et d'autre, on conçoit que ce sont vraiment des lieux importants d'échange qu'il faut absolument maintenir.

Les autres instances, comme on faisait référence aussi, c'est la table qu'on a mise en concertation avec le CIQ, avec le Conseil interprofessionnel, à la suite justement d'une volonté de se rapprocher, d'assurer... et je pense que ça correspondait aussi à la période où on commençait à faire de plus en plus de formation d'appoint. On a créé, avec le CIQ, la table de concertation sur les programmes de formation et surtout la formation d'appoint. Et, au-delà de ça aussi, comme je le disais, on siège à l'office... au pôle de concertation, de collaboration aussi.

Donc, actuellement, on a plusieurs instances qui nous permettent continuellement d'être à l'écoute des besoins des ordres professionnels, de discuter, de voir quels sont les moyens qu'il faut mettre en oeuvre.

On parlait aussi des recommandations que faisait le commissaire suite à sa mission sur la formation d'appoint, d'analyse. Il y a une des recommandations qui faisait référence déjà à une problématique que les collèges avaient repérée, les ordres, sur la question des prescriptions des ordres professionnels, qui, quand elles sont envoyées dans les réseaux, aussi bien au niveau universitaire que collégial... il y a souvent, bon, des termes un peu différents, termes de prescription, comment ça se conçoit dans le cadre d'une formation en termes de compétence. Il y a un très beau projet actuellement, d'expérimentation, justement pour faire en sorte qu'il y ait un référentiel commun entre un ordre professionnel qui fait partie de l'expérimentation et les collèges, de façon à arrimer le plus possible les besoins de formation d'appoint de ces personnes et de rendre vraiment une démarche de plus en plus personnalisée, individualisée pour les personnes qui ont besoin de la formation d'appoint. Ça, ça se fait en collaboration avec les collèges, avec l'ordre professionnel, dans ce cas-là les technologistes médicaux. Ça se fait évidemment avec le ministère de l'Enseignement, avec le MIDI. Ça se fait aussi... l'office suit aussi cette expérimentation. L'objectif, à moyen terme, c'est d'ouvrir aussi un plus large nombre de programmes. C'est ce type de démarche, de référentiel commun. Donc, je pense que la volonté, les moyens sont là, on met en oeuvre régulièrement des nouvelles approches.

Il faut aussi se rappeler que, la formation d'appoint, ce n'est pas si loin que ça, hein? Si on le regarde, c'est quand même... les besoins ne font qu'augmenter. On y répond, mais on remonte à quand même un nombre d'années, je dirais, assez limité.

Les collèges ont fait un travail énorme. Tout à l'heure, on parlait aussi de la nécessité d'encadrer, d'accueillir ces étudiants-là. Ce n'est pas juste dans les cours, ce n'est pas juste dans les stages, il faut aussi... Là aussi, on a mis en place un nombre de services. Donc, je pense que c'est ça qui démontre vraiment les moyens de concertation puis de collaboration qu'on a mis en place. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Bélanger. Merci, Mme la ministre. C'est terminé. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, M. Tremblay, Mme Laurent, Mme Bélanger. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci de participer avec nous à l'exercice de l'analyse du projet de loi n° 98, qui est très important.

Concernant l'admission principalement et le pôle de concertation, de coordination dont il est question, on comprend que... je comprends que vous faites déjà partie du pôle de coordination actuel et que, selon les témoignages qu'on a reçus jusqu'à maintenant, ce pôle-là ne semble pas être des plus efficaces, mais je comprends que c'est une plateforme de concertation que vous trouvez intéressante à conserver. Comment, selon vous, pourrait devenir plus efficace ce pôle-là? Qu'est-ce qu'il lui manque pour être efficace?

• (11 h 50) •

M. Tremblay (Bernard) : C'est effectivement une bonne question. Moi, je pense que c'est des mécanismes qui prennent un certain temps avant d'avoir... je dirais, là, prendre leur vitesse de croisière. Alors, nous, c'est sûr que... Puis je me permettrais de faire une petite parenthèse en disant : Il ne faut pas voir notre mémoire comme une préoccupation... ou axé sur une préoccupation de garder des privilèges, ou une autonomie, ou de rester seuls sur notre planète. Au contraire, je pense que ma collègue l'a bien mentionné, on a une volonté de collaboration et de contribution partagée, mais en même temps il faut aussi assurer que les gens qui sont les spécialistes de la formation soient, je dirais, dans une perspective... un rapport d'égalité dans l'échange et dans la discussion. Et le mécanisme actuel, qui est le pôle, il permet ça. Il permet de faire en sorte que les acteurs impliqués dans le dossier soient vraiment au même niveau, et c'est là qu'on a les meilleures collaborations, beaucoup plus que dans une dynamique, je dirais, un petit peu autoritaire, où c'est un secteur qui dit à l'autre comment faire. C'est ça qu'on perçoit dans le projet de loi et qui, je dirais, nous inquiète, parce qu'on pense qu'à long terme ce n'est pas ce qui génère la meilleure réponse.

Vous savez, quand on nous émet des recommandations, les analyses, on y donne suite, mais, des fois, on peut lui donner suite de façon très mécanique, alors que, quand on est dans un lieu de partage et de discussion... Donc, on pense qu'il faut continuer à renforcer le pôle par justement des rencontres plus fréquentes, un arrimage plus établi, peut-être une meilleure communication. Mais c'est des mesures qui, à mon avis, ne sont peut-être pas de nature législative, elles sont peut-être juste de nature organisationnelle.

Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter là-dessus, mais, vous voyez, donc l'idée, ce n'est surtout pas de rester seuls dans notre tour d'ivoire, comme l'expression consacrée le dit, mais, au contraire, de bien établir que l'éducation doit travailler avec le monde professionnel, oui, mais vraiment dans une dynamique d'égalité. Alors, nous, c'est cet aspect-là, en fait, qui nous inquiète.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Il y a une proposition de transformer le commissaire aux plaintes en commissaire à l'admission. L'objectif énoncé, c'est d'avoir une personne avec des pouvoirs d'enquête pour pouvoir aller chercher de l'information, avoir une vision globale de la situation, au niveau de l'admission, on s'entend, et, à la limite, de pouvoir faire des recommandations là-dessus, les pouvoirs sont grands, et tout. Est-ce que vous pensez que d'avoir une personne comme ça, qui va chercher de l'information avec autant de pouvoirs, pourrait être utile au pôle de coordination, avec ce point de vue là général?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, franchement, la réponse, c'est non, pour nous. Nous, on pense que, cette démarche-là, qui est quand même une démarche, j'oserais dire, très intrusive, hein, parce qu'on est avec un commissaire qui a des pouvoirs d'enquête, encore une fois, on n'est plus sur le terrain de la collaboration, on est dans une autre dynamique. Et on a déjà des mécanismes qui existent, qui font en sorte que, dans notre propre loi... S'il y avait justement des cégeps, entre guillemets, récalcitrants ou pour lesquels on avait des questionnements importants en termes de fonctionnement, il y a, selon nous, tous les mécanismes, dans d'autres lois, qui permettent de contraindre ces cégeps-là. Et donc on a de la peine à voir la valeur ajoutée, en fait, comment s'articulerait, là, dans une journée type, là, la fonction du commissaire à l'éthique parallèlement à ce que fait déjà la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, parallèlement aux pouvoirs que la ministre a et qu'elle peut exercer, la ministre de l'Enseignement supérieur, par rapport aux établissements d'enseignement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Dans votre mémoire, vous parlez du nombre d'acteurs et de la confusion du pouvoir qui superpose... ces différents acteurs là ont des pouvoirs qui peuvent s'interposer. Donc, cette confusion-là, si, par exemple, le commissaire et le pôle de coordination, qui sont encore d'autres acteurs qui peuvent intervenir... Si, dans le projet de loi ou dans la loi qui serait déposée, les pouvoirs d'action et la mission, les mandats qui seraient donnés au commissaire seraient plus précis, est-ce que vous pensez que ce serait plus acceptable pour vous?

M. Tremblay (Bernard) : Là aussi, je vous dirais, l'idée de base dans notre mémoire, c'est de valoriser la collaboration, donc, d'y aller juste par une précision des pouvoirs, je ne crois pas que ce soit l'approche la plus porteuse. Mais je vais laisser peut-être Mme Bélanger compléter.

Mme Bélanger (Marie-France) : En fait, ce qu'on vous dit depuis tout à l'heure, c'est qu'il ne faut pas penser que les gens... que tout le monde peut s'improviser expert en éducation sous prétexte qu'on a nous-mêmes été éduqués. L'éducation, c'est un champ de savoir, et il y a des expertises qui sont actuellement dans le réseau de l'éducation, on a des enseignants, on a des experts. Tout comme on ne s'improvisera pas, nous, des experts du monde professionnel parce que ce n'est pas notre métier. Et c'est pour ça que la collaboration est importante, il faut cette dualité, il faut cette concertation-là, et c'est comme ça qu'on va être plus forts.

Nous, on vous dit : On travaille déjà beaucoup en concertation avec les différentes instances, les différents organismes du monde professionnel, que ce soient des ordres professionnels, que ce soit la Commission des partenaires du marché du travail, que ce soit... Bref, il y en a toute une série, de gens avec lesquels on travaille. Et ce qu'on dit par contre, c'est : Laissez-nous notre champ d'expertise. Je pense qu'on connaît bien le monde de l'éducation. Et, oui, ces gens-là peuvent avoir un apport à nous questionner, à amener des éléments de réflexion, tout comme nous, on peut avoir un apport dans la discussion, mais il faut penser à un tandem, et je pense que c'est comme ça qu'on va être plus gagnants. Donc, préciser les rôles, oui, mais le faire de manière égalitaire, ça nous semble beaucoup plus porteur.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. Mesdames, monsieur, bonjour, merci d'être là, merci pour le mémoire. Et je ne peux pas m'empêcher de faire un petit commentaire. Mme Bélanger, l'Université de Sherbrooke, j'y suis allée et j'en garde d'excellents souvenirs, alors je tenais à vous le dire. L'université, mais aussi le cégep, naturellement, le cégep de Sherbrooke bien avant l'université, alors c'était de beaux souvenirs.

Cela dit, vous avez dit quelque chose, sur vos feuilles, lorsque vous nous faisiez la lecture, et ça m'a interpellée, vous parliez des personnes immigrantes, vous nous parliez d'une problématique à l'égard du financement. Et là j'ai pris des notes en bonne ex-journaliste. Vous nous dites : Des coupes de services, notamment pour les étudiants issus de l'immigration, donc, qui se répercutent sur la francisation, l'intégration socioprofessionnelle. Est-ce que vous pourriez nous donner, de un, une idée de grandeur des compressions, au fil des dernières années, qui touchent justement les personnes immigrantes qui fréquentent nos cégeps, et également des conséquences sur la vie de ces personnes?

M. Tremblay (Bernard) : En fait, on ne peut pas cibler précisément les coupures qui concerneraient la clientèle immigrante. Vous comprendrez que les services ne sont pas déterminés sur cette base-là, hein, c'est des services aux étudiants globalement. Mais, à partir du moment où on a vécu des compressions très importantes, hein, parce qu'encore une fois les budgets des cégeps, là, c'est des petits budgets, c'est clair que c'est des services, donc, qui ont été soit coupés, et ce qu'on voulait mentionner... aux étudiants en général, y compris les étudiants, donc, qui sont issus de l'immigration, et ce qu'on veut souligner, c'est qu'au-delà, évidemment, des services usuels il y a des besoins particuliers aussi d'accompagnement puis de soutien pour que ces étudiants-là réussissent. Alors, c'est sûr qu'il y a un effort additionnel, et ça, on n'est pas capables de suffire aux besoins, ça, c'est clair.

Alors, si on souligne que, pour l'ensemble de notre clientèle, il y a un manque de services, c'est clair que... pour les étudiants qui ont des besoins additionnels, que ce soient les étudiants en situation de handicap ou les étudiants qui sont issus de l'immigration, bien, c'est clair que, ces jeunes-là aussi, comment dire, on ne suffit pas à la tâche.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Je vais poursuivre plus précisément : Est-ce qu'on peut mettre le doigt... Vous nous avez dit : De façon générale, francisation, intégration. Mais est-ce qu'il y a des choses qui ont disparu, qui ont dû disparaître de certains de vos cégeps concernant les étudiants immigrants? Ou est-ce que c'est trop pointu comme question?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, en fait, on pourrait vous répondre en vous disant, évidemment, qu'il y a des services de tout ordre, hein? La fédération étudiante du collégial a d'ailleurs fait une enquête sur les services qui ont été coupés dans les cégeps, et, je vous dirais, encore une fois ça touche l'ensemble des étudiants. Mais c'est sûr que, quand on touche à une clientèle qui est plus vulnérable, l'effet de ces compressions-là est nécessairement augmenté. Et, quand on a moins de services d'intégration, moins de services d'accueil, moins de services d'accompagnement, moins d'aide pédagogique individualisée, des services de placement qui ont été, là aussi, mis à mal, c'est sûr que cette clientèle-là, elle en souffre tout particulièrement. Et donc, dans une perspective où on se soucie de façon plus marquée de cette clientèle-là ici, nous, on vous dit : Attention, là, il y a un enjeu; au-delà des mécanismes de collaboration ou de contrôle, il y a un enjeu, carrément, de ressources, là.

Mme Roy : Et, tout comme vous, nous nous soucions de l'intégration justement des nouveaux arrivants, et vous nous donnez des motifs à l'effet que force est de constater qu'il y a des lacunes parce qu'il y a eu des compressions, donc il y a des manques de services. J'ai apprécié l'entendre et le comprendre de votre part.

Maintenant, vous nous dites... en recommandations neuvième et dixième, vous nous parlez que, dans le contexte de ces compressions budgétaires, de façon générale, ayant affecté le réseau collégial depuis les sept dernières années — alors, c'est quelque chose de récurrent — «le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur s'assure que les collèges publics puissent recevoir le financement adéquat pour le déploiement des formations d'appoint prescrites par les ordres professionnels, tant pour [le] D.E.C. que pour les A.E.C., ainsi que pour les services aux étudiants qui soutiennent la réussite éducative».

De un, des jeunes dans les cégeps, il y en a moins ou il y en a plus? Et, de deux, actuellement est-ce que vous suffisez... Pardon. Actuellement, est-ce que les sommes... le financement est au rendez-vous? Et dans quelle mesure il en manque? Et dans quelle mesure, avec l'application du p.l. n° 98, qui deviendra loi, il va vous en manquer? Vous estimez à combien le manque à gagner?

M. Tremblay (Bernard) : Alors, là aussi...

Le Président (M. Ouellette) : Une courte réponse.

• (12 heures) •

M. Tremblay (Bernard) : Pardon. Là aussi, c'est difficile de cibler un chiffre précis, mais on vous parle, donc, de compressions de 155 millions. Donc, il y a 155 millions de moins dans le système, en partant. Donc, comme je le disais, pour l'ensemble des étudiants, il y a des services en moins. Mais, quand on ajoute à ça le fait que les formations d'appoint sont financées à même notre enveloppe de la formation continue, qui est une enveloppe fermée, si on augmente les besoins dans cette enveloppe-là, nécessairement il reste moins d'argent pour les autres formations. Et les besoins de formation continue sont énormes au Québec, on l'a dit, on parle d'adéquation formation-emploi, mais présentement on doit refuser des gens qui veulent se former au Québec, dans nos cégeps, parce qu'il manque d'argent. Alors, c'est clair que cet enjeu-là, évidemment, joue aussi ici.

Si on ajoute des formations d'appoint et qu'il n'y a pas de financement additionnel, on vient encore plus prendre une portion de la tarte, et la tarte, elle n'est pas plus grande. Puis il y a toutes les formations à temps partiel, en plus, qui ne sont pas financées dans le régime actuel. Au-delà de ça, on ajoute des obligations au niveau de l'éthique ici, et donc il y a des formations qui vont devoir se donner, qui... Puis on en est, on est d'accord avec ça, mais, encore une fois, s'il n'y a pas d'argent neuf, ça devient encore une fois des sommes qu'on doit récupérer à l'intérieur des enveloppes actuelles, et donc il y a nécessairement une portion de la tarte, comme je disais, qui va diminuer dans ce contexte-là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Bernard Tremblay, Mme Isabelle Laurent, Mme Marie-France Bélanger, de la belle région de Sherbrooke — je partage entièrement l'opinion de Mme la députée de Montarville — représentant la Fédération des cégeps du Québec, d'être venus déposer en commission parlementaire.

Je vais suspendre quelques minutes et je vais demander à l'Ordre des administrateurs agréés du Québec de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 12 h 4)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des administrateurs agréés du Québec et son président, M. Jacques Grisé. Vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. M. Grisé, à vous la parole.

Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ)

M. Grisé (Jacques) : Oui, bonjour. Merci, M. le Président. Mon nom est Jacques Grisé, je suis président de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec depuis un peu plus d'un an. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Francine Sabourin, qui est directrice générale de l'ordre, et de M. Simon Denault, à ma gauche, qui est secrétaire et directeur des affaires professionnelles.

M. le Président, Mme la ministre, M. le président de l'Office des professions, messieurs et mesdames, membres de la commission, l'Ordre des administrateurs agréés du Québec est le seul ordre professionnel consacré à la gestion et à la gouvernance. Ses 1 400 membres, des dirigeants, des gestionnaires, des conseillers, oeuvrent dans tous les secteurs d'activité économique du Québec.

L'ordre se réjouit de la modernisation du Code des professions. L'important volet du projet de loi portant sur la gouvernance interpelle plus directement notre ordre, étant donné qu'il touche l'expertise professionnelle détenue par les administrateurs agréés. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous participons à cette consultation. D'ailleurs, notre organisation a procédé à une réforme complète de sa gouvernance en 2011.

L'ordre est d'accord avec la proposition de centrer les fonctions du conseil d'administration sur la surveillance des activités et l'établissement des orientations stratégiques, sans s'ingérer dans la gestion opérationnelle de l'ordre, ou des ordres. Ce partage des responsabilités entre gouvernance et gestion, management, fait également partie de la réalité de notre ordre.

Nous soutenons l'inclusion du rôle de directeur général au Code des professions. Il s'agit d'un message clair : les ordres doivent se doter d'une structure administrative permanente afin d'exercer leurs missions, et ce, sans égard aux changements politiques. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il n'y a pas lieu d'inscrire au code le rôle de porte-parole et qu'il faut laisser les ordres faire leurs propres choix en fonction de leurs réalités.

L'ordre croit également nécessaire que le nombre d'administrateurs soit réduit. Cette tendance mondiale contemporaine amène plus de dynamisme au sein des conseils, plusieurs études le montrent, amène aussi un fonctionnement plus efficace et un meilleur engagement des administrateurs, une plus grande mobilisation. Nous sommes également d'accord avec l'imposition d'un seuil minimum de 25 % d'administrateurs nommés.

Enfin, la recherche d'une diversité de compétences et de profils socioprofessionnels d'administrateurs devrait animer les conseils d'administration.

Dès 2011, nous avons réduit significativement la taille de notre ordre professionnel, le nombre d'administrateurs passant de 17 à huit. De ce nombre, deux administrateurs sont nommés par l'Office des professions. Le comité exécutif a été mis en veille, puisqu'il n'est plus nécessaire dans les circonstances, et remplacé par un comité d'audit et un comité de gouvernance et de ressources humaines, lesquels comportent obligatoirement un minimum d'un membre nommé par l'office.

L'ordre croit essentiel que les conseils d'administration se dotent de codes d'éthique. Ce code devrait être adopté comme politique de gouvernance plutôt que par voie de règlement, et ce, afin de laisser une souplesse dans son élaboration et sa modification. D'ailleurs, notre ordre a adopté une politique réunissant les principes devant guider la conduite des administrateurs.

Enfin, l'ordre appuie l'obligation pour les administrateurs de se soumettre à une formation en matière de gouvernance et d'éthique. Étant donné que ces thématiques relèvent directement du champ d'expertise ou d'activité de notre ordre et de nos membres, nous souhaitons contribuer à la mise en place de ces formations, et cela, avec la participation de nos collaborateurs.

Quant au volet du projet de loi portant sur l'élargissement du rôle du commissaire aux plaintes, nous souhaitons simplement vous exprimer notre inquiétude. L'augmentation possible de la bureaucratie entraînera un effet sur le fonctionnement des ordres et sur les frais de cotisation déjà élevés et assumés par les membres, d'autant plus que cette problématique de l'admission ne semble pas suffisamment documentée, en ce qui nous concerne.

Le projet de loi donne également suite à des recommandations de la commission Charbonneau. Celle-ci a mis en lumière de sérieuses, de nombreuses faiblesses dans la pratique de la gestion. L'ordre souhaite que la réflexion sur la contribution du système professionnel au défi de l'intégrité soit l'occasion de réfléchir au potentiel lié à la professionnalisation de la gestion. C'est un axe qui a été malheureusement occulté dans les suites données à la commission Charbonneau. En effet, le rôle joué par certains professionnels de la gestion a été remis en question. En sa qualité d'ordre professionnel encadrant la pratique des gestionnaires, l'ordre peut compléter le dispositif en place pour limiter les risques d'inconduite dans le domaine de l'administration. L'ordre interpelle l'État et l'invite à favoriser l'adhésion de ses dirigeants aux systèmes professionnels, dont le nôtre, si c'est possible.

• (12 h 10) •

L'ordre appuie la volonté gouvernementale visant à assurer une meilleure efficacité des ordres dans leur mission de protection du public. Toutefois, les ordres à titre réservé, comme le nôtre, doivent avoir pleinement les moyens pour remplir cette mission. Cette consultation sur la réforme du Code des professions est l'occasion d'exprimer nos attentes légitimes. Alors que l'ordre doit renforcer ses mécanismes de protection du public, il doit aussi relever le défi de recruter des membres qui se soumettent à des devoirs déontologiques sans bénéficier d'actes réservés.

Ici, il nous faut saluer l'adhésion volontaire et même exemplaire de nos membres en faveur d'une pratique encadrée de leur profession. En 2006, l'Office des professions nous demandait d'actualiser notre réglementation. Notre ordre a effectué un travail, je dirais, colossal à cet égard. Si cela a servi l'objectif de protection du public, cela a rendu plus ardus la rétention et le recrutement de nos membres. L'ordre a, en fin de compte, un solide corpus réglementaire, mais il n'encadre malheureusement qu'un nombre limité de professionnels. Au même moment, on observe l'émergence d'organismes non universitaires offrant une panoplie de certifications en gestion à l'extérieur du système professionnel. Or, ces organismes délivrent des titres sans imposer d'exigence réglementaire de surveillance de la profession et sans avoir à composer avec la surcharge administrative propre au système professionnel. Cette concurrence de titres à jeu inégal nuit grandement à la capacité de recrutement de notre ordre. Nous croyons également que cela crée une confusion pour le public, qui peut difficilement faire la différence entre un praticien régi par un ordre professionnel et des détenteurs de certification, puisqu'on ajoute toutes sortes de symboles à la fin d'un nom maintenant, c'est rendu assez incroyable.

Nous sommes très déçus aussi de constater que le projet de loi ne comporte pas de disposition modernisant les champs descriptifs des ordres du secteur des affaires. Pourtant, en 2012, lors des consultations sur le projet de loi sur les CPA, le ministre de la Justice de l'époque avait donné ce mandat à l'office. Je le cite : «Je suis de ceux qui pensent que des libellés peuvent être trouvés assez rapidement. Alors, je ne crois pas qu'on doive se donner des délais trop longs. [...]Sortez vos crayons, commencez à travailler, la balle est dans votre camp autant que dans le mien.» Or, les travaux sont terminés depuis 2014, et l'inaction dans ce dossier nuit à notre ordre. En effet, le champ descriptif — ce qu'on appelle le champ évocateur aussi — de notre ordre n'a pas été modernisé depuis 1974. Il ne reflète évidemment plus l'évolution de notre profession. Le nouveau champ descriptif approuvé par l'office consacre l'administrateur agréé comme un généraliste de l'administration, ce qui le distingue des autres professions. L'ordre est également en attente de mesures législatives pour la réserve d'acte en gestion de copropriété, une action recommandée par l'office.

En terminant, nous sommes convaincus que le gouvernement souhaite renforcer l'efficacité de son système professionnel et croit aux avantages de l'autorégulation des professions. L'ordre l'a exposé dans son mémoire, la professionnalisation de la gestion sert l'intérêt collectif. En 1973, l'État québécois faisait le choix courageux de consacrer la discipline de l'administration comme profession. 42 ans se sont écoulés depuis, et, après une vaste commission d'enquête qui a exposé pendant 246 jours d'audiences une série de dérives administratives, il nous apparaît plus pertinent que jamais que les Québécois puissent compter sur un ordre professionnel de la gestion robuste. Merci de votre attention.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Grisé. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Merci, M. Grisé. D'entrée de jeu, je veux simplement vous mentionner que les travaux font... sont toujours en cours pour l'encadrement du champ de pratique en lien notamment avec le dossier de la copropriété. Alors... vous rassurer, on n'est pas restés les bras croisés. Il y a quand même pas mal de projets de loi qui sont passés ici, à l'Assemblée, au cours des deux dernières années. Mais les travaux sont en cours, alors gardez espoir. Je veux simplement vous passer le message pour faire suite à vos dernières...

M. Grisé (Jacques) : Mme la ministre, qu'est-ce que ça impliquerait, les travaux en cours?

Mme Vallée : On en parlera en temps opportun. Je ne...

M. Grisé (Jacques) : Oui. J'ai bien hâte.

Mme Vallée : Mais il y a des travaux actuellement en cours sur cet aspect-là. Il y a quand même beaucoup de... Vous savez, dans l'appareil, il y a quand même plusieurs projets de loi qui peuvent cheminer en parallèle.

Dans un premier temps, j'apprécie vos commentaires, puisque vous abordez, et peu l'ont fait, la gouvernance, la question de la gouvernance de l'Office des professions. Dans votre mémoire, vous... Et quels seraient les critères de compétence, les critères de diversité de profils que vous pourriez proposer à l'égard de la nomination des membres de l'office?

Le Président (M. Ouellette) : M. Grisé.

M. Grisé (Jacques) : Oui. Alors, si on regarde un peu l'expérience de notre ordre, depuis plusieurs années les personnes qui ont été nommées par l'Office des professions ont toujours été des candidats de grande qualité. Il faut dire qu'il y a quand même une concertation, d'une certaine façon, une communication entre l'office et puis l'ordre pour nommer des personnes qui viennent complémenter un peu les autres membres du conseil d'administration. C'est de plus en plus important parce que nous, on est seulement huit personnes, donc six personnes qui sont élues, en quelque sorte, et deux personnes qui sont nommées membres de l'office. Donc, nous sommes extrêmement fiers des personnes qui sont avec nous, parce qu'ils ont toute l'expérience requise et surtout ils ont une expérience de plusieurs autres ordres professionnels, ce qui est très important en ce qui nous concerne.

Maintenant, je ne sais pas si j'ai répondu à votre question complètement, là.

Mme Vallée : Bien, en fait, je me demandais si vous aviez en tête des...

M. Grisé (Jacques) : Il y a une grille de compétences.

Mme Vallée : ... — oui — des enjeux... des éléments particuliers qui devraient être portés à l'attention, qui touchent le profil de ces membres-là, les compétences détenues par les membres. Est-ce que vous avez des préoccupations particulières?

M. Grisé (Jacques) : Bien, certainement qu'une expérience de gouvernance de conseil d'administration dans le passé serait presque essentielle, là, dans notre cas à nous, en tout cas. Et on pourrait aussi mentionner qu'il serait intéressant d'avoir peut-être plus de femmes pour accroître la diversité au niveau des différents ordres professionnels, plus de jeunes aussi, plus de personnes des minorités culturelles... des minorités culturelles, en effet.

Maintenant, est-ce qu'il faut avoir un guide de compétences, là, assez arrêté? Non, je pense qu'il faut que ce soit établi avec chacun des ordres professionnels, qui ont des besoins bien différents.

Mme Vallée : Votre ordre appuie les principaux éléments qui concernent la gouvernance des ordres professionnels que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi, notamment en lien avec les nouvelles responsabilités du conseil d'administration, la distinction de la fonction de président, directeur général, l'obligation d'adopter un code de déonto. C'est quand même important pour nous, cet appui-là, compte tenu de votre expertise, de votre expertise fine en matière de gestion et de gouvernance. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur la question des pratiques de saine gestion, des pratiques de saine gouvernance et comment le projet de loi n° 98 pourrait y répondre davantage.

Je vous pose la question parce que, notamment hier, on a eu certains ordres qui nous ont dit : Ne touchez pas à notre gouvernance actuelle, elle nous sert bien, et il n'y a pas de problème. D'autres ont formulé des commentaires différents. Compte tenu de votre expertise, est-ce que... quels seraient les méthodes, les moyens qui permettraient au projet de loi n° 98 de répondre davantage aux principes de saine gouvernance à l'intérieur des ordres, notamment?

• (12 h 20) •

M. Grisé (Jacques) : Bien, c'est un peu difficile. Je peux concevoir que certaines des dispositions du projet de loi ne conviennent pas à tous les ordres professionnels et que certains ordres souhaiteraient qu'il y ait beaucoup plus de souplesse sur ce plan-là. Par contre, nous, on exprime notre avis en ce qui a trait à la gouvernance générale, là, lorsqu'on examine un peu ce qui se passe, là, dans le milieu des organisations, dans le milieu des affaires, sur les conseils d'administration, par exemple. Et ce qui est proposé dans le projet de loi correspond tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, ce sont les règles de gouvernance que nous-mêmes, on a appliquées à l'ordre. Par exemple, la diminution du nombre de personnes au conseil d'administration. Vous le savez, M. Nadeau est venu vous le dire, lorsqu'un conseil d'administration a 25 membres, 20 membres, 30 membres, dans certains cas, ça devient impossible de gérer cette situation-là. Ça devient impossible de créer une dynamique, là, qui soit consensuelle, en quelque sorte, au sein du conseil d'administration. Et vous savez ce qui se passe : c'est le conseil exécutif qui, à toutes fins pratiques, là, dans chacun de ces ordres-là, s'occupe de tout, conseil exécutif composé de cinq à sept membres, beaucoup de monde, qui se réunissent souvent et qui sont rémunérés aussi.

Donc, moi, je pense que... Si on reprenait chacun des points qui sont dans le projet de loi, je pense que c'est tout à fait conforme avec les principes reconnus de saine gouvernance que nous, on enseigne, qu'on enseignait, que j'enseignais à l'université et puis au Collège des administrateurs de sociétés. Je pense que c'est tout à fait conforme.

Mme Vallée : Est-ce qu'il y aurait... est-ce qu'il y aurait un...

M. Grisé (Jacques) : Là, je vous parlais de la réduction du nombre d'administrateurs. Nous, on proposerait... Comme vous voyez dans le mémoire, là, 10, on trouve que ce n'est quand même pas si mal. On est huit, là, présentement. Mais je sais que le mémoire propose... je pense que c'est 15, là, un maximum de 15, et sûrement qu'il y a des ordres qui doivent s'opposer à ça. Mais je pense que ça fait du sens. Si on veut vraiment s'assurer que le conseil d'administration est efficace, bien, il faut, je pense, aller là, il faut aller jusque-là.

Mme Vallée : Vous critiquez la modification, apportée au projet de loi, qui permettrait à l'office d'entreprendre une enquête sans préalablement avoir obtenu une autorisation ministérielle. Évidemment, cette enquête-là doit quand même être portée à l'attention de la ministre par un avis. Donc, quelle est la distinction entre les deux, pour vous? Puis qu'est-ce qui vous amène à manifester certaines craintes à l'effet de ce changement-là? Vous ne croyez pas que c'est plus efficace de permettre à l'office de pouvoir intervenir en amont plutôt que de devoir attendre parfois une autorisation ministérielle qui pourrait, dans certains cas... on ne le sait pas, mais pourrait ajouter des délais avant d'intervenir?

M. Grisé (Jacques) : Pas vraiment. Nous, on pense que... Puis ce n'est pas une critique, non plus, qu'on formule, là. On peut très bien vivre avec ça, là. Mais il reste que, non, on ne croit pas vraiment que c'est une mesure qui est efficace. Il faut dire qu'on n'a pas apporté une grande attention à ce point-là. Ce n'est pas un sujet, là, disons, qui est un enjeu pour nous. Mais il reste que c'est... On n'en fait pas une critique, là.

Le Président (M. Ouellette) : Deux minutes, Mme la ministre.

Mme Vallée : Je comprends que vous ayez manifesté certaines préoccupations quant à l'élargissement du regard du commissaire et les pouvoirs. Le fait de permettre au commissaire d'avoir un regard sur l'ensemble des acteurs de l'admission, qui ne sont pas que les acteurs du système professionnel, on s'entend, est-ce que vous ne croyez pas que ça permet aux candidats d'avoir un recours un petit peu plus efficace lorsqu'il y a des différends avec des tierces parties? Et puis est-ce que vous ne croyez pas que ça donnerait un outil supplémentaire pour assurer la cohérence de l'action de la réglementation professionnelle?

Parce que je le mentionnais... puis je ne sais pas si vous étiez dans la salle, mais, avec la Fédération des cégeps, ce que je mentionnais, c'est qu'à quelque part on est condamnés pour travailler ensemble, parce que, oui, les ordres professionnels vont établir les conditions pour faire partie d'un ordre, et tout ça avec l'objectif de protéger le public, mais cette formation-là qui amène un candidat à avoir les compétences requises, elle est dispensée par des tiers, et il y a plein d'exigences qui relèvent de tiers. Alors, est-ce que vous ne croyez pas que le commissaire, en ayant un regard beaucoup plus distancé, pourrait permettre d'assurer une meilleure cohésion?

M. Grisé (Jacques) : Nous, vu de notre point de vue, là, on ne voit pas ce que ça peut ajouter à part une lourdeur administrative en ce qui nous concerne. On pense que le commissaire aux plaintes fait très bien son travail. En ce qui nous concerne, on n'a pas vraiment regardé ça de façon... je ne sais pas si mes collègues, ici, veulent ajouter...

Le Président (M. Ouellette) : On n'a plus de temps.

M. Grisé (Jacques) : ...un petit mot à ça.

Mme Sabourin (Francine)  : Oui, si on peut rajouter.

Le Président (M. Ouellette) : Oups!

Mme Sabourin (Francine)  : Francine Sabourin.

En fait, pour nous, la mission, c'est plutôt simple. On comprend que les ordres de la santé ont des processus d'admission plus complexes, et ils ont bien fait leurs devoirs. Ils ont analysé ça pour eux. Pour nous, en fait, ce qu'on se dit, c'est : une lourdeur administrative, ça va amener des coûts supplémentaires. Comme tout coûte quelque chose, si on veut ajouter pour nos membres, on préférerait que ça soit des coûts qui leur soient refilés sur une problématique qu'on vit et non sur une problématique que tous les ordres ne semblaient pas vivre. Donc, on est allés plutôt modestement, on se disait que nos collègues de la santé ont bien analysé le tout.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Sabourin. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, M. Grisé, Mme Sabourin, M. Denault. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci d'être avec nous. Vous êtes des experts de l'administration.

Donc, dans les dépôts de mémoires qu'on a eus, les autres témoins qu'on a eus, les autres présentations qu'on a eues, certains ont émis des réserves quant à l'obligation de séparer le poste de directeur général et de président, donc voulaient pouvoir cumuler les deux postes. On parle de gouvernance, on parle de gestion. L'intention du projet de loi, c'est de séparer les deux. Mais il y a des ordres qui émettaient des réserves là-dedans. J'aimerais vous entendre justement sur votre vision sur le cumul de ces deux postes-là ou la séparation de ces deux postes-là.

M. Grisé (Jacques) : Oui, enfin, pour moi puis pour l'ordre, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point-là, et je pense que, dans le monde des organisations, c'est la réalité, on retrouve une séparation effective des pouvoirs. Par exemple, au Canada, il y a 14 %, seulement, où il y a une cumulation, là, du rôle de «chairman» puis le rôle de chef et président de direction. Aux États-Unis, c'est un peu différent, là, c'est un petit peu plus... mais ça va dans le sens, là, si on veut, de la séparation nette des pouvoirs, pour éviter, évidemment, les conflits d'intérêts éventuels qui peuvent se produire entre les deux instances. Le conseil d'administration surveille ce que le management fait et le conseil d'administration... c'est le conseil d'administration qui engage, évalue et peut éventuellement, évidemment, recommander sa démission. Non, c'est vraiment, là... C'est dans la ligne de la bonne gouvernance.

Mme Jean : Dans un esprit de flexibilité, de souplesse, est-ce que ce serait quelque chose que vous verriez d'un bon oeil qu'un ordre demanderait une dérogation à ce niveau-là, de pouvoir cumuler les deux postes, qu'une personne pourrait cumuler les deux postes?

M. Grisé (Jacques) : Non, je n'ai pas de difficulté, là, à ça, mais il reste qu'on peut voir peut-être des petits ordres, là... mais j'imagine très mal un ordre professionnel de grande envergure, là, disons, qui voudrait cumuler les deux fonctions. J'aurais beaucoup de difficultés avec ça. Je sais qu'il y en a quand même un certain nombre, là, mais, s'il y a un changement important, là, dans ce projet de loi là, c'est bien celui-là.

Mme Jean : Concernant le code d'éthique, par rapport à ce qu'on a dans le projet de loi, l'Office des professions pourrait par règlement imposer le code d'éthique aux ordres. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous êtes d'accord?

M. Grisé (Jacques) : Absolument. Absolument. Puis non seulement on est d'accord, mais en même temps on offre toute notre collaboration pour pouvoir travailler à mettre en place les programmes de formation appropriés.

Mme Jean : D'accord. Et, encore une fois, plusieurs présentateurs, plusieurs ordres nous ont démontré leur intérêt ou leur besoin d'avoir de la flexibilité dans le code d'éthique, donc on parlait peut-être plus de balises ou d'encadrement pour laisser une flexibilité sur l'application au sein des ordres.

M. Grisé (Jacques) : Vous me mettez des mots dans la bouche.

Mme Jean : Est-ce que c'est quelque chose qui...

M. Grisé (Jacques) : Oui, c'est exactement ça. On pense qu'il peut y avoir une espèce de règlement-cadre, en quelque sorte, qui balise un peu, là, le futur code d'éthique et déontologie, mais c'est à peu près ce qu'on propose dans notre mémoire, là.

Mme Jean : Donc, c'est...

Mme Sabourin (Francine)  : En fait, pour rajouter, on le sait, des règles, on peut en ajouter avec l'évolution d'une organisation. Des fois, on a des oublis, et, on le voit quand c'est dans un règlement, c'est plutôt long à faire changer, évoluer. On le vit, donc on préférerait que ce soit dans une politique où on peut justement adapter rapidement pour s'assurer de rester avec des saines pratiques de gouvernance dans l'organisation.

• (12 h 30) •

Mme Jean : Vous parlez de temps qui est requis à l'Office des professions pour changer un règlement. Est-ce que vous pouvez m'informer sur les raisons de pourquoi ça peut prendre autant de temps?

M. Grisé (Jacques) : Je me pose souvent la même question, hein? Tantôt, dans mon exposé, on disait que nous, on a travaillé pendant près de deux ans à s'assurer que le champ descripteur entre les... dans le domaine des affaires avait été... On avait pris deux ans, à peu près, pour arriver à s'entendre, et là ça fait déjà deux ans de ça, et là, aujourd'hui, là, on se serait attendu à ce que ce soit dans le projet de loi, là. Je sais que la ministre n'en a pas parlé tantôt, mais on s'attend encore à ce que ce le soit. Donc, on pense qu'un projet de loi comme celui-là, là... Si on est convoqués pour pouvoir dire des choses, bien là, ce n'est pas très compliqué, à l'article 37i, d'ajouter les champs évocateurs et les champs descriptifs, là, des trois ordres professionnels en question, tout au moins. Parce que le travail est fait, le travail est fait depuis deux ans. Alors, ça, on s'explique mal par contre pourquoi ce n'est pas dans le projet de loi. J'ai peut-être débordé un peu, là, mais j'ai un message à passer.

Mme Jean : Ça va, ça va bien. Bien, merci. Une question sur la composition du conseil d'administration. C'est invoqué dans le projet de loi qu'on pourrait nommer ou conserver un poste pour quelqu'un... un jeune, en tout cas moins de 10 ans de profession. Est-ce que vous, vous avez des politiques de représentativité ou d'équité hommes-femmes, par exemple? Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous avez travaillé?

M. Grisé (Jacques) : On ne peut pas dire qu'on a vraiment travaillé, mais on est vraiment pour la diversité la plus totale possible au niveau du conseil d'administration. Là, présentement, le conseil d'administration est composé, si je me souviens bien, de trois femmes et...

Une voix : ...

M. Grisé (Jacques) : ...pardon, de 40 %, plus une directrice générale. Donc, je pense que, de ce côté-là, nous, on a fait notre part. Mais on vise la parité, et ce n'est pas si simple que ça à faire, lorsque ce sont les élections, là, on n'est pas toujours... hein? Ce n'est pas nous qui menons tout, là. Mais il reste qu'on vise ça. Et c'est la même chose pour les autres aspects qui concernent soit les régions ou soit qui concernent les autres aspects, là, de la diversité culturelle.

Mme Jean : Est-ce que l'avenue d'un poste électif ou de mettre des postes électifs, préciser justement la composition d'un conseil d'administration serait quelque chose qui serait peut-être à étudier?

M. Grisé (Jacques) : Pouvez-vous reformuler la question?

Mme Jean : Un poste de... de justement déterminer par postes électifs de comment devrait être composé un conseil d'administration, pour assurer sa diversité, justement.

M. Grisé (Jacques) : Oui, je sais que ça a été avancé. Mais, avec ce qu'on propose dans le projet de loi, il va y avoir une diminution du nombre de membres du conseil d'administration. Donc, il va y avoir un certain réaménagement des régions pour faire en sorte qu'il y ait moins de personnes qui viennent de différentes régions, là, qui viennent de 20 régions différentes, disons. Nous autres, il y a trois régions seulement. Donc, je pense que ça peut régler une grande partie du problème, ça.

Mme Jean : Parfait. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être là. Ce que je trouve fascinant avec le mandat de députée actuellement, c'est que j'apprends des choses, et là vous m'en apprenez. J'ai lu votre mémoire, et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous nous dites : «Bien que cela soit le cas pour la quasi-totalité des professionnels des 45 autres ordres professionnels, à ce jour aucun acte n'a été réservé aux administrateurs agréés.» Et je lis votre mémoire et je vois qu'il y a plusieurs de vos recommandations qui portent justement sur la reconnaissance de votre ordre et sur ces fameux actes réservés.

Et je vous amène à la page 17. Vous nous dites, et là je vais lire pour les gens qui nous écoutent : «En octobre 2014, [notre ordre] a déposé à l'office un mémoire détaillé soutenant une demande d'activité réservée en gestion de copropriété pour la gérance d'immeubles de plus de deux étages et de plus de huit unités. En février 2016, après une analyse approfondie, l'office a émis une recommandation favorable à l'octroi d'une telle réserve. Depuis, nous sommes sans information sur l'état d'avancement de ce dossier.» Mme la ministre vous a répondu tout à l'heure, on a appris un petit peu de choses. On a appris qu'il y a des travaux qui sont en cours, c'est ce qu'elle vous a dit : Gardez espoir. Moi, je l'apprends, ça, aujourd'hui.

Alors, moi, ça m'intéresse. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous demandez et quel est cet acte plus précisément que vous voulez qu'il soit réservé pour votre ordre professionnel, relativement à la garde de la gestion des copropriétés? Qu'est-ce que vous voulez?

M. Grisé (Jacques) : Moi, je veux bien m'épancher là-dessus, mais je peux laisser peut-être mon...

Mme Roy : Ah! bien, vous pouvez, mon cher monsieur.

M. Grisé (Jacques) : ...le secrétaire, M. Denault, peut-être...

Mme Roy : D'accord.

M. Denault (Simon) : Bonjour. En fait, bien, le Québec a pris un certain retard dans la réglementation au niveau de la gestion de copropriété, que ça soit au niveau de la formation ou de l'encadrement. Nous, en ce moment, à l'ordre, on le fait. Donc, on a une cinquantaine de gestionnaires de copropriétés, donc, qui sont inspectés, qui sont encadrés par un règlement notamment pour la gestion des comptes en fidéicommis. Il faut comprendre qu'un condo, c'est un actif extrêmement important pour... probablement l'actif le plus important pour un individu, et, en ce moment, c'est le far west. Donc, on pense que c'est extrêmement important qu'il y ait un encadrement. Nous, à l'Ordre des administrateurs, on a l'expertise, on a la compétence, on a développé un programme de formation avec l'Université McGill à ce sujet-là.

Donc, il y a du retard qui a été accumulé au Québec dans ce domaine-là, et on pense qu'il est temps d'agir.

Mme Roy : Vous dites : Il est temps d'agir. Précisément, vous demandez quoi?

M. Denault (Simon) : Bien, un acte réservé, pas nécessairement réservé exclusivement à l'Ordre des administrateurs. Mais maintenant les représentations ont été faites à l'office, il y a une demande qui a été faite, et l'office a émis une recommandation favorable. Maintenant, c'est au législateur à agir pour réserver cet acte.

M. Grisé (Jacques) : Oui, on a aussi un mémoire qui a été produit à cet effet-là, il y a déjà un certain temps. Et là on attend toujours, évidemment, des nouvelles de ça. Il y a deux autres ordres professionnels, là, aussi qui pourraient contribuer.

Mme Roy : Si je comprends bien, quand vous dites : Actuellement, c'est le far west, c'est qu'actuellement, en ce qui concerne la copropriété et les condos, et Dieu sait qu'il y en a de plus en plus, maintenant, des gens qui achètent des condos, ce sont que... les gestionnaires, il n'y a aucune surveillance qui se fait, il n'y a aucune...

M. Grisé (Jacques) : ...encadrement. Il peut y avoir peut-être... Il y a peut-être des condos qui sont bien gérés puis qui sont gérés par des administrateurs agréés, mais, dans l'ensemble, ce n'est pas le cas du tout. Donc, les gestionnaires de copropriétés, et ça va aussi pour, évidemment, le conseil d'administration composé de membres, mais surtout les gestionnaires de copropriétés, ne sont nullement encadrés ici, au Québec, alors qu'ils le sont dans d'autres provinces canadiennes, dont l'Ontario.

Mme Roy : Bon, alors, ça, c'est un bon point de réglé. On va attendre de voir ce qui va se passer à cet égard-là. Je vous remercie de m'avoir informée. C'est quand même... Il me reste un petit peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes.

Mme Roy : Misère, c'est trop court!

Le Président (M. Ouellette) : Oui, mais vous me l'avez demandé.

Mme Roy : Merci. En ce qui a trait aux cotisations annuelles, le projet de loi recommande que ce soit le C.A. qui les détermine au lieu des membres. Vous, qu'en pensez-vous?

M. Grisé (Jacques) : Bien, il ne fait aucun doute que le conseil d'administration, qui connaît très bien les activités puis la situation financière de l'ordre, puisse être l'organisme, là, l'entité, en quelque sorte, qui recommande les cotisations, et non l'assemblée annuelle.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Jacques Grisé, Mme Francine Sabourin et Me Simon Denault, représentant l'Ordre des administrateurs agréés du Québec. Merci d'être venus rencontrer les membres de la commission.

Je vais suspendre quelques minutes. Je demanderais à l'Ordre des pharmaciens du Québec de s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise à 12 h 40)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Ordre des pharmaciens du Québec et son président, M. Bertrand Bolduc, qui fera la présentation. M. Bolduc, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et après il y aura discussion avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole, M. Bolduc.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Bolduc (Bertrand) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs dames les parlementaires, je suis accompagné de Mme Manon Lambert, directrice générale et secrétaire de l'ordre, et nous avons la chance d'être accompagnés également de M. Jean Landry, qui est un administrateur externe, donc nommé par l'Office des professions, et président de notre comité de gouvernance, et président de notre comité d'audit également.

Alors, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est donnée de vous donner notre point de vue sur le projet de loi n° 98. En général, l'ordre accueille bien, favorablement les modifications proposées au Code des professions, exception faite de l'élargissement des pouvoirs du commissaire à l'admission. Mais nous pensons aussi que les modifications ne vont pas suffisamment loin en matière de bonification des mécanismes de protection du public. Nous allons vous soumettre plusieurs suggestions qui seront, nous l'espérons, de nature à alimenter vos réflexions. Ces suggestions sont basées sur une longue et concrète expérience de la poursuite de la mission d'un ordre professionnel. Nous vous demandons de faire preuve d'audace et de profiter de l'occasion pour véritablement nous donner les moyens de bien remplir notre mission, qui est celle de protéger adéquatement le public.

La première recommandation dont j'aimerais vous faire part porte sur-le-champ d'action de l'ordre. Nous vous demandons d'étendre l'autorité des ordres sur les sociétés auxquelles nos membres sont affiliés, par exemple les chaînes ou bannières en pharmacie. Nul besoin de revenir sur les dossiers épiques que l'ordre a eu à traiter en lien avec des tiers pour lister ce besoin. Ce nouveau champ d'activité devra toutefois être assorti d'une contribution financière de la part de ces sociétés afin de rendre cet éventuel nouveau pouvoir réellement effectif.

Considérant que l'ordre doit dès maintenant disposer de meilleurs moyens d'action sur les tiers, l'ordre suggère que, sans plus attendre, le syndic soit investi des pouvoirs de commissaire enquêteur. En effet, en comparaison du commissaire aux plaintes à l'admission, déjà investi d'un tel pouvoir, le syndic de notre ordre doit obtenir des renseignements d'individus ou d'organisations beaucoup moins enclins à collaborer que ne le sont les ordres, les maisons d'enseignement ou les ministères visés, où qui le seront, par le commissaire. De plus, pour les appuyer concrètement dans leur travail, les syndics devraient aussi pouvoir compter sur une protection accrue du législateur au profit des lanceurs d'alerte, qui ne devraient pas être freinés dans leur élan par peur de perdre leur emploi, par exemple.

De façon générale, tous les ordres devraient pouvoir évaluer la conduite et les bonnes moeurs des demandeurs à l'admission. Cette mesure permettrait d'interdire l'accès à la profession aux candidats qu'ils jugent insensibles aux formations en éthique et déontologie. Ces formations sont très pertinentes pour la majorité de nos professionnels, mais, dans certains cas, il est inutile de tenter d'insuffler un comportement moral à certains individus, et nous souhaitons les priver d'un accès à la profession qui compte des responsabilités aussi vitales que la nôtre. En tout temps, le droit d'exercer une profession ne peut primer sur l'intérêt supérieur de la protection du public. Cela doit se traduire clairement dans la loi.

À l'instar de nos amis du Collège des médecins du Québec, nous demandons aussi que les ordres puissent conclure des ententes simples et efficaces avec les détenteurs de certaines bases de données gouvernementales pour obtenir de façon préventive des renseignements reflétant les pratiques professionnelles de nos membres.

Sur le plan de la gouvernance, nous souhaitons et nous soutenons la proposition de séparer les pouvoirs politique et exécutif en éliminant le cumul des fonctions de président et de directeur général. À l'égard de la composition du conseil d'administration, l'ordre est déçu de la réduction proposée du nombre d'administrateurs. Nous appuyons par ailleurs la proposition de lui confier la responsabilité de fixer le montant de la cotisation. En contrepartie, nous préconisons toutefois une reddition de comptes financière accrue pour tous les ordres et la possibilité pour l'Office des professions de procéder à un audit sur leur gestion, le cas échéant.

Afin de mieux répondre à la volonté exprimée d'éviter les conflits d'intérêts de ses membres élus, nous demandons la révision de la proposition actuelle sur l'inéligibilité du poste d'administrateur. Ceux qui siègent déjà dans des associations de services qui n'antagonisent pas le mandat d'un ordre, comme, chez nous, Pharmaciens sans frontières, par exemple, devraient être autorisés à se présenter. Par contre, ceux qui sont liés à des parties prenantes visées directement ou indirectement avec les actions de l'ordre devraient être disqualifiés.

Finalement, l'ordre ne soutient pas l'élargissement du pouvoir du commissaire aux plaintes à l'admission à l'ensemble du processus d'admission et émet de sérieux doutes quant à l'efficacité de cette mesure. De plus, à l'instar du Barreau, l'ordre croit qu'avec les modifications proposées le commissaire disposera d'un mandat dont les limites seront soumises à sa seule discrétion, avec des pouvoirs trop larges et trop imprécis. Il préconise plutôt une plus grande coordination des multiples intervenants et un meilleur financement des initiatives porteuses pour accroître l'intégration des personnes diplômées hors Québec au marché du travail.

En terminant, j'aimerais laisser quelques minutes à M. Landry pour le mot de la fin.

Le Président (M. Ouellette) : M. Landry.

M. Landry(Jean) : Merci, M. Bolduc. À titre de représentant du public au sein du conseil d'administration de l'Ordre des pharmaciens, je suis en mesure de témoigner des réussites de l'ordre sur le plan de la gouvernance. J'ai aussi, au cours des dernières années, été témoin des combats majeurs qui ont été menés à l'encontre de joueurs importants de l'industrie, ceci afin que l'ordre puisse assumer sa mission de protection du public. Et c'est d'ailleurs au nom de cette protection du public qu'il m'apparaît que l'élargissement de l'autorité des ordres envers certains organismes et évidemment le financement qui doit y être associé ne doivent pas rester des voeux pieux. Les changements profonds de l'environnement commercial des professions, depuis l'introduction du Code des professions en 1974, justifient que cette demande soit sérieusement prise en considération.

J'aimerais ajouter quelques mots sur un sujet qui me tient à coeur, les fonds d'assurance responsabilité professionnelle. Les fonds d'assurance sont un outil important dont disposent les ordres professionnels pour s'acquitter de leur mission de protection du public. Pour s'en convaincre de façon concrète, il suffit de constater qu'au 31 décembre dernier cinq fonds d'assurance en opération au Québec avaient accumulé 350 millions de dollars, 350 millions de dollars qui étaient immédiatement disponibles pour le client et, dans notre cas, pour les patients qui subiraient un préjudice par la faute ou par une erreur professionnelle d'un professionnel. Il nous apparaît que ces 350 millions accumulés au cours des années doivent continuer de bénéficier d'une gestion spécialisée et rigoureuse. Or, selon ce que nous en savons, certains changements envisagés, qui d'ailleurs apparaissaient dans les premières versions du projet de loi, pourraient, s'ils se matérialisaient, entraîner des modifications importantes à la gouvernance des ordres et de leurs fonds d'assurance en introduisant, entre autres, des notions imprécises en ce qui a trait à la gestion des sommes accumulées.

Malgré certaines difficultés opérationnelles réelles, mais qui ont trouvé des solutions dans plusieurs ordres, nous ne croyons pas judicieux de changer profondément un système qui a fait ses preuves. S'il devait y avoir des changements, ces derniers devraient, selon nous, être débattus dans une perspective de protection du public, et non de difficultés opérationnelles ponctuelles, qui, de toute façon, ont déjà trouvé des solutions. Pourquoi ne pas tout simplement s'inspirer des ordres qui ont réussi? Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (12 h 50) •

Mme Vallée : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. En fait, vous formulez de nombreux commentaires, dans votre mémoire et dans votre présentation, qui sont très constructifs puis, je pense, qui vont bonifier, oui, le texte... vont probablement nous aider à bonifier le texte du projet de loi, mais j'ai l'impression que ça nous amène aussi un peu plus loin, parce qu'il y a des réflexions sur... Parce que, vous savez, on aborde la réforme du Code des professions en étapes et, tout ce qui est en lien avec la justice disciplinaire, on souhaitait l'aborder dans une deuxième étape.

Vous avez quand même formulé des recommandations fort intéressantes quant au rôle du syndic. J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect-là, parce que je sais que nous aurons cet après-midi des représentations à l'effet que les syndics vont trop loin et ont trop de pouvoirs, et donc on aura des représentations partagées sur cette question-là. Mais j'aimerais vous entendre... Parce que le syndic est un peu le chien de garde de la protection du public, est celui ou celle qui doit intervenir lorsque des questions importantes sont soulevées, notamment en matière de pratique illégale, et donc j'aimerais vous entendre quant à ces pouvoirs accrus que vous recommandez, dont le fait d'être investi du pouvoir de commissaire enquêteur. Il y a certainement des enjeux auxquels vous avez fait face, ou votre ordre a fait face, au cours des dernières années. Donc, j'aimerais que vous puissiez l'illustrer davantage pour les fins de nos travaux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon) : Oui, bien, en fait, je vais vous exprimer... je vais vous expliquer un exemple qu'on a eu, qui est un exemple public, le dossier Pharmascience, dossier des avantages non autorisés que les pharmaciens ont reçus, qu'on a traité sur une période de 10 ans. Ça a pris 10 ans, traiter ce dossier-là, parce qu'il nous fallait, ou il fallait à notre syndic des renseignements de tiers pour pouvoir avancer dans ses enquêtes. Or, il nous a fallu aller jusqu'en Cour suprême pour obtenir des données. On comprend qu'aller en Cour suprême, là, ce n'est pas à la portée de n'importe quel ordre. C'est plusieurs centaines de milliers de dollars d'avocats pour aller là.

Malgré qu'on soit allés en Cour suprême et que l'ordre ait établi un principe fondamental au niveau de notre système professionnel, c'est-à-dire que le syndic pouvait requérir des renseignements de tiers, ce qui n'était pas nécessairement si évident auparavant, quand notre syndic, par la suite, a demandé les renseignements à d'autres compagnies pharmaceutiques que Pharmascience, une autre compagnie, la compagnie Apotex, a recontesté de nouveau le pouvoir de notre syndic d'obtenir les renseignements, et c'est allé de nouveau jusqu'en Cour d'appel.

Alors, je pense que je ne peux pas illustrer de meilleure façon le besoin. Malgré une décision de la Cour suprême, on nous a ramenés jusqu'en Cour d'appel pour avoir ces renseignements-là. Il nous semble que, dans une situation comme celle-là, le pouvoir de commissaire enquêteur aurait été tout à fait le bienvenu, si on veut agir avec diligence et investir les sommes correctement. Parce que les sommes qu'on a investies dans ces poursuites-là, elles n'ont pas pu être investies dans d'autres mécanismes de protection du public.

Mme Vallée : Et vous avez également fait référence à une meilleure protection des lanceurs d'alerte. Il y a, à l'intérieur du projet de loi, des dispositions permettant évidemment d'analyser certains dossiers et d'accorder une immunité à un lanceur d'alerte, mais j'aimerais vous entendre : Quels seraient des moyens additionnels qui pourraient ou devraient être mis en place et pourquoi?

Mme Lambert (Manon) : En fait, le projet de loi constitue une belle amorce, c'est-à-dire qu'il y a une immunité pour la personne, le pharmacien dans notre cas, le professionnel qui pourrait lui-même s'incriminer auprès du syndic en matière de justice disciplinaire, donc de lui accorder une immunité. Nous, ce qu'on a vu dans le passé, et quand on vous disait que les recommandations qu'on fait sont le fruit de choses qu'on a vécues, d'une longue expérience de gestion, bien, nous, on a vu que, parfois, c'est des employés des pharmaciens, par exemple, qui donnent l'alerte. Ces employés-là ne sont pas nécessairement des membres, et on a vu des cas où certaines de ces personnes-là ont subi des représailles par la suite, pouvant aller jusqu'à la perte d'emploi.

Évidemment, on est conscients que le Code des professions actuellement ne s'applique pas à ces gens-là. C'est peut-être difficile sur le plan technique et juridique de donner suite à cette recommandation-là, mais il nous semble opportun d'en discuter. Est-ce qu'on peut inclure une protection dans le code pour des gens qui ne seraient pas des professionnels? Ça sera aux avocats de le décider, mais il nous semble important de le faire, parce que, nous, de notre côté, c'est souvent des employés non professionnels... parfois des employés non professionnels qui lancent l'alerte.

Et, lorsqu'il est question de pratiques commerciales, lorsqu'il y a une main donnante et une main recevante, c'est extrêmement difficile pour nos syndics de pouvoir avoir accès à l'information pour amorcer ou continuer une enquête.

Mme Vallée : Donc, je comprends que votre préoccupation serait peut-être de trouver un moyen, qu'il s'agisse peut-être des normes du travail ou d'un... de trouver un moyen pour protéger le lanceur d'alerte employé d'un membre d'un ordre professionnel, qui dénoncerait des pratiques contraires à l'intérêt, à la protection du public.

Mme Lambert (Manon) : Absolument, quant à la protection de l'emploi, quant à la protection contre le harcèlement, ce genre de... Toute la question de la protection des renseignements personnels. Est-ce que le lanceur d'alerte, dans ce contexte-là, ne va pas devoir fournir des renseignements personnels? Donc, est-ce qu'il pourrait être poursuivi par son employeur pour l'avoir fait, alors que ces renseignements-là sont utiles dans la suite de l'enquête? C'est ce genre de protection là, je pense, qu'il faudrait donner. Parce que la réalité... Jean Landry en a parlé, l'environnement commercial change, et on voit de plus en plus des problèmes qui sont liés aux pratiques commerciales.

Mme Vallée : Et d'ailleurs c'est aussi une des raisons pour laquelle vous demandez, au même titre que le Collège des médecins l'a demandé la semaine dernière, d'avoir accès aux banques de données de la RAMQ, pour permettre à vos syndics aussi d'avoir des données supplémentaires pour intervenir en amont. Je comprends que cette question-là va être abordée ou est abordée dans le projet de loi n° 92, là, il y a des amendements qui ont été déposés. Donc, on travaille ensemble, on travaille en collaboration. Mais je pense qu'il y a une volonté d'y voir, là, dans les travaux qui ne sont pas de cette commission-là mais, bref, qui sont de notre grande équipe.

Sur la question de l'éthique et de la déontologie, vous avez abordé un élément intéressant en disant : Bien, en dehors des critères qui sont déjà prévus à l'article 45, nous, on vous propose d'ajouter le critique... pas une critique, mais d'ajouter qu'on puisse refuser la délivrance du permis à une personne qui ne présente pas les sentiments moraux qu'on recherche chez un professionnel, basés sur les moeurs et la conduite. Alors, comment on pourrait encadrer ça? Puis qu'est-ce que vous voulez dire? Parce que ça semble très subjectif comme élément, et peut-être difficile de mettre en application puis d'assurer qu'il n'y ait pas d'utilisation, disons, qui ne serait pas celle souhaitée.

Mme Lambert (Manon) : En fait, ce n'est pas une innovation qu'on vous propose, c'est déjà un mécanisme qui est prévu à la Loi sur le Barreau et pour la Chambre des notaires. Il y a déjà de la jurisprudence qui est venue établir deux choses. La première, c'est que c'est vrai que c'est un pouvoir discrétionnaire et large, mais qui ne peut pas être exercé sans tenir compte des principes de justice naturelle, de l'équité procédurale, et les tribunaux sont venus circonscrire ce pouvoir-là. Il y a déjà de la jurisprudence, et un ordre qui l'utiliserait pour des fins autres que celles qu'on propose dans notre mémoire pourrait être sujet à un mécanisme de révision par les tribunaux.

Mme Vallée : Donc, pour vous, pour les fins de la protection du public, il serait opportun que ce critère-là ne se retrouve pas simplement dans les lois propres à un ordre mais qu'il s'agisse d'un critère général auquel l'ensemble des ordres sont assujettis?

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, ça pourrait être un pouvoir, c'est-à-dire pas une obligation, donc un ordre qui veut s'en prémunir. Mais, comme on le dit dans notre mémoire, on est d'accord pour les cours d'éthique et de déontologie, mais de tenter d'enseigner l'éthique à quelqu'un qui n'a pas la motivation d'agir de façon éthique, ça ne fonctionnera pas. Et c'est dans cette optique-là... C'est rare que ce pouvoir-là va être utilisé, mais on a peut-être un ou deux exemples en tête, de notre côté, où, effectivement, on a eu des signalements alors que la personne était étudiante, mais, comme il n'y a pas eu vraiment d'infraction criminelle, on ne pouvait pas utiliser... je pense que c'est 45 du code, on ne pouvait pas utiliser cette disposition-là et on ne pouvait à peu près rien faire avec le signalement. Parce que, dans notre cas, le processus d'admission est extrêmement technique : la personne a son diplôme, elle paie sa cotisation, elle fournit les informations, elle est inscrite, point final.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes.

Mme Vallée : Aïe! Sur la question du pôle de coordination, vous suggérez que l'ordre soit consulté avant que le pôle identifie des besoins de collecte. Pourquoi?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, nous, dans notre structure actuelle, on a réussi à faire des grands avancements. On a déjà mis en place un programme universitaire pour les diplômés hors Québec. Dans la structure actuelle, avec une concertation qui s'est faite de façon assez efficace, grâce à un financement de cette initiative-là, il y a une trentaine de pharmaciens formés hors Québec qui sont diplômés de ce programme de l'Université de Montréal à tous les ans et qui rejoignent la profession tous les ans. Donc, c'est faisable de le faire sans changer le mécanisme. On n'est pas contre un pôle d'information, mais évidemment on doit jouer un bon rôle là-dessus.

• (13 heures) •

Mme Lambert (Manon) : Précisément, votre question, c'est que, parfois, quand on demande des statistiques, on n'a pas nécessairement conscience du travail qui est requis pour fournir ces statistiques-là, des changements qui sont requis au niveau des systèmes d'information, des coûts que ça occasionne. Donc, il faut s'assurer que les données qu'on va demander sont facilement collectables par les ordres sans induire un travail... Parce qu'encore une fois les ordres, ce n'est pas des organisations très riches pour la plupart. Donc, ce qu'on met comme ressources d'un côté, on ne le met pas de l'autre, dans nos autres mécanismes de protection du public.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Lambert. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bienvenue, M. Bolduc, Mme Lambert, M. Landry, merci de partager avec nous votre expérience et vos recommandations. Sans plus tarder, j'inviterais ma consoeur députée de Taillon de poser ses questions à...

Mme Lamarre : Merci. Ça vous va, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui, bien, ça s'en va à Taillon, c'est sûr.

Mme Lamarre : C'est bon? Merci. Alors, bienvenue à vous trois. Très contente de voir que vous avez invité un administrateur nommé pour cette présentation qui concerne la gouvernance dans le projet de loi n° 98. C'est un enjeu majeur. M. Landry, vous êtes président du comité de gouvernance et d'audit. Le comité antérieur, en fait, c'était un administrateur nommé qui était aussi président avant vous. Est-ce que vous en feriez une recommandation? Est-ce que l'ordre en ferait une recommandation? Parce qu'on est dans un... Le projet de loi n° 98 a comme objectif d'améliorer la confiance du public. Est-ce que d'avoir un administrateur nommé comme président d'un comité de gouvernance, ce n'est pas un signal intéressant?

M. Landry (Jean) : Bien, écoutez, je suis en conflit d'intérêts pour répondre à votre question, mais...

Mme Lamarre : On reconnaît votre...

M. Landry (Jean) : ... mais, objectivement, je crois...

Mme Lamarre : Mais le président peut répondre.

M. Landry (Jean) : Je croirais qu'objectivement ce qui devrait guider les ordres pour nommer un président, c'est les compétences de la personne, ses expériences passées, et tout. Ça peut être un administrateur nommé. Ça pourrait, dans notre cas, être un pharmacien. Évidemment, l'avantage d'un administrateur nommé, c'est que, lors des nominations par l'office, on peut préciser notre demande, un objectif avec un profil qui va vers, dans mon cas, le comité d'audit ou le comité de gouvernance. Mais je pense que ce qui doit primer, c'est l'expérience, les connaissances, les compétences de la personne.

Mme Lamarre : Merci. On n'a que 6 min 24 s en tout. Alors, pour le tiers, la ministre a posé de très bonnes questions, mais ce que j'entends... vous avez présenté, hier on a eu l'ordre des vétérinaires, le Collège des médecins, l'Ordre des optométristes, je crois qu'il y a une urgence à vraiment légiférer et donner le pouvoir aux ordres au niveau des tiers. Il y a 40 ans, ce n'était pas dans le profil des ordres, c'était une autorité par rapport à un membre, mais là on se rend compte qu'on a énormément d'autres personnes, personnes morales ou physiques, qui interviennent. Alors, c'est bien entendu de ce côté-là.

Vous avez parlé du fonds d'assurance responsabilité professionnelle et vous souhaitez le garder dissocié du budget, dans le fond, de l'ordre. Vous êtes les premiers à nous en parler. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de détails? Mais j'aurais encore une question après, je vous le dis, sur le commissaire à l'admission.

M. Landry (Jean) : Écoutez, notre point là-dessus, c'est que les fonds d'assurance... Et puis, pour peut-être mettre les choses en perspective, depuis une quinzaine d'années, j'ai participé sur des conseils d'administration de trois fonds d'assurance, et les fonds d'assurance sont un mécanisme extrêmement rigoureux pour assurer, comme je le disais tout à l'heure, que les ordres professionnels ont toujours... sont en mesure de cumuler des fonds pour protéger le public en cas d'erreur professionnelle. Ces mécanismes-là fonctionnent très bien. Ils sont encadrés par l'AMF, l'Autorité des marchés financiers. Certains disent : L'AMF va trop loin, trop pointilleux. Bien, peut-être. Mais moi, j'ai été conscient de l'évolution de la qualité de la gouvernance des fonds depuis une quinzaine d'années. Je peux vous dire que, grâce à l'intervention de l'AMF, la rigueur qui est maintenant appliquée dans les fonds que je connais, à tout le moins, elle est extrêmement... elle a changé complètement, et je devrais dire que cette rigueur-là se compare presque à la rigueur qui est appliquée aux grandes compagnies, que ce soit Intact, que ce soit Desjardins, assurances générales. Et c'est là, des fois, que le bât blesse, c'est que l'AMF n'a pas nécessairement la marge de manoeuvre pour de temps en temps dire : Bien, j'applique une ligne directrice à tout le monde, puis, quand il arrive dans un petit fonds... comme celui, par exemple, des pharmaciens, il l'applique de la même façon, ce qui devient une charge assez importante, je l'admets.

Mais, ceci étant dit, ça a permis une amélioration importante de la gouvernance. Et il faut se rappeler que c'est un domaine extrêmement technique et que ce n'est pas... Je prends toujours l'exemple des pharmaciens, ce n'est pas évident qu'on va trouver, parmi les pharmaciens, des actuaires, les comptables spécialisés, des avocats spécialisés dans ce domaine-là. Alors, moi, je pense que c'est un mécanisme qui a fait ses preuves, qui a connu quelques difficultés de fonctionnement, mais qui ont été résolues par les ordres professionnels, chez nous et ailleurs.

Donc, je me dis : Plutôt que de changer un système qui a très bien fonctionné, qui a fait ses preuves... 350 millions, excusez l'expression, ce n'est pas des pinottes, bien, c'est là et c'est disponible pour la protection du public.

Mme Lamarre : Je vois aussi le fait que, pour un professionnel, puis je prends l'exemple d'un pharmacien, le fait... On insiste beaucoup pour que les gens déclarent volontairement maintenant leurs erreurs. Si l'organisme qui reçoit la déclaration d'erreur est celui qui est susceptible de la sanctionner comme étant l'ordre, on peut briser ce qu'on essaie de, finalement, favoriser dans la déclaration des erreurs.

Je vais juste vous faire parler quelques minutes sur le commissaire à l'admission et sur le modèle qui a été développé au niveau de la qualification en pharmacie, parce que vous avez un modèle, je pense, qui a été financé et qui a donné des résultats. Donc, je vous laisse le temps qui reste pour le préciser.

Le Président (M. Merlini) : Il vous reste 45 secondes.

M. Bolduc (Bertrand) : Voilà. Les intervenants, que ce soient les universités, l'ordre, le ministère de l'Immigration... le ministère de l'Éducation et de l'Immigration, se mettent ensemble, on a une problématique, on crée un programme universitaire de qualification qui dure un an, plus un stage de quatre mois qui suit. On a, nous, prêté notre directrice à l'admission pendant plus d'un an pour monter ce programme-là. Aujourd'hui, plus d'une trentaine de pharmaciens diplômés hors Québec, à tous les ans, graduent de ce programme-là, et ça fonctionne très, très bien. Évidemment, c'est contingenté, comme l'entrée en pharmacie régulière, les programmes de pharmacie le sont aussi, mais, parce que ce programme-là a été bien coordonné, bien financé, ça fonctionne très, très bien.

Alors, on peut avoir une vision d'intégrer les diplômés hors Québec, mais une vision sans financement, c'est une hallucination. Alors, quand on est bien financés, que les gens veulent bien travailler ensemble, ça fonctionne très, très bien, on n'a pas besoin de changer tout le cadre autour de ça.

Mme Lamarre : Vous avez été financés pour ce programme à quelle hauteur, de quelle façon?

Mme Lambert (Manon) : Ma mémoire fait défaut, mais c'était autour de 1,2 ou 1,6 million de dollars qu'on a reçus en subvention pour développer le programme. En fait, ce n'est pas nous, c'est l'université qui a reçu la subvention pour développer le programme.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour cette réponse. On va maintenant à la députée de Montarville. À vous la parole.

Mme Roy : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être là. Mémoire étoffé, beaucoup de détails. Chose intéressante, je vous amène tout de suite à la page 2, un sujet que nous n'avons pas encore abordé. Vous nous parlez du commissaire aux plaintes et vous nous dites, c'est une de vos dernières recommandations : «Finalement, l'ordre ne soutient pas l'élargissement des pouvoirs du commissaire aux plaintes à l'ensemble du processus d'admission et émet de sérieux doutes quant à l'efficacité de cette mesure.» Pourquoi est-ce que vous émettez des doutes quant à l'efficacité de cette mesure?

Mme Lambert (Manon) : On a vérifié les données financières et le nombre de traitements de dossier. Alors, juste pour vous faire un parallèle, si on compare au syndic à l'Ordre des pharmaciens, au syndic à l'Ordre des pharmaciens, quand je regarde le budget et le nombre d'enquêtes traitées, on est à peu près à 5 000 $ par enquête traitée, ce qui n'est pas rien, mais qui... Quand je fais les chiffres de la dernière année du commissaire, avec un budget de 530 000 $ puis une quinzaine d'enquêtes, bien, ça nous mène à 35 000 $ à 40 000 $ par enquête. Dans un contexte où on veut utiliser les ressources sainement, il nous semble que, si on veut étendre à l'ensemble du processus d'admission, il faut avoir, premièrement, des données : Qu'est-ce qu'on veut corriger? On n'a pas... Où sont les problèmes dans l'admission des étudiants... des professionnels québécois? Quel est le problème du parcours? On nous a parlé de parcours particuliers, mais encore.

Parce qu'au niveau québécois on a déjà un autre mécanisme qui est prévu au Code des professions pour discuter de ces problèmes-là, et ça, ça s'appelle les comités de formation, donc, où le ministère de l'Éducation, les facultés ou les cégeps et les ordres professionnels s'assoient pour évaluer les programmes, pour évaluer la qualité, pour discuter des problèmes. Bien que ce mécanisme-là ne fonctionne pas correctement dans tous les ordres, je pense qu'on devrait regarder ce mécanisme-là, pour ce qui est des diplômés québécois, parce que c'est un mécanisme qui, lorsqu'il est bien utilisé, c'est le cas chez nous, lorsqu'il est bien utilisé, nous permet d'avoir des discussions fort intéressantes avec nos vis-à-vis de l'Éducation.

Mme Roy : Si je vous comprends bien, vous êtes en train de me dire que ça coûte cher d'enquête, puis, les résultats, on pourrait peut-être arriver avec des résultats intéressants sans nécessairement étendre les pouvoirs du commissaire?

• (13 h 10) •

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, si on en savait davantage sur les problèmes du parcours des Québécois et ce qu'on veut régler, on serait davantage en mesure de dire : Est-ce que l'élargissement des pouvoirs du commissaire, c'est vraiment la solution? Est-ce que c'est le moyen le plus efficace, le plus efficient? Mais, pour le moment, honnêtement, on n'a pas ces données-là.

Mme Roy : Vous nous parlez de plaintes... des enquêtes à l'égard du nombre de plaintes qui sont portées à l'égard de votre ordre au commissaire aux plaintes. Vous nous dites que c'est à peu près 5 000 $ par plainte, traiter un dossier?

Mme Lambert (Manon) : C'est au syndic, ça.

Mme Roy : Au syndic, pardon. Si on revient au commissaire aux plaintes, dans quelles mesure la pertinence de l'étendre... Enfin, vous vous questionnez... Je reprends ma question à l'envers, là. Vous vous questionnez sur l'efficacité et vous soumettez qu'il y aurait peut-être une autre façon d'y arriver.

Mme Lambert (Manon) : Bien, effectivement, vous avez tout à fait raison, vous avez bien compris notre propos. Mais, en amont de ça, je dirais que notre recommandation serait encore plus pertinente si nous savions quels problèmes on veut traiter. En pharmacie puis en médecine, on commence d'abord par faire le diagnostic, et ensuite on applique le traitement, on donne le bon médicament pour la bonne maladie. Actuellement, on ne sait pas trop quelle est la maladie pour ce qui est du parcours des Québécois. Le diagnostic est un peu flou.

Mme Roy : Donc, il y a des réserves à cet égard-là. Je vous amène à la page 5 maintenant, lorsqu'on parle de la composition du... pas de la composition, mais des prérogatives du C.A., entre autres à l'effet de faire en sorte que ce soit le C.A. qui a la responsabilité de fixer les montants de la cotisation annuelle des membres. Parce que, Dieu sait, quand on fait partie d'une corporation professionnelle, la cotisation annuelle, c'est quelque chose qui nous intéresse. Je pose la question. Je l'ai posée aux organismes avant vous, aux ordres avant vous. Vous êtes également favorables à ce que ce soit le C.A. qui détermine le montant, mais vous nous arrivez avec une suggestion intéressante : une forme d'obligation de transparence. J'aimerais que vous m'en parliez pour le temps qu'il reste.

Le Président (M. Merlini) : En une minute.

M. Bolduc (Bertrand) : Présentement, c'est les membres qui décident puis qui approuvent la suggestion d'augmentation de cotisation. Donc, on est soumis au bon vouloir de nos membres de nous financer. Si on transfère tout le pouvoir du côté du conseil d'administration, ce qu'on dit, c'est : Bon, bien, maintenant les membres vont être en otages vis-à-vis du conseil d'administration. Ce qu'on dit : Bien, plus facile par le conseil d'administration de juger qu'est-ce que ça prend, mais il faut être raisonnable, il faut être transparent et il faut avoir un mécanisme de compensation potentiel par un audit de l'office si on exagère. Alors, pour une bonne gestion des fonds que les membres nous confient et qu'on dédie à la protection du public, il faut quand même être sérieux et avoir un mécanisme de contrôle pour être sûr que les sommes sont bien utilisées.

Le Président (M. Merlini) : Mme Lambert, M. Bolduc et...

Mme Lambert (Manon) : Ah...

Le Président (M. Merlini) : Vous avez un complément? Allez-y. Je vais vous permettre le complément.

Mme Lambert (Manon) : Bien, en d'autres termes, il ne faut pas passer d'un côté du balancier à l'autre sans passer par le milieu puis avoir un certain équilibre.

Le Président (M. Merlini) : Alors, Mme Lambert, M. Bolduc et M. Landry, représentant l'Ordre des pharmaciens du Québec, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures, où nous continuerons notre mandat, à la salle La Fontaine. Merci et bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 13)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Merlini) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 98, Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements cet après-midi?

Le Secrétaire : Non, c'est le même remplacement que ce matin.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Alors, nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : l'ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie du Québec, l'Ordre des technologues professionnels du Québec, Les Entreprises Daniele Henkel et le Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec.

Alors, nous avons maintenant devant nous l'Ordre des technologues en imagerie médicale. Alors, je vous inviterais à vous identifier. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et suivront les échanges avec Mme la ministre et les porte-parole des deux groupes d'opposition. Alors, à vous la parole, et bienvenue à la Commission des institutions.

Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie
et en électrophysiologie médicale du Québec (OTIMROEPMQ)

Mme Boué (Danielle) : M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, bonjour. Je suis Danielle Boué, présidente de l'Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Alain Cromp, directeur général et secrétaire de l'ordre.

D'entrée de jeu, nous souhaitons vous remercier de nous accueillir aujourd'hui dans le cadre de cette consultation.

Fondé il y a 75 ans maintenant, notre ordre encadre la pratique professionnelle de plus de 6 000 technologues issus de quatre professions distinctes. Afin de mieux nous connaître et savoir qui nous sommes, je vous précise que les technologues en imagerie médicale utilisent des techniques ayant pour but de produire des images qui servent à établir un diagnostic chez les patients. Ce sont eux, entre autres, qui réalisent les examens, les images de médecine nucléaire, les images en échographie, en mammographie et en résonance magnétique, pour ne nommer que ceux-ci. Ce sont les technologues en radio-oncologie qui traitent les patients atteints du cancer en appliquant les traitements de radiothérapie. Et finalement, si vous passez un électrocardiogramme à l'effort, c'est-à-dire un célèbre tapis roulant, c'est fort probablement un technologue en électrophysiologie médicale qui s'occupera de vous cette journée-là.

Alors, avec le respect... afin de respecter, pardon, le temps qui nous est imparti aujourd'hui, nous irons directement droit au but sur les points qui nous préoccupent.

Le projet de loi n° 98 propose de transformer le commissaire aux plaintes en un commissaire à l'admission en élargissant ses pouvoirs. Pourquoi? Nous nous questionnons sur les résultats que nous attendons d'une telle mesure.

Prenons l'exemple manifeste des candidats étrangers. Le réel problème, pour nous, c'est l'accès aux stages. Les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, n'offrent pas suffisamment de places de stage. Bien que notre ordre admette les candidats étrangers sur la base de l'accord de reconnaissance mutuelle de compétences en leur accordant un permis temporaire, ils doivent malgré tout faire un stage pour obtenir un permis régulier. Quelques chiffres pour mettre le tout en images. Depuis 2012, dans le cadre de l'accord avec la France, nous avons reçu 59 demandes de permis de candidat. 100 % des demandes d'équivalence ont été acceptées par le comité, avec une obligation de stage. De ce 100 %, encore aujourd'hui, 37 % des candidats sont toujours en attente d'une place de stage. Donc, vous comprenez bien, par ces chiffres, que la problématique n'est pas située à l'ordre professionnel.

Je vous raconte un cas pratique, qui est le cas de Frédéric. Donc, Frédéric est un candidat français à qui nous avons donné un permis temporaire. Il doit bien sûr réaliser un stage, un stage en échographie afin de pratiquer dans le secteur. Frédéric a fait des démarches auprès de 22 établissements de la santé, qui lui ont tous refusé l'accès aux stages. Il a écrit au président de l'Office des professions, au ministre de la Santé et des Services sociaux, rien à faire, aucune place de stage pour Frédéric. Les établissements publics n'ont pas de budget, pas de personnel. Quant aux cliniques privées, elles ne prennent tout simplement pas de stagiaire. Dites-moi comment, maintenant, le nouveau commissaire à l'admission pourrait faire en sorte que Frédéric ait accès au marché du travail?

Peut-être pensez-vous que le pôle de coordination aura plus d'efficacité. Nous en doutons, car, déjà en 2011, nous écrivions à l'Office des professions pour sonner l'alarme sur l'absence de milieux de stage. Le président de l'office partageait alors la préoccupation qui est la nôtre et nous précisait que, justement, le pôle de coordination avait pour mandat de se pencher sur ce problème. Cinq ans plus tard, force est de constater que, malgré tout ça, malgré le fait qu'il s'agissait d'une priorité dans le plan d'action du pôle, il n'y a toujours rien de fait. Nous n'avons toujours pas de place de stage.

Alors, pour nous, qu'on l'appelle le commissaire aux plaintes, le commissaire à l'admission, le pôle de coordination ou toute autre table de concertation qu'on pourrait imaginer, ça va prendre une volonté politique d'exiger des établissements qu'ils ouvrent des places de stage. Si vous souhaitez vraiment être efficaces dans ce dossier, il faut asseoir des décideurs autour de la table et qu'ils puissent décider de mesures concrètes, plutôt que de créer un pôle ou un commissaire qui vont justement nous refaire des recommandations que nous connaissons très bien.

C'est pour toutes ces raisons que notre ordre recommande que soit retirée du projet de loi la désignation du commissaire à l'admission de même que ses nouveaux pouvoirs. Quant au pôle de coordination, nous appuyons la recommandation du Conseil interprofessionnel du Québec voulant que le comité interministériel prenne les mesures nécessaires pour bonifier l'offre de places de stage.

• (15 h 10) •

M. le Président, nous souhaitons aussi sensibiliser les parlementaires aujourd'hui à un autre enjeu majeur auquel font face plusieurs ordres professionnels : la lourdeur du processus réglementaire. Sachez que modifier ou adopter une loi constituante ou un règlement est un parcours laborieux pour les ordres. Les délais, les étapes, la lourdeur des processus paralysent nos organisations. Pire, lorsqu'il est simplement question de demander une mise à jour de la formation initiale de nos membres, les ordres doivent composer avec différents ministères dont les officiers sont souvent très mal coordonnés. À preuve, notre ordre demande depuis 2010 déjà la création d'une formation distincte en échographie et une formation plus approfondie dans le secteur de la mammographie, entre autres. Notre dossier de correspondance, de résumés de réunions se compte par centaines de pages. Comités au ministère de l'Enseignement supérieur, comités au ministère de la Santé et des Services sociaux, comités interministériels, tables de concertation, ça ne finit plus, les représentations. Pourtant, il s'agit d'un dossier où on veut mieux former nos technologues, qui réalisent des examens ou qui appliquent des traitements contre des maladies graves comme le cancer.

Il faut que l'office soutienne les ordres dans leurs démarches, leur ouvre des portes et qu'ils s'impliquent auprès des différents intervenants, pour nous permettre de remplir mieux notre mission de protection du public.

C'est pour cette raison, M. le Président, que nous demandons que le comité interministériel supervise la révision systématique, tous les cinq ans, des programmes de formation collégiale afin d'assurer l'adéquation entre les programmes de formation et les besoins des différentes professions.

En terminant, nous aborderons trois points relatifs à la gouvernance. En ce qui a trait au code d'éthique des administrateurs, nous sommes parfaitement en accord. De fait, notre ordre a déjà ce type de code depuis 2005. Nous souhaitons cependant vous proposer la simplicité, encore une fois. Tel que rédigé, le projet propose que l'office adopte un règlement qui viendrait dicter le contenu du code pour qu'ensuite chaque ordre adopte à son tour un nouveau règlement pour son propre code. A-t-on besoin d'un règlement? De grâce, simplifions les choses. Nous proposons un seul règlement, celui de l'office, et la possibilité que le code soit adopté par simple résolution du conseil.

Deuxième point, nous comprenons la volonté de réduire la taille des conseils d'administration des ordres. Puisque notre ordre regroupe quatre professions différentes, nous serons placés devant un défi, d'assurer un juste équilibre entre la diversité régionale et les profils de compétence requis pour exercer notre mandat. Plus tôt, je vous parlais de la lourdeur administrative lorsque vient le temps d'adopter des règlements. Alors, nous souhaitons que l'office fasse preuve de flexibilité et d'ouverture lorsque viendra le temps de modifier nos règlements.

Dernier point, sur le rôle du président au sein des ordres. Le président est un élu et, en ce sens, il est imputable des activités de l'ordre. Cela signifie qu'il a la capacité d'agir en dehors des séances du conseil d'administration. Dans les faits, cette responsabilité est en parfaite continuité avec son rôle au sein du conseil. Cela fait de lui un leader imputable, bien sûr, mais aussi un porte-parole pertinent, crédible pour toute l'organisation. Notre ordre recommande donc de conserver la responsabilité de surveillance générale au président.

En conclusion, nous souhaitons souligner que nous appuyons sans réserve toutes les propositions visant à accroître l'éthique et à accorder l'immunité disciplinaire aux lanceurs d'alerte. Il en va, évidemment, de la confiance du public à l'égard du système professionnel québécois.

En vous remerciant de votre attention, nous sommes maintenant disposés à répondre à l'ensemble des questions. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Boué, pour votre exposé. Alors, nous allons maintenant débuter la période des échanges avec Mme la ministre et députée de Gatineau. À vous la parole.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Boué, bienvenue. Bien, en fait, je vous dis «bienvenue», mais vous êtes ici à tous les jours depuis le début de nos travaux. Alors, vous êtes dans la salle, bien discrète. Alors, j'ai l'impression que vous savez déjà, d'ores et déjà, les questions que je risque de vous poser et les angles, parce que vous avez su nous observer et observer les échanges.

D'abord, merci. Évidemment, pour moi, c'est important, là, quand même, de réitérer, même si vous m'avez entendue le dire abondamment, la volonté... notre volonté, ce n'est pas de créer des structures additionnelles. Parce que vous laissez sous-entendre dans votre présentation que l'objectif... que l'une des conséquences du projet de loi, c'est de créer des structures additionnelles et puis des structures lourdes qui ne viendront pas répondre à un besoin concret. Et notre volonté, avec le projet de loi, justement, ce n'est pas de créer des structures, c'est d'utiliser les outils que nous avons actuellement, les rôles qui sont déjà... Le commissaire existe déjà. Donc, on a un commissaire qui a des fonctions, qui a des pouvoirs, qui est déjà en place et qui connaît déjà pas mal le système professionnel pour avoir eu, au cours des six dernières années, à y oeuvrer et à émettre des recommandations. C'est de l'utiliser et de lui donner ce pouvoir un peu plus large, d'avoir un regard élargi, parce que (interruption) — excusez-moi — il y a différents enjeux, je pense, qui sont pour nous importants, notamment d'assurer l'équité dans le traitement des demandes, que ce soit demande d'un citoyen du Québec, ou qui a fait son profil, son parcours ici, ou un candidat qui a reçu une formation à l'étranger, et aussi de porter son regard sur des organismes, des tierces parties qui sont en dehors du système professionnel.

Parce que vous l'avez très bien indiqué dans votre mémoire, dans votre plaidoyer — parce qu'on sentait votre passion — qu'il y a d'autres intervenants qui ont un rôle à jouer dans l'entrée dans le système professionnel, pour faciliter l'entrée dans le système professionnel. Vous, vous avez un rôle d'assurer la protection du public, d'assurer que les candidats et les candidates vont avoir les compétences et vont avoir tout le bagage qui est requis pour assurer la protection du public à l'intérieur d'un champ de pratique très particulier, mais il y a d'autres intervenants autour de la table qui vont avoir... qui vont offrir les formations, qui vont émettre un certain nombre de règles et qui sont interpellés par la question. Donc, l'objectif, c'est vraiment d'avoir cette concertation-là, d'avoir des outils, d'utiliser plus efficacement ce qui existe déjà.

On institutionnalise le pôle justement pour permettre d'avoir... de lui donner ce statut qui est important. Et il est faux de prétendre que le pôle n'amènera pas aux décideurs les enjeux. Parce qu'en ayant des représentants des ministères autour de la table, en ayant les ministères autour de la table, bien, vous avez directement le lien avec le ministre ou la ministre responsable du secteur. Et l'objectif, c'est aussi... c'est d'assurer que les préoccupations, les enjeux seront portés à ceux et celles qui ont le pouvoir de modifier la façon de faire les choses, comme ça a été le cas dans le passé. Parce que vous n'êtes pas sans savoir que le commissaire a, par le passé, fait des recommandations qui ont amené des modifications réglementaires, qui ont amené à modifier certains textes afin de contourner une problématique qui était rencontrée.

Dans votre représentation, vous dites que... vous abordez la question du manque de places de stage. Je ne veux pas vous reciter, parce que vous avez été très claire à cet effet-là, mais est-ce que vous pensez que la question des places de stage, c'est vraiment juste une question d'argent? Parce qu'il y a plus que ça. Il n'y aurait pas d'autres enjeux que les questions monétaires derrière la pénurie ou la recherche de places de stage? Parce que vous en avez fait une question plus financière que d'autres choses, mais il y a plus que ça derrière le manque de places de stage, non?

Mme Boué (Danielle) : Effectivement, Mme la ministre — merci pour la question — effectivement, il y a plus que ça, on a fait un portrait succinct. Il y a le nombre de places de stage, en partant. Historiquement, il faut comprendre que dans les secteurs qui ont été en pénurie, comme les nôtres, au cours des 10 dernières années, se sont multipliées les places de formation, donc les sites de formation ont été multipliés. Ça occupe déjà beaucoup le bassin des places de stage. Donc, ces places-là se font déjà rares au départ. Même pour les candidats, là, qui sont en cheminement régulier, là, dans nos collèges québécois, il y a déjà des difficultés. Donc, ajouter des candidats supplémentaires sur le nombre, ça met de la pression. Et c'est ce qu'on avait signalé en 2011 au pôle de coordination, et ça faisait partie des discussions que j'avais eues avec M. le président de l'Office des professions.

Mais évidemment il y a toujours un enjeu financier aussi. On sait que le réseau de la santé, actuellement, est en restrictions budgétaires, à tout le moins, donc il y a des coûts qui sont associés à l'accueil de candidats stagiaires, donc, et c'est indépendamment de notre volonté. Donc, nous, on offre aux candidats... On vous a donné aux pages 6 du mémoire l'ensemble des processus qu'on a pour l'admission tant des candidats québécois que des candidats qui sont formés à l'étranger. Et on leur offre, évidemment, aux candidats de pays étrangers, des listes de centres de stage, mais, au-delà de ça, nous, on ne peut pas imposer à un milieu d'accepter des stagiaires.

Mais, essentiellement, Mme la ministre, pour répondre à votre question, c'est le nombre de places et les coûts, en termes financiers, mais aussi en ressources humaines, je pense qu'il faut comprendre, là, au niveau des restrictions aux ressources humaines.

• (15 h 20) •

Mme Vallée : Mais il y a quand même...le pôle a quand même donné... puis je pense qu'il faut le reconnaître, le pôle a quand même permis de mettre en place des moyens, des mesures pour améliorer cet enjeu de places de stage. Je pense, l'ouverture du MEES, qui a permis le financement des places de stage, ça découle d'une recommandation du pôle, ça.

Mme Boué (Danielle) : Malheureusement, ça n'a eu aucun impact dans notre secteur. Donc, on a des candidats qui...

Mme Vallée : Mais il faut penser... Là, je pense que... Oui, je comprends...

Mme Boué (Danielle) : Oui, là, je vais parler pour moi, là...

Mme Vallée : Vous parlez pour vous, mais je sais que vous êtes très active au sein du CIQ, donc vous parlez aussi pour l'ensemble des ordres.

Mme Boué (Danielle) : Oui, mais je parle pour moi aujourd'hui.

Mme Vallée : Mais il y a quand même... Je comprends que, pour votre secteur, peut-être que...

Mme Boué (Danielle) : Ça n'a pas eu d'impact.

Mme Vallée : ...l'impact a peut-être été moindre, et il y a peut-être d'autres ordres aussi pour lesquels... Parce qu'on a des ordres qui nous ont dit : Bien, nous, on n'a pas eu d'enjeu particulier au cours des dernières années. Mais le pôle a quand même permis de dégager des pistes de solution par le passé parce que, justement, les gens, les intervenants étaient autour d'une même table et ensemble pouvaient arriver à trouver une solution commune. Vous ne croyez pas que de l'institutionnaliser, ça va donner une impulsion additionnelle, et puis c'est encore plus important lorsqu'on crée une table de concertation informelle, il y a peut-être moins de pressions que lorsque la table de concertation devient encadrée à l'intérieur d'un texte législatif et est institutionnalisée. Elle a donc tout... Elle a une reconnaissance, sa raison d'être a une reconnaissance, et, d'une certaine façon, ça amène une imputabilité aussi qui est encore plus grande, parce qu'elle est beaucoup plus visible, et, ses pouvoirs étant inscrits dans un texte législatif, bien, il y a une obligation, d'une certaine façon, d'en arriver à des recommandations, et à tendre vers l'objectif derrière son institutionnalisation, et d'en arriver à des solutions, et de se pencher sur les véritables questions qui sont des freins à l'admission, c'est-à-dire : Quels sont les freins à l'admission aux professions et comment pouvons-nous réduire ces freins-là, limiter ces freins-là ou les faire disparaître, finalement?

Mme Boué (Danielle) : Plusieurs choses, Mme la ministre.

Mme Vallée : Oui, en effet.

Mme Boué (Danielle) : Si vous le permettez, dans un premier temps, écoutez, je parle pour notre organisation, avec les situations qui nous ont été rapportées, que ce soit le cas de Frédéric, que je citais en exemple dans mon allocution, ou même d'autres cas de retour à la profession qui, malheureusement, ont dû abandonner leurs projets parce qu'ils ne réussissaient pas à trouver de places de stage. Pour nous, on n'est plus à l'heure des diagnostics. Donc, pour nous, le diagnostic, il a été fait, c'est des places de stage. Donc, si on veut passer en mode action et qu'on veut vraiment faire une différence pour ces candidats-là qui veulent un permis d'exercice complet, régulier dans nos secteurs d'activité, il faut asseoir des décideurs qui ont le pouvoir d'ouvrir des places de stage.

Donc, pour nous, c'est intéressant, mais ce n'est pas la bonne mesure, et on questionne encore la raison. Puis vous l'avez dit tout à l'heure, j'ai assisté... effectivement, j'ai eu le plaisir d'assister aux différentes présentations de mes collègues au cours des journées de la commission, et plusieurs ont questionné, et je me pose toujours la même question après ces journées : Quelle est la véritable chose qu'on veut solutionner par l'élargissement de ce pouvoir du commissaire? Quand on regarde que nous, au cours des années, on a eu un cas de dénoncé au commissaire aux plaintes, il n'en a résulté aucune, aucune recommandation. Donc, on n'avait aucuns travaux à faire là-dessus. Les seuls travaux qu'on a faits, qui ont été suite au commissaire, ce sont les demandes d'études qui créent une pression supplémentaire sur nos organisations et, en bout de ligne, qui finissent par coûter aussi des sous à chacun des membres des ordres professionnels.

Donc, peut-être que, pour d'autres organisations, ça peut être pertinent. En ce qui nous concerne, le diagnostic est clair, c'est un problème de manque de stages et ça prend des gens qui vont être en pouvoir de décider d'ouvrir ou non... c'est une volonté politique, d'ouvrir ou non des places de stage.

Mme Vallée : Est-ce que vous ne croyez pas... Parce que vous demandiez : Pourquoi l'élargissement du rôle du commissaire? Il y a des similitudes entre le parcours des candidats qui sont formés à l'étranger puis le parcours des candidats qui sont formés au Québec. Ils ont quand même des similitudes à l'intérieur du parcours d'admission. Donc, est-ce que vous ne croyez pas que c'est inéquitable que, pour le candidat formé à l'étranger, il y ait un recours, il y ait une possibilité d'avoir un traitement d'une plainte, alors que ce recours-là, le recours au commissaire, n'est pas ouvert à un candidat qui a fait son parcours de formation ici, au Québec? Est-ce que vous ne voyez pas qu'il y a une certaine inéquité?

Prenons-le du point de vue de l'étudiant qui a fait sa formation au Québec. Prenons un étudiant étranger, par exemple, qui a fait sa formation au Québec. Donc, toute sa formation a été faite au Québec, mais son admission... il rencontre des enjeux au niveau de l'admission. Et lui n'aurait pas recours au commissaire, alors que l'étudiant étranger qui arrive avec une formation reçue de l'étranger, souhaite intégrer un ordre, cette personne-là a recours au commissaire aux plaintes actuellement. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a une inéquité dans ce traitement-là?

Parce que, comme je vous le mentionnais, c'est l'objectif. L'objectif, c'est d'avoir une équité entre les candidats, c'est d'avoir ce recours-là, cette possibilité de regard externe du commissaire aux plaintes, toujours investi évidemment de la mission qui est celle de la protection du public. Donc, pas question, comme certains le prétendaient, de tourner les coins ronds et d'accepter pour certains profils de candidat que les compétences ne soient pas au rendez-vous.

Mme Boué (Danielle) : Écoutez, pour nous, non, il n'y a pas d'inéquité dans la mesure où les candidats québécois ont également un recours. Donc, ils peuvent également en appeler et faire un appel au conseil d'administration de l'ordre s'ils se sentaient lésés de quelque façon que ce soit. Mais les années derrière nous nous démontrent que ce n'est pas... on n'a pas ce type de problématique là. Si on avait soulevé, au cours des dernières années, des éléments qui nous amenaient à se questionner sur certains aspects, peut-être que, oui, on aurait eu cette préoccupation-là qu'il pourrait peut-être exister une inéquité. Mais on n'a pas ce profil-là derrière nous ou ce portrait-là devant nous. Donc, non, pour nous, il n'y a pas d'inéquité en la matière.

Les processus sont clairs. Ils sont transparents. Les candidats les connaissent, surtout pour les candidats québécois, depuis leur première année de formation au niveau collégial. Donc, pour nous, c'est clair pour tous. Et il n'y a pas d'inéquité sur cet aspect-là. Et, c'est justement pour ça, on cherche quel est donc le problème qu'on cherche à solutionner par ça, compte tenu qu'on semble plusieurs à avoir dit autour de cette même table qu'on ne le comprenait pas, le problème réel, et qu'on ne le voyait pas. Donc, quel est-il et où se cache-t-il?

Le Président (M. Merlini) : Merci. Merci beaucoup pour cet échange, Mme la ministre. Maintenant, vers l'opposition officielle et Mme la députée de Chicoutimi. La parole est à vous pour votre temps d'échange avec nos invités.

Mme Jean : Merci. Merci beaucoup. Alors, bonjour, Mme Boué et M. Cromp. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Et merci pour votre mémoire, et merci pour vos précieux commentaires, et de participer à cet exercice.

Vous dites haut et fort, assez clairement, je dirais, que le problème est déjà connu. Et vous vous attendez à ce qu'on passe à l'action. Et, pour passer à l'action, ce que moi, j'entends dans votre discours, c'est que ça prendrait des décideurs quelque part.

Première question : Qui sont, selon vous, ces décideurs qui pourraient justement passer à l'action? Avez-vous des pistes à nous donner? À qui vous pensez lorsque vous parlez de décideurs?

Mme Boué (Danielle) : Écoutez, pour moi, simplement, je pense qu'un ministre de la Santé doit avoir le pouvoir d'ouvrir des places de stage ou de se tremper dans le dossier. Donc, quand on parlait de comité interministériel, je pense que les décideurs, ultimement, ce sont des personnes qui, politiquement, sont en mesure d'agir. Donc, on ne peut pas penser ou aspirer à ce qu'il y ait des nouvelles places de créées sans que ça passe par le ministre de la Santé. Donc, moi, je pense qu'il y a, là, un enjeu, là, qui est connu et clair pour nous.

• (15 h 30) •

Mme Jean : Merci. C'est clair. Vous avez mentionné que, bon, il n'y a pas de place de stage, mais il y a des cliniques privées qui n'acceptent pas d'avoir de stagiaire. Est-ce que ça a déjà été étudié ou ça a déjà été pensé que les cliniques privées pourraient avoir une obligation d'accueillir des stagiaires?

Mme Boué (Danielle) : Écoutez, ce n'est pas à nous à imposer aux établissements privés d'accueillir des étudiants. Je sais qu'il y a des expertises, il y a des expériences qui sont développées dans certaines maisons d'enseignement collégial en partenariat avec certaines cliniques privées, mais ce n'est pas le modus operandi standard. Mais nous, nous croyons qu'effectivement... compte tenu maintenant du fait que plusieurs des examens d'imagerie se font autant en établissement privé qu'en établissement public, nous croyons qu'ils devraient participer à la formation de la relève, évidemment.

Mme Jean : Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un ministre, un ministère ou quelque part qui aurait le pouvoir... Ça se situerait où, le pouvoir de... À l'office?

Mme Boué (Danielle) : J'imagine que ça doit se discuter à des tables décisionnelles, que le ministre de la Santé doit être impliqué là-dedans et qu'il doit travailler avec l'association ou les fédérations de médecins spécialistes.

Mme Jean : D'accord, merci. Question 3... On parle du pôle de coordination. Vous avez parlé du pôle de coordination. Donc, vous n'êtes pas d'accord avec la manière comment il est proposé dans le projet de loi. Mais vous adhérez à la proposition du CIQ, qui propose un pôle... ou un comité intersectoriel. Il existe actuellement, le comité interministériel. Il existe un pôle. Le pôle en question, bon, selon les témoignages qu'on a eus, n'est pas tellement performant. Le comité interministériel, ce que je comprends, c'est qu'il manque des joueurs, parce que c'est ministériel. Donc, à ce moment-là, vous, vous pensez que d'avoir une plateforme comme un pôle... non, un comité intersectoriel, tel que proposé par le CIQ, pourrait faire une plateforme efficace pour pouvoir identifier des problématiques et apporter des solutions?

Mme Boué (Danielle) : Écoutez, nous, on a... Puis j'étais en réponse à Mme la ministre tout à l'heure. Notre expérience avec le pôle, malheureusement, elle n'a pas été concluante dans notre secteur d'activité. Et on regarde du côté du... voyons! du comité interministériel, où il y a eu des résultats probants avec, entre autres, le MIDI, là, qui était responsable de cette instance-là, donc quand on regarde, et qu'on compare les deux, et qu'on regarde un qui a du succès et l'autre qui n'en a pas, bien, c'est sûr que j'ai le goût de vous recommander qu'on ait du succès. Parce que ce qu'on veut tous ici ultimement, c'est régler cette problématique-là, là, nous comme vous autres, très certainement. Donc, c'est pourquoi...

Nous, dans le fond... Écoutez, le nom, là, honnêtement, là, on ne s'accrochera pas dans un pôle, dans un comité interministériel, intersectoriel. Ce qu'on veut, c'est une instance décisionnelle qui est composée des bons acteurs, et qu'il puisse y avoir des décisions pas dans trois ans, pas dans cinq ans, parce qu'ils vont avoir un pouvoir de recommandation, mais qu'ils soient en instance de décider, en capacité de décider.

Mme Jean : Est-ce que vous pensez que d'enchâsser la composition d'un tel comité ou d'un pôle, peu importe le nom qu'on lui donne, dans la loi ne pourrait pas donner justement cette impulsion-là, pour que le comité soit mieux outillé pour pouvoir devenir décisionnel dans ses recommandations ou dans ses conclusions?

Mme Boué (Danielle) : Écoutez, on n'a pas nécessairement analysé tout cet aspect-là, là, sur toutes ses facettes. Probablement que le fait d'institutionnaliser, effectivement, dans une loi donne plus de poids à une instance. Mais encore une fois moi, j'insiste sur l'importance de la composition qu'on donnera à cette instance-là.

Mme Jean : D'accord. Vous avez parlé qu'à l'ordre vous rencontrez de la lourdeur administrative par le biais de comités ministériels, par les règlements, qui prennent du temps. Selon vous, qu'est-ce qui explique cette lourdeur-là, cette lourdeur administrative là, qui fait qu'un ordre, dans le fond, se trouve devant quelque chose d'incommensurable, ça prend des années? Qu'est-ce qui explique cette lourdeur, selon vous?

Mme Boué (Danielle) : Bien, d'une part, j'ai parlé de lourdeur du processus réglementaire, et ça, je vous invite à regarder comment on doit fonctionner, quelles sont toutes les étapes derrière le processus réglementaire. Juste vous donner un exemple concret : nous, on a eu un règlement qui a pris 12 ans avant d'entrer en vigueur. Pourtant, au cours des cinq dernières années, tous les acteurs étaient d'accord avec le processus. Mais c'était dans les démarches administratives, là, qu'on se perdait un petit peu. Donc, tout ça, il me semble qu'il y aurait moyen d'être plus efficace, dans tout cet aspect du processus réglementaire.

L'autre aspect, sur la lourdeur, c'était, entre autres, quand on disait... oui, des centaines de pages. On parle ici... On fait référence aux révisions des programmes de formation collégiale, entre autres, par le ministère de l'Enseignement supérieur. Ça aussi, c'est un processus qui est excessivement lourd et laborieux, auquel on participe, pas suffisamment à notre goût, mais qui est excessivement long aussi.

Vous savez, nous, on a un programme en radiodiagnostic de formation qui a été fait sur un portrait de la profession en 1991. Vous imaginez? On est en 2016. Vous imaginez un secteur de technologie comme le nôtre où les collèges doivent implanter le devis ministériel qui a été signé en 1998, mais sur une image de 1991? Et ça fait depuis 2010 qu'on est en révision, et on n'est toujours pas près d'ouvrir la bouteille de champagne pour festoyer l'arrivée du nouveau programme. C'est lourd, c'est excessivement long, et c'est semé de plein d'étapes.

Mme Jean : Et ces étapes-là, c'est dans des règlements ou c'est...

Mme Boué (Danielle) : Non, ce n'est pas dans les règlements. Donc, c'est dans le processus du ministère de l'Enseignement supérieur. Il y a différentes façons de faire et il y a des interventions de notre part, à différents moments, quand on nous consulte, mais, des fois, entre deux rencontres, il peut se passer huit mois, puis on n'a aucun... huit mois, un an, puis on a à peu près aucune nouvelle de ce qui se passe, là. Donc, on est même inquiets si finalement le dossier n'est pas tombé entre deux fentes de plancher, comme on dit souvent, là. Donc, il peut se passer des délais assez longs avant qu'on ait des nouvelles.

Mme Jean : Pensez-vous qu'à ce moment-là le pôle de coordination pourrait être utile pour trouver où est-ce qu'il y a de la lourdeur administrative dans les processus et peut-être trouver des solutions à ça? Est-ce que ça pourrait être une plateforme pour travailler là-dessus, selon vous?

Mme Boué (Danielle) : Je ne vois pas, honnêtement, je ne vois pas comment, là. Vous savez, chacune des organisations, que ce soit la Santé ou l'Éducation, on travaille avec les deux, a chacun leur façon de faire. On parle beaucoup d'optimisation des processus, hein? Je pense qu'il y aurait peut-être un peu de travail à faire sur cet aspect-là sur l'ensemble des processus qu'on a, gouvernementaux.

Mme Jean : Est-ce que c'est parce que, selon vous, les ministères travaillent en silo, puis il n'y a pas assez de communication entre les deux?

Mme Boué (Danielle) : Ça, c'est clair. Ça, c'est clair, qu'il y a des silos. Ça prend beaucoup de travail pour être capable de s'asseoir tous à une même table. On y arrive parce qu'on est là quelques années, on finit par développer des contacts et on a la bonne idée d'asseoir tout le monde à la table, mais ce n'est pas, je dirais, instinctif.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Boué, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Maintenant, je me tourne vers le deuxième groupe d'opposition, et, le député de Borduas, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Boué, M. Cromp, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est un plaisir de vous entendre.

D'entrée de jeu, vous avez parlé de la difficulté d'obtenir des stages, que c'était une décision politique. Vous n'êtes pas les seuls à être venus nous voir pour nous dire : Écoutez, il y a une problématique. Au niveau de l'ordre, ça va, au niveau de l'Éducation, ça va souvent, mais, des fois, c'est au niveau du ministère de la Santé, c'est problématique.

D'une façon large, là, depuis qu'il y a eu la réforme du réseau de la santé du gouvernement libéral, comment ça va pour vos professionnels à l'intérieur du réseau? Dans leur application quotidienne, là, de leur tâche, de leur travail, c'est quoi, les enjeux qui les touchent, les difficultés auxquelles ils font face, professionnellement?

Mme Boué (Danielle) : Professionnellement, bien, écoutez, j'imagine que, comme tous les autres professionnels du réseau, la lourdeur de la tâche, les restrictions budgétaires... Nous, on déplore aussi les coupures en formation. Donc, ça, c'est important pour nous. On invite nos professionnels... On a même un règlement, on fait plus que les inviter, on leur impose un règlement sur la formation continue obligatoire. On se retrouve des fois avec des technologues qui ne peuvent pas participer aux activités de formation parce qu'ils ne sont pas libérés, parce qu'ils n'ont pas le temps ou ils n'ont pas les budgets. Donc, c'est un peu le quotidien, là, de tous les professionnels et de tout ce qu'on lit. On n'est pas différents de ce qui se passe en soins infirmiers ou ailleurs.

M. Jolin-Barrette : Donc, le technologue qui souhaite avoir ses compétences à jour ne peut pas être libéré par son employeur pour pouvoir parfaire ses connaissances. C'est ce que je comprends.

Mme Boué (Danielle) : Ça arrive! Malheureusement, c'est des choses qui arrivent. On l'a observé, nous, par le taux de participation à nos différentes sessions de formation, à notre congrès annuel. Donc, on a beaucoup de technologues qui déplorent le fait qu'ils n'ont pas pu être libérés de leur travail, par exemple.

M. Jolin-Barrette : Et, déontologiquement, ils ont l'obligation de suivre de la formation et de s'adapter.

Mme Boué (Danielle) : Ah oui!

M. Jolin-Barrette : Ils sont pris un peu entre les deux, là.

Mme Boué (Danielle) : Oui, entre l'employeur et nous, tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de votre recommandation n° 5, vous dites, et, ça, c'est les organisations liées, vous dites : On voudrait permettre que nos membres, nos professionnels puissent siéger sur des conseils d'administration mais qui ont un intérêt au niveau de la protection du public. Dans votre domaine, dans le domaine de votre ordre, c'est quel type de conseils d'administration? Est-ce que vous avez des exemples en tête de ces conseils-là?

• (15 h 40) •

Mme Boué (Danielle) : Oui. Merci pour la question. En fait, cette recommandation-là vient justement d'un exemple concret. Parce qu'il existe nous, dans notre secteur d'activité, une alliance nationale des professions réglementées, donc une alliance canadienne, qui a des mandats qui sont évidemment sur toute la réglementation qui se fait dans les autres provinces, des mêmes professions que la nôtre.

Ce qu'on lit du projet de loi... On comprend le sens, là, que c'est important d'être transparent là-dessus puis qu'un membre d'un conseil d'administration ne peut pas siéger, par exemple, sur... un membre d'un autre conseil où il aurait des intérêts socioéconomiques pour les membres, et ça, on adhère tout à fait à ça. Mais on considère que, sur cet aspect-là particulièrement, sur des organisations qui ont les mêmes mandats que nous, à l'inverse, ça nous prive et ça prive le Québec d'informations importantes. Donc, vous savez, on a plein d'ententes, là, canadiennes, donc, si on n'est pas présents, bien, on ne fait pas partie du débat, puis on ne fait pas partie des enjeux, puis on ne fait pas partie du dossier. Donc, pour nous, il y aurait plus de désavantages à ne pas être là par rapport à l'ensemble de la réglementation sur la profession. Donc, c'est vraiment dans cette optique-là qu'on a fait cette recommandation-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une question plus large, là : Le fait de gérer à l'intérieur de l'ordre plusieurs professions, est-ce que ça amène des enjeux, des défis au niveau de la coordination, par rapport aux ressources que vous avez, par rapport, dans le fond, à l'application des normes puis par rapport au travail du syndic?

Mme Boué (Danielle) : C'est intéressant, votre question. Oui, c'est un défi, on a quand même trois permis d'exercice, quatre professions distinctes qui sont soutenues par quatre formations collégiales différentes. Au niveau administratif, évidemment, on a une composition du conseil qui inclut des gens qui ont les compétences de chacun de ces domaines d'exercice là. Pour nos comités, non, ça, ça va bien, ça, ça va bien parce qu'on a des représentants. Il faut se discipliner puis avoir des représentants de chacun de nos secteurs d'activité sur chacun des comités de l'ordre. Et, bien, il faut être ouvert puis aller chercher des collaborations pour les autres secteurs. Évidemment, radiodiagnostic est le plus gros partenaire, plus de 4 000 membres sur les 6 000. Les autres sont autour de 700, 800 membres par domaine d'exercice. Mais, oui, ça nous demande une dynamique différente et ça nous donne une pression supplémentaire, mais on vivait déjà, jusqu'à 2012, avec trois domaines, puis on en a adopté un autre en 2012, avec l'électrophysiologie.

M. Jolin-Barrette : Puis la réalité sur votre conseil d'administration... Parce que, tu sais, souvent on entend des professionnels... Supposons des avocats, je vais prendre mon ordre professionnel, mais on va avoir les membres qui sont désignés par l'Office des professions, les membres du public, et vous allez avoir 12 ou 13 juristes autour de la table pour la balance. Là, sur votre conseil d'administration, vous avez des gens qui proviennent de champs différents, donc la réalité sur le conseil d'administration, comment ça se passe?

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes, Mme Boué.

Mme Boué (Danielle) : Oh! Oui, d'accord. Alors, en 30 secondes, écoutez, on a 10 membres élus du secteur de radiodiagnostic qui sont élus par région administrative et, pour les autres domaines d'exercice, on a deux membres pour chacun des domaines, donc qui complètent à 16 membres élus, à 16 technologues. Et ce dernier règlement là est entré en vigueur en 2012, après avoir travaillé avec l'Office des professions, qui exigeait qu'on ait des présences au sein du conseil d'administration de chacun de nos domaines d'exercice. Donc, vous comprenez que, pour nous, cette réflexion-là, là, elle profonde parce que ça vient faire un choc de cultures. Et vous avez vu que, dans notre historique aussi — donc je vous invite à lire notre mémoire — on était passés de 24 membres à 16 membres, de 16 membres à 20 membres suite à l'intégration des TEPM, et là on va revenir à 15. Donc, on doit avoir beaucoup de capacité d'adaptation.

Le Président (M. Merlini) : Mme Boué et M. Cromp, merci de votre présence cet après-midi en commission. Merci de votre participation et votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants et j'invite l'Ordre des technologues professionnels du Québec à venir prendre place à notre table. Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Alain Bernier, de l'Ordre des technologues professionnels du Québec. Bienvenue à la Commission des institutions. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé et je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent également. Et suivra votre exposé, évidemment, la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole, M. Bernier.

Ordre des technologues professionnels du Québec (OTPQ)

M. Bernier (Alain) : Merci. Donc, Alain Bernier, président de l'Ordre des technologues professionnels du Québec; à ma gauche, le vice-président aux affaires professionnelles, M. Richard Legendre, technologue en sciences appliquées et administrateur de société certifiée; à ma droite, le directeur général et secrétaire de l'ordre, Denis Beauchamp.

M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, l'objectif principal du projet de loi n° 98 est de revoir et renforcer le modèle de gouvernance du système professionnel québécois. Notre ordre applique, nous en sommes convaincus, de bonnes pratiques de gouvernance et les révise et les fait évoluer périodiquement par son processus d'amélioration continue organisationnel. Ceci nous est confirmé par les témoignages des administrateurs nommés siégeant à notre conseil d'administration.

Nous nous gouvernons de façon professionnelle et nous partageons les objectifs du projet de loi sur ce plan. Par contre, notre mémoire expose des commentaires analytiques et des réflexions sur certaines dispositions et des moyens retenus dans ce qui est proposé par le texte actuel. Nous avons utilisé, comme cadre et fondement à notre analyse et à nos observations pour notre mémoire, une définition courante et les grands principes reconnus d'une bonne gouvernance, nous allons y référer.

À ce titre, la gouvernance peut être définie comme l'ensemble des mesures et des règles. Pour nous, ici, le Code des professions, les règlements et les politiques internes des ordres, par exemple. La gouvernance inclut également les organes de décision. Pour nous, conseil d'administration, comité exécutif des ordres, de l'Office des professions, comités composant des ordres, comme l'inspection professionnelle, syndic, discipline, et autres. La gouvernance est complétée aussi par la gestion de l'information et des activités de surveillance. Pour nous, le rapport annuel des ordres, le rôle de surveillance de l'office, entre autres. L'ensemble de tout ceci devant permettre d'assurer le bon fonctionnement et le contrôle d'un État, par le ministère de la Justice dans notre cas, du moins, en partie, d'une institution, l'Office des professions, ou d'une organisation comme les ordres professionnels pour l'assumation de leur mission. Le système professionnel vit dans un régime impliquant donc trois niveaux de gouvernance : le gouvernement, l'Office des professions et les ordres professionnels. Ces trois niveaux doivent donc être efficients et prendre des actions appropriées pour atteindre la performance et la bonne gouvernance globale du système professionnel.

• (15 h 50) •

Nous, à l'Ordre des technologues professionnels, nous croyons que nous faisons pour le mieux avec les moyens que le système nous permet. Nous assumons, dans les limites que nous avons, en particulier avec le statut de profession à titre réservé, notre mission première de protection du public par l'encadrement des professionnels qui veulent bien être inscrits à l'ordre. Or, comment assumer pleinement la gouvernance de la mission de protection du public envers des pratiques à risque, ce qui est le principe de l'article 25 du Code des professions, à la base de la réserve d'actes et de la création d'un ordre, si les praticiens des activités à risque sont, à leur discrétion, mais à leur bon vouloir, libres de s'assujettir au contrôle de la gouvernance d'un ordre?

Le statut de pratique et d'ordre à titre réservé demeure donc une incohérence systémique et dysfonctionnelle du système professionnel encore enchâssé dans le Code des professions et non réglé par la réforme du code à l'étude ici. Notre mémoire expose notre incapacité à agir pour assumer notre mandat de protection du public sur la grande majorité des praticiens en technologies des sciences appliquées. La nature de l'ordre à titre réservé est anticartésienne. Aucune pratique de gouvernance bonifiée ne peut changer cet état de fait.

Autre illogisme fonctionnel traité dans notre mémoire : les ordres qui se voient autoriser des actes par les dispositions de l'article 94h du code sont dans l'impossibilité de poursuivre eux-mêmes pour exercice illégal. Un exemple concret est décrit dans notre mémoire à la page 9 et, la mécanique légale, à la page 10.

Voici clairement identifiées ici, et exposées dans notre mémoire, deux failles majeures au principe de capacité effective de gouvernance de notre mission : la bonne gouvernance veut que l'on mette en place les structures, les règles, les mécanismes, les pouvoirs, les moyens d'agir concrètement pour remplir sa mission. La capacité de gouverner effectivement dans le but d'assumer une mission nécessite des structures fonctionnelles et des moyens conséquents. Ces deux limites majeures exposées qui nous affectent, et qui affectent l'ensemble des ordres à titre réservé d'ailleurs, ne sont pas corrigées par le contenu du projet de loi n° 98.

La gouvernance effective implique également, ce qui est un incontournable, de prendre des décisions, des décisions fondées, éclairées et responsables, et aussi des décisions courageuses parfois, d'arbitrer, de trancher lorsque requis. Également, un système bien gouverné assure son évolution, son adaptation sans déphasage temporel excessif, dans des délais adéquats. Force est de prendre acte, dans notre cas, et pour d'importants dossiers dans le domaine des sciences et technologies, que ces principes de bonne gouvernance sont inopérants. Notre mémoire expose les démarches infinies et multiples et les délais sans fin pour la modernisation et l'actualisation des lois professionnelles dans le domaine des sciences et technologies. Après 20 ans, de 1996 à 2016, aucun résultat tangible à se mettre sous la dent.

Dans la gouvernance du système, il y a nécessité d'un rôle d'arbitre, de gardien suprême de l'intérêt public et du bien collectif. Cet arbitre ne peut être autre que l'État. Ce rôle doit être assumé par l'État, dont vous êtes ici partie des décideurs. Force est de constater que les décisions courageuses et les arbitrages de l'État sont traités plus rapidement dans l'organisation des services de taxi que dans l'organisation des services professionnels.

Pour ce qui est présent dans le projet de loi, nous partageons pour l'essentiel les analyses et propositions du Conseil interprofessionnel du Québec, comme il est exposé dans notre mémoire.

Je veux signaler et renforcer le message ici que nous désirons conserver un espace nécessaire de configuration responsable de notre fonctionnement organisationnel. Le principe d'une autogestion balisée, certes, mais avec latitude et responsabilisation sont des fondements du modèle retenu par le législateur pour le système professionnel. Ce n'est pas le modèle d'une régie générale de l'État, comme la RBQ, qui a été retenu à l'origine ni envisagé à ce jour, à ma compréhension.

Le modèle et les règles d'application de la gouvernance doivent permettre une souplesse d'adaptation aux réalités variées des ordres, comme les statuts à pratique exclusive versus à titre réservé, la variété de disciplines encadrées — on a à peu près 60 diplômes à l'ordre — des effectifs de professionnels où il y a des ordres à 300, 400, 500 membres, il y en a jusqu'à 70 000, entre autres.

Sur un autre plan, vous serez... vous verrez aussi que le terme «membre» n'apparaît pas dans notre mémoire. C'est une décision volontaire. Les mots que nous choisissons expriment nos perceptions et influencent subtilement nos valeurs et nos réactions. Le terme «membre» devrait être retiré du code et dans nos échanges et communications dans le système professionnel. Il transporte une connotation fausse. Un professionnel est un titulaire de permis de pratique encadrée par son ordre. Autant chez le professionnel encadré, le public et les acteurs du système professionnel, il supporte une ambiguïté sur la mission fondamentale du système professionnel.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, monsieur...

M. Bernier (Alain) : Nous avons voulu aller dans les pistes un petit peu différentes de ce qui était traité dans le mémoire, parce qu'on sait que vous avez eu beaucoup de présentations sur des thèmes récurrents. On va aller dans des nouvelles pistes.

Le Président (M. Ouellette) : Probablement que Mme la ministre va aussi aller dans des questions différentes, vous allez voir. Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, hein? C'est quand même bien qu'on aborde d'autres enjeux que ceux qui étaient le thème commun des membres du CIQ.

J'aimerais revenir sur la dernière portion de votre présentation, parce que vous avez abordé quelque chose d'intéressant. En fait, vous avez abordé plusieurs enjeux intéressants, mais, lorsque vous abordez la question des titulaires versus les membres, je vous avoue que ça m'interpelle. Je trouve ça intéressant parce que ça nous rapproche aussi de certaines représentations qui nous ont été faites au tout début de nos consultations, au mois d'août, lorsqu'on nous disait : La seule mission d'un ordre professionnel, c'est la protection du public, c'est l'unique mission. Il ne devrait pas y avoir de principale mission. Le but, la raison d'être d'un ordre, c'est la raison de la protection du public, et on perçoit parfois une incompréhension de cette mission-là, et la façon dont chaque ordre a pu évoluer a peut-être laissé place, à certains égards, à cette... a contribué à cette incompréhension.

Alors, j'aimerais vous entendre davantage, parce que c'est intéressant et c'est spécifique à votre mémoire, à votre présentation, cet enjeu-là.

M. Bernier (Alain) : Si on prend l'entendement général de «membre dans la société», si je suis membre d'une chambre de commerce, si je suis membre d'une association professionnelle, bien, plusieurs pratiques encadrées par des ordres ou, en parallèle, des associations professionnelles, même le praticien de la profession devient un peu confus entre sa participation comme membre à son ordre et sa participation comme membre à son association professionnelle. Puis un membre, ça s'attend à être protégé, appuyé, défendu, etc., là, être promu dans la société par son association, sans ça, il ne serait pas là, n'est-ce pas? Et ce n'est pas notre rôle, puis on voit, des fois, des confusions sur la place publique.

Mme Vallée : C'est intéressant, parce que certains diront : Des modifications de cet ordre-là sont purement cosmétiques, mais qu'est-ce que vous pourriez dire à l'encontre d'un commentaire comme ça?

M. Bernier (Alain) : Je l'ai prononcé dans les derniers paragraphes de ma présentation. Les mots viennent teinter, viennent court-circuiter les neurones avec le temps, à force de les répéter, et créer des valeurs, créer des façons de voir la société, des réflexes de réaction qui peuvent être pernicieux à la longue. Donc, il faut toujours faire attention aux termes qu'on utilise. C'est une question de précision, de clarté, puis, comme ça, les rôles de chacun sont clairs dans la tête de tout le monde, y compris dans les journalistes, qui, souvent, font des confusions de genres à tout crin avec le système professionnel, les éternels que «tous les ingénieurs sont chauffeurs de taxi», puis toutes sortes de patentes. Ça, ça n'a ni queue ni tête, cette affaire-là. Ça va nous éloigner un peu de toutes ces affaires-là, là, le folklore.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, en complément, M. Beauchamp.

M. Beauchamp (Denis) : Denis Beauchamp.

Un membre se voit comme un client, hein, et puis, souvent, quand il nous appelle : Qu'est-ce que vous pouvez faire pour nous? Qu'est-ce qu'il y a là-dedans pour moi? Qu'est-ce que ça me donne de plus comme valeur ajoutée, etc.? Et puis, en plus, c'est un membre, c'est un client, donc, à quelque part dans sa tête : c'est moi, le patron, donc toi, qu'est-ce que tu fais pour moi? C'est moi, avec mes cotisations, qui paie ton salaire. Donc, la dynamique n'est pas la même.

Mme Vallée : J'aime bien votre approche. Je voulais vous dire aussi publiquement... Parce que vous avez abordé la question de la modernisation des champs de pratique, les enjeux et les attentes que vous aviez. Je veux simplement vous réitérer qu'au même titre qu'on l'a mentionné avec d'autres de vos collègues des sciences appliquées il y a un travail très concret qui se fait, et, sans pouvoir aller... et vous expliquer exactement et vous donner des dates et des échéances, je veux simplement vous dire qu'il y a quand même un avancement dans les travaux, et, pour nous, c'est très important. Pour moi, c'est important. C'est important aussi pour d'autres collègues. Alors, je pense que... J'ose espérer qu'on saura répondre à vos attentes dans un avenir pas trop lointain.

Vous avez abordé, bon, des enjeux de gouvernance qui ont été abordés par d'autres ordres. Vous avez un conseil d'administration qui est composé de 24 membres. Vous vous opposez à la réduction de la taille du C.A. Un peu plus tôt, on a eu des représentations à l'effet que tout C.A. de plus de 20 membres était difficilement fonctionnel, pouvait... On va moins chercher l'adhésion des membres lorsque l'équipe est plus grande... pas des membres, mais des membres du C.A., là, lorsque l'équipe est plus grande et qu'ultimement, en bout de ligne, ce sont les membres du conseil exécutif qui font aller la boîte, qui prennent les décisions au quotidien, et il y a moins d'implication personnelle et d'appropriation de la part des autres membres du conseil d'administration. Face à ça, quelle est votre perception de cette affirmation?

• (16 heures) •

M. Bernier (Alain) : De notre côté, avec la variété de domaines — on est en foresterie, en agronomie, en ingénierie, en architecture, puis j'en passe, là — ça nous prend des expertises variées de personnes qui pratiquent autour de la table pour parler des vraies choses. Également, il faut avoir une représentation sur le territoire. Les pratiques commerciales, industrielles, les besoins de compétence, la façon d'utiliser les professionnels est différente en milieu très urbanisé, grandes industries, en milieu rural, en petites villes. Il y a des régions de ressources, il y a des régions du savoir, il y a toutes sortes d'affaires. C'est des intrants qu'on a besoin si on veut être capables de couvrir l'ensemble des réalités de la pratique. C'est un aspect important.

On est 24. Nos réunions se déroulent avec un très bon climat, rondement, les décisions se prennent de façon efficace. Tout est dans la préparation, conserver un bon climat d'échange, y aller avec des décisions consensuelles, que les objectifs soient partagés autour d'un plan stratégique, d'une planification stratégique des grands objectifs. Bien là, c'est peut-être lié aussi au style de certains leaders, là, mais je n'ai pas de difficulté, là. C'est peut-être personnel, mais je n'ai pas de difficulté avec un conseil d'administration de 24.

Et ce n'est pas vrai, chez nous, que c'est le comité exécutif qui décide de tout. C'est sûr que c'est des personnes qui désirent y mettre plus de temps qui vont préparer les dossiers, mais l'information est distribuée à tout le monde. On prend les inputs, puis les enrichissements, puis les points de vue de tout le monde, on consolide, on revient, on laisse le temps qu'il faut, là, pour que les bonnes décisions se prennent, éclairées. C'est manageable, c'est...

Mme Vallée : Comment vous arrivez à assurer l'efficacité de tout ça? Parce que c'est également un enjeu qui a été soulevé. On nous disait : Plus l'équipe est grosse, moins le travail est efficace, plus c'est lourd, plus c'est complexe. Alors, comment vous le vivez au sein de votre ordre?

M. Bernier (Alain) : Nous, les documents sont préparés pas mal à l'avance d'une réunion. Tout est bien expliqué, supporté. D'ailleurs, nos administrateurs nommés nous le disent. L'information est structurée, elle est claire, elle est complète, ils l'ont à l'avance, ils ont le temps de se préparer, de réfléchir. Puis on ne se gêne pas pour se parler, là. On se fait des courriels, on a des contacts entre les réunions. Si on garde ça avec une bonne volonté de tout le monde pour avoir des résultats puis qu'on fait ce qu'il faut comme fonctionnement en conséquence, ça va très, très bien. Plus qu'il y a de têtes, plus qu'il y a d'idées aussi, hein?

M. Legendre(Richard) : Je me permettrais peut-être un petit commentaire.

Le Président (M. Ouellette) : M. Legendre.

M. Legendre (Richard) : Il faut comprendre, effectivement, quand on regarde les grands principes de gouvernance... J'ai déjà participé, d'ailleurs, à l'implantation de la Loi de la gouvernance des sociétés d'État par le passé, là, lorsque ça a vu le jour. Donc, il y avait toutes sortes de discussions sur toutes sortes de théories de gouvernance. Il faut comprendre la spécificité des organisations dont on parle de gouvernance. Dans le cas présent, on parle d'ordres professionnels qui ne sont ni des sociétés d'État, ni des conseils d'administration d'entreprise, et ni des conseils d'administration d'association professionnelle. C'est quelque chose de très particulier. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on vous a parlé tantôt de la notion de membre versus titulaire de permis.

Alors, toute cette dynamique-là fait en sorte que ces principes de gouvernance là s'appliquent, oui, effectivement, pour des organisations, on pourrait dire, différentes et des organisations qu'on pourrait même peut-être qualifier de monochromes, donc des gens qui sont tous du même domaine. Le fait d'être multidomaine, dans notre cas, ça amène... ces problèmes-là qui sont soumis n'existent pas.

Mme Vallée : Dans votre mémoire, vous avez mentionné que l'office n'a pas... a tous les outils nécessaires pour intervenir lorsqu'il survient une problématique à l'intérieur d'un ordre professionnel. Vous dites que l'office peut et doit se servir de tous les leviers que lui procure le code, et vous craignez que l'on étende une façon d'intervention à l'ensemble des ordres, mais que ce ne soit pas nécessaire de modifier les méthodes d'intervention de l'office, par ricochet, j'imagine, de pouvoir enquêter sans autorisation préalable. Je présume.

Est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage votre point de vue?

M. Bernier (Alain) : On a déjà des contacts fréquents avec l'office, ils peuvent nous demander toutes sortes d'informations, ils peuvent nous rencontrer, ils ont nos rapports annuels, mais, s'ils nous questionnent, on va répondre à livre ouvert, il n'y a aucun problème. Puis ça va, dans les mécanismes actuels, très, très loin, là, ça va jusqu'à la tutelle. D'ailleurs, bon, on n'en parlera pas, mais... Ça fait qu'en pratique moi, je pense que — puis le CIQ le pensait — que l'office a beaucoup de moyens dans son coffre à outils actuel et que, quand on est rendu à une enquête, c'est tout de même un cas assez spécial. Pour qu'il y ait une autorisation de haut niveau, pour se rendre jusqu'à ce niveau d'intervention, je pense que c'est comme une sûreté, c'est une sûreté, puis ça montre aussi, en même temps dans ce cas-là, le côté solennel de l'intervention. Si ça doit être autorisé par le ou la ministre, l'ordre va comprendre que c'est un cas très spécial, on est à haut niveau, là, d'inquiétude dans les organismes de surveillance, et qu'il y a un côté, là, très formel à ce qui va se passer, donc il ne faudra pas banaliser l'enquête. L'enquête, c'est tout de même un niveau qui est assez élevé, d'alerte, si on peut dire.

Mme Vallée : Mais est-ce que vous ne croyez pas que certaines informations portées à l'attention de l'office pourraient militer pour une intervention rapide et que l'obligation d'obtenir préalablement l'autorisation ministérielle pourrait, dans un cas bien particulier, peut-être contribuer à... pourrait être un enjeu qui ne serait pas dans l'intérêt du public? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il pourrait y avoir des situations qui commandent une intervention rapide pour valider des faits ou pour valider certaines informations et que l'obligation d'intervenir, bien, empêche l'office d'obtenir l'information requise? Parce que parfois on dit : Bien, l'office n'a pas suffisamment de dents, n'a pas suffisamment de crocs. Vous, vous dites : Les crocs sont là, ils sont suffisamment limés, n'en donnez pas davantage.

M. Bernier (Alain) : Ce n'est pas de ne pas en donner davantage, c'est que, si on monte jusqu'au niveau de l'enquête, moi, je considère qu'il y a un message, un message de gravité de situation. Si c'est urgent, bien, je pense que vous avez des contacts étroits, de toute manière, entre le cabinet puis l'office, donc ça pourrait se régler sans que ça prenne...

Mme Vallée : Oui, mais... Nous, oui, on s'entend très bien, mais il faut aussi penser à... Il faut aussi penser à d'autres situations qui pourraient survenir où la communication n'est pas aussi fluide.

M. Bernier (Alain) : Alors, ça voudrait dire que notre gouvernance à trois niveaux n'est pas très fonctionnelle.

Mme Vallée : Mais vous ne croyez pas que cette étape-là... Puis il peut survenir des situations où le temps est un facteur important, parce qu'on ne veut pas... on veut éviter la destruction, par exemple, de preuves, la destruction de documents. Il pourrait, bon... On ne sait pas, là, ce qui... On est dans des situations que l'on projette, des projections, mais ne croyez-vous pas que, c'est ça, ce délai-là puisse compliquer ou...

M. Bernier (Alain) : Dans ce cas-là, on pourrait baliser l'initiative d'une enquête qui devrait rapidement être... dont la continuation devrait être rapidement autorisée par le niveau ministériel. C'est-à-dire, peut-être qu'on pourrait permettre à l'office, dans le libellé, d'enclencher une enquête d'urgence, mais rapidement aller chercher son mandat.

• (16 h 10) •

Mme Vallée : Mais l'office a comme mandat d'assurer la protection du public au sein des ordres, alors c'est pour ça que je... L'enquête n'est-elle pas en soi un élément et un des moyens pour l'office d'assurer son mandat et d'assurer la continuité de son mandat? Donc, de l'assujettir à une autorisation ministérielle, est-ce que ce n'est pas, à quelque part, attacher un peu les mains de l'office que d'assujettir ce pouvoir-là à une autorisation ministérielle? Parce qu'on parle d'une enquête, et non des recommandations, et non d'une tutelle, là. On n'en est pas là, là.

M. Bernier (Alain) : Bien, des fois, pour des mandats de perquisition, il faut aller voir le juge, en tout cas, mais...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, ce serait une bonne idée. Là-dessus, on va se laisser puis on va aller à Chicoutimi. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Alors, bonjour, M. Bernier, M. Beauchamp et M. Legendre. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci d'être ici avec nous pour partager votre opinion puis vos expériences.

Les technologues professionnels, je comprends que l'ordre n'est pas un ordre qualifié d'exclusif, donc quelqu'un peut se qualifier de technologue même s'il n'est pas membre de l'Ordre des technologues. Vous avez soulevé ça d'entrée de jeu en mentionnant qu'un ordre est là pour protéger le public, donc, et vous avez cette mission-là, en ayant cette mission-là, vous dites : C'est assez difficile de faire respecter ça s'il y a des technologues qui sont sur le terrain, sur le marché sur lesquels vous n'avez pas rien à dire, si j'ai bien compris votre commentaire...

M. Bernier (Alain) : C'est en plein ça. C'est en plein ça.

Mme Jean : ...ce que vous avez appelé, vous, une incohérence, et, selon vous, le projet de loi n° 98 ne règle pas cette incohérence.

Le Président (M. Ouellette) : Bougez pas, je veux avoir votre réponse dans le micro parce que...

M. Bernier (Alain) : Oui, O.K. Bon, si on prend...

Mme Jean : Ce n'était pas ma question!

Le Président (M. Ouellette) : Non, mais je comprends, mais c'est parce qu'il a fait des signes de tête, puis je pense que c'est important, puis je veux l'avoir sur l'audio, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Ouellette) : Si vous êtes d'accord, ça va nous aider dans la précision de votre question.

M. Bernier (Alain) : Pleinement d'accord avec vous.

Mme Jean : Merci. Ma question maintenant : Selon vous, qu'est-ce que ça prendrait dans le projet de loi pour régler le problème d'incohérence que vous avez soulevé?

M. Bernier (Alain) : C'est que, dès que des services, dès que des axes sont à risque de préjudice, selon la logique de l'article 25, puis c'est là qu'on... Donc, si on veut être cohérents puis logiques, là, si on veut protéger le public contre les risques de préjudice, il faut que ces actes-là soient réservés aux seules personnes qui sont encadrées par l'ordre qui est dans le domaine, sans ça, ce n'est pas fonctionnel. On n'a aucune emprise sur ces personnes-là. On rêve, à notre ordre, puis on en parle au conseil d'administration... On veut les meilleures pratiques, on veut mettre en place un règlement sur la formation continue. C'est nécessaire, dans les sciences et technologies, de se garder à jour, mais on est pris avec le dilemme suivant, c'est : si on met ça en place, une formation obligatoire, il y a un certain nombre de personnes qui, sous cette contrainte, les frais, le temps que ça prend, etc., vont tout simplement ne plus s'inscrire à l'ordre. Donc, on ne met pas de formation, on ne peut pas leur faire d'inspection, on ne peut pas enquêter une plainte, on ne peut pas les obliger à avoir des assurances professionnelles, c'est zéro. On recule au lieu d'avancer en termes de couverture, de protection du public. On est menottés.

Mme Jean : Et la solution est?

M. Bernier (Alain) : C'est qu'il y ait des actes...

Mme Jean : Pardon?

M. Bernier (Alain) : ...que, toutes les professions où il y a un risque de préjudice, l'acte soit réservé aux personnes qui sont encadrées, aux titulaires de permis. C'est la seule solution. Pour conduire...

Mme Jean : C'est clair.

M. Bernier (Alain) : ...ou avoir une licence d'entrepreneur, il n'y a pas deux régimes, il n'y a pas «si ça te tente». Tu es titulaire d'un permis de la RBQ ou tu es titulaire d'un permis de conduire. Sans ça, bien, tu n'as pas le droit. Ça ne marche pas avec des régimes à titre réservé que je me prends pour un entrepreneur de construction, hein?

Mme Jean : Merci. Un des objectifs du projet de loi n° 98 est de redonner confiance au public par rapport aux ordres professionnels. Il y a des réputations des ordres professionnels par rapport justement à ce que vous avez soulevé, le fait que les membres souvent vont prendre l'ordre professionnel comme étant un organisme qui devrait les défendre, et c'est original, j'ai trouvé originale votre suggestion qu'à la limite... mais peut-être, même, c'est une vraie suggestion, je n'en sais rien, de ne plus appeler ça des membres, parce qu'effectivement, quand on est membre de quelque chose, on se dit : Bien, ça devrait me protéger, je suis membre, donc peut-être trouver un autre qualificatif aux gens qui sont justement des professionnels accrédités par un ordre professionnel.

En même temps, vous mentionnez que votre ordre est transversal, ce que moi, j'appelle transversal, ça veut dire que votre ordre se retrouve avec des technologues qui vont être en architecture, en génie, en foresterie, nommez-les, vous avez à peu près toutes les applications, et, à ce moment-là, ça vous impose un peu d'avoir des représentativités de ces gens-là. Dans la même pensée, votre pensée, le projet de loi tente d'éliminer ou, en tout cas, contrôler le fait que, dans les conseils d'administration, on demandait... ou la majorité, la culture faisait qu'on tentait de représenter selon les régions. Là, on tente d'enlever ça pour que, justement, les... — je ne sais pas comment les appeler autrement que les membres, aujourd'hui je vais les appeler les membres — comment les membres peuvent ne pas penser qu'ils sont représentés par l'ordre, vu qu'ils sont représentés régionalement.

Bref, là où j'arrive, moi, avec une incohérence par rapport à ce que j'entends, c'est que vous aimeriez pouvoir avoir un conseil d'administration de 20, 25, 30 pour avoir de la représentativité. Mais en même temps, lorsqu'on parle de représentativité, ça veut aussi dire : Ah, je vais m'attendre à ce qu'ils me défendent, moi, comme technologue en architecture ou, moi, comme représentante habitant la région de Québec. Comment on concilie les deux?

M. Bernier (Alain) : C'est parce que ce concept de représentativité là, c'est une représentativité de vécu professionnel, de domaine de formation et de vécu des pratiques régionales dans sa profession, des besoins, des besoins des entreprises, des citoyens dans sa région. Ce n'est pas venir défendre sa gang de sa région. Ce n'est pas ça, l'idée, là. C'est : pour le bien collectif, j'amène mon expertise autour de la table. Et après ça, bien, on la généralise à la province : certaines personnes des grandes villes, certaines personnes plus dans la campagne, certaines personnes plus en génie électrique, d'autres dans d'autres domaines. Puis, jusqu'à maintenant, on réussit à gérer un peu le croisement des deux bases, la base régionale et la base professionnelle, parce que le hasard des élections puis des remplacements de personne fait que, dans telle région, ils n'enverront pas toujours quelqu'un en foresterie, ils n'enverront pas toujours quelqu'un en agroalimentaire. Des gens d'intérêts différents, région par région, présentent leurs candidatures et sont élus.

Donc, si on est assez nombreux, le jeu des hasards fait d'habitude un croisement raisonnable. Quand il nous manque une expertise pour travailler un dossier, on a des comités sectoriels experts. On a des comités en agroalimentaire, on en a dans différents domaines, en inspection préachat, des affaires dans ce genre-là. Et des gens de la permanence et des élus vont parler à ces gens-là pour avoir les inputs de vécu, de qu'est-ce qui se passe dans la pratique, qu'est-ce qui se passe sur le terrain, c'est quoi, les besoins, ça serait quoi, les solutions. C'est une façon aussi de travailler. Parce qu'on ne pourra pas jamais, nous, avoir un éventail total de toutes nos pratiques, mais on marche sur échantillonnage et complément de prise d'information, puis ça nous a bien rendu service jusqu'à maintenant pour comprendre ce qui se passe.

Mme Jean : Est-ce qu'à ce moment-là... Si on voulait avoir un compromis entre les deux, est-ce que ça serait envisageable, parce que vous avez une philosophie ou une approche de comité, lorsque vous manquez de représentativité sur votre conseil d'administration... Admettons qu'on prenait que l'approche d'avoir 15 administrateurs est une approche qu'on trouverait intéressante et que, pour pallier justement à votre nécessité d'avoir de la représentativité dans les différents secteurs d'activité, vous pourriez utiliser la notion de comité comme ça?

M. Bernier (Alain) : Oui, ce serait un outil que... On pourrait augmenter l'utilisation de cette pratique et de cet outil de soutien à l'information puis à la connaissance réelle et précise des sujets qu'on traite, des vrais problèmes, des vraies solutions de ce qui se passe. Oui.

Mme Jean : Une dernière question, il ne me reste pas beaucoup de secondes. Est-ce qu'encore une fois, pour la composition du conseil d'administration, dans un cas comme le vôtre, qui est quand même atypique... Est-ce que, si la loi passait telle qu'elle était, d'avoir une possibilité de demander une dérogation, ça serait quelque chose d'intéressant pour vous?

M. Bernier (Alain) : Certainement. Parce qu'on dit dans notre mémoire que le modèle unique à tout le monde, ce n'est pas non plus la meilleure façon de gouverner. Quant à moi, dans ma petite connaissance de la gestion, là, ce n'est pas... Le modèle unique, c'est... Ça fait puis ça ne fait pas, hein?

Mme Jean : Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Bernier, M. Beauchamp, M. Legendre, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

D'entrée de jeu vous parlez du virus de la commission Charbonneau et de dire: On ne souhaite pas que, la réponse, on généralise à tous les ordres professionnels. Qu'est-ce que vous voulez dire par là dans votre mémoire, lorsque vous dites : «Le virus de la commission Charbonneau»?

• (16 h 20) •

M. Bernier (Alain) : Bien, on peut, si on lit certains... Bien, si on regarde certains éléments de la réforme du code, on peut sentir la provenance de ce qu'on essaie d'éviter, éviter certaines situations, répétitions, etc. Puis c'est ça que ça veut dire. C'est qu'un cas n'est pas la situation générale des ordres, puis de mettre une armada de nouvelles règles pour un cas isolé, bon, c'est une façon de faire.

M. Jolin-Barrette : Donc, est-ce que vous trouvez que, supposons, l'office ou la ministre aurait dû intervenir plus promptement dans certaines situations spécifiques plutôt que de modifier le Code des professions pour tout le monde? Est-ce qu'il y a une nécessité de moderniser, de modifier le Code des professions pour tout le monde ou, pour les autres ordres professionnels, ça fonctionnait?

M. Bernier (Alain) : Je crois que là-dessus on peut revenir à ma section de la présentation sur notre régime de gouvernance à trois niveaux. Puis, comme j'ai dit, pour que ce soit fonctionnel et performant, il faut que chacun bouge quand c'est le temps de bouger. Aux ordres, on a notre job à faire, à l'office, ils ont du travail à faire, puis, à un moment donné, il faut que ça monte jusqu'au ministère. Puis nous, on n'est pas là pour faire le travail des autres, là, on va essayer de faire le nôtre bien. Après ça, bien, on va rentrer dans les règles que l'État nous donne puis on va faire le mieux qu'on peut avec les moyens qu'on a. On est des gens de bonne volonté. On va vivre avec ce que vous allez nous donner, au Parlement, puis il n'y a aucun problème. Ça va?

D'ailleurs, il y a beaucoup d'éléments, on en a fait une liste dans notre mémoire, qu'on est pour les bonnes pratiques puis on les applique déjà. Ça fait qu'il y a un code d'éthique, un code de bonne gouvernance, de la formation en gouvernance. Tous nos administrateurs, y compris les nommés, quand ils arrivent chez nous, là, ils rencontrent pendant une demi-journée le directeur général avec tous les documents de l'ordre. Il les met au courant de comment ça marche, nos règles de fonctionnement, ils les mettent au parfum, on demande à tous nos nouveaux administrateurs d'aller aux formations du CIQ sur la bonne gouvernance, puis c'est quoi, le rôle d'un administrateur. On fait tout ça. Puis, si vous en demandez plus, on va en faire plus. On pense déjà qu'on est pas mal dedans. On n'aura pas grand-chose à faire de plus chez nous si vous envoyez tout le paquet, là. On très capables de vivre avec ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans le projet de loi n° 98, on prévoit que, désormais, l'Office des professions pourra mener une enquête sans demander l'autorisation ministérielle. Comment vous percevez cette nouvelle disposition législative?

M. Bernier (Alain) : Comme j'ai répondu tantôt, c'est qu'il devrait y avoir un niveau de solennité à une enquête. Si on banalise l'enquête, on passe un message aux organisations, aux citoyens, un peu partout, là, que ça ne va pas si bien que ça dans le système professionnel, qu'il faut avoir la gâchette sur l'enquête à tout moment. C'est ça, ça ne donnera pas de meilleure confiance au public de dire : C'est un système sous permanente possibilité d'enquête d'urgence à répétition. En tout cas, je ne vois pas en quoi ça va améliorer, là. Si on a une gouvernance agile, là, puis des communications rapides entre les partenaires, aucun ordre ne devrait se rendre à l'enquête, normalement, là. Si c'est des gens corrects et de bonne volonté dans les conseils d'administration, là, les professionnels, des bons praticiens, là, ils ne devraient pas se rendre là. Puis, quand ils ont des «warnings» de l'office, ils devraient se réveiller, faire ce qu'ils ont à faire. Tu n'attends pas... À un moment donné, on a de l'orgueil puis de l'honneur, là-dedans, là. On n'attend pas d'être rendu là avant de faire son ménage.

M. Jolin-Barrette : Donc, pour vous, pour l'ordre, on pourrait maintenir l'autorisation ministérielle à l'enquête.

M. Bernier (Alain) : Moi, je pense que...

M. Jolin-Barrette : C'est ce qui serait préférable.

M. Bernier (Alain) : Je pense que ça passe un message que c'est grave. Quand tu es rendu là, c'est grave, hein? Ce n'est pas banal, hein?

M. Jolin-Barrette : Au niveau de la profession des technologues, qui est à titre réservé, ma collègue de Chicoutimi vous a un peu questionné relativement à ça, vous dites : Bon, ça serait pertinent d'avoir des actes dans chacun des domaines pour s'assurer de pouvoir aller chercher le professionnel. Il y a certains ordres qui soulèvent le fait qu'en attendant ils sont un peu assis entre deux chaises, parce qu'ils font un peu de la publicité pour dire : Bien, voici, lorsque vous êtes membre, bien, vous avez une reconnaissance, tout ça, mais, d'un autre côté, bien, il y a le syndic qui est présent, il y a des obligations rattachées à ça, je comprends. Pour la protection du public, vous, ça vous le prendrait rapidement, ça?

M. Bernier (Alain) : Oui, bien, on est dans plusieurs pratiques, disons, complexes et vécues par le citoyen. Je donnais des exemples, l'inspection préachat, c'est un bourbier, c'est non réglementé, c'est n'importe qui, n'importe comment. Puis c'est une grosse décision, d'acheter une propriété, dans la vie, là. On en a quelques-uns chez nous. Ça, c'est...

M. Jolin-Barrette : Mais ça, ça veut dire, là, qu'une famille qui décide de s'acheter une maison contacte un individu, et il n'a pas besoin d'être membre de l'Ordre des technologues, il peut dire : Bien, oui, achetez cette maison-là, moi, je la regarde, elle est bien correcte, je fais l'inspection visuelle, puis il ne sera jamais sanctionné, à part s'il y a une petite assurance responsabilité. Puis la famille qui a acheté sa maison, son plus gros achat de toute sa vie, 300 000 $, 350 000 $ n'est aucunement protégée par le système professionnel, puis elle se retrouve avec son prêt à la banque, puis elle se retrouve peut-être à faire faillite parce qu'elle a fait affaire avec quelqu'un qui n'était pas un professionnel.

M. Bernier (Alain) : Il y a de la pyrite dans le sous-sol, comme à Trois-Rivières.

Le Président (M. Ouellette) : On va finir sur la pyrite. Merci, M. Alain Bernier, c'était rafraîchissant comme présentation, M. Beauchamp, M. Legendre, représentant l'Ordre des technologues professionnels du Québec.

Je suspends quelques minutes et je demanderais à Mme Daniele Henkel de bien vouloir prendre place à l'avant, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 26)

(Reprise à 16 h 28)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons Les Entreprises Daniele Henkel et sa présidente, Mme Henkel, bienvenue. Vous allez avoir 10 minutes pour votre présentation. Vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent, et après il y aura une période de questions avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions, Mme la députée de Chicoutimi et Mme la députée de Montarville. Mme Henkel, à vous la parole.

Les Entreprises Daniele Henkel inc.

Mme Henkel (Daniele) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, très sincèrement, merci de nous recevoir dans le cadre de vos travaux. D'emblée, je vous présente également les personnes qui m'accompagnent : M. Gilles Brisson, président et directeur scientifique du laboratoire BNK et éminent biologiste... biochimiste, pardon, excusez-moi; ainsi que M. Guy R. Brisson, professeur titulaire retraité de l'INRS.

Et, avant d'aller plus loin, je veux aussi vous remercier de l'intérêt que vous portez à notre mémoire et surtout aux recommandations que nous vous soumettons relativement à ce projet de loi.

• (16 h 30) •

En effet, en tant que chef d'entreprise dans le domaine de la santé et du mieux-être, j'ai dû et j'ai encore à faire face aux ordres professionnels, et malheureusement à leur manque de transparence, et à leur gouvernance, selon nous, inéquitable. Ces nombreuses expériences me permettent aujourd'hui de vous proposer un témoignage sur l'importance d'instaurer un contre-pouvoir au syndic et d'améliorer la transparence des ordres professionnels. Tout comme vous, nous déplorons le fait que neuf citoyens sur 10 considèrent les ordres comme des outils au service des professionnels, alors qu'ils devraient être reconnus pour être au service du public. L'Office des professions multiplie les efforts pour que se résorbe ce déficit de crédibilité et pour que le public regagne confiance en cette structure pourtant unique et importante.

Le projet de loi n° 98, tout comme notre présence ici, s'inscrit dans cette volonté de redonner au système professionnel ses lettres de noblesse. Notre intention se situe particulièrement dans le sillage de Mme la ministre qui, en remarques préliminaires, précisait sa volonté, et je la cite, «de revoir les moyens et les procédures des syndics, l'organisation et la gouvernance des ordres».

Des moyens? Les syndics en ont, et leurs pouvoirs sont considérables. En contrepoids, toutefois, les outils pour encadrer ces pouvoirs sont défaillants et entraînent un manque d'équité et de ressources qui nous empêche d'effectuer un débat public sur des enjeux soulevés par les ordres. Le test ImuPro, accrédité par Santé Canada, est effectué par notre laboratoire depuis 2007, soit depuis 10 ans. Ce n'est que depuis deux ans qu'il est soumis à des vérifications, des mises en garde et des enquêtes du Collège des médecins et du syndic de l'Ordre des chimistes, sans qu'aucune explication n'ait été présentée à notre connaissance. Notre témoignage veut souligner comment un déficit de gouvernance permet à un syndic des comportements que nous jugeons inexplicables, comportements préjudiciables tant pour le professionnel visé que pour la compagnie que je dirige.

Voici quelques éléments qui résument nos propos. Un, plus de 670 jours se sont écoulés depuis que le syndic a lancé une enquête contre un de nos professionnels. Deux, après tout ce temps, notre professionnel ignore toujours qui s'est plaint de ses services et quelle est la nature de la plainte contre lui. Trois, sans avoir l'autorité de le faire, le syndic exige un arrêt des activités analytiques sans fournir aucun argumentaire pour appuyer ses exigences. Quatre, le syndic annonce à notre professionnel qu'il remet son dossier d'enquête au conseil de discipline, ce qui s'est révélé être faux jusqu'à ce jour. Cinq, le test analytique concerné est soumis à une mise en garde du Collège des médecins depuis le 22 janvier 2016 sans que nous n'ayons pu obtenir l'ombre d'une étude ou d'un témoignage qui expliquerait cette décision, et ce, malgré nos multiples demandes.

Inutile de vous mentionner la pression psychologique qu'un tel comportement exerce sur le professionnel intimé ou les préjudices monétaires sur l'entreprise quand, sans aucune preuve scientifique connue, on nous ordonne de mettre fin à nos activités analytiques, qu'elles soient pour le Québec ou à l'extérieur du Québec. De plus, il faut savoir que ces mêmes tests sont prescrits dans de nombreuses juridictions aussi proches de nous que l'Ontario.

Dans nos États de droit, il existe toujours un dispositif de surveillance, surtout quand il s'agit de la surveillance d'enquêteurs détenant d'énormes pouvoirs d'investigation. Mais où trouver le contre-pouvoir qui pourrait assurer cette veille déontologique et, le cas échéant, dénoncer les abus? Ce contre-pouvoir, cette veille est impossible sans une mécanique de surveillance.

Nous soumettons donc à votre attention une nouvelle approche : que soit confiée à un comité réformé de révision des plaintes la responsabilité de s'assurer que le syndic respecte les règles de l'art propres à sa profession. Le comité de révision des plaintes est une structure déjà familière avec l'analyse des enquêtes du syndic. Le seul fait de modifier le mandat du comité pour lui ajouter une fonction de veille déontologique évite une structure supplémentaire et répond aux préoccupations du Barreau sur le respect de la confidentialité. Il s'agirait d'un comité d'appel qui demeure non décisionnel, le cas échéant, il émettra un avis destiné aux responsables de la gouvernance de l'ordre, qui décideront des actions à prendre.

De plus, nous avons également déposé 10 autres recommandations qui permettraient de favoriser une meilleure transparence des ordres et d'éviter les abus. Les voici :

Nous proposons que l'Office des professions soit assisté de quelques représentants du public expérimentés pour faire la sélection des citoyens susceptibles de siéger au sein des comités de révision des plaintes à titre de représentant des citoyens.

Nous proposons que les citoyens retenus pour siéger à titre de représentants du public au sein des 46 comités de révision des plaintes reçoivent de l'office une formation spéciale à cet effet.

Nous proposons que les représentants du public nommés comme membres des comités de révision des plaintes le soient par l'Office des professions, et non par les ordres professionnels.

Nous proposons que les représentants du public nommés comme membres des comités de révision des plaintes ne soient pas des professionnels au sens de la loi.

Nous proposons que le comité de révision des plaintes soit obligatoirement présidé par le représentant du public.

Nous proposons que les membres du comité de révision des plaintes reçoivent copie tant de la demande d'enquête que du libellé du rejet pour toutes les demandes d'enquête qui ne font pas l'objet d'un appel en révision ou qui ne sont pas déposées au secrétariat du conseil de discipline.

Nous proposons que les membres du comité de révision des plaintes puissent, à la lecture des allégations faites par le plaignant et des raisons de leur rejet par le syndic, examiner l'ensemble du dossier et, le cas échéant, faire rapport aux membres du conseil d'administration réunis à huis clos.

Nous proposons qu'un professionnel intimé qui se croit abusé par les démarches d'enquête du syndic puisse en demander l'examen au comité de révision des plaintes. Le cas échéant, le comité en référera au conseil d'administration de l'ordre.

Nous proposons que les membres du comité de révision qui constatent, lors de l'analyse d'une plainte portée en appel, une situation particulière au bureau du syndic puissent transmettre leurs observations au conseil d'administration ou à un comité formé à cet effet par le conseil d'administration.

Et finalement nous proposons que l'obligation soit faite au syndic de faire régulièrement rapport aux membres du conseil d'administration et que ledit rapport inclue : un, pour chaque dossier ouvert depuis plus de 150 jours, les raisons en empêchant la fermeture, deux, pour chaque dossier fermé, le nombre de jours écoulés depuis son ouverture.

Ces propositions permettront, selon nous, d'améliorer grandement la transparence des ordres et de favoriser une meilleure équité pour les différents publics en relation avec eux. Ce serait également une façon d'éviter une judiciarisation coûteuse des différends entre les ordres, les syndics, les professionnels et le public. Nous espérons que cette contribution au débat sera entendue et qu'elle nous permettra aussi de rendre les ordres et les syndics plus transparents. Il en va de l'intérêt du public et de la crédibilité de tout notre système professionnel.

Merci de votre attention, et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Henkel. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci, Mme Henkel, de votre participation aux travaux de la commission. Vos recommandations sont non pas similaires mais s'inscrivent un peu dans les recommandations... ou dans le type de recommandations, dans l'esprit des recommandations que nous a formulées la Protectrice du citoyen. La Protectrice du citoyen recommandait aux membres de la commission, nous recommandait de soustraire les syndics à des codes de déontologie particulière, un code d'éthique et de déontologie pour l'exercice de leur mandat de syndic, et qui serait vraiment, bon, applicable aux membres des bureaux de syndic, et que l'office soit désigné comme étant l'autorité qui sera ou qui serait chargée d'enquêter et d'imposer des sanctions appropriées s'il devait y avoir manquement à ce code d'éthique et de déontologie.

Qu'est-ce que vous pensez des propositions de la Protectrice du citoyen? Est-ce que vous croyez que la mise en place d'un code de déontologie qui chapeauterait le travail des syndics pourrait, d'une certaine façon, venir répondre à certaines problématiques?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel.

Mme Henkel (Daniele) : Merci. Je vais passer la parole, si vous permettez, à mon spécialiste, M. Brisson.

Le Président (M. Ouellette) : M. Brisson. Guy Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Oui, oui, oui.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. C'est parce que, là, j'ai deux Brisson, et, la prochaine question, je vais vous demander si vous êtes parents, mais ça viendra plus tard.

Mme Henkel (Daniele) : Non, justement. Justement non, c'est assez surprenant.

Le Président (M. Ouellette) : Mais juste pour l'audio : M. Guy Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Mais je pense que la Protectrice du citoyen disait que le code de déontologie du professionnel n'est pas tout à fait adapté parce que ce n'est pas un praticien, le syndic, à ce moment-là, hein? Et je pense que c'est souhaitable qu'ils aient un code de déontologie. Mais faut-il en vérifier l'application? Il peut avoir un code de déontologie, comme je suis certain qu'il y a beaucoup de syndics qui ont un code de déontologie à eux, ils ont des valeurs, etc., mais qui en surveille les dérogations? Il n'y a pas de mécanique actuelle.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, en fait, c'était un peu... La recommandation de la Protectrice du citoyen, c'est d'assujettir tout ça au pouvoir de l'office pour avoir un regard indépendant qui n'est pas celui de l'ordre, qui est celui de l'organisme de contrôle. Et donc je me demandais : Est-ce que vous auriez des représentations additionnelles ou des recommandations qui pourraient s'inscrire dans cet ordre-là? Est-ce que vous pensez qu'il est opportun d'assujettir les syndics à un code d'éthique, un code de déontologie propre à leur fonction de syndic? Parce que c'est de ça dont il est question, c'est : le professionnel qui exerce la fonction de syndic, comment doit se comporter ce professionnel-là, et comment doit se dérouler l'enquête, et quelle reddition de comptes doit être faite en cours de route? Je pense que votre intervention vise surtout cet aspect important de la reddition de comptes aussi, que vous croyez qui n'est pas suffisante, parce que, malgré le fait que le code prévoie que le syndic fasse rapport annuellement à son ordre ou à l'ordre auquel il se rapporte, vous ne voyez pas, dans cette disposition-là, un élément qui vient contrebalancer le pouvoir dont est investi le syndic.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel.

Mme Henkel (Daniele) : Les rapports qui sont donnés annuellement sont des rapports globaux, on ne rentre pas dans le détail de chacun des rapports. Et souvent ces rapports-là contiennent... il y a très rarement, je dirais, des contre... d'amener un droit à dire : Je ne suis pas d'accord avec la décision du syndic, sont rares. Et vous le remarquerez d'ailleurs, je l'ai observé sur le site Internet de l'ordre qui nous intéresse et, je ne sais pas, je crois qu'il y a eu 10 plaintes à peu près.

Le Président (M. Ouellette) : M. Brisson, Guy Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Oui. C'est qu'en général... Écoutez, moi, j'ai siégé peut-être sur une quinzaine d'ordres, les conseils d'administration, et dans des comités de révision des plaintes. Et donc j'ai commencé ma carrière avec M. Mulcair lorsqu'il était président de l'ordre, donc il y a un certain temps. Et, les rapports que font les syndics en C.A., ils vont dire : Bien, on a ouvert 42 dossiers durant l'année et on en a fermé 36 ou... tu sais. Mais, en dehors de ça, on n'a pas, O.K., beaucoup d'informations. Et c'est toujours... il y avait cette Muraille de Chine, là, qu'on a mise sur pied en 1994 — j'imagine, là, M. le président Dutrisac? Je ne veux pas vous poser de question — pour préserver tout ça, O.K.? Alors, il n'y a pas d'information qui est véhiculée au C.A. à cet effet.

Donc, c'est pour ça qu'une des recommandations, c'est dire, bien : Le législateur a prévu 90 jours pour une enquête, et après ça, aux 60 jours, si ça s'allonge, d'envoyer un avis comme quoi ça se poursuit. Mais, quand on est rendu à 700 jours... C'est pour ça que, si... La recommandation, là, on dit : Bien, on a fermé tant d'enquêtes après tant de jours, etc., ça donne déjà au C.A. une idée. Et, si ça déborde... Je pense que, sans entrer dans la confidentialité, O.K., on peut informer, tu sais.

Mme Vallée : Ce que je comprends, c'est que vous nous dites : La Muraille de Chine, donc l'indépendance nécessaire du syndic, a peut-être été poussée à un degré où le conseil d'administration n'a pas les outils nécessaires pour pouvoir intervenir et utiliser le contre-pouvoir dont il dispose. Parce que, pour les gens qui nous écoutent, les conseils d'administration ont aussi la possibilité... il existe des moyens de destituer un syndic qui ne serait pas capable d'agir ou qui aurait un comportement ou une conduite inappropriés. Mais ce que vous nous indiquez aujourd'hui, c'est que les rapports transmis aux conseils d'administration ne sont pas suffisamment détaillés et ne permettent pas aux conseils d'administration de pouvoir analyser adéquatement l'information. Et c'est pour ça que vous demandez d'ajouter à l'obligation des syndics.

M. Brisson (Guy R.) : Vous avez tout compris.

Le Président (M. Ouellette) : M. Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Non, c'est beau. C'est juste... Je ne voulais pas vous couper la parole. C'est juste pour les besoins de l'audio et que je veux enregistrer votre réponse. Donc, votre réponse, M. Brisson, c'était?

M. Brisson (Guy R.) : Mme la ministre a tout à fait raison. À moins d'un dérapage catastrophique, le C.A. n'est pas au courant, sous le chapeau de la confidentialité, hein?

Mme Vallée : Ce qui est normal. La confidentialité d'une plainte, c'est important de la maintenir.

M. Brisson (Guy R.) : Oui, absolument.

Mme Vallée : Alors, ce n'est pas... vous ne venez pas du tout... Vos représentations ne sont pas à l'effet qu'on devrait ouvrir davantage sur qui fait l'objet de la plainte et quel est le contexte, mais ce que vous souhaitez, c'est que, le nombre de plaintes, bien, il y ait une reddition de comptes quant aux... La plainte n° 1, elle est en cours depuis 30 jours, 35 jours, la plainte n° 2, elle a été fermée. Et, si je comprends bien votre recommandation, vous souhaitez que le motif qui a amené la fermeture du dossier soit aussi indiqué.

M. Brisson (Guy R.) : Non.

Mme Vallée : Non? Parce que je croyais...

M. Brisson (Guy R.) : M. le Président, uniquement celles qui dépassent 150 jours, le dossier n'est toujours pas fermé après 150 jours d'enquête.

Mme Vallée : Expliquer les motifs, justifier.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel, vous aviez des commentaires?

Mme Henkel (Daniele) : Oui, s'il vous plaît. J'irais un petit peu plus loin. Je dirais que oui, un code de déontologie et d'éthique et, bien entendu, d'avoir à donner les raisons qui font qu'un dossier n'est pas fermé pour peut-être plus que 150 jours. Mais j'irais plus loin. Je dirais qu'aujourd'hui, de par l'expérience que nous avons vécue, Mme la ministre, nous sommes ici parce qu'on veut vraiment parler de contre-pouvoir, puisque nous avons essayé, dans les règles de l'art, de ce que la loi nous permet de faire... Donc, on a suivi tout le cheminement possible, ouvert, qui est accessible à un citoyen de pouvoir adresser sa plainte ou sa requête. Eh bien, nous nous sommes rendu compte qu'elle n'était aucunement possible et que nous étions devant un mur de Chine. Donc, nous sommes ici pour parler de contre-pouvoir qui serait donné par une personne qui serait normalement un non-professionnel puis qui pourrait peut-être être expérimentée suffisamment, n'avoir aucun intérêt et être capable, s'il le souhaite, de demander un petit peu plus d'information, des comptes, de par les agissements d'un syndic, et de les rapporter ensuite, que ce soit à un comité ou à son C.A. pour agissement. Ce n'est pas un conseil qui aurait un droit d'agir, mais plutôt un droit de regard, toujours dans la confidentialité, qui est requis.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (16 h 50) •

Mme Vallée : Ce matin, nous avions l'Ordre des pharmaciens qui émettait des recommandations demandant que les syndics soient investis de plus de pouvoirs, que les syndics puissent être investis de pouvoirs de commissaire enquêteur. Et j'avais pris connaissance de vos représentations, alors je suis curieuse de savoir ce que vous pensez de cette demande-là. Parce qu'à l'intérieur de certains ordres on nous dit qu'il devient très difficile d'intervenir lorsqu'il y a de la pratique illégale et on souhaite avoir plus de pouvoirs pour protéger le public contre des utilisations abusives de titres professionnels, des fausses représentations. Bref, il y a quand même des enjeux importants de protection du public qui ont fait les manchettes au cours des dernières années. Que pensez-vous de ce pouvoir additionnel là qui pourrait être accordé aux syndics?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel.

Mme Henkel (Daniele) : Avec votre permission, Mme la ministre, M. le Président, vous savez, si on commence à regarder chacun des ordres, nous allons déterminer que chacun des ordres a des besoins spécifiques parce qu'ils ont vécu des événements spécifiques. Nous essayons de rester dans la globalité pour être adressée de façon juste et de façon transparente. Nous ne sommes ici que pour une seule raison. Je ne viens pas parler de nous, je viens parler d'un événement qui s'est produit, et, au lieu de ne référer qu'à cet événement, nous avons regardé la globalité d'un pouvoir de syndic et d'un contre-pouvoir qui devrait aussi obliger un syndic... Parce qu'il y a des syndics que je connais qui sont impeccables, qui font un travail exceptionnel. Et ce n'est pas de ça dont nous parlons aujourd'hui, nous parlons d'une transparence obligatoire, c'est ce que le citoyen demande. On est rendu que neuf citoyens n'ont plus confiance à leurs ordres professionnels. Ce n'est pas normal. Donc, nous disons qu'il doit être possible...

Et, si on parle de donner plus de pouvoirs pour enquêter, je crois que, si un syndic reste dans son obligation, par exemple, de 90 jours ou de 150 jours, à rassurer autant son C.A. que ses comités, qu'il est transparent et qu'il a des raisons réelles de continuer une enquête, bien, absolument.

Nous ne parlons que de transparence. Aujourd'hui, notre requête, c'est parce que nous n'arrivons pas à savoir de quoi nous sommes accusés et pourquoi nous sommes accusés malgré nos demandes, malgré notre demande de débat public. Nous voulons un débat transparent. Nous ne savons pas ce que nous avons fait et nous nous sommes rendu compte que, même en tapant aux portes qui sont à la disposition du citoyen aujourd'hui, il n'y a aucune possibilité d'avoir une réponse de quiconque. Ce n'est pas normal. C'est tout.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, une minute.

Mme Vallée : Donc, si je comprends bien... Bien, je voulais vérifier... Le contre-pouvoir actuel qui est accordé au conseil d'administration n'est pas suffisant et mériterait d'être encadré davantage.

Sur la nomination des membres citoyens, j'aimerais vous entendre sur cette recommandation... en fait, vos recommandations qui visent à mieux identifier les membres citoyens. Est-ce que vous auriez des commentaires à formuler en plus de votre...

Le Président (M. Ouellette) : M. Guy Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Oui, oui, oui! Écoutez, ce n'est pas toujours évident de siéger avec deux professionnels et de jouer ce rôle qui est essentiel, parce que, sur un comité de révision des plaintes actuellement, on signe les avis, O.K., autant que les deux professionnels qui siègent actuellement, O.K., mais il faut comprendre la dynamique, il faut connaître le code de déontologie de l'ordre en question, il faut connaître c'est quoi, le mandat du syndic, c'est quoi, ses pouvoirs d'enquête, c'est quoi, ses obligations, comment il doit répondre à des allégations, etc. Donc, il faut... et être objectif dans ça.

C'est pour ça qu'il y a une recommandation qui dit que ça ne devrait pas être des professionnels qui sont nommés à cette fonction-là. Donc, il faut une formation particulière pour les gens qui vont occuper ce genre de poste là. Et je pense qu'il y a plusieurs représentants du public qui siègent là depuis 20 ans, et qui ont une expérience, et qui peuvent la partager, hein, et aider à ce que le public soit mieux représenté à cette table-là, O.K., qui est bougrement importante, mais qui est méconnue.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre, M. Brisson. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour, Mme Henkel, bonjour, MM. Brisson. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci de partager votre expérience avec nous et de travailler à améliorer le projet de loi n° 98. C'est très intéressant de voir une nouvelle façon, une nouvelle approche, justement, à ce projet de loi.

Je comprends que, par votre expérience avec le syndic, qui a des grands pouvoirs, des pouvoirs importants dans les ordres professionnels, vous cherchez à savoir quel serait ou quel pourrait être le contre-pouvoir lorsque ce syndic a des comportements qualifiés d'inappropriés. Le contre-pouvoir que je vois dans votre mémoire ou dans votre proposition, si j'ai bien compris, c'est le comité de révision des plaintes. Est-ce que c'est bien ça?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel?

Mme Henkel (Daniele) : C'est cela. Puisqu'il existe déjà, puisqu'il est déjà forgé à cette pratique, je crois que... Au lieu d'ajouter encore une fois dans le système quelque chose de coûteux ou une autre façon de faire, pourquoi ne pas utiliser ce qui existe, qui est déjà rodé, qui comprend bien la procédure et qui pourrait juste avoir peut-être une façon différente de faire? C'est pour ça qu'on l'a appelé un conseil révisé.

Mme Jean : Le fameux comité de révision des plaintes, pour pouvoir prendre en considération un dossier, comment est-ce que vous voyez... comment il est informé de la problématique? Est-ce que ça vient d'une autre plainte ou est-ce que ça vient d'une diligence ou de vérifications? Donc, le comité, en tant que tel, aurait certains pouvoirs pour aller faire des vérifications? Dans votre vision, comment vous voyez ça?

Mme Henkel (Daniele) : M. Brisson.

Le Président (M. Ouellette) : M. Guy Brisson.

M. Brisson (Guy R.) : Merci, M. le Président. Écoutez, il y a un élément des recommandations qui demande à ce que le comité de révision des plaintes, mais modifié avec un mandat, là, ajusté en conséquence, reçoive une copie de la lettre adressée à la personne qui a demandé l'enquête et une copie aussi de la lettre adressée au professionnel lorsque le syndic ferme son dossier. Donc, la majorité des dossiers du syndic sont fermés, et la plainte est rejetée parce que les allégations n'ont pas pu être vérifiées, et je pense que le gros de la problématique est peut-être à ce niveau-là. Parce que, dans notre mémoire, on a souligné un tel mémoire... un tel dossier qui a été fermé par le syndic, qui a été rejeté par le comité de révision des plaintes, et la personne a pris son dossier et est allée en plainte privée, directement en discipline, et, vu que c'était une avocate, O.K., donc avec le sens de la plaidoirie, etc., elle a renversé la décision et elle a gagné sa cause.

C'est simplement pour vous dire que M. Tremblay, dont la plainte a été rejetée par le syndic, n'a pas nécessairement les outils pour aller déposer une plainte privée et la défendre lui-même. Donc, si une copie du dossier fermé était remise au comité de révision des plaintes modifié, il pourrait regarder et voir que, bon, les allégations ont bien été répondues, et il n'y a rien qui semble... Sinon, on pourrait aller plus loin.

Mme Jean : Le conseil d'administration... O.K. Donc, il y a le comité de révision des plaintes que vous voyez comme le contre-pouvoir qui pourrait peut-être satisfaire la faille que vous avez identifiée dans le système...

M. Brisson (Guy R.) : C'est un lanceur d'alerte — excusez — plus. Il n'a pas de pouvoir, lui. Il lance des alertes au C.A.

Mme Jean : Le comité de révision, vous parlez?

M. Brisson (Guy R.) : Oui.

Mme Jean : C'est un lanceur d'alerte. Donc, en analysant les fameuses lettres, il pourrait dire : Oups! Il y a quelque chose de louche et...

M. Brisson (Guy R.) : Tu sais, puis, pfft! au C.A.

Mme Jean : Envoie ça au C.A.?

M. Brisson (Guy R.) : Oui.

Le Président (M. Ouellette) : Le «pfft», ce n'est pas bon pour l'audio!

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouellette) : Traduisez-moi le «pfft», s'il vous plaît!

Mme Jean : Le transmet au C.A., le transfère au C.A.

M. Brisson (Guy R.) : Excusez-moi!

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Dans votre 10e recommandation, vous êtes assez précis dans... non, la 11e recommandation, vous êtes assez précis dans cette recommandation-là en mentionnant que les dossiers, en faisant référence à un nombre de jours pour des raisons empêchant la fermeture, donc le nombre de jours entre sa fermeture et le fait qu'il ne soit pas fermé après 150 jours, devraient se retrouver au conseil d'administration. D'où viennent ces chiffres-là... (Interruption) Ce n'est pas ce que... Allez-y. Précisez-moi.

M. Brisson (Guy R.) : Si vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui, je vous permets, monsieur.

• (17 heures) •

M. Brisson (Guy R.) : Donc, ce ne sont pas les dossiers, c'est... Le syndic pourrait dire au C.A., lorsqu'il comparaît : Voici, j'ai un dossier qui est rendu à 180 jours, O.K. — parce qu'on aurait dépassé un seuil que... c'est 150, mais ça pourrait être 160 — et, pour telles raisons, je n'ai pas pu le fermer avant. Il n'a pas à détailler. Il n'y a pas de nom, il n'y a pas de problématique, tu sais, à moins qu'il veuille saisir le C.A. du problème qu'il rencontre, mais, en général, une explication : que c'est plus compliqué, etc.

Mme Jean : Expliquez-moi en quoi serait utile cette information au conseil d'administration si c'est une information unique, donc elle n'est pas mise en contexte. On sait que... Et ça peut être des cas par cas, ça peut se justifier, ou etc. Comment cette information peut être interprétée par un conseil d'administration?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel.

Mme Henkel (Daniele) : Merci, M. le Président. Je crois que, lorsqu'il y a dépassement dans le temps, par exemple et que, de par les nouvelles exigences, un syndic doive se justifier, le C.A. serait capable de voir que, dans ce dossier... ou le conseil, le comité spécial de révision des plaintes pourrait voir qu'il y a matière peut-être à poser des questions, dans le cadre de la confidentialité. Mais cette confidentialité, dans un conseil d'administration, elle est d'emblée, elle est là. Je veux dire, un conseil d'administration se doit de respecter la confidentialité d'une information. Donc, si on dépasse le temps, on se peut de dire ce qui se passe, et un petit peu plus de précision, parce qu'il y a peut-être matière à poser la question.

Donc, c'est là où s'enclenche le fameux déclencheur de contre-pouvoir : j'ai besoin de savoir, je veux comprendre, peut-on me montrer? Et, si tout est beau, on continue. Sinon, il y aurait matière à explication.

Mme Jean : Si je comprends bien, lorsqu'il y a un dépassement de 150 jours, peut-être que quelque chose est mystérieux... bon, 150 jours, 200, moi, je n'en sais rien, d'où vient le chiffre du 150 jours, et le conseil d'administration, selon vous, pourrait être légitimé de poser des questions au syndic. Dites-moi, comment on peut, à ce moment-là, effectivement, conserver la confidentialité? Donc, le niveau de confidentialité devient ouvert, on en dit plus. Donc, ce n'est plus coupé, il n'y a plus de mur entre le syndic et les membres du conseil d'administration, là. Il y a de l'information qui va se filtrer. À moins que je n'aie pas bien compris, là.

M. Brisson (Guy R.) : M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, M. Brisson, c'est à vous, la parole.

M. Brisson (Guy R.) : L'article 124 du Code des professions permet déjà un échange d'information au-delà du secret de confidentialité, en autant que c'est pour la protection du public. Le projet de loi n° 98, dans l'article 62.0.1, quelque chose du genre, précise davantage, selon moi, l'article 124 du code en disant : Bien, les administrateurs sont aussi susceptibles de pouvoir échanger des informations confidentielles. Et le serment de confidentialité ne tient pas, O.K., à l'intérieur du conseil d'administration en autant que la protection du public... si la protection du public est mise en jeu. Et le mémoire fait allusion à la loi n° 18, médicale. Regardez le nombre de personnes dans ce... par cette loi, lorsqu'on lance une enquête, il y a des... j'allais dire une centaine, mais il y a... de monde qui sont dans la confidentialité, et c'est fonctionnel, hein?

Mme Jean : Puisque c'est confidentiel et que c'est le syndic qui va présenter, donc est-ce que c'est le syndic, selon vous, qui décide qu'est-ce qui est considéré comme lié à la protection du public ou est-ce qu'il ne l'est pas? Qui décide que l'information est liée à la protection du public? Est-ce que le syndic se retrouve avec...

Le Président (M. Ouellette) : En 30 secondes.

Mme Jean : ...se retrouve, dans le fond, avec, lui-même, l'information en disant : Non, je ne peux pas vous le dire parce que ça pourrait toucher la protection du public?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Henkel, en 30 secondes.

Mme Jean : Une question comme ça, là.

Mme Henkel (Daniele) : Oui. Écoutez, le syndic est supposé, de par ses droits et ses fonctions, savoir, si c'est en toute transparence, ce qui pourrait être pour la protection du public ou pas. Et je considère qu'un syndic devrait être au-dessus de tout soupçon et qu'il devrait être la personne qui me protège en tout temps. Merci.

M. Brisson (Guy R.) : Et, juste pour ajouter, Mme Jean, le comité modifié de révision des plaintes, O.K., pourrait demander à voir confidentiellement, O.K., les données pour voir si c'est justifié de ne pas ouvrir au C.A.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Brisson. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Henkel, un plaisir de vous voir. MM. Brisson, bonjour. Merci d'être là.

Mémoire étoffé, je viens de lire le résumé ici. Vous nous dites qu'il faut instaurer donc un contre-pouvoir au syndic et avoir plus de transparence. Plus de transparence, j'en suis. Contre-pouvoir peut être une chose très importante, on le voit dans nos démocraties à certains égards, donc un contrepoids. Et vous nous faites 11 recommandations.

Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vous amène à la recommandation n° 9, je vais juste la lire parce que je pense que ça centre très, très bien le noeud de la problématique que vous nous soumettez aujourd'hui. Vous nous dites à la neuvième recommandation : «Qu'un professionnel intimé qui se croit abusé par les démarches d'enquête du syndic puisse en demander l'examen au comité de révision des plaintes; le cas échéant, le comité en référera au C.A. de l'ordre.» Dites-moi si je me trompe, mais c'est bien là, le noeud du problème, le fait que le syndic ait tant de poids, qu'il n'y ait pas personne d'autre pour venir faire un contrepoids.

Et dans quelle mesure... Alors, dans quelle mesure ça impacte, justement... Vous êtes ici en tant que patronne, qu'entrepreneure, vous engagez de ces professionnels qui ont à vivre avec les ordres professionnels et les syndics de chacun de leur ordre respectif, dans quelle mesure ça vous impacte, le fait qu'il n'y ait pas ce contrepoids?

Mme Henkel (Daniele) : Bien, écoutez, ça fait plusieurs jours, comme je le disais, plus de 700 jours aujourd'hui... ou je parlais, tout à l'heure, même de la faiblesse, même, au niveau psychologique, lorsqu'on accuse ou qu'on dit qu'on fait une enquête sur un professionnel et que ce professionnel, entre autres dans notre cas, si on parle de notre cas, qui a été décoré en 2015 comme étant le professionnel le plus reconnu dans son domaine et à qui on a demandé deux fois... donc son ordre a demandé par deux fois de venir parler pour informer de ce que c'est que les tests sur les hypersensibilités alimentaires. Je crois que c'est un bel exemple de dire qu'on a le droit de savoir pourquoi ce professionnel aujourd'hui est accusé et de quoi, surtout après tant de temps.

Mme Roy : Merci, M. le Président. Ce que j'aime, c'est que c'est un exemple concret du système, de ce système de plainte. Et vous poursuivez en nous disant qu'il faut avoir... qu'on puisse faire ce contrepoids, ce contrepoids au pouvoir du syndic, parce qu'il a beaucoup de pouvoirs, et les conséquences, c'est qu'on ne sait pas toujours tout quand il y a une plainte qui est portée contre nous.

Vous parliez également du temps, ça peut être très, très long, il serait bien qu'on sache avant que le temps s'écoule ce qui se passe pour la personne qui est concernée, les entreprises aussi qui l'engagent.

Vous voulez, dans votre mémoire, aussi faire une plus grande place, qu'on accorde une plus grande importance aux membres du public dans la composition de ce comité de révision des plaintes. Expliquez-nous pourquoi.

Mme Henkel (Daniele) : On parle de protection du citoyen, alors je crois que, si le citoyen est au coeur de la préoccupation, il faudrait que ce citoyen soit partie intégrante, parce que, s'il n'a pas, je dirais, d'intérêt et qu'il est totalement non biaisé par quelques ordres ou quelques intérêts personnels, son rôle serait même d'apporter une protection, je dirais, c'est drôle à dire, mais aux ordres professionnels et aux syndics en disant : Je sais que ça se fait, c'est comme ça parce que c'est vrai. Un exemple que je vous donne.

Donc, l'implication, plus on va impliquer le citoyen, plus on va lui démontrer que nous sommes transparents, que la gouvernance... que les lois sont respectées, et plus il y aura probablement moins de judiciarisation du système, beaucoup moins lourd pour tout le monde. Et on regagne confiance. C'est un peu le but de notre présentation aujourd'hui.

Et, avec votre permission, puisqu'on s'en va dans cette direction, j'aimerais céder la place à M. Brisson, qui est ici, puisqu'on parle aussi de faits, et, vous comprendrez, je vais laisser M. Brisson expliquer la raison qui fait qu'il soit ici de façon professionnelle, et non personnelle.

Le Président (M. Ouellette) : Bon. Lui, c'est Gilles Brisson.

Mme Henkel (Daniele) : M. Gilles Brisson.

M. Brisson (Gilles) : C'est ça.

Le Président (M. Ouellette) : Oui. En complémentaire, M. Gilles Brisson.

M. Brisson (Gilles) : Alors, Mme la ministre, M. le Président, moi, je suis ici en tant que président et directeur scientifique d'un laboratoire qui n'a aucun lien d'affaires direct avec Mme Henkel. Et j'ai reçu de l'Ordre des chimistes, du syndic une note, une missive disant : Est-ce que vous effectuez ces tests-là? Alors, le laboratoire ne fait pas ces tests-là et les envoie ou les réfère au laboratoire de Mme Henkel. Et on m'a même dit que, si je ne respectais pas cette missive du syndic, je pourrais être poursuivi, autant pour ne pas... pour faire les tests, que les référer à un autre laboratoire. Alors, ça fait un petit peu bizarre de ce côté-là.

Alors, dans ce sens-là, le laboratoire BNK, qui agit dans le domaine clinique, etc., bien, on se sent lésé, tout simplement, parce que les demandes à qui on répondait relevaient d'une prescription médicale, tel que c'était requis. Et, à partir de là, on respectait tous les éléments d'une prescription médicale en fonction d'une analyse qu'un médecin pouvait demander. Et là, actuellement, peu importe qu'est-ce que j'avais répondu au syndic, j'ai dit : Si j'ai une demande par un médecin, donc, je respecte tous les éléments pour répondre à une demande. Et on m'a dit : Non. Même s'il y avait une demande faite par un médecin, nous vous demandons de ne pas répondre et de ne pas faire faire les analyses, ni ailleurs ni à l'intérieur de mon laboratoire.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Dr Brisson. Il reste 20 secondes, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : 20 secondes, je vous laisse aller, dans la mesure où ce que vous dites est intéressant.

M. Brisson (Gilles) : Bien, je veux peut-être faire référence aussi à qu'est-ce qu'on a dit tantôt, lorsqu'on a fait référence à 150 jours, c'est que, dépassé 150 jours, il doit y avoir un mécanisme qui fait en sorte qu'on s'interroge. Rendu à 660... 600 jours, ou deux ans, moi, je pense que c'est un abus de pouvoir, et ça devient du harcèlement d'un professionnel, et surtout, bon, pour... dans ce sens-là, que le professionnel a été invité à donner des conférences sur le sujet par le même ordre à une assemblée générale. Alors, il y a une contradiction ouverte de ce côté-là qui fait en sorte qu'il y a un professionnel qui est lésé, un laboratoire qui est lésé, et un deuxième laboratoire qui ne peut pas faire son travail.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Dr Gilles Brisson. Merci, Dr Guy Brisson. Merci, Mme Daniele Henkel, représentant Les Entreprises Daniele Henkel.

Je suspends quelques minutes et je demande au Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant notre dernier intervenant pour les consultations, qui est le Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec. Donc, nous recevons M. le commissaire, Me André Gariépy. Je pense que vous connaissez les règles, je n'ai pas besoin de vous les rappeler, 10 minutes, et par la suite questionnement par Mme la ministre et les porte-parole de l'opposition.

Donc, Me Gariépy — j'ai brûlé du temps pour vous permettre votre verre d'eau — à vous la parole.

Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance
des compétences professionnelles

M. Gariépy (André) : Alors, merci, M. le Président. Je salue les personnes avec qui j'ai eu le plaisir de travailler au quotidien et d'autres personnes que j'ai pu connaître par le passé.

Alors, M. le Président, vous m'avez présenté, alors je suis André Gariépy, avocat et membre fellow de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec. Je suis le premier titulaire du poste de Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles, créé en 2009 par une loi de l'Assemblée nationale.

Je remercie la commission de l'occasion d'être entendu sur un projet de loi qui propose de modifier les outils de veille et d'intervention de l'État sur la question sensible, mais stratégique de l'admission aux professions réglementées.

Voilà maintenant six ans que j'occupe le poste de commissaire. Contrairement à certaines affirmations véhiculées, la connaissance acquise et les travaux réalisés par le bureau du commissaire, et ça ne concerne pas seulement les plaintes, ont mis en lumière des enjeux et des problèmes aux différentes étapes du parcours d'admission, incluant celles sous la responsabilité directe des ordres professionnels. En prenant connaissance des rapports que nous avons produits au fil des ans, on comprendra qu'aucune loi, aucun règlement, aucune organisation ne peut prétendre à l'infaillabilité... l'infaillibilité — j'ai été faillible ici. Notre mémoire expose la situation telle qu'elle a été révélée par nos travaux.

Les parcours d'admission aux professions sont variés. Il y a le parcours habituel de la formation initiale québécoise et les parcours de formation atypiques, au Québec ou à l'étranger. Tous les profils de candidature doivent répondre aux mêmes exigences fondamentales de connaissances et d'habilités établies pour assurer la protection du public dans des activités professionnelles qui comportent des risques. Toutefois, les conditions d'admission s'énoncent dans des textes réglementaires, des politiques et des processus propres à chaque parcours et à chacun des ordres professionnels. Un tel échafaudage comporte des risques d'incohérence et de glissement par rapport aux exigences fondamentales. Ces risques se manifestent aussi dans l'application des textes réglementaires où les ordres ont une latitude. L'admission doit être pensée, appliquée et critiquée de façon intégrée pour en assurer la cohérence au regard de la protection du public, mais aussi l'équité entre les différents profils de candidate et candidat.

Six ans plus tard, la réalité est aujourd'hui mieux comprise, et le commissaire doit adapter son regard, son intervention et sa compétence. Le Québec a des obligations internationales dans le traitement des demandes d'admission aux professions réglementées, des obligations qui vont se préciser et s'accentuer avec les accords de commerce et d'autres instruments internationaux en cours de discussion.

Quant au contenu du projet de loi, j'estime que la nouvelle compétence proposée pour le poste de commissaire répond de façon adéquate et mesurée aux changements requis par la situation et par les enjeux actuels et futurs de l'admission aux professions réglementées.

Pour ce qui est de l'accès à la formation d'appoint et aux stages, le Québec est confronté à une complexité et une multiplicité d'acteurs et de dispositifs gouvernementaux, et autres. Nous sommes en présence de cultures institutionnelles parfois fortes, dont les interactions des dernières années n'ont pas donné tous les fruits attendus. Devant cette situation, je crois indiquée et prometteuse la mesure, proposée par le projet de loi, qui, par un acte d'autorité de l'Assemblée nationale, institutionnaliserait la contribution et la coordination des acteurs avec de nouvelles modalités de reddition de comptes aux plus hautes autorités de l'État.

En terminant, et avant nos échanges, je dois vous confier que le poste de commissaire a un rôle ingrat parce qu'il porte un regard indépendant et critique et doit quelquefois poser des questions, amener des faits ou des perspectives qui confrontent des certitudes, des cultures institutionnelles, certaines bien ancrées. Pourtant, ce poste est essentiellement voué à l'amélioration des pratiques d'admission et au maintien de la confiance du public dans le système professionnel.

Aujourd'hui, du fait de ses fonctions, le commissaire doit faire montre de réserve face à des postures politiques et des procédés rhétoriques. Donc, à la fin des auditions sur le projet de loi, où bien des choses ont été dites et affirmées, je suis ici pour simplement vous présenter des enjeux, des perspectives et des faits sur l'interaction délicate entre la protection du public, les intérêts des uns et des autres et le traitement équitable de toutes les personnes qui désirent exercer leurs professions et faire avancer le Québec. Merci, M. le Président.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Gariépy. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Me Gariépy, merci de votre présentation, merci de votre présence aux travaux de la commission. Je pense que vous avez suivi, comme nous, l'ensemble des consultations. J'aimerais que vous puissiez vous exprimer sur les enjeux, les défis auxquels vous avez fait face de façon concrète au cours des six dernières années, qui vous amènent à constater qu'il est important d'aller de l'avant avec l'élargissement des pouvoirs qui sont confiés au commissaire, je ne dirais pas à vous, parce que vous êtes un représentant du commissaire, mais le commissaire est l'institution qui est créée, qui est distincte de l'individu évidemment, ça aussi, c'est important de le mentionner. Et j'aimerais vous entendre sur l'importance, pour la protection du public, d'accroître le spectre du commissaire. Parce qu'on nous a dit abondamment que, bon, il n'y avait pas de chiffres, il n'y avait pas de statistiques, il n'y avait pas eu de démonstration de l'importance et du besoin d'élargir ce spectre-là. Vous avez occupé des fonctions pendant six ans, vous avez sans doute fait face à des défis, fait face à des obstacles, et c'est sur ça, sur ces exemples concrets là que j'aimerais vous entendre cet après-midi.

Le Président (M. Ouellette) : M. Gariépy.

M. Gariépy (André) : Merci. M. le Président, je remercie la ministre pour sa question vaste, on en a écrit pour une quarantaine de pages.

Essentiellement, le commissaire a été défini, en 2009, de façon très, très, très circonscrite, et on voit bien, là, on sent qu'il y a eu toute une négociation, là, on découpe ça comme un gruyère, on tourne autour d'une roche pour être sûr que le chemin n'enlève pas la roche. Il y a toutes sortes de choses, et, lorsque je suis arrivé au poste de commissaire, avec mon équipe on a commencé à regarder ça, et à utiliser les pouvoirs, et à regarder le terrain qu'on occupait. Et rapidement on s'est aperçus qu'on n'était pas en mesure de livrer l'ambition qu'il y avait derrière ce poste-là.

On peut faire beaucoup de travail, on s'occupe de la reconnaissance des compétences, qui est un gros bloc de situations litigieuses avec les personnes immigrantes, mais on s'aperçoit rapidement que, pour aller aux sources des choses, il faut regarder ailleurs. Il faut aussi aller, pour ces personnes qui passent par la reconnaissance des compétences, aux autres étapes du processus d'admission, comme les conditions supplémentaires. Parce qu'il y a, là aussi, des enjeux, et nous avons recensé une vingtaine de plaintes de gens qui... à l'étape des conditions supplémentaires, que ce soit pour la formation professionnelle, que ce soit pour l'examen, que ce soit pour le stage ou en conditions supplémentaires, où, là, se retrouvent à la fois les gens qui nous viennent du profil québécois de la formation du diplôme désigné et les gens qui nous viennent de l'équivalence ou de la reconnaissance des compétences. Les gens se retrouvent — vous l'aurez vu dans le schéma qu'on a livré dans notre mémoire — tous à ce même endroit.

Et j'ai dû dire à des gens : Écoutez, je m'occupe de ça, mais, telle autre chose qui est un continuum pour votre intégration et pour votre perspective, et pour laquelle on voit bien que, du fait de votre profil atypique — pour ce qui est des personnes immigrantes — vous rencontrez les mêmes obstacles à cette étape de conditions supplémentaires que les obstacles que vous avez rencontrés à l'étape de l'équivalence, bien, je ne peux rien faire, ainsi est écrite la loi. Alors, vous ne pouvez pas vous imaginer les situations. Parce que nous, nous rencontrons des êtres humains, hein? On ne parle pas de statue, nous rencontrons des êtres humains. C'est très difficile de voir que, dans ce continuum, la loi n'accompagne pas le continuum. Donc, on a fait face à des choses comme ça.

Les règlements, c'est bien, mais l'application, c'est autre chose, quelquefois. Et, malgré ce qu'on dit, tout n'est pas dans le règlement. Et il y a une latitude qui est laissée aux ordres professionnels. Ils adoptent des politiques, même, des fois, des interprétations. Et vous aurez bientôt un rapport qui va vous montrer aussi que, quelquefois, les règlements ne sont même pas appliqués. L'ordre fonctionne en parallèle avec son règlement.

Alors, ces regards impressifs des différentes choses, ça prendrait beaucoup de temps pour décortiquer. Mais, lorsque vous prenez le schéma qui se trouve en annexe de notre mémoire, vous allez voir ces zones, ces bulles qui ne sont pas en ombré et où le commissaire n'a pas compétence, où il y a des enjeux documentés que nous avons recensés depuis six ans. Et, quand une personne fait sa demande à l'ordre, elle ne perçoit pas toutes ces nuances-là. Elle rencontre un problème, elle veut être capable de faire regarder par un tiers impartial est-ce que tout ce processus-là a été traité de façon correcte, est-ce que mon dossier a été traité de façon équitable, avec des normes, et des processus, et des méthodes objectives, impartiales. C'est, d'entrée de jeu, ce que je vous dirais.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Le CIQ... Et il y a eu plusieurs ordres qui ont soulevé, au cours des consultations, que le commissaire avait reçu peu de plaintes, qu'il y a peu de refus des ordres, donc il n'y a pas de problème et il n'y a pas de raison... il n'y a pas de raison et ni de démonstration concrète du besoin d'élargir. Selon certains, ce besoin d'élargir le spectre d'interventions ou le regard du commissaire n'est pas fondé.

M. Gariépy (André) : À ça, Mme la ministre, M. le Président, ce qu'il faut répondre, c'est que tout n'est pas dans les rapports d'examen de plainte. Même dans les plaintes pour lesquelles le plaignant a décidé de retirer sa plainte, nous avons capté des choses. Mais, devant le refus, pour toutes sortes de raisons, de quelqu'un de poursuivre sa plainte, bien, il a fallu se taire. Mais la mémoire est là. Et il faut comprendre aussi que... Et j'en parlais, j'ai fait une tournée du Québec, des organismes de soutien aux personnes immigrantes, pour ce qui est de sa clientèle, tous me disent : Les gens ont peur de se plaindre. Ils arrivent au Québec. Ils ne veulent pas déranger. Et certains même se résignent et se disent : Bien, ce sera pour mes enfants. Des choses comme ça doivent être inacceptables pour le Québec.

Alors, lorsqu'on vous dit qu'il y en a peu, ce n'est pas le signe qu'il n'y a pas de problème. Tous les organismes qui sont habilités à recevoir des plaintes, que ce soit ici ou même à l'international, pour certains à qui j'ai pu parler, ils m'ont dit : Ça ne peut pas être un indicateur qu'il n'y a pas de problème. Mais, vous savez, même les quelques plaintes qu'on a reçues nous ont permis de découvrir des choses assez intéressantes, c'est-à-dire des conditions d'admission dont la justification est discutable, des processus lourds et coûteux, des communications déficientes, une application inadéquate de la loi, et des règlements, et des politiques, et parfois une conduite, c'est-à-dire une attitude des acteurs, qui est critiquable. Même avec le peu de plaintes, voici ce qu'on a pu découvrir.

Alors, sommes-nous devant le phénomène de la pointe de l'iceberg? Je pense que oui. Et c'est pour ça qu'il y a aussi le pouvoir de vérification. Parce que le pouvoir de vérification, ça permet de compléter l'examen de plainte. C'est le pouvoir d'initiative du commissaire. D'ailleurs, plusieurs plaintes que j'ai dû fermer du fait que la personne ne voulait pas s'avancer pour se plaindre, et qu'on continue d'examiner sa plainte, et que ça soit mis à la connaissance de l'ordre, eh bien, plusieurs de ces plaintes nous ont servi de base pour lancer des vérifications auprès des ordres. L'un ne va pas sans l'autre. L'un alimente l'autre. Et l'un, justement, permet de contrecarrer la dynamique personnelle psychologique, qu'on ne doit pas juger, mais qui est réelle, des gens qui craignent de se plaindre.

Vous savez, la Commission des droits de la personne en 2010 a produit un rapport sur les pratiques discriminatoires des facultés de médecine pour l'admission des médecins résidents. Vous savez que, depuis 2010, la Commission des droits de la personne, qui a rencontré des centaines de médecins sur cette problématique, n'a pas trouvé un médecin pour être le médecin qui va porter plainte au Tribunal des professions, être le cas qui va établir la jurisprudence et casser ces pratiques discriminatoires des universités. Donc, la Commission des droits de la personne est affectée également par ce phénomène des gens qui se disent : Pourquoi moi, je serais l'agneau sacrificiel de tout le système? Pourquoi ma famille va y passer? Moi, je veux juste m'intégrer au Québec. Alors, voilà la réponse qu'il faut donner à ça. Il ne faut pas minimiser ces choses-là. À certains égards, ça démontre une certaine insensibilité à l'égard des personnes qui vivent ces situations-là.

• (17 h 30) •

Mme Vallée : M. Gariépy, je sais que le temps file, et votre témoignage est fort intéressant. Le CIQ et les ordres craignent une explosion des coûts, et c'est l'un des motifs à l'appui du rejet de cette portion du rapport. D'autres ordres nous disent qu'il s'agit là d'une réforme purement cosmétique, que ça n'aurait pas d'effet, puisqu'il ne s'agit que d'apporter des structures et que ça n'aura pas d'effet direct. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux éléments-là, s'il me reste du temps.

M. Gariépy (André) : Bien, pour ce qui est des coûts, écoutez, quand on est contre quelque chose, c'est presque une figure obligée de dire que ça va coûter quelque chose, et puis c'est bien auprès des parlementaires d'avoir ce souci de s'assurer qu'on ne part pas en peur avec les sommes qui sont confiées aux titulaires de charge publique. Mais, au fond, écoutez, le commissaire s'occupe en ce moment d'une fonction de l'admission, c'est-à-dire la reconnaissance des compétences, qui est la plus complexe. Alors, de se porter pour aller chercher cette cohérence du regard, pour aller chercher les cas aux autres étapes du processus d'admission qui posent problème aussi, ça ne devrait pas représenter une multiplication des coûts. En fait, pour être complètement transparent, je pense que seulement l'ajout d'une personne suffira.

Mme Vallée : Et qu'en est-il de la critique quant à l'efficacité réelle des pouvoirs du commissaire et de l'institutionnalisation du pôle?

M. Gariépy (André) : Bien, il s'agit de deux choses très différentes. Pour ce qui est du commissaire, je dois vous dire, la plupart des recommandations ont été appliquées. Certaines sont en attente de discussions avec l'office et l'ordre, il y a des réflexions qui doivent se tenir, la plupart ont été appliquées. D'ailleurs, je dois vous dire, la plupart — et c'est ce qui m'étonne de ce qu'on est venu vous dire — la plupart des ordres professionnels, quand on leur dit qu'on travaille sur une chose, nous disent : J'ai hâte d'avoir votre rapport parce que ça va me permettre de revoir mes choses un peu... améliorer mes pratiques. Et la plupart ont eu une très bonne réaction.

À l'égard du pôle, je comprends pourquoi les gens taxent ça de cosmétique. Pourquoi? Parce qu'on prend quelque chose, on met ça dans une loi. Qu'est-ce que ça change? Mais, lorsqu'on connaît le fonctionnement de la machine gouvernementale, ça change tout. Parce que le problème du pôle — et on pourra en parler avec les autres questions — le problème du pôle, c'est que les gens sont là, ils ont leur mission par leur loi constitutive puis ils se disent : Mais qu'est-ce que je fais ici? Et puis je reste dans mes petites affaires, poliment je participe, mais je n'ai pas à m'engager, je n'ai pas à en faire plus et, rapidement, je peux toujours dire : Bien, moi, je suis autonome, j'ai ma loi constitutive, et tout, et tout. Lorsqu'on met dans une loi de l'Assemblée nationale ce devoir de contribution et ce devoir de participer aux solutions sur cette problématique fondamentale pour le Québec, bien, ça fait en sorte que ça entre dans les paramètres institutionnels de toutes ces organisations qui, jusqu'à maintenant, ont beau jeu de dire : J'ai ma mission, ma loi constitutive, je suis autonome, et tout, et tout. C'est le signal que vous lancez comme parlementaires à tel ministère, à tel organisme, à tel établissement d'enseignement : La chose fait maintenant partie des considérations institutionnelles que vous devez intégrer dans vos opérations. C'est ça que ça veut dire. Ça lance ce signal fort. D'autant plus que les mesures que vous apportez amènent, et je le sais, en complément, des redditions de comptes aux plus hautes autorités, au Conseil des ministres, au sein de l'appareil gouvernemental. Ça va changer la donne complètement. Plus personne ne pourra s'esquiver, plus personne ne pourra invoquer je ne sais quoi pour ne pas donner l'information, pour ne pas vraiment participer et pour ne pas se sentir responsable de l'enjeu commun.

Le Président (M. Ouellette) : Dernière question.

Mme Vallée : Et est-ce que... Au cours des six dernières années, j'imagine que vous l'avez constaté, le problème de coordination entre les tierces parties et les ordres. Pouvez-vous nous en parler un petit peu?

M. Gariépy (André) : Bien, je vais vous donner un beau cas, et je vais mentionner l'ordre professionnel parce que l'ordre professionnel est avisé que j'en parle dans mon rapport annuel qui s'en vient. Je vous donne un scoop, là, je reprends un peu. Alors, il s'agit de l'ordre de la physiothérapie et d'un collège. Le collège décide de mettre fin à la cohorte de formation d'appoint, parce qu'à la toute dernière minute, au mois de juin, on s'aperçoit qu'il manque quelques personnes pour que la cohorte soit bien financée, n'avise personne, avise les candidats et les étudiants : C'est terminé. Merci, bonjour. L'ordre professionnel apprend bien après la chose. L'ordre professionnel indique à ceux qui s'en plaignent d'aller voir le commissaire. J'apprends plusieurs mois après que cette chose-là s'est passée. Le collège n'a pas communiqué avec l'ordre pour dire : Je commence à avoir un problème, il nous manque des gens, est-ce que tu en as dans le pipeline, de tes... je sais que ce n'est pas la mode de parler de pipeline ces temps-ci, mais, dans le processus, est-ce qu'il y en a, est-ce qu'on peut les faire accélérer? S'il leur manque des papiers du ministère de l'Immigration, on peut peut-être appeler pour que la cohorte se tienne. Eh bien, là, ça s'est tout simplement affaissé, rien n'était là au rendez-vous, et les gens, au lieu de prendre six mois pour faire leur formation, sont condamnés à aller grappiller dans un cours par-ci, par-là dans le programme régulier de jour, ce qui va leur prendre deux à trois ans.

Alors, personne n'a réagi. Le collège ne s'est pas senti responsable des impacts externes. Il est autonome dans son fonctionnement, j'en conviens. Il peut prendre cette décision. Mais peut-il la prendre de façon totalement déconnectée des impacts sur les individus, sur les autres processus? Eh bien, c'est non. Qu'est-il arrivé? J'ai insisté auprès de l'ordre pour, malgré que ce n'est pas tout à fait son rôle... de saisir l'office, de s'engager à réunir les parties. Une solution a été trouvée huit mois plus tard, qui va peut-être être mise en place en ce moment. Pendant ce temps-là, il y a des gens qui attendent.

Le Président (M. Ouellette) : Gardez-nous le scoop pour votre rapport annuel. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Merci. Bonjour, M. Gariépy. Bienvenue à l'Assemblée nationale et merci pour participer à cet exercice.

Bon, votre exemple, vous êtes en train d'expliquer un exemple, je comprends où est-ce que vous désirez aller. Ma question va être : Comment l'existence du commissaire à l'admission, avec ses pouvoirs étendus, aurait pu solutionner ce problème-là ou aurait pu être au courant? Tu sais, ce n'est pas parce qu'on existe que, tout d'un coup, tout ce qui va se passer dans les collèges et partout va arriver sur votre bureau.

M. Gariépy (André) : Bien, premièrement, c'est de connaître, d'avoir la capacité de connaître. Le collège ne s'est pas vanté de la chose. L'ordre s'est dit : Bien, ce n'est pas tout à fait... ça ne relève pas de moi, et tout, et tout. Alors donc, de connaître, et d'alerter. Et, quand on alerte, d'habitude on suit puis on se dit, quelques mois plus tard : Que se passe-t-il? C'est ce que je fais, d'ailleurs, dans le dossier, je téléphone et je pose des questions : Ne trouvez-vous pas que ça commence à faire longtemps?, et tout, et tout.

Alors, oui, le commissaire va s'assurer que, s'il y a des problèmes dans la coordination des acteurs, il alerte au bon moment pour éviter que la situation empire. Donc, le commissaire, c'est un mécanisme pour connaître, parce que les systèmes ne sont pas toujours en mesure de connaître, et d'alerter, et donc un peu de responsabiliser.

Mme Jean : Ma question, je la repose : Justement, comment un commissaire, avec les ressources que vous avez actuellement, une personne de plus, pourrait connaître ces dossiers-là? Qu'est-ce qui vous assure qu'un commissaire, avec ses pouvoirs étendus ou non étendus, vous n'avez peut-être même pas besoin d'avoir les pouvoirs... Comment vous allez vous assurer pour connaître ça avec une équipe aussi restreinte que celle que vous avez actuellement?

M. Gariépy (André) : Bien, déjà, avec les éléments que nous avons, c'est que les gens nous parlent, il y a des gens qui savent, il y a des gens qui savent qu'on peut avoir une influence, et, avec des pouvoirs étendus, ils vont savoir que nous avons un rôle clair là-dessus. Et il y a des gens qui nous parlent.

Mme Jean : Vous vous attendez d'être augmenté.

M. Gariépy (André) : Il y a des ordres professionnels qui nous ont parlé, qui se disent... Parce qu'il y a des gens quand même qui se disent : Ça n'a pas de bon sens, peux-tu faire quelque chose? Et, si j'ai un mandat clair là-dessus, oui, on va pouvoir. Il y a même des individus, avec cet élargissement-là, qui pourront venir nous voir directement pour nous dire : Il y a quelque chose qui se passe dans l'organisation de la formation d'appoint, j'ai été bloqué à telle étape, et tout, et tout, et ce n'est pas un jugement sur ma personne, c'est le mode de fonctionnement et d'organisation de ça qui ne va pas. Parce que moi, je ne vais pas aller mettre mon nez dans les décisions des gens, mais certainement dans la façon de faire qui amène des fois des décisions discutables.

Mme Jean : Merci. On a entendu plusieurs ordres professionnels qui sont venus présenter leurs mémoires et leurs opinions sur le projet de loi, et vous devez être au courant qu'il y a une résistance très forte de la grande majorité des ordres professionnels. Donc, si je peux m'exprimer ainsi, il n'y a pas d'acceptation actuellement dans le milieu vis-à-vis d'augmenter le pouvoir du commissaire actuel.

J'aimerais savoir, selon vous... Parce que les gens qu'on a rencontrés, c'est des gens, je pense, bien intentionnés, qui veulent faire bien leur travail, qui veulent protéger le public, qui veulent être équitables. Je pense qu'il faut leur donner le bénéfice du doute là-dessus et je pense qu'ils étaient sincères. Selon vous, comment expliquez-vous cette résistance extrêmement forte de la part des ordres professionnels à cet article-là, à votre nouveau titre et vos nouveaux pouvoirs?

• (17 h 40) •

M. Gariépy (André) : Je pense que c'est une question de compréhension. Parce que, lorsqu'on lit bien le projet de loi et lorsqu'on lira le mémoire que nous avons produit, où on ne se lance pas dans des discussions plutôt symboliques avec des craintes sur quoi que ce soit, on regarde l'effet concret, et c'est la... Moi, quand j'ai vu les choses aller, je me suis dit : Ah, non, on va rédiger un mémoire concret, on va expliquer les choses, et les gens de bonne volonté vont bien voir que, franchement, ce n'est pas si grave que ça, et même c'est un levier pour les ordres professionnels.

Moi, j'ai reçu... et c'est ça qui m'étonne dans le ton qui est amené, au fil des six dernières années, j'ai reçu beaucoup de témoignages très positifs sur notre action, sur notre action facilitante. J'ai même des cartes de Noël là-dessus. Alors donc, ça m'étonne, et là je me dis : Bien, c'est peut-être un effet réflexe. Et là-dessus j'ajouterais à ma réponse ce que la Protectrice du citoyen a dit quand elle a dit qu'elle avait eu une vie antérieure comme sous-ministre à l'Immigration, ma vie antérieure, ça a été de diriger le Conseil interprofessionnel pendant près de 10 ans, le regroupement des ordres professionnels. Je comprends leur réflexe, mais c'est un réflexe. Lorsqu'on s'assoit, lorsqu'on regarde... Et j'espère qu'à la lecture de notre mémoire ils vont comprendre que c'est tout à leur avantage, c'est à l'avantage de la cohérence du système professionnel, de son efficacité, et qu'au fond nous sommes là pour les aider. Et c'est ce que la plupart nous ont dit.

Mme Jean : Je pense que les ordres... j'ai constaté, pas «je pense», j'ai constaté que les ordres professionnels avaient fait un travail très sérieux. Ils avaient regardé la loi... le projet de loi et ils avaient émis une opinion là-dessus. Je comprends votre commentaire ou votre réponse à l'effet qu'il y a peut-être une incompréhension du but, ou de l'objectif, ou des effets, ou même peut-être de l'ampleur du pouvoir que le nouveau commissaire aurait. Est-ce qu'on pourrait soupçonner que la manière de comment c'est libellé actuellement se retrouve avec peut-être de la confusion ou peut-être manque de précision, ce qui fait que la lecture du projet de loi, en tant que tel, porte à l'interprétation différente que celle du but avoué du projet actuellement? Est-ce que ça pourrait se situer à ce niveau-là?

M. Gariépy (André) : Bien, ça m'est difficile de croire cette chose-là parce que, le projet de loi, là, mis à part la question de la désignation du poste, là, on s'accroche là-dessus et puis on construit quelque chose. Regardez dans le détail l'article 16.10 avec les exclusions, avec les limites qui sont placées, lisez notre mémoire, vous allez voir que c'est des interventions très chirurgicales sur des choses très précises. Et aussi nous exposons dans les différents tableaux de notre mémoire les enjeux documentés à chacun de ces éléments-là des processus d'admission des ordres, nous les avons ciblés, et ce n'est pas pour rien que c'est là. Alors, je pense qu'il ne faut pas s'arrêter à la désignation du poste, il faut regarder la réalité des interventions législatives pour voir ce qu'on vient toucher et les réalités qui ont été recensées, des enjeux autour de ça, et j'ai l'impression que les gens vont se dire : Bien oui, et pourquoi pas un recours, et pourquoi pas un regard?

Mme Jean : Plusieurs des témoignages qu'on a eus ont soulevé le fait que les pouvoirs qui vont être donnés au nouveau commissaire à l'admission sont déjà inscrits dans des pouvoirs que l'office aurait déjà entre les mains. Alors, la question est : Pourquoi ne pas utiliser, justement, le levier de l'office qui existe déjà pour pouvoir faire le travail? Parce qu'ils ont déjà des pouvoirs d'enquête, ils ont déjà des pouvoirs de faire ce genre de travail, pourquoi en créer un parallèle?

M. Gariépy (André) : Oui. Bien, écoutez, à ce compte-là, on pourrait demander pourquoi il faut un contrôleur dans un ministère et un vérificateur général à l'extérieur du ministère. Il est possible que, sur les mêmes objets, on ait des regards qui s'ajoutent mais avec des perspectives différentes. Je dois souligner que l'Office des professions a un mandat, répond aussi à des priorités gouvernementales sur certains aspects. L'office est aussi un joueur décisionnel dans les mécanismes d'admission, il adopte les règlements. Or, quelquefois, et quand on a le regard distant comme le commissaire l'a, on a vu que, dans l'application et dans la cohérence... certains éléments du texte réglementaire qui ont pu échapper à l'office. Parce que, bon, quand on arrive avec un texte pour l'avenir, on ne sait pas trop toujours comment ça va atterrir. On pense à des choses, mais, la réalité, nous, nous la voyons par nos plaintes, nous la voyons par nos vérifications, et ça nous permet d'apporter des choses. Alors, une vérification sur les mêmes objets mais avec une posture différente, ce n'est pas incongru dans la chose publique, et c'est même souhaitable, et je pense que l'Office des professions l'accepte très bien, au point que même, quelquefois dans la préparation de certains règlements, je suis consulté pour voir s'il y a des petites choses que je pourrais dire là-dessus.

Mme Jean : Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : J'aurais voulu donner la parole à M. le député de Bourget, mais, en 30 secondes, vous ne pouvez pas poser une question puis avoir une réponse, hein?

M. Kotto : C'est bon, j'ai eu des réponses à mes questions...

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez eu des réponses, bien...

M. Kotto : ...suggérées de façon subliminale.

Le Président (M. Ouellette) : J'en suis très heureux! Je sais que vous avez l'habitude de lire le deuxième niveau de lecture, M. le député de Bourget, on connaît votre...

M. Kotto : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Me Gariépy, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre contribution aux travaux.

Vous avez suivi les travaux. Les nouvelles fonctions du commissaire aux plaintes, commissaire à l'admission sont contestées par de nombreux ordres professionnels. La question que j'ai envie de vous poser : Au moment de la création du poste, ça faisait suite à Bouchard-Taylor puis c'était véritablement dirigé vers les candidats issus de l'immigration. Là, on arrive... le gouvernement arrive avec une proposition d'élargir votre champ de compétence. On comprend qu'en tant que commissaire, en fonction de votre expérience, vous militez en faveur de l'élargissement du champ de compétence du commissaire. Outre le commissaire lui-même, le milieu comme tel, on n'a pas entendu beaucoup d'intervenants qui militent en faveur de l'élargissement des champs. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Gariépy (André) : Bien, ce que je pourrais vous dire, c'est que peut-être que les candidats québécois qui arrivent à l'étape des conditions supplémentaires ne sont pas au courant de leurs problèmes, mais, vous savez, certains le sont. Quand est arrivé l'examen... le problème de traduction à l'examen des infirmières, qui a fait les journaux il y a quelques mois, ils n'avaient personne vers qui se tourner. Alors, ils interpelaient sur la place publique, l'Ordre des infirmières était un peu juge et partie à défendre la traduction de son examen. S'il y avait eu un commissaire à cette condition... pour entendre les recours sur la condition supplémentaire, on n'aurait pas eu ce problème-là, et l'ordre aurait eu peut-être un propos du commissaire qui... bien, il y a telle chose à modifier, pourquoi pas, et faisons-le, ou de dire : Bien, ça va bien. Puis un tiers impartial aura dit aux personnes qui se plaignaient de la traduction : Non, le processus de l'ordre pour concevoir cet examen a été correct, et x, y, z.

Alors donc, ces gens-là, ils ne peuvent pas militer pour... comme vous le dites parce qu'ils ne sont pas conscients que, face à des problématiques... Vous savez, les plaignants ne sont même pas, quelquefois, conscients des vrais problèmes. Ils nous arrivent avec une idée du problème, dans leur cas, mais nous, on trouve le vrai problème autrement. Parce que le système professionnel, c'est très hermétique, c'est très complexe. Il faut vraiment le connaître de l'intérieur, et ça prend quelque temps pour bien le connaître. Alors, comment voulez-vous que quelqu'un qui arrive, qui cogne à une porte d'un ordre professionnel pour l'admission, il puisse détecter qu'il y a quelque chose de pas correct dans les processus et les méthodes? Certains le font, mais pas tout le monde.

Et nous avons quand même une vingtaine de gens qui sont venus nous voir, et il y a des gens qui ont un profil dit québécois, mais aussi des gens au profil atypique à l'étranger qui sont venus nous voir pour l'étape des conditions supplémentaires, pour dire : Il y a quelque chose qui ne va pas. Aussi, il y a l'étape de l'article 45.3 que j'évoque dans mon mémoire. Mais, pour ceux qui sont franchement au courant des biais systémiques, des problématiques quand on parle des personnes immigrantes, je crois que vous avez entendu les gens de la TCRI, la table de concertation des organismes en soutien aux personnes immigrantes et réfugiées, qui sont venus vous dire : Écoutez, il y a des problèmes à d'autres étapes. Tout le processus est à risque de biais systémiques, et il est important d'élargir le mandat du commissaire à toute la démarche d'admission.

Et, quand vous dites que je milite, moi, je pourrais faire mes petites affaires, à la limite. Mais moi, je trouve qu'il y avait une ambition, Bouchard-Taylor avait touché à un point, parce que c'était l'actualité du moment, mais il y a plus, et il ne faudrait pas attendre que l'actualité du moment soit des accords de commerce internationaux qui remettent en question nos pratiques en matière d'admission, et pas seulement pour les personnes issues de l'immigration. Parce que ça s'en vient.

M. Jolin-Barrette : Mais, lorsque vous abordez le mémoire de la TCRI, c'est concentré sur les personnes immigrantes, issues de l'immigration. Donc, si votre champ était élargi vraiment... Parce que ce qu'on comprend du propos, c'est que vous avez déjà un certain champ de compétence sur les personnes immigrantes, mais il manque peut-être un petit bout, hein, pour avoir le complément. Si on élargissait le pouvoir du commissaire vraiment sur l'ensemble du parcours de la personne immigrante, est-ce que vous pensez que ça pourrait être une situation de compromis avec les ordres professionnels?

• (17 h 50) •

M. Gariépy (André) : Bien, lorsqu'on regarde le schéma, l'élargissement, c'est d'ajouter ces étapes-là ici. Or, à ces étapes-là, il n'y a pas que les personnes qu'on dit immigrantes, il y a aussi les autres qui viennent se joindre au lot. Et, comme la Commission des droits de la personne le dit dans un document commentant ces choses-là sur le plan administratif au fil du temps, il faudrait que tout le monde, puisqu'on est dans la même situation... Pourquoi, lorsqu'arrivés aux conditions de délivrance, les autres conditions de délivrance, ce qu'on appelle les conditions supplémentaires, seulement ceux qui nous viennent de la filière atypique de la reconnaissance d'équivalence auraient le droit de se plaindre du même problème avec l'ordre professionnel et pas les gens qui nous viennent de la diplomation par le diplôme désigné? Alors, c'est une question d'équité, là. Et la Commission des droits de la personne l'a clairement dit qu'il faut que ça s'ouvre à tout le monde, parce que, là, on est dans une situation où ils sont dans la même marmite. On ne peut pas dire : Bien, toi, tu as un recours, mais pas l'autre. Ils sont face au même problème.

M. Jolin-Barrette : Mais les gens ne se retrouvent pas nécessairement face à une absence de recours. Ils peuvent, à l'intérieur de l'ordre professionnel, saisir et puis porter à l'attention de l'ordre.

M. Gariépy (André) : Oui, ça, c'est la première démarche, d'ailleurs que nous recommandons aux plaignants : Posez la question à l'ordre, il doit vous donner des explications, et après vous reviendrez nous voir. Mais il ne faut pas confondre les recours. Il y a le recours en révision, qui est un appel au sein de l'ordre pour changer... D'ailleurs, ce que nous disons aux plaignants : Avez-vous exercé votre recours en révision? Allez faire cette démarche-là, et après on verra. Et ça donne l'occasion à l'ordre de comprendre, de s'amender. Mais, si ça ne fonctionne pas et on voit que ce n'est pas la décision même mais les méthodes, et les approches, et la construction des normes et des processus qui créent problème, et qui a pu avoir un impact dans la décision, bien là, il faut un autre genre de recours. Ce n'est pas un appel, c'est un regard critique sur les processus et sur la construction des approches de l'ordre professionnel pour traiter ce genre de dossier.

Le Président (M. Ouellette) : ...sur ces belles paroles. Je vous garde, Me Gariépy, je vais vous remercier dans quelques minutes, parce que je ne veux pas tous qu'ils partent puis qu'ils s'en aillent, là, parce que j'ai des choses à vous dire, pas juste à vous, mais j'ai des choses à dire aux gens qui nous écoutent.

Avant de conclure les auditions, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques et de la correspondance que nous avons reçue.

Mémoires déposés

Nous avons reçu des mémoires de Martin Benoît Gagnon, Martin Moisan, l'Ordre des acupuncteurs du Québec, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des sages-femmes du Québec, l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec, l'Ordre professionnel des sexologues du Québec.

Documents déposés

Nous avons aussi reçu 17 lettres d'appui au mémoire de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes de la part de 17 organismes. Et finalement nous avons reçu une lettre de Me Maryse Bélanger, vice-présidente de l'Association des avocats et avocates de province, qui nous a envoyé une correspondance pour nous faire part de ses commentaires relativement au projet de loi n° 98. Et je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Nous avons reçu une lettre de Me Gilles Ouimet, notre ancien collègue, qui voulait nous faire connaître sa position relativement à l'égard de l'article 65 du projet de loi n° 98. Je savais que ça vous intéresserait, à voir vos visages.

Je veux vous remercier, Me Gariépy. Vous allez être très utile pour la période des crédits qui va venir au mois de mars. Et, juste pour votre information, nous avons reçu, lors de ces auditions, 54 mémoires, 17 lettres d'appui et les deux dernières lettres que je vous ai mentionnées. Donc, beaucoup de travail en perspective pour M. le notaire de l'ordre des professions et les gens du ministère. Donc, Me Gariépy, qui est Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles de l'Office des professions du Québec, merci. Je vous remercie, tout le monde, de votre contribution à nos travaux.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au mardi 27 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra les auditions dans le cadre de l'étude du Rapport sur la mise en oeuvre du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 55)

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