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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 15 novembre 1978 - Vol. 20 N° 190

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 77 - Loi modifiant la Loi du ministère de l'Immigration


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 77

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'immigration se réunit pour étudier article par article le projet de loi no 77 conformément au mandat de l'Assemblée nationale.

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Alfred (Papineau), M. Bro-chu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Marcoux (Rimouski) en remplacement de M. Lefebvre (Viau), M. Blank (Saint-Louis) en remplacement de M. Marchand (Laurier), M. Boucher (Rivière-du-Loup) en remplacement de M. Martel (Richelieu). Les intervenants: M. Bellemare (Johnson), M. Marchand (Laurier), M. Charron (Saint-Jacques), M. Lessard (Saguenay), M. Roy (Beauce-Sud), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) en remplacement de M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Conformément à une tradition établie, je vais permettre aux représentants de chaque parti, avant d'appeler l'article 1, de faire une déclaration d'ouverture, si on peut l'appeler ainsi, et, par la suite, j'appellerai l'article 1. Je vais vous dire également que ce droit est accordé non seulement aux représentants des partis, mais à tous les députés, conformément à l'article 160, et après, ce sera l'appel de l'article 1. M. le ministre.

Une Voix: Vous nommez un rapporteur?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ah oui! c'est vrai, la nomination du rapporteur. M. Boucher (Rivière-du-Loup)?

M. Boucher: D'accord.

Remarques préliminaires M. Jacques Couture

M. Couture: M. le Président, permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue aux membres de la commission parlementaire qui auront, dans les prochaines heures, à travailler avec moi pour étudier, bonifier, s'il y a lieu, le projet de loi no 77. Ce projet de loi s'inscrit nettement dans la volonté du gouvernement de donner un cadre juridique à une entente qui a été signée par notre gouvernement avec le gouvernement du Canada, le 28 février dernier. Cette entente donne pour la première fois au gouvernement du Québec la possibilité d'exercer des pouvoirs réels en matière de sélection des ressortissants étrangers qui souhaitent s'établir au Québec à titre permanent ou temporaire. Je crois que nous avions à l'époque recueilli l'unanimité de l'Assemblée nationale pour se féliciter de cette entente. (10 h 15)

Nous y voyons, quant à nous, une démonstration éclatante de notre capacité de négocier avec d'autres gouvernements et aussi de notre volonté et capacité de revendiquer dans la continuité des besoins du Québec et dans la continuité de cette longue série de récupérations des pouvoirs au Québec. Nous avons, je pense, par cette entente, prouvé que nous étions fidèles à cette continuité et que nous étions aussi orientés vers l'avenir.

Je ne veux pas m'étendre sur ce qui a été dit longuement au débat en deuxième lecture. Je veux quand même bien situer ce projet de loi et bien identifier quels étaient nos objectifs en l'apportant à l'Assemblée nationale. Cette entente qui nous commandait la mise en vigueur à partir du 1er janvier 1979 nous commandait aussi de rester finalement assez modestes dans cette première étape d'intervention gouvernementale en matière d'immigration. Quand je dis modestes, c'est dans le sens suivant: tous ceux qui ont l'expérience — j'ai d'éminents collègues autour de la table qui l'ont prouvé et qui en ont l'expérience — de la complexité des lois d'immigration savent très bien que si un gouvernement, une collectivité, une société veut se donner ses pouvoirs et veut élaborer une politique complète dans cette matière, cela, nécessairement, prend de longs mois, sinon plusieurs années. L'exemple du fédéral là-dessus est assez éloquent; la loi C-24 a demandé presque cinq ans de travail, je pense, de longue main, de consultations, et deux ans de travail acharné en commission parlementaire, au Sénat et en Chambre. C'est ce qui me fait dire que notre projet de loi 77 est vraiment, pour nous, une étape et est aussi — je dirais — un premier type d'intervention en matière d'immigration. Je l'ai dit au débat en deuxième lecture et je le répète. Je pense que cela peut éclairer, peut-être, la modestie de ce projet et aussi l'orientation que nous voulons donner à l'immigration au Québec.

Je pense, en effet, qu'il est justifié, à la suite de cette entente, de se donner rapidement un cadre législatif nous permettant d'appliquer l'entente en acceptant d'avance que le gouvernement du Québec, dans un premier temps, ne s'écartera pas, d'une façon très large, très évidente, de la politique fédérale qui a une expertise de nombreuses années au Canada, en cherchant bien à identifier, par l'entente même, ce qu'on attend du gouvernement du Québec et de quelle façon nous pouvons y inscrire notre spécificité québécoise, y inscrire à l'avance certaines orientations pour l'avenir.

Je peux vous dire aussi — je l'ai déclaré plusieurs fois — que nous avons l'intention de travailler pendant plusieurs mois, peut-être dans le cadre des deux prochaines années, à l'élaboration d'une charte québécoise de l'immigration, c'est-à-dire qu'il est évident que le fait, pour le Québec, d'exercer des pouvoirs, le fait, dans les prochains mois, d'acquérir de l'expertise, le fait de découvrir progressivement — parce que ce sera relativement nouveau pour le gouvernement québécois d'être présent dans l'exercice des pouvoirs en immigra-

tion — à l'usage, ces besoins québécois, le fait de chercher aussi à vouloir raffiner cet instrument d'immigration selon les besoins de la société québécoise nous aideront, à plus long terme, à mieux circonscrire les objectifs de notre politique et, effectivement et éventuellement, à préparer un grand projet de loi québécois de l'immigration.

Il restera toujours que dans le cadre fédéral actuel — je pense, M. le Président, que vous me permettrez de le rappeler — ces pouvoirs resteront toujours soumis à des contraintes évidentes. Quelle que soit la volonté politique du Québec d'intervenir d'une façon efficace et complète en matière d'immigration, dans le cadre actuel du fédéralisme — ce que l'entente, d'ailleurs, elle-même prescrit — le dernier mot, en tout état de cause, restera toujours au gouvernement fédéral, ne serait-ce que pour l'émission des visas qui est assortie de dispositions statutaires au niveau de la santé et de la sécurité nationale.

J'ai dit assez longuement en deuxième lecture que, pour nous, c'étaient des contraintes importantes qui nous empêchaient peut-être d'ambitionner une politique d'immigration réellement satisfaisante pour le Québec.

Je pense, M. le Président, que tous connaissent nos objectifs politiques. Pour nous, tout en restant fidèles à cette continuité dont je parlais tout à l'heure, tout en voulant aussi démontrer comme gouvernement que nous étions capables de revendiquer ou de défendre les droits du Québec et d'aller chercher le maximum de pouvoirs dans ces champs de juridiction — je pense que tous ceux qui ont commenté l'entente ont, à bon droit, signalé que, dans ce domaine-là, le Québec était allé vraiment à la limite de ses possibilités et cela est tout à l'honneur de notre gouvernement — tout en étant fidèles à cette volonté de récupérer les pouvoirs — et c'est ce que nous avons fait— nous voulons quand même, pour l'avenir — et c'est le peuple québécois qui le décidera — éventuellement dans un Québec souverain, pouvoir contrôler complètement l'immigration qui est un instrument extrêmement important pour une société.

Il est inutile de rappeler ce que plusieurs de mes collègues ont dit des deux côtés de la Chambre, à quel point, pour une société donnée, c'est important d'utiliser cet instrument selon des besoins réels, bien identifiés et aussi qui répondent aux intérêts mêmes des ressortissants étrangers qui veulent venir sur notre territoire.

Je ne veux pas m'étendre trop longuement. Je veux rappeler que j'ai profité — comme c'était ma responsabilité — du débat de deuxième lecture pour recueillir des suggestions des membres de la Chambre. Cela m'a permis de réfléchir sur certaines dispositions et je serai heureux, à l'occasion de l'étude des articles, d'apporter certains amendements qui, je le crois et je l'espère, pourront satisfaire les membres de cette commission parlementaire et l'Assemblée nationale.

Evidemment, nous aurions pu ouvrir complètement la loi et nous lancer dans une grande loi d'immigration, mais c'était tout à fait impossible avec le temps dont nous disposons et les échéances imposées par l'entente. J'ai été heureux d'entendre en Chambre que l'Opposition reconnaissait qu'il était important de ne pas hypothéquer cette entente-là. L'Opposition m'avait assuré de sa collaboration pour pouvoir compléter ce projet de loi dans les délais prescrits.

Alors, ce choix que nous avions c'était d'ouvrir la loi, peut-être d'une façon un peu trop vite et d'introduire une série de choses qui n'auraient pas été satisfaisantes. On sait à quel point, avec cette loi, plus on avance dans cette possibilité d'intervention, plus on a le goût d'aller plus loin. Je me réserve — je le dis d'une façon précise — avec la collaboration de toute la Chambre pour les prochains mois et aussi avec les milieux concernés, suite à l'expertise que nous allons nous donner, à l'usage que nous aurons de l'intervention en matière d'immigration, je me réserve la possibilité de préparer, avec beaucoup d'intervenants, dans la société québécoise, cette charte de l'immigration.

Pour le moment, malgré tout, je crois qu'on peut préciser certaines dispositions de cette loi. C'est ce que je me propose de faire en vous proposant quelques amendements, sous réserve de ne pas pouvoir certainement contenter tout le monde et même pas nous, mais en nous disant que l'objectif de cette loi, il est modeste, c'est de donner un cadre juridique à l'entente qui a été signée en février dernier, et que nous restons sur le chantier pour préparer éventuellement cette grande loi de l'immigration du Québec.

J'ajouterais aussi que, par l'entente, nous sommes, quand même, liés, d'une certaine façon, aux dispositions fédérales et par la formation de ce comité mixte qui est prévu par l'entente. Nécessairement, notre loi devrait être appliquée en coordination aussi avec les dispositions fédérales.

Je termine mon exposé, M. le Président, en rappelant peut-être que ce que nous travaillons ici, ensemble, a beaucoup d'importance pour un nombre considérable de citoyens du Québec, dans l'état actuel de la situation démographique. Tout simplement, en regardant un peu vers l'avenir, qu'est-ce qui nous attend comme société? Je crois qu'on a tout intérêt à penser à l'importance de plus en plus grande qu'aura l'immigration comme instrument de développement économique, culturel et démographique de notre société. Donc, je me félicite d'avance de la collaboration des membres de cette commission pour que nous débordions peut-être des attitudes qu'on aurait le goût de garder partisanes et de penser davantage aux objectifs plus généraux de notre société québécoise.

Aussi, comme pendant à ce que je viens de dire, je veux rappeler qu'il y a des milliers et des milliers de citoyens dans le monde qui n'ont plus de patrie, des milliers et des milliers de citoyens qui, pour des raisons économiques, cherchent une nouvelle patrie. Notre terre québécoise est vaste; notre population est, comparativement au territoire, de volume relativement modeste. Nous som-

mes capables de contribuer à accueillir un nombre assez raisonnable, du moins suffisant et assez important, de ressortissants étrangers qui n'attendent que notre volonté politique d'accueil, notre volonté politique de solidarité internationale pour contribuer, avec d'autres sociétés du monde, à l'accueil des immigrants pour leur bonne intégration dans la société québécoise.

On sait qu'il y a de 8 millions à 10 millions de réfugiés dans le monde, qu'il y a, par exemple, au Portugal, 80 000 Portugais qui veulent émigrer, et c'est la même chose dans chaque pays du monde et dans les pays du Tiers-Monde. C'est notre responsabilité comme parlementaires responsables de garder à l'esprit ces objectifs et pour notre société québécoise et pour ceux qui frappent à notre porte qui attendent de nous des gestes qui ne sont peut-être pas complètement satisfaisants pour le moment, mais en sachant très bien que, pour nous, c'est une étape importante que nous voulons bien réussir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt (Jonquière): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Blank: J'ai une question avant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Blank: J'ai une question avant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Blank: Ce n'est pas une question de règlement. Je constate que tous les membres gouvernementaux de cette commission ont des dossiers qui ont été préparés. Si ces dossiers ont été préparés par le département de recherche, ils y ont droit. Mais, s'ils ont été préparés par le ministère, pourquoi les autres députés ne les ont-ils pas?

M. Couture: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on vous donne des explications sur les amendements à mesure qu'ils arriveront. On vous donnera les explications de ces amendements qui ont été préparés pour la loi.

M. Blank: Non, je pose une question très directe.

M. Couture: C'est parce que...

M. Blank: Je conçois que tous les membres ont tous un dossier.

M. Couture: D'accord, mais...

M. Blank: S'il a été préparé par le département de recherche du Parti québécois...

M. Couture: Parfaitement.

M. Blank: ... vous avez absolument le droit. Mais, si c'est le ministère qui l'a préparé, je pense que nous aussi on a le droit de l'avoir.

M. Couture: Je vous réponds précisément là-dessus. Pour la partie préparée par le ministère, on vous les donne. Mais, dans le dossier, il y a aussi une partie politique qui est faite par le cabinet; donc, vous comprenez qu'on se réserve cette partie-là. Alors, je suis d'accord qu'on distribue aux membres de la commission ce qui est préparé par le ministère qui est l'explication des articles et des amendements. (10 h 30)

M. Blank: Je pense qu'on a au moins droit à cela. D'un autre côté, pour ce qui est préparé par le cabinet, il y a une différence entre le cabinet et le service des recherches.

M. Couture: Le cabinet politique, c'est en dehors du ministère comme tel.

M. Blank: Ce n'est pas pire que pour les fonds de recherche du Parti québécois.

M. Couture: M. le Président!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Je ne fais que constater cela, et on va voir si on doit aller plus loin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous voulons assurer le ministre de notre collaboration pour ce projet de loi. Nous n'avons pas l'intention de faire des procédures qui puissent causer des délais. On connaît l'échéancier de l'entente qui doit être mise en vigueur à la fin de l'année. Alors, nous avons l'intention de l'étudier et de le bonifier de bonne foi. Nous avons approuvé l'entente mais nous voulons nous assurer, par exemple, que le projet de loi reflète les termes et conditions de cette entente.

Tantôt, vous avez dit que votre projet de loi était une étape, que ce n'était pas le temps de faire une charte de l'immigration mais, quand même, il y a certains principes de base qui doivent être inclus dans le projet de loi. Même si ce n'est pas la grande charte que vous espériez avoir, l'effet est que cela ne peut pas être non plus un chèque en blanc à un ministre pour faire des règlements sans inclure certains principes que nous considérons importants.

Le ministre a dit tantôt que vous aviez certaines restrictions et vous avez parlé de l'avenir d'un Etat souverain. Eh bien, c'est notre préoccupation! Nous voulons que le projet de loi reflète l'entente mais pas vos aspirations politiques de l'avenir. Si

jamais cela vient à se concrétiser, vous modifierez le projet de loi. Vous dites que vous avez des restrictions de la part du gouvernement fédéral dans le projet de loi. Franchement, quand vous avez le droit de veto de décider qui va venir au Québec ou non, je ne sais pas quel pouvoir de plus vous voudriez avoir.

Je vous fais ces remarques en réponse à vos propos au moment où vous discutiez de cette entente. D'un point de vue, vous dites: On va discuter du projet de loi sans partisanerie et, de l'autre point de vue, vous nous donnez vos vues sur l'avenir politique du Québec, sur l'Etat souverain. Je pense bien qu'on n'étudiera pas le projet de loi dans cette optique mais dans l'optique de l'entente que vous avez signée.

Ce n'est pas notre intention de faire des procédures pour causer des délais qui ne sont pas nécessaires, mais je vais vous énumérer le genre de principes, de clauses qui devraient être inclus dans le projet de loi. On va vous donner les raisons pour lesquelles on veut les inclure et, si vous ne les acceptez pas, vous avez la majorité, c'est vous qui devrez en subir les conséquences. Nous voulons voir inclus dans ce projet de loi certains objectifs parce que maintenant on ne sait pas si le gouvernement est en faveur ou contre l'immigration. Le projet de loi ne le reflète pas.

Nous voulons avoir une référence et l'inclusion de certains critères de sélection pour que votre pouvoir de réglementation ait un cadre. Dans toute loi, il y a un pouvoir de réglementation, mais, dans la majorité des lois, ce pouvoir se situe dans le cadre de certains principes. Tel que le projet de loi est rédigé maintenant, ce cadre n'existe pas. Nous voudrions, sans vous enlever totalement le pouvoir de réglementation parce qu'on sait que c'est nécessaire, le situer dans une certaine perspective dans laquelle vous pouvez faire vos règlements. Nous allons insister sur l'aspect non discriminatoire du processus de sélection. C'est un principe très important pour nous et inutile de nous dire que la Charte des droits de l'homme s'applique au Québec et qu'elle a préséance sur la loi. La Charte des droits de l'homme ne s'applique pas. Il y a des doutes quant aux critères de sélection et, pour enlever tout doute dans l'esprit de ceux qui vont lire la loi et dans l'esprit de l'Opposition qui est très préoccupée par cet aspect, nous allons insister et demander au ministre d'inclure cette clause dans le projet de loi.

Nous voulons aussi avoir une référence à quelques endroits dans ce projet de loi à l'entente. Qu'on dise que, vraiment, c'est pour donner effet à l'entente qui a été signée entre le ministre et le gouvernement fédéral. Nous voulons aussi voir spécifier le rôle du Conseil consultatif. Il ne s'agit pas seulement de le créer et de le laisser là pour l'appeler quand le ministre le jugera bon de le consulter. Nous voulons lui voir un rôle un peu plus positif. La raison, M. le Président, pour laquelle je donne ce résumé de ce que nous voulons voir inclus dans le projet de loi, c'est spécifiquement pour éviter les débats procéduriers. Sur certains des amendements que nous allons proposer, on peut toujours soulever des questions de procédure. Je voudrais que vous le preniez dans cet esprit et, si vous êtes en faveur du fond de l'amendement, du changement que nous proposons, qu'on le discute.

Si vous n'êtes pas en faveur, dites-le-nous sans soulever de débat d'une journée et demie sur la procédure, du genre: Est-ce que le préambule, on peut le discuter avant ou après? Est-ce qu'on a le droit d'éliminer certains articles? On connaît ces règlements. On voudrait les éviter, je pense, des deux côtés de la table. Vous avez un certain échéancier. On veut vous aider à le respecter, mais on veut aussi faire les observations nécessaires sur les différents aspects du projet de loi qu'on veut faire modifier.

Vous avez dit aussi que vous ne vous écartiez pas de la politique fédérale. On n'est pas ici pour s'assurer que la politique fédérale est reflétée dans le projet de loi. S'il y a des points qui sont bons dans la loi fédérale, on va les porter à votre attention, mais il y aussi une marge où la politique fédérale de l'immigration peut s'améliorer. Je pense que si c'est possible, on devrait pouvoir le faire. Nous n'allons pas être liés dans ce sens. On va le faire dans le contexte des lois existantes, mais je crois que les lois existantes sont assez flexibles pour...

M. Couture: Est-ce que vous me permettez juste une petite correction?

M. Ciaccia: Oui.

M. Couture: Je n'ai pas dit qu'on ne s'écartait pas de la politique fédérale. J'ai dit que l'entente nous obligeait à rester dans un cadre qui respecte globalement certains cadres de la politique fédérale. Nous y sommes obligés par l'entente. Ce n'est pas une volonté politique de suivre la politique fédérale. Au contraire!

M. Ciaccia: Mais vous avez aussi une certaine marge. Il y a certains...

M. Couture: Oui, je sais bien. C'est dans cette marge-là qu'on travaille.

M. Ciaccia: Très bien. On s'est compris. C'est l'esprit, M. le Président, dans lequel nous allons aborder l'étude de ce projet de loi. J'espère que le ministre aura un esprit ouvert aux amendements que nous allons apporter, pour être conformes et consistants avec l'ouverture d'esprit qu'il propose lui-même dans le domaine de l'immigration.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement quelques commentaires au début de nos travaux aujourd'hui. D'abord, premièrement, pour

m'excuser aussi, au niveau de la deuxième lecture, d'avoir dû m'absenter. J'étais à l'extérieur à ce moment. Le député de Gaspé, M. Le Moignan, a représenté l'Union Nationale et a d'ailleurs fait un certain nombre de commentaires et de suggestions au ministre, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir tout au long de nos travaux à cette commission parlementaire. Le projet de loi 77 s'inscrit donc dans le cadre de cette entente à laquelle le ministre a fait référence tout à l'heure, en indiquant l'unanimité également qu'il y avait eue autour de cette entente à l'époque, celle du 28 février dernier. Je pense que cela a été un moment important. Cela a aussi indiqué que lorsqu'on peut obtenir un consensus, si on peut obtenir une homogénéité de pensée, une unité de pensée et d'objectif sur certains problèmes, sur certains sujets, il est possible, avec une force beaucoup plus grande, d'obtenir du pouvoir central les pouvoirs qu'on juge nécessaires d'avoir au Québec dans différentes matières et plus particulièrement dans le domaine de l'immigration. On se rappelera que dès la création du ministère de l'Immigration, en 1968, sous l'administration de l'Union Nationale à ce moment-là, le coup d'envoi a été donné dans ce sens pour souligner l'importance de la juridiction provinciale en matière d'immigration. J'ai aussi eu l'occasion de souligner à ce moment que l'entente qui est survenue s'inscrivait exactement dans cette foulée de ceux qui ont créé le ministère de l'Immigration et qui ont voulu en reconnaître l'essence même, lui donner une portée en fonction de la nation québécoise, ce à quoi on peut s'attendre et ce qu'on peut revendiquer à juste titre. Il fallait donc démontrer qu'à l'intérieur aussi du cadre de la Confédération actuelle, qui est discutable, on le sait, et qui est aussi discutée, on peut arriver à modifier les règles du jeu pour donner aux partenaires en présence les domaines de juridiction qui doivent et qui peuvent être en leur pouvoir d'exercer.

Je pense que cela a été une démonstration éloquente et une réussite à ce chapitre qui doit être soulignée. Nous aurons, au cours des discussions à venir, certaines suggestions à faire et certaines questions à poser au ministre. Je n'ai pas l'intention, à ce stade-ci, d'entrer dans les détails sur la réglementation du projet de loi en question. Je me réserverai d'autres commentaires et d'autres questions au cours de la discussion que nous aurons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Y a-t-il d'autres députés qui veulent intervenir?

M. Blank: Certainement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: Je constate que le ministre encore aujourd'hui, comme il l'a fait en deuxième lecture, se plaint du fait que par cette entente à ce moment-ci, dans le contexte politique du Canada, il n'a pas les pleins pouvoirs, il n'a pas le contrôle absolu de l'immigration. Je répète ce que j'avais dit dans mon discours de deuxième lecture: je trouve très curieux que le ministre n'ait pas changé d'idée encore; il est en contradiction avec le premier ministre dans sa description de la souveraineté-association alors qu'il dit vouloir un mouvement libre de la population et même un passeport en commun. Pour avoir un passeport en commun et un mouvement libre de la population, je ne vois pas comment on peut avoir un contrôle absolu. Je trouve que cela est en contradiction avec les propos du premier ministre. Je pensais qu'en deuxième lecture la parole du ministre avait peut-être dépassé sa pensée. Cela a l'air qu'il se répète et je vois que nous ne sommes pas plus renseignés sur cette question de souveraineté-association vis-à-vis de l'immigration qu'avant.

Deuxièmement, le ministre a parlé des huit millions de réfugiés dans le monde. Je suis d'accord avec lui, la question des réfugiés — je parle des huit millions de réfugiés — est un problème très aigu à ce moment-ci. Je suis très heureux qu'on ait réagi un peu; dans cette loi-ci, on donne la définition d'un réfugié. J'ai trouvé que les conditions dans la convention de Genève étaient un peu trop à droite.

Si on lit les journaux aujourd'hui, il y a un cas bien particulier, celui de 2500 réfugiés vietnamiens qui sont sur un bateau devant Portland. Ce sont presque tous des gens de culture française. Le ministre ne pourrait-il pas faire des démarches au fédéral pour essayer d'avoir ces 2500 personnes et sauver leur vie? Cela prendrait environ six semaines au bateau pour arriver ici, au Québec, ce serait le 1er janvier 1979. Le ministre aurait le pouvoir de les laisser entrer. Je pense que ce serait un geste très positif de la part du ministre et de la province de Québec que d'aider ces gens-là qui, à ce moment-ci, sont entre la vie et la mort. Il n'y a pas un pays au monde qui veut les aider. Les Nations Unies font des plaidoyers ici et là. Ce serait une occasion idéale de démontrer que nous avons un esprit très ouvert ici, au Québec, et que nous sommes prêts à accepter ces 2500 vietnamiens qui sont mourants sur ce bateau.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Je n'ai pas eu la chance de me prononcer beaucoup sur la deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale quoique j'aie environ 20% de personnes d'origine ethnique dans mon comté de Bourassa. (10 h 45)

Le projet de loi no 77, pour moi, est un début. C'est un début de respect pour l'immigrant qui, déjà, avant de partir pour le Québec, saura à quoi s'en tenir. Pour moi, c'est une des phases importantes du projet. Il y a aussi le respect de la famille. Souvent, à toutes les semaines, je reçois

des membres de groupes ethniques qui veulent faire venir leur père, leur mère, les frères, les soeurs. C'est très difficile à ce moment-ci de les faire venir parce que les critères, actuellement, dans une loi fédérale, sont restreints suivant l'économie du pays. Il reste, en somme, une grande difficulté pour ces gens-là de pouvoir faire venir leur parenté.

Je suis certain que le projet de loi est très bien vu dans le milieu. J'en ai discuté avec quelques-uns d'entre eux; ils ont hâte qu'il soit en application. On nous demande actuellement — j'en ai encore reçu à mon bureau lundi — si la loi 77 est déjà en vigueur. On espère qu'elle le sera le plus tôt possible parce qu'on la voudrait efficace pour tous ces gens-là. Pour moi, un immigrant est immigrant au moment où il arrive ici au Québec, et dès l'instant où il commence à travailler, à prendre nos transports, à faire son marché comme tout le monde, il n'est plus un immigrant. Il est devenu un résident du Québec qui, déjà, apporte sa part à notre communauté dans l'économie.

M. le député de Mont-Royal, tout à l'heure, disait comment on favorisait l'immigration. Vous aviez un doute là-dessus, à savoir si on voulait réellement de l'immigration.

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela...

M. Laplante: C'était dans ce sens-là...

M. Ciaccia: Non, c'était dans le sens que le projet de loi ne dit pas s'il a comme objectif de la favoriser ou non. Je sais que le ministre est favorable à l'immigration, mais quand on lit le projet de loi, on ne voit pas si dans ses objectifs...

M. Laplante: Les textes précisent... D'accord.

M. Ciaccia: ... il est pour ou contre. Je me limitais au projet de loi.

M. Laplante: D'accord, mais pour enlever toute ambiguïté, je ne crois pas qu'il y en ait un autour de la table, ici, qui ne soit pas favorable à l'immigration. Une immigration, en somme, qui va aussi de pair avec l'économie du pays. On ne peut faire venir des gens ici pour les priver de nourriture, de vêtement ou de logement si on n'a rien de cela à leur offrir. A l'immigrant qui vient ici, on doit aussi offrir le pain. Je suis sensible de ce côté-là, parce que c'est un droit naturel. On n'a pas besoin d'inscrire dans le projet de loi le texte des droits de l'homme. En somme, cela est reconnu par une loi et le bill des droits de l'homme a priorité sur n'importe laquelle des lois.

Je ne prendrai pas plus de temps. Le député de Mont-Royal disait aussi de s'inspirer de la loi fédérale si elle est bonne. Je suis complètement d'accord avec le député de Mont-Royal là-dessus. Si des articles de loi sont bons dans la politique fédérale ou dans la politique américaine, n'importe où au monde où il y a des lois d'immigration dont ont peut s'inspirer, je pense que c'est avancer, ce n'est pas un recul qu'on peut faire. Il ne faut pas être gêné d'aller fouiller dans ces lois-là et de les inscrire dans nos textes.

Sur cela, M. le Président, je vous remercie de la courte intervention que j'ai pu faire. On est prêt à commencer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui?

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais seulement dire un mot. Je n'ai pas de commentaire préliminaire à faire. J'entendais le député de Bourassa qui disait: Enfin, on va pouvoir favoriser les familles, etc. Je tiendrais quand même à rectifier... Oui, oui, je suis dessus, M. le ministre, ne vous inquiétez pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas de cela qu'on parle. J'ai deux oreilles.

Mme Lavoie-Roux: Deux oreilles, bon d'accord. Je tiendrais quand même à rectifier le fait qu'on peut bien vouloir reprocher au ministère de l'Immigration fédérale ce que l'on veut, mais une de ses premières politiques était de favoriser la réunification des familles. Quand le député de Bourassa dit: Enfin, on va pouvoir réunir les familles, je pense que c'est important de remettre cela dans son contexte exact. C'est tout ce que je voulais ajouter pour l'information des gens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, s'il vous plaît, il n'y aura pas de débat à ce stade-ci. M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Laplante: II faut vivre ce que l'on vit dans nos bureaux, actuellement, sur la politique fédérale de favoriser les familles...

Mme Lavoie-Roux: Non, on ne peut pas dire n'importe quoi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Avant d'appeler l'article 1...

Mme Lavoie-Roux: Quand je vois le monde charrier, moi...

M. Ciaccia: Je voudrais poser une question au ministre...

M. Couture: J'avais de petites réponse pour... Je crois que ce pourrait...

M. Ciaccia: D'accord.

M. Jacques Couture

M. Couture: Je vais peut-être aller au devant de votre question. D'abord, je veux vous dire que je suis très heureux de l'attitude ouverte de l'Opposition face à l'étude du projet de loi. Je pense qu'en effet on a compris qu'il est important pour nous de travailler pour des objectifs qui débordent

évidemment ce que nous pouvons être individuellement et comme membres aussi de formations politiques. Nous sommes vraiment là pour rejoindre les objectifs du Québec, de la collectivité québécoise et des immigrants. Je m'en félicite. On m'a indiqué qu'il y aurait certaines choses qu'on aimerait voir intégrer au projet de loi. Je peux dire tout de suite, à ce moment-ci, que j'accepte un certain nombre de suggestions qui ont été faites. Je dois dire que, depuis plusieurs mois, nous avions aussi des projets parallèles où on disait: Est-ce qu'on met beaucoup de choses, est-ce qu'on en met moins, etc? Est-ce qu'on fait une loi spéciale? A cause des délais, à cause de la complexité de cette matière, à cause du temps considérable que cela prend pour élaborer quelque chose de plus substantiel, nous avons opté pour des amendements à notre loi, nous donnant un pouvoir législatif pour appliquer l'entente.

Par ailleurs, les amendements que je vais proposer sont de nature, je pense à rejoindre ce genre de préoccupations qu'on a exposées tout à l'heure et en deuxième lecture. Entre autres, je proposerai des amendements pour introduire les objectifs de notre intervention en matière d'immigration. Nous avons des amendements sur les objectifs. Nous aurons aussi des indications sur les critères de sélection dans le projet de loi. Nous aurons aussi certaines dispositions qui pourront préciser certains articles qu'il y avait dans le projet de loi no 77, à la suite, d'ailleurs, des interrogations qui m'avaient été faites en deuxième lecture. Je n'ai pas retenu toutes ces suggestions et je dirai, à mesure que viendront les articles, les raisons pour lesquelles nous ne voulons pas céder à ces demandes. Mais je pense bien que déjà, en vous indiquant que nous introduisons les principes dans le projet de loi no 77 et certaines autres dispositions, cela pourra être assez satisfaisant pour l'ensemble des membres de la commission.

Je veux tout simplement dire un mot aussi sur ce que disait notre ami de Saint-Louis, à propos du mouvement libre de la population et peut-être de cette espèce de contradiction, semble-t-il, apparente qu'il y aurait d'être dans un cadre de souveraineté-association et d'avoir le pouvoir complet en immigration. C'est évident qu'il y aura des ajustements à faire et des ententes à faire avec le gouvernement du Canada, sauf que l'instrument efficace; complet et satisfaisant en matière d'immigration, c'est l'émission des visas. Surtout, à mon avis, au niveau de la sécurité nationale, je pense que c'est clair pour tout le monde au gouvernement que nous voulons, nous, que ce soit le gouvernement du Québec qui définisse ce qu'est la sécurité nationale et que lui-même puisse identifier les conditions pour entrer au territoire québécois selon des exigences qu'on pourrait avoir pour les ressortissants étrangers. Evidemment, ce n'est pas le lieu de s'étendre là-dessus, mais je crois qu'on peut avoir l'instrument d'immigration comme pouvoir complet, tout en ayant avec les Etats voisins des ententes sur la libre circulation des personnes, comme cela se passe, d'ailleurs, dans certains pays d'Europe. Pour la démarche sur les réfugiés...

M. Blank: Vous n'avez pas commenté sur le passeport commun.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Couture: On en reparlera de cela en temps et lieu. A propos du mouvement des réfugiés, je peux peut-être dire au député de Saint-Louis que, récemment il y a des Vietnamiens — on en avait identifié 125 à 150, des petits bateaux comme on les appelle — que personne ne voulait accueillir et le Québec a accepté de les recevoir ici et ils commencent à entrer. Il y en a déjà quelques-uns d'entrés. Pour les 2000, vous comprendrez que la contribution du Québec est possible; elle se fera sans doute et moi-même, je suis très alerté par cette situation dramatique, absolument incroyable. Nous allons aussi chercher à participer possiblement à l'accueil d'un certain nombre de ces réfugiés. Nous sommes dans le programme et le Québec, c'est la province du Canada qui fait le plus d'efforts pour l'accueil des réfugiés.

Le représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies m'a demandé, il y a quelques jours, quand il est venu me voir à Québec, d'accepter un certain nombre de réfugiés chiliens parmi un groupe de 1000 réfugiés chiliens qui sont en Argentine. Les Nations Unies cherchent des terres d'accueil pour ces 1000 réfugiés chiliens qui sont dans une situation très pénible. J'ai indiqué qu'on pouvait accepter 200 de ces réfugiés. Je pense que, à ce point de vue là, on rejoint et vos préoccupations et celles de bien des Québécois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'appelle l'article 1.

M. Ciaccia: Avant d'appeler l'article 1, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Monsieur, il ne faudrait pas que je permette un débat.

M. Ciaccia: J'ai une question. Non, pas de débat. Je veux demander au ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une question.

M. Ciaccia: ... s'il peut déposer les amendements. Cela peut nous éviter d'en faire certains si on peut les examiner.

M. Couture: Justement dans l'esprit...

M. Ciaccia: D'accord?

M. Couture: ... de collaboration qui semble prévaloir à cette commission, je veux bien le faire. Je dépose l'ensemble des amendements que nous proposons pour le projet de loi 77 et nous vous donnerons tout le cahier qui donnera les explications afférentes.

M. Ciaccia: ... question. Je sais, M. le Président, que...

M. Couture: ...

M. Ciaccia: ... si on veut un préambule à une loi, normalement, d'après les règles de procédure, la discussion du préambule vient à la fin. Mais je voudrais demander au ministre — à moins que, par le consentement de la commission, on puisse en discuter avant — premièrement, s'il voudrait que je lui lise le préambule qu'on suggère. Après qu'il en aura pris connaissance, il pourra nous laisser savoir s'il est prêt à en discuter maintenant ou s'il insiste pour qu'on discute du projet de loi article par article et qu'on y revienne à la fin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député, vous posez la question au ministre, mais j'ai quelque chose à dire à ce stade-ci.

M. Ciaccia: Au président aussi. Une Voix: En effet.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant même que vous lisiez le préambule, il faudrait le consentement des membres de la commission afin qu'on parle de préambule avant l'article 1 parce que, effectivement, vous aviez raison de dire que les règles de procédure nous obligent à étudier le préambule lorsque tous les articles auront été adoptés. Donc, j'aimerais savoir s'il y a un consentement unanime pour qu'on n appelle pas l'article 1 et qu'on parle de préambule. Sinon, j'appellerai l'article 1.

M. Ciaccia: M. le Président, avant de demander s'il y a consentement, je voudrais... Je comprends les règles, mais je trouve que c'est une des règles qu'on devrait éventuellement changer parce que cela s'appelle préambule.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais elle n'est pas changée.

M. Ciaccia: C'est un peu illogique de discuter du préambule à la fin. Ce n'est pas un "finambu-le ", c'est un préambule.

M. Couture: Me permettez-vous de donner ma réponse, M. le Président? Je dois dire à ce stade-ci que, pour nous, il n'est pas question, dans le projet de loi 77, d'accepter un préambule parce qe ce n'est pas une loi générale sur l'immigration. Ce sont des modifications à la Loi du ministère de l'Immigration. Probablement que ce que vous voulez introduire dans le préambule se retrouvera dans les objectifs que nrçius avons identifiés et que nous insérons à l'article 2. Donc, M. le Président, pour ce qui me concerne, je voudrais qu'on passe à l'étude article par article.

M. Ciaccia: Vous ne voulez même pas entendre ce que j'inclus dans mon préambule.

M. Couture: Vous pourrez en discuter à l'occasion des objectifs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: C'est un bon esprit de collaboration; cela commence bien.

M. Couture: Je pense que cela revient tout à fait au même.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant. Il n'y aura pas de débat là-dessus.

M. Ciaccia: On vous offre notre collaboration; merci pour la vôtre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A partir du moment où une règle de procédure existe, cela prend le consentement. Comme il y a défaut de consentement, je me dois donc d'appeler l'article 1, tout en mentionnant au député de Mont-Royal — il le sait fort bien d'ailleurs — qu'il pourra, à l'occasion, revenir pour parler de préambule, mais lorsque les articles auront été adoptés.

M. Couture: Par préambule, il faut s'entendre pour savoir ce que vous voulez dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, on ne parle plus de préambule; c'est l'article 1. J'appelle donc l'article 1. M. le ministre , avez-vous quelque chose à dire sur l'article 1?

Ressortissant étranger

M. Couture: L'article 1, M. le Président, demeure le même, mais je pense qu'il est absolument important de le maintenir tel qu'il est parce qu'il nous permet de nous référer à des définitions de la Loi sur la citoyenneté. Pour la coordination nécessaire dans un régime fédéral, nous sommes obligés, dans la sélection des ressortissants étrangers, de nous ajuster sur l'identification et la définition de "ressortissant étranger' et pour le gouvernement du Canada et pour nous. Donc, je n'ai pas de commentaire bien important à faire là-dessus. Je pense qu'il est nécessaire de se référer à cette définition du...

M. Ciaccia: J'ai un amendement à apporter à l'article 1. (11 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'aurais un amendement à apporter à l'article 1 qui se lirait comme suit: "Que l'article 1 soit modifié en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'élaboration de la politique québécoise d'immigration ainsi que l'interprétation de la présente loi et de sa réglementation doivent tenir

compte des objectifs suivants: a) favoriser la poursuite des objectifs démographiques établis conjointement par les gouvernements québécois et canadiens; b) assurer la promotion et l'enrichissement culturel et social du patrimoine québécois; c) faciliter la réunification des familles; d) encourager et faciliter l'adaptation et l'intégration des ressortissants étrangers admis à être permanents; e) avoir à l'égard des réfugiés une attitude humanitaire; f) respecter le droit de mobilité de chaque individu à l'intérieur du territoire québécois; g) s'assurer que l'élaboration des normes et des critères utilisés dans la sélection des ressortissants étrangers n'établisse entre les requérants aucune discrimination fondée sur la race, la nationalité, l'origine ethnique, la couleur, la religion ou le sexe".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Couture: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de parler sur le fond de la motion, j'aimerais qu'on m'instruise quelque peu sur la recevabilité, parce que je dois vous dire que j'ai des doutes sérieux quant à l'acceptation de cet amendement à l'article 1. Je ne dis pas — je ne connais pas les autres articles de la loi — que cet amendement ne serait peut-être pas recevable ailleurs. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Oui. M. le Président, je doute moi-même beaucoup de la recevabilité de cet article, parce que, si vous vous référez tout de suite à l'article 3 modifié par le ministre, on retrouve une partie de ces critères à l'intérieur, et dans d'autres articles aussi, vous le voyez là-dessus. En acceptant un tel amendement, je me demande si on ne défait pas le projet de loi avant de l'étudier article par article. Quant à moi, cela ne paraît pas recevable parce que c'est trop tôt; on va retrouver dans les articles suivants la plupart des choses que propose le député.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la recevabilité.

M. Blank: Je ne comprends pas que le député de Bourassa parle de quelque chose qui n'est pas devant nous.

M. Ciaccia: On en peut pas présumer.

M. Blank: On ne peut pas présumer des amendements qui vont venir. Le cahier ne fait pas partie de la loi. On est à l'article 1 de la Loi du ministère de l'Immigration. On doit prendre l'article 1 du chapitre 68 et cet amendement-ci. L'article 1 qui est encore dans la loi dit: "Le ministre de l'Immigration, désigné dans la présente loi sous le nom de ministre, est chargé de la direction et de l'administration du ministère de l'Immigration". Ici, avec les objectifs et les politiques que le député de Mont-Royal propose, cela est dans la direction et dans l'administration du ministère, quand vous lisez l'article 1. Ce n'est pas seulement sur la question de l'amendement du petit paragraphe qu'on ajoute par la loi 77. Cela doit retourner à l'ancienne loi — et c'est ce qu'il demande — l'article général, l'article 1, de l'administration, la politique du ministère. On a le droit d'ajouter à ce moment-ci des objectifs. Peut-être y a-t-il, dans les amendements proposés par le ministre qui vont venir... On n'est pas encore rendu là. Le ministre peut dire: Oui, je suis pour cela mais je ne veux pas cela ici, je vais le mettre après. On veut avoir son opinion.

M. Couture: C'est cela, M. le Président, je veux parler sur la recevabilité de cet amendement. Je pense qu'il n'est pas recevable. C'est un projet de loi qui modifie la Loi du ministère de l'Immigration et, dans l'article 3 de cette loi, la loi originale, on dit ceci: Le ministre est responsable de la planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec à un titre autre que celui de représentant d'un gouvernement étranger ou de fonctionnaire international. Il a pour fonction d'informer, de recruter et de sélectionner ces personnes, de rendre possible leur établissement au Québec et d'assurer leur intégration harmonieuse au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone.

M. le Président, c'est l'article 3 qui introduit les principes et les objectifs de l'immigration. D'ailleurs, nous avons des amendements pour compléter cette liste d'objectifs et de principes. Je pense que c'est irrecevable, ce n'est pas au bon endroit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est assez. Je ne pense pas que l'amendement apporté par le député de Mont-Royal aille à l'encontre de l'article 3 que vient de lire le ministre. Je dois vous avouer qu'il est extrêmement rare qu'on introduise dans des lois des objectifs, ou dans un article de loi les objectifs qu'entend poursuivre la loi.

M. Couture: A l'article 3, nous avons les objectifs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Marcoux: L'objectif de l'article 1, c'est de bien définir un des termes, la notion de "ressortissant étranger". Ce que je voudrais contester, c'est ce que le député de Saint-Louis dit lorsqu'il dit que lorsqu'on amende une loi, tous les articles de cette loi, même si dans le projet de loi, actuellement, il n'est pas proposé d'y revenir, cela nous donne l'occasion de proposer des amendements sur n'importe quel article dans le projet de loi qu'on étudie.

M. Blank: Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit: On amende l'article 1. On veut ajouter un amendement à l'article 1, c'est cela qu'on fait. On n'ajoute pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! C'est déjà assez compliqué.

M. Marcoux: Un amendement doit préciser... Le principe est de définir un nouveau concept ou de préciser le concept de "ressortissant étranger". Tout amendement doit se référer à ceci et non à l'ensemble des principes contenus dans la loi qu'on veut amender parce qu'à ce moment, à chaque fois qu'on amende une nouvelle loi, le fait d'amender cette loi ouvrirait le débat sur l'ensemble de la loi alors que ce n'est pas du tout le processus parlementaire. Les règlements ne nous permettent pas cela. L'objectif de cet article-ci est de préciser ce qu'est un "ressortissant étranger " et tout amendement doit concerner ce principe qui devient principal et que nous sommes en train d'étudier. Ce que vous abordez en somme pourrait s'inscrire s'il y avait un projet de loi ou s'il y avait d'autres articles du projet de loi qui proposent de redéfinir quelque chose de beaucoup plus global, l'ensemble des principes, de la politique, ce qui n'est pas du tout l'objet de cet article 1. Je conteste l'interprétation du député de Saint-Louis.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est assez. J'allais dire, le député de Saint-Louis est intervenu à temps, que mon expérience d'avocat m'avait démontré qu'il était rare de constater dans des textes de loi l'intrusion de voeux pieux ou d'objectifs qu'entend poursuivre une loi, ainsi de suite. Par exemple, je vois "avoir une attitude humanitaire ", alors qu'on ne définit pas ce qu'est "une attitude humanitaire ". Donc, je raisonnais un petit peu comme avocat et je me disais: C'est rare qu'on voit des articles aussi généraux où on parle des objectifs d'une loi. Je remarque que l'article 3 de la loi fédérale, effectivement, nous déclare dans quel but... quels sont les objectifs poursuivis par la loi. Ma décision, je suis en train de la rendre: je ne pense pas que cet argument tienne. Donc, il est possible d'introduire ce genre d'article dans nos lois.

Sauf que je vous inviterais, M. le député de Mont-Royal, à revenir avec le même amendement à l'article 3. Je pense réellement que, si on lit l'article 3 de la loi de 1968, chapitre 68, on se rend compte que c'est à cet article où on donne des pouvoirs au ministre que votre amendement serait plus facilement non seulement recevable, mais discutable. Le député de Saint-Louis avait raison de le mentionner, on modifie actuellement l'article 1 de la loi de 68 qui dit tout simplement ceci: "Le ministre de l'Immigration, désigné dans la présente loi sous le nom de ministre, est chargé de la direction et de l'administration du ministère de l'Immigration". Mais à l'article 3, par contre, on s'en va réellement dans les fonctions, dans les attributions du ministère et du ministre de l'Immigration, de telle sorte que — je vous le dis bien honnêtement — je le déclare irrecevable à l'article 1, mais il sera certainement discutable à l'article 3.

M. Ciaccia: On ne modifie pas l'article 3. Comment peut-on l'amender?

M. Brochu: On verra. M. Couture: On verra.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dans le projet de loi no 77, on fait état de l'article 3.

M. Couture: On a aussi des amendements à l'article 3. Est-ce que les amendements ont été distribués? Cela éclairerait les membres de cette commission.

M. Blank: Non, nous n'avons pas les amendements. Est-ce que je peux avoir mes lois?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Donc, l'amendement est irrecevable à l'article 1.

Une Voix: On peut appeler le vote.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 1 est adopté? L'article 1 est adopté. Article 2?

M. Blank: Est-ce qu'on peut mettre ici notre amendement? On demande que l'article 3 soit modifié.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je laisse la parole au ministre.

Objectifs

M. Couture: Nous sommes à l'article 2, M. le Président. Dans le projet de loi 77, l'article 2 se lisait comme ceci: "L'article 3 de ladite loi, modifié par l'article 3 du chapitre 9 des Lois de 1969, par l'article 111 du chapitre 6 des Lois de 1974 et remplacé par l'article 2 du chapitre 6 des Lois de 1974, est modifié par l'addition à la fin du troisième alinéa du paragraphe suivant." Vous avez ici, h) "définir des objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte notamment des besoins démographiques, économiques et socioculturels des diverses régions du Québec."

M. le Président, je veux proposer, pour l'article 2 du projet de loi 77 qui amende l'article 3 de la loi du ministère, les amendements suivants. Si vous voulez, on peut les distribuer. Dans ces importants amendements, nous voulons, en effet, tenir compte des préoccupations qu'on nous a signalées, dont on nous a fait part lors du débat en deuxième lecture. Dans l'article 3 de la loi du ministère, il y a déjà un certain nombre de principes établis. Nous voulons compléter cette

liste de principes et d'objectifs pour mieux préciser de quelle façon et au nom de quelle philosophie le gouvernement du Québec entend intervenir en matière d'immigration. M. le Président, vous me permettrez de lire ces amendements pour adoption. "L'article 3 de ladite loi, modifié par l'article 3 du chapitre 9 des Lois de 1969, par l'article 111 du chapitre 6 des Lois de 1974 et remplacé par l'article 2 du chapitre 64 des Lois de 1974 est remplacé par le suivant: 3. Le ministre est responsable de la planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec à un titre autre que celui de représentant d'un gouvernement étranger ou de fonctionnaire international." (11 h 15)

II a pour fonction d'informer, de recruter, de sélectionner ces personnes, de rendre possible leur établissement au Québec et d'assurer leur intégration harmonieuse au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone." J'arrive aux amendements. Il faudrait lire, à la suite de ces deux alinéas, ceci: "La sélection des ressortissants étrangers souhaitant s'établir au Québec à titre permanent ou temporaire a notamment pour objet de: "a) contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la stimulation du développement de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques; "b) faciliter la réunion au Québec des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger; "c) permettre au Québec d'assumer sa part de responsabilités dans l'accueil des réfugiés et d'autres personnes qui se trouvent dans des situations particulières de détresse; "d) favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec succès au Québec; "e) faciliter les conditions du séjour au Québec des ressortissants étrangers qui désirent étudier, travailler temporairement ou recevoir un traitement médical, compte tenu des raisons de leur venue et des capacités d'accueil du Québec."

M. le Président, je pense qu'on peut déjà, quant à ces amendements — il y en aura d'autres pour l'article 2 — aborder le fond. Si vous permettez, j'aimerais donner quelques détails.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout d'abord, j'aimerais dire ceci. M. le député de Saint-Louis, M. le député de Richmond, conformément à la tradition, étant donné que le ministre apporte des amendements à l'article 2 du projet de loi no 77, j'aimerais que vous considériez que c'est le nouvel article 2 de la loi 77, tout en vous soulignant que nous avons bien fait de rejeter l'amendement puisque le député de Mont-Royal pourra faire tous les amendements qu'il veut parce que nous sommes réellement dans le sujet.

Donc, ce qui vient d'être lu par le ministre, c'est le nouvel article 2, et tout ce qui sera proposé, ce seront des amendements et non pas des sous-amendements, d'accord?

M. Couture: C'est une partie de l'article 2 parce qu'il y a trois autres amendements. Voulez-vous qu'on les lise?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Couture: On va donner en même temps les trois autres amendements. A la suite de e), à la suite de ce que vous avez ici dans les nouveaux amendements de l'article 2 du projet de loi no 77, il faudrait lire ceci. On va en faire la distribution immédiatement. "Le ministre doit, à ces fins: a) Etudier les données disponibles sur les besoins de main-d'oeuvre du Québec, les emplois qui y sont disponibles et la possibilité pour des immigrants de s'y établir en tenant compte des caractéristiques de la population et des programmes d'aménagement du territoire." On poursuit avec b).

Le nouvel amendement à c): "Prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire en fonction des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec." On a pas mal d'amendements.

M. Ciaccia: Vous apportez tous les amendements ce matin. Franchement, on essaie de suivre, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! On va se débrouiller.

M. Couture: C'est pour chercher à faire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Couture: Le nouvel amendement, article h): Définir des objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte notamment des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec." Si vous voulez lire l'ensemble de l'article 2, je peux le lire complètement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Couture: Je lis au complet l'article 2 tel qu'amendé actuellement. "L'article 3 de ladite loi, modifié par l'article 3 du chapitre IX des lois de 1969, par l'article 111 du chapitre VI des lois de 1974 est remplacé par le suivant: 3. Le ministre est responsable de la planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec à un titre autre que celui de représentant d'un gouvernement étranger ou d'un fonctionnaire international.

II a pour fonction d'informer, de recruter, de sélectionner ces personnes, de rendre possible leur établissement au Québec et d'assurer leur intégration harmonieuse au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone — je suis les amendements — la sélection des ressortissants étrangers souhaitant s'établir au Québec à titre permanent ou temporaire a notamment pour objet de: a) contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la stimulation du développement de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques; b) faciliter la réunion au Québec des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger; c) permettre au Québec d'assumer sa part de responsabilités dans l'accueil des réfugiés et d'autres personnes qui se trouvent dans des situations particulières de détresse; d) favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec succès au Québec; e) faciliter les conditions du séjour au Québec des ressortissants étrangers qui désirent étudier, travailler temporairement ou recevoir un traitement médical, compte tenu des raisons de leur venue et des capacités d'accueil du Québec. Le ministre doit, à ces fins: a) étudier les données disponibles sur les besoins de main-d'oeuvre du Québec, les emplois qui y sont disponibles et la possibilité pour des immigrants de s'y établir, en tenant compte des caractéristiques de la population et des programmes d'aménagement du territoire; b) effectuer des études et des recherches sur les bassins d'émigration susceptibles de fournir au Québec des immigrants et sur les moyens à mettre en oeuvre pour recruter et sélectionner ces derniers; c) prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, en fonction des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec; d) établir et maintenir des services d'assistance aux immigrants chargés de les accueillir dès leur arrivée au Québec, de leur prêter l'aide requise, de rester en contact avec eux et de leur apporter l'appui dont ils ont besoin; e) prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent dès leur arrivée ou même avant qu'elles ne quittent leur pays d'origine la connaissance de la langue française; f) établir et maintenir des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone; g) — on reviendra là-dessus — prendre avec les ministères intéressés les mesures nécessaires pour établir des normes pour la reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à l'étranger, des études qui ont été poursuivies, de la formation qui a été reçue et de l'expérience acquise en vue de l'attribution d'équivalences correspondantes; h) — qui est nouveau — définir des objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée, en tenant compte notamment des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec.

M. le Président, ces amendements sont assez importants, je pense qu'on devrait, d'une part, donner la philosophie générale de la production de ces amendements...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, vous allez me permettre de dire — parce que cela est très important — que ce qui vient d'être lu par le ministre est dorénavant le nouvel article 2 du projet de loi 77, pour bien se comprendre. D'accord? M. le ministre.

M. Blank: Je me demande si les deux paragraphes qui sont actuellement dans le paragraphe 3 de l'ancienne loi restent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Blank: Vous ne trouvez pas qu'il y a répétition?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Trop fort ne casse pas!

M. Couture: C'est-à-dire que cela s'inscrit dans la philosophie des deux premiers paragraphes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Couture: M. le Président, nous avons réfléchi longuement, pendant plusieurs mois, sur l'importance ou la nécessité d'introduire ce genre de principe et vous avez dit à bon droit, tout à l'heure, que ce n'était pas l'habitude, dans des lois générales, d'indiquer des principes et de discourir sur une philosophie d'une loi. C'est la raison pour laquelle, dans la présentation du projet de loi 77, ces principes n'étaient pas inscrits. A ce moment-là, nous croyions, à bon droit, que nous avions purement besoin d'un cadre législatif pour nous donner un pouvoir réglementaire qui, dans les règlements eux-mêmes, donnerait les indications nécessaires dans l'exercice courant des interventions en matière d'immigration. C'est ce qu'il faut retenir.

C'est un domaine, quand même , qui est en mouvement, et il ne faut pas bloquer — il faut être prudent — dans une loi un certain nombre de données ou de principes qui nous paralyseraient s'il y avait des changements dans la politique d'immigration. Sauf qu'après avoir écouté beaucoup de mes collègues à l'Assemblée nationale — moi-même, c'est une réflexion que j'avais faite pendant plusieurs mois aussi — je dirais qu'il y a un intérêt pédagogique à inscrire ces principes dans une loi, parce que, comme on l'a dit à juste raison, on n'a pas affaire à du béton, on n'a pas affaire à des mesures purement administratives. Ce sont des personnes humaines qui doivent éventuellement s'éclairer par une loi et elles cherchent parfois aussi d'une façon précise et

assez claire à savoir ce que le gouvernement veut quelles sont, enfin, la politique et la philosophie du gouvernement dans cette matière aussi importante au niveau humain que l'immigration.

Nous avons donc opté en dernier lieu — c'est la raison pour laquelle j'apporte ces amendements aujourd'hui — pour introduire, dans notre projet de loi 77, un certain nombre de principes qui on le remarquera pour ceux qui sont familiers avec l'entente, reprennent presque mot à mot un certain nombre de considérants qui étaient dans l'entente signée avec le gouvernement du Canada. Cela pour bien indiquer d'ailleurs — je suis certain que cela va plaire à mes éminents collègues de l'Opposition — que ce projet de loi, ces amendements à la loi du ministère ont pour fonction principale et objectifs évidents d'appliquer l'entente qui a été signée avec le gouvernement du Canada. Là-dessus, c'est clair que par ces amendements nous voulons reprendre un certain nombre de ces objectifs qui avaient été acceptés de part et d'autre pour dire clairement maintenant que la loi de l'immigration du Québec, dans le prochain exercice de ses pouvoirs, se guidera, s'éclairera par ces principes que l'on trouve d'ailleurs dans l'entente. Mais cela devient un texte légal qui donne une force, évidemment, évidente et considérable à cette entente.

M. le Président, j'imagine qu'on va l'étudier alinéa par alinéa tout à l'heure, cela sera plus indiqué, mais pour le moment, je voudrais rappeler qu'en lisant ces amendements, ces objectifs qui sont bien décrits, on couvre assez bien, il me semble, tout ce que le Québec recherche dans sa politique d'immigration. Prenez l'amendement a) où on parle de "contribuer à l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la situation du développement de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques", je crois qu'en effet, tout le monde est d'accord pour dire — et je suis heureux de voir qu'on rejoint aussi les préoccupations que l'Opposition nous a signalées tout à l'heure — que l'immigration au Québec s'inscrit nécessairement dans ces objectifs. S'il y a de l'immigration, c'est parce qu'effectivement nous sommes persuadés que c'est un enrichissement collectif. La présence et la venue des immigrants au Québec, c'est une façon pour nous de nous enrichir et de nous ouvrir à d'autres réalités et de nous faire participer, comme Québécois, à la richesse énorme de toutes les cultures du monde. Quand on dit l'enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, c'est identifié ici. Il y a des traditions, il y a une culture, mais la venue des immigrants ne vient pas freiner ou mettre en danger cette culture. Au contraire, elle vient l'enrichir. J'image que cela rejoint des préoccupations de tous les Québécois.

La stimulation du développement de son économie, c'est une évidence. Je pense qu'en deuxième lecture, nous avons fait état longuement à quel point la présence, la venue de milliers d'immigrants au Québec a été un facteur déterminant pour contribuer à développer l'économie québécoise. (11 h 30)

On a démontré longuement aussi combien d'immigrants ont été des créateurs d'emplois au Québec, combien ont lancé des entreprises, combien surtout, même s'ils n'ont pas été créateurs d'emplois, par leur dynamisme, par leur labeur — je pense que les gens reconnaissent à quel point les immigrants là-dessus donnent vraiment, je dirais même, des leçons à bien du monde — par leur travail assidu et laborieux aident à la bonne santé économique du Québec. L'immigration, comme instrument de développement économique, est aussi facilement démontrée par la venue d'idées nouvelles et tout ce qu'ils apportent de créativité. Je pense au domaine de la chaussure, entre autres. J'avais l'exemple dernièrement d'une petite manufacture italienne qui a lancé un produit sur le marché du Québec qui est maintenant devenu un produit sur le marché international parce qu'ils avaient des idées nouvelles. A ce point de vue là, c'est toujours très positif.

La poursuite des objectifs démographiques, cela va de soi de plus en plus quand on sait à quel point, à cause du phénomène de la dénatalité au Québec, nous aurons besoin, pour rééquilibrer au niveau démographique notre population, de cet apport d'une immigration continue et soutenue. Dans ce sens, je pense que, par la réglementation, nous cherchons à rejoindre une immigration jeune, dynamique. Nous bonifions même la famille parce que nous savons que, pour une population qui vieillit comme la nôtre, si l'immigration doit corriger quelque chose, c'est bien au niveau d'une immigration jeune qui apporte des éléments neufs et dynamiques.

Au paragraphe b, M. le Président, je pense qu'on n'a pas besoin d'insister. La réunification des familles est un objectif traditionnel dans les politiques d'immigration ici même au Canada. Nous endossons facilement cet objectif. Nous allons même, à ce point de vue là, à la limite de nos possibilités pour assurer cet objectif de la réunification des familles. Je crois que cela pourra aussi satisfaire les nombreuses expressions d'opinions dans les milieux ethniques où on voulait bien que cette politique se continue au moment où le Québec exercerait ces pouvoirs.

Le troisième objectif, c'est que le Québec assume sa part de responsabilités dans l'accueil des réfugiés et d'autres personnes qui se trouvent dans des situations particulières de détresse. Je crois que, comme collectivité, si nous devons intervenir en matière d'immigration, si nous exerçons des pouvoirs, nous devons aussi assumer un certain nombre de responsabilités vis-à-vis de tous ceux qui, à l'extérieur, demandent de venir au Québec. Parmi eux, il y a évidemment les citoyens qui passent par la filière ordinaire, les indépendants ou les ressortissants étrangers qui ont de la famille ici, mais il y a aussi ces 8 millions à 10 millions de personnes qui attendent une terre d'accueil dans le monde. Je crois que le Québec, comme société occidentale qui a un niveau de vie assez élevé, doit comme gouvernement et comme collectivité assumer ses responsabilités.

Je suis assez fier de sentir dans la population un appui presque inconditionnel à cette politique

d'accueil des réfugiés et d'acceptation des cas humanitaires. Je pense que c'est une preuve de l'ouverture des Québécois sur le monde et c'est également une preuve de l'ouverture du gouvernement du Québec sur les réalités internationales. Si jamais on avait besoin de le prouver, nous l'avons déjà fait depuis plusieurs mois par notre politique des réfugiés.

Au paragraphe d, M. le Président, on dit qu'on doit favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec succès au Québec. Cela identifie directement la sélection des indépendants, c'est-à-dire que, dès qu'il y a une politique d'immigration, nécessairement il y a des choix qu'on doit faire. Ces choix doivent être faits d'une façon raisonnable, d'une façon respectueuse des droits et libertés des personnes, mais selon des objectifs d'une société donnée. J'insiste beaucoup sur ce point, parce que je crois que ce n'est pas toujours, quoi qu'on en pense parfois, des objectifs utilitaires, c'est-à-dire qu'on ne sélectionne pas des immigrants seulement pour des besoins directs d'une collectivité et d'une société, c'est aussi pour les besoins et les intérêts des immigrants eux-mêmes.

Si nous faisons de la sélection à l'étranger pour les immigrants, c'est parce qu'on souhaiterait qu'eux-mêmes soient bien choisis face à une société donnée. On cherche aussi à faire coïncider les objectifs de notre société québécoise avec les intérêts des immigrants. Si un immigrant était mal choisi, mal sélectionné, seulement au niveau économique, si on fait rentrer des gens et si on ne peut pas leur trouver d'emplois parce qu'il n'y a pas de besoin de main-d'oeuvre dans leur domaine professionnel, je pense qu'on ne rend pas service ni à la société québécoise ni aux immigrants, parce que, évidemment, ils viennent ici, sont frustrés, ne s'adaptent pas et, souvent, n'y restent pas. On a évalué à environ 30%, dans les 25 dernières années, l'immigration qui, pour toutes sortes de raisons — je ne mets pas le blâme directement sur les autorités fédérales comme telles, peut-être parce que c'est un gouvernement qui est plus loin du monde, etc. — avait été mal sélectionnée, c'est-à-dire qu'on a fait état suivant que les gens venaient ici et qu'ils n'y restaient pas, qu'ils s'en allaient.

Je pense que le fait de raffiner notre sélection à l'étranger nous permettra d'avoir ces pouvoirs nous-mêmes, comme gouvernement, et nous permettra de mieux faire coïncider la demande des ressortissants étrangers avec les besoins de notre société québécoise pour le bien même de ces immigrants. Je me plais à dire aussi que notre grille de sélection, notre réglementation à ce sujet, elle est ouverte, elle est réaliste, elle est généreuse et je pense qu'elle est équilibrée aussi. Nous verrons, dans les prochains mois — j'imagine que tous les membres de l'Assemblée nationale, les Québécois et les groupes ethniques, par leurs recommandations et la réaction qu'il y aura dans les milieux, selon l'exercice de ces pouvoirs — si vraiment on peut ajuster en cours de route cette grille québécoise.

On parle de faciliter les conditions de séjour au Québec des ressortissants étrangers qui désirent étudier et travailler temporairement ou recevoir un traitement médical, compte tenu des raisons de leur venue et des capacités d'accueil du Québec. Cela reprend presque mot à mot des principes qui étaient dans l'entente. C'est aussi en coordination et en harmonie avec les interventions que le gouvernement fédéral doit avoir dans ce domaine. J'insiste sur l'importance d'avoir obtenu ces pouvoirs, parce qu'on sait trop qu'un mauvais contrôle des travailleurs temporaires, entre autres, peut causer certaines incidences malheureuses au niveau de la main-d'oeuvre, au niveau de l'emploi. Alors, je crois que, pour le Québec, le fait de pouvoir exercer ces pouvoirs, le fait de pouvoir, dans ce domaine, assumer une certaine responsabilité nous permet effectivement, par la connaissance du marché du travail au Québec, en étant bien précis et bien rigoureux sur l'acceptation des travailleurs temporaires, une fois qu'on est certain — nous nous donnons des instruments pour le savoir — que ces emplois ne peuvent pas être occupés par des Québécois ou que les Québécois ne veulent pas les occuper, je pense qu'à ce point de vue, nous avons cette garantie qu'on ne peut pas refuser à des citoyens étrangers de venir, si c'est possible, quand les conditions sont raisonnables et quand il y a des garanties de protection du marché de l'emploi ici, on ne peut pas leur refuser à eux aussi de gagner leur vie, ne serait-ce qu'au principe de la libre circulation des citoyens dans le monde.

Je crois que c'est aussi une façon d'aider les pays du tiers monde, à un certain point de vue. Mais je fais une réserve et, là-dessus, je pense que tout le monde a à l'esprit — on a eu beaucoup de représentations du comité consultatif qui nous ont bien éclairés dans ce domaine extrêmement délicat — qu'il y a eu trop d'exploitation des travailleurs temporaires au Québec. C'est un domaine facile d'exploitation, et j'ai voulu assortir ce pouvoir d'une nouvelle dimension, au ministère de l'Immigration du Québec, où nous aurons bientôt un secrétaire délégué auprès des travailleurs immigrants qui sera un peu le protecteur du citoyen des travailleurs immigrants de façon particulière, aussi pour ces travailleurs temporaires qui sont bien souvent l'objet ou le sujet d'exploitation.

M. le Président, dans les nouveaux amendements que nous présentons aujourd'hui dans les autres articles, évidemment quand on dit d'étudier les données disponibles sur les besoins de main-d'oeuvre du Québec, les emplois qui y sont disponibles et la possibilité pour les immigrants de s'y établir en tenant compte des caractéristiques de la population et des programmes d'aménagement du territoire, nous avons un principe, un objectif qui supposent — et là-dessus nous mettons en place des instruments nécessaires — une connaissance du marché du travail, une coordination avec toutes les données du marché du travail, avec la main-d'oeuvre québécoise, avec aussi la main-d'oeuvre fédérale. Nous nous sommes assurés, depuis plusieurs mois que nous travaillons à cette donnée, d'une coordination efficace.

Evidemment, par notre service de recherches et l'utilisation aussi des services de recherches d'autres ministères et des universités, nous pourrons à l'occasion étudier plus précisément le comportement de certains groupes d'immigrants et leurs problèmes particuliers dans ce domaine. Dans b), études et recherches sur les besoins de l'immigration susceptibles de fournir au Québec des immigrants et sur les moyens à mettre en oeuvre pour recruter et sélectionner ces derniers. Je pense que cela saute aux yeux, pour la planification de l'immigration dans les prochaines années au Québec, cette espèce de rationalité que nous devons introduire de plus en plus, je ne dirais pas dans le type, mais dans le volume d'immigrants pour que vraiment cet instrument d'immigration soit de plus en plus, je dirais, précis et adéquat.

Je pense que ce sont les études et les recherches qui vont nous permettre éventuellement d'éclairer le ministre, de l'aider à faire des recommandations pertinentes au gouvernement. Nous disons, à c), de prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire en fonction des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec. Nous avons enlevé ce qu'il y avait dans la loi du ministère, les diverses régions du Québec. Pour une raison bien simple, M. le Président: C'est, dans la recherche de ces besoins et dans les interventions que nous pourrions avoir au niveau de la sélection, de l'implantation et du recrutement, pour ne pas être paralysé par des aspects purement régionaux.

Je pense que la politique de l'immigration au Québec doit chercher à s'étendre sur tout le territoire, mais cela peut être paralysant si on inscrit trop directement dans la loi les diverses régions. C'est une politique générale qui doit, selon les besoins des régions, s'appliquer. Dans d) on dit: Etablir et maintenir des services d'assistance aux immigrants chargés de les accueillir dès leur arrivée au Québec, de leur prêter l'aide requise, de rester en contact avec eux, de leur apporter l'appui dont ils ont besoin. C'est ce que nous avions, c'est l'adaptation, c'est le besoin pour le Québec de donner des instruments d'adaptation. Je suis heureux de dire qu'au niveau du ministère il y a depuis plusieurs mois à ce point de vue, je pense, des progrès assez intéressants. Il n'y a pas de changement, d'ailleurs, c'est dans la loi du ministère.

Aussi dans la loi du ministère: e) prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent dès leur arrivée ou avant même qu'ils ne quittent leur pays d'origine la connaissance de la langue française. J'aimerais quand même faire un commentaire intéressant là-dessus, c'est que c'était dans la loi initiale du ministère. A ce point de vue, dans le voyage que j'ai fait en Europe au mois de mai dernier, j'ai eu un accord de principe. Nos fonctionnaires, dans les prochains mois, vont chercher à concrétiser cet accord de principe pour qu'entre autres, au Portugal et en Italie, il y ait préparation des candidats qui désirent venir au Québec, une préparation linguistique et une préparation sur l'information des réalités québécoises au niveau des institutions, etc., des ressources. Je pense que c'est peut-être la première fois qu'on commence à appliquer cette disposition qui était dans la loi du ministère. (11 h 45)

C'est absolument important. Nous reviendrons sans doute là-dessus quand nous parlerons de la langue. Ce que nous voulons comme candidat idéal, ce n'est pas nécessairement celui qui parle français, mais celui qui est capable, qui veut venir au Québec, et qui accepte de s'introduire dans une société à majorité francophone et qui est tellement motivé de venir que parfois, aussi, il cherche, avant d'arriver, avant de partir de son pays, à commencer à apprendre le français et à s'instruire sur la réalité québécoise. Je pense qu'à ce point de vue il y a beaucoup d'immigrants qui — même en Asie, on voit cela — demandent qu'on les aide, comme il y a toujours un certain nombre de semaines de délai avant qu'ils arrivent, d'avance à se préparer à venir au Québec. Si je dérange le député de Saint-Louis, M. le Président, vous me le direz.

M. Ciaccia: Je vais le rappeler à l'ordre.

M. Couture: Là-dessus, je crois que le critère de la langue n'est pas lié à l'origine ethnique. Il est lié au fait que ceux qui veulent faire cet effort — les immigrants font beaucoup d'efforts pour quitter leur pays, ce qui est déjà énorme, et ils sont motivés à s'adapter à une nouvelle société — on les aide, on va les aider par cette disposition, peut-être, dans leur pays d'origine à se préparer à apprendre la langue et à s'intégrer plus facilement au Québec. Les services d'adaptation et d'intégration harmonieux aux immigrants, mentionnés dans la loi, c'est central pour notre gouvernement. Tous les autres gouvernements qui nous ont précédés ont eu eux aussi à coeur cet objectif. Au paragraphe g) ce sont les services d'équivalences qui existent déjà. Le paragraphe h) est nouveau. On a enlevé aussi les diverses régions du Québec. "Définir les objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte notamment des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec." On a fait disparaître les diverses régions du Québec pour, là aussi, ne pas être paralysés par ces objectifs, ces données.

M. le Président, sur cet article, j'ai donné l'essentiel des commentaires et je pense que le débat est bien engagé. J'aimerais qu'on le poursuive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je suis heureux de voir que le ministre a accepté les suggestions que nous avons faites en deuxième lecture quant à la question d'établir des objectifs dans la loi et d'y

inclure des critères de sélection. C'étaient deux critiques que nous avions faites de la loi en deuxième lecture et c'était l'objet de l'amendement que j'avais proposé à l'article 1. Cependant, il y a certains principes que le ministre a encore omis d'inclure dans les critères et dans les objectifs. Premièrement, je vois qu'il n'y a pas encore de référence à l'entente. Vous avez, je crois, reproduit dans le projet de loi certains des objectifs et des critères qui sont inclus sous une forme différente dans le projet de loi fédéral. Mais on ne se réfère pas encore spécifiquement à l'entente. Je note que vous parlez de la préparation des futurs immigrants, pour la question linguistique, même avant qu'ils viennent au Québec. C'est peut-être une des lacunes qui ont existé dans le passé, mais cela soulève une autre question. Je pense que cela souligne le fait que les critères de sélection, vraiment, ne devraient pas être limités, être principalement basés sur l'origine ethnique. Je crois que cela est accepté. Ce n'est pas l'origine ethnique qui va déterminer les meilleures personnes qui pourront s'adapter de la meilleure façon à notre société, à la société du Québec.

Cela m'amène à ma prochaine remarque. On n'inclut pas la question qu'il n'y ait pas de discrimination basée sur la race, la nationalité, etc., pour les critères de sélection. C'était un des amendements sur les objectifs et les critères de sélection. C'était un des points que je voulais inclure. Je remarque aussi que vous spécifiez au paragraphe c) que vous allez prendre les mesures nécessaires pour informer, sélectionner et implanter ces personnes dans différentes régions du Québec.

Cela soulève une autre préoccupation quant à la mobilité des gens qui sont acceptés — supposons que quelqu'un est accepté — l'idée de diriger les populations où elles doivent aller. On peut, dans les critères, encourager certaines personnes, s'il y a des emplois dans certaines régions, à aller dans ces différentes régions, mais non pas les obliger ou les implanter dans ces endroits. Le langage que vous utilisez soulève certaines inquiétudes. J'ai ces deux inquiétudes.

Je remarque, par exemple, que vous avez accepté les critiques que nous avions faites quant aux "besoins socioculturels des diverses régions du Québec." Vous avez enlevé cela et nous en sommes heureux parce que cela aurait suscité pas mal plus de questions que cela n'en aurait résolu. Je remarque que vous avez enlevé cette référence dans vos amendements, dans le nouvel article. Nous sommes d'accord généralement avec le nouvel article que vous avez introduit parce que vous spécifiez les objectifs. Vous donnez certains critères de sélection et nous avions, dans nos interventions, insisté beaucoup sur le lien de parenté, sur la question de la réunification des familles comme étant un critère absolument essentiel et un objectif à inclure dans le projet de loi. Nous notons que vous avez inclus cet objectif et ce critère.

Ce sont les remarques générales que j'ai à faire sur votre nouvel article. Deux points m'in- quiètent: la mobilité des gens une fois qu'ils sont acceptés au Québec et la question de non-discrimination quant aux critères de sélection que je ne vois pas inclus dans votre projet de loi ou dans vos amendements. Aussi je ne vois pas encore de référence à l'entente. Il y a beaucoup d'autres articles dans l'entente qui mériteraient soit d'être inclus directement dans le projet ou bien par référence. Je sais que l'entente existe, qu'elle a été signée, mais elle peut être modifiée. Il peut être question de l'interprétation de cette entente; cela enlèverait beaucoup d'ambiguïté et je pense que cela renforcerait ces principes en les incluant dans le projet de loi.

Pour le moment, M. le Président, je vais me limiter à ces remarques générales. Je vais attendre les commentaires d'autres membres de la commission. J'aurai peut-être quelques suggestions pour améliorer, pour bonifier le nouvel article que vous nous avez présenté ce matin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, le député de Papineau manifeste le désir de vous poser une question. Acceptez-vous?

M. Ciaccia: Oui, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement, M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je me suis rendu compte que le député de Mont-Royal est obsédé par l'entente Canada-Québec. S'il me le permet, je lui demanderais...

M. Ciaccia: Si vous voulez poser une question, posez-la. Si vous voulez dire que je suis obsédé par certaines choses, on pourra en reparler dans le couloir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le député de Mont-Royal, est-ce que le gouvernement canadien, lui, a modifié sa loi pour y inclure des références à l'entente Canada-Québec après la signature de cette entente?

M. Ciaccia: La réponse à votre question, M. le député de Papineau, est que, dans la loi C-24, était déjà incluse la possibilité de conclure cette entente. On y fait référence; alors, ce n'était pas nécessaire. Le député de Saint-Louis me réfère à l'article 127. Etes-vous satisfait?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond. Non? Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont à la fois des commentaires et des questions sur le nouvel article que le ministre de l'Immigration vient de déposer. J'étais fort heureuse de voir qu'on avait

au moins réfléchi à la question des travailleurs temporaires. Apparemment, le comité consultatif de l'immigration a signalé ce problème-là au ministre. Mais, le ministre nous dit: Nous allons mettre des outils pour nous assurer que... Il reste que je suis quand même un peu surprise que l'on ne prévoie, finalement, dans la loi pour les travailleurs temporaires, aucune balise, à savoir où on commence et où on finit.

Le problème des travailleurs temporaires, comme le ministre l'a souligné, a différentes facettes. D'abord, il y a toute cette question d'exploitation dont les travailleurs temporaires sont probablement parmi les plus touchés. Il y a aussi que je me demande jusqu'à quel point on devrait encourager ou favoriser les travailleurs temporaires. Vous avez dit: II faut quand même qu'ils participent, comme citoyens du monde, à la mobilité mondiale. On est tous d'accord avec un principe comme celui-là. On veut bien que tout le monde se promène à la grandeur de l'univers et on ne veut pas mettre d'entrave à cela. Mais il y a aussi des inconvénients à cette question d'exploitation. Je pense à un inconvénient assez grand. Il y a aussi le fait que c'est un facteur au plan social qui joue très souvent au détriment des familles. C'est une séparation des familles pour une période plus ou moins longue, qui souvent, finalement, peut peut-être aider une famille économiquement pour un laps de temps relativement court ou long, selon le cas, mais, à plus ou moins long terme, c'est loin d'être sûr que ce soit au service des familles, vraiment, qu'on s'adresse, en favorisant une politique de travailleurs temporaires.

J'aimerais savoir si le ministre de l'Immigration, qui nous parle d'outils qu'on a ou qu'on va mettre en place, peut être un peu plus précis quant à sa façon de contrer les inconvénients quand même très graves de ce travail des immigrants temporaires au Québec? D'ailleurs, la même question pourrait se poser pour le fédéral, quant à cela, et je suis tout à fait prête à le concéder. Mais cela soulève des problèmes très sérieux au plan social et au plan du respect de l'homme et de l'exploitation de l'homme. J'aimerais quand même, qu'on ait en dehors de ces généralités des outils et qu'on examine quels ont été finalement les discussions et les échanges à l'intérieur du ministère de l'Immigration, entre le ministre et ses fonctionnaires, qui, finalement, le font opter, selon la loi, pour une ouverture telle qu'elle a toujours existé. C'est ce qui m'inquiète beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Couture: II n'y a pas d'autres interventions?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'était pour répondre à quelques questions.

Mme Lavoie-Roux: Oui, et je n'ai pas l'inten- tion de prendre 20 minutes, j'ai deux autres questions à poser au ministre, après.

M. Couture: Si vous permettez, je voudrais revenir avant, à ce qui a été dit par le député de Mont-Royal. Comme référence à l'entente, quand le député de Papineau demandait au député de Mont-Royal si le gouvernement du Canada, lui, fait référence à l'entente. Vous avez dit: II fait référence à des ententes qu'il peut conclure avec les provinces. Donc, indirectement, il y a une certaine référence à cette entente. Je dois lui dire que la Loi du ministère de l'Immigration, à l'article 7, dit ceci — et c'est la même chose que la loi fédérale à ce point de vue-là, donc, si la raison que vous donnez pour pardonner ou justifier la position du fédéral est bonne pour le fédéral, elle doit être bonne aussi pour nous autres — : "Le ministre peut, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, conclure tout accord avec le gouvernement du Canada et tout organisme de celui-ci, ainsi qu'avec tout autre gouvernement ou organisme conformément aux intérêts et aux droits du Québec pour faciliter l'exécution de la présente loi." J'imagine que l'on peut fermer le dossier là-dessus, parce que c'est le pendant de ce que le fédéral dit dans sa loi. Donc, la loi de notre ministère nous permet de faire des ententes, et dès qu'une entente est signée... Quelqu'un a fait remarquer — je pense que c'est le député de Mont-Royal — que les ententes ne sont pas éternelles, elles changent. (12 heures)

Alors, il ne serait pas mauvais de bloquer dans la loi une entente donnée avec les dispositions actuelles de l'entente. C'est beaucoup mieux de laisser au niveau général cette espèce de disposition globale qu'on conclut des ententes, et ces ententes peuvent changer. D'accord? Bon. On n'insiste pas. Sur la mobilité sur le territoire, je n'ai pas saisi beaucoup les préoccupations du député de Mont-Royal, là-dessus, en pensant qu'on obligerait que la loi par sa nouvelle disposition... Ce n'est pas une nouvelle disposition, elle était là dans la loi, mais...

M. Blank: C'est ce que je veux empêcher. Dans le projet de loi fédéral, le premier projet C-24, il y avait une disposition où l'on peut faire venir une personne comme immigrant si elle passe tel nombre de mois dans telle ou telle place. Après étude...

M. Couture: Etes-vous pour cela?

M. Blank: Laissez-moi finir. Après l'étude par la commission parlementaire et les autres, on a oté cet article parce que cela était contre les traditions britanniques, canadiennes, québécoises de la liberté de mouvement. On ne veut pas avec cet article général de, peut-être par réglementation, créer une situation semblable. Quelque part dans ce projet de loi, c'est dit expressément. Si on veut ces généralités pour essayer de convaincre des gens par toutes sortes de moyens de pression

ou des choses comme celles-là, oui! Mais, les forcer, on veut éviter cela et on veut à quelque part dans cette loi qu'on dise qu'on n'a pas le droit de faire cela. On peut les inciter à déménager ou à aller travailler là, on peut leur donner certains bénéfices, mais d'attacher l'immigration à la condition que telle ou telle personne doit vivre à Trois-Pistoles pour six ans, trois ans, ou deux ans, cela on veut l'éviter. C'est le but de l'intervention du député de Mont-Royal.

M. Couture: C'est tellement vrai...

M. Ciaccia: Votre mot "implanter", cela a toujours cette interprétation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Pas tous ensemble. C'est à M. le ministre, la parole.

M. Couture: Je suis très sensible à ce que vous avez dit. La pratique dans le passé devenait un peu odieuse à certains points de vue, c'est-à-dire qu'on disait: Vous venez dans ce pays à condition que vous alliez dans notre Sibérie à nous. Que vous alliez vivre dans le bout du pays ou de... Enfin, je n'ose pas nommer de régions pour ne pas me mettre à dos certains...

Une Voix: ... pour un an.

M. Couture: Cela pouvait être un peu odieux. On peut le faire au niveau des mesures incitatives.

Mme Lavoie-Roux: A la baie James.

M. Couture: Oui, là, on ne prend pas de risque. Cela peut...

M. Lavoie-Roux: Pour l'argent cela va, mais pour le reste!

M. Couture: On est tous d'accord sur des mesures incitatives pour stimuler l'enracinement des immigrants dans d'autres régions du Québec, ne serait-ce que pour faire profiter les autres Québécois de l'enrichissement culturel qu'apportent les immigrants et aussi l'enrichissement économique éventuellement. On doit le faire par nos politiques quotidiennes, par nos services, par la persuasion, etc., et aider les gens à éventuellement faire le choix de s'enraciner dans cette belle région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a des...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y en a beaucoup à Jonquière et à Arvida.

M. Couture: Oui, je peux le dire avec joie, parce que ceux qu'on a aidés à s'enraciner là-bas, ils sont bien contents, ils sont bien adaptés et tout le monde en profite. Donc, c'est tellement vrai ce que vous dites, et j'y suis sensible, qu'on a enlevé... C'est la raison pour laquelle on a enlevé "les diverses régions", c'est-à-dire pour ne pas bloquer et paralyser en disant qu'il va falloir...

J'imagine que vous êtes d'accord avec moi. Si on laisse dans la loi "implanter" en tenant compte des diverses régions du Québec, comme ministre cela me force à forcer, quasiment, à prendre les immigrants et à aller les implanter dans les diverses régions du Québec selon les besoins démographiques, socioculturels, etc. Imaginez, par exemple, que nos études nous disent que dans la Côte-Nord, à l'autre bout de la Côte-Nord, il y a besoin d'immigrants. Et, moi, comme ministre qui a fait serment d'administrer cette loi, j'ai dans ma loi un article qui me dit qu'on doit "implanter" selon les besoins des diverses régions. Cela m'oblige à le faire. Alors, je l'ai enlevé. Je l'ai enlevé "les diverses régions de Québec".

M. Ciaccia: Est-ce que vos juristes pourraient trouver un autre mot qu"'implanter"?

M. Blank: Je trouve curieux ce que vous dites. Vous voulez inciter les gens à aller là, par d'autres moyens; on ne discute pas les règlements encore, mais dans le règlement fédéral...

M. Couture: On ne les discutera pas d'ailleurs, on va...

M. Blank: Dans le règlement fédéral on donne jusqu'à cinq unités pour la location des immigrants. Ici, dans votre loi, vous ne donnez rien. Mais ce sont des moyens d'inciter les gens à aller là; il y a quatre, cinq ou trois points de plus pour ce...

M. Couture: C'est peut-être parce qu'on était plus sensible à vos arguments.

M. Blank: Non, c'est l'incitation des gens qui ne peuvent pas faire...

M. Couture: On n'est pas obligé de mettre l'ombre de ce...

M. Blank: Oui, mais à part cela, ils ne sont pas forcés de rester là toute leur vie.

M. Couture: Non, mais je pense que...

M. Blank: Ce n'est pas une condition pour qu'ils s'attachent ce moyen d'incitation.

M. Couture: On a des exemples. Une Voix: C'est cela.

M. Couture: Depuis plusieurs mois, on fait des efforts pour aider les gens à s'adapter dans d'autres régions que Montréal et Québec. Cela réussit à certains points de vue, mais c'est dans ce sens-là qu'on va travailler. Je pense que...

M. Blank: J'ai déjà eu connaissance qu'on donnait trois unités pour s'implanter à Ottawa et aucune à Hull. C'est quelque chose que je ne comprends pas.

M. Couture: Moi non plus, d'ailleurs.

M. Alfred: Je pense que, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai reconnu M. le député de Bourassa avant vous.

M. Alfred: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais M. le ministre répond...

M. Alfred: C'est sur le même sujet.

Mme Lavoie-Roux: J'avais posé des questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Couture: Je voulais passer à travers les...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cela. Il y a des questions que madame...

M. Couture: Sur la disposition quant à la discrimination, je dois vous dire, au lieu d'engager un débat à n'en plus finir, clairement là-dessus — d'ailleurs cela fait des mois et des mois qu'on réfléchit sur ce sujet — que, pour nous, il n'est pas question d'introduire une disposition de non-discrimination qui pourrait, d'une certaine façon, atténuer ou minimiser la Charte des droits et libertés de la personne. Si nous voulions introduire ce genre de disposition, nous serions presque obligés de rester fidèles à l'entente qui, elle, a cette disposition. L'article de non-discrimination qu'on suggère dans l'entente, c'est plus étroit que la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Ciaccia: A la page 4.

Une Voix: 3a.1b.

M. Ciaccia: 3a. 1b.

M. Couture: Vous voulez dire dans l'entente?

M. Ciaccia: Dans l'entente, à "sélection".

M. Couture: Oui. Justement, je le lis pour le bénéfice des membres. On dit qu'en établissant leurs normes et leurs critères de sélection, les parties contractantes n'établiront entre les requérants aucune discrimination fondée sur la race, la nationalité, les origines ethniques, la couleur, la religion ou le sexe. L'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne va beaucoup plus loin. Sa disposition sur la non-discrimination s'étend beaucoup plus largement. Pour nous, ce serait une façon d'étriquer la notion de non-discrimination. Ce n'est pas l'argument central que j'invoque là-dessus non plus. C'est que je crois, en effet, que, par la Charte des droits et libertés de la personne, qui dit que toute loi postérieure à sa promulgation couvre toutes ces lois, elle atteint toutes les personnes qui peuvent être soumises à cette disposition. Je pense que c'est absolument essentiel de garder à la charte cette espèce de monument prestigieux qui est au-dessus de toutes les lois du Québec, qui les éclaire, qui les colore, qui les touche, qui les atteint. Pour ce qui nous concerne, nous ne voulons pas introduire cette non-discrimination parce qu'elle est dans la charte et cette dernière a pleine vigueur pour tout ce que nous pourrions faire en matière d'immigration.

M. Blank: Un mot seulement sur ce sujet. Au gouvernement fédéral, il y a une charte également et notre charte dit la même chose, sauf que les tribunaux ne l'ont pas interprétée dans le même sens. Le gouvernement fédéral a pris soin de l'inclure dans la loi. Vous avez copié tous les objectifs du fédéral. Vous changez des mots ici et là, mais tous les objectifs de la loi fédérale, le paragraphe 3, à l'exception de celui de la santé et celui de la sécurité, se retrouvent dans vos objectifs, sauf celui sur la non-discrimination.

M. Couture: Parce qu'elle est là.

M. Blank: Oui, le gouvernement fédéral en a une aussi, mais les tribunaux ne l'interprètent pas de la même façon. C'est le problème de la Cour suprême dans des milliers de causes qui viennent devant elle, et elle ne s'est prononcée favorablement que dans un cas, celui d'une Indienne...

M. Couture: On choisira de bons avocats.

M. Blank: C'est cela. Incluez-la dans notre loi de l'immigration comme le gouvernement fédéral l'a fait et cela éviterait le problème.

M. Couture: Là-dessus, M. le Président, notre position est — je dirais — définitive. Nous voulons, à la suite de toutes les consultations que nous avons eues, vraiment laisser à la Charte des droits et libertés de la personne son entière application pour notre loi.

M. Blank: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pourriez-vous nous lire l'article pour le bénéfice de la commission?

M. Couture: Je vais lire l'article 10 de la Charte.

Une Voix: M. le Président...

M. Ciaccia: C'est pour voir comment elle est plus large. Je ne comprends pas...

M. Couture: "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinc-

tion, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale". On a ajouté dernièrement, il y a quelques mois, je pense, l'orientation sexuelle. "Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit". C'est important, je pense, de lire jusqu'au bout: "... de détruire ou de compromettre ce droit".

M. Laplante: Est-ce que je pourrais lire l'article 52, simplement pour compléter, M. le ministre?

M. Couture: Oui, allez-y!

M. Laplante: "Les articles 9 à 38 prévalent sur toute disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la charte". Vous avez déjà un article qui couvre encore davantage.

M. Blank: Oui, je comprends. J'attire l'attention du ministre sur son argument et sur son objectif. Je suis d'accord. Il y a ici un objectif qui tente de conserver la mosaïque québécoise, c'est-à-dire la majorité francophone et, en faisant cela, dans les critères de sélection, il donne plus de points pour le français que pour l'anglais. Il donne 10 points pour le français et 2 pour l'anglais. Le fédéral donne 5 et 5. D'accord?

M. Couture: Ce n'est pas la même réalité.

M. Blank: Ici, vous donnez 10 et 2. Ne trouvez-vous pas que cela va à l'encontre de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui dit: Aucune discrimination quant à la langue?

Une Voix: C'est un problème national.

M. Couture: Vous voulez que je réponde à cela?

M. Blank: Oui. Répondre à cela? Politiquement et logiquement, vous avez raison, mais, légalement, vous allez à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Couture: Non. Là-dessus, nous avons eu une opinion. Vu que c'est un domaine extrêmement délicat et extrêmement important, il fallait prendre toutes nos garanties. Me René Hurtubise, dans un avis qu'il nous a donné sur l'orientation que nous voulions prendre dans la sélection des immigrants et les critères de sélection, nous a dit ceci... C'est un débat qui déborde largement le Québec; c'est un débat, on pourrait dire même, au niveau des juristes internationaux. Il y a des droits là-dedans. Est-ce qu'une société peut, d'une façon ou d'une autre, protéger certains de ses droits collectifs? Elle doit le faire, mais elle doit le faire jusqu'à un certain seuil, et c'est ce que Me

Hurtibise semble dire dans cet avis que je cite: "Compte tenu de la réalité socioculturelle et de la légitimité des objectifs démographiques, socioculturels et économiques poursuivis par l'État québécois à travers sa politique d'immigration, la reconnaissance de ce droit à l'égalité entre tous les candidats à l'immigration — une espèce d'égalité des chances, dans le fond — ne devrait pas empêcher l'État du Québec de privilégier, conformément à ses intérêts légitimes, les candidats francophones ou ayant une certaine connaissance du français". Si, en effet, dans notre grille, le nombre de points qu'on accorde à la langue française était tellement déterminant qu'il excluait les gens de notre territoire, parce qu'ils ne connaîtraient pas cette langue, cela irait peut-être à l'en- contre de cet article, mais, d'une façon, je dirais, raisonnable et s'appuyant sur le sens commun, donner 10 points pour la connaissance de la langue française pour ceux qui viennent sur 100 poins — 104 avec des points bonis — au Québec, ce n'est pas déterminant, ce n'est pas à ce point de vue un critère qui, d'une façon ou d'une autre, empêche les gens de venir, parce qu'ils ont d'autres critères où ils peuvent se reprendre.

D'autant plus que, comme on a dit tout à l'heure, j'ai insisté dans l'explication de nos amendements, que le ressortissant étranger, un Londonien, par exemple, qui veut venir au Québec, qui est motivé pour venir au Québec, qui connaît le Québec et va être informé, peut acquérir une certaine connaissance du français. Ce n'est pas lié à l'origine ethnique. C'est dû au fait qu'on va privilégier ceux qui connaissent un peu de français, comme on va privilégier ceux qui peuvent créer des emplois, on veut privilégier ceux qui ont de la famille. Dans le fond, je me demande d'ailleurs si je ne parle pas un peu en sachant que tout le monde est convaincu, qu'on est tous d'accord pour dire... (12 h 15)

M. Blank: On est peut-être convaincu, mais ce n'est pas cela du tout mon argument. Si vous voulez donner plus de points à quelqu'un qui connaît le français, vous en avez le droit non seulement légal, mais légitime, vu le contexte au Québec. Mais je dis qu'à ce moment, à moins que vous mettiez cette disposition dans la loi, que vous vouliez modifier la Charte des droits et libertés de la personne vous n'avez pas le droit de le faire. L'opinion de M. Hurtubise ne dit pas que ce que vous faites est en concordance avec la Charte des droits et libertés de la personne. Il dit que vous avez le droit de le faire. Oui, je dis que vous avez le droit de le faire, mais vous devez mettre dans votre loi que vous faites une exception à la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Couture: Mon interprétation, c'est que... M. Blank: C'est ce qu'il dit.

M. Couture:... son interprétation est que notre orientation ne met d'aucune façon en cause l'article 10.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Excusez-moi!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, un instant!

M. Blank: ... c'est ce qu'il dit, mais non pas que vous ayez raison que cela suive la Charte des droits et libertés de la personne. Ce n'est pas cela qu'il dit. Vous aurez des problèmes avec cela.

M. Couture: II y a encore une bataille de juristes, mais c'est notre opinion à l'heure actuelle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît, vous empêchez actuellement, je pense, le ministre de répondre même à des questions du député de L'Acadie qui n'a elle-même pas fini son intervention. Le député de Bourassa est sur ma liste. Le député de Papineau est aussi sur ma liste. Le député de Saint-Louis n'était pas sur la liste, mais il a parlé. Je recède la parole au ministre, peut-être qu'il pourrait répondre. Non, c'est parce qu'il y en a d'autres ici.

M. Couture: Je continue à répondre à certaines interrogations. Mme le député de L'Acadie, j'étais heureux de voir qu'elle rejoignait nos préoccupations à propos des travailleurs temporaires, je pense qu'en effet c'est un dossier difficile et qui peut, je crois, rester discutable dans le sens qu'on peut carrément, pour de bonnes raisons d'un côté ou de l'autre, être pour ou contre la venue ou l'encouragement de travailleurs temporaires en politique d'immigration. Ce qu'on a toujours à l'esprit, finalement, ce sont des exemples parfois très odieux où certains pays occidentaux ont une façon, je pense, assez honteuse d'utiliser la main-d'oeuvre étrangère comme on utilise des boîtes de savon. On la faisait venir quand c'était bon et on l'envoyait, on la refoulait quand ce n'était plus bon, etc. Je pense que, sans donner d'exemple, on a tous à l'esprit ces milliers de travailleurs qui laissaient leur famille pendant deux ou trois ans pour aller travailler dans des mines, dans toutes sortes d'emplois en Europe...

Mme Lavoie-Roux: A condition de s'ouvrir les yeux, on n'a pas besoin d'aller si loin.

M. Couture: En effet.

Mme Lavoie-Roux: Les travailleurs en Argentine.

M. Couture: On a tous à l'esprit ce genre de situation. Cela nous choque au premier abord, sauf qu'il y a aussi un autre principe en jeu qu'on doit aussi respecter, à mon avis. Quand on nous demande des garanties suffisantes sur les outils pour protéger les conditions de travail des travail- leurs temporaires, on a totalement raison là-dessus. Mais je dis qu'il y a un autre principe en jeu; je pense qu'une fois qu'on a assuré cette venue de travailleurs temporaires pour des fins bien précises, pour des délais précis, une fois que les emplois sont disponibles, à des citoyens dans le monde qui veulent offrir leur main-d'oeuvre pour gagner éventuellement leur vie ou même améliorer le sort de leur famille, au nom de quel droit peut-on leur refuser de chercher leur chance ailleurs? Je pense bien que nous sommes nous-mêmes des immigrants de 350 ans. Il y a probablement quelques-uns de nos ancêtres qui, à un moment donné, voulaient, dans des conditions très dures, quitter leur pays pour tenter leur chance et gagner un peu d'argent. Parfois, ils revenaient après quelque temps. Il y a, en fait, des travailleurs temporaires pour qui c'est l'occasion de découvrir un pays, de découvrir une société et, en retournant, ils font la demande comme immigrants. Il y a plusieurs cas là-dedans. Je dis ceci: Le choix que nous avons, c'est peut-être de respecter ce principe de mobilité des personnes, de choix de citoyens d'autres parties du monde qui, quand il y a des offres de travail, sont parfois dans des situations tellement précaires qu'ils veulent utiliser ces offres. Nous avons fait le choix de l'accepter.

Par ailleurs, on doit, à mon avis — vous avez raison — s'assurer, de toute façon, que leur présence parmi nous est vraiment protégée au niveau des conditions de travail. On m'apporte aussi une information qui dit que, pour nous, on n'a presque pas le choix. C'est une catégorie qui est statuée par le fédéral. Par l'entente, on est obligé d'entrer dans les catégories du fédéral, même par la loi C-24, parce qu'elle a préséance. Je pense qu'on n'a même pas le choix de dire non. Même si le fédéral nous oblige à le faire, comme choix, j'accepte la venue de ces travailleurs temporaires. Quand on dit qu'on doit avoir de meilleures garanties sur leur présence ici, je vous ai dit qu'on avait un nouveau poste créé au ministère. Nous avons un comité consultatif qui deviendra un conseil consultatif, qui est très vigilant. Etant eux-mêmes en grande majorité issus de milieux ethniques et en lien avec tous ces réseaux de personnes des autres pays du monde, ils permettent au moins — je dirais quasiment presque à chaque jour, à chaque semaine — de nous faire part des problèmes possibles que peuvent vivre ces travailleurs temporaires.

Il y a aussi les syndicats. Nous avons, depuis quelques mois, fait un effort de contact avec les syndicats pour qu'ils s'intéressent au sort des travailleurs immigrants. Le ministère a d'ailleurs donné une subvention assez importante à la FTQ pour un colloque, une étude, une réflexion avec tous ses syndiqués sur le problème des travailleurs immigrants. Eventuellement, non seulement pour les travailleurs immigrants qui sont des immigrants reçus ou des citoyens canadiens, mais pour ceux qui viennent temporairement chez nous, elle pourra nous recommander de quelle façon l'Etat pourrait plus facilement et avec de

meilleures conditions assurer leur présence parmi nous.

Je ne peux pas, à ce stade-ci, vous donner plus de précisions. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis moi-même extrêmement sensibilisé au problème et je ne demande pas mieux que de partager vos idées ou vos suggestions à ce niveau.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais que le ministre de l'Immigration nous dise s'il a eu des recommandations précises sur ce sujet de la part de son comité consultatif. S'il y en a eu, quelles sont-elles?

M. Couture: Nous avons eu, en effet, des recommandations précises. Il y a eu un bon débat au comité consultatif qui a été extrêmement éclairant, à mon avis. Ces gens ont réussi, je ne dis pas à m'ébranler, mais ils ont réussi à me rendre extrêmement pointilleux sur la façon dont nous allons administrer cette disposition. Je pense que le fait de rester en dialogue constant avec le comité consultatif nous permet éventuellement d'améliorer nos interventions dans ce domaine.

Les recommandations précises, je ne les ai pas devant moi. Je n'ai pas d'objection à les produire. Je pense bien que tout le monde accepte le fait qu'un comité consultatif, qui est un instrument extrêmement précieux pour un ministre quant à tous les problèmes qui ont trait à son ministère, fasse des recommandations et le ministre lui-même doit faire des choix, c'est-à-dire qu'il doit dire oui ou non à certaines de ces recommandations.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord là-dessus; c'est évident que cela demeure un comité consultatif. Sur un avis qui est quand même très important, qui va toucher la vie d'un certain nombre de travailleurs éventuels, comme d'ailleurs d'autres conseils le font — que ce soit le Conseil du statut de la femme, que ce soit le Conseil supérieur de l'éducation — ce serait intéressant, pour faire avancer le débat — non pas que vous allez le modifier aujourd'hui, peut-être, mais surtout pour qu'on avance — qu'on puisse en prendre connaissance. Je ne vois vraiment pas, au niveau des principes, qui s'opposerait à cela.

M. Couture: Je ne m'y oppose pas. Là-dessus, je voudrais vraiment ne pas déborder ce qui a été dit. J'en profite pour rendre hommage au président du comité consultatif qui est parmi nous, qui nous écoute et qui nous suit. Tout le monde se félicite de son travail assez extraordinaire au comité consultatif. Dans un premier temps, le comité consultatif était contre la disposition sur les travailleurs temporaires, il était contre le fait que le Québec encourage ou accepte les travailleurs temporaires.

Il y a eu par la suite, des discussions avec le comité consultatif et les opinions ont été nuancées à certains points de vue, mais, si vous me le permettez, dans une prochaine séance, je pourrais faire le point là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous allez nous donner les recommandations?

M. Couture: Oui, je n'ai pas d'objection.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Vous disiez, M. le ministre, qu'il y a une personne, qui est engagée ou sur le point de l'être, qui jouera un peu le rôle de Protecteur du citoyen dans le domaine du respect, par exemple, de l'ordonnance du salaire minimum. Les effectifs en place — même le ministre du Travail est d'accord avec cela — sont nettement insuffisants. Le fait que vous ajoutiez une personne, je n'ai pas d'objection, cela peut certainement permettre de faire une meilleure analyse des problèmes généraux, mais cela me semble bien insuffisant pour faire respecter au moins ces dispositions du salaire minimum.

M. Couture: La grande différence, c'est que ce secrétaire délégué auprès des travailleurs immigrants n'aura pas lui-même à intervenir dans tous les cas et à être à l'affût des manquements à certaines dispositions de la Loi du salaire minimum, mais il sera affecté à plein temps — et cela est très important auprès des groupes ethniques et des milieux concernés — pour être celui — celle ou celui, dépendamment de qui sera choisi — qui reçoit les plaintes et les recommandations des milieux concernés. Quand tout le monde s'occupe de toutes les choses, souvent personne ne s'en occupe. Pour les travailleurs immigrants, il me paraît essentiel qu'on identifie un poste et une personne qui recevra, de tous ceux qui ont des problèmes dans ce domaine-là, les doléances, les griefs, les recommandations.

Il y a à Montréal l'Union des travailleurs immigrants, il y a des associations — il y a, par exemple, des Grecs qui s'occupent beaucoup des travailleurs immigrants, etc — qui font des dossiers. J'ai rencontré dernièrement, d'ailleurs, l'Association des travailleurs grecs et ils ont une série de dossiers sur des cas concrets de travailleurs qui ont été exploités dans telle ou telle situation. Ce que le secrétaire délégué aux travailleurs immigrants peut faire et fera, c'est recevoir un dossier complet sur un certain nombre de situations. Il n'aura pas lui-même à aller voir chaque personne. Je pense qu'on joue beaucoup, au ministère, ce rôle de partenaire dans les milieux ethniques. On veut qu'ils nous alimentent sur les interventions qu'on peut faire comme Etat.

Lui aura à recevoir ces recommandations, ces griefs et à faire rapport au ministre. Il pourra dire, en analysant certains dossiers, que dans tel domaine, dans telle usine, dans tel secteur d'activités, il se passe telle et telle chose. Et le ministre, sachant cela et ayant quelqu'un qui sera...

Il y a le soutien technique du ministère aussi. Le secrétaire délégué auprès des travailleurs immigrants, à un moment donné, peut, auprès du sous-ministre, demander une étude sur tel et tel problème. Il peut faire une recommandation au ministre de faire des interventions auprès de son collègue du ministère du Travail pour corriger telle situation. Il pourra lui-même aussi être avec les

syndicats pour les aider à participer à ce travail de sensibilisation de la défense des travailleurs immigrants, etc.

Je ne veux pas faire du triomphalisme. C'est évidemment très insuffisant. Ce n'est pas magique comme tel, mais je pense qu'au niveau psychologique cela peut avoir un effet d'entraînement, de mobilisation des gens concernés, des syndicats, des milieux, des groupes ethniques, etc.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais seulement finir cela, parce que cela finirait ce petit bout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, parce que nous ajournons à 12 h 30.

Mme Lavoie-Roux: Je reviendrai après.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Les travaux de la commission sont ajournés sine die, mais je sais que nous allons reprendre après la période des questions. Je vous reconnaîtrai.

Suspension de la séance à 12 h 29

Reprise de la séance à 16 h 40

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission, pour la présente séance, sont MM. Alfred (Papineau), Brochu (Richmond), Ciaccia (Mont-Royal), Couture (Saint-Henri), Lacoste (Sainte-Anne), Laplante (Bourassa), Lefebvre (Viau), Marchand (Laurier) remplacé par Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Martel (Richelieu) remplacé par Boucher (Rivière-du-Loup).

Les intervenants sont MM. Bellemare (Johnson), Blank (Saint-Louis), Charron (Saint-Jacques), Lessard (Saguenay), Marcoux (Rimouski), Roy (Beauce-Sud), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Samson (Rouyn-Noranda) et Vaugeois (Trois-Rivières).

La parole est à Mme le député de L'Acadie.

M. Alfred: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Qu'y a-t-il?

M. Laplante: Pour ne pas se laisser prendre dans un guet-apens, M. Marcoux remplace l'un des membres qui est là, M. Lacoste.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Marcoux à la place de M. Lacoste.

M. Alfred: M. le Président, j'ai une correction à apporter. Me permettez-vous de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une correction à apporter à quoi?

M. Alfred: Je voudrais remplacer le terme "obsession", appliqué au député de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, quand vous aurez le droit de parole, tantôt, là vous ne l'avez pas!

M. Alfred: C'était par préoccupation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Papineau, on ne fera pas en commission ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale cet après-midi.

M. Alfred: Non, c'était ici!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez pas le droit de parole du tout. Mme le député de L'Acadie.

Une Voix: C'est de la dictature!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est de la dictature!

Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait que commencer!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En passant, il y a deux articles de loi qui ont été préparés par le secrétariat des commissions, par Me Dominique Lapointe, qui ont été remis à la présidence; il y a deux articles, le premier dit ceci: "La présidence a toujours raison." et l'article 2 dit ceci: "Si la présidence a tort, c'est l'article premier qui s'applique."

Mme le député de L'Acadie.

M. Ciaccia: Si une question de privilège était permise en commission, j'en soulèverais une à la défense de mon collègue, mais puisqu'il n'y en a pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, c'est presque de la dictature, comme vous le voyez!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, quand nous nous sommes quittés, ce matin, si ma mémoire est bonne, j'avais demandé au ministre de l'Immigration s'il pouvait déposer les recommandations de son comité consultatif; peut-être les a-t-il...

M. Couture: Vous aviez précisé: Sur les travailleurs temporaires.

Mme Lavoie-Roux: Oui, sur les travailleurs temporaires, mais, s'il y en a d'autres, il n'est pas défendu de les déposer, M. le Président, si cela peut éclairer nos travaux, je pense que ce serait excellent.

II nous avait donné certaines explications quant à cette personne qui serait utilisée — moi, je l'avais qualifiée un peu — comme protecteur du citoyen, d'une certaine façon, je pense que je lui demandais s'il y avait d'autres moyens très précis qu'il pensait utiliser pour contrer les inconvénients dont on a parlé assez longuement ce matin, des inconvénients qui se posent dans le cas des travailleurs temporaires.

M. Couture: Je vais être franc, M. le Président, j'ai traité un peu de ce nouveau rôle et de ce nouveau poste de secrétaire délégué auprès des travailleurs immigrants, en souhaitant — et je pense qu'on donne beaucoup d'importance à ce rôle — qu'il soit lui-même un point de mobilisation et de réflexion, sur la condition des travailleurs temporaires surtout évidemment. Pour le moment, en plus de tout ce qu'on a comme services au ministère: le secrétariat, qui reçoit des plaintes, on a dans les services d'adaptation, dans les COFI, des gens qui sont dans les milieux de vie et peuvent recevoir aussi un certain nombre d'interventions à cet égard, j'ai aussi mentionné le rôle du comité consultatif, etc.; je n'ai pas d'autres outils en main, mais je peux dire à cette commission parlementaire que le problème me préoccupe suffisamment et le fait qu'on y accorde — le député de L'Acadie en a assez longuement parlé — me commande, dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains mois, de travailler à améliorer nos outils pour protéger ces travailleurs temporaires. Qu'on me permette, pour le moment, de simplement dire que le poste de secrétaire délégué auprès des travailleurs immigrants va nous permettre de déblayer les problèmes et, peut-être, éventuellement, de faire au ministre des recommandations pour la façon dont on pourrait organiser cette protection des travailleurs temporaires. C'est tout ce que je peux dire sur cela. (16 h 45)

Comme on m'a demandé de déposer la recommandation du CCI, du Comité consultatif de l'immigration, non seulement je vais la déposer, mais je vais la lire, si vous me le permettez. "Recommandation du Comité consultatif de l'immigration concernant les travailleurs temporaires. Que la politique d'immigration québécoise procède, dans les plus brefs délais" — remarquez que ces gens acceptent quand même qu'il y ait réflexion, qu'il y ait une possibilité d'élimination — "à l'élimination des statuts de travailleurs temporaires et travailleurs saisonniers. Le Comité consultatif de l'immigration réitère sa recommandation et considère la réaction des auteurs du texte comme une fin de non-recevoir." C'est-à-dire que le ministre avait répondu au comité consultatif avec une série de recommandations et avait fait des commentaires et j'avais dit que, pour le moment, je faisais le choix — j'étais un peu lié par la catégorie du fédéral — de maintenir.

Les commentaires concernant cette recommandation sont assez intéressants à lire, il est intéressant d'en prendre connaissance; je les lis: "L'objet de notre recommandation n'est pas l'a- mélioration de la condition des travailleurs étrangers au Québec, question qui ne relève pas de la sélection. De plus, le CCI sait pertinemment bien qu'il existe peu de situations d'exploitation qui ne soient pas bénéfiques à exploiter." Par exemple, l'esclave qui gagne son pain, ce n'est pas un mince bénéfice, évidemment. "Ce que le CCI veut dire — je cite toujours — c'est que la séparation de l'ouvrier de sa famille n'est pas un bénéfice, travailler dans des conditions précaires pour un chef de famille n'est pas un bénéfice, être traité comme une marchandise qu'on importe et exporte à sa guise n'est pas un bénéfice, et le reste. Le CCI demande fortement que cette catégorie d'immigrants, telle qu'elle existe, disparaisse à jamais, c'est-à-dire qu'au statut temporaire et saisonnier de ces travailleurs soient attachés, à terme, un avantage et un espoir d'un statut permanent."

Je pense que c'est peut-être dans cette direction que nous pourrions travailler, c'est-à-dire, tout en acceptant — peut-être pas toujours de gaieté de coeur — qu'il y ait des gens qui viennent ici parce qu'ils en ont fait le choix, tout en créant certaines balises pour les protéger au niveau des conditions de travail, on pourrait davantage considérer le problème — comme on le suggère ici — éventuellement en termes de préparer les gens, au moins leur permettre d'avoir cet espoir d'un statut permanent. C'est-à-dire — cette orientation possible m'intéresse beaucoup — qu'éventuellement on pourrait prévoir, dans l'acceptation de travailleurs temporaires, une possibilité d'un transfert de statut en travailleurs permanents.

Je dépose cette recommandation et je dis bien sincèrement que c'est une préoccupation très forte chez moi et, d'ici les prochaines semaines, les prochains mois, nous allons travailler avec le comité consultatif et avec d'autres groupes concernés pour trouver une formule qui pourrait satisfaire les milieux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je remercie M. le ministre d'avoir déposé ceci. Je pense que c'est intéressant comme considération générale, non seulement pour les membres de la commission, mais pour la population en général qui ne s'inquiète pas tellement, je pense, du statut des travailleurs temporaires, pensant surtout qu'on les dépanne pendant X mois, etc. Le second volet des recommandations du Comité consultatif de l'immigration précède une question que je voulais poser et à laquelle, je pense, le ministre vient de donner une réponse, en partie, mais il y a quand même une question pratique, c'est une question d'information que je ne connais pas. Pour quelqu'un qui est venu travailler trois mois, six mois ou huit mois, peu importe, qui retourne chez lui et qui, à ce moment-là, fait sa demande comme immigrant, est-ce qu'il y a des points qui lui sont accordés? J'ai essayé de regarder dans votre grille et je ne l'ai pas trouvé.

M. Couture: Dans notre grille, en effet. Le fait qu'il ait passé quelques mois parmi nous lui a

permis de faire un certain nombre de connaissances et, dans notre grille québécoise, on évalue cela et...

Mme Lavoie-Roux: A peu près trois points, ce n'est pas beaucoup, je pense.

M. Couture: Dans les critères d'adaptabilité, la capacité d'adaptation, la motivation pour le Québec, la connaissance du Québec ajoutent des points. J'imagine aussi qu'il a dû apprendre un peu de français; à mon avis, cela le dispose facilement à passer la grille après avoir fait...

Mme Lavoie-Roux: Plus facilement. Ma deuxième question touche cette préoccupation dont j'ai parlé ce matin et qui, apparemment, se retrouve ici dans le premier commentaire du conseil consultatif; c'est la situation qui est faite aux familles qui, évidemment, sont séparées pour des périodes plus ou moins longues.

Dans la recherche du ministre, M. le Président, je me demande si ce n'est pas aussi un domaine qu'on pourrait explorer. Je comprends que toujours amener les familles, cela devient très difficile mais il y aurait peut-être des solutions, au moins, pour un certain nombre d'entre elles, surtout si le séjour doit se prolonger comme on a vu dans le cas des travailleurs, je pense toujours aux travailleurs de Louiseville, ceux qui étaient venus d'Argentine; finalement, ils étaient restés ici deux ans, si je ne m'abuse. Ceux qui viennent pour trois mois ramasser des pommes ou couper le tabac, cela peut être différent, mais il s'agit...

M. Couture: Oui, mais, évidemment, le problème de la baie James aussi, ce n'est pas toujours heureux pour les familles. Mais, en fait, il n'y a rien qui exclue que les membres de la famille viennent comme visiteurs...

Mme Lavoie-Roux: Mais ils redescendent à toutes les trois semaines ou à toutes les six semaines de la baie James.

M. Couture: Oui, on a trouvé une espèce de solution, mais il y en a qui ne viennent pas du tout, non plus...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais cela, c'est leur choix.

M. Couture: — pour des raisons économiques aussi, à certains points de vue... Il n'y a rien qui exclue pour les membres de la famille de venir comme visiteurs mais on comprend que c'est quand même un fardeau économique...

Mme Lavoie-Roux: Ils peuvent venir comme visiteurs?

M. Couture: Oui, absolument, ils peuvent avoir un permis de visiteur pour accompagner le travailleur temporaire.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord, c'est peut-être moins facile; je vous remercie. La deuxième question — me le permettez-vous encore, M. le Président? — touchant à la page 3, le paragraphe g), en haut: "Prendre avec les ministères intéressés les mesures nécessaires pour établir des normes pour la reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à l'étranger, des études...

M. Couture: Pouvez-vous me... la page 3 de quoi?

Mme Lavoie-Roux: Dans votre grand cahier là, M. le ministre. Cela, ici, c'est la troisième page, en tout cas. Ce sont vos amendements au projet de loi 77.

M. Couture: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Cela fait suite aux autres...

M. Couture: J'y suis, j'y suis.

Mme Lavoie-Roux: Alors: "Prendre avec les ministères intéressés les mesures nécessaires établir les normes de la reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à l'étranger." Je voudrais quand même avoir l'assurance du ministre que, dans cette démarche ou cette façon de procéder, on implique les institutions d'enseignement, les universités, si tel est le cas, ou les CEGEP, si c'est de niveau collégial parce que je voyais, hier soir — et je ne veux pas qu'on rentre dans un autre débat — mais quand on a discuté de toute la question des étudiants en réadaptation, il me semble que, même si le ministre s'est appuyé sur le rapport Opération Santé, finalement, c'est le ministère qui a eu le dernier mot pour décider qu'il faut un internat ou non, alors que les universités, elles, pensaient différemment. Mais, enfin, c'est seulement en comparaison. Il reste que, présentement, les étudiants étrangers qui viennent, ce sont les bureaux d'admission ou les comités d'admission des universités qui établissent les équivalences. Alors, je voudrais quand même m'assurer ici que ceci ne deviendra pas une décision strictement — même si elle était en collaboration — des ministères de l'Education et de l'Immigration. Je voudrais qu'on ait cette garantie que les institutions d'enseignement soient impliquées dans la définition des critères d'équivalence.

M. Couture: Ce n'est pas un article nouveau; c'est dans la loi depuis plusieurs années.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais on peut quand même s'informer comment cela se passe.

M. Ciaccia: C'est l'occasion de l'améliorer. M. Couture: Non, il n'y a pas de...

M. Ciaccia: L'opportunité du député de L'Acadie...

M. Couture: Je veux tout simplement dire qu'il y a quand même une expertise là-dessus que nous avons au ministère et une pratique et cela se fait parallèlement avec le ministère et les institutions concernées, les corporations professionnelles, entre autres. Le service d'équivalence travaille en étroite collaboration avec les milieux concernés. Il n'y a aucun problème là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, je retourne à la page précédente, à la page 2, le paragraphe d), au milieu de la page: "Etablir et maintenir des services d'assistance aux immigrants chargés de les accueillir dès leur arrivée au Québec et de leur prêter l'aide requise, de rester en contact avec eux, leur apporter", etc. Je pense qu'on retrouve également ailleurs que... en tout cas, faciliter leur adaptation... aux services d'adaptation, on le retrouve dans le paragraphe f). En fait, c'est surtout au paragraphe f): "Etablir et maintenir des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse" etc.

Est-ce que le ministre d'Immigration pourrait nous dire quelle est sa politique à cet égard? On sait que, historiquement — je ne sais pas si je peux les appeler les agences, mais en tout cas — les services privés d'aide et d'accueil aux immigrants, pendant de nombreuses années, ont finalement assumé presque toute la responsabilité de cet accueil et de ces services d'adaptation.

Je sais également que du côté du ministre et du ministère de l'Immigration, on veut développer ces services d'adaptation du côté des COFI, je pense que le ministre a déjà commencé à y affecter des ressources.

Le ministre peut-il nous dire, à ce moment-ci, dans quel sens va son orientation? Est-ce que ses efforts seront mis davantage sur les services d'adaptation à l'intérieur des COFI ou si on continuera, non seulement d'appuyer les institutions privées ou les services privés qui existent ou qu'au contraire on encouragera le développement de nouveaux dans le secteur privé?

Je ne sais pas si c'est politique ou non de dire ce que je vais dire, mais je pense que le plus possible, ce qu'on peut garder de services à caractère social, dans le secteur privé, il faut essayer de les garder. Il y a là une gratuité — il a pu y avoir des abus dans certains cas, je ne le sais pas, mais cela pourrait arriver — une initiative et un pouvoir d'innovation qui, dans les services publics, parfois s'étiolent et s'usent à l'habitude. Je pense qu'il faut certainement garder un équilibre entre les deux, pour le moins. Je voudrais connaître les politiques du ministre là-dessus.

M. Couture: Ce sont des dispositions que nous avons dans notre loi depuis la loi originale du ministère. Je peux vraiment, M. le Président, rassurer le député de L'Acadie; c'est une philosophie que je partage assez facilement; c'est-à-dire qu'on l'a même concrétisée dans nos politiques de subventions cette année.

Je crois que l'État a un rôle à jouer, que les citoyens ont un rôle à jouer, que les communautés d'accueil naturelles — les communautés ethniques — ont un rôle à jouer ainsi que les organismes privés. Il s'agit d'identifier les partenaires du gouvernement, du ministère de l'Immigration dans ces services d'adaptation et d'intégration à la société québécoise, de les appuyer dans le soutien de leurs responsabilités. En effet, je crois que cela serait dangereux, que ce ne serait pas toujours efficace que le ministère, la Fonction publique ou le gouvernement seul puisse prétendre assumer ce genre de responsabilité même si c'est dans la loi. On dit bien: Établir et maintenir les services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants. Dans ce cas-là, quand on parle de maintenir les services d'assistance, on ne dit pas, on ne force pas ou on n'impose pas au ministre de le faire tout seul. La loi lui demande de s'assurer que cela existe, que cela se développe.

Dans notre politique de subventions, comme je vous l'ai dit — je l'ai répété plusieurs fois cette année — nous avons donné des sommes assez considérables pour aider des organismes privés, des communautés ethniques afin d'assurer ce service-là. Si vous voulez on pourra peut-être, par le ministère, vous donner un tableau de tous les organismes que nous avons identifiés comme partenaires du ministère. Il y en a un nombre considérable. Vous allez y voir les critères — on les déposera aussi — attachés à la subvention des organismes. On leur demande s'ils correspondent aux objectifs du gouvernement, c'est-à-dire selon la loi, si eux-même font leur part pour assurer cette intégration harmonieuse. On exige également qu'ils soient équipés pour le faire, qu'ils aient le milieu, la représentativité et, bien souvent, on les juge d'après leurs travaux antérieurs. Il y a le Service aux immigrants, sur la rue Maisonneuve; il y a le CIR; il y a un tas d'organsmes privés que je pourrais nommer, qui font, comme nous, de l'accueil, du dépanage, et une série d'interventions pour aider les immigrants à s'enraciner dans la société québécoise.

Les COFI joueront aussi un rôle dans ce sens-là. Mais, les COFI ne voudront pas remplacer ce qui existe dans un quartier; ils vont vouloir compléter ce qui existe et aussi s'ajuster à certaines interventions du milieu.

Donc, avec les documents qu'on pourra vous remettre à ce sujet, je pense que je peux répondre vraiment à cette question en disant que je suis d'accord avec vous. C'est dans ce sens-là qu'il faut travailler et c'est ce que nous faisons. (17 heures)

Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur, une dernière question: Un des objectifs du ministère et qu'on retrouve à l'article 2, dans la partie nouvelle que vous avez ajoutée, "faciliter la réunion au Québec des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger ". En fait, l'objectif, c'est la réunion des familles, ce à quoi on a fait allusion ce matin. Je vois dans votre grille de sélection, du côté de la langue, que vous calculez le français à 10 points, que vous calculez l'anglais à 2 points, et, un peu plus loin, vous ajoutez 2 points pour le conjoint qui

parle le français, ce avec quoi je suis totalement d'accord. Mais ma question précise est celle-ci: Compte tenu de l'expérience que vous avez au ministère de l'Immigration, — enfin, ceci constitue 12 points par rapport à deux pour l'anglais, on a quand même au Québec un nombre assez important d'immigrants ou de citoyens qui sont d'origine anglophone et qui peuvent désirer faire venir leur famille. Je voulais simplement voir dans quelle mesure ceci pesait, sur l'ensemble de la grille, qui, elle, vaut, 100 points ou 104 points. J'ai cru calculer 104, je pense...

M. Couture: Le maximum de points bonis est 104 points.

Mme Lavoie-Roux: De quelle façon, fonction-nerez-vous parce que cela demeure quand même en apparence une marge possible de 10 points, est-ce que ceci va éliminer presque systématiquement, ou enfin, d'une façon assez importante, le cas des familles qui sont déjà ici, qui sont d'expression anglaise et qui voudraient faire venir leurs proches? Est-ce que cela va les éliminer ou est-ce que cela ne joue pas tellement? C'est cela que je veux savoir.

M. Couture: Pour la famille immédiate, aucun problème. C'est automatique, la famille immédiate, la catégorie de ce qu'on définit ici, ce qui est défini par les règlements. La famille immédiate, ses membres viennent immédiatement, s'ils répondent aux conditions d'assistance auxquelles les familles s'engagent.

Dans le cas d'une famille plus éloignée, il y a des points forfaitaires, on donne jusqu'à vingt-cinq points, pour favoriser l'entrée des membres de la famille plus éloignée.

Je crois que ces points forfaitaires, vraiment, à ce point de vue, ne nuisent pas à la possibilité... je ne vois vraiment pas de quelle façon on pourrait croire que cela pourrait nuire à l'entrée des membres de la famille plus éloignée au Québec. Evidemment, le fait de donner un certain nombre de points pour le français, cela s'ajoute aux possibilités.

Mme Lavoie-Roux: Je ne m'inquiète pas pour les indépendants, je ne m'inquiète pas pour les réfugiés politiques.

M. Couture: Le cas que vous soulevez, c'est seulement le cas des parents aidés, ce qu'on appelait avant les désignés, ceux qui ne sont pas de la famille immédiate.

Mme Lavoie-Roux: II reste que là vous touchez aux frères, vous touchez aux soeurs, vous touchez même aux enfants de dix-huit ans et plus.

M. Couture: Non vingt et un ans.

Mme Lavoie-Roux: Les enfants de dix-huit ans et plus, et même vingt et un ans, cela commence à être la famille pas mal proche aussi.

M. Couture: Moi, je prends note de votre inquiétude, mais je ne la partage pas. Je ne crois pas que cela soit vraiment déterminant, à ce point de vue, que le fait de donner possiblement 12 points nuise.

Mme Lavoie-Roux: Moi, je ne connais pas assez la situation pour savoir dans quelle mesure cela joue, c'est pour cela que je vous pose la question.

M. Couture: Mais, moi, je dirais quand même que les parents, les anglophones du Québec, qui éventuellement font venir... d'ailleurs je me réjouis que la plupart des anglophones de plus en plus parlent français, et un excellent français, on a des exemples devant nous. Ceux qui auront à utiliser...

Mme Lavoie-Roux: Et c'est arrivé avant le Parti québécois, cela...

M. Couture: Tant mieux, réjouissons-nous aussi. Les anglophones qui sont au Québec qui veulent profiter de ces points forfaitaires pour faire venir des parents dits à aider, d'après la loi, je crois qu'ils auront probablement le goût, ici, comme ce sont des parents, de les stimuler ou de les motiver à apprendre peut-être un peu le français. Il ne faut jamais exclure la possibilité que des parents d'Angleterre ou d'Australie profitent aussi de ces points.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela fait au-delà de 20 minutes, que vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, mais je ne poserai plus de question jusqu'à 18 heures, M. le Président.

M. Couture: Je devrais dire aussi, M. le Président, qu'on parle des règlements et qu'on a pas le mandat comme tel de parler des règlements.

Mme Lavoie-Roux: II reste quand même que vous parlez...

M. Couture: Je ne veux pas être...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais il reste quand même, M. le ministre — je ne suis pas en dehors du sujet, c'est le paragraphe b) de l'article 2 — je vois...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous êtes en dehors de votre temps, mais pas du sujet.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela, peut-être. Je vous remercie. Je voudrais dire au ministre, M. le Président, que je ne m'inquiète pas tellement — peut-être que j'ai tort — de ceux qui viennent des Etats-Unis ou de l'Angleterre, ou de l'Australie, ou de la Nouvelle-Zélande, mais je m'inquiète bien

davantage de ceux qui viennent, par exemple, des Antilles, des Indes ou de...

Une Voix: Hong Kong.

Mme Lavoie-Roux: ... enfin, des Indes, je sais qu'on accueille beaucoup d'Indiens, des Indes ou du Bangla Desh, dans ces endroits-là. C'est davantage de ceux-là qui, justement, n'auraient pas cette possibilité de stimuler même leurs propres enfants à apprendre le français ailleurs.

M. Couture: Je prends...

Mme Lavoie-Roux: Alors, je voudrais seulement que vous examiniez cela.

M. Couture: On l'examinera, d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Ce qui me chatouille le plus dans ce projet de loi et dans l'entente qu'il y a eue avec le ministre fédéral, c'est qu'on n'ait pas obtenu l'accueil exclusif de ces immigrants au Québec. Je m'explique: Si on regarde les organismes qu'on a actuellement qui s'occupent des immigrants lorsqu'ils viennent au Québec, jusqu'où ne sont-ils pas sous la coupole fédérale? Je ne le sais pas. On n'a pas de rapport là-dessus. Mais ce dont on peut parler, par exemple, c'est de faits vécus que Mme le député de L'Acadie pourrait commenter longuement aussi parce qu'elle a dû intervenir à un moment donné; ce sont les immigrants vietnamiens, à leur arrivée ici, dans quel chaos ils sont venus ici. A ce moment-là, M. Attard, de la Commission des écoles catholiques de Montréal, essayait de les rejoindre d'un hôtel à un autre et on les déménageait d'un hôtel à un autre pour qu'on soit incapable de les rejoindre. Ils sont même allés jusqu'à un incident qui n'a presque pas touché la presse, c'est l'histoire de l'hôtel La Salle où il y avait des Chiliens qui étaient logés; on a mis ces gens dehors comme cela pour placer des Vietnamiens à ce moment-là.

Je m'aperçois que, quant à avoir une loi sur l'immigration, si, sur notre territoire-, on n'a pas la possibilité de les accueillir tel qu'on doit les accueillir comme Québécois, je vois mal l'intégration de ces immigrants dans la société québécoise. La plupart des organismes anglais sont bien structurés, félicitations! Je ne voudrais pas détruire leurs organismes. Il reste que nous, comme Québécois, comme organismes francophones, on n'en a pas. On a constaté, à ce moment-là, que ce n'était jamais nous qui pouvions être là. Le véritable accueil se faisait justement par l'élément anglophone québécois qui était là.

Les lois, actuellement, ne nous permettent pas et ne vous permettent pas, dans ce projet de loi, de dire que c'est nous qui avons cette charge. Je me demande pourquoi, M. le ministre. Je vais vous laisser répondre: Quelles sont les possibilités d'amender notre projet de loi afin d'avoir l'exclusivité de cela?

J'aurai une deuxième remarque à faire sur un article.

M. Couture: Là-dessus, la loi nous permet d'accueillir et de mettre en place un certain nombre d'interventions pour les recevoir, les introduire dans la société québécoise et leur faciliter l'adaptation. Cela, c'est certain.

Ce que le député de Bourassa veut dire, c'est que le fait qu'il y ait deux gouvernements qui soient eux-mêmes dans ce style d'intervention, dans l'accueil, apporte beaucoup de confusion. Je le reconnais.

Je dois dire que, là comme ailleurs, on déplore un chevauchement d'interventions de ces deux gouvernements; j'imagine que cela devrait aussi être partagé par certains de nos collègues de l'Opposition qui ont été témoins de cette espèce de confusion. Je pense surtout aux réfugiés, quand ils arrivent au Québec. Apparemment, les deux gouvernements s'arrachent ces réfugiés ou ces immigrants et ce ne sont pas toujours des spectacles intéressants. Cela va beaucoup mieux depuis que nous avons signé une entente et que nous avons mis sur pied ce comité mixte où on peut éventuellement faire des recommandations et essayer de coordonner nos politiques.

Nous ne sommes pas seuls. Le fédéral paie pendant un an pour les réfugiés, pour certaines catégories d'immigrants; le Québec a son service d'accueil à Mirabel, il a ses services sur la rue McGill et dans les COFI, les deux gouvernements, par différents services, interviennent auprès des immigrants dans l'accueil et l'adaptation. Je conclurais en disant que c'est une autre des contraintes de notre loi et du fait que nous soyons encore dans ce système, et je pourrais peut-être m'engager pour les prochains mois, avec le soutien qui me semble assuré de la part des membres de l'Assemblée nationale, à revendiquer du fédéral la possibilité qu'on soit, comme gouvernement, les seuls maîtres d'oeuvre des politiques d'accueil et d'adaptation. Je pense que ce serait dans la cohérence de ce qu'on doit reconnaître à un gouvernement comme le nôtre, qui est plus près des gens, qui exerce lui-même ses pouvoirs dans la sélection, donc dans le choix des immigrants, qui exerce aussi ses pouvoirs par ses COFI dans l'adaptation, la préparation des immigrants à la société québécoise. Je pense qu'il serait cohérent et logique que le Québec retrouve l'ensemble des pouvoirs en matière d'accueil et d'adaptation. Je me fais fort de rouvrir ce dossier avec mon homologue fédéral dans les prochaines semaines.

M. Laplante: Pour moi, c'est actuellement une contrainte majeure dans l'immigration. Lorsqu'on veut diriger les immigrants vers nos écoles, vers les centres francophones, souventefois, ce sont d'autres organismes anglophones qui sont là avant, qui font le boulot pour les diriger vers leur propre milieu anglophone.

Il y a aussi l'article 2, paragraphe c). Je comprends très bien ce que le député de Mont-Royal

disait sur l'article, il ne semblait pas tout à fait d'accord et, à force de le lire, j'en arrive à penser comme lui, à ne pas être d'accord. Lorsqu'on dit: "prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter — je trouve que ces mots sont durs — ces personnes." Sans en faire une motion, si je ne faisais qu'une suggestion à l'effet de dire: "favoriser l'implantation de ces personnes sur le territoire", qu'en penseriez-vous?

M. Couture: Je n'y verrais certainement pas d'inconvénient, si on pouvait améliorer des expressions pour en enlever des ambiguïtés ou au moins des choses qui pourraient paraître odieuses à première vue.

M. Laplante: Sans en faire une motion, mais une suggestion...

M. Ciaccia: Cela aiderait, mais quand j'aurai le droit de parole, j'aurai autre chose à suggérer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez autre chose à ce sujet?

M. Ciaccia: ... pour cet article.

M. Laplante: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, je dois vous dire que j'aurais posé les mêmes questions que le député de Bourassa; je suis content qu'il les ait posées avant moi. La seule chose que je voudrais faire maintenant, c'est que, ce matin, j'ai employé, à l'endroit du député de Mont-Royal, le terme "obsession" et je voudrais que ce terme soit rayé pour être remplacé par "préoccupation ".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je remercie le député de Papineau pour sa gentillesse, il n'y avait pas d'offense, merci pour vos nouveaux termes de ce matin.

M. le Président, j'avais informé le ministre que j'avais deux préoccupations concernant les nouveaux articles qu'il nous a soumis. Premièrement, la question de la mobilité des immigrants, une fois qu'ils arrivaient au Québec. (17 h 15)

Je pense que le député de Bourassa a fait une certaine suggestion quant au paragraphe c) et je crois que le ministre a indiqué que ce n'était pas son intention d'essayer de forcer les gens, une fois qu'ils étaient arrivés ici, à habiter ou à changer de lieu pour un certain temps fixe; il pourrait y avoir des mesures incitatives pour les encourager à aller dans certains endroits, mais pas de mesures coercitives. Cela est une de mes préoccupations.

La deuxième, c'est encore la question de la non-discrimination. Je voudrais faire une motion d'amendement qui se lirait comme suit: "Que le troisième alinéa du paragraphe 3 de l'article 2 soit modifié en ajoutant, après le sous-paragraphe e) — ce serait dans les amendements, en haut de la page 2, après le sous-paragraphe e) — les sous-paragraphes suivants: f) Respecter le droit de mobilité de chaque individu à l'intérieur du territoire québécois; g) S'assurer que l'élaboration des normes et des critères utilisés dans la sélection des ressortissants étrangers n'établisse entre les requérants aucune discrimination fondée sur la race, — pas la farce; c'est une erreur de typographie — la nationalité, l'origine ethnique, la couleur, la religion ou le sexe."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, recevable. Discussion sur l'amendement.

M. Ciaccia: M. le Président, à l'appui de ma motion, je ferai les remarques suivantes: Je crois que, au paragraphe f), le droit de mobilité, il n'y a pas de discussion là-dessus, le principe est accepté; si le principe est accepté, pour enlever toute ambiguïté, disons-le, incluons-le dans le projet de loi; comme cela, il n'y aura aucun doute quant au règlement futur, quant à l'interprétation de la loi et on pourra vraiment dire: On accepte ce principe. Je voudrais attirer l'attention même sur le fait que, dans le projet de loi fédéral, on avait dit, ce matin, que ce qui était bon dans ce projet de loi, on pouvait le prendre et que ce qu'on trouvait inacceptable, on pouvait le critiquer... Attendez, je vais le trouver...

Une Voix: M. le Président, est-ce qu'on peut parler sur la motion?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais est-ce que le député de Mont-Royal a terminé? Non?

M. Ciaccia: Non, je cherche un article ici, un instant, M. le Président.

En tout cas, il y a un article, dans le projet de loi, qui se réfère spécifiquement au fait qu'on ne peut pas obliger une personne à demeurer dans une certaine région ou la forcer à aller dans une certaine région.

Quant à la question de non-discrimination, j'ai écouté les raisons que le ministre a données pour ne pas l'inclure dans le projet de loi. Je trouve ces raisons un peu difficiles à comprendre. Il dit que la Charte des droits et libertés de la personne va plus loin. Le fait est que le ministre l'a inclus dans l'entente, il a signé cette entente et je reproduis textuellement l'article 3-A1-B de l'entente qui dit les paroles exactes que j'ai introduites dans ma motion.

Il y a une autre raison pour laquelle cela devrait être inclus dans le projet de loi, même si on a la Charte des droits et libertés de la personne. La Charte des droits et libertés de la personne s'applique aux immigrants une fois qu'ils sont ici; légalement, cela ne vous empêcherait pas d'avoir des règlements pour ceux qui ne sont pas au Québec...

M. Couture: Les règlements sont couverts aussi.

M. Ciaccia: Dans la pratique, les gens qui ne sont pas au Québec n'ont pas cette protection. Si vous dites que c'est votre intention réelle de ne pas avoir de pratiques discriminatoires dans la sélection, je ne vois pas pourquoi, encore une fois, on ne pourrait pas l'inclure dans le projet de loi. Comme cela, on pourrait vraiment démontrer que vos paroles, vos bonnes intentions sont concrétisées en blanc et noir dans le projet de loi et que, vraiment, au niveau de la sélection, il n'y aura pas de discrimination en ce qui concerne la race, la nationalité, les origines ethniques, la couleur, la religion ou le sexe.

Je veux vous signaler aussi que, dans le projet de loi fédéral, malgré qu'il y ait une charte des droits de la personne — un Bill of Rights fédéral — ils l'ont inclus dans leur projet de loi. Alors, cela concrétise un peu les intentions du gouvernement et je pense que cela serait tout à fait logique qu'au niveau des sélections, il n'y ait pas cette discrimination parce que je trouve parfois un peu contradictoires certaines des mesures que vous discutez quand vous dites: On ne fera pas de discrimination quant aux questions d'origine ethnique, mais on va donner plus de pourcentage à la question linguistique; cela peut être mal interprété parce qu'une fois que vous acceptez... Par exemple, au paragraphe e), vous dites que vous allez prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent, dès leur arrivée ou même avant qu'elles ne quittent leur pays d'origine, la connaissance de la langue française.

C'est une intention très claire et nous acceptons ce principe. Une fois que vous avez cette clause, je pense que c'est nécessaire, même, d'inclure la clause de non-discrimination parce que — comme on l'a dit avant — l'admission au Québec ne dépendra pas vraiment de la nationalité ou de l'origine ethnique, ou si une personne parle ou ne parle pas une certaine langue parce que vous avez créé une obligation ici, à savoir que quelle que soit leur langue d'origine, ils doivent connaître et prendre les mesures nécessaires pour avoir une connaissance de la langue française. Alors, que ce soit un Portugais, Italien ou Anglophone, je crois que l'article e) va s'appliquer à lui.

Pour cette raison, je pense que c'est absolument essentiel d'établir que, au niveau de la sélection des immigrants, on n'ait pas de discrimination et, si vous avez cru bon de l'inclure dans l'entente que vous avez signée, je pense bien que cela devrait être reflété dans votre projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne me souviens plus de votre... cela fait quatre mois que je n'ai pas présidé. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement, avant que le ministre prenne la parole sur cette motion d'amendement qui vient d'être présentée, j'aimerais attirer son attention sur le fait que le ministre, par les amendements qu'il nous a proposés aux articles qui sont maintenant amendés à nouveau par cette proposition, a voulu, je pense, établir clairement les objectifs qu'il poursuivait dans son projet de loi et éviter, en somme, toute espèce de confusion ou d'avoir à faire face en cours de route à certains problèmes à cause d'une imprécision dans la loi. Je pense que cela a d'abord été l'objectif du ministre d'en arriver à un plus grande clarté.

Ici, maintenant, ce qui est proposé par l'amendement, c'est simplement de respecter, non pas seulement l'esprit de l'entente qui est survenue entre le ministre même et le ministre Cullen à ce moment-là, en définitive, mais la lettre également. Ce n'est donc pas, non seulement en esprit mais dans l'écrit quelque chose qui va à l'encontre de ce qui a déjà été décidé, mais simplement de rendre officiel, dans le cadre d'un texte de loi provincial qui fait suite, lui, à une entente qui est intervenue.

Je pense que non seulement cela ne va pas à l'encontre mais cela m'apparaît comme une façon tout à fait normale maintenant de procéder que de le reconnaître dans le cadre législatif qui fait suite à l'entente. C'est en même temps, je pense, donner une assurance plus grande, une forme de garantie — si vous voulez — par rapport au mode de sélection des immigrants. Je pense que c'est le rôle de cette commission parlementaire d'étudier le projet de loi pour le rendre le meilleur possible, le rendre également le plus facilement utilisable dans l'application courante qu'on veut en faire.

Je pense que la reconnaissance des principes qu'on émet ici, sous forme d'amendement, sera simplement de nature à bonifier le projet de loi et à fournir cette garantie, je pense, à laquelle on est en droit de s'attendre. J'attire l'attention du ministre sur ce fait en lui demandant de considérer le bien-fondé de cette motion qui nous est présentée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Couture: J'apporte beaucoup d'attention à cette proposition d'amendement et je vais vous donner mon sentiment là-dessus. Dans la première proposition, on nous demande d'introduire, à la suite des objectifs: "f) respecter le droit de mobilité de chaque individu à l'intérieur du territoire québécois". Je suis tout à fait d'accord qu'il faut, en tout état de cause, respecter cette mobilité et nous en faire une obligation. Je dois dire que cet amendement précis, je vais demander qu'on le suspende; je suis prêt à l'examiner de plus près, mais je voudrais quand même signaler que, dans la charte internationale des droits de l'homme, à laquelle adhère le gouvernement du Canada — et nous sommes aussi liés, évidemment, par cette adhésion — à l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme, la fameuse charte de 1948 de San Francisco, on dit ceci: "Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. "

La discussion est là. Le Canada est lié par

cette charte et par ces dispositions et, nécessairement...

M. Ciaccia: Pas légalement.

M. Couture: ... politiquement, mais...

M. Ciaccia: ...

M. Couture: ... mais c'est quand même une obligation morale extrêmement forte qui, j'imagine, éclaire tous nos législateurs passés et futurs. Je ne veux pas en faire un long débat et, si vous me permettez, je vais suspendre la décision sur cet amendement et je vous apporterai ma...

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, malgré la convention internationale à laquelle vous vous êtes référé, pour donner effet à cette entente internationale, la loi fédérale prévoit l'article 115, paragraphe 4: "Aux fins de la présente loi et des règlements, lorsqu'une personne obtient le droit d'établissement à certaines conditions, aucune de ces dernières ne peut indiquer dans quelle région cette personne doit résider." Politiquement, vous avez l'engagement qui est traduit légalement dans le projet de loi; on demande la même chose pour votre projet de loi.

M. Couture: Remarquez que là, on n'intervient pas; le C-24 s'applique en matière d'immigration. Il y a une préséance de C-24 selon l'article 95 de la constitution canadienne. J'accepte votre... Cela vient d'un bon naturel, comme on dit, et parfois, il est mieux que ce soit écrit plutôt que de ne pas l'être. J'y porte beaucoup d'attention et, si vous permettez, dans une séance subséquente, on pourra en disposer.

Quant à l'autre amendement, on vous a beaucoup entendu là-dessus ce matin, amendement auquel vous tenez...

M. Brochu: M. le Président, j'aurais une question supplémentaire à poser au ministre sur cette première partie de l'amendement. Est-ce qu'on me permettrait, à ce moment-ci, de le faire, pour revenir sur la question...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une question, pas un discours.

M. Brochu: Une question. Je ne pense pas que j'aie abusé; cependant, si c'est une invitation de votre part...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, c'est parce que j'ai reconnu le député de Notre-Dame-de-G râce...

M. Scowen: Non, cela ne presse pas du tout...

M. Brochu: M. le Président, c'est sur la question que le ministre a soulevée en terminant son exposé, relativement aux droits internationaux de la personne. J'aimerais qu'il nous éclaire sur ce point, avant sa réflexion. Il nous dit qu'il se fie sur le fait que le Canada reconnaît les droits de la personne sur le plan international. (17 h 30)

II reste quand même l'élément suivant. Lorsqu'on parle de mobilité d'emploi et lorsqu'on parle d'assurer l'élaboration des normes et des critères utilisés, on parle de sélection. C'est donc avant que la personne ne vienne ici. Cette nuance ne me semble pas mineure; la Charte des droits de la personne s'applique une fois que la personne est en territoire canadien, ici. L'argument vaut à ce moment-là. Mais lorsqu'on parle de sélection, on ne peut pas s'en référer à la charte des droits de la personne sur le plan international.

M. Couture: Ce que le député de Mont-Royal voulait, par son amendement, c'est de garantir, une fois que la sélection est faite, cette mobilité des ressortissants, des immigrants.

M. Brochu: C'est exact mais, par contre, on ne peut pas faire le raisonnement inverse et dire: On va s'appuyer sur la charte des droits de la personne pour ne pas inclure cette disposition.

M. Couture: Vous voulez parler de la charte internationale.

M. Brochu: Oui, oui, en disant que c'est déjà compris là-dedans. A ce moment-là, la personne n'est pas considérée comme vivant sur le territoire. C'est au moment de la sélection que cette disposition s'applique.

M. Couture: Mais dans la loi, on a des dispositions pour la sélection, c'est-à-dire avant que les gens n'arrivent...

M. Brochu: C'est cela.

M. Couture: ... et on a des dispositions une fois qu'ils sont arrivés. Alors, le député de Mont-Royal, en présentant son amendement, se référait à nos dispositions ou à nos interventions: Une fois que les immigrants sont arrivés en territoire québécois. Je pense que c'est ce que vous n'avez pas distingué.

M. Brochu: D'accord.

M. Couture: Quant au deuxième amendement, c'était dans l'entente et on l'a signée parce que, dans une entente, on essaie autant que faire se peut de s'ajuster aux désirs — quand c'est possible — de l'autre partie. Le gouvernement fédéral avait fait le choix de l'introduire dans sa loi C-24. C'est son choix et, en signant l'entente, évidemment, il voulait aussi qu'on participe à ce choix par l'entente elle-même, par son libellé même.

Pour ce qui concerne la loi, là-dessus, même si je comprends parfaitement votre préoccupation, l'insistance que vous apportez à ce que ce soit dans la loi d'immigration, en reconnaissant par

ailleurs que la charte y pourvoit et si elle s'applique à nos interventions, vous ne m'avez pas convaincu. M. le Président, le député de Mont-Royal n'a pas ajouté tellement d'argumentation à ce qu'il apportait ce matin, d'autant plus que ce dernier a invoqué le fait qu'à l'étranger, quand on fait la sélection, on pourrait éventuellement, par hypothèse, déroger à cette charte.

M. Ciaccia: Cela ne s'applique pas dans la question de sélection.

M. Couture: Parmi les dispositions spéciales à l'article 56.3 de la Charte des droits et libertés de la personne, on lit cet énoncé-ci: Dans la charte, le mot "loi " inclut un règlement, un décret, une ordonnance, ou un arrêté en conseil adopté sous l'autorité d'une loi. Cela veut dire que là-dessus, vraiment, ils ont tout prévu et ils couvrent tout. A l'étranger, par hypothèse, comme vous l'avez suggéré ou, du moins, évoqué, on pourrait éventuellement faire de la discrimination, parce que c'est l'étranger, on serait obligé, à ce moment-là, d'appliquer des règlements. Nos fonctionnaires à l'étranger seraient nécessairement liés par des règlements qui auraient été préparés en conséquence.

Or, c'est clair, la charte le dit, toute la réglementation que nous allons produire par rapport à cette loi, en aucune façon il nous sera possible de nous écarter de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne veux pas répéter tout ce que j'ai dit ce matin, mais je dois refuser cet amendement, parce que je pense que la charte est un grand document pour le Québec; nous sommes liés par cette charte. Il est absolument impossible que nous puissions nous déroger de nos obligations par rapport à la charte.

Finalement, l'inquiétude du député de Mont-Royal — je comprends son inquiétude et j'essaie de la dissiper — le pousse à dire: Si ce n'est pas dans la loi, peut-être qu'il pourrait arriver que, dans une directive, un règlement, on essaie de faire de la discrimination. C'est impossible de le faire.

Comme ministère, comme ministre, comme gouvernement, liés par l'ensemble des loi québécoises et, au sommet la Charte des droits et libertés de la personne, nous sommes dans l'impossibilité, il n'y a aucune éventualité qui pourrait nous permettre de croire qu'il serait possible de faire de la discrimination; nous sommes liés par cette chatte. Il n'est pas nécessaire de l'introduire et il y a des inconvénients à l'introduire, parce que, si on commence à introduire une disposition de non-discrimination, on est obligé de faire référence à l'entente et, dans l'entente, la référence est plus minimisée par rapport à l'article 10 de la charte; donc, il pourrait même y avoir, à ce point de vue, un certain problème de concordance.

M. le Président, c'est tout ce que j'avais à dire pour répéter que, pour le premier amendement, je suspends la décision et j'y porterai beaucoup d'attention; quant au deuxième, je ne peux pas le recevoir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, comme je suis arrivé un peu en retard, je présume qu'on parle, en général, sur...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, nous sommes à discuter des amendements du député de Mont-Royal.

M. Scowen: Dans ce cas, comme je ne connais pas ces amendements, je ne peux pas parler. Je m'excuse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On pourra revenir. J'avais reconnu, au préalable, le député de Richmond. Est-ce que vous voulez intervenir?

M. Brochu: Très brièvement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Après quoi, ce sera le député de Saint-Louis, et ensuite, le député de Rivière-du-Loup et le député de Papineau.

M. Brochu: C'est simplement une remarque pour indiquer que, tout à l'heure, on s'était peut-être un peu mélangé dans les propos. L'argumentation que je donnais au ministre, il y a quelques minutes, sur l'application des droits de la personne sur le plan international s'applique ici à la deuxième partie de l'amendement du député qui a été présenté: "S'assurer que l'élaboration des normes et des critères utilisés dans la sélection des ressortissants étrangers n'établisse entre les requérants aucune discrimination fondée sur la race, la nationalité, l'origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe".

Ce que je lui disais tout à l'heure, c'est que la charte, à toutes fins utiles, c'est ici que cela s'applique, elle n'est en vigueur que lorsque la personne est acceptée, est en sol québécois ou en sol canadien. A mon sens, on ne peut pas invoquer la protection.

M. Couture: M. le Président, quand on fait des règlements, on les fait ici. Toute notre réglementation qui va à l'étranger, qui permet l'administration de la loi, c'est-à-dire qui permet à des fonctionnaires, éventuellement, de faire la sélection, cette réglementation est produite ici, au Québec, par les Québécois, et elle ne peut d'aucune façon, à cause de l'article 56.3 de la Charte des droits et libertés de la personne, déroger à la disposition sur la non-discrimination.

A moins qu'un fonctionnaire — cela peut arriver, j'espère que non — lui-même, par son intervention personnelle, fasse de la discrimination; cela peut arriver dans tous les gouvernements du monde que, par hasard, quelqu'un ne suive pas une loi ou un règlement, mais, en tant que disposition législative, on est tout à fait couvert par la charte dans les moindre recoins de la réglementation et des directives.

M. Brochu: Si je comprends bien...

M. Couture: Donc, cela a un effet dans la sélection à l'étranger. Pour administrer le règlement, pour faire la sélection des candidats à l'étranger, on a à se baser sur une réglementation qui est couverte par la charte. Comprenez-vous?

M. Brochu: Si je comprends bien l'argumentation du ministre, il ne veut pas avoir de redondance, répéter ce qui est déjà couvert.

M. Couture: Exactement. Je veux laisser toute l'importance nécessaire, tout le prestige nécessaire à la Charte des droits et libertés de la personne qui, elle, est notre grand monument de respect, de défendre des droits et libertés de la personne, qui doit colorer, couvrir et éclairer toute notre législation et à laquelle on doit se référer.

M. Brochu: Est-ce qu'on ne se retrouve pas, à ce moment-là, un peu dans le débat qu'on avait vécu — vous vous en souviendrez, M. le Président — au niveau, par exemple, de l'appellation de la Société nationale de l'amiante où on disait: C'est certain que c'est une société nationale, mais enlevons le mot. C'est un amendement qui avait été apporté à la table de la commission parlementaire, c'était clair. A ce moment-là, le gouvernement avait dit: II faut quand même reconnaître, dans les faits, il faut que ce soit dans le texte de loi, il faut que ce soit noir sur blanc que c'est la Société nationale de l'amiante. Est-ce que cela ne vaudrait pas, également, dans ce cas-ci?

M. Boucher: Ce n'est pas la même chose. Prenez, par exemple, la loi sur les handicapés, où on a retranché...

M. Brochu: D'accord, c'est le choix du ministre. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je tiens pour acquis que le premier amendement, f), est suspendu, avec consentement. Le député de Saint-Louis, sur l'amendement g).

M. Blank: Je pense que le ministre, en s'appu-yant sur la Charte des droits et libertés de la personne, créerait un problème et c'est un danger. Je vais vous montrer le danger à deux endroits. Nonobstant — mais pas dans l'absence — suivant l'opinion juridique que vous avez de Me Hurtubise, vous avez le droit de légiférer sur la question de la langue; ici, dans la charte, vous dites que vous n'avez aucun droit de discrimination envers la langue et vous avez déjà, comme le député de L'Acadie l'a dit, une question de dix points contre deux points pour le français et l'anglais. Dans le cas de la famille aidée ou des parents moins proches, peut-être que cela ne fait pas une grande différence, mais quand on deviendra des indépendants, vous aurez le droit après 30 unités de déclarer cette personne recevable au Québec sans l'approbation d'Ottawa; c'est un tiers du pointage que vous donnerez pour la langue française. Je trouve cela une discrimination envers la communauté anglophone et même le premier ministre, M. Lévesque et le ministre d'Etat au développement culturel on dit qu'on doit préserver la communauté anglophone au Québec. La communauté anglophone, comme la communauté francophone, ne peut pas survivre sans l'immigration. Si vous faites des démarches à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne où vous donnez une préséance à ceux qui parlent français et non s'ils parlent anglais, à ce moment-là, vous pratiquez une discrimination qui peut faire mourir et disparaître la communauté anglophone du Québec, ce qui va à l'encontre des intentions — à ce qu'on dit — de ce gouvernement. Cela est un côté.

De l'autre côté, vous avez une autre chose qui est très dangereuse dans la Charte des droits et libertés de la personne. Vous dites qu'il n'y a aucune discrimination du côté des convictions politiques. Je suis 100% d'accord. Si une personne, ici au Canada ou au Québec, veut former un parti nazi, c'est son affaire; nous, pour prendre soin de cela, on peut voter pour ou contre. C'est même arrivé dans cette Chambre-ci, je pense qu'en 1968 ou 1969, il y avait un groupement à Saint-Eustache qui a formé un parti nazi ici au Canada et je pense que c'est moi ou quelqu'un d'autre qui a demandé la question au premier ministre, M. Bertrand, à ce moment-là, qui a dit: Le Québec est un pays libre; si on veut former n'importe quel groupement politique sans violence on y a droit. Est-ce que vous êtes prêts à laisser entrer au Québec des nazis de l'Allemagne qui restent encore? Avec votre Charte des droits et libertés de la personne, vous en avez l'obligation. C'est pour cela qu'on doit au moins limiter à des choses qu'on veut. Nous, qui sommes ici, avons des droits de base; mais est-ce qu'on a besoin de faire entrer des gens qui puissent nous nuire avec des pensées politiques qui sont contre toutes nos pensées de liberté et de démocratie? Vous avez cela dans la Charte des droits et libertés de la personne.

C'est pour cela que je pense que la limitation dans la loi fédérale, vous l'avez; la loi fédérale couvre dans une autre section avec la sécurité, c'est la réponse que le ministre a donnée, mais la sécurité, c'est très louche; c'est pour cela qu'on veut l'avoir dans la loi ici. C'est très important.

Le Président (M. Vaillancourt): M. le ministre.

M. Laplante: Qui a fait venir Quang?

M. Blank: Une minute! Une question...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! Il n'y a pas eu de question, monsieur. Il n'avait pas le droit de poser de questions?

M. Blank: Non, mais il y a eu une accusation et je veux y répondre.

M. Laplante: II n'y a pas eu d'accusation. J'ai

demandé qui a fait venir Quang, qui a travaillé pour le faire venir.

M. Blank: II m'a demandé qui a fait venir Quang? Le général Quang n'a jamais été mon client ni de loin, ni de près.

M. Laplante: Je n'ai pas dit que c'était votre client. J'ai dit: Qui l'a fait venir?

M. Blank: Mais c'est une accusation que vous avez lancée avec l'aide des fonctionnaires en arrière de vous.

M. Laplante: Non, c'est faux.

M. Blank: Je ne suis pas aveugle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le député de Saint-Louis, à l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député de Saint-Louis! M. le député de Bourassa, à l'ordre s'il vous plaît!

M. Blank: Je n'aime pas être insulté. Je suis un avocat, je pratique ma profession et même avec ma profession, je n'ai jamais touché au général Quang. Il n'a jamais été mon client.

M. Laplante: Personne ne vous accuse de cela.

M. Blank: Oui, et c'est la deuxième fois. M. Laplante: Ah non!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis!

M. Blank: Vous avez peur de faire des accusations? Faites-les. Je vais vous répondre. Faites-les en dehors de cette porte et je vais vous poursuivre aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis, à l'ordre!

M. Couture: M. le Président, je pense qu'on pourrait clore l'incident. Je serais porté à dire qu'il y a eu malentendu sur les paroles qui...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De la part de deux présidents de commission parlementaire, les députés de Saint-Louis et de Bourassa, c'est réellement glorifiant!

M. Laplante: J'ai seulement posé une question, M. le Président, bien innocente.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez provoqué le député de Saint-Louis; il n'aurait pas dû succomber; il a succombé. Mais je voulais signaler que ce sont deux présidents de commission parlementaire qui viennent de nous donner ce spectacle.

M. Couture: Je voulais apporter cette question au débat à propos de cet article et tout ce qu'on soulève comme problème possible de discrimination, surtout en faisant référence à nos points accordés à la langue. (17 h 75)

Quand même, l'avis de la Commission des droits de la personne sur les possibilités pour un gouvernement de légiférer sur la langue, évidemment — on l'a dit à propos de la loi 101 — et en ce qui concerne d'une façon plus précise les critères qu'on introduirait dans une loi d'immigration, dans la réglementation d'une loi d'immigration pour la sélection des immigrants, c'est important de les redire, M. le Président, parce que je crois qu'il y a toute une philosophie là-dedans à laquelle on peut adhérer ou non.

C'est-à-dire qu'il n'y a jamais de discrimination parce qu'on fait des choix, qu'on privilégie certaines catégories, par exemple, des entrepreneurs investisseurs qui apportent des capitaux, qui ont une certaine... qui, avec eux, ont des chances réelles de succès, qui veulent créer de l'emploi; on les privilégie. Ce n'est pas de la discrimination pour ceux qui n'ont pas de capitaux. C'est qu'on aide les gens qui ont certaines choses de plus que d'autres selon les besoins d'une société à rentrer dans ce territoire.

M. Hurtubise — dans son rapport, qui a été adopté par son conseil d'administration de la Commission des droits de la personne du Québec, cela a quand même pas mal d'importance, c'est rendu public — dit ceci: "La Commission des droits de la personne s'est déjà prononcée plusieurs fois de façon générale et à propos de cas particuliers sur la disposition prévue à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne relativement à la langue."

Cette interprétation dont la principale argumentation est exposée dans le mémoire de la commission concernant le projet de loi — dans ce temps-là, c'était le no 1 sur la langue française au Québec — énonce que: "Une législation en matière linguistique" — donc, des critères en matière linguistique aussi — "qui est justifiée par les intérêts légitimes de la majorité n'est pas contraire aux droits fondamentaux de la personne si elle ne va pas au-delà de ce qui est requis pour la réalisation de ses intérêts légitimes et si elle s'assure que les droits et intérêts de tous sont respectés." Dans le fond, l'immigration, enfin, dans le droit international, ce n'est pas un droit en tant que tel, cela reste encore un privilège. Moi, je pense que, dans certains cas, a un quasi-droit, par exemple, quelqu'un qui fuit un pays, quelqu'un qui est persécuté, quelqu'un qui doit absolument trouver une terre d'asile. J'aimerais, peut-être, à un moment donné, qu'on en fasse un grand débat. Mais, dans l'état actuel des lois occidentales, ou, du moins, ce qu'on connaît en matière d'immigration, on ne reconnaît pas le... c'est un droit; on pourrait invoquer cela.

Les intérêts légitimes de la majorité doivent être affirmés et respectés mais il est tout aussi

important, dans un régime démocratique où on est respectueux des droits et libertés de la personne, de ne pas aller au-delà de ce qui est requis pour assurer ce respect. Tout excès — et ici, j'insiste sur le mot "excès" — est une atteinte sinon technique, aux droits et libertés garantis par un texte, du moins, à l'esprit de ceux-ci, à la qualité démocratique d'un état donné. Alors, la commission dit, que dans notre cas, il n'y a pas d'excès. "Cependant" — je vais un peu plus loin — "compte tenu de la réalité socio-culturelle et de la légitimité des habitudes démographiques, socioculturelles et économiques poursuivies par l'Etat québécois à travers sa politique d'immigration, la reconnaissance de ce droit et l'égalité entre tous les candidats d'immigration, ne devraient pas empêcher l'Etat du Québec de privilégier conformément à ses intérêts légitimes, les candidats francophones ou ayant une certaine connaissance du français, ainsi que le prévoit la réglementation canadienne, qui attribue dix points sur un maximum de 100 au requérant qui lit, écrit et parle couramment le français et l'anglais. Là, personne ne s'est opposé, personne n'a dit que c'était de la discrimination; tous ceux qui parlent ni anglais, ni français, pourraient invoquer ce fait — votre argumentation est renversée, à ce moment-là — la réglementation québécoise ne contreviendrait pas à l'égalité proclamée par l'article 10 de la Charte, si elle privilégiait par son système de points les candidats francophones. Il ne faudrait pas, cependant — ce qui là, risquerait de devenir discriminatoire — que la valeur relative de l'article 1 du chapitre III de l'entente, attribuée aux critères linguistiques, soit exagérée ou disproportionnée par rapport à celle qui était accordée aux autres critères. Alors, là-dessus, quand on donne dix points sur 100 points, personne ne peut dire que c'est excessif et que c'est disproportionné.

M. Blank: Mais un tiers?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rivière-du-Loup et, après, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Boucher: M. le Président, simplement une remarque, avec ma courte expérience parlementaire, pour avoir assisté à la discussion qui a eu lieu sur la Loi 9 sur les handicapés, alors que c'était l'inverse qu'on discutait, on voulait exclure de la loi 9 des droits pour les handicapés qui était inclus dans la Charte des droits et libertés de la personne, parce qu'on disait que c'était quand même discriminatoire d'inclure cela dans la loi, parce qu'on faisait une catégorie de gens à part les autres, de personnes à part les autres, en l'incluant spécifiquement dans une loi qui concernait un groupe de gens.

Je considère qu'en incluant cet amendement dans la loi, on en fait un groupe de personnes à part des autres, parce que, déjà, c'est contenu dans la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne voulais faire que cette remarque. Je ne sais pas si le député de Saint-Louis a quelque chose à ajouter à cela, mais je me rappelle que l'Opposition avait argumenté là-dessus lorsqu'on avait discuté de la loi sur les handicapés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Sur cette deuxième...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord! On est encore sur l'amendement. Y a-t-il... Sur l'amendement, d'accord, allez-y...

M. Scowen: Sur la deuxième partie de l'amendement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, c'est cela.

M. Scowen: Si je comprends bien, M. le ministre, la raison pour laquelle vous ne voulez pas l'insérer, c'est que ce sera, en effet, une espèce de chevauchement de ce qui existe déjà et ce n'est pas nécessaire. C'est le point essentiel, si je comprends bien.

M. Couture: En moins, c'est-à-dire que cela va moins loin que la charte.

M. Scowen: Cela va moins loin. Il me semble avoir entendu deux arguments. Le premier est sur cette question dont vous avez déjà discuté, la question du fait. Est-ce applicable à l'extérieur du pays avant que les gens n'arrivent? Et le deuxième, c'est — comme vous l'avez dit — qu'on peut avoir soit des fonctionnaires dans les postes à l'extérieur du pays, soit des fonctionnaires ici qui sont en train de développer des normes, qui auront toujours la loi et la réglementation devant eux, mais pour lesquels la charte sera mise de côté.

M. Couture: Excusez-moi, je voudrais rectifier quelque chose. Pour les fonctionnaires qui auront la réglementation et la charte, ce sera une réglementation qui aura été adoptée sous la charte, c'est-à-dire qu'on est obligé, par la réglementation dans la loi, de se conformer aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne. Donc, c'est impossible de concevoir une réglementation qui ne serait pas conforme, ce serait illégal. On ne pourrait pas l'utiliser. Cela ne pourrait même pas passer.

M. Scowen: Je vous pose la question d'une façon très simple. J'accepte votre assurance, mais n'y a-t-il pas moyen, simplement, d'essayer, d'une façon très simple, de lier les deux afin de dire quelque chose, soit ce que le député de Mont-Royal a suggéré, soit simplement une clause qui dise: La loi doit se conformer à la charte des droits de l'homme? Enfin, quelque chose pour que tout le monde puisse voir, d'une façon très claire et nette, soit les immigrants, soit les fonctionnaires, que c'est le cas.

Je ne doute pas du tout de votre bonne volonté, mais il me semble que l'on parle maintenant, depuis quelque temps, d'une question... Il suffit de rendre claire, nette et visible votre intention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa.

M. Scowen: Est-ce possible ou non? C'est tout ce que je demande.

M. Couture: On peut toujours répéter, dans chaque loi que le Québec pourrait adopter, la loi sur le transport, la loi sur l'amiante: N'oubliez pas que cette loi relève aussi de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela me paraît une redondance.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le ministre. Je pense que c'est quelque chose qui ne doit pas se faire, normalement. Mais on parle ici d'une loi sur l'immigration et je pense que c'est une loi qui n'est pas comme les autres, dans le sens que cela touche de très près les droits fondamentaux de l'homme. C'est très lié à la constitution, vous le savez autant que moi. Pour moi, il s'agit simplement d'une exception dans ce cas-ci. Je suis complètement d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas nécessaire de répéter cela dans toutes les lois du Québec.

Je ne veux pas vous bousculer, mais il s'agit d'être clair. Y a-t-il moyen de rassurer tout le monde et de le faire d'une façon claire?

M. Couture: On aura beaucoup de déclarations pour rassurer les gens.

M. Blank: Le type qui a une copie de notre loi n'a pas une copie de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon! Y a-t-il d'autres interventions?

M. Ciaccia: Je vais essayer de convaincre le ministre d'inclure dans le projet de loi une référence au principe de la non-discrimination. Premièrement, c'est un principe fondamental et il ne faudrait pas se fier à d'autres lois et dire: La loi s'applique ou elle ne s'applique pas. Vous venez de me donner un avis juridique qui dit: Voici une interprétation suivant laquelle ce n'est pas contre la Charte des droits et libertés de la personne.

Je ne voudrais pas avoir la même sorte de problème dans l'avenir, vis-à-vis de ce projet de loi, de se faire donner une autre opinion d'un autre avocat, qui pourrait vous dire que l'intention, évidement, du projet de loi, ce n'était pas d'inclure l'article 3-1, a), b), parce qu'il n'a pas été inclus. On peut faire cet argument. On regarde à l'intention du législateur. Quand on a une entente et qu'on voit le projet de loi qui est différent de l'entente, on dit: Evidemment, c'était l'intention de faire des changements à l'entente. Premièrement, on ne s'y réfère pas à l'entente et, deuxièmement, on n'inclut pas toutes les clauses de l'entente.

Alors, vous pourrez me produire une opinion, d'un autre avocat, à l'avenir, qui dira: Ce n'était pas l'intention d'avoir le principe de non-discrimination quant à la sélection. C'est un argument qui pourrait être donné.

L'autre argument et, je crois que celui-ci est encore un peu plus grave, à mon point de vue, c'est que si vous lisez l'article 52, du chapitre VI de la Charte des droits et libertés de la personne, cet article 52 se lit comme suit: "Les articles 9 à 38 prévalent sur toutes dispositions d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer, malgré la charte.

Alors, un autre argument qui pourrait être fait, c'est que vous amendez la loi 68, la loi 68 a été adoptée avant la Charte des droits et libertés de la personne. L'amendement, ce n'est pas la loi, c'est un amendement à la loi. Un argument pourrait être avancé, à savoir que le bill 50, la Charte des droits et libertés de la personne, ne s'applique pas aux amendements, parce que, clairement, ce n'est pas une loi postérieure, car quand vous allez regarder vos amendements, vous allez vous référer, comme vous le faites maintenant, à la loi 68.

Alors, vraiment, on se réfère toujours à l'article de la Loi du ministère de l'Immigration 1968, chapitre 68, c'est cela qui va nous guider, c'est cela qui va...

M. Blank: Pas nécessairement. M. Ciaccia: Non, non, non!

M. Blank: Cela, c'est une loi, c'est un projet de loi, cela!

M. Ciaccia: Non! non! vous l'appelez projet de loi, mais c'est un amendement à une loi.

M. Blank: Cela devient une loi.

M. Ciaccia: Non, cela ne devient pas une nouvelle loi.

M. Blank: On va bien voir...

M. Ciaccia: Je ne veux pas faire un grand débat juridique avec vous, mais je vous donne mon opinion, et je pense que j'ai raison.

M. Blank: Le juge Pigeon n'est pas d'accord avec vous. Je vais essayer de m'en trouver un autre, parce qu'il est fort.

M. Ciaccia: Un livre intitulé: "Rédaction et interprétation des lois", par Me Louis-Philippe Pigeon, juge de la Cour suprême, dit que, dans la loi d'amendement là où une difficulté survient, c'est lorsqu'on est en présence d'une loi d'amendement. Alors, il faut distinguer soigneusement entre les dispositions de la loi modificatrice et les

dispositions qui sont décrétées pour faire partie de la loi que l'on modifie. Si, dans la loi modificatrice, vous ajoutez un article qui se lit comme suit: "La présente loi ne porte pas atteinte aux droits constitués avant son entrée en vigueur", il n'y a aucun problème, il s'agit évidemment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Mais, très souvent, ce que l'on fait, c'est que l'on modifie l'ancienne loi, et l'on décrète, par exemple, que l'article 15 remplaçait, etc., etc..

Alors, vous n'avez pas une nouvelle loi, vous avez une loi antérieure et l'argument pourrait être fait, et je continue je cite ici:

M. Couture: On pourrait donner la source.

M. Ciaccia: La source, c'est "Rédaction et interprétation des lois", par Me Louis-Philippe Pigeon, page 16. Je continue la citation que j'ai commencée qui se lit comme suit: "Mais, très souvent, ce que l'on fait, c'est que l'on modifie l'ancienne loi et on décrète, par exemple, que l'article 15 est remplacé par le suivant et, dans ce nouvel article, on dira: "Rien dans la présente loi ne doit porter atteinte aux pouvoirs que possédait une personne lors de l'entrée en vigueur de la présente loi".

Alors, très souvent, on oublie que, lorsqu'on fait mention de l'entrée en vigueur, non plus dans le texte d'un nouvel article, mais dans le texte d'un article que l'on introduit dans la loi ancienne, l'entrée en vigueur ne signifie pas l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, mais l'entrée en vigueur de la loi qu'on modifie.

Cela veut dire, d'après cette interprétation, et je pense que c'est un auteur qui est assez...

M. Couture: J'ai beaucoup de respect pour lui.

M. Ciaccia: Cela voudrait dire que les droits de la Charte des droits et libertés de la personne ne s'appliqueront pas à votre Loi sur l'immigration.

M. Couture: Remarquez qu'il y a des juristes qui ne disent pas la même chose. (18 heures)

M. Ciaccia: Bien, pourquoi laisser un doute? Pourquoi laisser la possibilité qu'on va recevoir demain une opinion contraire? Si vous êtes vraiment sincère — je ne doute pas de votre sincérité — et si vous voulez appliquer la non-discrimination, si vous dites que l'article 3,1a, b, ne va pas assez loin, si vous êtes d'accord pour inclure l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne dans votre loi pour qu'il n'y ait pas de doute, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je ne veux pas aller plus loin que l'entente que vous avez signée, mais je ne veux pas aller moins loin non plus.

Si je m'en tiens à l'interprétation de la Charte des droits et libertés de la personne, avec l'opinion que je partage, que j'ai soulevée — quand je l'ai soulevée, je ne savais même pas, on m'a apporté cette opinion plus tard — je crois qu'on est dans une zone grise et que la Charte des droits et libertés de la personne ne s'appliquera pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 18 h 1

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