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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 5 mars 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 89 - Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

Comité des industries et du commerce (2)

Bill 89

Séance du 5 mars 1969

(Dix heures treize minutes)

M. MURRAY (président du comité): Mesdames, messieurs, il nous fait plaisir de vous accueillir à cette deuxième séance du comité parlementaire permanent des industries et du commerce, pour étudier, encore une fois, le bill 89 intitulé Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux.

J'aimerais réitérer quelques idées que nous avons émises lors de la première séance. Il s'agit, à ce moment-ci, non pas d'étudier le bill, article par article, mais simplement d'entendre les mémoires qui sont soumis au comité, pour que les honorables députés en prennent connaissance. Les personnes que nous entendrons ce matin ont été convoquées à l'avance par M. Bonin, secrétaire des comités. Nous avions également dit, à la première séance, que nous ne permettons pas qu'il y ait des discussions ou une argumentation entre organismes ou entre personnes dans l'assistance. Les gens convoqués viennent au micro exposer leur mémoire. Ils peuvent poser des questions à l'honorable ministre, au comité. Les membres du comité peuvent également poser des questions à ceux qui nous soumettent leur mémoire.

Alors, s'il n'y apas d'autres remarques, nous débuterons immédiatement. Les premières personnes que nous avons sur la liste sont M. Bent K. Larsen, de la direction de la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens, AMC, Montréal, et Me Jean Roger, conseiller juridique.

Est-ce que M. Larsen ou M. Roger est ici?

M. ROGER: M. Larsen est absent, mais... M. LE PRESIDENT: Etes-vous M. Roger? M. ROGER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Nous vous écoutons M. Roger.

Me Jean Roger

M. ROGER: Si vous le permettez, je vais tout simplement faire la lecture du mémoire, qui est très bref.

C'est avec une satisfaction mitigée que les membres de la division du Québec de l'Associa- tion des manufacturiers canadiens ont appris la présentation, en première lecture, de la Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux. D'une part, le climat des affaires ne peut que bénéficier de l'entrée en vigueur d'une loi cadre régissant les heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux, de façon à favoriser une saine concurrence et des pratiques commerciales plus uniformes. D'autre part, bien que les manufacturiers en général ne doivent pas tomber sous l'empire de cette loi, ils n'en demeurent pas moins intéressés aux effets qu'elle est susceptible de produire tant sur les ventes que sur les heures de livraison.

Après une étude attentive de ce projet, notre association est cependant portée à conclure que, dans leur rédaction actuelle, ces dispositions peuvent difficilement atteindre les objectifs visés. Pour être applicable, cette loi devrait, en effet, abroger toutes les autres dispositions inconciliables ou qui en limitent la portée. Or, tel n'est pas le cas, puisque le projet à l'étude détermine simplement les heures pendant lesquelles les clients peuvent être admis dans des établissements commerciaux, tout en énumérant certains cas auxquels elle ne s'applique pas. Par ailleurs, les articles Il et suivants du projet ne modifient ou n'abrogent que des textes analogues à celui de la loi proposée.

La Loi des décrets de convention collective, dans la masure où elle permet encore de rendre obligatoire par décret des dispositions déterminant les jours ouvrables ainsi que les heures de travail, demeure cependant un obstacle à l'application du bill 89. En effet, à l'intérieur même des cadres déterminés par ce dernier, nombre d'établissements commerciaux seront en pratique incapables d'ouvrir leurs portes à certaines heures, parce que privés des services de leurs employés. Le principe même de cette nouvelle loi se trouve ainsi menacé puisqu'elle ne paut amener une plus grande uniformité des heures d'affaires.

La division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens, par le présent mémoire, désire donc manifester son appui aux observations déjà soumises à cet égard par d'autres organismes patronaux, et recommande que l'article 13 du projet soit modifié de façon à retrancher également le deuxième alinéa de l'article 9 de la Loi des décrets de convention collective.

Au niveau plus général des principes, il est à souligner qu'un tel amendement sanctionnerait une plus grande mesure de coordination entre les ministères, tout en faisant ressortir l'esprit de collaboration devant présider à l'élaboration des diverses lois susceptibles

d'affecter l'économie du Québec. C'est dans cet esprit que les remarques qui précèdant vous sont respectueusement soumises.

M. LE PRESIDENT: Les membres du comité ont-ils des questions à poser à M.. Roger? S'il n'y a pas de remarque, nous vojs remercions, M. Roger. Le comité prendra vos recommandations en considération.

Le deuxième organisms convoqué pour ce matin: M. Greene, gérant général, Saint-Hyacinthe; M. Guy Kirouac, Québec; M. à. Variétés Inc.

Alors, vous êtes monsieur...

M. Guy Kirouac

M. KIROUAC: ... Kirouac.

J'ai des mémoires ici, s'il vous plaît.

M. le Président, monsieur le ministre, messieurs les membres du comité spécial de l'Assemblée nationale du Québec.

Je tiens, en tout premier lieu, à vous remercier de cette opportunité que vous nous offrez de venir vous exposer nos demandes et formuler nos critiques à l'endroit du bill 89, touchant les heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Ceci dénote chez notre gouvernement un souci de démocratie et un vif désir de faire une loi juste et équitable pour tous.

La compagnie M.I. Variétés Inc., dont je suis le porte-parole, est une association de propriétaires de magasins indépendants de variétés groupant 85 propriétaires avec un effectif actuel de cent magasins, opérant dans toute la province de Québec. Cette compagnie a pour but de grouper les marchands québécois, petits et moyens, de les aider en formant une coopérative d'achat qui leur permet d'obtenir de meilleurs prix et de soutenir ainsi toute concurrence.

Régulièrement, depuis 1955, les marchands ont présenté au gouvernement des mémoires dans lesquels ils démontrent la situation chaotique et ruineuse, la concurrence déloyale et injuste où les ont menés les différentes réglementations municipales sur les heures d'ouverture et de fermeture des magasins. A chaque élection, des discours, des promesses sont faits sur le sujet. En 1967, nous avons eu le rapport Rameau. En 1968, monsieur le ministre, vous avez franchi une étape importante en présentant le bill 89.

Nous remercions monsieur le ministre Beaudry et son gouvernement d'avoir enfin compris que cette concurrence déloyale conduisait peu à peu notre industrie québécoise vers la ruine et que des capitaux toujours grandissants partaient vers les autres provinces et même vers des pays voisins, laissant les Québécois dans un marasme financier toujours croissant.

Un gouvernement sérieux et désireux d'aller de l'avant protège son industrie locale, grande ou petite, car il est conscient que les bénéfices acquis au Québec par ces industries seront dépensés au Québec et contribueront ainsi à accroître le bien-être financier de tous les citoyens. Dans notre optique, l'industrie québécoise est avant tout celle qui vit au Québec et dépense son argent au Québec. Ce n'est pas celle, peut-être, qui déversera des milliers de dollars dans les caisses électorales, mais c'est celle qui vote et qui élit les gouvernements. Laquelle, messieurs, je vous le demande, a le dernier mot?

Autre chose, messieurs. Selon des statistiques parues dernièrement dans un grand quotidien québécois, il existe présentement au Québec plus de 75,000 marchands dont les 4/à sont des marchands indépendants vivant au Québec. Or, pour qui sont faites les lois? Pour la minorité étrangère ou pour la majorité québécoise? Le Québec d'abord, messieurs, et « le Québec sait faire » pourvu qu'on ne lui coupe pas ses moyens.

Nous ne voulons pas ici demander l'extradition des grandes chaînes de magasins, loin de là, car elles aident aussi, dans une certaine mesure, au bien-être financier de notre province, mais nous ne voulons pas qu'elles viennent nous faire chez nous une concurrence déloyale en ouvrant leurs portes tous les jours et, surtout, tous les soirs de la semaine, monopolisant ainsi toutes les possibilités de vente. Le commerçant moyen ne peut suivre à ce rythme. Toute personne tant soit peu éclairée sur le fonctionnement d'un commerce le sait parfaitement.

Ce bill répond à une telle nécessité que même l'Opposition y semble favorable, ce dont nous lui sommes infiniment reconnaissants.

Il faut absolument qu'enfin 1969 voie la mise en vigueur de cette loi si urgente pour l'économie québécoise et si primordiale pour nous.

Ici, je voudrais ouvrir une petite parenthèse. Nous sommes un peu inquiets à savoir si nous l'aurons cette année. Vous avez beaucoup de mémoires. Cela a pris quinze ans avant que nous ayons un bill. Nous voudrions dire au ministre Beaudry que ce qui a été fait jusqu'à présent est un très grand pas. Même si la loi était présentée telle qu'elle est là — malgré que nous ne venons pas ici pour la critiquer et pour défaire tout ce qui a été fait — nous les marchands qui sommes dans nos ma-

gasins, serions satisfaits. Nous aurions peut-être encore quelque chose a dire, mais nous serions satisfaits. Nous aurions un grand pas de fait que personne n'a fait jusqu'à présent, depuis quinze ans. Cela, nous pouvons nous permettre de le dire, et je crois que c'est l'opinion de presque tous les membres de notre association.

Permettez-nous, cependant, d'apporter notre point de vue et certains commentaires aux diverses clauses de votre projet de loi.

Nous ne sommes pas du tout d'accord avec vous sur la définition des mots « établissement commercial », excluant les commerces établis dans les municipalités de moins de 1,500 habitants. a) Pourquoi un service reconnu bon pour une population d'un million ne serait-il pas bon pour une population de 1,500 âmes? Nous pourrions dire que c'est une petite agglomération. Il est impossible de concevoir ça. b) Cette restriction dont le bien-fondé nous semble fort douteux n'ouvre-t-elle pas la porte à bien des abus très difficiles à corriger par la suite? c) Une loi, pour être juste et équitable, doit, à notre sens, être la même pour tous. Cette restriction ne ferait que continuer, sur une plus petite échelle, cette concurrence déloyale contre laquelle nous nous élevons et qui nécessite justement la loi que vous préparez présentement. Article 2

Les jours de fermeture complète énumérés dans cet article nous semblent justes et existent d'ailleurs pratiquement partout dans la province. Cependant, nous considérons que ce serait sans doute fort raisonnable que le 26 décembre et le 2 janvier soient, sans égard pour les dimanches, aussi des jours de fermeture.

Il nous semble que les marchands et leurs employés ont droit, eux aussi, à un repos bien mérité, surtout après cette période des fêtes particulièrement difficile pour eux, quand les magasins sont ouverts depuis le 8 de'cembre, tous les soirs, tous les jours. Le 26 décembre et le 2 janvier... d'abord, le 2 janvier, la plupart des magasins sont fermés. Si on mettait le 26 décembre et le 2 janvier, ce serait rendre service aux marchands et aux employés. Article 3

Les heures d'ouverture proposées dans cet article totalisent 67 heures par semaine. Un fait est acquis, c'est que sur ce total d'heures ouvrables, à peine 48 heures demeurent vraiment rentables. a) Ouverture dès huit heures du matin. Cette heure matinale est peut-être valable pour certains commerces tels que les quincailleries, épiceries, magasins d'outillage et de machines agricoles, mais même là encore, ceci demeure très discutable. De toute manière, pour la majorité des commerces, il n'existe aucune possibilité de vente avant 9 heures du matin. b) Heures de fermeture: 6 heures du soir, les lundis, mardis, mercredis et samedis. A notre avis, à heures 30 est fort suffisant et permet au personnel de regagner son logis à une heure raisonnable pour le repas du soir. c) Ouverture les jeudis et vendredis soirs jusqu'à 10 heures. Nous croyons que 9 heures 30 est très suffisant et permet raisonnablement le magasinage du soir à ceux que diverses occupations empêchent de faire leurs achats pendant le jour.

Mais ici, il ne faut pas s'en faire. Que vous ayez dit de 8 heures à 6 heures ou de 9 heures à 6 heures, nous n'avons qu'à ouvrir à 9 heures si cela fait notre affaire. J'ai un magasin au centre commercial Sainte-Foy; je l'ouvre à 10 heures, parce que le matin, ce n'est pas rentable. C'est simplement pour vous donner une idée de nos commerces, comment nous les voyons, mais ce ne sont pas des principes que nous voulons voir couper. C'est tout simplement normal, étant donné la façon dont fonctionnent nos commerces aujourd'hui.

Nous tenons ici à faire une requête à laquelle nous accordons une grande importance: réduire la semaine d'ouverture des établissements commerciaux à cinq jours, au lieu de six jours. Ce n'est pas un cadeau. Si nous pouvions gagner cela, je crois bien que ce serait pas mal complet. Cinq jours au lieu de six.

Attendu que notre société actuelle en voie d'industrialisation et se dirigeant vers la société postindustrielle du continent nord-américain tend à diminuer les heures de travail dans tous les secteurs, nous considérons que la politique du bill 89 ne suit pas cette évolution maintenant irréversible et conséquemment s'avère rétrograde.

Ici, on pourrait dire que les barbiers ferment le lundi, et dans la salle personne n'a les cheveux longs parce que les barbiers sont fermés. Nous proposons...

UNE VOIX: Il y en a qui ont les cheveux longs.

M. KIROUAC: Mais ce n'est pas parce que les barbiers sont fermés le lundi. Si nos magasins étaient fermés une journée, cela n'empêcherait personne de magasiner. On vous dit au paragraphe suivant que nous vous proposons

le lundi. Vous pouvez peut-être ajouter au crayon sur vos feuilles: le lundi ou du samedi midi au lundi midi.

Nous proposons de fermer nos magasins une journée avant que les employés nous obligent, par le CSN, à le faire. Nous pouvons le faire avant qu'ils ne nous le proposent. Nous disons le lundi, vous pouvez ajouter « samedi midi au lundi midi », ce serait parfait.

Vous allez faire la loi, faites-en une vraie. La journée que vous aurez fait cette loi, nous l'accepterons, quelle qu'elle soit. d) Rétrograde et de plus inhumaine, la fermeture des magasins fixée à 10 heures du soir, le 24 décembre.

Le 24 décembre, la veille de Noël, jusqu'à 10 heures, là, cela vaut la peine de msttre un petit « x », parce que ceux qui ont des commerces, parmi vous autres, même parmi les députés, le 24 décembre, nous pourrions mettre 6 heures.

M. CADIEUX: 10 heures à part ça, les confessions sont terminées!

M. KIROUAC: Il y a aussi les confessions, ce soir-la. Je vous parlerai de la semaine sainte tantôt, parce que c'est important.

La semaine précédant la fête de Pâques, à notre avis, ne nécessite pas d'autres heures d'ouverture que celles que nous préconisons aux paragraphes A), B), C) et Il).

Dans le semaine de Pâques, il ne faut pas rêver en couleurs. Quand les magasins sont ouverts aux heures régulières, il y a un peu plus de monde, ça finit là. Article 4

Cet article nous parait acceptable et offre un délai fort raisonnable aux marchands ainsi qu'à leurs clients. Article à

Cet article nous semble très ambigu, étant donné que le statut du client est réglé à l'article 4. Il faudrait, ici, élargir un peu les cadres, car l'entretien de nos magasins ne peut se faire aux heures d'ouverture et nécessite souvent plus d'un employé préposé à cette fin. Article 6

Cet article stipule que cette loi ne s'applique pas à un établissement commercial fonctionnant avec un effectif total de moins de quatre personnes.

Nous tenons, ici, à vous faire remarquer que le commerce tend, de plus en plus, vers le « servez-vous vous-même » et qu'ainsi, bientôt, les trois-quarts des magasins pourront fonctionner avec cet effectif de personnel-Cette nouvelle restriction qui catégorise encore les marchands, nous place devant une situation encore plus complexe et, nous nous demandons pourquoi une loi sur les heures d'ouverture et de fermeture ne serait pas uniforme. Nous ne voulons pas une loi qui favorise la petite entreprise au détriment de la grosse, mais nous préconisons une loi qui soit adéquate à notre temps, juste et équitable pour tous. Article 7

Nous sommes d'accord avec 1'énumération des exemptions qui apparaissent dans cet article, à condition cependant qu'elles n'empiètent pas sur le commerce des autres marchands réglementés par cette loi, en vendant jouets, papeterie, cadeaux etc...

Nous aimerions — là, je vous ai passé un sapin — aussi savoir pourquoi le gouvernement ne soumet pas la Régie des alcools du Québec à cette loi? Pressions syndicales ou rentabilité? Article 8

Votre interprétation de ce paragraphe serait appréciée. Nous aimerions savoir qui cet article concerne exactement. Article 9

Les pénalités sont rigoureuses et nous admettons que la loi doit être respectée par tous et chacun. Toutefois, il y a ici ingérence dans la vie privée du propriétaire, qui doit tout de même demeurer libre d'entrer dans son propre magasin, le faire visiter à des amis, y tenir des réunions d'hommes d'affaires à son bureau, etc. Il faudrait avant tout pouvoir faire la preuve qu'un commerce illégal s'effectue. Articles 10. Il et 12 sont acceptés sans autre commentaire. Articles 13, 14 et 15

Ces articles concernent différents articles du code du travail. Nous 'sommes convaincus que si les heures de commerce sont bien réglementées, soit cinq jours de travail par semaine, en regard de notre future société postindustrielle, telle que nous la préconisons plus haut, les employés auront d'excellentes conditions de tra-

vail. Ainsi, notre gouvernement aura établi une politique avant-gardiste, qui, tout en considérant les éléments socio-économiques, démontrera qu'il est intéressé au bien-être de tous ses citoyens. « Le Québec sait faire », nous espérons que le gouvernement du Québec « saura faire ».

M. BEAUDRY: M. Kirouac, je vous remercie de vos suggestions. Vous pouvez être assuré que le comité prendra bonne note de ces suggestions. Nous essaierons de les discuter ensemble. Vous semblez être pessimiste, au sujet de la présentation de ce bill, au cours de cette session. Je dois vous assurer que c'est bien l'intention du gouvernement et de nos amis de l'Opposition que, dès que les mémoires seront terminés, nous aurons une ou deux réunions ensemble.

Après ces deux réunions, vous pouvez être assurés que nous présenterons cette législation à l'Assemblée nationale.

M. KIROUAC: Merci, M. Beaudry.

MR. BROWN: Mr. Kirouac, what stores do you service in Brome County?

M. KIROUAC: Voulez-vous, s'il vous plaît, me poser la question en français?

M. BROWN: Avec quels magasins êtes-vous affiliés dans le comté de Brome?

M. KIROUAC: Oui, les magasins indépendants Variétés.

M. BROWN: Mais est-ce que vous avez des magasins dans le comté de Brome?

M. KIROUAC: Oui, dans Cowansville.

M. BROWN: Non, ce n'est pas à Cowansville. Dans le comté de Brome?

M. KIROUAC : Ah! Le comté de Brome? M. BROWN: Brome, Sutton, Eastman,,..

M. KIROUAC: Non, pas dans le comté de Brome. Nous en avons un peu partout. Il y a ici des gens de Montréal qui sont avec moi, il y en a de la Gaspésie, vous en avez d'un peu partout. Nous avons des membres partout dans la province de Québec.

M. LEDUC (Laviolette): Vous en avez en Mauricie?

M. KIROUAC: En Mauricie, oui.

M. CLICHE: J'aimerais poser une question, M. le Président. Vous dites, dans votre mémoire, que vous exploitez 100 magasins au Québec. En avez-vous dans des localités de moins de 1,500 âmes?

M. KIROUAC: Oui. M. CLICHE: Combien?

M. KIROUAC: Je crois que M. Shooner, le député, a un magasin. Il n'y a pas 1,500 âmes chez vous, M. Shooner?

M. SHOONER: Il y a 1,800 âmes.

M. KIROUAC: Tout près de 1,800 âmes. Il y a M. Martin, de Saint-François-d'Assise.

M. CLICHE: Je vous demande cela, parce que vous vous opposez à cette clause qui veut que la loi ne s'applique qu'aux municipalités ou villes ou places supérieures à 1,500 âmes.

M. KIROUAC: C'est parce que c'est tout simplement illogique. Vous avez déjà eu d'autres mémoires. Vous avez des endroits d'une population de 1,500 âmes qui sont à côté de grands centres. Vous allez voir là de grosses compagnies qui iront bâtir à côté et leurs magasins y seront bientôt ouverts jour et nuit Ce n'est pas fou, vous savez, d'avoir mis de 8 à 6 heures, parce que j'avais entendu parler — et c'est pas mal sûr — que les gros magasins ouvriraient bientôt jour et nuit. Quand j'ai vu cela, je n'ai pas trouvé cela fou. On a dit 8 heures du matin, donc, ils ne peuvent pas ouvrir avant.

M. CLICHE: Alors votre crainte, c'est que l'on contourne la loi en allant s'Installer dans les municipalités de moins de 1,500 âmes.

M. KIROUAC: C'est sûrement cela qui se fera.

M. CLICHE: Une autre question. Vous avez parlé de fermeture de magasins une journée par semaine, c'est-à-dire pour qu'il n'y ait que à jours d'ouverture de magasins, d'établissements commerciaux, comme on dit?

M. KIROUAC: Nous parlons des établissements commerciaux.

M. CLICHE: Est-ce votre avis qu'actuellement, au Québec, c'est la généralité que les magasins sont ouverts à jours? Je parle pour ma région, l'Abitibi.

M. KIROUAC: Oui, oui.

M. CLICHE: Généralement, en Abitibi, les magasins ne sont ouverts que à jours par semaine. Le lundi, tout est fermé, sauf les postes d'essence, les pharmacies...

M. KIROUAC: D'accord, il y a des cadres à faire, c'est sûr que nous ne pouvons pas demander.

M. CLICHE: Est-ce que c'est la même chose, ici, dans le Québec?

M. KIROUAC: Ah! Monsieur. Ici, si on pouvait ouvrir le dimanche, on ouvrirait!

Le lundi matin, nous entrons dans nos magasins, et nous y sommes pris lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi... Tant que le gars n'est pas écoeuré de l'industrie québécoise, de son petit commerce, pour tout vendre aux autres, il attend! Il étouffe et il souffre. Il se demande: Est-ce que nous l'aurons un jour? Imaginez-vous! C'est pour ça que nous nous débattons, n'avons jamais rien eu. Et là, pour une fois, le ministre Beaudry nous envoie une affaire comme ça, le bill 89. C'est une bénédiction pour nous-mêmes de la façon dont est rédigé le bill présentement — je l'ai dit tantôt. Autrement, nous ne pouvons pas ouvrir les lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi soirs. Nous reviendrions au temps de Noé.

M. CLICHE: Et vous voudriez que...

M. KIROUAC: Que les magasins soient fermés.

M. CLICHE: ... le nombre d'employés ne soit pas indiqué dans la loi? Vous indiquez ça dans votre mémoire.

M. KIROUAC: C'est bien difficile. Vous savez ce qui arrive... Pour vous donner un exemple, vous en avez chez vous, j'ai un magasin sur la 3e avenue, nous sommes sept, je vais ouvrir en n'importe quel temps avec quatre employés. S'il n'y a pas d'autre travail, d'autres installations, je vais placer quatre employés à cet endroit et je peux ouvrir n'importe quand. Vous avez de gros magasins dans l'épicerie — d'accord, les épiceries ne nous concernent pas — je n'aime pas les gens qui viennent présenter des mémoires, et qui ne les regardent même pas, ils n'ont pas de magasins. Vous avez dit: L'épicerie, ça n'est pas votre affaire. C'est vrai. Je vais vous donner un exemple. On ouvre des magasins, on emploie une caissière, deux caissières et même trois caissières. C'est un grand magasin, où les gens se servent eux-mêmes. Il arrivent à la caisse, la caissière poinçonne. Après cela, vous vous débrouillez seuls. Il y a des sacs à la disposition des gens. Arrangez-vous, vous placez vos emplettes dans votre automobile, c'est votre affaire. Cela, on limite ça. On leur ouvre la porte. Cela commence là. Imaginez-vous ce que ce sera dans trois ou quatre ans!

M. CLICHE: Il y aura peut-être moyen d'ajouter une clause additionnelle qui donnerait à la loi...

M. KIROUAC: C'est bien difficile pour vous. Mais ça c'est un point qu'il faudra...

M. CLICHE: ... qui atteindrait le but que la loi veut atteindre.

M. KIROUAC: C'est ça.

M. CLICHE: Ne pensez-vous pas que, dans une municipalité où la population est inférieure à 1,500 âmes et où il y a généralement des petites entreprises familiales, ces gens-là ne doivent pas être soumis à la loi? Voulez-vous qu'ils le soient?

M. KIROUAC: Logiquement, si une population d'un million peut se faire servir avec soixante heures d'ouverture par semaine — supposons soixante heures — pourquoi une petite population de 1,500 habitants ne pourrait-elle pas se faire servir dans le même nombre d'heures? Il s'agirait de les habituer et puis après un mois, ce serait fini.

M. CLICHE: Il est entendu...

M. KIROUAC: Ce serait illogique.

M. CLICHE: ... qu'ils peuvent être reçus au magasin dans les limites des heures mentionnées, mais...

M. KIROUAC: Ils s'habitueraient à y aller, au magasin. Je ne peux pas croire que quelqu'un se promènerait l'hiver sans manteau sous le prétexte que les magasins seraient fermés le lundi. Je ne pense pas voir cette chose-là. La Régie des alcools a été en grève pendant trois mois et personne n'a manqué de gin. Si nous fermions le lundi ou du samedi midi au lundi midi, vous ne pensez pas que nous serions heureux? Dans le fond — je ne devrais peut-être pas le dire - mais ce qui arrivera, c'est que les

unions nous obligeront à fermer, c'est ce qui s'est passé à la Régie des alcools. Pourquoi ne pas le faire avant, nous autres? Tout le monde serait heureux. Le gouvernement aurait fait un pas en avant.

M. CLICHE: Merci.

M. CADIEUX: Par souci de la perfection seulement, je voudrais que vous fassiez une correction dans la première partie de votre texte, à la première page où vous dites :« En 1967, nous avons eu le rapport Rameau ». Or, la commission Rameau a été instituée par un arrêté ministériel le 23 février 1966 et a remis son rapport en décembre 1966.

M. KIROUAC: Je m'excuse, monsieur. J'étais un an en retard.

M. BEAUDRY: M. Kirouac, est-ce que je pourrais vous poser une question, s'il vous plaît?

M. KIROUAC: Certainement.

M. BEAUDRY: Lorsque vous nous suggérez que les établissements commerciaux ne devraient ouvrir leurs portes que pendant cinq jours, est-ce que vous pensez à ce moment-là, à l'économie québécoise dans son ensemble? Etant donné que nous essayons, dans le secteur des manufacturiers secondaires, de produire au maximum, d'avoir de l'efficacité dans nos usines, il nous faut absolument un écoulement pour nos produits. Il arrivera peut-être que le jour où nous fermerons tous, il y aura un flot de touristes dans cette même province qui désireront faire des achats chez nous. S'ils ne passent qu'une journée chez nous, eh bien, un certain volume d'achats disparaîtra de notre province. Or, au point de vue de l'économie du Québec, est-ce que vous croyez qu'il serait bon que les magasins ferment une journée par semaine?

M. KIROUAC: M. Beaudry, je crois que cela ne dérangerait pas grand-chose. Peut-être que votre argument est valable au point de vue du tourisme, mais la population elle-même ne dépensera pas moins qu'elle ne dépense actuellement.

M. BEAUDRY: Non, au point de vue...

M. KIROUAC: Au point de vue du tourisme, peut-être y aurait-il une petite proportion de gens qui ne seraient pas servis, mais cette petite proportion, M. le ministre, est-ce qu'elle vaudrait la peine de déranger 75,000 marchands?

Je ne suis pas un financier en ce moment, mais je ne pense pas que cela nuirait à quiconque. Ce serait plutôt améliorer le sort de l'industrie québécoise. L'industrie québécoise qui serait améliorée dépenserait peut-être cet argent qui venait des touristes. Parce que les touristes viendront de toute façon.

M. BEAUDRY: Bon...

M. KIROUAC: Il y a des cadres dans cela aussi.

M. BEAUDRY: Donc, vous croyez qu'il serait possible que nous perdions un certain volume de ventes si nous fermions une journée par semaine au Québec?

M. KIROUAC: Non, je ne suis pas prêt à dire cela. Ecoutez, les touristes achètent des cadeaux. Je comprends le problème. Vous parlez des magasins de souvenirs, des petites boutiques de ce genre; vous avez un problème, là. Nous comprenons que vous avez un problème. Nous voulons bien vous faire comprendre qu'une journée de fermeture, c'est très important. Vous savez, il arrive une période où nous ne pouvons plus trouver d'employés. Nous voulons engager un employé, c'est ouvert six jours par semaine. Si nous désirons avoir un gérant, une personne clé dans notre magasin, il faut alors qu'elle nous remplace six jours par semaine. Nous ne sommes plus capables d'avoir des employés. Le type va s'engager ailleurs. Est-ce que l'industrie canadienne n'en souffre pas? Je ne crois pas qu'en cents et en dollars, dans nos porte-monnaie, si nous fermons une journée par semaine, la population du Québec en souffre. Je ne le crois pas.

M. BEAUDRY: Seriez-vous assez aimable de me dire le pourcentage de vos ventes chaque jour de la semaine dans les magasins Variétés indépendants? Comment se répartissent vos ventes?

M. KIROUAC: Les grosses journées sont le vendredi et le samedi.

M. BEAUDRY: Oui, mais du lundi au samedi.

M. KIROUAC: Le lundi est la plus petite journée.

M. BEAUDRY: Quel pourcentage?

M. KIROUAC: Ah, peut-être 5% ou 6% des ventes de la semaine. D'abord, le lundi matin,

il ne faut pas rêver en couleurs, de 9 heures à midi, même dans les gros magasins, il n'y a pas un chat! Il n'y a personne. L'après-midi, il y a un petit peu de monde. Cela nous fait une petite journée.

M. BEAUDRY: Et le samedi après-midi?

M. KIROUAC: Le samedi après-midi, c'est bon.

Mais, si le magasin était fermé, le jeudi soir serait peut-être meilleur, le vendredi serait mieux et le samedi matin, ce serait très bon. Je ne crois pas que nous perdrions beaucoup. Je ne crois pas.

M. BEAUDRY: Merci M. Kirouac.

M. LEDUC (Laviolette): Je vous comprends évidemment mais c'est assez difficile de plaire à son père et à tout le monde.

M. KIROUAC: C'est ça.

M. LEDUC (Laviolette): Il y a différents secteurs de commerce. L'alimentation n'a peut-être pas, comme vous, des journées plus rentables. Vous dites que c'est le samedi. Hya peut-être d'autres types de commerce pour lesquels c'est l'inverse. C'est peut-être le lundi.

M. KIROUAC: C'est ça.

M. LEDUC (Laviolette): C'est très délicat pour nous d'arriver avec une loi qui peut accommoder tout le monde. Nous essayons de former un cadre général et, si j'ai bien compris votre mémoire, dans l'ensemble, vous acceptez le principe général, quitte à faire certaines recommandations pour des points particuliers. Nous en tenons compte, mais c'est très délicat. Tout à l'heure, j'ai noté qu'on disait que, dans l'alimentation, avec trois personnes, on peut faire un commerce assez gros. Peut-être à l'avenir, mais dans le présent... Ecoutez, trois personnes, on ne peut pas considérer cela comme un commerce tellement gros, dans le secteur de l'alimentation.

M. KIROUAC: Vous allez avoir des surprises!

M. LEDUC (Laviolette): Peut-être plus tard... mais dans le moment, non.

M. KIROUAC: Oui, monsieur. Allez à Montréal et sur la rive sud, vous allez voir.

M. LEDUC (Laviolette): Peut-être.

M. KIROUAC: Ah oui, c'est vrai, ce que je vous dis là. J'ai bien dit, dans le mémoire...

M. LEDUC (Laviolette): Vous parlez de Montréal, mais il y a d'autres centres. Cela couvre toute la province.

M. KIROUAC: Mais ça commence toujours là. Les gros commerces commencent à Montréal et puis s'en viennent à Québec et vont aller ensuite dans toute la province.

M. LEDUC (Laviolette): Oui, mais le genre de commerce de trois personnes et moins — dans mon esprit, peut-être que je fais erreur — c'est le genre artisanal. C'est l'homme, la femme qui tiennent ce que nous appelons plutôt un genre de commerce d'accommodation. Et le soir, la personne qui a oublié quelque chose ou qui reçoit de la visite impromptue peut aller chercher un pain ou se procurer de la crème glacée, du beurre, enfin quelque chose de rapide à servir. Mais, à trois personnes, l'alimentation, jusqu'à maintenant — je ne suis pas un spécialiste mais j'en suis, de l'alimentation...

M. KIROUAC: Je suis parfaitement d'accord. Votre gros problème est là, dans l'épicerie. Nous, les marchands généraux, les associations des marchands de variétés, etc., nous calculons que nous ne sommes pas un problème. Vous êtes capables de faire quelque chose de bien sans avoir Pierre, Jean, Jacques et Saint-Pierre avec... Mais je comprends que vous avez un problème dans l'alimentation. Ce que vous dites là, cela a du bon sens. Mais il va falloir trouver un joint qui va — je ne peux pas parler tout le temps pour vous — faire graviter notre affaire.

M. LEDUC (Laviolette): Précisément. L'intervention n'était pas pour contredire ce que vous avez dit, mais pour montrer la complexité du problème.

M. KIROUAC: Je comprends.

M. LEDUC (Laviolette): Nous devons tenir compte, comme législateurs, de tout l'ensemble de la province, de tout l'ensemble des commerçants, qui n'ont pas les mêmes problèmes. Alors, nous essayons d'être assez justes pour tout le monde. C'est un départ qui, à mon sens, est merveilleux...

M. KIROUAC: C'est sûr!

M. LEDUC (Laviolette): ... et qui pourrait

probablement être amélioré. C'est pour cela que nous demandons des mémoires.

M. KIROUAC: Oui, c'est bien ce que nous disons. S'il doit être amélioré, nous aimerions autant qu'il passe comme il est là, plutôt que de le retarder, quitte à l'améliorer après. M. Beaudry nous a dit que nous l'aurions cette année.

M. BEAUDRY: Vous êtes certainement au courant que plusieurs usines paient leurs employés le vendredi soir. Cest pour cela que nous tenons à ce que le vendredi soir demeure un soir ouvert. Nous savons évidemment que, de plus en plus, à l'avenir, les manufacturiers paieront le jeudi et, peut-être un jour, le mercredi. Dans le moment, d'après nos enquêtes, il y a beaucoup de manufacturiers qui font encore leur paie le vendredi.

M. KIROUAC: Oui, prenez l'épicerie qui, en ce moment, est fermée le samedi après-midi et le lundi. Si on paie les employés le vendredi soir, on a de la difficulté, le samedi matin,à se faire servir. Au fond, s'il y en a un qui est important, si on les compare l'un à l'autre, ce serait bien l'épicier. Son commerce est fermé et tout le monde mange quand même. Les gens vont s'habiller et vont s'acheter des jouets quand même nous sommes fermés, le samedi et le lundi.

M. BEAUDRY: Maintenant, au point de vue du plan d'emploi, avez-vous réalisé que si les magasins ouvraient cinq jours par semaine, combien d'emplois cela ramènerait sur le marché du travail, étant donné que chaque entreprise aurait probablement à congédier des personnes dans son domaine respectif.

M. KIROUAC: M. Beaudry, je suis content que vous me posiez la question. J'espérais qu'on me la pose. L'Alcan a annoncé dimanche dernier qu'elle investissait $12 millions à Arvida — je crois que c'est cela, j'ai oublié les notes — avec un effectif de 90 personnes. L'industrie manufacturière exige aujourd'hui de plus en plus de machinerie.

Le gouvernement ne s'oppose pas à ce que nous nous améliorions. Pourquoi ne pas améliorer nos magasins. Nous parlons de personnel. Pensez-vous qu'il y a beaucoup de personnel?

J'ai appelé dernièrement au bureau déplacement et j'ai demandé: Avez-vous des commis compétents? Ils ont répondu: Non, nous n'en avons pas. Alors, j'ai demandé: Qu'avez-vous dans le moment? Ils ont répondu: Nous allons essayer de vous en trouver.

Quand nous connaissons la personne qui est là, nous lui parlons sérieusement et nous lui demandons des gens compétents, capables de travailler dans nos magasins. Les petites filles qui sortent de l'école avec une huitième année travaillent dans les magasins pendant trois ans. Ensuite, elles s'en vont au bureau de placement; là, on leur donne $37.50 par semaine pour suivre un cours de sténographie et elles se placent dans un bureau. Qu'est-ce qu'il nous restera pour nos magasins tantôt? Je ne vous souhaite pas un magasin de variétés, M. Beaudry, parce que vous aurez vite des cheveux blancs.

Nous n'avons pas de personnel. Alors, le personnel que nous aurons sera mieux rémunéré. C'est un gros point. Il sera mieux rémunéré et aura une aussi bonne position et des heures aussi convenables dans un magasin de détail que dans un bureau. Nous serons sur le même pied.

M. CLICHE: J'aimerais vous poser une question. Actuellement, vos employés travaillent combien d'heures par semaine?

M. KIROUAC: 40 heures par semaine. C'est un problème, même pour l'employé.

M. CLICHE: Et, avec la nouvelle loi, ils travailleraient combien d'heures en moyenne?

M. KIROUAC: Ils travailleraient en moyenne 40 heures par semaine, mais, au moins, ils auraient leur journée de congé tous ensemble. Le commis n'arrivera pas dans son rayon alors que, la veille, on aurait travaillé...

M. CLICHE: Est-ce que cela implique nécessairement une réduction de personnel ou tout simplement une révision des heures?

M. KIROUAC: Il n'y aura pas de réduction de personnel, parce que, lorsque nous serons ouverts, au moins, nous travaillerons. Alors, cela prendra du personnel. Un magasin ne fonctionne pas seulement en avant; il y a du travail à l'arrière, dans le sous-sol, à la vérification. Quand nous serons ouverts, il y aura de l'ouvrage. Tout le monde sera à son poste. Le client en profitera; il sera mieux servi. Le patron aussi, tout le monde. Ce serait merveilleux. Le personnel ne serait pas réduit, il serait mieux rémunéré. Cela s'en vient et nous sommes d'accord, pour autant que nous puissions le payer.

M. LEDUC (Laviolette): Si je comprends bien, en plus de régler les heures et les journées, nous aurons à régler les heures de travail de façon à créer l'uniformité.

M. KIROUAC: C'est cela.

M. LEDUC (Laviolette): Si je comprends bien votre idée, il ne faut pas qu'il y ait de pagaille pour que les gens disent: Est-ce le lundi ou le mercredi que celui-là est fermé?

M. KIROUAC: Vous, les ministres, vous êtes allés à plusieurs endroits. Vous êtes allés à Chicoutimi, à Grand'Mère, à Shawinigan, à Plessisville, à Victoriaville; ils vous en ont tous parlé. Ils vous ont tous demandé une journée. Il y en a qui vous ont demandé le lundi, d'autres vous ont demandé le samedi. Quand vous aurez amendé la loi, nous allons la suivre. Quand vous décidez d'établir une nouvelle taxe, nous n'avons pas le choix; nous ne sommes pas contents, mais nous la payons quand même. Alors, quand il y aura une loi, nous allons la suivre.

Nous serons peut-être les premiers à la critiquer, mais, au fond, nous serons contents. Nous allons nous dire: Au moins, ils ont fait un « boss » et ils nous ont fait une loi.

M. BEAUDRY: Je pense que créer une loi à la satisfaction de tous les commerçants, c'est très difficile, mais partons avec une loi et nous pourrons l'amender plus tard.

M. KIROUAC: C'est cela. Au moins, qu'on en fasse une.

M. CADIEUX: Vous sembliez inquiet tantôt à savoir si la loi serait présentée à cette session-ci. Disons que c'est le rôle de l'Opposition de voir à ce que le gouvernement agisse. Nous sommes complètement d'accord pour que la loi soit présentée le plus tôt possible.

M. KIROUAC: Nous vous félicitons. Même si elle n'est pas à votre goût, vous y reviendrez après. Mais, laissez-la passer, celle-là.

M. CADIEUX: Non seulement nous la laisserons passer, mais nous nous en sommes occupés déjà depuis plusieurs années. Disons qu'après consultation avec plusieurs membres du comité en ce qui concerne les établissements de quatre personnes et moins — je n'engage ni le gouvernement, ni le comité — il semble que nous pourrions nous entendre sur moins de trois personnes. Cela voudrait dire un homme et une femme qui exploitent un commerce dans un territoire. Ce serait moins de trois; ce serait deux personnes.

M. KIROUAC: Si vous vous permettiez de faire une loi pour les établissements de moins de deux personnes — c'est une idée que j'émets; elle n'est peut-être pas bonne du tout, mais je dis ce que je pense — vous pourriez peut-être aussi limiter la grandeur du magasin.

M. CADIEUX: Non.

M. KIROUAC: Il peut arriver des grosses chaînes de magasins qui vont s'organiser avec deux hommes, des tourniquets et le système du « servez-vous vous mêmes ».

M. CADIEUX: Nous ne pouvons pas. Ces magasins-là seraient volés parce qu'ils manqueraient de surveillance.

M. KIROUAC: Dans ce temps-là, vous l'amenderez et vous ferez autre chose.

M. CADIEUX: Nous ne pouvons pas aller à moins de deux, parce que, là, nous sommes rendus à une personne.

En ce qui concerne les municipalités de moins de 1,500 habitants, j'en ai discuté aussi avec plusieurs membres du comité, surtout de ce côté-ci. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce qui existe dans le moment continuerait. Nous allons essayer de suggérer au ministre et au gouvernement d'abolir cette clause-là et de changer peut-être l'heure du matin en disant 8 h 30 ou 9 heures au lieu de 8 heures.

M. KIROUAC: Ce n'est pas grave, comme je l'ai dit tantôt.

M. CADIEUX: C'est notre rôle d'essayer de rendre la loi la plus parfaite possible.

M. KIROUAC: C'est ça.

M. CADIEUX: Elle nous est présentée, nous allons l'étudier.

M. KIROUAC: D'accord.

M. BEAUDRY: Je tiens compte des remarques de l'Opposition, mais toutes ces possibilités ont déjà été envisagées.

M. KIROUAC: Pas d'autre question?

M. LE PRESIDENT: Pas d'autre question pour monsieur Kirouac? Nous vous remercions M. Kirouac pour votre mémoire. Le troisième organisme que nous demandons à la barre: l'Association des marchands des Bois-Francs, sec-

tion de Victoriaville; M. Charles-Eugène Létourneau, président, Mlle Marie Charest, porte-parole.

Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'Association des marchands des Bois-Francs?

M. LETOURNEAU: Charles-Eugène Létourneau.

M. LE PRESIDENT: M. Létourneau, oui. M. Charles-Eugène Létourneau

M. LETOURNEAU: J'ai simplement un mémoire qui a déjà été présenté à l'honorable Jean-Paul Beaudry. Je vais me contenter de le lire, en ajoutant, peut-être, quelques commentaires. Mémoire sur le bill 89, Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux soumis par l'Association des marchands des Bois-Francs, section de Victoriaville à l'honorable Jean-Paul Beaudry, ministre de l'Industrie et du Commerce et au comité permanent des industries et du commerce, Assemblée nationale du Québec, le à mars.

M. le Président et MM. les membres du comité parlementaire permanent des industries et du commerce.

A la suite de l'introduction devant l'Assemblée nationale du bill 89, nous avons écrit à l'honorable Jean-Paul Beaudry, le 20 janvier 1969, pour lui faire part de nos observations au sujet du projet de loi.

Il nous a référé à votre comité.

Le présent mémoire réitère les observations faites à l'honorable Jean-Paul Beaudry et notre regret de constater que le rapport Rameau a bel et bien été ignoré.

Au bill 89, nous demandons les amendements suivants: Article 1

Nous suggérons que cet article se lise comme suit: Dans la présente loi, les mots « établissement commercial » signifient tout établissement où des denrées ou marchandises sont vendues ou offertes en vente au détail; et que le reste du paragraphe soit retranché, considérant qu'une exception pour les municipalités de moins de 1,500 habitants pourrait causer de graves préjudices aux commerces des centres avoisinants. Article 2

Des dix congés acquis depuis nombre d'années par la presque totalité des commerçants de la province, le bill 89 n'en mentionne que cinq.

Nous suggérons donc que l'article 2 se lise comme suit:

Aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial les jours suivants: a) le 1er janvier ou le 2, si le 1er tombe un dimanche. b) le 2 janvier, lendemain du jour de l'An. c) le 6 janvier ou le 7, si le 6 tombe un dimanche. d) le lundi suivant le dimanche de Pâques. e) le 24 juin ou le 25, si le 24 tombe un dimanche. f) le 1er juillet ou le 2, si le 1er tombe un dimanche. g) le premier lundi de septembre, Fête du travail. h) le 2e lundi d'octobre, Action de grâces. i) le 25 décembre ou le 26, si le 25 tombe un dimanche. j) le 26 décembre, lendemain de Noël. k) tout jour fixé par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil comme jour de fête publique. Article 3

Nous réitérons nos recommandations d'une semaine d'affaires de à jours et 2 soirs. A cet effet, nous suggérons les deux possibilités suivantes:

Première possibilité: Aucun client ne doit être admis dans un établissement commercial au-delà des heures et des jours suivants:

Lundi: 1 h P.M. à 6 h P.M.

Mardi et mercredi: 8 h A.M. à 6 h P.M.

Jeudi et vendredi: 8 h A.M. à 10 h P.M.

Samedi: 8 h A.M. à 12 h P.M.

Ce qui fait un total de 57 heures.

Deuxième possibilité: Aucun client ne doit être admis dans un établissement commercial au-delà des heures et des jours suivants:

Lundi, mardi et mercredi: 8 h A.M. à 6 h P.M.

Jeudi et vendredi: 8 h A.M. à 10 h P.M.

Ce qui fait un total de 58 heures.

Nous suggérons que le deuxième paragraphe de l'article 3 se lise comme suit:

Toutefois l'heure au-delà de laquelle un client ne peut être admis est de 10 heures du soir au cours de la période du 15 au 24 décembre exclusivement.

Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'ajouter de soirs additionnels d'ouverture durant la semaine précédant immédiatement le dimanche de Pâques. Article 6

Nous vous demandons de retrancher cet ar-

tide complètement. A Victoriaville, il y a environ 80% des commerces qui ne seraient pas touchés par le bill 89 si l'article 6 était retenu. Ce pourcentage doit être sensiblement le même à travers la province de Québec. Article 7

Aux exemptions que vous énumérez, nous suggérons d'ajouter: j) L'épicier ou restaurateur tel que déterminé par l'Association des détaillants en alimentation. Pour rendre plus facile l'application de la loi, nous avons fait la suggestion que 500 pieds carrés soient consacrés à l'alimentation. C'est facile pour un garde de mesurer et voir si on a 500 pieds carrés. C'est pour le service de dépannage. Conclusion

Après avoir entendu et étudié les différents mémoires qui vous sont présentés, nous avons confiance que vous arriverez à concevoir une loi qui soit le plus uniforme possible considérant les différents intérêts en cause et qui protégerait les intérêts de la majorité des marchands de la province. Lorsque les heures d'affaires sont uniformes, il n'y a pas de préjudice pour personne.

Nous vous remercions, messieurs, monsieur le Président et les autres membres du comité, d'avoir bien voulu nous permettre de présenter nos considérations sur le bill 89.

Je seconderais l'argumentation que M. Kirouac vient de soutenir, parce que c'est dans le même sens que nous. Il y a d'autres affaires que nous n'avons pas inscrites dans le mémoire et qui seraient facilement applicables, comme les entreprises familiales qui sont ouvertes dans le salon tous les soirs sur rendez-vous, ou les commerces de salon dans les maisons de campagne qui ne sont pas régis par les heures des municipalités. Je pense que pour ce qui est du nombre de personnes vous en avez beaucoup de commerces qui comptent quatre personnes et moins. Vous avez 80% des commerces qui comptent quatre personnes et moins, ou moins de quatre personnes.

M. BEAUDRY: M. Létourneau, est-ce qu'on pourrait nous mentionner...

M. PICARD (Olier): Quels genres de commerces votre association représente-t-elle?

M. LETOURNEAU: Tous les genres de commerces.

M. PICARD (Olier): Tous les genres.

M. LETOURNEAU: Tous les genres de commerces. Il y a la bijouterie...

M. PICARD (Olier): Combien de membres avez-vous?

M. LETOURNEAU: Nous avons 102 membres dans Victoriaville. Nous en avons 52 en règle et 50 en retard.

M. CLICHE: C'est Victoriaville seulement, pas les cantons.

M. LETOURNEAU: Non, section de Victoriaville, mais il y en a d'autres dans Warwick...

M. CLICHE: En d'autres termes, il n'y a pas de localités de moins de 1,500 âmes dans votre association.

M. LETOURNEAU: Dans les alentours, nous en avons.

M. CLICHE: Dans votre association, il n'y en a pas. Il n'y a pas de marchands d'une localité de moins de 1,500 âmes qui sont membres de votre association?

M. LETOURNEAU: Non.

M. CLICHE: Vous parlez en leur nom ou si vous ne parlez pas en leur nom?

M. LETOURNEAU: Non, nous parlons en notre nom. Nous disons que cela peut être préjudiciable aux commerces avoisinants. Je sais qu'à Victoriaville, il est question de bâtir un grand magasin en dehors des limites de la ville pour qu'il ne soit pas régi par la loi actuelle.

M. LEDUC (Laviolette): Oui, mais ce magasin-là, s'il a trois employés, il ne sera pas tellement gros.

M. LETOURNEAU: Non, je veux dire que les chaînes de magasins si elles s'établissent en dehors des limites, peuvent mettre les quantités qu'elles veulent.

M. LEDUC (Laviolette): ' Non. Pas si c'est dans une localité de moins de 1,500.

M. BEAUDRY: Moins de 1,500, c'est exclu de la loi.

M. LETOURNEAU: Moins de 1,500. Quand c'est dans une ville de 1,500 habitants la loi ne s'applique pas.

M. CLICHE: La loi ne s'applique pas.

M. LETOURNEAU: Prenez un 5-10-15, un Woolworth ou n'importe quel magasin qui va s'établir dans le territoire de la localité avoisinante; il cause préjudice à tous les commerces de la localité où il y a plus de 1,500 de population.

M. BEAUDRY: M. Létourneau, à Victoriaville il existe deux associations; laquelle représentez-vous?

M. LETOURNEAU: Nous représentons l'Association des marchands des Bois-Francs. Il y a d'autres associations, comme les magasins progressifs; ils sont sept ou huit.

M. BEAUDRY: Merci beaucoup, M. Létourneau.

M. LEDUC (Laviolette): Vous nous ouvrez tout de même, là...

M. LETOURNEAU: Nous sommes 102, presque la totalité.

M. LEDUC (Laviolette): Vous nous soumettez tout de même une idée, parce que ça peut être interprété de deux façons. On parle des commerces de moins de quatre — c'est-à-dire trois et moins — d'autre part, on dit 1,500 de population. Alors, il reviendrait, peut-être, au comité de déterminer lequel des articles peut l'emporter.

UNE VOIX: Les deux sont préjudiciables.

M. BEAUDRY: M. Létourneau, est-ce qu'il y a eu un référendum, à Vlctoriaville, sur les heures d'ouverture?

M. LETOURNEAU: On peut prendre un service et on interroge ceux qu'on connaît d'avance, sachant bien qu'ils seront d'un côté ou de l'autre.

M. BEAUDRY: A ce moment-là, quel a été le résultat de ce référendum?

M. LETOURNEAU: 9 sur 10 des marchands de l'Association des marchands progressifs ont été élus, à peu près. Les huit magasins qui y sont affiliés sont naturellement pour ça. Tandis que nous, nous avons presque la totalité des magasins qui ont partie.

M. BEAUDRY: Comme ça, les résultats ne sont pas exacts quand on dit 57 à 55?

M. LETOURNEAU: Je vous assure que ce n'est pas exact.

M. PLAMONDON: M. Létourneau, à la suite des commentaires qui sont dans votre mémoire relativement à l'article 1 où l'on demande que soit éliminé la restriction qui est faite aux municipalités de 1,500 habitants, est-ce que vous avez prévu des solutions de compromis pour les localités de moins de 1,500 habitants, qui vivent du tourisme, par exemple? Je sais que, dans nombre de régions, ça existe. Chez nous, je connais plusieurs municipalités où vous avez des petits commerçants qui vivent du tourisme, des pêcheurs et des chasseurs qui vont passer par là. Cela va durer trois ou quatre mois par année et, nécessairement, ils doivent faire leurs revenus dans ces trois ou quatre mois. Avez-vous une solution à suggérer pour remplacer ce que vous demandez d'éliminer afin que ces gens puissent vivre aussi?

M. LETOURNEAU: C'est très difficile à déterminer et je sais que ça pourrait être préjudiciable à certaines personnes. Si c'est à l'échelle provinciale, je crois que ce sera préjudiciable à moins de personnes que si vous y mettiez une échappatoire.

M. PLAMONDON: Mais, quelle serait votre réaction si nous disions, par exemple: Dans les localités de 1,500 habitants, le commerce ne devra pas être exploité par plus de deux ou trois personnes?

M. LETOURNEAU: Ma réaction, c'est qu'il peut se bâtir des petits commerces de salon qui vont être ouverts six ou sept soirs par semaine sur rendez-vous.

M. PLAMONDON: Est-ce vraiment cela qui va vous faire une grosse concurrence?

M. LETOURNEAU: Il y en a beaucoup.

M. PLAMONDON: Est-ce cela qui vous fait vraiment mal?

M. LETOURNEAU: Non, mais c'est pour empêcher les gros magasins qui veulent prendre les localités de 1,500 habitants.

M. PLAMONDON: Alors, si nous les limitions à deux ou trois personnes, nécessairement, les gros magasins ne pourraient pas aller dans les localités de 1,500 habitants ou moins.

M. LETOURNEAU: L'inquiétude que nous

avons, c'est que 80% sont des petits magasins. Il yena même dans les grandes localités.

M. PLAMONDON: Remarquez, M. Létourneau, que je comprends très bien que vous avez présenté un mémoire pour justifier la position de vos membres qui sont en majorité dans des centres de 1,500 habitants ou plus. Mais je pense que c'est mon devoir de faire valoir le point de vue de ces petits marchands dans de petites localités.

M. PICARD (Olier): Pour résoudre ce problème des municipalités de 1,500 habitants, j'aurais une suggestion à faire au ministre, ce serait de se servir de son influence auprès du gouvernement afin qu'il procède de la façon la plus rapide possible au regroupement municipal dans toute la province. Cela éliminerait toutes les municipalités de 1,500 habitants.

M. CLICHE : Le bill ne sera pas adopté cette année. Vous parlez d'un projet de cent ans!

M. PLAMONDON: M. Picard, je crois qu'il y aurait avantage à vous amener faire un tour en province.

M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom. Messieurs!

M. LACROIX: Il y a toujours un fait, c'est que la loi, telle qu'elle est faite, dans les municipalités de moins de 1,500 âmes, quand méme il y aurait 75 employés, ils ont le droit d'ouvrir. Et à l'heure actuelle, telle que la loi est rédigée, 95% des magasins de la province de Québec ne sont pas touchés par la loi, particulièrement dans les campagnes.

M. PLAMONDON : Si cela n'avait pas été l'intention du gouvernement d'améliorer la loi, on ne l'aurait pas présentée devant le comité.

M. LACROIX: Oui, mais nous parlons des villes de moins de 1,500 âmes. Avec la loi, telle qu'elle est là, dans une ville de moins de 1,500 âmes, n'importe qui peut ouvrir même si on n'a que 75 employés, parce que la loi ne les touche pas.

M. LETOURNEAU: Mais si vous l'adoptiez, avec cette affaire-là, peut-être que dans des coins qui font leur commerce dans une saison, soit en trois ou quatre mois, il y aurait lieu de faire des exceptions pour ces cas. Mais à travers la province, cela devrait être mis à l'échelle provinciale.

M. PLAMONDON: Je vous remercie. M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: M. Létourneau, je voudrais revenir à votre affirmation au sujet de l'article 6 du bill, qu'il y a environ 80% des commerces qui ne seraient pas touchés par lui.

M. LETOURNEAU: Oui.

M. GOLDBLOOM: Je me permets de faire lecture de l'article de la loi: La présente loi ne s'applique pas à un établissement commercial dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin d'une journée, par un effectif total de moins de quatre personnes.

Alors, cela ne veut pas dire quatre employés, cela veut dire quatre personnes au total, ou plutôt moins de quatre, c'est-à-dire trois, deux personnes ou une. Cela ne veut pas dire qu'un commerce, comme un grand magasin d'alimentation, peut être tenu, à un moment donné de la journée, par trois personnes. Cela veut dire qu'il n'y aurait que trois personnes qui s'occuperaient de cet établissement du début à la fin de la journée et, si un s'en va dîner, il ne sera pas remplacé pour son heure de dfner. Il n'y aurait que deux personnes dans le magasin. S'il y en a trois, au total, chacun aurait droit à une heure pour manger deux fois dans la journée, cela veut dire six heures de la journée où il n'y aurait que deux personnes dans le magasin. Est-ce que vous voulez dire que, même sous ces conditions, il y aurait 80% des commerces...

M. LETOURNEAU: Oui.

M. GOLDBLOOM: ... qui ne seraient pas touchés?

M. LETOURNEAU: Oui, 80% ont un total ne dépassant pas trois personnes. Ils font exactement ce que vous dites pour se remplacer.

M. GOLDBLOOM: Est-ce que vous voulez dire 80% des commerces de Victoriaville, que vous représentez ou 80% des commerces de la province de Québec?

M. LETOURNEAU: On dît que c'est de Victoriaville, mais cela doit être sensiblement la même chose à travers la province de Québec.

M. GOLDBLOOM: Très bien, merci.

M. LEDUC (Laviolette): Cela prouve que le petit commerçant est en nombre assez grand!

M. CLICHE: Dans les autres mémoires, c'est ce qu'on a dit.

M. LETOURNEAU: Oui, mais c'est parce que si c'est à l'échelle provinciale, vous n'avez pas de préjudice, c'est pareil pour tout le monde!

M. CADIEUX: M. Létourneau, me permet-triez-vous de reparler, très brièvement, du cas de 1,500 âmes au bénéfice des membres du comité qui ont été ajoutés, peut-être aussi, pour les gens qui sont de l'autre côté de la barre.

Dans le comté de Beauharnois, à Valleylield, on vient d'annoncer un centre d'achats sur le boulevard Mgr-Langlois. Un côté de ce boulevard est Valleyfleld et l'autre côté est la municipalité de Grande-Ile qui à 700 âmes de population. Selon le texte de la loi, il peut s'ouvrir là un centre commercial, à un pied des limites de Valleyfield. Eux pourront opérer avec 50 personnes, 75 personnes, comme ils veulent, et ouvrir tous les soirs de la semaine sans être assujettis à la loi.

Alors, je crois que c'est là un cas patent, et cela se renouvelle à travers la province.

M. LACROIX: Et la population n'augmentera jamais parce qu'ils...

M. CADIEUX: Parce qu'ils achètent les terrains pour que la population n'augmente pas!

Dans votre article numéro 2, aux amendements que vous apportez, je vois que le 6 janvier, c'est l'Epiphanie, je crois?

M. LETOURNEAU: Oui.

M. CADIEUX: Je crois que, depuis quelques années, ce n'est plus une fête légale, ce n'est plus une fête religieuse au sens où...

M. LETOURNEAU: Nous en avons plus que moins, peut-être, mais c'est que, dans notre localité, elle est fériée.

M. CADIEUX: Alors cela, c'est pour Victoriaville. Parce que je sais bien que, chez nous, c'est ouvert tout le temps. C'est parce que vous dites que c'est quelque chose que vous avez dans le moment. Vous laissez entendre que c'est comme ça un peu partout dans la province. Je pense que, dans toute la province, le 6 janvier, tous les magasins sont ouverts.

M. LETOURNEAU: Bien, je ne le mentionne pas dans le...

M. CADIEUX: Comme je ne vois pas plu- sieurs établissements qui sont fermés le lendemain de Pâques, moi non plus.

M. LE PRESIDENT: Oui, M. Roy?

M. ROY: M. le Président, ne croyez-vous pas que le bill 89 doit être amendé dans le sens de la loi de la Régie des alcools. Quand nous avions une loi restrictive qui défendait l'obtention d'un permis dans une municipalité de moins de 1,000 habitants, nous avions un tas de problèmes, parce que nous avions les populations touristiques. Dans les comtés au nord de Montréal ou dans les comtés à vocation touristique, en certaines périodes de l'année, la population peut se multiplier par dix, quinze ou vingt. Nous ne connaissons pas le facteur, nous ne connaissons pas le dénominateur, et cela amène beaucoup de complications. Je pense que la loi doit être générale et que tout commerce employant trois personnes et plus ou deux et plus, selon la volonté populaire, doit subir la même loi à la grandeur du territoire du Québec, sinon...

M. LE PRESIDENT: Je pense bien qu'étant donné que cette question se répète à chaque mémoire, le comité va certainement en prendre connaissance et probablement lui apporter des amendements.

Alors, je remercie M. Létourneau.

Oui, oui; alors c'est à la lumière de ces mémoires, des remarques et des objections qui nous sont faites que le comité pourra améliorer la loi.

Nous remercions M. Létourneau.

La personne suivante est M. H. Veilleux, « Nouveau Décor Meubles Inc. », Lévis.

Est-ce que M. Veilleux est ici?

M. VEILLEUX: M. le Ministre, les membres du comité parlementaire.

Au risque de passer pour un rétrograde, selon M. Kirouac, nous ne pouvons pas être tous du même avis. C'est le premier, ce matin, qui ne sera pas du même avis que les autres. En principe, nous acceptons la législation, d'accord, mais avec d'énormes réticences.

J'ai divisé mon exposé en trois points: Les remarques générales, les remarques propres à chaque article et la conclusion.

Permettez-moi d'abord de me situer: La maison Nouveau Décor Meubles Inc., dont je suis le représentant officiel, exerce un commerce hautement spécialisé dans la vente du meuble et le service de décoration.

Il est situé à Lévis, au Rond-Point, dans une municipalité ayant environ 25,000 âmes. Nous employons huit personnes, qui ont chacune des fonctions bien spécifiques dans le genre de commerce que nous opérons.

Alors, c'est la cause-type, si vous voulez, de l'entreprise familiale.

Le commerce de meuble spécialisé et la décoration intérieure ne se font définitivement pas le matin. Les quelques clients ou clientes que nous recevons le jour se composent en majorité de dames, qui viennent faire une première visite. Comme leurs achats sont d'un montant appréciable, ces clientes doivent nécessairement faire une deuxième visite, accompagnées de leur époux, et ceci le plus souvent le soir. Par la qualité des marchandises que nous offrons, notre commerce sert une clientèle spéciale.

La répartition de notre personnel se fait comme ceci:

Le personnel spécialisé, soit nos deux décorateurs, ne travaille que 36 heures par semaine, soit d'une heure l'après-midi à neuf heures trente le soir, du lundi au vendredi, et le samedi, de dix heures à cinq heures de l'après-midi. Une heure leur est accordée pour leur repas et ils bénéficient d'une journée de congé par semaine.

Quant au personnel de bureau, les heures sont de neuf heures de l'avant-midi à cinq heures trente le soir, ce qui donne environ quarante heures par semaine. Le personnel de livraison travaille environ quarante à quarante-cinq heures par semaine.

Les heures d'ouverture du magasin sont donc: neuf heures du matin à neuf heures trente du lundi au vendredi, inclusivement, et, le samedi, de neuf heures du matin à cinq heures.

Quelques remarques propres à chaque article:

Article 1: Nous nous opposons formellement à l'énoncé de l'article 1, qui fait exception pour les municipalités de moins de 1,500 âmes. Cet article est préjudiciable à notre entreprise, il crée une mauvaise concurrence. Etant situés à Lévis au Rond-Point, nous avons des concurrents à l'est, au sud et à l'ouest, établis dans des municipalités de moins de 1,500 âmes et qui sont à peine à trois milles de notre commerce. Considérant qu'aujourd'hui, les distances ne sont plus des obstacles et que notre clientèle peut facilement se déplacer, ceci entraînerait pour notre commerce une perte considérable.

Article 3: Le bill 89 préconise l'ouverture de nos établissements à huit heures le matin et la fermeture à six heures. Vous comprendrez comme moi, vous ayant expliqué le genre de commerce que nous opérons, que nous ne pouvons espérer recevoir des clients à huit heures le matin.

L'article 4, mentionnant qu'aucun client ne peut être toléré plus de 30 minutes après l'heure interdite, est encore préjudiciable. En effet, il est difficile pour un client de prendre une décision d'achat, laquelle implique le plus souvent un montant assez élevé, avant les heures légales de fermeture. Quelle position prendre alors si un client se présente à à heures et qu'à 6 heures 30 ses achats ne sont pas terminés? Devrons-nous l'expulser?

L'article 6 stipule que la présente loi ne s'applique pas à un établissement commercial dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin d'une journée, par un effectif total de moins de quatre personnes. Cette manière de concevoir est préjudiciable à notre commerce et va à l'encontre de l'essor économique. En effet, dans le Québec métropolitain, où notre clientèle se recrute, il existe des commerces de meubles qui opèrent dans de petites salles de montre ou des maisons privées, n'ayant même pas de vitrine sur la rue et dont le fonctionnement est assuré par des gens qui le font comme — excusez l'expression anglaise — un « side line ». Si on accepte le bill tel que proposé, les commerces qui emploient plus de quatre personnes sont pénalisés au regard de ceux qui ont moins de quatre employés.Ainsi, le marchand de meubles rencontrant ces exigences sera avantagé et pourra drainer chez lui une partie de notre clientèle. Et tout cela en ayant des frais d'exploitation inférieurs.

Dans l'article 7, où vous faites mention d'exemption pour certains établissements commerciaux, le seul critère valable d'exemption, d'après le bill 89, est le service essentiel à la population. Or, si cela est vrai pour certains services, ce ne l'est pas pour d'autres. Ainsi au paragraphe Il du présent article, vous mentionnez: commerce d'automobiles et de remorques. Je ne crois pas que ces articles soient des produits tellement essentiels à la population pour qu'ils nécessitent des heures d'ouverture privilégiées, c'est-à-dire le soir. Alors pourquoi nous, du commerce du meuble, ne serions-nous pas inclus dans cette exemption? Si vous jugez qu'il est nécessaire de laisser fonctionner ce genre de commerce le soir pour donner l'avantage à l'épouse ou à l'époux d'accompagner son conjoint, n'est-il pas aussi important que les deux personnes aient la possibilité d'être ensemble quand elles ont à choisir un décor dans lequel elles vivront pendant plusieurs années?

En conclusion, vous constaterez comme moi que l'uniformisation des heures d'ouverture des établissements commerciaux à travers la

province n'est pas chose facile, parce que les commerces impliqués sont trop diversifiés, répondant à des besoins différents. Ce qui est valable dans un endroit donné ne l'est pas nécessairement dans un autre. Aussi, je crois que vous devriez tenir compte des régions économiques où sont situés ces établissements commerciaux.

Une solution à moyen terme pour nous, propriétaires de magasins de meubles, pourrait être la suivante: ou bien le législateur fixe un nombre X d'heures de travail pour les employés, quitte à ce que le marchand les répartissent librement; ou bien le législateur porte de deux à trois les soirs d'ouverture, de préférence les mardi, jeudi et vendredi; ou bien, compte tenu du genre de commerce, tous les magasins de meubles sont exempts du bill 89. Autrement dit, qu'il y ait un amendement pour inclure le commerce du meuble au détail dans l'article 7 du bill.

En fait, pour nous, le principal point de litige est l'article 7.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des questions à poser à M. Veilleux?

M. PAUL: M. Veilleux, si j'ai bien compris la portée de votre mémoire, il traite de votre commerce personnel.

M. VEILLEUX: Plus précisément, c'est sûr, mais d'autres confrères dans le commerce du meuble dans la région métropolitaine qui sont dans le même cas que moi, j'en suis certain.

M. PAUL: Et votre suggestion serait de soustraire de l'application de la loi tous les marchands de meubles du Québec? Est-ce que vous avez consulté des confrères, marchands de meubles ou spécialistes en haute décoration comme vous?

M. VEILLEUX: Oui, monsieur.

M. PAUL: Comment cette vérification s'est-elle faite?

M. VEILLEUX: Bien, dans le commerce du meuble comme tel, il n'existe pas d'association reconnue comme une association forte dans la province de Québec. La chose changera sans doute. Tous les autres secteurs du commerce de détail sont groupés en associations représentatives. Dans le commerce du meuble, ça va comme ça va. C'est donc une initiative personnelle, mais j'ai rencontré nécessairement des gens qui sont dans le commerce, comme moi, et si vous voulez que j'en nomme, je vais en nommer. J'ai ici MM. Gaston Lévesque, Claude Sioui et bien d'autres qui sont d'accord avec moi. Nous ne rejetons pas la législation d'un bout à l'autre, mais comme vous avez dû le voir dans mon exposé, l'article 7, surtout, nous est préjudiciable parce que vous déterminez certains commerces qui, eux, ont le droit d'opérer « at large », si vous voulez.

J'ai donné l'exemple des commerces d'automobiles ou de remorques. Je n'ai rien contre les vendeurs d'automobiles, mais ce n'est pas plus nécessaire qu'une automobile soit achetée le soir, je pense, que des meubles spécialisés où les deux époux doivent être ensemble. C'est notre point de vue.

M. CADIEUX: Dans le bill 89, tel qu'il est rédigé, pour les heures d'ouverture le soir, ce qui vous touche le plus, je pense, c'est le domaine de la décoration. Pour votre information, je suis commerçant de meubles à Valleyfield et je crois que, dans le domaine de la décoration, rien ne vous empêcherait d'aller voir un client le soir pour lui faire une suggestion pour les tentures, les tapis ou ces choses-là. Vous ne serez pas empêché de faire cette chose-là.

Je ne crois pas que nous puissions faire des exceptions comme cela pour les commerçants de meubles, parce qu'il va arriver une autre catégorie qui nous demandera la même chose.

M. VEILLEUX: Enfin, vous le faites pour certains commerces. Prenez, par exemple, l'article 7 où vous parlez des vendeurs de produits pharmaceutiques. On sait très bien qu'aujourd'hui — je m'excuse s'il y a des pharmaciens au comité — les pharmacies ne vendent pas seulement des pilules. Elles vendent énormément de choses qui touchent à des commerces semblables à celui de M. Kirouac.

M. CADIEUX: La première journée des séances de ce comité, j'ai soulevé ce point-là au sujet des pharmacies. J'ai demandé qu'un amendement soit apporté afin que, si les pharmaciens ouvrent après les heures prévues dans le bill 89 ou le dimanche, ce ne soit que pour vendre des produits pharmaceutiques ou pour exécuter des ordonnances. J'aimerais qu'un amendement leur interdise de vendre des jouets ou toutes ces choses-là qui peuvent être vendues dans un magasin d'ameublement ou dans d'autres établissements.

D'ailleurs, plusieurs pharmaciens m'ont demandé d'être leur porte-parole et de proposer qu'un tel amendement soit apporté au bill 89.

M. VEILLEUX: Alors, je m'excuse. Disons que nous allons sortir d'ici et que nous serons à peu près d'accord sur le principe. En tant que patron, j'aime aussi avoir quelques congés, j'imagine.

Maintenant, nous parlions tantôt de la population de 1,500 âmes. Moi, personnellement, cela me touche énormément parce que j'ai une forte concurrence venant de l'est, soit de Beaumont, au sud de Saint-Henri et de l'ouest, soit un peu plus haut que le pont de Québec, à Saint-Nicolas. J'ai des concurrents là-bas. Ces gens vivent dans une municipalité de moins de 1,500 âmes. Vous savez qu'aujourd'hui il est facile de se déplacer en automobile; alors, ces gens vont plus loin. D'ailleurs, ils y vont présentement; alors, ils y iront encore plus, à ce moment-là.

M. BEAUDRY: M. Veilleux, qu'arrivera-t-il aux magasins à rayons qui offrent les mêmes services que vous offrez si nous agissons selon vos suggestions? Car, vous savez, dans les magasins à rayons, il y a des décorateurs, des meubles, de la haute couture, enfin de tout. Que faites-vous d'eux?

M. VEILLEUX: D'abord, notre commerce n'est pas spécialisé dans la décoration. Nous ne sommes pas vendeurs de tentures seulement, mais de gros meubles. Au risque de vous faire sourire, monsieur le ministre, je pense que le magasin à rayons n'est pas considéré comme un spécialiste du meuble. C'est une commodité, je pense, ici à Québec. Faites le tour, vous verrez, c'est mon point de vue. Vous me le demandez, je vous le donne.

M. CLICHE: D'après vous, le meuble est une spécialité.

M. VEILLEUX: Il s'en fait une spécialité sûrement, monsieur.

M. CLICHE: Non, mais une spécialité de commerce.

M. VEILLEUX: Bien sûr. Alors, je ne vends pas d'habits, de tissus à la verge, de bas, de robes ou de sous-vêtements. J'ai simplement le meuble pour vivre. Ces gens vendent tout et ils ont un petit rayon de meubles. C'est ce qui existe à Québec.

M. BEAUDRY: D'ailleurs, ces magasins à rayons sont devenus des spécialistes dans tous les domaines.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres remarques? Alors, nous vous remercions, M. Veilleux.

Nous avions à l'ordre du jour l'article suivant: l'Association des détaillants en alimentation du Québec, M. Denys Demers, secrétaire, à Québec. M. Bonin, secrétaire du comité, a reçu une lettre de M. Demers, qui se lit comme suit: « Monsieur,

Dernièrement, nous avions fait la demande d'être entendus au comité parlementaire des industries et du commerce concernant le bill 89. Etant donné la participation de notre association provinciale et les renseignements que nous avons obtenus depuis cette demande, nous ne désirons plus être entendus ».

Alors, ceci règle le cas de l'article 32 de l'ordre du jour. Nous passons maintenant à l'article 36: la Fédération des associations d'hommes d'affaires du Québec Inc., Saint-Laurent. Le porte-parole, M. Jacques Mailhot, président. On me dit que cette fédération n'a pas de mémoire écrit, mais qu'elle aimerait tout de même se faire entendre. Est-ce exact?

M. Jacques Mailhot

M. MAILHOT: M. le Président, M. le ministre et MM. du comité. Je vous remercie de bien vouloir m'inviter et d'entendre la parole de la Fédération des associations d'hommes d'affaires de la province de Québec Je n'ai pas de mémoire écrit, mais nous avons eu un congrès à Trois-Rivières le mois dernier.

Premièrement, la fédération comprend dix associations d'hommes d'affaires dans la province de Québec. Pour votre bénéfice, j'aimerais les mentionner pour vous, si vous le voulez bien. Premièrement, l'Association des hommes d'affaires de la ville de Saint-Laurent, l'Association des hommes d'affaires professionnels canadiens-italiens, l'Association des hommes d'affaires de la Plaza mascoutaine de Saint-Hyacinthe, l'Association des hommes d'affaires du centre de Trois-Rivières, l'Association des hommes d'affaires professionnels de l'ouest commercial de Montréal, l'Association d'hommes d'affaires de Notre-Dame-de-Grâce, Plaza Saint-Hubert, l'Association des hommes d'affaires de Laval, quartier Frontenac et canadien-allemand, pour un total d'au-delà de 3,500 membres.

Au cours du mois de mai 1968, plusieurs groupements avaient été convoqués à Québec, par le ministre Beaudry, au ministère du Travail.

M. CLICHE: Dans quel domaine en particulier?

M. MAILHOT: Pardon?

M. CLICHE: Dans quel domaine en particulier sont vos hommes d'affaires?

M. MAILHOT: Ce sont en majorité des commerçants.

M. CLICHE: Dans quel commerce?

M. MAILHOT: En général, tous les commerces.

M. PAUL: Est-ce que vous avez également des banques dans votre association?

M. MAILHOT: Pardon?

M. PAUL: Est-ce que vous avez des banques qui font partie de votre association?

M. MAILHOT: Non, monsieur.

M. TESSIER: Lorsque vous parlez de l'Association des hommes d'affaires canadiens-italiens, ce ne sont pas plutôt des professionnels, eux?

M. MAILHOT: Commerces et professionnels, ainsi que l'ouest de Montréal, il y a des commerces et des professionnels, beaucoup de commerçants.

M. TESSIER: Avez-vous aussi beaucoup d'industriels dans votre association?

M. MAILHOT: Très peu dans l'industrie. C'est surtout chez les marchands, chez les détaillants indépendants, dans le commerce des détaillants.

M. LEDUC (Laviolette): Y a-t-il de vos membres qui font partie d'autres associations plus spécifiques? Par exemple, des épiciers qui feraient partie de l'ADA ou d'autres qui seraient dans le meuble, qui feraient partie de l'Association...

M. MAILHOT: Oui, il y a des épiciers qui sont membres de l'ADA mais aussi membres des associations d'hommes d'affaires locales.

M. LEDUC (Laviolette): Ah, ils font partie des deux! Et il y a d'autres secteurs qui font partie de votre association et d'un secteur plus spécifique?

M. MAILHOT: Exact. Quelques associations dans l'île de Montréal font aussi partie du conseil consultatif.

Alors, pour continuer ceci, nous avions été convoqués au mois de mai 1968. Il y avait eu un exposé de fait par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Après cet exposé, j'aimerais les lire, tels que ça avait été lu si vous le voulez bien, parce qu'il y a eu des changements, par la suite, avec les situations.

Les heures cadres de tous les immeubles de commerce de détail dans la province de Québec étaient comme suit: lundi, mardi et mercredi: 8 hres du matin à 6 hres du soir; jeudi et vendredi, 8 hres du matin à 10 hres du soir et le samedi: 8 hres du matin à à hres du soir.

Les heures cadres seront à la base, quant aux conventions de travail de décret. Toute location où il y aura moins de 3,500 âmes — dans ce temps-là, c'était le chiffre — ne sera pas affectée par la loi tant qu'il y aura des centres commerciaux, soit deux établissements sous un même toît. Les jours de fête qui devront être observés sont les suivants: 1er janvier, 24 juin, 1er juillet, deuxième lundi d'octobre — Action de grâces — Fête du travail et Noël.

Des changements sont prévus quant aux heures cadres pour certaines périodes: La semaine précédant Pâques, de 8 hres du matin à 10 hres du soir; du 9 décembre au 23 du même mois, inclusivement, de 8 hres du matin à 10 heures du soir.

Pour ce qui est des artisans, commerces sans employé, il faudra obtenir un permis de l'organisme, qui relèvera du ministère de l'Industrie et du Commerce, pour exemption face à la Loi des heures cadres. Un permis pourra être émis immédiatement, à la suite de toute enquête de l'organisme, pour vérification si l'artisan est en règle. Le but était d'en faire une différence entre l'artisan et le concessionnaire.

Les établissements de commerces au détail, mentionnés dans le rapport Rameau comme exemptées des heures cadres, n'assumeront aucun changement comme tel.

Ceci était en date du 23 mai 1968, au ministère du Travail sur le boulevard Laurier à Québec.

Ensuite, vint en décembre 1968, le bill 89 qui nous a plu énormément. Au mois de février, lorsque nous avons eu notre congrès à Trois-Rivières, nous avons décidé d'accepter le bill 89 comme tel, à l'exception de deux points. A l'article 6, je crois, on dit: La loi ne s'appliquera pas aux établissements commerciaux dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin de la journée, par un effectif total de moins de quatre personnes, comprenant entrepreneurs,

patrons et employés ou uniquement par le père, la mère et leurs enfants. A l'unanimité, nous avons adopté la motion suivante: « La loi ne s'appliquera pas aux établissements commerciaux dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin d'une journée, par un effectif total de moins de trois personnes, comprenant entrepreneurs, patrons et employés ou uniquement par le père, la mère et leurs enfants et ceci, dans toutes les municipalités de la province quelle qu'en soit la population. »

Voici l'autre point que nous voulons toucher. Les jours de fêtes à être chômés sont les suivants: les 1er et 2 janvier, 24 ou 25 juin, si le 24 est un dimanche, 1er ou 2 juillet, si le 1er est un dimanche, le 1er lundi de septembre, fête du travail, le deuxième lundi d'octobre jour de l'Action de grâces, le 25 et le 26 décembre.

En ce qui concerne la Fédération des associations d'hommes d'affaires de la province de Québec, ce sont les deux seuls points sur lequels nous demandions une amélioration.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des remarques? Nous vous remercions, M. Mailhot, de votre exposé. Le groupement suivant sera MM. Brian Mulroney et Donald A. Riendeau, conseillers juridiques de Allied Towers Merchants Ltd, F.W. Woolworth Co. Ltd (Woolco) Kresge Co., K-Mart, Zeller's Ltd. Alors, vous êtes M. Riendeau et M. Mulroney. Nous vous écoutons, M. Riendeau.

M. Donald-H. Riendeau

M. RIENDEAU: Tel que M. le Président vient de le mentionner, nous représentons les compagnies suivantes: Woolworth, Woolco, Allied Towers, S.S. Kresge, K-Mart et Zeller's.

Ce sont toutes des entreprises membres du « National Retailers Institute » et qui font affaires dans la province de Québec.

Nous aimerions faire quelques observations et soumettre quelques recommandations au sujet du bill 89. Il est à noter que nous agissons ici en notre propre nom et que nous n'avons aucun mandat de quelque organisation que ce soit.

Le premier point: analyse du rapport du comité d'étude. De toute évidence, le bill 89 est en grande partie le résultat des recommandations soumises par le comité d'étude sur les heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux du Québec.

A la lecture du rapport, on note que ce dernier s'est efforcé de concilier deux positions diamétralement opposées, présentées par deux groupes bien distincts: d'une part, il y a la pe- tite entreprise, désireuse de voir s'établir au Québec une réglementation sur les heures d'ouverture et de fermeture des magasins; d'autre part, nous avons la grande entreprise, que nous représentons ici, opposée à toute forme de réglementation dans ce domaine, considérant que, dans un système de libre entreprise, une telle réglementation n'a pas de place.

En adoptant essentiellement la position du premier groupe, le comité semble avoir été influencé par deux facteurs principaux: 1) Une considération mathématique; 2) Une conception subjective du système de la libre entreprise.

Dans son rapport, le comité revient à plusieurs reprises sur le fait que 67 des 78 mémoires présentés favorisaient une forme de « réglementation ». Je traite de ce point à la page 41 de ce rapport, ainsi qu'aux pages 45, 47 et 68.

Or, nous croyons qu'il est trompeur et injuste d'attacher une importance telle au nombre de mémoires présentés et nous demandons à ce comité de faire l'analyse des tableaux qui se trouvent aux pages 42, 43 et 44 du rapport. Par exemple, une lacune à signaler, à la page 43, lorsqu'on énumère des entreprises favorables à une forme de législation — entreprises de la région de Montréal — on note la présence de plusieurs groupes qui, à notre avis, ne sont pas tellement représentatifs de la région métropolitaine et ne reflètent pas les exigences de l'activité commerciale dans la ville de Montréal.

De plus, nous soumettons que le comité ne s'est pas adonné suffisamment à l'étude des entreprises opposées à toute forme de réglementation. Vous trouverez annexés au mémoire certains bilans qui vous montreront l'importance des capitaux que ces entreprises investissent, le nombre de personnes qu'elles emploient, ainsi que les sommes qu'elles versent chaque année au gouvernement sous forme d'impôts. Malheureusement, il semble qu'on ait attaché moins d'importance à ces facteurs qu'au nombre de mémoires présentés en leur nom au comité d'étude.

Il faut bien nous comprendre. Nous apprécions la complexité du travail requis du comité d'étude et nous admettons, de plus, que l'Etat doit parfois agir en vue d'assurer une certaine justice sociale dans le domaine de la concurrence commerciale,

A souligner, cependant, que, dans le domaine de l'activité commerciale, la grosseur n'est pas nécessairement un défaut et la petitesse une qualité. Nous croyons que le rapport vise essentiellement à protéger la petite entreprise. Ceci a amené le comité à proposer, involontairement

sans doute, une législation de nature punitive pour la grande entreprise.

Dans une conférence que prononçait, le 25 février 1969, M. Raymond Primeau, directeur de la Banque provinciale — je vais donner la substance du texte reproduit dans le mémoire— signalant, en somme, que pour sauver la petite et la moyenne entreprise québécoise, il faut favoriser plutôt les principes de fusions et d'associations. Nous sommes dans une ère de grandes entreprises, et les mesures législatives, qui tendent à protéger la petite et la moyenne entreprise, à longterme, causent un tort énorme. »

Deuxièmement, nous avons des considérations économiques.

Le gouvernement du Québec a une tâche particulièrement difficile en ce qui a trait à sa responsabilité de créer, chaque année, quelque 80,000 nouveaux emplois. A l'heure actuelle, cette tâche est d'autant plus complexe que le Québec doit faire face à un taux de chômage d'environ 3% supérieur à la moyenne nationale.

L'adoption du bill 89, tel que rédigé, aggraverait cette situation d'une façon appréciable. Prenez, par exemple, l'état actuel des affaires de nos clientes.

Celles-ci ont, à l'heure actuelle, quelque 125 magasins dans la province de Québec. Elles emploient environ 7,000 personnes, à qui elles versent environ $20 millions en salaires, par année.

L'application des restrictions contenues dans le bill 89 entraînerait la mise à pied immédiate de quelque 700 employés et une diminution de plusieurs millions de dollars annuellement, en prestations et salaires.

Troisième article, recommandations.

Bien qu'étant opposés, en principe, à toute forme de réglementation en cette matière, nous recommandons que le bill soit modifié, en y introduisant les amendements suivants, à l'article 3: 1) qu'il soit permis d'ouvrir les magasins un soir de plus par semaine; 2) que l'heure de fermeture, le samedi, soit fixée à 6 heures du soir: 3) que les dispositions relatives à l'ouverture des magasins, durant le temps des fêtes, s'appliquent à compter du 1er décembre de chaque année.

Nous vous remercions, M. le Président, ainsi que les autres membres du comité d'avoir bien voulu nous permettre de formuler ces quelques remarques. Nous espérons avoir contribué de façon pratique à jeter la lumière sur la situation difficile dans laquelle se trouvent nos clients. Merci.

M. RIENDEAU: J'ai avec moi M. Cadieux, vice-président de la compagnie Woolworth et gérant général de la compagnie Woolco, et si vous avez des questions...

M. BEAUDRY: M. Cadieux, est-ce que vous pourriez me prouver comment vous allez réduire votre personnel de 700 personnes, si nous appliquons la loi telle qu'elle est?

M. CADIEUX (Woolworth): Je vous parlerai pour les compagnies Woolworth et Woolco, non pas pour les autres, car je représente ces deux compagnies.

Nous exploitons 72 magasins Woolworth ici, dans le Québec, 4 magasins à rayons Woolco, soit un total de 76 magasins. Si nous tombons à deux soirs, 381 employés qui ne sont pas réguliers perdront leur emploi, 133 employés chez Woolco et 381 employés chez Woolworth, ce qui donne 514 employés, ainsi que 289 employés permanents.

M. CLICHE: Un total de...?

M. CADIEUX (Woolworth): Environ 700 employés, mais, si je prends seulement les réguliers, 289 employés.

M. LEDUC (Laviolette): M. le Président, dans les facteurs d'influence, à la page trois, vous remarquez 2 facteurs: une considération mathématique et une conception subjective du système de la libre entreprise.

Ne pensez-vous pas que législateur a pu également estimer que, lorsqu'il y a une concurrence plus vive que d'une façon quasi automatique, le consommateur peut être protégé? Si le petit marchand ou le moyen commerçant n'a pas une protection donnée, s'il n'a qu'à disparaître, ne croyez-vous pas qu'il pourrait en découler la création d'un monopole dans quelques maisons et qu'alors, le consommateur ne serait pas protégé?

M. CADIEUX (Woolworth): Oui et non. Vous avez, par exemple, cinq ou six maisons qui ont un catalogue qui travaille 24 heures par jour et 7 jours par semaine.

M. LEDUC (Laviolette): Je respecte votre opinion, M. Cadieux, c'est seulement une idée qu'on a pu avoir.

Maintenant, je remarque ici, à deux autres endroits, qu'il a été mentionné ceci, soit le nombre. Evidemment, le nombre, c'est quelque chose. Mais si nous faisons un relevé de toutes les réglementations de différents groupes de commerçants, dans la province, et même

d'unions ouvrières — une grande liste serait peut-être un peu trop longue à donner, à partir des chambres de commerce de la province, en allant par toutes les associations spécifiques de groupes donnés — eux, ils ont des réglementations qui, jusqu'à maintenant, varient soit de 8 heures, 8 heures 30 ou 9 heures le matin à 6 heures pour tel jour ou tel jour, ou de 9 ou 10 heures.

Or, cet éventail d'associations représente un autre point de vue, et, comme législateur, il faut également tenir compte de l'idée générale des différents secteurs économiques.

M. RIENDEAU: En fait, chaque mémoire a son importance en soi, c'est-à-dire qu'un seul mémoire peut représenter l'opinion d'une foule de personnes. C'est pourquoi je disais qu'on a peut-être attaché trop d'importance au nombre de mémoires plutôt qu'à l'importance de chaque mémoire, au nombre de personnes qui...

M. LEDUC (Laviolette): Vous avez une opinion qui est très défendable, mais il faut tenir compte, nous, de votre point de vue, mais également de l'ensemble. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons ici — je peux vous les nommer tous, si vous voulez — des cas où il y a des réglementations d'association bien spécifiques, même Dominion Stores, Magasins Atlantic et Pacific, chambres de commerce, Confédération des syndicats nationaux, etc.

A un autre endroit, vous mentionnez que ce n'est pas le fruit d'une génération spontanée, que Couvrette et Provost fait X montant de chiffre d'affaires. Vous savez que Couvrette et Provost Ltée ne vend pas au détail?

M. CADIEUX (Beauharnois): M. Cadieux, vous représentez les magasins Woolworth. Vous arrivez et vous dites qu'il y aurait une diminution d'emplois d'environ 350 personnes. Comment pouvez-vous arriver à cela, lorsque vous savez fort bien que, dans des villes comme Valleyfield et dans la majorité des villes de la province de Québec, vous n'êtes ouverts que le vendredi, et on ajoute le jeudi, maintenant, avec le bill?

M. CADIEUX (Beauharnois): A Valleyfield, vous avez un Woolworth?

M. CADIEUX (Woolworth): Oui.

M. CADIEUX (Beauharnois): Vous ouvrez le vendredi soir seulement; là, vous ouvrirez le jeudi soir.

M. CADIEUX (Woolworth): Certainement.

M. CADIEUX (Beauharnois): Il va y avoir une augmentation de personnel.

M. CADIEUX (Woolworth): Certainement, mais, dans plusieurs villes, nous ouvrons seulement un soir. Nous avons Granby.

M. CADIEUX (Beauharnois): Oui, mais cela contredit...

M. CADIEUX (Woolworth): Nous ouvrons d'autres soirs ailleurs; il faut, au moins, établir une base quelque part. Il y a plusieurs endroits, ici au Québec, où nous n'ouvrons qu'un soir.

M. CADIEUX (Beauharnois): La majorité des villes?

M. CADIEUX (Woolworth): Plusieurs.

M. CADIEUX (Beauharnois): Il y aurait une augmentation de personnel au lieu d'une diminution.

M. DEMERS: Si vous ouvrez deux soirs à Granby au lieu d'un, cela prendra plus de personnel.

M. CADIEUX (Woolworth): Là, cela n'est plus pareil; c'est une ville, mais il y a plus d'une ville dans la province de Québec.

Nous sommes complètement d'accord avec le bill; tout ce que nous demandons, c'est un soir d'ouverture.

M. CADIEUX (Beauharnois): Non, mais moi, j'en suis sur ce que vous dites dans le mémoire. Vous dites: 700 employés de moins, et je pense bien que c'est cela qui sera rentenu par certaines personnes.

M. CADIEUX (Woolworth): Oui.

M. CADIEUX (Beauharnois): Je parle de Woolworth, mais c'est peut-être d'autres commerces qui sont représentés ici. Dans la majorité des villes de moyenne importance, vous n'êtes ouverts, dans le moment, que le vendredi soir. Après l'adoption du bill 89, nous ajouterons le jeudi soir. Alors, il n'y aurait pas diminution, mais augmentation de personnel.

M. CADIEUX (Woolworth): Il y aura une diminution dans les endroits où nous ouvrons six soirs par semaine.

M. CADIEUX (Beauharnois): Ah oui, bien, là...

M. BEAUDRY: Il n'y aurait aucun changement avec ce que vous avez actuellement.

M. CADIEUX (Woolworth): Tout ce que je demande, c'est trois soirs par semaine au lieu de deux. C'est ma recommandation ou ma demande au comité.

M. BEAUDRY: Il s'agit bien d'une perte de 350 employés s'il y avait un autre soir d'ouverture?

M. CADIEUX (Woolworth): C'est cela.

M. LEVEILLE: M. Cadieux, dans le mémoire que vous avez présenté, il y a une recommandation, à la page 8, où vous dites :« Bien qu'étant opposés en principe à toute forme de réglementation en cette matière... » Par la suite, vous faites certaines recommandations. J'aimerais savoir quelles sont les raisons qui vous permettent de vous opposer en principe à toute forme de réglementation en cette matière.

M. RIENDAU: C'est que, dans un système de libre entreprise...

M. LEVEILLE: En principe?

M. RIENDAU: En principe, nous sommes contre toute réglementation, mais, en ce moment, il semble bien que le comité a tendance à adopter une loi. Alors, nous demandons qu'au moins cela soit mitigé et que nous ayons trois soirs par semaine.

M. CADIEUX (Beauharnois): M. Cadieux — parce que je connais plus le nom — pouvez-vous me dire dans combien de magasins Woolworth — vous en avez présentement 76 — vous n'ouvrez présentement que le vendredi et dans combien de magasins Woolworth vous ouvrez six soirs par semaine? Vous dites cinq soirs ou six soirs.

M. CADIEUX (Woolworth): Franchement, pour Woolworth je peux vous envoyer un mémoire si vous voulez car je m'occupe surtout de Woolco.

M. CADIEUX (Beauharnois): Il y aura d'autres séances du comité; nous aimerions avoir...

M. CADIEUX (Woolworth): Bon, avec plaisir. Je peux vous parler de Woolco, si vous voulez. Nous avons quatre magasins, ici au Canada: un à Brossard où nous ouvrons six soirs par semaine, un à Laval, où nous ouvrons trois soirs par semaine; un à Rock Forest, où nous ouvrons six soirs par semaine et un à Granby où nous ouvrons un soir par semaine. Pour Woolworth, je regrette infiniment, je ne sais pas combien nous avons de magasins, mais je peux vous envoyer un mémoire, par ville, si vous voulez.

M. LEDUC (Laviolette): Mais au point de vue global — ne parlons pas de Woolworth, parlons de l'ensemble — les ventes vont se faire quand même. Si les ventes se font, automatiquement cela implique des employés.

M. CLICHE: En d'autres termes...

M. LEDUC (Laviolette): Affirmez-vous que votre volume d'affaires va diminuer au cours d'une année?

M. CADIEUX (Woolworth): Certainement qu'il va diminuer !

M. CLICHE: De combien?

M. CADIEUX (Woolworth): Il est difficile...

M. CLICHE: Parce que tout le monde doit être soumis à la même loi, vous et vos concurrents aussi.

M. CADIEUX: (Woolworth): Ah non, tout le monde ne sera pas soumis a la même loi.

M. CLICHE : Mais cette loi va affecter vos concurrents.

M. CADIEUX (Woolworth): Vous avez dit 1,500.

M. CLICHE: En supposant que nous remédiions à cette lacune, si cela en est une.

M. CADIEUX (Woolworth): Bien sûr, c'est une lacune! Pour vous dire franchement...

M. LEVEILLE: Supposons qu'elle n'existe pas.

M. CLICHE: Si nous y remédions...

M. CADIEUX (Woolworth): Si elle n'existe pas, d'accord, mais elle peut exister. Je ne le savais pas, je n'étais pas au courant. On va ouvrir, cette année, un magasin à Kirkland, par

exemple; si je veux, je peux ouvrir six soirs par semaine.

M. CADIEUX (Beauharnois): Il n'y a pas 1,500 de population.

M. CADIEUX (Woolworth): Il n'y a pas 1,500 de population.

M. PICARD (Olier): Pourriez-vous nous dire la population de Rock Forest où vous avez un magasin?

M. CADIEUX (Woolworth): Je crois que c'est 4,000 habitants.

M. CLICHE: Vous avez certainement toute une série de magasins en Ontario, qui ne sont pas ouverts six jours par semaine.

M. CADIEUX (Woolworth): Les Woolco sont ouverts six jours par semaine, mon cher monsieur.

M. CLICHE: Six jours par semaine!

M. CADIEUX (Woolworth): Presque partout.

M. CLICHE: La réglementation du gouvernement vous le permet?

M. CADIEUX (Woolworth): Ce sont les villes, là-bas — il faut bien se comprendre — qui font leur réglementation. A Toronto, nous sommes ouverts tous les soirs.

M. CADIEUX: La province de l'Ontario est très intéressée à notre bill. Il va peut-être y avoir un changement. Parce que nous sommes en avance dans bien des domaines.

M. CADIEUX (Woolworth): Nous irons voir la province de l'Ontario quand le temps sera venu. Une par une. En Ontario, nous avons des magasins qui sont ouverts presque six soirs par semaine. D'autres sont ouverts deux ou trois soirs par semaine. Il n'y a pas de législation," c'est une affaire de ville.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? M. CLICHE: Juste une seconde... M. LE PRESIDENT: Oui.

M. CLICHE: Je reviens à ma question. Vous avez affirmé que votre volume d'affaires serait diminué.

M. CADIEUX (Woolworth): Oui.

M. CLICHE: Mais si tout le monde est sur le même pied, comme tous vos concurrents seront sur le même pied que vous, continuez-vous à affirmer que votre volume d'affaires va diminuer?

M. CADIEUX (Woolworth): Oui, certainement qu'il va diminuer.

M. CADIEUX: Au profit d'autres...

M. CADIEUX (Woolworth): Au profit d'autres entreprises, nécessairement.

M. CLICHE: Le volume d'achats dans la province ne diminuera pas, M. Cadieux.

M. CADIEUX (Woolworth): Vous allez simplement aider le « catalogue », mon cher ami, sept jours par semaine. C'est là que nous allons perdre.

M. CLICHE: Je ne sais pas. Je vous le demande. Vous êtes un homme d'affaires, vous êtes averti, vous avez de l'expérience...

M. CADIEUX (Woolworth): Avec le catalogue, vous pouvez commander sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour. Là, vous allez faire quelque chose. Faire quelque chose dans la loi, c'est difficile. Je sais que c'est difficile. Nous avons des décisions difficiles, nous aussi, à prendre comme entreprise.

M. CLICHE: Vous croyez donc que les compagnies qui vendent par catalogue vont en bénéficier?

M. CADIEUX (Woolworth): Oui, monsieur.

Partout où nous allons nous établir, là où il entrait trois ou quatre camions des grosses maisons vendant par catalogues, c'est rendu seulement à un camion. Même dans la province de Québec.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions, MM. Cadieux et Riendeau.

Nous passons maintenant au numéro 33, la Société des hommes d'affaires de Sherbrooke. M. Gaston G. Beaudoin, Sherbrooke.

M. BEAUDOIN: Messieurs les membres du comité, la Société des hommes d'affaires de Sherbrooke désire en premier lieu féliciter les

autorités gouvernementales pour s'être penchées sur le problème crucial des heures d'affaires des établissements commerciaux. Le bill 89 qui a été soumis à l'Assemblée nationale par l'honorable Jean-Paul Beaudry prévoit l'uniformisation des heures d'affaires de tous les établissements de vente au détail du Québec. Nous souhaitons ardemment que ce bill soit adopté en deuxième et troisième lectures au cours de la présente session et nous espérons que les diverses recommandations que feront les associations à travers la province ne contribueront pas à retarder l'adoption de cette loi. Dans les recommandations qui suivent, il ne faudrait pas voir des critiques à l'endroit du bill 89, mais plutôt des suggestions constructives qui ont pour but de rendre plus efficace ce projet de loi en amendant certains articles comme suit:

L'article 1, par exemple, qui dit qu'on exempte de la loi les municipalités qui comptaient moins de 1,500 habitants au dernier dénombrement.

Nos recommandations seraient d'amender la loi de façon à ce que les municipalités concernées deviennent assujetties à la loi dès qu'un centre commercial s'ouvrirait sur leur territoire et ou que la population atteindrait 1,500 habitants.

L'article 2, disant qu'aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial les jours suivants: les 1er et 2 janvier, etc. Je n'ai pas besoin de lire tel quel l'article 2. Vous l'avez déjà dans le bill. Je vais me contenter de lire les recommandations.

Nos recommandations seraient d'ajouter les congés suivants à ceux qui sont déjà recommandés dans ce projet de loi, le lendemain du jour de l'An, sans exception, c'est-à-dire le 2 janvier, le lundi de Pâques, le jour de l'Action de grâces et le lendemain de Noël, sans exception.

Nos recommandations à l'article 3 seraient que l'heure de fermeture des établissements commerciaux soit 9 heures 30 au lieu de 10 heures les soirs ou les magasins ont le droit d'ouvrir leurs portes. Nous ne voyons pas non plus la nécessité d'ouvrir les magasins les lundi, mardi, mercredi et samedi de la semaine qui précède le dimanche de Pâques.

Quant à l'ouverture des commerces le soir, à partir du 7 décembre jusqu'au 24 décembre, nous croyons qu'à partir du 15 décembre serait une date beaucoup plus appropriée.

Egalement, la veille de Noël, le 24 décembre, les établissements commerciaux devraient fermer à à heures de l'après-midi et non pas à 10 heures du soir, soit deuxheures avant la messe de minuit.

Dans l'article 6, nous recommandons que cet article soit enlevé complètement du projet de loi. Cet article porterait à confusion et l'observance de la loi serait très difficile à contrôler, surtout dans les grandes villes où un pourcentage très élevé d'établissements commerciaux seront exemptés. Il serait presque impossible d'établir, sans une enquête approfondie, si un établissement rencontre les exigences de la loi, pour être ouvert en dehors des heures fixées par la loi.

Et, à l'article 10, au sujet des poursuites pour infraction à la présente loi, qui peuvent être intentées par quiconque, nous sommes d'avis que cet article porte à la délation et devrait disparaître. Nous ne connaissons pas de marchands qui seraient disposés à prendre des poursuites contre un confrère qui violerait la présente loi. Qui, d'ailleurs, le ferait, devant les risques inhérents à toute action qui va en cour? Même dans cet article 10, on ne dit pas que le tribunal doit accorder les frais lorsque l'action est maintenue, mais bien, « peut » accorder les frais.

C'est tout. Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des questions à poser à M. Beaudoin?

UNE VOIX: C'est la même chose que les autres.

M. LE PRESIDENT: Alors, cela rencontre un peu l'objectif d'autres rapports, M. Beaudoin, et le comité prendra certainement connaissance de vos remarques.

L'organisme suivant que nous avons à rencontrer est l'Association des détaillants en alimentation de l'Estrie, ADA. M. Lucien Lemay en est le président, à Sherbrooke, et Me Albert Gobeil est le conseiller juridique de l'ADA,

M. GOBEIL: Monsieur le président, messieurs, nous verrons forcément que les remarques que nous faisons au cours de ce mémoire en recoupent d'autres qui ont été faites ce matin. Nous voudrions quand même vous les soumettre, puisqu'elles ont fait l'objet d'études particulières des membres de l'association que je représente et qui est, en fait, une régionale d'un organisme plus grand que vous connaissez, qui s'appelle l'ADA provinciale et qui est venue devant vous, je pense, à la dernière séance pour faire certaines recommandations.

J'ai ici avec moi, M. Lucien Lemay, qui est le président de la régionale de Sherbrooke, celle que nous représentons.

A l'article 1, vous voyez qu'il y a là une crainte générale. Je pense bien que c'est évi-

dent quant à la définition de l'établissement commercial, particulièrement quant aux 1,500 personnes qui devraient se trouver dans une municipalité pour ne pas être couvert.

Nous disons: La présente loi remplace la législation existante concernant la fermeture à bonne heure de certains établissements. Le but principal de cette législation était la paix publique. Vous ne voulez pas, à ce moment-là, que cela ferme à toute heure, et qu'il y ait des difficultés d'ordre public avec cela. Dans les villages et les places de villégiature, les restaurants et les roulottes pourront rester ouverts à une heure avancée de la nuit, troublant ainsi le repos des citoyens, d'autant plus que des foyers pour vieillards s'établissent de plus en plus dans des villages ou des petites villes.

Nous croyons également que cette exception risque de compromettre le but visé — ce serait peut-être mieux de dire l'un des buts visés par la loi — qui est de protéger les établissements des grandes villes contre la concurrence des centres commerciaux qui s'établissent aux limites de ces villes.

Il existe, par exemple, près de plusieurs grandes villes, des cantons qui n'ont pas 1,500 habitants. L'honorable député de Sherbrooke, Me Fréchette, est ici, il sait qu'ainsi à Sherbrooke, nous comptons les cantons d'Orford, Ascot-Nord, Ascot Corner, d'une population inférieure à 1,500 habitants. Les centres commerciaux établis dans ces cantons, aux limites de la ville de Sherbrooke, n'étant pas assujettis à la loi, causeront une concurrence déloyale aux établissements commerciaux de la ville. Si vous prenez Sherbrooke, vous faites une dizaine de milles et vous pouvez peut-être traverser deux ou trois municipalités. Ce sont des municipalités qui encerclent Sherbrooke.

Donc, si le législateur veut garder l'exception, nous suggérons d'ajouter une disposition à l'effet que la loi ne s'applique pas aux municipalités ayant moins de 1,500 habitants et en dehors d'un rayon de dix milles des municipalités auxquelles la loi s'applique. C'est une des suggestions. Il y en a eu un certain nombre ce matin, c'est celle que l'association que je représente a décidé de vous soumettre.

Quant à l'article 2, nous n'y avons pas vu d'objection. De façon générale, nous n'avons pas d'objection, au contraire, au bill 89.

A l'article 3, nous ne voyons pas l'utilité du deuxième paragraphe de cet article pour le commerce de l'alimentation en détail, que nous représentons. Une telle disposition est justifiable pour les établissements qui vendent de la marchandise sèche, des bibelots, bijouterie, etc., pour permettre l'achat des cadeaux à l'oc- casion des fêtes, mais l'achat de victuailles n'entrant pas dans cette catégorie, nous soumettons que le surplus de nourriture achetée à l'occasion des fêtes ne constitue pas un volume suffisant pour exiger l'ouverture de nos établissements tous les soirs du 7 au 24 décembre. Ajoutons qu'une telle disposition créera une concurrence désastreuse entre les marchands qui devront tenir leurs établissements ouverts pour conserver leur clientèle, augmentant inutilement leur coût d'exploitation.

En cela, nous rejoignons l'association qui m'a précédé, qui était de Sherbrooke aussi et qui disait que ce serait peut-être suffisant d'ouvrir du 15 au 24 décembre, et le 24, de fermer à cinq heures. Dix heures du soir, je pense bien que c'est une question d'habituer les gens à magasiner à certaines heures.

Nous soumettons donc que le commerce de l'alimentation au détail devrait être soustrait de l'application du deuxième paragraphe de cet article.

Quant aux articles 4 et à, nous n'y voyons aucune objection, au contraire.

A l'article 6, il s'agit d'une remarque de concordance avec une autre loi, que vous me permettrez de souligner. La vente de la bière est faite par les épiciers. Les établissements exceptés par cet article pourront donc vendre de la bière à toute heure de la journée. Nous n'avons pas d'objection à ce que les petits établissements de famille demeurent ouverts le soir pour accommoder le public, mais nous soumettons que la bière n'est pas un aliment essentiel et que, pour la vente de ce produit, tous les détaillants devraient être sur un pied d'égalité. L'article 75, paragraphe J, du chapitre 44 des Statuts refondus du Québec 1964, Loi de la Régie des alcools, devrait être amendé dans le sens requis.

En fait, c'est pour rappeler une concordance avec une loi qui risque à un moment donné de nous casser les pieds. Ce paragraphe de la Régie des alcools dit que l'on peut vendre de huit heures du matin à onze heures du soir. Il y aurait là une partie de la journée où les établissements non assujettis en raison de leur importance, — on a parlé de 3 ou 4 employés — pourraient continuer de vendre jusqu'à onze heures par rapport aux autres entreprises qui, elles, devraient fermer avant pour la vente de la bière.

En ce qui concerne cet article-ci, nous n'avons pas été plus loin, nous rappelant ce qui vous a été soumis par l'ADA provinciale qui, elle, avait suggéré que l'on fixe le nombre non pas à moins de quatre, mais à moins de trois, si je me rappelle bien. En cela, nous nous rallions à

la position de l'ADA provinciale qui vous a été soumise.

Nous allons à l'article Il. Nous comprenons M. le Président, qu'il s'agit là d'une disposition de technique législative. On dit que la présente loi prévaudra sur toute loi générale ou spéciale. Cela veut dire en pratique que s'il y a des dispositions qui se retrouvent dans les lois générales ou spéciales, le bill 89 prévaudra. Or, nous croyons que cette question de technique législative présente quand même un danger. Elle présente un danger, par exemple, face à la Loi de la convention collective qui débouche sur les décrets.

Là, on nous dira peut-être, à un moment donné, face à des décrets particuliers et aux heures d'ouverture que nous retrouverons dans le bill 89. Bien, écoutez, votre décret n'a pas les mêmes heures que le bill 89 parce que celui-ci comporte et traite des heures d'ouverture et les décrets traitent des heures de travail des employés. A ce moment-là, nous nous embarquerons peut-être dans des débats juridiques qui sont peut-être très intéressants pour les avocats, mais qui ne servent peut-être personne à part ça.

M. CADIEUX: En général, c'est ce qui arrive.

M. GOBEIL: Justement, nous voulons éviter qu'il y ait un danger. Une disposition de technique législative crée habituellement un embarras à un moment donné. Je ne voudrais pas que par cet article-là on nous dise un jour: La Loi de la convention collective qui débouche sur les décrets ne s'applique pas, c'est celle-là qui prévaut. C'est simplement une mise en garde que nous voulons faire à ce moment-ci, même si nous avons dit: Aucun changement. Nous en avons discuté un peu hier soir avec l'Association provinciale et nous avons vu là un danger.

Article 13. Nous comprenons la justification de cet article. Au lieu de retrancher le troisième alinéa de l'article 9 de la Loi des décrets de convention collective, pourquoi ne pas le modifier en déclarant, en bref, que les heures de travail doivent être incluses dans la période déterminée par le bill 89, faisant la distinction entre... Il faudra que ce soit dedans. Autrement, les débats juridiques sur la constitutionnalité des décrets établissant des heures de travail, et qui ont amené le législateur à ajouter le troisième paragraphe de l'article 9, vont à nouveau recommencer.

On se rappelle qu'il y a eu jugement du juge Batshaw à Saint-Jérôme. Il y a d'ailleurs un jugement du juge Blais en 1962, avec une coopé- rative du bas du fleuve qui avait tout repassé ce problème-là. On nous rappelait que les articles 2 et 3, les paragraphes 2 et 3 de l'article 9 de la loi des décrets de convention collective, avaient été mis là à la suite de débats devant les tribunaux sur la constitutionnalité de la loi, parce que le savant procureur avait dit; voici une loi, qui, telle que rédigée, a pour effet de limiter le commerce.

On avait dit: est-ce que c'est de juridiction fédérale, est-ce que c'est de juridiction provinciale? Pour régler tout le bazar, à un moment donné, on a fait entrer dans la loi des décrets de la convention collective, les articles 2 et 3. Alors nous nous disons: si nous faisons sortir ces deux paragraphes-là, nous retomberons dans le même problème que nous avons eu il y a quelques années — je pense que c'est en 1954 que cela a été ajouté — et nous recommencerons encore à nous battre peut-être sur la constitutionnalité de cette loi-là.

Tout tournait autour de la définition qu'on donnait aux mots: conditions de travail, dans la loi de décrets de convention collective. Nous avions dit que si les conditions limitent le commerce, c'est de juridiction fédérale et si cela ne limite pas le commerce, nous avons dit exactement ce que nous voulions que cela veuille dire, en ajoutant ces deux paragraphes-là. Nous croyons qu'il y aurait peut-être lieu de ne pas laisser tomber, tels quels, ces deux paragraphes-là, si nous ne voulons pas tomber dans le même problème constitutionnel que nous avions eu il y a quelque temps.

Pour le reste, il n'y a pas tellement de problèmes. Nous avons, si vous voulez, une annexe que nous avons intitulée: Incidences du bill 89 sur les décrets en vigueur dans l'alimentation en détail.

Voici pourquoi nous avons pensé vous soumettre ces considérations: L'article 13, qui retranche le troisième alinéa de l'article 9 de la loi des décrets de convention collective, et surtout les représentations faites à la séance du 13 février, et, tout à l'heure aussi, il y a quelques minutes, devant votre comité, par les grands magasins à chafne, demandent que les heures de travail soient identiques aux heures d'ouverture et de fermeture prévues dans le bill 89, et nous incitent à vous faire les commentaires suivants: Deux propositions s'offrent à vous. La première proposition est que les heures de travail dans les épiceries que nous représentons, le commerce de l'alimentation, soient les mêmes que les heures d'ouverture et de fermeture établies par le bill 89. C'est une position qui a été tenue devant vous, c'est une demande qui a été faite par ces grandes

chaînes d'alimentation. D'autre part, pour maintenir les droits acquis des ouvriers, et plus spécialement la semaine de 40 heures, les décrets permettront la double équipe, de sorte que l'ouvrier ne travaillera pas plus que 40 heures, mais l'établissement pourra demeurer ouvert plus longtemps. Cela est une proposition. D'une part, on nous dit: que les heures d'ouverture et de travail correspondent. L'ouvrier ne travaillera pas plus. Nous tomberons sur une double équipe, comme nous le verrons tout à l'heure. Cela est l'étonnant de la thèse que nous avons entendue tout à l'heure, qu'il ne doit pas d'abord y avoir généralement de législation et puis, s'il y en a, cela doit être, très large. Tout le monde devrait travailler quand c'est ouvert, peu importe les heures.

Deuxième proposition: Maintenir le statu quo, c'est-à-dire que, dans les décrets, les heures durant lesquelles un employeur pourra faire travailler ses employés seront limitées. Nous mettons ici des heures, parce que je fais affaires avec un décret précis, celui de Sherbrooke. Cela pourrait être autre chose ailleurs où il y a des décrets. Ces heures seraient limitées à 8 heures 30 du matin jusqu'à à heures 30 de l'après-midi, les mardi et mercredi; 6 heures le jeudi; 9 heures 30, le vendredi et à heures le samedi. Le lundi, il n'y a pas de travail pour la vente, mais les employés peuvent travailler à l'étiquetage et à la distribution de la marchandise dans les tablettes. C'est ce qui se fait à l'heure actuelle; notre décret nous permet cela.

Quels sont les avantages et les désavantages de chacune de ces propositions, donc celles des heures de travail correspondantes aux heures d'ouverture et le statu quo. Dans la première proposition, les employeurs ayant plusieurs employés et un gros chiffre d'affaires tireront avantage de la nouvelle proposition, car ils ont un volume suffisant pour se permettre d'avoir une double équipe.

Cependant, le petit employeur et, pour tout dire, le petit épicier et l'épicier moyen, par opposition aux grands magasins à chaîne, subira un coup très dur. C'est lui qui, actuellement, dans la province de Québec, contrôle, on devrait dire, près de 70% de l'alimentation en détail. Durant les crises économiques de toutes sortes, il supporte un gros crédit car il connaît tous ses clients et, encore aujourd'hui, c'est lui qui dessert tous les assistés sociaux et c'est lui qui attend que les chèques leur soient livrés, pour être payé. Cela est un fait. Ce ne sont pas les grandes chaînes qui font cela. Nous ne contestons pas leur système, il reste un fait, c'est que ce sont le petit épicier et l'épicier moyen qui atten- dent l'allocation familiale de la famille du coin, qui attendent le chèque de soutien durant une grève. Cela est un fait. Ce sont eux qui financent ces gens-là durant tout le temps où ils sont en chômage.

La plupart de ces épiciers ont un seul boucher et il leur est physiquement et financièrement impossible d'avoir double équipe. Il faut être réaliste là-dessus. L'employeur lui-même et ses employés devront alors travailler 67 heures par semaine pour faire face à la concurrence, ce qui nous semble un peu inhumain.

Comme conséquence, un nombre considérable de petits épiciers et d'épiciers moyens devront fermer leur porte ou faire faillite et entraîner ainsi une perte d'emplois pour plusieurs salariés alors que l'on cherche partout des moyens de lutter contre le chômage.

Ajoutons qu'actuellement ces établissements sont rentables et ne constituent pas des commerces marginaux dont la faiblesse peut ralentir le développement économique du Québec, et les salaires prévus aux décrets et payés par ces employeurs sont des plus raisonnables.

Quant à l'ouvrier déjà au travail, la première comme la deuxième proposition protègent leurs droits acquis. Si c'est la première proposition, il travaillera 40 heures et il y aura une autre équipe. Si c'est la deuxième proposition, il travaillera le nombre d'heures prévues par le décret.

Par contre, en maintenant le statu quo tel que prévu dans la deuxième proposition, les grands magasins à chaîne ne sont pas frustrés car ils se sont établis à une époque où les décrets existaient. Ils ont continué à grandir et à prospérer.

Les petits et les moyens épiciers continueront à vivre et à prospérer. Soulignons que la naissance des grands magasins à chaîne a stimulé la compétition, obligé les petits et les moyens épiciers à s'organiser et à se moderniser. Elle a provoqué la naissance de grands établissements de distribution en gros pour aider et unir ces épiciers tout en respectant leur autonomie.

Par contre, le système prévu dans la première proposition conduira infailliblement au contrôle de l'alimentation en détail par quelques grands magasins à chafne et fera ainsi disparaître la saine concurrence qui existe à l'heure actuelle, entraînant non seulement la disparition de multiples épiceries, mais aussi de plusieurs distributeurs en gros indépendants.

Quant aux ouvriers, tel que nous l'avons souligné, ils continueront à bénéficier de leurs droits acquis comme dans la première proposition.

La situation actuelle, tout en accordant aux salariés de justes conditions de travail, permet une concurrence loyale entre les employeurs, alors que le système préconisé par la première proposition, en créant des doubles équipes de travail favorables aux magasins à chaîne, créera nécessairement une concurrence déloyale entre les épiciers, ce qui est contraire à l'esprit de la Loi des Décrets de convention collective.

Nous soumettons respectueusement que le législateur doit, par une législation appropriée, voir à ce qu'il y ait chance égale pour tous dans l'exercice du commerce de l'alimentation en détail.

En vertu des décrets qui existent dans la province de Québec depuis de nombreuses années, les employeurs membres de l'Association de l'alimentation en détail et leurs ouvriers ont des droits acquis qui doivent être respectés et maintenus.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des remarques à faire à M. Gobeil?

M. BEAUDRY: M. Gobeil, la fédération de l'ADA appartient-elle à la fédération provinciale de l'ADA de Sherbrooke?

M. GOBEIL: Oui.

M. BEAUDRY: Votre mémoire diffère, en somme, un peu de celui de l'ADA provinciale?

M. GOBEIL: Je pense, M. le Ministre, qu'il peut peut-être différer» Il y a une question de temps là-dedans. Vous savez que ça se fait toujours un peu de la même façon. On étudie un projet de loi comme le vôtre de façon sérieuse et on voit un certain nombre d'objections ou de bonnes choses là-dedans. Le fait de présenter un mémoire amène d'autres considérations. Il y a une question chronologique. Notre mémoire vient après l'autre, il ne veut pas le contredire, mais nous croyons que celui de Sherbrooke fait voir des choses nouvelles. Il faudrait évidemment tenter de...

M. BEAUDRY: L'ADA provinciale est-elle d'accord avec votre mémoire? Après le mémoire de l'ADA de Sherbrooke, M. Léveillé, vous qui avez représenté l'ADA provinciale, êtes-vous d'accord avec ce mémoire qui vient un peu en contradiction avec le vôtre?

M. LEVEILLE: Pas avec l'article 13 que nous avons déposé, parce que nous avons demandé de prendre en considération tous nos membres régis par le décret collectif actuel.

M. BEAUDRY: Donc, vous appuyez le mémoire...

M. LEVEILLE: A l'article 13 spécifiquement, oui.

M. LEDUC (Laviolette): En somme, si je comprends bien, vous voulez que les décrets relativement i l'alimentation servent de base pour les heures d'ouverture. Est-ce ça?

M. GOBEIL: Oui.

M. LEDUC (Laviolette): De façon que votre première solution, qui demandait des heures plus longues, obligerait d'avoir double équipe?

M. GOBEIL: Dans l'alimentation, nous sommes face à une loi cadre. Le problème, c'est qu'on se promène dans deux domaines différents. On est parfois dans le ministère de l'Industrie et du Commerce et parfois dans le ministère du Travail, ou un relevant de l'autre. Le problème est le suivant: c'est que vous vous êtes à faire une loi cadre qui va régir l'ensemble des commerces de vente au détail. Etes-vous d'accord sur ce point? Nous, nous représentons un commerce particulier qui s'appelle l'épicerie et qui est affecté par un décret. Prenons un cas pratique — pour ne pas prendre l'expression populaire « rêver en couleurs » — soit une grosse chafne de magasins, par exemple a Sherbrooke. Pour ma part, ça m'est égal que la loi dise que, de façon générale, tous les détaillants peuvent commercer 55 ou 67 heures par semaine. Nous voulons que, dans le domaine de l'épicerie, qui est couvert par des décrets, dans ce domaine précis — même si la loi dit qu'on peut ou qu'on pourrait ouvrir — nous voulons, dis-je que les employés n'aient pas le droit de travailler à d'autres heures que celles prévues par le décret. A toutes fins pratiques, cela revient à dire que le décret — c'est bien dommage — va prévaloir sur la loi cadre, dans le cas précis du domaine de l'alimentation. Pour les autres...

M. LEDUC (Laviolette): Est-ce que, d'après vous, la loi, telle que rédigée actuellement, empêche votre formule? Supposons que la loi dit: 67 heures, de telle heure à telle heure, dans l'ensemble de la province, pour tous les commerces. Mais si votre décret s'insère dans...

M. GOBEIL: Elle ne l'empêche pas, M. Leduc. Je ne crois pas qu'elle le fasse.

M. LABBE: Si les décrets sont préservés, nous n'avons rien contre le bill 89. Nous sommes d'accord avec le bill 89. Je veux immédiatement ouvrir une parenthèse. Là où il n'y a pas de décret, nous sommes d'accord avec le mémoire qui a été présenté par l'organisme provincial d'ADA.

M. LEDUC (Laviolette): En autant que le décret s'insère...

M. LABBE: Nous voudrions que notre décret soit inclus dans le bill 89, parce que nous ne vendrons pas un pain de plus par semaine. Nous avons été parmi les premiers, dans la province, à mettre de l'ordre dans nos heures d'ouverture et de fermeture. Je dois dire qu'à Sherbrooke, nous n'avons jamais eu de grève. Je pense que, quand je dis grève...

M. LEDUC (Laviolette): Touchez du bois!

M. LABBE: ... c'est sérieux. On en a subi, à tous les niveaux, fédéral, provincial, sous tous les partis politiques. Ce n'est pas un cadeau! A Sherbrooke, nous n'en avons jamais eu. Si c'est si mauvais que cela, les décrets, pourquoi les villes environnantes de Sherbrooke, sans y avoir été forcées ou même sans qu'on leur ait suggéré d'adopter nos heures, pourquoi les ont-elles adoptées, ces heures-là? Pourquoi la population s'est-elle habituée, à un moment donné, de même que tous les commerces, à suivre nos heures et à les imiter? Nous n'avons forcé la main à personne. Cela n'use pas nos planchers à nous, à Sherbrooke ou East Angus, que les villes environnantes copient nos heures. Mais si c'est si mauvais que cela, pourquoi nous a-t-on copiés? Pourquoi les barbiers et les coiffeurs nous ont-ils copiés? Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de problème! Nos employés sont heureux, et nous, les patrons, nous sommes heureux. Tout de même, si nous travaillons six jours par semaine, à des heures impossibles, quand verrons-nous nos familles? Si vous voulez que nous les éduquions, que nous les fassions vivre, il faut que nos commerces soient rentables, d'abord. Il faut avoir le temps de nous en occuper parce que nous aurons peut-être à déplorer, parmi ces enfants, plus tard, des gens qu'on recherche dans la province...

M. LEDUC (Laviolette): Tout de même, il ne semble pas y avoir contradiction avec le principe de la loi...

M. LABBE: Non, non.

M. LEDUC (Laviolette): ... que votre décret régissant l'alimentation s'insère dans le bill 89?

M. GOBEIL: Non, il n'y a pas de problème là-dessus. Ce que nous faisons — c'est peut-être un peu prétentieux de le dire — nous le faisons... Je suis bien à l'aise peur faire ce genre de remarques parce que, de plus en plus, le gouvernement nous dit souvent qu'il faut s'habituer à établir des relations entre les ministères et ne pas s'oublier les uns les autres. Alors, c'est sous forme d'annexé que nous avons produit cette chose-là. Nous voulons vous dire: Le bill 89 d'accord. Il ne faudrait pas oublier, cependant, qu'au ministère du Travail, il y a une patente qu'on appelle des décrets. Il ne faudrait pas que le bill 89 vienne nous les couler.

Alors, nous, là où il y a des décrets, nous voulons que cela continue de fonctionner, peu importe les heures que vous fixerez dans le bill 89. Nous ne voulons pas le suicide de nos décrets.

M. CADIEUX: Est-ce que, dans d'autres domaines de commerce au détail, il y a de tels décrets? On parle de l'alimentation. Mais est-ce qu'il y a d'autres groupements, au détail par exemple des magasins de variétés, est-ce qu'il y a des décrets pour eux? Il n'y en a pas pour les meubles, je le sais ou les quincailleries?

DES VOIX: Je ne crois pas.

M. LEDUC (Laviolette): Là, il n'y a pas de problème, à mon point de vue. Voilà un groupe...

M. CADIEUX: C'est cela qui est régi par le décret.

M. LEDUC (Laviolette): Du moment que le décret couvre ce groupe-là il n'y aura pas de concurrence entre eux. Mais qu'un autre groupement...

M. BEAUDRY: L'autre groupement pourra ouvrir.

M. GOBEIL: Il faudrait vous dire également que l'association que nous représentons ce matin groupe des commerçants qui ne sont pas tous couverts pas des décrets. En fait, il y a seulement Sherbrooke et un certain rayon. Nous groupons les commerces à Mégantic, à Magog, un

peu partout, dans une région précise, commerces, qui, eux, ne sont pas couverts par les décrets. Mais, nous, nous ne voudrions pas qu'à un certain moment, nous soyons pris par ce genre de choses qui peuvent arriver et que nous avons exprimées dans deux propositions que nous avons soumises fort respectueusement.

M. LE PRESIDENT: Très bien, je vous remercie messieurs.

La dernière représentation que nous avons à rencontrer ce matin est celle de Me Michel Cogger, conseiller juridique, Manufacture Lasalle Limitée.

M. Michel Cogger

M. COGGER: M. le Président, monsieur le ministre, messieurs les membres du comité, avant de passer au mémoire que j'ai en main et dont vous avez aussi une copie, j'aimerais ouvrir une parenthèse, si vous me le permettez. Ce matin, l'attention du comité a été longtemps retenue par des considérations relatives aux petites municipalités. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais réitérer la proposition que j'avais faite au nom de deux autres associations que j'avais représentées lors de la première séance du comité. Si vous vous souvenez, nous avions alors suggéré que les exemptions accordées aux petites municipalités le soient sur demande d'une municipalité et que ce soit laissé à la discrétion du ministre ou d'un organisme qui sera chargé de voir à l'observance de la loi, lorsque le ministre se sera assuré qu'il n'y a pas de préjudices causés à des municipalités avoisinantes. Nous avions mentionné, à ce moment-là, par exemple, le cas des municipalités telles que Senneville et Kirkland, qui sont situées dans l'île de Montréal, où le fait d'accorder une exemption causerait un préjudice évident au commerce situé dans la région avoisinante, alors que le même cas ne s'applique évidemment pas, j'imagine, à Grosse-Roche, en Gaspésie. Il me semble qu'à ce moment-là, le ministre, sur demande — ou un organisme créé à cette fin — pourrait, avec un examen relativement rapide, se rendre compte s'il y a des considérations d'ordre touristique qui justifieraient l'octroi d'une telle exemption. C'estla parenthèse que je voulais ouvrir, monsieur le ministre.

M. le Président, messieurs les membres du comité, comme beaucoup d'organismes qui ont été entendus devant votre comité, Les Manufactures Lasalle Limitée se réjouissent de l'initiative prise par le gouvernement de réglementer uniformément les heures d'affaires des établissements commerciaux dans la province.

Les Manufactures Lasalle Limitée opèrent, dans la province, 24 établissements de vente au détail, situés dans les localités suivantes: — et vous en avez une liste à la première page du mémoire — L'ensemble de ces magasins emploie quelque 500 commis à temps plein et plusieurs centaines d'employés à temps partiel, surtout durant les périodes de pointe. Environ la moitié des employés à temps plein et près de 80% des employés à temps partiel seront affectés, si les heures proposées dans le bill 89 deviennent loi, soit que leurs services ne seront plus requis, soit encore qu'ils ne soient requis que pour une fraction de ce qu'ils l'étaient auparavant.

Le principe de mise en marché des Manufactures Lasalle Limitée est conçu dans le but de mettre des marchandises à la disposition du consommateur au meilleur prix possible. A cette fin, l'espace réservé pour fins de vente est utilisé au maximum et les magasins sont généralement situés en dehors des centres d'affaires urbains, de façon à permettre aux consommateurs de profiter du coût d'opération moindre encouru par suite des taux de location moins élevés. Par ailleurs, cela implique également que l'on ne fasse affaires qu'avec une clientèle assez définie, soit une clientèle ouvrière qui ne dispose généralement que d'un véhicule familial pour assurer son accès aux magasins et qui ne peut utiliser ce véhicule qu'en dehors des heures de travail du chef de famille.

Il ne s'agit pas là d'une simple divergence de vue quant aux heures d'ouverture et de fermeture des établissements: le concept même du « discount store » implique ces notions de location en dehors des grands centres, d'heures d'opération accessibles aux ouvriers, et de l'usage maximal de la surface louée de façon à traduire le tout en un bénéfice pour l'acheteur.

Les établissements de vente au détail Manufactures Lasalle Limitée répondent à un besoin en ce qu'ils permettent à une catégorie déterminée de consommateurs de magasiner. Les ouvriers, en effet, ne peuvent généralement magasiner qu'après les heures de fermeture des usines ou manufactures, et il est dans leur intérêt d'aller magasiner en dehors des grands centres, si le fait de voyager quelques milles leur permet de réaliser une économie appréciable et de profiter, sur le prix d'achat, du taux moins élevé de la location des locaux de l'établissement commercial.

Manufactures Lasalle Limitée, dans certains centres, ne fait affaires, en fait, qu'à peu près uniquement en dehors des heures de

travail des usines ou manufactures, certainement en dehors des heures prévues au bill 89.

Nous suggérons donc que le comité examine la possibilité d'apporter un amendement au bill de façon à faire tomber les maisons d'escompte ou « discount stores » sous le coup des exceptions prévues à l'article 7, en laissant au ministre, ou à un organisme chargé de l'observance de la loi, le soin de déterminer les établissements qui peuvent tomber dans cette catégorie. Encore une fois, qu'il nous soit permis de rappeler au comité que les établissements comme ceux opérés par Manufactures Lasalle Limitée remplissent un besoin particulier et que le fait de limiter considérablement leurs heures d'affaires ou, à toutes fins pratiques, de les forcer à fermer leurs portes, dans certains cas, aurait des répercussions sérieuses non seulement sur leurs chiffres de vente mais, aussi, par voie de conséquence, sur l'économie en général et sur la situation de l'emploi.

Nous soumettons qu'à cause de ces considérations, à cause de la nature particulière de la clientèle à laquelle elles s'adressent, les maisons d'escompte devraient avoir droit de faire affaires jusqu'à 10 heures tous les soirs puisqu'il semble bien, de toute façon, que c'est ce qui convient le mieux à cette catégorie de consommateurs qui constitue une proportion imposante du public acheteur.

Nous demeurons à l'entière disposition du comité pour tous renseignements additionnels qu'il pourrait requérir»

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des questions à poser à M. Cogger? Pas de question.

M. CADIEUX: Oui, j'aurais une question. Aux manufactures Lasalle Limitée. Qu'est-ce que vous vendez?

M. COGGER: C'est du commerce au détail.

M. CADIEUX: Pourquoi vous appelez-vous manufacture?

M. COGGER: Parce qu'à l'origine, M. le député, il s'agissait d'une manufacture. Par la suite, elle a créé ses propres débouchés.

M. CADIEUX: Comment pouvez-vous affirmer que vous vendez meilleur marché que les autres établissements semblables?

M. COGGER: Par comparaison.

M. CADIEUX: Moi, je vous défie d'avoir de meilleurs prix que chez nous. C'est plutôt très publicitaire.

M. CLICHE: Croyez-vous que le présent projet de loi peut faire cela normalement, équitablement? Suggérez-vous aux législateurs de créer une exception pour les magasins d'escompte?

M. COGGER: Le législateur a déjà prévu des exceptions.

M. CLICHE: Oui, mais je parle de votre cas, en particulier.

M. COGGER: Je pense qu'il est fort possible, dans une loi cadre comme celle-là, on laisse un pouvoir discrétionnaire au ministre. Par exemple, mes clients, Manufactures Lasalle Limitée, m'affirment que leur magasin de Côte-Saint-Luc, ils vont le fermer, purement et simplement. Parce que pour eux, faire affaires dans les heures prévues, cela ne devient plus rentable.

Je soumets simplement que l'on peut justifier, à la satisfaction du ministre, que, forcément, nous remplissons un besoin, puisque nous sommes là et puisque nous faisons des ventes.

Cependant, si le ministre, usant de son pouvoir de discrétion, croit qu'il y a lieu, sans que cela cause un préjudice appréciable aux concurrents, de créer une exception, je ne vois pas pourquoi il ne le ferait pas.

M. LEDUC (Laviolette): D'après vous, ceux qui vous consultent pensent-ils que leurs clients viennent surtout parce qu'ils ont de bons prix ou parce qu'ils ouvrent à des heures où les autres sont fermés?

M. COGGER: Je pense que c'est pour ces deux raisons. Par exemple,' la location de divers magasins est un indice que les gens y vont certainement pour des motifs autres que les heures.

M. LEDUC (Laviolette): Si ce ne sont pas les heures, il reste l'élément prix et concurrence.

M. DE MERS: Vous pourriez vendre plus cher. Pourquoi vendez-vous bon marché dans ce cas-là?

M. COGGER: Pourquoi. Parce que, par exemple, il s'agit d'un débouché direct pour les manufactures. Or, je pense qu'il y a peu de cas où le même propriétaire possède et la manufacture et le magasin de vente au détail. Je vous donne un autre exemple. Vous avez un magasion des ma-

nufactures LaSalle, qui est situé dans le Palais du commerce à Montréal. Il n'y a pas beaucoup de magasins qui seraient allés s'établir dans ce coin-là.

M. LEDUC (Laviolette): Ils agissent plutôt par philanthropie?

M. COGGER: Pas tout à fait.

M. TESSIER: Combien ont-ils de magasins dans les limites de la ville de Montréal?

M. COGGER: Il y a dix magasins.

M. TESSIER: Dans la région métropolitaine de Montréal. Mais, dans la ville de Montréal?

M. COGGER: Je l'ignore.

M. TESSIER: Vous avez mentionné tantôt le Palais du commerce. Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. COGGER: Il y en a sûrement d'autres, mais j'ignore combien exactement.

M. TESSIER: A ce moment-là, vous feriez directement concurrence au Palais du commerce. Par le fait que vous seriez ouverts le soir, vous feriez une concurrence injuste à l'endroit, par exemple, de Dupuis & Frères.

M. COGGER: Peut-être, mais, à ce moment-là, je pense que, si mon client satisfait le ministre, par exemple, dans une location donnée...

M. CLICHE: Actuellement, vous le faites, mais cela ne satisfait pas vos concurrents.

M. COGGER: Les exceptions — le mot le dit — ne sont pas nécessairement accordées dans tous les cas. Alors, si, effectivement, il y avait une concurrence déloyale à l'endroit de Dupuis & Frères, dans le cas du Palais du Commerce, parfaitement, il ne doit pas y avoir, d'exception.

M. LEDUC (Laviolette): M. Cogger, tout commerçant peut demander les mêmes privilèges.

M. BEAUDRY: Vous mentionnez qu'à l'extérieur vous serez obligés de fermer vos établissements, si vous fermez le soir. A Montréal, vous êtes fermés, car il faut que vous suiviez la loi de la région métropolitaine. Disons que vos opérations sont rentables à Montréal car vo- tre compagnie ne les tiendrait certainement ouverts, dans le cas contraire.

M. COGGER: Parfaitement.

M. BEAUDRY: Alors, je ne peux pas admettre que, si vous fermez à l'extérieur les autres soirs, ces opérations-là ne seront pas rentables pour votre compagnie. Vous en avez déjà qui suivent la loi et qui sont rentables en respectant les heures normales.

M. COGGER: M. le ministre, je pense qu'il est admissible ou fort possible, en tout cas, qu'un magasin puisse survivre, par exemple, au Palais du commerce, en suivant les heures présentement prévues et qu'à Côte-Saint-Luc, par exemple, il ne soit plus rentable.

M. BEAUDRY: Une chose que je n'admets pas, c'est qu'un commerce fasse des profits au détriment de certains autres qui n'ont pas les mêmes avantages que lui.

M. COGGER: Parfaitement.

M. TESSIER: Si vous laissiez à la discrétion du ministre, par exemple, le cas de votre magasin de Côte-Saint-Luc — vous avez mentionné, tantôt, qu'il y avait même possibilité que vous décidiez de le fermer — et qu'il décidait de vous donner ce privilège-là à Côte-Saint-Luc, est-ce que cette décision du ministre ne serait pas de nature à décourager qui que ce soit d'aller s'installer à Côte-Saint-Luc? Les autres commerces, de votre genre, par exemple, Dupuis & Frères, ne seraient pas intéressés à aller ouvrir une succursale à Côte-Saint-Luc, parce qu'au départ, vous bénéficiez d'un privilège. Alors, vous éliminez la possibilité d'installer, à Côte-Saint-Luc, un autre commerce qui vous ferait concurrence.

UNE VOIX: Les pouvoirs discrétionnaires sont accordés.

M. CADIEUX (Beauharnois): A quelque endroit que ce soit, si vous fermez à cause de ça, le commerce va se partager entre d'autres commerçants et peut-être que j'aurai plus de ventes. Alors, j'emploierai vos employés, s'ils sont bons.

M. DEMERS: Si nous allons plus loin dans le « discount », nous pouvons faire la même chose dans l'épicerie. Enfin, cela ne sert à rien de faire adopter le bill 89. N'importe qui, avec des bons prix...

M. COGGER: Si vous me permettez, M. le Président, je soumets simplement, en terminant, qu'il s'agit évidemment d'une loi cadre. Toutes les représentations que nous entendons ici démontrent de toute évidence qu'il est bien difficile de satisfaire tout le monde. Il faut équilibrer les inconvénients et rechercher, j'imagine, le bien public. Je constate que je suis le seul qui, à deux reprises, ait proposé une certaine discrétion ministérielle. Personnellement j'ai confiance en la discrétion ministérielle, particulièrement dans le cas des petites municipalités. Là encore, je pense que nous sommes les seuls à l'avoir proposée, et, une fois de plus, je la proposerais. Cela s'inscrit dans la même ligne de pensée.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions, Me Cogger. Avant de terminer, j'aurais deux communications à faire au comité. M. Bonin a reçu une lettre qui se lit comme suit: « M. Bonin, secrétaire du comité,

Messieurs,

Nous vous soumettons nos recommandations à l'endroit du bill 89, qui doit régir les heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Nous avons cru bon de faire ces recommandations dans l'intérêt de tous et nous vous prions de bien vouloir prendre nos remarques en considération. Nous vous remercions de votre bonne attention.

Vos tout dévoués,

Magasins Trafic Limitée, Lionel Samson, administrateur. »

M. LE PRESIDENT: Je pense que M. Samson n'est pas ici, mais il a fait parvenir une page de remarques qu'il serait peut-être bon d'inscrire au journal des Débats.

M. CADIEUX (Beauharnois): Si nous en tenons compte, les gens ne se présenteront plus devant le comité. Ils n'auront qu'à écrire des lettres.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le comité préfère le convoquer pour la prochaine séance?

M. CADIEUX (Beauharnois): Oui, parce que, si nous acceptons ça, les gens n'auront plus besoin de se présenter ici et nous recevrons une cinquantaine de lettres la prochaine fois.

M. LE PRESIDENT: Je vais remettre le document à monsieur... Il y a un autre cas qui a été soumis à mon attention par un monsieur Eugène Hollander. Il s'agit de la Montreal Kosher Retail Butchers Guild. Lui aussi, nous pourrions le convoquer pour la prochaine séance.

UNE VOIX: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il a mentionné qu'il désirait être entendu.

M. CADIEUX: D'ailleurs, ce n'est que juste pour ceux qui sont venus depuis deux jours. Ils ont eu des frais de déplacement et...

M. LE PRESIDENT: Alors, il me reste à vous dire que nous ajournons au 12 mars, mercredi prochain, à neuf heures trente. Si nous ne pouvons pas terminer à cette occasion-là, nous tenterons de terminer le lendemain ou le plus tôt possible. Donc, c'est le 12 mars, à neuf heures trente.

M. ROY: Huit heures trente.

M. LE PRESIDENT: Neuf heures trente.

M. ROY: Huit heures trente, comme les heures d'ouverture.

M. LE PRESIDENT: Neuf heures trente.

M. CADIEUX: Les « connaissants » qui arrivent la veille, couchez-vous de bonne heure au Château.

M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, nous vous remercions.

(Fin de la séance: 12 h 40)

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