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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 18 décembre 1980 - Vol. 23 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 14 - Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement


Journal des débats

 

(Douze heures sept minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

Le commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme est réunie pour étudier article par article le projet de loi no 14, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec. Les membres de cette commission sont: M. Biron (Lotbinière), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Goulet (Bellechasse), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lefebvre (Viau), M. Mailloux (Charlevoix), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Perron (Duplessis), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Michaud (Laprairie), M. Paguette (Rosemont), M. Rancourt (Saint-François). Il y aurait maintenant lieu de désigner un rapporteur.

M. Duhaime: Mon adjoint parlementaire étant en conflit d'intérêts, M. le Président, je suggère M. Lefebvre (Viau).

Le Président (M. Desbiens): Le rapporteur sera le député de Viau. Est-ce que vous avez l'intention de faire une discussion?

M. Duhaime: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Discussion générale M. Yves Duhaime

M. Duhaime: Je voudrais simplement, bien brièvement, enchaîner sur ce que nous nous sommes dit en commission parlementaire avant le débat de deuxième lecture, ensuite à l'Assemblée nationale pendant le débat de deuxième lecture et particulièrement à la fin du débat de deuxième lecture, lors de nos échanges fort courtois, par ailleurs, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur ce dossier. Vous avez indiqué que vous seriez disposé à voter favorablement la troisième lecture du projet de loi no 14 au nom de votre formation politique si le plan de développement de la SGF pour les années 1980-1985 était modifié, entre autres, sur deux questions. La première avait trait à ce que vous avez appelé un postulat quant au coût du pétrole pour aller de l'avant dans le complexe pétrochimique de Pétromont.

M. Scowen: Une modification du document.

M. Duhaime: Donc, c'est doublement vrai. Je vais retrouver la page. Vous aviez demandé une modification, à juste titre, d'ailleurs, parce que personne ne connaît l'avenir et encore moins le prix du pétrole, sauf le cheik Yamani. À la page 6, le plan déposé en commission lors de nos travaux disait : " Le prix du pétrole canadien destiné à la pétrochimie demeure en deçà des prix internationaux." Est-ce que des copies modifiées ont été distribuées? Oui. Nous avons donc retiré cette expression pour lire maintenant:" Le prix des matières premières et des produits demeure à un niveau permettant la réalisation de l'expansion du consortium pétrochimique sur une base rentable."

Je rappelle simplement, M. le Président, que la phase II de Pétromont, qui impliquera des investissements de $500,000,000 au total, devrait normalement s'enclencher en 1982 et il est bien évident que nous pouvons approvisionner Pétromont pour être en mesure de doubler la capacité de vapocraquage, la faisant passer de 500,000,000 de livres gu'elle est actuellement à 1,000,000,000 de livres d'éthylène. Je rappelle simplement, M. le Président, qu'à l'heure actuelle, à cause des installations existantes, nous avons besoin de 18,000 barils de pétrole par jour pour produire les 500,000,000 de livres, mais nous n'aurons pas besoin de 18,000 barils par jour, dans la phase II pour doubler la capacité; nous aurons besoin de 10,000 barils de pétrole par jour. Je rappelle essentiellement que, suivant les estimations du gouvernement fédéral, du ministère fédéral de l'Énergie - et je pense que ces prévisions sont justes - le niveau de

consommation pour le Canada à l'horizon 1990 devrait être de 1,700,000 barils par jour, ce qui signifie que l'augmentation requise de 10,000 barils par jour par rapport au volume de consommation prévu est très faible. C'est un ratio de 1 par rapport à 170. Il est évident aussi que nous pourrons non seulement utiliser du pétrole pour produire l'éthylène, mais que nous pourrons utiliser aussi d'autres matières premières et, entre autres, le gaz naturel.

La deuxième modification que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait souhaité voir introduire dans le plan de développement, c'est à la page 24 du plan où il avait manifesté certaines inquiétudes quant aux sommes qui pourraient être investies dans le capital-actions de la nouvelle société que nous voulons former. À la page 24 du plan de développement, sous la rubrique "types d'investissement", dans la troisième catégorie, c'est-à-dire les investissements d'innovation, le total des investissements prévus était de l'ordre de $180,000,000. Sous la colonne équité pour la SGF, vous avez une parenthèse 3 et un renvoi en bas de page qui indique $3,000,000 sur cinq ans sous forme de capital-actions dans la société à capital de risque. (12 h 15)

M. le Président, avec ces deux modifications au plan de développement, je crois honnêtement répondre à deux suggestions positives qui nous ont été faites par le député de Notre-Dame-de-Grâce lors du débat de deuxième lecture. Je rappelle essentiellement qu'il a été dit, durant le débat de deuxième lecture, que le plan de développement - je ne sais pas si c'est par le député de Notre-Dame-de-Grâce ou par un autre député qui est intervenu dans le débat - faisait partie intégrante de la loi. Le plan de développement ne fait pas partie intégrante de la loi. Si nous avions voulu intégrer le plan de développement à la loi, nous aurions eu une loi qui l'aurait intégré.

Je voudrais que tout le monde comprenne bien. Le plan de développement de cette société d'État, comme tout plan de développement de toute société d'État, est d'abord préparé par la société, soumis à son conseil d'administration, adopté et acheminé au ministre de tutelle. Ce plan est ensuite examiné au comité ministériel approprié, soit au Développement économique, soit à l'Aménagement, soit au Développement culturel. Ensuite, ce plan de développement est soumis au Conseil des ministres pour une décision et c'est par arrêté en conseil qu'un plan de développement d'une société d'État est adopté.

Il est entendu que ce que nous avons voulu faire en créant ce précédent dans l'histoire du gouvernement du Québec d'exiger des plans de développement des sociétés d'État, c'est donner le plus d'information possible, le plus d'éclairage possible à tous les parlementaires qui s'intéressent à ces questions. C'est pourquoi j'ai accepté de déposer le plan de développement de cinq ans devant la commission parlementaire. Il est entendu que ce plan, tel que vous le retrouvez ce matin avec les deux modifications, est le plan de développement pour les cinq prochaines années, tel qu'accepté par le gouvernement à la suite de l'arrêté en conseil dont vous avez copie et qui date du 19 novembre 1980, je crois, si ma mémoire est bonne.

Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion. Le plan est adopté par arrêté en conseil. La loi est adoptée par l'Assemblée nationale. Le plan ne fait pas partie intégrante de la loi; il en découle en quelque sorte ou, devrais-je plutôt dire, la loi découle du plan de développement accepté par le gouvernement dans le sens que, dans ce cas-ci, la SGF a besoin d'une injection de $102,000,000 dans son capital-actions. Et ce qui justifie cette nouvelle injection dans le capital-actions, c'est la décision prise d'aller de l'avant avec le plan de développement qui est soumis. Je pense avoir répondu aux autres questions à l'Assemblée nationale. Je ne vois pas l'utilité d'y revenir pour l'instant. C'est ce que je voulais dire, M. le Président.

M. Reed Scowen

M. Scowen: C'est très bien. Je remercie le ministre de sa collaboration. Je suis fort heureux qu'il ait décidé, dans ses commentaires, d'aborder la question de la distinction entre le projet de loi et le plan de développement. Je vais revenir moi-même sur ce point à la fin de mes commentaires.

D'abord, je veux soulever très brièvement les cinq suggestions que j'ai proposées au ministre lors du débat en deuxième lecture et dont deux ont été mentionnées dans ses commentaires ce matin. La première, c'était une clarification d'un des critères. Il l'a fait. Il n'y a pas de problème du tout de ce côté. Je l'en remercie. Deuxièmement, j'ai demandé...

M. Duhaime: Excusez-moi; le premier point était la présence accrue à l'extérieur du Québec?

M. Scowen: Le premier point auquel j'ai fait référence était la clarification des critères de rentabilité définis par le taux sur l'investissement. J'avais une question à laquelle vous avez répondu. Il s'aqissait de définir la façon de calculer le taux d'intérêt.

M. Duhaime: Le rendement sur le capital.

M. Scowen: Vous l'avez fait. Vous

m'avez dit, en effet, que le taux d'intérêt, pour les fins de cette définition, c'est le taux d'intérêt moyen payé par la société, à la fin de chaque exercice, sur l'ensemble de sa dette à long terme. Si j'ai bien compris, c'était exactement cela. C'est clair pour tous ceux qui veulent suivre l'évolution de la société.

Le deuxième élément, c'est afin d'éclaircir un peu l'intention de la société d'élargir ses horizons à l'extérieur du Québec. Vous avez également expliqué qu'il s'agissait essentiellement de cas possibles d'investissements qui seraient nécessités par les programmes d'achat des produits ontariens de la part du gouvernement ontarien, ainsi que des produits américains de la part du gouvernement américain. Ce n'était pas une intention qui allait au-delà de cette situation possible qui pourrait être nécessaire, dans un cas ou un autre, pour profiter au maximum des bénéfices pour la société qui doit rester essentiellement une société québécoise. Parfait.

Le troisième élément - je ne sais pas si je les suis dans l'ordre établi lors de mon discours, mais ce n'est pas important - je vous avais demandé une clarification des directives qui définissent le secteur hydroélectrique, le secteur électromécanique et le secteur énergétique. Je pense qu'on s'entendait, premièrement, sur l'idée qu'il y aurait lieu probablement d'élargir les définitions qui sont actuellement en vigueur dans la directive, concernant l'électromécanique. Par contre, ce n'était pas du tout l'intention de l'élargir jusqu'à couvrir tous les aspects de l'énergie, comme c'était fait dans le document qui nous a été présenté. Comme vous le savez, ils en ont fait mention partout dans le plan de développement, du secteur de l'énergie.

Je pense qu'on a convenu que vous aviez l'intention de proposer un changement dans ces directives, un dépôt de directives et, comme prévu dans la loi, une commission parlementaire pour discuter et rendre parfaitement claires pour tout le monde les limites de la définition de ce troisième secteur prioritaire. À moins d'avis contraire, j'attends dans les 60 prochains jours la convocation de cette commission parlementaire. Est-ce que vous pouvez me dire...

M. Duhaime: Les prochains quoi?

M. Scowen: ...quand peut-on prévoir les directives et la convocation d'une commission parlementaire pour en discuter?

M. Duhaime: Si j'ai bien compris, vous avez parlé des 160 prochains jours?

M. Scowen: J'ai dit dans le prochain mois ou dans deux mois. Quand peut-on prévoir ces changements? C'est quand même un élément intégral du débat.

M. Duhaime: Si on tient pour acquis qu'aujourd'hui on est à peu près à la mi-janvier, à cause de la période de vacances parlementaires pour tout le monde, au cours du mois de février, je pense être en mesure de proposer un arrêté en conseil au Conseil des ministres, et ensuite, avec le leader du gouvernement, nous devrions être capables de trouver une date en février. Je n'ai pas d'idée quand l'Assemblée nationale sera convoquée à nouveau, mais cela pourrait faire partie des premiers travaux que nous pourrions entreprendre en commission. Ce sera ma recommandation d'aller vite.

M. Scowen: Merci. J'en viens maintenant aux deux changements que j'ai proposés, qui ont été adoptés par un changement du texte qui nous a été présenté. En ce qui concerne l'approvivionnement en pétrole, les deux changements que vous avez faits sont fort importants dans le contexte de votre déclaration et j'accepte qu'un plan de développement n'est pas un projet de loi et que ce n'est certainement pas une loi.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président. J'ai un appel téléphonique urgent. Me donnez-vous trente secondes? Je reviens tout de suite.

Le Président (M. Desbiens): Nous pouvons suspendre nos travaux pour une couple de minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise de la séance à 12 h 29)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.

Augmentation du capital-actions

M. Scowen: Merci. M. le ministre, j'étais en train de dire que les deux changements que vous avez faits, à notre demande, dans le texte du plan de développement sont fort importants, surtout dans le contexte de votre déclaration qu'un plan de développement n'est pas une loi.

J'ai dit que je voulais commencer par la question du pétrole, mais je pense que je vais plutôt commencer par l'autre, parce que c'est plus simple. Nous avons de sérieuses réserves quant à l'élargissement de l'activité de la SGF sans une étude approfondie et l'approbation de l'Assemblée nationale. Je

pense que ce principe a maintenant été accepté. Nous avions quand même, de notre part, accepté qu'on ne mette pas les administrateurs de cette société dans une espèce de "strait jacket". Ce sera peut-être une bonne idée de leur permettre de participer avec d'autres actionnaires à une activité qu'on appelle un investissement dans les sociétés à capital de risque. (12 h 30)

On a demandé aux administrateurs quelles étaient leurs intentions. Ils ont dit qu'ils n'avaient pas l'intention de dépasser un investissement de $3,000,000 pendant une période de cinq ans. On avait proposé que cette intention soit clairement inscrite dans le plan de développement. Vous avez accepté. Aujourd'hui, à la page 24, c'est là. Le changement est fait. Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que cet engagement est fondamental et ne peut pas être changé sans l'approbation de l'Assemblée nationale? Je pose la question. On n'a pas insisté pour que cette condition soit inscrite comme un article dans la loi. On aurait pu. On ne l'a pas fait. Mais dans mon esprit, M. le ministre, nous sommes en pleine évolution dans le développement du contrôle réaliste des sociétés d'État québécoises et je pense que la SGF est parmi les sociétés qui mènent dans cette direction. Ce qu'on a fait, ces dernières années, dans l'établissement de contrôles réalistes pour la SGF, je pense, peut servir d'exemple pour les autres sociétés d'État. Dans mon esprit, pour l'avenir, on doit penser, quant au contrôle des sociétés d'État à l'addition à leurs fonds de capital avec les fonds publics, que, sauf dans les cas d'urgence, les lois qui visent l'addition de capital et les plans de développement, qui forment la base de cette demande et la base même du débat à l'Assemblée nationale doivent être conçues comme un ensemble. Le gouvernement, soit le gouvernement péquiste, soit le gouvernement d'une autre formation politique, doit accepter que, sauf dans les cas d'urgence, il doit respecter le principe que dans un plan de développement les engagements qu'il a envers l'Assemblée nationale, quant à ses intentions et ses conditions, soient respectés et, sauf dans un cas d'urgence manifeste, il acceptera de ne pas changer d'une façon significative, les engagements qui sont dans le plan de développement à moins que la question ne soit débattue au cours d'une commission parlementaire.

Je ne veux pas prolonger cette intervention. C'est assez clair et assez important pour moi; autrement, cela voudrait dire que le document est simplement un document de bonnes intentions pour persuader l'Opposition d'adopter avec le moins de problèmes possible une loi et qu'on va l'oublier le lendemain de l'adoption. En effet, je pense que tout le monde doit accepter que ce document, le plan de développement, est un document vivant qui est la propriété de l'Assemblée nationale.

C'est pour ces raisons que cela ne doit pas être un document très détaillé. Comme le président lui-même l'a dit, ce résumé de 25 pages est un résumé des documents touchant chacune des sociétés. L'Assemblée nationale ne doit pas, à mon avis, toucher les sociétés qui relèvent directement de la SGF, sauf dans les cas d'urgence, comme on l'a vu, l'année dernière, dans le cas de Marine. C'est tout ce que je voulais dire sur les $3,000,000, mais je vais passer, dans le même esprit, très brièvement, à la question du prix du pétrole.

M. Duhaime: J'aimerais faire mes commentaires tout de suite sur ce point avant de prendre l'autre. Je préférerais cela, si vous n'avez pas d'objection, car je craindrais d'oublier des éléments.

M. Scowen: D'accord. Allez-y.

M. Duhaime: Je pense que vous comprenez très bien que le plan de développement n'est pas partie intégrante de la loi; vous le dites vous-même. Cependant, il faut, sur ce point précis de la société à capital de risque, dire trois choses. Le plan de développement qui est devant nous a été un document préparé par la SGF pendant de longs mois; il a été soumis au comité exécutif de la SGF et ensuite au conseil d'administration. Le plan que le gouvernement a adopté et retenu est le plan qui nous a été suggéré par le conseil d'administration de la SGF. Comme je l'ai évoqué bien brièvement à l'Assemblée nationale, il nous faut concilier deux principes qui sont les suivants: quelle est la marge d'autonomie réelle qu'un gouvernement consent à un conseil d'administration dans la gestion d'une société d'État? L'autre principe: jusqu'où va la responsabilité ministérielle dans les devoirs de tutelle d'un ministre qui répond d'une société d'État devant l'Assemblée nationale? Il est entendu qu'il faut, dans la pratique quotidienne et l'administration de la gestion d'ensemble d'une société d'État, tenter de concilier ces deux choses.

Lorsqu'un conseil d'administration d'une compagnie comme la SGF soumet au gouvernement un plan de développement, dans mon esprit, cela signifie que ce plan de développement va être respecté et qu'à chaque année, suivant l'arrêté en conseil du gouvernement, nous allons vérifier le suivi dans l'application de ce plan de développement. Il est entendu que, théoriquement parlant, vous pourriez avoir raison, c'est-à-dire que ce plan de développement peut être modifié, mais il

faudra de solides arguments pour modifier le plan en cours de route. La question d'une situation d'urgence pourrait être un argument, on fait essentiellement une hypothèse. Lorsque le conseil d'administration de la SGF me dit et que son président m'écrit - je vais vous remettre copie de cette correspondance - qu'au cours des cinq prochaines années, $3,000,000 seront investis sous forme de capital-actions dans la société à capital de risque à être créée, c'est la limitation qu'on introduit dans le plan de développement.

Je vous remets ici une lettre de M. Coulombe qui est très claire à mon point de vue et cela présuppose que si, pour une raison ou pour une autre, la Société générale de financement voulait, par hypothèse, plutôt que d'investir $3,000,000, investir $5,000,000 ou investir $10,000,000 dans cette nouvelle société à capital de risque qui sera créée, cela va commander, bien sûr, une nouvelle évaluation de l'argumentation, tant à l'intérieur de la SGF et à son conseil d'administration qu'au niveau du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, avant d'aller plus loin au Conseil des ministres, si besoin est.

Ce que je vous explique essentiellement, c'est que ce plan de développement n'est pas seulement un plan indicatif ou un plan d'intentions; c'est le programme des cinq prochaines années. Vous avez raison de souligner le fait que, théoriquement, une modification pourrait intervenir sans le consentement de l'Assemblée nationale dans l'état actuel de nos lois et de nos règlements. Cependant, il faut ajouter que, dans cette société à capital de risque, la SGF n'est pas seule actionnaire. Elle sera partenaire et le plan nous indique que ses investissements dans le capital-actions de cette société à capital de risque seront limités à 25%. Donc, 75% du capital-actions appartiendront à des partenaires du secteur privé, ce qui signifie qu'avant que la part de la SGF puisse être appelée à augmenter dans cette hypothèse, cela va laisser présupposer aussi que les partenaires vont suivre. Donc, une analyse financière de la situation, soit l'état d'urgence, etc., va être faite à ce niveau aussi.

Je vous avoue honnêtement que ces garanties quant à la capacité et à la solidité du conseil d'administration actuel de la SGF, le cheminement requis pour modifier le plan de développement à l'intérieur de la SGF et à l'intérieur du gouvernement, et l'implication de partenaires dans cette société à capital de risque me donnent toutes les garanties que, durant le déroulement de ce plan de cinq ans, on devrait être en mesure de respecter cette contrainte qu'on se donne nous-mêmes, mais cela n'exclut pas - et je pense qu'il n'y a rien comme de le dire clairement - compte tenu des circonstances qui pourraient se présenter durant les cinq prochaines années à un moment ou à un autre, qu'on puisse modifier le plan sans revenir devant l'Assemblée nationale.

Mais, connaissant votre intérêt dans ce dossier, l'intérêt de mes collègues du côté ministériel et de l'Opposition, je suis convaincu que, de toute manière, cela pourrait donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale soit à la période des questions, soit à un mini-débat, après notre journée de travail, à 22 heures, soit encore à un débat de trois heures que vous pourriez solliciter pour un vendredi, alors qu'on n'aurait aucune espèce d'hésitation à se rencontrer et à donner l'information. Mais si votre question va dans le sens que cette limitation de $3,000,000 dans le capital-actions, qui serait la part de la SGF dans une société à capital de risque, devra faire partie intégrante de la loi 14, j'aurai l'obligation de vous répondre par la négative, parce que je ne vois pas pourquoi nous aurions l'obligation de préparer une nouvelle loi pour modifier la loi 14 si, à tout hasard, nous avions à excéder de $100,000, $200,000, $500,000 ou $1,000,000 la part possible de la SGF dans cette société à capital de risque.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Le ministre a presque répondu à ma question. Pour que sa réponse soit la plus claire possible, je vais vous poser un postulat. Vous acceptez, d'après nos demandes, de vous engager, à ce que la société ne dépasse pas un investissement de $3,000,000. Supposons que, d'ici six mois, vous soyez devant une demande de la société d'investir plutôt $5,000,000 pour des raisons qui semblent, même à votre opinion, fort valables. À ce moment-là, vous avez au moins deux choix. Vous pouvez dire: Écoutez, cet engagement n'était pas inscrit dans la loi; quant au gouvernement, c'est une demande raisonnable, allez-y. Ou vous pouvez dire: Écoutez, cet engagement a été inscrit comme partie intégrante du plan de développement qui a été approuvé par l'Assemblée nationale au moment où le projet de loi lui-même a été approuvé. Nous avons l'obligation, M. le président de la SGF, avant de pouvoir modifier un engagement de cette nature, d'inviter l'Assemblée nationale à reconvoquer la commission parlementaire de l'industrie et du commerce pour que les raisons soient expliquées et qu'un vote soit pris sur la question, si nécessaire.

Ce sont deux options très précises et, dans mon esprit, c'est la deuxième qui est la plus conforme aux intentions sérieuses qu'on a manifestées jusqu'ici. Je veux simplement demander au ministre si nous sommes

d'accord sur ce point. (12 h 45)

M. Duhaime: Nous sommes d'accord sur une chose, c'est que ce plan de développement est fort sérieux, c'est évident. Mais le plan n'a pas à être approuvé par l'Assemblée nationale. Il n'a pas, non plus, à être approuvé par une commission parlementaire et nous allons au-delà de la loi, actuellement, en déposant en commission parlementaire, pour discussion, des plans de développement. Il s'agit essentiellement qu'on puisse voter une loi en toute connaissance de cause.

Mais si vous me demandez d'accepter -je me répète - qu'une modification sur ce point précis du plan de développement doive faire l'objet de directives et de discussions en commission parlementaire ou de modifications à la loi, je vous réponds par la négative, parce que ça impliquerait que toute modification en cours de route, pendant les cinq ans, sur l'ensemble de la problématique de développement, devrait subir la même procédure parlementaire. Ce qui nous ferait nous retrouver dans une situation non opérationnelle, à mon point de vue, pour ce qui est de la bonne marche d'une société d'État.

Je suis, cependant, très heureux de constater les demandes que formule aujourd'hui le député de Notre-Dame-de-Grâce à cet égard. Notre gouvernement est le premier à avoir exigé de la SGF un plan de développement. Pendant ses 18 ans d'existence, ni l'Union Nationale, ni le Parti libéral n'ont jamais demandé un plan de développement à la SGF, même pour être approuvé par le gouvernement de l'époque.

Ce que vous me demandez aujourd'hui, c'est non seulement que le plan soit approuvé par le gouvernement, mais qu'il soit aussi approuvé par l'Assemblée nationale. Ce retournement me réjouit, mais je pense que vous retournez trop loin. Qu'on se limite pour l'instant à dire qu'un plan de développement d'une société d'Etat est approuvé par un arrêté en conseil, par le gouvernement, après analyse et toutes les étapes du cheminement. Mais il n'y a pas un gouvernement qui va être capable d'avoir des administrateurs sérieux pour siéger à des conseils d'administration et qui vont prendre des responsabilités, comme individus et comme administrateurs des sociétés d'État, si c'est l'Assemblée nationale qui leur dit systématiquement quoi faire.

C'est pour ça, tantôt, que j'ai parlé de la marge normale d'autonomie d'une société d'État et c'est ça qu'il faut concilier avec la responsabilité ministérielle, la responsabilité du gouvernement. C'est pour ça que je ne peux vraiment pas me rallier à votre point de vue là-dessus.

M. Scowen: Si je comprends bien...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si vous le permettez, avant que vous interveniez, je vous rappelle que le mandat de la commission se termine à 13 heures et il reste 12 minutes. Vous aviez mentionné la possibilité que le député de Bellechasse puisse intervenir. C'est simplement un rappel. Il y a aussi M. le député de Richelieu qui a demandé de faire une intervention. Nous n'avons pas encore commencé l'étude article par article, alors...

M. Duhaime: Pour l'information des membres de la commission, M. le Président, j'ai reçu le billet suivant, en provenance des bureaux de l'Union Nationale: La position de l'Union Nationale a été exposée lors du discours de deuxième lecture. Elle est d'accord que nous procédions sans sa présence.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Quant à moi, M. le Président, nous avons étudié les articles du projet de loi et je pense qu'on peut l'adopter assez vite, après avoir réglé cette question et l'autre qui touche la pétrochimie. Je ne sais pas si le député de Richelieu a l'intention d'élargir le débat, mais, quant à nous, ça ne devrait pas tarder.

Pour être parfaitement clair, le ministre nous a dit: Nous acceptons votre demande de limiter, dans le plan de développement, l'investissement de la SGF, dans une société possible à capital de risque, à $3,000,000 durant une période de cinq ans. Et on a changé le document conformément à cette demande. Cependant, on se réserve le droit de ne pas respecter cet engagement dans le plan de développement durant cette période si, de l'avis du gouvernement, ce n'est pas conforme à nos intérêts, et on réserve le droit de le faire sans que la commission parlementaire concernée soit convoquée pour en expliquer la raison.

M. Duhaime: C'est exact.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Richelieu, mais auparavant, M. le député, vous n'êtes ni membre de la commission, ni intervenant; il faudrait un consentement des membres pour que vous puissiez intervenir. Y a-t-il consentement pour que M. le député de Richelieu puisse intervenir? Consentement. M. le député de Richelieu.

M. Martel: M. le Président, en lisant le journal, ce matin, je constate que le chantier Davie de Lauzon livre sa cinquième plateforme de forage d'une commande qui va lui rapporter $250,000,000 et que, de plus, il

innove en réparant, pour la première fois au Canada, un bateau de guerre américain. J'aimerais demander au ministre s'il y a des dispositions dans les lois actuelles qui permettent à Marine de s'associer ou bien de se concerter avec ce chantier de Lauzon, particulièrement au niveau de la mise en commun des ressources humaines, par exemple, afin que l'on puisse concurrencer le marché international dans le domaine de la construction navale. Est-ce que cela existe actuellement dans nos lois, ces dispositions?

M. Duhaime: II n'y a aucune contrainte législative qui empêcherait Marine de s'associer avec le chantier maritime de Davie, au contraire. Cette association se fait déjà, des contrats de sous-traitance existent de part et d'autre entre les deux chantiers maritimes, tant sur la réparation que sur la construction. Sauf erreur, il y a des discussions, qui sont amorcées et qui devraient réussir, qui font en sorte que les deux chantiers pourraient, au niveau de la sous-traitance, devenir partenaires si jamais le consortium de Scan Marine était retenu par le gouvernement fédéral pour le programme des frégates. Un autre élément où l'association entre les deux chantiers maritimes se fait ou se ferait, ce serait dans l'hypothèse où Marine pourrait obtenir un contrat de réparation d'un destroyer. Je dis bien réparation d'un destroyer parce que les journaux ce matin parlent de la construction d'un destroyer, ce qui est une autre question. On parle de la réparation d'un destroyer et, à ce moment, il pourrait y avoir des échanges non seulement de technologie, mais des échanges sur les sous-contrats. Je rappelle essentiellement qu'au chantier naval de Sorel nous aurions de la place aujourd'hui même pour recevoir un contrat de réparation d'un destroyer qui pourrait donner du travail immédiatement à 500 hommes pendant six mois, alors qu'une partie importante de la main-d'oeuvre à Sorel est immobilisée faute de décision du côté fédéral.

Mais à cause de la concurrence de plus en plus forte, non seulement sur les marchés internationaux, mais sur le marché nord-américain, le chantier maritime de Davie et le chantier de Marine Industrie seront appelés à travailler ensemble très étroitement, que ce soit sur des contrats de réparation de destroyers ou encore sur le contrat de construction des frégates. On peut prévoir que, si jamais la décision se prend par le gouvernement fédéral au niveau des frégates, on pourrait parler de l'horizon de 1987 pour le premier groupe et jusqu'en 1997 pour le reste.

M. Martel: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

L'approvisionnement en pétrole de Pétromont

M. Scowen: Je voudrais passer maintenant à ma dernière question concernant l'approvisionnement en pétrole. Comme vous le savez, notre demande que le postulat soit regardé de nouveau était basée sur la récente déclaration de M. Lalonde, le ministre de l'Énergie du gouvernement du Canada.

Une voix: C'est au fédéral, ça?

M. Scowen: Oui, c'est un Québécois qui fait partie de notre gouvernement national canadien. Il a annoncé dans un discours son intention de favoriser l'Ouest dans le développement de l'industrie pétrochimique. Il a dit également - je n'ai pas vu le texte de son discours - mais d'après les journaux, quelque chose dans le sens que la compagnie Pétromont - il a même spécifié la compagnie - ne doit pas compter sur du pétrole de l'extérieur du pays pour son approvisionnement dans l'avenir.

M. Duhaime: Je m'excuse, mais ce n'est pas du tout ça qu'il a dit.

M. Scowen: II a dit, si ma mémoire est bonne: Pétromont ne doit pas compter sur le pétrole étranger à prix favorable.

M. Duhaime: D'accord. Prix subventionné.

M. Scowen: Prix subventionné, d'accord. Le ministre a essayé de défendre la position de Pétromont en disant: Les quantités requises pour cette industrie, quand vous comparez avec l'ensemble de la production canadienne, ne sont pas très importantes. Alors, on ne doit pas se préoccuper de ce problème. Ce n'est pas la quantité qui est importante, c'est le prix. Dans ma voiture je n'ai besoin que de quinze gallons par semaine. Ce n'est pas important dans le contexte national, mais quand même je me trouve dans l'impossibilité d'obtenir un prix plus favorable que le prix du marché pour ma voiture. Même si les quantités sont minimales, je paie le prix.

J'aimerais demander au ministre s'il a parlé avec le président de Pétromont de cette déclaration parce que, si ma mémoire est bonne, le ministre a dit lui-même qu'il avait rencontré le président de Pétromont la journée même ou la veille de son discours. Le président de la SGF, très bien. Je veux savoir si le ministre a parlé avec le président de Pétromont, la personne qui, je présume, aura la plus grande compétence et la plus grande connaissance de cette question, et si on a des réactions jusqu'ici de la compagnie Pétromont quant à cette déclaration de M. Lalonde.

M. Duhaime: La déclaration de M. Lalonde est amusante à certains égards et elle est significative à d'autres égards. (13 heures)

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, si vous me permettez de vous interrompre, je pense qu'on va dépasser l'heure. Alors, je vais demander un consentement unanime pour dépasser de quelques minutes, si nécessaire.

M. Scowen: M. le Président, j'ai un deuxième volet à cette question. Après, quant à moi, je serai prêt à passer à l'étude article par article qui ne doit pas tarder.

Le Président (M. Desbiens): II y a consentement?

M. Scowen: C'est parfaitement acceptable, quant à moi.

Le Président (M. Desbiens): D'accord. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais répondre rapidement, M. le Président. Sur la dernière question. Est-ce que j'ai parlé au président de Pétromont, la réponse est non et je n'ai pas l'intention de lui parler, non plus, parce que ce n'est pas mon travail comme ministre de tutelle. C'est la Société générale de financement qui a la responsabilité de parler à ses filiales.

Quant au premier point de votre question, la déclaration de M. Lalonde - vous allez peut-être trouver mon qualificatif fort - j'appelle cela de la mesquinerie. Nous avons au Québec, pour une fois, mis sur pied un consortium avec des intérêts privés, sérieux et solides, qui s'appelle Union Carbide et Gulf qui, soit dit en passant, ne souscrivent pas souvent, pour ne pas dire jamais, à la caisse électorale de notre parti. Nous n'avons pas l'intention de rallier la déclaration de M. Lalonde qui dit que l'avenir de la pétrochimie est dans l'Ouest, voulant implicitement dire que ce ne sera pas à Montréal. Lorsqu'on demande 10,000 barils par jour sur une consommation quotidienne prévue de 1,700,000 barils par jour à l'horizon de 1990 et qu'on répond "niet" en partant, je dis que c'est de la mesquinerie. Ceci étant dit, vous êtes sans doute au courant que des complexes pétrochimiques qui produisent de l'éthylène, il y en a d'autres dans le monde qui opèrent à profit et qui s'approvisionnent au prix mondial.

Le deuxième élément que je voudrais tout simplement aborder, pour revenir à la correction que nous avons faite au plan, je pense que les gens qui sont chez Gulf, chez Union Carbide et à la SGF et qui sont présents comme actionnaires à part égale dans le consortium de Pétromont doivent être des gens qui s'y connaissent un peu en matière de pétrole et en matière de prix du pétrole. Je tiens pour acquis que, lorsqu'on mentionne que le prix des matières premières et des produits, c'est-à-dire du pétrole et du gaz naturel, doit demeurer à un niveau permettant la réalisation de l'expansion du consortium, c'est-à-dire la phase II, sur une base rentable, nous allons faire nos analyses sur des bases de rentabilité et que, s'il n'y a pas de rentabilité, il n'y aura pas de phase II.

Je voudrais peut-être poser une question à M. Lalonde par votre intermédiaire: La même politique va-t-elle s'appliquer partout au Canada, pour Petrosar, par exemple, qui, avec nos impôts, a établi en Ontario un complexe pétrochimique de taille mondiale, à Sarnia? Si le Québec fait toujours partie du Canada en 1990, je tiens pour acquis que la même politique va s'appliquer d'un océan à l'autre, comme on aime à le dire. Autrement, je serai obligé de dire que c'est une politique discriminatoire à l'endroit du Québec et, en particulier, à l'endroit de ce projet de Pétromont pour Montréal. Vous vous souviendrez sans aucun doute que, lors de nos discussions en commission parlementaire sur cette directive qui permettait à la SGF d'entrer dans la pétrochimie, nous avons longuement exposé le pourquoi de cette décision. L'impact sur l'économie de toute l'industrie qui est en aval de Pétromont est considérable au Québec. Nous l'avons compris et nous avons décidé de foncer.

Si M. Lalonde veut mettre aujourd'hui des bâtons dans les roues à ce projet, plutôt que d'y aller par détours, il devrait peut-être s'expliquer plus clairement. Et je pose la question: Est-ce la même politique qui va s'appliquer à travers tout le Canada pour ce qui est du "niet" quant au pétrole subventionné pour Montréal, dans l'hypothèse où le régime fédéral continue? Si le régime fédéral ne continue pas, je pense qu'à ce moment-là, raisonnablement, les calculs devront se faire sur la base du prix mondial ou du prix que nous pourrons négocier avec des partenaires dans un consortium semblable ou autrement. Mais le critère de fond, c'est la rentabilité du projet.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je suis légèrement plus inquiet après les réponses du ministre qu'avant. Je ne sais pas jusqu'à quel point je dois le prendre au sérieux. Ce réflexe pavlovien de tous les ministres péquistes de réagir d'une façon négative contre toute démarche, toute déclaration, toute action du gouvernement fédéral est le fruit d'une méfiance envers le système fédéral, bien sûr,

on le sait déjà, mais c'est aussi la cause de beaucoup de malentendus qui existent aujourd'hui. Par exemple, le ministre vient de me poser une question quant aux intentions de M. Lalonde, ministre fédéral. Moi, je suis persuadé que, si on avait un gouvernement fédéraliste au Québec aujourd'hui, cette question n'aurait pas été posée. Le ministre concerné aurait parlé d'une façon intime et en pleine collaboration avec le ministre fédéral et ou bien la déclaration qui a été faite par le ministre n'aurait pas été faite, ou bien le ministre québécois concerné aurait eu la réponse aux questions qu'il a été obligé de poser aujourd'hui aux membres de l'Opposition. C'est décevant, toute cette confrontation, cet esprit de confrontation qui existe et qui a existé depuis quatre ans. J'espère que cela sera réglé bientôt pour que tout le monde puisse recommencer une vie économique, ici au Québec, dans un esprit de collaboration plutôt que dans un esprit de confrontation.

Mais, pour revenir au point spécifique, on nous demande notre approbation pour investir $50,000,000 de fonds publics dans l'agrandissement d'un complexe pétrochimique au Québec. Ceux qui ont suivi les débats sur la société SOQUIP ces dernières semaines sont conscients que le Québec, malgré les richesses énormes que nous avons, n'a pas de pétrole, ni de gaz naturel. Nous sommes obligés de poser la question avant de voter $50,000,000 pour un complexe pétrochimique qui va, par définition, avoir la nécessité de s'approvisionner d'un produit qui n'existe pas comme tel au Québec. Nous serons obligés de transformer les richesses naturelles des autres provinces ou des autres pays. Ces provinces et pays ont certainement les mêmes intérêts que nous de transformer leurs propres richesses naturelles. Nous avons l'obligation, je pense, de demander le plus de précisions possible quant à la possibilité de nous approvisionner d'une façon rentable.

On est rassuré dans ce projet - et je le dis tout de suite - par le fait que nous avons deux partenaires du secteur privé qui ont des exigences de rentabilité à court terme, et même à long terme, qui sont beaucoup plus sévères que celles d'une société d'État. Je pense que l'histoire a prouvé que c'est le cas. Ce n'est pas quelque chose qui est seulement causé par la présence du Parti québécois au pouvoir. Cela a toujours été le cas. Une société d'État peut se permettre d'accumuler des pertes pendant une période beaucoup plus longue qu'une société privée, parce que les sources de fonds proviennent d'endroits différents. Alors, on est rassuré surtout par ce fait et, de plus, je veux dire que je suis rassuré par le changement que le ministre a accepté de faire dans le postulat à la page 6. En effet, nous avons l'intention de l'accepter pleinement. Un dernier point que je veux soulever, c'est qu'en effet c'est sur ce postulat que la société, si je comprends bien, a basé les critères de rentabilité qu'il a développés. Si je comprends, les hypothèses ou le postulat était inscrit dans le document pour aller en parallèle avec les critères de rentabilité. C'est un aspect de la question. Mais il est juste quand même, comme le ministre l'a dit au début de sa déclaration ce matin, que les questions que le projet de loi comme tel soulève, ne sont pas liées par le document. Tout ce que je voulais faire ce matin, c'était avoir un peu d'éclaircissements quant à la situation actuelle en ce qui concerne l'approvisionnement en pétrole. On est rassuré - je le répète - par le fait que l'agrandissement de l'usine sera effectué seulement si les trois partenaires, dont deux sont du secteur privé, sont d'accord.

Mes intentions ce matin étaient surtout de comprendre si le ministre lui-même avait une connaissance un peu plus large que celle qu'il a démontrée en deuxième lecture de la situation présente et future de l'approvisionnement en pétrole et une connaissance un peu plus grande des intentions réelles du gouvernement fédéral. Il a démontré, dans sa réponse, malheureusement, que son ignorance dans ce domaine était au même niveau que son ignorance et son manque d'intérêt dans l'autre dossier fédéral que j'avais l'occasion de soulever récemment concernant un avion de chasse.

Peut-être que cette petite discussion aujourd'hui aura pour effet de le réveiller dans le domaine de l'approvisionnement en pétrole de la même façon que nos activités récentes dans l'autre domaine. Si c'est le cas, j'en serai fort heureux. Tout ce qu'on peut faire pour soulever un intérêt accru du ministre dans les affaires qui le touchent directement et le persuader d'arrêter de faire une confrontation perpétuelle avec l'autre gouvernement des Québécois sera bon non seulement pour nos discussions ici, mais pour la population.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'ai l'habitude d'avoir un tempérament fort calme, mais ce que je viens d'entendre à la fin de votre intervention gâche passablement ce que j'ai entendu au début et au milieu. Permettez-moi de qualifier de proprement insultants les derniers propos que vous venez de tenir.

Je n'ai pas l'intention d'entretenir des intimités particulières ni avec M. Lalonde, ni avec personne. Si vous êtes capable de m'indiquer ce qu'il y a de positif dans la déclaration de M. Lalonde en ce concerne le complexe de Pétromont, je suis prêt à vous écouter. Je voudrais simplement vous

indiquer que nous ne savons pas ce que sera le prix du pétrole albertain en 1982, en 1983, en 1985 ou en 1990, et vous non plus. Nous ne connaissons pas quel sera le prix du pétrole mondial en 1982, ni en 1983, peut-être même pas pour l'année 1981 - il vient d'augmenter encore de $2 le baril - ni pour 1990, vous non plus et le gouvernement fédéral non plus. (13 h 15)

Vous me demandez si je suis au courant des intentions réelles du gouvernement fédéral; je vous dis que je ne suis pas au courant des intentions réelles du gouvernement fédéral. Je suis obligé de faire comme tout le monde, incluant le gouvernement de l'Alberta, le gouvernement de la Colombie-Britannique, le gouvernement de Terre-Neuve, le Parti libéral du Québec, et attendre que le contentieux que vous devez sans doute connaître - je tiens pour acquis que vous le connaissez; je ne vous traiterai pas d'ignorant, mais je peux vous dire que vous avez un grand culot - entre le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement canadien qui veut mettre la main sur le pétrole albertain, soit réglé. Quand vous écoutez parler un ministre fédéral, il vous parle du pétrole canadien. Dans mon esprit, le pétrole canadien, cela n'existe pas. Il y a du pétrole albertain, il y a du pétrole terre-neuvien, possiblement. Au Québec, on n'en a pas, c'est vrai, mais n'essayons pas de prendre des décisions à partir d'hypothèses et d'extrapolations sur une thèse futuriste, à l'horizon de 1982, 1983 ou 1990.

Vous m'avez demandé de modifier un postulat à la page 6 du plan pour élargir le débat, en quelque sorte, et tenir compte du fait que ce n'est pas si sûr que cela que Pétromont pourra s'apprivisionner au prix courant, à l'heure actuelle, et même au prix subventionné, à cause du contexte politique que vous connaissez aussi bien que moi. C'est pour cela que j'accepte d'emblée qu'avec nos partenaires dans Pétromont, lorsque viendra le moment de décider si on va de l'avant avec la phase II, nous allons retenir une considération, c'est-à-dire la rentabilité, en tenant compte du coût des matières premières qui existera à ce moment-là. Si l'affaire est rentable, nous irons de l'avant et, si l'affaire n'est pas rentable, nous n'irons pas de l'avant. Point.

Le Président (M. Desbiens): Nous allons maintenant procéder à l'étude du projet de loi article par article. Article 1?

Est-ce qu'il y a des remarques?

Étude article par article

M. Scowen: C'est quoi ces $65,000,000? Est-ce qu'il y a une raison particulière pour ces chiffres?

M. Duhaime: Le fonds social autorisé de la société à l'heure actuelle est de $200,000,000. Il reste au trésor de la SGF, en capital-actions non émis, environ $37,000,000. En augmentant le capital-actions autorisé de $65,000,000, vous additionnez ensuite $37,000,000 plus $65,000,000, ce qui va vous donner $102,000,000 qui vont constituer le nouveau trésor de la Société générale de financement, ce qui va lui permettre d'émettre ces actions.

M. Scowen: II ne restera plus de marge?

M. Duhaime: C'est exact. Si nous les émettons au complet.

Le Président (M. Desbiens): Article 1, adopté?

Article 1, adopté. Article 2?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Article 2, adopté. Article 3?

M. Martel: Un instant.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Richelieu.

M. Martel: M. le Présidant, à la suite de l'article 3 où il est dit que "le gouvernement détermine la forme et la teneur du plan de développement ainsi que l'époque à laquelle celui-ci doit être présenté", y aurait-il possibilité d'apporter un amendement qui dirait simplement: "y compris le maintien de la division navale de la filiale Marine Industrie"?

Le Président (M. Desbiens): Voulez-vous m'apporter la copie de l'amendement, s'il vous plaît? M. le député de Richelieu, à l'ordre, s'il vous plaît. C'est pour moi l'amendement, si vous voulez que je le lise.

L'amendement serait le suivant: à l'article 3.15.1, le deuxième paragraphe se lirait comme suit: "Le gouvernement détermine la forme et la teneur du plan de développement, ainsi que l'époque à laquelle celui-ci doit être présenté, y compris le maintien de la division navale de la filiale de Marine Industrie."

M. Duhaime: Sur la recevabilité de l'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la recevabilité.

M. Duhaime: Je connais, bien sûr, l'intérêt prononcé et marqué que porte le député de Richelieu à tout ce qui touche le

chantier maritime de Sorel. Il est avantagé par la nature puisque son comté est aux abords du fleuve Saint-Laurent; je n'ai pas le même avantage dans mon comté. Je dois dire, M. le Président, que vous ne pouvez recevoir cet amendement parce qu'il touche directement une des filiales de la Société générale de financement et que le projet de loi porte sur la Société générale de financement elle-même.

Je ne vois pas comment on pourrait, dans un projet de loi qui apporte des modifications à la structure du capital-actions de la Société générale de financement, à cet article 3 qui touche également l'obligation pour la SGF de faire approuver chaque année par le gouvernement son plan de développement, parler des opérations d'une filiale comme telle. On sait qu'il y a 23 corporations reliées directement ou indirectement au "holding" SGF. Si nous allons dans cette voie, nous pourrons tantôt recevoir un amendement d'un autre membre de cette commission au sujet de Forano, au sujet de Volcano, au sujet de Pétromont, au sujet d'Artopex, au sujet de Cegelec, au sujet de Donohue (Saint-Félicien), au sujet de Dohonue-Perron et que sais-je encore!

J'aimerais bien pouvoir installer un monument de bronze en face des chantiers maritimes à Sorel et pouvoir y inscrire: Ces chantiers demeureront en opération pour l'éternité, mais pas dans une loi. M. le Président, je pense que vous ne pouvez recevoir cet amendement.

M. Martel: Avec ce projet de loi que je trouve extrêmement important pour la SGF et ses filiales, y compris Marine Industrie, on n'a vraiment pas l'intention, nous, dans Richelieu, de se faire passer un bateau. Je comprends les objections du ministre compte tenu de ses filiales de la SGF, mais j'aimerais savoir de sa part, d'une façon officielle parce que ce sera inscrit au journal des Débats, au sujet de Marine qui comprend trois divisions - une divisioin hydroélectrique où on fait des turbines-alternateurs, une division des wagons et ces deux dernières fonctionnent très bien - s'il a toujours l'intention de maintenir le fonctionnement de la division navale et de lui apporter, évidemment, les outils nécessaires pour qu'elle puisse faire comme l'entreprise privée avec cette division navale, comme Davie, que je citais tout à l'heure, qui fait des plates-formes de forage et d'autres chantiers maritimes où on fait, par exemple, des usines flottantes, etc. J'aimerais avoir la confirmation du ministre que cette division navale de Marine Industrie, qui fait que grâce à une main-d'oeuvre qualifiée Marine est considérée comme le sixième meilleur chantier au monde, restera ouverte et qu'on fera tout en notre possible pour occuper cette main-d'oeuvre, comme cela se fait dans les autres chantiers.

M. Duhaime: II va me faire plaisir de répondre à mon collègue de Richelieu, M. le Président, mais je voudrais, avant de le faire, disposer de l'amendement.

Le Président (M. Desbiens): Oui, cela ne regarde pas la recevabilité. Est-ce qu'il y a d'autres remarques sur la recevabilité de la motion comme telle? Si vous me le permettez, nous allons suspendre deux minutes.

M. Duhaime: À moins qu'il n'y ait un retrait de la motion d'amendement. Cela faciliterait la tâche de notre président et on éviterait un délibéré, sans anticiper pour autant sa décision.

M. Martel: Moi, je suis bien d'accord si ça peut accélérer les travaux de la commission parlementaire.

M. Duhaime: Ou bien je peux répondre avant à votre question.

Le Président (M. Desbiens): Non, je regrette, mais il faut disposer de la motion.

M. Martel: D'accord, mais je compte bien que le ministre réponde favorablement à ma question par la suite. Je la retire à cette condition.

Le Président (M. Desbiens): Que vous la retiriez ou que vous ne la retiriez pas, il n'y a pas de conditions à poser.

M. Martel: Je la retire.

Le Président (M. Desbiens): La motion du député de Richelieu est retirée.

Je comprends que vous avez une réponse à donner au député, M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, M. le Président, il n'y a rien comme de le dire trois fois. Lors des travaux de cette commission parlementaire, avant le débat de deuxième lecture, il a été question de la division navale de Marine, il en a été question lors du débat de deuxième lecture à l'Assemblée nationale et je répète ici, pour la troisième fois, que nous avons la ferme intention de maintenir les opérations à la division navale de Marine, dans la mesure où nous aurons en main des contrats qui feront que les opérations du chantier maritime se feront sur des bases de rentabilité acceptables.

J'ajoute également que nous travaillons d'arrache-pied pour accélérer les travaux de reconversion dans la division navale, dans l'attente que nous puissions faire retenir des propositions ou des soumissions que nous avons faites. Je mentionne nommément la

construction d'une cale sèche pour la Nouvelle-Écosse, un contrat de $43,000,000 pour lequel nous sommes soumissionnaires. J'ai parlé au ministre de l'Industrie et du Commerce de la Nouvelle-Ecosse récemment et la décision devrait se prendre dans les prochains mois.

Deuxième chose, j'ai indiqué tout à l'heure que nous sommes partenaires avec Pratt & Whitney dans le consortium Scan Marine pour le contrat des frégates.

Troisième élément, nous sommes disposés, aujourd'hui même, à recevoir un contrat de réparation pour un destroyer de la marine de guerre du Canada. Je dis un destroyer, parce que notre marine n'a pas de porte-avions, comme vous le savez.

Quatrième élément, nous allons continuer à investir, et nous pourrons le faire d'autant plus que, pour la première fois dans l'histoire de la Société générale de financement, nous allons injecter $40,000,000 sur cinq ans dans la recherche et le développement, ce qui devrait nous permettre de déboucher sur des projets innovateurs. Est-ce qu'on va construire à Sorel, dans quelques années, des usines flottantes qui partiront ensuite pour l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie ou l'Océanie? Je ne peux vous le confirmer aujourd'hui. Est-ce que nous travaillerons avec Davie et que nous pourrons ouvrir un autre secteur manufacturier qui pourrait être traité à Marine même, dans le chantier maritime? Vous avez fait alllusion, vous-même, M. le député de Richelieu, dans votre question, aux plates-formes de forage. Nous pouvons envisager sérieusement l'hypothèse de contrats de sous-traitance avec Davie, mais je vous rappelle que ce procédé de fabrication des plaques de forage appartient à Davie.

Je pense répondre le plus clairement qu'il m'est possible de le faire à la question du député de Richelieu. Ce que je voudrais éviter, c'est que nous nous lancions dans la construction de bateaux non vendus ou mal vendus au moment où les travaux commencent et que je me retrouve avec six autres bateaux grecs sur les bras, qu'on a dû faire flotter sur toutes les mers du monde pendant presque un an et demi avant de pouvoir les vendre à Trikora Lloyd pour une partie et à un groupe hollando-indonésien pour l'autre partie. Dans ces bateaux, le gouvernement du Québec avait dû engager sa garantie jusqu'à concurrence de $90,000,000 américains. Ce genre d'aventure avec la flotte ne se répétera plus, pour autant que je suis concerné. Mais, avec des contrats qui nous donnent une rentabilité, nous allons foncer, réembaucher notre main-d'oeuvre et, si possible, retrouver un niveau déjà connu, à Sorel, dans les chantiers maritimes. (13 h 30)

Le Président (M. Desbiens): Article 3 adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Article 4? Adopté. Le préambule de la loi sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le projet de loi no 14 est donc adopté. Je prie le rapporteur désigné de faire rapport en ce sens à l'Assemblée nationale, au nom de notre commission et je remercie chacun des membres de son excellente collaboration.

(Fin de la séance à 13 h 31)

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