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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 15 août 2017 - Vol. 44 N° 206

Étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de commencer l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun) est remplacée par M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine); M. Merlini (La Prairie), par M. Hardy (Saint-François); Mme Montpetit (Crémazie), par M. Plante (Maskinongé); M. Ouellette (Chomedey), par Mme Nichols (Vaudreuil); M. Bergeron (Verchères), par M. Villeneuve (Berthier); M. Marceau (Rousseau), par M. Rochon (Richelieu).

Documents déposés

Le Président (M. Hardy) : Merci. Avant de débuter les remarques préliminaires, je dépose les documents suivants reçus depuis la fin des consultations particulières, que vous avez reçus par courriel : les commentaires de la ville de Montréal, une lettre de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, une lettre du Conseil du statut de la femme, un mémoire d'Amnistie internationale, un mémoire de l'Association canadienne des libertés civiles et un mémoire de l'Association Uni-T : Voix pour les valeurs chrétiennes.

Remarques préliminaires

Nous débutons avec les remarques préliminaires. Mme la ministre de la Justice et députée de Gatineau, vous disposez de 20 minutes. À vous la parole.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais saluer, souhaiter un bon retour à l'Assemblée à nos collègues parlementaires. Je retrouve des habitués de la Commission des institutions mais aussi des visages que l'on voit moins souvent et, pour certains, une première expérience à cette commission.

Donc, je suis très heureuse de reprendre nos travaux sur le projet de loi n° 62 qui est la loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État qui vise notamment à encadrer les demandes d'accommodement religieux dans certains organismes. On en débute l'étude détaillée aujourd'hui. C'est un projet de loi qui est important. C'est un projet de loi qui s'inscrit dans un contexte social contemporain.

Il ne faut pas oublier, M. le Président, que le Québec, c'est d'abord et avant tout une société qui est démocratique, une société qui est pluraliste, une société qui est inclusive, une société qui favorise les relations interculturelles harmonieuses. Ça, je pense qu'on se reconnaît tous dans ce principe-là. Il n'y a personne ici qui, je crois, va prétendre le contraire. L'État québécois, les institutions de l'État québécois, c'est aussi le reflet du riche parcours historique du Québec, de notre riche parcours historique à nous tous.

L'État québécois, les institutions, sont fondés sur les principes de la primauté du droit, de la séparation de l'État et des institutions religieuses et, bien évidemment, de la neutralité religieuse de l'État. Mais cette neutralité religieuse de l'État, M. le Président, on ne la retrouve dans aucun texte législatif, et c'est pourquoi on considère qu'il est important de légiférer en ce sens et le déclarer de façon non équivoque.

La neutralité religieuse de l'État québécois, M. le Président, c'est quoi? C'est d'assurer que l'État ne favorisera ni ne défavorisera qui que ce soit en raison de sa croyance ou de son absence de croyance, de sa non-croyance. Et c'est important que ce principe-là soit défini. L'État doit être neutre, les actions de ceux et celles qui sont au service de l'État doivent également être empreints de cette neutralité.

On a également la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit que toute personne, tout individu est titulaire de libertés fondamentales telles la liberté de conscience, de religion, d'opinion, d'expression, et ça, M. le Président, ça inclut la liberté de manifester sa religion ou sa conviction. Ça inclut la liberté de le faire seul, de le faire en commun, en public et en privé et, par le biais de l'enseignement, par le biais des pratiques, par le biais du culte, l'accomplissement des rites. C'est ça, la liberté de conscience, la liberté de croyance, la liberté religieuse. Donc, les droits et libertés de la personne sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général. Et ça, M. le Président, ces principes-là sont à la base de notre société, sont à la base de ce que nous sommes et des principes sur lesquels est fondée notre histoire.

Alors, comme je le mentionnais, il nous apparaît fondamental d'affirmer, par un texte législatif, que la neutralité religieuse de l'État, elle est nécessaire pour assurer à tous les Québécois, à toutes les Québécoises, un traitement qui sera exempt de discrimination fondée sur la religion et que cette neutralité-là va s'exprimer notamment par la conduite du personnel dans l'exercice de leurs fonctions.

Ce principe-là, on le retrouve... Puis là je regarde ma collègue de Montarville parce qu'on revient encore avec des références à la Cour suprême puis on a eu, dans le cadre d'autres commissions parlementaires, des discussions là-dessus, puis je le dis en toute amitié. Dans la dernière... une décision assez récente, le Mouvement laïque québécois contre la ville de Saguenay, au paragraphe 74, sous la plume du juge Gascon, la Cour suprême nous dit ce qui suit — et ça, c'est au printemps 2015 : «En [n'énonçant] aucune préférence, l'État s'assure de préserver un espace public [qui est] neutre et sans discrimination à l'intérieur duquel tous bénéficient également d'une véritable liberté de croire ou ne pas croire, en ce que tous sont également valorisés. [Un] espace public neutre ne signifie pas l'homogénéisation des acteurs privés qui s'y trouvent. La neutralité est celle des institutions[...], [et] non celle des individus.»

Donc, ces éléments expriment les principes qui nous ont guidés dans la rédaction du projet de loi, dans la rédaction des amendements que je vous déposerai, et font partie intégrante d'un préambule dont nous discuterons. Évidemment, il y aura, dans les amendements... Et, oui, je l'annonce, un dépôt d'un préambule, qui sera discuté à la fin, en raison des règles parlementaires, mais on croyait important, dans le cadre de ce préambule-là, de mettre les bases du projet de loi parce que, lors des consultations, plusieurs ont donné une interprétation au projet de loi qui n'était pas celle souhaitée par notre gouvernement. Alors, plutôt que de présenter quelque chose qui pourrait susciter la controverse, susciter des débats qui n'ont pas leur raison d'être, nous souhaitions important de mettre des balises. Et nous en discuterons dans l'ordre prévu, mais je vous déposerai, M. le Président, en liasse, l'ensemble des amendements que j'entends présenter à mes collègues. Je le ferai après mon allocution.

Donc, nous aurons l'occasion de discuter, mais je croyais important de bien camper ce projet de loi là, parce que ce n'est pas rien, ce dont il est question aujourd'hui. Ce sont des règles importantes du vivre-ensemble, ce sont les règles qui nous permettront, à nous tous, de guider nos actions, mais qui permettront aussi, parce qu'on le verra, à ceux et celles qui reçoivent une demande d'accommodement fondé sur un motif religieux d'être guidés et de bien analyser ces demandes-là. Actuellement, il est vrai qu'il n'existe pas de règle. Le projet de loi, par son article 10, prévoit un cadre d'analyse, et nous en discuterons, parce qu'il est important que des règles soient établies pour éviter de donner suite à des demandes qui pourraient s'avérer frivoles également. Il est important de bien camper le tout.

Donc, le projet de loi n'est quand même, somme toute, pas très long. Il se résume à une vingtaine d'articles, des articles clairs, des articles qui seront faciles d'application, et il s'inscrit vraiment dans un objectif d'établir le principe de la neutralité religieuse, de définir les paramètres du vivre-ensemble et de donner, comme je le mentionnais, des balises pour l'analyse des demandes d'accommodement religieux. Et les demandes d'amendement, je crois, répondent à bon nombre de préoccupations qui ont été soulevées.

Alors, le projet de loi s'articule sur trois grands axes, donc, j'en ai parlé abondamment : consacrer le principe de la neutralité religieuse de l'État, consacrer également le principe que la prestation de services est donnée et reçue à visage découvert pour assurer la qualité des communications entre les personnes, pour permettre la vérification de l'identité de celles-ci, la vérification de l'identité de ceux et celles qui ont droit de recevoir des services de l'État et également pour des fins de sécurité et l'encadrement du traitement des demandes d'accommodement pour motif religieux.

• (9 h 50) •

Donc, la neutralité religieuse, nous en avons parlé abondamment. Maintenant, pour ce qui est des services rendus et donnés à visage découvert, le projet de loi vise à reconnaître l'importance de ce principe. La communication pleine et ouverte est essentielle dans une société libre et démocratique. On veut s'assurer aussi, par la vérification de l'identité, que les services sont rendus à la bonne personne, que les mesures de sécurité seront respectées. Pour ce qui est d'un amendement, je vous informe d'ores et déjà qu'il y aura un amendement à l'article 9 et je crois qu'il saura répondre à certaines préoccupations qui ont été soulevées et il est possible parfois de clarifier les projets de loi.

Maintenant, pour ce qui est de l'analyse d'une demande d'accommodement religieux, l'objectif de l'article 10 du projet de loi est vraiment de venir codifier les enseignements, oui, de la jurisprudence qui a évolué au fil des ans et de clarifier les critères qui doivent être considérés dans le traitement d'une demande d'accommodement raisonnable pour motif religieux. Alors, c'est important, puis là, là-dessus, je pense qu'il est important de faire une parenthèse. L'accommodement religieux, il existe de par l'article 10 de la charte. L'accommodement, en fait, en soi, existe de par l'article 10 et l'analyse des différentes demandes d'accommodement... parce qu'il y a annuellement bien des demandes d'accommodement, il y a des demandes d'accommodement pour des motifs de handicap physique, certains pour des motifs religieux, certains pour des motifs d'égalité hommes-femmes. Bref, il y a un bon nombre de demandes, mais les demandes d'accommodement pour motif religieux ont suscité, parfois en raison de la méconnaissance du contexte, beaucoup de controverse dans le passé et il est important d'encadrer et d'aider ceux et celles qui sont saisis d'une telle demande, de les aider, de les guider, de les accompagner sur le cadre d'analyse. Et donc, à l'aide de la jurisprudence, qui a évolué, conforme, évidemment, aux enseignements de la charte, nous avons appliqué ces balises.

Alors, M. le Président, tout ça fait suite à des consultations qui ont eu lieu l'automne dernier. On a entendu plus de 38 personnes et organismes, on a analysé les mémoires. Je l'ai mentionné, nous prévoyons déposer des amendements, l'ajout d'un préambule, la clarification de l'article 9, l'inclusion, l'assujettissement aussi des municipalités au projet de loi n° 62. Je sais qu'il a été question... Plusieurs organismes nous ont manifesté l'importance d'assurer une homogénéité des règles en matière de neutralité religieuse sur le territoire québécois, éviter le concept de gruyère sur le territoire et sur la façon de traiter les demandes. Alors, nous avons eu des échanges, et je comprends que, pour certaines municipalités, ça puisse susciter des questionnements. Et pour ça, moi, je prévois... et je pense qu'on pourrait, en parallèle de nos travaux, travailler en collaboration avec les organisations municipales : l'UMQ, la FQM, les villes de Montréal, de Québec, dans le cadre d'un comité conjoint de mise en oeuvre auquel seraient conviés également le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire ainsi que le ministère de la Justice.

Donc, je comprends que, pour certaines municipalités, on n'ait pas nécessairement les outils et le soutien technique pour bien comprendre la portée du projet de loi. Donc, ce travail-là pourrait se faire en parallèle sans aucun problème. On a des échanges actuellement sur la forme que pourrait prendre un tel comité de travail, mais je tiens à vous dire, M. le Président, que nous considérons qu'il y a un Québec, un citoyen à représenter et finalement, les municipalités et les élus de l'Assemblée nationale, on représente ultimement les mêmes personnes un peu partout sur le territoire.

Maintenant, donc, il y a un amendement en ce sens. Il y a un amendement également afin d'assujettir les élus, donc les élus de l'Assemblée nationale, les élus des municipalités, les élus des différents organismes, au projet de loi, question de bien clarifier, bien camper, pour éviter, encore une fois, qu'il y ait une espèce de gruyère. Et je propose également, par un amendement qu'on puisse désigner un répondant, parce que plusieurs groupes et plusieurs personnes qui ont été entendues lors des consultations ont manifesté le souhait qu'il y ait des outils d'aide à la prise de décision qui soient disponibles pour accompagner les organismes visés dans les demandes d'accommodement. Ça, en soi, ça ne nécessite pas de disposition législative.

Il y a beaucoup de ce travail-là qui peut se faire en parallèle, comme je le mentionnais tout à l'heure, notamment avec les municipalités, mais je propose que soit désigné, au sein d'un organisme, un répondant en matière d'accommodement, comme on le retrouve, par exemple, en matière d'accès à l'information. Et cette personne-là sera responsable de conseiller ces autorités, de formuler des avis aussi sur les demandes d'accommodement qui lui seront formulées, ce qui va favoriser, je le crois, une meilleure cohérence dans les pratiques en matière d'accommodement puis aussi un meilleur accompagnement pour les organismes. Plutôt que de laisser le tout un peu dans l'air, c'est important d'avoir un répondant, et on le voit aussi, là, dans l'application d'autres dispositions d'ordre général.

Donc, souvent, la même personne pourra occuper les deux fonctions, je crois, et sans augmenter, là, les responsabilités des organismes et sans nécessiter nécessairement d'ajout de personnel. Donc, dans certains organismes, les demandes sont quand même minimes. Dans d'autres, il y a déjà des répondants qui sont là et qui veillent à traiter les différentes demandes d'accommodement, incluant les demandes d'accommodement religieux.

Donc, M. le Président, je vais conclure. Évidemment, j'insiste, c'est un projet de loi qui est important, c'est un projet de loi qui vient clarifier l'état du droit, qui vient donner des balises claires. Je comprends qu'on pourrait toujours souhaiter aller plus loin. Je comprends et j'ai écouté avec attention le point de presse de ma collègue de Taschereau qui a déposé aux journalistes ses amendements avant de nous les déposer, mais bon, moi, j'ai cru bon les déposer séance avant de les déposer aux journalistes. Ceci dit, j'ai entendu ses demandes, j'ai entendu également les demandes de ma collègue de Montarville. Il y a des éléments, dans les demandes formulées, qui ne font pas consensus en ce sens qu'ils ne rejoignent pas notre volonté législative, qui sont, à notre avis, attentatoires aux libertés individuelles.

Maintenant, évidemment, on va en discuter en toute transparence, de façon sérieuse parce qu'ici je pense que les Québécois ont droit de s'attendre à ce que le débat puis nos échanges soient empreints de respect, comme ils le sont toujours, même si ce dossier soulève parfois les passions et est très... soulève certaines sensibilités. Mais je connais mes collègues, puis je sais à quel point ils et elles sont empreints d'un sens de l'État qui est très grand, puis je suis persuadée que, malgré le fait qu'il s'agisse ici d'un dossier très sensible, on saura faire une discussion sérieuse, harmonieuse, puis j'espère qu'on arrivera à faire avancer ce projet de loi là parce que ce qu'on propose est un pas important, puis je crois que le Québec a besoin de se doter de ces grands principes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité et députée de Taschereau à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20 minutes.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Merci, M. le Président. D'abord, évidemment, mes salutations à la ministre, à mes collègues qui travaillent avec moi sur ce projet de loi aujourd'hui, à tous nos collègues, à mes collègues les critiques. Je vois la députée de Montarville, avec qui nous avons longtemps jasé sur le projet de loi n° 59, avec notre nouveau venu au Parlement. C'est la première fois que je vais travailler avec lui en commission parlementaire. Bienvenue. Alors, chers collègues du gouvernement, bienvenus.

C'est notre rentrée d'été. Quelle rentrée! Rentrée sur un sujet qui fait couler de l'encre depuis 2007, depuis la commission Bouchard-Taylor, qui est comment l'État doit-il se conduire face à ce que je vais appeler une espèce de montée du religieux, mais qui est aussi face à une conscience au Québec. Nous vivons la laïcité de plus en plus. Nous avons choisi la laïcité comme chemin au fil du temps. Notre histoire nous a menés à la laïcité, et aujourd'hui nous faisons face à une certaine... une petite, toute petite montée de religieux mais à des demandes d'accommodement religieux, ce qui existait beaucoup moins avant. Ça existait moins. Ça existait, mais ça existait moins.

• (10 heures) •

J'ai parlé du rapport Bouchard-Taylor de façon tout à fait consciente, M. le Président et Mme la ministre, parce qu'hier, en préparant les travaux de la commission, je suis revenue au rapport Bouchard-Taylor et j'ai eu un sourire en voyant le titre du rapport Bouchard-Taylor, parce qu'on l'appelle le rapport Bouchard-Taylor, mais on oublie son titre. Le titre, c'est Fonder l'avenir  Le temps de la conciliation. Alors, je me suis dit que c'était l'esprit dans lequel je serais ce matin et dans lequel tout le parti, mes collègues sont, on en a jasé. C'est pourquoi, il y a un an, en novembre 2016, nous avons déposé des sujets sur lesquels nous voulons des amendements. C'était important parce qu'on sortait de la commission parlementaire et on avait entendu plusieurs appels. J'entends bien de la ministre, ce matin, qu'elle a entendu, elle aussi, ces commentaires des gens qui nous demandaient de solutionner quelques problèmes qui apparaissent encore dans la conduite de l'État quand on lit le projet de loi actuel. Je comprends qu'elle aussi s'est mise à l'écoute et qu'il y aura des amendements qui vont nous permettre d'avancer.

Maintenant, sur certains sujets, il est évident que le projet de loi actuel pouvait mener, je le dis bien, pouvait mener à un affrontement. Je pense en particulier à l'article 9 sur le visage découvert. Je comprends que la ministre s'est mise en mode solution. J'ai bien hâte de voir ses solutions. Je souhaite fortement, fortement, à l'instar de tous les membres de l'aile parlementaire du Parti québécois, que nous trouvions des solutions. Je le dis d'entrée de jeu, c'est ce que je souhaite. Mais la façon dont nous allons juger l'ensemble de ce projet de loi, c'est : Est-ce qu'il fait avancer ou reculer le Québec? C'est aussi simple que ça, parce qu'en cette matière, en matière de laïcité ou d'égalité hommes-femmes, il n'est pas question de recul pour le Québec, et je pense que tout le monde s'entend autour de la table. Alors, quel sera l'impact de cette loi sur les pratiques actuelles en vigueur? Comment seront amenées les solutions quand il y aura des demandes d'accommodement, dont le visage découvert? C'est vraiment l'aune à laquelle on va juger de ce projet de loi.

Il y a un mot que la ministre n'a pas utilisé dans son plaidoyer de départ, dans son exposé de départ, c'est le mot laïcité. Je sais qu'elle a plaidé pour la neutralité religieuse de l'État, et ça, là-dessus, on s'entend. Maintenant, il y a quelque chose que tous les Québécois avec lesquels... à peu près tous les Québécois... Je ne devrais même pas dire à peu près. Il y a quelque chose sur laquelle tous les Québécois sont d'accord, c'est que l'État québécois est laïque. L'État québécois est laïque, et on s'attend à ce que l'État québécois soit laïque. C'est une posture, à notre opinion, différente de la neutralité religieuse de l'État, c'est-à-dire que le visage de l'État doit être laïque. Le visage de l'État, la perception qu'ont les citoyens de notre État n'est pas seulement qu'il est neutre et qu'il va accueillir leur demande, mais qu'en soi, sa posture de l'État, c'est qu'il est laïque.

La laïcité, c'est une avancée que nous avons faite au Québec. On a déconfessionnalisé les écoles, par contre, par exemple. Ce n'est pas de la neutralité que de déconfessionnaliser les écoles, c'est de la laïcisation. L'État, la république, l'institution est laïque. Il faut prendre conscience de ça.

Maintenant, ce n'est inscrit dans aucune loi, malheureusement. Alors, c'est clair que le pas de plus qu'on devrait franchir... là je parle de conciliation, neutralité religieuse de l'État. On va bien trouver les termes, je pense, pour bien la camper, mais que, pour une fois, dans une loi du Québec, on dise simplement que l'État est laïque, je pense que ça ne ferait pas grand mal à personne puis ça nous ferait avancer, ça mettrait les choses plus claires.

J'étais contente de l'entendre dire, la ministre, qu'elle va... on va se fonder aussi sur les règles du vivre-ensemble. C'est pour ça que... Moi, je pense que recevoir des services ou donner des services à visage découvert, ce sont des règles minimales du vivre-ensemble, et j'ai hâte de voir les amendements qu'elle va déposer là-dessus.

J'étais aussi heureuse de voir qu'elle allait déposer un préambule. J'avais la même idée. On en a discuté, il manque une balise générale. Je l'ai en main, moi aussi. Nous avons un préambule. Alors, ça va être intéressant. J'aurais peut-être pensé... J'avance que peut-être qu'on aurait pu parler même, de consentement, des préambules ou du préambule dès le départ, si ça donne des balises à tout le reste. Ça peut être... Si ça peut faire évoluer les choses, je signale cela. Mais nous avons aussi travaillé sur un préambule qui... toujours dans le sens du rapport Bouchard-Taylor, du temps de la conciliation. Ce n'est pas un préambule qu'on pourrait qualifier... parce que certains nous qualifient parfois de radical, n'est-ce pas, nous sommes habitués à ça, mais c'est un préambule qui, je pense, pourrait clarifier les choses, baliser les choses et faire après que l'étude du projet de loi soit plus simple.

Dernière chose. Ce matin, nous avons déposé effectivement aux journalistes le libellé que donneraient les amendements que nous déposons. Vous savez, ce n'est pas simple pour l'opposition officielle parce que le gouvernement dépose ses intentions avec un projet de loi. C'est clair, c'est sur la table. Mais quand est-ce que l'opposition officielle dépose ses intentions? Dans ce cas-ci, j'ai favorisé une mesure que je dis exceptionnelle, je le dis vraiment, exceptionnelle, pour que tout le monde sache vraiment où est-ce qu'on s'en allait, jusqu'où on voulait aller. C'est une matière tellement délicate qu'on va traiter pendant ces quelques heures que je voulais absolument que tout soit clair, que tout soit sur la table. Alors, M. le Président, par contre, je vais déposer les amendements officiels, moi aussi, en début, d'entrée de jeu, aussi pour la bonne compréhension de notre positionnement aux collègues qui... Alors, à cette fin, je vais, si vous me permettez, déposer les amendements.

Ceci dit, je tiens à dire que dans un projet de loi il y a des amendements, il y a des découvertes qu'on fait dans la loi, tout le monde, on va amener des amendements, il y a aussi quelques correspondances mineures qui vont aller avec des choses, ça, je n'en ai pas parlé à personne, puis il y a... Là, je pense... Le préambule est-il dedans?

Une voix : ...

Mme Maltais : Le préambule n'est pas encore dedans. On pourrait le déposer tout de suite aussi. Je vais l'ajouter parce que je voulais en parler, du préambule. Je l'ajoute, et, comme ça, on pourra débattre véritablement de façon très claire, compréhensive, et j'espère que nous allons atteindre le temps de la conciliation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Est-ce que vous avez terminé? Il reste 11 minutes. C'est beau?

Mme Maltais : Je ne le prendrai pas.

Le Président (M. Hardy) : Parfait. Donc, merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de... de laïcité, bon, je vais le... et députée de Montarville à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20 minutes. À vous la parole.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je profite de cet instant, naturellement, pour saluer Mme la ministre, les collègues du gouvernement qui l'accompagnent, les gens de la commission qui sont là, ma collègue de l'opposition officielle, ses collègues également, nos collègues du parti indépendant... c'est-à-dire nos collègues indépendants. Et je veux également souligner la présence de mon nouveau collègue recherchiste qui est à mes côtés.

Et je veux aussi en profiter pour faire quelques remarques qui vont au-delà de ce que j'avais préparé, dans la mesure où ce projet de loi qui favorise le respect de la neutralité religieuse de l'État et qui vise notamment à encadrer les demandes d'accommodement religieux dans certains organismes... faire un peu d'histoire pour rappeler à la population que c'est un projet de loi qui a été déposé le 10 juin 2015. Nous sommes aujourd'hui en août 2017. J'aimerais rappeler à la population aussi que notre premier ministre avait promis, en campagne électorale, en 2014, que cette question serait réglée dès la première année de son mandat. Nous sommes à la dernière année du mandat avant les élections et on est encore à discuter de ces questions.

• (10 h 10) •

Je constate, et nous avons constaté, et nous avons le même message depuis que Mme la ministre a déposé ce projet de loi, je vous rappelle, le 10 juin 2015, il n'y a rien qui change. On maintient le message à l'effet que nous aurions souhaité qu'il s'agisse de parler de la laïcité de l'État. J'avais moi-même déposé, en 2013 si je ne m'abuse, une charte de la laïcité pour décréter que l'État québécois est laïque. Bien, je constate, à la lecture même des amendements — je suis allée en diagonale, on vient d'avoir les amendements — que le mot «laïcité» n'apparaît pas dans les amendements et n'apparaît pas dans cette loi. Et je trouve triste que cette loi-là puisse, à certains égards, induire les gens en erreur, la population en erreur parce qu'on pense que neutralité et laïcité, c'est la même chose, alors que ce n'est pas le cas. Alors, c'est important, puis je pense que, lors de nos débats, on va pouvoir voir la différence. La neutralité de l'État n'est pas la laïcité de l'État. Alors, nous, naturellement, ça fera partie de nos positions, et Mme la ministre le sait très bien, ce n'est pas un secret pour personne, nous aurions aimé voir inscrit, dans ce projet de loi n° 62, la laïcité de l'État.

En lisant le projet de loi, qui est effectivement 18 articles, n'est pas très long, on constate cependant qu'on crée une nouvelle catégorie, c'est-à-dire qu'on lui donne une... et des gens sont venus nous le dire, d'ailleurs, lors des auditions des groupes, 38 groupes, on vient ici encadrer davantage ce qu'on appelle l'accommodement religieux, alors que nos chartes, oui, nos chartes, charte canadienne entre autres, parlent d'accommodement... on parle d'accommodement raisonnable. Ce sont des accommodements raisonnables qui peuvent toucher différents sujets, mais ici on spécifie l'accommodement religieux. On vient lui donner un caractère plus important que les autres accommodements, à nos yeux, M. le Président. Donc, on fait entrer beaucoup de religieux dans l'État, et c'est la raison pour laquelle nous aurions aimé que nous édictions en quelque part que l'État québécois est laïque, ce qui de toute évidence ne sera pas fait, mais ça fera partie des amendements que nous déposerons.

D'ailleurs, on a qu'à lever les yeux ici pour voir qu'il est écrit Dieu et mon droit. Alors, il y a du religieux encore dans l'État, même s'il y a cette séparation de facto, mais il faut aller plus loin. Il faut édicter que l'État québécois est laïque, ce qui serait beaucoup plus simple et ce qui permettrait à un gouvernement responsable d'interdire le port de signes religieux pour les personnes en position d'autorité coercitive, qui sont les personnes qui sont énoncées par MM. Bouchard, Taylor dans le fameux rapport des commissaires portant le même nom.

Et nous avons la même position. Nous, nous disons qu'un État laïque pourrait permettre d'interdire le port de signes religieux, pas à tout le monde, pas sur la rue, pas dans la vie privée des gens, mais aux employés de l'État, qui représentent l'État, en position d'autorité coercitive. Et c'est très précis, M. le Président. Ce n'est pas n'importe qui. Ce sont les juges, les procureurs de la couronne, les policiers, les gardiens de prison, et nous, notre formation politique, nous ajoutons les enseignants du primaire et du secondaire pour une foule de raisons dont j'aurai l'occasion d'élaborer, mais vous connaissez déjà notre position à cet égard.

Donc, nous croyons que ce consensus qui avait été fait dans le cadre de Bouchard-Taylor est un consensus auquel adhère la population. Je comprends que ce n'est pas un consensus, comme le dit la ministre, qui fait l'affaire de la partie gouvernementale. C'est un consensus de population. Ce sont des questions délicates. De nombreux sondages avaient été faits à cet égard, et les gens, lors de ces sondages, y voyaient ici une solution, une porte de sortie pour régler toute la question des accommodements qui reviennent de façon sporadique dans l'actualité, qui reviennent, qui reviennent, qui reviennent.

Et je pense qu'il faut entendre les gens, les préoccupations des gens. Et, pour nous, cette interdiction du port de signes religieux chez les personnes en position d'autorité, ce n'est pas abusif. C'est ce qu'un État responsable doit faire à l'égard de ses propres fonctionnaires. Et Mme la ministre me nommait tout à l'heure une jurisprudence, effectivement, de la ville de Saguenay. Elle nous parlait des gens dans le domaine privé. Moi, je ne vous parle pas des gens dans le domaine privé, je vous parle des employés de l'État en position d'autorité. Vous savez, avec des décisions, on peut dire bien des choses, et il y a des juges décidants aussi qui avaient d'autres positions.

Cela dit, nous déposerons nos amendements en temps et lieu, tout au fil des travaux. Mme la ministre peut compter sur ma collaboration. Elle sait très bien qu'on est capables de discuter avec des arguments de part et d'autre. Mais cependant, pour nous, c'est important que le gouvernement édicte entre autres la laïcité de l'État et fasse en sorte que des accommodements religieux, comme il est écrit... bien, il faut faire attention. Il faut faire attention aux accommodements religieux.

D'ailleurs, en ce qui a trait à l'article 9, qui est de donner et de recevoir des services à visage découvert, à cet égard-là, l'article 9, actuellement, puisqu'il n'est toujours pas modifié, prévoit des exceptions pour des motifs religieux. Et ça, on ne s'entend pas du tout là-dessus. Pour nous, il ne faut pas qu'il y ait d'exception pour des motifs religieux. On verra à la lecture des amendements qui nous ont été soumis, mais, pour nous, il est inacceptable que quelqu'un, pour des motifs religieux, demande à se couvrir le visage pour recevoir ou donner des services de l'État. Et on y revient à ce fameux État laïque qui n'est toujours pas édicté.

Donc, naturellement, au cours des travaux, j'aurai l'occasion de déposer des amendements. Vous pouvez compter sur mon entière collaboration, et nous discuterons comme toujours en parlementaires sérieux et rigoureux. Mais il y a des débats qui auraient dû être faits, et nous espérons avoir l'oreille de la partie gouvernementale pour pouvoir minimalement avoir des amendements qui, pour nous, sont extrêmement importants, à défaut de quoi nous voterons contre ce projet de loi, M. le Président. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme la députée de Montarville. Maintenant, je cède la parole au député indépendant de Gouin pour ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20 minutes.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Je vais, moi aussi, saluer tous les membres de la commission, Mme la ministre, mes collègues à ma droite. C'est moi qui vais prendre le rôle de porte-parole en matière d'interculturalisme et de laïcité en remplacement de ma prédécesseure dans Gouin, Mme Françoise David, et je vais essayer, dans mon travail, de reprendre le flambeau avec toute la rigueur qui la caractérisait, avec son ouverture d'esprit également parce qu'on est devant, dans ce projet de loi ci, des questions importantes, certes, mais épineuses, sensibles. Et je pense que ça va être important de travailler avec sérénité, avec rationalité, en évitant de crier au loup et en évitant aussi de banaliser les inquiétudes légitimes d'une partie de la population au Québec.

Je vais peut-être commencer par mettre... disons, expliquer les grands principes qui vont orienter mon travail ici, des principes qui sont inclus dans la déclaration de principes de fondation de Québec solidaire. Essentiellement, trois principes qui vont orienter mon action : celui de l'égalité hommes-femmes, donc du féminisme, celui de laïcité de l'État et celui du pluralisme culturel.

Chez nous, ces trois principes-là sont d'égale importance. Ils orientent notre action politique de manière équivalente, ils orientent nos positionnements politiques et, pour nous, aucun de ces principes-là ne peut être avantagé par rapport à un autre, aucun principe ne peut se substituer à un autre. Pour Québec solidaire, le progrès social, c'est quelque chose qui est en perpétuelle construction. On le sait, l'égalité hommes-femmes, le féminisme, ont fait des pas de géant chez nous, mais ce sont des luttes qui ne sont jamais terminées, qui peuvent toujours être remises en question, et les avancées sociales des femmes, malheureusement, sont souvent remises en question par, par exemple, des politiques d'austérité ou des courants idéologiques conservateurs.

Ce qu'il faut préciser, par contre, c'est que, pour nous, les avancées féministes ne sont pas en contradiction avec la diversité culturelle, et nous rejetons donc avec vigueur les arguments de ceux et celles qui affirment que la diversité culturelle, le pluralisme culturel seraient, d'une certaine manière, une menace à l'égalité hommes-femmes ou qu'il y aurait une menace qu'un intégrisme étranger envahisseur viendrait menacer l'égalité hommes-femmes. Ces discours-là, nous allons les critiquer sévèrement.

Sur le projet de loi n° 62 lui-même, essentiellement, quatre remarques que je voudrais faire pour un peu donner une idée de la position que nous allons défendre ici.

Tout d'abord, nous croyons à Québec solidaire qu'il est temps d'engager le Québec dans une laïcité officielle. Au fil de son histoire, le Québec s'est détourné des liens privilégiés qu'il entretenait avec l'Église catholique à travers un processus historique honorable, et on pense qu'il est légitime et même normal, souhaitable, de confirmer cet état de fait là et qu'il faut le faire en allant plus loin que de simplement parler de neutralité religieuse. On pense que c'est réducteur. On pense qu'on peut affirmer et que c'est important d'affirmer la laïcité de l'État québécois. D'ailleurs, à la précédente législature, Québec solidaire avait présenté une charte de la laïcité qui affirmait clairement le caractère laïque des institutions de l'État québécois. Et j'insiste ici sur le terme «institutions» puisqu'une laïcité bien comprise, ce n'est pas une laïcité des individus, mais bien sûr une laïcité de l'État.

Donc, nous, on se positionne clairement en faveur d'une laïcité accrue de l'État, des institutions publiques. On pense par exemple, hein... un facteur qu'on oublie souvent quand on parle de laïcité, on pense par exemple au fait que l'État québécois, encore aujourd'hui, finance très généreusement des écoles privées qui sont, dans 70 % des cas, hein, à vocation religieuse. Voilà un angle mort de nos débats sur la laïcité, un angle mort qu'on va soulever certainement. Québec solidaire a été aussi le premier parti à demander qu'on déplace le crucifix qui trône à l'Assemblée nationale, pas pour le mettre aux vidanges, bien sûr, mais pour le transférer dans un lieu plus discret, un lieu qui aurait une fonction, disons, muséale plutôt que de le laisser au coeur de nos débats à l'Assemblée nationale du Québec.

• (10 h 20) •

Pour nous, la laïcité justifie, je le disais tout à l'heure, que l'État précise que ses agents, ses agentes en position coercitive soient tenus de ne pas porter de signe religieux, politique ou partisan, et on insiste ici sur le concept de coercition. Et ce critère-là, il n'est pas arbitraire, il ne tombe pas du ciel. C'était le critère qui était présent dans le rapport qu'on appelait Bouchard-Taylor, mais c'est aussi un critère qui est déjà appliqué, hein? Ce n'est pas pour rien que les corps d'emploi qui ont une position coercitive portent un uniforme déjà. C'est déjà une reconnaissance de leur statut particulier comme agent, comme agente de l'État, le fait qu'ils portent l'uniforme. Et donc, pour nous, ça tombe sous le sens de réutiliser ce critère-là en termes d'encadrement du port des signes religieux.

Tout en affirmant, donc, cette laïcité bien comprise, on affirme également notre désir de restaurer et de protéger le patrimoine religieux qui a une valeur historique, parce que ce patrimoine-là, qu'il soit catholique, juif, anglican ou autochtone, musulman, ce patrimoine-là n'appartient pas seulement à chacune de ces communautés, c'est un patrimoine qui appartient à l'ensemble de la société québécoise. Pour nous, la laïcité bien comprise doit s'assurer de protéger également ce patrimoine-là.

Le deuxième commentaire que je voulais faire, je voulais, disons, illustrer les consensus qui sont, je l'espère, possibles ici au-delà de nos positions partisanes respectives, parce qu'il y a des aspects du projet de loi dont on va débattre, mais il y a des aspects aussi, je crois, qui peuvent faire consensus et, en fait, qui font largement consensus au sein de la population. Je pense, par exemple, au devoir de neutralité religieuse des agentes et des agents de l'État dans l'exercice de leurs fonctions, mais je pense aussi aux critères qui doivent prévaloir lorsqu'il est question d'accommodement. Ce sont des critères qui sont déjà utilisés, notamment par la Commission des droits de la personne, et ce que la Commission des droits de la personne nous dit, c'est qu'il n'y a pas de crise, il n'y a pas de situation alarmante, il n'y a pas de situation ingérable. Alors, nous, on pense que ces critères-là peuvent être réitérés dans le cadre du projet de loi.

Ceci dit, on reconnaît qu'il peut y avoir des questions, des inquiétudes légitimes, et il va falloir savoir y répondre, ne serait-ce parce que le peuple québécois est dans une situation identitaire et politique précaire et que c'est normal pour un peuple dans cette situation-là de se poser des questions quant à l'effritement de sa culture, surtout pour un peuple comme le peuple québécois qui se bat pour sa survie depuis plusieurs siècles. Donc, nous, on reconnaît la légitimité de ces inquiétudes-là, mais il faut le faire sans tomber dans le catastrophisme, sans jouer... sans, disons... sans crier au loup et sans chercher à faire de la politique de division. Donc, nous, on va adopter un ton posé, rationnel, le plus rassembleur possible et on invite tout le monde à faire de même.

Le troisième commentaire que je voulais faire, c'est préciser que notre posture ici, notre travail va se faire également dans une perspective de lutte contre le racisme et la discrimination au Québec. C'est quelque chose qui inquiète Québec solidaire. Et un peu dans un alignement de situations regrettables, on a encore vu ce matin, dans les dernières heures, une preuve d'une montée... disons, une illustration de cette montée du racisme et de l'intolérance. On ne la voit pas seulement au Québec, on la voit partout dans le monde, on l'a vue aux États-Unis récemment, et, pour nous, ça va être bien important de systématiquement dénoncer ces discours-là quand ils sont franchement racistes ou quand ils alimentent le racisme. On va défendre vigoureusement les droits des minorités au Québec. Pour nous, ça veut dire ça, être de gauche, être progressiste. Ça veut dire être du côté des gens qui sont victimes d'oppression, de discrimination. Et on va être, bien sûr, particulièrement attentifs aux incidents qui touchent les communautés musulmanes, particulièrement les femmes, parce que ce sont elles, on ne se le cachera pas, qui sont le plus souvent visées par des actes de xénophobie et de racisme.

Quatrième et dernier commentaire, en ce qui a trait au visage découvert, je pense que notre travail ici, ça va être de devoir tracer une ligne ou, en tout cas, trouver un équilibre entre les différentes positions qui s'expriment au sein de la société québécoise depuis quelques années. Jusqu'ici, nous avons toujours défendu la même position, et c'est la position que je vais continuer à défendre, c'est-à-dire l'idée selon laquelle les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert, sauf dans des situations humanitaires ou d'urgence sanitaire.

Donc, c'est la position que Québec solidaire, que ma prédécesseure dans Gouin défendait, c'est celle que je vais continuer à défendre, mais on va tout de même s'assurer qu'il y ait des précisions qui soient apportées. En tout cas, on va tenter de faire en sorte que des propositions... que des précisions, pardon, soient adoptées au projet de loi n° 62, parce qu'en effet, tel que rédigé actuellement, le projet de loi pourrait interdire le port du niqab ou de la burqa à des femmes qui se présenteraient, par exemple, dans un musée ou qui voudraient accéder à un traversier. Parce que, si notre compréhension du projet de loi est la bonne, la liste des organismes présentés comme publics est très large, dans le projet de loi, hein? On réfère aux annexes I à III de la Loi sur l'administration financière. Alors, si c'est l'intention du gouvernement, on aimerait bien que ce soit mis au clair, et, sinon, bien, qu'on effectue les précisions nécessaires.

Et notre posture dans cette question-là du visage découvert va être tout à fait cohérente avec le reste de nos positions. On veut s'assurer qu'il n'y ait aucune décision politique qui marginalise davantage des femmes qui sont déjà marginalisées au sein de la société québécoise. Il va falloir tracer une ligne dans ce débat-là qui est explosif. Nous, on va tenter de le faire sereinement puis on invite tous les membres de la commission à le faire sereinement, à éviter de nous replonger dans des situations de tension et de division qui n'ont pas fait de bien à la société québécoise et au vivre-ensemble québécois.

De notre côté, là, par exemple, on avance que, lorsqu'une communication est essentielle, en éducation par exemple, bien, le principe de visage découvert, il se justifie pleinement, et d'ailleurs, il faut le dire, actuellement, dans la très grande majorité des cas, ça se passe très bien. D'autre part, à partir du moment où une personne accepte de s'identifier, par exemple pour obtenir un permis de conduire, bien, il n'y a pas de problème à ce qu'ensuite elle puisse se recouvrir le visage. Je pense que ça, c'est des approches rationnelles, posées puis, comment dire, cohérentes.

Ce qu'on veut surtout éviter, puis je vais terminer là-dessus, ce qu'on veut surtout éviter, c'est d'installer un climat social qui ferait en sorte que des citoyens et des citoyennes du Québec se sentiraient légitimes de se faire justice eux et elles-mêmes en se mettant, par exemple, à réclamer que certaines personnes dans l'espace public se dévoilent le visage, par exemple dans une salle d'attente d'un hôpital. Il faut que ce soit clair que ce n'est pas ce qu'on souhaite qui se produise au Québec.

En guise de conclusion, je voulais parler de la question de l'égalité hommes-femmes, de la question de la libération des femmes, parce que c'est un des principes fondateurs de Québec solidaire, c'est un des principes qui guident notre action politique depuis qu'on est à l'Assemblée nationale du Québec, et on veut réaffirmer notre conception de cette idée-là. Pour nous, il n'y a aucune loi, il n'y a aucune politique publique qui va pouvoir libérer les femmes de force. Il n'y a aucun code vestimentaire, qu'il soit religieux, laïque, républicain, public, qui va pouvoir émanciper les femmes de la soumission religieuse ou culturelle.

Une des revendications historiques du mouvement des femmes, c'est leur droit à l'autodétermination. Ce que ça veut dire, ça, c'est que ce sont les femmes qui, collectivement, construisent leur propre stratégie d'émancipation dans chaque société puis à chaque époque. L'État peut et l'État, même, doit les soutenir dans ces stratégies-là, mais sans décider à leur place comment elles vont conquérir de plus en plus d'espace de liberté et d'autonomie. Les femmes ont trop de défis économiques, politiques, sociaux pour que l'État se mette à vouloir délibérer à leur place.

Respecter l'autodétermination des femmes, ça ne veut pas dire qu'on s'abstient de critiquer certaines pratiques, culturelles par exemple, qui stigmatisent les femmes. Moi, je peux très bien, dans le cadre d'un débat éclairé, exprimer mes réserves, mes inquiétudes par rapport à une pratique en particulier, par exemple le port du tchador ou d'un autre vêtement qui stigmatise les femmes. C'est tout à fait possible d'affirmer ça, de dire : J'ai un malaise, j'ai une réticence à l'égard d'un vêtement ou d'une pratique. C'est tout à fait possible. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il faut en réclamer l'interdiction par la loi. On peut marcher puis mâcher de la gomme en même temps. On peut exprimer notre désaccord, un malaise. On peut élaborer une critique d'une pratique sociale sans pour autant demander à l'État d'intervenir mur à mur pour les interdire. Pour nous, ça veut dire ça, être progressistes, ça veut dire ça, être de gauche, et ce sont les principes qui guident notre action politique puis c'est des principes qui vont guider notre action ici aussi, à la commission.

Alors, je vais être parmi vous tout au long du processus, je l'espère, dès la semaine prochaine aussi, pour continuer l'étude détaillée. Merci beaucoup, M. le Président.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Gouin. Y a-t-il d'autres membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Rochon

M. Rochon : Oui. Merci, M. le Président. Rapidement, je suis très heureux de vous retrouver, de retrouver les collègues de tous partis confondus, la ministre pour l'étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire.

C'est un exercice extrêmement important que l'étude détaillée des projets de loi en commission parlementaire. Je dirais que c'est l'un des volets les plus importants de notre travail de député puis je pense que d'échanges constructifs ne peuvent naître que de meilleures lois. Alors, nous souhaitons avoir ces échanges constructifs. C'est dans cet esprit que nous sommes là, motivés par la volonté que cet exercice puisse mener à une loi qui reflète le consensus québécois, ce qui, croyons-nous, M. le Président, n'est pas le cas du projet de loi déposé par le gouvernement. Nous allons étudier très sérieusement, là, par ailleurs, les amendements proposés par la ministre pour voir quel effet ils ont sur la portée du projet de loi, sur son application. Et je constate déjà que certains de ces amendements vont tout à fait dans la bonne direction et m'en réjouis.

Bouchard-Taylor, ma collègue de Taschereau le disait tout à l'heure, estimait, il y a plusieurs années, le temps de la conciliationvenu. Bien, moi, je crois qu'il n'en tient qu'à nous toutes et tous que cette conciliation advienne, et il nous apparaît que nous pourrions trouver, dans Bouchard-Taylor, matière à nous entendre. Les propositions de Bouchard-Taylor ne sont peut-être pas exactement ce qu'individuellement ou comme formation politique nous souhaiterions, pas exactement, mais il s'agirait certainement d'un pas dans la bonne direction. Je crois qu'il s'agirait d'un pas dans la bonne direction, ce que ne prévoit pas le projet de loi n° 62, d'interdire des signes religieux pour les personnes en position d'autorité, comme le suggérait, là, Bouchard-Taylor, alors policiers, juges, procureurs, gardiens de prison.

Alors, voilà. Je vous disais que je serais bref, je l'ai été. Il faut renforcer, je l'ai entendu ici, la laïcité de l'État. Il faut protéger réellement, et je le souligne, réellement, l'égalité entre les femmes et les hommes. Je pense que porter cette conviction interdit d'y trouver à tout bout de champ des exceptions, hein? On y croit et on fait tout pour que cette égalité entre les hommes et les femmes au Québec soit une valeur qu'on ne puisse contourner. Il faut faire tout pour ça, M. le Président. Alors, voilà.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, M. le député de Richelieu. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui désirent faire des... Oui? Bon, M. le député de Berthier, à vous la parole.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : Bonjour, M. le Président. Des remarques préliminaires, ne serait-ce que pour vous saluer. Heureux de vous retrouver. Je veux souhaiter de bons débats à vous-même, bien sûr, parce que vous pouvez y participer et vous y participez, et aux gens qui vous accompagnent. Je veux saluer la ministre ainsi que les collègues, donc, du gouvernement, du Parti libéral. Je tiens à les saluer ainsi qu'évidemment les gens qu'ils accompagnent. Vous savez que nous avons tous chacun, les partis confondus, de redoutables recherchistes, M. le Président. Alors, je veux les saluer toutes et tous. Évidemment, je veux saluer les collègues aussi de la deuxième l'opposition et les collègues indépendants. C'est un plaisir d'être de retour à l'Assemblée nationale. J'espère et j'ose espérer que vous avez tous passé de bons moments en famille. C'était le temps idéal pour le faire, un été qui a été un petit peu difficile, mais, bon, je pense qu'il faut profiter des bons moments quand même.

M. le Président, nous entamons aujourd'hui des travaux sur un dossier — je pense que les collèges l'ont bien dit, je vais le répéter — extrêmement sensible. C'est un dossier qui, par ailleurs, doit aboutir, j'oserais dire le mot, M. le Président. Ils vont se rappeler, tout le monde l'a dit, je veux le redire, 2007, ça a été la commission Bouchard-Taylor, et le rapport a été fait en 2008. Nous sommes en 2017. Les citoyens du Québec, M. le Président, nous attendent, nous, les législateurs, s'attendent à ce que nous puissions trouver une façon, ma collègue de Taschereau l'a dit, de faire avancer le Québec, et, au regard de ce que j'ai devant moi... Je fais abstraction des amendements déposés par la ministre, parce que moi, j'ai tablé d'abord et avant tout sur le projet de loi déposé par la ministre, et, au regard de ce que nous avons devant nous comme projet de loi, c'est très clair que le Québec n'avance pas, M. le Président, mais le Québec recule, avec ce projet de loi là.

Alors, bien sûr, nous aurons l'occasion de regarder plus attentivement les propositions, les amendements que la ministre a déposés. Nous aurons l'occasion, comme commission, aussi d'en débattre. Et, bien sûr, comme opposition officielle, M. le Président, nous aurons l'occasion aussi d'arriver avec des amendements. On a déjà un peu mis la table ce matin, mais formellement, donc, nous aurons l'occasion d'arriver avec des amendements, M. le Président, qui eux, assurément, si on parvient à s'entendre, feront, eux, avancer le Québec.

Alors, voilà, M. le Président. De mon côté aussi, je suis bref, et je nous souhaite, à toutes et à tous, une excellente commission.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, M. le député de Berthier. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui veut faire des remarques préliminaires? S'il n'y a pas de motion préliminaire, nous allons immédiatement débuter l'étude article par article.

Amendements déposés

Mais avant je dépose officiellement les amendements reçus par l'opposition officielle et les amendements au projet de loi n° 62 que m'a remis la ministre. Ça fait que je fais les dépôts officiellement de ces deux-là.

Étude détaillée

Nous allons débuter. Je prends en considération l'article...

Mme Maltais : M. le Président?

Le Président (M. Hardy) : Oui?

Mme Maltais : Deux choses avant de passer à l'étude de l'article 1. D'abord, évidemment, ne pas oublier qu'en vertu de l'article 245 du règlement on veut étudier le projet de loi comme c'est l'usage, là, par articles, par alinéas, paragraphe par paragraphe, pour la conduite de nos travaux, que ce soit bien clair pour tout le monde. C'est l'usage, je pense, puis j'aimerais ça qu'on continue là-dessus, même si je comprends, à la lecture des amendements de la ministre, qu'il y a des choses qui ont bien évolué. Juste pour être sûre qu'on fasse bien les travaux.

Deuxièmement, il y a toujours la question du préambule qui demeure. Est-ce qu'on a un consentement pour étudier d'abord le préambule avant l'article 1? Je pense qu'il faut régler ça entre collègues avant.

Le Président (M. Hardy) : Donc, oui, Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je pense que l'expérience nous guide que, de consentement, on peut faire bien des choses. Donc, si les collègues sont d'accord, je pense qu'une discussion ouverte sur le préambule, sur le texte, pourrait certainement nous guider dans la suite des choses. Donc, là-dessus, je suis très ouverte à procéder de cette façon-là. Je comprends, là, que... Je regardais, lors des prises de parole, qu'il y a quand même... il y a une distinction entre nos textes, mais en même temps... il y a une distinction, mais il y a peut-être des points de rencontre. Donc, pour moi, il n'y a pas de problème à ce que nous puissions entamer nos échanges par l'étude du préambule si tout le monde est d'accord. Parce que je comprends que c'est exceptionnel, mais je comprends qu'on est quand même, aujourd'hui, dans un processus important qui peut-être commande de le prendre de façon différente.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, effectivement, Mme la ministre le disait, c'est exceptionnel. En cinq ans, bien, on a toujours gardé le préambule pour la fin pour qu'il reflète précisément les amendements qui ont été mis dans le projet de loi, mais moi, en guise et en signe de toute bonne foi, je n'ai aucun problème à ce qu'on commence avec le préambule. J'aurai des amendements, naturellement, à soumettre au préambule, mais je n'ai aucun problème.

Le Président (M. Hardy) : Donc, à ce moment-là, ça me prendrait un consentement. Non? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je viens d'écouter attentivement la députée de Montarville, qui, avec sagesse, nous rappelle qu'il peut y avoir des modifications dans la loi qui, après ça, pourraient modifier ou toucher au préambule. J'aimerais ça qu'on l'étudie, le préambule, quitte à ne pas le voter maintenant, suspendre pour le garder ouvert si jamais il était arrivé quelque chose pendant l'étude du projet de loi, mais de le lire, d'en parler, d'en discuter pourrait faire évoluer rapidement... pourrait faire évoluer nos travaux, puis après ça on passera à l'article 1; ne pas passer des heures sur le préambule, mais que la ministre nous l'explique, qu'on voie les différences. Peut-être qu'elle me permettra à ce moment-là de déposer ensuite le nôtre qu'on voie les différences, qu'on voie où est la situation, puis, comme le suggère la députée de Montarville, on gardera l'adoption pour la fin si jamais... Gardons-le ouvert. C'est vraiment dans l'esprit, là, de travaux qui avancent que je ferais ce petit bémol là étant donné la sagesse qu'a acquise la collègue de Montarville au fil du temps.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

• (10 h 40) •

Mme Vallée : En fait, je n'ai pas de problème à ce qu'on passe un certain temps cet avant-midi à discuter du préambule, des grands principes qui nous ont guidés, puis ça permettra peut-être aussi de comprendre, pour ceux et celles qui nous écoutent, pour ceux et celles qui suivent nos travaux, pour les parlementaires, de comprendre les grands principes qui nous ont guidés, parce que ce préambule-là, dans le fond, il est... Ce que je vous propose, c'est le reflet de ce qui nous a guidés lorsqu'on a rédigé initialement 62 et aussi lorsqu'on a préparé les amendements. Alors, je comprends... Puis qu'on puisse peut-être en faire la discussion et qu'on le maintienne, qu'on le suspende pour nous permettre de passer par la suite aux 18 articles qui suivront, je pense qu'on pourrait procéder comme ça. Puis, je comprends, ça éviterait de devoir, par la suite, rouvrir et refaire certaines discussions, parce qu'il peut arriver cette petite étoile qui nous amène à dire : Nous devrions ajouter un principe sur lequel on s'entend tous.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Si je comprends bien, il y a consentement de votre part pour qu'on puisse regarder l'amendement sur le nouveau préambule. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Vallée : Donc, M. le Président, je vous proposerais ce qui suit, c'est-à-dire un amendement qui se lit comme suit : Ajouter, avant «Le Parlement du Québec décrète ce qui suit», le texte suivant :

«Considérant que le Québec est une société démocratique, pluraliste et inclusive qui favorise des relations interculturelles harmonieuses;

«Considérant que l'État québécois et ses institutions sont le reflet du parcours historique du Québec;

«Considérant que l'État québécois et ses institutions sont notamment fondés sur le principe de la primauté du droit, de la séparation de l'État et des institutions religieuses et de la neutralité religieuse de l'État;

«Considérant que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles les libertés de conscience, de religion, d'opinion et d'expression, ce qui inclut la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement de rites;

«Considérant que les droits et libertés de la personne sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général;

«Considérant que la neutralité religieuse de l'État est nécessaire pour assurer à tous un traitement sans discrimination fondée sur la religion et que cette neutralité s'exprime notamment par la conduite de son personnel dans l'exercice de ses fonctions.»

Alors, c'est donc un préambule qui donne suite à des commentaires qui ont été reçus lors des consultations, parce qu'on nous disait... certains nous ont dit : Il faut affirmer les concepts sur lesquels repose le projet de loi, il faut affirmer le contexte dans lequel ce projet de loi s'inscrit. Et à relire... Puis encore, au cours des derniers jours, moi aussi, je suis retournée à la lecture de textes, d'opinions, de commentaires qui ont pu être formulés dans l'espace public quant au projet de loi et je me suis dit : Il faut éviter d'interpréter le projet de loi et de donner au projet de loi une saveur qu'il n'a pas, de donner une intention au législateur qui n'est pas celle que nous avions lors de la rédaction. Alors, pour moi, c'est important de revenir et de clarifier ces principes-là.

Donc, on vient affirmer des principes que l'on retrouverait dans la Charte des droits et libertés de la personne, qui s'inspire notamment de la Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion. Plusieurs lois fondamentales qui ont été adoptées ici, à l'Assemblée nationale, comportent un préambule. On pense, oui, à la Charte des droits et libertés de la personne, à la Charte de la langue française. On a également la loi qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la Loi sur le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Bref, les lois-cadres, les lois qui sont à la base de notre vivre-ensemble comportent un préambule. Donc, on considère qu'il est important d'en inclure un. Et évidemment ce préambule-là, s'il devait être adopté, va évidemment permettre d'expliquer l'objet, d'expliquer la portée du projet de loi et permettre à ceux et celles qui en font la lecture de comprendre l'état d'esprit dans lequel on était au moment de sa rédaction. Alors, je me rallie aux suggestions qui nous ont été formulées d'aller de l'avant avec un préambule. Et je pense que ça permettrait de mieux comprendre les grandes valeurs qui sont à la base du préambule puis ça permettra peut-être d'éviter, on l'espère, des contestations et de donner une interprétation qui est inexacte de l'intention des membres de l'Assemblée nationale.

Et voilà. C'est un petit peu ce... Et on considère évidemment que ce qui est là synthétise ces grands principes-là, mais je suis évidemment ouverte à en discuter avec mes collègues. Je comprends que, bien que non officiellement soumis, là, le projet de préambule sur lequel nos collègues de l'opposition officielle ont travaillé reprend certains concepts. On l'articule différemment, mais on a quand même des points de rencontre, je crois, au niveau de l'esprit de certains concepts.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je vais comme dire que nous avons effectivement aussi déposé un préambule qui reprend... qui libelle différemment... dans la mesure des moyens que nous avons, on n'a pas le ministère de la Justice avec nous, mais qui reprend différemment certains concepts sur lesquels... On peut débattre de la valeur et tout des concepts, comme par exemple l'importance de la Charte des droits et libertés de la personne, la neutralité religieuse de l'État. On peut se retrouver dans certains concepts. Il y a certains concepts, maintenant, qui ne s'y retrouvent pas, c'est clair. La laïcité ne s'y retrouve pas. Toutefois, je note qu'on retrouve la séparation entre les Églises et l'État, ce qui est nouveau parce que ça n'existait pas dans la première loi, à nulle part on ne voyait ça. Donc, je suis contente de voir qu'il y a un petit bout de fait. Moi, je pense qu'il faudrait aller jusqu'à la laïcité. On ne retrouve pas la protection de l'intérêt général. Nous, on amenait d'inscrire dans les considérants, et je pense que ça vaut la peine d'être étudié, le respect de l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, parce qu'on en a tous et toutes parlé. C'est un débat qui est, je dirais, sous-jacent à tout le débat qu'on a sur la neutralité religieuse de l'État. Le collègue de Gouin, tout à l'heure, disait : Ce sont des femmes musulmanes qui vivent les impacts parfois des débats houleux qu'il y a au Québec sur la laïcité et sur la neutralité religieuse de l'État. Je suis d'accord avec lui, puis c'est terrible. Mais ce sont aussi des Québécoises qui ont vécu la sortie des religions de nos chambres à coucher puis la sortie des religions de l'État, qui ont insisté là-dessus. Ce sont des Québécois et des Québécoises qui ont vu avancer la laïcité, qui sont aussi inquiets et inquiètes. Donc, on vit avec ça ici. Il faut toujours avoir un regard extrêmement attentif aux gens qui vivent de l'oppression, qui vivent des situations difficiles, mais il ne faut pas oublier l'intérêt général, et la notion d'intérêt général n'est pas présente, ni la notion d'égalité entre les hommes et les femmes. Je pense que c'est possible de concilier les deux.

Enfin, ça, c'est pour ce qui est dans notre préambule, et qui, je pense, manque, puis qui mérite débat. On va y aller paragraphe par paragraphe, alinéa par alinéa, mais je pense que ça mérite débat, puis c'est pour ça qu'on a déposé... puis qu'on regarde ces concepts-là. Ça fait qu'on regardera probablement, au fil du temps, où est-ce que ça se peut s'inscrire si on débat du préambule.

L'autre chose que j'aimerais bien, bien, bien comprendre... Le préambule n'existait pas et la ministre et nous avons senti le besoin d'en avoir un. Maintenant, elle a dit : Il ne faudrait pas qu'il y ait de contestation avec la mouture du projet de loi n° 62, c'est pourquoi on ajoute un préambule. Moi, j'aimerais ça comprendre qu'est-ce qui pourrait être contesté. Est-ce que c'est le fait d'enlever, par exemple, l'accommodement à l'article 9, la possibilité d'accommodement? Et j'aimerais ça qu'elle explique un peu mieux pour qu'on comprenne la portée juridique du préambule. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la portée juridique. Qu'est-ce qui protège... Quelle est l'intention de la ministre en déposant ce préambule? Ça pourrait faire avancer le débat.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, en fait, le préambule, c'est vraiment général. C'est que le préambule, c'est un outil d'interprétation d'une loi, donc d'où la portée... Ce n'est pas pour empêcher une contestation en soi. L'objectif, c'est dans l'éventualité... Parce que, les lois, il n'y a aucune loi au Québec qui est à l'abri d'une contestation, on le sait, là. Et, dans l'éventualité où quelqu'un devait, dans une situation x ou y, vouloir contester ou demander une interprétation — parce qu'une contestation, ce n'est pas nécessairement une opposition à une disposition, mais ça peut être également une demande de précision — le préambule sert, dans ce contexte-là, permet... éclaire, guide le tribunal dans son cheminement, et évidemment c'est reconnu en matière d'interprétation. Mais, lorsque le tribunal est appelé à statuer, à se prononcer, à interpréter un article ou une loi, que ce soit en partie ou en totalité, évidemment, on va regarder le texte de la loi dans son ensemble, on ne regarde pas une disposition prise isolée, on va quand même prendre cette disposition et l'interpréter dans le contexte de la loi. Et évidemment le texte de loi et le préambule vont aider à cette compréhension, vont aider au tribunal à bien comprendre ce que l'on appelle l'intention du législateur.

Il y a un tas d'autres outils aussi. Nos débats ici, à l'Assemblée, seront utiles si on devait se questionner sur l'intention qui nous a guidés lors de la préparation de ce projet de loi là, donc, évidemment... puis la structure du projet de loi, l'évolution du projet de loi. Bref, il y a un tas d'éléments qui, en matière d'interprétation, vont guider les tribunaux, tout simplement.

Mais, je vous dirais, lorsque certains sont venus en commission parlementaire et nous disaient... Et vous vous rappellerez, M. le Président, on nous disait : Pour nous, la neutralité religieuse de l'État, ça veut dire qu'un membre du personnel ne peut afficher aucun signe religieux, certains donnent une interprétation très, très, très stricte à la neutralité, et on se disait : Non, ce n'est pas la question. Rappelez-vous, lors de la présentation du groupe... la société Lord Reading, Me Bergman qui a brandi sa kippa en disant : Ce projet de loi m'empêche de porter ma kippa. L'objectif du projet de loi n'est pas de brimer la liberté de religion dans l'espace public, pas du tout. Au contraire, il vise à établir un principe de neutralité de l'État qui ne viendra pas... qui sera impartial face à ce citoyen qui affiche ses convictions religieuses. Le traitement, la prestation de services offerte à un citoyen ne doit pas être influencée, justement, par le port d'un signe religieux ou l'absence d'un signe religieux. La prestation de services par un membre du personnel se doit d'être exempte de toute partialité à l'égard de ça.

Alors, c'est pour ça que, dans le préambule, M. le Président, on fait référence simplement à la Charte des droits et libertés de la personne, à sa liberté de conscience, parce que... Et d'autres nous disaient... Puis on a d'autres groupes... Il y a l'Assemblée des évêques catholiques aussi qui nous disait : Ce serait une bonne idée d'expliquer clairement ce que veut dire la neutralité religieuse. Cette neutralité religieuse, elle est fondée sur un engagement de garantir, de protéger et de promouvoir l'exercice des libertés fondamentales. On le retrouve dans leur mémoire à la page 4.

Alors, c'est ça, l'objectif du préambule, c'est de bien clarifier et que... Et aussi, puis, je pense, c'est important, la neutralité religieuse, c'est la neutralité de l'État, elle respecte aussi la liberté de religion de ses agents de l'État. Donc, un agent de l'État peut porter la kippa sans problème, donc, et c'est le comportement de l'agent de l'État, de l'employé, qui doit être exempt... qui doit être impartial. Mais on ne peut pas demander à une personne d'être complètement neutre sans porter... sans avoir une brèche... La neutralité vestimentaire, je dirais, l'aseptisation de l'espace public amène, à quelque part, une brèche pour certains dans les libertés de religion parce que, pour certains, la liberté de religion va s'exprimer par le port d'un signe religieux, mais le port d'un signe religieux n'est pas un obstacle à la neutralité du comportement de la personne.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Bon, on était dans le préambule, puis on est rendus dans l'aseptisation de l'espace public, puis là on est... Vous êtes allée un peu loin, Mme la ministre. Bien, moi, je veux rester sur l'ensemble du préambule. On reviendra après à comment introduire les concepts.

Mais il y a une chose, d'abord... Parce que je veux revenir là-dessus, là, brièvement, sur l'aseptisation de l'espace public. On n'est pas dans l'espace public, on est dans l'État, et moi, je considère que l'État peut demander à des fonctionnaires d'afficher un visage totalement neutre et laïque. L'État québécois est laïque. Il n'est pas neutre, il est laïque. Ça, ça fait consensus. Donc, oui, je pense qu'on peut le demander. On a des interprétations différentes là-dessus, mais je ne peux pas laisser passer le mot sans dire que, d'abord, on n'est pas dans l'aseptisation de l'espace public, on est dans l'État, puis ça, on veut rester là-dedans. Ce projet de loi là touche à l'État? D'accord, touchons à l'État.

Deuxièmement, on a une opinion différente là-dessus comme sur les policiers, les fonctionnaires... pas les fonctionnaires, les policiers, les magistrats. Tel que le recommandaient Bouchard et Taylor, on devrait leur demander d'être totalement neutres. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que ces gens qui portent un uniforme affichent un signe religieux... qui ont un pouvoir de coercition. Ça, pour nous, c'est important.

Alors, moi, pour moi, il reste une grande question qui va, après ça... on va essayer de voir... dont on débattra sûrement dans l'étude stricte du préambule, c'est : Pourquoi la laïcité de l'État est-elle absente? Quelle est cette pudeur qu'a le gouvernement libéral à parler de la laïcité de l'État? Pourquoi est-ce que la laïcité ne fait pas partie de ce préambule? Parce qu'il y a fondamentalement... là, il y a probablement une différence fondamentale, des visions différentes. Pourquoi est-ce que le mot «laïcité» n'est pas présent dans ce préambule? Moi, ça, je ne le comprends pas. Je ne comprends pas la pudeur à utiliser ce mot-là. Jamais la ministre ne nous parle de l'espace laïque ou de la laïcité. On ne parle que de l'État. On n'est pas dans l'espace public, on n'est que dans l'État. Et c'est une avancée historique que cette laïcité. On a déconfessionnalisé les écoles, on a fait plein de choses au Québec là-dessus. Alors, pourquoi la laïcité ne serait pas inscrite dans le préambule? C'est vraiment la grande question que je me pose.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

• (11 heures) •

Mme Vallée : Ce n'est pas une question de pudeur, M. le Président. Je pense qu'on a toujours été très clairs sur cette volonté d'enchâsser à l'intérieur d'un texte de loi un principe de neutralité religieuse de l'État, et la neutralité, ce n'est pas réducteur, ce n'est pas un terme réducteur, c'est clair, et ça porte beaucoup moins à interprétation que le terme «laïcité». Laïcité ouverte, laïcité stricte, laïcité fermée, de quelle laïcité est-il question? Selon le regard qu'on porte, on peut donner...

Et je lisais pas plus tard qu'hier soir un texte dans Le Nouvel Observateur, un texte d'il y a quelques mois où on disait : On a tellement poussé la laïcité, en France, le terme «laïcité» est sous... On a utilisé ce terme-là pour venir s'en prendre à certaines pratiques religieuses, et ce terme-là vient en quelque sorte... l'interprétation qu'on lui donne vient à l'encontre même de la protection des libertés individuelles.

Alors, lorsqu'on parle d'une organisation, lorsqu'on parle de neutralité, je pense que la clarté du terme nous permet vraiment de comprendre qu'est-ce qui est attendu de celui ou celle qui est neutre. Qu'est-ce que l'on s'attend d'un État qui est neutre? Alors, on s'attend à ce que l'État, l'organisation, s'abstienne de prendre position et entre autres dans le domaine de la religion. Ce n'est pas une question de pudeur. Et on a toujours été très clairs, le premier ministre a toujours été très clair, il a toujours été question de neutralité de l'État.

Je comprends que certains collègues souhaiteraient inclure le terme «laïcité», mais, lorsque l'on regarde, j'écoutais les commentaires, on dit la même chose. Lorsque vous expliquez votre interprétation de la laïcité, je comprends qu'il s'agit de neutralité. Vous ne souhaitez pas, ou à moins... et là corrigez-moi si je me trompe, que l'État... vous ne souhaitez pas exclure la liberté de religion, ce n'est pas ça, vous ne souhaitez pas exclure le droit de manifester sa croyance. Vous souhaitez que l'État soit neutre, que la religion ne soit pas à la base d'un choix gouvernemental, par exemple, ne soit pas à la base d'une décision de la part d'un employé de l'État, vous souhaitez une impartialité dans le traitement des citoyens, des citoyennes et de la société en général, alors d'où la neutralité, d'où ce choix qui est le nôtre de vraiment camper ce terme, de prévoir ce terme, qui est reconnu. La neutralité de l'État, elle est reconnue, elle va sans dire. Alors, disons-le clairement, précisons-le clairement et précisons cette obligation de l'État d'agir en toute impartialité.

Donc, la laïcité pourrait... apporte un certain choix, et on peut... Je vous dirais, dans l'État, c'est simple, c'est très simple de demander à un individu d'agir en toute neutralité, mais de demander à un individu... Et là je fais un petit peu du pouce sur ce que ma collègue disait tout à l'heure, elle disait : Mais, dans l'État, nous, on ne souhaite pas qu'il y ait de manifestation d'une appartenance à une religion, donc on ne souhaite pas qu'il y ait de signe religieux. Mais, ce faisant, si on demande et on exige que les employés de l'État ne portent aucun signe religieux, il y a une brèche, parce qu'on oblige les employés de l'État à être laïques. On peut obliger un employé à être neutre, mais on ne peut pas obliger quelqu'un à ne pas manifester sa religion si, dans sa croyance, il y a une manifestation religieuse. Et je reviens, par exemple, au port de la kippa.

Donc, la neutralité, pour nous, est le terme qui est le plus clair, le plus exact et qui correspond le mieux à la réalité québécoise, c'est-à-dire que le traitement d'une demande, le traitement d'un individu ne sera pas et ne doit pas, d'aucune manière, être influencé par l'appartenance... la croyance ou la non-croyance, parce qu'il y a également la non-croyance, la neutralité vient aussi... englobe la non-croyance, bien évidemment. Donc, on sépare vraiment, on fait vraiment cette distinction-là entre l'État et les individus, donc les institutions, l'État et les individus qui composent cet État-là.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Si vous me permettez, Mme la députée de Taschereau...

Mme Maltais : Non, je vais terminer mon échange avec... oui, je vais terminer mon échange.

Le Président (M. Hardy) : Oui. Bon, allez-y. Après ça, je passe la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Maltais : Oui, c'est un peu général, je ne veux pas dépasser le 20 minutes. Je n'ai pas dépassé le 20 minutes?

Le Président (M. Hardy) : Non, non.

Mme Maltais : Bon, j'achève, ce ne sera pas long. Je finis mon...

Le Président (M. Hardy) : Je donnais la chance aux gens de...

Mme Maltais : Oui, mais on va respecter les...

Le Président (M. Hardy) : Allez-y.

Mme Maltais : Ce ne sera pas long. C'est juste... Ce n'est pas moi, de toute façon, qui prends beaucoup de temps, actuellement, M. le Président, bien respectueusement, ce n'est pas moi qui parle le plus longtemps. Je pose une petite question, puis la ministre donne les explications qu'elle considère nécessaires, c'est normal, mais moi, je ne prends pas de temps, là.

Le Président (M. Hardy) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Maltais : Je veux juste dire que les atteintes aux droits en France sont assez relatives, puisque l'interdiction de signes religieux a été reconnue par la cour de justice européenne. Alors, si c'est une atteinte, expliquez-moi que ça a été reconnu par une cour de justice, que le voile a été... l'interdiction du voile pour une éducatrice en garderie a été reconnue par une cour de justice en France. Donc, si vous voulez appliquer le modèle français, appliquez le modèle, y compris les cours de justice, qui disent que ce ne sont pas des atteintes, que ce sont des droits.

Donc, c'est pour ça que le modèle français, ça ne marche pas. Vous êtes arrivée avec un texte français, c'est correct, mais ce n'est pas... je ne trouve pas que ça aide la compréhension des choses.

Deuxièmement, c'est ce que je dis exactement, l'État est laïque, l'État est laïque. Il n'y a personne qui conteste ça au Québec. Il n'y a pas de laïcité ouverte ou fermée, il y a la laïcité de l'État. Ensuite, les personnes, les personnes, doivent respecter la neutralité religieuse. Ça, c'est un autre concept. C'est pour ça que moi, je ne dis pas : La neutralité religieuse des fonctionnaires... la laïcité des fonctionnaires. On ne vit pas dans leur tête. Qu'ils pratiquent la religion et qu'ils croient en Dieu, s'ils le veulent, ça leur appartient. Mon point était que l'État est laïque.

Je pense que, si on veut ajouter des concepts à «laïcité» ou à «neutralité religieuse», on peut le faire de la même façon. Est-ce qu'on veut une laïcité ouverte, stricte, fermée? Est-ce qu'on veut une neutralité ouverte, stricte fermée? On pourrait faire le même débat. Pour moi, là, c'est le même débat.

Alors, moi, ce que j'aimerais, puis c'est mon dernier point avant de passer la parole aux autres, je tiens à faire la distinction, je ne demande pas que les individus ou que les fonctionnaires soient laïques, contrairement à ce qu'aurait pu laisser entendre le discours de la ministre, qui s'est avancée, je pense, jusque-là. Ce que nous demandons, c'est qu'il soit inscrit dans une loi que l'État est laïque, point final. Pas les individus, pas les fonctionnaires; l'État. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Je ne voulais pas vous empêcher de parler, tout à l'heure, c'est parce que je pensais que vous aviez fini. Ça fait qu'il n'y a pas de problème. Maintenant, Mme la députée de Montarville.

• (11 h 10) •

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. J'ai lu avec attention le préambule de Mme la ministre. Il y a, à première vue, deux choses avec lesquelles je suis très, très en désaccord et mal à l'aise, je dirais même.

Naturellement, le mot «laïcité», ma collègue de Taschereau l'a souligné, n'y apparaît pas. On ne parle pas de laïcité de l'État mais bien de neutralité religieuse. C'est ce que je craignais.

Peut-être pour expliquer, pour bien comprendre, la neutralité religieuse est une chose, la laïcité en est une autre. Et, comme nous l'enseignait Mme Fatima Houda-Pepin, la neutralité seule, ce n'est rien, on a besoin d'édicter la laïcité pour pouvoir mettre en oeuvre la neutralité. Si j'avais à faire une image, Mme la ministre, M. le Président, je vous dirais que ce sont comme des poupées russes. On doit avoir la première poupée qui dit la laïcité pour l'ouvrir et trouver à l'intérieur la neutralité, qui est l'application. Alors, c'est comme si, en n'édictant que la neutralité, il nous manque le gros morceau, qui est la première poupée, qui guide les actions du gouvernement, qui est la laïcité de l'État. C'est extrêmement important.

Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent et des journalistes, j'attire votre attention au... — un, deux, trois — le quatrième considérant. Mme la ministre écrit : «Considérant que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles les libertés de conscience, de religion, d'opinion et d'expression...» Jusque-là, je suis tout à fait d'accord avec elle. Elle poursuit et de façon très large : «...ce qui inclut la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement de rites.» Je trouve qu'on va très loin en rajoutant cette phrase parce qu'il faut faire une distinction, M. le Président, entre la liberté de conscience, la liberté de religion, on est tout à fait d'accord avec ça, et l'exercice de cette liberté de religion. Il y a des juristes qui nous le disent. Il y a même l'ex-juge Claire L'Heureux-Dubé, qui est quand même juge à la Cour suprême, qui nous disait : Attention entre la liberté de religion et la liberté d'exercice de la religion, ce n'est pas la même chose. Et la façon dont le quatrième considérant est libellé, c'est comme si tout de go on va tout permettre, tout simplement l'exercice de tout précepte religieux uniquement parce qu'il est religieux. Alors, non, il faut faire attention.

À cet égard-là, je vous ramènerais, M. le Président, à un excellent texte qui a été écrit par M. Daniel Baril, qui a été publié dans le Voir et qui rejoint ce que je tente d'expliquer : «Un État démocratique interdit des pratiques comme la polygamie, les mariages obligés, les mariages d'enfants et les châtiments corporels, qui sont pourtant acceptées par plusieurs religions. Un État démocratique adopte et impose à tous des lois fondées sur des principes humanistes que rejettent la plupart des religions, comme l'égalité des hommes et des femmes, le droit à l'avortement, le mariage de conjoints de même sexe et le suicide assisté.» Or, dans le contexte du droit canadien, les décisions les plus importantes rendues par la Cour suprême du Canada en matière religieuse illustrent que sa jurisprudence est en général excessivement favorable à l'imposition de normes religieuses aux dépens d'autres principes, dont la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes. Alors, c'est nous qui disons ça, là. Le Québec, pour faire contrepoids à cette vision strictement multiculturaliste du plus haut tribunal du pays, doit donc enchâsser dans sa loi la laïcité de l'État et la primauté du droit à l'égalité hommes-femmes.

Si je veux simplifier à sa plus simple expression, ce n'est pas parce que, comme on le dit dans le quatrième considérant, là, une manifestation de la religion peut se faire seul, en commun, en public, en privé, par l'enseignement, les pratiques, les cultes et l'accomplissement de rites qu'on doit tout accepter ces rites alors qu'ils seraient, par exemple, barbares, uniquement au nom de la religion, parce qu'on parle ici de rites religieux.

Alors, c'est pour ça que je vous dis : Attention, le quatrième considérant m'inquiète, là, la suite de la phrase. Si Mme la ministre veut terminer sa phrase à «religion, d'opinion et d'expression», point, je suis bien d'accord, mais là ce qu'on fait, c'est qu'on vient normaliser des pratiques religieuses, quelles qu'elles soient, uniquement parce qu'elles sont religieuses. C'est-u plus clair, ça, M. le Président? Et ça, j'ai un problème avec ça. Et je pense que, les gens qui nous écoutent, la grande majorité des Québécois a un problème avec ça. Ce n'est pas parce que quelque chose est religieux qu'il doit être accepté. Et, avec le projet de loi n° 62 et avec ce préambule, la façon dont il est rédigé, parce que c'est religieux, c'est accepté. Non, M. le Président. Un gouvernement responsable, un gouvernement courageux a le droit de dire : Certaines pratiques ne sont pas automatiquement acceptées, ne font pas automatiquement partie de cet exercice de la religion parce qu'elles sont... ces pratiques sont religieuses. Non, il y a des pratiques religieuses qui sont barbares et qui ne doivent pas être acceptées.

Alors, c'est pour ça que je crains le libellé de ce quatrième considérant. En fait, je suis tout à fait en désaccord avec la deuxième portion. Mais c'est important qu'on comprenne bien que la liberté de religion, ça, c'est indéniable. On a tous droit à prier le dieu que l'on souhaite. C'est ça, la liberté de religion. On a tous droit d'adhérer à la foi que l'on souhaite. Mais on n'a pas un droit absolu à faire ce qu'on veut, quand on veut, comme on le veut parce que c'est religieux. Elle est là, la différence, et il faut faire attention à ça. Alors, c'était ce que je voulais souligner.

Par ailleurs, j'ai également une rédaction d'un préambule que nous avons fait, nous pourrons en discuter plus en détail. J'imagine que ma collègue de Taschereau également a sa version qui est... déposée en liasse tout à l'heure, là. Je pourrai également déposer ma version, et nous pourrions en discuter. Mais, pour nous, il est primordial d'inclure le précepte de laïcité parce que, comme je vous disais, la neutralité seule, elle ne tient à rien. Ça prend la laïcité, et la laïcité permet la neutralité. Si vous enlevez la laïcité, c'est le contraire qui se passe, puisque ce n'est qu'une intention. C'est notre prétention, M. le Président.

Alors, voilà, je cède la parole. Mais c'est ma prétention pour le moment, ce sont mes critiques à l'égard du préambule de la ministre. Mais, comme je vous disais, pour nous, c'est primordial que de décréter que l'État québécois est laïque. Il faut le décréter, il faut l'écrire en quelque part. Je veux comprendre qu'historiquement il l'est, que dans les décisions jurisprudentielles on le mentionne, mais ce n'est pas écrit. Ce serait bien que le Québec ait le courage d'écrire que le Québec est laïque, que ses institutions sont laïques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Je serai brève, je vais essayer de ne pas trop m'emporter, parce que c'est un sujet, évidemment, qui suscite bien des passions, mais je veux simplement indiquer à ma collègue que le quatrième alinéa du préambule est inspiré de l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme, tout simplement. Et d'ailleurs j'avais eu des échanges fort intéressants avec la prédécesseure de notre collègue de Gouin sur cette question-là. Lorsqu'on avait des discussions, on avait regardé ensemble la déclaration des droits de l'homme et... Alors, peut-être qu'elle nous écoute, alors je salue Françoise, parce qu'on avait eu des échanges fort intéressants sur cette question-là. Et cette déclaration des droits de l'homme, également, on y référait aussi dans le mémoire des évêques. Donc, c'est intéressant. Et j'ai bien aimé le commentaire de notre collègue de Gouin, qui disait tout à l'heure : On peut être mal à l'aise avec une manifestation d'une religion, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on doit demander à l'État de l'interdire. Donc, la neutralité vient un peu camper ça aussi. C'est-à-dire qu'il est possible de manifester un malaise, mais, de là à demander une interdiction totale des pratiques, il y a un grand pas. Puis je pense qu'on devrait plutôt s'inspirer des grands principes de la déclaration des droits de l'homme. Pour moi, c'est important.

• (11 h 20) •

Et, pour ce qui est de l'utilisation de «laïcité», «neutralité», je ne veux pas faire des heures de débat. Notre formation politique s'est engagée à déposer un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État. Il y a des raisons. La neutralité emporte en soi un caractère impartial qui est simple, facile d'application, qui va de soi, dans le fond, qui est clair, et la laïcité... Et on le voit et on le sent de par la façon et l'interprétation qui est donnée. J'écoute notre collègue de Gouin qui parle de laïcité avec une ouverture à l'égard de la liberté de religion de tous et chacun et j'entends à ses côtés notre collègue de Montarville qui parle de laïcité avec une interprétation beaucoup plus rigide de cette laïcité. Alors, utiliser le terme «laïcité»... Nous avons ici même, en cette salle, en tout respect, des collègues qui en font une interprétation radicalement opposée, alors que la neutralité amène ce point de rencontre entre cette volonté prônée par certains d'être beaucoup plus rigide, d'être beaucoup plus près de la laïcité à la française et cette interprétation beaucoup plus ouverte de la laïcité. Donc, la neutralité et l'utilisation de ce terme-là nous permettent d'éviter de donner un sens à un projet de loi qui n'est pas le sens souhaité. La neutralité de l'État, elle va sans dire, et on l'indique de façon très claire.

Mais, je vous le dis d'entrée de jeu, nous n'allons pas dans le sens... dans l'inclusion du terme «laïcité» dans ce projet de loi là, je ne veux pas passer des heures à faire le débat et à prétendre que peut-être. Pourquoi? Exactement pour ce que l'on a vu ce matin. Dans les remarques préliminaires, on a cette interprétation de «laïcité» qui est diamétralement opposée, et je pense que ça, ce n'est pas ce qu'on souhaite. Alors, pour moi, l'utilisation du terme «neutralité» est beaucoup plus... correspond davantage à ce qu'est la société québécoise.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bien, puisqu'on parle de la notion de laïcité, je vais me permettre de contribuer à la discussion. On s'éloigne peut-être un petit peu strictement, là, du débat sur le préambule, mais en tout cas je vais me permettre de contribuer, puisque déjà les discussions se sont éloignées un peu.

Moi, je trouve ça dommage, en fait, d'abandonner la notion de laïcité, de la laisser tomber parce que certaines personnes et certains groupes en font une interprétation donnée. Et en fait c'est une notion, la laïcité, qui, en effet, provient d'Europe, de France, et en effet c'est une notion qui a été récupérée et qui a été falsifiée, dévoyée de sa signification initiale par des forces politiques qui sont assez peu présentes ici, au Québec, il faut s'en réjouir, qui ont, en fait, derrière la tête non pas d'affirmer la séparation de l'Église et de l'État, mais de faire de la politique sur le dos de certains groupes puis de certaines minorités. Et c'est dommage, à cause que ça, ça se produise, qu'on laisse tomber, au fond, une notion qui par ailleurs est une notion progressiste, une notion noble, une notion que nous, on défend, à Québec solidaire.

Et ce qui est intéressant, c'est que, bon, la notion de laïcité, elle a été introduite en France d'un point de vue législatif en 1905 par la fameuse loi sur la séparation de l'Église et de l'État, et ils ont eu, en France, à l'époque, toutes sortes de débats autour de cette loi-là. Et c'est assez intéressant de relire les débats qui ont eu lieu entre les parlementaires français à l'époque parce qu'on y trouve des similarités, des similitudes avec les débats qu'on a, nous aussi, ici, au Québec. On ne fera pas l'historique de tous les débats qui ont eu lieu en France à l'époque, mais ce qu'il est intéressant de constater, c'est qu'il y a eu à l'époque, en France, un débat sur le port des signes religieux, et plus particulièrement des vêtements religieux, parce que le projet de loi initial tel que déposé par Aristide Briand, à l'époque, ne contenait pas d'interdiction de port de vêtements religieux dans l'espace public, et certains défenseurs d'une laïcité très ferme, voire des défenseurs, disons... des forces politiques anticléricales en France, à l'époque, qui étaient très fortes, ont reproché au projet de loi de ne pas aller assez loin et de ne pas interdire le port de certains vêtements religieux. Et ce qui est intéressant, c'est que celui qui défendait au Parlement français le projet de loi, Aristide Briand, qu'on appelle là-bas un rapporteur, donc, a défendu son projet de loi en expliquant pourquoi, selon lui, une laïcité bien comprise... Et là on est dans la France républicaine de 1905, là, on n'est pas sous le multiculturalisme anglo-saxon débridé, hein? Bon. Donc, Aristide Briand, lorsqu'on lui oppose cet argument-là : Bien, vous n'allez pas assez loin, ce n'est pas la vraie laïcité, vous n'interdisez pas le port de la soutane... Et d'ailleurs l'argument qu'on utilise à l'époque, c'est qu'on dit : La soutane est une insulte à la dignité masculine, curieuse proximité avec certains arguments aujourd'hui invoqués pour qu'on interdise certains vêtements que les femmes portent. Et là, donc, on lui oppose en Chambre ça. Alors, je vous lis, dans le fond, la réponse d'Aristide Briand lorsqu'on lui oppose l'argument qu'il n'interdit pas le port de la soutane, qui est une insulte à la dignité masculine et une preuve de l'existence de la religion dans la société française. Aristide Briand répond : «Au risque d'étonner l'honorable M. Chabert — qui est celui qui lui oppose l'argument, donc — je lui dirai que le silence du projet de loi au sujet du costume ecclésiastique qui paraît le préoccuper si fort n'est pas le résultat d'une omission, mais bien celui d'une délibération mûrement réfléchie. Il a paru à la commission que ce serait encourir, pour un résultat plus que problématique, le reproche d'intolérance et même s'exposer à un danger plus grave encore, le ridicule que de vouloir, par une loi qui se donne pour but d'instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes de modifier la coupe de leurs vêtements. Ce que notre collègue voudrait atteindre dans la soutane, c'est le moyen qu'elle procure de se distinguer facilement des autres citoyens. Mais la soutane une fois supprimée — et j'attire l'attention de tous mes collègues sur ce passage-là — si l'Église y trouvait son intérêt, l'ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs aurait tôt fait de créer un vêtement nouveau pour permettre au passant de distinguer au premier coup d'oeil un prêtre de tout autre citoyen.» Et j'arrête la citation ici.

Donc, ce qui est intéressant ici, c'est de constater que même un défenseur d'une conception laïque républicaine française s'oppose à l'idée selon laquelle l'État pourrait se faire théologien et interpréter la signification d'un vêtement. Et ça, c'est... Parce que, là, j'entends d'une oreille des gens dire : Ah! mais ça, c'était dans l'espace public, ce n'est pas la même chose. Or, le projet de loi initial n'interdisait aucun vêtement religieux. Et ce qui est intéressant, c'est l'argument d'Aristide Briand, en fait, qui dit donc : Ce n'est pas à l'État d'interpréter la signification d'un vêtement parce que, de toute façon, si on interdisait un vêtement, les personnes qui veulent afficher leur religion trouveraient, dans le fond, par ingéniosité, un autre moyen de le faire.

Et donc moi, je ne vois pas en quoi on devrait jeter le bébé avec l'eau du bain et laisser tomber, dans le fond, la notion de laïcité, qui a historiquement été fondée sur l'idée de liberté de conscience et qui peut être défendue comme telle encore aujourd'hui. Et je trouve ça dommage, donc, d'accorder le monopole de l'interprétation de la laïcité à, disons, une certaine interprétation, qui est à la mode aujourd'hui, mais qui est en décalage par rapport à l'interprétation historique du concept. Moi, je pense qu'il faut se revendiquer de cette notion-là et justement pour éviter qu'elle soit dévoyée. Et donc nous aussi, on incite la ministre à l'inclure dans son projet de loi pour s'en revendiquer, pour justement éviter d'abandonner ce concept-là à une conception qui, pour nous, est dévoyée et falsifiée.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme la ministre.

• (11 h 30) •

Mme Vallée : En fait, j'ai bien apprécié le retour historique de notre collègue, parce que c'est fort utile de recadrer le contexte dans lequel des débats avant nos débats ont eu lieu. Et je comprends son souhait d'utiliser le terme, de se réapproprier la laïcité comme étant ce qu'elle doit être.

Ceci étant dit, moi, je considère bien honnêtement que l'utilisation du terme «neutralité religieuse de l'État» correspond vraiment... vient vraiment décrire en un terme tout simple l'obligation de l'État et de ses agents d'être impartiaux. Et on plaide beaucoup pour l'utilisation du langage clair dans nos textes législatifs. Pour moi, utiliser un terme clair et non ambigu nous évite tous ces débats.

Et, on s'entend, ce que notre collègue considère être la neutralité de l'État, c'est vraiment la séparation entre l'État et la religion, c'est cette impartialité à l'égard de la manifestation d'une croyance religieuse ou de l'absence de croyance religieuse de la part d'un citoyen dans la réception, dans la prestation d'un service. On dit la même chose, mais on n'utilise tout simplement pas le même terme. Et, dans le contexte, justement, des débats qui nous animent, dans le contexte de l'appropriation de certains termes à des fins auxquelles je ne m'identifie pas, plusieurs... la majorité des Québécois ne s'identifient pas à ces manifestations ou à cette interprétation plus rigide et qui frôle parfois l'intolérance, moi, je considère que l'utilisation du terme «neutralité» nous permet vraiment d'être davantage rassembleurs, et d'assurer un vivre-ensemble, et d'affirmer clairement les principes du vivre-ensemble ici, au Québec. Et on arrive au même objectif.

Mais, comme je vous l'ai mentionné, dans le simple... dans les simples remarques préliminaires, j'ai porté une attention toute particulière à cette interprétation que chacun, chacune faisiez de la laïcité, parce que ce terme a été... cette demande-là a été formulée par le Parti québécois, par la Coalition avenir Québec, par Québec solidaire, mais chacun l'interprète différemment et lui donne une couleur différente. La neutralité, elle n'a qu'une seule couleur. En fait, elle n'a pas de couleur, elle est impartiale. Donc, c'est pour... Et je crois que la neutralité nous permet de retrouver le consensus, parce qu'il n'y a pas de consensus. Hormis le terme utilisé, hormis le mot «laïcité», il n'y a aucun consensus entre les positions des partis de l'opposition. Chacun a... Il y a dans certains des similarités. Je regarde Québec solidaire et le Parti québécois; dans les propositions qui ont été formulées, ça se ressemble davantage. Mais il y a un monde entre ce que notre collègue de CAQ a présenté et notre collègue de Québec solidaire dans la façon, dans l'approche.

Donc, le consensus... Et tout le monde ici, on s'entend, par contre, sur l'importance de distinguer et d'assurer une séparation, parce que la société québécoise est fondée là-dessus, là, la séparation entre l'État et l'Église, entre l'État et la religion, c'est important. Bon, la seule chose, c'est qu'on ne le retrouve nulle part dans nos textes législatifs. Prévoyons-le, prévoyons cette neutralité et avançons. Si d'aventure, d'autres souhaitent aller plus loin, je laisserai d'autres formations politiques aller plus loin. Notre formation politique a affirmé sa volonté de déclarer, de décréter la neutralité religieuse de l'État, et ça comporte des principes, je pense, sur lesquels on s'entend tous ici.

Mais, sur l'utilisation du terme «laïcité», il n'y a personne autour de la table qui a la même interprétation. Imaginons le plaisir qu'auraient les gens à interpréter ce que nous souhaitions, ce que nous avions en tête par l'utilisation de ce terme-là. Il n'y a personne qui lui donne la même saveur. Alors, voilà.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Alors, je vais rappeler à la ministre qu'en page 288 du rapport Bouchard-Taylor, qu'elle a, bien sûr, lu avant cette commission parlementaire, la laïcité est définie : «Régime fondé sur quatre principes constitutifs, soit deux finalités profondes — la liberté de conscience, l'égalité des convictions profondes — et deux principes structurants — la séparation de l'Église et de l'État et la neutralité de ce dernier.» Le terme «laïcité», là-dedans, est défini. Moi, si tout le monde se ralliait à cette définition de Bouchard-Taylor, là, je pense qu'à peu près tout le monde autour de la table pourrait vivre avec ça. Et ça s'inscrit, une définition, dans une loi très facilement.

D'ailleurs, dans les propositions qu'on a faites, qu'on a déposées, il y a une définition de la laïcité fondée spécifiquement, précisément sur la définition de Bouchard-Taylor. On a collé là-dessus justement avec l'idée de concilier tout le monde. Mais ce n'est pas au Parti libéral que je fais face, moi, c'est à un gouvernement qui doit chercher les solutions pour le bien-être général. Puis je sais que la ministre est là-dedans, mais là il faut sortir de nos affaires de parti. Nous autres, on sort de nos affaires de parti, on arrive avec l'intérêt général. Je pense qu'il est possible de régler le problème de la ministre, qui dit : Il y a toutes sortes de définitions. Bien, en l'introduisant dans la loi, c'est ce qu'on propose. Puis on propose Bouchard-Taylor, qui est, je le rappelle, un rapport qui a été approuvé, déposé et approuvé par le gouvernement d'un Parti libéral, le gouvernement précédent.

Alors, M. le Président, j'aurais un sous-amendement pour qu'on débatte vraiment de ce mot-là : Modifier l'amendement introduisant le préambule en remplaçant, dans le deuxième alinéa, les mots «l'État québécois et ses institutions sont» par les mots «la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est».

Si je veux dire le texte modifié, ça donnera : «Considérant que la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est le reflet du parcours historique du Québec.»

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 43)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous allons... Mme la députée de Taschereau, si vous voulez nous présenter votre sous-amendement et nous l'expliquer, s'il vous plaît.

Mme Maltais : Ah! M. le Président, c'est assez simple, hein? On en a parlé un peu. Je pense qu'il faut le déposer, il faut voir où tout le monde loge. La ministre dit qu'on ne loge pas tous au même endroit. Moi, je pense qu'on loge à peu près tous et toutes au même endroit et que ce serait très facile de trouver un terrain d'atterrissage.

Et je trouve que j'ai trouvé un endroit qui respecte assez la... Pour introduire la notion de laïcité, j'ai trouvé un endroit qui respecte assez la vision gouvernementale actuelle, c'est-à-dire que j'ai essayé de coller au texte de la loi et essayé de prendre l'endroit où il est possible d'introduire ce concept sans briser l'idée de son préambule, et tout. Je ne touche pas à la neutralité religieuse de l'État, elle est là, elle demeure là, mais... Je ne remplace pas la notion de neutralité religieuse par la notion de laïcité. Ma proposition vise à, pour une fois, introduire dans une loi québécoise le concept de laïcité.

Et où est-ce qu'on l'introduit dans ceci? C'est en parlant du parcours historique du Québec. Personne, je pense, autour de cette table — et je serais bien contente d'entendre la ministre là-dessus — ne va nier que la laïcité est le reflet du parcours historique du Québec. Qu'on pense à la laïcisation des institutions de santé. Moi, j'ai aidé, comme présidente d'une régie de la santé, à terminer le désintéressement d'une communauté religieuse qui se départissait de l'hôpital général, par exemple. Elles se sont départies de leurs institutions, qui sont devenues laïques. Tout le monde sait que le système de santé québécois est laïque. On a déconfessionnalisé les écoles. Le Parti québécois a déconfessionnalisé les écoles, a introduit et réussi à faire adopter au Canada une modification constitutionnelle. On a déconfessionnalisé les écoles. Donc, en disant que la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est le reflet du parcours historique du Québec, nous assumons notre histoire. Nous nommons notre vie sociale. Si ça cause un problème de définition, introduisons une définition un peu plus tard, ce serait tout à fait très simple. Mais là tout ce que je fais, c'est de dire que la laïcité est le reflet du parcours historique du Québec. Et je pense que c'est le cas. Je pense que, depuis les années 50, 60, on a réussi ça, déconfessionnaliser l'État et en faire un État laïque.

Ensuite, comment on gère les comportements, comment on gère les relations avec les gens, là, la ministre introduit le concept de neutralité religieuse de l'État. C'est un des concepts intéressants. C'est un des concepts qu'il faut voir introduire dans une loi. Mais moi, je pense qu'il y a une occasion exceptionnelle, exceptionnelle d'introduire ce concept, et l'esprit dans lequel je présente cet amendement, c'est en essayant de ne pas brusquer le gouvernement qui veut vraiment avoir une loi sur la neutralité religieuse de l'État, mais il faut introduire en quelque part... Je ne peux pas croire qu'on ne va pas saisir l'occasion d'introduire en quelque part cette notion. La laïcité, c'est le reflet, pour ne pas dire le résultat... le texte dit «le reflet», je ne voulais pas changer pour «le résultat», mais c'est le résultat du parcours historique du Québec. Et le message qu'on envoie, il est important. C'est une idée qu'il faut ancrer, cette idée de la laïcité, il faut l'ancrer. On l'ancre dans un texte de loi à l'endroit à peu près le moins dommageable possible en disant un fait, c'est le reflet du parcours historique du Québec. Il n'y a personne qui va nier ça.

Alors, j'aimerais ça que la ministre me dise si elle considère que c'est acceptable comme amendement et surtout si elle considère que la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est le reflet du parcours historique du Québec. Si elle me dit oui, adoptons. Si elle me dit non, il y a un problème. Mais je pense que ça se pourrait, là. Je pense que c'est à peu près l'endroit le moins dommageable pour le projet de loi du gouvernement pour l'introduire dans un fait quand on parle d'histoire du Québec. On ne parle que de l'histoire du Québec ici, là. Je pense que ce serait viable. Je le souhaite en tout cas. J'aimerais ça entendre mes collègues aussi s'ils sont prêts à accepter cette idée d'introduire le concept de laïcité dans cette loi.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

• (11 h 50) •

Mme Vallée : Je remercie ma collègue pour le dépôt de son sous-amendement. Puis évidemment, comme dans toutes les commissions parlementaires auxquelles on a eu la chance de travailler en collaboration, il y a toujours une analyse qui est faite des propositions des collègues, et donc nous sommes sur cette question-là.

Ceci étant, moi, ma préoccupation... Parce que tout à l'heure notre collègue faisait référence à la définition que l'on retrouve dans le rapport Bouchard-Taylor, mais je réfère également à la page 137 dans le rapport Bouchard-Taylor, puis ça reprend un petit peu ce que je mentionnais plus tôt, c'est qu'il existe différents régimes de laïcité, la laïcité rigide, la laïcité ouverte. Il y a une forme de laïcité qui est plus rigide, qui permet une restriction qui est plus grande du libre exercice de la religion au nom d'une interprétation de la neutralité de l'État et de la séparation des pouvoirs. Et la laïcité ouverte, elle, va venir défendre un modèle qui est axé davantage sur la protection de la liberté de conscience et de religion et sur une conception de neutralité étatique plus souple.

Et c'est exactement ce qui est à la base des différentes présentations et des positionnements de nos collègues. Donc, pour moi, il est important d'éviter à tout prix que, par un amendement, par une interprétation, on crée des zones grises quant à la volonté réelle.

Et, lorsque je regarde la définition de laïcité que l'on retrouve dans le lexique prévu à la page 288, et on regarde les principes qui sont à la base de la laïcité, ces principes-là, on les retrouve dans notre préambule, on les retrouve dans le texte de loi. Donc, la laïcité, on peut lui donner une interprétation assez large, on peut l'appliquer de façon très large, alors que la neutralité, qui reprend exactement ces principes-là, l'interprétation est vraiment beaucoup plus limitée à l'impartialité imposée à l'État, puis je pense que, dans un souci de vivre ensemble, c'est important.

Je comprends, dans le fond, que ma collègue nous présente la laïcité en tant que synonyme de neutralité, parce que c'est la même chose, mais l'inverse n'est pas tout à fait exact. Alors, je préfère conserver notre terme de «neutralité» dans ce texte-là pour cette raison-là, parce qu'à «laïcité» on peut donner une interprétation large, qui n'est pas celle que l'on retrouve, par exemple, à la définition de Bouchard-Taylor, et on n'a pas vraiment besoin d'aller très loin pour en avoir des démonstrations.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Simplement rappeler à la ministre que nous avons proposé aussi, dans un autre article, la définition de la laïcité, point, qui est offerte par Bouchard-Taylor. Je vais le lire. C'est un amendement à la Charte des droits et libertés qui pourrait ajouter ceci, on peut le mettre n'importe où, mais, voilà, c'est : «La laïcité est fondée sur les principes de séparation de l'Église et de l'État, qui implique l'affranchissement de l'État de l'emprise de tout pouvoir tiers, et de la neutralité religieuse de l'État, qui signifie que l'État ne favorise aucune religion ou autre croyance et selon lequel les actes de l'État ne sont et n'apparaissent pas posés sous l'influence d'une religion ou [d'une] autre croyance.» Bon.

«La laïcité est garante de la liberté de conscience, de l'égalité des convictions profondes de tous les citoyens et citoyennes et assure la protection de l'intérêt général.» Ça, c'est une définition de la laïcité qui, je pense, pourrait rassembler tout le monde ici.

Ensuite, écoutez, les gouvernements passent, la société évolue, les lois changent, mais le principe selon lequel nous avons, au Québec, un État laïque, il est connu et reconnu. Il n'y a aucun problème avec ça, là. D'ailleurs, Bouchard-Taylor, plus tard, en parle en 139, le parcours québécois de la laïcité. Il parle, lui, de la laïcité du Québec. Il en parle ouvertement. Il dit, après ça : Bon, il y a des tendances ouvertes, plus ouvertes, plus refermées, mais ils en parlent et ils parlent carrément de la laïcité de l'État québécois et de la laïcité à la québécoise, parce qu'il faut bien comprendre que la laïcité, elle est issue d'une tradition historique, et, dans ce parcours, il y a la Charte des droits et des libertés. Ça fait partie aussi de nos traditions historiques. On ne peut pas détacher l'un de l'autre.

Alors, j'espère qu'on va l'examiner de l'autre côté. On sait que, le préambule, on s'est entendu qu'on le voterait à la fin, mais je considère encore qu'il s'agit là d'un amendement qui consacre un état de fait, qui consacre... ce n'est pas une vision différente de l'un à l'autre, c'est l'état actuel des choses. C'est l'État québécois, et ses institutions sont laïques, et ça fait partie de notre parcours historique. Et, encore une fois, je ne fais qu'inscrire que c'est le reflet du parcours historique. J'essaie de coller, là, au texte de la ministre pour qu'on essaie de se trouver, comme je le rappelle, un endroit de conciliation. Alors, moi, je pense que c'est encore possible.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre? C'est beau? Parfait. Je vais laisser la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Oui, j'aimerais, avant de commenter la suggestion de ma collègue de Taschereau, répondre à ce que la ministre me disait tout à l'heure sur son préambule, mon inquiétude à l'égard du quatrième considérant qui ouvre la porte toute grande à toute manifestation de la religion. Je sais que, durant mon absence... Je me suis absentée quelques secondes, et Mme la ministre a dit que j'avais une position plus radicale que mon collègue de Gouin.

Alors, j'aimerais souligner à Mme la ministre que la position que j'adopte, ce n'est pas la position de la députée de Montarville que de s'inquiéter de laisser le libellé tel quel, même si Mme la ministre a bien aimé me dire que c'était le libellé de la déclaration des droits de l'homme. La position de la députée de Montarville correspond à la Convention européenne des droits de l'homme, qui s'est posé la même question sur l'article 18 de la charte des droits de l'homme. Et, vous savez, on a le droit de la critiquer, cette charte des droits de l'homme, les Européens l'ont fait.

Et j'aimerais expliquer à Mme la ministre que la Convention européenne des droits de l'homme reprend dans son article 9 et en l'amendant l'article 18 de la déclaration universelle tout comme la ministre. Mme la ministre nous a dit : J'ai repris l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Alors, on peut y lire : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.» Ça, ce bout-là, moi, j'ai dit : Moi, je m'inquiète de ce bout-là laissé comme ça dans l'amendement de Mme la ministre. Bien, savez-vous quoi, M. le Président? La Convention européenne des droits de l'homme a eu la même réflexion, elle s'inquiétait de ça.

Et c'est là qu'elle arrive avec un amendement. Elle écrit... La Convention européenne des droits de l'homme, elle précise également les restrictions liées à la liberté de conviction et de religion en amendant l'alinéa 3 de la déclaration de 1981. Alors, elle amende l'article 18 de la charte des droits de l'homme. Ça, c'est la Convention européenne des droits de l'homme qui fait ça, elle l'amende, ce que je proposais, disant : On va trop loin comme ça. Alors, je pense la même chose que la Commission européenne. Et voici ce que la... l'amendement en question : «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.» Alors, la Convention européenne des droits de l'homme vient nous dire : Attention, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un précepte religieux, d'une pratique religieuse qu'on va tout accepter. Et on pourra refuser et on pourra mettre des restrictions, voici lesquelles. Je dis la même chose.

Alors, je voulais juste faire cette mise au point, M. le Président. La Déclaration universelle des droits de l'homme est une bonne chose, créée en 1948. Par la suite, il y a eu la Convention européenne des droits de l'homme. Et je pense que le droit, c'est ça, c'est une chose qui évolue en fonction des réalités que vivent les différents peuples, les différentes populations, les différents gouvernements. Et se poser la question, on peut le faire également et se dire que peut-être, si la Convention européenne des droits de l'homme a dit que l'article 18 était un peu trop large et qu'on pouvait y mettre certaines restrictions, peut-être que ce n'est pas fou. Alors, c'est le point que je vous soumets.

Par ailleurs, je ne sais pas si ça fait rire la ministre. Moi, je pense que ça la fait rire. Cela dit, il est possible... Un gouvernement qui se respecte peut mettre des balises à l'exercice de la religion. Soit, la liberté de religion, tout le monde peut avoir la religion qu'il souhaite, mais l'exercice... On ne peut pas faire tout n'importe où, n'importe quand, n'importe comment sous le simple précepte qu'il s'agit de quelque chose de religieux et que c'est protégé. C'est ce que j'essaie de faire comprendre à la ministre, M. le Président, et c'est la raison pour laquelle, entre autres, nous revenons à Bouchard-Taylor. Nous y croyons.

• (12 heures) •

Par ailleurs, ma collègue de Taschereau soumettait son amendement pour introduire le concept de laïcité de l'État : «Considérant que la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est le reflet du parcours historique du Québec.» C'est vrai qu'on ne s'est pas parlé, on ne s'est pas consultés. Dans nos propres amendements, à la Coalition avenir Québec, on commence notre préambule en voulant inscrire : «Attendu qu'au terme de son évolution historique, l'État québécois est maintenant laïque.» Alors, l'idée se rejoint ici, tout à fait d'accord, on a pensé la même chose sans s'en parler, sans se consulter. L'État québécois est laïque. Ça veut dire pas de religion dans l'État. Mais, dans l'État... Et on va très précisément avec le rapport Bouchard-Taylor. Plus précisément, on identifie les personnes pour lesquelles nous considérons, entre autres, que les signes religieux ne devraient pas être permis parce que ces gens-là ont une fonction bien particulière. Ils ont été définis par la commission Bouchard-Taylor il y a maintenant 10 ans, pratiquement.

Donc, cette idée d'inclure la laïcité de l'État, je pense qu'elle est importante. Nous maintenons le fait que la neutralité religieuse seule ouvre la place à tout ce qui est religieux partout. Elle ouvre la place à l'interprétation parce qu'il y aura des questions, il y aura de l'interprétation, il y aura des demandes, alors que spécifier que l'État québécois est laïque, c'est clair, pas de religieux dans l'État. Et je pense que c'est ce que les gens qui nous écoutent, la population québécoise, souhaitent, qu'on l'écrive en quelque part. Et, je vous le dis, la neutralité religieuse, ce n'est pas la laïcité, ce sont deux concepts bien différents, bien différents.

Alors, la collègue de Taschereau disait qu'il y a probablement ici un moment, en cette Chambre — nous sommes dans la salle du Conseil législatif — pour passer à l'histoire en édictant que l'État québécois est laïque, en l'écrivant, et moi, j'en suis depuis le tout début. Nous aimerions que ce terme soit indiqué. Malheureusement, Mme la ministre nous a bien fait comprendre que la laïcité... il n'était pas question pour elle de parler de laïcité, que c'était mieux de parler de neutralité. Nous sommes en total désaccord. La neutralité religieuse va ouvrir la porte à l'interprétation, va ouvrir la porte aux demandes, va ouvrir la porte aux problèmes. La neutralité seule... Neutralité de quoi? La neutralité doit découler d'une laïcité. Elle ne découle de rien, donc on va permettre tout et on évaluera au cas par cas. Ce sera la conséquence.

Alors, je voulais vous soumettre qu'en ce qui a trait à la demande d'inclure dans le préambule que, comme nous l'avons libellé, «au terme de son évolution historique, l'État québécois est maintenant laïque», il l'est de facto, entre guillemets, mais il ne l'est pas de façon législative. Il l'est selon certaines décisions jurisprudentielles, mais il ne l'est pas de façon législative. Le message serait fort. Alors, je vous soumets que, pour nous, c'est une condition sine qua non, et je vais conclure là-dessus.

Mais, pour ce qui est de la proposition de la collègue de Taschereau, je suis tout à fait d'accord avec elle, ce n'est qu'une question de libellé. On peut s'ajuster, mais l'État québécois est maintenant laïque historiquement. On n'a qu'à penser à cette déconfessionnalisation des écoles que nous avons eue, qui a été négociée, entre autres, et les écoles, maintenant, sont des écoles laïques. Mais l'État devrait, en son âme et conscience, et le gouvernement, se poser la question : Pourquoi ne pas décréter que l'État québécois est laïque, au lieu d'accepter toutes pratiques sous le couvercle du fait qu'elles sont religieuses? Cette protection, on tend... Et j'y reviens, à l'alinéa, le quatrième considérant. Ça sous-tend qu'on accorderait une protection accrue en ce qui a trait à l'exercice de la liberté religieuse, et on n'en est pas là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Je n'entrerai pas dans le débat, M. le Président, là, quant à l'article 18, quant à l'interprétation, puisqu'on a des... Ma collègue et moi avons des divergences d'opinions sur certains concepts. Ceci dit, lorsque je fais état de notre positionnement, j'ose espérer que ma collègue ne prend pas ça comme étant des attaques personnelles, loin de là. Ce n'est pas la députée de Montarville qui est visée, mais c'est un positionnement qui appartient à la formation politique qu'elle représente, et d'aucune façon mes propos ne doivent être considérés comme étant une attaque à son égard, au contraire. C'est la beauté de cette chose ici, on a tous droit à nos opinions et on doit tous aussi pouvoir les exprimer sans être la cible de commentaires. Donc, soyez assurée, chère collègue, que ce n'était pas... je ne visais pas... Parce que j'ai senti une certaine montée d'adrénaline chez notre collègue lorsqu'elle a pris parole puis je ne veux pas... les débats, je ne veux pas qu'elle prenne ça comme étant une attaque personnelle à son égard. Mais ce à quoi je faisais référence, c'est qu'il y avait des positions... il y avait une interprétation très différente du terme «laïcité», et la façon dont on interprétait la laïcité, entre autres, au sein des différentes propositions formulées par nos collègues, par les membres des différents groupes qui forment l'opposition, était très différente. Tout simplement, c'était pour illustrer, justement, la problématique qu'entraîne l'utilisation du terme «laïcité». Puis, au même titre que notre collègue de Gouin nous rappelait le contexte historique de l'adoption de la loi française, on peut quand même reconnaître qu'au fil des ans il y a eu, de la part des différentes autorités politiques, une interprétation du terme «laïcité» qui pouvait différer de l'interprétation d'origine. Alors, c'est pour ça que, nous, ce qu'on propose, c'est simplement d'utiliser le terme «neutralité», qui, je crois, vient rejoindre vraiment les préoccupations de tous et chacun.

Mais je dis tout ça, je vous mets la table, je vous explique le choix des termes du projet de loi n° 62. Notre collègue nous a déposé un sous-amendement. J'ai indiqué que nous l'analysions quand même. Je ne vous dis pas aujourd'hui de ne déposer aucun sous-amendement. Au contraire, c'est ça qui fait évoluer nos travaux puis c'est à ça que servent nos travaux. Alors, on va l'analyser, mais moi, j'ai un malaise parce que je ne voudrais pas que, dans notre texte, on utilise des termes qui pourraient nous amener à des interprétations qui sont tellement diamétralement opposées dans leur fondement, qui... Mais je comprends, du côté de la collègue de Taschereau, qu'elle souhaite faire référence à un contexte historique, et, dans ce contexte historique, elle fait référence à la laïcité. Donc, je veux juste... On valide et on fait des vérifications. Et là-dessus je veux juste bien faire attention, ce n'est pas une allergie au terme «laïcité», là, ce n'est pas une sensibilité à l'utilisation du terme «laïcité», c'est tout simplement parce qu'on a souhaité avoir l'utilisation de termes les plus clairs possible, qui sont représentatifs de notre intention. Donc, ce n'est pas une allergie au terme «laïcité», mais je veux juste éviter qu'on ouvre la porte à une interprétation qui pourrait s'avérer contraire au reste de l'objectif du projet de loi.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin, pas de commentaires? M. le député de Richelieu.

• (12 h 10) •

M. Rochon : Merci, M. le Président. J'ai bien entendu la ministre sur les interprétations qu'on peut avoir de la laïcité, mais moi, je vais lui soumettre qu'il y a bien peu de notions qui échappent à cette possibilité, là, de diverses interprétations. Par exemple, les Québécoises et les Québécois pourraient trouver que la ministre interprète la neutralité d'une façon qui leur échappe, en la proclamant tout en refusant d'adhérer à la proposition de Bouchard-Taylor sur l'interdiction des signes religieux pour les personnes en position d'autorité, parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et qu'ils exercent... qu'elles exercent, ces personnes-là, un pouvoir de coercition, hein, alors les magistrats, les procureurs de la poursuite, les policiers, les gardiens de prison.

Et, comme tous me collègues avant moi l'ont exprimé de ce côté de la table, neutralité et laïcité ne sont pas la même chose. La neutralité ne vise qu'à empêcher l'État de favoriser une religion par rapport à une autre. La laïcité, c'est bien différent. Reconnaître que l'État québécois est un État laïque, c'est un symbole bien plus fort que la neutralité et c'est un symbole qui répond aux attentes des Québécoises et des Québécois. Ils s'attendent, je crois, à une affirmation forte de la laïcité, à quelque chose qui viendra renforcer le concept de laïcité québécois tel qu'il a été développé progressivement depuis la Révolution tranquille, par exemple, par la déconfessionnalisation des écoles. Alors, bien sûr que l'État doit rester neutre quant aux différentes religions afin de n'en favoriser aucune, mais il faut plus que cela, il faut affirmer... En le disant, en le proclamant laïque dans les textes législatifs, il faut proclamer que l'État est indépendant des religions, qu'il est autonome par rapport aux religions.

Alors, je souscris, vous m'avez entendu le faire clairement, là, au sous-amendement, là, qu'a présenté ma collègue de Taschereau, puis je suis heureux que la ministre dise analyser cela parce que j'entends que nous nous entendons finalement, là, sur ce concept de laïcité. Ma collègue de Taschereau disait tout à l'heure que, dans un autre amendement, nous proposions de la définir, la laïcité, de la façon que Bouchard-Taylor la définit. Cela pourrait rassurer la ministre à l'égard des interprétations erronées que des gens pourraient en faire. Alors, je suis, encore une fois, heureux, là, que l'analyse se poursuive du côté du parti ministériel et des gens qui accompagnent la ministre. Je pense qu'il faut saisir l'occasion de ce projet de loi pour formellement déclarer que l'État québécois est un État laïque.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, j'écoutais le collègue de Richelieu. Ce qu'il nous dit, dans le fond, c'est l'importance, au Québec, de déclarer dans un texte législatif la séparation entre l'État et la religion. C'est vraiment ce qu'on fait et on le dit tel que tel dans le préambule. Plutôt que d'utiliser un terme qui porte à interprétation, parce que, comme je le mentionnais, il y a la laïcité ouverte, il y a la laïcité fermée, qui sont des concepts distincts, on prévoit nommément, dans les considérants du préambule qui sont déposés, ce principe. On le dit tel que tel, non pas avec l'utilisation d'un terme qui prête à interprétation, mais on dit clairement qu'il y a une séparation entre l'État et le religieux au Québec. Ça, c'est important. Puis on est tout à fait d'accord, on est sur la même page, et, face à ça, ce que je propose... Parce que ce n'est pas un projet de loi sur la laïcité, mais c'est bel et bien un projet de loi qui déclare la neutralité de l'État. C'est un choix, c'est volontaire parce qu'à notre avis c'est beaucoup plus clair.

Donc, la neutralité, si on regarde les différentes définitions, ça équivaut à ce qu'on reconnaît au sein de la laïcité ouverte. La laïcité ouverte et la neutralité, c'est la même chose lorsqu'on regarde les décisions, l'interprétation que la Cour suprême a pu en faire, parce que la Cour suprême s'est prononcée à plusieurs reprises sur des enjeux qui ont amené à venir déclarer clairement qu'il y avait, au Québec, entre autres, une distinction très claire entre l'État et la religion. Donc, neutralité, laïcité ouverte, c'est ça... mais la neutralité et la laïcité fermée, là, ce n'est pas la même chose.

Donc, compte tenu de ces concepts-là, ce qu'on vous propose, c'est l'utilisation du terme «neutralité», qui est beaucoup plus clair. Et, je comprends, on veut affirmer la distinction entre l'État, les institutions de l'État et le religieux. C'est là, c'est dans le projet de loi, écrit tel que tel, pas sous le couvert d'un autre terme qui prête à interprétation. Donc, dans le fond, on a un débat non pas sur le fond, sur ce que veut dire... dans le sens qu'on s'entend tous que l'État doit être neutre dans son intervention, dans sa législation. L'État est neutre, les institutions de l'État sont neutres, et cette neutralité, elle s'exprime comme on a pu en discuter depuis le début de nos travaux. Donc, c'est tout simplement... Puis je comprends que, de l'autre côté, on souhaite vraiment... on tient beaucoup à l'utilisation du terme «laïcité». Puis je vous ai expliqué pourquoi on ne souhaite pas l'utiliser, parce qu'on lui a conféré différentes interprétations. Puis, lorsqu'on regarde, là, les différentes... les définitions de «neutralité», l'impartialité revient, c'est clair. Donc, dans les dictionnaires de langue française, c'est clair. Même parfois, à «neutralité», on va y apposer un synonyme de «laïcité», ce qui n'est pas toujours l'inverse.

Donc, on s'entend sur le fond. C'est tout simplement l'utilisation des termes... Puis on en a fait un enjeu politique au fil des années, mais, dans le fond, là, au-delà des mots, le principe derrière tout ça, c'est la séparation de l'État et de la religion, ce qui s'exprime clairement par tout le parcours historique auquel notre collègue de Taschereau a fait référence tout à l'heure. Ce parcours-là, qu'elle nous a illustré, ultimement, nous ramène simplement à ça, cette nécessaire séparation de l'État et de l'Église, de la religion. J'utilise le terme «Église», mais c'est de la religion en général.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Puisque la ministre m'invite à voyager au-delà des mots, faisons-le, ce voyage, très brièvement, là. Et je ne veux pas l'agacer avec ça, là, mais au-delà des mots, justement, c'est là que nous invitait Bouchard-Taylor à l'égard des personnes en position d'autorité, hein, quand ce rapport souhaitait que ces personnes qui incarnent la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de coercition ne puissent pas porter de signes religieux ostentatoires dans l'exercice de leurs fonctions : les magistrats, les procureurs de la poursuite, les policiers, les gardiens de prison. Pourquoi, dans le cas de ces personnes en autorité, la ministre ne veut-elle pas aller au-delà des mots, au-delà d'une neutralité proclamée, mais un peu désincarnée? Je sais que c'est un débat que nous ferons, par ailleurs, plus tard et que, là, on est dans le préambule, mais c'est que ça me fait un peu tiquer, là, l'histoire, là, de la laïcité qu'on peut interpréter de toutes sortes de façons, et la neutralité, c'est une notion qui échapperait aux interprétations. Bien, je trouve que non, moi, puisque, j'en suis persuadé, les Québécois doivent bien se demander comment le gouvernement peut-il vouloir proclamer une neutralité et refuser qu'elle s'incarne chez les gens qui ont un pouvoir de coercition, là. Et c'est un rapport commandé par ce gouvernement, par un gouvernement de ce parti, qui préconisait cette avenue-là que les personnes en autorité ne puissent porter de signes religieux ostentatoires et ainsi incarner la neutralité poursuivie par le projet de loi n° 62.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Avez-vous encore... Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Mme la ministre.

Mme Vallée : Pas particulièrement. Notre collègue a fait référence à certains éléments dont on traitera un petit peu plus loin dans le projet de loi. Je ne veux pas prendre trop de temps. Je sais que tout à l'heure on me disait que je parlais beaucoup et je ne veux pas m'autofilibuster. C'est certain qu'on en a long à dire puis on a... Lorsqu'on travaille un projet de loi sur autant d'années et lorsqu'on réfléchit puis on lit, on a bien des choses à dire sur des enjeux. Et, pour ce qui est, entre autres, des personnes en autorité, on aura la chance d'en reparler, j'imagine, au cours des prochaines heures, peut-être, ou des prochains jours.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci, M. le Président. J'écoutais avec beaucoup d'attention l'échange que vous avez eu et j'y reviens, à cette laïcité. Mme la ministre nous dit qu'elle ouvre la porte à l'interprétation, alors que la neutralité, elle, ne l'ouvre pas. Je suis tout à fait pas d'accord avec elle. Demandez à quelqu'un ce que signifie «neutralité religieuse», vous allez avoir beaucoup de définitions, on ouvre la porte à l'interprétation.

Et l'article 4 lui-même, dans son application, l'article 4 du projet de loi nous dit : «Un membre du personnel d'un organisme public doit faire preuve de neutralité religieuse dans l'exercice de ses fonctions.

«Il doit veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à [la] religion.»

Je pense que ce libellé va aussi ouvrir la porte à l'interprétation. Donc, il est faux de dire que «neutralité religieuse», c'est un terme clair, compris de tous et qui n'ouvrira jamais la porte à interprétation. De toute façon, tous les termes employés dans une loi ouvrent la porte à l'interprétation, tous les termes. Il n'y en a pas un qui ne l'ouvre pas.

Par ailleurs, elle nous a dit un petit peu plus loin : Laïcité ouverte et neutralité, c'est la même chose. Là, je l'ai pris en note, là, parce que Mme la ministre, elle dit : Neutralité ouverte et neutralité, c'est la même chose. Si c'est la même chose, pourquoi ne pas l'écrire? Pourquoi ne pas dire que l'État québécois est laïque et s'exerce, entre autres, via la neutralité ou en exerçant ou en pratiquant cette neutralité?

C'était le simple commentaire que je voulais faire parce que je ne crois pas qu'un terme ne porte pas à interprétation alors que les autres porteraient à interprétation. Dans ma très courte pratique de juriste, je ne suis pas ministre de la Justice, bien loin de là, et n'y aspire pas, loin de là, je n'aurais pas les compétences pour le faire, mais je n'ai jamais vu un terme qui n'ouvre pas la porte à interprétation à un moment ou l'autre. Voilà la raison pour laquelle le terme «laïcité» pourrait être compris de la population qui nous écoute également, tout autant que «neutralité», s'il était bien défini. Mais je vous rappellerai, M. le Président, que bien des gens qui sont venus en commission, des groupes — on en a eu 38, Mme la ministre l'a bien soulevé tout à l'heure — sont venus nous dire que, sans définition, la neutralité, bien, ça ne veut pas dire grand-chose et puis ça va ouvrir la porte à de l'interprétation, et je suis d'accord également avec cette position des intervenants qui sont venus nous rencontrer à cet égard. Voilà.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Simplement référer notre collègue... Je sais que les choses se sont déroulées rondement, mais il y a un amendement qui est proposé à l'article 4, qui, peut-être, va venir clarifier aussi la préoccupation qu'elle a soulevée à juste titre.

Le Président (M. Hardy) : Merci. M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. Alors, débat de sémantique, s'il en est un, c'est bien celui-là, mais je pense qu'on peut arriver quand même à s'entendre de façon assez simple, d'abord, en précisant que, lorsqu'on nomme quelque chose, bien, on ne nomme pas la panoplie de qualificatifs qu'on pourrait lui attribuer. Bon, je donne l'exemple... Tantôt, Mme la ministre nous disait : Ah! il peut y avoir la laïcité fermée, laïcité ouverte. En image simple, là, dans le dictionnaire, là, si vous allez voir le mot... la définition de «porte», là, une porte, M. le Président, c'est une porte. Oui, elle peut être ouverte, elle peut être fermée. Sa définition première : C'est une porte.

Moi, j'aimerais savoir de la part de la ministre, M. le Président, est-ce qu'elle est d'accord avec la définition de la laïcité selon le rapport Bouchard-Taylor.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je l'ai mentionné, le rapport Bouchard-Taylor nous donne une définition de la laïcité avec des principes, fondée sur des principes, des principes que l'on retrouve dans notre projet de loi. C'est une laïcité ouverte dont il est question dans Bouchard-Taylor. Mais on a eu aussi, en commission parlementaire, des gens, je fais abstraction, là, des positionnements des collègues parlementaires selon les positionnements des partis politiques, mais des gens que l'on a entendus ici qui ont parlé de laïcité. Puis encore une fois, là, je réfère à la présentation des évêques qui nous ont parlé de la laïcité et de l'interprétation de la laïcité, et qui était très, très, très différente selon, parfois, là où on se situait. Il y a des gens ici qui sont venus à l'Assemblée nationale, qui ont plaidé pour une laïcité, et, lorsqu'on les écoutait, ils plaidaient pour une laïcité fermée, pour une laïcité de l'individu, non pas de l'institution mais des individus.

Une voix : ...

• (12 h 30) •

Mme Vallée : Non, je vous parle des gens... Non, il y a des gens ici, en commission parlementaire, qui plaidaient... puis c'est leur droit de venir s'exprimer, mais pour qui une laïcité devait être une laïcité totale, fermée, beaucoup plus rigide, à l'européenne. Il y a des gens qui nous ont fait des représentations en ce sens-là. Il y a des gens qui nous ont formulé des représentations qui reflétaient davantage le principe de la laïcité ouverte, donc une laïcité qui équivaut à une absence de partialité à l'égard de l'appartenance, de la croyance, de la non-croyance, qui est beaucoup plus près des principes auxquels on fait référence dans les décisions de la Cour suprême, beaucoup plus près de ce qui se vit au Québec, c'est-à-dire neutralité de l'État, mais on reconnaît au citoyen ce droit, cette liberté individuelle, qui est le droit de croire, de ne pas croire.

Alors, même dans les remarques, même dans les présentations, on a une interprétation, on a une perception, on voit la laïcité d'une façon différente. Ce qui est important, c'est de clairement camper dans un texte législatif cette nécessaire distinction, cette nécessaire impartialité de l'État dans la prestation de services, dans l'analyse d'une demande, dans l'interaction avec les citoyens, et c'est ça qui est à la base de notre projet de loi, et c'est un projet de loi sur la neutralité, et c'est un choix qui est pleinement conscient. Avoir voulu déposer un projet de loi sur la laïcité, on aurait utilisé le terme. D'autres l'ont fait avant nous, mais ce n'était pas le choix. Le choix était d'encadrer la neutralité de l'État québécois, tout simplement.

Mais, lorsqu'on échange, dans le fond, et là je nous pose la question, est-ce qu'on va, pendant des heures, des jours, des mois, discuter de l'utilisation d'un terme ou est-ce qu'on ne devrait pas plutôt s'attarder au principe, à l'objectif du projet de loi, à l'objectif qui est sous-jacent à ce que l'on fait? Pourquoi on fait ça? Pourquoi on est ici aujourd'hui? Parce que l'on considère qu'il est temps pour le Québec d'affirmer à l'intérieur d'un texte législatif certains principes qui vont guider le vivre-ensemble. C'est pour ça qu'on est ici. Ça va beaucoup plus loin que l'utilisation d'un terme.

Ce terme-là, au départ, avait comme objectif, justement, de donner des balises pour un vivre-ensemble. Ce terme-là, au fil du temps, a été utilisé à toutes les sauces, et on l'a vu ici même, à l'Assemblée, lors des consultations. Donc, nous, c'est un choix qui est clair, puis on a toujours maintenu cette volonté-là d'encadrer et de déclarer la neutralité religieuse de l'État et de ses institutions.

Alors, mon temps est terminé. J'arrête de parler.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie pour votre collaboration.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, où elle poursuivra son mandat. Et je vous informe que les membres et leur personnel peuvent laisser leurs documents dans la salle durant l'heure du dîner et que la reprise des travaux est à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 14)

Le Président (M. Hardy) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accompagnement religieux dans certains organismes.

Lors de la suspension de nos travaux, cet avant-midi, nous discutions du sous-amendement à l'amendement du préambule. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. M. le Président, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, là, parce que, bon, on parle de laïcité, de neutralité religieuse, mais, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent... Et là on parle bien du préambule, je veux juste rassurer la ministre, je sais que ma collègue de Taschereau l'a fait tantôt, la rassurer en lui disant que, dans le fond, nous parlions du préambule, nous n'étions pas au coeur de la loi même, bien que tôt ou tard... ou peut-être jamais, si un projet de loi devait être adopté, il y aurait interprétation générale, et le préambule en ferait partie, si les tribunaux devaient un jour se prononcer. Ça a quand même une incidence, on comprend, mais c'est probablement l'endroit où l'incidence serait la moindre, à tout le moins. Enfin, je ne suis pas juriste, mais on va laisser ça aux juges si un jour c'est nécessaire.

Mais, juste, M. le Président, encore une fois, pour les gens qui nous écoutent, dans le préambule, ce qui est proposé par la ministre au deuxième considérant, c'est celui-ci : «Considérant que l'État québécois et ses institutions sont le reflet du parcours historique du Québec.» Ce que ma collègue de Taschereau propose comme sous-amendement, c'est celui-ci : «Considérant que la laïcité de l'État québécois et de ses institutions est le reflet du parcours historique du Québec.» Bon, je ne veux pas revenir sur toutes les explications qu'on a pu donner ici, là, mais il y a une chose qui est claire, M. le Président, on ne peut pas occulter le passé, et quand bien même on le voudrait, il nous rattraperait tôt ou tard parce qu'il est là, il est existe. Il est passé, mais il existe, et le passé est clair, M. le Président, l'histoire du Québec s'inscrit dans une laïcité qui s'est bâtie, on l'a vu au cours des dernières décennies, qui s'est faite, et aujourd'hui je pense que c'est un fait. Ne pas l'admettre, bon, c'est un choix, ne pas vouloir l'inscrire dans la loi, c'est un autre choix.

Mme la ministre disait tantôt, M. le Président, qu'elle avait fait le choix entre «neutralité» et «laïcité», et elle avait arrêté son choix sur «neutralité» en nous disant que c'était du pareil au même ou presque. Et, si je dis des choses que Mme la ministre n'a pas dites, vous me corrigerez, ou, si l'interprétation que j'en fais n'est pas la bonne, elle me corrigera, M. le Président, mais, quand on va au rapport Bouchard-Taylor et qu'on regarde la définition qu'eux ont donnée à la laïcité — et là je vais en faire lecture, ce n'est pas très long, c'est quatre lignes — la laïcité, c'est un «régime fondé sur quatre principes constitutifs, soit deux finalités profondes — la liberté de conscience, l'égalité des convictions profondes — et deux principes structurants — la séparation de l'Église et de l'État et la neutralité de ce dernier». Pour eux... Et là je pense qu'on a bien payé ce rapport, M. le Président. On a des gens qui se sont penchés là-dessus pendant plusieurs mois, qui ont fait le tour du Québec, d'une certaine façon, et je pense que c'est des gens qui ont une très bonne crédibilité en la matière. On a une définition ici de la laïcité, et, dans la définition de la laïcité que nous avons, la neutralité est un élément dans la définition.

Alors, quand, de ce côté-ci... Et je ne sais pas du côté de la CAQ, je ne veux pas parler pour eux. Je ne sais pas non plus du côté du député indépendant de Québec solidaire, on ne l'a pas beaucoup entendu sur le sujet. Un jour, peut-être qu'il va se dégêner. Mais je ne crois pas qu'il soit gêné, M. le Président, mais, pour ma part, j'aimerais bien l'entendre, à tout le moins, sur la distinction qu'il fait entre les deux. Mais, de notre côté, ici, il est clair que la laïcité, c'est un legs de notre passé récent, M. le Président, et que, dans la définition qu'on retrouve, donc... Et, quand je demande à la ministre est-ce qu'elle est prête à accepter la définition du rapport Bouchard-Taylor, je comprends qu'elle ne le veuille pas, parce qu'elle a déjà dit qu'elle avait fait un choix. À l'instar de l'opposition officielle, et je ne veux pas parler pour les autres collègues de l'opposition ici, là, mais je l'invite à réfléchir à cela, M. le Président. On est dans le préambule. C'est probablement le meilleur endroit justement pour l'inscrire. On n'est pas dans la loi comme telle. Et je ne pense pas que de faire abstraction de ce fait-là... Parce que, là, on parle d'un fait. La laïcité, elle est bien inscrite dans l'histoire du Québec. Et je pense qu'il n'y a pas de confusion, je ne crois pas qu'il y ait de confusion sur sa définition dans la mesure où on inscrit aussi la définition, donc, dans le projet de loi, ce qui est une chose relativement simple à faire.

Alors, je comprends aussi qu'on ne votera pas sur ce sous-amendement-là maintenant. On y reviendra plus tard, donc à la toute fin, et ça va permettre, j'ose espérer, d'avoir peut-être aussi un éclairage du député indépendant sur la question, mais aussi ça nous permettra, à ce moment-là, M. le Président, de pouvoir mesurer le chemin qu'aura parcouru la ministre et ses collègues du Parti libéral quant à l'inscription dans le préambule du mot «laïcité», qui, à mon avis, M. le Président, est un incontournable. Merci.

• (14 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Berthier. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sujet? Il n'y en a pas. Moi, ça me prendrait un consentement, parce que... Disons, avec la discussion que nous avons eue pour suspendre le sous-amendement, ça me prendrait un consentement pour le suspendre. On va revenir plus tard. Consentement? O.K. Nous allons revenir à l'amendement proposé. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Dans l'esprit de la discussion qu'on a eue tout à l'heure, d'abord, vous voyez, nos travaux sont très suivis, chers collègues, parce que M. Mario Lamoureux m'a écrit pour me dire que j'ai fait une erreur de fait, il l'a écrit à la ministre aussi, c'est vrai. J'ai dit qu'on avait déconfessionnalisé les écoles, mais on a déconfessionnalisé les commissions scolaires. Alors, merci, M. Lamoureux, de votre correction.

L'autre chose, je déposerais un sous-amendement...

Le Président (M. Hardy) : Parfait.

Mme Maltais : ...qui se lirait comme suit : Modifier l'amendement introduisant le préambule en ajoutant, après le troisième alinéa, le suivant : «Considérant l'importance que l'Assemblée nationale accorde à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.»

Le Président (M. Hardy) : Merci. On va suspendre quelques instants pour l'analyser et le distribuer.

(Suspension de la séance à 14 h 22)

(Reprise à 14 h 24)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Mme la députée de Taschereau, votre sous-amendement est recevable. Donc, je vous demanderais de nous le lire et nous l'expliquer, s'il vous plaît.

Mme Maltais : Alors, je ne pourrai pas vous le lire parce qu'on vient de me l'enlever, mais... Oui, je vais le relire : «[Attendu] l'importance que l'Assemblée accorde au respect de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.»

Alors, ça vient du texte de Julie Latour, qui, dans son mémoire, nous a déposé, justement, une proposition de préambule. On ne l'a pas pris intégralement, on en a pris des bouts, on en a enlevé des bouts, mais, cette phrase-là, on la trouvait intéressante. La ministre nous a dit : J'y ai pensé. Donc, je vois qu'elle va le regarder d'un regard favorable, c'est ce que je comprends. Puis, son élément étant... son argument contre étant : Il était déjà dans la Charte des droits et des libertés, toutefois, il y a aussi d'autres éléments qui étaient dans la Charte des droits et libertés qu'elle a intégrés dans son préambule. Donc, je comprends que ce n'est pas un argument contre, seulement qu'on a soupesé. Je pense que celui-là, dans un débat sur la religion, mérite d'être... pas sur la religion mais sur la neutralité religieuse de l'État, mérite d'être amené, l'idée étant aussi que, dans la Charte des droits et des libertés, on dit de ne pas faire de discrimination sur la base du sexe. Je trouve que c'est un autre niveau que de dire qu'on est attachés, comme Assemblée nationale, à l'égalité entre les hommes et les femmes, parce qu'on n'a pas seulement des mesures antidiscriminatoires, on a souvent des mesures de discrimination positive, par exemple, par rapport à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Alors, je trouve que cette formulation-là... Je me suis posé des questions. Assemblée nationale, pourquoi? C'est que ça donnait vraiment une idée de ce que les législateurs, dans plusieurs législations ou dans plusieurs gestes politiques comme des politiques nationales, et tout ça, de l'égalité entre les hommes et les femmes, ont produit une attention particulière à ça, l'importance que cette Assemblée accorde à cette égalité. Donc, moi, j'aime mieux la formulation. On va en débattre un peu. Je comprends que... On le suspendra... Puis, s'il y a d'autres formulations possibles, bien, ou de... qui recevra un regard plus positif, bien là on sera ouverts à ça.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, M. le Président, évidemment, l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est certain que, pour nous, c'est un principe fondamental. Et donc on avait pensé reprendre dans les considérants le libellé des considérants de la charte, parce que, l'égalité, on retrouve la référence à l'égalité entre les hommes et les femmes au préambule de la charte dans le libellé : «Considérant que le respect [à] la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix», de prendre le considérant de l'égalité entre les hommes et les femmes, on y avait songé, et, comme on y faisait référence dans la charte et comme on y faisait référence également à d'autres articles, notamment à l'article 10 du projet de loi, on s'est dit : Bien, ça peut être redondant. Le principe est au projet de loi, est inclus au projet de loi à l'article 10.

Maintenant, il n'y a pas d'enjeu réel à y faire référence dans le préambule, je suis bien ouverte. Je veux juste m'assurer que le libellé qu'on choisira sera un libellé qui pourra s'inscrire dans la logistique de rédaction du préambule et aussi qu'il ne sera pas trop différent de notre préambule de la charte, parce qu'il y a probablement eu des décisions... Puis là je n'ai pas le nombre de décisions, mais on a peut-être déjà interprété cette disposition-là, puis il faudrait éviter qu'on l'interprète différemment et qu'il y ait des concepts différents, là... d'introduire des concepts différents.

Alors, là-dessus, j'avais juste une question, peut-être, parce qu'on a tous eu la même réaction. L'égalité réelle, l'utilisation du terme «réelle», est-ce qu'il y a une explication particulière à l'utilisation de ce terme-là ou c'est une rédaction qu'on a rédigée, mais il n'y a pas d'interprétation particulière? En gros, là, ma question : Est-ce qu'il y a une distinction entre les principes qu'on retrouve à la charte et le libellé qui est présenté par notre collègue?

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : À mon avis, non. L'égalité réelle est un peu le principe qu'on a l'égalité de fait, qui est donc applicable, qui doit être appliquée. Mais je ne vois pas de différence. Moi-même, je me suis questionnée : Est-ce qu'on le met, est-ce qu'on l'enlève, le mot «réelle»? Comme il venait de Me Latour, à qui je rends son droit d'auteur, j'ai eu tendance à le garder.

Ceci dit, puisque vous parlez des considérants de la charte, je vous ferais remarquer que, comme ministre, vous avez repris intégralement un des considérants de la charte, le — un, deux, trois — cinquième, disant : «Considérant que les droits et libertés de la personne sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général.» C'est intégralement la charte. Donc, si on peut ajouter l'égalité entre les hommes et les femmes, bien, je pense qu'on pourra... en reprenant des termes de la charte, on vivra très bien avec.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme la ministre.

Mme Vallée : Ça va.

Le Président (M. Hardy) : Ça va?

Mme Vallée : Donc, comme je vous disais, là, peut-être que, d'ici à ce qu'on en soit rendus vraiment à voter puis à se prononcer sur le préambule, on pourra avoir formulé... puis je vous le présenterai, on en discutera avant, mais, sur l'idée de faire référence à l'égalité entre les hommes et les femmes au préambule, moi, je suis d'accord. Je ne sais pas ce que nos collègues en pensent.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

• (14 h 30) •

Mme Roy : Merci, M. le Président. Tout comme pour le premier sous-amendement de ma collègue de Taschereau, on ne s'est pas parlé, on ne s'est pas concertés, mais, ô surprise... Ça signifie qu'on a assisté à la même commission, qu'on a écouté les mêmes intervenants. Et nous avons nous-mêmes, dans notre amendement de préambule, mis à notre — un, deux, trois, quatre — cinquième attendu : «Attendu que l'importance que l'Assemblée nationale accorde au respect de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.» Nous l'avions nous-mêmes. Et je n'ai pas encore déposé mes amendements, j'attendais que tout commence, et je déposerai notre amendement, notre préambule éventuellement, mais c'est exactement le même libellé que nous avons utilisé et pour les mêmes motifs, surtout que ça venait du témoignage ou des enseignements de Me Julie Latour, pour qui j'ai beaucoup de respect, qui était quand même l'ex-bâtonnière du Québec, et c'est la raison pour laquelle on a utilisé le libellé qu'elle utilisait.

Donc, vous comprendrez que je suis tout à fait d'accord avec le fait de l'inclure parce que ce n'est pas anodin, cette égalité entre les hommes et les femmes, puisqu'on parle ici d'accommodements religieux et qu'on sait très bien que la question de l'égalité entre les hommes et les femmes est une question qui varie beaucoup d'une religion à l'autre. Donc, on pourrait être confrontés à des demandes qui ne respectent pas cette égalité des hommes et des femmes ici, et je pense que, même si c'est ancré dans nos chartes, le message doit être clair et que ça doit faire partie du préambule également. Voilà. C'est mon commentaire.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, nous aussi, en tout cas, on salue le dépôt de ce sous-amendement-là, qu'on appuie totalement. On pense que l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est une valeur qui est largement partagée au sein de la société québécoise par les Québécois et Québécoises de toutes les origines, toutes les confessions religieuses, donc on ne voit pas de raison de ne pas introduire ça. D'ailleurs, quand on avait présenté, il y a quelques années, notre propre charte de la laïcité de l'État québécois, on affirmait, dans ce projet de loi là, l'égalité en droits et en fait entre les femmes et les hommes. Nous, c'était la formulation pour laquelle on avait opté, donc, l'égalité en droits et en fait. On trouvait ça même encore plus clair et ferme que l'expression «égalité réelle». Mais c'est une suggestion, évidemment. Puis nous, on salue tout à fait le dépôt de l'amendement... du sous-amendement, pardon.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Vallée : Je reçois tout ça. Comme je vous le mentionnais, on va voir à trouver une formulation qui répond de façon plus claire parce que je vous dirais que l'interprétation actuellement des dispositions de la charte par les tribunaux nous ramène justement à cette égalité de fait, cette égalité de droits. Donc, est-ce qu'il faudrait le prévoir tel quel ou est-ce qu'on maintient le libellé de la charte, qui est interprété comme étant l'égalité de fait et l'égalité juridique?

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Est-ce que quelqu'un d'autre veut intervenir? Ça va, personne qui ne veut intervenir. Moi, je vais vous demander le consentement pour suspendre ce sous-amendement-là ici. Consentement? Parfait. Nous revenons à l'amendement sur le préambule. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Pour le moment, je n'aurai pas d'autre commentaire. Je sais que ma collègue a un préambule. Donc, peut-être qu'elle va avoir des ajouts, ma collègue de Montarville. Et je serai sûrement heureuse de l'entendre sur le quatrième considérant où elle disait qu'elle avait vu peut-être un problème de priorisation. Je veux juste lui dire que j'ai bien entendu puis qu'on a hâte d'entendre ses commentaires pour juger de la chose.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre, tout est beau?

Mme Vallée : Pour le moment, ça va.

Le Président (M. Hardy) : Oui, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Bien, écoutez, si c'est le moment de le faire... Puisqu'on est toujours dans l'étude du préambule du gouvernement, je pense, c'est le moment de déposer notre propre préambule, l'amendement que nous souhaitons. Je pourrais peut-être suspendre pour vous distribuer l'amendement, donc vous aurez... puis je vous en ferai une brève lecture. Vous verrez qu'il y a déjà deux considérations qui sont exactement les mêmes que nos collègues de l'opposition officielle. Donc, voulez-vous une copie pour la distribution?

Le Président (M. Hardy) : Bon, nous allons suspendre et nous allons examiner votre demande.

(Suspension de la séance à 14 h 35)

(Reprise à 14 h 40)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Nous avons distribué vos copies sur l'amendement, Mme la députée de Montarville, et nous revenons sur la discussion de l'amendement que nous avons ici présentement. À vous la parole.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Je comprends qu'on traitera de l'amendement à la toute fin, quand on aura fait... c'est-à-dire du préambule à la toute fin, lorsqu'on aura travaillé les articles du projet de loi un à un, là, je comprends qu'on y reviendra. Je vous ai soumis ça, naturellement, pour étude, en attendant le dépôt final.

Remarquez que nous avons... Comme je vous disais, il y a deux «attendu que» qui sont identiques à ceux de ma collègue de Taschereau, le premier et le cinquième. Comme je vous disais, ce sont des demandes qui ont été faites par des groupes que nous avons rencontrés, naturellement Me Julie Latour, mais il y a également des considérants qui nous viennent... des «attendu que» qui nous viennent directement de Bouchard-Taylor et également d'autres personnes que nous avons entendues. Donc, on a vraiment tenu compte des demandes qui ont été faites par les groupes qui sont venus nous représenter. Et, si vous permettez, je peux faire la lecture des premiers «attendu que».

Le Président (M. Hardy) : Allez-y.

Mme Roy : Mais je comprends qu'on discutera du fond plus tard et qu'il y aura une suspension, mais peut-être pour vous montrer le ton ou la direction que nous souhaiterions que le préambule prenne, alors, le préambule irait comme suit : Ajouter, avant l'article 1 du projet de loi, le préambule suivant :

«Attendu qu'au terme de son évolution historique, l'État québécois est maintenant laïque;

«Attendu que l'Assemblée nationale souhaite affirmer l'importance du principe de [la] laïcité (séparation de l'État et de la religion) et du principe de neutralité religieuse de l'État, lesquels constituent la pierre angulaire d'une société libre et démocratique;

«Attendu que le principe de laïcité (séparation de l'État et de la religion) et le principe de neutralité religieuse de l'État sont garants de la liberté de conscience, de l'émancipation personnelle et de l'égalité de tous les citoyens et citoyennes et assurent la protection de l'intérêt général;

«Attendu que, de ce fait, les principes de laïcité (séparation de l'État et de religion) et de la neutralité religieuse de l'État promeuvent le pluralisme sociétal, favorisent le respect d'un espace sociétal commun où tous se rejoignent dans la citoyenneté, ainsi que la fraternité et la cohésion sociale;

«Attendu que l'importance que l'Assemblée nationale accorde au respect de l'égalité réelle entre les hommes et les femmes;

«Attendu que dans un contexte de diversité de religions et de croyances, le respect de la liberté de religion et de conscience de tous les citoyens et citoyennes exige plus que jamais que l'État soit laïque et apparaisse n'être d'aucune religion ou croyance;

«Attendu que l'Assemblée nationale reconnaît qu'il y a lieu de définir ces principes de laïcité (séparation de l'État et de la religion) et de neutralité religieuse de l'État;

«Attendu qu'il est également nécessaire d'établir certaines balises pour le traitement des demandes d'accommodement pour des motifs religieux;

«Il est en conséquence devenu nécessaire que ces principes de laïcité (séparation de l'État et de la religion) et de neutralité religieuse de l'État soient affirmés et définis dans la Constitution — mais comprendre ici, là, notre charte à nous, la charte québécoise, qui fait partie de la Constitution — et que certains de leurs corollaires soient prévus par la loi.»

Et, bon, par la suite, on reprend les «attendu que». Mais c'est pour vous faire bien comprendre que ces «attendu que» ne sont pas là au hasard, certains nous viennent de Bouchard-Taylor, d'autres de Me Julie Latour, d'autres également d'autres groupes que nous avons entendus. Nous avons bien pris en compte leurs demandes.

Et également vous comprenez aussi, M. le Président, à la lumière de la lecture que je viens de vous faire, que ce sont deux concepts différents. La laïcité, c'est cette séparation de l'État et du religieux, et de la religion. Ça, c'est la laïcité, la séparation de l'État et de la religion, on sort la religion de l'État. Et la neutralité, qui, elle, en est une modalité, qui, elle, en est une application... Donc, vous comprenez que, laïcité et neutralité, on ne peut pas mettre un sans l'autre. On ne peut pas mettre, surtout pas, que, neutralité, ça nous prend la laïcité. C'est le point que nous défendons, que nous soutenons ici.

Par ailleurs, le sixième «attendu que» : «...dans un contexte de diversité de religions et de croyances, le respect de la liberté de religion et de conscience de tous les citoyens et citoyennes exige plus que jamais que l'État soit laïque et apparaisse n'être d'aucune religion ou croyance», ça revient à ce que je vous disais tout à l'heure. C'est bien beau de dire qu'on a copié l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme, qui date de 1948, nous ajoutons à cela que nous pouvons mettre des balises puisque ce n'est pas parce que quelque chose est religieux, que l'exercice de quelque chose est religieux, qu'il est permis. On peut le restreindre. Et c'est ce que nous prônons, qu'il y a cette liberté de conscience, mais, lorsqu'on tombe dans la liberté d'exercice, là, l'exercice, on peut le baliser. On peut baliser l'exercice de la religion, et c'est ce que les Européens ont fait. Tout à l'heure, j'en ai fait la démonstration avec un amendement de la Commission européenne de 1981. Donc, on peut baliser le religieux et non pas tout accepter, parce qu'il y a une liberté de croyance, soit, la liberté de croyance pour tous, mais non l'exercice de la religion. Il peut être balisé, il n'est pas automatiquement permis tous azimuts.

Alors, c'était l'essence... c'est même plus que l'essence, c'est le libellé de notre proposition de préambule. Nous vous le soumettons. Nous le soumettons à la partie gouvernementale, naturellement, pour étude, mais nous avons bien, bien, bien pris soin de reprendre les préoccupations des différents groupes qui sont venus nous rencontrer et nous dire dans quelle mesure ce préambule devait nous parler de laïcité, devait nous parler de l'importance de l'égalité hommes-femmes, devait nous dire que l'État devait être laïque et devait surtout nous souligner que cette laïcité devait apparaître et que l'État ne devait être d'aucune religion ou croyance. Et nous considérons qu'au premier chef les fonctionnaires de l'État, qui représentent l'État, doivent également n'afficher aucun symbole religieux, mais ça, on en a déjà parlé. Ils ont été définis au terme d'une commission qui nous a coûté déjà plusieurs millions, et qui a fait consensus à une certaine époque, et qui, nous le croyons, ferait toujours consensus.

Alors, voilà, je voulais vous le soumettre pour étude. Donc, il est là. Et je comprends que nous étudierons éventuellement chacun des «attendu que». Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Maintenant, je vous demanderais s'il y a consentement à ce qu'on étudie cet amendement-là en même temps que l'autre qu'on a ici déjà, et, si oui, il sera suspendu pour étude à la fin.

Mme Vallée : Donc, simplement pour que je comprenne, la proposition de la collègue, c'est bien de travailler ce texte plutôt que de procéder par sous-amendement comme l'a fait notre collègue de Taschereau? Il n'y a pas d'enjeu, là, je voulais juste m'assurer de bien comprendre.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Moi, je n'irai pas par plusieurs sous-amendements. Vous avez une idée, là. Moi, je veux que vous compreniez bien, que les gens comprennent bien où nous logeons. Vous avez une idée d'où nous logeons. Ce qui ne nous empêchera pas de travailler sur chacun des sous-amendements avec grand plaisir. Mais je vous le soumettais tout d'un bloc parce que, pour nous, c'est ce qui est important dans le préambule, et on va voir jusqu'où vous êtes prêts, la partie gouvernementale est prête à aller. Mais vous avez une idée du caractère, et ce sont des termes qui ont été repris des groupes que nous avons reçus en commission parlementaire, entre autres.

Mme Vallée : Parce que, par exemple... Parce que j'essayais... On lisait, on prenait connaissance, on écoutait et en même temps on essayait de... moi, j'essayais de comprendre un petit peu... Juste question de bien camper le projet d'amendement de notre collègue, peut-être comprendre... Une petite question, là. Le quatrième amendement, on fait référence à la promotion du pluralisme sociétal, à l'espace sociétal commun, et on dit : «...où tous se rejoignent dans la citoyenneté, [...]la fraternité et la cohésion sociale.» J'essaie juste de me faire une idée comment... ce que ça implique pour notre collègue, l'utilisation de ces termes-là, parce qu'on pourrait peut-être... Moi, je vous dirais, bien, c'est peut-être une façon de reprendre certains termes que l'on a dans l'amendement. Je veux juste m'assurer de bien comprendre. S'il y a des éléments qui sont vraiment distincts de notre préambule, je veux qu'on me le souligne pour éviter que je n'assimile des termes ou des intentions à quelque chose qui n'est pas souhaité par notre collègue.

Le Président (M. Hardy) : Avant de continuer la discussion, moi, j'ai besoin d'un consentement pour...

Mme Vallée : Oui, consentement, je m'excuse, M. le Président. Oui.

Le Président (M. Hardy) : ...pour l'étudier en même temps que celui que vous avez déposé, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a consentement? Oui. Merci.

Donc, nous revenons... nous continuons la discussion. Mme la députée de Montarville.

• (14 h 50) •

Mme Roy : Oui. Mme la ministre, comme je disais, ce sont tous des «attendu que» qui nous viennent des groupes que nous avons rencontrés, entre autres, et particulièrement le mémoire présenté par Les Juristes pour la laïcité, avec Me Julie Latour. Alors là, si vous voulez qu'on fasse l'exercice de les analyser un à un, on reprendra tous les mémoires puis on dira la justification et le pourquoi, mais chacun des «attendu que» qui sont là sont directement textuellement... ou inspirés de mais dans le même esprit.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ça va.

Le Président (M. Hardy) : Ça va?

Mme Vallée : Non, dans le fond, je comprends qu'on s'inspire d'un libellé qui a été proposé. Moi, je voulais juste savoir est-ce qu'il y a une intention particulière. Donc, je comprends que notre collègue nous réfère peut-être à la présentation qui a été faite par les juristes et qu'il n'y avait pas une intention particulière derrière le choix des mots, c'était plutôt de reprendre une formulation qui a été proposée. D'accord.

Le Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de la députée de Montarville? Nous allons le suspendre? Parfait, nous suspendons et nous revenons à l'amendement. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Une remarque qui sera une question pour la ministre. Au premier considérant : «Considérant que le Québec est une société démocratique — je m'excuse, je perds la voix, peut-être que certains jugeront que c'est plutôt une bonne nouvelle — pluraliste et inclusive qui favorise des relations interculturelles harmonieuses», pourquoi cette épithète, pourquoi «interculturelles»? Est-ce que ce n'est pas d'assimiler l'appartenance religieuse à une affaire strictement culturelle, spécifiquement culturelle? Parce qu'on aurait pu dire : Qui favorise des relations interconfessionnelles harmonieuses... ou encore des relations interpersonnelles harmonieuses. Alors, j'aimerais que la ministre m'éclaire sur le choix de l'adjectif «interculturelles» qui se rapporte au vivre-ensemble à l'égard des religions, de l'exercice religieux.

Mme Vallée : On fait référence au respect mutuel entre les individus dans notre société. L'interculturalisme, c'est un concept auquel on réfère également dans le rapport Bouchard-Taylor. Je pense qu'on reconnaît, dans ce rapport, les grands paramètres de l'interculturalisme québécois. Et c'est un concept qui est un état de fait ici, au Québec, et cet interculturalisme-là, comme je le mentionnais, c'est un respect mutuel. Donc, ce n'est pas une primauté culturelle ou une primauté religieuse, c'est un respect de la diversité, un respect de la différence, tout simplement, je pourrais l'exprimer comme ça dans mes mots. Évidemment, au Québec, l'objectif n'est pas d'assimiler la diversité, mais de vivre en respectant cette diversité. Donc, il n'y a pas une... C'est un peu le contraire de l'homogénéisation de la société, il y a un respect de cette diversité.

M. Rochon : M. le Président, je suis sur le choix des mots. C'est parce que nous sommes à étudier un projet de loi sur la neutralité religieuse, et voilà qu'on assimile l'exercice des religions à une affaire culturelle. C'est là mon questionnement. «Considérant que le Québec est une société démocratique, pluraliste et inclusive qui favorise des relations interculturelles harmonieuses», on est dans l'exercice de la foi, ici, et on réduit cette foi, cette religion des uns et des autres au fait, et uniquement à ce fait, qu'ils appartiennent à une culture ou à une autre culture.

Alors, la religion, ce n'est pas qu'une affaire culturelle. Il y a des... Bien sûr, il y a généralement des religions dominantes dans les cultures. Les Québécois sont majoritairement catholiques, mais ils ne sont pas que catholiques, il y a des Québécois protestants, anglicans. Alors, c'est pour ça, mon questionnement. Pourquoi des relations interculturelles harmonieuses? On aurait pu dire «des relations interpersonnelles harmonieuses». «Interculturelles», c'est une référence à la culture pour un projet de loi sur la neutralité pas culturelle, sur la neutralité religieuse.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Mme la ministre.

Mme Vallée : Les relations interculturelles harmonieuses font partie des concepts, des principes de notre gouvernement. Et l'interculturalisme, comme je le mentionnais, on y fait référence dans Bouchard-Taylor parce que, dans certains cas, culturellement, dans certaines cultures, la religion a une prédominance importante aussi, il ne faut pas se le cacher. Donc, ces relations interculturelles harmonieuses, c'est ce respect, comme je l'ai mentionné, ce n'est pas complexe, ce respect de cette différence, ce respect mutuel, cette reconnaissance de cette diversité qui existe au Québec, qui existe dans notre société.

J'essaie de voir... Et, je vous dirais, parce qu'on y a fait référence ce matin, mais pour référer à la page 287 du rapport Bouchard-Taylor : «Politique ou modèle préconisant des rapports harmonieux entre cultures fondés sur l'échange intensif et axés sur un mode d'intégration qui ne cherche pas à abolir les différences tout en favorisant la formation d'une identité commune.» Alors, à la page 287, on définit l'interculturalisme, et on définit également, à la page 288, l'interculturel, donc ce qui concerne les rapports entre groupes ethniques ou les groupes ethnoculturels.

Et c'est quand même... On met la base de ce qu'est la société québécoise parce que ce projet de loi là s'inscrit dans une réalité, dans un contexte social. Il ne s'inscrit pas seulement que dans un contexte religieux, mais, lorsqu'on fait référence à la société démocratique, lorsqu'on fait référence à la société pluraliste, à la société inclusive, on fait référence à ce qu'est le Québec, et le Québec favorise, dans les faits, des relations interculturelles qui sont harmonieuses. C'est un terme qu'on utilise de plus en plus. Je crois qu'on y fait référence... Et là je ne l'ai pas avec moi. Dans la politique déposée par notre collègue du MIDI, déposée au printemps dernier, on y fait référence également, et on retrouve des références à l'interculturalisme dans bon nombre de documentation.

Donc, nous avons cru important et j'ai cru important de faire cette référence-là, d'autant... Parce que, vous le savez, on parle beaucoup de Bouchard-Taylor, M. le Président, puis, les recommandations de Bouchard-Taylor et les principes de Bouchard-Taylor, il y a plusieurs recommandations auxquelles le gouvernement a donné suite et auxquelles on donne suite et aussi qui sont inspirées... Il y a des recommandations avec lesquelles ont est peut-être en désaccord dans la formulation, et même les auteurs du rapport ne s'entendent pas nécessairement sur chacune des recommandations, mais il y a quand même des éléments importants. Et, sur la question de l'interculturalisme, il y a des passages importants dans le rapport, puis on a cru que c'était important d'y faire... c'était une bonne chose d'y faire référence, de reconnaître que, dans notre société, je respecte notre différence. On a des valeurs communes, comme société québécoise, puis, à travers ces valeurs communes là, on est capables aussi de reconnaître que les individus vont... que la diversité fait aussi partie de la société et que cette diversité-là, cette diversité culturelle là, elle sera respectée et elle est respectée. Alors, c'est le choix, c'est l'importance... Et on a cru que d'y référer dans le préambule permettait également de mettre les assises, de définir, en fait, le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi.

• (15 heures) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : M. le Président, qu'il ne soit évidemment pas compris que je ne souscris pas à l'importance, là, de respecter la culture des autres. Tout au contraire, rien n'est plus fantastique, là, qu'un monde où sont présentes une multitude de cultures nationales. Et il faut effectivement avoir ce respect pour la culture d'autrui sans jamais, par ailleurs, que ça nous mène, parce que ça peut être un piège dans certains cas, à mettre peu de l'avant notre propre culture par crainte que ce soit vu comme un rejet des autres cultures qui cohabitent sur notre territoire.

Alors, ce n'était pas du tout, là, pas du tout une remarque, là, qui devait être interprétée comme : Il ne faut pas, là, être ouverts aux autres cultures. Tout au contraire, moi, je suis tout à fait d'accord avec ce Québec où doivent coexister harmonieusement différentes cultures. C'est bien davantage, là, une question ici de mots utilisés dans le contexte précis de ce projet de loi sur la neutralité religieuse. Je me demandais s'il était encore moderne — nous sommes en 2017 — de n'assimiler la religion qu'à une affaire culturelle, c'est pour ça que je posais la question. Peut-être ne serait-il pas bête qu'une équipe de la ministre se penche sur cette question-là, je le dis très modestement, là, parce qu'il me semble qu'il y a quelque chose là à examiner. Voilà.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Mme la ministre, avez-vous un autre commentaire à formuler?

Mme Vallée : En fait, le projet de loi, je pense, ce qui est important, c'est... le projet de loi établit des règles du vivre-ensemble. Ce n'est pas qu'un projet de loi à caractère religieux, là, c'est un projet de loi qui établit en fait le vivre-ensemble au Québec dans les grandes lignes. Et ce vivre-ensemble-là, il s'exprime de différentes façons. Il y a des règles de base, et cette neutralité de l'État, elle ne peut être dissociée de ces règles-là. Donc, l'utilisation du terme vise à reconnaître la réalité qui est celle du Québec. Nous partageons des valeurs communes, et il y a également des relations interculturelles entre les citoyens.

Puis d'aucune façon je ne portais un jugement à l'égard du commentaire de mon collègue. L'objectif aujourd'hui et l'objectif des prochains jours, c'est de bien comprendre, de bien faire avancer nos travaux. Et je comprends son interrogation comme se voulant constructive et non comme étant un jugement de sa part, là. Alors, je veux le rassurer.

Donc, évidemment, on fait référence à la diversité de la société québécoise, et il y a cet apprentissage... En fait, le Québec a appris, le Québec a grandi aussi dans ce contexte de relations interculturelles. Le Québec, notre société est ce qu'elle est en raison de cette cohabitation que nous avons avec les peuples autochtones et avec ceux et celles qui sont venus au fil des années, qui sont venus s'établir au Québec et qui ont fait du Québec leur État, leur patrie, leur raison d'être. Et donc c'est la beauté de notre société. Alors, on y fait référence parce que ces relations-là interculturelles harmonieuses se veut ce respect. Le Québec est ce qu'il est dans sa spécificité notamment en raison de cette réalité.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Un petit commentaire, simplement. Mon collègue a raison de dire : On mélange culture et religion, communautés culturelles et religions, alors que dans «communautés culturelles» il y a souvent plusieurs religions. Il y a des Québécois de souche, qu'on appelle de souche, qui sont musulmans, qui sont catholiques, qui sont protestants, qui sont juifs, qui sont... on en a de toutes les sortes. Ça fait que, pour moi, ce n'est pas une question culturelle non plus.

Et il y a quelque chose de fondamental pour moi qui suis une athée, c'est que la religion, c'est un choix personnel, personnel. C'est pour ça que j'aimais bien cette idée qu'on disait «interpersonnelles».

Mais moi, je vis très bien avec la phrase parce que je suis d'accord avec le principe qu'on est une société qui favorise les relations interculturelles harmonieuses, je suis très bien avec ça. Je veux juste dire que ce n'est pas un projet de loi sur le vivre-ensemble, c'est un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État et les accommodements religieux. Ce n'est pas un projet de loi sur l'immigration, ce n'est pas un projet de loi sur les communautés culturelles, c'est un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État. Et c'est pour ça que j'entendais bien le commentaire du collègue. Mais, cette déclaration-là, d'office on ne peut pas être contre, on veut tous des relations interculturelles harmonieuses.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui veut intervenir? Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, je serai brève. C'est uniquement pour rappeler, à l'égard de l'amendement de la ministre, l'amendement du préambule de la ministre, juste pour rappeler... Tout à l'heure, mon explication était peut-être un peu longue, et ma collègue de Taschereau disait qu'elle voulait avoir un peu de précisions. Tout simplement, c'est qu'au quatrième considérant de la ministre nous trouvons que ça va trop loin dans la mesure où, oui, on dit que notre liberté de conscience, elle est totale, et je suis tout à fait d'accord avec Mme la ministre, ce sont nos chartes qui nous permettent cette liberté de conscience; cependant, dans sa deuxième phrase, là elle ouvre la porte beaucoup trop grande à la liberté totale d'exercice de la religion. Et Mme la ministre s'est plu à me dire qu'elle avait repris textuellement l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme, comme vous le savez, déclaration qui remonte à 1948, et je lui ai souligné que cet article 18 de la déclaration des droits de l'homme a été incorporé également dans la Convention européenne des droits de l'homme, incorporé au fil des années, et qu'en 1981 on a décidé d'y mettre des balises et de signaler que l'on pouvait encadrer l'exercice de la religion. Et je pense que c'est extrêmement important parce que, le projet de loi n° 62, ce qu'il fait, en quelque part, c'est qu'il va encadrer cet exercice, on le souhaite, mais il est très, très large. Nous le trouvons très, très permissif. Nous trouvons plutôt qu'il ouvre la porte de façon très large à plus de demandes d'accommodement religieux, alors que nous, nous disons : Il faut les encadrer. C'est pour ça que nous ferons des amendements pour avoir des modifications au projet de loi.

Et c'est important de retourner à cet article de la Convention européenne des droits de l'homme, qui nous apprend, et là ce sont... c'est cette convention européenne qui nous apprend que, oui, en tant que société libre et démocratique, en tant que société de droit, nous pouvons baliser l'exercice de la religion, ce qui n'enlève en rien la liberté de conscience des individus.

Alors, elle est là, la nuance, et je pense que c'est important. Puis les gens qui nous écoutent le comprennent bien, on est tout à fait pour la liberté de conscience, mais nous disons : Attention! il faut, à certains égards, encadrer, baliser l'exercice de la religion. On ne peut pas tout accepter sous prétexte qu'il s'agit d'une pratique religieuse parce que la liberté de religion existe. C'est ce que nous défendons et nous allons défendre tout au long de la commission. Et je pensais que c'était bon de revenir sur le fait que d'autres grandes législatures très démocratiques l'ont fait avant nous et que ce n'est pas que d'être non inclusif, que d'être... toutes sortes de noms que vous pourriez penser, que de vouloir baliser l'exercice, je dis bien l'exercice de la religion, et non la liberté de conscience. Alors, je voulais le souligner, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement au préambule? Mme la ministre.

• (15 h 10) •

Mme Vallée : En fait, M. le Président, je regardais la déclaration... parce que, là, on est dans la Déclaration universelle des droits de l'homme versus la déclaration européenne des droits de l'homme, puis je regardais l'article 4... l'article 9, pardon, je ne suis pas certaine de lui donner la même interprétation de notre collègue, parce qu'elle balise la liberté de religion... on fait référence davantage... il y aura des balises dans des cas de nécessité, dans des cas de sécurité. Mais notre collègue allait plus loin dans ses propos, elle dit : On peut baliser ce qui est inacceptable. Alors, dans ce contexte, qu'est-ce qui est inacceptable? C'est ça que j'essaie de comprendre. Parce que la déclaration des droits de l'homme vient dire : Il y a une limite, à un moment donné, il y a une limite, puis cette limite-là, en fait, à quelque part, c'est... Puis je vais le lire, là. Lorsqu'on dit : «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires — donc on est dans une exception de nécessité — dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.»

Donc, dans ce contexte, j'essaie de comprendre, dans le contexte où on a des discussions ici, qu'est-ce qui, pour notre collègue, constitue une manifestation inacceptable d'une liberté de religion. Qu'est-ce qui est inacceptable? J'essaie de comprendre puis je le fais en toute ouverture, là, puisqu'on indique : Bien, le préambule, le quatrième alinéa présenté va trop loin. D'accord. Alors, maintenant, il va trop loin pourquoi? Et qu'est-ce qui est inacceptable?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci, M. le Président. Merci pour la question, Mme la ministre. Ce que je vous dis... Un, je ne vous donnerai pas d'exemple parce que je dirais : Allons donc voir les décisions jurisprudentielles, justement, qui traitent de l'article 9, deuxième paragraphe, parce que probablement que les juristes européens ont eu à répondre à cette question. Mais, moi, ce que je vous dis, et je vous parlais de l'article 9, du deuxième paragraphe, c'est qu'on peut, pour ces motifs qui sont énumérés, vous les avez énumérés, d'ailleurs, on peut, pour ces motifs, encadrer l'exercice de la religion. C'est ce que je vous disais, tout simplement. Il est possible d'encadrer l'exercice de la religion, ce qui n'est pas la liberté, la liberté de religion. Et, comme je vous dis, si vous voulez des exemples, bien, probablement que nous devrions aller voir la jurisprudence, qui nous dirait dans quelle mesure et quels sont les exemples qui font en sorte qu'on a pu limiter l'exercice de la religion. Je n'en ai pas à vous offrir là, mais, si vous voulez, on peut fouiller pour aller voir ce que les juristes européens ont dit. Mais, moi, ce que je vous dis, c'est qu'on peut limiter l'exercice, c'est juste ça que je vous dis, Mme la ministre, et que ce n'est pas radical que de vouloir limiter l'exercice de la religion. C'est seulement ce point que je veux vous faire; et vous dire que les Européens l'ont fait, et l'ont fait via la Convention européenne des droits de l'homme. On a permis de baliser, de limiter l'exercice de la religion.

Et, nous y revenons, ce n'est pas la liberté de conscience que l'on limite, là, on ne dit pas aux gens qu'ils n'ont pas le droit d'être religieux ou de prier un dieu ou l'autre. On dit que l'exercice de leur foi, qui est bien différente d'une personne à l'autre, devra se faire en certaines circonstances, et là on a la convention ici qui nous dit : Voici certaines circonstances; devra se faire à l'intérieur de balises. Il peut être balisé, l'exercice de la religion. Et ce n'est pas parce que des accommodements peuvent être accordés que tout peut être accepté parce que c'est un précepte religieux. C'est seulement ça que je vous dis, Mme la ministre.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, en fait, M. le Président, c'est parce que, comme je le dis, là, on travaille pour bonifier et on légifère... Moi, je ne légifère pas pour l'Europe, je ne légifère pas pour l'Union européenne; on légifère pour le Québec.

Donc, on me dit : Il y a une possibilité de limiter l'exercice des droits, notamment l'exercice de la liberté de religion. Et nous, ici, on est aussi régis par nos chartes, puis, lorsque vient le temps de limiter un principe, une liberté individuelle, lorsqu'on restreint une liberté individuelle, bien, il y a un test, puis ça doit se justifier dans le contexte d'une société libre et démocratique, et c'est pour ça... et parfois les principes de sécurité publique, tout ça, que l'on retrouve d'ailleurs... que l'on retrouve à l'objet du projet de loi...

Mais j'essaie de comprendre. Pour bien saisir, si le quatrième alinéa est trop permissif aux yeux de notre collègue, qu'est-ce qui serait, à son avis, un libellé acceptable? Parce qu'on aura à revenir éventuellement. Puis on disait, bon : On va travailler avec ce qui est proposé. Je comprends qu'on ne retrouve pas nécessairement de référence à ce libellé-là, je ne crois pas, puis peut-être je me trompe, dans l'amendement, donc je veux simplement... je pose des questions dans un but constructif. Qu'est-ce qui serait à modifier dans le libellé? Et, dans la mesure où on vient limiter une liberté individuelle, on la limite de quelle façon? Et, en la limitant... pourquoi devons-nous la limiter, parce qu'on devra justifier cette limitation-là dans le contexte d'une société libre et démocratique?

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Lorsque vous nous avez parlé de vos considérants, et j'ai dit que, le quatrième considérant, je le trouvais beaucoup trop large, et que vous m'avez dit : Bien, nous avons retranscrit ce que nous dit la déclaration des droits de l'homme, soit. J'ai voulu faire la démonstration que ce n'est pas parce que c'est la déclaration des droits de l'homme qu'on ne peut pas faire des amendements, ou modifier, ou se poser la question et que d'autres législatures, bien avant nous, d'autres Parlements européens — ce n'est quand même pas les derniers — l'ont fait bien avant nous, ils se sont posé des questions légitimes. Et c'est la raison pour laquelle vous me répondez que vous avez repris le libellé de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Je vous dis que ce même libellé a été retravaillé dans la Convention européenne des droits de l'homme et que la Convention européenne des droits de l'homme s'est permis de dire que l'on pouvait encadrer l'exercice de la religion.

Vous me dites : Pour vous, qu'est-ce qui est de trop? Votre quatrième considérant : «Considérant que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles les libertés de conscience, de religion, d'opinion et d'expression», vous pourriez l'arrêter là, et je serais tout à fait d'accord avec vous, pour répondre à votre question.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

• (15 h 20) •

Mme Vallée : ...simplement pour le bénéfice de ceux et celles qui suivent nos travaux, la restriction ou les paramètres que l'on retrouve à l'article 9, on peut avoir un corollaire à 9.1 de la Charte des droits et libertés, parce qu'à 9.1 de la charte actuelle, là, telle qu'on l'a, on lit ce qui suit : «Les libertés et [les] droits fondamentaux — donc implicitement on fait référence, entre autres, à la liberté de religion — s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.» Dans le fond, ça reprend un peu, en des termes différents, les paramètres. Donc, dans ce contexte-là, il ne faut pas oublier que notre préambule — et notre loi — va s'intégrer à un corpus législatif qui prévoit ces dispositions-là. Donc, c'est certain que peut-être... Et je ne sais pas si ça va satisfaire notre collègue. C'est qu'à partir du moment où, oui, on fait référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces droits-là, évidemment, la liberté de religion, telle qu'elle est, telle qu'elle est reconnue, elle est reconnue et définie comme suit; dans la jurisprudence, dans les différentes décisions de nos tribunaux, on a souvent fait référence à cette disposition-là pour expliquer, pour procéder à l'analyse et dans les motifs des décisions. Et ça, tout ça, évidemment, l'exercice des droits individuels est aussi assujetti à d'autres paramètres. On n'exclut pas l'ordre public, on n'exclut pas la protection des citoyens, donc, c'est certain, là. On ne vient pas de facto exclure l'application de 9.1 de la charte. Mais on explique que, la liberté de religion, voici ce que c'est, puis la liberté de conscience également, parce que, lorsqu'on parle de liberté de religion, on parle aussi la liberté de ne pas croire puis de n'avoir aucune croyance, c'est tout aussi important. Donc, pour ceux qui n'ont pas de croyance, ils ont aussi la liberté de l'exprimer et d'en parler, mais tout ça, évidemment, dans un contexte où on a des règles générales de vivre-ensemble et puis les guides et les libertés s'inscrivent dans un contexte où ta liberté, bien, elle est assujettie à des règles qui sont celles d'une société libre et démocratique, où il y a ce respect entre les libertés — et puis on le voit, d'ailleurs, au cinquième considérant — entre les libertés de la personne, qui sont inséparables des libertés d'autrui, qui sont inséparables des règles du bien-être en général.

Ça fait que, dans le fond, je vous dirais que ça ressemble un peu... c'est une façon différente de le présenter, mais, si je lis l'article auquel on fait référence, à l'article 9 de la déclaration européenne des droits de l'homme, c'est un peu ça qu'on dit. Il y a une liberté de conscience, il y a une liberté de religion, il y a une liberté d'exprimer sa foi ou sa non-croyance, mais tout ça s'inscrit dans des règles d'une société libre et démocratique. On ne peut pas, pour l'amour de l'expression d'une liberté religieuse, porter atteinte à la sécurité ou au bien-être général. Et, l'article, la charte européenne le prévoit, puis nous, on le prévoit mais dans des termes différents, là, parce que parfois on a des façons de rédiger qui sont différentes, mais on dit à peu près la même chose.

Donc, si jamais il y a quelque chose de plus que notre collègue souhaite voir, c'est là que je posais la question : Est-ce qu'il y a quelque chose de plus qu'on devrait faire, est-ce qu'il y a quelque chose d'autre ou est-ce que, suite à ces explications-là, peut-être, ça se conceptualise plus clairement?

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Pour clore sur l'échange, là, personnellement, je considère que la définition européenne, elle parle clairement de restrictions à cet exercice, alors que le 9.1 que vous mentionnez, nos chartes, parle de respect. Alors, c'était pour illustrer le fait qu'il est possible de restreindre l'exercice, là, que j'utilisais l'article de la convention européenne.

Cela dit, si vous me dites... Quelque chose qu'on voudrait rajouter, moi, je pense au contraire qu'il faudrait, comme je vous dis, le quatrième considérant, l'arrêter à : «...religion, d'opinion et d'expression», point. Moi, ça me satisferait. Voilà. C'est pour répondre à votre question.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bon, tout à l'heure, on a eu un débat sur la notion de laïcité par rapport à la notion de neutralité religieuse de l'État, et loin de moi l'idée de relancer ce débat-là. Non, non, vraiment très loin de moi l'idée. Alors, au lieu de relancer ce débat-là, je vais essayer de bien comprendre la notion de neutralité religieuse de l'État telle qu'elle est défendue par la ministre puis telle qu'elle traverse, dans le fond, le projet de loi, parce que je pense qu'on peut considérer que c'est la notion qui constitue un peu la colonne vertébrale du projet de loi. Donc, j'aime mieux en acquérir une bonne compréhension maintenant puis ensuite pouvoir travailler avec tous les collègues sur le projet de loi.

Donc, juste pour être bien, bien clair, puis je réfère, dans le fond, au dernier des considérants un peu, par la bande, là, qui dit que «la neutralité religieuse de l'État est nécessaire pour assurer à tous un traitement sans discrimination fondée sur la religion et que cette neutralité s'exprime notamment par la conduite de son personnel dans l'exercice de ses fonctions», j'en comprends donc que le «notamment», ici, il n'est pas limitatif. La neutralité religieuse de l'État, ce n'est pas seulement, pour la ministre... et là je présume, mais on me corrigera, là, que ce n'est pas seulement la conduite de son personnel dans l'exercice de ses fonctions, il y a d'autres dimensions à la neutralité religieuse de l'État, si je comprends bien le préambule, et donc qu'on peut considérer que la neutralité religieuse de l'État, ça concerne également des politiques publiques du gouvernement, d'autres lois, et que, dans le fond, l'État, dans l'ensemble de ses actions à titre d'État, ne doit ni favoriser ni défavoriser une ou des religions. Est-ce que je comprends bien le préambule si je dis ça?

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, M. le Président, c'est évidemment que la neutralité de l'État s'exprime, oui, par ses politiques, oui, par sa législation et aussi par ceux et celles qui sont chargés de veiller à son application. Donc, elle consacre, d'une certaine façon, dans une volonté de préserver la liberté de religion, un principe d'impartialité, c'est-à-dire que, comme je le mentionnais, on ne doit pas intervenir... une décision de l'État, par exemple, ne doit pas être influencée par une question religieuse, elle ne doit pas être influencée par la croyance ou la non-croyance.

Et ça, on le revoit, et cette neutralité a été maintes fois étudiée par les tribunaux. La Cour suprême a été appelée à la définir, à y faire référence, je l'ai mentionné tout récemment dans l'affaire du Mouvement laïque contre la ville de Saguenay. Alors, c'était le dossier de la prière, pour ceux qui le connaisse davantage comme ça, où le conseil souhaitait pouvoir continuer de réciter la prière. Et il a été reconnu par la Cour suprême que cette pratique était une entrave à la neutralité religieuse parce qu'elle pouvait porter atteinte à la liberté de ceux et celles qui ne croyaient pas, et pour qui cette pratique venait créer une brèche dans leur propre liberté de religion. Donc, c'est un exemple. Il y a plusieurs... Ça se manifeste de différentes façons.

Et la neutralité des représentants de l'État, elle est dans la prestation, dans l'échange, dans la façon dont les services seront rendus, dans les échanges avec les citoyens. Un représentant de l'État ne doit pas favoriser ou défavoriser un citoyen qui se présente pour recevoir un service en raison de son appartenance à une communauté religieuse, par exemple, ou à une religion particulière. Certaines religions, certaines pratiques religieuses ou certaines croyances se manifestent, s'extériorisent de façon plus éclatante que d'autres, et il ne faudrait pas que cette extériorisation de croyance amène un agent de l'État à traiter différemment le citoyen ou la citoyenne qui se présente devant lui.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Donc, juste pour... Parce que, sur la question des agents et des agentes de l'État, je pense que la position de la ministre est claire, là. On peut être en accord, en désaccord, mais c'est une position qui a été affirmée à plusieurs reprises puis qui est claire. Mais, moi, dans le fond, ma question, c'était sur le reste des activités de l'État, c'est-à-dire juste qu'on soit bien au clair sur le fait que la neutralité religieuse de l'État telle que le gouvernement l'entend ne se limite pas à la question des agents et des agentes de l'État, mais que ça implique plus généralement qu'un État, globalement, favorise ou ne défavorise pas des individus, ou des groupes, ou des institutions parce qu'ils sont ou pas de nature religieuse.

Mme Vallée : ...éviter aussi la stigmatisation, dans les politiques, de certaines communautés religieuses.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme la députée de Taschereau.

• (15 h 30) •

Mme Maltais : Oui, M. le Président, je vais revenir au débat de tout à l'heure. Simplement dire que j'ai bien écouté les arguments des deux côtés. Je remarque que l'ajout qui a été fait au quatrième considérant qu'a questionné la députée de Montarville, c'est-à-dire ce qui arrive après : «...telles les libertés de conscience, de religion, d'opinion et d'expression, ce qui inclut la liberté de manifester sa religion», et la suite de la phrase, ça vient de l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies, ça a été pris là.

Or, dans toute société, il y a des droits et il y a des devoirs. Le devoir est inscrit à l'article 29.2. Le devoir, c'est que cette liberté doit satisfaire aux exigences en droit et en sécurité.

Ce que je vois de la ministre, c'est qu'elle a décidé d'ajouter la partie droit qui décrit spécifiquement la liberté de religion, O.K., c'est ce que je vois, là : «...ce qui inclut la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement de rites.» Ça concerne la religion, pour moi, d'après le libellé. Pourquoi ce choix d'ajouter cette partie des droits? C'est simplement... Je veux comprendre qu'est-ce que ça donne d'ajouter ça, d'ajouter cette description de la liberté de religion, alors qu'on n'ajoute pas la description des autres libertés puis qu'on n'ajoute pas le corollaire qu'on a dans toutes les déclarations, qui est le devoir, par contre, que ça respecte un peu le droit, sécurité. Je sais qu'on a «inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général» qui vient ensuite, mais cette partie-là aussi est déjà dans l'article 29.2. C'est l'autre section, droits et sécurité, qui n'y est pas.

Ça fait que je veux juste comprendre quelle était cette nécessité d'ajouter. Est-ce que c'est pour rassurer une communauté, des communautés? Est-ce que c'est pour rassurer les gens pour la pratique de la religion? Qu'est-ce qu'il y a derrière cette idée? Je veux juste comprendre l'inclusion.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ce n'est pas destiné à une communauté ou à des communautés, c'est un principe... Parce que la liberté de religion, elle s'exprime, elle peut s'exprimer dans la sphère publique. Elle n'est pas réduite à la sphère privée, c'est-à-dire, dans la liberté de religion, il est possible d'arborer un signe religieux dans la sphère publique. C'est un peu ça.

Maintenant, lorsque notre collègue fait référence à la restriction, je vous dis que c'est tout simplement... Puis, comme je mentionnais tout à l'heure à notre collègue, le considérant suivant vient le cadrer, c'est-à-dire que tout ça s'inscrit quand même dans les limites du vivre-ensemble.

Mme Maltais : Ça, je le comprends très bien.

Mme Vallée : O.K. D'accord. Alors, c'est pour ça, lorsque vous dites : La restriction... Nous, on libelle... C'est que, la liberté, le texte de la déclaration des droits de l'homme, il est très clair. Lorsqu'on a regardé les différents libellés, je pense que cette déclaration-là vient exprimer d'une façon toute simple ce qu'est la liberté de religion, de quelle façon elle s'exerce dans une société. Puis par la suite on vient préciser que tout ça s'inscrit, évidemment, comme toutes les libertés individuelles... On dit souvent : Notre liberté individuelle s'arrête là où celle de l'autre commence. C'est que ça ne pourrait porter atteinte au bien-être général, évidemment.

Mme Maltais : Bien, simplement, M. le Président...

Mme Vallée : Mais ça, je sais que ma collègue...

Mme Maltais : Non, je comprends, mais je veux juste dire... On a été chercher cet extrait-là, qui n'est pas nécessaire, à mon sens, où on garantit la liberté de religion, qui est définie ailleurs. Mais ça me va, là, on le laisse là. Mais on ne va pas chercher toute la section 29.2, on va en chercher juste une partie.

Mme Vallée : C'est aussi de bien, bien camper que la neutralité religieuse de l'État n'empêche pas cette liberté de religion. Et la liberté de religion, c'est quoi? Bien, c'est le droit de croire, le droit de ne pas croire, le droit de la manifester, cette croyance ou cette non-croyance-là, le droit de l'exprimer...

Mme Maltais : À l'intérieur des règles édictées par l'État, édictées par l'État.

Mme Vallée : ...à l'intérieur des règles, évidemment, et à l'intérieur des règles du vivre-ensemble et d'une société libre et démocratique.

Mme Maltais : On dit bien... Mais c'est important, là. Dans notre charte, l'État a le droit d'édicter des règles. Voilà.

Mme Vallée : ...et l'État a le droit de restreindre les libertés individuelles. Suffit de le justifier.

Mme Maltais : Tout à fait. Merci.

Le Président (M. Hardy) : C'est bien? Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement au préambule? S'il n'y a pas d'autre intervention, moi, ça va me prendre le consentement pour suspendre cet amendement jusqu'à la fin de l'étude du projet de loi n° 62. Consentement? Parfait. Merci.

Donc, nous continuons nos travaux. Je prends en considération l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Vallée : Oui. Alors là, j'ai un amendement déposé. Je ne sais pas comment mes collègues... si mes collègues préfèrent que je lise le texte, l'article original avant l'amendement.

Le Président (M. Hardy) : Oui, peut-être.

Mme Vallée : Donc : «Considérant la neutralité religieuse de l'État, la présente loi a pour objet d'établir des mesures visant à en favoriser le respect. À cette fin, elle impose notamment aux membres du personnel des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions.

«Elle a également pour objet d'établir des mesures applicables dans le cadre de la prestation des services rendus par ces organismes publics ainsi que par certains autres organismes, notamment les conditions suivant lesquelles un accommodement pour motif religieux peut être accordé.»

Donc, l'amendement vise... propose de remplacer l'article 1 par l'article suivant : «La présente loi affirme la neutralité religieuse de l'État afin d'assurer à tous un traitement respectueux des droits et libertés qui leurs sont reconnus, incluant la liberté de religion des membres du personnel des organismes publics.

«Elle vise par ailleurs à reconnaître l'importance d'avoir le visage découvert lorsque des services publics sont donnés et reçus afin de s'assurer de la qualité des communications entre les personnes, de permettre la vérification de l'identité de celles-ci ou pour des fins de sécurité.

«Elle prévoit en outre des critères devant être pris en considération dans le traitement des demandes d'accommodement pour un motif religieux découlant de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).»

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Avez-vous des commentaires?

Mme Maltais : Oui, c'est ça, des explications. Comme on vient... on l'a eu ce matin, on a travaillé vite.

Mme Vallée : Alors, évidemment, l'article vient bien spécifier que l'objet de la loi consiste à établir des mesures qui visent à en favoriser le respect. Le devoir de neutralité religieuse des membres du personnel des organismes publics est prévu. On le retrouve à l'article 4 du projet de loi. La possibilité d'imposer ce devoir de neutralité de l'État à la personne ou société avec laquelle il conclut un contrat ou une entente répond à certains critères. Donc, on le retrouve à l'article 7. L'encadrement des demandes d'accommodement, on les retrouve à l'article 10, et l'importance du visage découvert et de la prestation et de la réception de services à visage découvert se retrouve à l'article 9 du projet de loi.

C'est donc... L'amendement exprime davantage, peut-être plus clairement les différents objectifs qui sont poursuivis, parce que, dans le premier libellé, il était moins clair. Et donc l'objectif législatif, à notre avis, est très important dans ce contexte-là, et on a cru, à la suite des commentaires entendus en commission parlementaire, on a cru opportun d'y apporter des modifications.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Alors, on va donc discuter à partir de l'amendement et non plus de la proposition principale, à moins qu'on batte l'amendement, parce que là on reviendra sur la proposition principale, mais jusqu'ici on va travailler sur l'amendement de la ministre.

Je vais essayer de comprendre bien comme il faut les différences, parce que la ministre ne nous a pas beaucoup expliqué les différences entre la version originale et la version deuxième. Alors, pourquoi cette nécessité de changer l'article 1? Et quelles sont les modifications majeures et leur portée, s'il vous plaît, pour la compréhension de la commission?

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

• (15 h 40) •

Mme Vallée : En fait, M. le Président, il y a des amendements qui sont des amendements de forme. Dans un premier temps, vous verrez, dans le libellé original de l'article 1, on entamait par un considérant. Considérant le préambule, il y avait une certaine lourdeur au texte. Alors, déjà en partant, il y a un choix de termes qui s'inscrit dans un contexte où un préambule est présenté.

L'importance de réitérer les trois grands principes du projet de loi est là, on le retrouve. Et la neutralité religieuse de l'État, elle est là pourquoi? En quoi est-elle nécessaire au-delà des principes? C'est pour assurer à tous, à l'ensemble des citoyens et des citoyennes un traitement qui est respectueux des droits et libertés qui sont garantis par nos chartes, qui sont reconnus, et ça, ça inclut aussi la liberté de religion des membres du personnel des organismes publics.

Pourquoi? Rappelons-nous, lors des consultations, pour certains, la neutralité religieuse impliquait un devoir de neutralité de l'individu. Et donc, selon une interprétation donnée par certains intervenants, il aurait été impossible, à leur avis, pour un fonctionnaire de porter quelque signe religieux que ce soit. Ce n'était pas du tout l'intention derrière le projet de loi. L'obligation qui est imposée aux agents de l'État, aux fonctionnaires, c'est d'agir en toute neutralité, mais eux, les individus, ont droit à leurs croyances. C'est une distinction très fine.

Et on le retrouve d'ailleurs... On le retrouve dans Saguenay, dans la décision Saguenay, on le retrouve dans la décision Big M. Mais, dans la décision Saguenay, dans les premières pages, même dans l'introduction du juge Gascon, il commence comme suit : «L'État est tenu d'agir dans le respect de la liberté de conscience et de religion de chacun. C'est un droit fondamental que protègent la Charte des droits et libertés de la personnedu Québec et la Charte canadienne des droits et libertés. Son corollaire veut que l'État demeure neutre en la matière. L'interaction entre cette liberté de conscience et de religion et ce devoir de neutralité est parfois délicate.»

Et là il poursuit et... Attendez. Je vieillis et je lis moins... les caractères sont moins clairs.

Mme Maltais : ...je n'ai pas encore la prémisse d'une réponse à ma question.

Mme Vallée : Bien, en fait, vous demandez... notre collègue...

Mme Maltais : Je demande les différences.

Mme Vallée : ...voilà, la différence. Alors, on fait cette différence-là. Et pourquoi on le fait? Pourquoi on vient préciser? Bien, la différence, vous voyez, regardez le libellé...

Mme Maltais : Quelle est la différence — s'il vous plaît, veuillez la dire au micro, qu'on l'entende — entre la version initiale et la version deuxième ? Sinon, c'est moi qui vais être obligée de l'expliquer au monde.

Mme Vallée : C'est parce que l'interprétation... Je sais où ma collègue veut m'amener, là, mais... Non, mais il y a... Je l'explique. Peut-être que je ne l'explique pas de la façon dont vous l'expliqueriez, mais il ne faut pas vous choquer pour ça, bon, c'est ça.

Le Président (M. Hardy) : On continue.

Mme Vallée : Alors, dans l'article 1 du projet de loi, c'est vrai qu'on ne faisait pas référence au principe du visage découvert, puis c'est important aussi de le faire. Et on parlait... on faisait référence à la neutralité religieuse de l'État et on faisait référence à l'imposition aux membres du personnel des organismes publics, ce devoir de neutralité religieuse là, mais, dans les consultations, il est apparu évident que ce libellé-là donnait ouverture à une interprétation qui n'était pas celle souhaitée parce que, pour certains, ce libellé-là empêchait le port de signes religieux par des fonctionnaires, ce qui n'est pas le cas. Puis on ne veut pas revivre certaines histoires que l'on a pu vivre par le passé. Donc, il nous est apparu important de venir le préciser, que la neutralité religieuse de l'État, la neutralité qui est demandée au personnel, elle inclut, elle reconnaît quand même... elle reconnaît la liberté de religion, elle reconnaît les libertés individuelles des gens.

Pour éviter cette interprétation, on l'a mis clairement. On a également mis clairement l'explication, la référence au visage découvert. On ne l'avait pas mis dans la première mouture parce qu'on trouvait que c'était redondant. On a choisi de le mettre parce qu'encore une fois on a donné... certains parlementaires, certains individus ont donné au projet de loi une portée qui n'était pas tout à fait celle qui était à l'origine du projet de loi.

Puis on explique pourquoi. Cette obligation de visage découvert, elle vient d'où? Elle existe pourquoi? Elle existe pour des raisons de sécurité, elle existe pour des raisons d'identification, pour des raisons de communication, parce que, dans une société libre et démocratique, il est important de pouvoir s'assurer d'une communication qui est fluide entre l'État et les citoyens. Puis évidemment on revient avec les critères, les mesures qui sont prises en considération dans le traitement des demandes. Il y a un libellé qui est différent, oui, dans un souci de clarté, M. le Président, tout simplement. Ça vous va?

Mme Maltais : M. le Président, je vais donc... c'est tellement clair que je vais être obligée de l'expliquer, comme je le disais, mais ma vision, on va dire que je vais expliquer ma vision.

Si je prends le libellé, on commençait, dans l'ancienne loi, par : «Considérant la neutralité religieuse de l'État...» On pourrait dire autre chose que ça, que le considérant, mais ce n'est pas sur le considérant qu'il y a un gros changement, là. Ce qu'il y avait avant, c'était : «...la présente loi a pour objet d'établir des mesures visant à en favoriser le respect.» Donc, la loi était là pour assurer le respect de la neutralité religieuse de l'État, le devoir d'assurer la neutralité religieuse de l'État. C'est une loi pour ça, et c'est ça, le titre de la loi, c'est le respect de la neutralité religieuse de l'État.

Quel est le nouveau libellé du premier morceau? Le nouveau libellé dit : «La présente loi affirme la neutralité religieuse de l'État...» Pourquoi? Est-ce que c'est pour assurer la... pour protéger les gens qui font affaire à l'État? Est-ce que c'est pour quoi que ce soit d'autre? C'est pour «assurer à tous un traitement respectueux des droits et des libertés qui leur sont reconnus, incluant la liberté de religion des membres du personnel et des organismes publics». La loi n'est plus là pour établir des mesures visant à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État, la loi est là pour permettre la liberté de religion du membre du personnel des organismes publics, ce qui, à mon sens, est déjà permis.

Mais donc la loi, elle vient de se virer de bord. Elle était là pour assurer la neutralité religieuse de l'État par ses fonctionnaires. Et justement, dans l'article 4, on retrouvait cette idée que les fonctionnaires devaient avoir un devoir de neutralité religieuse. Or, comme par hasard, à l'article 4 aussi, la neutralité religieuse demandée aux fonctionnaires disparaît. C'est ce qu'on me dit. Le mot «neutralité religieuse», la demande, disparaît.

Donc, ce que je vois dans ce premier changement, c'est qu'on fait disparaître que la loi est pour le respect de la neutralité religieuse... bien, sur l'autre bout, on verra, sur 4, là, mais ce que je comprends de 1 puis ce qu'on me dit, c'est que ça disparaît.

Mme Vallée : ...de le lire.

Mme Maltais : Je l'ai lu, là, puis on me dit que c'est...

Mme Vallée : C'est parce que 4, il est clair, là. Il faut juste faire attention, là.

Mme Maltais : «Le respect du principe [...] comprend notamment le devoir [...] d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une personne...» Mais le principe qu'un fonctionnaire doit avoir un devoir de neutralité religieuse, lui, il est enlevé. Ces mots-là, «neutralité religieuse», sont enlevés du 4. Enfin, vous le relirez, vous autres aussi. Mais ce n'est pas là le débat, là, pour moi, c'est le 1.

Ensuite, donc : «À cette fin, elle impose — ce qui était écrit avant — notamment aux membres du personnel des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions.» Les mots «neutralité religieuse dans le devoir» sont disparus.

Après ça, on amène le visage découvert, d'ailleurs le terme, ce n'était pas là avant, mais : «Elle vise par ailleurs à reconnaître l'importance...» On ne dit pas «l'obligation». Je vous le dis tout de suite, ça devrait être l'obligation. C'est une obligation ou ce ne l'est pas, là. Ce n'est plus une importance, c'est une obligation. Là, là, je suis sûre qu'on va s'entendre là-dessus. Mais on ramène les balises, la qualité des communications entre les personnes, la vérification de l'identité ou des fins de sécurité, donc on ramène ces balises qui étaient... à notre avis, qui n'étaient pas suffisantes. C'est une obligation qu'on veut. On ramène la possibilité, on ramène cette ouverture qu'il y avait dans l'article 9, cette brèche, à mon avis. Première lecture. On me convaincra du contraire, la brèche est réouverte ici. Voilà.

Alors, sur le reste, le deuxième paragraphe permet «d'établir des mesures applicables [...] rendus par ces organismes[...], notamment les conditions selon lesquelles un accommodement pour un motif religieux peut être accordé.» Là, il y a des changements, on les verra au détail, mais on était déjà là-dessus.

Mais, au départ, sur l'objet de la loi, est-ce que la loi, c'est la neutralité religieuse de l'État et des mesures pour faire respecter la neutralité religieuse de l'État? En ce sens, vous n'auriez pas dû changer. On a changé de libellé pour enlever cette idée-là, et c'est une loi pour s'assurer, à mon avis, du respect de la liberté religieuse des fonctionnaires. Il y a quelque chose de fondamental dans la réécriture de cet article, qui me surprend beaucoup, puis c'est là-dessus que je veux une explication. Pourquoi c'est disparu, cette idée que cette loi a pour objet d'établir des mesures visant à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État? Cette phrase, si claire, si simple, est disparue.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

Mme Vallée : On aurait long à dire. En fait, l'article 1, c'est une déclaration d'objet. L'article 1 se lit avec l'ensemble des dispositions. Il n'y a rien qui disparaît dans le projet de loi. Et je comprends, là, qu'on cherche des lignes frappantes, mais pas du tout. On a...

Une voix : ...

Mme Vallée : Non, M. le Président, j'ai écouté ma collègue.

Mme Maltais : Question de règlement. Une question de règlement. Juste, simplement, on ne cherche pas des lignes frappantes, c'est une intention. Je cherche à éclairer la commission.

Mme Vallée : Bien, M. le Président, j'ai expliqué. Il y a, oui, des modifications dans le libellé, des modifications qui s'imposent en raison de l'interprétation qui a pu lui être donnée en commission parlementaire. La neutralité religieuse, elle est claire, elle est définie, c'est-à-dire que l'État et se représentants ne doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, aucunement favoriser ou défavoriser quelqu'un ou un organisme en raison... pour des motifs d'ordre religieux, des motifs de croyance ou de non-croyance. On le verra également davantage dans les articles qui vont suivre parce qu'on y fait référence, on fait référence à la neutralité.

L'importance du visage découvert, il est important d'expliquer, lorsqu'on exprime un principe, encore faut-il expliquer dans quel contexte. Pourquoi est-ce important au Québec que la prestation des services soit rendue et reçue à visage découvert? Bien, c'est pour des raisons... pour assurer la qualité des communications entre les individus, des enjeux de sécurité, permettre la vérification d'identité. C'est tout à fait normal que ces principes-là se retrouvent dans l'objet de la loi. C'est tout à fait normal qu'on retrouve ces paramètres-là dans la loi. C'est tout à fait normal. Il n'y a aucune brèche.

Si ma collègue entend, par brèche, les principes de respect des chartes des droits et libertés des personnes, je vous dirais : Ce n'est pas tout à fait... Respecter les libertés individuelles, M. le Président, moi, je ne considère pas que c'est une brèche puis dans ce dossier-là, comme dans d'autres dossiers, je ne considère pas que c'est une brèche, mais on explique pourquoi. On explique pourquoi, dans quel contexte s'inscrit cette obligation-là de visage découvert. C'est normal, c'est notre responsabilité de le faire, puis on prévoit... l'autre élément qui ne semble pas porter problème au niveau de notre collègue, c'est l'encadrement des balises.

Ce projet de loi là, il vise ces grands principes là, et, lorsqu'on lit l'article 1, bien, on doit le lire aussi avec l'article 4, on doit le lire avec l'article 9 et, oui, on reconnaît le droit de religion des individus. C'est parce qu'on vient camper cette distinction que l'on retrouve dans la jurisprudence, où on dit : L'État est neutre, puis les individus doivent faire preuve de neutralité dans le cadre de leurs fonctions. Ça ne veut pas dire que les individus sont neutres et sont contraints à ne pas manifester leur liberté de religion, à ne pas manifester leurs droits.

On n'est pas dans le projet de loi n° 60, là, où il y a une interdiction de signes religieux, on n'est pas là, et c'est important aussi de le mentionner, parce que des gens ont fait un parallèle, lors des consultations, et prétendaient à tort que la neutralité religieuse impliquait des obligations qui étaient prévues à l'époque dans le projet de loi n° 60. On n'est pas là, puis je ne suis pas gênée de le dire. On n'a jamais été sur cette page-là. Alors, on le mentionne.

Par contre, justement, même si un individu, un fonctionnaire a le droit de porter son signe religieux, dans la prestation de services cette personne-là doit faire preuve de neutralité, au même titre que celui et celle qui n'est pas croyant doit faire preuve de neutralité dans la prestation de services à l'égard d'un citoyen qui manifeste son appartenance à une croyance religieuse, à une religion. C'est ça, la distinction.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président, bon, on peut s'entendre qu'on va essayer d'échanger. O.K. Je note que l'obligation, pour un membre de la fonction publique, d'avoir un devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions est disparue du nouvel article 1. Pourquoi cela est-il disparu? Point comme question. J'attends toujours une réponse.

Mme Vallée : On l'affirme, on l'affirme. La neutralité religieuse, dans le fond, elle est là. On la retrouve à l'article 4 en passant. Puis la neutralité religieuse, elle est là pourquoi? C'est quoi l'objectif de la neutralité religieuse de l'État? C'est d'assurer un traitement équitable. On n'enlève pas l'obligation de neutralité, M. le Président. Ça va de soi. La neutralité de l'État implique la neutralité dans la prestation des services.

Et le projet de loi, évidemment, à l'article 4, lorsqu'on retrouve l'amendement... Parce qu'évidemment il y a... «Le respect du principe de neutralité religieuse de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs propres convictions ou croyances religieuses ou [...] celles d'une personne en autorité.» Ne venez pas me faire dire qu'on enlève l'obligation de neutralité religieuse du personnel de l'État. Il est là, il est écrit noir sur blanc. Il est à l'article 4. Je ne peux pas tout mettre le contenu du projet de loi dans l'article 1.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Écoutez, je renote ce que je viens de dire, c'est qu'il y avait des choses qui étaient des devoirs pour les membres de fonction publique qui sont traitées différemment. Je pose la question : Pourquoi est-ce qu'on a décidé de le traiter différemment? Est-ce qu'il y a des termes juridiques qui ne faisaient pas l'affaire? Ça, je n'ai pas de réponse à ça. On me dit : C'est déjà là. Bon, c'est drôle, parce qu'avant on trouvait nécessaire de l'inscrire, là, on ne trouve plus nécessaire de l'inscrire, on ne trouve plus nécessaire d'inscrire qu'elle imposait aux membres du personnel le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions.

Je comprends qu'il y a des gens qui ont pensé — j'essaie de décoder la ministre — que ça voulait dire qu'ils étaient obligés d'enlever un vêtement d'ordre religieux. Je comprends qu'elle n'a pas su les convaincre que ça ne voulait pas dire ça, parce qu'on a tous essayé de les convaincre que ça ne voulait pas dire ça.

Maintenant, je suis donc... je vais vraiment réfléchir à la position de la ministre. Là, on est aussi pognés parce que, comme c'est un amendement, on l'étudie d'un coup, on n'est plus alinéa par alinéa, paragraphe par paragraphe. Ça coupe toujours un peu la discussion. Je veux juste comprendre la fermeté que ça donne au devoir de neutralité religieuse. J'ai une impression d'édulcoration, voilà l'impression que j'ai. On m'avait dit que ce n'était pas un projet de loi sur le linge, tout le monde a dit que ce n'était pas un projet de loi sur le linge pour la ministre, on l'a tous entendu, puis là tout à coup elle nous dit : Non, mon projet de loi, ils ont eu peur que ce soit sur le linge, je l'ai changé. Alors, c'est pour ça que je suis un peu dubitative, M. le Président. Je vais arrêter là pour le moment.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup.

À ce moment-ci, je suspendrais les travaux pour qu'on prenne une petite pause. Ça fait que, si ça fait votre affaire, je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Hardy) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous étions en discussion sur l'amendement proposé par la ministre sur l'article 1, et la parole est à vous, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Très bien, M. le Président. Alors, je vais proposer un sous-amendement : Modifier l'amendement remplaçant l'article 1 en ajoutant, à la fin du premier alinéa du nouvel article 1, ce qui suit :

«À cette fin, elle impose notamment aux membres du personnel des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions.»

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons suspendre nos travaux pour recevoir votre amendement.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Hardy) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous avons reçu le sous-amendement déposé par la députée de Taschereau. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole.

Mme Maltais : Écoutez, simplement, il faut savoir que, les uns les autres, on vit tous avec les amendements des autres, et que, là, c'est un amendement sur une réécriture totale de l'objet de la loi. Alors, c'est pour ça qu'il faut qu'on s'entende bien, parce qu'après l'objet de la loi... On s'est bien entendus sur le préambule. On est allés chercher, de chaque côté, des aménagements. Mais là, sur l'objet de la loi, c'est le sens de la loi, ensuite. Comme le disait la ministre, ils ont retravaillé l'architecture, mais nous, on n'était pas présents quand il y a eu le travail de l'architecture. Ça fait que, là, on a une petite surprise, puis on remarque qu'il y a quelque chose qui, pour nous, à notre avis, est important de retrouver dans l'objet de la loi, et on veut le ramener, tout simplement.

Ceci dit, nous avons pris exactement le libellé que la ministre avait dans son ancienne loi, toujours dans l'esprit de : On va essayer de se donner le moins de trouble possible. On essaie de comprendre votre réflexion, votre pensée, puis on ramène cet élément qui, pour nous, à l'époque, ne faisait pas de problème. On aurait mieux aimé... À l'époque, c'est ça que j'avais dit, j'aurais mieux aimé le mot «laïcité». On essaie de l'introduire dans le préambule. Mais ici, sur la neutralité religieuse, sur ce bout-là, on n'avait pas de problème. Là, on essaie de se retrouver un peu dans cette nouvelle architecture.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, M. le Président, je vais dire, il y a eu... Puis, en toute transparence, on a travaillé avec nos équipes à la rédaction du projet de loi, puis je pense qu'en cours de route, à force de se lire, on se dit : Ah! bien, finalement, le texte serait plus clair de cette façon-là. Il n'y a pas d'intention de retirer quoi que ce soit, de retirer l'obligation de neutralité religieuse, parce que d'ailleurs on la retrouve clairement à l'article 4, dans une section qui prévoit les obligations qui sont celles des représentants du personnel des organismes publics.

Mais de reprendre le libellé... Ce sera un petit peu répétitif, tout simplement, mais, de le reprendre, si c'est important et si ça nous évite de donner un sens au projet de loi qui n'est pas celui qu'on souhaite, il n'y a pas de problème. Puis, dans ce sens, je suis tout à fait prête à adopter la proposition de notre collègue et ajouter cette référence-là dans l'objet de la loi, puis on le trouvera à l'article 4. Si jamais les collègues trouvent que c'est trop lourd, on refera... mais il n'y a pas d'enjeu, ça ne pose pas de problème.

Mme Maltais : M. le Président, ça me satisfait totalement pour cette partie-là. On va discuter, je vous l'ai dit, de l'autre, là, il y a le mot «importance», mais, pour moi, ça me rassure quant aux intentions. Et je prends, à ce moment-là, tout à fait l'intention de la ministre que ce n'est pas ce qu'elle désirait puis que maintenant on s'entend sur l'intention.

Mme Vallée : Parce que, petit clin d'oeil, on a procédé aux consultations l'automne dernier, puis, avec les équipes, avec les gens du ministère, il y a eu beaucoup de travail, tout en travaillant sur d'autres projets de loi, sur l'adoption... sur le projet de loi n° 98, nos équipes ont été à pied d'oeuvre. Je les remercie en passant. Mais tout ça... Ils ont toujours souhaité bonifier le projet de loi, arriver... et c'est la même chose pour nous, parce que des fois c'est moi qui mettais mon grain de sel. Bref, l'important, c'est, pour nous, d'en arriver à un texte qui va être clair puis à une compréhension claire quant à l'esprit, quant à l'objet du projet de loi de la part des parlementaires.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais à mon tour m'exprimer sur, effectivement, le sous-amendement et, du même souffle, l'amendement, parce que j'ai laissé parler ma collègue, et moi aussi, quand j'ai eu l'amendement de Mme la ministre, j'ai été très surprise, parce qu'on avait préparé des amendements avec les textes originaux, et là on voit que c'est une grosse refonte. Mais ce qui me frappe, c'est que, lors de la mouture originale, c'est-à-dire le projet de loi n° 62 tel que déposé en juin 2015, l'article 1 — et on sait que l'article 1, c'est l'objet de la loi — c'était le respect de la neutralité religieuse de l'État. Lorsqu'on lit l'amendement actuel, ici, on vient d'assurer la liberté de religion des membres du personnel, alors ce qui me semble être une valorisation accrue du religieux dans l'État. Moi, ça me chicote qu'on change d'angle comme ça, en édictant dans l'article 1 cette assurance de la liberté de religion aux membres du personnel. C'est vraiment, comme je vous le dis, une valorisation du religieux, alors que, nous, ce que l'on veut, c'est un État laïque, alors c'est moins de religieux dans l'État, alors qu'ici on part... Avec la première phrase, on va assurer la liberté de religion à tous, alors que cette liberté est déjà, Mme la ministre le sait très bien, dans nos chartes. Donc, on part avec ça, et, moi, ça me dérange, puisqu'il n'y a aucune mention de la laïcité de l'État. Et donc on enlève la laïcité de l'État, qui, elle, dirait : Pas de religieux dans l'État, et on vient dire qu'avec cet amendement on va assurer la liberté de religion, au lieu de ce qu'on disait initialement, on va respecter la neutralité religieuse.

C'était un commentaire. Parce que moi, je trouve que c'est une affirmation très forte de cette volonté d'affirmer et de valoriser le religieux dans l'État. C'est mon interprétation. C'est ma perception de la rédaction de cet amendement de l'article 1. J'invite les gens à lire les deux articles 1, celui de juin 2015 et celui qui vient de nous être présenté. C'est une affirmation du religieux dans l'État en partant — est-ce nécessaire? — alors que nous, nous souhaitions, de notre côté, une laïcité qui n'est pas là.

Pour revenir au sous-amendement de ma collègue, revenir au fait que les membres du personnel ont le devoir de neutralité, je pense que ça va de soi. C'est important de le signaler, ce devoir de neutralité dans l'exercice de leurs fonctions. Mais je vous répéterais, M. le Président, qu'un devoir de neutralité sans édicter une laïcité, ça tient à quoi, là? Et ça va ouvrir la porte à de l'interprétation, je persiste et je signe. Voilà. Mais je suis d'accord avec le fait de le rajouter et non pas de l'omettre puisque, dans l'amendement de Mme la ministre, il n'est pas là, ce devoir, et il l'était de façon initiale. C'est mon commentaire.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre, avez-vous quelque chose à rajouter? C'est beau?

Mme Vallée : Rien de particulier, non. Je pourrais, mais je réitérerais des choses que j'ai déjà dites. Alors, on va essayer d'économiser le temps, pour éviter que je me fasse...

Le Président (M. Hardy) : Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement de l'article 1 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Hardy) : Adopté sur division? O.K. Là, on passe à l'amendement. Est-ce que...

Une voix : ...

Le Président (M. Hardy) : Adopté, oui. Adopté sur division.

M. St-Denis : ...pas sur division, je pense.

Le Président (M. Hardy) : Adopté, adopté? Bon, parfait. Parfait. Donc, adopté sur... Adopté.

Donc, on retourne à l'amendement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?

Mme Maltais : ...je veux comprendre pourquoi...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Pourquoi, dans le nouveau libellé, on dit : «Elle vise par ailleurs à reconnaître l'importance d'avoir le visage découvert», alors que, dans l'article 9, on dit qu'on doit avoir le visage découvert? C'est-à-dire que c'est un devoir. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas mis — parce que c'est la proposition que je vais faire, je vous le dis tout de suite — le mot «l'obligation»? Première question. Ma deuxième question... Parce que moi, je trouve que c'est une obligation, parce que c'est une obligation, d'ailleurs, dans le 9. Je ne vois pas pourquoi on ne le dit pas. Parce qu'il ne faut pas être incohérent entre 9 et l'objet de la loi. L'objet de la loi, c'est fort.

Deuxièmement, on ramène tout à coup «afin de s'assurer de la qualité des communications». Pourquoi on ramène ça, alors qu'on l'avait enlevé de l'autre partie?

C'est mes deux questions.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

• (16 h 30) •

Mme Vallée : En fait, tout ça s'articule parce que, sur le principe du visage découvert, qui est le principe général, alors... et on explique le pourquoi de ce principe-là, et les obligations, bien, on les retrouve libellées dans le projet de loi. C'est parce que, là, on revient... En fait, je comprends, ma collègue me dit : Bien, est-ce qu'on peut reprendre certains libellés?, mais, dans l'objet du projet de loi, on ne peut pas reprendre mot pour mot, disons, l'article 4, reprendre mot pour mot l'article 9. Alors, le principe est que les services sont offerts et reçus à visage découvert, c'est ça. Et, dans le libellé, on l'explique. C'est important, ce n'est pas juste un principe, c'est important, il y a une importance. Donc, ce terme-là, il n'est pas banal. Et, dans l'objet de la loi, on explique le fondement dès le départ, puis après l'obligation bien précise, elle est campée à l'article 9. Donc, le fondement ne vient pas... l'utilisation du terme «importance» ne vient pas diluer l'obligation. Et là-dessus... Parce que, lorsqu'on lit l'article 9, l'article 9 s'inscrit dans une section où l'on retrouve les devoirs des membres du personnel, les devoirs de neutralité et de réserve, les mesures au sein des différents organismes, les règles, les services à visage découvert. Le devoir, il est là dans le dispositif. L'obligation, elle est là. Ce n'est pas «peut exercer ses fonctions à visage découvert», c'est un droit, c'est une obligation. Alors, l'obligation, elle est présente dans la législation. Et c'est le terme, on utilise «l'importance».

Mme Maltais : Peut-être, M. le Président, une petite question. Vous avez des juristes avec vous. Est-ce que le libellé de «l'importance» qui est dans l'objet de la loi pourrait interférer avec la compréhension de l'interprétation de l'article 9 si quelqu'un demande un accommodement, puisqu'un accommodement est toujours possible, puisque, comme vous l'avez dit vous-même, Mme la ministre, dans la charte, il y a une obligation d'accorder un accommodement si nécessaire? Est-ce qu'il peut y avoir référence à 1 pour affaiblir l'article 9 dans une cause?

Mme Vallée : Écoutez, une obligation est une obligation, je ne vois pas en quoi on viendrait fragiliser une obligation. L'utilisation du terme «importance» signifie... quand même, est significative parce qu'on... Plutôt, même, d'utiliser... Et là on aurait pu ne pas référer à l'importance. On aurait pu parler d'un principe de service, de prestation de services à visage découvert. Non, on prévoit... Il y a une importance. Pourquoi? L'importance, c'est en raison des critères, pour des critères de sécurité, pour des critères de communication, des critères d'identification. C'est pour ça que c'est important d'avoir des... On explique pourquoi il est important, pourquoi ce principe-là, cette obligation se retrouve à l'article 9 du projet de loi.

Mme Maltais : Autre question.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je comprends qu'on l'explique, là, mais ensuite est-ce qu'il pourrait y avoir, par exemple, plaidoyer à l'effet que ce sont les trois seules raisons pour lesquelles il pourrait y avoir obligation d'avoir le visage découvert? Vous comprenez? J'essaie de voir pourquoi on retrouve ça là. Avant, il n'était pas là, ça fait qu'on ne se posait pas de questions, on lisait l'article 9. Maintenant qu'on le ramène, on pèse chaque mot. S'il n'était pas là, je ne vous poserais pas de questions, j'irais à 9 direct.

Mme Vallée : Mais, pour nous, il est important d'expliquer dès l'objet du projet de loi d'où vient cette obligation du visage découvert, de la prestation et de la réception de services à visage découvert, pourquoi, dans la société québécoise, on a ce principe-là qui est, en fait, une obligation dans la réception et dans la prestation des services. Donc, on vient, dans l'objet du projet de loi, l'expliquer. Et je pense que, ne pas y faire référence... M. le Président, ne pas y avoir fait référence, à mon avis, aurait fragilisé le projet de loi parce que c'est important d'expliquer pourquoi.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Ça va.

Le Président (M. Hardy) : Ça va?

Mme Maltais : Je vais réfléchir pendant que je vais laisser d'autres intervenir.

Le Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement, tel qu'amendé, à l'article 1 est adopté?

Mme Maltais : Un instant, M. le Président. Vous êtes rendu à quoi, là?

Le Président (M. Hardy) : À l'amendement.

Mme Maltais : Ah! O.K. Excusez-moi. Je pensais qu'il y aurait d'autres commentaires, c'est pour ça que je laissais aller, mais j'ai...

Le Président (M. Hardy) : Non, O.K., il n'y avait pas d'autre commentaire. Mais on peut revenir à vous, là, si vous voulez.

Mme Maltais : Non, mais est-ce qu'il y a d'autres amendements? C'est parce que ma collègue de Montarville avait annoncé des amendements, ça fait que je trouvais que ça allait vite, tout d'un coup.

Le Président (M. Hardy) : Ah! O.K. C'est parce que je l'ai demandé, personne ne m'a répondu.

Mme Maltais : C'est pour ça que j'étais sûre qu'il y avait d'autres commentaires.

Le Président (M. Hardy) : Bon, revenons. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Alors, de un, moi aussi, le deuxième paragraphe, lorsqu'on me parle de l'importance d'avoir le visage découvert... En droit, on ne met pas des qualificatifs, mais on crée des devoirs, des obligations. Alors, j'aurais aimé voir l'obligation également. Je trouve que... Je comprends que Mme la ministre a donné son explication, mais, pour nous, c'est un principe, là, les services doivent être donnés et reçus à visage découvert. Ce n'est pas une importance, c'est une obligation.

Par ailleurs, nous avons des amendements qui, eux... mais, compte tenu du fait, là, que les articles ont changé, ils sont totalement différents de ce que la ministre vient de nous soumettre comme amendement à son projet de loi.

Écoutez, je vais vous le soumettre quand même, notre premier. J'ai un amendement pour l'article 1. On suspend pour que je vous le donne?

Le Président (M. Hardy) : Excusez-moi, juste une petite minute.

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Hardy) : Donc, nous reprenons nos travaux. Je reçois votre sous-amendement, Mme la députée de Montarville, mais je veux vous dire qu'habituellement un sous-amendement ne peut venir remplacer le texte complet d'un amendement, d'autant plus qu'il a déjà été amendé. Mais cette fois-ci je vous laisse aller avec ça pour qu'on puisse en discuter pareil. Ça fait qu'à vous la parole.

Mme Roy : Merci beaucoup, j'apprécie le geste. On reprend en partie une portion de l'amendement de la ministre, mais on reprend également l'ancien libellé. Donc, sous-amendement : Modifier l'amendement à l'article 1 du projet de loi en le remplaçant par :

«1. La présente loi affirme le caractère laïque de l'État québécois. La présente loi a pour objet d'établir des mesures visant à en favoriser le respect. À cette fin, elle impose notamment aux membres du personnel des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions.

«Elle vise par ailleurs à reconnaître l'obligation d'avoir le visage découvert lorsque des services publics sont donnés ou reçus afin de s'assurer de la qualité des communications entre les personnes, de permettre la vérification de l'identité de celles-ci ou pour des fins de sécurité.

«Elle a également pour objet d'établir des mesures applicables dans le cadre de la prestation des services rendus par ces organismes publics ainsi que par certains autres organismes, notamment les conditions suivant lesquelles un accommodement pour un motif religieux peut être accordé.»

Alors, vous comprendrez ainsi que nous avons repris en partie l'article 1 initial avec lequel nous travaillons depuis le tout début. Nous avons inséré une portion de l'amendement de la ministre en lieu et place du deuxième alinéa. Donc, nous avons un sous-amendement de trois alinéas.

Pour nous, il est important d'édicter que l'État québécois est laïque. Alors, où fallait-il le mettre, si ce n'était dans le préambule, préambule que nous adopterons plus tard, mais si ce n'est que dans l'article 1? Je pense que c'est la base de tout. C'est la raison pour laquelle nous voulions le mettre là. Je comprends que Mme la ministre n'a pas l'intention de le mettre, mais je me devais de déposer cet amendement pour bien marquer le point, à l'effet que nous demandons d'inclure dans cette loi le constat que l'État québécois est laïque, un constat qui est peut-être de facto, mais qui n'a jamais été écrit, édicté dans une de nos lois, et on croit, ma formation politique et moi-même, que ce serait important d'écrire que l'État québécois est laïque en quelque part. Le message serait clair et précis. Il pourrait nous éviter beaucoup de discussions. C'est nos prétentions.

Donc, pour notre part, il est important de mettre que l'État québécois est laïque en quelque part. L'article 1 est le meilleur endroit pour le faire, d'établir des mesures visant à favoriser le respect de cette laïcité.

Je vous amène l'alinéa n° 2, qui est fortement inspiré de l'amendement de la ministre mais pour lequel nous substituons les termes «reconnaître l'importance d'avoir le visage à découvert» par «l'obligation d'avoir le visage à découvert». Pour nous, c'est une obligation, ce n'est pas un caprice ou ça ne revêt pas une importance comme certaines choses sont importantes mais pas obligatoires, il y a une grosse différence à cet égard. Pour nous, il fallait le mettre là, puisque c'est l'objet de la loi. Et je sais qu'il y a l'article 9 qui en traitera ultérieurement.

Et nous avons conservé le troisième alinéa de l'article 1 initial dans la mesure où il faut établir des mesures applicables dans le cadre de la prestation de services rendue par les organismes publics ainsi que certains autres organismes, notamment en ce qui a trait aux fameux accommodements, pour qu'un accommodement au motif religieux soit accordé. Et tout ce débat, nous l'avons eu en commission parlementaire puisque les groupes, et là de mémoire, ça me vient comme ça à l'esprit, les groupes qui représentaient... entre autres les écoles, des commissions scolaires, des écoles sont venues nous dire : On n'a pas de guide, on ne sait pas à quel moment on doit accorder ou non un accommodement qui se veut religieux dans le cadre de l'enseignement que nous offrons aux enfants. Et c'est la raison pour laquelle il faut que les accommodements soient encadrés, que les balises soient claires, pour que ceux qui offrent le service, qui sont confrontés à des demandes, puissent nous dire puis justifier si c'est ou non raisonnable, parce qu'on voit toutes sortes de choses dans l'actualité, et ça prend des données précises pour que les donneurs de services savent ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire. Et, je pense, ces gens des commissions scolaires m'avaient beaucoup touchée lorsqu'ils disaient qu'ils tentaient de colliger ce qui se faisait, ce qui ne se faisait pas, ce qui était permis, ce qui ne l'était pas, mais ça restait encore du domaine flou parce qu'il n'y avait pas de guide précis. Alors, c'est la raison pour laquelle on a mis ce troisième alinéa là.

Et je reviens au fait que nous avons conservé le libellé de la première mouture du projet de loi parce que, selon nous, l'amendement de la ministre dont l'objet est d'assurer la liberté de religion des membres du personnel des organismes est une valorisation accrue du religieux dans l'État. C'est notre prétention. C'est la raison pour laquelle on revenait au libellé original, qui, lui, priorisait la neutralité religieuse de l'État. Et, nous, oui, la neutralité, mais, pour que la neutralité ait un sens, il faut y accoler la laïcité. Un va avec l'autre, selon nos prétentions.

Alors, voilà, je vous le soumets respectueusement.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, en fait, je ne referai pas les échanges et les débats de ce matin. Alors, pour, entre autres, la référence au caractère laïque et le retrait du principe de neutralité, bien, en fait, on y fait référence, mais on ajoute le caractère laïque. Puis, comme je l'ai mentionné, ce n'est pas un projet de loi sur la laïcité de l'État, on l'a clairement dit, c'est la neutralité, c'est un projet de loi qui vise à reconnaître la neutralité religieuse de l'État. Donc, à cet égard-là, je peux difficilement voter en faveur du sous-amendement.

Puis, pour ce qui est... Parce qu'il y a quand même des modifications substantielles, là, au niveau de l'objet de la loi, maintenant, et je pense qu'on est... Les autres modifications sont plus des modifications de forme, je crois.

Donc, pour ce qui est de l'amendement, moi, je pense qu'on a eu la chance d'échanger, là. Et on modifie substantiellement l'article 1, là, avec le sous-amendement. Donc, dans ce contexte-là, je n'irai pas plus loin. Je pense que je vais référer les gens à nos échanges de ce matin sur la laïcité et la neutralité, je pense que ça a permis de mettre la table un petit peu sur le positionnement de chacun, parce que la laïcité à laquelle fait référence notre collègue n'est même pas la même laïcité à laquelle faisait référence notre collègue de Québec solidaire. Alors, il y a une interprétation de la laïcité qui est tellement différente. Pour nous, en soi, ça pose problème.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Bien, je le mettrais aux voix, tout simplement. Moi, je... Oui, peut-être mes collègues voudraient rajouter quelque chose.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

• (17 heures) •

Mme Maltais : Je pense que je vais un peu résumer l'opinion de mes collègues sur cet amendement en disant qu'on le trouve très... Il confirme... Il va dans le sens de ce qu'on a débattu depuis le début, c'est-à-dire que la laïcité fait partie des principes que nous voudrions retrouver dans la loi. Qu'elle soit dans le préambule serait un dispositif, pour nous, d'interprétation, en parlant de son caractère historique. Donc, en affirmant le caractère laïque, pour nous, on va très bien.

Et, pour le reste, l'obligation d'avoir le visage découvert, bon, c'est un peu ce dont on avait débattu, mais on n'avait pas décidé d'en faire un sous-amendement. Mais évidemment on va voter... Je pense que je peux résumer en disant dire qu'on va voter pour la proposition de la CAQ.

Le Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement proposé par la députée de Montarville? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement de l'article 1 est adopté?

Mme Roy : Est-ce qu'on peut voter...

Le Président (M. Hardy) : Vote nominal? Vote nominal. Quatre contre quatre, il n'y a pas de problème.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme Roy (Montarville)?

Mme Roy : Pour mon sous-amendement.

Le Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?

Mme Vallée : Contre.

Le Secrétaire : M. Plante (Maskinongé)?

M. Plante : Contre.

Le Secrétaire : M. Rousselle (Vimont)?

M. Rousselle : Contre.

Le Secrétaire : M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Chevarie : Contre.

Le Secrétaire : Mme Maltais (Taschereau)?

Mme Maltais : Pour.

Le Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?

M. Rochon : Pour.

Le Secrétaire : M. Villeneuve (Berthier)?

M. Villeneuve : Pour.

Le Secrétaire : M. le Président?

Le Président (M. Hardy) : Je m'abstiens. C'est rejeté. Oui, je n'ai pas besoin de voter. Quatre contre quatre.

Mme Maltais : Quatre contre quatre, bien, ce n'est pas adopté. Je m'excuse, M. le Président, à quatre contre quatre ce n'est pas adopté?

Le Président (M. Hardy) : J'ai eu des mauvaises informations?

Une voix : ...

Le Président (M. Hardy) : O.K. En commission parlementaire, c'est une majorité de cinq qui... Quatre contre quatre, c'est rejeté.

Mme Maltais : Quatre contre quatre, c'est rejeté?

Le Président (M. Hardy) : Oui.

Mme Maltais : C'est parce que je n'étais jamais arrivée en situation d'égalité, ça fait que je ne savais pas. Quatre contre quatre, c'est rejeté. D'accord.

Le Président (M. Hardy) : C'est ça qu'on m'a informé.

Mme Maltais : Pour l'adopter, c'est majorité plus un, puis notre collègue de Québec solidaire n'a pas droit de vote.

Le Président (M. Hardy) : Non.

Mme Maltais : D'accord. Ça aurait été intéressant quand même d'entendre sa position.

Le Président (M. Hardy) : Mais c'est rejeté. Donc, nous revenons...

Mme Maltais : M. le Président, étant ici présent, n'êtes-vous pas obligé de voter? Non?

Le Président (M. Hardy) : Je me suis abstenu.

Mme Maltais : Oui, ça fait... Donc, c'est bon. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Voilà. Donc, avant de passer à l'article... Non, pas ça. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?

S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement, tel qu'amendé, à l'article 1 est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Hardy) : Adopté sur division. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Hardy) : Adopté sur division. Parfait. Donc, M. le député de Gouin, vous avez quelque chose à nous proposer?

M. Nadeau-Dubois : Oui, voilà, j'ai un ajout d'article à proposer. Alors, peut-être juste en dire quelques mots d'abord, là.

Tout à l'heure, en voulant comprendre le sens de la notion de neutralité religieuse, j'ai demandé à la ministre si, pour elle et son gouvernement, la neutralité religieuse se limitait à l'action des agents et des agentes de l'État, et on m'a dit : Non, ça implique aussi qu'au niveau de la législation de l'État, au niveau des politiques du gouvernement, dans le fond, l'ensemble de l'action de l'État ne soit pas teintée religieusement, et qu'il y ait donc une séparation entre l'Église et l'État. On m'a dit que ça correspondait à la conception de neutralité religieuse de l'État qui était souhaitée par ce projet de loi là.

Or, il y a un aspect de la séparation entre l'Église et l'État que ce projet de loi là n'aborde pas, et ce n'est pas un aspect mineur, selon nous. Chaque année, il y a 106 millions de dollars au Québec de fonds publics qui sont donnés en subvention à des écoles confessionnelles. Pour nous, c'est une entorse majeure au principe de laïcité ou de neutralité religieuse de l'État, ici les deux concepts s'appliquent. Et, pour nous, un projet de loi qui vise à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État devrait prendre à bras-le-corps cet enjeu-là, devrait mettre fin à cette situation-là qui est problématique du point de vue de la séparation entre l'Église et l'État, le fait que chaque année 106 millions de dollars sont donnés à des écoles confessionnelles au Québec. C'est 76 millions qui vont à des écoles, donc, confessionnelles chrétiennes, 20 millions qui vont à des écoles confessionnelles juives et 2 millions par année qui vont à des écoles confessionnelles musulmanes.

Donc, pour nous, si on veut avoir un débat sur la neutralité religieuse de l'État, on n'a aucun problème avec ça, mais il faut l'avoir de manière globale. On ne peut pas seulement s'attarder à la question du port des signes religieux par les agents de l'État, il faut aussi parler de laïcisation, de déconfessionnalisation du réseau scolaire québécois. Or, cette déconfessionnalisation-là, elle n'est pas complète. Le réseau public a été déconfessionnalisé, mais malheureusement il y a encore un vaste réseau d'éducation parallèle qui n'a pas été déconfessionnalisé.

Et donc mon amendement... en fait, non, notre proposition d'article va viser à corriger cet angle mort là du projet de loi. Alors, je vais en faire la lecture :

«1.1. Considérant la neutralité religieuse de l'État, la présente loi aura pour effet de mettre fin au financement public des établissements scolaires confessionnels.»

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Gouin. Donc, vous voulez déposer l'article 1.1.

Nous allons suspendre quelques instants pour recevoir votre article. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Nous avons regardé l'ajout de l'article 1.1. M. le député de Gouin, est-ce que vous avez d'autre chose à rajouter?

M. Nadeau-Dubois : Bien, peut-être compléter la présentation. Donc, en vertu d'une conception le moindrement cohérente puis le moindrement généreuse du principe de neutralité religieuse de l'État ou de laïcité, on devrait reconnaître qu'il est problématique que l'État, avec les fonds publics qui proviennent de l'ensemble des contribuables, finance dans une proportion aussi importante des écoles confessionnelles, donc des écoles qui promulguent un enseignement religieux, et que les fonds publics de gens qui peuvent être croyants, non-croyants ou adhérer à différentes croyances servent aussi massivement à financer des écoles qui enseignent, dans le fond, une religion et non pas une autre. Donc, pour nous, c'est une question de cohérence à l'égard du principe de séparation entre l'Église et l'État.

Et j'ai hâte d'entendre mes collègues sur cette question-là, puisque, bon, d'une part, il y a, bien sûr, la ministre et son gouvernement qui proposent un projet de loi qui affirme la neutralité religieuse de l'État mais également mes collègues de l'opposition qui se font des défenseurs énergiques du principe de laïcité aujourd'hui et depuis plusieurs mois. Alors, j'espère qu'on pourra tous s'entendre, il s'agit d'une question de cohérence, et que, si on est réellement pour la laïcisation de l'État québécois et d'une de ses institutions les plus fondamentales, l'école québécoise, bien, qu'on devrait s'entendre sur le fait que donner 106 millions de dollars par année à des écoles confessionnelles constitue une entorse au principe de laïcité de l'État, de neutralité religieuse de l'État, peu importe comment on l'entend.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, ce que je comprends, c'est que, bien, actuellement, là, le financement des écoles... On parle du financement des écoles privées. Il y a des écoles privées qui ne sont pas à caractère religieux qui sont financées puis il y a des écoles privées, comme le mentionnait mon collègue, de certaines confessions religieuses.

Appliquer le raisonnement qui est derrière cette disposition-là s'avérerait discriminer ceux qui pratiquent une religion parce que, dans le fond, ce que je comprends de notre collègue, ce n'est pas de mettre un terme au financement des écoles privées, parce que, si je suis le raisonnement de mon collègue, une école privée qui n'enseigne pas de précepte religieux, que ce soit une école privée catholique... Et là, quand on parle de précepte religieux, je comprends que mon collègue englobe les écoles privées qui sont plutôt, je dirais, de confession catholique au même titre que les écoles privées de religion... de confession juive, de confession musulmane. Le collègue dit : Toute école privée où un enseignement religieux est dispensé se voit retirer son financement. En gros, c'est ça. Bien, à quelque part, il y a une certaine discrimination, parce qu'on dit : Vous êtes une école privée, vous dispensez le programme pédagogique prévu à la Loi sur l'instruction publique, vous respectez les obligations qui sont les vôtres en vertu de la Loi sur l'instruction publique, mais, du fait qu'il y a de l'enseignement religieux au sein de vos murs, on vous retire le financement auquel aurait droit une autre institution qui n'offre aucun enseignement religieux.

Et donc le financement n'est pas en lien avec la religion. Le financement est en lien avec l'agrément qui provient du ministère de l'Éducation, qui est émis en vertu de la Loi sur l'enseignement privé, qui exige des écoles financées de suivre un cursus scolaire.

Alors, la proposition de notre collègue ne respecte pas le principe de la neutralité, parce que le principe de la Loi sur l'enseignement privé n'est pas un principe de soutenir financièrement une école privée qui est confessionnelle mais bien une école privée qui respecte les principes et qui s'inscrit dans la Loi sur l'enseignement. L'enseignement n'est pas en lien avec la religion, l'amendement de mon collègue est en lien avec la religion, et ça, en soi, va à l'encontre de la neutralité parce qu'on défavorise... on enlève le droit du seul fait que l'organisme a un caractère religieux. C'est ma compréhension de la proposition d'amendement de notre collègue, dans un premier temps. Puis, dans un autre temps, bien, on est loin... on est dans la Loi sur l'instruction publique puis on est vraiment hors du champ d'application général du projet de loi. Et, dans ce type-là, je vous dirais, M. le Président, sur la validité même de l'amendement, je vous dirais que cet amendement-là a une incidence financière, et seuls le ministre ou la ministre peuvent déposer un amendement de ce type-là. Donc, à sa face même, l'amendement n'est pas recevable, compte tenu qu'il a une incidence financière. Et ça introduit également un principe... Et, je vous le dis bien honnêtement, je ne crois pas que ça respecte le principe de la neutralité religieuse dans le libellé, la façon dont l'article est libellé.

M. le Président, je pense que, pour des fins pédagogiques, ce serait intéressant, là... Pour l'agrément, comme je mentionnais, les écoles privées sont financées seulement si elles obtiennent un agrément, puis, les critères pour l'obtention de l'agrément, et je pense que ça aussi, c'est important de le mentionner, on tient compte de la qualité de l'organisation pédagogique de l'établissement, de ses critères de sélection du personnel enseignant et de direction, de l'importance du besoin exprimé auquel l'établissement désire répondre, de l'appui manifesté et de la participation du milieu, des effets de l'agrément sur les ressources du milieu, de l'apport spécifique de l'établissement en termes d'enrichissement, de complémentarité, de diversité, la participation des parents à la vie de l'établissement et de la conformité des objectifs de l'établissement aux politiques du ministre ou du gouvernement. Donc, il n'y a rien de religieux dans les dispositions de la loi.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Si je comprends bien, ce ne serait pas recevable, le nouvel article, là.

Question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

Mme Vallée : Bien, en fait, moi, je vous plaide qu'il est irrecevable. Au-delà même de l'argumentaire, en vertu de l'article 97... 197, pardon, je vous invoque que le projet de loi, ayant une incidence financière, n'est pas recevable... l'amendement, pardon. Quel lapsus!

Le Président (M. Hardy) : Bon, je vais faire plaider un peu tout le monde sur cette chose-là, prendre les... Je vais commencer par le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Si, pour des raisons de procédure, l'argument n'est pas recevable, c'est une chose. Si on a un échange puis un débat sur le contenu de mon amendement, c'en est une autre. Il faut juste qu'on décide, dans le fond, si on en discute ou pas. Considérant qu'on a commencé la discussion, moi, il me semble plus équitable de la poursuivre puis que je puisse profiter du temps de parole qui m'est alloué, là. Et donc, en ce sens-là, je voudrais répondre à quelques arguments qui ont été soulevés par la ministre.

Sur le critère qui fait d'une école confessionnelle une école confessionnelle, en effet, il n'y a pas de critère au ministère de l'Éducation, des Loisirs et des Sports pour déterminer ça. De notre côté, on s'est appuyés sur les travaux du Comité sur les affaires religieuses, qui, en 2012, a produit une étude qui donnait trois critères, là, pour dire qu'est-ce qu'une école confessionnelle. Donc, premièrement, donc, le comité a concentré sa recherche et son analyse sur trois formes d'expression du caractère confessionnel.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Gouin, nous sommes sur la recevabilité et non sur le contenu de votre article, et j'ai une question de règlement. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Bien, effectivement, M. le Président, c'est que je comprends bien, mais là, du côté ministériel, la ministre a bien indiqué que, de notre part, il n'était pas recevable. Donc, on attend une décision de votre part à vous, M. le Président, pour savoir s'il est recevable ou non, là. Je comprends que le collègue de Gouin veut faire le débat, puis peut-être que les collègues des oppositions aussi aimeraient en parler, mais on attend tout d'abord la décision. Est-ce que l'amendement est recevable, oui ou non? Et au moment où vous aurez décidé, bien, on va respecter décision, et on fera le débat ou on ne le fera pas, mais c'est important de savoir s'il est recevable ou non au moment de la discussion, présentement.

Le Président (M. Hardy) : Parfait. Écoutez, le président peut autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement, elles doivent se limiter à l'article invoqué et au point soulevé. Moi, qu'est-ce que je vais faire, je vais prendre l'article en différé... Excusez-moi, juste une petite minute.

Une voix : ...

Le Président (M. Hardy) : On va prendre les commentaires de chaque personne, et puis nous allons prendre en délibéré, et la décision va se donner lors de la prochaine réunion.

M. Nadeau-Dubois : Sur la recevabilité, M. le Président, nous, on a remarqué que le chapitre sur les accommodements et le visage découvert du projet de loi actuellement à l'étude concerne, mentionne, là... disons, a des impacts ou, en tout cas, est en lien avec la Loi sur l'enseignement privé, c'est mentionné. Donc, nous, on se dit : C'est une loi qui est déjà mentionnée dans le cadre de la commission parlementaire. On s'est donc permis de déposer l'amendement pour tenter de soulever la question.

Puis, comme je le répète, bon, pour ce qui est de l'impact budgétaire, si impact budgétaire il y a, parce que c'est à vérifier qu'il y aura un impact budgétaire, hein, s'il y en avait un, il serait probablement positif, et on est sûrs que nos collègues de la partie gouvernementale ne rechigneraient pas à avoir un peu plus de surplus dans la prochaine année.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Gouin. Mme Maltais, est-ce que... Woups! Excusez. Mme la députée de Taschereau, est-ce que vous avez...

Mme Maltais : Je n'ai aucun commentaire. J'attends la recevabilité ou pas. Ça décidera si je débats ou pas, si c'est recevable ou pas.

Le Président (M. Hardy) : Parfait. Du côté gouvernemental? Deuxième opposition, est-ce que, Mme la députée de Montarville, est-ce que vous avez quelque chose à dire?

Mme Roy : J'attends votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Écoutez, on va le prendre en délibéré. L'amendement est suspendu, et, quand on va revenir, la semaine prochaine, on va pouvoir donner notre résultat par écrit, décision par écrit.

Bon, nous poursuivons avec l'article 2. Aïe! c'est tout un... On revient de vacances et puis on réapprend. Mais ça va bien. Je vais vous dire que... Mme la ministre, pour l'article 2.

Mme Vallée : Oui. Alors, oui, je vais vous lire l'article et, par la suite, l'amendement, donc :

«2. Les mesures du présent chapitre s'appliquent aux membres du personnel des organismes publics suivants :

«1° les ministères du gouvernement;

«2° les organismes budgétaires, les organismes autres que budgétaires et les entreprises du gouvernement énumérés aux [articles] 1 à 3 de la Loi sur l'administration financière...

Une voix : Annexes, annexes.

Mme Vallée : ...aux annexes — pardon, désolée — 1 à 3 de la Loi sur l'administration financière (chapitre A-6.001) ainsi que la Caisse de dépôt et placement du Québec;

«3° les organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1);

«4° les organismes gouvernementaux énumérés à [l'article] C de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (chapitre R-8.2);

«5° les commissions scolaires instituées en vertu de la Loi sur l'instruction publique (chapitre I-13.3), le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, les collèges d'enseignement général et professionnel institués en vertu de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel (chapitre C-29) ainsi que les établissements d'enseignement de niveau universitaire énumérés aux paragraphes 1° à 11° de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire (chapitre E-14.1);

«6° les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à l'exception des établissements publics visés aux parties IV.1 et IV.3 de cette loi, les groupes d'approvisionnement en commun visés à l'article 383 de cette même loi et les centres de communication santé visés par la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence (chapitre S‑6.2);

«7° les organismes dont l'Assemblée nationale ou l'une de ses commissions nomme la majorité des membres.

«Est également considéré [...] un membre du personnel d'un organisme visé au premier alinéa, tout administrateur ou membre d'un tel organisme qui reçoit de celui-ci une rémunération autre que le remboursement de ses dépenses, à l'exception d'une personne élue.»

Maintenant, l'amendement que je propose à l'article 2 est le suivant :

1° supprimer, à la fin du paragraphe 2° du premier alinéa, ce qui suit : «ainsi que la Caisse de dépôt et placement du Québec»;

2° insérer, après le paragraphe 4° du premier alinéa, les paragraphes suivants :

«4.1° les municipalités, les communautés métropolitaines, les régies intermunicipales et les offices municipaux d'habitation, à l'exception des municipalités régies par la Loi sur les villages cris et le village naskapi (chapitre V-5.1) ou par la loi sur les [visages] nordiques et l'Administration régionale Kativik;

«4.2° les sociétés de transport en commun, l'Autorité régionale de transport métropolitain ou tout autre exploitant d'un système de transport collectif;»;

3° supprimer, à la fin du deuxième alinéa, ce qui suit : «, à l'exception d'une personne élue».

Donc, c'est un article et un amendement qui viennent identifier les organismes publics dont les membres du personnel seraient tenus de faire preuve de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions. Outre les ministères du gouvernement et les organismes généralement considérés comme des organismes gouvernementaux, l'énumération comprend des personnes, des institutions qu'il convient, aux fins de l'application de la présente loi, d'assimiler à de tels organismes en raison du caractère public des fonctions qu'elles exercent ou qui y sont exercées.

L'énumération que comporte l'article couvre l'ensemble des établissements qui, dans les secteurs de l'éducation et de santé, sont, aux fins de l'application de la présente loi, considérés comme des établissements publics en raison de leurs sources de financement et de la nature des services qui y sont dispensés.

Puis également, M. le Président, je pense que c'est important de prévoir, relativement à l'amendement, qu'évidemment la modification qui est proposée par l'amendement vient assujettir aussi les municipalités. Et je comprends que notre collègue de Taschereau avait un amendement en ce sens. En fait, la disposition concernant les municipalités est la même, donc on a exactement le même libellé, et c'est un ajout qui fait suite aux commentaires qui ont été formulés en commission parlementaire.

Je pense que l'important... puis j'ai utilisé le terme et je n'en ai pas la maternité, en ce sens qu'il a été utilisé par le maire de Gatineau dans le cadre des élections, alors, que je salue, en passant, qui disait : Il ne faut pas créer de gruyère. Et c'est un peu ça parce que, suite aux échanges... Puis je sais que ma collègue de Taschereau avait... On a eu des discussions. Il fallait s'assurer d'une application uniforme de ces grands principes là sur l'ensemble du territoire du Québec. Il y a un Québec, il y a un citoyen. C'est le même citoyen, que les services soient rendus par la municipalité ou par le gouvernement du Québec. Donc, en ce sens, je pense qu'il est important d'établir des règles claires puis éviter aussi que des règles différentes soient mises en place et créent des ambiguïtés, des situations qui amèneraient des situations d'interprétation extrêmement difficile pour le citoyen.

Et, dans les faits, M. le Président, puis je pense que l'affaire Mouvement laïque contre la ville de Saguenay le démontre clairement, les municipalités sont déjà, de fait, assujetties au principe de la neutralité religieuse de l'État. On le voit, et ça a été clairement... et ça a été traité, les municipalités traitent aussi différentes demandes d'accommodement. Elles traitent parfois des demandes d'accommodement pour motif religieux. Elles sont appelées à le faire, certaines plus que d'autres, évidemment. Certaines ont un volume plus important que d'autres municipalités. Donc, les dispositions qui touchent l'analyse, le cadre d'analyse sera aussi utile pour les municipalités.

Donc, on assujettit, évidemment, les sociétés de transport, l'amendement le prévoit également, et les élus. Donc, là-dessus, je pense que, cette obligation de neutralité, comme élus, on a aussi à interagir avec le citoyen, on a aussi à interagir avec ceux et celles que nous représentons, et donc on a un devoir de ne pas favoriser ou défavoriser des citoyens, des concepts en raison de leur appartenance, leurs croyances religieuses ou leur non-croyance, on a ce devoir aussi de le faire. Et je pense que c'était tout simplement cohérent que de le prévoir nommément. Alors, voilà pour les commentaires sur le projet de loi.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Écoutez, M. le Président... Bien, d'abord, M. le Président, saluer, j'oserais dire, l'appel entendu de la partie gouvernementale concernant les municipalités, M. le Président. Donc, au Parti québécois, nous avions fortement insisté pour que ce soit le cas, et c'est le cas, je le constate, avec l'amendement qui est apporté. Alors, c'est une bonne nouvelle, comme quoi il ne faut jamais désespérer de faire entendre parfois raison, lorsque la raison s'impose, M. le Président.

Par contre, là où je suis surpris, mais vraiment surpris, je voudrais savoir qu'est-ce qui a fait que tout à coup on a changé, on a apporté un amendement qui fait qu'on exclut la Caisse de dépôt et placement du Québec. Qu'est-ce qui a fait qu'on en est arrivés à cette décision-là, quand on sait que la Caisse de dépôt et placement du Québec... Je comprends qu'elle veut être indépendante, et elle l'est, j'ose espérer qu'elle l'est, M. le Président, du politique, qu'elle est indépendante. Elle est assujettie à d'autres lois québécoises, la charte française, la charte des droits, donc elle est déjà assujettie à des lois. Pourquoi tout à coup la lumière est apparue et qu'on décide de présenter un amendement pour retirer cette obligation-là, finalement, que la loi va amener?

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Question excellente de la part de mon collègue. Puis, je vais vous dire, c'est tout simple, c'est parce que, depuis le dépôt du projet de loi initial, la Caisse de dépôt est assujettie, fait partie de l'annexe C de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives. Elle n'y était pas au moment où nous avons déposé le projet de loi, en juin 2015. Des amendements ont été apportés à l'annexe C entre le moment du dépôt du projet de loi et l'étude article par article. Et donc, dans les faits, la Caisse de dépôt est assujettie aux dispositions du projet de loi, tout simplement.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Est-ce que tout cela a présentement force de loi, ce que vient de dire la ministre, ou s'il y a encore des étapes à franchir avant d'y arriver, au niveau de l'obligation de la Caisse de dépôt de se conformer à la loi?

Mme Vallée : Je vais juste faire la référence au niveau de...

M. Villeneuve : Oui, juste s'assurer que toutes les étapes ont été franchies.

Mme Vallée : Donc, c'est ça, on retrouvait cet amendement-là au projet de loi n° 126 présenté par le Conseil du trésor, qui a été adopté et qui est en vigueur. Donc, dans le fond, la raison pour laquelle on présente cet amendement-là, c'est une question de concordance, tout simplement.

Le Président (M. Hardy) : M. le député.

M. Villeneuve : Donc, il serait... Advenant l'adoption du projet de loi, la Caisse de dépôt serait assujettie non pas en partie, mais en totalité au projet de loi, tout comme les municipalités, tout comme...

Mme Vallée : La Caisse de dépôt est assujettie. Tout à fait, tout à fait.

M. Villeneuve : Parfait. C'est bon.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Vous avez répondu en ce qui a trait à la Caisse de dépôt, la question était excellente. Et par ailleurs je comprends qu'on ajoute le 4.1, et qu'on ajoute le 4.2, et puis qu'on va déplacer les élus à l'article 3, l'autre côté, les élus de l'Assemblée nationale. Alors, ça me va.

Le Président (M. Hardy) : Merci. M. le député de Gouin. C'est beau? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : La collègue a dit : On va déplacer les élus, mais on ne déplace pas les élus, on n'en fait plus une exception, et, les élus, si on adopte les prochains articles, seront soumis aux règles de neutralité religieuse de l'État. Est-ce qu'ils seront soumis aussi...

Mme Vallée : ...dispositions de la loi.

Mme Maltais : Aux dispositions. Bon, j'espère que le visage découvert, ça va être clair. Oui, merci.

Mme Vallée : C'est ça.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement à l'article 2 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Hardy) : Adopté. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Hardy) : Adopté. Parfait. Nous allons passer à l'article 3.

Mme Vallée : «Pour l'application du présent chapitre, sont également des membres du personnel d'un organisme public :

«1° les membres du personnel de l'Assemblée nationale et du lieutenant-gouverneur;

«2° les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève et le personnel qu'elles [désignent];

«3° les personnes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et le personnel qu'elles dirigent;

«4° les commissaires nommés par le gouvernement en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête et le personnel qu'ils dirigent;

«5° toute autre personne nommée par le gouvernement ou par un ministre pour exercer une fonction juridictionnelle relevant de l'ordre administratif, y compris les arbitres dont le nom apparaît sur une liste dressée par le ministre du Travail conformément au Code du travail;

«6° les agents de la paix;

«7° un médecin, un dentiste ou une sage-femme lorsque cette personne exerce sa profession dans un centre exploité par un établissement public visé au paragraphe 6° du premier alinéa de l'article 2.»

Et il y a un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre, avant de présenter votre amendement, j'ai la députée de Montarville qui a un amendement à nous présenter.

Mme Maltais : Il faut que ce soit d'abord le gouvernement, l'opposition officielle...

Le Président (M. Hardy) : Oui, O.K., mais j'ai des...

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

(Reprise à 17 h 42)

Le Président (M. Hardy) : Nous reprenons nos travaux. Donc, Mme la ministre, ça va être à vous à déposer votre amendement à l'article 3.

Mme Vallée : D'accord. Donc, je vais déposer l'amendement, et il se lit comme suit : Insérer, avant le paragraphe premier de l'article 3, le paragraphe suivant :

«0.1° les députés de l'Assemblée nationale, les élus municipaux, à l'exception de ceux des municipalités régies par la Loi sur les villages cris et le village naskapi ou par la Loi sur les villages nordiques et l'Administration régionale Kativik, et les élus des commissions scolaires instituées en vertu de la Loi sur l'instruction publique.»

Donc, c'est un article qui prévoit, aux fins de l'application, que sont également considérés comme des membres du personnel d'un organisme public auquel le devoir de neutralité religieuse en exercice de fonction est applicable les membres du personnel, les autres personnes identifiées à l'article. Et l'article ne vient pas modifier le statut des membres, mais il ne vise tout simplement qu'à les assujettir aux devoirs et aux obligations prévues dans le projet de loi.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des interventions?

Mme Maltais : Oui, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je ne sais pas si ma collègue voulait intervenir en déposant un sous-amendement. Moi, je vais avoir des questions sur l'amendement de la ministre, mais là j'aimerais ça savoir de la part de la collègue si je fais mes interventions à ce moment-ci ou si elle va amener un sous-amendement qui va faire que je serais intervenue pour rien.

Le Président (M. Hardy) : Je vais passer la...

Mme Maltais : ...de l'amendement ou d'un sous-amendement, si elle en a un à proposer.

Mme Roy : Article 3, je...

Le Président (M. Hardy) : Je vais passer la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, excusez. Merci. Article 3, je n'aurai plus de sous-amendement. C'est le 4. J'avais été un petit peu trop vite.

Le Président (M. Hardy) : Parfait. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Alors, ma question... Ici, les députés de l'Assemblée nationale, les élus municipaux, deviennent régis par les chapitres II et III de la loi. Les chapitres II et III de la loi traitent de la neutralité religieuse. Est-ce qu'en quoi que ce soit ce concept de neutralité religieuse de l'État pourrait intervenir dans des prises de position, par exemple, d'un député qui dirait : Moi, je suis fermement contre le financement des écoles confessionnelles, ou : Je suis fermement contre telle position de l'Église catholique et je vais combattre la religion?

Autrement dit, il y a une capacité, il y a une liberté d'expression, chez les élus, qui est très forte, auxquelles on croit beaucoup. Je voudrais juste comprendre. Est-ce qu'il pourrait y avoir un impact? Ça a sûrement été évalué par vos juristes.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Vallée : L'objectif du projet de loi n'est pas de venir régir l'expression des principes que pourrait faire valoir un député, on n'en est pas là. Mais les élus, puis je l'ai mentionné tout à l'heure, ne doivent pas favoriser ou défavoriser... Dans nos relations, parfois, dans nos relations avec des citoyens... Par exemple, l'obligation de neutralité, c'est qu'un citoyen nous interpelle pour une rencontre : Non, je ne vous rencontre pas, puisque vous êtes de telle confession. Ça, ça pourrait aller à l'encontre du principe de neutralité, parce qu'on refuse à un citoyen le droit de rencontrer son député, qui le représente ou qui la représente, du fait de sa croyance ou de sa non-croyance.

Mais ça ne viendrait pas empêcher, par exemple, un collègue... Notre collègue, tout à l'heure, a déposé un amendement qui visait, par exemple, le financement des écoles à caractère confessionnel. Ça n'empêche aucunement un collègue de présenter, de débattre d'enjeux, parce qu'on doit conserver cet espace qu'est le nôtre, cet espace démocratique où on discute des enjeux de société. Mais, ceci dit, la neutralité religieuse... Et on nous demandait puis on nous a formulé, lors des commentaires, un certain nombre de commentaires à l'effet : Bien, pourquoi assujettir le personnel? Pourquoi assujettir tous ces gens mais ne pas assujettir les élus? On a convenu que l'obligation de neutralité... de respecter, parce que ce n'est pas une obligation de neutralité pour l'individu, mais c'est de respecter le principe, dans la prestation de services, de neutralité.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Bien, c'est important, ce débat-là, parce que nous, on... Un ajout?

Mme Vallée : Oui, un ajout, puis je pense que c'est important. Une décision du président, une décision qui date du 13 novembre 1997, décision de M. Jean-Pierre Charbonneau, qui prévoit que «les privilèges nécessaires à l'exercice des fonctions parlementaires des membres de l'Assemblée nationale du Québec et de toutes les assemblées législatives du Canada, dont le privilège de la liberté de parole, font partie intégrante de la Constitution». Donc, si ça peut rassurer notre collègue, on l'a clairement dit.

Donc, l'élu a quand même ce privilège parlementaire de pouvoir s'exprimer librement au salon bleu, en commission parlementaire, c'est un privilège qui est le nôtre, et il ne faudrait pas voir à donner à cette disposition une limitation au privilège parlementaire. Ceci dit, je pense qu'on a aussi à interagir, dans le cadre de nos fonctions, avec des citoyens, et c'est surtout dans la prestation des services aux citoyens... Un citoyen qui demande une information, refuser de lui répondre en raison de son appartenance religieuse ou non serait à l'encontre de la neutralité. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Comme ça va inclure les services à visage découvert, le niqab devient donc... est interdit pour un élu de l'Assemblée nationale.

Mme Vallée : Les élus de l'Assemblée nationale doivent avoir le visage découvert, ça fait partie des principes pour des questions qui sont prévues à l'article 1 : sécurité, identification, communication. Je pense que la communication aussi, au salon bleu, est un enjeu important.

Mme Maltais : Donc, une personne qui a un niqab pourrait se présenter — voyons si elle serait élue, ce serait une autre situation hypothétique — mais ne pourrait pas siéger à l'Assemblée nationale ou ne pourrait pas exercer ses fonctions de députée?

• (17 h 50) •

Mme Vallée : L'objectif, ce n'est pas de viser un cas d'espèce, mais c'est de prévoir que les élus sont assujettis à la prestation de services à visage découvert.

Mme Maltais : Est-ce que le fait de porter un tchador est signe de neutralité religieuse?

Mme Vallée : Vous savez, la personne portant un signe... La neutralité religieuse ne s'exprime pas par la manifestation de la croyance mais s'exprime dans la prestation de services. Donc, une personne qui porte un signe religieux peut faire preuve de neutralité au même titre que la personne qui n'en porte pas.

Mme Maltais : Donc, une personne qui est tellement intégriste qu'elle porte un tchador, qu'elle est élue, pourrait siéger ici. Vous considéreriez que...

Mme Vallée : Je...

Mme Maltais : Je vais terminer ma phrase. Vous considéreriez donc qu'elle ferait encore preuve de neutralité religieuse et que les citoyens devraient se sentir confortables?

Mme Vallée : Les individus... Les membres de cette Assemblée doivent faire preuve de neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions. Et la neutralité ne s'infère pas de la façon dont la personne se vêtit, dont la personne... ce qu'elle porte ou ce qu'elle ne porte pas, mais cette neutralité, elle est dans la prestation des services.

Mme Maltais : Alors, M. le Président, on y reviendra au moment... je vais être d'accord avec l'amendement, mais on reviendra au bon moment sur ce sujet extrêmement intéressant.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Pour le moment, l'article 3, on comprend que, donc, les élus du Parlement dans lequel nous sommes actuellement seront assujettis à cette loi. Effectivement, la discussion qu'a entamée ma collègue de Taschereau est très intéressante, puisque la neutralité religieuse ne s'affiche pas dans les accessoires religieux, ce qui signifie qu'on ouvre la porte à plus d'accessoires religieux visibles dans l'État en l'insérant de cette façon-là. C'est la question que je pose.

Effectivement, la discussion pourrait... Mme la ministre me fait non de la tête, mais la neutralité religieuse ne touche pas les accessoires religieux, l'apparence, c'est dans la prestation de services, donc tout sera permis, peu importe de quelle confession on parle, peu importe quelle croyance. Et la neutralité religieuse est définie... bien, on l'a définie un peu, là, à l'article 1 et surtout l'article 4, qui s'en vient, à moins que je ne m'abuse, qui nous dit qu'il ne faut pas favoriser ni défavoriser une personne.

On peut se poser la question : Est-ce qu'un élu du Parlement qui arborerait un signe religieux très visible pourrait favoriser ou défavoriser en vertu de ses croyances religieuses, surtout que ses croyances religieuses seraient très bien affichées? On peut se poser la question, là. Autrement dit, quant à nous, cet article-là ne fera que faire entrer plus de religieux dans l'État en ajoutant les élus.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Évidemment, je ne souscris pas à l'interprétation de ma collègue, M. le Président. Faire preuve de neutralité religieuse, ce n'est pas donner lieu à une prolifération des manifestations des signes religieux.

La neutralité religieuse, elle s'exprime dans la façon dont les services sont rendus, dans l'impartialité dans la prestation de services, puis les individus ont droit... Puis on en parle depuis le début, là, mais je n'ai pas vraiment envie d'entrer dans ce débat-là, parce que c'est un débat qui est purement théorique, de la part de notre collègue. Et je dirais qu'on ne peut inférer du port d'un signe religieux une absence de neutralité dans la prestation de services offerts par la personne. Puis cette neutralité religieuse là, elle est justement là pour assurer le principe de la liberté de religion. Puis là j'entends les collègues, puis là on semble vouloir hiérarchiser des religions. Bien, on n'en est pas là. Puis quelqu'un... On a eu des élus ici qui ont porté la kippa lors de leur assermentation, je me souviens de collègues qui portaient leurs kippas lors de leur assermentation. Je ne vois pas en quoi ça a affecté la façon dont ils transigeaient avec les citoyens. Je ne sais pas, là, je ne me souviens plus... Je pense, notre collègue est arrivée en 2012. On avait des collègues ici... le député de D'Arcy-McGee, M. Bergman, le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Copeman, prêtaient serment avec leurs kippas, et il y en a eu d'autres aussi par le passé. Mais moi, je vous fais part... On a des collègues qui prêtaient serment sur la bible, d'autres collègues qui font une affirmation solennelle. Il ne m'appartient pas, moi, de juger. Est-ce que la députée de Montarville a prêté serment sur la bible? Peut-être. Moi, j'ai fait une affirmation solennelle.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Une question. C'est arrivé qu'une ex-première ministre refuse de rencontrer Raël, qui est pourtant une religion qui a droit aux crédits d'impôt. J'ai, moi aussi, refusé de rencontrer des raëliens. Serais-je poursuivable?

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Maltais : Je n'ai pas traité cette religion, cette supposée religion, ce que j'appellerai cette secte... je n'ai pas traité cette secte de façon équivalente. Je vous ajouterais que l'Église de scientologie a un siège sur la rue Saint-Joseph, dans Taschereau, et j'ai refusé de les rencontrer. Est-ce que j'ai respecté cette nouvelle loi? Et j'aurais continué à le faire. Poursuivez-moi, là, mais je ne rencontrerai pas des sectes et des dirigeants de secte. Alors, je veux savoir si je suis une bonne députée si on adopte cette loi.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Il y a une distinction, puis je pense qu'il faut la faire. Puis je m'excuse si, dans mes propos, j'ai pu peut-être porter à confusion.

La prise de décision, elle appartient à l'élu. La prestation, dans la façon dont la prestation de service est rendue, cette neutralité religieuse, c'est-à-dire cette impartialité demeure, mais la prise de décision, le choix, par exemple, de ne pas rencontrer quelqu'un qui aurait des propos haineux à l'égard d'une personne x ou y, c'est un choix qui est très personnel, qui nous appartient à chacun.

Mme Maltais : Bien, je comprends ce que vous me dites, mais moi, je suis sur cette loi-ci et, comme députée, je refuse de rencontrer des gens qui se disent d'une religion, mais que je considère être une secte, dont la situation est sérieuse. Il y a des gens, comme les raëliens, qui ont beaucoup d'argent. L'Église de scientologie a beaucoup d'argent. Poursuivre, pour eux autres, ce n'est pas un problème. Alors, devant cette situation, j'aimerais ça qu'on y réfléchisse, là. Est-ce qu'on met en situation d'être poursuivi des députés ou des élus municipaux qui ont toutes les raisons du monde de refuser d'être neutre? Je suis affirmative en cette matière, je ne suis pas neutre.

Alors, moi, je dis que ce sont des sectes. Je refuse de rencontrer les sectes, mais eux et elles se qualifient comme religions. C'est une question intéressante, puis je veux vraiment avoir une bonne réponse, on va avoir du temps, on va avoir une semaine, une bonne réponse à ça avant qu'on arrive, parce que je comprends l'intention, je comprenais jusqu'ici, mais là je me suis rappelé de deux incidents de suite où j'ai fermement affirmé que je ne rencontrerai pas les sectes et que je n'appuyais pas les sectes.

Le Président (M. Hardy) : Mme la ministre.

• (18 heures) •

Mme Vallée : Je prends bonne note, puis on va s'assurer que le libellé ne porte pas atteinte au pouvoir décisionnel, parce qu'il y a un tas de motifs qui peuvent amener un élu à refuser des rencontres. L'objectif n'est pas d'ouvrir... de porter flanc au pouvoir décisionnel de l'élu. L'objectif, par contre, c'est que cette neutralité qui est demandée aux agents que l'on retrouve dans l'appareil gouvernemental se manifeste auprès des élus.

Maintenant, je comprends... Et puis vous soulevez une question. Je ne veux pas entrer, évidemment... Puis ça, c'est toujours le danger de nos discussions, c'est que parfois on arrive avec des cas d'espèce, puis notre objectif n'est pas de soulever chaque cas d'espèce. Mais notre collègue amène une question, et on aura la chance d'en discuter la semaine prochaine.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la ministre. Je vous remercie pour votre collaboration

 Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, le mercredi 16 août 2017, à 9 h 30, où elle commencera les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport quinquennal 2016 de la Commission d'accès à l'information. Merci beaucoup et bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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