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Commission permanente
de l'industrie et du commerce,
du tourisme, de la chasse et de la pêche
Projet de loi no 277 Loi concernant le commerce du
pain
Séance du jeudi 1er mars 1973
(Dix heures cinquante-six minutes)
M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre
messieurs!
Si vous n'avez pas objection, nous allons commencer. M. Ostiguy remplace
M. Carpentier, M. Shanks remplace M. Lacroix, M. Demers remplace M. Russell, M.
Pearson remplace M. Simard. M. Tétrault est sur la liste.
M. TETRAULT: Très bien, je m'excuse.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Pour commencer, nous allons donner la parole
à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Saint-Pierre.
Remarques préliminaires
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il m'apparaît opportun,
avant de commencer les séances et d'entendre les représentations
des groupes concernés, de bien situer la démarche du gouvernement
vis-à-vis du prix du pain. Si nous avons décidé
d'intervenir par une loi, c'est que nous croyons réellement qu'il y a
problème. En tentant d'identifier un problème et de le
régler, nous n'avons pas à l'esprit des groupes particuliers, que
ce soient les boulangers, les intérêts des distributeurs ou les
intérêts des consomma; teurs, c'est plutôt pour tenter de
régler une situation qui nous parait malsaine.
Cette situation malsaine vient du fait que nous assistons et je
vous en donnerai tantôt les preuves dans certaines régions
du Québec et peut-être d'une façon temporaire, mais d'une
façon qui persiste comme phénomène, à une forme de
"dumping" sur les marchés intérieurs. C'est une forme de
"dumping" dont les effets sont, d'une part, pour ceux qui doivent subir cette
forme de "dumping" c'est-à-dire vendre un produit à des
coûts inférieurs à des coûts de production de
mettre en cause, d'une part, des boulangers qui n'ont comme unique façon
de subsistance que la vente du pain et, d'autre part, des chaînes de
distribution. Là, je suis très prudent. Je dis que les coupables
dans ces pratiques qui nous semblent malhonnêtes dansle
contexte de la libre entreprise ne sont sûrement pas ceux qui sont ici.
Cependant, dès que quelqu'un commet le geste coupable d'offrir le pain
à un prix ridicule de $0.09 le pain de 24 onces, la chaîne de
distribution n'a souvent pas de choix pour garder au moins sa
clientèle.
Je pense que, dans le mémoire d'un groupe ce matin, on nous dira
que jamais on n'en a pris l'initiative, mais qu'on a été
forcé de suivre ces pratiques que nous calculons non pas
malhonnêtes, mais non saines à la vente du pain. On dira que,
finalement, dans ce processus, les chaînes de distribution des
épiciers, qu'ils soient petits ou gros, ont d'autres moyens de combler
ces pertes évidentes au niveau de la vente du pain, alors que le
boulanger qui ne vend qu'à peu près ce produit-là n'a
aucune façon d'encaisser ces pertes.
Je tiendrais à préciser que ce n'est pas l'intention du
gouvernement d'arrêter la diminution du nombre de boulangers. On donnera
des statistiques pour montrer qu'il y a un phénomène
inquiétant de la disparition du nombre de boulangers. Pour nous, le
nombre de boulangers ne peut pas être un objectif absolu. D'ailleurs, il
y a des efforts du gouvernement dans le moment pour créer des fusions
d'entreprises et, bien sûr, ces fusions entraînent une diminution
du nombre de boulangeries.
Pour nous, notre inquiétude, tant vis-à-vis du facteur, du
secteur de production du pain que du facteur de distribution du pain, que ce
soient les boulangers eux-mêmes ou les chaînes de distribution et
du niveau du consommateur, à ces trois niveaux, nous tentons, par ce
projet de loi, d'avoir des pratiques qui seraient plus saines, à long
terme, pour les trois groupes concernés.
J'aimerais également signaler, pour ne pas créer de
confusion, qu'il ne s'agit pas de fixer le prix du pain. Il s'agit de fixer un
prix minimum, un plancher au-delà duquel il ne sera pas possible de
vendre le pain blanc suivant les dispositions de la loi. Donc, on ne peut pas
tirer un parallèle parfait avec d'autres formes de législation.
On pense en particulier à la vente du lait, où on fixe le prix du
lait suivant des critères donnés. Notre intention, telle
qu'exprimée d'ailleurs dans le projet de loi, est de fixer un prix qui
correspondrait à une production efficace, optimale, mais qui ne serait
pas un prix sursoufflé. Ce n'est pas la même chose que le prix du
lait. Dans notre esprit, nous tenterions de définir les coûts
minimaux de production et nous dirions qu'à chaque fois que le prix au
consommateur baisse plus bas que ce prix, effectivement, on assiste à
une forme de "dumping" intérieur qui est néfaste pour les
producteurs, pour les distributeurs les mémoires l'indiquent
et pour le consommateur aussi, à long terme.
D'ailleurs, j'ai demandé aux services de mon ministère de
préparer une évolution des prix, actuellement, au Québec
et dans l'Amérique du Nord, et on se rend compte de
phénomènes très inquiétants à long terme, en
particulier du fait que, dans plusieurs autres endroits, le même
phénomène, qui a lieu au Québec, s'est
répété il y a cinq ou dix ans. On assiste alors à
des prix extrêmement élevés qui me semblent,
personnellement, difficiles à expliquer. Peut-être que
les représentants, tant des boulangeries que des autres groupes,
pourront nous le dire. Je voudrais également mentionner que cette loi
n'est pas la seule mesure que le gouvernement met de l'avant pour régler
les problèmes des boulangers. Il y a plusieurs autres mesures qui ont
été définies dans le rapport Tessier. Il y a certaines
mesures qui sont déjà mises de l'avant. Nous nous attendons, au
cours des prochains mois, à voir plusieurs projets de fusion de
boulangeries et, tant les services de la petite et de la moyenne entreprise du
ministère que les services pertinents de la Société de
développement industriel par les programmes 2-b, ont
énormément de demandes pour la fusion d'entreprises. Nous avons
aussi, au niveau de la gestion de la petite entreprise et au niveau des efforts
de rationalisation et de régionalisation, fait des gestes concrets dans
certaines régions.
Nous avons fait voir aux boulangers l'avantage pour eux de rationaliser
la production, de ne pas avoir dans la même localité cinq
boulangers qui tentent de faire une petite quantité de pain
spécialisé mais de partager ces formes de production, d'avoir des
échanges de production pour avoir un meilleur coût de leur part,
un meilleur coût qui se traduit chez le consommateur mais qui leur permet
également de survivre.
Il y a eu également des efforts au niveau de la gestion des
entreprises pour tenter de déceler comment pourrait s'améliorer
l'administration de l'entreprise. Je veux simplement dire que le projet de loi
n'est pas une panacée en soi; ce n'est pas la seule mesure, nous
reconnaissons qu'il y a d'autres actions qui doivent être prises.
M. le Président, après ces brefs commentaires du
départ, j'aimerais donc déposer deux rapports pour l'avantage de
toute la commission. Par après, dans l'esprit que j'avais indiqué
avant les Fêtes, nous écouterons des organismes directement
concernés par le problème. S'il y a un faux problème et
qu'on réussit à nous en convaincre, le gouvernement
n'hésitera pas à plier bagages, mais je pense personnellement
qu'il y a un réel problème et je suis heureux de voir ici les
organismes qui ont bien voulu se faire entendre.
Je dépose donc devant la commission deux rapports. Le premier
touche à l'évolution du nombre de boulangeries au Canada, par
provinces, de 1961 à 1970 et indique la population desservie par chaque
boulangerie et l'évolution en pourcentage de ceci. Le deuxième
rapport, plus volumineux celui-là, et quand même simple. C'est un
relevé des prix en vigueur du pain blanc enveloppé tranché
non seulement aux Etats-Unis, au Québec et au Canada, en moyenne et en
évolution, mais également dans différentes villes de la
province au moment où on se parle. Je tiens à signaler qu'il est
très difficile d'avoir des statistiques rigoureusement scientifiques,
mais je peux vous assurer que le document ne vise pas à prouver une
thèse en particulier mais à donner une information qui serait
difficile à obtenir pour les parlementaires.
Je signale à la dernière page du document qu'on voit les
prix comparatifs au 23 février 1973. On constate que, dans le moment, le
pain se vend à Granby quatorze cents pour le pain de 24 onces, il se
vend à Shebrooke quinze à 18 cents et dans la banlieue de
Québec seize cents, à côté, nous avons les prix
correspondants des boulangers. Le point qu'on détermine simplement,
c'est qu'il y a un abus; le commerce du pain ne semble pas se faire dans des
conditions saines et à long terme, à la fois pour les
producteurs, les distributeurs et surtout les consommateurs, et l'exemple qu'on
voit dans les autres pays donne les résultats que nous constatons.
On me signale une petite erreur sur les documents que l'on voulait
récents. Dans le tableau II, je vous demanderais d'enlever la moyenne du
Québec et de corriger "la moyenne absolue du Québec" à
$0.19 et non $0.176.
C'est tout, M. le Président, je ne sais pas si l'on peut...
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Maurice.
M. DEMERS: M. le Président, je crois que le ministre a
cerné le problème d'une façon assez claire et assez
évidente. Je ne peux ajouter d'arguments militant en faveur d'une
amélioration des conditions qui sont faites à cette industrie de
la fabrication du pain.
Depuis déjà quelques années, on crie partout; les
gens qui vivent de cette industrie sont aux prises avec une situation on ne
peut plus sérieuse. Ce matin, à la commission, des corps
intéressés viennent mettre en évidence les faiblesses et
les misères de leur commerce et de leur industrie et ils veulent de
toute façon obtenir une solution ou un embryon de solution à un
problème très aigu dans leur cas.
Avant l'ajournement de la période des Fêtes, le projet de
loi 277 nous avait été amené en Chambre pour adoption. A
l'époque, nous avons demandé au ministre, qui s'est plié
à nos désirs, de bien vouloir le référer à
la commission afin que les corps intéressés puissent venir nous
soumettre et leurs griefs et leurs recommandations. Je pense que le geste que
nous avons posé à l'époque rendra service,
éclairera tous les gens et sera de nature à bonifier une loi qui
a certainement des faiblesses à cause des précédents
qu'elle crée.
Je n'ai pas de résolution, de motion à faire mais, j'ai
quelques remarques à faire au ministre et j'espère que les gens
qui ont des mémoires pourront les étudier avec
sérieux.
A l'article 2, on demande de plafonner le prix, d'établir un
prix.
Je suis d'avis qu'il y a une faiblesse assez évidente qui peut
amener des complications dans tout le domaine de l'industrie. La Régie
des marchés agricoles a plafonné, en 1966, a
contrôlé et a fixé le prix minimal de la vente du lait.
Depuis cette date, je crois qu'il y a eu une
quinzaine d'augmentations. Au début, la pinte de lait
coûtait $0.18 ou $0.19; aujourd'hui, elle a plus que triplé son
prix. On doit la payer, aujourd'hui, $0.35 la pinte ou $0.37. Aujourd'hui, les
producteurs et les distributeurs de lait demandent $0.36. Je pense qu'on
devrait, pour empêcher cet état de choses, fixer ou interdire, de
toute façon, la vente à rabais du pain, interdire qu'on puisse
manipuler le pain comme un "best leader". Qu'on passe une loi, qu'on fixe cet
état de choses et qu'on l'interdise dans la province. Le jour où
l'Etat commence à fixer, à établir des minimums de vente
on l'a pour le lait, on l'aura pour le pain, on l'aura pour le beurre,
on l'aura pour l'essence, on l'aura pour tout et tout à chaque
année, le gouvernement et la régie il faudra en venir
là, je pense seront obligés, seront astreints à
recevoir les boulangers, les consommateurs pour faire une bonne chicane, une
bonne discussion à ce sujet.
Il ne faudrait pas élever le prix moyen du pain comme celui du
lait. Ce matin, dans un journal de Montréal, on nous dit qu'avec la
facilité, le contrôle qu'exercent les grosses industries, les gros
magasins, comme les chaînes Steinberg et autres, ça ferait un
surplus, par année, de $1 million pour une de ces chaînes. C'est
assez appréciable.
Ce que nous suggérons, c'est qu'on donne un fonds d'aide à
l'industrie d'environ $4 millions, globalement, pour fusionner ce qu'il y a de
trop petit pour que ce soit rentable, pour racheter les circuits, les "runs" de
pain, pour moderniser l'équipement et pour rendre les
spécialisations rentables.
Il y aurait, d'après les chiffres qui nous sont fournis et les
enquêtes que notre parti a faites, 125 à 150 boulangeries
impliquées et ça permettrait de redistribuer à ces gens,
pour rendre leur industrie rentable, $25,000 à $30,000 pour chaque
industrie. On pourrait créer un comité consultatif formé
des représentants de la petite et de la moyenne industrie. Les corps
intéressés qui sont ici ce matin pourraient en faire partie, avec
une participation gouvernementale.
Evidemment, il resterait à roder ce comité consultatif
pour qu'il atteigne une certaine ou une grande efficacité et ces gens
recevraient les griefs. On pourrait, de cette façon, protéger le
consommateur parce que, si on fixe un minimum, le consommateur est astreint
à toujours payer ce prix-là comme minimum.
Si on interdit les ventes, "the best leader" on a des appartenances avec
"loss" ils vont en perdre plus qu'ils ne vont en gagner... Je remercie
le député de Beauharnois. Si on interdit, de façon
définitive, ce que la loi peut prévoir, on n'atteint pas
exactement le but, C'est une remarque générale que je fais au
début de la séance et, tantôt, nous pourrons soumettre,
avec chiffres en main et explications fournies, si ça intéresse
la commission et si ça intéresse les gens qui sont devant nous.
Nous ne sommes pas ici pour combattre ce qu'ils nous demandent. Nous sommes ici
pour trouver ensemble la meilleure des solutions afin d'obtenir le maximum
d'efficacité et régler, à la satisfaction des petits, des
moyens et des gros producteurs, d'une part, et du consommateur d'autre part,
une situation qui brime tout le monde actuellement et qui ne rend service
à personne.
Ce sont, M. le Président, les quelques remarques que j'avais
à faire. Tantôt, lorsque nous aurons entendu les mémoires,
après avoir questionné les gens, nous pourrons modifier notre
position. Mais, actuellement, c'est ce que j'envisage comme solution au gros du
problème.
M. JORON: Je serais tenté de faire comme le député
de Saint-Maurice et porter un jugement sur la valeur intrinsèque du
projet de loi. Je n'ai pas l'intention de le faire maintenant, bien qu'à
première vue, avant quand même d'avoir entendu les
témoignages, je serais pas mal porté à penser comme le
député de Saint-Maurice. Néanmoins, je m'abstiendrai de
prendre, au nom de mon parti, une position définitive parce que, comme
le ministre le soulignait tout à l'heure...
M. DEMERS: J'invoque le règlement. C'est simplement une remarque.
Je ne voudrais pas qu'il entre dans l'esprit des gens que notre position est
gelée et précisée...
M. JORON: Oui.
M. DEMERS: ... d'une façon irréductible et
irréversible.
M. JORON: D'accord.
M. DEMERS: Nous avons le projet de loi depuis plusieurs mois, plusieurs
semaines. Nous l'avons fouillé. Avec le texte qui nous est
présenté, c'est une position que nous envisageons. Cela ne
signifie pas que lorsque nous aurons entendu...
M. JORON: C'est cela.
M. DEMERS: ... les remarques de ces gens... Je ne voudrais pas que nous
passions pour des gens qui ont tout réglé avant d'avoir
écouté.
M. JORON: D'accord. C'est ce que j'allais dire, d'autant plus que le
ministre lui-même soulignait au départ que, possiblement, à
la suite de la discussion d'aujourd'hui, il pourrait y avoir une modification
du projet de loi. Parce que le but de la commission est d'entendre les
témoignages qui nous seront présentés ce matin, de
façon à aider le législateur à se faire une
idée. Nous ne sommes donc pas pour prendre position d'avance. Cela
serait détruire le but même de cette commission. Je dis,
cependant, que la façon dont j'aborde cette discussion est la suivante.
Au départ, il apparaît anormal et exceptionnel que le
législateur intervienne dans
une situation où les prix baissent plutôt qu'ils ne
montent. On a vu souvent le législateur intervenir quand les prix
montaient de façon désordonnée sur certains produits de
nécessité vitale. On comprend une intervention du
législateur. Mais ici, nous sommes dans une situation où c'est
plutôt l'inverse. Il faudra, je pense, justifier pourquoi nous
intervenons dans un cas semblable.
Personnellement, je tenterai d'évaluer ces deux choses. C'est
à la lumière d'abord du plus large intérêt du
public. Je pense principalement aux consommateurs. Il faudra qu'on nous prouve
en quoi le projet de loi, tel qu'il nous est présenté
jusqu'à maintenant, remédie, d'une part, au malaise de
l'industrie. Il faudra qu'on voie s'il n'y a pas d'autres moyens de
remédier à ces malaises. Il faudra surtout se demander en quoi
cette loi aurait des effets bénéfiques pour les
consommateurs.
C'est l'intérêt plus large qui doit primer. Et s'il
s'avérait qu'on ne peut pas avoir les deux en même temps, comme le
dit l'expression anglaise: "If we cannont have our cake and eat it too", il
faudra choisir alors le plus grand des deux biens, s'il y avait une
contradiction entre ce qui fait l'affaire de l'industrie de la boulangerie et
l'intérêt plus large des consommateurs.
C'est sous cet éclairage-là, M. le Président, que,
pour notre part, nous sommes prêts à entendre les
témoignages.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député
d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: M. le Président, je voudrais remercier le ministre
pour son exposé et souhaiter la bienvenue aux différentes
associations qui sont présentes. J'ai aimé l'explication du
ministre lorsqu'il a spécifié que cette commission-là
n'était pas semblable à celle concernant le prix du lait. Je
pense que, dans certains mémoires, comme il l'a souligné, on
parle d'un contrôle de vente et que le ministre parle plutôt d'un
prix minimal dans toute la vente du pain. J'ai aimé cette explication
parce que cela me confirme que c'est une loi pour aider le petit et
l'entreprise privée. Durant l'étude de ces différents
mémoires, je vais être préoccupé par cette
idée et c'est l'idée principale de notre parti.
J'ai aussi aimé l'intervention du député de Gouin
lorsqu'il a dit que c'est le consommateur qui devrait être
protégé. Je suis d'accord, mais je me demande, avec les
mémoires soumis, avec la tournure que prennent l'industrie du pain et
les boulangers dans la province de Québec, si, en réalité,
le "loss leader" ne serait pas plutôt une affaire pour contrôler
les prix et arriver au point où le consommateur aurait à payer
l'augmentation du prix. Parce qu'aujourd'hui, on sait que certaines compagnies
le vendent à $0.09, donc le "loss leader", ou l'attraction du
consommateur. Je me demande si, dans un avenir très rapproché,
lorsqu'il y aurait 4, 5, ou 6 grosses boulangeries dans la province, ce
même consommateur sera affecté par le prix. Au lieu d'être
$0.09, il sera $0.29 ou $0.39. La concurrence honnête devrait exister
dans les boulangeries et, malheureusement jusqu'à maintenant, on peut
l'appeler malhonnête, sans aucune intention envers les grosses compagnies
à succursales. C'est une concurrence où la compagnie dit, dans
une annonce: On vend le pain à un prix minimal et on assume cette perte
("loss leader"). Je crois sincèrement qu'il n'y a aucune compagnie qui
peut se permettre le luxe, sur un article, de dire qu'on le vend à perte
et qu'il est déduit comme tel.
Donc, le coût de la perte ou le montant de la perte est
transféré dans d'autres produits qu'elle met en vente, parce que
c'est de la totalité des produits dont on parle et non pas d'un article
spécifique. Le même consommateur, peut-être que sa boite de
pois, qu'il paie $0.14 ou $0.15, il devrait la payer $0.12 et c'est la perte du
$0.09 à un prix minimal ou à un prix qui devrait être un
prix de concurrence honnête. Il est obligé de le payer de cette
façon-là.
Quelle que soit la grosse compagnie, je ne crois pas qu'elle puisse se
permettre le luxe de perdre sur la vente de pain. Elle le transfère
ailleurs. Donc, je crois que le bill qui est proposé, sans rien imposer,
parce que je crois à l'entreprise privée et à l'entreprise
libre... Je ne crois pas que le prix minimal, si on veut absolument le fixer,
soit un prix minimal qui ne serait pas changeable à l'avenir. Si on
modifie le prix de la farine ou des ingrédients de base du pain, le prix
de ce dernier est affecté. Si on payait $50 au lieu de $100 les cent
livres, je suis persuadé que le gouvernement pourrait changer le prix
minimal ou demander à l'Association des boulangers de réduire ses
prix pour que le consommateur en profite.
J'aimerais moi aussi entendre les différents mémoires,
c'est le but de cette réunion. J'ai aimé la position du ministre
qui nous dit que le "dumping" est le "loss leader". Il dit qu'il ne faudrait
pas comparer cela spécifiquement au prix du lait ou à la
concurrence qui se fait dans le lait qui est contrôlé par le
gouvernement. Je précise que le prix est soumis, non à la demande
du public et non à une concurrence honnête entre les
différents organismes et les différents groupements, mais qu'il
est soumis à un état, à un règlement ou à
une règle du jeu ou que le prix est établi sans que personne
puisse y faire quelque chose. Je crois que cette commission verra se prendre
certaines positions assez dures contre les compagnies qui font la grosse
production et le petit boulanger qui donne un très bon service. Je crois
que la commission va pouvoir apporter quelque chose pour satisfaire les deux
groupes et surtout le consommateur dans la province de Québec.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je demanderais aux différents
organismes convoqués de donner, si possible, un résumé de
leur mémoire, étant donné que la commission en a pris
connaissance. J'appellerais à la barre l'Association
professionnelle des boulangers du Québec. M. Brodeur en est leur
porte-parole. Il en est aussi le secrétaire.
Association professionnelle des boulangers du
Québec
M. BRODEUR: Messieurs, permettez-moi de vous remercier de nous recevoir
ce matin. Etant donné la multitude de vos travaux, vous me ferez
grâce d'une envolée oratoire et de la lecture du mémoire
que nous vous avons présenté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous êtes bien M. Brodeur?
M. BRODEUR: Oui.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. P.-E. Brodeur. Nous avons des noms mais
peut-être qu'une association aurait pu déléguer une autre
personne. Je demanderais donc à toute personne qui s'adressera à
la commission de bien vouloir s'identifier en premier lieu. Je m'excuse, M.
Brodeur.
M. BRODEUR: Paul-Emile Brodeur, secrétaire de l'Association des
boulangers du Québec. Cela m'a permis de prendre ma respiration, je vous
remercie. Tel que je viens de vous le déclarer, je vous ferai
grâce de la lecture de notre mémoire, étant donné
que vous l'avez déjà reçu. Il me fait plaisir d'annoncer
que l'association que je représente n'en est pas, à l'heure
actuelle, à ses premiers travaux en vue d'essayer d'assainir l'industrie
de la boulangerie au Québec. Nous avons déjà fait six ans
de travaux et de recherches. Il y a les travaux du père Bouvier, dont
vous avez certainement pris connaissance; par la suite, il y a eu
l'enquête de M. Bernard Tessier. Je vous dis tout ceci à l'appui
des paroles du ministre de l'Industrie et du Commerce. Il a
déclaré que la loi n'était pas le seul point sur lequel on
peut s'appuyer pour assainir l'industrie de la boulangerie. L'ensemble du
rapport préconise des mesures dont les boulangers ont besoin. Ceci
correspond également aux paroles de M. Demers à l'effet que les
fusions sont déjà en voie d'exécution. Dans l'ensemble de
la loi, pour rejoindre également les paroles de MM. Joron et
Tétrault, il ne s'agit pas d'avoir des ornières pour
protéger le petit boulanger qui peut être sur le point de
s'affaisser, d'abandonner, mais plutôt de donner aux boulangers le moyen
d'assurer leur rentabilité. Ce n'est pas un cours de comptabilité
qui va les aider à sauvegarder leur industrie mais des normes qui lui
permettront de faire face à une concurrence saine.
Par cette concurrence saine, non seulement le boulanger fabricant va se
trouver à en bénéficier mais il y a également un
autre groupe aussi important formé d'épiciers du coin ou
d'épiciers associés à des grossistes qui ont droit
à un profit raisonnable sur la vente de leurs produits et qui perdent
des clients à cause de l'appât fait par certaines chaînes de
magasin qui servent du pain comme "loss leader", comme appât.
Alors, dans la loi préconisée, que nous acceptons
d'emblée, il y a certainement les recommandations que nous y avons
incluses qui seraient pour le bénéfice non seulement de
l'industrie mais également du consommateur lorsqu'il s'agit d'identifier
le nom du fabricant de tout pain et non pas tout simplement de pain de marque
privée; c'est afin de pouvoir connaître la provenance et le
responsable de la cuisson. Puisque nous parlons d'un prix minimum, il va
certainement y avoir un choix arrêté sur la question de pesanteur,
il y aura un choix également ou un modèle de codification pour
arriver avec des dates périssables que l'on donne; nous suggérons
quatre jours, afin que le pain puisse être séparé du
comptoir régulier pour tomber dans les pains défraîchis.
Voilà encore une autre protection additionnelle au consommateur. Toutes
les mesures contenues dans la loi visent non seulement à protéger
le boulanger que je représente, mais le public et également une
autre section qui s'appelle le commerce. Cependant, nous avons, pour aller aux
choses les plus essentielles, suggéré un amendement additionnel
à la loi. Puisque l'on sait que les mesures... Vous me pardonnerez, je
ne suis ni avocat ni clerc, j'essaie de m'éclairer...
M. DEMERS: Vous mettez ça assez clair, par exemple.
M. BRODEUR: Nous aimerions que la loi puisse contenir des dispositions
afin de pouvoir intervenir le plus tôt possible, le plus rapidement
possible s'il y avait infraction. Si quelqu'un commet une infraction et s'il
vaut la peine de courir le risque de porter le cas devant les tribunaux, que
cela puisse en coûter cinq, dix ou quinze mille dollars de frais et que
cela puisse prendre un an avant que la situation ne puisse être
améliorée, celui qui a causé l'infraction va certainement
déranger le commerce dans son patelin, dans son arrondissement et, par
là, inviter les autres à être des délinquants.
Nous demandons et nous vous donnons le choix d'accorder à cette
loi le pouvoir d'imposer une amende quotidienne ou le pouvoir d'injonction afin
de pouvoir arrêter le plus tôt, possible les délinquants qui
se trouveraient à s'égarer. Alors, sur ce, messieurs je
vous ai dit que je ne vous ferais pas un grand exposé, je vous remercie
au nom de tous les boulangers des quatre coins de la province. Nous vous avons
donné des tableaux qui correspondent à certains cas
spécifiques dans des régions spécifiques. Mais sachez que
le mal existe aux quatre coins de la province et que le même mal existe
surtout en provenance des grosses chaînes d'alimentation qui se servent
du boulanger comme "footballer".
LE PRESIDENT (M. Brisson): Merci, M. Brodeur. Est-ce que M. le ministre
aurait quelque chose à dire?
M. SAINT-PIERRE: J'aurais deux ou trois questions. M. Brodeur, avez-vous
l'impression qu'en dehors du principe de la loi même on pourrait mettre
de l'avant d'autres mesures et qu'on pourrait, dans les prochaines
années, régler le problème de l'industrie? Croyez-vous
que, si on ne retient pas ce qui est quand même l'idée
maîtresse du projet de loi, à savoir un prix minimum, il est
possible autrement de régler le problème ou si le prix minimum
vous apparaît presque essentiel pour permettre aux petites boulangeries
de traverser les cinq ou six prochaines années?
M. BRODEUR: M. le Président, je vous dirais, et je reprends les
paroles du début, que l'ensemble du rapport Tessier ne suggère
pas simplement un prix minimum. Le prix minimum, selon moi, est un palier
urgent. C'est un départ, puisque les boulangers entre eux et je
m'excuse de peut-être être dur pour les boulangers qui sont dans
mon dos, je ne leur joue pas dans le dos, ce sont eux qui sont derrière
moi ne sont pas capables de se renseigner, de s'autodéterminer,
de se respecter mutuellement de façon à conserver le
contrôle de leurs prix.
Ils ont beau vendre, mais une fois qu'ils ont vendu, ce ne sont plus eux
qui vont pouvoir déterminer quel prix le produit se revendra. Il faut
donc, de toute obligation, demander un prix minimum, pour éviter de
manger le pissenlit par la racine; c'est la seule façon d'obtenir que
l'épicier indépendant, même s'il coopère à
une chaîne, puisse avoir le même avantage et le même prix,
sans perdre de l'argent. Non seulement le boulanger se trouve
protégé, ses revendeurs, ses "jobbers" en termes de
métier, le sont également par ce niveau des prix, mais toutes les
autres mesures préconisées, comme des fusions, comme les
cogestions, sont des choses qui nécessairement devraient aller de
l'avant. Je sais personnellement, dans mon groupe, à l'heure actuelle,
que plusieurs ont fait des démarches en vue de s'assurer les services
que le gouvernement met à leur disposition.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous croyez, lorsque l'on vend le pain
à $0.12, $0.14, $0.15 qu'effectivement il est impossible de produire du
pain et de le distribuer, de faire l'emballage, tout cela, et de faire profit
avec cela? Croyez-vous qu'effectivement il y a une perte d'argent,
c'est-à-dire qu'effectivement on assiste à ce
phénomène que des gens vendent un produit à un prix
inférieur aux coûts de production?
M. BRODEUR: M. le Président, vous me permettrez de
répondre. Votre question est assez large, en ce sens que vous me
demandez s'il y a possibilité de vendre un pain à $0.12 et perdre
de l'argent. Cela dépend toujours du poids. Si vous me demandez...
M. SAINT-PIERRE: Un pain de 24 onces.
M. BRODEUR: Sur un pain de 24 onces, sans être boulanger, je vous
dirais certainement que le boulanger ne peut pas faire de l'argent et
n'arrivera pas à remplacer sa machinerie même avec le fonds de
fusion. Effectivement, il perd de l'argent avant que le pain sorte de la
boulangerie.
M. DEMERS: M. le Président, est-ce que vous avez
réalisé que, lorsqu'il y a un "best leader", la qualité
diminue? On vient de m'informer d'une étude faite aux Etats-Unis. Avec
tous les "best leaders" qui se vendent, lorsqu'on fait une vente à
pression, la qualité est si inférieure, si mauvaise que si l'on
nourrissait l'Europe avec cela pendant six mois, tous mourraient de
malnutrition. Imaginez donc! Il y a certainement quelque chose qui permet
à ces magasins de donner leur marchandise à $0.12 ou à
$0.11 parce que c'est beaucoup plus bas que le prix coûtant. On attaque
alors la qualité, cela n'a pas été prouvé. Est-ce
que les boulangers ont cette information sur la qualité, lorsqu'une
chaîne, par exemple, part en grande et vend du pain à $0.11 ou
à $0.12 pour vendre du jus de tomate?
M. SAINT-PIERRE: II y aurait deux possibilités: On peut baisser
la qualité et on peut effectivement encourir une perte.
M. DEMERS: C'est compris, pour se rattraper sur autre chose. Je demande
à M. Brodeur si l'association qu'il représente a
étudié l'aspect qualitatif du pain lorsqu'une telle situation
arrive. Car, si on ne contrôle pas la qualité, plafonnez les prix
tant que vous le voulez, il va y avoir encore des gens qui, si la
qualité n'est pas respectée, avec une farine de deuxième
classe ou de toutes sortes de patentes, ils viendront à bout de
concurrencer celui qui respectera les normes ou les exigences pour vendre un
pain convenable et comestible. Je pense donc qu'il y a peut-être aussi ce
facteur. Peut-être que je m'éloigne un peu du sujet mais,
étant donné que vous avez effleuré le prix minimum, je me
suis permis d'y entrer.
M. BRODEUR: M. le Président, avec votre permission, je vais
répondre à M. Demers. Je dirais, sans être boulanger
personnellement, qu'il est impensable que vous ayez trois marques
différentes avec des qualités tellement différentes que
cela causerait des écarts de prix variant jusqu'au double du prix qu'on
le vend.
M. DEMERS: II n'est donc pas question...
M. BRODEUR: Que vous économisiez un quart de cent par pain, ceci
pourrait équivaloir probablement à un pain moins enrichi.
M. SAINT-PIERRE: Mais pas pour passer de $0.24...
M. BRODEUR: Mais pas pour passer de $0.24 à $0.12.
M. JORON: J'aurais deux questions à poser à M. Brodeur.
L'une est peut-être plus théorique et l'autre plus pratique. Vous
avez invoqué, et d'autres aussi, qui sont en faveur du projet de loi,
l'argument qu'il faut protéger la petite entreprise, assurer une
concurrence saine et ainsi de suite.
Mais quand même, je trouve qu'il y a quelque chose de curieux
quand on veut avoir les avantages sans avoir les désavantages d'un
système. Quand on accepte au départ les règles du jeu de
la libre entreprise, ces règles font qu'il peut arriver qu'il y ait des
entreprises qui fassent faillite. Cela fait partie des règles du jeu.
Est-ce que c'est assurer une saine concurrence que d'enlever, en fixant un prix
minimal, le droit à des commerçants, en l'occurrence, que ce
soient les chaînes ou les épiceries, de vendre à rabais,
d'une part? A toutes fins pratiques, c'est cela que ça arrive à
faire. Cela enlève aux chaînes le droit de vendre un produit
à rabais. Par la même argumentation que celle de ceux qui se
prévalent du jeu de la libre entreprise et de la libre concurrence, je
me demande si c'est respecter la libre entreprise et la libre concurrence que
d'enlever le droit au rabais. C'est ma première question.
La deuxième est plus pratique. L'effet du prix minimal serait le
suivant. Je ne vois pas comment ça va transférer un profit
supplémentaire aux petites entreprises, comment cela va
véritablement les aider. Parce que les petites entreprises qui
produisent des marques privées pour les grandes chaînes vont
continuer de le faire au prix qu'elles négocieront avec les grandes
chaînes, si bien que votre marge de profit sur cette partie de votre
commerce n'en sera pas augmentée. Ce qui arrive, c'est que, par un prix
minimal, on transfère un profit supplémentaire à la
chaîne et non pas au fabricant. Vous me direz qu'en deuxième lieu,
il peut y avoir un effet indirect, bénéfice pour les entreprises.
C'est sur celui-là que je questionne. Vous me direz que, si tous les
pains qui sont sur la tablette, autant ceux de marques privées que ceux
portant la marque du boulanger lui-même, se vendent au même prix,
à ce moment, le consommateur sera peut-être moins porté
à acheter le pain de marque privée et que le pourcentage des
ventes de pain venant directement des boulangers pourrait augmenter. C'est sur
cette partie de votre commerce que la marge de profit est la plus grande. En ce
sens, cela vous aiderait, c'est vrai. Mais je me demande à quel point
c'est réaliste de croire que c'est exactement ce qui va se passer. Parce
que la chaîne qui met ses pains sur la tablette, elle reste avec le
privilège de les placer où elle veut. Elle peut bien faire des
étalages entiers de ses pains de marque privée puis mettre vos
pains dans le fond d'une tablette, en arrière d'une troisième
étagère ou ainsi de suite.
Alors, je ne vois pas comment cela ferait augmenter vos ventes. D'autant
plus qu'il y a un autre problème rattaché à cela. C'est de
dire, à toutes fins pratiques, que, parce que le pain de marque
privée est meilleur marché dans les chaînes, c'est un des
éléments qui attirent les clients dans les supermarchés.
Moi, je doute que ce soit uniquement parce que le pain est à $0.09,
$0.10, $0.11 ou $0.12, dans un supermarché, que les gens vont au
supermarché. On pourrait faire le même raisonnement sur un paquet
de produits. Je pense que, par ce moyen, on ne diminuera pas la
clientèle des chaînes, parce qu'à toutes fins pratiques,
c'est ça au bout de la ligne qui ferait le mieux votre affaire, parce
que vous pourriez vendre le pain en dehors des chaînes. Moi, je doute
que, même s'il n'y avait pas de "loss leader" sur le pain dans les
chaînes, cela va diminuer de quelque façon que ce soit le nombre
de clients qui vont dans les chaînes. Le gars y va parce que c'est plus
commode, parce qu'il y a plus de choix, parce qu'il y a plus d'étalage,
parce qu'il y a plus de facilité de stationnement, enfin, pour toute une
série de raisons, et le consommateur va continuer à se comporter
exactement de la même façon. Il va au supermarché parce
qu'il peut tout trouver à la même place. Il n'a pas besoin de
passer, comme on fait encore dans certains coins en Europe, à la
crémerie chercher son lait, chez le boulanger chercher son pain, chez le
charcutier chercher son saucisson. Ici, les habitudes du consommateur, en
Amérique du Nord, c'est qu'on va à une place et qu'on ramasse
tout. Ils vont rammaser le pain aussi. Je ne vois pas comment cela va vous
aider.
M. SAINT-PIERRE: Relativement à la dernière question,
J'aurais une question supplémentaire. Si on prend un endroit très
précis comme Granby, est-ce qu'il ne serait pas juste de dire que,
lorsque les chaînes vendent le pain à $0.09, le boulanger, qui a
son propre réseau de distribution, qui passe par les rues, qui vend
à la ménagère et tout ça, se voit dans une position
de concurrence inégale, parce qu'il a un seul produit et que, pour ce
produit, il ne peut encourir des pertes, sinon, ce sera courir à la
faillite de son commerce? Si les chaînes ne pouvaient pas vendre le pain
plus bas qu'un certain prix minimal, si on pouvait empêcher le
phénomène de "loss leader".
La boulangerie, par le service, par le pain qui est peut-être plus
frais, pourrait au moins avoir une chance égale de concurrencer sur un
produit.
M. JORON: Je comprends très bien. C'est justement la question que
je pose. Est-ce que, dans les faits, ça va véritablement
encourager les boulangers ou si, pratiquement, les gens ne continueront pas de
tout ramasser au supermarché comme ils font aujourd'hui?
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse mais, dans
le moment, je me vois comme un boulanger avec des clients
réguliers qu'il visite. Il tente, comme tout petit ou moyen
commerçant, de cultiver sa clientèle et d'offrir un produit. Dans
la même semaine, on voit deux pains de 20 onces pour $0.18 c'est
le 14 novembre 1972 à Sherbrooke il s'agit de pain blanc
tranché. C'est à peu près impossible à moins qu'il
n'accepte de vendre à ce prix-là...
Là où on dit que les jeux de la libre entreprise ne sont
pas respectés, c'est que le réseau de distribution du petit
boulanger n'a qu'un seul produit alors que celui qui vend cela, comme Bonimart,
a plusieurs produits et peut accepter une perte dans ça pour
concurrencer par un profit dans l'autre. Là, je replace ma question.
Est-ce que ce n'est pas cela le noeud du problème à savoir que
vous avez vu votre clientèle, dans votre réseau de distribution
directe des boulangers, diminuer constamment au profit des chafnes avec le
phénomène du "loss leader"?
M. JORON: Est-ce que ça baisse uniquement en fonction du prix ou
si ce n'est pas toute la conception du supermarché comme telle et la
façon qu'a le consommateur de magasiner aujourd'hui qui produit ce
résultat?
M. CADIEUX: Mais le consommateur, ça ne l'empêchera pas
d'aller dans des grands magasins à succursales. En
général, le consommateur va dans un magasin à succursales
une fois par semaine et il achète son pain tous les jours.
M. JORON: Oui. Mais vous pensez qu'il achèterait moins de pain
si... C'est ça que je demande. Je ne sais pas si vous l'avez
estimé, évalué.
M. BRODEUR: M. le Président, je vais d'abord commencer par
répondre à M. Joron sur les questions du droit au rabais. Il est
évident que, avec un prix minimum, celui qui en vend davantage, sans
être fort en comptabilité, va réaliser de meilleurs
profits. Cela devient encore la libre concurrence, la libre entreprise. Il
n'est pas question de limiter les profits des entreprises, que ce soit
l'industrie de la boulangerie ou le supermarché.
Le mal qui sévit à l'heure actuelle, dans la région
de Montréal ou dans les Cantons de l'Est, si on n'y met pas un frein,
par cette loi, pour empêcher qu'il rebondisse ailleurs, ce même
phénomène va s'étaler dans toute la province. C'est
justement la raison pour laquelle, l'association étant provinciale, nous
demandons d'enrayer ce fléau de don de pain.
Si vous remarquez, je constate que vous avez de bonnes habitudes de
magasinage, vous allez dans les supermarchés, c'est très
bien...
M. DEMERS: II est obligé de faire son magasinage
lui-même.
M. BRODEUR: Dans ce cas-là, je com- prends, il ne peut pas avoir
un livreur à la porte.
M. Cadieux disait que, en règle générale, la
ménagère va aller au centre commercial une fois par semaine, et
tous les jours, elle a le même bénéfice. Si elle n'avait
pas l'occasion de payer à quelques sous de différence près
son produit frais qu'elle peut avoir à la porte, elle n'irait plus en
chercher au supermarché en aussi grande quantité.
Lorsque le pain se donne, vous devriez voir les paniers de provision de
pain que les gens apportent chez eux. Ceci permet de dire, par la suite, que
les gens conservent mal leur pain, mangent un pain moins bon,
défraîchi, qu'ils en perdent l'habitude et, de là, la
consommation du pain baisse. Tous les boulangers s'en ressentent.
M. CADIEUX: II y a aussi le problème de la libre entreprise. Il y
a le problème de tous les distributeurs. On l'a souligné
tantôt, mais j'ai déià rencontré les distributeurs
de pain à Valleyfield qui sont au nombre d'une cinquantaine, qui ont
leurs propres petits camions, c'est leur propre petite entreprise, et ils sont
en train de crever de faim dans le moment, justement à cause du
problème qui est soulevé.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Maurice a quelque chose à ajouter.
M. DEMERS: M. le Président, je voudrais demander à M.
Brodeur quelle est la cause exacte de la demande ou de l'appui que son
association semble donner à la fixation d'un prix minimum. Je comprends
que c'est parce qu'il y a un marasme dans l'industrie, qu'il y a quelque chose
de désordonné.
D'après vous, est-ce que c'est la présence du "best
leader" ou du "lost leader" ou de toute autre chose?
M. BRODEUR: Pour répondre au Dr De-mers, je dirais que ce
phénomène est arrivé à la suite,
premièrement, du changement d'habitude des citoyens qui sont
attirés vers les centres commerciaux, ce qui a éliminé une
partie de la clientèle du porte-à-porte. Ce qui est vrai. Mais
pour pouvoir vendre l'idée de ces centres commerciaux que le
Québec ne connaissait pas, il a fallu trouver des moyens pour attirer
les clients. Il a fallu attirer les gens. On s'est servi du pain pour attirer
les gens. Prenons, dans la région de Montréal, l'exemple de
Brossard. Il y a environ deux ans, lors de l'anniversaire d'un centre
commercial, avec tout achat de $2, vous pouviez avoir du pain à $0.03.
Vous pouviez entrer vous acheter une cravate et avoir droit, juste à
côté, de prendre deux pains ou cinq pains à $0.03
chacun.
M. DEMERS: La cause exacte est l'appât...
M. BRODEUR: Le changement de mode de vie.
M. DEMERS: C'est l'appât...
M. BRODEUR: ... et le pain comme appât.
M. DEMERS: Etes-vous d'avis que, si on enlève la
possibilité d'avoir l'appât, cela peut stabiliser une
situation?
M. BRODEUR: Je vous répondrais par comparaison. Je m'en
rapporterais à la régie du lait. Lors de la dernière
augmentation, non pas celle qui est discutée présentement,
lorsqu'une réglementation a été adoptée pour qu'il
y ait un décalage reconnu entre la vente du lait aux comptoirs laitiers
et le service à domicile, si vous avez des amis qui sont dans le
commerce, vous avez sûrement constaté que les mêmes vendeurs
à leur compte, comme disait M. Cadieux, les "jobbers", ont doublé
leur trajet de lait. Pourquoi? Parce qu'ils ont un service à domicile et
les gens aiment encore avoir ce service lorsqu'il y a possibilité et,
lorsque les deux conjoints ne travaillent pas à l'extérieur, cela
a favorisé énormément l'entreprise libre. Le
décalage était moins fort et les gens aiment encore avoir ce
service.
M. DEMERS: L'Association des boulangers, des producteurs de pain et des
vendeurs peut-elle elle-même fixer, par entente, un minimum sans
être obligée de venir le demander au gouvernement?
M. BRODEUR: Nous ne contrôlons pas tous les boulangers de la
province. Nous ne pouvons pas contrôler également les
chaînes de magasins.
M. DEMERS: Ce qui veut dire que sans prix minimal, il n'y a point de
salut pour vous.
M. BRODEUR: II n'y en a plus.
M. DEMERS: C'est assez inquiétant que des fabricants soient
obligés de venir demander au gouvernement de leur fixer des prix. Ce
n'est pas dans tous les domaines. Je vous avertis. Ce n'est pas parce que je
suis contre, si c'est le voeu de tout le monde, mais je pense qu'il fallait
étudier cet aspect. C'est le précédent. Demain matin, on
fixera le prix minimal de n'importe quoi dans la province. Vous êtes
d'avis que la seule formule pour en sortir est un prix minimal. On n'aura
jamais le droit de vendre un pain plus bas que le prix minimal. Il n'y a pas
autre chose. Si on interdit la vente d'appât, cela ne règle pas le
cas. J'aimerais que l'intéressé...
M. CADIEUX: C'est sur le même sujet.
M. DEMERS: ... nous donne une réponse. Je n'ai pas de
réponse.
M. CADIEUX: Non.
M. DEMERS: Je voudrais que M. Brodeur dise exactement aux membres de la
commission... Il le dira tantôt.
M. CADIEUX: C'est là-dessus que je veux discuter aussi.
M. DEMERS: Oui.
M. CADIEUX: Je pense que, dans l'esprit du ministre, le prix minimal ne
serait pas fixé de n'importe quelle façon...
M. DEMERS: Si je comprends bien...
M. CADIEUX: Selon la catégorie de pain.
M. DEMERS: Cela serait selon la catégorie.
M. CADIEUX: Cela serait celui qui pourrait le produire au prix le plus
bas. C'est ce qui serait le prix minimal.
M. DEMERS: Je comprends mon collègue de Beauharnois lorsqu'il dit
cela. Mais nous ne discutons pas comment cela sera fixé. Je veux parler
du principe du prix, du grand principe de la fixation d'un prix minimal.
M. CADIEUX: Cela peut être inquiétant si on ne sait pas
comment il sera fixé.
M. DEMERS: Nous parlerons de cela après. Il y aura des
règlements. Ils participeront probablement aux règlements. Je
demande à M. Brodeur si le prix minimal est la seule planche de salut.
Si un prix minimal est fixé, est-ce qu'on ne pourra pas encore jouer
avec l'appât?
Si les chaînes se limitent toujours au prix minimal et que le
producteur ne peut pas faire de profit parce que le prix minimal est trop bas,
vous reviendrez l'année prochaine nous demander de changer le prix
minimal. Nous envisageons la situation. Nous voudrions régler le
problème d'une façon définitive, non pas définitive
pour geler cela pour 25 ou 30 ans mais pour que vous partiez avec une loi qui
aura un peu de sens et qui se tiendra. Il faut envisager tous les aspects et je
pense que c'est le rôle d'une commission d'étudier cela dans ce
sens.
M. BRODEUR: Pour répondre au Dr Demers et il est évident
que c'est une des solutions pour rendre la vie, dans l'industrie de la
boulangerie, plus saine. C'est la solution qui presse le plus et, tel que je
vous l'ai déclaré au début, il ne s'agit pas de vouloir
régler un problème pour cinq ou dix ans à venir. C'est
impossible. Si vous nous dites que vous ne nous inviterez pas l'an prochain
pour rediscuter du prix, il faudrait que vous soyez au courant qu'il n'y aura
aucune augmentation dans les salaires, dans les ingrédients, etc. Pour
pouvoir, à long terme, protéger le consommateur qui, à
l'heure actuelle, pour certaines catégories, peut
bénéficier d'une économie, mais qui n'aide pas l'ensemble
des citoyens, pour pouvoir le protéger demain
contre les monopoles qui pourront surgir, il s'agit de délimiter
un prix minimal qui, je le crois sincèrement, deviendra dès le
début le prix maximal. Il ne sera pas dit que c'est la faute de
l'association ou des associations ou du gouvernement si le pain ne se vend pas
plus cher que cela. Ce sera tout simplement la concurrence qui le voudra ainsi,
mais, si je le compare encore aux produits laitiers, avec un écart qui
est raisonnable, le revendeur, le boulanger, l'épicier du coin, le
marchand associé à une chaîne pourra vivre parce qu'il aura
le privilège de pouvoir offrir son produit au même prix que les
gros supermarchés.
M. DEMERS: M. Brodeur, d'après vous, d'après les
études de votre association, de celle que vous représentez, quel
est le prix minimal qu'il faudrait fixer pour un pain de 24 onces par
exemple?
M. BRODEUR: Pour le bénéfice du Dr Demers, je dois lui
dire que, ce matin, quand bien même nous essaierions de nous entendre sur
un prix minimal, ce serait impensable, car il s'agit de tenir compte des
facteurs des quatre coins de la province, de la grosseur des industries en vue
de ne pas permettre que la petite industrie fasse plus d'argent que la grosse
industrie ou que la grosse industrie en fasse plus. Il s'agit de pouvoir
établir quelque chose de raisonnable avec une productivité
rentable.
M. DEMERS: Vous n'avez pas d'idée exacte. Vous devez en avoir une
sous-jacente.
M. BRODEUR: M. le Président, je reconnais que le Dr Demers
voudrait me faire dire des chiffres, mais j'ai oublié mon cours de
comptabilité ce matin.
M. DEMERS: Non. Je ne veux pas du tout que vous me donniez des chiffres.
Mais vous allez toujours avoir, lorsque vous ferez des recommandations au
ministre, des critères et des barèmes sur lesquels vous devrez
vous appuyer pour qu'eux en viennent à fixer un prix minimal qui soit
assez décent pour que ceux qui subissent actuellement la concurrence,
tels les petits boulangers, puissent réaliser des profits. Parce que,
s'ils ne réalisent pas de profit, la fixation de ce prix minimal va
précipiter leur décadence.
M. BRODEUR: Pour répondre au Dr De-mers, disons que...
M. DEMERS: Je voudrais cerner le problème pour me faire une
idée qui serait assez claire. Je prends peut-être un peu plus de
temps que les autres à comprendre, c'est pour cela que je pose plus de
questions.
M. BRODEUR : Pour le bénéfice du Dr Demers, nous offrons
nos services pour fournir des prix mathématiques des quatre coins de la
province et non pas des prix falsifiés en vue de pouvoir rendre
l'étude sur le prix minimal plus facile.
M. CADIEUX: Je pense bien que vous êtes d'accord, M. Brodeur,
même le prix minimal qui pourrait être fixé ne pourrait pas
correspondre à l'idée de tous les petits boulangers et, encore
là, ils seraient obligés de vendre un peu plus cher que ce
prix-là. Mais l'écart serait énormément
diminué et la distribution, le service donné de porte en porte
attirerait plus les gens parce qu'il y aurait une différence de
seulement quelques sous, comparée à deux pains pour $0.18 et
$0.25 et $0.27 chacun. L'écart est trop grand. Le prix minimal ne pourra
peut-être pas être atteint par tout le monde, mais les plus gros
arriveraient peut-être à ce prix minimal, l'autre le paiera $.01
ou $0.02 de plus; en le vendant $0.03 ou $0.04 de plus, il ferait son profit.
Mais les gens iraient à des services et ils iraient peut-être
à de plus petites épiceries. C'est leur droit. Mais on
accepterait le service à domicile plus facilement.
M. BRODEUR: M. le président, M. Cadieux a entièrement
raison.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: Quand on parle de concurrence, on parle de l'entreprise
privée. J'aimerais aussi souligner le fait que l'entreprise
privée est l'entreprise libre. C'est bien beau de se dire que
l'entreprise privée, c'est le contrôle, et que le consommateur
n'est pas protégé, qu'on change d'avis sur un point ou sur
l'autre, mais il y a une question spécifique que j'aimerais poser
à l'entreprise privée et à tous les grands magasins
à succursales.
Est-ce que vous vous figurez, présentement, sans nous donner de
prix vous avez dit que vous n'aviez pas pris de cours en administration
ou comme comptable que la vente de pain de deux pour $0.18, comme le
ministre nous l'a souligné, est une concurrence déloyale?
M. BRODEUR: M. le Président, pour répondre à M.
Tétreault, je lui dirais que c'est la plus déloyale qu'il ne peut
pas y avoir, parce qu'elle affecte non seulement le fabricant, mais elle
affecte tous les revendeurs qui, par la même occasion, sont privés
des ventes, parce que l'autre, on ne peut pas dire qu'il donne le pain, mais il
ne le vend pas. Deux pour un, ce n'est plus vendre un produit, c'est le donner.
Cette concurrence rend l'industrie non-viable. Il est impossible, pour un
boulanger, de pouvoir charger le camion de son vendeur et de lui dire, à
toutes les portes: Ce matin, c'est deux pour un, et être capable ensuite
de payer son administration et faire des gains à la fin de
l'année.
M. TETRAULT: On touche l'entreprise libre et l'entreprise privée.
Si le boulanger est pris avec les grosses chaînes de magasin on ne
se cachera pas, on a un mémoire soumis par la compagnie Steinberg, c'est
une grosse de chaîne de magasins si le boulanger, si l'entreprise
privée était éliminée, si tout cela appartenait aux
grosses chaînes ou aux dix plus gros producteurs de 25,000 pains et plus
par jour, si la concurrence qui se fait présentement, à deux
pains pour $0.18, si demain il n'y a plus de petits boulangers, s'ils sont tous
éliminés dans la province, pensez-vous que la concurrence
n'existera plus? Ce serait du pain à $0.27, $0.38 ou $0.40, quel que
soit le prix.
M. BRODEUR: M. Tétrault a entièrement raison à
l'exception que la maison Steinberg, je crois, elle n'est pas
intéressée à donner son produit. C'est la raison pour
laquelle ses représentants sont ici aujourd'hui. Il faudrait exclure
Steinberg d'un monopole possible. Il va de soi que l'ensemble de vos paroles,
à l'exclusion de là mention d'une maison, ressemble exactement
à ce qui se produit dans les autres provinces: Eliminez le nombre de
boulangers et vous voyez les prix augmenter.
M. TETRAULT: Je pourrais vous citer tous les magasins à
succursales. Il y a une autre question, parce qu'on parle de prix, de
qualité, tout ça. Est-ce que le poids du pain peut affecter... Il
y a plusieurs suggestions. Présentement, vous en faites de tous les
poids, 8 à 12, 15 à 17, 18 à 21, 22 à 26, 22
à 26, 32 et 48 onces le pain, tous les mémoires semblent
d'accord, sauf un, que le pain devrait être vendu, à 12 onces,
à 16, à 20, à 24 et à 32 onces. Est-ce que si le
gouvernement disait: D'accord, ce seront les cinq pesanteurs ici, est-ce que
ça peut régler votre problème de vendre du pain ou s'il
n'y a pas de concurrence qui se fait ou dans le jeu du poids...
M. BRODEUR: Pour répondre à M. Tétrault, je dirais
que l'élimination des poids va aider beaucoup, parce qu'à l'heure
actuelle il y a du pain d'une multitude de poids qui se fabrique aux quatre
coins de la province. Quelqu'un va fabriquer du pain'de 16 onces; son voisin,
pour tâcher de ramasser une clientèle, va en fabriquer de 17 onces
ou de 18 onces. Ce sont tous les poids, les "in between" pour prendre un terme
français, M. Joron s'est permis d'en sortir un tout à l'heure...
c'est pour être capable de restreindre le plus possible le nombre de
catégories de pain en vue de la protection du consommateur.
M. TETRAULT: Si on pouvait contrôler ou...
M. BRODEUR: Pour arriver à un prix minimum, il va falloir
établir des poids.
M. TETRAULT: Pour faire un standard, est-ce que vous seriez d'accord ou
est-ce que c'est l'intention de votre association ou des associations de dire
que le pain, comme prix minimum, de tant d'onces vaut tant? Disons un cent
l'once ou $0.014 l'once ou deux cents l'once. Si on vend un pain de 16 onces,
c'est $0.32, si on le vend à 20 onces, c'est $0.40, vice versa, quel que
soit le prix. Est-ce que, par le contrôle de l'once, des poids et mesures
que le gouvernement pourrait imposer, on peut dire que chaque once se vend
$0.014 ou $0.013 ou $0.012? Lorsqu'on parle de prix minimum de base, est-ce
qu'on peut se fier sur le prix de l'once ou est-ce qu'on devrait prendre
l'opération globale comme telle avec la grosse entreprise, la moyenne
entreprise et la petite entreprise pour arriver à un prix minimum auquel
le pain devrait se vendre ou seulement se fier à l'once?
M. BRODEUR: La question de M. Tétrault est très
pertinente.
On cherche toujours à me faire parler de chiffres et je lui ai
dit que je ne voulais pas en mentionner mais, à tout
événement, je pourrais lui répondre en théorie que
le fait de vouloir établir un prix à l'once sans regard à
la pesanteur ne vaut rien. J'ai dit que je ne citerais pas de chiffres, donc,
je n'en prends pas comme exemple, mais tant l'once ne peut pas s'appliquer
à un pain qui. pèse 16, 20, 24, 32 onces, peu importe la
pesanteur. Il faut donc que le prix soit en regard de la pesanteur du pain
consommé.
M. TETRAULT: Donc, la pesanteur du pain ne peut pas affecter le prix
minimal.
M. BRODEUR: Oui.
M. DEMERS: C'est la catégorie, ça.
M. BRODEUR: La catégorie, il faut qu'elle soit en relation avec
la pesanteur du pain fabriqué et non pas "at large', en
général, à un prix de tant l'once, peu importe la
pesanteur.
M. TETRAULT: II faudrait que ce soit un prix variant progressivement
avec la grosseur du pain.
M. BRODEUR: C'est ça.
M. TETRAULT: En produisant un pain de 24 onces, on pourrait
peut-être arriver au même prix qu'un pain de 20 onces ou un peu, et
un pain de seize onces est encore moins dispendieux.
M. BRODEUR: II devrait y avoir une différence pour chaque
écart de pesanteur.
M. JORON: J'aurais deux brèves questions à poser à
M. Brodeur, pour essayer de mesurer les effets de cette loi, si on l'appliquait
telle quelle. Je comprends que votre problème, c'est que le
pourcentage entre le pain vendu directement par les boulangers et celui
vendu sous marque privée est à votre désavantage à
l'heure actuelle, parce que le pain vendu sous marque privée
évidemment se vend à bien meilleur marché.
Quel est le pourcentage de pain vendu sous marque privée au
Québec par rapport à celui qui est vendu normalement? D'autre
part, dans certains arguments, on a évoqué, si on ne faisait pas
ça, le danger éventuel d'un monopole et tout ça. Je suis
bien d'accord que cela pourrait entraîner par la suite des hausses de
prix dans les années à venir pour le consommateur. Je pense
qu'à ce moment-là, ce serait le devoir du gouvernement
d'intervenir. Il y a des lois sans doute contre les monopoles et les cartels.
Mais, indépendamment de ça, pour essayer de mesurer la
portée de cet argument et pour savoir si on est proche ou non d'une
situation de monopole au Québec, je vous demanderais quel pourcentage
approximatif du marché a le plus gros producteur de pain au
Québec. Sommes-nous près déjà d'une situation de
monopole ou encore loin?
M. BRODEUR: M. le Président, je pensais pouvoir passer à
travers la période de questions sans avoir de traquenards mais je pense
qu'on vient de m'en poser un. M. Joron, pour répondre à votre
question sur le pourcentage de pain vendu sous marque privée, je vous
dirais que l'étude la plus concrète et la plus récente qui
donnerait cette réponse est le volume du rapport Tessier qui en a fait
l'analyse.
M. JORON: En gros, je ne veux pas vous engager à me dire si c'est
21.7 p.c, mais c'est pour mesurer l'ordre de grandeur qui nous confronte
à l'heure actuelle. Est-ce du trois pour un, du deux pour un ou si la
majeure partie du pain est vendue sous marque privée ou quoi?
M. BRODEUR: Afin de ne pas vous donner une fausse réponse, je
vous demanderais de m'en abstenir.
M. JORON: Je ne sais pas si quelqu'un peut me fournir la réponse
ici, mais c'est essentiel à la portée de tout notre débat,
parce que si c'est 90 p.c. et 10 p.c, on parle pour rien. Cela n'aura pas
nécessairement d'effet, un prix minimal n'apporterait pas grand-chose
aux boulangeries.
M. BRODEUR: M. le Président, je peux répondre à M.
Joron.
M. JORON: Approximativement.
M. BRODEUR: Je viens d'avoir une approximation de 35 p.c.
M. JORON: A peu près le tiers du pain serait vendu sous marque
privée au Québec à l'heure actuelle.
M. BRODEUR: C'est ça.
M. JORON: Et, deuxième question, l'association doit
connaître à peu près, j'imagine, le chiffre d'affaires,
est-ce que l'on est proche ou non d'une situation de monopole?
M. BRODEUR: Dans votre deuxième question, M. Joron, vous demandez
le pourcentage de pain fabriqué par la plus grosse boulangerie en
relation avec la production de la province, ce serait assez difficile de vous
donner le pourcentage de pain que le plus gros boulanger fabrique en relation
avec la totalité du pain vendu au Québec.
M. JORON: C'est peut-être difficile de le dire
précisément, mais est-ce que vous pouvez me le dire
approximativement? Par exemple, on sait que, dans l'automobile aux Etats-Unis,
General Motors a à peu près la moitié du marché,
sans être précis.
M. BRODEUR: Mon confrère boulanger vient de me dire entre 8 p.c.
et 10 p.c...
M. JORON: ... 8 p.c. et 10 p.c...
M. BRODEUR: ... de pain fabriqué par un seul et même
boulanger.
M. JORON: Alors, on est encore loin d'une situation de monopole. Donc,
le plus...
M. SAINT-PIERRE: J'ai peut-être des renseignements confidentiels,
sans nommer les noms des compagnies.
La plus grosse fabrique 10.3 p.c. de tout le pain blanc vendu et, pour
vous donner approximativement une idée, il faut dire que les quatre plus
grosses fabriqueraient, à elles seules, à peu près le
quart du pain du Québec, 26.4 p.c.
M. TETRAULT: M. le Président, encore avec les chiffres du
ministre, n'y aurait-il pas danger ou n'y a-t-il pas un signe ou une
tendance... Si l'on prend les chiffres que vous avez donnés, le nombre
de boulangeries au Canada, spécifiquement au Québec, en 1961, est
de 905; en 1970, on en a 553. Il y a donc un total de 352 boulangeries qui sont
disparues dans le Québec. Est-ce que la tendance ne s'en va pas à
la grosse boulangerie? Il ne faudrait pas mettre de l'onguent sur une jambe de
bois pour prévenir le monopole qui s'en vient avec les chiffres qui nous
sont donnés. Est-ce que le ministre peut me répondre? Ou une
association de compagnies pour faire un monopole? N'y a-t-il pas danger qu'on
s'en aille vers cet objectif ou ce but?
M. SAINT-PIERRE: C'est difficile de le dire parce qu'il y a plusieurs
facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Je pense quand même que,
si on est capable, dans les prochaines années, de faire des fusions
d'entreprises qui
vont nous permettre de diminuer les plus petits, après, on
pourrait avoir une dispersion intéressante et il n'y aurait pas de
monopole. Le danger, c'est qu'avant que les fusions puissent porter
bénéfice, les petits tombent dans la tendance qu'on a
remarquée au cours des dix dernières années. Dans ce sens,
on peut peut-être envisager aussi que la loi s'applique pour une
période de temps qui nous permette, sur le plan de la fusion, de
rétablir des entités viables et, après, peut-être
qu'elle deviendrait moins nécessaire.
M. JORON: Me permettez-vous une question supplémentaire? Est-ce
que la baisse des chiffres de 900, environ, à 500, environ,
reflète des compagnies qui ne sont plus sur la liste parce qu'elles ont
fait faillite ou si elle englobe également certaines qui ont pu
être fusionnées?
M. SAINT-PIERRE: Jusqu'ici, il y a eu très peu de fusions. La
baisse provient surtout des compagnies qui ont disparu, qui ont fait faillite,
qui ont fermé leurs portes. Les fusions sont quand même un
phénomène assez récent. Les groupes Gailuron, ce n'est pas
un projet de fusion. Dans le moment, il y a plusieurs projets
intéressants de fusion. La question qu'on se pose: Est-ce que, si le
prix minimal n'est pas appliqué finalement, tout cela va-t-il
s'écrouler?
M. TETRAULT: Est-ce que le ministre pourrait nous dire, dans
l'enquête Tessier qui a été faite, si ces données
ont pu être ramassées et analysées? Les petites
boulangeries qui ont fait faillite, est-ce encore à cause d'une mauvaise
administration? Un gars qui fait $10,000 par année et qui en
dépense $25,000 était appelé à faire faillite. Ou
si c'est encore une concurrence qui était trop forte avec la grosse
entreprise ou le "loss leader" qui le met dans une position qu'il ne puisse
plus survivre?
M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est le même
phénomène que pour le petit épicier par rapport à
la grande chaîne de magasins dans un secteur un peu analogue, mais c'est
la même différence. Il y a sûrement des facteurs de mauvaise
administration, de mauvaise expérience. Il y a aussi un facteur
d'économie d'échelle qui était possible chez les grands
fabricants, qui n'était plus possible chez eux. Je pense que, dans le
rapport Tessier, on fixait à 50,000 pains par semaine le point de
rentabilité, dans le contexte 73, d'une boulangerie. Il est certain que,
si l'on recule de 20 ans, peut-être qu'une boulangerie de 10,000 pains
était très rentable. Dans le contexte des économies
d'échelle, M. Tessier le fixe à 50,000. Je pense, dans le rapport
de Steinberg, qu'on parle de 25,000. Dans un sens, on peut donc dire qu'avec la
meilleure administration au monde, ceux qui actuellement ont moins de 25,000
pains il y en a plusieurs au Québec doivent envisager la
fusion ou doivent envisager de disparaître.
M. JORON: C'est comme à SOMA, ça prenait 50,000 par
année.
M. SAINT-PIERRE: Non, 15,000...
M. DEMERS: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je
voudrais savoir si, dans l'industrie laitière, dans l'industrie de la
vente du lait, la diminution des gens qui sont dans la distribution est plus
rapide que celle dans la distribution du pain? C'est parce que je voudrais
qu'on fasse une analogie entre un endroit où, actuellement, les prix
sont contrôlés, peut-être pas de la même façon
qu'on veut les contrôler ici, avec un autre domaine où les prix ne
sont pas contrôlés. Est-ce que le ministre a des chiffres
là-dessus? D'après ce que nous aurions trouvé, il y aurait
plus de diminution.
M. SAINT-PIERRE: Ma réponse serait un peu partisane par rapport
à ce que vous demandez. Je me rappelle que, dans mon comté, en
1970, tous les gens dans l'industrie du lait étaient bien
mécontents. Aujourd'hui, je n'entends plus parler de quoi que ce soit,
donc, je ne sais si cela veut dire que c'est bien.
M. DEMERS: Cela est excessivement partisan, mais vous ne répondez
pas à ma question.
M. SAINT-PIERRE: ... je n'ai pas les chiffres.
M. DEMERS: Vous parlez des producteurs de lait; moi, je parle des
distributeurs de lait, ceux qui en vendent et ceux qui le manipulent. Je pense
que ce serait bon peut-être que le ministre demande à ses
recherchistes de mettre le doigt là-dessus. Actuellement, d'après
les données que nous avons, il y a une diminution évidente du
nombre des vendeurs de lait, des distributeurs de lait et le prix est
contrôlé. Si c'est l'intention du gouvernement de garder le
même nombre de ces gens et de protéger les gens contre...
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais j'ai dit dans mes remarques, au
départ, que ce n'est pas l'intention du gouvernement de sauvegarder les
200...
M. DEMERS: Non, non.
M. SAINT-PIERRE: ... les 340 qui existent dans le moment. La seule chose
qu'on se dit c'est: Est-ce que le prix minimal de la loi proposée n'est
pas un paratonnerre nécessaire pour nous permettre, avec les boulangers,
de faire les fusions? Si on n'a pas ce parapluie, on risque de ne plus avoir
personne à fusionner.
M. DEMERS: II n'y aura plus rien à fusionner dans le temps.
M. SAINT-PIERRE: Mais on conçoit avec
vous que, dans cinq ans ou dans dix ans d'ici, je pense que les
boulangeries le souhaitent, on puisse retrouver j'hésite à
donner des chiffres peut-être 60 groupes importants au
Québec, ou peut-être moins que cela, qui vont être dans le
commerce de la boulangerie. Ce qu'on redoute, c'est que s'il n'y a pas ce
paratonnerre d'un prix minimal pour permettre à l'opération
fusion de bien s'engager, on va se retrouver avec cinq ou six qui vont absorber
le marché.
M. DEMERS: Quand vous aurez sauvé tous ces gens, vous
enlèverez probablement ou vous ne serez plus là le
prix minimal.
M. SAINT-PIERRE: Je vais être là.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors d'autres questions à M.
Brodeur?
M. SAINT-PIERRE: C'est vous qui avez été un "loss leader"
en 1970.
M. DEMERS: Mais je vous dis que les gens ont acheté encore du
pain de qualité moindre.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député
d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: M. Brodeur...
M. DEMERS: Une vente de juif. 100,000...
M. JORON: ... 100,000...
M. SAINT-PIERRE: D'après les derniers sondages, la
clientèle...
UNE VOIX: Avec Dupuis, on y va. M. TETRAULT: M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!
M. DEMERS: Vous, vous partez.
M. TETRAULT: M. le Président, l'Institut de protection et
d'information du consommateur, dans un article du Devoir, dit que le
gouvernement devrait fixer ou geler les prix à un cent l'once et que le
pain blanc est-ce que je peux citer l'article? "A un prix
inférieur à un cent l'once, le gouvernement devrait
également interdire la mention du prix dans toute annonce de pain.
L'institut appuie la recommandation voulant que le gouvernement confie à
un expert la tâche de fabriquer un modèle mathématique qui
permettra d'établir le prix de vente normal au détail et au gros
du pain fabriqué et distribué d'une façon
économique". Est-ce que votre association appuie cette demande de
l'IPIC?
M. BRODEUR: M. le Président, je crois que le député
d'Abitibi-Est a dû ramasser un journal qui le renseigne très bien,
mais peut-être pas sur des faits récents. J'aimerais savoir si
toutefois...
M. TETRAULT: Le 11 juillet 1972.
M. BRODEUR: II faudrait se rapporter au temps où le rapport
Tessier a été connu à des chiffres qui ont
été établis durant l'année 1972, et nous sommes
rendus en 1973. Pour votre information, à l'époque, nous
appuyions les recommandations du rapport et aujourd'hui, je ferais une
contre-partie, l'IPIC endosse le projet de loi pour la sauvegarde des
intérêts du consommateur.
M. TETRAULT: Donc, comme l'IPIC, vous approuvez qu'il n'y ait aucune
mention de prix dans toute annonce de pain, vous êtes d'accord sur
ça et que le gouvernement confie à un expert de fabriquer un
modèle mathématique qui permettra d'établir le prix de
vente normale au détail et au gros?
M. BRODEUR: M. le Président, le député
d'Abitibi-Est dit la vérité s'il n'y a plus moyen de faire de
"loss leader" à quoi vous servira de dépenser de l'argent pour
annoncer votre produit? Il se vendra logiquement, normalement et vous ne
pourrez avoir aucun retour pour l'argent investi dans votre
publicité.
LE PRESIDENT (M.Brisson): D'autres questions?
M. RUSSELL: M. le Président, j'aimerais poser quelques questions
à M. Brodeur. Est-ce que M. Brodeur pourrait informer la commission de
la raison qui motiverait le gouvernement de fixer le prix du pain? On tente
actuellement par cette loi de fixer la façon de faire la mise en
marché du pain, le marketing comme on dit souvent en anglais,
plutôt que de protéger le consommateur.
Le principe est de protéger le producteur. Pourquoi fixerait-on
le prix du pain plutôt que de fixer le prix d'autres produits qui
servent, comme le pain, de "loss leader"? On sait qu'il y en a plusieurs, dans
toutes les catégories ou tous les magasins. Une journée, on se
sert du pain, le lendemain, on se sert des tomates. Une autre journée,
on se sert d'autre chose. Pourquoi le pain plus que les autres produits? On
pourrait alors commencer à comprendre un peu la raison qui nous
justifierait de passer une loi comme celle-là lorsqu'on aurait
établi la raison particulière pour laquelle on fixerait le prix
du pain dans les magasins, ou pour le fixer simplement dans l'industrie. Est-ce
que M. Brodeur peut répondre à cette question?
M. BRODEUR: M. le Président, je réponds à M.
Russell. Premièrement, qu'il me soit permis de le référer
à l'étude de l'industrie de la boulangerie faite par le
père Bouvier en 1968; elle a montré les tendances du commerce et
de
l'industrie de la boulangerie, ses horizons sombres, ce dont elle avait
besoin. Pour compléter, je le référerais au rapport
Tessier; il fournit, preuves à l'appui, le pourcentage non seulement
d'industries qui disparaissent, mais le pourcentage également de ventes
du même produit qui est fait, soit au détail, chez
l'épicier ordinaire ou dans les centres commerciaux les
supermarchés. Pour ce qui est de fixer le prix, si on en venait à
le fixer seulement chez le boulanger, ce serait faire fausse route, car ce
serait enlever la libre concurrence et le gouvernement, comme les boulangers,
pourrait alors être accusé par le consommateur. Tandis qu'en
voulant planifier ou demander un prix minimal auquel le détaillant
pourrait vendre son pain, vous rejoignez non plus seulement deux paliers mais
trois. Premièrement, vous rejoignez le consommateur pour sa protection
immédiate et, à long terme, vous rejoignez la sauvegarde de
l'épicier du coin ou de l'épicier associé comparativement
aux gros achats ou aux grosses ventes que les supermarchés peuvent
faire. Par la suite, vous protégez les quelque 10,000 travailleurs de
l'industrie de la boulangerie qui sont non seulement des fabricants, mais des
vendeurs, des gens qui ont investi des capitaux et qui ont droit de retirer un
profit raisonnable pour rester en affaires.
M. RUSSELL: M. le Président, pour répondre à M.
Brodeur, comme il m'en a fait l'invitation, je vais lui dire que, malgré
que nous ayons beaucoup de lecture à faire, j'ai dû me pencher sur
ces rapports dont il parle, pour me rendre compte du peu de conviction qu'il
existait à l'intérieur de ça. Je me base sur ces rapports
et je dis que leur principe tentait de démontrer la protection du
manufacturier du pain. Un boulanger devient un manufacturier.
Si je me base là-dessus, je pourrais dire qu'on devrait faire la
même chose pour toutes les industries du Québec, parce qu'elles
sont toutes dans la même situation. Je prends les industries du
plastique, si vous voulez. Elles sont à la merci de deux grandes
compagnies dans le Québec et je pourrais les passer l'une après
l'autre. Je pourrais en prendre d'autres pour exemple.
Si je veux m'en tenir à la production, si on veut fixer le prix
à la production, on doit d'abord, comme l'a dit tout à l'heure le
député de Beauharnois, prendre le manufacturier qui va produire
un pain le plus économique possible. Si on prend ça, ne serait-il
pas vrai que, parmi les autres boulangeries, les 130 ou 160 qui restent, il y
en a peut-être 70 à 100 qui vont quand même faire
faillite?
Si on applique cette mesure, si on fixe un prix un peu plus
élevé pour protéger le manufacturier, est-ce qu'on n'a pas
là l'invitation à la fusion, comme l'a indiqué le ministre
tout à l'heure? Est-ce qu'on ne fait pas le même jeu de la
concurrence? Est-ce qu'on n'élimine pas automatiquement le nombre
d'emplois auquel M. Brodeur vient de se référer?
Si on permet la fusion des industries, on se ramène à une
ou quelques industries et le nombre d'employés va tomber de la
même façon. Donc, encore là, je ne vois pas pourquoi on
tâcherait de fixer le prix du pain pour permettre, comme on l'a fait dans
le cas du prix du lait, une fusion plus rapide qu'elle se fait actuellement.
C'est ce qui est arrivé dans le cas du lait, c'est ce qui va arriver
dans le cas du pain. Nous sommes conscients de ça.
Le gouvernement l'est également, le ministre aussi, sachant que
si nous fixons le prix du pain, la fusion se fera plus rapidement. On
élimine complètement la protection de la part de celui que nous
devons protéger, soit le consommateur. Car, c'est toujours lui qui ne
semble pas avoir la capacité de se défendre. Parce qu'il est
obligé de payer le prix qui existe sur le marché, il devra sinon
acheter sa farine et faire son propre pain. C'est la différence, le
choix qu'il a.
Plutôt que demander au gouvernement d'établir des normes,
de l'aide pour permettre aux industries qui peuvent être rentables, de
les rendre plus rentables et de pouvoir produire d'une façon
équitable et égale au même prix que les autres produisent,
ou les grosses boulangeries de l'entreprise privée vont produire
et cela fait peur ou du géant dont vous parliez tout à
l'heure que cela soit Steinberg ou un autre, ce sont des géants
mais si c'est vrai pour le pain, c'est vrai pour tous les autres
produits.
Est-ce qu'on ne voit pas cela pour la tomate? On va prendre des tomates
en conserve qui sont vendues meilleur marché que bien d'autres dans ces
grands magasins. Qu'est-ce qu'il arrive? On peut avoir un peu moins de tomate,
un peu plus de jus. La boîte est un peu plus petite et on la vend
meilleur marché. Est-ce que le consommateur n'est pas censé
être conscient de cela? Est-ce que ce n'est pas la même chose pour
la botte de caoutchouc? Si vous achetez une botte qui vient du Japon, est-elle
de la même qualité que celle que vous allez acheter, celle qui est
fabriquée à Granby, chez Miner? Ce sont des choses auxquelles
nous aurions intérêt à rendre les gens plus conscients
plutôt que d'essayer de voter des lois qui sont simplement des paliers
protecteurs pour certains individus ou certaines industries. C'est malheureux.
Mais je pense que nous devons réellement l'analyser profondément,
et nous rendre compte exactement où nous nous dirigeons lorsque le
gouvernement veut commencer à légiférer dans ce domaine.
Je pense que c'est un principe très dangereux et, si nous n'avons pas
d'autres raisons que celle qui nous a été fournie jusqu'à
maintenant par les associations, je me demande si nous sommes justifiés
d'agir selon les rapports que nous avons actuellement.
C'est la raison pour laquelle, M. Brodeur, je vous invite, vous qui
n'êtes pas boulanger mais qui êtes certainement conscient, à
titre de représentant, de tous les problèmes qui existent dans
l'industrie, vous êtes certainement conscient des raisons qui motivent
votre demande
ou votre appui à ce projet de loi, et peut-être des raisons
que nous ne connaissons pas, à faire une étude afin de nous
fournir d'autres arguments que ceux que nous avons actuellement.
M. SAINT-PIERRE: M. le député de Shefford, n'y a-t-il pas
un point qui n'avait pas été soulevé et que vous semblez
mésestimer lorsque vous faites des comparaisons avec d'autres produits?
C'est le fait qu'ici le prix du pain, finalement, a deux composantes. Une
composante de production et une composante de distribution. Il me semble que
là où le pain est différent de toutes les autres choses
que vous avez mentionnées, c'est que les boulangers assument les deux
composantes, production et distribution, et ils doivent faire face, au niveau
de la distribution, à des gens qui ont d'autres produits pour corriger
les pertes qu'ils subissent dans le pain alors qu'eux n'ont pas d'autres
produits. C'est-à-dire que si ceux qui vendent du pain à rabais
étaient dans la même situation qu'eux, je pense qu'il n'y aurait
pas de problème. On dirait: Ecoutez. Temporairement, il y a des gens qui
peuvent accepter, comme vous dites, pour le plastique ou le caoutchouc ou
autres... Mais eux, leur concurrence vient de gens qui vendent d'autres
produits.
M. RUSSELL: Je pense que le ministre vient de soulever au point
important et c'est une raison qui n'a pas été soulevée
tout à l'heure et qui serait peut-être valable. La commission
devrait se pencher sur cette raison et examiner si elle est valable. D'abord,
on veut parler de Steinberg ou de Dominion qui font la livraison. Je suis
convaincu qu'ils ne feront pas la livraison s'ils vendent du pain à deux
pour $0.18, si la ménagère appelle et demande deux pains à
$0.18. Ils ne feront pas de livraison.
Donc, on fait la comparaison entre le boulanger qui fait la livraison
à domicile et celui qui vend avec un "loss leader" comme Dominion.
Est-ce que c'est le même service? Est-ce que la personne qui
achète du pain de celui qui passe de porte en porte ne paie pas pour un
service additionnel? Est-ce qu'elle n'est pas consciente de cela? Si la
ménagère préfère aller faire ses achats et acheter
au magasin, qu'elle soit libre de le faire. Pour ces gens-là qui passent
de porte en porte, est-ce que ce n'est pas appelé à
disparaître graduellement?
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous ne trouvez pas que, lorsque c'est deux
pour $0.18, l'écart est trop grand? Eux, avec un service additionnel, ne
peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas cette possibilité qu'ont
Steinberg, Dominion et surtout les autres chaînes Métro de subir
des pertes dans la vente du pain. Tantôt, s'il y en a qui
témoignent, on pourra dire qu'à $0.09 le pain de 24 onces, on
subit des pertes. Mais eux, peuvent se le permettre. Ils ont le choix de faire
des pertes parce qu'ils vont faire des profits avec la ménagère
dans l'achat d'au- tres aliments, alors que les boulangers n'ont pas ce
choix-là.
M. RUSSELL: Alors, M. le Président, on pourrait peut-être
analyser si on veut réellement protéger celui qui fait du
porte-à-porte, plutôt que protéger le boulanger. Est-ce que
c'est lui qu'on veut protéger?
M. CADIEUX: Un de ceux...
M. SAINT-PIERRE: Souvent, c'est dans le même réseau.
M. DEMERS: II y a seulement 17 p.c. du pain qui est livré de
porte en porte.
M. RUSSELL: J'allais poser des questions là-dessus. Est-ce que
cela a diminué et à quel rythme? Est-ce que cela a diminué
depuis quatre ou cinq ans? Est-ce que c'est appelé à se
maintenir? Est-ce qu'on veut le maintenir? Est-ce qu'on a des raisons de le
maintenir? Qu'est-ce qui arrive ailleurs?
M. DEMERS: En Ontario, il n'y a actuellement que 3 p.c. qui sont
distribués de porte en porte. Graduellement, je pense qu'on s'en va vers
l'achat du pain...
M. SAINT-PIERRE: Là, vous prouvez, je pense, la thèse que
nous avons avancée. Si nous nous en allons graduellement vers l'Ontario
et la Colombie-Britannique...
M. RUSSELL: On ne s'en va vers personne. Est-ce qu'on s'en va vers
l'élimination ou est-ce qu'on veut réellement le protéger?
C'est là le point.
M. SAINT-PIERRE: Notre point, c'est que...
M. RUSSELL: Parce que les boulangers prétendent que le
gouvernement doit prendre les dispositions pour protéger celui qui fait
la distribution de porte en porte.
M. SAINT-PIERRE: On pourrait poser la question à d'autres
après. Nous avons l'impression que, s'il n'y a rien de fait, nous allons
nous retrouver dans cinq ans, au niveau du prix au consommateur, avec la
même situation que celle qui prévaut dans les autres provinces
canadiennes et dans les autres Etats américains. Lorsque vous regardez
les statistiques... Celui qui a fait un voyage le voit. J'étais à
Miami, il y a quelque temps, et la grande vente là-bas, c'est d'offrir
du pain à $0.39 pour 20 onces. C'est une grande vente, c'est un "loss
leader" à $0.39. Pourquoi? Parce qu'eux nous ont devancés dans
cela. Il y a eu le phénomène d'éliminer la petite
boulangerie et, après, peut-être une trop grande
concentration.
M. RUSSELL: Ce sont des arguments qui
sont valables, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui va empêcher une
autre boulangerie de repartir lorsque le pain se vendra $0.39? Qu'il le vende
à $0.29.
M. SAINT-PIERRE: Une fois qu'ils seront éliminés, il n'y a
personne qui va recommencer, parce que le produit a changé.
M. DEMERS: M. le Président, avant que M. Brodeur ne nous quitte,
est-ce que le groupe qu'il représente a envisagé, au lieu de
fixer un prix minimal, de demander au législateur d'interdire la vente
en bas du prix coûtant?
M. BRODEUR: M. le Président, pour répondre au Dr Demers,
en fixant un prix minimal, vous interdisez la vente à perte, de vendre
en bas du prix coûtant, et...
M. SAINT-PIERRE: Si, dans la loi, nous avions simplement une disposition
qui disait: C'est interdit à un détaillant de vendre en bas du
prix coûtant.
M. BRODEUR: Ce serait une attitude trop élastique. Il faudrait
établir pour chacun son prix coûtant.
M. DEMERS: Oui. Il y aurait les grands magasins à succursales
dont le prix coûtant...
M. BRODEUR: ... peut varier d'un magasin à l'autre. Ce ne serait
pas quelque chose de stable sur lequel on pourrait tabler.
M. DEMERS: A votre sens, on est mieux de se limiter au coût de
l'once, par catégorie de poids.
M. BRODEUR: C'est ça.
M. RUSSELL: Cela veut varier de poids non pas nécessairement d'un
magasin à l'autre, mais d'une industrie à l'autre.
M. BRODEUR: Les deux, parce que le prix coûtant d'un magasin n'est
pas nécessairement le même.
M. RUSSELL: C'est la prix d'achat du magasin, c'est son prix
coûtant. Tandis que le manufacturier, son prix coûtant devient
composé par son coût de production: la main-d'oeuvre, la
matière première et le coût d'exploitation à charge
fixe, ainsi de suite. Ce coût peut varier, c'est là qu'on peut
établir un prix coûtant. Mais le magasin, son prix coûtant
est facile, c'est le prix qu'il a payé. C'est ce qui est son prix
coûtant.
M. BRODEUR: Pour répondre à M. Russell, le prix
coûtant chez le fabricant varie aussi largement qu'il peut varier chez le
magasin, parce que lorsque vous établissez un prix coûtant chez le
marchand, il ne va pas simplement avec la facture qu'il peut vous montrer. Il y
a des charges additionnelles qui varient d'un établissement à
l'autre.
M. RUSSELL: II faudrait connaître la ristourne qui se donne pas en
dessous.
M. BRODEUR: Très bon principe.
M.CADIEUX: Je pense que l'application... Vous en avez parlé au
tout début de vos remarques tantôt, il faut tout de même
fixer quelque chose parce qu'il faut penser à l'application de la loi.
Si on arrivait seulement à dire: On ne veut pas que ce soit vendu en bas
du prix coûtant, sans qu'il y ait de fixation de prix, qui va faire la
cause? Qui va se charger de dire: Lui a vendu en bas du prix coûtant? Qui
va aller faire l'enquête chez le manufacturier? La loi ne serait pas
applicable. Si on en vient à dire: On va prendre le plus gros fabricant,
on va aller â son prix minimal, c'est sûr que le petit ne pourra
pas fabriquer le pain à ce même prix, mais l'écart va
être joliment diminué. S'il donne le service dont vous avez
parlé tantôt, les gens, le consommateur va dire: D'accord, je paye
$0.03 ou $0.04 de plus que le prix minimal fixé, il peut me le vendre
à ce prix, mais il vient le livrer chez nous où il est à
ma disposition quotidiennement. En fin de semaine, cela n'empêchera pas
le consommateur d'aller payer quelques sous meilleur marché dans un
grand centre commercial. Mais, le pain, on l'achète tous les jours quand
même.
M. RUSSELL: M. le Président, une information qui pourrait
être intéressante à la commission, est-ce que le ministre
ou peut-être M. Brodeur pourrait me donner le nombre d'industries
actuelles qui fabriquent plus de 50,000 pains par jour?
M. SAINT-PIERRE: Elles sont toutes en détail dans le rapport
Tessier mais je peux vous les trouver, si vous voulez. Il y a peut-être
une trentaine de boulangeries qui ont plus que 30,000. Il y en a plusieurs qui
sont entre 40,000 et 50,000.
M. RUSSELL : Donc, si on se base sur le chiffre de 50,000 pour
être un chiffre de rentabilité pour un manufacturier de pain, cela
veut dire qu'on en aurait une trentaine ou une quarantaine qui seraient
rentables dans la province. Si on fixait le prix de la façon
indiquée par le député de Beauharnois, qui est un principe
simplement, non un dogme, cela veut dire que le reste serait tôt ou tard
appelé à disparaître ou à se fusionner. On
atteindrait exactement le même principe que j'exposais tout à
l'heure. On fixe un prix pour accélérer la fusion et on va
détruire l'argument qu'utilisait M. Brodeur tout à l'heure pour
protéger les ouvriers qui travaillent dans les boulangeries
parce qu'on va réduire automatiquement le nombre des ouvriers.
Automatiquement, de la même façon que ça va se
réduire actuellement. Que la boulangerie se fusionne ou qu'elle fasse
faillite, elle ferme ses portes d'une façon ou de l'autre. Donc,
l'ouvrier disparaît quand même.
M. CADIEUX: II y a plusieurs genres de fusion. Cela peut être une
fusion seulement pour l'achat des produits qui vont entrer dans ce produit. Ce
n'est pas nécessairement une vraie fusion, cela peut être des
échanges de prix. On peut dire; Toi, tu vas t'occuper de l'emballage. un
autre de l'achat.
Tout de même, j'avais étudié, à la demande du
ministre, le rapport Tessier et celui du père Bouvier. Il a
été prouvé, dans des régions où des
boulangers se sont fusionnés pour l'achat de certains produits, pour la
distribution, pour l'emballage, que leur profit a augmenté, et il n'y a
pas eu de diminution de personnel. Il y a même eu augmentation dans
certains cas parce qu'ils ont donné d'autres services.
M. RUSSELL: Une chose est certaine, lorsque va se faire la fusion, ce
n'est pas la loi qui va établir la façon de faire la fusion. Je
suis convaincu que la compagnie qui va fusionner d'autres compagnies va prendre
les dispositions pour laisser subsister certaines bâtisses ou certaines
industries qui lui permettront de produire et distribuer le plus
économiquement possible. Mais le résultat de cette
expérience dans d'autres domaines et je pense bien que c'est la
même chose pour le pain est que cela devient la centralisation; la
distribution se fait beaucoup plus économiquement par camion qu'en
maintenant une industrie, une boulangerie. L'expérience passée
nous assure simplement que de la fusion résultera une diminution de
main-d'oeuvre.
M. DEMERS: Cela va faire tort aux 100,000 emplois.
M. RUSSELL: Cela n'aidera pas.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, messieurs, aucune autre question
à M. Brodeur? Nous vous remercions infiniment...
M. RUSSELL : M. Brodeur pourrait répondre à celles que je
lui ai posées, il y en avait une demi-douzaine.
LE PRESIDENT (M. Brisson): En somme, des questions ont été
posées répétées; M. Brodeur a répondu qu'il
ne voulait pas répondre à de telles questions.
M. BRODEUR: Pour dire comme on dit, je ne voudrais pas trébucher
sur des paliers glissants, mais je peux certainement vous dire que certaines
fusions créent de l'emploi tandis que d'autres en font
disparaître. Même si elles ne devaient que protéger 50 p.c.
des boulangers que vous dites appelés à disparaître, vous
protégeriez par nationalisme au moins 50 p.c. des pionniers de
l'industrie du pain au Québec.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous vous remercions infiniment, M. Brodeur.
Maintenant, j'appellerais le représentant de l'Association des
boulangers de Montréal, M. W.D. Harrisson, qui est son président
ou son représentant. J'en profite pour signaler que le rapporteur de la
commission sera M. Shanks, député de Saint-Henri.
M. CADIEUX: II n'y est pas. Il n'est pas revenu de "Appelez-moi
Lise."
LE PRESIDENT (M. Brisson): Veuillez vous identifier, s'il vous
plaît.
M. HARRISSON : M. Saint-Denis parlera pour l'Association des boulangers
de Montréal.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Votre prénom, M. Saint-Denis.
M. SAINT-DENIS: Mathieu.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je regrette, les cloches sonnent, cela veut
dire qu'on nous appelle pour un vote. Alors, nous devrons suspendre nos travaux
à cet après-midi, à trois heures. La commission suspend
ses travaux cet après-midi à trois heures.
(Suspension de la séance à trois heures)
Reprise de la séance 15 h 11
M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre,
messieurs!
Nous avons quorum, je demanderais donc au représentant de
l'Association des boulangers de Montréal de bien vouloir donner son
exposé.
Association des boulangers de Montréal
M. SAINT-DENIS: M. le Président, je tiens d'abord à
remercier tous les membres de la commission qui ont consacré de
nombreuses heures à ce travail. Je tiens à signaler que nous vous
avons fait parvenir nos recommandations en date du 2 février. Je suis
ici pour répondre à vos questions.
M. LAVOIE (Wolfe): Votre nom, s'il vous plait?
M. SAINT-DENIS: Mon nom est Saint-Denis.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Votre prénom, s'il vous plait?
M. SAINT-DENIS: Mathieu.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Saint-Denis est donc prêt à
répondre aux questions du ministre, des membres de l'Opposition ou des
membres de la commission. Y a-t-il des questions?
M. SAINT-PIERRE: Je crois comprendre que vous appuyez le mémoire
de l'Association professionnelle des boulangers du Québec et que vous
approuvez le principe du projet de loi. Je note en particulier le haut de la
page 2 où vous dites "Nous croyons que le seul moyen de conserver une
industrie de la boulangerie viable au Québec est de
légiférer sur un prix minimum".
M. SAINT-DENIS: Oui, exactement, M. le Président.
M. SAINT-PIERRE: Pouvez-vous me donner les motifs qui vous portent
à penser que c'est le seul moyen, enfin, que c'est un moyen important ou
essentiel?
M. SAINT-DENIS: Je pourrais, M. le Président, à ce
moment-ci, si vous me le permettez, vous signaler ce qui se passe pour le prix
du pain, ici, au Québec, depuis les huit dernières années.
Si on se réfère à 1965, le pain de 24 onces se
détaillait $0.22; en 1966, le pain de 24 onces se détaillait
$0.23; en 1967, on le retrouve à deux pains pour $0.43 ou $0.23; en
1968, on le voit pour une courte période de temps à $0.25 et en
1973 on le retrouve à $0.22 les 24 onces.
Nous notons que, dans des localités comme Valleyfield, on trouve
du pain à $0.15, à Granby, à $0.14 à Shebrooke
à $0.15 et dans la Beauce, à $0.18.
Je pense donc qu'un projet de loi s'impose afin de mettre un terme
à ce que l'on voit, notamment depuis les dernières
années.
M. SAINT-PIERRE: Votre association recrute quand même ses membres
dans la région de Montréal parmi les plus grandes boulangeries
indépendantes. Si je crois comprendre que, dans l'essentiel de l'appui
et du mémoire de l'Association professionnelle des boulangers du
Québec, la plus grande divergence peut paraître au niveau des
dispositions du projet de loi en ce qui touche l'emballage du pain. Vous y
différez d'opinion ou une partie de vos membres diffèrent
d'opinion avec...
M. SAINT-DENIS: Justement. Dans l'ensemble, nous appuyons le projet. Il
y a quelques irrégularités sur lesquelles nous ne sommes pas
d'accord.
M. SAINT-PIERRE: Ces points sont-ils surtout l'emballage et les
questions de poids également, points qui sont mineurs mais qui peuvent
être importants?
M. SAINT-DENIS: Oui, les questions de poids sont à notre sens
primordiales. Nous avons recommandé, nous de l'association, deux
pesanteurs, soit 12 onces et 20 onces.
M. SAINT-PIERRE: Seize et vingt onces.
M. SAINT-DENIS: Seize et vingt onces. Nous croyons que ces poids de 16
et 20 onces devraient être appuyées par une dimension maximale de
moules ou de' contenants. On sait fort bien qu'au Québec, depuis nombre
d'années, nombre de gens ont été dupés ou sont
dupes de ces grandeurs ou de ces différents poids.
M. SAINT-PIERRE : Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y en a qui nous
ont fait valoir la nécessité d'avoir quand même des pains
de 32 onces, de 40 onces, de 48 onces dans le cas des hôpitaux, des
familles nombreuses?
M. SAINT-DENIS: Nous avons des statistiques qui nous disent que 1 p.c.
de la consommation du pain se retrouve au niveau de 48 onces.
M. DEMERS: Et dans les 40 onces? Le ministre de l'Education pourrait
peut-être nous renseigner là-dessus, il a des magasins pour
ça.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Etes-vous sûr que c'est une commission
sérieuse?
M. DEMERS: On est convaincu de ça. On peut arroser de temps en
temps, même le pain.
M. SAINT-PIERRE: Je pense, M. le Président, qu'on a eu quand
même ce matin une bonne discussion. Quant à moi, je n'aurais pas
d'autres questions à poser si ce n'est de noter cela
m'apparaît assez important quand même qu'il y a
vis-à-vis du principe même du projet de loi un témoignage
qui nous vient finalement de l'ensemble des boulangers de la province de
Québec à l'effet que le projet de loi dans le sens décrit
ce matin s'avère nécessaire pour assurer la saine concurrence
dans ce secteur. On pourrait regarder les articles un par un plus tard, dans
l'étude du projet de loi, si on retient le principe qu'il y a lieu de
donner suite à certaines des recommandations. Je n'ai pas d'autres
questions. Merci.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: M. le Président, il y a un article qui m'a
frappé, à la section II, article 6 de votre mémoire. On
dit que les poids idéaux pour le pain blanc enveloppé et
tranché sont 16 onces, 20 onces, comme l'a souligné le ministre
tout à l'heure. Peut-être que vous allez me dire que j'ai tort,
que je ne connais absolument rien dans le domaine de la boulangerie, mais la
question de 16 et 20 onces, n'est-ce pas ce qu'on peut appeler "mass
production", la production à la chaîne, où on peut arriver
et faire une concurrence globale à travers la province à un
coût inférieur pour justement pouvoir arriver à prendre un
monopole ou un supposé monopole dans la petite boulangerie?
M. SAINT-DENIS: Le pain de 20 onces, on le retrouve dans tout le
Québec et, nécessairement, les boulangeries de Montréal
sont prêtes à se rallier à ce poids de 20 onces, même
si nous sommes liés par une loi montréalaise qui veut qu'on vende
douze et ses multiples. Nous verrions comme un grand bienfait une
uniformité des poids. En dehors de Montréal, immédiatement
en sortant des ponts, on y retrouve une variété de poids à
l'infini.
M. TETRAULT: Justement, n'est-ce pas une des forces de la petite
boulangerie qui vous oblige, pour les 16 et 20 onces, à aller en
concurrence avec les 12, 24, 30 et tout? Est-ce que la petite boulangerie vous
oblige de faire compétition sur ces poids? En les plaçant dans
une position de 16 et 20 onces, on les met face à une compétition
de "mass production". Elles ne peuvent pas y venir et, dans le moment, vous
êtes un peu contrôlés par la fluctuation des onces quant
à la concurrence.
M. SAINT-DENIS: M. Tétrault, vous-même, ce matin, avez
soulevé le problème de l'effet aux consommateurs en ce qui a
trait à un prix minimum du pain. L'effet aux consommateurs, je
l'explique comme ceci. Si on voit les "loss leader" à différents
endroits, nécessairement, ces grossistes qui se servent du pain comme
"loss leader" se doivent de se rattraper sur autre chose.
Madame la consommatrice paie la note finale. L'effet aux consommateurs
par un prix minimum, à mon sens, ne nuirait en rien au prix actuel du
pain. Ce qu'on regarde ou ce qu'on recherche, c'est un prix minimum. Il n'y a
pas un boulanger qui va pouvoir se tenir à ce prix minimum. Le mot le
dit, c'est minimum, on partirait de là.
M. TETRAULT: Je suis d'accord sur ça. Je pourrais peut-être
énoncer ma question d'une autre façon.
Vous arrivez aussi avec la longueur maximale permise dans des moules de
neuf pouces et trois quarts pour le pain de seize onces. Ceci est
extrêmement important et vous le soulignez. N'est-il pas vrai que, dans
le domaine de la boulangerie, si vous avez un pain de telle grandeur
disons rempli d'air un pain uniforme à travers la province, cela
signifie qu'il a un goût uniforme à travers la province? Je vous
pose la question. Ne me dites pas que je ne connais rien dans la boulangerie.
Je ne connais rien dans la boulangerie. Mais est-ce qu'on n'arrive pas avec un
goût uniforme? La même personne est restreinte à employer un
moule de neuf pouces et trois quarts, qui est spécialement conçu
pour la production à la chaîne, parce qu'on arrive avec quelque
chose d'uniforme, que le goût peut être différent et qu'on
soumet toute une population à un pain de même goût, ce qui
signifie que le palais de l'un est identique au palais de l'autre.
M. SAINT-DENIS: Lorsque nous suggérons une longueur maximale,
c'est, encore une fois, une longueur maximale... Plusieurs boulangers se
tiendraient en-dedans de cette longueur maximale. Cela ne veut pas dire que
toutes les boulangeries fabriqueraient le même pain.
M. TETRAULT: Oui, mais le goût du pain est différent. Il y
a une différence de goût entre le pain soufflé et le pain
massif.
M. SAINT-DENIS: Les pains soufflés, à notre sens, n'ont
pas leur place sur le marché.
M. TETRAULT: Et qu'est-ce que font les gens qui aiment cela?
M. DEMERS: Les gens qui aiment des trous?
M. SAINT-DENIS: Nous ne sommes pas ici pour vendre des trous. Nous
sommes ici pour vendre...
M. TETRAULT: Le fromage suisse a des trous et il est très
populaire.
M. SAINT-DENIS: Ce n'est pas le fromage
du pauvre. On sait que le pain est l'aliment de tous les jours et qu'on
le retrouve sur toutes les tables. Je ne pense pas qu'on ait avantage à
vendre du pain avec des trous.
M. TETRAULT : Non. Pas nécessairement des trous, mais un pain
soufflé. Ce qui m'inquiète est qu'on veut imposer et c'est
la seule conclusion à laquelle je peux en venir une production
à la chaîne. C'est la seule et unique chose que je peux voir dans
cet article que vous ajoutez à l'article 1 d), c'est "mass production".
Donc, on s'en va vers un poids uniforme, une longueur uniforme. Et, comme vous
le savez, dans n'importe quel domaine qui produit, quand on est uniforme, on
veut entrer dans "mass production", la production à la chaîne.
Mais lorsqu'on varie, on ne peut plus. Lorsqu'on fait du pain dans une
tôle ou dans une feuille de tuyau coupée en deux, il n'y a plus de
"mass production". On tombe dans le domaine manuel. Il faut s'en aller dans ce
dernier parce que la production à la chaîne ne peut pas le
prendre.
Je me demande pourquoi vous me dites que c'est un pain uniforme,
consacré à une population avec toutes sortes de goûts. Je
me pose l'autre question. Est-ce qu'on ne veut pas arriver à la
production à la chafne, massive?
Admettons comme argument que le prix minimal nous ne prendrons
pas de chiffre plus bas hypothétiquement est $1 le pain, cela va
lui coûter $0.99 pour le produire manuellement et vous, avec les
recommandations que vous faites, le même pain va vous coûter $0.93
ou $0.95. Donc, vous pouvez le vendre $1, prix minimal avec la "mass
production", la production à la chafne. Est-ce que ce n'est pas vers ce
point que vous tentez d'aller?
M. SAINT-DENIS: Je pense que votre question est ambiguë. Je
n'arrive pas à la comprendre exactement.
M. TETRAULT: Je peux me répéter si vous voulez.
M. SAINT-DENIS: Lorsqu'on parle de poids, M. le Président, et
qu'on suggère 16 ou '20 onces, c'est en ayant à l'esprit la
protection du consommateur. Nous avons des statistiques qui nous prouvent, si
on parle des 20 onces, qu'on pourrait aller jusqu'à 80 p.c. de la
consommation entière du pain au Québec.
M. TETRAULT: La consommation du pain au Québec est de 20
onces?
M. SAINT-DENIS: Non. La grande popularité présentement, M.
le Président, c'est le pain de 20 onces.
M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si cela peut aider, mais en bas de 15
onces, c'est environ 1 p.c; 15, 16 et 17 onces, c'est 20 p.c; un autre groupe
18, 20 et 21 onces, c'est 37 p.c, ce qui confirme un peu que c'est le format le
plus populaire; 22, 24 et 26 onces, c'est 32 p.c; 28, 30 et 32 onces, c'est 9
p.c. et, plus de 32 onces, sur quatre ou cinq formats, 36, 40, 44, 48 tout
ensemble c'est 1 p.c. Je pense que ce qu'on peut dire c'est que les formats de
16 onces, 20 onces et 24 onces que nous retrouvons dans le projet de loi, trois
des cinq formats dans l'ancien projet de loi, ce sont pratiquement 90 p.c. du
pain vendu au Québec dans le moment.
M. TETRAULT: A 32 p.c. dans le 24 onces. 22, 24 et 26 onces jouent un
rôle assez important. L'autre à 37 p.c. et celui-là
à 32 p.c.
M. SAINT-PIERRE : Ce que je veux dire c'est que dans le projet de loi,
15, 16 et 17 onces, nous savons d'après les explications qui nous ont
été données que cela tourne autour de 16 onces et il y en
a qui, pour épargner sur des coûts, donnent l'illusion que c'est
16 onces et c'est 15 onces; il y en a d'autres qui mettent 17 onces pour dire
que c'est un meilleur prix. Ce que je veux dire, c'est que le pain pourrait se
regrouper à 16 onces, 20 onces et 24 onces. Ces trois groupes
représentent 90 p.c. des pains vendus au Québec.
M. TETRAULT: Je suis d'accord. C'est pour cela que je demande pourquoi
on spécifie 16 onces et 20 onces; les formats de 32 et 24 onces sont
exclus.
M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est quand même un point mineur, si
je comprends bien, de votre mémoire.
M. TETRAULT: Le mémoire est assez bien expliqué par M.
Brodeur qui couvre toute la gamme. Là je relève un article,
peut-être que je devrais attendre pour le mentionner, M. le ministre.
M. SAINT-PIERRE: Non, non. Question additionnelle à celle qui est
soulevée. D'après vous, vous dites que, s'il y a trop de poids,
ça va augmenter les frais des moules et autre chose. Dans le projet de
loi, nous avons cinq poids mentionnés. Si on devait en enlever un,
est-ce que ce serait, d'après vous, le plus grand?
M. SAINT-DENIS: Dans notre recommandation, on suggère de retenir
16 et 20 onces mais on fait des spécifications.
M. SAINT-PIERRE: II me semble quand même que les boulangers du
Québec, 16 et 20 onces, il y en a qui trouveraient que ça ne
couvre pas assez. C'est beau l'uniformisation, mais... enfin, si d'après
vous, on avait à en enlever un c'est la question.
M. SAINT-DENIS : Si on se réfère au rapport
Tessier, on y retrouve peut-être 14, 15 ou 16 différents
poids au niveau du Québec. Je pense que c'est urgent que quelque chose
soit fait dans ce sens.
M. TETRAULT: ... cinq poids.
M. SAINT-DENIS: Lorsque je reprends le bill 277, on y voit cinq poids,
nous ne sommes pas d'accord sur le fait qu'il y ait cinq poids, nous, de
l'association de Montréal.
M. SAINT-PIERRE: II y en a seize dans le moment, vous ne trouvez pas
que, si on passe de seize à cinq dans le secteur des poids et de
l'emballage on aura accompli un grand progrès. Quant à moi,
ça ne me fait rien, si tout le monde acceptait unanimement deux poids.
Je pense que, du côté du consommateur, on ne peut pas avoir
beaucoup d'objections. J'ai cru sentir que du côté des
consommateurs et du côté de plusieurs boulangers, on n'acceptait
pas qu'il y ait seulement deux poids. De la part des hôpitaux on a
reçu des pressions pour avoir des formats... c'est pour ça que,
dans le projet de loi, pour les hôpitaux et les institutions, on indique
48 onces.
M. SAINT-DENIS: Là-dessus, je dirai ceci. Actuellement, à
Montréal, nous vendons du 24 onces depuis des années et des
années. Nous nous rallions aux boulangeries du Québec pour
éliminer ces 24 onces et rejoindre les 20 onces. Je pense que, dans
d'autres secteurs de la province, les boulangers pourraient également se
rallier. Lorsque je dis 24 onces, qui disparaî-traient à
Montréal, je songe aux 32 onces qu'on retrouve à Québec,
seulement à Québec.
M. SAINT-PIERRE: Ce point est conforme à la loi dans le moment.
Est-ce que la loi, qui n'est pas respectée, ne disait pas 16 onces et 32
onces? Cela a été repris dans les règlements de la ville
de Québec.
M. SAINT-DENIS: Cela a été repris dans les
règlements de la ville de Québec et dans les règlements de
la ville de Montréal, ce sont 12 onces et ses multiples. Actuellement,
c'est tenu d'une façon très rigoureuse, on s'en tient au poids
à Montréal: 12 et 24 onces.
M. DEMERS: Les multiples de douze.
M. JORON: M. le Président, je voudrais poser une question
à la suite de ce que M. Saint-Denis disait tout à l'heure. Vous
affirmiez que le fait que des chaînes vendent du pain meilleur
marché que ce qui serait probablement un prix minimum, si on devait en
fixer un, n'est pas nécessairement une économie globale pour le
consommateur, il y a un trompe-l'oeil là-dedans en ce sens, que c'est
peut-être vrai que le pain lui-même peut être à
meilleur marché; par contre, la chaîne va sûrement se
reprendre sur une autre sorte de produit, et que le panier d'épiceries
globalement, n'est finalement pas meilleur marché.
L'intérêt du consommateur n'est finalement pas
protégé. J'ai bien tendance à croire que vous avez raison.
Cependant, je me demande en quoi le fait de relever le prix du pain ou
d'établir un prix minimal, c'est-à-dire d'empêcher la
chaine de le vendre plus bas que X cents mais à un prix plus
élevé que ce que vous appelez le "dumping" qui se fait
actuellement, va nécessairement entraîner une baisse sur les
autres produits de façon que le panier global ne coûte pas plus
cher qu'aujourd'hui au consommateur.
Si, par ce biais, vous augmentez le prix du pain, je doute beaucoup que,
pour autant, les chaînes se mettent à baisser le prix des
conserves de petits pois. Mais alors, si elles le faisaient je ne sais
si vous pensez que j'ai raison en d'autres mots, si elles changeaient le
"loss leader", je vous demande ce que vous feriez si vous étiez à
notre place. Dans l'année qui vient, on verrait apparaître en
commission les producteurs de petits pois, de tomates, d'arachides, de papier
de toilette. Je ne vais pas faire toute la liste mais pour combien d'articles
différents dans une épicerie ne viendra-t-on pas finalement
demander la même chose? Car personne ne va vouloir que son produit soit
le "loss leader".
M. SAINT-PIERRE: Mais je m'excuse, le député me permet-il
une question? C'est qu'il y a seulement dans le domaine du pain où la
petite entreprise et la moyenne entreprise du Québec jouent â la
fois leur rôle de production et de distribution. Les gens qui produisent
des pois dans le moment, vendent 100 p.c. de leurs produits à des
chaînes de magasins qui, là, peuvent perdre de l'argent. La
règle de concurrence entre le producteur et le distributeur se
maintient. Là où elle est faussée dans ce cas-ci, c'est
que c'est le seul produit où la petite entreprise et la moyenne
entreprise québécoise ont aussi traditionnellement un secteur de
distribution et de vente. C'est leur seul produit. Elles ne peuvent pas faire
une saine concurrence si la grande chaîne peut encourir des pertes sur le
pain et compenser par des profits sur d'autres produits. Je pense donc que le
principe ne s'appliquerait pas...
M. JORON: II y a sans doute une distinction, je l'admets. Enfin, sur la
première partie de ma question, quelle garantie avons-nous que cela va
nécessairement signifier une économie ou du moins que cela ne
signifiera pas une hausse de prix dans le panier total d'épicerie pour
le consommateur?
M. SAINT-DENIS: Quant au prix minimal, que les boulangers recherchent,
on ne voit pas du tout, après l'avoir analysé, où cela
pourrait, en quelque sorte, être dommageable au consommateur; au
contraire, nous en arrivons à arrêter le "loss leader". On sait
que le pain a joué ou
avait été une question de trafic dans les
supermarchés depuis des années.
M. JORON: A ce sujet-là, est-ce que je peux vous demander depuis
combien de temps cette pratique porte sur le pain dans les magasins à
succursales?
M. SAINT-DENIS: Elle porte, M. le Président...
M. JORON: Spécifiquement sur le pain, depuis quand ont-ils
commencé à faire cela en grande? On sait que cela marche pas mal
ce temps-ci.
M. SAINT-DENIS: Cela pourrait remonter à de très
nombreuses années. Cependant, on voit qu'au cours des dernières
années et notamment au cours des deux dernières années, la
situation s'envenime.
M. JORON: On pourrait peut-être demander aux gens de Steinberg
depuis quand cette maison le fait, entre autres. Ils savent probablement depuis
quand leurs compétiteurs le font aussi parce qu'ils s'alignent en
conséquence. Je vais réserver cette question pour plus tard car
je ne veux pas vous embarrasser inutilement.
M. CADIEUX: Le député disait tantôt que les
producteurs de petits pois ou d'autres produits pourraient peut-être
venir devant nous et nous exposer un problème similaire, mais je verrai
difficilement un magasin à succursales, ou n'importe quel
détaillant en épicerie, essayer d'attirer une clientèle en
vendant des petits pois meilleur marché, tandis que le pain, cette
denrée quotidienne...
M. JORON: C'est essentiel comme le papier de toilette.
M. CADIEUX: ...c'est le commerçant lui-même qui y perdrait
et il ne pourrait pas vendre trop cher, faire une vente de petits pois et
puis...
UNE VOIX: Est-ce qu'on ne le fait pas avec du poulet?
M. DEMERS: Une question de règlement, M. le Président.
Est-ce qu'il y aurait possibilité qu'on demande à la
présidence la parole. Ce n'est pas parce que je veux chicaner qui que se
soit, mais il faut un peu d'ordre dans notre façon de procéder.
Notre président est le meilleur gars du monde alors il ne viendra pas
nous bâtonner si on ne respecte pas les règlements.
LE PRESIDENT (M. Brisson): On essaie d'être
démocratique.
M. DEMERS: C'est bien. Y aurait-il moyen que le président
reconnaisse l'opinant avant...
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Maurice m'a demandé la parole il y a quinze minutes.
M. DEMERS: Ce n'est pas pour cela que je vous dis cela. Je la
cède au député de Beauharnois pour autant qu'elle me
revienne tantôt.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Auriez-vous des questions?
M. DEMERS: J'aurais une ou deux questions à soumettre à M.
Saint-Denis. J'admets que le principe est reconnu même de fixation d'un
taux minimal, d'un tarif minimal. J'admets aussi, et vous l'admettrez avec moi,
que vous n'avez pas répondu au ministre tantôt lorsqu'il vous a
demandé, relativement à l'article 6, des cinq poids
suggérés par la loi, lesquels vous voudriez voir
disparaître. Je pense que le ministère, le gouvernement et le type
qui fera la législation est embarrassé. Il y a eu des rencontres
avec différentes personnes qui sont aux prises avec un grand nombre de
moules et qui veulent tous écouler leurs moules avant de changer le
poids du pain. Il y a peut-être cela aussi. On me dit qu'aux
premières rencontres il y avait 14 ou 15 poids de suggérés
et les gens ne voulaient pas en démordre. La loi les réduit
à cinq, vous en suggérez trois. Dans les cinq proposés par
la loi, quels sont les trois que vous garderiez de préférence
afin que nous puissions nous faire une idée sur les poids?
Si je regarde la suggestion que vous nous faites, il n'est pas question
de 24 onces, il est question de 32, on ne parle pas de 48 et il est question de
16. Pour l'information des gens qui auront à rédiger la loi, nous
désirons avoir votre opinion de même que celle des autres
après.
M. SAINT-DENIS: M. le Président, si les cinq poids ont
été retenus et mis de l'avant, nous avons par contre dit ceci:
Les 12, 16, 20, 32 et 48 onces, tel que stipulé dans votre bill
demeurent, mais nous demandons que le pain de 12 onces soit rayé dans
deux ans et que le pain de 32 onces soit rayé dans trois ans, afin de
permettre aux boulangers de s'équiper.
M. DEMERS: Ou de liquider leurs moules.
M. SAINT-DENIS: Ou de liquider leurs moules, parce qu'on connaît
la vie d'un moule.
M. DEMERS: La vie d'un moule, c'est quoi?
M. SAINT-DENIS: La vie d'un moule varie selon le nombre de fois qu'il va
au four.
M. DEMERS: Cela dépend à part ça du nombre de fois
qu'il va cuire.
M. SAINT-DENIS: Justement. Je ne suis pas technicien là-dessus,
je ne pourrais pas vous dire exactement la vie d'un moule, mais d'après
le nombre...
M. DEMERS: Pour permettre aux boulangers de s'équiper en
conséquence, avoir ce qu'il faudra pour faire des pains selon les
spécifications de la loi et trois ans dans l'autre cas, dans les 32
onces.
M. SAINT-DENIS: Absolument, c'est ce que nous avons dit, M. le
Président, dans nos recommandations.
M. DEMERS: Mais vous n'avez pas dit lequel on gardait et lequel on
enlevait, d'après les prévisions de la loi.
Vous dites 12, 16, 20 et 32 onces. La loi dit 16, 20, 24, 32, 48. Vous,
ce serait pour avoir 12, 16, 20 et 32. C'est ça qui est votre opinion
et, si le gouvernement veut s'astreindre à ce qu'il y a de prévu
dans la loi, naturellement, 16 resterait, 20 resterait et 32 resterait. La loi
inclurait en plus 24 et 48.
M. SAINT-DENIS: Nous l'avons dit, M. le Président, un peu plus
tôt. Nous sommes prêts, à Montréal, à aller de
24 à 20 onces pour satisfaire la demande générale du
Québec. On aimerait que d'autres régions également fassent
des concessions.
M. DEMERS: Est-ce que vous êtes pour des poids uniformes dans
toute la province, mais 32 onces seulement pour la région de
Québec?
M. SAINT-DENIS: Notre suggestion, je l'ai dit tantôt, était
de 16 et 20 onces. Ce sont les deux que nous retenons. Par contre, nous
reconnaissons qu'on doit donner la chance aux boulangers de passer ou
d'utiliser les moules qu'ils ont actuellement. C'est pourquoi nous
suggérons ici une période ou un laps de temps pour y arriver.
M. DEMERS: Qui permettra aux gens de la région de Québec
d'écouler leurs moules de 32 onces.
M. SAINT-DENIS: Absolument, M. le Président.
M. DEMERS: Je comprends. Et après ça, on reviendrait
à une norme générale pour toute la province.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
Nous vous remercions infiniment, M. Mathieu Saint-Denis, et
j'appellerais le représentant des Produits Gailuron Inc., M. Robert
Larivière, qui serait le conseiller juridique.
M. JORON: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander aux
autres associations qui vont témoigner, si elles le désirent, de
répondre peut-être à des questions qui ont
été posées à d'autres pour nous éviter de
reformuler les mêmes questions à tous et chacun?
S'il y en a qui veulent apporter quelque chose de nouveau, qu'ils se
sentent libres de le faire.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Quelques éclaircissements.
M. DEMERS: Et s'ils diffèrent d'opinion avec les
énoncés qui ont été faits avant, ça nous
permettra d'avoir l'opinion de ces gens-là.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord.
M. LARIVIERE (Robert): Robert Larivière, Produits Gailuron.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous pouvez y aller, M. Larivière.
Produits Gailuron
M. LARIVIERE (Robert): J'aurais aimé souligner quelque chose en
commençant. Ce matin, vous avez entendu le secrétaire de
l'Association des boulangers qui, comme il l'a dit lui-même, n'est pas un
boulanger, mais il est au courant des nombreux problèmes que nous avons.
Il ne peut quand même pas s'impliquer autant qu'un boulanger
lui-même. Je le remercie de son exposé de ce matin. Vous aurez
peut-être l'occasion de reposer certaines questions, que vous avez
posées ce matin, à des boulangers travaillant dans des
boulangeries de taille moyenne ou petite.
Le deuxième exposé que vous avez entendu provient,
évidemment, des boulangeries que nous considérons comme
passablement grosses. L'exposé que vous allez entendre, par la suite,
est aussi celui d'une boulangerie assez importante. Le seul boulanger moyen qui
va parler, c'est nous, parce que nous sommes des boulangeries moyennes qui
formons le groupement Gailuron, parmi les industries qui sont visées par
la loi pour les protéger. Je vous encourage à poser
énormément de questions parce que nous aurions beaucoup à
dire, mais nous ne savons pratiquement pas par où commencer, tellement
il y en a.
M. SAINT-PIERRE: Pourriez-vous nous dire si vous êtes favorables
au principe de la loi?
M. LARIVIERE (Robert): Nous sommes très favorables au principe de
la loi.
M. DEMERS: Je pense que le ministre avait des doutes là-dessus.
Les questions du ministre sont posées, ça en fait un qui est
éliminé.
M. LARIVIERE (Robert): M. le Président, ce matin, il y a eu une
chose qui a été mentionnée. Entre autres, il y a quelqu'un
qui a demandé de présenter des arguments assez sérieux
pour défendre le projet. Nous ne nous attendions pas, aujourd'hui, que
le principe même du projet soit défendu. Nous nous
attendions plutôt que ce soient les articles à
l'intérieur, le principe étant accepté.
J'aurais aimé vous passer le rapport que Produits Gailuron Inc. a
soumis à M. Tessier lors de son enquête. Je ne sais pas si vous
l'avez, mais il y a presque 75 pages dans le rapport; il y a plusieurs choses
qui ont été dites là-dedans et qui résument notre
position sur le principe de la loi.
J'aimerais résumer les deux principales recommandations que nous
avons faites à la fin de notre rapport, qui étaient un prix
minimal pour une période de temps seulement, parce que nous ne
prévoyions pas que le prix minimal allait sauver l'industrie moyenne et
petite. Mais il allait probablement l'aider à se transformer, ce dont on
a un besoin urgent actuellement.
Pour nous, la protection du prix minimal s'aborde d'une façon
plus temporaire qu'à long terme. Cela peut peut-être vous aider
dans vos discussions, parce que je sais que plusieurs n'aiment pas qu'un grand
nombre de manufacturiers de produits alimentaires viennent ici pour exposer les
mêmes problèmes.
Dans le cas de Produits Gailuron Inc., nous serions
intéressés à une protection temporaire au point de vue du
prix. C'est seulement depuis environ deux ans que nous connaissons les prix et
vous remarquerez, entre autres, que ces prix ne se retrouvent pratiquement pas
à Montréal même, mais bien aux alentours de
Montréal, où se retrouvent les industries moyennes et
petites.
Est-ce qu'il y a quelque chose derrière ça? Nous ne le
savons pas, mais nous savons que nous sommes directement attaqués dans
notre cas. La deuxième recommandation que nous faisions dans le rapport,
c'était une aide gouvernementale pour effectuer notre concentration
d'industrie.
Il est évident que, en tant qu'industrie moyenne ou petite, nous
n'avons pas les moyens financiers que plusieurs autres ont. Nous aurions besoin
d'une aide financière parce que nous sommes assez conscients de
l'orientation qui se fait sur le marché en général et nous
aimerions la suivre. Et, pour la suivre, il faut se transformer et ça
prend des fonds. Ordinairement, la plupart de nos industries ne les ont pas. Il
y a aussi un facteur que j'aimerais mentionner. Il a été
soulevé ce matin. On n'a pas donné de réponse. Pourquoi un
prix minimal, même de façon temporaire? C'est que, dans la plupart
des cas des industries moyennes et petites, on a ce qu'on appelle des "jobbers"
ou des gars qui sont à forfait et qui ont leur propre camion.
J'aurais aimé passer quelque temps avec certains d'entre vous
pour vous prouver qu'à l'heure actuelle, à prix égal, il
en coûte plus cher pour distribuer le pain dans une épicerie que
pour le distribuer de porte en porte, ce qui peut paraître assez
surprenant au premier abord. Je mentionne bien à prix égal. Cela
veut dire que, si on vend un pain $0.27, par exemple, si on va le vendre de
porte en porte, il nous coûte tant pour le distribuer. Si on va le vendre
à l'épicerie, il nous coûte tant pour le distribuer. Cela
nous coûte plus cher, actuellement, dans l'épicerie que pour le
porte-à-porte.
Le phénomène auquel nous faisons face, c'est un
phénomène curieux. Evidemment, le pain à $0.15 et $0.16,
je peux particulièrement en parler à l'aise parce que, à
Valleyfield, ça fait exactement deux ans que nous avons du pain à
$0.15. J'oserais dire que le moral de nos troupes est plutôt a la
baisse.
C'est sur ce point que je voulais expliquer pourquoi nous en avons
besoin d'une façon temporaire.
La plupart des personnes que nous engageons pour distribuer le pain ont
le moral assez bas et la plupart quittent leur emploi. Même si le
système demeure actuellement rentable et nous pouvons le prouver
avec la distribution de porte en porte, nous ne sommes pas capables de
la continuer parce que nous ne sommes pas capables de trouver de personnel pour
la faire et nous ne trouvons pas de personnel à cause des ventes
à $0.15 qui découragent n'importe qui. Je pense que, si le pain
était vendu à un prix censément normal, même s'il y
avait une différence de $0.05 entre le prix que nous vendrons de porte
en porte et le prix dans une épicerie, c'est une différence qui
est acceptable, nous garderions probablement nos hommes et cela nous
permettrait de faire notre transformation. Si nous perdons nos hommes,
automatiquement, nous perdons des ventes, nous n'aurons pas le temps de faire
notre transformation parce que nous avons besoin de cette production qui est
vendue actuellement de porte en porte pour faire notre transformation. C'est un
peu le message en bref de quelques boulangeries moyennes. Il y aurait beaucoup
d'autres choses, mais j'aimerais mieux que vous me posiez des questions.
M. SAINT-PIERRE : Sur les questions de poids que nous avons
discutées tantôt, je vois dans votre mémoire que vous
replacez le pain de douze onces mais que vous enlevez le pain de 48 onces.
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. SAINT-PIERRE: Avez-vous quelques brefs commentaires sur la
question?
M. LARIVIERE (Robert): Nous sommes prêts à laisser aller le
pain de douze onces aussi.
M. SAINT-PIERRE: Pour vous, c'est dans la bonne direction de
réduire et normaliser les formats.
M. LARIVIERE (Robert): Oui. Des pains de 16 onces, 20 onces, 24 onces et
32 onces dans notre cas seraient acceptables. Nous avons laissé le pain
de douze onces parce que nous nous posons des questions entre autres, sur la
diminution des membres des familles.
M. SAINT-PIERRE: Des familles, des personnes.
M. LARIVIERE (Robert): Nous pensons que ce pain est appelé
à prendre une certaine expansion, même s'il n'y en a pas eu dans
le passé, pour répondre à une demande d'une famille qui
est plus petite. Dans le cas du pain de 48 onces, vous avez parlé
d'institutions. Nous pouvons vous dire que la plupart de nos boulangeries
vendent actuellement à des institutions en dehors de Montréal.
Or, nous leur vendons du pain de 24 onces et non pas du pain de 48 onces. Il
s'agit de mettre deux pains de 24 onces bout à bout pour avoir un pain
de 48 onces. C'est exactement la même chose et le prix est simplement
divisé en deux. Il n'y a pas de gain dans notre cas à faire du
pain de 48 onces.
M. SAINT-PIERRE: Quelle serait votre réaction si, dans la loi, il
y avait seulement trois poids, douze onces, 20 onces et 32 onces?
M. LARIVIERE (Robert): Je n'aimerais pas cela.
M. SAINT-PIERRE: Pour quelle raison?
M. LARIVIERE (Robert): Je pense que cela prend un minimum de nombre de
poids. Nous en avons parlé un peu ce matin. E y a des goûts de
pain qui sont attachés à des poids. Nous avons réussi dans
notre cas... Les statistiques ne vous le disent pas mais il ne se vend pas de
pain de 20 onces dans les villes de Québec et de Montréal. Il
s'en vend en dehors de ces deux centres puisque ces deux centres étaient
régis par des lois qui le leur défendaient. Nous avons
trouvé que c'était une formule très bonne. Le consommateur
l'aime énormément. Et même dans certains cas, nous avons
fait des expériences et nous avons pu prouver que, dans certaines
épiceries, à côté d'un pain de 24 onces qui se
vendait $0.15, on plaçait un pain de 20 onces qui se vendait $0.27 et,
dans certains cas, on en vendait autant parce qu'il peut se conserver un peu
plus longtemps.
M. SAINT-PIERRE: On aurait le pain de douze onces pour les petites
familles. Le pain de 20 onces est quand même celui qui se vend le plus
dans le moment. Ceux qui achètent un pain de seize onces
achèteraient un pain de 20 onces; ceux qui achètent un pain de 24
onces achèteraient une partie le pain de 20 onces et
l'autre partie achèterait un pain de 32 onces.
M. LARIVIERE (Robert): Personnellement, je préfère cinq
poids différents.
M. SAINT-PIERRE: Cinq poids différents.
M. LARIVIERE (Robert): Certains produits actuellement, entre autres la
plus grande partie du pain au raisin, sont une spécialité dans la
région de Montréal principalement...
M. SAINT-PIERRE: Nous parlons du pain blanc.
M. LARIVIERE (Robert): II se vend dans le format de douze onces dans ce
cas. Nous trouvons que l'on fait un plus beau pain à seize onces
qu'à douze onces. Ce sont des questions de goût et des questions
que le client résout quand il achète son pain. Nous aimons mieux
lui offrir un éventail de produits quand même raisonnable que d'en
offrir moins. Nous pensons que cinq poids, c'est plus raisonnable que quatorze
ou quinze poids.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Maurice.
M. DEMERS: Est-ce que vous êtes d'avis que si on fixe trois poids
ou quatre poids au maximum, il se consommera moins de pain dans le
Québec.
M. LARIVIERE (Robert): Non.
M. DEMERS: Pourquoi alors s'embarrasser de quatre ou cinq poids, il se
mange autant de pain? Je vais acheter du pain, occasionnellement, chez nous, et
je pense que mes collègues doivent le faire aussi après avoir
reçu un appel téléphonique de leur épouse disant:
Apporte-moi un pain en passant. Je n'ai jamais regardé le poids du pain.
Jamais. Un pain de seize onces ou de 20 onces. Et si vous êtes d'avis que
nous allons en manger autant, à quoi cela sert-il de s'embarrasser de
moules de toutes sortes? Il va se manger autant de pain. Arrivons avec une
moyenne comme suggère le ministre et qu'on en finisse. Un poids de douze
onces, de treize onces ou de quatorze onces. Et s'il y a une vieille tante qui
aime mieux du pain un peu plus petit pour sa petite bouche, il faudrait lui
arranger aussi. Vous allez peut-être dire que je charrie un peu mais
c'est un exemple. Vous me dites que, s'il y avait trois poids, il se mangerait
autant de pain au Québec. Votre affaire est de vendre du pain.
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. DEMERS: S'il s'en vend autant, pourquoi acheter des moules de
plus?
M. LARIVIERE (Robert): Evidemment, c'est une question de mise en
marché.
M. DEMERS: S'il ne se met pas autre chose en marché au
Québec.
M. LARIVIERE (Robert): Pourquoi ne s'en mettrait-il pas d'autres? Il
faut quand même laisser une latitude pour répondre
réellement aux besoins du client. Pourquoi le forcer à se
contenter de trois poids? Je pense que cinq donnent un éventail
plus grand.
M. DEMERS: Je suis d'avis que cela ne le force pas du tout. Vous le
dites vous-même, il va s'en manger autant. Que des patates soient dans un
sac de 100 livres, 50 livres ou 25 livres, il ne se mange pas une patate de
plus au Québec. Vous savez cela comme moi. Ce n'est pas la
quantité de pain. Je mange une tranche de pain par jour, qu'elle
provienne d'un pain de 16 onces ou de 20 onces, je suis d'avis que cela ne sert
à rien de multiplier. En tout cas, c'est mon opinion. Vous n'êtes
pas ici pour entendre la mienne, vous êtes ici pour me donner la
vôtre. Mais je vous demande cela.
M. LARIVIERE (Robert): Je m'excuse, M. Doyon aimerait ajouter quelque
chose.
M. DOYON: Mon nom est Raymond Doyon, je suis un boulanger Gailuron.
Etant donné que je demeure dans la Beauce, je connais un peu les
problèmes des régions plus éloignées que les
régions de Montréal, comme Valleyfield ou Granby, ou les
régions qui sont plus urbaines que chez nous. Nous avons dans nos
régions un goût de pain, les gens sont habitués d'avoir du
pain de 16 onces et cela dans une partie de l'est de la province qui peut
couvrir la région de la Gaspésie, la région de l'est, de
la Beauce et tous les comtés. Ils sont habitués à ce
goût de pain-là. C'est très important pour nous d'avoir des
poids qui ne sont pas les mêmes. Nous n'en demandons pas 20, nous en
demandons quatre ou cinq. Déjà nous avons nos moules. Je pourrais
ajouter que nous avons des spécialités que nous ne pouvons pas
toujours faire à 20 onces ou à 32 onces. Il y a certaines
spécialités qui doivent être faites avec des variations de
poids. C'est ce que je pourrais ajouter. C'est très important pour nous
les boulangers d'avoir de la variété. Nous n'en demandons pas 20
mais nous en demandons quelques-unes.
M. DEMERS: Tantôt, M. Larivière, vous avez
énoncé non pas un principe, mais vous avez décrit une
situation et dit qu'il en coûtait moins de faire du porte-à-porte
dans la distribution du pain que d'aller le livrer aux épiceries ou aux
magasins à succursales. Vous ne devez pas en distribuer souvent de toute
façon.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, nous en distribuons.
M. DEMERS: Pourquoi cette situation? Est-ce que les gens qui sont dans
le commerce du pain manqueraient du sens des affaires? Parce qu'en Ontario il y
a maintenant 83 p.c. du pain vendu dans les magasins à succursales.
C'est plus payant pour le type qui fait du pain d'aller livrer cela de porte en
porte. C'est le client, en fin de compte, qui vous oblige à aller le
porter à l'épicerie au lieu d'aller le porter chez lui.
M. LARIVIERE (Robert): Normalement, cela devrait être plus payant
de le livrer à l'épicerie que de porte en porte.
M. DEMERS: C'est ce que je pensais. Vous en sortez 40, 50. Cela vous
fait 50 pains de vendus alors que cela vous prend 50 maisons pour vendre 50
pains.
M. LARIVIERE (Robert): Cependant, à cause d'une situation de
concurrence extrêmement forte au Québec et que vous ne retrouvez
pas à la même intensité dans les autres provinces
ici au Québec, la concurrence est encore très forte dans le
domaine du pain il a surgi le jeu des escomptes aux épiceries et
c'est là que le jeu a été faussé.
M. JORON: Ce que vous voulez dire, c'est que la marge de profit sur ce
que vous vendez à l'épicerie est moins forte que ce que vous
vendez de porte en porte?
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. DEMERS: Et la ménagère ne vient pas vous demander un
escompte pour le pain qu'elle achète tandis que là-bas, pour en
livrer 10, vous êtes obligés de faire un rabais.
M. LARIVIERE (Robert): Je ne sais pas comment interpréter
exactement cet argument, mais cela nous coûte plus cher. C'est sûr
que la marge de profit à ce moment-là est plus petite. Au
même prix, cela nous coûte plus cher.
M. JORON: Peut-être parce que vous demandez moins cher à
l'épicerie que vous ne le vendez à la porte.
Indépendemment de votre marge de profit, le coût de production du
pain vendu à l'épicerie est mqindre que le coût de
production du pain livré à la maison.
M. LARIVIERE (Robert): Le coût de production, sans tenir compte
des frais de distribution, est le même dans les deux cas. C'est le
réseau de distribution qui fait la différence.
M. JORON: C'est cela. Le coût de livraison en grande
quantité à l'épicerie est objectivement aussi moins cher
que le coût de livraison par petites unités, pain par pain. Mais,
par contre, parce que vous le vendez meilleur marché à
l'épicerie que vous ne le vendez à la maison, vous aimez mieux le
vendre à la maison et c'est pour cela que vous dites qu'il vous en
coûte moins cher.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député
Saint-Maurice avait la parole pour continuer sa série de questions.
M. DEMERS: Non. Cela ne me fait rien. On veille en famille. Il n'y a pas
de problème.
Je pense que dans votre livraison à l'épicerie, votre
livreur qui y va. Il a une commission sur ses livraisons, il va en donner plus
là qu'il va en donner à la maison, c'est pour ça que
ça vous coûte plus cher. Est-ce que c'est ça?
J'aimerais autant que vous nous le disiez tout de suite, nous allons le
trouver avec le temps.
M. LARIVIERE (Robert): Je pourrais vous décrire sommairement, un
peu en détail, ce que ça nous coûte pour une livraison
à domicile et ce que ça nous coûte pour livrer à une
épicerie.
M. RUSSELL: Quelle est votre façon de procéder pour la
mise en marché? Si je comprends mal, j'aimerais que vous rectifiiez mon
exposé. Si j'ai compris la façon de procéder des
boulangers, c'est que vous avez un gars qui a un camion qui porte l'enseigne
Gailuron ou une autre et il paie le pain tant.
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. RUSSELL: II prend son profit à la vente. Sur ce qui va
à l'épicerie, vous avez un escompte qui rapporte moins que celui
du type qui achète de vous pour aller faire sa livraison. C'est votre
façon de procéder?
M. DEMERS: Est-ce vous qui faites moins d'argent ou si c'est le
"jobber"?
M. RUSSELL: La livraison est faite par vous à l'épicerie,
directement avec un rabais sur facture qui apparaît et un autre qui
n'apparaît pas?
M. LARIVIERE (Robert): C'est ça.
M. RUSSELL: C'est moindre que ce que vous vendez au "jobber" qui va
faire la livraison dans les rangs ou dans les rues.
M. LARIVIERE (Robert): Finalement, on retire moins. Le changement se
fait obligatoirement dans notre cas, justement à cause des ventes de
"loss leader". Cela a amené le marché du pain dans
l'épicerie alors qu'il n'aurait peut-être pas dû y aller. Il
peut y aller, c'est évident qu'il faut du pain à
l'épicerie. Cela ne veut pas dire que le porte-à-porte est un
système de distribution qui n'est pas rentable et qui ne devrait pas
continuer. Avec les ventes de pain à $0.15, on l'a forcé à
venir dans les magasins à succursales. Automatiquement, si nous voulons
rester en vie en tant qu'industrie moyenne, nous sommes obligés d'aller
dans les magasins à succursales. Comme nous sommes plusieurs à
vouloir y entrer, il y a le phénomène des rabais qui vient jouer
et je vous dis que nous avons besoin d'être très solides pour
rester en vie.
M. CADIEUX: Pour éviter la compétition, vous avez
absolument besoin de la distribution de porte en porte? Cela fait partie de
votre commerce.
M. LARIVIERE (Robert): Actuellement, dans plusieurs cas, si vous nous
enlevez la distribution de porte en porte du jour au lendemain, nous fermons
nos portes.
M. DEMERS: M. le Président, je voudrais terminer, c'est ma
dernière question. Etes-vous d'avis qu'avec une fixation de prix
minimal, selon le poids et les catégories de pain, vous allez pouvoir
améliorer la distribution de porte en porte au point de vue quantitatif,
non pas qualitatif? Quelqu'un qui porte un pain... Augmenter le volume.
M. LARIVIERE (Robert): Augmenter le volume, évidemment.
M. DEMERS: Parce que vous allez être moins pris pour aller vous
battre dans l'épicerie et les magasins à succursales et vous
pourrez développer votre vente; les gens iront moins chercher à
l'épicerie et dans ces magasins et vous pourrez continuer à faire
plus de porte en porte.
M. LARIVIERE (Robert): On va au moins pouvoir sauver ce qu'on a.
M. DEMERS: Garder ce que vous avez.
M. LARIVIERE (Robert): C'est ce qui est essentiel dans notre cas. C'est
pour ça qu'on en a besoin de façon temporaire. Il faut sauver ce
qu'on a.
M. JORON: Au sujet de cette question du député de
Saint-Maurice, est-ce qu'on peut demander à partir de quelle
évaluation vous estimez que ça va faire changer un pourcentage du
marché qui est actuellement dans les magasins à succursales vers
le porte-à-porte? De combien ça va changer d'abord et à
partir de quoi avez-vous évalué ça?
M. LARIVIERE (Robert): Cela ne changera pas énormément.
Cela va changer un peu parce que depuis une couple d'années, on n'a pas
fait de publicité sur ce service à cause des ventes à
$0.15, à $0.09 et à $0.10. C'était impossible de faire une
publicité à ce moment. On va probablement se remettre à
faire de la publicité. On va recevoir des demandes pour aller servir ces
gens et on va y aller avec plaisir. A ce moment, il y aura une
légère augmentation. Chose certaine, c'est que ça va
enrayer la diminution de ça. La plupart de ces boulangeries, c'est leur
gagne-pain. Enlevez-leur cela et vous allez vous retrouver avec six ou sept
boulangeries. Un point, c'est tout. Vous n'aurez même pas besoin de
commission parlementaire, le pain va être fixé à un prix
assez élevé. Elles ne sont pas
capables de le fixer à un prix élevé, la plupart
des grosses compagnies, parce que nous sommes encore là. Mais quand nous
n'y serons plus, elles vont être capables. Cela les fatigue
énormément de voir que nous sommes encore en vie malgré
les ventes de pain qui se sont faites à $0.15, à $0.10 et
à tous ces prix. Ne réglementez pas le prix et vous allez leur
donner quelque chose de très beau pour travailler; nous, nous en avons
besoin de façon temporaire. Les transformations, nous sommes en train de
les faire. Depuis six mois, dans le cas de notre groupement, nous avons une
étude qui a été faite par une compagnie de consultants qui
nous a recommandé certaines orientations tout dernièrement et
nous entrons dans une deuxième phase qui est la réalisation de
ces orientations. Pour y parvenir, ça prend quand même un certain
temps, il va falloir faire d'autres mouvements une fois que les
réalisations vont être faites. Si nous n'avons pas le temps de les
faire parce que nous perdons nos hommes à cause de ces ventes de "loss
leader", nous allons être mal pris tout à l'heure, nous avons
besoin de ça. Au moins, de façon temporaire.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: Je voudrais revenir à la question de poids, 12, 16,
20, 24 et 32 onces. Le mémoire précédent nous
suggère 16 et 20.
Quels dangers pouvez-vous voir parce que vous êtes dans
l'entreprise privée, la petite ou la moyenne à ce que le
gouvernement dise: D'accord, dans la loi, c'est ajouté, les pains, 16
onces et 20 onces. Un point c'est tout?
M. LARIVIERE (Robert): Les dangers? M. TETRAULT: Oui.
M. LARIVIERE (Robert): Les dangers sont ceux que vous avez
mentionnés tantôt. Nous avons trouvé dans le cas des 20
onces, par exemple, qui était notre arme préférée
en dehors des centres urbains pour travailler le pain, que c'était un
produit que le consommateur acceptait très bien. On va peut-être
en trouver d'autres avant longtemps qu'il va accepter très bien. Si vous
réduisez cela obligatoirement à deux poids, c'est entendu que le
gars qui est le plus équipé, c'est lui qui va rester en vie. Pour
nous, c'est beaucoup plus une tactique de mise en marché. Il faut que
nous réussissions à trouver à tout moment ce que le
consommateur préfère à l'instant. Quant au gars bien
équipé, il ne veut même pas se poser la question, il aime
mieux imposer son produit au consommateur. Dans notre cas, nous voulons
répondre au consommateur. Alors, si vous réduisez à deux
poids, il n'y a plus moyen de répondre dans notre cas et,
automatiquement, vous donnez la chance uniquement à celui qui a des
exploitations sur une haute échelle. Nous sommes perdants en partant
là-dedans.
M. TETRAULT: C'est la production à la chaîne qui s'en vient
avec deux poids.
M. LARIVIERE (Robert): C'est évident.
M. DEMERS: Quant au format des moules, c'est la même chose.
M. TETRAULT: II y aurait une autre question que vous avez
soulignée dans votre rapport et je pense que vous êtes le seul.
Quant au pain défraîchi, le gouvernement suggère trois
jours, d'après l'enquête Tessier; l'autre rapport, nous
suggère deux jours, et vous, quatre jours. Sans vous poser une question,
pourquoi quatre jours?
M. LARIVIERE (Robert): Pourquoi quatre jours? Parce qu'actuellement,
dans la plupart de nos boulangeries du groupement, nous avons des normes qui
sont de cinq jours au point de vue de la fraîcheur. Et garder un pain de
20 onces cinq jours, ce n'est pas tellement un problème. On peut
même le garder deux semaines. Mais on peut le garder frais quatre ou cinq
jours facilement. Pas aussi frais que la première journée mais
quand même très bien après quatre jours. Or, en ramenant
ça à deux ou trois jours, ce qui va se produire, c'est qu'il est
prévu dans la loi qu'on ne peut pas vendre du pain après la date,
parce qu'il faut alors le vendre à 75 p.c. de son prix, s'il est
défraîchi. Alors, vous allez assister à des ventes en masse
de pains défraîchis parce qu'après deux jours, le pain est
encore frais et ils vont le vendre comme pain défraîchi. Alors,
cela donne des arguments au magasin à succursales qui veut baisser
encore le prix du pain.
M. TETRAULT: Donc, on joue encore sur le système de "loss leader"
avec les deux jours suggérés dans un mémoire.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, on joue. Certainement.
M. TETRAULT: Pour protéger le petit boulanger, vous
suggérez que même ce que le gouvernement amène à
trois jours, ce n'est pas encore assez pour vous protéger, il faut aller
absolument à quatre jours.
M. LARIVIERE (Robert): Dans notre cas, on pense qu'il nous faut quatre
jours.
M. TETRAULT: Qui devraient...
M. LARIVIERE (Robert): Oui, on n'ira probablement pas bien plus haut que
ça mais pas moins que ça.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. TETRAULT: Oui, j'en aurais une autre sur le prix minimal du pain.
Est-ce qu'elle a été
posée tout à l'heure, M. le Président? On parle de
fixer une base minimale, tant l'once et tant le pain. M. Brodeur ne pouvait
nous donner de chiffres parce qu'il n'est pas comptable, est-ce que vous, parce
que vous êtes boulanger, pouvez nous donner des chiffres et quelle
ascension pourrait-on faire pour éviter...?
M. LARIVIERE (Robert): Est-ce qu'on peut se risquer, oui?
Personnellement, je peux me risquer mais sans engager les produits Gai-luron.
Dans le cas de notre compagnie, par exemple, je sais bien qu'actuellement nous
serions probablement satisfaits. Il faudrait évidemment faire quand
même certaines études. Nous serions probablement satisfaits d'un
prix de $0.24 pour un 24 onces. Mais nous ne sommes certainement pas satisfaits
avec un cent l'once, parce que dans le cas d'un 24 onces, il y a une
coincidence, cela s'équivaut à ce moment-là. Mais dans le
cas d'un 20 onces ou d'un seize onces, cela ne s'équivaut plus. On peut
dire qu'il y a peu près une variation de deux cents par quatre onces, si
on considère que quatre onces peuvent représenter à peu
près un cent de production et un cent de livraison. Alors, on irait pour
20 onces à $0.22, 16 onces à $0.20 et des choses comme ça.
Il resterait à vérifier si le point de départ qui, dans ce
cas-ci, est le 24 onces, si $0.24 est vraiment un prix minimal. Maintenant, si
vous le fixez à $0.22, le même principe prévaudra par la
suite. Il y a à peu près $0.02 de différence pour quatre
onces. Et non pas $0.01 l'once. C'est très personnel, ce que je vous
donne.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Shefford.
M. RUSSELL: Si j'ai bien compris les mémoires et les
exposés qui ont été faits ce matin, je voudrais revenir
là-dessus. Vous voulez une loi pour fixer le prix de la mise en
marché. Non pas le prix que le manufacturier va vendre à la
chaîne.
M. LARIVIERE (Robert): Non. C'est la mise en marche.
M. RUSSELL: La mise en marché. Parce qu'autrement, il va
continuer à se faire la même chose à la chaihe, la
même "bargaining" qui se faisait dans le passé.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, mais nous acceptons cela. Ce que nous
voulons, c'est enrayer la perte qu'on a de l'autre côté
actuellement. Parce qu'elle n'est pas acceptable. Parce que $0.15 ce n'est pas
acceptable.
M. RUSSELL: Votre seul principe, si je comprends bien, c'est d'augmenter
vos distributions à domicile par vos "jobbers"?
M. LARIVIERE (Robert): Non.
M. RUSSELL: Vous faites plus d'argent où c'est plus payant et
vous avez une garantie plus certaine que de vendre à une chaîne
qui peut, du jour au lendemain, acheter ou changer de fournisseurs.
M. LARIVIERE (Robert): Non, notre principe, je l'ai dit tout à
l'heure, c'est que nous sommes en train de nous transformer pour
répondre au nouveau marché de la chaîne et que nous nous
avons besoin, de façon temporaire, pour sauvegarder ce que nous avons,
d'un prix minimal, pour nous permettre ensuite d'aller concurrencer des
chaînes sur le même pied que n'importe qui. Ce que l'on ne peut pas
faire actuellement.
Ce ne serait pas dangereux si toutes les épiceries vendaient leur
pain $0.22 ou $0.24 actuellement, peu importe le prix qu'elles paient ce pain,
parce que nous savons que nous, à $0.05 de différence, par
exemple, dans le porte-à-porte, nous vivons et cela ne diminue pas. Cela
va au moins rester stable. On ne demande pas un prix minimal qui serait le
même si on va le distribuer de porte en porte, mais on peut vivre avec
une différence. Une différence qui est raisonnable, je pense
qu'il y a quand même une demande pour ce service. Je pourrais vous faire
rencontrer des boulangers aux Etats-Unis, entre autres, en Californie. Il y en
a un qui avait 300 camions pour le porte-à-porte qui a fermé du
jour au lendemain. Il n'a pas fermé parce que son exploitation
n'était pas rentable mais parce qu'il ne trouvait plus de personnel.
Pour le même problème auquel on fait face, c'est qu'il y a des
ventes stupides qui se faisaient. Les gars se décourageaient et allaient
chercher un autre métier, alors qu'ils auraient pu exercer leur
métier pendant un certain nombre d'années.
Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que les chaînes
de magasins se situent dans les villes et non pas dans les campagnes, entre
autres. Or, partout où il n'y a pas de villes, le système de
distribution actuel est pratiquement indispensable. En hiver, quand il y a des
tempêtes de neige, on reçoit des appels
téléphoniques pour s'informer comment il se fait que nos gars ne
sont pas passés. Le même gars qui nous téléphone,
quand il y a une vente à $0.10, il va prendre son auto et il va aller
remplir son congélateur. Il ne demandera pas comment il se fait que le
gars n'est pas passé, parce que ce prix est ridicule. Il accepte, par
exemple, de l'acheter du vendeur quand il y a une tempête, ou s'il pleut
ou n'importe quoi. Il pense que c'est un prix raisonnable pour le service qu'il
a.
On ne veut pas fixer un prix minimal du pain, ce que l'on veut, c'est
empêcher les "loss leader" et, pour le faire, on a probablement besoin
d'une certaine protection avec un prix minimal. On ne voit pas comment on
pourrait le faire autrement. Si on donne le pouvoir au ministre de l'Industrie
et du Commerce d'appeler les chaînes de magasins pour leur dire: Tu
ne vendras plus ton pain $0.15. Enlève cette annonce de la
vitrine, la première question que le gars va lui poser sera la suivante:
Quel prix voulez-vous que je le vende? On va inévitablement en arriver
à un certain prix qu'il va falloir fixer. Pas nécessairement
$0.30. Cela sera peut-être $0.22 ou $0.24, peu importe, mais ça en
prend un pour enlever ces "loss leader".
M. SAINT-PIERRE: Les problèmes de main-d'oeuvre dans la
distribution sont des vieux problèmes, même dans la chanson de
Georges Dor, le type de Sain-Germain avec la belle "bakery" qu'il avait
laissée.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Beauharnois et ensuite...
M. CADIEUX: Lorsque vous parlez de la fixation d'un prix minimal et
d'une façon temporaire, dans votre esprit, c'est quoi temporaire?
M. LARIVIERE (Robert): Cela peut être à peu près
trois ans.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: Pour résumer, je note que votre position diffère
peut-être enfin, comme je la comprends un peu des
témoignages que l'on a entendus ce matin. En somme, vous nous avez dit,
d'une part, que vous ne pensiez pas que même un prix minimal allait
provoquer un grand changement de la partie qui est actuellement vendue dans les
chaînes, un retour massif, si vous voulez, aux pains vendus de porte en
porte, mais que cela arrêtera la décroissance de ce secteur
pendant un certain temps. Pendant ce temps, cela vous donnera le temps de vous
recycler. En somme, si j'interprète, je comprends votre position un peu
comme si vous nous demandiez d'arrêter l'horloge de l'évolution
pendant un certain temps. Je dis de l'évolution parce qu'on constate que
le phénomène suivant: moins il y a de
porte-à-porte, plus il y a de magasins à succursales partout. On
a vu l'exemple de l'Ontario et ainsi de suite. Cela suit peut-être de
près l'évolution de l'urbanisation dans une
société. Vous nous demandez d'arrêter ces effets pendant un
certain temps pour donner à votre industrie le temps de se recycler.
M. LARIVIERE: Cela en partie, mais il n'y a pas seulement cela.
M. JORON: ... Une subvention au recyclage.
M. LARIVIERE: II n'y a quand même pas seulement cela.
M. JORON: Vous n'avez pas un argument de principe.
M. LARIVIERE (Robert): Oui. En principe, le service que l'on donne de
porte en porte, d'après moi, est encore essentiel dans beaucoup
d'endroits. On est en train de le faire tomber.
M. JORON: II n'y aura pas de supermarchés dans un village de
trente familles. C'est sûr.
M. LARIVIERE (Robert): Si vous ne faites pas le prix minimal, c'est un
service qui va tomber de lui-même, parce que ça va
décourager n'importe qui de s'y aventurer. La minute que le gars a une
chance, il va aller remplir son congélateur.
M. JORON: Même là, je veux dire, le gars ne fera pas 40
milles et ne dépensera pas $3 d'essence pour épargner $0.10.
M. LARIVIERE (Robert): Vous pensez. M. JORON: Je sais bien qu'il y en a,
mais...
M. LARIVIERE (Robert): Je peux vous apporter des preuves contraires,
parce qu'il ne calculera pas son millage, il va calculer qu'il épargne
tant sur le pain et il ne calculera pas ses dépenses. C'est
prouvé dans beaucoup de cas.
Je peux quand même vous dire que, quand vous parlez
d'évolution, on ne demande pas d'arrêter l'horloge de façon
prolongée et ce n'est pas nécessairement l'horloge de
l'évolution qu'on vous demande d'arrêter.
Les Etats-Unis, encore une fois, ont vécu le
phénomène que l'on vit et dans certains cas on recommence
à avoir du porte-à-porte.
UNE VOIX:Ah! oui?
M. LARIVIERE (Robert): Oui. Pourquoi? Parce que si vous réduisez
le nombre de compagnies qui fabriquent le pain, comme je vous ai dit tout
à l'heure, vous allez payer passablement cher votre pain à un
moment donné. Alors, cela va redevenir intéressant d'avoir des
trajets de porte-à-porte.
M. JORON: Cela est une prémisse sur laquelle plusieurs se sont
fondés. On a entendu cet argument, mais je ne pense pas qu'il soit
prouvé encore.
M. LARIVIERE (Robert): Bien, tout à l'heure...
M. JORON: Tout le monde évoque la situation d'un possible
monopole. Ce matin, d'après les statistiques qu'on nous a
données, les quatre plus gros producteurs du Québec font à
peu près le quart du marché. Ce n'est pas tout à fait une
situation de monopole.
M. LARIVIERE (Robert): Et pourtant ça frise le monopole.
M. JORON: Dans quel sens?
M. LARIVIERE (Robert): Cela le frise parce que si vous avez un magasin
qui vient s'implanter dans une ville et qui décide de vendre le pain
à $0.15, même s'il y avait 10 boulangers autour, c'est lui qui
mène.
M. JORON: C'est au niveau de la chaîne.
M. LARIVIERE (Robert): C'est lui qui mène. Le marché peut
être conduit par quatre chaînes de magasins, au point de vue des
prix.
M. JORON: Vous dites que le monopole existe au niveau de la distribution
et non pas de la production.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il me semble qu'il y a ce
phénomène réel que les témoignages nous ont
donné d'une forme de "dumping" sur les marchés intérieurs.
Autant nos idéologies sont différentes vis-à-vis de
l'entreprise privée, autant pour moi je n'ai pas d'objection à
imposer à l'entreprise privée, lorsqu'il y a une concurrence
déloyale, des mesures comme celles-là qui, je le reconnais, sont
exceptionnelles. Mais lorsqu'il y a du "dumping" intérieur et qu'on vend
en bas du coût de production, je pense que ce sont les règles du
jeu qui ne sont pas respectées. Je suis surpris de voir les
réticences du Parti québécois lorsqu'on tente d'aider la
petite et la moyenne industrie.
M. JORON: Vous savez que nous sommes en faveur d'une économie
mixte; il y a différents agents impliqués là-dedans et
l'entreprise privée en fait partie. D'autre part, quand les
règles du jeu, comme on dit, du système de la libre entreprise et
de la libre concurrence ont un effet bénéfique quant au prix pour
le consommateur, je ne vois pas pourquoi on s'en mêlerait à ce
moment-là. C'est fait pour ça.
M. SAINT-PIERRE: Mes préoccupations, c'est qu'à long terme
ils n'auront pas un effet bénéfique, parce qu'on a des
phénomènes...
M. JORON: C'est la prémisse sur laquelle se fonde
l'argumentation, mais je n'en ai pas la preuve.
M. LARIVIERE (Robert): Cela existe au point de vue de la main-d'oeuvre
de la même façon. Pourquoi y a-t-il eu des syndicats qui se sont
implantés et qui ont fait des monopoles pour garantir des conditions de
salaire à leurs employés? On pourrait bien dire: Enlevez-vous de
là et laissez les gars se battre pour le salaire, je vous garantis que
les salaires vont tomber. C'est la même chose dans notre industrie.Nous
avons besoin, nous aussi, d'un certain prix.
M. DEMERS: C'est bon, ça.
M. JORON: Je comprends.
M. DEMERS: Ils comprennent les économistes parfois.
M. TETRAULT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre.
Dans l'étude du rapport Tessier, je remarque qu'une province a une loi
provinciale sur le pain, la Saskatchewan. Est-ce que la vente à domicile
M. Larivière pourrait peut-être me répondre
est plus élevée que la vente à l'épicerie ou est-ce
qu'il y a un regain depuis que cette loi a été instituée
ou formée? Vous n'avez rien de cela?
M. SAINT-PIERRE: Non. La Saskatchewan d'ailleurs, à ma
connaissance, n'est pas un cas particulier. La plupart des législations
provinciales sont du même type que ce que nous avons ici,
c'est-à-dire sur le plan de l'hygiène, sur le plan de l'emballage
et des poids. D'ailleurs, le mémoire de l'Association des boulangers,
dans une des dernières pages de l'annexe, donnait une description
très rapide de ces législations.
M. TETRAULT: Je pensais qu'il y avait peut-être un prix de
base.
M. SAINT-PIERRE: Non. Il n'y a rien de cela.
M. DEMERS: En Colombie-Britannique?
M. SAINT-PIERRE: Le coût est très élevé en
Colombie-Britannique. Je pense qu'en Colombie-Britannique il y a eu cet
effet-là, surtout à Vancouver et à Victoria, de tuer
à peu près complètement les boulangeries.
M. DEMERS: Dans les Maritimes, c'est la même chose.
M. RUSSELL: II faut bien reconnaître que, dans l'Ouest, la
situation est bien différente.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: C'est au sujet du porte-à-porte. Je pense que cela
dépend un peu des régions. Je crois que dans les régions
rurales ou les régions où les gens se connaissent entre voisins,
c'est possible que le porte-à-porte puisse se continuer, mais dans les
villes, de moins en moins, les femmes ont peur de répondre aux portes.
Il y a de moins en moins de laitiers et il y aura de moins en moins de
boulangers.
M. LARIVIERE (Robert): Nous l'admettons ça.
M. DEMERS: Les femmes ont la trouille.
M. LARIVIERE (Robert): C'est pour ça que je vous dis qu'on veut
effectuer nos transforma-
tions pour aller prendre l'autre marché aussi, mais on ne veut
pas que celui qui est encore bon tombe trop vite.
M. DEMERS: Les femmes ont peur ou les maris sont jaloux.
M. PEARSON: Parfois, ce sont les maris qui ont peur.
M. DEMERS: Les taux de natalité ont baissé. Autrefois,
c'était le laitier, on pouvait se reprendre avec le boulanger, il n'y a
plus personne qui rentre dans la maison.
M. LARIVIERE (Robert): On ne peut quand même pas nier qu'il y a un
mouvement des gens vers les villes, c'est évident.
M. PEARSON : A propos du grand écart que vous mentionniez, les
"loss leaders", les ventes à $0.10 ou à $0.15, qui se font
automatiquement, comment peut-on arriver si vous considérez que le pain,
pour que ce soit rentable, doit être vendu à $0.23 ou $0.24?
Comment peut-on arriver? En somme, on vend complètement en bas du
prix que ça coûte pour éliminer la concurrence.
M. LARIVIERE (Robert): Est-ce que je peux risquer une opinion
personnelle?
M. PEARSON: Bien sûr.
M. LARIVIERE (Robert): Sans mettre le groupe Gailuron dans...
M. PEARSON: Oui.
M. LARIVIERE (Robert): Personnellement, je pense qu'il est très
rare qu'un magasin vende du pain à $0.10 ou $0.15 et qu'il perde de
l'argent. C'est le fournisseur qui le perd. Et le fournisseur n'a pas le choix
parce que, s'il ne le fait pas, il y en a un autre qui va le faire.
M. TETRAULT: Donc, le fournisseur est mis dans une position où il
est obligé de donner la ristourne à la chaîne de magasins
pour qu'il puisse le vendre à $0.09.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, pour garder sa place sur la tablette.
M. TETRAULT: C'est la grosse... Ah oui! Je comprends votre sorte de
concurrence.
M. PEARSON: Maintenant, le fournisseur qui perd sur ce produit-là
doit nécessairement se reprendre sur un de ses autres produits, quoi! Il
ne peut pas faire ça de façon permanente.
M. LARIVIERE (Robert): Non, c'est fait de façon occasionnelle.
Mais là où c'est embêtant, c'est que, quand une
chaîne le fait, l'autre le répète, l'autre le
répète et on en a pendant deux mois.
M. PEARSON: Oui.
M. LARIVIERE (Robert): C'est ce que nous voulons empêcher. Il n'y
a pas lieu de fixer un prix maximal, un prix bien élevé. Il faut
empêcher ces ventes ridicules. Eux, au fond, n'empêcheront pas
l'évolution qui est de fixer un prix minimal mais ça va quand
même nous aider à passer au travers. Actuellement, il y en a qui
tentent d'accélérer l'évolution. Cela ferait leur
affaire.
M. TETRAULT: Suite à la question posée par le
député, nous parlions tout à l'heure de la vente à
domicile. Dans les banlieues où il n'y a pas de centre commerciaux,
est-ce que la vente à domicile est élevée?
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. TETRAULT: A cause du service, la vente est élevée dans
un centre urbain. A l'endroit où il y a un centre commercial, les gens
se rendent à ce centre. Est-ce général pour tout le...
M. LARIVIERE (Robert): Ce n'est pas aussi radical que ça la
baisse du porte-à-porte. Même dans les villes, on en a encore
beaucoup malgré que les gens soient entourés de centres
commerciaux.
M. TETRAULT: C'est un service.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est un service...
M. TETRAULT: La femme n'est pas obligée de sortir pour acheter le
pain...
M. LARIVIERE (Robert): II y a des femmes qui ne peuvent pas sortir.
M. TETRAULT: Le mari n'est pas obligé de faire comme le
député de Saint-Maurice, apporter un pain avant d'arriver
à la maison.
M. LARIVIERE (Robert): II y a des femmes qui ne peuvent pas sortir,
elles ont des enfants à la maison. Elles aiment bien ça qu'on
passe.
M. DEMERS: Je voudrais que le député d'Abitibi-Est
répète sa question afin que je la comprenne pour savoir si mon
privilège de député en est affecté.
M. TETRAULT: Aucunement affecté, le privilège de votre
femme, oui.
M. DEMERS: Voulez-vous répéter votre question? Je verrai
si ça ne peut pas concerner la vôtre en même temps.
M. TETRAULT: II n'y a pas de problème avec la mienne.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Saint-Maurice avait une remarque d'une seconde à faire.
M. DEMERS: C'est à propos de l'amendement que vous
suggérez à la page 2 de votre mémoire, concernant
l'inscription de la date de fabrication. Vous aimeriez, dites-vous, qu'un
article soit intercalé entre les articles 9 et 10 qui se lirait ainsi:
Tout pain offert en vente au Québec doit porter, sur l'emballage, la
date d'expiration de la fraîcheur du produit, laquelle doit être
d'au moins quatre jours postérieure à celle de la fabrication, et
ceci en caractères facilement lisibles.
Cela éviterait de recoller l'étiquette pour montrer que le
pain est défraîchi en ce cas. Parce que la loi prévoit
qu'on mettrait une étiquette indiquant "pain défraîchi". Si
on a la date à laquelle il va être défraîchi, on
n'aura pas besoin de mettre l'autre.
M.LARIVIERE (Robert): A la condition, évidemment, que le public
soit bien informé de cette date.
M. SAINT-PIERRE: Cette codification obligatoire, est-ce que ce serait
fait à des coûts minimes?
M. LARIVIERE (Robert): Non, nous le faisons déjà dans la
majorité des cas.
M. SAINT-PIERRE : Mais comment pourrait-on contrôler ça? Il
faudrait presque aller dans les moyens de production pour savoir. Vous pouvez
bien faire du pain aujourd'hui et marquer 1er avril.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est sûr.
M. DEMERS: Cela va prendre des inspecteurs pour surveiller votre
codification.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est sûr que ça prendrait
probablement un certain contrôle. Mais je peux vous dire une chose. Il y
a assez de boulangeries actuellement dans le Québec que, s'il y en a qui
le font, vous allez le savoir et ça va aller assez vite. Mais je pense
que c'est bon pour le consommateur qu'il le sache.
M. DEMERS: Cela, je le sais. C'est pour ça que je vous demande
d'insister là-dessus pour nous donner quelques explications. Je retiens
cette disposition que vous incluez dans votre amendement et je trouve que si on
indique la date où le pain va être défraîchi, on
n'aura pas besoin de marquer "pain défraîchi" dessus un bon matin
et mettre une autre étiquette. Cela éviterait au ministre de
recoller son étiquette de "pain défraîchi" à
l'article 8. De toute façon, vous n'en faites pas un point majeur de
votre argumentation mais je pense que ça devrait être retenu
lorsque les légistes rédigeront la loi et qu'on arrivera avec nos
amendements en troisième lecture et qu'on étudiera la loi article
par article.
C'est la question que j'avais à vous poser. Je vous remercie, M.
Larivière, vous êtes d'une lucidité qui nous sort du
pétrin.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. PEARSON : Oui, sur le même article. Vous mentionnez: pain dont
la date de fabrication ou de décongélation...
M. LARIVIERE (Robert): Oui.
M. PEARSON: Est-ce que la congélation des pains est
fréquente?
M. LARIVIERE (Robert): Elle ne l'est pas actuellement mais elle va le
devenir.
M. PEARSON: Ah bon!
M. LARIVIERE (Robert): Et cela, c'est un facteur de transformation de
l'industrie aussi. Actuellement, il y a plusieurs boulangeries aux Etats-Unis
qui ont été obligées d'en arriver là pour des
raisons de main-d'oeuvre.
M. PEARSON: D'après votre expérience, est-ce que vous
prétendez que cela se ferait surtout chez le fabricant ou bien chez
l'épicier?
M. LARIVIERE (Robert): Chez le fabricant. M. PEARSON: Chez le
fabricant.
M. LARIVIERE (Robert): Nous allons congeler une partie de nos produits
pour égaliser nos journées de production. Au moment où
cela se décongèle... Même le pain aura tendance à
devenir dur un peu plus vite une fois qu'il sera décongelé.
M. DEMERS: La qualité ne sera pas influencée par la
décongélation?
M. LARIVIERE (Robert): Pas dans un délai de deux ou trois
jours.
M. DEMERS: Assez que le profane ne s'en apercevra pas.
M. LARIVIERE (Robert): Pratiquement pas, à moins qu'il soit mal
congelé.
M. DEMERS: Vous devez congeler cela avec du froid comme partout
ailleurs.
M. LARIVIERE (Robert): Oui, mais il y a cinq ou six façons de
congeler, des façons plus ou moins rapides. Des choses comme cela.
M. PEARSON: S'il y a une différence dans le goût, comme
vous mentionnez, si c'est mal congelé ou pour d'autres facteurs qui
peuvent s'ajouter, est-ce que cela ne nous amènera pas
éventuellement à spécifier que le produit qui est en vente
est un produit qui a déjà été congelé et non
pas un produit qui est frais?
M. LARIVIERE (Robert): J'aimerais beaucoup cela pour le consommateur
parce que ce dernier qui achète un pain qui a été
décongelé, s'il a le malheur de le recongeler, ce n'est pas
fameux.
M. PEARSON: Bon. Cela amènerait automatiquement un autre
amendement qui se grefferait à celui-là.
M. LARIVIERE (Robert): Oui. J'aimerais qu'il soit pratiquement
marqué que ce pain a été congelé. C'est un peu
comme si on vous vendait de la viande qui a été congelée
et qu'on ne vous disait pas qu'elle a été dégelée
et vous la congelez à nouveau. Ce n'est pas bon.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous vous remercions, M. Robert
Larivière et M. Raymond Doyon, de vos explications. J'appellerais les
représentants de Steinberg Ltée, soit M. Jean-Claude
Lelièvre, directeur des achats ou M. Marcel Inkel, directeur des
relations publiques ou un autre.
M. LARIVIERE (Robert): Je vous remercie beaucoup et si jamais vous avez
encore besoin de nous, nous sommes toujours prêts parce que ceux qui nous
suivent ne parleront pas comme nous.
M. DEMERS: Vous les connaissez?
M. LARIVIERE (Robert): Nous nous connaissons.
Steinberg Limitée M. LELIEVRE: Jean-Claude
Lelièvre.
M. DEMERS: Etes-vous parent avec le père Lelièvre qu'on a
connu à Québec, ici?
M. LELIEVRE: C'était mon père.
M. DEMERS: Ah! C'était votre père. Comme cela, vous
arrivez directement de Villa Manrèse.
M. LELIEVRE: Lorsqu'il est devenu veuf, il est entré en
communauté.
M. DEMERS: Ah! il s'est marié en retard.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, M. Lelièvre...
M. NORMANDIN: Je représente la compagnie Steinberg
Ltée...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que vous voudriez vous identifier?
M. NORMANDIN: Mon nom est Guy Normandin. Je suis vice-président
de la compagnie et président directeur général de la
subsidiaire des Aliments Steinberg Ltée. J'ai à mes
côtés un monsieur qui s'est déjà
présenté, Jean-Claude Lelièvre, directeur des achats
d'épicerie pour la compagnie Steinberg ainsi que M. Stanley English qui
est avocat conseil adjoint de la compagnie et M. Marcel Inkel, directeur des
relations publiques de Steinberg Ltée.
M. le Président, le 6 février, nous avons soumis un
mémoire à la commission parlementaire concernant le projet de loi
277, ainsi qu'un résumé de notre mémoire. Dans ce
mémoire, notre compagnie, exceptionnellement, a exprimé son
opposition de principe au projet de loi 277. Et aujourd'hui, nous vous
remercions de nous fournir l'occasion d'exprimer de nouveau notre opinion sur
les idées que nous avons émises.
Sauf erreur de ma part, il m'est venu à l'idée que le
projet de loi 277 n'était pas complètement étranger au
rapport sur l'enquête de l'industrie de la boulangerie,
préparé par M. Tessier. J'y vois un lien assez étroit. Et
j'aimerais dire que je n'ai pas du tout l'intention de faire des commentaires
sur le rapport de l'industrie de la boulangerie sauf que je crois que
l'occasion est bonne de dire qu'à ma connaissance je n'ai jamais eu
l'occasion de voir un rapport qui a été présenté
avec autant de sérieux, une étude qui a été faite
avec le plus haut degré d'objectivité, où on n'a
négligé, à mon sens, aucune facette des problèmes
dans l'industrie de la boulangerie. Et je tiens à établir
franchement cette opinion.
Si c'est le cas et s'il est vrai que le projet de loi 277, dont j'ai une
copie ici en main, est étroitement lié au rapport Tessier, je
crois que, pour empêcher que les membres de la commission se sentent
perdus sur une galère où les choses ont l'air assez confuses dans
le moment, j'ai l'impression que c'est très important de relire ensemble
sept ou huit lignes des notes explicatives qui sont annexées au texte du
projet de loi pour essayer de voir si nous nous comprenons bien. Quant à
moi, je ne comprends rien.
On dit: "Ce projet de loi a pour principal objet d'établir des
règles régissant le commerce du pain, notamment en ce qui
concerne le prix et le poids de cette denrée. "Je crois que c'est clair.
J'aimerais lire les quatre lignes qui suivent. "En vertu de ce projet, le
gouvernement pourrait fixer, pour le pain, un prix minimum de façon
à assurer la rentabilité des opérations d'une boulangerie,
faisant preuve d'une productivité satisfaisante."
Permettez-moi, M. le Président, de faire le lien
immédiatement entre l'énoncé du principe que je viens de
lire et certaines règles de base ou certains problèmes qui ont
été identifiés dans le rapport. Essayons de bien
comprendre. On dit ici que le projet de loi veut assurer la rentabilité
des boulangeries faisant preuve d'une productivité satisfaisante.
Retenons ces expressions pour que nous ne soyons pas portés à
croire que c'est une précaution littéraire qui tendrait
peut-être à fausser la réalité des buts du projet.
Je dis cela parce qu'à la page 23 du rapport Tessier ce serait
peut-être bon, pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'industrie, de
marquer trois chiffres que je vais donner, qui sont à la page 23
l'ensemble des boulangeries qui produisent du pain blanc tranché est
divisé en trois catégories. A la première
catégorie, on mentionne qu'il y a neuf boulangeries qui produisent
200,000 pains et plus par semaine, catégorie A. Catégorie B, et
deux chiffres; on donne douze boulangeries qui produisent de 75,000 à
200,000 et, dans la même catégorie, dix boulangeries qui
produisent de 50,000 à 75,000. Catégorie C, on dit 198
boulangeries qui produisent de 2,000 à 50,000 pains blancs
tranchés par semaine. A la page 29 du rapport, les conclusions qui ont
été tirées par le rapport Tessier sont qu'après
consultation avec les membres de l'industrie, il a semblé raisonnable de
conclure et je ne cite pas textuellement comme vous le voyez, vous avez
probablement le rapport il a été conclu d'établir
que les boulangeries qui ne fabriquent pas au moins 50,000 pains blancs
tranchés par semaine devraient sérieusement penser à leurs
perspectives de succès dans l'avenir. Mon interprétation de cela,
c'est que la productivité satisfaisante, dans le cas de ces
boulangeries, semblerait être mise en doute. En continuant ce
raisonnement, je reviens à ce qui est stipulé ici dans les
objectifs et les buts de la loi. Il semblerait donc, puisqu'on parle de
boulangeries faisant preuve de productivité satisfaisante, qu'en somme,
on ne pense qu'aux boulangeries des groupes A et B, les boulangeries qui
produisent plus de 50,000 pains par semaine.
Si on regarde à la page 24 du rapport Tessier, on comprend que ce
qui attire l'attention particulière et c'est mentionné
des enquêteurs, c'étaient les boulangeries du groupe C,
donc les boulangeries ne produisant que 2,000 à 50,000 pains par
semaine. Parce que c'est mentionné dans le rapport ce sont
les boulangeries qui sont au coeur même du problème de l'industrie
du fait que certaines d'entre elles produisent du pain de concurrence. Ce que
je tente de comprendre, c'est ceci. Est-ce qu'on se leurre, est-ce qu'on se
trompe quand on prétend que le projet de loi est pour assurer la
rentabilité des boulangeries faisant preuve de productivité?
Est-ce que c'est bien ça qu'on cherche à faire? C'est assez
mêlant, même pour ceux qui sont dans l'industrie, d'essayer de
réconcilier ce qui a servi de base au projet de loi et ce qu'on lit dans
le projet de loi.
Je m'étais préparé un discours, et la raison pour
laquelle j'ai décidé de ne pas faire de discours, c'est que je me
rends bien compte qu'une rencontre comme celle-ci, ce n'est pas le temps des
discours.
J'ai pris ce matin une foule de notes et ce qui se dégage dans
mon idée, c'est que ce doit être très confus pour tout le
monde ici parce que cela l'est pour moi et je suis assez directement
relié à l'industrie de la boulangerie. Le problème semble
être déplacé continuellement. Ce n'est pas étonnant
que des personnes qui sont dans l'industrie de la boulangerie soient
peut-être portées et je ferais certainement la même
chose si j'étais un boulanger indépendant à
être influencées davantage par des problèmes qui me
seraient personnels qu'à discuter strictement des problèmes de
l'industrie de la boulangerie. Je pense que c'est cette confusion qui
découle de toutes sortes de données qu'on a pu mentionner ou
discuter. Je n'essaierai pas de suivre un ordre tellement logique dans les
remarques que je veux vous faire, j'essaie tout simplement, en parlant, de
comprendre de quoi on parle et je ne crois pas que le projet de loi soit
réellement dans le but de protéger la rentabilité des 31
boulangeries; je ne pense pas que le gouvernement fasse une loi pour
protéger les plus grosses boulangeries.
M. SAINT-PIERRE: Pour centrer la discussion, me permettriez-vous une
question, M. Normandin? Vous connaissez bien l'industrie de la boulangerie?
M. NORMANDIN: Je prétends la connaître.
M. SAINT-PIERRE: Je vois que, dans votre mémoire, vous
établissez un seuil de rentabilité à 25,000 pains par
semaine. M. Tessier mentionnait 50,000 mais mettons 25,000 pour prendre votre
chiffre. En regard du projet de loi que le gouvernement veut établir,
pouvez-vous me dire, sans révéler des secrets de votre compagnie,
à quel prix une boulangerie qui ferait 25,000 pains dans les meilleures
conditions, et administrée de la façon la plus efficace possible,
comme les compagnies des groupes A et B, avec les meilleurs réseaux de
distribution, pourrait vendre je ne demande pas de fixer l'article de la
loi d'après vous, le pain de 24 onces? A quel prix cette
boulangerie devrait-elle vendre son pain au consommateur pour faire une
rentabilité acceptable à Steinberg dans ses investissements? Ce
serait quoi, à peu près ce prix de vente du pain de 24 onces?
M. NORMANDIN: M. le Président, je trouve que la remarque de M. le
ministre est très à propos, mais je me demande si elle arrive
à temps.
M. SAINT-PIERRE: Je veux vous prouver qu'une boulangerie de 25,000 pains
dans votre rapport, vous mettez ce seuil optimum dans les
conditions présentes du commerce et
avec la meilleure volonté du inonde, n'est pas capable de passer
à travers.
Et je veux vous prouver parce qu'on connaît les chiffres et
ce qu'ils peuvent signifier en établissant l'écart entre
le prix que vous aller nous donner et le prix qui est actuellement en cours
à Granby, que cette boulangerie-là peut perdre par semaine autant
que je ne le sais pas, cela dépend du prix de l'année
$250 par cent de différence. Et si vous me dites que c'est un
prix moyen pour $0.24, tantôt on a mentionné un prix minimal de
$0.22, mettons-le même à $0.20, c'est évident que si, dans
le moment, cela se vent à $0.14 et on sait que cela s'est
déjà vendu à $0.09, cela fait $0.06 de différence,
et cela fait au moins par semaine $1,500 qui manquent.
Ce que je veux vous dire, c'est que pour cette boulangerie-là,
même si elle fonctionne avec le même degré
d'efficacité que Steinberg ou que n'importe quelle boulangerie, les
conditions de la libre entreprise, les conditions malsaines, les conditions de
"dumping" sur les marchés intérieurs et là, je suis
d'accord avec vous que vous n'êtes pas ceux qui ont commencé ce
système mais, vous y avez été entraînés par
après font que cette compagnie perd un minimum $1,500 à
$2,000 par semaine et à long terme, malgré les meilleures
volontés de l'entreprise sur le plan de la gestion, de la planification,
de son contrôle de coûts, elle est vouée à la
faillite.
Vous comprenez que je veux essayer d'oublier et là, je
suis parfaitement d'accord avec vous celles qui sont à 2,000,
à 10,000 et à 5,000 pains. Je prends celle qui, d'après
vous, peut être rentable et je vous dis que, dans les conditions
actuelles du marché, c'est impossible pour celle-là d'être
rentable, c'est écrit sur le mur quand elle sera obligée de
fermer ses portes. Moi, je vous dis qu'il n'y a rien que le gouvernement
aimerait mieux, que de se retrouver dans cinq ou six ans, en prenant le temps
nécessaire, avec seulement 60 boulangeries au Québec qui seraient
toutes au seuil de rentabilité que vous avez expliqué.
Peut-être même à cette époque-là on pourrait
enlever les dispositions de la loi pour le prix. Mais là, on dit que si
on ne le fait pas, on ne permet pas à ces gens-là de faire la
fusion, je pense, dans le sens qui vient d'être donné par celui
qui a parlé auparavant.
M. NORMANDIN: M. le Président, quant à la question, je
devrais dire aux commentaires que M. le ministre est en train de faire, je suis
obligé de dire qu'ils sont très à point. Ce qui me console
un peu, c'est qu'au moins, dans l'exemple qui est mentionné à ce
moment-ci, personne ne risquera de nous trouver coupables parce que nous ne
sommes même pas dans le marché de Granby. Alors, cela me console
de voir que l'exemple se trouve dans un marché où nous ne sommes
pas et, par hasard, où il y a des problèmes. Très
bien.
La boulangerie dont vous me parlez, je ne la connais pas mais n'importe
quelle boulangerie qui ferait face à une telle situation, je dirais
qu'elle a toute ma sympathie. En dépit des meilleurs souhaits que je
pourrais formuler pour un succès futur, je pense bien que le chemin de
la faillite est déjà entrepris.
M. SAINT-PIERRE: Trouvez-vous cela normal?
M. NORMANDIN: Non. Absolument pas normal. Alors, toujours pour continuer
à répondre à M. le ministre, il y a quand même, vous
savez, une foule de situations qu'on ne trouve pas normales et dont on n'est
pas nécessairement maître. Je ne sais pas si les membres de cette
commission sont au courant que, dans certains domaines puisqu'on parle
de l'industrie de la boulangerie, restons-y il y a, en certaines
occasions, des industriels ou des manufacturiers, des boulangers qui, sans
l'avoir prévu, s'adonnent à avoir été les artisans
de leur propre malheur. On mentionne dans le rapport Tessier, dans un bulletin,
je crois que c'est le bulletin no un, si je ne me trompe pas, qu'il y a des
groupes de boulangers qui se sont engagés encore une fois, ce
n'est pas textuel dans un cercle vicieux d'où ils aimeraient
pouvoir sortir et ils trouvent cela très difficile.
Je n'accuse personne. Il y a peut-être une possibilité,
dans l'exemple que vous mentionnez, si on en faisait l'autopsie, que ce
pourrait être une cause. Pour avoir eu l'occasion de discuter avec quand
même plusieurs de ceux pour qui je suis très sympathique, je
connais les raisons et les débuts, si on peut dire, des problèmes
dans lesquels ils se trouvent. Alors, notre sympathie dans ces cas-là ne
suffira pas à régler les problèmes. Mais c'est
drôle, je dois quand même dire que c'est encore notre opinion que
les cas sont isolés et que la solution est quand même à la
portée de ceux qui souffrent des conditions dont on parle.
Cela demanderait peut-être du courage, mais quand un boulanger ou
un manufacturier veut garder et la proie et l'ombre et qu'à un certain
moment l'ombre devient insupportable, je crois qu'il faut établir un
choix. Qu'est-ce qu'on veut?
Les marchands détaillants qui ont des pratiques commerciales
abusives ne fabriquent pas leur pain. Ils doivent l'acheter de producteurs de
pain. Je crois donc qu'il vient un temps où le boulanger doit
décider s'il veut conserver cette clientèle indéfiniment
et demander au gouvernement, par une loi, de le sortir du pétrin ou s'il
ne serait peut-être pas plus avantageux de s'en tenir au prix qu'il croit
raisonnable.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais le boulanger n'a aucun
contrôle. Je vois où vous voulez en venir. C'est un fait, et vous
avez raison, ce n'est pas Steinberg qui a commencé. Je tiens à le
préciser parce qu'on a mentionné
son nom. Votre mémoire est fidèle, d'après les
remarques qu'on m'a faites. Nous nommons des cas pour en nommer. Je nommais, ce
matin, Bonimart, ou je vais en prendre un autre, Métro. Il est
évident que Métro n'ayant pas sa boulangerie, elle achète
son pain des boulangers, mais, même si le boulanger vend à
Métro à $0.22, il n'a aucun contrôle sur ce que
Métro va faire après. Si Métro le revend à $0.09 ou
à $0.12, c'est lui-même qui est touché dans la
région.
Ce que j'essaie de voir vous êtes dans la pratique
commerciale est-ce que, effectivement, il se vend du pain en bas du prix
coûtant? N'êtes-vous pas d'accord avec moi que ce sont des
pratiques malsaines qui, à long terme, pourraient être contre les
producteurs, contre les distributeurs? Vous dites, vous-même, que vous
êtes contre cela, vous êtes forcé d'entrer dans ce jeu pour
ne pas perdre votre clientèle, à long terme, même le
consommateur va y perdre et que le gouvernement se doit d'intervenir.
M. NORMANDIN: M. le Président, encore une fois, à la
remarque du ministre, j'aimerais qu'on tâche de comprendre exactement de
quoi il s'agit. Il ne faudrait quand même pas mélanger le cas du
détaillant qui décide de vendre le pain à un prix
ridiculement bas et le cas du producteur, du boulanger. Bon. Si le boulanger ne
se laissait pas convaincre par des arguments qui sont probablement très
forts de fournir le pain à un prix qu'il ne peut même pas
supporter pour son entreprise, je me demande combien de temps les
détaillants utiliseraient les pratiques commerciales dont vous parlez:
deux pains pour $0.18. Encore une fois, je veux souligner ici qu'on cherche
à généraliser avec les grosses annonces qu'on nous a
montrées ce matin, la pratique de deux pour $0.18. Si on veut être
honnête, il faut quand même admettre que ces grosses annonces sont
je ne vois pas pourquoi je défendrais, que ce soit Bonimart ou un
autre placées dans les journaux à l'occasion de
l'ouverture de nouveaux magasins. C'est malheureux que la pratique, en
Amérique du Nord, existe depuis, en tout cas, avant que je vienne au
monde. Cela fait réellement longtemps...
M. SAINT-PIERRE: Cela doit.
M. NORMANDIN: ... à l'occasion de l'ouverture d'un magasin
d'offrir des cadeaux.
M. SAINT-PIERRE: Cela doit être prospère à
Valleyfield parce que cela fait deux ans que c'est à des prix
ridiculement bas.
M. NORMANDIN: A $0.09, on parle de deux pour $0.18.
M. SAINT-PIERRE: A $0.14 ou à $0.15, c'est aussi en bas des prix
coûtants.
M. NORMANDIN: C'est en bas et c'est ridiculement bas. Je ne veux laisser
personne avec l'impression que je trouve que la pratique est défendable.
D'ailleurs, cette pratique existait à Valleyfield depuis 18 mois, avant
même que Steinberg ait ouvert son magasin dans cette région.
Malheureusement, comme vous l'avez indiqué, la pratique qui était
courante là-bas nous a forcés, parce que nous avons un commerce
à défendre, à faire face à ces prix. C'est une
situation alarmante. On parle quand même d'un problème de
l'industrie à l'échelle provinciale. Je n'ai pas besoin de
mentionner, je crois, les quatre régions où ces pratiques
malsaines ont cours. A peu près dans tous les mémoires, y compris
dans le rapport Tessier, ces régions ont été
identifiées assez clairement. Il reste que, dans notre optique, nous
considérons que ce sont des problèmes locaux qui ont
débuté sans malheureusement la complicité de ceux qui,
aujourd'hui, demandent au gouvernement de régler leurs
problèmes.
Est-ce que l'ensemble des consommateurs de la province de Québec
devrait assumer le coût des solutions qu'on veut apporter a quatre
régions bien spécifiques à notre connaissance? C'est une
question que nous nous posons.
On a mentionné à quelques reprises ce matin que, en somme,
ce que le gouvernement cherchait à faire n'était pas surtout
d'établir des prix, mais d'établir un prix minimal. Si j'accroche
à cette intention-là, des commentaires qui ont été
faits indiquent que, dans la province de Québec, il faudrait d'abord
savoir de quelle région on parle avant de donner une idée de ce
que le coût minimal devrait être; je me demande si ce que le
gouvernement veut faire, c'est d'établir un prix minimal pour une, deux,
trois, cinq, dix régions différentes, de façon à
être équitable pour les gens de ces différentes
régions. Je n'ai pas la réponse, je pose la question.
J'écoutais le député de Gouin se demander si ce
qu'on cherchait à faire c'était d'arrêter l'horloge de
l'évolution. Je pense que la question était assez à point.
On parle du porte-à-porte. Vous allez vous rendre compte, d'ailleurs,
que les remarques que je vais faire sont peut-être poussées
à l'absurde, mais je vais poser la question.
Serait-il nécessaire parce que j'entrevois ça comme
la seule solution pour protéger ce genre de commerce à
domicile, d'interdire l'ouverture de grands supermarchés, d'interdire
l'ouverture de grands centres commerciaux qui malheureusement, puisqu'il y en a
qui en sont affectés, attirent une clientèle dans un rayon de
quinze à vingt milles assez souvent? Est-ce que l'on devrait faire,
parce que je calcule que ce n'est pas un prix minimal qui va régler ce
problème? Je pose la question. Veut-on arrêter l'horloge de
l'évolution? Quelle est la réponse?
On a parlé avec beaucoup d'éloquence du pain. D'ailleurs,
on en parle encore comme vente d'appât. On a dit que, contrairement
à la
condition ou la situation du boulanger, au moins les succursales avaient
la possibilité de se ratrapper sur d'autres articles. Je pense bien que
personne ne niera cette situation, c'est un fait. Mais il reste quand
même qu'il ne faudrait pas exagérer cet aspect.
On a dit: Si on force le prix du pain à augmenter, est-ce que les
succursales pour se rattraper baisseront les petits pois à des prix
ridiculement bas, et ainsi de suite? Ce que je peux dire c'est que dans le cas
de nos succursales parce que, que voulez-vous, je pense que j'ai un peu
le droit de faire comme ceux qui ont pensé à leurs
problèmes personnels dans le cas d'une chaîne
d'épiceries comme Steinberg, nous n'avons et je le répète,
jamais eu comme politique et pratique d'utiliser le pain pour des ventes
d'appât. Je dois souligner que, si une compagnie dans la province de
Québec avait eu les moyens de le faire parce que nous considérons
que nous avons la boulangerie la plus efficace, avec le plus haut degré
de productivité et nous avons notre propre chaîne de magasins...
Je considère que personne d'autre n'aurait pu se servir du pain comme
vente d'appât. Ce ne fut jamais notre politique, jamais. Quand par
contre je l'ai mentionné précédemment on vient
ouvrir une épicerie dans le district immédiat où nous
avons une épicerie et qu'on se sert du pain comme vente d'appât,
nous faisons concurrence. Ma confession est faite. En dépit de tout
ça, quand on dit que...
M. SAINT-PIERRE: Excusez-moi...
M. NORMANDIN: Est-ce que de temps à autre au moins je pourrais
finir? Vous savez, quand j'ai un élan comme ça, M. le ministre...
Je m'excuse, avec tout le respect que je vous dois. Quand on parle de vente
d'appât, aux endroits où nous avons été
forcés de réagir à cause des magasins qui étaient
en concurrence directe avec les nôtres, elle a été
tellement minime que ça nous a placés dans la situation
d'augmenter les prix d'autres articles pour nous rattraper.
La preuve est que et ce n'est pas nous qui avons fait
l'enquête il y a eu tout récemment une enquête dont
les résultats ont été publiés dans le journal La
Presse et où on indiquait que la chaîne Steinberg se classait
première comme chafne d'alimentation on incluait même des
groupes volontaires dans le domaine de l'épicerie, avec chiffres
à l'appui, dans le domaine des produits de viande, avec chiffres
à l'appui, et dans le domaine des fruits et légumes, avec
chiffres à l'appui.
De quelle façon le prix très bas auquel nous pouvons
vendre le pain dans nos magasins peut-il avoir des effets néfastes sur
le compte du panier d'épicerie? Je ne crois pas que cela se soit
présenté. Excusez-moi, M. le ministre, votre question, s'il vous
plaît.
M. SAINT-PIERRE: Je reviens sur ma ques- tion, mais vous en parlez dans
votre rapport, la vente du pain comme appât à des prix de $0.09,
$0.10 et $0.15...
M. NORMANDIN: C'est ridicule!
M. SAINT-PIERRE: C'est ridicule. C'est néfaste...
M. NORMANDIN: Absolument!
M. SAINT-PIERRE: Un instant. C'est néfaste aux producteurs
boulangers, ça n'a aucun sens que les gens soient obligés de
vendre des choses...
M. NORMANDIN: Aucun.
M. SAINT-PIERRE: ... si on veut avoir des salaires décents, si on
veut avoir des perspectives d'avenir.
M. NORMANDIN: Aucun.
M. SAINT-PIERRE: Que ça s'appelle la boulangerie Steinberg ou une
petite boulangerie, c'est le même problème.
M. NORMANDIN: C'est ridicule.
M. SAINT-PIERRE: C'est néfaste pour les distributeurs et,
à preuve, vous dites que, si on passe la loi, ça va vous donner
à vous plus d'argent et ça va donner à tous les
épiciers qui font ça dans le moment plus d'argent. D'accord?
M. NORMANDIN: C'est un fait.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous êtes également d'avis
comme c'est très temporaire, très localisé, que, dans une
perspective à long terme, le consommateur va aussi y perdre parce que,
même à des prix mimimaux que nous avons évoqués
comme $0.22, $0.24, ce seraient quand même les prix les plus bas en
Amérique du Nord et que ce serait mieux? Nous aurions une industrie, un
réseau de distribution, des consommateurs plus satisfaits, si nous
avions quelque chose de plus stable que les fluctuations et les guerres que
nous voyons dans le moment, et que le plafond que nous donnons laisse une libre
concurrence. Je pense que les boulangers ont dit que eux ils sont prêts
à avoir un écart de $0.04 ou $0.05 et à convaincre la
ménagère qu'elle est mieux de prendre leur pain et payer $0.05.
Nous n'empêcherions pas ça. Je serais opposé "over my dead
body" à empêcher la construction de centres commerciaux à
reculer l'horloge du temps.
Mais je dis que, lorsque dans l'entreprise privée, lorsque dans
les marchés intérieurs, il y a du "dumping" et des conditions
malsaines pour les producteurs, les distributeurs et le consommateur, le
gouvernement n'a pas d'autre choix que d'intervenir.
M. NORMANDIN: M. le Président, en réponse à la
remarque de M. le ministre, à mon avis, je ne risquerais pas de trop me
tromper si j'allais dire que pas plus de sept ou huit boulangeries peuvent
être dans des situations comme celle-là.
Une loi qui serait votée dans le but de régler un
problème local est à mon sens une loi qui serait difficilement
justifiable. Ceux qui se prennent dans un cercle vicieux, à mon sens,
ont encore la possibilité de s'en sortir sans demander au gouvernement
de régler leur problème et d'imposer à l'ensemble des six
millions de consommateurs de la province de Québec de payer le
coût d'erreurs que quelques-uns ont pu faire. C'est mon avis.
M. SAINT-PIERRE: Monsieur, est-ce que, dans le fond, vous ne
suggérez pas que le remède à un abus soit un autre abus?
Ce que vous évoquez, c'est de dire que tous les boulangers se mettent
ensemble et refusent de vendre du pain à ceux qui l'utilisent comme
"loss leader". N'est-ce pas votre suggestion?
M. NORMANDIN: M. le Président, M. le ministre, je n'ai pas
parlé de refuser de vendre du pain. Non, du tout. J'ai parlé de
refuser de vendre du pain à un coût ou à un prix qui soit
ridiculement injustifiable.
M. SAINT-PIERRE: J'ai l'impression que ça ne se fait pas. Je peux
me tromper, je sais que ça se fait...
M. NORMANDIN: Si ça ne se faisait pas, M. le ministre, les
problèmes dont nous discutons aujourd'hui n'existeraient pas.
M. SAINT-PIERRE: Au contraire mais encore une fois, je refuse,
j'hésite devant les journalistes. Je ne vise pas les magasins
Métro, mais ils ont fait tellement d'annonces à la
télévision que j'ai leur nom à l'esprit. La compagnie
Métro, pour prendre un groupe, ça pourrait être n'importe
quel autre, pourrait quand même acheter du pain à $0.24 des
boulangers, et ça aurait l'air correct, et le revendre à $0.18,
$0.15 ou $0.16, encaisser une perte qui serait compensée par des profits
obtenus sur...
M. NORMANDIN: Mais, M. le ministre, dans ce cas-là...
M. JORON: Aujourd'hui, dans un cas semblable...
M. SAINT-PIERRE: Pardon?
M. JORON: Je me demande si les boulangeries...
M. SAINT-PIERRE: Oui, on a vu que du pain fabriqué à
Joliette est écoulé dans les Cantons de l'Est et on joue les
boulangers d'une région contre l'autre.
En fait, comme les boulangers l'ont mentionné, cela a
accentué le fait que la ménagère n'est pas folle. Elle ne
veut pas payer $0.27 un pain qu'elle peut acheter à $0.09 au magasin.
Elle va au magasin et je ne la blâme pas. L'éveil des
consommateurs pour réduire la croissance des coûts dans
l'alimentation est sérieux. Même si les boulangers disaient,
ensemble: La seule façon d'empêcher cela, ce serait de placer
Métro sur une liste noire, de le boycotter et de ne plus lui vendre de
pain, je pense que Métro serait justifié de se plaindre que les
boulangers font un cartel, que les boulangers refusent de vendre une
denrée pour des raisons discriminatoires.
M. NORMANDIN: Je pense que je ne comprends pas très bien les
commentaires du ministre. Vous dites que si les boulangers en admettant
l'hypothèse vendent du pain à Métro à un
prix qui soit raisonnable et que Métro nous parlons de
Métro ; remarquez bien que ce n'est pas moi qui ai prononcé le
nom le premier décidait de vendre le pain à un prix plus
bas que celui qu'il a payé au boulanger, je voudrais que vous
m'expliquiez dans ce cas de quelle façon le boulanger en souffrirait,
s'il avait eu le prix raisonnable pour le pain qu'il a vendu.
M. SAINT-PIERRE: Peut-être pas ce boulanger en particulier
mais...
M. NORMANDIN: Lesquels?
M. SAINT-PIERRE: ... les autres boulangers qui visent la même
clientèle que le magasin Métro qui ont à faire face
à un produit d'égale qualité à leur produit,
fabriqué par un collègue qui peut venir de Joliette, et
Métro l'offre à $0.09 et eux sont obligés de le vendre
à $0.09, sans cela ils n'en vendront pas.
M. NORMANDIN: A qui le vendre à $0.09?
M. SAINT-PIERRE: A la communauté, à la
collectivité, à la clientèle.
M. NORMANDIN: Nous avons bien établi ce matin, en tout cas
si j'ai écouté, et je pense avoir écouté que
le problème concernait surtout le pain qui était vendu à
des détaillants qui ont des pratiques abusives et qui exigent que le
fournisseur contribue un peu à la perte que, lui, a à subir.
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas complètement cela.
M. NORMANDIN: Quant au pain qui est distribué à domicile,
ne mélangeons pas les cartes. C'est un autre problème.
M. SAINT-PIERRE: Mais le problème fondamental qui m'a toujours
frappé... on va prendre
des cas très précis. Vous pourriez avoir dans la ville de
Sherbrooke ou de Granby, une boulangerie qui est administrée de
façon exemplaire avec beaucoup de gestion, qui aurait une
quantité de 50,000 pains, une quantité acceptable pour un optimum
et qui n'est pas capable de faire, non seulement un profit, mais qui accuse des
pertes, ce qui signifie que sa faillite est indiquée sur le mur, parce
que dans la région, il y a une guerre de prix, il y a des gens et des
épiceries qui perdent de l'argent sur la vente du pain. Elle ne peut pas
se permettre de perdre de l'argent. C'est son gagne-pain. C'est ce qui me
frappe. Si vous me dites que le seul problème, ce sont des gens qui
vendent 2,000 pains et que les signes du temps sont qu'à 2,000 ce n'est
pas rentable, je suis parfaitement d'accord avec vous. Je considère
qu'il y a une situation malsaine lorsqu'une entreprise qui est à un
niveau de rentabilité, qui est à un niveau de production, qui est
à une économie d'échelle acceptable, qui est très
bien menée, et que, dans les conditions actuelles, cette entreprise est
vouée à la faillite, je dis qu'il y a des pratiques malsaines sur
le plan commercial et que le législateur doit intervenir.
M. NORMANDIN: Je suis complètement d'accord sur les remarques et
l'exemple du ministre. Je dis que, lorsqu'il y a de tels cas, je suis
très sensible et très sympathique à la condition dans
laquelle les boulangers se trouvent. Je m'oppose à ce qu'on cherche
à généraliser des problèmes de ce genre pour en
arriver à en imposer une loi qui soit à l'échelle
provinciale et où tous les consommateurs seraient affectés par
des augmentations de prix. Et au sujet des augmentations de prix, je veux
encore faire une remarque.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse. Tantôt, vous avez employé cet
argument et j'aime y revenir. C'est la même chose que si le gouvernement
dit, je prends un exemple baroque: Tous ceux qui ont la scarlatine, vous allez
être obligés de prendre une pilule. Dans toutes les régions
où il y a de la scarlatine, vous allez être obligés de
prendre une pilule. Ceux qui n'ont pas la scarlatine, la loi ne leur cause pas
de problème. Si on dit $0.22 pour le pain, dans les régions
où il se vend $0.25 ou $0.26 il y en a dans le moment cela
ne changera absolument rien. Cela continuera comme avant. Et nous aurons une
loi qui arrêtera le mal là où il est et qui
empêchera, comme vous dites dans votre mémoire, que le mal se
déplace d'une région à l'autre.
M. NORMANDIN: A écouter le ministre, j'ai l'impression qu'il sait
exactement de quelle façon le prix minimal du pain sera établi.
Le ministre a l'air d'être très catégorique quand il dit
que cela n'affectera pas le pain qui se vend déjà à un
prix normal, soit, $0.22 ou $0.24.
Moi, je ne suis pas tellement convaincu que M. le ministre sait
exactement de quelle façon on va procéder au gouvernement pour
établir le prix. Pourquoi est-ce que je dis cela? Je lis dans le rapport
Tessier, c'est à la page 59 ou 56 où on parle d'un modèle
mathématique pour établir le prix de revient... Encore une fois,
j'ai l'impression que le projet de loi et le rapport Tessier sont assez
proches. Je pose l'hypothèse et je peux me tromper que c'est la
recommandation qui est dans le rapport Tessier qui sera probablement
utilisée pour établir le prix de revient. Savez-vous ce que j'ai
cru lire? On peut me corriger si c'est faux. J'ai cru lire qu'on
établirait le prix de revient du pain en choisissant cinq boulangeries
du groupe B. On élimine au départ les neuf boulangeries qui sont
normalement au degré de productivité le plus satisfaisant parce
qu'elles ont quand même le plus gros volume et on partirait avec cinq
boulangeries dont le volume va de 50,000 à 200,000 et c'est cela qui est
marqué, M. le ministre. Vous faites cela, mais c'est cela qui est
marqué dans le rapport comme suggestion.
M. SAINT-PIERRE: Je veux vous enlever des anxiétés pour
dire que sur ce point-là...
M. NORMANDIN: Vous me faites perdre, je ne sais pas, ma chaleur.
M. SAINT-PIERRE: Gardez-la.
M. NORMANDIN : Je n'ai pas la politesse parlementaire; excusez-moi, M.
le ministre, de vous couper la parole.
Ce matin, M. le ministre, j'entendais, en réponse à une
question du genre de celle que je viens de mentionner, M. Cadieux de
Beauharnois qui avait une autre version, parce qu'il disait : Le prix sera
établi en se basant sur celui qui est capable de le produire au meilleur
coût. C'est cela qui servira de base. Si c'est cela que vous voulez
faire, personnellement je vous dis que j'accepte. Mais si c'est cela, M. le
ministre, vous n'aiderez pas la cause de ceux dont vous essayez de prendre
l'intérêt dans le moment avec votre loi. Je m'excuse, mais je
pense que vous risquez de ne pas réellement répondre à
leurs désirs.
M. SAINT-PIERRE: II y a seulement un point. Le modèle
mathématique, c'est un point du rapport sur lequel je suis en
désaccord. Je ne crois pas qu'on puisse avoir une espèce de
modèle où on entre des ingrédients et il y a une formule
au bout. C'est pour cela que dans la loi nous avons quand même une
formule qui permettrait à des gens comme vous et à d'autres
les 30 jours, c'est paru dans la Gazette officielle à des
consommateurs et à des boulangers de nous dire si nous avons raison ou
non. Essentiellement ce que je vais viser, c'est d'avoir un prix qui est le
meilleur prix qui puisse être atteint par la meilleure boulangerie au
Québec. Si c'est la vôtre, ce sera à ce prix qu'il va
être minimal et je pense que les boulangeries
sont capables de faire face à la concurrence. Ce qu'on va leur
donner, cependant, c'est ce prix-là, c'est ce que j'ai essayé de
vous faire obtenir tantôt. Si vous vous me dites que ce prix-là,
je vais mettre $0.20 pour un pain de 24 onces, en tenant compte d'un profit
normal et en tenant compte des frais de distribution, d'emballage et d'autres,
si on arrive à $0.20 ce que je donne à ceux qui sont
obligés de le vendre $0.14, c'est $0.06 le pain. Les gars qui en font
50,000 par semaine, multipliés par $0.06, vous êtes capables
d'additionner ce que cela fait au bout de l'année.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, messieurs, je m'excuse; on m'informe
qu'il y a un vote à l'Assemblée nationale, alors nous suspendons
nos travaux jusqu'après le vote.
M. NORMANDIN: Est-ce que nous restons dans la salle?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Oui. (Suspension de la séance à
17 h 4)
Reprise de la séance à 17 h 22
M. CADIEUX: M. le Président, M. le ministre a demandé de
l'excuser. Il a dû s'absenter. Du fait que je suis son adjoint
parlementaire, nous pouvons continuer les débats.
LE PRESIDENT (M. Brisson): J'inviterais M. Normandin à continuer
ses remarques.
M. NORMANDIN: Je ne m'attendais pas que mon enthousiasme soit refroidi
de façon imprévue. M. le Président, je ne veux pas prendre
le plancher et parler jusqu'à la fin de la séance sans donner au
moins la chance à tous ceux qui ils en ont donné la preuve
ce matin essaient de comprendre, de poser des questions. Je me
permettrais une autre remarque. Après cela, j'espère que les gens
poseront des questions. Dans notre mémoire, nous avons mentionné
que si, par hasard, certains boulangers, quels qu'ils soient, croyaient qu'il y
aurait peut-être avantage à venir nous voir et à discuter
de certains problèmes qui leur sont particuliers je parle du
côté technique, du côté de la production, tout
ça nous serions des plus heureux de leur faire visiter notre
magasin et de discuter avec eux de la façon de procéder, de la
fabrication. D'ailleurs, je me permets de le dire, dans le courant de
l'année, l'offre que j'avais faite sur une base individuelle, à
au moins cinq ou six, a été acceptée et les gens sont
venus. On n'a pas de secrets parce qu'on considère qu'à
l'intérieur d'une industrie, on se doit de s'en-traider quand il y a
lieu.
Je le mentionne de nouveau. On n'a pas d'arrière-pensée.
Si les gens peuvent tirer certains bénéfices pour leur
entreprise, qu'ils viennent nous voir. Nous sommes prêts à
discuter avec eux. S'il y a des questions de la part des membres, je serais
prêt.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauharnois.
M. CADIEUX: II y a quelque chose qui m'a frappé tantôt.
C'est que vous avez accepté de dire que la situation n'est pas normale.
Vous avez même dit que c'était scandaleux dans certains cas,
c'était ridicule, ça ne devrait pas exister comme ça.
Après ça, du même souffle, vous dites: II ne faut pas
empêcher l'évolution normale. S'il y a une situation qui n'est pas
normale, pour reprendre vos propres mots, si ça peut être
scandaleux, si les prix sont trop bon marché, il y a des gens qui ne
peuvent pas arriver et concurrencer. Comment pouvez-vous dire: II ne faut pas
arrêter l'horloge, il ne faut pas arrêter l'évolution
normale; c'est votre propre terme? On essaie de trouver une solution. Il est
quasiment accepté qu'elle serait temporaire, du moins il y a une
suggestion très sérieuse qui a été faite à
ce sujet. Cela pourrait être une solution temporaire, trois ans, quatre
ans, ou quelques années pour trouver où ça ne
va pas et rectifier. Ne pas attendre qu'il soit trop tard parce qu'il a
été bien dit par d'autres, en tout cas, et il a été
compris par la majorité des membres de cette commission que là
où on a laissé la situation se détériorer, les prix
ont augmenté et doublé, si on intervenait trop tard. Le
gouvernement ne veut pas intervenir trop tard et il pense que c'est le temps.
On s'aperçoit depuis quelques années que la situation se
détériore. Le ministre l'a bien dit tantôt, la loi n'est
pas pour sauver ceux qui fabriquent 2,000 pains. La loi est pour aider ceux qui
agissent sur une base d'affaires et qui veulent faire une concurrence
normale.
M.NORMANDIN: Le député de Beauharnois, je crois, ne semble
pas trouver logique que, d'une part, je reconnaisse qu'il y a une situation
malsaine qui existe, que je tienne quand même à qualifier
ça en disant que moi, je trouve qu'il y a une situation malsaine
à certains endroits c'est la nuance que je fais et que,
d'autre part, je dise qu'on ne devrait pas arrêter la marche de l'horloge
de l'évolution. Je continue à croire que mon raisonnement est
logique parce que évidemment, je n'ai pas visité tous les
endroits de la planète je ne connais pas d'endroits où on
a apporté comme solution d'arrêter toute chance d'évolution
dans le but de régler des problèmes locaux et isolés ici
et là. Je continue donc à croire que mon raisonnement est
logique.
Je continue par contre à être d'avis que, dans certains
endroits, il y a des situations alarmantes qui mettent certaines boulangeries
dans des difficultés et qu'elles doivent éventuellement trouver
une façon d'en sortir. Moi, tout ce que j'ai dit
précédemment, c'est qu'avant d'en venir à
l'établissement d'une loi au point de vue des prix, je voudrais que les
boulangeries qui sont dans cette situation difficile se demandent
sincèrement si la solution n'est pas à leur portée
plutôt que de prendre une approche qui serait beaucoup plus facile, celle
de faire voter une loi et de pénaliser à l'échelle de la
province ceux qui n'ont même pas de problème mais qui seraient
probablement très heureux je parle des fabricants de
bénéficier de certaines augmentations. Mais je ne veux pas
généraliser certains problèmes qui sont localisés,
c'est mon point de vue.
M. CADIEUX: Même si le problème est, comme vous le dites,
assez localisé, il reste que, si on vient de trouver le bobo, il va
falloir trouver un remède. On ne peut pas laisser le corps continuer
à se détériorer, le virus va augmenter. Si on est capable
de localiser le problème, il faut absolument on est là
pour cela chercher des remèdes aux problèmes. Vous dites
que vous pouvez être pénalisés mais, tout de suite
après, vous dites: Non, nous ne serons pas pénalisés. Ceux
qui n'ont pas de problèmes, vous avez commencé à le dire,
vont être pénalisés et, tout de suite après, vous
dites que vous ne le serez pas. Je pense que personne ne sera
pénalisé et surtout ce n'est pas dans l'esprit du ministre de le
faire. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec lui, c'est la protection du
consommateur qui compte aussi. Nous pensons bien sûr, aux boulangeries
moyennes, aux distributeurs, aux "jobbers" sur la route, mais aussi aux
consommateurs. En effet, l'expérience nous dit que, dans des endroits
où l'Etat n'est pas intervenu, il s'est présenté une
situation de fait que le prix a doublé en quelques années et que
le pain était dans les mains de quelques gros fabricants. Après
cela, il n'y avait plus rien pour les empêcher, il n'y en avait plus de
concurrence.
M.NORMANDIN: M. le Président, en face des inquiétudes du
député de Beauharnois, disons que, si j'étais
complètement en dehors de l'industrie de la boulangerie, je me
laisserais impressionner. Je dirais: Si c'est arrivé, je crois
qu'on a mentionné la Colombie-Canadienne c'est ça qui nous
guette aussi, c'est ça qui va nous arriver. Mais, voyez-vous, ce qui
arrive, c'est que, vu que je suis plus directement impliqué dans
l'industrie, je dois ne pas sauter sur les premières remarques qui me
sont faites et dire que c'est ça, la situation. Moi, je suis d'avis que
ceux et quand je dis ceux, je parle de boulangeries qui ont
malheureusement été complices des détaillants qui ont eu
des pratiques abusives dans le commerce du pain je suis porté
à croire et je le dis en toute honnêteté et en toute
conviction ce ne sont même pas les grosses boulangeries qu'on
accuse d'avoir essayé d'accaparer le marché.
Cela a l'air un peu paradoxal, mais la plupart du temps ce sont des
boulangeries d'un volume de production très bas, si on les compare aux
géants, qui sont la cause indirecte, si vous voulez, des guerres de prix
qui existent dans le pain.
Vous savez, les procès d'intention, j'aime mieux être assez
prudent avant d'en faire. J'aime mieux analyser les faits tels qu'ils nous
apparaissent à la surface et je crois que cela, à mon sens, en
tout cas, est plus logique que de dire: En Colombie-Britannique, c'est ce qui
s'est passé et c'est ce qui nous guette.
C'est ma réponse au député de Beauharnois.
Remarquez bien que je ne prétends pas avoir le monopole des
prévisions de ce qui va se passer dans les années quatre-vingt.
Cela peut fort bien arriver. Je ne le sais pas.
M. CADIEUX: Vous dites qu'il ne faut pas trop se presser et qu'on est
devant une situation qui n'est pas si pire que cela, mais il reste qu'il y a eu
des rapports qui ont été faits. On parle du rapport Tessier; il y
a eu des études qui ont été faites et vous avouez
vous-même que ce rapport est objectif, il est très bien fait.
M. NORMANDIN: Sûrement.
M. CADIEUX: La situation n'est donc pas une situation de 1973. C'est une
situation qui date de quelques années et on s'aperçoit qu'elle se
détériore continuellement. Vous parlez de complicité
peut-être, de petits...
M. NORMANDIN: Pas voulue...
M. CADIEUX: II semble que, d'après tous les gens que l'on a
rencontrés et tous ceux qui se sont penchés sur le
problème, on n'ait pas trouvé de telles complicités chez
le petit boulanger. De toute façon, je ne pense pas que ce soit cela qui
soit ressorti des mémoires que l'on a écoutés auparavant,
ce n'est pas nécessairement des petits qu'il y a eu complicité.
Ces gens-là représentent tout de même des centaines de
boulangeries et ils s'entendent assez bien sur ce qui s'est dit ce matin.
M. NORMANDIN: M. le Président, le député de
Beauharnois a de bonnes idées et je suis convaincu qu'il a raison de
penser comme cela. Voyez-vous, quand un groupe de boulangeries on parle
d'un groupe de 50 ou 75, je ne sais pas soumet une analyse, je suis
convaincu que c'est un genre de consensus. Je me demande si le consensus n'est
pas basé sur ceux qui sont en difficulté. Mais je ne voudrais pas
que l'on tire la conclusion que toutes les grosses boulangeries sont celles qui
ont été à la cause, à la source même des
difficultés auxquelles on fait face, parce que... Ecoutez, ceux qui sont
dans l'industrie de la boulangerie, on ne leur demandera pas de faire une
confession publique. Ils ont des problèmes. Nous le savons. Et je suis
un de ceux qui savent qu'elles ont des problèmes. Je me pose quand
même la question parce que j'ai des raisons de le faire: Est-ce qu'il n'y
a pas un mea culpa de la part de celles qui sont en difficulté dans le
moment? Je ne jette pas tout le blâme sur les grosses boulangeries comme
on a tendance à le faire, quand on fait référence à
ce qui s'est passé en Colombie-Britannique et que cela nous guette.
Je ne voudrais pas que les gens, en tout cas, tiennent pour acquis que
c'est cela la situation. C'est peut-être cela qui ressort de certains
commentaires qui ont été faits. Peut-être. Mais s'il
fallait je ne suggère pas qu'il y ait une autre enquête de
faite qu'on aille réellement au fond du problème,
peut-être que l'optique de certaines personnes changerait à ce
point de vue, quand on est porté à dire les grosses
boulangeries.
M. CADIEUX: Quand votre compagnie est obligée de vendre du pain,
parce qu'elle est obligée de suivre la concurrence d'un autre
détaillant, elle est obligée de le vendre à un prix
inférieur au prix coûtant.
Vous admettez que c'est un problème? Cela peut être un
problème pour Steinberg. C'est un problème pour le
détaillant qui est obligé d'agir de la même
façon.
M. NORMANDIN: Non. Excusez-moi, M. le député, on ne cause
pas un problème au détaillant, parce que nous n'avons jamais
commencé ce genre de pratique.
M. CADIEUX: Excepté que vous le faites...
M. NORMANDIN: Le détaillant s'est causé un
problème, et nous, nous défendons nos intérêts, nous
réagissons. Je suis d'accord avec vous, c'est une pratique que nous
n'aimons pas. Nous sommes forcés et nous allons continuer à agir
de cette façon tant et aussi longtemps qu'il le faudra. Nous allons
continuer.
Maintenant, il y a de bonnes nouvelles, depuis une couple de semaines.
Les rapports ne peuvent pas refléter tout ce qui se passe au jour le
jour dans le marché, mais tous les endroits qui ont été
mentionnés ce matin, en se référant à des
statistiques qui datent de quelques mois je ne devrais pas dire tous les
endroits, je crois qu'il y a une exception le pain à $0.13,
à $0.14 et à $0.15, vous ne le trouverez pas cette semaine, en
tout cas. On a mentionné ce matin, et ailleurs dans les mémoires,
de Trois-Rivières. Bien, à Trois-Rivières, si vous trouvez
du pain à $0.14 et à $0.15, comme c'était le cas au temps
où le rapport Tessier a été publié... Je demande
à mon adjoint à quel endroit la situation ne semble pas
s'être rectifiée.
M. LELIEVRE: II y a peut-être à Granby...
M. NORMANDIN: Nous n'y avons pas de magasin.
M. TETRAULT: Est-ce qu'il ne serait pas valable aussi de dire que cette
situation, selon vous, qui n'existe plus, c'est spécifiquement dû
au fait que le projet de loi s'en vient.
M. NORMANDIN: Je ne suis pas en mesure de répondre à
cela.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, je voudrais poser deux questions
à M. Normandin. D'abord est-ce qu'il peut nous dire, non seulement chez
Steinberg, dans les magasins à succursales en général,
depuis combien de temps cette pratique s'est généralisée,
soit de faire du pain un "loss leader"?
M. NORMANDIN: M. Joron, vous me demandez depuis combien de temps ces
pratiques se sont généralisées. D'abord, j'ai cru dire
précédemment qu'à mon point de vue, sur ce qu'on
connaît du marché, les pratiques n'ont pas été
généralisées.
M. JORON: D'accord, c'est-à-dire...
M. NORMANDIN: Les pratiques ont été
utilisées...
M. JORON: Depuis quand emploie-t-on ce truc, sur le pain, dans certaines
régions? Cela ne couvre pas toutes les régions, je comprends,
mais cela existe depuis combien de temps? Cela se faisait il y a cinq, dix ou
vingt ans?
M. NORMANDIN: Oui.
M. JORON: Est-ce que cela s'est toujours fait?
M. NORMANDIN: M. le Président, si vous me permettez, en
réponse à la question de M. Joron, cela va m'aider à
reposer ma voix, je demanderais à M. Lelièvre peut-être de
répondre. M. Lelièvre, comme je l'ai indiqué, est
directeur des achats chez Steinberg, dans le domaine de l'épicerie, dont
les produits de boulangerie. Dans une organisation comme la nôtre, le
directeur des achats a aussi une responsabilité directe sur ce qui se
fait au point de vue de la mise en marché. Je crois que M.
Lelièvre pourrait répondre.
M. LELIEVRE: Pour répondre à la question de M. Joron, M.
le Président, je crois que la situation s'est améliorée et
ne s'est pas détériorée depuis quelques années,
quand vous parlez de "loss leader".
M. JORON: Quant au pain.
M. LELIEVRE: Quant au pain. Il y a déjà eu des guerres
beaucoup plus...
M. JORON: Qui remontent à longtemps?
M. LELIEVRE: Si on peut donner la situation de la dernière
année, si on parle de Trois-Rivières, par exemple, à
Trois-Rivières...
M. JORON: II est important, si l'on veut faire une corrélation,
une chose de cause à effet entre ces guerres de prix, le fait que les
chaînes pratiquent, pour le pain, le truc du "loss leader" et la
diminution et les faillites dans nombre de boulangeries au Québec qui,
de 1961 à 1970, par exemple, sont tombées de moitié, il
faudrait savoir si c'est directement relié à ça, si, au
cours des années soixante, ces pratiques existaient.
Autrement, on va s'apercevoir que, dans le cas où ça
n'aurait pas existé, de toute façon, il y a des boulangeries qui
font faillite. A ce moment-là, c'est pour des raisons
différentes. C'est ce que je veux savoir. Depuis combien de temps
pratique-t-on ça?
M. NORMANDIN: M. le Président, si vous me permettez de
répondre à la question de M. Joron. Il faut faire attention quand
on interprète certaines statistiques et, je le mentionne, c'a
été assez bien couvert dans le rapport Tessier aussi. Le bureau
fédéral de la statistique donne des chiffres concernant le nombre
de boulangeries.
Dans l'enquête Tessier, on s'est donné la peine d'essayer
d'analyser combien de boulangeries, en réalité, se trouvaient au
niveau de la production du pain blanc parce que les statistiques
fédérales ne font pas la distinction. On parle de 900 et ce
nombre a peut-être baissé à 500. Mais si on
rétablissait les chiffres en se basant sur le nombre de boulangeries qui
sont dans la fabrication du pain, je ne veux pas dire que la situation ne
serait pas quand même alarmante, mais beaucoup moins alarmante.
Dans notre rapport, nous avons indiqué quelque chose. D'abord,
comme vous le savez, nous ne pouvons pas prétendre connaître la
cause de chaque faillite de chaque organisation qui, à un moment
donné, cesse de fonctionner. Nous ne pouvons pas connaître toutes
les causes. Mais ce que nous avons donné comme explication, parce que
ça fait suite à une étude du marché que nous
faisons, c'est ceci: Ce qui a été la principale cause, à
notre point de vue, de la disparition d'un certain nombre de boulangeries,
c'est le changement de méthode de mise en marché, c'est
l'avènement des magasins à succursales qui couvrent un rayon de
vente beaucoup plus étendu que le tout petit magasin du coin. C'est
l'avènement des centres commerciaux qui attirent une clientèle de
très loin. Automatiquement, le commerce du pain a changé de telle
façon que certains boulangers, groupes artisanaux, si on peut dire, se
sont trouvés dans une situation où réellement, leur
marché avait diminué à un tel point que leur
activité n'était pas tout à fait rentable.
Il y a ces facteurs qui sont extrêmement importants et,
plutôt que nous laisser impressionner par des chiffres qui nous
paraissent alarmants mais que nous interpréterions tout simplement d'une
façon superficielle et tirer des conclusions que ça va mal et
qu'il faut apporter des mesures correctives, je dis que tout ça est
bien. Mais je le ferais avec la même prudence que le rapport Tessier qui
a pu faire certaines recommandations parce que ç'a été
mentionné. On en a tenu compte dans le rapport Tessier de cette nuance,
de cette distinction. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. JORON: Est-ce que M. Lelièvre pourrait répondre
à la question principale que je posais, à savoir: Depuis quand
ces pratiques existent-elles dans le commerce de la distribution?
M. LELIEVRE: A ma connaissance, ça existe depuis plusieurs
années.
M. JORON: Cela remonte à longtemps.
M. LELIEVRE: Oui, et toujours dans des cas isolés.
M. JORON: Bon!
M. LELIEVRE: Je peux vous donner une idée de la situation des
prix du pain dans le moment dans la province de Québec.
M. JORON: Oui.
M. LELIEVRE: Actuellement, Steinberg Ltée ne vend pas un pain en
bas de $0.18 et on vend du pain à $0.18 dans seulement sept magasins qui
font face, dans des cas isolés, à une concurrence. Le pain de 24
onces se vend $0.22 à Montréal et nous avons un autre pain de 24
onces, un pain enrichi, qui se vend $0.24. Nous avons sept magasins dans le
moment où le pain se vend $0.18 à cause de la concurrence et,
comme M. Normandin l'a expliqué, c'est dans des cas isolés.
M. JORON: Si le président me le permet, j'ai une deuxième
question.
M. CADIEUX: Je pense que cela va vous éclairer.
M. JORON: Sur le même point?
M. CADIEUX: Oui. Si vous me le permettez. Il y a une étude qui a
été faite par le ministère ici le 23 février 1973;
il y a une semaine. Elle nous donne le prix du pain dans toutes les succursales
et le prix du boulanger. A Valley-field, il est à $0.27; dans les
succursales, il est à $0.15. A Chicoutimi, il est à $0.27; dans
les succursales, il est à $0.20. A Trois-Rivières, il est
à $0.27; dans les succursales, il est à $0.19. A Sherbrooke, il
est à $0.27; dans les succursales, $0.15. A Granby, il est à
$0.27; dans les succursales, il est à $0.14. Dans la banlieue de
Québec, il est à $0.33; dans les succursales, il est à
$0.19. A Saint-Laurent, il est à $0.32; dans les succursales, il est
à $0.18. A Saint-Léonard, il est à $0.32; dans les
succursales, il est à $0.18. A Montréal, le pain
croûté de 20 onces est à $0.25; dans les succursales, il
est à $0.09. A Vanier, il est à $0.33; dans les succursales, il
est à $0.16. C'est une enquête qui a été faite le 23
février.
M. NORMANDIN: Je me demande si le député de Beauharnois
pourrait me préciser dans quelles succursales dans tous les plans
qu'il...
M. CADIEUX: C'est pour la moyenne des succursales, le prix des
chaînes. On a fait une moyenne dans les magasins...
M. NORMANDIN: Vous parlez du 23 février?
M. CADIEUX: Le 23 février 1973.
M. NORMANDIN: Le rapport dont vous parlez est daté du 23
février 1973. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire de
quelle date à peu près est l'information que vous nous donnez? Ce
qui arrive assez souvent, il y a des enquêtes qui sont faites nous
en connaissons une sur la langue française qui peuvent prendre
deux ou trois ans et les statistiques qui ont pu être accumulées
au tout début de l'enquête, à un certain moment, quand le
rapport est soumis, nous sont données comme des choses du 23
février 1973. Est-ce qu'il y a une explication à cela dans le
rapport?
M. CADIEUX: L'enquête a été faite le 23
février par téléphone et vérifiée par un
enquêteur spécial qui allait vérifier les données
que nous avons ici.
M. RUSSELL: J'aurais une question à poser au député
de Beauharnois, pour clarifier cette question, parce que cela semble jeter
beaucoup de poudre dans l'air. Je me demande si, dans le contexte actuel, on
n'a pas voulu établir le chiffre le plus haut dans le petit magasin et
essayer de trouver le chiffre le plus bas dans le magasin à succursales
ou si on a réellement fait enquête dans tous les magasins à
succursales et dans tous les magasins d'entreprise privée, dans la
petite entreprise.
M. CADIEUX: D'abord, il n'y a pas de nom de succursales de
mentionnées. On a pris des magasins à succursales. On n'en
mentionne pas un en particulier, et on a pris le prix du boulanger dans la
même région, alors de $0.27 à $0.15 ou de $0.28 à
$0.14 et, dans un certain cas, de $0.25 à $0.09. L'enquête a
été faite dans la même journée.
M. LELIEVRE: Est-ce que le député pourrait préciser
qui a fait l'enquête?
M. CADIEUX: C'est M. Tessier.
M. LELIEVRE: Je voudrais poser une question ou avoir des
éclaircissements. Nous avons notre système de communication.
Je peux vous certifier qu'à Sherbrooke, dans ce que nous
considérons comme magasins à succursales, il n'y avait pas de
pain au prix que vous mentionnez le 23 février, et ailleurs non
plus.
M. JORON: M. le Président, je pense qu'à moins
d'interroger ceux qui ont fait l'enquête, nous n'en sortirons pas.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous allons prendre note de vos remerques et
nous allons vérifier à nouveau.
M. JORON: Si vous le permettez, j'aurais une dernière question
à poser à M. Normandin. On a établi tout à l'heure
que si, par une législation, on devait fixer un prix minimal, ce n'est
pas cela qui allait garantir au boulanger qu'il va vendre à un meilleur
prix au magasin, que ce soit Steinberg, Dominion ou Métro. Cela ne
régit pas le prix entre le fabricant et le distributeur,
c'est-à-dire le magasin à succursales. En conséquence, ce
n'est pas là qu'on va
assurer la survie des petites boulangeries, d'une part.
Ce matin, on a établi aussi que là où cela pourrait
avoir un effet bénéfique pour les petites et moyennes
boulangeries, ce serait que cela ferait diminuer pour autant que l'effet de la
loi serait de faire diminuer le volume de pain vendu dans les magasins à
succursales par opposition à celui qui est vendu directement par les
boulangeries dans leur réseau de distribution propre ou par leurs
"jobbers". S'il y avait des déplacements de ce qui est vendu dans les
succursales vers l'autre secteur qui est plus profitable pour les boulangeries,
cela pourrait donner le temps nécessaire au recyclage dont parlait les
différents témoignages que nous avons eus.
Maintenant, il s'agirait de savoir si on fixe le prix minimal du pain
à $0.20 et qu'il ne peut plus se vendre en bas de $0.20 dans les
magasins à succursales, est-ce que vraiment ce transfert va se faire?
Est-ce que le volume va vraiment baisser dans les magasins à
succursales? Est-ce qu'il va augmenter dans l'autre partie? Je pense que, pour
mesurer l'effet de la loi, pour savoir, en d'autres mots, si nous sommes en
train de voter une loi inutile, c'est cela qu'il faudrait savoir. Cela est
votre témoignage, il peut être partiel, mais enfin... Je vous
demande, à vous, entre autres, comme je l'ai demandé aux autres
aussi, on ne m'a pas répondu là-dessus: Comment
évaluez-vous... L'association Gailuron nous a dit sur cette
question-là qu'elle s'attendait à un léger
déplacement. C'est exact? J'aimerais savoir un peu plus ce que cela
voulait dire. On a établi ce matin je ne sais pas si tout le
monde est d'accord avec ces chiffres-là, c'est M. Brodeur qui nous les a
donnés, à environ un tiers dans les succursales deux tiers
en dehors, la situation globale au Québec à l'heure actuelle. Si
cela renverse la vapeur et devient 20 p.c. dans les chaînes et 80 p.c...
A ce moment-là, je comprends que cela aurait un effet très
substantiel et très bénéfique sur les boulangeries mais si
on passe de 33 p.c. à 31 p.c, je me demande si la petite
différence va véritablement assurer la survie des boulangeries.
De toute manière, pour l'instant, je voudrais demander à M.
Normandin si on a évalué de combien baisserait les ventes de pain
si le prix était fixé à quelque chose qui, tout en
étant légèrement inférieur à ce qui est
vendu dans les courses de pain, serait autour de $0.20 ou de $0.25. Vos ventes
de pain baisseraient-elles? Je complète en disant que, peut-être,
vous avez fait des expériences semblables sur d'autres produits et,
à un moment donné, vous haussez le prix et vous êtes en
mesure d'évaluer quel effet cela a sur votre chiffre d'affaires.
Pensez-vous ou avez-vous pu établir si vous avez pu le faire
à partir de quels critères cela va véritablement
faire baisser les ventes de pain dans les magasins à succursales?
M. NORMANDIN: M. le Président, en répon- se à la
question de M. Joron, je vous donne une opinion personnelle. Je dis que, de
façon générale, ça n'affecterait pas les ventes
dans nos magasins. C'est mon opinion personnelle.
M. JORON: Sur quoi le fondez-vous?
M. NORMANDIN: Simplement par l'expérience de nos affaires dans le
passé. Ce que je veux ajouter à ça, c'est ceci. Si on s'en
tient exclusivement au marché qui peut intéresser Gailuron
on parle de Valleyfield il y a peut-être une possibilité
que, dans ce cas particulier, ça les aide. Mais je trouverais absolument
exceptionnel que nos ventes puissent être affectées, si on se base
sur l'expérience passée où des changements de prix ont pu
être apportés. La raison pour laquelle je dis que,
peut-être, dans le district de Valleyfield, ça pourrait aider ce
boulanger particulier, c'est qu'il y a un magasin. Vous avez posé la
question en ce qui concerne nos succursales. Nous avons un magasin à un
mille ou un mille et demi de Valleyfield. On croit que la clientèle qui
vient à ce magasin vient d'un peu plus loin que Valleyfield. C'est notre
expérience, en tout cas. Les gens se déplacent plus pour aller
à une succursale qu'ils vont le faire pour aller chez un petit
commerçant. Ecoutez, vous posez une question. 11 faudrait presque que
j'essaie d'être Dieu pour dire ce qui va se passer. Je vous donne une
opinion. A notre avis, nous ne croyons pas que cela l'affecte de façon
substantielle, si ça devait l'affecter. Je ne sais pas si M.
Lelièvre, qui est plus directement relié au commerce de
détail parce que j'ai établi que ma fonction principale
était quand même au niveau de la production, même si je ne
peux dissocier mes responsabilités indirectes avec le détail,
mais M. Lelièvre est plus directement impliqué dans la section
détail peut avoir une opinion différente. C'est à
lui de répondre.
M. LELIEVRE : Pour ajouter aux dires de M. Normandin, je ne vois pas
l'effet que pourrait avoir un prix minimal sur le pain sur nos ventes dans les
magasins. On prévoit, pour l'année qui s'en vient, une
augmentation de 20 p.c. sur le volume du pain. Un autre facteur qui va
certainement jouer, c'est que, cette année, nous allons ouvrir dix
autres magasins dans différentes régions de la province. Je ne
vois pas comment nos ventes de pain pourraient être affectées.
J'ai plutôt l'impression que ça va aller de l'autre
côté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député
d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: J'aimerais peut-être inverser la question. Vous avez
ouvert une boulangerie et vous nous avez dit tout à l'heure que votre
production était de 500,000 pains.
M. NORMANDIN: Par semaine.
M. TETRAULT: Par semaine. Pour en venir à 500,000 pains, vous
avez commencé par au moins un pain. Est-ce que la quantité de
500,000 pains n'est pas suite au "loss leader" que les autres compagnies vous
obligent à faire? N'est-ce pas ainsi que vous avez pu en venir à
500,000 pains?
M. NORMANDIN: Je peux répondre sans aucune hésitation
à cette question de façon négative. Il y a quand
même une chose qu'il ne faudrait pas oublier. Comme c'est probablement le
cas qu'il y a eu à une certaine occasion un pain de produit et qu'on en
est rendu à 500,000 pains, il y a une autre situation qui est vraie
aussi; on a déjà commencé par un magasin dans la province
de Québec et on est rendu à 142.
La question méritait quand même une réponse et je
vous la donne. Pour ce qui est des "loss leaders" dont vous venez de parler, je
dis que cela n'aide pas notre volume et que cela ne lui nuit pas. Pourquoi?
Parce que, dans un magasin dans la région immédiate où
nous avons un magasin d'ouvert a un "loss leader", la raison pour laquelle on
est forcé d'agir, ce n'est pas parce qu'on veut augmenter notre volume
de vente, c'est parce qu'on veut protéger ce qui existe
déjà.
C'est ça, la situation. J'avais une question à poser
à M. le Président, je voudrais savoir s'il reste encore beaucoup
de temps pour discuter de ces problèmes.
M. CADIEUX: Je viens justement de le demander à mes
collègues.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Habituellement, nous ajournons à six
heures. Maintenant, si vous voulez être bref, c'est le dernier
mémoire que nous avons à entendre aujourd'hui.
M. CADIEUX: Six heures cinq, six heures dix.
M. NORMANDIN: La raison pour laquelle je dis ça, c'est que je ne
voudrais quand même pas prendre le temps de ceux qui ont des questions
à poser. Mais si vous avez écouté les remarques que j'ai
faites, je n'ai pas dit un seul mot concernant le texte de loi proprement dit.
Ce matin, on a parlé de pesanteur et de tout ce que vous voudrez ;
c'étaient des points importants à couvrir et, à ce point
de vue-là, il y aurait quand même certaines remarques à
faire. Les remar- ques que j'ai à faire, et on les a d'ailleurs dans
notre mémoire, si cela pouvait être suffisant, c'est à vous
de juger, vont de la page 23 à la page 26 de notre mémoire. Nous
avons cru couvrir tout ce qu'on croyait important de couvrir. On a dit d'abord
bien carrément une chose.
Dans la loi, de temps à autre, on mentionne que cela devrait
être fait selon les normes et tout cela. J'aimerais bien savoir à
quel endroit, dans le texte de loi, il y a des normes. J'aurais
préféré, vu que j'ai eu l'avantage, avec d'autres
boulangers de la province de Québec, d'être invité à
participer à un comité formé par le bureau de
normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce, discuter de
normes concernant le pain. J'aurais espéré que la loi puisse
être faite de façon relativement simple, mais en se basant sur des
normes préalablement établies qui éviteraient de rendre la
loi, à mon sens, impossible à interpréter, à
appliquer et à contrôler de façon raisonnable. A ce point
de vue-là, si on juge à propos que cela doit se faire avant six
heures, il y a des points qui doivent être discutés.
M. CADIEUX: J'aimerais savoir également si le ministre, M.
Saint-Pierre, sera libre à 8 heures si on ajourne la séance
jusqu'à 8 heures.
M. SAINT-PIERRE : Nous avons une réunion à 6 heures.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je comprends cela.
M. CADIEUX: J'ai une suggestion quant aux normes de la compagnie
Steinberg. La définition de pain suggérée par Steinberg,
nous ne l'acceptons pas telle quelle parce que nous, nous disons "tout pain" et
vous, vous n'acceptez pas l'expression "tout pain" dans les
définitions.
M. TETRAULT: C'est ce que je voulais souligner, M. le Président.
Si on entre dans la discussion des normes et tout cela, on est aussi bien
d'ajourner la séance et de revenir. J'ai encore une multitude de
questions a poser.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! La séance est
ajournée.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance : 20 h 26
M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre,
messieurs!
Est-ce qu'on peut concéder que nous avons quorum? Oui.
M. RUSSELL: M. Ostiguy est là.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je pense que l'honorable député
d'Abitibi-Est aurait quelques questions à vous poser avant que vous
passiez à la deuxième phase, comme vous avez dit, très
courte de votre affaire.
M. TETRAULT: J'avais posé une question à M. Normandin. Je
lui demandais, lorsqu'il est parti d'un pain et a monté à 500,000
pains, à quoi il attribuait cette montée de marketing. Il m'a
répondu, si je ne m'abuse, que c'était suite à tout
l'ensemble des succursales. Vous ne croyez pas, M. Normandin, que la question
du prix de vente vous ne voulez pas l'appeler comme ça parce que
vous dites que vous suivez les autres compagnies.. Le "Loss leader" n'a-t-il
pas affecté ou contribué à l'augmentation de votre volume
actuel?
M. NORMANDIN: M. le Président, je croyais avoir répondu
à cette question. J'ai dit exactement ce que vous venez de rapporter, M.
Tétrault. La question de "loss leader", dans notre cas, nous ne l'avons
jamais utilisée comme telle et les occasions ont été
nombreuses où nous avons dû baisser les prix au niveau de ce qu'on
peut appeler le "loss leader", simplement comme mesure défensive contre
nos concurrents situés dans un rayon très immédiat de nos
magasins. Cela a été réellement comme mesure
défensive. Si nous n'avions pas réagi, en utilisant des prix qui
soient concurrentiels avec ceux qui se servaient des prix de "loss leader", ce
qui serait arrivé probablement, nous aurions souffert d'une perte,
j'imagine. Mais de là à dire que le fait de réagir
à ce que nos concurrents régionaux, géographiques,
situés dans le rayon immédiat de notre champ d'action, nous a
fait augmenter les ventes, nous disons: Non. D'après nos statistiques,
d'après nos analyses, cela ne nous a pas fait augmenter nos ventes de
pain.
M. TETRAULT: D'aucune façon?
M. NORMANDIN: D'aucune façon qu'on a pu mesurer.
M. TETRAULT: Je lis un autre article, 2c) dans le résumé
de votre mémoire où vous dites: Le consommateur
préfère de plus en plus faire ses achats de pain au
supermarché en même temps que ses autres achats alimentaires.
J,'ai pris quelques informations et je vais vous donner "exemple d'une
famille de neuf enfants qui achète onze, douze ou treize pains au prix
du "loss leader", l'appât du supermarché. Ces gens me
répondent que, si le pain coûtait $0.25, pour prendre un prix,
dans un supermarché, et que les gars qui fait du porte-à-porte le
vendait $0.26, ils ne verraient pas la raison d'acheter onze, douze, treize ou
quatorze pains et de les faire congeler. Le service est à domicile, on a
du pain du jour, frais, donc, on ne sera pas obligé d'acheter onze,
douze, quatorze ou quinze pains pour économiser.
Vous me dites, dans votre rapport, que cela n'affecte pas le
consommateur, qu'il préfère faire tous ses achats alimentaires en
même temps.
M. NORMANDIN: M. le Président, nous répondons à une
question d'ordre général par une réponse qui couvre,
d'après nous, les pratiques générales. Si vous dites que
vous connaissez une exception au cas, je ne peux pas dire que...
M. TETRAULT: Ce n'est pas une exception.
M. NORMANDIN: ... ce n'est pas possible. Mais pour nous, la chose qu'il
y a, c'est ceci. Nous sommes obligés, à cause de la nature
même de nos activités, de tenir des statistiques qui sont
très détaillées. Et nos statistiques nous le prouvent.
Parce que nous sommes intéressés à savoir exactement les
effets que telle ou telle pratique peut avoir sur le résultat final de
nos activités.
Nos statistiques nous prouvent qu'il n'y a aucune augmentation, qui
puisse être mesurée, qui soit attribuable au genre de situation
auquel vous faites allusion.
M. TETRAULT: Comme ça, vous voulez dire que, lorsque vous faites
la réduction de votre pain, cette semaine-là, ou les
journées que votre pain est en vente à un prix spécial, la
consommation de pain n'augmente pas.
M. NORMANDIN: Exactement, et la raison pour laquelle c'est le cas, M.
Tétrault, est celle-ci. C'est que, quand nous faisons ça, c'est
comme mesure de protection contre un concurrent qui est immédiatement
voisin de nos magasins. Si le client qui avait coutume de venir acheter son
pain chez nous peut continuer, justement, à profiter du même prix
que chez quelqu'un qui voudrait utiliser une méthode
répréhensible comme celle-là, il va continuer à
venir chez nous.
Si le client continue à acheter mais qu'on en attire d'ailleurs,
vous savez, on ne peut pas dire que les ventes d'une semaine à l'autre
se mesurent aux cents. Il y a une ligne qui s'établit et je dis
qu'à la suite d'une telle réaction, une mesure de protection, une
mesure défensive, il n'y a absolument rien qui apparaisse dans notre
courbe de ventes. Qu'on pose la question cinq fois dans des termes
différents, la situation reste
telle quelle. Je ne peux pas donner d'autres explications.
M. TETRAULT: Suite à ce que vous me dites, si cela n'affecte pas
vos ventes au début de votre intervention, vous avez parlé
de protection satisfaisante et tout cela en supposant qu'une telle chose
existe dans le domaine de la boulangerie, est-ce que vous voyez encore
l'obligation de fixer un prix minimal de vente?
M. NORMANDIN: Si la question du député Tétrault
pouvait être expliquée à l'aide de chiffres. Si on me
disait exactement ce qu'on entend par le prix minimal dont nous parlons depuis
le matin, je serais en meilleure posture pour donner une réponse
directe. J'ai bien expliqué notre inquiétude, en examinant la
façon dont on a suggéré que le prix minimal soit
établi. Je ne dis pas que c'est cela qui sera adopté, mais si je
me base toujours sur le modèle mathématique qui a
été suggéré dans le rapport Tessier,
automatiquement, on ne parle plus réellement de prix minimal. C'est un
terme qui veut dire, en somme, au point de vue pratique, une augmentation de
prix. Et la raison pour laquelle je continue à maintenir l'opposition de
principe que nous avons expliquée au tout début, c'est que nous
ne pouvons pas appuyer une intention ou un projet qui parle d'augmenter le prix
quand nous sommes d'avis qu'il n'y a pas de raison d'augmenter les prix. Et
j'aimerais dire autre chose à ce point de vue. Il me semble que nous ne
sommes pas les seuls à connaître la situation telle qu'elle existe
dans le moment dans la province de Québec. Il y a quand même toute
la population, que ce soient 6 millions ou 5,990,000 je ne le sais pas
consommateurs qui s'inquiètent, avec raison, du coût des
denrées alimentaires aujourd'hui, il y a toutes les associations de
consommateurs, des organismes professionnels, des groupements d'industriels,
même des organismes gouvernementaux qui partagent la même
inquiétude.
Tous incitent les fabricants et les détaillants à
contrôler et à réduire leurs coûts de façon
à maintenir le prix du détail je parle des denrées
alimentaires à un niveau qui soit acceptable. Au niveau du
gouvernement fédéral, on a eu la préoccupation d'instituer
des mesures budgétaires dans le but, justement, d'apporter des mesures
correctives quant au prix des aliments. Je trouve inconcevable que le
gouvernement du Québec, à l'encontre de toutes les
inquiétudes, dans le contexte actuel, du coût des aliments, ait
à l'idée de légiférer dans le but d'augmenter le
prix du pain. J'ai de la difficulté à concilier cette intention
du gouvernement avec la situation à laquelle tout le monde fait face et
le mouvement qui existe à tous les niveaux pour essayer d'inciter et
d'encourager les gens à réduire les coûts de leur
alimentation. Je trouve cela inconcevable.
M. TETRAULT: J'aurais une autre question,
M. Normandin. C'est peut-être un secret que vous ne pouvez pas
dévoiler. Le prix minimal de votre pain, qu'est-ce que c'est?
M. NORMANDIN: J'aimerais comprendre la question. Quand vous parlez du
prix minimal, de quoi parlez-vous? Parlez-vous de notre coût ou de notre
prix de vente?
M. TETRAULT: Non. Votre prix de vente.
M. NORMANDIN: Je ne sais pas si on vous a remis, ce matin, une feuille
numérotée 19, qui devrait remplacer celle qui était dans
notre mémoire, parce qu'une erreur s'est glissée dans la
préparation de notre mémoire. Le texte a été
préparé de la bonne façon et, quand nous avons voulu
mentionner les prix de transfert et les prix de détail, nous avons fait
une erreur. Nous avons dit à nos dactylos: Vous trouverez les prix dans
le mémoire qui a été présenté à
l'occasion de l'enquête sur l'industrie de la boulangerie, ce qui datait
d'un an et demi â peu près. Ce qui est arrivé, c'est qu'au
début de notre année financière, qui est le 1er août
à peu près, nous avions dû faire face à des
augmentations de salaire à cause des contrats qui avaient
été négociés et une foule d'autres prix et nous
avons dû augmenter nos prix de transfert, comparativement à ce
qu'ils étaient il y a un an et demi, ainsi que nos prix de
détail.
Aujourd'hui, ce n'est pas un secret. J'ai même accepté tout
à l'heure de donner une copie de nos mémoires aux
différents boulangers qui sont présents. Ils me l'ont
demandée. Alors, ce n'est pas un secret. Nos prix de transfert
officiels, qui ne varient pas en dépit de ce qui peut se passer au
niveau du "marketing", des ventes de nos magasins, ne prennent pas en
considération les guerres de prix qu'il peut y avoir dans le domaine du
détail.
Prix de transfert pour le pain blanc, tranché, 20 onces, $0.16.4
et c'est le cas depuis le début de notre année fiscale, le 1er
août, à peu près. Au niveau de détail, notre prix
régulier, normal, pour ce produit est de $0.22. Avant de dire pourquoi,
je vais vous mentionner d'autres articles. Le pain blanc tranché de 24
onces qu'on vend sous l'étiquette Pain Québec, le prix de
transfert à nos magasins est $0.17.7. Notre prix de détail est de
$0.22. Cela s'impose de dire pourquoi c'est $0.22 pour 24 onces et $0.22 pour
20 onces. C'est que, sur l'île de Montréal, on vend du pain de 24
onces. A l'extérieur de Montréal, il y a plusieurs districts
où on en vend de 20 onces, où forcément il y a des
coûts de distribution ou de livraison qui sont plus élevés
que ce qu'on vend sur le marché de Montréal. Pour les 20 onces,
on parle du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord.
On a un autre pain qu'on vend sous l'étiquette Steinberg, 24
onces; notre prix de transfert à nos magasins est $0.18.9. Notre prix
régulier de vente est de $0.24.
M. SAINT-PIERRE: Le prix de transfert est le prix à la sortie de
la boulangerie?
M. NORMANDES!: C'est le prix que la boulangerie impose à la
succursale. Parce qu'il faut bien comprendre une chose...
M. SAINT-PIERRE: Cela inclut le transport de la boulangerie au
magasin?
M. NORMANDIN: Non. Le magasin qui fait le détail assume son
propre coût de distribution à ses différents magasins. Nous
sommes dans une situation un peu différente, comme vous le savez, des
autres boulangers. Mais, ce qui arrive, c'est ceci. Steinberg, je peux vous
assurer une chose, ne serait pas intéressé à être
dans le domaine de la manufacture si les produits que nous fabriquons
présentement pouvaient nous être livrés selon le
degré de qualité que nous voulons, dans les quantités dont
nous avons besoin et aux heures de la journée où nous en avons
besoin à cause de la complexité de notre système de
distribution et des besoins de nos magasins. Avec les années, au fur et
à mesure que le nombre de nos succursales de détail a
augmenté, il n'y avait aucun moyen d'obtenir la qualité, la
quantité et aux heures spécifiques où nous avons besoin
des produits; nous n'avions pas de choix.
Il fallait que nous fabriquions nos propres produits. Maintenant, il y a
une chose, quand nous investissons un montant d'argent pour l'installation
d'une machinerie pour la création d'un produit dans le moment, on
parle de boulangerie l'investissement n'est approuvé que pour
autant qu'au domaine de la manufacture on puisse justifier le retour sur
l'investissement.
C'est pour cette raison qu'en tant que boulanger, nous sommes
obligés d'exiger de nos magasins ce qu'on serait obligé d'exiger
des magasins extérieurs de l'organisation Steinberg si on devait leur
vendre. Alors, il n'y a pas de concession. Evidemment, il y a de
l'argumentation mais nous nous en tenons au principe même d'affaires et
on dit que c'est la seule façon d'avoir une exploitation qui soit
rentable.
M. TETRAULT: ... ce que vous Voulez nous dire et que vous nous avez dit,
avec la feuille qu'on n'avait pas d'ailleurs. Je remarque dans votre
mémoire que vous nous dites à un endroit que vous achetez 200,000
pains de sept fournisseurs dans la région de Québec. Est-ce que
vous achetez le pain au prix de transfert? Peut-être que c'est dans les
secrets ou est-ce que vous l'achetez à un prix inférieur à
ce que vous marquez comme prix de transfert? Le pourcentage que d'autres ont
signalé je ne dis pas que vous le faites la ristourne ou
quelque chose qui viendrait, le fournisseur à Québec est
obligé de vendre à un prix inférieur au prix de
transfert...
M. NORMANDIN: J'aimerais répondre à la question du
député Tétrault mais je voudrais quand même qu'on me
permette, vu que nous faisons en somme affaires avec à peu près
49 boulangers différents, de ne pas mentionner le prix exact qu'on peut
payer parce que cela peut varier selon les districts. Ce que je peux dire,
c'est que nous payons même plus cher à des boulangers qui nous
fournissent que ce que la compagnie Steinberg, à son niveau de
boulangerie, réclame à nos magasins. C'est la meilleure
réponse que je peux vous donner mais je ne peux pas vous dire exactement
le nombre de cents avec les fractions de cents.
M. TETRAULT: M. le Président, on a eu une discussion de prix, on
a demandé à différents groupes ce matin de nous
suggérer un prix. Je le suggère à Steinberg parce que le
projet de loi concerne ça, et je le suggère aux autres groupes.
Que penseriez-vous, mettons pour 16 onces $0.20; pour 20 onces, $0.22; pour 24
onces, $0.24 et pour 32 onces, $0.32.
M.NORMANDIN: Un instant, excusez-moi.
M. TETRAULT: C'est une suggestion. Ce n'est pas à moi de les
faire.
M. NORMANDIN: Vous me dites seize onces, $0.20...
M. TETRAULT: Le pain de 20 onces, $0.22; le pain de 24 onces, $0.24; le
pain de 32 onces, $0.32.
M. NORMANDIN: En somme, vous me demandez ce que j'en pense. Pour autant
que nous sommes concernés, je pense que ce que vous pouvez constater, en
tout cas, je n'ai pas le détail pour le pain de 32 onces ici, c'est
qu'en somme c'est à peu près basé sur notre structure de
prix de détail, n'est-ce pas ce que vous avez là?
M. TETRAULT: Non, je parle de prix minimal.
M. NORMANDIN: Le prix minimal, dans le moment, serait synonyme du prix
de détail qui est notre prix normal aujourd'hui.
M. TETRAULT: Oui, d'accord.
M. NORMANDIN: Alors, à ce point de vue aujourd'hui, je pense que
ce serait difficile de défendre une autre idée que
celle-là. Regardez vous-même, M. Tétrault, je ne crois pas
que cela puisse nous affecter tellement, n'est-ce pas? Maintenant, ce que je ne
sais pas, c'est de quelle façon cela pourrait être
justifié. Si on a des visées pour offrir une certaine protection
à des boulangers qui sont en difficulté, je ne sais pas. Ce
serait plutôt à eux de répondre.
M. TETRAULT: Je vous le demandais, mais si les autres peuvent
répondre, M. le Président,
j'aimerais avoir une réponse, s'il y avait
possibilité.
LE PRESIDENT (M. Brisson): II ne faudrait pas recommencer tout le
débat que nous avons eu cet après-midi. J'inviterais les membres
de la commission à poser des questions assez...
M. TETRAULT: D'accord, j'accepte la réponse de Steinberg, si vous
ne voulez pas permettre aux autres d'y répondre.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur cette partie, est-ce qu'il y en a
d'autres qui veulent parler? Le député de Shefford.
M. RUSSELL: J'ai quelques remarques à faire. Tout d'abord, je
veux faire remarquer à M. Normandin que, lorsqu'il a parlé du
problème des consommateurs ou de ceux qui étaient
concernés, je ne vois pas une kyrielle ou un gros groupe de ces gens
venir se défendre, quoiqu'ils aient la liberté de le faire
à la commission, ici, tout en soumettant des mémoires. Je n'ai
pas plus confiance au télégramme qui nous a été
envoyé ici par l'IPIC que je ne connais pas, simplement signé par
un directeur, M. Gérard Saint-Denis. Je pense qu'il y aurait eu une
façon de venir appuyer le bill et les autres auraient pu venir le
défendre en se présentant comme vous l'avez fait, vous de
l'Association des boulangeries et les représentants de Steinberg.
Vous me permettrez de vous poser quelques questions d'abord pour tenter
de mettre fin à certaines rumeurs que j'ai entendues et qui ne me
semblent pas tout à fait justifiées ou justifiables. En regardant
votre mémoire, il semble y apparaître que vous achetez environ
200,000 pains par semaine, en plus de votre production de 500,000 pains, ce qui
veut dire en chiffres ronds une consommation ou une vente de 700,000 pains par
semaines.
M. NORMANDIN: Oui.
M. RUSSELL: Si nous fixions le prix comme l'a suggéré tout
à l'heure le député d'Abitibi-Est, est-ce qu'il serait
vrai ou faux de dire que les revenus de Steinberg seraient accrus
d'au-delà de $1 million par année?
M. NORMANDIN: M. le Président, j'avais justement l'intention de
m'informer de la source de cette nouvelle qui nous a été
annoncée ce matin. Moi, à moins d'avoir des chiffres exacts,
concernant l'augmentation possible du prix du pain, je ne me sens pas capable
de vous donner des chiffres concernant le profit possible qu'on pourrait
réaliser. Je vais quand même vous donner une façon de faire
le calcul individuellement. Pour l'année 72/73, nous, notre
année financière marche comme ça, à peu près
du 1er août à la fin du mois de juillet mes
prévisions budgétaires, au point de vue de la vente de pain, sont
de l'ordre de 27 millions de pains blancs tranchés. Quand je dis "pain
blanc tranché", j'englobe les différentes catégories qui
font partie de notre étude, dans le moment. Tout ce que je suis en
mesure de dire aujourd'hui, c'est que, s'il devait y avoir un cent
d'augmentation par pain à travers la province je ne peux pas
faire d'autres calculs dans le moment cela représenterait quoi?
Pour chaque cent, une augmentation d'à peu près $270,000 par
année. Maintenant, qu'est-ce que l'augmentation réelle sera? Je
n'ai pas la réponse. Je vous donne simplement une façon de faire
le calcul.
M. RUSSELL: Si je comprends bien, cela ne dérange absolument pas
la boulangerie Steinberg. Pour elle, son prix ne change pas. Car l'intention du
bill, actuellement, est de fixer le prix minimal de détail. Cela ne
change pas la boulangerie; ça change simplement les magasins
Steinberg.
M. NORMANDIN: Oui, exactement. Mais seulement, je voudrais faire
remarquer à M. Russell je l'ai répété
à plusieurs reprises, je représente la compagnie Steinberg
nous sommes dans une situation un peu spéciale où nous nous
trouvons à être et producteurs et détaillants. Et quand on
dit que la boulangerie ne ferait pas un cent de plus, c'est possible. Mais
ça pourrait peut-être être négocié, je ne le
sais pas. Mais la compagnie Steinberg, que ce soit au niveau de la manufacture
ou au niveau du détail, s'il y avait une augmentation d'un cent par pain
dans toute la province, réaliserait $270,000 de plus. On ne voit pas
pourquoi le consommateur aurait à être aussi
généreux que ça.
M. RUSSELL: Si je veux faire une multiplication facile, je dis que, s'il
y avait augmentation de $0.04, cela voudrait dire, grosso modo, $1 million, et,
si les chiffres qu'on a discutés représentent à peu
près 12 p.c. ou 13 p.c. de la production totale de la province, ceci
veut dire que 13 p.c. de la production totale représente $1 million
d'augmentation, si l'augmentation était de $0.04. M. le
Président, je pense que ça précise raisonnablement les
arguments qui ont été avancés et le public aura simplement
à faire des déductions, des calculs pour se procurer
l'information.
Une autre question que j'aimerais à préciser, c'est que,
dans les mémoires qu'on nous a soumis ce matin, on a parlé d'un
prix canadien moyen de $0.25. Lorsqu'on relève les statistiques
canadiennes, le document 62.2.01 ceci est en date du mois de novembre
1972 on s'aperçoit que le prix moyen canadien est de $0.224 et
non pas de $0.25 et quelque chose pour le pain blanc tranché,
contrairement au mémoire que nous avons ici.
Je ne sais pas s'il y a eu une erreur de production de chiffres.
Les prix que nous discutons ne semblent pas aussi écartés
de la réalité que ceux qu'on a
produits ce matin. A moins que vous n'ayez une preuve contraire, je vous
pose la question. Est-ce que vous avez vérifié les prix moyens
pour le Canada?
M. NORMANDIN: D'abord, les prix moyens dont nous parlons, je ne me
souviens pas que ça m'ait été soumis. Est-ce que c'est
dans notre mémoire?
M. RUSSELL: C'est le gouvernement qui a donné ça ce matin;
nous les avons dans les dépôts de documents.
M. NORMANDIN : De ce matin? M. RUSSELL: Oui.
M. NORMANDIN: J'ai passé la journée en votre
présence, je n'ai pas eu le temps de vérifier.
M. RUSSELL: II faut croire qu'on ne vous a pas fourni de document. Une
simple question. Est-ce que vous pourriez renseigner la commission, à
savoir si vous possédez l'information? Il y a eu des fixations de prix
dans le lait. Est-ce que, au moment où on a fixé le prix du lait,
il y a eu une baisse de vente dans le magasin à succursales dont vous
faites partie?
M. NORMANDIN: M. le Président, je voudrais répondre
à cette question-là. D'abord, je dis qu'il y a eu une forte
augmentation et, pour vous donner les chiffres exacts, je vais demander cela
à M. Lelièvre parce que ça tombe exactement sous sa
juridiction de répondre à votre question.
M. LELIEVRE: M. le Président, pour répondre à la
question du député Russell, en 1969-1970, on a eu 17 p.c.
d'augmentation sur le volume du lait. En 1970-1971, 15 p.c; en 1971-1972, 15
p.c. et jusqu'à maintenant, après sept mois d'exploitation dans
notre nouvelle année fiscale, 17 p.c.
M. RUSSELL: Je n'ai pas d'autre question.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Beauharnois.
M. CADIEUX: J'ai deux ou trois questions mais avant j'ai encore une
remarque à faire parce que je trouve qu'on a oublié un aspect
possible de la présentation de cette loi. C'est qu'on veut corriger une
situation que l'on craint, qui pourrait arriver et les autres qui ont
présenté des mémoires nous ont dit qu'on s'en va vers un
genre de catastrophe dans tout le domaine du pain. Il ne faut pas oublier
ça.
Si on se penche pour penser à présenter une loi, c'est
justement pour prévenir. La loi ne sera peut-être pas parfaite,
mais tout de même. J'ai une question à poser.
M. NORMANDIN: Est-ce que je pourrais d'abord répondre à
votre question?
M. CADIEUX: C'est une observation.
M. NORMANDIN: C'est une observation mais nous, dans le moment, l'autre
observation que nous avons à faire à la suite de ce que vous
venez de mentionner, c'est ceci. Si aujourd'hui, comme vous venez de
l'indiquer, le gouvernement voulait prévenir ce qui, peut-être,
n'arrivera jamais mais il y a peut-être une possibilité que
ça arrive ce ,que nous suggérons, c'est qu'il y a des
problèmes qui existent aujourd'hui.
Le problème qui existe est le coût des prix de
l'alimentation au sujet desquels tout le monde s'inquiète et avec
raison. Nous nous disons: Essayons d'abord de régler ce problème
et si nous apprenons que, dans dix ans, il y a d'autres problèmes, ne
donnons pas à ce problème qui n'arrivera peut-être jamais
la priorité. C'est pour ça que nous disons que nous aimerions
penser au consommateur dans ce sens-là.
M. CADIEUX: Avec l'expérience d'autres provinces, des Etats
américains, on dit que, si on n'agit pas immédiatement, le prix
du pain va définitivement augmenter parce que la concurrence va
diminuer; il y en a qui vont disparaître. Ce sera certainement dans les
mains de certaines personnes. Nous ne voulons pas l'augmentation des
denrées, nous voulons justement prévenir une augmentation
exagérée et tout en préservant une catégorie de
boulangers, une catégorie de distributeurs, de petits "jobbers" qu'on
veut aussi protéger.
Dans le tableau que vous venez de nous remettre à la page 19,
pouvez-vous nous dire quel pourcentage de ventes ou de production vous avez
dans le pain de 20 onces, de 24 onces et l'autre de 24 onces?
M. NORMANDIN : Je suis très content que cette question me soit
posée par le député de Beauharnois parce que, ce matin ou
cet après-midi, il y a eu des interventions de faites dans le but de
faire éliminer le pain de 24 onces. On semble oublier, on semble manquer
du souci de ce que le consommateur tient à avoir et on est porté
à penser seulement à ce qui pourrait peut-être être
utile et avantageux au point de vue économique à un boulanger et
cela serait économique au boulanger Steinberg la même chose, si on
pouvait avoir seulement une sorte de pain, seulement une grosseur. Vous pouvez
être certain que cela faciliterait les programmes de production et le
degré de rentabilité et de productivité. Nous nous
opposons je profite de l'occasion qui m'est donnée pour en parler
à tout simplement prendre l'aspect de production et dire:
Oublions que dans l'île de Montréal, qui est un tout petit
marché comparativement au reste de la province de Québec
c'est
ce qu'on semble vouloir laisser entendre on force les
consommateurs à se contenter du pain de 20 onces parce que cela fait
l'affaire de certains boulangers.
Nous disons que le marché de Montréal est aussi important
que le reste du marché de la province de Québec et nous calculons
que le pain de 24 onces devrait être mentionné. La proportion du
pain de 20 onces au pain de 24 onces chez Steinberg est à peu
près 17 p.c. à 18 p.c. de 20 onces et le reste du pain de 24
onces. Il y en a une petite quantité. Je ne voudrais pas qu'on prenne
cela comme si c'étaient des chiffres absolus parce qu'il faut quand
même calculer un pourcentage qui n'est pas tellement élevé.
Pour la saison, c'est le pain de 32 onces que nous vendons dans la
région de Québec ou dans la ville de Québec. Dans les 17
p.c. ou 18 p.c. dont je parle, en somme, ce n'est pas seulement du pain de 20
onces, cela comprend ce qui n'est pas un pain de 24 onces, dans notre cas.
M. CADIEUX: Tantôt, vous avez dit que, si on acceptait certains
prix qui ont été suggérés par le
député d'Abitibi-Est, cela se chiffrerait en revenus
supplémentaires à un cent le pain, à peu près, par
$270,000. Mais si on suit le tableau qui a été
suggéré, il n'y aura pas une augmentation d'un cent le pain dans
toutes vos catégories. Vous le figurez à un cent sur des millions
de pains que vous produisez par année. En fait, il n'y aurait pas un
cent d'augmentation.
M. NORMANDIN: Le député de Beauharnois ne m'a pas compris
ou je dois m'être mal exprimé.
M. CADIEUX: Ce sont vos chiffres, $270,000.
M. NORMANDIN: Je comprends. Mais je veux faire la distinction. A la
suite de la remarque de M. Tétrault, je n'ai pas dit que, si on
acceptait ces prix, cela résulterait automatiquement en une augmentation
d'un cent dans notre cas. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai tout simplement
dit que, si les augmentations devaient représenter un cent pour tout le
volume de pain que nous vendons, vu que nous vendons à peu près
27 millions de pains par année, cela représenterait $270,000. Je
ne puis pas, dans le moment, dire exactement dans quelle mesure toutes les
régions de la province de Québec pourraient être
affectées par le prix minimal dont on parle. Tant qu'on ne m'aura pas
donné une formule exacte de façon qu'on puisse mesurer les effets
de la loi, je ne peux donner d'autre réponse que celle-là.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je pense que nous pourrions passer à
votre deuxième partie qui est très courte, comme vous le
disiez.
M. NORMANDIN : Je ne voudrais pas que la commission s'éternise
inutilement pour discuter les différents points relatifs au projet de
loi. Après avoir fait la mise au point que je viens de faire quant
à la pesanteur du pain qui avait été
suggérée par d'autres je viens de mentionner, en ce qui
concerne le pain de 24 onces, qu'à notre avis, il y a un marché
très important qui n'existe pas seulement pour la boulangerie Steinberg
mais pour les commerçants du même genre j'ai l'impression
que le pain de 24 onces ne devrait pas être éliminé. C'est
un point qu'il était important de clarifier.
Quant aux autres détails des articles, on pourrait en discuter
suffisamment pour que tout le monde parte d'ici plus confus que si on laisse
tout simplement la chance à chacun, peut-être d'examiner la
portée de chacun des termes ou des définitions qui sont inclus
dans nos notes aux pages 23 à 26.
Le point principal, encore une fois, c'est d'essayer de servir les
intérêts des boulangers; Steinberg ne peut pas se permettre
d'ignorer le consommateur. C'est cela qui se trouve être la nature
même de notre industrie et nous avons souci du consommateur. D'ailleurs,
j'ai entendu le représentant de Gailuron qui semble avoir la même
préoccupation quand il a parlé dans le même sens
aujourd'hui.
Il y a encore un autre aspect. Remarquez bien qu'encore une fois nous
avons peut-être une façon de regarder les choses qui
diffère un peu de celle des boulangers qui n'ont pas le même genre
de commerce que nous. Prenez la date d'expiration. Dans notre mémoire
nous disons trois jours avaient été mentionnés
que, à notre point de vue, deux jours seraient suffisants. On
remarque que d'autres boulangers disent: Cela devrait être quatre jours.
Encore une fois, notre façon d'agir est celle-ci. Nous nous disons: Nous
offrons du pain au consommateur. Le consommateur qui ne retourne pas au magasin
chaque jour de la semaine et qui fait ses achats une fois ou deux par semaine
devrait, à notre point de vue, pouvoir acheter du pain qui n'ait pas
atteint la date d'expiration ou le degré de ce que nous appelons le pain
défraîchi. Nous nous disons: Quand le consommateur achète
du pain dans notre magasin et c'est de cette façon que nous
établissons pour tous les produits que nous fabriquons la date
d'expiration il faut tenir compte qu'il ne mangera pas
nécessairement la denrée qu'il achète à la minute
où il sort du magasin. On voudrait qu'il puisse avoir le pain, comme les
autres produits d'ailleurs, à domicile, dans un état de
qualité convenable pour quelques jours. Alors, dans notre cas, encore
une fois, en pensant au consommateur, nous disons: Deux jours, ce serait
suffisant. Si cela devait mettre toutes les boulangeries dans un état de
faillite, nous aurions fait, en tout cas, notre intervention et je pense bien
que nous ferions comme les autres. Si cela doit être quatre jours, ce
sera quatre jours. Nous considérons important, en tout cas, de faire
cette distinction, cette mise au point.
Les autres articles, M. le Président, comme je viens de le dire,
nous pourrions en discuter mais je crois que votre groupe a l'avantage
d'utiliser les services de personnes qui ont consacré du temps à
se familiariser avec les problèmes et je ne voudrais pas vous faire
perdre plus de temps à ce sujet-là.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, une question?
M. TETRAULT: Je ne veux pas être désagréable envers
Steinberg, mais à la question de deux jours se rattache le taux de
baisse du prix du pain. On parle de 75 p.c. et vous suggérez 50 p.c. Si
à deux jours, alors que les boulangers nous affirment qu'il est bon
jusqu'à cinq jours je ne connais rien dans la boulangerie, vous
pouvez le réaliser cela veut dire que tous les deux jours vous
pourriez vendre deux pains pour le prix d'un. Donc, vous pourriez jouer avec le
"loss leader" sur cela. C'est une suggestion, je vous demande...
M. NORMANDIN: M. le Président, je ne pense pas que ce soit tout
à fait juste. Parce que, si j'ai bien lu le projet de loi, je crois que,
quant au prix pour le pain qui est qualifié de défraîchi et
que nous nous opposons à appeler pain défraîchi, il y a
certaines restrictions concernant le prix qu'il devrait être vendu. Je
crois qu'on a mentionné 75 p.c. de la valeur. Au bout de deux jours, si
c'était cela qui devait devenir le critère, oui, nous vendrions
le pain tel que c'est mentionné ici. Nous n'aurions pas d'autre choix
parce que d'abord, je l'ai bien dit tout à l'heure, à la question
du pain défraîchi nous donnons une interprétation un peu
différente. Nous voulons tout simplement avoir une rotation qui soit
assurée sur les tablettes de nos magasins et, au moment où nous
demandons aux employés des magasins d'enlever le pain des tablettes,
nous disons: II faut l'enlever de la tablette et, en l'enlevant, il faut le
vendre à un prix réduit; alors le consommateur pourra encore en
profiter. Je suis de votre avis; on le vendrait au bout de deux jours, mais
cela s'appliquerait à tout le monde si cela devait être le
critère, pas seulement à nous.
M. TETRAULT: La même chose ne pourrait-elle pas exister si vous
fabriquiez votre pain à Montréal? Vous m'avez dit que vous aviez
un magasin au Lac-Saint-Jean?
M. NORMANDIN: Oui.
M. TETRAULT: Le transport, le temps que vous allez le faire. On part de
la date de cuisson, la date du transport, on rallonge le trajet ou le temps du
trajet un peu plus, c'est-à-dire lorsqu'il arrive dans le magasin,
ça veut dire que, lorsqu'il arrive dans le magasin, c'est du pain deux
pour un. Je me pose toutes sortes de questions, M. Normandin.
M. NORMANDIN: Ce sont de très bonnes questions et je me rends
compte que ça va permettre à plusieurs personnes d'apprendre un
peu suivant des situations qui existent.
Encore une fois, nous avons été choyés. Nous sommes
dans une situation un peu spéciale. Je peux vous dire, en connaissance
de cause, que la majorité des boulangeries vont fabriquer du pain,
disons jeudi matin ou jeudi midi; dans la majorité des cas, ces
boulangeries, qui livrent à des marchands détaillants, iront
livrer demain matin, à l'ouverture des magasins. Elles ont
déjà gardé leur pain, malheureusement, 12, 13, 16 ou 18
heures. Dans le cas de Steinberg, nous sommes chanceux. Nous avons une flotte
d'au-delà de 300 camions-remorques. Le pain qui est livré
à de longues distances arrivera à Chicoutimi après moins
d'heures de la sortie du fourneau que le pain que d'autres boulangeries vont
livrer à Montréal, à d'autres marchands de détail.
La période d'expiration, on en tient compte aussi, au point de vue de
l'horaire de production, tout ça. Nous marchons 24 heures par jour et
nous livrons 24 heures par jour. Nos magasins sont ouverts la nuit. Les autres
boulangeries n'ont pas l'avantage que nous avons de se présenter chez
des épiciers et de faire la livraison à deux heures, la nuit. Nos
magasins, à cause de notre système de distribution, sont ouverts
aux heures où nos camions doivent aller livrer la marchandise. Est-ce
que ça répond à votre question, M. le
député?
M. TETRAULT: Un peu.
M. SAINT-PIERRE: Avec les progrès de la technologie, apparemment,
on va avoir des camions où on va mettre le pain non cuit et, rendus
à Chicoutimi, ils seront cuits.
M. NORMANDIN: Ce serait souhaitable.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Normandin, je vous remercie, ainsi que
tous les représentants de la maison Steinberg. Je demanderais à
l'honorable ministre s'il a quelque chose à ajouter.
M. SAINT-PIERRE: Simplement un mot pour remercier les quatre organismes
qui nous ont soumis des mémoires. Même sur le plan du principe,
cela a donné lieu à des débats intéressants. Je
pense qu'au niveau des autres aspects du projet de loi, on a eu dans les
mémoires des suggestions intéressantes qui, dans certains cas,
seront retenues. Cela nous a permis d'avoir un débat sur un projet de
loi qui peut sembler, à certains, assez peu important, comparé
aux autres, mais je pense qu'il touche l'ensemble des Québécois
à brève échéance, parce qu'on parle de changer des
formats ou des prix. Mais je voudrais remercier sincèrement les quatre
organismes qui sont venus présenter des mémoires et
déplorer un peu le fait que ceux qui sont les grands coupables dans la
fameuse question des
"loss leaders" ne soient pas venus mieux expliquer ou défendre
cette pratique aux parlementaires. Cela aurait peut-être permis de voir
d'autres revers de la médaille. Merci infiniment aux quatre organism
es.
M. TETRAULT: M. le Président, je voudrais aussi me joindre au
ministre, pour remercier les quatre organismes et rassurer le
représentant de la compagnie Steinberg pour lui dire qu'on a absolument
rien contre elle. Du même fait, je veux assurer les boulangers
indépendants que nous essayons de comprendre leurs problèmes qui
semblent assez compliqués parce qu'on parle de prix minimal. Un dit:
Protection du consommateur, et l'autre dit: Protection de la petite industrie
et des employés qui s'y rattachent. Je pense que ça doit
être la décision du gouvernement de savoir qui, pour le moment, il
faut protéger.
Est-ce qu'il faudrait protéger le consommateur? Certaines
compagnies et là, j'exclus encore la compagnie Steinberg
celles qui ne se sont pas présentées, je suis persuadé que
lorsqu'elles vendent du pain neuf cents le pain, leur perte est reportée
à d'autres articles. Je ne connais pas de marchand qui travaille, qui a
un commerce pour le strict plaisir d'ouvrir ses portes le matin et de les
fermer le soir.
Donc, je vous remercie, messieurs, sincèrement et je veux
m'excuser si j'ai piqué peut-être un peu la compagnie Steinberg.
C'est sans malice mais plutôt pour notre information. Merci.
M. JORON: Pour ne pas répéter ce que d'autres ont dit
avant moi, je remercie ceux qui sont venus témoigner aujourd'hui et je
suis sûr que ces témoignages et cette information vont nous aider
dans les jours qui viennent. Je ne sais pas quand le projet de loi sera
appelé ou s'il sera modifié ou réimprimé mais cela
va certainement nous être très utile pour nous former une opinion
définitive.
M. RUSSELL: M. le Président, pour appuyer ceux qui ont
déjà parlé au nom du gouvernement et de l'Opposition, je
remercie les gens qui sont venus ici nous fournir de l'information
additionnelle sur le problème que nous connaissions déjà
ou que nous prétendions connaître. Je ne suis pas certain qu'on
l'ait clarifié à un point tel qu'on ait trouvé la solution
au problème. Chose certaine, nous avons avancé et je
présume que le ministre, dans les jours qui suivront, nous arrivera avec
une formule-miracle qu'il pourra déposer en Chambre, que nous pourrions
bien objectivement pour faire disparaître le cancer qui fait mal à
plusieurs actuellement et qui menace même de mort une population qui veut
survivre.
M. SAINT-PIERRE: Ce ne sera pas une formule-miracle, ce sera un
prix-miracle.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Shanks, député de
Saint-Henri, fera rapport à la Chambre et la séance est
ajournée.
(Fin de la séance à 21 h 11)