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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 1 mars 1973 - Vol. 12 N° 139

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 277 - Loi concernant le commerce du pain


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Projet de loi no 277 Loi concernant le commerce du pain

Séance du jeudi 1er mars 1973

(Dix heures cinquante-six minutes)

M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre messieurs!

Si vous n'avez pas objection, nous allons commencer. M. Ostiguy remplace M. Carpentier, M. Shanks remplace M. Lacroix, M. Demers remplace M. Russell, M. Pearson remplace M. Simard. M. Tétrault est sur la liste.

M. TETRAULT: Très bien, je m'excuse.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Pour commencer, nous allons donner la parole à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre.

Remarques préliminaires

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il m'apparaît opportun, avant de commencer les séances et d'entendre les représentations des groupes concernés, de bien situer la démarche du gouvernement vis-à-vis du prix du pain. Si nous avons décidé d'intervenir par une loi, c'est que nous croyons réellement qu'il y a problème. En tentant d'identifier un problème et de le régler, nous n'avons pas à l'esprit des groupes particuliers, que ce soient les boulangers, les intérêts des distributeurs ou les intérêts des consomma; teurs, c'est plutôt pour tenter de régler une situation qui nous parait malsaine.

Cette situation malsaine vient du fait que nous assistons — et je vous en donnerai tantôt les preuves — dans certaines régions du Québec et peut-être d'une façon temporaire, mais d'une façon qui persiste comme phénomène, à une forme de "dumping" sur les marchés intérieurs. C'est une forme de "dumping" dont les effets sont, d'une part, pour ceux qui doivent subir cette forme de "dumping" — c'est-à-dire vendre un produit à des coûts inférieurs à des coûts de production — de mettre en cause, d'une part, des boulangers qui n'ont comme unique façon de subsistance que la vente du pain et, d'autre part, des chaînes de distribution. Là, je suis très prudent. Je dis que les coupables dans ces pratiques qui nous semblent malhonnêtes dansle contexte de la libre entreprise ne sont sûrement pas ceux qui sont ici. Cependant, dès que quelqu'un commet le geste coupable d'offrir le pain à un prix ridicule de $0.09 le pain de 24 onces, la chaîne de distribution n'a souvent pas de choix pour garder au moins sa clientèle.

Je pense que, dans le mémoire d'un groupe ce matin, on nous dira que jamais on n'en a pris l'initiative, mais qu'on a été forcé de suivre ces pratiques que nous calculons non pas malhonnêtes, mais non saines à la vente du pain. On dira que, finalement, dans ce processus, les chaînes de distribution des épiciers, qu'ils soient petits ou gros, ont d'autres moyens de combler ces pertes évidentes au niveau de la vente du pain, alors que le boulanger qui ne vend qu'à peu près ce produit-là n'a aucune façon d'encaisser ces pertes.

Je tiendrais à préciser que ce n'est pas l'intention du gouvernement d'arrêter la diminution du nombre de boulangers. On donnera des statistiques pour montrer qu'il y a un phénomène inquiétant de la disparition du nombre de boulangers. Pour nous, le nombre de boulangers ne peut pas être un objectif absolu. D'ailleurs, il y a des efforts du gouvernement dans le moment pour créer des fusions d'entreprises et, bien sûr, ces fusions entraînent une diminution du nombre de boulangeries.

Pour nous, notre inquiétude, tant vis-à-vis du facteur, du secteur de production du pain que du facteur de distribution du pain, que ce soient les boulangers eux-mêmes ou les chaînes de distribution et du niveau du consommateur, à ces trois niveaux, nous tentons, par ce projet de loi, d'avoir des pratiques qui seraient plus saines, à long terme, pour les trois groupes concernés.

J'aimerais également signaler, pour ne pas créer de confusion, qu'il ne s'agit pas de fixer le prix du pain. Il s'agit de fixer un prix minimum, un plancher au-delà duquel il ne sera pas possible de vendre le pain blanc suivant les dispositions de la loi. Donc, on ne peut pas tirer un parallèle parfait avec d'autres formes de législation. On pense en particulier à la vente du lait, où on fixe le prix du lait suivant des critères donnés. Notre intention, telle qu'exprimée d'ailleurs dans le projet de loi, est de fixer un prix qui correspondrait à une production efficace, optimale, mais qui ne serait pas un prix sursoufflé. Ce n'est pas la même chose que le prix du lait. Dans notre esprit, nous tenterions de définir les coûts minimaux de production et nous dirions qu'à chaque fois que le prix au consommateur baisse plus bas que ce prix, effectivement, on assiste à une forme de "dumping" intérieur qui est néfaste pour les producteurs, pour les distributeurs — les mémoires l'indiquent — et pour le consommateur aussi, à long terme.

D'ailleurs, j'ai demandé aux services de mon ministère de préparer une évolution des prix, actuellement, au Québec et dans l'Amérique du Nord, et on se rend compte de phénomènes très inquiétants à long terme, en particulier du fait que, dans plusieurs autres endroits, le même phénomène, qui a lieu au Québec, s'est répété il y a cinq ou dix ans. On assiste alors à des prix extrêmement élevés qui me semblent, personnellement, difficiles à expliquer. Peut-être que

les représentants, tant des boulangeries que des autres groupes, pourront nous le dire. Je voudrais également mentionner que cette loi n'est pas la seule mesure que le gouvernement met de l'avant pour régler les problèmes des boulangers. Il y a plusieurs autres mesures qui ont été définies dans le rapport Tessier. Il y a certaines mesures qui sont déjà mises de l'avant. Nous nous attendons, au cours des prochains mois, à voir plusieurs projets de fusion de boulangeries et, tant les services de la petite et de la moyenne entreprise du ministère que les services pertinents de la Société de développement industriel par les programmes 2-b, ont énormément de demandes pour la fusion d'entreprises. Nous avons aussi, au niveau de la gestion de la petite entreprise et au niveau des efforts de rationalisation et de régionalisation, fait des gestes concrets dans certaines régions.

Nous avons fait voir aux boulangers l'avantage pour eux de rationaliser la production, de ne pas avoir dans la même localité cinq boulangers qui tentent de faire une petite quantité de pain spécialisé mais de partager ces formes de production, d'avoir des échanges de production pour avoir un meilleur coût de leur part, un meilleur coût qui se traduit chez le consommateur mais qui leur permet également de survivre.

Il y a eu également des efforts au niveau de la gestion des entreprises pour tenter de déceler comment pourrait s'améliorer l'administration de l'entreprise. Je veux simplement dire que le projet de loi n'est pas une panacée en soi; ce n'est pas la seule mesure, nous reconnaissons qu'il y a d'autres actions qui doivent être prises.

M. le Président, après ces brefs commentaires du départ, j'aimerais donc déposer deux rapports pour l'avantage de toute la commission. Par après, dans l'esprit que j'avais indiqué avant les Fêtes, nous écouterons des organismes directement concernés par le problème. S'il y a un faux problème et qu'on réussit à nous en convaincre, le gouvernement n'hésitera pas à plier bagages, mais je pense personnellement qu'il y a un réel problème et je suis heureux de voir ici les organismes qui ont bien voulu se faire entendre.

Je dépose donc devant la commission deux rapports. Le premier touche à l'évolution du nombre de boulangeries au Canada, par provinces, de 1961 à 1970 et indique la population desservie par chaque boulangerie et l'évolution en pourcentage de ceci. Le deuxième rapport, plus volumineux celui-là, et quand même simple. C'est un relevé des prix en vigueur du pain blanc enveloppé tranché non seulement aux Etats-Unis, au Québec et au Canada, en moyenne et en évolution, mais également dans différentes villes de la province au moment où on se parle. Je tiens à signaler qu'il est très difficile d'avoir des statistiques rigoureusement scientifiques, mais je peux vous assurer que le document ne vise pas à prouver une thèse en particulier mais à donner une information qui serait difficile à obtenir pour les parlementaires.

Je signale à la dernière page du document qu'on voit les prix comparatifs au 23 février 1973. On constate que, dans le moment, le pain se vend à Granby quatorze cents pour le pain de 24 onces, il se vend à Shebrooke quinze à 18 cents et dans la banlieue de Québec seize cents, à côté, nous avons les prix correspondants des boulangers. Le point qu'on détermine simplement, c'est qu'il y a un abus; le commerce du pain ne semble pas se faire dans des conditions saines et à long terme, à la fois pour les producteurs, les distributeurs et surtout les consommateurs, et l'exemple qu'on voit dans les autres pays donne les résultats que nous constatons.

On me signale une petite erreur sur les documents que l'on voulait récents. Dans le tableau II, je vous demanderais d'enlever la moyenne du Québec et de corriger "la moyenne absolue du Québec" à $0.19 et non $0.176.

C'est tout, M. le Président, je ne sais pas si l'on peut...

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. le Président, je crois que le ministre a cerné le problème d'une façon assez claire et assez évidente. Je ne peux ajouter d'arguments militant en faveur d'une amélioration des conditions qui sont faites à cette industrie de la fabrication du pain.

Depuis déjà quelques années, on crie partout; les gens qui vivent de cette industrie sont aux prises avec une situation on ne peut plus sérieuse. Ce matin, à la commission, des corps intéressés viennent mettre en évidence les faiblesses et les misères de leur commerce et de leur industrie et ils veulent de toute façon obtenir une solution ou un embryon de solution à un problème très aigu dans leur cas.

Avant l'ajournement de la période des Fêtes, le projet de loi 277 nous avait été amené en Chambre pour adoption. A l'époque, nous avons demandé au ministre, qui s'est plié à nos désirs, de bien vouloir le référer à la commission afin que les corps intéressés puissent venir nous soumettre et leurs griefs et leurs recommandations. Je pense que le geste que nous avons posé à l'époque rendra service, éclairera tous les gens et sera de nature à bonifier une loi qui a certainement des faiblesses à cause des précédents qu'elle crée.

Je n'ai pas de résolution, de motion à faire mais, j'ai quelques remarques à faire au ministre et j'espère que les gens qui ont des mémoires pourront les étudier avec sérieux.

A l'article 2, on demande de plafonner le prix, d'établir un prix.

Je suis d'avis qu'il y a une faiblesse assez évidente qui peut amener des complications dans tout le domaine de l'industrie. La Régie des marchés agricoles a plafonné, en 1966, a contrôlé et a fixé le prix minimal de la vente du lait. Depuis cette date, je crois qu'il y a eu une

quinzaine d'augmentations. Au début, la pinte de lait coûtait $0.18 ou $0.19; aujourd'hui, elle a plus que triplé son prix. On doit la payer, aujourd'hui, $0.35 la pinte ou $0.37. Aujourd'hui, les producteurs et les distributeurs de lait demandent $0.36. Je pense qu'on devrait, pour empêcher cet état de choses, fixer ou interdire, de toute façon, la vente à rabais du pain, interdire qu'on puisse manipuler le pain comme un "best leader". Qu'on passe une loi, qu'on fixe cet état de choses et qu'on l'interdise dans la province. Le jour où l'Etat commence à fixer, à établir des minimums de vente — on l'a pour le lait, on l'aura pour le pain, on l'aura pour le beurre, on l'aura pour l'essence, on l'aura pour tout et tout — à chaque année, le gouvernement et la régie — il faudra en venir là, je pense — seront obligés, seront astreints à recevoir les boulangers, les consommateurs pour faire une bonne chicane, une bonne discussion à ce sujet.

Il ne faudrait pas élever le prix moyen du pain comme celui du lait. Ce matin, dans un journal de Montréal, on nous dit qu'avec la facilité, le contrôle qu'exercent les grosses industries, les gros magasins, comme les chaînes Steinberg et autres, ça ferait un surplus, par année, de $1 million pour une de ces chaînes. C'est assez appréciable.

Ce que nous suggérons, c'est qu'on donne un fonds d'aide à l'industrie d'environ $4 millions, globalement, pour fusionner ce qu'il y a de trop petit pour que ce soit rentable, pour racheter les circuits, les "runs" de pain, pour moderniser l'équipement et pour rendre les spécialisations rentables.

Il y aurait, d'après les chiffres qui nous sont fournis et les enquêtes que notre parti a faites, 125 à 150 boulangeries impliquées et ça permettrait de redistribuer à ces gens, pour rendre leur industrie rentable, $25,000 à $30,000 pour chaque industrie. On pourrait créer un comité consultatif formé des représentants de la petite et de la moyenne industrie. Les corps intéressés qui sont ici ce matin pourraient en faire partie, avec une participation gouvernementale.

Evidemment, il resterait à roder ce comité consultatif pour qu'il atteigne une certaine ou une grande efficacité et ces gens recevraient les griefs. On pourrait, de cette façon, protéger le consommateur parce que, si on fixe un minimum, le consommateur est astreint à toujours payer ce prix-là comme minimum.

Si on interdit les ventes, "the best leader" on a des appartenances avec "loss" — ils vont en perdre plus qu'ils ne vont en gagner... Je remercie le député de Beauharnois. Si on interdit, de façon définitive, ce que la loi peut prévoir, on n'atteint pas exactement le but, C'est une remarque générale que je fais au début de la séance et, tantôt, nous pourrons soumettre, avec chiffres en main et explications fournies, si ça intéresse la commission et si ça intéresse les gens qui sont devant nous. Nous ne sommes pas ici pour combattre ce qu'ils nous demandent. Nous sommes ici pour trouver ensemble la meilleure des solutions afin d'obtenir le maximum d'efficacité et régler, à la satisfaction des petits, des moyens et des gros producteurs, d'une part, et du consommateur d'autre part, une situation qui brime tout le monde actuellement et qui ne rend service à personne.

Ce sont, M. le Président, les quelques remarques que j'avais à faire. Tantôt, lorsque nous aurons entendu les mémoires, après avoir questionné les gens, nous pourrons modifier notre position. Mais, actuellement, c'est ce que j'envisage comme solution au gros du problème.

M. JORON: Je serais tenté de faire comme le député de Saint-Maurice et porter un jugement sur la valeur intrinsèque du projet de loi. Je n'ai pas l'intention de le faire maintenant, bien qu'à première vue, avant quand même d'avoir entendu les témoignages, je serais pas mal porté à penser comme le député de Saint-Maurice. Néanmoins, je m'abstiendrai de prendre, au nom de mon parti, une position définitive parce que, comme le ministre le soulignait tout à l'heure...

M. DEMERS: J'invoque le règlement. C'est simplement une remarque. Je ne voudrais pas qu'il entre dans l'esprit des gens que notre position est gelée et précisée...

M. JORON: Oui.

M. DEMERS: ... d'une façon irréductible et irréversible.

M. JORON: D'accord.

M. DEMERS: Nous avons le projet de loi depuis plusieurs mois, plusieurs semaines. Nous l'avons fouillé. Avec le texte qui nous est présenté, c'est une position que nous envisageons. Cela ne signifie pas que lorsque nous aurons entendu...

M. JORON: C'est cela.

M. DEMERS: ... les remarques de ces gens... Je ne voudrais pas que nous passions pour des gens qui ont tout réglé avant d'avoir écouté.

M. JORON: D'accord. C'est ce que j'allais dire, d'autant plus que le ministre lui-même soulignait au départ que, possiblement, à la suite de la discussion d'aujourd'hui, il pourrait y avoir une modification du projet de loi. Parce que le but de la commission est d'entendre les témoignages qui nous seront présentés ce matin, de façon à aider le législateur à se faire une idée. Nous ne sommes donc pas pour prendre position d'avance. Cela serait détruire le but même de cette commission. Je dis, cependant, que la façon dont j'aborde cette discussion est la suivante. Au départ, il apparaît anormal et exceptionnel que le législateur intervienne dans

une situation où les prix baissent plutôt qu'ils ne montent. On a vu souvent le législateur intervenir quand les prix montaient de façon désordonnée sur certains produits de nécessité vitale. On comprend une intervention du législateur. Mais ici, nous sommes dans une situation où c'est plutôt l'inverse. Il faudra, je pense, justifier pourquoi nous intervenons dans un cas semblable.

Personnellement, je tenterai d'évaluer ces deux choses. C'est à la lumière d'abord du plus large intérêt du public. Je pense principalement aux consommateurs. Il faudra qu'on nous prouve en quoi le projet de loi, tel qu'il nous est présenté jusqu'à maintenant, remédie, d'une part, au malaise de l'industrie. Il faudra qu'on voie s'il n'y a pas d'autres moyens de remédier à ces malaises. Il faudra surtout se demander en quoi cette loi aurait des effets bénéfiques pour les consommateurs.

C'est l'intérêt plus large qui doit primer. Et s'il s'avérait qu'on ne peut pas avoir les deux en même temps, comme le dit l'expression anglaise: "If we cannont have our cake and eat it too", il faudra choisir alors le plus grand des deux biens, s'il y avait une contradiction entre ce qui fait l'affaire de l'industrie de la boulangerie et l'intérêt plus large des consommateurs.

C'est sous cet éclairage-là, M. le Président, que, pour notre part, nous sommes prêts à entendre les témoignages.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: M. le Président, je voudrais remercier le ministre pour son exposé et souhaiter la bienvenue aux différentes associations qui sont présentes. J'ai aimé l'explication du ministre lorsqu'il a spécifié que cette commission-là n'était pas semblable à celle concernant le prix du lait. Je pense que, dans certains mémoires, comme il l'a souligné, on parle d'un contrôle de vente et que le ministre parle plutôt d'un prix minimal dans toute la vente du pain. J'ai aimé cette explication parce que cela me confirme que c'est une loi pour aider le petit et l'entreprise privée. Durant l'étude de ces différents mémoires, je vais être préoccupé par cette idée et c'est l'idée principale de notre parti.

J'ai aussi aimé l'intervention du député de Gouin lorsqu'il a dit que c'est le consommateur qui devrait être protégé. Je suis d'accord, mais je me demande, avec les mémoires soumis, avec la tournure que prennent l'industrie du pain et les boulangers dans la province de Québec, si, en réalité, le "loss leader" ne serait pas plutôt une affaire pour contrôler les prix et arriver au point où le consommateur aurait à payer l'augmentation du prix. Parce qu'aujourd'hui, on sait que certaines compagnies le vendent à $0.09, donc le "loss leader", ou l'attraction du consommateur. Je me demande si, dans un avenir très rapproché, lorsqu'il y aurait 4, 5, ou 6 grosses boulangeries dans la province, ce même consommateur sera affecté par le prix. Au lieu d'être $0.09, il sera $0.29 ou $0.39. La concurrence honnête devrait exister dans les boulangeries et, malheureusement jusqu'à maintenant, on peut l'appeler malhonnête, sans aucune intention envers les grosses compagnies à succursales. C'est une concurrence où la compagnie dit, dans une annonce: On vend le pain à un prix minimal et on assume cette perte ("loss leader"). Je crois sincèrement qu'il n'y a aucune compagnie qui peut se permettre le luxe, sur un article, de dire qu'on le vend à perte et qu'il est déduit comme tel.

Donc, le coût de la perte ou le montant de la perte est transféré dans d'autres produits qu'elle met en vente, parce que c'est de la totalité des produits dont on parle et non pas d'un article spécifique. Le même consommateur, peut-être que sa boite de pois, qu'il paie $0.14 ou $0.15, il devrait la payer $0.12 et c'est la perte du $0.09 à un prix minimal ou à un prix qui devrait être un prix de concurrence honnête. Il est obligé de le payer de cette façon-là.

Quelle que soit la grosse compagnie, je ne crois pas qu'elle puisse se permettre le luxe de perdre sur la vente de pain. Elle le transfère ailleurs. Donc, je crois que le bill qui est proposé, sans rien imposer, parce que je crois à l'entreprise privée et à l'entreprise libre... Je ne crois pas que le prix minimal, si on veut absolument le fixer, soit un prix minimal qui ne serait pas changeable à l'avenir. Si on modifie le prix de la farine ou des ingrédients de base du pain, le prix de ce dernier est affecté. Si on payait $50 au lieu de $100 les cent livres, je suis persuadé que le gouvernement pourrait changer le prix minimal ou demander à l'Association des boulangers de réduire ses prix pour que le consommateur en profite.

J'aimerais moi aussi entendre les différents mémoires, c'est le but de cette réunion. J'ai aimé la position du ministre qui nous dit que le "dumping" est le "loss leader". Il dit qu'il ne faudrait pas comparer cela spécifiquement au prix du lait ou à la concurrence qui se fait dans le lait qui est contrôlé par le gouvernement. Je précise que le prix est soumis, non à la demande du public et non à une concurrence honnête entre les différents organismes et les différents groupements, mais qu'il est soumis à un état, à un règlement ou à une règle du jeu ou que le prix est établi sans que personne puisse y faire quelque chose. Je crois que cette commission verra se prendre certaines positions assez dures contre les compagnies qui font la grosse production et le petit boulanger qui donne un très bon service. Je crois que la commission va pouvoir apporter quelque chose pour satisfaire les deux groupes et surtout le consommateur dans la province de Québec.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je demanderais aux différents organismes convoqués de donner, si possible, un résumé de leur mémoire, étant donné que la commission en a pris

connaissance. J'appellerais à la barre l'Association professionnelle des boulangers du Québec. M. Brodeur en est leur porte-parole. Il en est aussi le secrétaire.

Association professionnelle des boulangers du Québec

M. BRODEUR: Messieurs, permettez-moi de vous remercier de nous recevoir ce matin. Etant donné la multitude de vos travaux, vous me ferez grâce d'une envolée oratoire et de la lecture du mémoire que nous vous avons présenté.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous êtes bien M. Brodeur?

M. BRODEUR: Oui.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. P.-E. Brodeur. Nous avons des noms mais peut-être qu'une association aurait pu déléguer une autre personne. Je demanderais donc à toute personne qui s'adressera à la commission de bien vouloir s'identifier en premier lieu. Je m'excuse, M. Brodeur.

M. BRODEUR: Paul-Emile Brodeur, secrétaire de l'Association des boulangers du Québec. Cela m'a permis de prendre ma respiration, je vous remercie. Tel que je viens de vous le déclarer, je vous ferai grâce de la lecture de notre mémoire, étant donné que vous l'avez déjà reçu. Il me fait plaisir d'annoncer que l'association que je représente n'en est pas, à l'heure actuelle, à ses premiers travaux en vue d'essayer d'assainir l'industrie de la boulangerie au Québec. Nous avons déjà fait six ans de travaux et de recherches. Il y a les travaux du père Bouvier, dont vous avez certainement pris connaissance; par la suite, il y a eu l'enquête de M. Bernard Tessier. Je vous dis tout ceci à l'appui des paroles du ministre de l'Industrie et du Commerce. Il a déclaré que la loi n'était pas le seul point sur lequel on peut s'appuyer pour assainir l'industrie de la boulangerie. L'ensemble du rapport préconise des mesures dont les boulangers ont besoin. Ceci correspond également aux paroles de M. Demers à l'effet que les fusions sont déjà en voie d'exécution. Dans l'ensemble de la loi, pour rejoindre également les paroles de MM. Joron et Tétrault, il ne s'agit pas d'avoir des ornières pour protéger le petit boulanger qui peut être sur le point de s'affaisser, d'abandonner, mais plutôt de donner aux boulangers le moyen d'assurer leur rentabilité. Ce n'est pas un cours de comptabilité qui va les aider à sauvegarder leur industrie mais des normes qui lui permettront de faire face à une concurrence saine.

Par cette concurrence saine, non seulement le boulanger fabricant va se trouver à en bénéficier mais il y a également un autre groupe aussi important formé d'épiciers du coin ou d'épiciers associés à des grossistes qui ont droit à un profit raisonnable sur la vente de leurs produits et qui perdent des clients à cause de l'appât fait par certaines chaînes de magasin qui servent du pain comme "loss leader", comme appât.

Alors, dans la loi préconisée, que nous acceptons d'emblée, il y a certainement les recommandations que nous y avons incluses qui seraient pour le bénéfice non seulement de l'industrie mais également du consommateur lorsqu'il s'agit d'identifier le nom du fabricant de tout pain et non pas tout simplement de pain de marque privée; c'est afin de pouvoir connaître la provenance et le responsable de la cuisson. Puisque nous parlons d'un prix minimum, il va certainement y avoir un choix arrêté sur la question de pesanteur, il y aura un choix également ou un modèle de codification pour arriver avec des dates périssables que l'on donne; nous suggérons quatre jours, afin que le pain puisse être séparé du comptoir régulier pour tomber dans les pains défraîchis. Voilà encore une autre protection additionnelle au consommateur. Toutes les mesures contenues dans la loi visent non seulement à protéger le boulanger que je représente, mais le public et également une autre section qui s'appelle le commerce. Cependant, nous avons, pour aller aux choses les plus essentielles, suggéré un amendement additionnel à la loi. Puisque l'on sait que les mesures... Vous me pardonnerez, je ne suis ni avocat ni clerc, j'essaie de m'éclairer...

M. DEMERS: Vous mettez ça assez clair, par exemple.

M. BRODEUR: Nous aimerions que la loi puisse contenir des dispositions afin de pouvoir intervenir le plus tôt possible, le plus rapidement possible s'il y avait infraction. Si quelqu'un commet une infraction et s'il vaut la peine de courir le risque de porter le cas devant les tribunaux, que cela puisse en coûter cinq, dix ou quinze mille dollars de frais et que cela puisse prendre un an avant que la situation ne puisse être améliorée, celui qui a causé l'infraction va certainement déranger le commerce dans son patelin, dans son arrondissement et, par là, inviter les autres à être des délinquants.

Nous demandons et nous vous donnons le choix d'accorder à cette loi le pouvoir d'imposer une amende quotidienne ou le pouvoir d'injonction afin de pouvoir arrêter le plus tôt, possible les délinquants qui se trouveraient à s'égarer. Alors, sur ce, messieurs — je vous ai dit que je ne vous ferais pas un grand exposé, je vous remercie au nom de tous les boulangers des quatre coins de la province. Nous vous avons donné des tableaux qui correspondent à certains cas spécifiques dans des régions spécifiques. Mais sachez que le mal existe aux quatre coins de la province et que le même mal existe surtout en provenance des grosses chaînes d'alimentation qui se servent du boulanger comme "footballer".

LE PRESIDENT (M. Brisson): Merci, M. Brodeur. Est-ce que M. le ministre aurait quelque chose à dire?

M. SAINT-PIERRE: J'aurais deux ou trois questions. M. Brodeur, avez-vous l'impression qu'en dehors du principe de la loi même on pourrait mettre de l'avant d'autres mesures et qu'on pourrait, dans les prochaines années, régler le problème de l'industrie? Croyez-vous que, si on ne retient pas ce qui est quand même l'idée maîtresse du projet de loi, à savoir un prix minimum, il est possible autrement de régler le problème ou si le prix minimum vous apparaît presque essentiel pour permettre aux petites boulangeries de traverser les cinq ou six prochaines années?

M. BRODEUR: M. le Président, je vous dirais, et je reprends les paroles du début, que l'ensemble du rapport Tessier ne suggère pas simplement un prix minimum. Le prix minimum, selon moi, est un palier urgent. C'est un départ, puisque les boulangers entre eux — et je m'excuse de peut-être être dur pour les boulangers qui sont dans mon dos, je ne leur joue pas dans le dos, ce sont eux qui sont derrière moi — ne sont pas capables de se renseigner, de s'autodéterminer, de se respecter mutuellement de façon à conserver le contrôle de leurs prix.

Ils ont beau vendre, mais une fois qu'ils ont vendu, ce ne sont plus eux qui vont pouvoir déterminer quel prix le produit se revendra. Il faut donc, de toute obligation, demander un prix minimum, pour éviter de manger le pissenlit par la racine; c'est la seule façon d'obtenir que l'épicier indépendant, même s'il coopère à une chaîne, puisse avoir le même avantage et le même prix, sans perdre de l'argent. Non seulement le boulanger se trouve protégé, ses revendeurs, ses "jobbers" en termes de métier, le sont également par ce niveau des prix, mais toutes les autres mesures préconisées, comme des fusions, comme les cogestions, sont des choses qui nécessairement devraient aller de l'avant. Je sais personnellement, dans mon groupe, à l'heure actuelle, que plusieurs ont fait des démarches en vue de s'assurer les services que le gouvernement met à leur disposition.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous croyez, lorsque l'on vend le pain à $0.12, $0.14, $0.15 qu'effectivement il est impossible de produire du pain et de le distribuer, de faire l'emballage, tout cela, et de faire profit avec cela? Croyez-vous qu'effectivement il y a une perte d'argent, c'est-à-dire qu'effectivement on assiste à ce phénomène que des gens vendent un produit à un prix inférieur aux coûts de production?

M. BRODEUR: M. le Président, vous me permettrez de répondre. Votre question est assez large, en ce sens que vous me demandez s'il y a possibilité de vendre un pain à $0.12 et perdre de l'argent. Cela dépend toujours du poids. Si vous me demandez...

M. SAINT-PIERRE: Un pain de 24 onces.

M. BRODEUR: Sur un pain de 24 onces, sans être boulanger, je vous dirais certainement que le boulanger ne peut pas faire de l'argent et n'arrivera pas à remplacer sa machinerie même avec le fonds de fusion. Effectivement, il perd de l'argent avant que le pain sorte de la boulangerie.

M. DEMERS: M. le Président, est-ce que vous avez réalisé que, lorsqu'il y a un "best leader", la qualité diminue? On vient de m'informer d'une étude faite aux Etats-Unis. Avec tous les "best leaders" qui se vendent, lorsqu'on fait une vente à pression, la qualité est si inférieure, si mauvaise que si l'on nourrissait l'Europe avec cela pendant six mois, tous mourraient de malnutrition. Imaginez donc! Il y a certainement quelque chose qui permet à ces magasins de donner leur marchandise à $0.12 ou à $0.11 parce que c'est beaucoup plus bas que le prix coûtant. On attaque alors la qualité, cela n'a pas été prouvé. Est-ce que les boulangers ont cette information sur la qualité, lorsqu'une chaîne, par exemple, part en grande et vend du pain à $0.11 ou à $0.12 pour vendre du jus de tomate?

M. SAINT-PIERRE: II y aurait deux possibilités: On peut baisser la qualité et on peut effectivement encourir une perte.

M. DEMERS: C'est compris, pour se rattraper sur autre chose. Je demande à M. Brodeur si l'association qu'il représente a étudié l'aspect qualitatif du pain lorsqu'une telle situation arrive. Car, si on ne contrôle pas la qualité, plafonnez les prix tant que vous le voulez, il va y avoir encore des gens qui, si la qualité n'est pas respectée, avec une farine de deuxième classe ou de toutes sortes de patentes, ils viendront à bout de concurrencer celui qui respectera les normes ou les exigences pour vendre un pain convenable et comestible. Je pense donc qu'il y a peut-être aussi ce facteur. Peut-être que je m'éloigne un peu du sujet mais, étant donné que vous avez effleuré le prix minimum, je me suis permis d'y entrer.

M. BRODEUR: M. le Président, avec votre permission, je vais répondre à M. Demers. Je dirais, sans être boulanger personnellement, qu'il est impensable que vous ayez trois marques différentes avec des qualités tellement différentes que cela causerait des écarts de prix variant jusqu'au double du prix qu'on le vend.

M. DEMERS: II n'est donc pas question...

M. BRODEUR: Que vous économisiez un quart de cent par pain, ceci pourrait équivaloir probablement à un pain moins enrichi.

M. SAINT-PIERRE: Mais pas pour passer de $0.24...

M. BRODEUR: Mais pas pour passer de $0.24 à $0.12.

M. JORON: J'aurais deux questions à poser à M. Brodeur. L'une est peut-être plus théorique et l'autre plus pratique. Vous avez invoqué, et d'autres aussi, qui sont en faveur du projet de loi, l'argument qu'il faut protéger la petite entreprise, assurer une concurrence saine et ainsi de suite.

Mais quand même, je trouve qu'il y a quelque chose de curieux quand on veut avoir les avantages sans avoir les désavantages d'un système. Quand on accepte au départ les règles du jeu de la libre entreprise, ces règles font qu'il peut arriver qu'il y ait des entreprises qui fassent faillite. Cela fait partie des règles du jeu. Est-ce que c'est assurer une saine concurrence que d'enlever, en fixant un prix minimal, le droit à des commerçants, en l'occurrence, que ce soient les chaînes ou les épiceries, de vendre à rabais, d'une part? A toutes fins pratiques, c'est cela que ça arrive à faire. Cela enlève aux chaînes le droit de vendre un produit à rabais. Par la même argumentation que celle de ceux qui se prévalent du jeu de la libre entreprise et de la libre concurrence, je me demande si c'est respecter la libre entreprise et la libre concurrence que d'enlever le droit au rabais. C'est ma première question.

La deuxième est plus pratique. L'effet du prix minimal serait le suivant. Je ne vois pas comment ça va transférer un profit supplémentaire aux petites entreprises, comment cela va véritablement les aider. Parce que les petites entreprises qui produisent des marques privées pour les grandes chaînes vont continuer de le faire au prix qu'elles négocieront avec les grandes chaînes, si bien que votre marge de profit sur cette partie de votre commerce n'en sera pas augmentée. Ce qui arrive, c'est que, par un prix minimal, on transfère un profit supplémentaire à la chaîne et non pas au fabricant. Vous me direz qu'en deuxième lieu, il peut y avoir un effet indirect, bénéfice pour les entreprises. C'est sur celui-là que je questionne. Vous me direz que, si tous les pains qui sont sur la tablette, autant ceux de marques privées que ceux portant la marque du boulanger lui-même, se vendent au même prix, à ce moment, le consommateur sera peut-être moins porté à acheter le pain de marque privée et que le pourcentage des ventes de pain venant directement des boulangers pourrait augmenter. C'est sur cette partie de votre commerce que la marge de profit est la plus grande. En ce sens, cela vous aiderait, c'est vrai. Mais je me demande à quel point c'est réaliste de croire que c'est exactement ce qui va se passer. Parce que la chaîne qui met ses pains sur la tablette, elle reste avec le privilège de les placer où elle veut. Elle peut bien faire des étalages entiers de ses pains de marque privée puis mettre vos pains dans le fond d'une tablette, en arrière d'une troisième étagère ou ainsi de suite.

Alors, je ne vois pas comment cela ferait augmenter vos ventes. D'autant plus qu'il y a un autre problème rattaché à cela. C'est de dire, à toutes fins pratiques, que, parce que le pain de marque privée est meilleur marché dans les chaînes, c'est un des éléments qui attirent les clients dans les supermarchés. Moi, je doute que ce soit uniquement parce que le pain est à $0.09, $0.10, $0.11 ou $0.12, dans un supermarché, que les gens vont au supermarché. On pourrait faire le même raisonnement sur un paquet de produits. Je pense que, par ce moyen, on ne diminuera pas la clientèle des chaînes, parce qu'à toutes fins pratiques, c'est ça au bout de la ligne qui ferait le mieux votre affaire, parce que vous pourriez vendre le pain en dehors des chaînes. Moi, je doute que, même s'il n'y avait pas de "loss leader" sur le pain dans les chaînes, cela va diminuer de quelque façon que ce soit le nombre de clients qui vont dans les chaînes. Le gars y va parce que c'est plus commode, parce qu'il y a plus de choix, parce qu'il y a plus d'étalage, parce qu'il y a plus de facilité de stationnement, enfin, pour toute une série de raisons, et le consommateur va continuer à se comporter exactement de la même façon. Il va au supermarché parce qu'il peut tout trouver à la même place. Il n'a pas besoin de passer, comme on fait encore dans certains coins en Europe, à la crémerie chercher son lait, chez le boulanger chercher son pain, chez le charcutier chercher son saucisson. Ici, les habitudes du consommateur, en Amérique du Nord, c'est qu'on va à une place et qu'on ramasse tout. Ils vont rammaser le pain aussi. Je ne vois pas comment cela va vous aider.

M. SAINT-PIERRE: Relativement à la dernière question, J'aurais une question supplémentaire. Si on prend un endroit très précis comme Granby, est-ce qu'il ne serait pas juste de dire que, lorsque les chaînes vendent le pain à $0.09, le boulanger, qui a son propre réseau de distribution, qui passe par les rues, qui vend à la ménagère et tout ça, se voit dans une position de concurrence inégale, parce qu'il a un seul produit et que, pour ce produit, il ne peut encourir des pertes, sinon, ce sera courir à la faillite de son commerce? Si les chaînes ne pouvaient pas vendre le pain plus bas qu'un certain prix minimal, si on pouvait empêcher le phénomène de "loss leader".

La boulangerie, par le service, par le pain qui est peut-être plus frais, pourrait au moins avoir une chance égale de concurrencer sur un produit.

M. JORON: Je comprends très bien. C'est justement la question que je pose. Est-ce que, dans les faits, ça va véritablement encourager les boulangers ou si, pratiquement, les gens ne continueront pas de tout ramasser au supermarché comme ils font aujourd'hui?

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse mais, dans

le moment, je me vois comme un boulanger avec des clients réguliers qu'il visite. Il tente, comme tout petit ou moyen commerçant, de cultiver sa clientèle et d'offrir un produit. Dans la même semaine, on voit deux pains de 20 onces pour $0.18 — c'est le 14 novembre 1972 à Sherbrooke — il s'agit de pain blanc tranché. C'est à peu près impossible à moins qu'il n'accepte de vendre à ce prix-là...

Là où on dit que les jeux de la libre entreprise ne sont pas respectés, c'est que le réseau de distribution du petit boulanger n'a qu'un seul produit alors que celui qui vend cela, comme Bonimart, a plusieurs produits et peut accepter une perte dans ça pour concurrencer par un profit dans l'autre. Là, je replace ma question. Est-ce que ce n'est pas cela le noeud du problème à savoir que vous avez vu votre clientèle, dans votre réseau de distribution directe des boulangers, diminuer constamment au profit des chafnes avec le phénomène du "loss leader"?

M. JORON: Est-ce que ça baisse uniquement en fonction du prix ou si ce n'est pas toute la conception du supermarché comme telle et la façon qu'a le consommateur de magasiner aujourd'hui qui produit ce résultat?

M. CADIEUX: Mais le consommateur, ça ne l'empêchera pas d'aller dans des grands magasins à succursales. En général, le consommateur va dans un magasin à succursales une fois par semaine et il achète son pain tous les jours.

M. JORON: Oui. Mais vous pensez qu'il achèterait moins de pain si... C'est ça que je demande. Je ne sais pas si vous l'avez estimé, évalué.

M. BRODEUR: M. le Président, je vais d'abord commencer par répondre à M. Joron sur les questions du droit au rabais. Il est évident que, avec un prix minimum, celui qui en vend davantage, sans être fort en comptabilité, va réaliser de meilleurs profits. Cela devient encore la libre concurrence, la libre entreprise. Il n'est pas question de limiter les profits des entreprises, que ce soit l'industrie de la boulangerie ou le supermarché.

Le mal qui sévit à l'heure actuelle, dans la région de Montréal ou dans les Cantons de l'Est, si on n'y met pas un frein, par cette loi, pour empêcher qu'il rebondisse ailleurs, ce même phénomène va s'étaler dans toute la province. C'est justement la raison pour laquelle, l'association étant provinciale, nous demandons d'enrayer ce fléau de don de pain.

Si vous remarquez, je constate que vous avez de bonnes habitudes de magasinage, vous allez dans les supermarchés, c'est très bien...

M. DEMERS: II est obligé de faire son magasinage lui-même.

M. BRODEUR: Dans ce cas-là, je com- prends, il ne peut pas avoir un livreur à la porte.

M. Cadieux disait que, en règle générale, la ménagère va aller au centre commercial une fois par semaine, et tous les jours, elle a le même bénéfice. Si elle n'avait pas l'occasion de payer à quelques sous de différence près son produit frais qu'elle peut avoir à la porte, elle n'irait plus en chercher au supermarché en aussi grande quantité.

Lorsque le pain se donne, vous devriez voir les paniers de provision de pain que les gens apportent chez eux. Ceci permet de dire, par la suite, que les gens conservent mal leur pain, mangent un pain moins bon, défraîchi, qu'ils en perdent l'habitude et, de là, la consommation du pain baisse. Tous les boulangers s'en ressentent.

M. CADIEUX: II y a aussi le problème de la libre entreprise. Il y a le problème de tous les distributeurs. On l'a souligné tantôt, mais j'ai déià rencontré les distributeurs de pain à Valleyfield qui sont au nombre d'une cinquantaine, qui ont leurs propres petits camions, c'est leur propre petite entreprise, et ils sont en train de crever de faim dans le moment, justement à cause du problème qui est soulevé.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Maurice a quelque chose à ajouter.

M. DEMERS: M. le Président, je voudrais demander à M. Brodeur quelle est la cause exacte de la demande ou de l'appui que son association semble donner à la fixation d'un prix minimum. Je comprends que c'est parce qu'il y a un marasme dans l'industrie, qu'il y a quelque chose de désordonné.

D'après vous, est-ce que c'est la présence du "best leader" ou du "lost leader" ou de toute autre chose?

M. BRODEUR: Pour répondre au Dr De-mers, je dirais que ce phénomène est arrivé à la suite, premièrement, du changement d'habitude des citoyens qui sont attirés vers les centres commerciaux, ce qui a éliminé une partie de la clientèle du porte-à-porte. Ce qui est vrai. Mais pour pouvoir vendre l'idée de ces centres commerciaux que le Québec ne connaissait pas, il a fallu trouver des moyens pour attirer les clients. Il a fallu attirer les gens. On s'est servi du pain pour attirer les gens. Prenons, dans la région de Montréal, l'exemple de Brossard. Il y a environ deux ans, lors de l'anniversaire d'un centre commercial, avec tout achat de $2, vous pouviez avoir du pain à $0.03. Vous pouviez entrer vous acheter une cravate et avoir droit, juste à côté, de prendre deux pains ou cinq pains à $0.03 chacun.

M. DEMERS: La cause exacte est l'appât...

M. BRODEUR: Le changement de mode de vie.

M. DEMERS: C'est l'appât...

M. BRODEUR: ... et le pain comme appât.

M. DEMERS: Etes-vous d'avis que, si on enlève la possibilité d'avoir l'appât, cela peut stabiliser une situation?

M. BRODEUR: Je vous répondrais par comparaison. Je m'en rapporterais à la régie du lait. Lors de la dernière augmentation, non pas celle qui est discutée présentement, lorsqu'une réglementation a été adoptée pour qu'il y ait un décalage reconnu entre la vente du lait aux comptoirs laitiers et le service à domicile, si vous avez des amis qui sont dans le commerce, vous avez sûrement constaté que les mêmes vendeurs à leur compte, comme disait M. Cadieux, les "jobbers", ont doublé leur trajet de lait. Pourquoi? Parce qu'ils ont un service à domicile et les gens aiment encore avoir ce service lorsqu'il y a possibilité et, lorsque les deux conjoints ne travaillent pas à l'extérieur, cela a favorisé énormément l'entreprise libre. Le décalage était moins fort et les gens aiment encore avoir ce service.

M. DEMERS: L'Association des boulangers, des producteurs de pain et des vendeurs peut-elle elle-même fixer, par entente, un minimum sans être obligée de venir le demander au gouvernement?

M. BRODEUR: Nous ne contrôlons pas tous les boulangers de la province. Nous ne pouvons pas contrôler également les chaînes de magasins.

M. DEMERS: Ce qui veut dire que sans prix minimal, il n'y a point de salut pour vous.

M. BRODEUR: II n'y en a plus.

M. DEMERS: C'est assez inquiétant que des fabricants soient obligés de venir demander au gouvernement de leur fixer des prix. Ce n'est pas dans tous les domaines. Je vous avertis. Ce n'est pas parce que je suis contre, si c'est le voeu de tout le monde, mais je pense qu'il fallait étudier cet aspect. C'est le précédent. Demain matin, on fixera le prix minimal de n'importe quoi dans la province. Vous êtes d'avis que la seule formule pour en sortir est un prix minimal. On n'aura jamais le droit de vendre un pain plus bas que le prix minimal. Il n'y a pas autre chose. Si on interdit la vente d'appât, cela ne règle pas le cas. J'aimerais que l'intéressé...

M. CADIEUX: C'est sur le même sujet.

M. DEMERS: ... nous donne une réponse. Je n'ai pas de réponse.

M. CADIEUX: Non.

M. DEMERS: Je voudrais que M. Brodeur dise exactement aux membres de la commission... Il le dira tantôt.

M. CADIEUX: C'est là-dessus que je veux discuter aussi.

M. DEMERS: Oui.

M. CADIEUX: Je pense que, dans l'esprit du ministre, le prix minimal ne serait pas fixé de n'importe quelle façon...

M. DEMERS: Si je comprends bien...

M. CADIEUX: Selon la catégorie de pain.

M. DEMERS: Cela serait selon la catégorie.

M. CADIEUX: Cela serait celui qui pourrait le produire au prix le plus bas. C'est ce qui serait le prix minimal.

M. DEMERS: Je comprends mon collègue de Beauharnois lorsqu'il dit cela. Mais nous ne discutons pas comment cela sera fixé. Je veux parler du principe du prix, du grand principe de la fixation d'un prix minimal.

M. CADIEUX: Cela peut être inquiétant si on ne sait pas comment il sera fixé.

M. DEMERS: Nous parlerons de cela après. Il y aura des règlements. Ils participeront probablement aux règlements. Je demande à M. Brodeur si le prix minimal est la seule planche de salut. Si un prix minimal est fixé, est-ce qu'on ne pourra pas encore jouer avec l'appât?

Si les chaînes se limitent toujours au prix minimal et que le producteur ne peut pas faire de profit parce que le prix minimal est trop bas, vous reviendrez l'année prochaine nous demander de changer le prix minimal. Nous envisageons la situation. Nous voudrions régler le problème d'une façon définitive, non pas définitive pour geler cela pour 25 ou 30 ans mais pour que vous partiez avec une loi qui aura un peu de sens et qui se tiendra. Il faut envisager tous les aspects et je pense que c'est le rôle d'une commission d'étudier cela dans ce sens.

M. BRODEUR: Pour répondre au Dr Demers et il est évident que c'est une des solutions pour rendre la vie, dans l'industrie de la boulangerie, plus saine. C'est la solution qui presse le plus et, tel que je vous l'ai déclaré au début, il ne s'agit pas de vouloir régler un problème pour cinq ou dix ans à venir. C'est impossible. Si vous nous dites que vous ne nous inviterez pas l'an prochain pour rediscuter du prix, il faudrait que vous soyez au courant qu'il n'y aura aucune augmentation dans les salaires, dans les ingrédients, etc. Pour pouvoir, à long terme, protéger le consommateur qui, à l'heure actuelle, pour certaines catégories, peut bénéficier d'une économie, mais qui n'aide pas l'ensemble des citoyens, pour pouvoir le protéger demain

contre les monopoles qui pourront surgir, il s'agit de délimiter un prix minimal qui, je le crois sincèrement, deviendra dès le début le prix maximal. Il ne sera pas dit que c'est la faute de l'association ou des associations ou du gouvernement si le pain ne se vend pas plus cher que cela. Ce sera tout simplement la concurrence qui le voudra ainsi, mais, si je le compare encore aux produits laitiers, avec un écart qui est raisonnable, le revendeur, le boulanger, l'épicier du coin, le marchand associé à une chaîne pourra vivre parce qu'il aura le privilège de pouvoir offrir son produit au même prix que les gros supermarchés.

M. DEMERS: M. Brodeur, d'après vous, d'après les études de votre association, de celle que vous représentez, quel est le prix minimal qu'il faudrait fixer pour un pain de 24 onces par exemple?

M. BRODEUR: Pour le bénéfice du Dr Demers, je dois lui dire que, ce matin, quand bien même nous essaierions de nous entendre sur un prix minimal, ce serait impensable, car il s'agit de tenir compte des facteurs des quatre coins de la province, de la grosseur des industries en vue de ne pas permettre que la petite industrie fasse plus d'argent que la grosse industrie ou que la grosse industrie en fasse plus. Il s'agit de pouvoir établir quelque chose de raisonnable avec une productivité rentable.

M. DEMERS: Vous n'avez pas d'idée exacte. Vous devez en avoir une sous-jacente.

M. BRODEUR: M. le Président, je reconnais que le Dr Demers voudrait me faire dire des chiffres, mais j'ai oublié mon cours de comptabilité ce matin.

M. DEMERS: Non. Je ne veux pas du tout que vous me donniez des chiffres. Mais vous allez toujours avoir, lorsque vous ferez des recommandations au ministre, des critères et des barèmes sur lesquels vous devrez vous appuyer pour qu'eux en viennent à fixer un prix minimal qui soit assez décent pour que ceux qui subissent actuellement la concurrence, tels les petits boulangers, puissent réaliser des profits. Parce que, s'ils ne réalisent pas de profit, la fixation de ce prix minimal va précipiter leur décadence.

M. BRODEUR: Pour répondre au Dr De-mers, disons que...

M. DEMERS: Je voudrais cerner le problème pour me faire une idée qui serait assez claire. Je prends peut-être un peu plus de temps que les autres à comprendre, c'est pour cela que je pose plus de questions.

M. BRODEUR : Pour le bénéfice du Dr Demers, nous offrons nos services pour fournir des prix mathématiques des quatre coins de la province et non pas des prix falsifiés en vue de pouvoir rendre l'étude sur le prix minimal plus facile.

M. CADIEUX: Je pense bien que vous êtes d'accord, M. Brodeur, même le prix minimal qui pourrait être fixé ne pourrait pas correspondre à l'idée de tous les petits boulangers et, encore là, ils seraient obligés de vendre un peu plus cher que ce prix-là. Mais l'écart serait énormément diminué et la distribution, le service donné de porte en porte attirerait plus les gens parce qu'il y aurait une différence de seulement quelques sous, comparée à deux pains pour $0.18 et $0.25 et $0.27 chacun. L'écart est trop grand. Le prix minimal ne pourra peut-être pas être atteint par tout le monde, mais les plus gros arriveraient peut-être à ce prix minimal, l'autre le paiera $.01 ou $0.02 de plus; en le vendant $0.03 ou $0.04 de plus, il ferait son profit. Mais les gens iraient à des services et ils iraient peut-être à de plus petites épiceries. C'est leur droit. Mais on accepterait le service à domicile plus facilement.

M. BRODEUR: M. le président, M. Cadieux a entièrement raison.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: Quand on parle de concurrence, on parle de l'entreprise privée. J'aimerais aussi souligner le fait que l'entreprise privée est l'entreprise libre. C'est bien beau de se dire que l'entreprise privée, c'est le contrôle, et que le consommateur n'est pas protégé, qu'on change d'avis sur un point ou sur l'autre, mais il y a une question spécifique que j'aimerais poser à l'entreprise privée et à tous les grands magasins à succursales.

Est-ce que vous vous figurez, présentement, sans nous donner de prix — vous avez dit que vous n'aviez pas pris de cours en administration ou comme comptable — que la vente de pain de deux pour $0.18, comme le ministre nous l'a souligné, est une concurrence déloyale?

M. BRODEUR: M. le Président, pour répondre à M. Tétreault, je lui dirais que c'est la plus déloyale qu'il ne peut pas y avoir, parce qu'elle affecte non seulement le fabricant, mais elle affecte tous les revendeurs qui, par la même occasion, sont privés des ventes, parce que l'autre, on ne peut pas dire qu'il donne le pain, mais il ne le vend pas. Deux pour un, ce n'est plus vendre un produit, c'est le donner. Cette concurrence rend l'industrie non-viable. Il est impossible, pour un boulanger, de pouvoir charger le camion de son vendeur et de lui dire, à toutes les portes: Ce matin, c'est deux pour un, et être capable ensuite de payer son administration et faire des gains à la fin de l'année.

M. TETRAULT: On touche l'entreprise libre et l'entreprise privée. Si le boulanger est pris avec les grosses chaînes de magasin — on ne se cachera pas, on a un mémoire soumis par la compagnie Steinberg, c'est une grosse de chaîne de magasins — si le boulanger, si l'entreprise privée était éliminée, si tout cela appartenait aux grosses chaînes ou aux dix plus gros producteurs de 25,000 pains et plus par jour, si la concurrence qui se fait présentement, à deux pains pour $0.18, si demain il n'y a plus de petits boulangers, s'ils sont tous éliminés dans la province, pensez-vous que la concurrence n'existera plus? Ce serait du pain à $0.27, $0.38 ou $0.40, quel que soit le prix.

M. BRODEUR: M. Tétrault a entièrement raison à l'exception que la maison Steinberg, je crois, elle n'est pas intéressée à donner son produit. C'est la raison pour laquelle ses représentants sont ici aujourd'hui. Il faudrait exclure Steinberg d'un monopole possible. Il va de soi que l'ensemble de vos paroles, à l'exclusion de là mention d'une maison, ressemble exactement à ce qui se produit dans les autres provinces: Eliminez le nombre de boulangers et vous voyez les prix augmenter.

M. TETRAULT: Je pourrais vous citer tous les magasins à succursales. Il y a une autre question, parce qu'on parle de prix, de qualité, tout ça. Est-ce que le poids du pain peut affecter... Il y a plusieurs suggestions. Présentement, vous en faites de tous les poids, 8 à 12, 15 à 17, 18 à 21, 22 à 26, 22 à 26, 32 et 48 onces le pain, tous les mémoires semblent d'accord, sauf un, que le pain devrait être vendu, à 12 onces, à 16, à 20, à 24 et à 32 onces. Est-ce que si le gouvernement disait: D'accord, ce seront les cinq pesanteurs ici, est-ce que ça peut régler votre problème de vendre du pain ou s'il n'y a pas de concurrence qui se fait ou dans le jeu du poids...

M. BRODEUR: Pour répondre à M. Tétrault, je dirais que l'élimination des poids va aider beaucoup, parce qu'à l'heure actuelle il y a du pain d'une multitude de poids qui se fabrique aux quatre coins de la province. Quelqu'un va fabriquer du pain'de 16 onces; son voisin, pour tâcher de ramasser une clientèle, va en fabriquer de 17 onces ou de 18 onces. Ce sont tous les poids, les "in between" pour prendre un terme français, M. Joron s'est permis d'en sortir un tout à l'heure... c'est pour être capable de restreindre le plus possible le nombre de catégories de pain en vue de la protection du consommateur.

M. TETRAULT: Si on pouvait contrôler ou...

M. BRODEUR: Pour arriver à un prix minimum, il va falloir établir des poids.

M. TETRAULT: Pour faire un standard, est-ce que vous seriez d'accord ou est-ce que c'est l'intention de votre association ou des associations de dire que le pain, comme prix minimum, de tant d'onces vaut tant? Disons un cent l'once ou $0.014 l'once ou deux cents l'once. Si on vend un pain de 16 onces, c'est $0.32, si on le vend à 20 onces, c'est $0.40, vice versa, quel que soit le prix. Est-ce que, par le contrôle de l'once, des poids et mesures que le gouvernement pourrait imposer, on peut dire que chaque once se vend $0.014 ou $0.013 ou $0.012? Lorsqu'on parle de prix minimum de base, est-ce qu'on peut se fier sur le prix de l'once ou est-ce qu'on devrait prendre l'opération globale comme telle avec la grosse entreprise, la moyenne entreprise et la petite entreprise pour arriver à un prix minimum auquel le pain devrait se vendre ou seulement se fier à l'once?

M. BRODEUR: La question de M. Tétrault est très pertinente.

On cherche toujours à me faire parler de chiffres et je lui ai dit que je ne voulais pas en mentionner mais, à tout événement, je pourrais lui répondre en théorie que le fait de vouloir établir un prix à l'once sans regard à la pesanteur ne vaut rien. J'ai dit que je ne citerais pas de chiffres, donc, je n'en prends pas comme exemple, mais tant l'once ne peut pas s'appliquer à un pain qui. pèse 16, 20, 24, 32 onces, peu importe la pesanteur. Il faut donc que le prix soit en regard de la pesanteur du pain consommé.

M. TETRAULT: Donc, la pesanteur du pain ne peut pas affecter le prix minimal.

M. BRODEUR: Oui.

M. DEMERS: C'est la catégorie, ça.

M. BRODEUR: La catégorie, il faut qu'elle soit en relation avec la pesanteur du pain fabriqué et non pas "at large', en général, à un prix de tant l'once, peu importe la pesanteur.

M. TETRAULT: II faudrait que ce soit un prix variant progressivement avec la grosseur du pain.

M. BRODEUR: C'est ça.

M. TETRAULT: En produisant un pain de 24 onces, on pourrait peut-être arriver au même prix qu'un pain de 20 onces ou un peu, et un pain de seize onces est encore moins dispendieux.

M. BRODEUR: II devrait y avoir une différence pour chaque écart de pesanteur.

M. JORON: J'aurais deux brèves questions à poser à M. Brodeur, pour essayer de mesurer les effets de cette loi, si on l'appliquait telle quelle. Je comprends que votre problème, c'est que le

pourcentage entre le pain vendu directement par les boulangers et celui vendu sous marque privée est à votre désavantage à l'heure actuelle, parce que le pain vendu sous marque privée évidemment se vend à bien meilleur marché.

Quel est le pourcentage de pain vendu sous marque privée au Québec par rapport à celui qui est vendu normalement? D'autre part, dans certains arguments, on a évoqué, si on ne faisait pas ça, le danger éventuel d'un monopole et tout ça. Je suis bien d'accord que cela pourrait entraîner par la suite des hausses de prix dans les années à venir pour le consommateur. Je pense qu'à ce moment-là, ce serait le devoir du gouvernement d'intervenir. Il y a des lois sans doute contre les monopoles et les cartels. Mais, indépendamment de ça, pour essayer de mesurer la portée de cet argument et pour savoir si on est proche ou non d'une situation de monopole au Québec, je vous demanderais quel pourcentage approximatif du marché a le plus gros producteur de pain au Québec. Sommes-nous près déjà d'une situation de monopole ou encore loin?

M. BRODEUR: M. le Président, je pensais pouvoir passer à travers la période de questions sans avoir de traquenards mais je pense qu'on vient de m'en poser un. M. Joron, pour répondre à votre question sur le pourcentage de pain vendu sous marque privée, je vous dirais que l'étude la plus concrète et la plus récente qui donnerait cette réponse est le volume du rapport Tessier qui en a fait l'analyse.

M. JORON: En gros, je ne veux pas vous engager à me dire si c'est 21.7 p.c, mais c'est pour mesurer l'ordre de grandeur qui nous confronte à l'heure actuelle. Est-ce du trois pour un, du deux pour un ou si la majeure partie du pain est vendue sous marque privée ou quoi?

M. BRODEUR: Afin de ne pas vous donner une fausse réponse, je vous demanderais de m'en abstenir.

M. JORON: Je ne sais pas si quelqu'un peut me fournir la réponse ici, mais c'est essentiel à la portée de tout notre débat, parce que si c'est 90 p.c. et 10 p.c, on parle pour rien. Cela n'aura pas nécessairement d'effet, un prix minimal n'apporterait pas grand-chose aux boulangeries.

M. BRODEUR: M. le Président, je peux répondre à M. Joron.

M. JORON: Approximativement.

M. BRODEUR: Je viens d'avoir une approximation de 35 p.c.

M. JORON: A peu près le tiers du pain serait vendu sous marque privée au Québec à l'heure actuelle.

M. BRODEUR: C'est ça.

M. JORON: Et, deuxième question, l'association doit connaître à peu près, j'imagine, le chiffre d'affaires, est-ce que l'on est proche ou non d'une situation de monopole?

M. BRODEUR: Dans votre deuxième question, M. Joron, vous demandez le pourcentage de pain fabriqué par la plus grosse boulangerie en relation avec la production de la province, ce serait assez difficile de vous donner le pourcentage de pain que le plus gros boulanger fabrique en relation avec la totalité du pain vendu au Québec.

M. JORON: C'est peut-être difficile de le dire précisément, mais est-ce que vous pouvez me le dire approximativement? Par exemple, on sait que, dans l'automobile aux Etats-Unis, General Motors a à peu près la moitié du marché, sans être précis.

M. BRODEUR: Mon confrère boulanger vient de me dire entre 8 p.c. et 10 p.c...

M. JORON: ... 8 p.c. et 10 p.c...

M. BRODEUR: ... de pain fabriqué par un seul et même boulanger.

M. JORON: Alors, on est encore loin d'une situation de monopole. Donc, le plus...

M. SAINT-PIERRE: J'ai peut-être des renseignements confidentiels, sans nommer les noms des compagnies.

La plus grosse fabrique 10.3 p.c. de tout le pain blanc vendu et, pour vous donner approximativement une idée, il faut dire que les quatre plus grosses fabriqueraient, à elles seules, à peu près le quart du pain du Québec, 26.4 p.c.

M. TETRAULT: M. le Président, encore avec les chiffres du ministre, n'y aurait-il pas danger ou n'y a-t-il pas un signe ou une tendance... Si l'on prend les chiffres que vous avez donnés, le nombre de boulangeries au Canada, spécifiquement au Québec, en 1961, est de 905; en 1970, on en a 553. Il y a donc un total de 352 boulangeries qui sont disparues dans le Québec. Est-ce que la tendance ne s'en va pas à la grosse boulangerie? Il ne faudrait pas mettre de l'onguent sur une jambe de bois pour prévenir le monopole qui s'en vient avec les chiffres qui nous sont donnés. Est-ce que le ministre peut me répondre? Ou une association de compagnies pour faire un monopole? N'y a-t-il pas danger qu'on s'en aille vers cet objectif ou ce but?

M. SAINT-PIERRE: C'est difficile de le dire parce qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Je pense quand même que, si on est capable, dans les prochaines années, de faire des fusions d'entreprises qui

vont nous permettre de diminuer les plus petits, après, on pourrait avoir une dispersion intéressante et il n'y aurait pas de monopole. Le danger, c'est qu'avant que les fusions puissent porter bénéfice, les petits tombent dans la tendance qu'on a remarquée au cours des dix dernières années. Dans ce sens, on peut peut-être envisager aussi que la loi s'applique pour une période de temps qui nous permette, sur le plan de la fusion, de rétablir des entités viables et, après, peut-être qu'elle deviendrait moins nécessaire.

M. JORON: Me permettez-vous une question supplémentaire? Est-ce que la baisse des chiffres de 900, environ, à 500, environ, reflète des compagnies qui ne sont plus sur la liste parce qu'elles ont fait faillite ou si elle englobe également certaines qui ont pu être fusionnées?

M. SAINT-PIERRE: Jusqu'ici, il y a eu très peu de fusions. La baisse provient surtout des compagnies qui ont disparu, qui ont fait faillite, qui ont fermé leurs portes. Les fusions sont quand même un phénomène assez récent. Les groupes Gailuron, ce n'est pas un projet de fusion. Dans le moment, il y a plusieurs projets intéressants de fusion. La question qu'on se pose: Est-ce que, si le prix minimal n'est pas appliqué finalement, tout cela va-t-il s'écrouler?

M. TETRAULT: Est-ce que le ministre pourrait nous dire, dans l'enquête Tessier qui a été faite, si ces données ont pu être ramassées et analysées? Les petites boulangeries qui ont fait faillite, est-ce encore à cause d'une mauvaise administration? Un gars qui fait $10,000 par année et qui en dépense $25,000 était appelé à faire faillite. Ou si c'est encore une concurrence qui était trop forte avec la grosse entreprise ou le "loss leader" qui le met dans une position qu'il ne puisse plus survivre?

M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est le même phénomène que pour le petit épicier par rapport à la grande chaîne de magasins dans un secteur un peu analogue, mais c'est la même différence. Il y a sûrement des facteurs de mauvaise administration, de mauvaise expérience. Il y a aussi un facteur d'économie d'échelle qui était possible chez les grands fabricants, qui n'était plus possible chez eux. Je pense que, dans le rapport Tessier, on fixait à 50,000 pains par semaine le point de rentabilité, dans le contexte 73, d'une boulangerie. Il est certain que, si l'on recule de 20 ans, peut-être qu'une boulangerie de 10,000 pains était très rentable. Dans le contexte des économies d'échelle, M. Tessier le fixe à 50,000. Je pense, dans le rapport de Steinberg, qu'on parle de 25,000. Dans un sens, on peut donc dire qu'avec la meilleure administration au monde, ceux qui actuellement ont moins de 25,000 pains — il y en a plusieurs au Québec — doivent envisager la fusion ou doivent envisager de disparaître.

M. JORON: C'est comme à SOMA, ça prenait 50,000 par année.

M. SAINT-PIERRE: Non, 15,000...

M. DEMERS: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je voudrais savoir si, dans l'industrie laitière, dans l'industrie de la vente du lait, la diminution des gens qui sont dans la distribution est plus rapide que celle dans la distribution du pain? C'est parce que je voudrais qu'on fasse une analogie entre un endroit où, actuellement, les prix sont contrôlés, peut-être pas de la même façon qu'on veut les contrôler ici, avec un autre domaine où les prix ne sont pas contrôlés. Est-ce que le ministre a des chiffres là-dessus? D'après ce que nous aurions trouvé, il y aurait plus de diminution.

M. SAINT-PIERRE: Ma réponse serait un peu partisane par rapport à ce que vous demandez. Je me rappelle que, dans mon comté, en 1970, tous les gens dans l'industrie du lait étaient bien mécontents. Aujourd'hui, je n'entends plus parler de quoi que ce soit, donc, je ne sais si cela veut dire que c'est bien.

M. DEMERS: Cela est excessivement partisan, mais vous ne répondez pas à ma question.

M. SAINT-PIERRE: ... je n'ai pas les chiffres.

M. DEMERS: Vous parlez des producteurs de lait; moi, je parle des distributeurs de lait, ceux qui en vendent et ceux qui le manipulent. Je pense que ce serait bon peut-être que le ministre demande à ses recherchistes de mettre le doigt là-dessus. Actuellement, d'après les données que nous avons, il y a une diminution évidente du nombre des vendeurs de lait, des distributeurs de lait et le prix est contrôlé. Si c'est l'intention du gouvernement de garder le même nombre de ces gens et de protéger les gens contre...

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais j'ai dit dans mes remarques, au départ, que ce n'est pas l'intention du gouvernement de sauvegarder les 200...

M. DEMERS: Non, non.

M. SAINT-PIERRE: ... les 340 qui existent dans le moment. La seule chose qu'on se dit c'est: Est-ce que le prix minimal de la loi proposée n'est pas un paratonnerre nécessaire pour nous permettre, avec les boulangers, de faire les fusions? Si on n'a pas ce parapluie, on risque de ne plus avoir personne à fusionner.

M. DEMERS: II n'y aura plus rien à fusionner dans le temps.

M. SAINT-PIERRE: Mais on conçoit avec

vous que, dans cinq ans ou dans dix ans d'ici, je pense que les boulangeries le souhaitent, on puisse retrouver — j'hésite à donner des chiffres — peut-être 60 groupes importants au Québec, ou peut-être moins que cela, qui vont être dans le commerce de la boulangerie. Ce qu'on redoute, c'est que s'il n'y a pas ce paratonnerre d'un prix minimal pour permettre à l'opération fusion de bien s'engager, on va se retrouver avec cinq ou six qui vont absorber le marché.

M. DEMERS: Quand vous aurez sauvé tous ces gens, vous enlèverez probablement — ou vous ne serez plus là — le prix minimal.

M. SAINT-PIERRE: Je vais être là.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors d'autres questions à M. Brodeur?

M. SAINT-PIERRE: C'est vous qui avez été un "loss leader" en 1970.

M. DEMERS: Mais je vous dis que les gens ont acheté encore du pain de qualité moindre.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: M. Brodeur...

M. DEMERS: Une vente de juif. 100,000...

M. JORON: ... 100,000...

M. SAINT-PIERRE: D'après les derniers sondages, la clientèle...

UNE VOIX: Avec Dupuis, on y va. M. TETRAULT: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. DEMERS: Vous, vous partez.

M. TETRAULT: M. le Président, l'Institut de protection et d'information du consommateur, dans un article du Devoir, dit que le gouvernement devrait fixer ou geler les prix à un cent l'once et que le pain blanc — est-ce que je peux citer l'article? "A un prix inférieur à un cent l'once, le gouvernement devrait également interdire la mention du prix dans toute annonce de pain. L'institut appuie la recommandation voulant que le gouvernement confie à un expert la tâche de fabriquer un modèle mathématique qui permettra d'établir le prix de vente normal au détail et au gros du pain fabriqué et distribué d'une façon économique". Est-ce que votre association appuie cette demande de l'IPIC?

M. BRODEUR: M. le Président, je crois que le député d'Abitibi-Est a dû ramasser un journal qui le renseigne très bien, mais peut-être pas sur des faits récents. J'aimerais savoir si toutefois...

M. TETRAULT: Le 11 juillet 1972.

M. BRODEUR: II faudrait se rapporter au temps où le rapport Tessier a été connu à des chiffres qui ont été établis durant l'année 1972, et nous sommes rendus en 1973. Pour votre information, à l'époque, nous appuyions les recommandations du rapport et aujourd'hui, je ferais une contre-partie, l'IPIC endosse le projet de loi pour la sauvegarde des intérêts du consommateur.

M. TETRAULT: Donc, comme l'IPIC, vous approuvez qu'il n'y ait aucune mention de prix dans toute annonce de pain, vous êtes d'accord sur ça et que le gouvernement confie à un expert de fabriquer un modèle mathématique qui permettra d'établir le prix de vente normale au détail et au gros?

M. BRODEUR: M. le Président, le député d'Abitibi-Est dit la vérité s'il n'y a plus moyen de faire de "loss leader" à quoi vous servira de dépenser de l'argent pour annoncer votre produit? Il se vendra logiquement, normalement et vous ne pourrez avoir aucun retour pour l'argent investi dans votre publicité.

LE PRESIDENT (M.Brisson): D'autres questions?

M. RUSSELL: M. le Président, j'aimerais poser quelques questions à M. Brodeur. Est-ce que M. Brodeur pourrait informer la commission de la raison qui motiverait le gouvernement de fixer le prix du pain? On tente actuellement par cette loi de fixer la façon de faire la mise en marché du pain, le marketing comme on dit souvent en anglais, plutôt que de protéger le consommateur.

Le principe est de protéger le producteur. Pourquoi fixerait-on le prix du pain plutôt que de fixer le prix d'autres produits qui servent, comme le pain, de "loss leader"? On sait qu'il y en a plusieurs, dans toutes les catégories ou tous les magasins. Une journée, on se sert du pain, le lendemain, on se sert des tomates. Une autre journée, on se sert d'autre chose. Pourquoi le pain plus que les autres produits? On pourrait alors commencer à comprendre un peu la raison qui nous justifierait de passer une loi comme celle-là lorsqu'on aurait établi la raison particulière pour laquelle on fixerait le prix du pain dans les magasins, ou pour le fixer simplement dans l'industrie. Est-ce que M. Brodeur peut répondre à cette question?

M. BRODEUR: M. le Président, je réponds à M. Russell. Premièrement, qu'il me soit permis de le référer à l'étude de l'industrie de la boulangerie faite par le père Bouvier en 1968; elle a montré les tendances du commerce et de

l'industrie de la boulangerie, ses horizons sombres, ce dont elle avait besoin. Pour compléter, je le référerais au rapport Tessier; il fournit, preuves à l'appui, le pourcentage non seulement d'industries qui disparaissent, mais le pourcentage également de ventes du même produit qui est fait, soit au détail, chez l'épicier ordinaire ou dans les centres commerciaux les supermarchés. Pour ce qui est de fixer le prix, si on en venait à le fixer seulement chez le boulanger, ce serait faire fausse route, car ce serait enlever la libre concurrence et le gouvernement, comme les boulangers, pourrait alors être accusé par le consommateur. Tandis qu'en voulant planifier ou demander un prix minimal auquel le détaillant pourrait vendre son pain, vous rejoignez non plus seulement deux paliers mais trois. Premièrement, vous rejoignez le consommateur pour sa protection immédiate et, à long terme, vous rejoignez la sauvegarde de l'épicier du coin ou de l'épicier associé comparativement aux gros achats ou aux grosses ventes que les supermarchés peuvent faire. Par la suite, vous protégez les quelque 10,000 travailleurs de l'industrie de la boulangerie qui sont non seulement des fabricants, mais des vendeurs, des gens qui ont investi des capitaux et qui ont droit de retirer un profit raisonnable pour rester en affaires.

M. RUSSELL: M. le Président, pour répondre à M. Brodeur, comme il m'en a fait l'invitation, je vais lui dire que, malgré que nous ayons beaucoup de lecture à faire, j'ai dû me pencher sur ces rapports dont il parle, pour me rendre compte du peu de conviction qu'il existait à l'intérieur de ça. Je me base sur ces rapports et je dis que leur principe tentait de démontrer la protection du manufacturier du pain. Un boulanger devient un manufacturier.

Si je me base là-dessus, je pourrais dire qu'on devrait faire la même chose pour toutes les industries du Québec, parce qu'elles sont toutes dans la même situation. Je prends les industries du plastique, si vous voulez. Elles sont à la merci de deux grandes compagnies dans le Québec et je pourrais les passer l'une après l'autre. Je pourrais en prendre d'autres pour exemple.

Si je veux m'en tenir à la production, si on veut fixer le prix à la production, on doit d'abord, comme l'a dit tout à l'heure le député de Beauharnois, prendre le manufacturier qui va produire un pain le plus économique possible. Si on prend ça, ne serait-il pas vrai que, parmi les autres boulangeries, les 130 ou 160 qui restent, il y en a peut-être 70 à 100 qui vont quand même faire faillite?

Si on applique cette mesure, si on fixe un prix un peu plus élevé pour protéger le manufacturier, est-ce qu'on n'a pas là l'invitation à la fusion, comme l'a indiqué le ministre tout à l'heure? Est-ce qu'on ne fait pas le même jeu de la concurrence? Est-ce qu'on n'élimine pas automatiquement le nombre d'emplois auquel M. Brodeur vient de se référer?

Si on permet la fusion des industries, on se ramène à une ou quelques industries et le nombre d'employés va tomber de la même façon. Donc, encore là, je ne vois pas pourquoi on tâcherait de fixer le prix du pain pour permettre, comme on l'a fait dans le cas du prix du lait, une fusion plus rapide qu'elle se fait actuellement. C'est ce qui est arrivé dans le cas du lait, c'est ce qui va arriver dans le cas du pain. Nous sommes conscients de ça.

Le gouvernement l'est également, le ministre aussi, sachant que si nous fixons le prix du pain, la fusion se fera plus rapidement. On élimine complètement la protection de la part de celui que nous devons protéger, soit le consommateur. Car, c'est toujours lui qui ne semble pas avoir la capacité de se défendre. Parce qu'il est obligé de payer le prix qui existe sur le marché, il devra sinon acheter sa farine et faire son propre pain. C'est la différence, le choix qu'il a.

Plutôt que demander au gouvernement d'établir des normes, de l'aide pour permettre aux industries qui peuvent être rentables, de les rendre plus rentables et de pouvoir produire d'une façon équitable et égale au même prix que les autres produisent, ou les grosses boulangeries de l'entreprise privée vont produire — et cela fait peur — ou du géant dont vous parliez tout à l'heure — que cela soit Steinberg ou un autre, ce sont des géants — mais si c'est vrai pour le pain, c'est vrai pour tous les autres produits.

Est-ce qu'on ne voit pas cela pour la tomate? On va prendre des tomates en conserve qui sont vendues meilleur marché que bien d'autres dans ces grands magasins. Qu'est-ce qu'il arrive? On peut avoir un peu moins de tomate, un peu plus de jus. La boîte est un peu plus petite et on la vend meilleur marché. Est-ce que le consommateur n'est pas censé être conscient de cela? Est-ce que ce n'est pas la même chose pour la botte de caoutchouc? Si vous achetez une botte qui vient du Japon, est-elle de la même qualité que celle que vous allez acheter, celle qui est fabriquée à Granby, chez Miner? Ce sont des choses auxquelles nous aurions intérêt à rendre les gens plus conscients plutôt que d'essayer de voter des lois qui sont simplement des paliers protecteurs pour certains individus ou certaines industries. C'est malheureux. Mais je pense que nous devons réellement l'analyser profondément, et nous rendre compte exactement où nous nous dirigeons lorsque le gouvernement veut commencer à légiférer dans ce domaine. Je pense que c'est un principe très dangereux et, si nous n'avons pas d'autres raisons que celle qui nous a été fournie jusqu'à maintenant par les associations, je me demande si nous sommes justifiés d'agir selon les rapports que nous avons actuellement.

C'est la raison pour laquelle, M. Brodeur, je vous invite, vous qui n'êtes pas boulanger mais qui êtes certainement conscient, à titre de représentant, de tous les problèmes qui existent dans l'industrie, vous êtes certainement conscient des raisons qui motivent votre demande

ou votre appui à ce projet de loi, et peut-être des raisons que nous ne connaissons pas, à faire une étude afin de nous fournir d'autres arguments que ceux que nous avons actuellement.

M. SAINT-PIERRE: M. le député de Shefford, n'y a-t-il pas un point qui n'avait pas été soulevé et que vous semblez mésestimer lorsque vous faites des comparaisons avec d'autres produits? C'est le fait qu'ici le prix du pain, finalement, a deux composantes. Une composante de production et une composante de distribution. Il me semble que là où le pain est différent de toutes les autres choses que vous avez mentionnées, c'est que les boulangers assument les deux composantes, production et distribution, et ils doivent faire face, au niveau de la distribution, à des gens qui ont d'autres produits pour corriger les pertes qu'ils subissent dans le pain alors qu'eux n'ont pas d'autres produits. C'est-à-dire que si ceux qui vendent du pain à rabais étaient dans la même situation qu'eux, je pense qu'il n'y aurait pas de problème. On dirait: Ecoutez. Temporairement, il y a des gens qui peuvent accepter, comme vous dites, pour le plastique ou le caoutchouc ou autres... Mais eux, leur concurrence vient de gens qui vendent d'autres produits.

M. RUSSELL: Je pense que le ministre vient de soulever au point important et c'est une raison qui n'a pas été soulevée tout à l'heure et qui serait peut-être valable. La commission devrait se pencher sur cette raison et examiner si elle est valable. D'abord, on veut parler de Steinberg ou de Dominion qui font la livraison. Je suis convaincu qu'ils ne feront pas la livraison s'ils vendent du pain à deux pour $0.18, si la ménagère appelle et demande deux pains à $0.18. Ils ne feront pas de livraison.

Donc, on fait la comparaison entre le boulanger qui fait la livraison à domicile et celui qui vend avec un "loss leader" comme Dominion. Est-ce que c'est le même service? Est-ce que la personne qui achète du pain de celui qui passe de porte en porte ne paie pas pour un service additionnel? Est-ce qu'elle n'est pas consciente de cela? Si la ménagère préfère aller faire ses achats et acheter au magasin, qu'elle soit libre de le faire. Pour ces gens-là qui passent de porte en porte, est-ce que ce n'est pas appelé à disparaître graduellement?

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous ne trouvez pas que, lorsque c'est deux pour $0.18, l'écart est trop grand? Eux, avec un service additionnel, ne peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas cette possibilité qu'ont Steinberg, Dominion et surtout les autres chaînes Métro de subir des pertes dans la vente du pain. Tantôt, s'il y en a qui témoignent, on pourra dire qu'à $0.09 le pain de 24 onces, on subit des pertes. Mais eux, peuvent se le permettre. Ils ont le choix de faire des pertes parce qu'ils vont faire des profits avec la ménagère dans l'achat d'au- tres aliments, alors que les boulangers n'ont pas ce choix-là.

M. RUSSELL: Alors, M. le Président, on pourrait peut-être analyser si on veut réellement protéger celui qui fait du porte-à-porte, plutôt que protéger le boulanger. Est-ce que c'est lui qu'on veut protéger?

M. CADIEUX: Un de ceux...

M. SAINT-PIERRE: Souvent, c'est dans le même réseau.

M. DEMERS: II y a seulement 17 p.c. du pain qui est livré de porte en porte.

M. RUSSELL: J'allais poser des questions là-dessus. Est-ce que cela a diminué et à quel rythme? Est-ce que cela a diminué depuis quatre ou cinq ans? Est-ce que c'est appelé à se maintenir? Est-ce qu'on veut le maintenir? Est-ce qu'on a des raisons de le maintenir? Qu'est-ce qui arrive ailleurs?

M. DEMERS: En Ontario, il n'y a actuellement que 3 p.c. qui sont distribués de porte en porte. Graduellement, je pense qu'on s'en va vers l'achat du pain...

M. SAINT-PIERRE: Là, vous prouvez, je pense, la thèse que nous avons avancée. Si nous nous en allons graduellement vers l'Ontario et la Colombie-Britannique...

M. RUSSELL: On ne s'en va vers personne. Est-ce qu'on s'en va vers l'élimination ou est-ce qu'on veut réellement le protéger? C'est là le point.

M. SAINT-PIERRE: Notre point, c'est que...

M. RUSSELL: Parce que les boulangers prétendent que le gouvernement doit prendre les dispositions pour protéger celui qui fait la distribution de porte en porte.

M. SAINT-PIERRE: On pourrait poser la question à d'autres après. Nous avons l'impression que, s'il n'y a rien de fait, nous allons nous retrouver dans cinq ans, au niveau du prix au consommateur, avec la même situation que celle qui prévaut dans les autres provinces canadiennes et dans les autres Etats américains. Lorsque vous regardez les statistiques... Celui qui a fait un voyage le voit. J'étais à Miami, il y a quelque temps, et la grande vente là-bas, c'est d'offrir du pain à $0.39 pour 20 onces. C'est une grande vente, c'est un "loss leader" à $0.39. Pourquoi? Parce qu'eux nous ont devancés dans cela. Il y a eu le phénomène d'éliminer la petite boulangerie et, après, peut-être une trop grande concentration.

M. RUSSELL: Ce sont des arguments qui

sont valables, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui va empêcher une autre boulangerie de repartir lorsque le pain se vendra $0.39? Qu'il le vende à $0.29.

M. SAINT-PIERRE: Une fois qu'ils seront éliminés, il n'y a personne qui va recommencer, parce que le produit a changé.

M. DEMERS: M. le Président, avant que M. Brodeur ne nous quitte, est-ce que le groupe qu'il représente a envisagé, au lieu de fixer un prix minimal, de demander au législateur d'interdire la vente en bas du prix coûtant?

M. BRODEUR: M. le Président, pour répondre au Dr Demers, en fixant un prix minimal, vous interdisez la vente à perte, de vendre en bas du prix coûtant, et...

M. SAINT-PIERRE: Si, dans la loi, nous avions simplement une disposition qui disait: C'est interdit à un détaillant de vendre en bas du prix coûtant.

M. BRODEUR: Ce serait une attitude trop élastique. Il faudrait établir pour chacun son prix coûtant.

M. DEMERS: Oui. Il y aurait les grands magasins à succursales dont le prix coûtant...

M. BRODEUR: ... peut varier d'un magasin à l'autre. Ce ne serait pas quelque chose de stable sur lequel on pourrait tabler.

M. DEMERS: A votre sens, on est mieux de se limiter au coût de l'once, par catégorie de poids.

M. BRODEUR: C'est ça.

M. RUSSELL: Cela veut varier de poids non pas nécessairement d'un magasin à l'autre, mais d'une industrie à l'autre.

M. BRODEUR: Les deux, parce que le prix coûtant d'un magasin n'est pas nécessairement le même.

M. RUSSELL: C'est la prix d'achat du magasin, c'est son prix coûtant. Tandis que le manufacturier, son prix coûtant devient composé par son coût de production: la main-d'oeuvre, la matière première et le coût d'exploitation à charge fixe, ainsi de suite. Ce coût peut varier, c'est là qu'on peut établir un prix coûtant. Mais le magasin, son prix coûtant est facile, c'est le prix qu'il a payé. C'est ce qui est son prix coûtant.

M. BRODEUR: Pour répondre à M. Russell, le prix coûtant chez le fabricant varie aussi largement qu'il peut varier chez le magasin, parce que lorsque vous établissez un prix coûtant chez le marchand, il ne va pas simplement avec la facture qu'il peut vous montrer. Il y a des charges additionnelles qui varient d'un établissement à l'autre.

M. RUSSELL: II faudrait connaître la ristourne qui se donne pas en dessous.

M. BRODEUR: Très bon principe.

M.CADIEUX: Je pense que l'application... Vous en avez parlé au tout début de vos remarques tantôt, il faut tout de même fixer quelque chose parce qu'il faut penser à l'application de la loi. Si on arrivait seulement à dire: On ne veut pas que ce soit vendu en bas du prix coûtant, sans qu'il y ait de fixation de prix, qui va faire la cause? Qui va se charger de dire: Lui a vendu en bas du prix coûtant? Qui va aller faire l'enquête chez le manufacturier? La loi ne serait pas applicable. Si on en vient à dire: On va prendre le plus gros fabricant, on va aller â son prix minimal, c'est sûr que le petit ne pourra pas fabriquer le pain à ce même prix, mais l'écart va être joliment diminué. S'il donne le service dont vous avez parlé tantôt, les gens, le consommateur va dire: D'accord, je paye $0.03 ou $0.04 de plus que le prix minimal fixé, il peut me le vendre à ce prix, mais il vient le livrer chez nous où il est à ma disposition quotidiennement. En fin de semaine, cela n'empêchera pas le consommateur d'aller payer quelques sous meilleur marché dans un grand centre commercial. Mais, le pain, on l'achète tous les jours quand même.

M. RUSSELL: M. le Président, une information qui pourrait être intéressante à la commission, est-ce que le ministre ou peut-être M. Brodeur pourrait me donner le nombre d'industries actuelles qui fabriquent plus de 50,000 pains par jour?

M. SAINT-PIERRE: Elles sont toutes en détail dans le rapport Tessier mais je peux vous les trouver, si vous voulez. Il y a peut-être une trentaine de boulangeries qui ont plus que 30,000. Il y en a plusieurs qui sont entre 40,000 et 50,000.

M. RUSSELL : Donc, si on se base sur le chiffre de 50,000 pour être un chiffre de rentabilité pour un manufacturier de pain, cela veut dire qu'on en aurait une trentaine ou une quarantaine qui seraient rentables dans la province. Si on fixait le prix de la façon indiquée par le député de Beauharnois, qui est un principe simplement, non un dogme, cela veut dire que le reste serait tôt ou tard appelé à disparaître ou à se fusionner. On atteindrait exactement le même principe que j'exposais tout à l'heure. On fixe un prix pour accélérer la fusion et on va détruire l'argument qu'utilisait M. Brodeur tout à l'heure pour protéger les ouvriers qui travaillent dans les boulangeries

parce qu'on va réduire automatiquement le nombre des ouvriers. Automatiquement, de la même façon que ça va se réduire actuellement. Que la boulangerie se fusionne ou qu'elle fasse faillite, elle ferme ses portes d'une façon ou de l'autre. Donc, l'ouvrier disparaît quand même.

M. CADIEUX: II y a plusieurs genres de fusion. Cela peut être une fusion seulement pour l'achat des produits qui vont entrer dans ce produit. Ce n'est pas nécessairement une vraie fusion, cela peut être des échanges de prix. On peut dire; Toi, tu vas t'occuper de l'emballage. un autre de l'achat.

Tout de même, j'avais étudié, à la demande du ministre, le rapport Tessier et celui du père Bouvier. Il a été prouvé, dans des régions où des boulangers se sont fusionnés pour l'achat de certains produits, pour la distribution, pour l'emballage, que leur profit a augmenté, et il n'y a pas eu de diminution de personnel. Il y a même eu augmentation dans certains cas parce qu'ils ont donné d'autres services.

M. RUSSELL: Une chose est certaine, lorsque va se faire la fusion, ce n'est pas la loi qui va établir la façon de faire la fusion. Je suis convaincu que la compagnie qui va fusionner d'autres compagnies va prendre les dispositions pour laisser subsister certaines bâtisses ou certaines industries qui lui permettront de produire et distribuer le plus économiquement possible. Mais le résultat de cette expérience dans d'autres domaines —et je pense bien que c'est la même chose pour le pain — est que cela devient la centralisation; la distribution se fait beaucoup plus économiquement par camion qu'en maintenant une industrie, une boulangerie. L'expérience passée nous assure simplement que de la fusion résultera une diminution de main-d'oeuvre.

M. DEMERS: Cela va faire tort aux 100,000 emplois.

M. RUSSELL: Cela n'aidera pas.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, messieurs, aucune autre question à M. Brodeur? Nous vous remercions infiniment...

M. RUSSELL : M. Brodeur pourrait répondre à celles que je lui ai posées, il y en avait une demi-douzaine.

LE PRESIDENT (M. Brisson): En somme, des questions ont été posées répétées; M. Brodeur a répondu qu'il ne voulait pas répondre à de telles questions.

M. BRODEUR: Pour dire comme on dit, je ne voudrais pas trébucher sur des paliers glissants, mais je peux certainement vous dire que certaines fusions créent de l'emploi tandis que d'autres en font disparaître. Même si elles ne devaient que protéger 50 p.c. des boulangers que vous dites appelés à disparaître, vous protégeriez par nationalisme au moins 50 p.c. des pionniers de l'industrie du pain au Québec.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous vous remercions infiniment, M. Brodeur. Maintenant, j'appellerais le représentant de l'Association des boulangers de Montréal, M. W.D. Harrisson, qui est son président ou son représentant. J'en profite pour signaler que le rapporteur de la commission sera M. Shanks, député de Saint-Henri.

M. CADIEUX: II n'y est pas. Il n'est pas revenu de "Appelez-moi Lise."

LE PRESIDENT (M. Brisson): Veuillez vous identifier, s'il vous plaît.

M. HARRISSON : M. Saint-Denis parlera pour l'Association des boulangers de Montréal.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Votre prénom, M. Saint-Denis.

M. SAINT-DENIS: Mathieu.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je regrette, les cloches sonnent, cela veut dire qu'on nous appelle pour un vote. Alors, nous devrons suspendre nos travaux à cet après-midi, à trois heures. La commission suspend ses travaux cet après-midi à trois heures.

(Suspension de la séance à trois heures)

Reprise de la séance 15 h 11

M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Nous avons quorum, je demanderais donc au représentant de l'Association des boulangers de Montréal de bien vouloir donner son exposé.

Association des boulangers de Montréal

M. SAINT-DENIS: M. le Président, je tiens d'abord à remercier tous les membres de la commission qui ont consacré de nombreuses heures à ce travail. Je tiens à signaler que nous vous avons fait parvenir nos recommandations en date du 2 février. Je suis ici pour répondre à vos questions.

M. LAVOIE (Wolfe): Votre nom, s'il vous plait?

M. SAINT-DENIS: Mon nom est Saint-Denis.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Votre prénom, s'il vous plait?

M. SAINT-DENIS: Mathieu.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Saint-Denis est donc prêt à répondre aux questions du ministre, des membres de l'Opposition ou des membres de la commission. Y a-t-il des questions?

M. SAINT-PIERRE: Je crois comprendre que vous appuyez le mémoire de l'Association professionnelle des boulangers du Québec et que vous approuvez le principe du projet de loi. Je note en particulier le haut de la page 2 où vous dites "Nous croyons que le seul moyen de conserver une industrie de la boulangerie viable au Québec est de légiférer sur un prix minimum".

M. SAINT-DENIS: Oui, exactement, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Pouvez-vous me donner les motifs qui vous portent à penser que c'est le seul moyen, enfin, que c'est un moyen important ou essentiel?

M. SAINT-DENIS: Je pourrais, M. le Président, à ce moment-ci, si vous me le permettez, vous signaler ce qui se passe pour le prix du pain, ici, au Québec, depuis les huit dernières années. Si on se réfère à 1965, le pain de 24 onces se détaillait $0.22; en 1966, le pain de 24 onces se détaillait $0.23; en 1967, on le retrouve à deux pains pour $0.43 ou $0.23; en 1968, on le voit pour une courte période de temps à $0.25 et en 1973 on le retrouve à $0.22 les 24 onces.

Nous notons que, dans des localités comme Valleyfield, on trouve du pain à $0.15, à Granby, à $0.14 à Shebrooke à $0.15 et dans la Beauce, à $0.18.

Je pense donc qu'un projet de loi s'impose afin de mettre un terme à ce que l'on voit, notamment depuis les dernières années.

M. SAINT-PIERRE: Votre association recrute quand même ses membres dans la région de Montréal parmi les plus grandes boulangeries indépendantes. Si je crois comprendre que, dans l'essentiel de l'appui et du mémoire de l'Association professionnelle des boulangers du Québec, la plus grande divergence peut paraître au niveau des dispositions du projet de loi en ce qui touche l'emballage du pain. Vous y différez d'opinion ou une partie de vos membres diffèrent d'opinion avec...

M. SAINT-DENIS: Justement. Dans l'ensemble, nous appuyons le projet. Il y a quelques irrégularités sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord.

M. SAINT-PIERRE: Ces points sont-ils surtout l'emballage et les questions de poids également, points qui sont mineurs mais qui peuvent être importants?

M. SAINT-DENIS: Oui, les questions de poids sont à notre sens primordiales. Nous avons recommandé, nous de l'association, deux pesanteurs, soit 12 onces et 20 onces.

M. SAINT-PIERRE: Seize et vingt onces.

M. SAINT-DENIS: Seize et vingt onces. Nous croyons que ces poids de 16 et 20 onces devraient être appuyées par une dimension maximale de moules ou de' contenants. On sait fort bien qu'au Québec, depuis nombre d'années, nombre de gens ont été dupés ou sont dupes de ces grandeurs ou de ces différents poids.

M. SAINT-PIERRE : Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y en a qui nous ont fait valoir la nécessité d'avoir quand même des pains de 32 onces, de 40 onces, de 48 onces dans le cas des hôpitaux, des familles nombreuses?

M. SAINT-DENIS: Nous avons des statistiques qui nous disent que 1 p.c. de la consommation du pain se retrouve au niveau de 48 onces.

M. DEMERS: Et dans les 40 onces? Le ministre de l'Education pourrait peut-être nous renseigner là-dessus, il a des magasins pour ça.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Etes-vous sûr que c'est une commission sérieuse?

M. DEMERS: On est convaincu de ça. On peut arroser de temps en temps, même le pain.

M. SAINT-PIERRE: Je pense, M. le Président, qu'on a eu quand même ce matin une bonne discussion. Quant à moi, je n'aurais pas d'autres questions à poser si ce n'est de noter — cela m'apparaît assez important quand même — qu'il y a vis-à-vis du principe même du projet de loi un témoignage qui nous vient finalement de l'ensemble des boulangers de la province de Québec à l'effet que le projet de loi dans le sens décrit ce matin s'avère nécessaire pour assurer la saine concurrence dans ce secteur. On pourrait regarder les articles un par un plus tard, dans l'étude du projet de loi, si on retient le principe qu'il y a lieu de donner suite à certaines des recommandations. Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: M. le Président, il y a un article qui m'a frappé, à la section II, article 6 de votre mémoire. On dit que les poids idéaux pour le pain blanc enveloppé et tranché sont 16 onces, 20 onces, comme l'a souligné le ministre tout à l'heure. Peut-être que vous allez me dire que j'ai tort, que je ne connais absolument rien dans le domaine de la boulangerie, mais la question de 16 et 20 onces, n'est-ce pas ce qu'on peut appeler "mass production", la production à la chaîne, où on peut arriver et faire une concurrence globale à travers la province à un coût inférieur pour justement pouvoir arriver à prendre un monopole ou un supposé monopole dans la petite boulangerie?

M. SAINT-DENIS: Le pain de 20 onces, on le retrouve dans tout le Québec et, nécessairement, les boulangeries de Montréal sont prêtes à se rallier à ce poids de 20 onces, même si nous sommes liés par une loi montréalaise qui veut qu'on vende douze et ses multiples. Nous verrions comme un grand bienfait une uniformité des poids. En dehors de Montréal, immédiatement en sortant des ponts, on y retrouve une variété de poids à l'infini.

M. TETRAULT: Justement, n'est-ce pas une des forces de la petite boulangerie qui vous oblige, pour les 16 et 20 onces, à aller en concurrence avec les 12, 24, 30 et tout? Est-ce que la petite boulangerie vous oblige de faire compétition sur ces poids? En les plaçant dans une position de 16 et 20 onces, on les met face à une compétition de "mass production". Elles ne peuvent pas y venir et, dans le moment, vous êtes un peu contrôlés par la fluctuation des onces quant à la concurrence.

M. SAINT-DENIS: M. Tétrault, vous-même, ce matin, avez soulevé le problème de l'effet aux consommateurs en ce qui a trait à un prix minimum du pain. L'effet aux consommateurs, je l'explique comme ceci. Si on voit les "loss leader" à différents endroits, nécessairement, ces grossistes qui se servent du pain comme "loss leader" se doivent de se rattraper sur autre chose.

Madame la consommatrice paie la note finale. L'effet aux consommateurs par un prix minimum, à mon sens, ne nuirait en rien au prix actuel du pain. Ce qu'on regarde ou ce qu'on recherche, c'est un prix minimum. Il n'y a pas un boulanger qui va pouvoir se tenir à ce prix minimum. Le mot le dit, c'est minimum, on partirait de là.

M. TETRAULT: Je suis d'accord sur ça. Je pourrais peut-être énoncer ma question d'une autre façon.

Vous arrivez aussi avec la longueur maximale permise dans des moules de neuf pouces et trois quarts pour le pain de seize onces. Ceci est extrêmement important et vous le soulignez. N'est-il pas vrai que, dans le domaine de la boulangerie, si vous avez un pain de telle grandeur — disons rempli d'air — un pain uniforme à travers la province, cela signifie qu'il a un goût uniforme à travers la province? Je vous pose la question. Ne me dites pas que je ne connais rien dans la boulangerie. Je ne connais rien dans la boulangerie. Mais est-ce qu'on n'arrive pas avec un goût uniforme? La même personne est restreinte à employer un moule de neuf pouces et trois quarts, qui est spécialement conçu pour la production à la chaîne, parce qu'on arrive avec quelque chose d'uniforme, que le goût peut être différent et qu'on soumet toute une population à un pain de même goût, ce qui signifie que le palais de l'un est identique au palais de l'autre.

M. SAINT-DENIS: Lorsque nous suggérons une longueur maximale, c'est, encore une fois, une longueur maximale... Plusieurs boulangers se tiendraient en-dedans de cette longueur maximale. Cela ne veut pas dire que toutes les boulangeries fabriqueraient le même pain.

M. TETRAULT: Oui, mais le goût du pain est différent. Il y a une différence de goût entre le pain soufflé et le pain massif.

M. SAINT-DENIS: Les pains soufflés, à notre sens, n'ont pas leur place sur le marché.

M. TETRAULT: Et qu'est-ce que font les gens qui aiment cela?

M. DEMERS: Les gens qui aiment des trous?

M. SAINT-DENIS: Nous ne sommes pas ici pour vendre des trous. Nous sommes ici pour vendre...

M. TETRAULT: Le fromage suisse a des trous et il est très populaire.

M. SAINT-DENIS: Ce n'est pas le fromage

du pauvre. On sait que le pain est l'aliment de tous les jours et qu'on le retrouve sur toutes les tables. Je ne pense pas qu'on ait avantage à vendre du pain avec des trous.

M. TETRAULT : Non. Pas nécessairement des trous, mais un pain soufflé. Ce qui m'inquiète est qu'on veut imposer — et c'est la seule conclusion à laquelle je peux en venir — une production à la chaîne. C'est la seule et unique chose que je peux voir dans cet article que vous ajoutez à l'article 1 d), c'est "mass production". Donc, on s'en va vers un poids uniforme, une longueur uniforme. Et, comme vous le savez, dans n'importe quel domaine qui produit, quand on est uniforme, on veut entrer dans "mass production", la production à la chaîne. Mais lorsqu'on varie, on ne peut plus. Lorsqu'on fait du pain dans une tôle ou dans une feuille de tuyau coupée en deux, il n'y a plus de "mass production". On tombe dans le domaine manuel. Il faut s'en aller dans ce dernier parce que la production à la chaîne ne peut pas le prendre.

Je me demande pourquoi vous me dites que c'est un pain uniforme, consacré à une population avec toutes sortes de goûts. Je me pose l'autre question. Est-ce qu'on ne veut pas arriver à la production à la chafne, massive?

Admettons comme argument que le prix minimal — nous ne prendrons pas de chiffre plus bas — hypothétiquement est $1 le pain, cela va lui coûter $0.99 pour le produire manuellement et vous, avec les recommandations que vous faites, le même pain va vous coûter $0.93 ou $0.95. Donc, vous pouvez le vendre $1, prix minimal avec la "mass production", la production à la chafne. Est-ce que ce n'est pas vers ce point que vous tentez d'aller?

M. SAINT-DENIS: Je pense que votre question est ambiguë. Je n'arrive pas à la comprendre exactement.

M. TETRAULT: Je peux me répéter si vous voulez.

M. SAINT-DENIS: Lorsqu'on parle de poids, M. le Président, et qu'on suggère 16 ou '20 onces, c'est en ayant à l'esprit la protection du consommateur. Nous avons des statistiques qui nous prouvent, si on parle des 20 onces, qu'on pourrait aller jusqu'à 80 p.c. de la consommation entière du pain au Québec.

M. TETRAULT: La consommation du pain au Québec est de 20 onces?

M. SAINT-DENIS: Non. La grande popularité présentement, M. le Président, c'est le pain de 20 onces.

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si cela peut aider, mais en bas de 15 onces, c'est environ 1 p.c; 15, 16 et 17 onces, c'est 20 p.c; un autre groupe 18, 20 et 21 onces, c'est 37 p.c, ce qui confirme un peu que c'est le format le plus populaire; 22, 24 et 26 onces, c'est 32 p.c; 28, 30 et 32 onces, c'est 9 p.c. et, plus de 32 onces, sur quatre ou cinq formats, 36, 40, 44, 48 tout ensemble c'est 1 p.c. Je pense que ce qu'on peut dire c'est que les formats de 16 onces, 20 onces et 24 onces que nous retrouvons dans le projet de loi, trois des cinq formats dans l'ancien projet de loi, ce sont pratiquement 90 p.c. du pain vendu au Québec dans le moment.

M. TETRAULT: A 32 p.c. dans le 24 onces. 22, 24 et 26 onces jouent un rôle assez important. L'autre à 37 p.c. et celui-là à 32 p.c.

M. SAINT-PIERRE : Ce que je veux dire c'est que dans le projet de loi, 15, 16 et 17 onces, nous savons d'après les explications qui nous ont été données que cela tourne autour de 16 onces et il y en a qui, pour épargner sur des coûts, donnent l'illusion que c'est 16 onces et c'est 15 onces; il y en a d'autres qui mettent 17 onces pour dire que c'est un meilleur prix. Ce que je veux dire, c'est que le pain pourrait se regrouper à 16 onces, 20 onces et 24 onces. Ces trois groupes représentent 90 p.c. des pains vendus au Québec.

M. TETRAULT: Je suis d'accord. C'est pour cela que je demande pourquoi on spécifie 16 onces et 20 onces; les formats de 32 et 24 onces sont exclus.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est quand même un point mineur, si je comprends bien, de votre mémoire.

M. TETRAULT: Le mémoire est assez bien expliqué par M. Brodeur qui couvre toute la gamme. Là je relève un article, peut-être que je devrais attendre pour le mentionner, M. le ministre.

M. SAINT-PIERRE: Non, non. Question additionnelle à celle qui est soulevée. D'après vous, vous dites que, s'il y a trop de poids, ça va augmenter les frais des moules et autre chose. Dans le projet de loi, nous avons cinq poids mentionnés. Si on devait en enlever un, est-ce que ce serait, d'après vous, le plus grand?

M. SAINT-DENIS: Dans notre recommandation, on suggère de retenir 16 et 20 onces mais on fait des spécifications.

M. SAINT-PIERRE: II me semble quand même que les boulangers du Québec, 16 et 20 onces, il y en a qui trouveraient que ça ne couvre pas assez. C'est beau l'uniformisation, mais... enfin, si d'après vous, on avait à en enlever un c'est la question.

M. SAINT-DENIS : Si on se réfère au rapport

Tessier, on y retrouve peut-être 14, 15 ou 16 différents poids au niveau du Québec. Je pense que c'est urgent que quelque chose soit fait dans ce sens.

M. TETRAULT: ... cinq poids.

M. SAINT-DENIS: Lorsque je reprends le bill 277, on y voit cinq poids, nous ne sommes pas d'accord sur le fait qu'il y ait cinq poids, nous, de l'association de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: II y en a seize dans le moment, vous ne trouvez pas que, si on passe de seize à cinq dans le secteur des poids et de l'emballage on aura accompli un grand progrès. Quant à moi, ça ne me fait rien, si tout le monde acceptait unanimement deux poids. Je pense que, du côté du consommateur, on ne peut pas avoir beaucoup d'objections. J'ai cru sentir que du côté des consommateurs et du côté de plusieurs boulangers, on n'acceptait pas qu'il y ait seulement deux poids. De la part des hôpitaux on a reçu des pressions pour avoir des formats... c'est pour ça que, dans le projet de loi, pour les hôpitaux et les institutions, on indique 48 onces.

M. SAINT-DENIS: Là-dessus, je dirai ceci. Actuellement, à Montréal, nous vendons du 24 onces depuis des années et des années. Nous nous rallions aux boulangeries du Québec pour éliminer ces 24 onces et rejoindre les 20 onces. Je pense que, dans d'autres secteurs de la province, les boulangers pourraient également se rallier. Lorsque je dis 24 onces, qui disparaî-traient à Montréal, je songe aux 32 onces qu'on retrouve à Québec, seulement à Québec.

M. SAINT-PIERRE: Ce point est conforme à la loi dans le moment. Est-ce que la loi, qui n'est pas respectée, ne disait pas 16 onces et 32 onces? Cela a été repris dans les règlements de la ville de Québec.

M. SAINT-DENIS: Cela a été repris dans les règlements de la ville de Québec et dans les règlements de la ville de Montréal, ce sont 12 onces et ses multiples. Actuellement, c'est tenu d'une façon très rigoureuse, on s'en tient au poids à Montréal: 12 et 24 onces.

M. DEMERS: Les multiples de douze.

M. JORON: M. le Président, je voudrais poser une question à la suite de ce que M. Saint-Denis disait tout à l'heure. Vous affirmiez que le fait que des chaînes vendent du pain meilleur marché que ce qui serait probablement un prix minimum, si on devait en fixer un, n'est pas nécessairement une économie globale pour le consommateur, il y a un trompe-l'oeil là-dedans en ce sens, que c'est peut-être vrai que le pain lui-même peut être à meilleur marché; par contre, la chaîne va sûrement se reprendre sur une autre sorte de produit, et que le panier d'épiceries globalement, n'est finalement pas meilleur marché. L'intérêt du consommateur n'est finalement pas protégé. J'ai bien tendance à croire que vous avez raison. Cependant, je me demande en quoi le fait de relever le prix du pain ou d'établir un prix minimal, c'est-à-dire d'empêcher la chaine de le vendre plus bas que X cents mais à un prix plus élevé que ce que vous appelez le "dumping" qui se fait actuellement, va nécessairement entraîner une baisse sur les autres produits de façon que le panier global ne coûte pas plus cher qu'aujourd'hui au consommateur.

Si, par ce biais, vous augmentez le prix du pain, je doute beaucoup que, pour autant, les chaînes se mettent à baisser le prix des conserves de petits pois. Mais alors, si elles le faisaient — je ne sais si vous pensez que j'ai raison— en d'autres mots, si elles changeaient le "loss leader", je vous demande ce que vous feriez si vous étiez à notre place. Dans l'année qui vient, on verrait apparaître en commission les producteurs de petits pois, de tomates, d'arachides, de papier de toilette. Je ne vais pas faire toute la liste mais pour combien d'articles différents dans une épicerie ne viendra-t-on pas finalement demander la même chose? Car personne ne va vouloir que son produit soit le "loss leader".

M. SAINT-PIERRE: Mais je m'excuse, le député me permet-il une question? C'est qu'il y a seulement dans le domaine du pain où la petite entreprise et la moyenne entreprise du Québec jouent â la fois leur rôle de production et de distribution. Les gens qui produisent des pois dans le moment, vendent 100 p.c. de leurs produits à des chaînes de magasins qui, là, peuvent perdre de l'argent. La règle de concurrence entre le producteur et le distributeur se maintient. Là où elle est faussée dans ce cas-ci, c'est que c'est le seul produit où la petite entreprise et la moyenne entreprise québécoise ont aussi traditionnellement un secteur de distribution et de vente. C'est leur seul produit. Elles ne peuvent pas faire une saine concurrence si la grande chaîne peut encourir des pertes sur le pain et compenser par des profits sur d'autres produits. Je pense donc que le principe ne s'appliquerait pas...

M. JORON: II y a sans doute une distinction, je l'admets. Enfin, sur la première partie de ma question, quelle garantie avons-nous que cela va nécessairement signifier une économie ou du moins que cela ne signifiera pas une hausse de prix dans le panier total d'épicerie pour le consommateur?

M. SAINT-DENIS: Quant au prix minimal, que les boulangers recherchent, on ne voit pas du tout, après l'avoir analysé, où cela pourrait, en quelque sorte, être dommageable au consommateur; au contraire, nous en arrivons à arrêter le "loss leader". On sait que le pain a joué ou

avait été une question de trafic dans les supermarchés depuis des années.

M. JORON: A ce sujet-là, est-ce que je peux vous demander depuis combien de temps cette pratique porte sur le pain dans les magasins à succursales?

M. SAINT-DENIS: Elle porte, M. le Président...

M. JORON: Spécifiquement sur le pain, depuis quand ont-ils commencé à faire cela en grande? On sait que cela marche pas mal ce temps-ci.

M. SAINT-DENIS: Cela pourrait remonter à de très nombreuses années. Cependant, on voit qu'au cours des dernières années et notamment au cours des deux dernières années, la situation s'envenime.

M. JORON: On pourrait peut-être demander aux gens de Steinberg depuis quand cette maison le fait, entre autres. Ils savent probablement depuis quand leurs compétiteurs le font aussi parce qu'ils s'alignent en conséquence. Je vais réserver cette question pour plus tard car je ne veux pas vous embarrasser inutilement.

M. CADIEUX: Le député disait tantôt que les producteurs de petits pois ou d'autres produits pourraient peut-être venir devant nous et nous exposer un problème similaire, mais je verrai difficilement un magasin à succursales, ou n'importe quel détaillant en épicerie, essayer d'attirer une clientèle en vendant des petits pois meilleur marché, tandis que le pain, cette denrée quotidienne...

M. JORON: C'est essentiel comme le papier de toilette.

M. CADIEUX: ...c'est le commerçant lui-même qui y perdrait et il ne pourrait pas vendre trop cher, faire une vente de petits pois et puis...

UNE VOIX: Est-ce qu'on ne le fait pas avec du poulet?

M. DEMERS: Une question de règlement, M. le Président. Est-ce qu'il y aurait possibilité qu'on demande à la présidence la parole. Ce n'est pas parce que je veux chicaner qui que se soit, mais il faut un peu d'ordre dans notre façon de procéder. Notre président est le meilleur gars du monde alors il ne viendra pas nous bâtonner si on ne respecte pas les règlements.

LE PRESIDENT (M. Brisson): On essaie d'être démocratique.

M. DEMERS: C'est bien. Y aurait-il moyen que le président reconnaisse l'opinant avant...

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Maurice m'a demandé la parole il y a quinze minutes.

M. DEMERS: Ce n'est pas pour cela que je vous dis cela. Je la cède au député de Beauharnois pour autant qu'elle me revienne tantôt.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Auriez-vous des questions?

M. DEMERS: J'aurais une ou deux questions à soumettre à M. Saint-Denis. J'admets que le principe est reconnu même de fixation d'un taux minimal, d'un tarif minimal. J'admets aussi, et vous l'admettrez avec moi, que vous n'avez pas répondu au ministre tantôt lorsqu'il vous a demandé, relativement à l'article 6, des cinq poids suggérés par la loi, lesquels vous voudriez voir disparaître. Je pense que le ministère, le gouvernement et le type qui fera la législation est embarrassé. Il y a eu des rencontres avec différentes personnes qui sont aux prises avec un grand nombre de moules et qui veulent tous écouler leurs moules avant de changer le poids du pain. Il y a peut-être cela aussi. On me dit qu'aux premières rencontres il y avait 14 ou 15 poids de suggérés et les gens ne voulaient pas en démordre. La loi les réduit à cinq, vous en suggérez trois. Dans les cinq proposés par la loi, quels sont les trois que vous garderiez de préférence afin que nous puissions nous faire une idée sur les poids?

Si je regarde la suggestion que vous nous faites, il n'est pas question de 24 onces, il est question de 32, on ne parle pas de 48 et il est question de 16. Pour l'information des gens qui auront à rédiger la loi, nous désirons avoir votre opinion de même que celle des autres après.

M. SAINT-DENIS: M. le Président, si les cinq poids ont été retenus et mis de l'avant, nous avons par contre dit ceci: Les 12, 16, 20, 32 et 48 onces, tel que stipulé dans votre bill demeurent, mais nous demandons que le pain de 12 onces soit rayé dans deux ans et que le pain de 32 onces soit rayé dans trois ans, afin de permettre aux boulangers de s'équiper.

M. DEMERS: Ou de liquider leurs moules.

M. SAINT-DENIS: Ou de liquider leurs moules, parce qu'on connaît la vie d'un moule.

M. DEMERS: La vie d'un moule, c'est quoi?

M. SAINT-DENIS: La vie d'un moule varie selon le nombre de fois qu'il va au four.

M. DEMERS: Cela dépend à part ça du nombre de fois qu'il va cuire.

M. SAINT-DENIS: Justement. Je ne suis pas technicien là-dessus, je ne pourrais pas vous dire exactement la vie d'un moule, mais d'après le nombre...

M. DEMERS: Pour permettre aux boulangers de s'équiper en conséquence, avoir ce qu'il faudra pour faire des pains selon les spécifications de la loi et trois ans dans l'autre cas, dans les 32 onces.

M. SAINT-DENIS: Absolument, c'est ce que nous avons dit, M. le Président, dans nos recommandations.

M. DEMERS: Mais vous n'avez pas dit lequel on gardait et lequel on enlevait, d'après les prévisions de la loi.

Vous dites 12, 16, 20 et 32 onces. La loi dit 16, 20, 24, 32, 48. Vous, ce serait pour avoir 12, 16, 20 et 32. C'est ça qui est votre opinion et, si le gouvernement veut s'astreindre à ce qu'il y a de prévu dans la loi, naturellement, 16 resterait, 20 resterait et 32 resterait. La loi inclurait en plus 24 et 48.

M. SAINT-DENIS: Nous l'avons dit, M. le Président, un peu plus tôt. Nous sommes prêts, à Montréal, à aller de 24 à 20 onces pour satisfaire la demande générale du Québec. On aimerait que d'autres régions également fassent des concessions.

M. DEMERS: Est-ce que vous êtes pour des poids uniformes dans toute la province, mais 32 onces seulement pour la région de Québec?

M. SAINT-DENIS: Notre suggestion, je l'ai dit tantôt, était de 16 et 20 onces. Ce sont les deux que nous retenons. Par contre, nous reconnaissons qu'on doit donner la chance aux boulangers de passer ou d'utiliser les moules qu'ils ont actuellement. C'est pourquoi nous suggérons ici une période ou un laps de temps pour y arriver.

M. DEMERS: Qui permettra aux gens de la région de Québec d'écouler leurs moules de 32 onces.

M. SAINT-DENIS: Absolument, M. le Président.

M. DEMERS: Je comprends. Et après ça, on reviendrait à une norme générale pour toute la province.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

Nous vous remercions infiniment, M. Mathieu Saint-Denis, et j'appellerais le représentant des Produits Gailuron Inc., M. Robert Larivière, qui serait le conseiller juridique.

M. JORON: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander aux autres associations qui vont témoigner, si elles le désirent, de répondre peut-être à des questions qui ont été posées à d'autres pour nous éviter de reformuler les mêmes questions à tous et chacun?

S'il y en a qui veulent apporter quelque chose de nouveau, qu'ils se sentent libres de le faire.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Quelques éclaircissements.

M. DEMERS: Et s'ils diffèrent d'opinion avec les énoncés qui ont été faits avant, ça nous permettra d'avoir l'opinion de ces gens-là.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord.

M. LARIVIERE (Robert): Robert Larivière, Produits Gailuron.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous pouvez y aller, M. Larivière.

Produits Gailuron

M. LARIVIERE (Robert): J'aurais aimé souligner quelque chose en commençant. Ce matin, vous avez entendu le secrétaire de l'Association des boulangers qui, comme il l'a dit lui-même, n'est pas un boulanger, mais il est au courant des nombreux problèmes que nous avons. Il ne peut quand même pas s'impliquer autant qu'un boulanger lui-même. Je le remercie de son exposé de ce matin. Vous aurez peut-être l'occasion de reposer certaines questions, que vous avez posées ce matin, à des boulangers travaillant dans des boulangeries de taille moyenne ou petite.

Le deuxième exposé que vous avez entendu provient, évidemment, des boulangeries que nous considérons comme passablement grosses. L'exposé que vous allez entendre, par la suite, est aussi celui d'une boulangerie assez importante. Le seul boulanger moyen qui va parler, c'est nous, parce que nous sommes des boulangeries moyennes qui formons le groupement Gailuron, parmi les industries qui sont visées par la loi pour les protéger. Je vous encourage à poser énormément de questions parce que nous aurions beaucoup à dire, mais nous ne savons pratiquement pas par où commencer, tellement il y en a.

M. SAINT-PIERRE: Pourriez-vous nous dire si vous êtes favorables au principe de la loi?

M. LARIVIERE (Robert): Nous sommes très favorables au principe de la loi.

M. DEMERS: Je pense que le ministre avait des doutes là-dessus. Les questions du ministre sont posées, ça en fait un qui est éliminé.

M. LARIVIERE (Robert): M. le Président, ce matin, il y a eu une chose qui a été mentionnée. Entre autres, il y a quelqu'un qui a demandé de présenter des arguments assez sérieux pour défendre le projet. Nous ne nous attendions pas, aujourd'hui, que le principe même du projet soit défendu. Nous nous

attendions plutôt que ce soient les articles à l'intérieur, le principe étant accepté.

J'aurais aimé vous passer le rapport que Produits Gailuron Inc. a soumis à M. Tessier lors de son enquête. Je ne sais pas si vous l'avez, mais il y a presque 75 pages dans le rapport; il y a plusieurs choses qui ont été dites là-dedans et qui résument notre position sur le principe de la loi.

J'aimerais résumer les deux principales recommandations que nous avons faites à la fin de notre rapport, qui étaient un prix minimal pour une période de temps seulement, parce que nous ne prévoyions pas que le prix minimal allait sauver l'industrie moyenne et petite. Mais il allait probablement l'aider à se transformer, ce dont on a un besoin urgent actuellement.

Pour nous, la protection du prix minimal s'aborde d'une façon plus temporaire qu'à long terme. Cela peut peut-être vous aider dans vos discussions, parce que je sais que plusieurs n'aiment pas qu'un grand nombre de manufacturiers de produits alimentaires viennent ici pour exposer les mêmes problèmes.

Dans le cas de Produits Gailuron Inc., nous serions intéressés à une protection temporaire au point de vue du prix. C'est seulement depuis environ deux ans que nous connaissons les prix et vous remarquerez, entre autres, que ces prix ne se retrouvent pratiquement pas à Montréal même, mais bien aux alentours de Montréal, où se retrouvent les industries moyennes et petites.

Est-ce qu'il y a quelque chose derrière ça? Nous ne le savons pas, mais nous savons que nous sommes directement attaqués dans notre cas. La deuxième recommandation que nous faisions dans le rapport, c'était une aide gouvernementale pour effectuer notre concentration d'industrie.

Il est évident que, en tant qu'industrie moyenne ou petite, nous n'avons pas les moyens financiers que plusieurs autres ont. Nous aurions besoin d'une aide financière parce que nous sommes assez conscients de l'orientation qui se fait sur le marché en général et nous aimerions la suivre. Et, pour la suivre, il faut se transformer et ça prend des fonds. Ordinairement, la plupart de nos industries ne les ont pas. Il y a aussi un facteur que j'aimerais mentionner. Il a été soulevé ce matin. On n'a pas donné de réponse. Pourquoi un prix minimal, même de façon temporaire? C'est que, dans la plupart des cas des industries moyennes et petites, on a ce qu'on appelle des "jobbers" ou des gars qui sont à forfait et qui ont leur propre camion.

J'aurais aimé passer quelque temps avec certains d'entre vous pour vous prouver qu'à l'heure actuelle, à prix égal, il en coûte plus cher pour distribuer le pain dans une épicerie que pour le distribuer de porte en porte, ce qui peut paraître assez surprenant au premier abord. Je mentionne bien à prix égal. Cela veut dire que, si on vend un pain $0.27, par exemple, si on va le vendre de porte en porte, il nous coûte tant pour le distribuer. Si on va le vendre à l'épicerie, il nous coûte tant pour le distribuer. Cela nous coûte plus cher, actuellement, dans l'épicerie que pour le porte-à-porte.

Le phénomène auquel nous faisons face, c'est un phénomène curieux. Evidemment, le pain à $0.15 et $0.16, je peux particulièrement en parler à l'aise parce que, à Valleyfield, ça fait exactement deux ans que nous avons du pain à $0.15. J'oserais dire que le moral de nos troupes est plutôt a la baisse.

C'est sur ce point que je voulais expliquer pourquoi nous en avons besoin d'une façon temporaire.

La plupart des personnes que nous engageons pour distribuer le pain ont le moral assez bas et la plupart quittent leur emploi. Même si le système demeure actuellement rentable — et nous pouvons le prouver — avec la distribution de porte en porte, nous ne sommes pas capables de la continuer parce que nous ne sommes pas capables de trouver de personnel pour la faire et nous ne trouvons pas de personnel à cause des ventes à $0.15 qui découragent n'importe qui. Je pense que, si le pain était vendu à un prix censément normal, même s'il y avait une différence de $0.05 entre le prix que nous vendrons de porte en porte et le prix dans une épicerie, c'est une différence qui est acceptable, nous garderions probablement nos hommes et cela nous permettrait de faire notre transformation. Si nous perdons nos hommes, automatiquement, nous perdons des ventes, nous n'aurons pas le temps de faire notre transformation parce que nous avons besoin de cette production qui est vendue actuellement de porte en porte pour faire notre transformation. C'est un peu le message en bref de quelques boulangeries moyennes. Il y aurait beaucoup d'autres choses, mais j'aimerais mieux que vous me posiez des questions.

M. SAINT-PIERRE : Sur les questions de poids que nous avons discutées tantôt, je vois dans votre mémoire que vous replacez le pain de douze onces mais que vous enlevez le pain de 48 onces.

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. SAINT-PIERRE: Avez-vous quelques brefs commentaires sur la question?

M. LARIVIERE (Robert): Nous sommes prêts à laisser aller le pain de douze onces aussi.

M. SAINT-PIERRE: Pour vous, c'est dans la bonne direction de réduire et normaliser les formats.

M. LARIVIERE (Robert): Oui. Des pains de 16 onces, 20 onces, 24 onces et 32 onces dans notre cas seraient acceptables. Nous avons laissé le pain de douze onces parce que nous nous posons des questions entre autres, sur la diminution des membres des familles.

M. SAINT-PIERRE: Des familles, des personnes.

M. LARIVIERE (Robert): Nous pensons que ce pain est appelé à prendre une certaine expansion, même s'il n'y en a pas eu dans le passé, pour répondre à une demande d'une famille qui est plus petite. Dans le cas du pain de 48 onces, vous avez parlé d'institutions. Nous pouvons vous dire que la plupart de nos boulangeries vendent actuellement à des institutions en dehors de Montréal. Or, nous leur vendons du pain de 24 onces et non pas du pain de 48 onces. Il s'agit de mettre deux pains de 24 onces bout à bout pour avoir un pain de 48 onces. C'est exactement la même chose et le prix est simplement divisé en deux. Il n'y a pas de gain dans notre cas à faire du pain de 48 onces.

M. SAINT-PIERRE: Quelle serait votre réaction si, dans la loi, il y avait seulement trois poids, douze onces, 20 onces et 32 onces?

M. LARIVIERE (Robert): Je n'aimerais pas cela.

M. SAINT-PIERRE: Pour quelle raison?

M. LARIVIERE (Robert): Je pense que cela prend un minimum de nombre de poids. Nous en avons parlé un peu ce matin. E y a des goûts de pain qui sont attachés à des poids. Nous avons réussi dans notre cas... Les statistiques ne vous le disent pas mais il ne se vend pas de pain de 20 onces dans les villes de Québec et de Montréal. Il s'en vend en dehors de ces deux centres puisque ces deux centres étaient régis par des lois qui le leur défendaient. Nous avons trouvé que c'était une formule très bonne. Le consommateur l'aime énormément. Et même dans certains cas, nous avons fait des expériences et nous avons pu prouver que, dans certaines épiceries, à côté d'un pain de 24 onces qui se vendait $0.15, on plaçait un pain de 20 onces qui se vendait $0.27 et, dans certains cas, on en vendait autant parce qu'il peut se conserver un peu plus longtemps.

M. SAINT-PIERRE: On aurait le pain de douze onces pour les petites familles. Le pain de 20 onces est quand même celui qui se vend le plus dans le moment. Ceux qui achètent un pain de seize onces achèteraient un pain de 20 onces; ceux qui achètent un pain de 24 onces achèteraient — une partie — le pain de 20 onces et l'autre partie achèterait un pain de 32 onces.

M. LARIVIERE (Robert): Personnellement, je préfère cinq poids différents.

M. SAINT-PIERRE: Cinq poids différents.

M. LARIVIERE (Robert): Certains produits actuellement, entre autres la plus grande partie du pain au raisin, sont une spécialité dans la région de Montréal principalement...

M. SAINT-PIERRE: Nous parlons du pain blanc.

M. LARIVIERE (Robert): II se vend dans le format de douze onces dans ce cas. Nous trouvons que l'on fait un plus beau pain à seize onces qu'à douze onces. Ce sont des questions de goût et des questions que le client résout quand il achète son pain. Nous aimons mieux lui offrir un éventail de produits quand même raisonnable que d'en offrir moins. Nous pensons que cinq poids, c'est plus raisonnable que quatorze ou quinze poids.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: Est-ce que vous êtes d'avis que si on fixe trois poids ou quatre poids au maximum, il se consommera moins de pain dans le Québec.

M. LARIVIERE (Robert): Non.

M. DEMERS: Pourquoi alors s'embarrasser de quatre ou cinq poids, il se mange autant de pain? Je vais acheter du pain, occasionnellement, chez nous, et je pense que mes collègues doivent le faire aussi après avoir reçu un appel téléphonique de leur épouse disant: Apporte-moi un pain en passant. Je n'ai jamais regardé le poids du pain. Jamais. Un pain de seize onces ou de 20 onces. Et si vous êtes d'avis que nous allons en manger autant, à quoi cela sert-il de s'embarrasser de moules de toutes sortes? Il va se manger autant de pain. Arrivons avec une moyenne comme suggère le ministre et qu'on en finisse. Un poids de douze onces, de treize onces ou de quatorze onces. Et s'il y a une vieille tante qui aime mieux du pain un peu plus petit pour sa petite bouche, il faudrait lui arranger aussi. Vous allez peut-être dire que je charrie un peu mais c'est un exemple. Vous me dites que, s'il y avait trois poids, il se mangerait autant de pain au Québec. Votre affaire est de vendre du pain.

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. DEMERS: S'il s'en vend autant, pourquoi acheter des moules de plus?

M. LARIVIERE (Robert): Evidemment, c'est une question de mise en marché.

M. DEMERS: S'il ne se met pas autre chose en marché au Québec.

M. LARIVIERE (Robert): Pourquoi ne s'en mettrait-il pas d'autres? Il faut quand même laisser une latitude pour répondre réellement aux besoins du client. Pourquoi le forcer à se

contenter de trois poids? Je pense que cinq donnent un éventail plus grand.

M. DEMERS: Je suis d'avis que cela ne le force pas du tout. Vous le dites vous-même, il va s'en manger autant. Que des patates soient dans un sac de 100 livres, 50 livres ou 25 livres, il ne se mange pas une patate de plus au Québec. Vous savez cela comme moi. Ce n'est pas la quantité de pain. Je mange une tranche de pain par jour, qu'elle provienne d'un pain de 16 onces ou de 20 onces, je suis d'avis que cela ne sert à rien de multiplier. En tout cas, c'est mon opinion. Vous n'êtes pas ici pour entendre la mienne, vous êtes ici pour me donner la vôtre. Mais je vous demande cela.

M. LARIVIERE (Robert): Je m'excuse, M. Doyon aimerait ajouter quelque chose.

M. DOYON: Mon nom est Raymond Doyon, je suis un boulanger Gailuron. Etant donné que je demeure dans la Beauce, je connais un peu les problèmes des régions plus éloignées que les régions de Montréal, comme Valleyfield ou Granby, ou les régions qui sont plus urbaines que chez nous. Nous avons dans nos régions un goût de pain, les gens sont habitués d'avoir du pain de 16 onces et cela dans une partie de l'est de la province qui peut couvrir la région de la Gaspésie, la région de l'est, de la Beauce et tous les comtés. Ils sont habitués à ce goût de pain-là. C'est très important pour nous d'avoir des poids qui ne sont pas les mêmes. Nous n'en demandons pas 20, nous en demandons quatre ou cinq. Déjà nous avons nos moules. Je pourrais ajouter que nous avons des spécialités que nous ne pouvons pas toujours faire à 20 onces ou à 32 onces. Il y a certaines spécialités qui doivent être faites avec des variations de poids. C'est ce que je pourrais ajouter. C'est très important pour nous les boulangers d'avoir de la variété. Nous n'en demandons pas 20 mais nous en demandons quelques-unes.

M. DEMERS: Tantôt, M. Larivière, vous avez énoncé non pas un principe, mais vous avez décrit une situation et dit qu'il en coûtait moins de faire du porte-à-porte dans la distribution du pain que d'aller le livrer aux épiceries ou aux magasins à succursales. Vous ne devez pas en distribuer souvent de toute façon.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, nous en distribuons.

M. DEMERS: Pourquoi cette situation? Est-ce que les gens qui sont dans le commerce du pain manqueraient du sens des affaires? Parce qu'en Ontario il y a maintenant 83 p.c. du pain vendu dans les magasins à succursales. C'est plus payant pour le type qui fait du pain d'aller livrer cela de porte en porte. C'est le client, en fin de compte, qui vous oblige à aller le porter à l'épicerie au lieu d'aller le porter chez lui.

M. LARIVIERE (Robert): Normalement, cela devrait être plus payant de le livrer à l'épicerie que de porte en porte.

M. DEMERS: C'est ce que je pensais. Vous en sortez 40, 50. Cela vous fait 50 pains de vendus alors que cela vous prend 50 maisons pour vendre 50 pains.

M. LARIVIERE (Robert): Cependant, à cause d'une situation de concurrence extrêmement forte au Québec et que vous ne retrouvez pas à la même intensité dans les autres provinces — ici au Québec, la concurrence est encore très forte dans le domaine du pain — il a surgi le jeu des escomptes aux épiceries et c'est là que le jeu a été faussé.

M. JORON: Ce que vous voulez dire, c'est que la marge de profit sur ce que vous vendez à l'épicerie est moins forte que ce que vous vendez de porte en porte?

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. DEMERS: Et la ménagère ne vient pas vous demander un escompte pour le pain qu'elle achète tandis que là-bas, pour en livrer 10, vous êtes obligés de faire un rabais.

M. LARIVIERE (Robert): Je ne sais pas comment interpréter exactement cet argument, mais cela nous coûte plus cher. C'est sûr que la marge de profit à ce moment-là est plus petite. Au même prix, cela nous coûte plus cher.

M. JORON: Peut-être parce que vous demandez moins cher à l'épicerie que vous ne le vendez à la porte. Indépendemment de votre marge de profit, le coût de production du pain vendu à l'épicerie est mqindre que le coût de production du pain livré à la maison.

M. LARIVIERE (Robert): Le coût de production, sans tenir compte des frais de distribution, est le même dans les deux cas. C'est le réseau de distribution qui fait la différence.

M. JORON: C'est cela. Le coût de livraison en grande quantité à l'épicerie est objectivement aussi moins cher que le coût de livraison par petites unités, pain par pain. Mais, par contre, parce que vous le vendez meilleur marché à l'épicerie que vous ne le vendez à la maison, vous aimez mieux le vendre à la maison et c'est pour cela que vous dites qu'il vous en coûte moins cher.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député Saint-Maurice avait la parole pour continuer sa série de questions.

M. DEMERS: Non. Cela ne me fait rien. On veille en famille. Il n'y a pas de problème.

Je pense que dans votre livraison à l'épicerie, votre livreur qui y va. Il a une commission sur ses livraisons, il va en donner plus là qu'il va en donner à la maison, c'est pour ça que ça vous coûte plus cher. Est-ce que c'est ça?

J'aimerais autant que vous nous le disiez tout de suite, nous allons le trouver avec le temps.

M. LARIVIERE (Robert): Je pourrais vous décrire sommairement, un peu en détail, ce que ça nous coûte pour une livraison à domicile et ce que ça nous coûte pour livrer à une épicerie.

M. RUSSELL: Quelle est votre façon de procéder pour la mise en marché? Si je comprends mal, j'aimerais que vous rectifiiez mon exposé. Si j'ai compris la façon de procéder des boulangers, c'est que vous avez un gars qui a un camion qui porte l'enseigne Gailuron ou une autre et il paie le pain tant.

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. RUSSELL: II prend son profit à la vente. Sur ce qui va à l'épicerie, vous avez un escompte qui rapporte moins que celui du type qui achète de vous pour aller faire sa livraison. C'est votre façon de procéder?

M. DEMERS: Est-ce vous qui faites moins d'argent ou si c'est le "jobber"?

M. RUSSELL: La livraison est faite par vous à l'épicerie, directement avec un rabais sur facture qui apparaît et un autre qui n'apparaît pas?

M. LARIVIERE (Robert): C'est ça.

M. RUSSELL: C'est moindre que ce que vous vendez au "jobber" qui va faire la livraison dans les rangs ou dans les rues.

M. LARIVIERE (Robert): Finalement, on retire moins. Le changement se fait obligatoirement dans notre cas, justement à cause des ventes de "loss leader". Cela a amené le marché du pain dans l'épicerie alors qu'il n'aurait peut-être pas dû y aller. Il peut y aller, c'est évident qu'il faut du pain à l'épicerie. Cela ne veut pas dire que le porte-à-porte est un système de distribution qui n'est pas rentable et qui ne devrait pas continuer. Avec les ventes de pain à $0.15, on l'a forcé à venir dans les magasins à succursales. Automatiquement, si nous voulons rester en vie en tant qu'industrie moyenne, nous sommes obligés d'aller dans les magasins à succursales. Comme nous sommes plusieurs à vouloir y entrer, il y a le phénomène des rabais qui vient jouer et je vous dis que nous avons besoin d'être très solides pour rester en vie.

M. CADIEUX: Pour éviter la compétition, vous avez absolument besoin de la distribution de porte en porte? Cela fait partie de votre commerce.

M. LARIVIERE (Robert): Actuellement, dans plusieurs cas, si vous nous enlevez la distribution de porte en porte du jour au lendemain, nous fermons nos portes.

M. DEMERS: M. le Président, je voudrais terminer, c'est ma dernière question. Etes-vous d'avis qu'avec une fixation de prix minimal, selon le poids et les catégories de pain, vous allez pouvoir améliorer la distribution de porte en porte au point de vue quantitatif, non pas qualitatif? Quelqu'un qui porte un pain... Augmenter le volume.

M. LARIVIERE (Robert): Augmenter le volume, évidemment.

M. DEMERS: Parce que vous allez être moins pris pour aller vous battre dans l'épicerie et les magasins à succursales et vous pourrez développer votre vente; les gens iront moins chercher à l'épicerie et dans ces magasins et vous pourrez continuer à faire plus de porte en porte.

M. LARIVIERE (Robert): On va au moins pouvoir sauver ce qu'on a.

M. DEMERS: Garder ce que vous avez.

M. LARIVIERE (Robert): C'est ce qui est essentiel dans notre cas. C'est pour ça qu'on en a besoin de façon temporaire. Il faut sauver ce qu'on a.

M. JORON: Au sujet de cette question du député de Saint-Maurice, est-ce qu'on peut demander à partir de quelle évaluation vous estimez que ça va faire changer un pourcentage du marché qui est actuellement dans les magasins à succursales vers le porte-à-porte? De combien ça va changer d'abord et à partir de quoi avez-vous évalué ça?

M. LARIVIERE (Robert): Cela ne changera pas énormément. Cela va changer un peu parce que depuis une couple d'années, on n'a pas fait de publicité sur ce service à cause des ventes à $0.15, à $0.09 et à $0.10. C'était impossible de faire une publicité à ce moment. On va probablement se remettre à faire de la publicité. On va recevoir des demandes pour aller servir ces gens et on va y aller avec plaisir. A ce moment, il y aura une légère augmentation. Chose certaine, c'est que ça va enrayer la diminution de ça. La plupart de ces boulangeries, c'est leur gagne-pain. Enlevez-leur cela et vous allez vous retrouver avec six ou sept boulangeries. Un point, c'est tout. Vous n'aurez même pas besoin de commission parlementaire, le pain va être fixé à un prix assez élevé. Elles ne sont pas

capables de le fixer à un prix élevé, la plupart des grosses compagnies, parce que nous sommes encore là. Mais quand nous n'y serons plus, elles vont être capables. Cela les fatigue énormément de voir que nous sommes encore en vie malgré les ventes de pain qui se sont faites à $0.15, à $0.10 et à tous ces prix. Ne réglementez pas le prix et vous allez leur donner quelque chose de très beau pour travailler; nous, nous en avons besoin de façon temporaire. Les transformations, nous sommes en train de les faire. Depuis six mois, dans le cas de notre groupement, nous avons une étude qui a été faite par une compagnie de consultants qui nous a recommandé certaines orientations tout dernièrement et nous entrons dans une deuxième phase qui est la réalisation de ces orientations. Pour y parvenir, ça prend quand même un certain temps, il va falloir faire d'autres mouvements une fois que les réalisations vont être faites. Si nous n'avons pas le temps de les faire parce que nous perdons nos hommes à cause de ces ventes de "loss leader", nous allons être mal pris tout à l'heure, nous avons besoin de ça. Au moins, de façon temporaire.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: Je voudrais revenir à la question de poids, 12, 16, 20, 24 et 32 onces. Le mémoire précédent nous suggère 16 et 20.

Quels dangers pouvez-vous voir — parce que vous êtes dans l'entreprise privée, la petite ou la moyenne — à ce que le gouvernement dise: D'accord, dans la loi, c'est ajouté, les pains, 16 onces et 20 onces. Un point c'est tout?

M. LARIVIERE (Robert): Les dangers? M. TETRAULT: Oui.

M. LARIVIERE (Robert): Les dangers sont ceux que vous avez mentionnés tantôt. Nous avons trouvé dans le cas des 20 onces, par exemple, qui était notre arme préférée en dehors des centres urbains pour travailler le pain, que c'était un produit que le consommateur acceptait très bien. On va peut-être en trouver d'autres avant longtemps qu'il va accepter très bien. Si vous réduisez cela obligatoirement à deux poids, c'est entendu que le gars qui est le plus équipé, c'est lui qui va rester en vie. Pour nous, c'est beaucoup plus une tactique de mise en marché. Il faut que nous réussissions à trouver à tout moment ce que le consommateur préfère à l'instant. Quant au gars bien équipé, il ne veut même pas se poser la question, il aime mieux imposer son produit au consommateur. Dans notre cas, nous voulons répondre au consommateur. Alors, si vous réduisez à deux poids, il n'y a plus moyen de répondre dans notre cas et, automatiquement, vous donnez la chance uniquement à celui qui a des exploitations sur une haute échelle. Nous sommes perdants en partant là-dedans.

M. TETRAULT: C'est la production à la chaîne qui s'en vient avec deux poids.

M. LARIVIERE (Robert): C'est évident.

M. DEMERS: Quant au format des moules, c'est la même chose.

M. TETRAULT: II y aurait une autre question que vous avez soulignée dans votre rapport et je pense que vous êtes le seul. Quant au pain défraîchi, le gouvernement suggère trois jours, d'après l'enquête Tessier; l'autre rapport, nous suggère deux jours, et vous, quatre jours. Sans vous poser une question, pourquoi quatre jours?

M. LARIVIERE (Robert): Pourquoi quatre jours? Parce qu'actuellement, dans la plupart de nos boulangeries du groupement, nous avons des normes qui sont de cinq jours au point de vue de la fraîcheur. Et garder un pain de 20 onces cinq jours, ce n'est pas tellement un problème. On peut même le garder deux semaines. Mais on peut le garder frais quatre ou cinq jours facilement. Pas aussi frais que la première journée mais quand même très bien après quatre jours. Or, en ramenant ça à deux ou trois jours, ce qui va se produire, c'est qu'il est prévu dans la loi qu'on ne peut pas vendre du pain après la date, parce qu'il faut alors le vendre à 75 p.c. de son prix, s'il est défraîchi. Alors, vous allez assister à des ventes en masse de pains défraîchis parce qu'après deux jours, le pain est encore frais et ils vont le vendre comme pain défraîchi. Alors, cela donne des arguments au magasin à succursales qui veut baisser encore le prix du pain.

M. TETRAULT: Donc, on joue encore sur le système de "loss leader" avec les deux jours suggérés dans un mémoire.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, on joue. Certainement.

M. TETRAULT: Pour protéger le petit boulanger, vous suggérez que même ce que le gouvernement amène à trois jours, ce n'est pas encore assez pour vous protéger, il faut aller absolument à quatre jours.

M. LARIVIERE (Robert): Dans notre cas, on pense qu'il nous faut quatre jours.

M. TETRAULT: Qui devraient...

M. LARIVIERE (Robert): Oui, on n'ira probablement pas bien plus haut que ça mais pas moins que ça.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. TETRAULT: Oui, j'en aurais une autre sur le prix minimal du pain. Est-ce qu'elle a été

posée tout à l'heure, M. le Président? On parle de fixer une base minimale, tant l'once et tant le pain. M. Brodeur ne pouvait nous donner de chiffres parce qu'il n'est pas comptable, est-ce que vous, parce que vous êtes boulanger, pouvez nous donner des chiffres et quelle ascension pourrait-on faire pour éviter...?

M. LARIVIERE (Robert): Est-ce qu'on peut se risquer, oui? Personnellement, je peux me risquer mais sans engager les produits Gai-luron. Dans le cas de notre compagnie, par exemple, je sais bien qu'actuellement nous serions probablement satisfaits. Il faudrait évidemment faire quand même certaines études. Nous serions probablement satisfaits d'un prix de $0.24 pour un 24 onces. Mais nous ne sommes certainement pas satisfaits avec un cent l'once, parce que dans le cas d'un 24 onces, il y a une coincidence, cela s'équivaut à ce moment-là. Mais dans le cas d'un 20 onces ou d'un seize onces, cela ne s'équivaut plus. On peut dire qu'il y a peu près une variation de deux cents par quatre onces, si on considère que quatre onces peuvent représenter à peu près un cent de production et un cent de livraison. Alors, on irait pour 20 onces à $0.22, 16 onces à $0.20 et des choses comme ça. Il resterait à vérifier si le point de départ qui, dans ce cas-ci, est le 24 onces, si $0.24 est vraiment un prix minimal. Maintenant, si vous le fixez à $0.22, le même principe prévaudra par la suite. Il y a à peu près $0.02 de différence pour quatre onces. Et non pas $0.01 l'once. C'est très personnel, ce que je vous donne.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Shefford.

M. RUSSELL: Si j'ai bien compris les mémoires et les exposés qui ont été faits ce matin, je voudrais revenir là-dessus. Vous voulez une loi pour fixer le prix de la mise en marché. Non pas le prix que le manufacturier va vendre à la chaîne.

M. LARIVIERE (Robert): Non. C'est la mise en marche.

M. RUSSELL: La mise en marché. Parce qu'autrement, il va continuer à se faire la même chose à la chaihe, la même "bargaining" qui se faisait dans le passé.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, mais nous acceptons cela. Ce que nous voulons, c'est enrayer la perte qu'on a de l'autre côté actuellement. Parce qu'elle n'est pas acceptable. Parce que $0.15 ce n'est pas acceptable.

M. RUSSELL: Votre seul principe, si je comprends bien, c'est d'augmenter vos distributions à domicile par vos "jobbers"?

M. LARIVIERE (Robert): Non.

M. RUSSELL: Vous faites plus d'argent où c'est plus payant et vous avez une garantie plus certaine que de vendre à une chaîne qui peut, du jour au lendemain, acheter ou changer de fournisseurs.

M. LARIVIERE (Robert): Non, notre principe, je l'ai dit tout à l'heure, c'est que nous sommes en train de nous transformer pour répondre au nouveau marché de la chaîne et que nous nous avons besoin, de façon temporaire, pour sauvegarder ce que nous avons, d'un prix minimal, pour nous permettre ensuite d'aller concurrencer des chaînes sur le même pied que n'importe qui. Ce que l'on ne peut pas faire actuellement.

Ce ne serait pas dangereux si toutes les épiceries vendaient leur pain $0.22 ou $0.24 actuellement, peu importe le prix qu'elles paient ce pain, parce que nous savons que nous, à $0.05 de différence, par exemple, dans le porte-à-porte, nous vivons et cela ne diminue pas. Cela va au moins rester stable. On ne demande pas un prix minimal qui serait le même si on va le distribuer de porte en porte, mais on peut vivre avec une différence. Une différence qui est raisonnable, je pense qu'il y a quand même une demande pour ce service. Je pourrais vous faire rencontrer des boulangers aux Etats-Unis, entre autres, en Californie. Il y en a un qui avait 300 camions pour le porte-à-porte qui a fermé du jour au lendemain. Il n'a pas fermé parce que son exploitation n'était pas rentable mais parce qu'il ne trouvait plus de personnel. Pour le même problème auquel on fait face, c'est qu'il y a des ventes stupides qui se faisaient. Les gars se décourageaient et allaient chercher un autre métier, alors qu'ils auraient pu exercer leur métier pendant un certain nombre d'années.

Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que les chaînes de magasins se situent dans les villes et non pas dans les campagnes, entre autres. Or, partout où il n'y a pas de villes, le système de distribution actuel est pratiquement indispensable. En hiver, quand il y a des tempêtes de neige, on reçoit des appels téléphoniques pour s'informer comment il se fait que nos gars ne sont pas passés. Le même gars qui nous téléphone, quand il y a une vente à $0.10, il va prendre son auto et il va aller remplir son congélateur. Il ne demandera pas comment il se fait que le gars n'est pas passé, parce que ce prix est ridicule. Il accepte, par exemple, de l'acheter du vendeur quand il y a une tempête, ou s'il pleut ou n'importe quoi. Il pense que c'est un prix raisonnable pour le service qu'il a.

On ne veut pas fixer un prix minimal du pain, ce que l'on veut, c'est empêcher les "loss leader" et, pour le faire, on a probablement besoin d'une certaine protection avec un prix minimal. On ne voit pas comment on pourrait le faire autrement. Si on donne le pouvoir au ministre de l'Industrie et du Commerce d'appeler les chaînes de magasins pour leur dire: Tu

ne vendras plus ton pain $0.15. Enlève cette annonce de la vitrine, la première question que le gars va lui poser sera la suivante: Quel prix voulez-vous que je le vende? On va inévitablement en arriver à un certain prix qu'il va falloir fixer. Pas nécessairement $0.30. Cela sera peut-être $0.22 ou $0.24, peu importe, mais ça en prend un pour enlever ces "loss leader".

M. SAINT-PIERRE: Les problèmes de main-d'oeuvre dans la distribution sont des vieux problèmes, même dans la chanson de Georges Dor, le type de Sain-Germain avec la belle "bakery" qu'il avait laissée.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Beauharnois et ensuite...

M. CADIEUX: Lorsque vous parlez de la fixation d'un prix minimal et d'une façon temporaire, dans votre esprit, c'est quoi temporaire?

M. LARIVIERE (Robert): Cela peut être à peu près trois ans.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Pour résumer, je note que votre position diffère peut-être — enfin, comme je la comprends — un peu des témoignages que l'on a entendus ce matin. En somme, vous nous avez dit, d'une part, que vous ne pensiez pas que même un prix minimal allait provoquer un grand changement de la partie qui est actuellement vendue dans les chaînes, un retour massif, si vous voulez, aux pains vendus de porte en porte, mais que cela arrêtera la décroissance de ce secteur pendant un certain temps. Pendant ce temps, cela vous donnera le temps de vous recycler. En somme, si j'interprète, je comprends votre position un peu comme si vous nous demandiez d'arrêter l'horloge de l'évolution pendant un certain temps. Je dis de l'évolution parce qu'on constate que le phénomène suivant: — moins il y a de porte-à-porte, plus il y a de magasins à succursales partout. On a vu l'exemple de l'Ontario et ainsi de suite. Cela suit peut-être de près l'évolution de l'urbanisation dans une société. Vous nous demandez d'arrêter ces effets pendant un certain temps pour donner à votre industrie le temps de se recycler.

M. LARIVIERE: Cela en partie, mais il n'y a pas seulement cela.

M. JORON: ... Une subvention au recyclage.

M. LARIVIERE: II n'y a quand même pas seulement cela.

M. JORON: Vous n'avez pas un argument de principe.

M. LARIVIERE (Robert): Oui. En principe, le service que l'on donne de porte en porte, d'après moi, est encore essentiel dans beaucoup d'endroits. On est en train de le faire tomber.

M. JORON: II n'y aura pas de supermarchés dans un village de trente familles. C'est sûr.

M. LARIVIERE (Robert): Si vous ne faites pas le prix minimal, c'est un service qui va tomber de lui-même, parce que ça va décourager n'importe qui de s'y aventurer. La minute que le gars a une chance, il va aller remplir son congélateur.

M. JORON: Même là, je veux dire, le gars ne fera pas 40 milles et ne dépensera pas $3 d'essence pour épargner $0.10.

M. LARIVIERE (Robert): Vous pensez. M. JORON: Je sais bien qu'il y en a, mais...

M. LARIVIERE (Robert): Je peux vous apporter des preuves contraires, parce qu'il ne calculera pas son millage, il va calculer qu'il épargne tant sur le pain et il ne calculera pas ses dépenses. C'est prouvé dans beaucoup de cas.

Je peux quand même vous dire que, quand vous parlez d'évolution, on ne demande pas d'arrêter l'horloge de façon prolongée et ce n'est pas nécessairement l'horloge de l'évolution qu'on vous demande d'arrêter.

Les Etats-Unis, encore une fois, ont vécu le phénomène que l'on vit et dans certains cas on recommence à avoir du porte-à-porte.

UNE VOIX:Ah! oui?

M. LARIVIERE (Robert): Oui. Pourquoi? Parce que si vous réduisez le nombre de compagnies qui fabriquent le pain, comme je vous ai dit tout à l'heure, vous allez payer passablement cher votre pain à un moment donné. Alors, cela va redevenir intéressant d'avoir des trajets de porte-à-porte.

M. JORON: Cela est une prémisse sur laquelle plusieurs se sont fondés. On a entendu cet argument, mais je ne pense pas qu'il soit prouvé encore.

M. LARIVIERE (Robert): Bien, tout à l'heure...

M. JORON: Tout le monde évoque la situation d'un possible monopole. Ce matin, d'après les statistiques qu'on nous a données, les quatre plus gros producteurs du Québec font à peu près le quart du marché. Ce n'est pas tout à fait une situation de monopole.

M. LARIVIERE (Robert): Et pourtant ça frise le monopole.

M. JORON: Dans quel sens?

M. LARIVIERE (Robert): Cela le frise parce que si vous avez un magasin qui vient s'implanter dans une ville et qui décide de vendre le pain à $0.15, même s'il y avait 10 boulangers autour, c'est lui qui mène.

M. JORON: C'est au niveau de la chaîne.

M. LARIVIERE (Robert): C'est lui qui mène. Le marché peut être conduit par quatre chaînes de magasins, au point de vue des prix.

M. JORON: Vous dites que le monopole existe au niveau de la distribution et non pas de la production.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il me semble qu'il y a ce phénomène réel que les témoignages nous ont donné d'une forme de "dumping" sur les marchés intérieurs. Autant nos idéologies sont différentes vis-à-vis de l'entreprise privée, autant pour moi je n'ai pas d'objection à imposer à l'entreprise privée, lorsqu'il y a une concurrence déloyale, des mesures comme celles-là qui, je le reconnais, sont exceptionnelles. Mais lorsqu'il y a du "dumping" intérieur et qu'on vend en bas du coût de production, je pense que ce sont les règles du jeu qui ne sont pas respectées. Je suis surpris de voir les réticences du Parti québécois lorsqu'on tente d'aider la petite et la moyenne industrie.

M. JORON: Vous savez que nous sommes en faveur d'une économie mixte; il y a différents agents impliqués là-dedans et l'entreprise privée en fait partie. D'autre part, quand les règles du jeu, comme on dit, du système de la libre entreprise et de la libre concurrence ont un effet bénéfique quant au prix pour le consommateur, je ne vois pas pourquoi on s'en mêlerait à ce moment-là. C'est fait pour ça.

M. SAINT-PIERRE: Mes préoccupations, c'est qu'à long terme ils n'auront pas un effet bénéfique, parce qu'on a des phénomènes...

M. JORON: C'est la prémisse sur laquelle se fonde l'argumentation, mais je n'en ai pas la preuve.

M. LARIVIERE (Robert): Cela existe au point de vue de la main-d'oeuvre de la même façon. Pourquoi y a-t-il eu des syndicats qui se sont implantés et qui ont fait des monopoles pour garantir des conditions de salaire à leurs employés? On pourrait bien dire: Enlevez-vous de là et laissez les gars se battre pour le salaire, je vous garantis que les salaires vont tomber. C'est la même chose dans notre industrie.Nous avons besoin, nous aussi, d'un certain prix.

M. DEMERS: C'est bon, ça.

M. JORON: Je comprends.

M. DEMERS: Ils comprennent les économistes parfois.

M. TETRAULT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. Dans l'étude du rapport Tessier, je remarque qu'une province a une loi provinciale sur le pain, la Saskatchewan. Est-ce que la vente à domicile — M. Larivière pourrait peut-être me répondre — est plus élevée que la vente à l'épicerie ou est-ce qu'il y a un regain depuis que cette loi a été instituée ou formée? Vous n'avez rien de cela?

M. SAINT-PIERRE: Non. La Saskatchewan d'ailleurs, à ma connaissance, n'est pas un cas particulier. La plupart des législations provinciales sont du même type que ce que nous avons ici, c'est-à-dire sur le plan de l'hygiène, sur le plan de l'emballage et des poids. D'ailleurs, le mémoire de l'Association des boulangers, dans une des dernières pages de l'annexe, donnait une description très rapide de ces législations.

M. TETRAULT: Je pensais qu'il y avait peut-être un prix de base.

M. SAINT-PIERRE: Non. Il n'y a rien de cela.

M. DEMERS: En Colombie-Britannique?

M. SAINT-PIERRE: Le coût est très élevé en Colombie-Britannique. Je pense qu'en Colombie-Britannique il y a eu cet effet-là, surtout à Vancouver et à Victoria, de tuer à peu près complètement les boulangeries.

M. DEMERS: Dans les Maritimes, c'est la même chose.

M. RUSSELL: II faut bien reconnaître que, dans l'Ouest, la situation est bien différente.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: C'est au sujet du porte-à-porte. Je pense que cela dépend un peu des régions. Je crois que dans les régions rurales ou les régions où les gens se connaissent entre voisins, c'est possible que le porte-à-porte puisse se continuer, mais dans les villes, de moins en moins, les femmes ont peur de répondre aux portes. Il y a de moins en moins de laitiers et il y aura de moins en moins de boulangers.

M. LARIVIERE (Robert): Nous l'admettons ça.

M. DEMERS: Les femmes ont la trouille.

M. LARIVIERE (Robert): C'est pour ça que je vous dis qu'on veut effectuer nos transforma-

tions pour aller prendre l'autre marché aussi, mais on ne veut pas que celui qui est encore bon tombe trop vite.

M. DEMERS: Les femmes ont peur ou les maris sont jaloux.

M. PEARSON: Parfois, ce sont les maris qui ont peur.

M. DEMERS: Les taux de natalité ont baissé. Autrefois, c'était le laitier, on pouvait se reprendre avec le boulanger, il n'y a plus personne qui rentre dans la maison.

M. LARIVIERE (Robert): On ne peut quand même pas nier qu'il y a un mouvement des gens vers les villes, c'est évident.

M. PEARSON : A propos du grand écart que vous mentionniez, les "loss leaders", les ventes à $0.10 ou à $0.15, qui se font automatiquement, comment peut-on arriver si vous considérez que le pain, pour que ce soit rentable, doit être vendu à $0.23 ou $0.24?

Comment peut-on arriver? En somme, on vend complètement en bas du prix que ça coûte pour éliminer la concurrence.

M. LARIVIERE (Robert): Est-ce que je peux risquer une opinion personnelle?

M. PEARSON: Bien sûr.

M. LARIVIERE (Robert): Sans mettre le groupe Gailuron dans...

M. PEARSON: Oui.

M. LARIVIERE (Robert): Personnellement, je pense qu'il est très rare qu'un magasin vende du pain à $0.10 ou $0.15 et qu'il perde de l'argent. C'est le fournisseur qui le perd. Et le fournisseur n'a pas le choix parce que, s'il ne le fait pas, il y en a un autre qui va le faire.

M. TETRAULT: Donc, le fournisseur est mis dans une position où il est obligé de donner la ristourne à la chaîne de magasins pour qu'il puisse le vendre à $0.09.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, pour garder sa place sur la tablette.

M. TETRAULT: C'est la grosse... Ah oui! Je comprends votre sorte de concurrence.

M. PEARSON: Maintenant, le fournisseur qui perd sur ce produit-là doit nécessairement se reprendre sur un de ses autres produits, quoi! Il ne peut pas faire ça de façon permanente.

M. LARIVIERE (Robert): Non, c'est fait de façon occasionnelle. Mais là où c'est embêtant, c'est que, quand une chaîne le fait, l'autre le répète, l'autre le répète et on en a pendant deux mois.

M. PEARSON: Oui.

M. LARIVIERE (Robert): C'est ce que nous voulons empêcher. Il n'y a pas lieu de fixer un prix maximal, un prix bien élevé. Il faut empêcher ces ventes ridicules. Eux, au fond, n'empêcheront pas l'évolution qui est de fixer un prix minimal mais ça va quand même nous aider à passer au travers. Actuellement, il y en a qui tentent d'accélérer l'évolution. Cela ferait leur affaire.

M. TETRAULT: Suite à la question posée par le député, nous parlions tout à l'heure de la vente à domicile. Dans les banlieues où il n'y a pas de centre commerciaux, est-ce que la vente à domicile est élevée?

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. TETRAULT: A cause du service, la vente est élevée dans un centre urbain. A l'endroit où il y a un centre commercial, les gens se rendent à ce centre. Est-ce général pour tout le...

M. LARIVIERE (Robert): Ce n'est pas aussi radical que ça la baisse du porte-à-porte. Même dans les villes, on en a encore beaucoup malgré que les gens soient entourés de centres commerciaux.

M. TETRAULT: C'est un service.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est un service...

M. TETRAULT: La femme n'est pas obligée de sortir pour acheter le pain...

M. LARIVIERE (Robert): II y a des femmes qui ne peuvent pas sortir.

M. TETRAULT: Le mari n'est pas obligé de faire comme le député de Saint-Maurice, apporter un pain avant d'arriver à la maison.

M. LARIVIERE (Robert): II y a des femmes qui ne peuvent pas sortir, elles ont des enfants à la maison. Elles aiment bien ça qu'on passe.

M. DEMERS: Je voudrais que le député d'Abitibi-Est répète sa question afin que je la comprenne pour savoir si mon privilège de député en est affecté.

M. TETRAULT: Aucunement affecté, le privilège de votre femme, oui.

M. DEMERS: Voulez-vous répéter votre question? Je verrai si ça ne peut pas concerner la vôtre en même temps.

M. TETRAULT: II n'y a pas de problème avec la mienne.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Maurice avait une remarque d'une seconde à faire.

M. DEMERS: C'est à propos de l'amendement que vous suggérez à la page 2 de votre mémoire, concernant l'inscription de la date de fabrication. Vous aimeriez, dites-vous, qu'un article soit intercalé entre les articles 9 et 10 qui se lirait ainsi: Tout pain offert en vente au Québec doit porter, sur l'emballage, la date d'expiration de la fraîcheur du produit, laquelle doit être d'au moins quatre jours postérieure à celle de la fabrication, et ceci en caractères facilement lisibles.

Cela éviterait de recoller l'étiquette pour montrer que le pain est défraîchi en ce cas. Parce que la loi prévoit qu'on mettrait une étiquette indiquant "pain défraîchi". Si on a la date à laquelle il va être défraîchi, on n'aura pas besoin de mettre l'autre.

M.LARIVIERE (Robert): A la condition, évidemment, que le public soit bien informé de cette date.

M. SAINT-PIERRE: Cette codification obligatoire, est-ce que ce serait fait à des coûts minimes?

M. LARIVIERE (Robert): Non, nous le faisons déjà dans la majorité des cas.

M. SAINT-PIERRE : Mais comment pourrait-on contrôler ça? Il faudrait presque aller dans les moyens de production pour savoir. Vous pouvez bien faire du pain aujourd'hui et marquer 1er avril.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est sûr.

M. DEMERS: Cela va prendre des inspecteurs pour surveiller votre codification.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, c'est sûr que ça prendrait probablement un certain contrôle. Mais je peux vous dire une chose. Il y a assez de boulangeries actuellement dans le Québec que, s'il y en a qui le font, vous allez le savoir et ça va aller assez vite. Mais je pense que c'est bon pour le consommateur qu'il le sache.

M. DEMERS: Cela, je le sais. C'est pour ça que je vous demande d'insister là-dessus pour nous donner quelques explications. Je retiens cette disposition que vous incluez dans votre amendement et je trouve que si on indique la date où le pain va être défraîchi, on n'aura pas besoin de marquer "pain défraîchi" dessus un bon matin et mettre une autre étiquette. Cela éviterait au ministre de recoller son étiquette de "pain défraîchi" à l'article 8. De toute façon, vous n'en faites pas un point majeur de votre argumentation mais je pense que ça devrait être retenu lorsque les légistes rédigeront la loi et qu'on arrivera avec nos amendements en troisième lecture et qu'on étudiera la loi article par article.

C'est la question que j'avais à vous poser. Je vous remercie, M. Larivière, vous êtes d'une lucidité qui nous sort du pétrin.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. PEARSON : Oui, sur le même article. Vous mentionnez: pain dont la date de fabrication ou de décongélation...

M. LARIVIERE (Robert): Oui.

M. PEARSON: Est-ce que la congélation des pains est fréquente?

M. LARIVIERE (Robert): Elle ne l'est pas actuellement mais elle va le devenir.

M. PEARSON: Ah bon!

M. LARIVIERE (Robert): Et cela, c'est un facteur de transformation de l'industrie aussi. Actuellement, il y a plusieurs boulangeries aux Etats-Unis qui ont été obligées d'en arriver là pour des raisons de main-d'oeuvre.

M. PEARSON: D'après votre expérience, est-ce que vous prétendez que cela se ferait surtout chez le fabricant ou bien chez l'épicier?

M. LARIVIERE (Robert): Chez le fabricant. M. PEARSON: Chez le fabricant.

M. LARIVIERE (Robert): Nous allons congeler une partie de nos produits pour égaliser nos journées de production. Au moment où cela se décongèle... Même le pain aura tendance à devenir dur un peu plus vite une fois qu'il sera décongelé.

M. DEMERS: La qualité ne sera pas influencée par la décongélation?

M. LARIVIERE (Robert): Pas dans un délai de deux ou trois jours.

M. DEMERS: Assez que le profane ne s'en apercevra pas.

M. LARIVIERE (Robert): Pratiquement pas, à moins qu'il soit mal congelé.

M. DEMERS: Vous devez congeler cela avec du froid comme partout ailleurs.

M. LARIVIERE (Robert): Oui, mais il y a cinq ou six façons de congeler, des façons plus ou moins rapides. Des choses comme cela.

M. PEARSON: S'il y a une différence dans le goût, comme vous mentionnez, si c'est mal congelé ou pour d'autres facteurs qui peuvent s'ajouter, est-ce que cela ne nous amènera pas éventuellement à spécifier que le produit qui est en vente est un produit qui a déjà été congelé et non pas un produit qui est frais?

M. LARIVIERE (Robert): J'aimerais beaucoup cela pour le consommateur parce que ce dernier qui achète un pain qui a été décongelé, s'il a le malheur de le recongeler, ce n'est pas fameux.

M. PEARSON: Bon. Cela amènerait automatiquement un autre amendement qui se grefferait à celui-là.

M. LARIVIERE (Robert): Oui. J'aimerais qu'il soit pratiquement marqué que ce pain a été congelé. C'est un peu comme si on vous vendait de la viande qui a été congelée et qu'on ne vous disait pas qu'elle a été dégelée et vous la congelez à nouveau. Ce n'est pas bon.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous vous remercions, M. Robert Larivière et M. Raymond Doyon, de vos explications. J'appellerais les représentants de Steinberg Ltée, soit M. Jean-Claude Lelièvre, directeur des achats ou M. Marcel Inkel, directeur des relations publiques ou un autre.

M. LARIVIERE (Robert): Je vous remercie beaucoup et si jamais vous avez encore besoin de nous, nous sommes toujours prêts parce que ceux qui nous suivent ne parleront pas comme nous.

M. DEMERS: Vous les connaissez?

M. LARIVIERE (Robert): Nous nous connaissons.

Steinberg Limitée M. LELIEVRE: Jean-Claude Lelièvre.

M. DEMERS: Etes-vous parent avec le père Lelièvre qu'on a connu à Québec, ici?

M. LELIEVRE: C'était mon père.

M. DEMERS: Ah! C'était votre père. Comme cela, vous arrivez directement de Villa Manrèse.

M. LELIEVRE: Lorsqu'il est devenu veuf, il est entré en communauté.

M. DEMERS: Ah! il s'est marié en retard.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, M. Lelièvre...

M. NORMANDIN: Je représente la compagnie Steinberg Ltée...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que vous voudriez vous identifier?

M. NORMANDIN: Mon nom est Guy Normandin. Je suis vice-président de la compagnie et président directeur général de la subsidiaire des Aliments Steinberg Ltée. J'ai à mes côtés un monsieur qui s'est déjà présenté, Jean-Claude Lelièvre, directeur des achats d'épicerie pour la compagnie Steinberg ainsi que M. Stanley English qui est avocat conseil adjoint de la compagnie et M. Marcel Inkel, directeur des relations publiques de Steinberg Ltée.

M. le Président, le 6 février, nous avons soumis un mémoire à la commission parlementaire concernant le projet de loi 277, ainsi qu'un résumé de notre mémoire. Dans ce mémoire, notre compagnie, exceptionnellement, a exprimé son opposition de principe au projet de loi 277. Et aujourd'hui, nous vous remercions de nous fournir l'occasion d'exprimer de nouveau notre opinion sur les idées que nous avons émises.

Sauf erreur de ma part, il m'est venu à l'idée que le projet de loi 277 n'était pas complètement étranger au rapport sur l'enquête de l'industrie de la boulangerie, préparé par M. Tessier. J'y vois un lien assez étroit. Et j'aimerais dire que je n'ai pas du tout l'intention de faire des commentaires sur le rapport de l'industrie de la boulangerie sauf que je crois que l'occasion est bonne de dire qu'à ma connaissance je n'ai jamais eu l'occasion de voir un rapport qui a été présenté avec autant de sérieux, une étude qui a été faite avec le plus haut degré d'objectivité, où on n'a négligé, à mon sens, aucune facette des problèmes dans l'industrie de la boulangerie. Et je tiens à établir franchement cette opinion.

Si c'est le cas et s'il est vrai que le projet de loi 277, dont j'ai une copie ici en main, est étroitement lié au rapport Tessier, je crois que, pour empêcher que les membres de la commission se sentent perdus sur une galère où les choses ont l'air assez confuses dans le moment, j'ai l'impression que c'est très important de relire ensemble sept ou huit lignes des notes explicatives qui sont annexées au texte du projet de loi pour essayer de voir si nous nous comprenons bien. Quant à moi, je ne comprends rien.

On dit: "Ce projet de loi a pour principal objet d'établir des règles régissant le commerce du pain, notamment en ce qui concerne le prix et le poids de cette denrée. "Je crois que c'est clair. J'aimerais lire les quatre lignes qui suivent. "En vertu de ce projet, le gouvernement pourrait fixer, pour le pain, un prix minimum de façon à assurer la rentabilité des opérations d'une boulangerie, faisant preuve d'une productivité satisfaisante."

Permettez-moi, M. le Président, de faire le lien immédiatement entre l'énoncé du principe que je viens de lire et certaines règles de base ou certains problèmes qui ont été identifiés dans le rapport. Essayons de bien comprendre. On dit ici que le projet de loi veut assurer la rentabilité des boulangeries faisant preuve d'une productivité satisfaisante. Retenons ces expressions pour que nous ne soyons pas portés à croire que c'est une précaution littéraire qui tendrait peut-être à fausser la réalité des buts du projet. Je dis cela parce qu'à la page 23 du rapport Tessier — ce serait peut-être bon, pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'industrie, de marquer trois chiffres que je vais donner, qui sont à la page 23 — l'ensemble des boulangeries qui produisent du pain blanc tranché est divisé en trois catégories. A la première catégorie, on mentionne qu'il y a neuf boulangeries qui produisent 200,000 pains et plus par semaine, catégorie A. Catégorie B, et deux chiffres; on donne douze boulangeries qui produisent de 75,000 à 200,000 et, dans la même catégorie, dix boulangeries qui produisent de 50,000 à 75,000. Catégorie C, on dit 198 boulangeries qui produisent de 2,000 à 50,000 pains blancs tranchés par semaine. A la page 29 du rapport, les conclusions qui ont été tirées par le rapport Tessier sont qu'après consultation avec les membres de l'industrie, il a semblé raisonnable de conclure — et je ne cite pas textuellement comme vous le voyez, vous avez probablement le rapport — il a été conclu d'établir que les boulangeries qui ne fabriquent pas au moins 50,000 pains blancs tranchés par semaine devraient sérieusement penser à leurs perspectives de succès dans l'avenir. Mon interprétation de cela, c'est que la productivité satisfaisante, dans le cas de ces boulangeries, semblerait être mise en doute. En continuant ce raisonnement, je reviens à ce qui est stipulé ici dans les objectifs et les buts de la loi. Il semblerait donc, puisqu'on parle de boulangeries faisant preuve de productivité satisfaisante, qu'en somme, on ne pense qu'aux boulangeries des groupes A et B, les boulangeries qui produisent plus de 50,000 pains par semaine.

Si on regarde à la page 24 du rapport Tessier, on comprend que ce qui attire l'attention particulière — et c'est mentionné — des enquêteurs, c'étaient les boulangeries du groupe C, donc les boulangeries ne produisant que 2,000 à 50,000 pains par semaine. Parce que — c'est mentionné dans le rapport — ce sont les boulangeries qui sont au coeur même du problème de l'industrie du fait que certaines d'entre elles produisent du pain de concurrence. Ce que je tente de comprendre, c'est ceci. Est-ce qu'on se leurre, est-ce qu'on se trompe quand on prétend que le projet de loi est pour assurer la rentabilité des boulangeries faisant preuve de productivité? Est-ce que c'est bien ça qu'on cherche à faire? C'est assez mêlant, même pour ceux qui sont dans l'industrie, d'essayer de réconcilier ce qui a servi de base au projet de loi et ce qu'on lit dans le projet de loi.

Je m'étais préparé un discours, et la raison pour laquelle j'ai décidé de ne pas faire de discours, c'est que je me rends bien compte qu'une rencontre comme celle-ci, ce n'est pas le temps des discours.

J'ai pris ce matin une foule de notes et ce qui se dégage dans mon idée, c'est que ce doit être très confus pour tout le monde ici parce que cela l'est pour moi et je suis assez directement relié à l'industrie de la boulangerie. Le problème semble être déplacé continuellement. Ce n'est pas étonnant que des personnes qui sont dans l'industrie de la boulangerie soient peut-être portées — et je ferais certainement la même chose si j'étais un boulanger indépendant — à être influencées davantage par des problèmes qui me seraient personnels qu'à discuter strictement des problèmes de l'industrie de la boulangerie. Je pense que c'est cette confusion qui découle de toutes sortes de données qu'on a pu mentionner ou discuter. Je n'essaierai pas de suivre un ordre tellement logique dans les remarques que je veux vous faire, j'essaie tout simplement, en parlant, de comprendre de quoi on parle et je ne crois pas que le projet de loi soit réellement dans le but de protéger la rentabilité des 31 boulangeries; je ne pense pas que le gouvernement fasse une loi pour protéger les plus grosses boulangeries.

M. SAINT-PIERRE: Pour centrer la discussion, me permettriez-vous une question, M. Normandin? Vous connaissez bien l'industrie de la boulangerie?

M. NORMANDIN: Je prétends la connaître.

M. SAINT-PIERRE: Je vois que, dans votre mémoire, vous établissez un seuil de rentabilité à 25,000 pains par semaine. M. Tessier mentionnait 50,000 mais mettons 25,000 pour prendre votre chiffre. En regard du projet de loi que le gouvernement veut établir, pouvez-vous me dire, sans révéler des secrets de votre compagnie, à quel prix une boulangerie qui ferait 25,000 pains dans les meilleures conditions, et administrée de la façon la plus efficace possible, comme les compagnies des groupes A et B, avec les meilleurs réseaux de distribution, pourrait vendre — je ne demande pas de fixer l'article de la loi — d'après vous, le pain de 24 onces? A quel prix cette boulangerie devrait-elle vendre son pain au consommateur pour faire une rentabilité acceptable à Steinberg dans ses investissements? Ce serait quoi, à peu près ce prix de vente du pain de 24 onces?

M. NORMANDIN: M. le Président, je trouve que la remarque de M. le ministre est très à propos, mais je me demande si elle arrive à temps.

M. SAINT-PIERRE: Je veux vous prouver qu'une boulangerie de 25,000 pains — dans votre rapport, vous mettez ce seuil optimum — dans les conditions présentes du commerce et

avec la meilleure volonté du inonde, n'est pas capable de passer à travers.

Et je veux vous prouver — parce qu'on connaît les chiffres et ce qu'ils peuvent signifier — en établissant l'écart entre le prix que vous aller nous donner et le prix qui est actuellement en cours à Granby, que cette boulangerie-là peut perdre par semaine autant que — je ne le sais pas, cela dépend du prix de l'année — $250 par cent de différence. Et si vous me dites que c'est un prix moyen pour $0.24, tantôt on a mentionné un prix minimal de $0.22, mettons-le même à $0.20, c'est évident que si, dans le moment, cela se vent à $0.14 et on sait que cela s'est déjà vendu à $0.09, cela fait $0.06 de différence, et cela fait au moins par semaine $1,500 qui manquent.

Ce que je veux vous dire, c'est que pour cette boulangerie-là, même si elle fonctionne avec le même degré d'efficacité que Steinberg ou que n'importe quelle boulangerie, les conditions de la libre entreprise, les conditions malsaines, les conditions de "dumping" sur les marchés intérieurs — et là, je suis d'accord avec vous que vous n'êtes pas ceux qui ont commencé ce système mais, vous y avez été entraînés par après — font que cette compagnie perd un minimum $1,500 à $2,000 par semaine et à long terme, malgré les meilleures volontés de l'entreprise sur le plan de la gestion, de la planification, de son contrôle de coûts, elle est vouée à la faillite.

Vous comprenez que je veux essayer d'oublier — et là, je suis parfaitement d'accord avec vous — celles qui sont à 2,000, à 10,000 et à 5,000 pains. Je prends celle qui, d'après vous, peut être rentable et je vous dis que, dans les conditions actuelles du marché, c'est impossible pour celle-là d'être rentable, c'est écrit sur le mur quand elle sera obligée de fermer ses portes. Moi, je vous dis qu'il n'y a rien que le gouvernement aimerait mieux, que de se retrouver dans cinq ou six ans, en prenant le temps nécessaire, avec seulement 60 boulangeries au Québec qui seraient toutes au seuil de rentabilité que vous avez expliqué. Peut-être même à cette époque-là on pourrait enlever les dispositions de la loi pour le prix. Mais là, on dit que si on ne le fait pas, on ne permet pas à ces gens-là de faire la fusion, je pense, dans le sens qui vient d'être donné par celui qui a parlé auparavant.

M. NORMANDIN: M. le Président, quant à la question, je devrais dire aux commentaires que M. le ministre est en train de faire, je suis obligé de dire qu'ils sont très à point. Ce qui me console un peu, c'est qu'au moins, dans l'exemple qui est mentionné à ce moment-ci, personne ne risquera de nous trouver coupables parce que nous ne sommes même pas dans le marché de Granby. Alors, cela me console de voir que l'exemple se trouve dans un marché où nous ne sommes pas et, par hasard, où il y a des problèmes. Très bien.

La boulangerie dont vous me parlez, je ne la connais pas mais n'importe quelle boulangerie qui ferait face à une telle situation, je dirais qu'elle a toute ma sympathie. En dépit des meilleurs souhaits que je pourrais formuler pour un succès futur, je pense bien que le chemin de la faillite est déjà entrepris.

M. SAINT-PIERRE: Trouvez-vous cela normal?

M. NORMANDIN: Non. Absolument pas normal. Alors, toujours pour continuer à répondre à M. le ministre, il y a quand même, vous savez, une foule de situations qu'on ne trouve pas normales et dont on n'est pas nécessairement maître. Je ne sais pas si les membres de cette commission sont au courant que, dans certains domaines — puisqu'on parle de l'industrie de la boulangerie, restons-y — il y a, en certaines occasions, des industriels ou des manufacturiers, des boulangers qui, sans l'avoir prévu, s'adonnent à avoir été les artisans de leur propre malheur. On mentionne dans le rapport Tessier, dans un bulletin, je crois que c'est le bulletin no un, si je ne me trompe pas, qu'il y a des groupes de boulangers qui se sont engagés — encore une fois, ce n'est pas textuel — dans un cercle vicieux d'où ils aimeraient pouvoir sortir et ils trouvent cela très difficile.

Je n'accuse personne. Il y a peut-être une possibilité, dans l'exemple que vous mentionnez, si on en faisait l'autopsie, que ce pourrait être une cause. Pour avoir eu l'occasion de discuter avec quand même plusieurs de ceux pour qui je suis très sympathique, je connais les raisons et les débuts, si on peut dire, des problèmes dans lesquels ils se trouvent. Alors, notre sympathie dans ces cas-là ne suffira pas à régler les problèmes. Mais c'est drôle, je dois quand même dire que c'est encore notre opinion que les cas sont isolés et que la solution est quand même à la portée de ceux qui souffrent des conditions dont on parle.

Cela demanderait peut-être du courage, mais quand un boulanger ou un manufacturier veut garder et la proie et l'ombre et qu'à un certain moment l'ombre devient insupportable, je crois qu'il faut établir un choix. Qu'est-ce qu'on veut?

Les marchands détaillants qui ont des pratiques commerciales abusives ne fabriquent pas leur pain. Ils doivent l'acheter de producteurs de pain. Je crois donc qu'il vient un temps où le boulanger doit décider s'il veut conserver cette clientèle indéfiniment et demander au gouvernement, par une loi, de le sortir du pétrin ou s'il ne serait peut-être pas plus avantageux de s'en tenir au prix qu'il croit raisonnable.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais le boulanger n'a aucun contrôle. Je vois où vous voulez en venir. C'est un fait, et vous avez raison, ce n'est pas Steinberg qui a commencé. Je tiens à le préciser parce qu'on a mentionné

son nom. Votre mémoire est fidèle, d'après les remarques qu'on m'a faites. Nous nommons des cas pour en nommer. Je nommais, ce matin, Bonimart, ou je vais en prendre un autre, Métro. Il est évident que Métro n'ayant pas sa boulangerie, elle achète son pain des boulangers, mais, même si le boulanger vend à Métro à $0.22, il n'a aucun contrôle sur ce que Métro va faire après. Si Métro le revend à $0.09 ou à $0.12, c'est lui-même qui est touché dans la région.

Ce que j'essaie de voir — vous êtes dans la pratique commerciale — est-ce que, effectivement, il se vend du pain en bas du prix coûtant? N'êtes-vous pas d'accord avec moi que ce sont des pratiques malsaines qui, à long terme, pourraient être contre les producteurs, contre les distributeurs? Vous dites, vous-même, que vous êtes contre cela, vous êtes forcé d'entrer dans ce jeu pour ne pas perdre votre clientèle, à long terme, même le consommateur va y perdre et que le gouvernement se doit d'intervenir.

M. NORMANDIN: M. le Président, encore une fois, à la remarque du ministre, j'aimerais qu'on tâche de comprendre exactement de quoi il s'agit. Il ne faudrait quand même pas mélanger le cas du détaillant qui décide de vendre le pain à un prix ridiculement bas et le cas du producteur, du boulanger. Bon. Si le boulanger ne se laissait pas convaincre par des arguments qui sont probablement très forts de fournir le pain à un prix qu'il ne peut même pas supporter pour son entreprise, je me demande combien de temps les détaillants utiliseraient les pratiques commerciales dont vous parlez: deux pains pour $0.18. Encore une fois, je veux souligner ici qu'on cherche à généraliser avec les grosses annonces qu'on nous a montrées ce matin, la pratique de deux pour $0.18. Si on veut être honnête, il faut quand même admettre que ces grosses annonces sont — je ne vois pas pourquoi je défendrais, que ce soit Bonimart ou un autre — placées dans les journaux à l'occasion de l'ouverture de nouveaux magasins. C'est malheureux que la pratique, en Amérique du Nord, existe depuis, en tout cas, avant que je vienne au monde. Cela fait réellement longtemps...

M. SAINT-PIERRE: Cela doit.

M. NORMANDIN: ... à l'occasion de l'ouverture d'un magasin d'offrir des cadeaux.

M. SAINT-PIERRE: Cela doit être prospère à Valleyfield parce que cela fait deux ans que c'est à des prix ridiculement bas.

M. NORMANDIN: A $0.09, on parle de deux pour $0.18.

M. SAINT-PIERRE: A $0.14 ou à $0.15, c'est aussi en bas des prix coûtants.

M. NORMANDIN: C'est en bas et c'est ridiculement bas. Je ne veux laisser personne avec l'impression que je trouve que la pratique est défendable. D'ailleurs, cette pratique existait à Valleyfield depuis 18 mois, avant même que Steinberg ait ouvert son magasin dans cette région. Malheureusement, comme vous l'avez indiqué, la pratique qui était courante là-bas nous a forcés, parce que nous avons un commerce à défendre, à faire face à ces prix. C'est une situation alarmante. On parle quand même d'un problème de l'industrie à l'échelle provinciale. Je n'ai pas besoin de mentionner, je crois, les quatre régions où ces pratiques malsaines ont cours. A peu près dans tous les mémoires, y compris dans le rapport Tessier, ces régions ont été identifiées assez clairement. Il reste que, dans notre optique, nous considérons que ce sont des problèmes locaux qui ont débuté sans malheureusement la complicité de ceux qui, aujourd'hui, demandent au gouvernement de régler leurs problèmes.

Est-ce que l'ensemble des consommateurs de la province de Québec devrait assumer le coût des solutions qu'on veut apporter a quatre régions bien spécifiques à notre connaissance? C'est une question que nous nous posons.

On a mentionné à quelques reprises ce matin que, en somme, ce que le gouvernement cherchait à faire n'était pas surtout d'établir des prix, mais d'établir un prix minimal. Si j'accroche à cette intention-là, des commentaires qui ont été faits indiquent que, dans la province de Québec, il faudrait d'abord savoir de quelle région on parle avant de donner une idée de ce que le coût minimal devrait être; je me demande si ce que le gouvernement veut faire, c'est d'établir un prix minimal pour une, deux, trois, cinq, dix régions différentes, de façon à être équitable pour les gens de ces différentes régions. Je n'ai pas la réponse, je pose la question.

J'écoutais le député de Gouin se demander si ce qu'on cherchait à faire c'était d'arrêter l'horloge de l'évolution. Je pense que la question était assez à point. On parle du porte-à-porte. Vous allez vous rendre compte, d'ailleurs, que les remarques que je vais faire sont peut-être poussées à l'absurde, mais je vais poser la question.

Serait-il nécessaire — parce que j'entrevois ça comme la seule solution — pour protéger ce genre de commerce à domicile, d'interdire l'ouverture de grands supermarchés, d'interdire l'ouverture de grands centres commerciaux qui malheureusement, puisqu'il y en a qui en sont affectés, attirent une clientèle dans un rayon de quinze à vingt milles assez souvent? Est-ce que l'on devrait faire, parce que je calcule que ce n'est pas un prix minimal qui va régler ce problème? Je pose la question. Veut-on arrêter l'horloge de l'évolution? Quelle est la réponse?

On a parlé avec beaucoup d'éloquence du pain. D'ailleurs, on en parle encore comme vente d'appât. On a dit que, contrairement à la

condition ou la situation du boulanger, au moins les succursales avaient la possibilité de se ratrapper sur d'autres articles. Je pense bien que personne ne niera cette situation, c'est un fait. Mais il reste quand même qu'il ne faudrait pas exagérer cet aspect.

On a dit: Si on force le prix du pain à augmenter, est-ce que les succursales pour se rattraper baisseront les petits pois à des prix ridiculement bas, et ainsi de suite? Ce que je peux dire c'est que dans le cas de nos succursales — parce que, que voulez-vous, je pense que j'ai un peu le droit de faire comme ceux qui ont pensé à leurs problèmes personnels — dans le cas d'une chaîne d'épiceries comme Steinberg, nous n'avons et je le répète, jamais eu comme politique et pratique d'utiliser le pain pour des ventes d'appât. Je dois souligner que, si une compagnie dans la province de Québec avait eu les moyens de le faire parce que nous considérons que nous avons la boulangerie la plus efficace, avec le plus haut degré de productivité et nous avons notre propre chaîne de magasins... Je considère que personne d'autre n'aurait pu se servir du pain comme vente d'appât. Ce ne fut jamais notre politique, jamais. Quand — par contre je l'ai mentionné précédemment — on vient ouvrir une épicerie dans le district immédiat où nous avons une épicerie et qu'on se sert du pain comme vente d'appât, nous faisons concurrence. Ma confession est faite. En dépit de tout ça, quand on dit que...

M. SAINT-PIERRE: Excusez-moi...

M. NORMANDIN: Est-ce que de temps à autre au moins je pourrais finir? Vous savez, quand j'ai un élan comme ça, M. le ministre... Je m'excuse, avec tout le respect que je vous dois. Quand on parle de vente d'appât, aux endroits où nous avons été forcés de réagir à cause des magasins qui étaient en concurrence directe avec les nôtres, elle a été tellement minime que ça nous a placés dans la situation d'augmenter les prix d'autres articles pour nous rattraper.

La preuve est que — et ce n'est pas nous qui avons fait l'enquête — il y a eu tout récemment une enquête dont les résultats ont été publiés dans le journal La Presse et où on indiquait que la chaîne Steinberg se classait première comme chafne d'alimentation — on incluait même des groupes volontaires — dans le domaine de l'épicerie, avec chiffres à l'appui, dans le domaine des produits de viande, avec chiffres à l'appui, et dans le domaine des fruits et légumes, avec chiffres à l'appui.

De quelle façon le prix très bas auquel nous pouvons vendre le pain dans nos magasins peut-il avoir des effets néfastes sur le compte du panier d'épicerie? Je ne crois pas que cela se soit présenté. Excusez-moi, M. le ministre, votre question, s'il vous plaît.

M. SAINT-PIERRE: Je reviens sur ma ques- tion, mais vous en parlez dans votre rapport, la vente du pain comme appât à des prix de $0.09, $0.10 et $0.15...

M. NORMANDIN: C'est ridicule!

M. SAINT-PIERRE: C'est ridicule. C'est néfaste...

M. NORMANDIN: Absolument!

M. SAINT-PIERRE: Un instant. C'est néfaste aux producteurs boulangers, ça n'a aucun sens que les gens soient obligés de vendre des choses...

M. NORMANDIN: Aucun.

M. SAINT-PIERRE: ... si on veut avoir des salaires décents, si on veut avoir des perspectives d'avenir.

M. NORMANDIN: Aucun.

M. SAINT-PIERRE: Que ça s'appelle la boulangerie Steinberg ou une petite boulangerie, c'est le même problème.

M. NORMANDIN: C'est ridicule.

M. SAINT-PIERRE: C'est néfaste pour les distributeurs et, à preuve, vous dites que, si on passe la loi, ça va vous donner à vous plus d'argent et ça va donner à tous les épiciers qui font ça dans le moment plus d'argent. D'accord?

M. NORMANDIN: C'est un fait.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous êtes également d'avis comme c'est très temporaire, très localisé, que, dans une perspective à long terme, le consommateur va aussi y perdre parce que, même à des prix mimimaux que nous avons évoqués comme $0.22, $0.24, ce seraient quand même les prix les plus bas en Amérique du Nord et que ce serait mieux? Nous aurions une industrie, un réseau de distribution, des consommateurs plus satisfaits, si nous avions quelque chose de plus stable que les fluctuations et les guerres que nous voyons dans le moment, et que le plafond que nous donnons laisse une libre concurrence. Je pense que les boulangers ont dit que eux ils sont prêts à avoir un écart de $0.04 ou $0.05 et à convaincre la ménagère qu'elle est mieux de prendre leur pain et payer $0.05. Nous n'empêcherions pas ça. Je serais opposé "over my dead body" à empêcher la construction de centres commerciaux à reculer l'horloge du temps.

Mais je dis que, lorsque dans l'entreprise privée, lorsque dans les marchés intérieurs, il y a du "dumping" et des conditions malsaines pour les producteurs, les distributeurs et le consommateur, le gouvernement n'a pas d'autre choix que d'intervenir.

M. NORMANDIN: M. le Président, en réponse à la remarque de M. le ministre, à mon avis, je ne risquerais pas de trop me tromper si j'allais dire que pas plus de sept ou huit boulangeries peuvent être dans des situations comme celle-là.

Une loi qui serait votée dans le but de régler un problème local est à mon sens une loi qui serait difficilement justifiable. Ceux qui se prennent dans un cercle vicieux, à mon sens, ont encore la possibilité de s'en sortir sans demander au gouvernement de régler leur problème et d'imposer à l'ensemble des six millions de consommateurs de la province de Québec de payer le coût d'erreurs que quelques-uns ont pu faire. C'est mon avis.

M. SAINT-PIERRE: Monsieur, est-ce que, dans le fond, vous ne suggérez pas que le remède à un abus soit un autre abus? Ce que vous évoquez, c'est de dire que tous les boulangers se mettent ensemble et refusent de vendre du pain à ceux qui l'utilisent comme "loss leader". N'est-ce pas votre suggestion?

M. NORMANDIN: M. le Président, M. le ministre, je n'ai pas parlé de refuser de vendre du pain. Non, du tout. J'ai parlé de refuser de vendre du pain à un coût ou à un prix qui soit ridiculement injustifiable.

M. SAINT-PIERRE: J'ai l'impression que ça ne se fait pas. Je peux me tromper, je sais que ça se fait...

M. NORMANDIN: Si ça ne se faisait pas, M. le ministre, les problèmes dont nous discutons aujourd'hui n'existeraient pas.

M. SAINT-PIERRE: Au contraire mais encore une fois, je refuse, j'hésite devant les journalistes. Je ne vise pas les magasins Métro, mais ils ont fait tellement d'annonces à la télévision que j'ai leur nom à l'esprit. La compagnie Métro, pour prendre un groupe, ça pourrait être n'importe quel autre, pourrait quand même acheter du pain à $0.24 des boulangers, et ça aurait l'air correct, et le revendre à $0.18, $0.15 ou $0.16, encaisser une perte qui serait compensée par des profits obtenus sur...

M. NORMANDIN: Mais, M. le ministre, dans ce cas-là...

M. JORON: Aujourd'hui, dans un cas semblable...

M. SAINT-PIERRE: Pardon?

M. JORON: Je me demande si les boulangeries...

M. SAINT-PIERRE: Oui, on a vu que du pain fabriqué à Joliette est écoulé dans les Cantons de l'Est et on joue les boulangers d'une région contre l'autre.

En fait, comme les boulangers l'ont mentionné, cela a accentué le fait que la ménagère n'est pas folle. Elle ne veut pas payer $0.27 un pain qu'elle peut acheter à $0.09 au magasin. Elle va au magasin et je ne la blâme pas. L'éveil des consommateurs pour réduire la croissance des coûts dans l'alimentation est sérieux. Même si les boulangers disaient, ensemble: La seule façon d'empêcher cela, ce serait de placer Métro sur une liste noire, de le boycotter et de ne plus lui vendre de pain, je pense que Métro serait justifié de se plaindre que les boulangers font un cartel, que les boulangers refusent de vendre une denrée pour des raisons discriminatoires.

M. NORMANDIN: Je pense que je ne comprends pas très bien les commentaires du ministre. Vous dites que si les boulangers — en admettant l'hypothèse — vendent du pain à Métro à un prix qui soit raisonnable et que Métro — nous parlons de Métro ; remarquez bien que ce n'est pas moi qui ai prononcé le nom le premier — décidait de vendre le pain à un prix plus bas que celui qu'il a payé au boulanger, je voudrais que vous m'expliquiez dans ce cas de quelle façon le boulanger en souffrirait, s'il avait eu le prix raisonnable pour le pain qu'il a vendu.

M. SAINT-PIERRE: Peut-être pas ce boulanger en particulier mais...

M. NORMANDIN: Lesquels?

M. SAINT-PIERRE: ... les autres boulangers qui visent la même clientèle que le magasin Métro qui ont à faire face à un produit d'égale qualité à leur produit, fabriqué par un collègue qui peut venir de Joliette, et Métro l'offre à $0.09 et eux sont obligés de le vendre à $0.09, sans cela ils n'en vendront pas.

M. NORMANDIN: A qui le vendre à $0.09?

M. SAINT-PIERRE: A la communauté, à la collectivité, à la clientèle.

M. NORMANDIN: Nous avons bien établi ce matin, en tout cas — si j'ai écouté, et je pense avoir écouté — que le problème concernait surtout le pain qui était vendu à des détaillants qui ont des pratiques abusives et qui exigent que le fournisseur contribue un peu à la perte que, lui, a à subir.

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas complètement cela.

M. NORMANDIN: Quant au pain qui est distribué à domicile, ne mélangeons pas les cartes. C'est un autre problème.

M. SAINT-PIERRE: Mais le problème fondamental qui m'a toujours frappé... on va prendre

des cas très précis. Vous pourriez avoir dans la ville de Sherbrooke ou de Granby, une boulangerie qui est administrée de façon exemplaire avec beaucoup de gestion, qui aurait une quantité de 50,000 pains, une quantité acceptable pour un optimum et qui n'est pas capable de faire, non seulement un profit, mais qui accuse des pertes, ce qui signifie que sa faillite est indiquée sur le mur, parce que dans la région, il y a une guerre de prix, il y a des gens et des épiceries qui perdent de l'argent sur la vente du pain. Elle ne peut pas se permettre de perdre de l'argent. C'est son gagne-pain. C'est ce qui me frappe. Si vous me dites que le seul problème, ce sont des gens qui vendent 2,000 pains et que les signes du temps sont qu'à 2,000 ce n'est pas rentable, je suis parfaitement d'accord avec vous. Je considère qu'il y a une situation malsaine lorsqu'une entreprise qui est à un niveau de rentabilité, qui est à un niveau de production, qui est à une économie d'échelle acceptable, qui est très bien menée, et que, dans les conditions actuelles, cette entreprise est vouée à la faillite, je dis qu'il y a des pratiques malsaines sur le plan commercial et que le législateur doit intervenir.

M. NORMANDIN: Je suis complètement d'accord sur les remarques et l'exemple du ministre. Je dis que, lorsqu'il y a de tels cas, je suis très sensible et très sympathique à la condition dans laquelle les boulangers se trouvent. Je m'oppose à ce qu'on cherche à généraliser des problèmes de ce genre pour en arriver à en imposer une loi qui soit à l'échelle provinciale et où tous les consommateurs seraient affectés par des augmentations de prix. Et au sujet des augmentations de prix, je veux encore faire une remarque.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse. Tantôt, vous avez employé cet argument et j'aime y revenir. C'est la même chose que si le gouvernement dit, je prends un exemple baroque: Tous ceux qui ont la scarlatine, vous allez être obligés de prendre une pilule. Dans toutes les régions où il y a de la scarlatine, vous allez être obligés de prendre une pilule. Ceux qui n'ont pas la scarlatine, la loi ne leur cause pas de problème. Si on dit $0.22 pour le pain, dans les régions où il se vend $0.25 ou $0.26 — il y en a dans le moment — cela ne changera absolument rien. Cela continuera comme avant. Et nous aurons une loi qui arrêtera le mal là où il est et qui empêchera, comme vous dites dans votre mémoire, que le mal se déplace d'une région à l'autre.

M. NORMANDIN: A écouter le ministre, j'ai l'impression qu'il sait exactement de quelle façon le prix minimal du pain sera établi. Le ministre a l'air d'être très catégorique quand il dit que cela n'affectera pas le pain qui se vend déjà à un prix normal, soit, $0.22 ou $0.24.

Moi, je ne suis pas tellement convaincu que M. le ministre sait exactement de quelle façon on va procéder au gouvernement pour établir le prix. Pourquoi est-ce que je dis cela? Je lis dans le rapport Tessier, c'est à la page 59 ou 56 où on parle d'un modèle mathématique pour établir le prix de revient... Encore une fois, j'ai l'impression que le projet de loi et le rapport Tessier sont assez proches. Je pose l'hypothèse et je peux me tromper que c'est la recommandation qui est dans le rapport Tessier qui sera probablement utilisée pour établir le prix de revient. Savez-vous ce que j'ai cru lire? On peut me corriger si c'est faux. J'ai cru lire qu'on établirait le prix de revient du pain en choisissant cinq boulangeries du groupe B. On élimine au départ les neuf boulangeries qui sont normalement au degré de productivité le plus satisfaisant parce qu'elles ont quand même le plus gros volume et on partirait avec cinq boulangeries dont le volume va de 50,000 à 200,000 et c'est cela qui est marqué, M. le ministre. Vous faites cela, mais c'est cela qui est marqué dans le rapport comme suggestion.

M. SAINT-PIERRE: Je veux vous enlever des anxiétés pour dire que sur ce point-là...

M. NORMANDIN: Vous me faites perdre, je ne sais pas, ma chaleur.

M. SAINT-PIERRE: Gardez-la.

M. NORMANDIN : Je n'ai pas la politesse parlementaire; excusez-moi, M. le ministre, de vous couper la parole.

Ce matin, M. le ministre, j'entendais, en réponse à une question du genre de celle que je viens de mentionner, M. Cadieux de Beauharnois qui avait une autre version, parce qu'il disait : Le prix sera établi en se basant sur celui qui est capable de le produire au meilleur coût. C'est cela qui servira de base. Si c'est cela que vous voulez faire, personnellement je vous dis que j'accepte. Mais si c'est cela, M. le ministre, vous n'aiderez pas la cause de ceux dont vous essayez de prendre l'intérêt dans le moment avec votre loi. Je m'excuse, mais je pense que vous risquez de ne pas réellement répondre à leurs désirs.

M. SAINT-PIERRE: II y a seulement un point. Le modèle mathématique, c'est un point du rapport sur lequel je suis en désaccord. Je ne crois pas qu'on puisse avoir une espèce de modèle où on entre des ingrédients et il y a une formule au bout. C'est pour cela que dans la loi nous avons quand même une formule qui permettrait à des gens comme vous et à d'autres — les 30 jours, c'est paru dans la Gazette officielle — à des consommateurs et à des boulangers de nous dire si nous avons raison ou non. Essentiellement ce que je vais viser, c'est d'avoir un prix qui est le meilleur prix qui puisse être atteint par la meilleure boulangerie au Québec. Si c'est la vôtre, ce sera à ce prix qu'il va être minimal et je pense que les boulangeries

sont capables de faire face à la concurrence. Ce qu'on va leur donner, cependant, c'est ce prix-là, c'est ce que j'ai essayé de vous faire obtenir tantôt. Si vous vous me dites que ce prix-là, je vais mettre $0.20 pour un pain de 24 onces, en tenant compte d'un profit normal et en tenant compte des frais de distribution, d'emballage et d'autres, si on arrive à $0.20 ce que je donne à ceux qui sont obligés de le vendre $0.14, c'est $0.06 le pain. Les gars qui en font 50,000 par semaine, multipliés par $0.06, vous êtes capables d'additionner ce que cela fait au bout de l'année.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, messieurs, je m'excuse; on m'informe qu'il y a un vote à l'Assemblée nationale, alors nous suspendons nos travaux jusqu'après le vote.

M. NORMANDIN: Est-ce que nous restons dans la salle?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Oui. (Suspension de la séance à 17 h 4)

Reprise de la séance à 17 h 22

M. CADIEUX: M. le Président, M. le ministre a demandé de l'excuser. Il a dû s'absenter. Du fait que je suis son adjoint parlementaire, nous pouvons continuer les débats.

LE PRESIDENT (M. Brisson): J'inviterais M. Normandin à continuer ses remarques.

M. NORMANDIN: Je ne m'attendais pas que mon enthousiasme soit refroidi de façon imprévue. M. le Président, je ne veux pas prendre le plancher et parler jusqu'à la fin de la séance sans donner au moins la chance à tous ceux qui —ils en ont donné la preuve ce matin — essaient de comprendre, de poser des questions. Je me permettrais une autre remarque. Après cela, j'espère que les gens poseront des questions. Dans notre mémoire, nous avons mentionné que si, par hasard, certains boulangers, quels qu'ils soient, croyaient qu'il y aurait peut-être avantage à venir nous voir et à discuter de certains problèmes qui leur sont particuliers —je parle du côté technique, du côté de la production, tout ça — nous serions des plus heureux de leur faire visiter notre magasin et de discuter avec eux de la façon de procéder, de la fabrication. D'ailleurs, je me permets de le dire, dans le courant de l'année, l'offre que j'avais faite sur une base individuelle, à au moins cinq ou six, a été acceptée et les gens sont venus. On n'a pas de secrets parce qu'on considère qu'à l'intérieur d'une industrie, on se doit de s'en-traider quand il y a lieu.

Je le mentionne de nouveau. On n'a pas d'arrière-pensée. Si les gens peuvent tirer certains bénéfices pour leur entreprise, qu'ils viennent nous voir. Nous sommes prêts à discuter avec eux. S'il y a des questions de la part des membres, je serais prêt.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauharnois.

M. CADIEUX: II y a quelque chose qui m'a frappé tantôt. C'est que vous avez accepté de dire que la situation n'est pas normale. Vous avez même dit que c'était scandaleux dans certains cas, c'était ridicule, ça ne devrait pas exister comme ça. Après ça, du même souffle, vous dites: II ne faut pas empêcher l'évolution normale. S'il y a une situation qui n'est pas normale, pour reprendre vos propres mots, si ça peut être scandaleux, si les prix sont trop bon marché, il y a des gens qui ne peuvent pas arriver et concurrencer. Comment pouvez-vous dire: II ne faut pas arrêter l'horloge, il ne faut pas arrêter l'évolution normale; c'est votre propre terme? On essaie de trouver une solution. Il est quasiment accepté qu'elle serait temporaire, du moins il y a une suggestion très sérieuse qui a été faite à ce sujet. Cela pourrait être une solution temporaire, trois ans, quatre ans, ou quelques années pour trouver où ça ne

va pas et rectifier. Ne pas attendre qu'il soit trop tard parce qu'il a été bien dit par d'autres, en tout cas, et il a été compris par la majorité des membres de cette commission que là où on a laissé la situation se détériorer, les prix ont augmenté et doublé, si on intervenait trop tard. Le gouvernement ne veut pas intervenir trop tard et il pense que c'est le temps. On s'aperçoit depuis quelques années que la situation se détériore. Le ministre l'a bien dit tantôt, la loi n'est pas pour sauver ceux qui fabriquent 2,000 pains. La loi est pour aider ceux qui agissent sur une base d'affaires et qui veulent faire une concurrence normale.

M.NORMANDIN: Le député de Beauharnois, je crois, ne semble pas trouver logique que, d'une part, je reconnaisse qu'il y a une situation malsaine qui existe, que je tienne quand même à qualifier ça en disant que moi, je trouve qu'il y a une situation malsaine à certains endroits — c'est la nuance que je fais — et que, d'autre part, je dise qu'on ne devrait pas arrêter la marche de l'horloge de l'évolution. Je continue à croire que mon raisonnement est logique parce que — évidemment, je n'ai pas visité tous les endroits de la planète — je ne connais pas d'endroits où on a apporté comme solution d'arrêter toute chance d'évolution dans le but de régler des problèmes locaux et isolés ici et là. Je continue donc à croire que mon raisonnement est logique.

Je continue par contre à être d'avis que, dans certains endroits, il y a des situations alarmantes qui mettent certaines boulangeries dans des difficultés et qu'elles doivent éventuellement trouver une façon d'en sortir. Moi, tout ce que j'ai dit précédemment, c'est qu'avant d'en venir à l'établissement d'une loi au point de vue des prix, je voudrais que les boulangeries qui sont dans cette situation difficile se demandent sincèrement si la solution n'est pas à leur portée plutôt que de prendre une approche qui serait beaucoup plus facile, celle de faire voter une loi et de pénaliser à l'échelle de la province ceux qui n'ont même pas de problème mais qui seraient probablement très heureux — je parle des fabricants — de bénéficier de certaines augmentations. Mais je ne veux pas généraliser certains problèmes qui sont localisés, c'est mon point de vue.

M. CADIEUX: Même si le problème est, comme vous le dites, assez localisé, il reste que, si on vient de trouver le bobo, il va falloir trouver un remède. On ne peut pas laisser le corps continuer à se détériorer, le virus va augmenter. Si on est capable de localiser le problème, il faut absolument — on est là pour cela — chercher des remèdes aux problèmes. Vous dites que vous pouvez être pénalisés mais, tout de suite après, vous dites: Non, nous ne serons pas pénalisés. Ceux qui n'ont pas de problèmes, vous avez commencé à le dire, vont être pénalisés et, tout de suite après, vous dites que vous ne le serez pas. Je pense que personne ne sera pénalisé et surtout ce n'est pas dans l'esprit du ministre de le faire. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec lui, c'est la protection du consommateur qui compte aussi. Nous pensons bien sûr, aux boulangeries moyennes, aux distributeurs, aux "jobbers" sur la route, mais aussi aux consommateurs. En effet, l'expérience nous dit que, dans des endroits où l'Etat n'est pas intervenu, il s'est présenté une situation de fait que le prix a doublé en quelques années et que le pain était dans les mains de quelques gros fabricants. Après cela, il n'y avait plus rien pour les empêcher, il n'y en avait plus de concurrence.

M.NORMANDIN: M. le Président, en face des inquiétudes du député de Beauharnois, disons que, si j'étais complètement en dehors de l'industrie de la boulangerie, je me laisserais impressionner. Je dirais: Si c'est arrivé, — je crois qu'on a mentionné la Colombie-Canadienne — c'est ça qui nous guette aussi, c'est ça qui va nous arriver. Mais, voyez-vous, ce qui arrive, c'est que, vu que je suis plus directement impliqué dans l'industrie, je dois ne pas sauter sur les premières remarques qui me sont faites et dire que c'est ça, la situation. Moi, je suis d'avis que ceux — et quand je dis ceux, je parle de boulangeries — qui ont malheureusement été complices des détaillants qui ont eu des pratiques abusives dans le commerce du pain — je suis porté à croire et je le dis en toute honnêteté et en toute conviction — ce ne sont même pas les grosses boulangeries qu'on accuse d'avoir essayé d'accaparer le marché.

Cela a l'air un peu paradoxal, mais la plupart du temps ce sont des boulangeries d'un volume de production très bas, si on les compare aux géants, qui sont la cause indirecte, si vous voulez, des guerres de prix qui existent dans le pain.

Vous savez, les procès d'intention, j'aime mieux être assez prudent avant d'en faire. J'aime mieux analyser les faits tels qu'ils nous apparaissent à la surface et je crois que cela, à mon sens, en tout cas, est plus logique que de dire: En Colombie-Britannique, c'est ce qui s'est passé et c'est ce qui nous guette.

C'est ma réponse au député de Beauharnois. Remarquez bien que je ne prétends pas avoir le monopole des prévisions de ce qui va se passer dans les années quatre-vingt. Cela peut fort bien arriver. Je ne le sais pas.

M. CADIEUX: Vous dites qu'il ne faut pas trop se presser et qu'on est devant une situation qui n'est pas si pire que cela, mais il reste qu'il y a eu des rapports qui ont été faits. On parle du rapport Tessier; il y a eu des études qui ont été faites et vous avouez vous-même que ce rapport est objectif, il est très bien fait.

M. NORMANDIN: Sûrement.

M. CADIEUX: La situation n'est donc pas une situation de 1973. C'est une situation qui date de quelques années et on s'aperçoit qu'elle se détériore continuellement. Vous parlez de complicité peut-être, de petits...

M. NORMANDIN: Pas voulue...

M. CADIEUX: II semble que, d'après tous les gens que l'on a rencontrés et tous ceux qui se sont penchés sur le problème, on n'ait pas trouvé de telles complicités chez le petit boulanger. De toute façon, je ne pense pas que ce soit cela qui soit ressorti des mémoires que l'on a écoutés auparavant, ce n'est pas nécessairement des petits qu'il y a eu complicité. Ces gens-là représentent tout de même des centaines de boulangeries et ils s'entendent assez bien sur ce qui s'est dit ce matin.

M. NORMANDIN: M. le Président, le député de Beauharnois a de bonnes idées et je suis convaincu qu'il a raison de penser comme cela. Voyez-vous, quand un groupe de boulangeries — on parle d'un groupe de 50 ou 75, je ne sais pas — soumet une analyse, je suis convaincu que c'est un genre de consensus. Je me demande si le consensus n'est pas basé sur ceux qui sont en difficulté. Mais je ne voudrais pas que l'on tire la conclusion que toutes les grosses boulangeries sont celles qui ont été à la cause, à la source même des difficultés auxquelles on fait face, parce que... Ecoutez, ceux qui sont dans l'industrie de la boulangerie, on ne leur demandera pas de faire une confession publique. Ils ont des problèmes. Nous le savons. Et je suis un de ceux qui savent qu'elles ont des problèmes. Je me pose quand même la question parce que j'ai des raisons de le faire: Est-ce qu'il n'y a pas un mea culpa de la part de celles qui sont en difficulté dans le moment? Je ne jette pas tout le blâme sur les grosses boulangeries comme on a tendance à le faire, quand on fait référence à ce qui s'est passé en Colombie-Britannique et que cela nous guette.

Je ne voudrais pas que les gens, en tout cas, tiennent pour acquis que c'est cela la situation. C'est peut-être cela qui ressort de certains commentaires qui ont été faits. Peut-être. Mais s'il fallait —je ne suggère pas qu'il y ait une autre enquête de faite — qu'on aille réellement au fond du problème, peut-être que l'optique de certaines personnes changerait à ce point de vue, quand on est porté à dire les grosses boulangeries.

M. CADIEUX: Quand votre compagnie est obligée de vendre du pain, parce qu'elle est obligée de suivre la concurrence d'un autre détaillant, elle est obligée de le vendre à un prix inférieur au prix coûtant.

Vous admettez que c'est un problème? Cela peut être un problème pour Steinberg. C'est un problème pour le détaillant qui est obligé d'agir de la même façon.

M. NORMANDIN: Non. Excusez-moi, M. le député, on ne cause pas un problème au détaillant, parce que nous n'avons jamais commencé ce genre de pratique.

M. CADIEUX: Excepté que vous le faites...

M. NORMANDIN: Le détaillant s'est causé un problème, et nous, nous défendons nos intérêts, nous réagissons. Je suis d'accord avec vous, c'est une pratique que nous n'aimons pas. Nous sommes forcés et nous allons continuer à agir de cette façon tant et aussi longtemps qu'il le faudra. Nous allons continuer.

Maintenant, il y a de bonnes nouvelles, depuis une couple de semaines. Les rapports ne peuvent pas refléter tout ce qui se passe au jour le jour dans le marché, mais tous les endroits qui ont été mentionnés ce matin, en se référant à des statistiques qui datent de quelques mois — je ne devrais pas dire tous les endroits, je crois qu'il y a une exception — le pain à $0.13, à $0.14 et à $0.15, vous ne le trouverez pas cette semaine, en tout cas. On a mentionné ce matin, et ailleurs dans les mémoires, de Trois-Rivières. Bien, à Trois-Rivières, si vous trouvez du pain à $0.14 et à $0.15, comme c'était le cas au temps où le rapport Tessier a été publié... Je demande à mon adjoint à quel endroit la situation ne semble pas s'être rectifiée.

M. LELIEVRE: II y a peut-être à Granby...

M. NORMANDIN: Nous n'y avons pas de magasin.

M. TETRAULT: Est-ce qu'il ne serait pas valable aussi de dire que cette situation, selon vous, qui n'existe plus, c'est spécifiquement dû au fait que le projet de loi s'en vient.

M. NORMANDIN: Je ne suis pas en mesure de répondre à cela.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je voudrais poser deux questions à M. Normandin. D'abord est-ce qu'il peut nous dire, non seulement chez Steinberg, dans les magasins à succursales en général, depuis combien de temps cette pratique s'est généralisée, soit de faire du pain un "loss leader"?

M. NORMANDIN: M. Joron, vous me demandez depuis combien de temps ces pratiques se sont généralisées. D'abord, j'ai cru dire précédemment qu'à mon point de vue, sur ce qu'on connaît du marché, les pratiques n'ont pas été généralisées.

M. JORON: D'accord, c'est-à-dire...

M. NORMANDIN: Les pratiques ont été utilisées...

M. JORON: Depuis quand emploie-t-on ce truc, sur le pain, dans certaines régions? Cela ne couvre pas toutes les régions, je comprends, mais cela existe depuis combien de temps? Cela se faisait il y a cinq, dix ou vingt ans?

M. NORMANDIN: Oui.

M. JORON: Est-ce que cela s'est toujours fait?

M. NORMANDIN: M. le Président, si vous me permettez, en réponse à la question de M. Joron, cela va m'aider à reposer ma voix, je demanderais à M. Lelièvre peut-être de répondre. M. Lelièvre, comme je l'ai indiqué, est directeur des achats chez Steinberg, dans le domaine de l'épicerie, dont les produits de boulangerie. Dans une organisation comme la nôtre, le directeur des achats a aussi une responsabilité directe sur ce qui se fait au point de vue de la mise en marché. Je crois que M. Lelièvre pourrait répondre.

M. LELIEVRE: Pour répondre à la question de M. Joron, M. le Président, je crois que la situation s'est améliorée et ne s'est pas détériorée depuis quelques années, quand vous parlez de "loss leader".

M. JORON: Quant au pain.

M. LELIEVRE: Quant au pain. Il y a déjà eu des guerres beaucoup plus...

M. JORON: Qui remontent à longtemps?

M. LELIEVRE: Si on peut donner la situation de la dernière année, si on parle de Trois-Rivières, par exemple, à Trois-Rivières...

M. JORON: II est important, si l'on veut faire une corrélation, une chose de cause à effet entre ces guerres de prix, le fait que les chaînes pratiquent, pour le pain, le truc du "loss leader" et la diminution et les faillites dans nombre de boulangeries au Québec qui, de 1961 à 1970, par exemple, sont tombées de moitié, il faudrait savoir si c'est directement relié à ça, si, au cours des années soixante, ces pratiques existaient.

Autrement, on va s'apercevoir que, dans le cas où ça n'aurait pas existé, de toute façon, il y a des boulangeries qui font faillite. A ce moment-là, c'est pour des raisons différentes. C'est ce que je veux savoir. Depuis combien de temps pratique-t-on ça?

M. NORMANDIN: M. le Président, si vous me permettez de répondre à la question de M. Joron. Il faut faire attention quand on interprète certaines statistiques et, je le mentionne, c'a été assez bien couvert dans le rapport Tessier aussi. Le bureau fédéral de la statistique donne des chiffres concernant le nombre de boulangeries.

Dans l'enquête Tessier, on s'est donné la peine d'essayer d'analyser combien de boulangeries, en réalité, se trouvaient au niveau de la production du pain blanc parce que les statistiques fédérales ne font pas la distinction. On parle de 900 et ce nombre a peut-être baissé à 500. Mais si on rétablissait les chiffres en se basant sur le nombre de boulangeries qui sont dans la fabrication du pain, je ne veux pas dire que la situation ne serait pas quand même alarmante, mais beaucoup moins alarmante.

Dans notre rapport, nous avons indiqué quelque chose. D'abord, comme vous le savez, nous ne pouvons pas prétendre connaître la cause de chaque faillite de chaque organisation qui, à un moment donné, cesse de fonctionner. Nous ne pouvons pas connaître toutes les causes. Mais ce que nous avons donné comme explication, parce que ça fait suite à une étude du marché que nous faisons, c'est ceci: Ce qui a été la principale cause, à notre point de vue, de la disparition d'un certain nombre de boulangeries, c'est le changement de méthode de mise en marché, c'est l'avènement des magasins à succursales qui couvrent un rayon de vente beaucoup plus étendu que le tout petit magasin du coin. C'est l'avènement des centres commerciaux qui attirent une clientèle de très loin. Automatiquement, le commerce du pain a changé de telle façon que certains boulangers, groupes artisanaux, si on peut dire, se sont trouvés dans une situation où réellement, leur marché avait diminué à un tel point que leur activité n'était pas tout à fait rentable.

Il y a ces facteurs qui sont extrêmement importants et, plutôt que nous laisser impressionner par des chiffres qui nous paraissent alarmants mais que nous interpréterions tout simplement d'une façon superficielle et tirer des conclusions que ça va mal et qu'il faut apporter des mesures correctives, je dis que tout ça est bien. Mais je le ferais avec la même prudence que le rapport Tessier qui a pu faire certaines recommandations parce que ç'a été mentionné. On en a tenu compte dans le rapport Tessier de cette nuance, de cette distinction. Est-ce que ça répond à votre question?

M. JORON: Est-ce que M. Lelièvre pourrait répondre à la question principale que je posais, à savoir: Depuis quand ces pratiques existent-elles dans le commerce de la distribution?

M. LELIEVRE: A ma connaissance, ça existe depuis plusieurs années.

M. JORON: Cela remonte à longtemps.

M. LELIEVRE: Oui, et toujours dans des cas isolés.

M. JORON: Bon!

M. LELIEVRE: Je peux vous donner une idée de la situation des prix du pain dans le moment dans la province de Québec.

M. JORON: Oui.

M. LELIEVRE: Actuellement, Steinberg Ltée ne vend pas un pain en bas de $0.18 et on vend du pain à $0.18 dans seulement sept magasins qui font face, dans des cas isolés, à une concurrence. Le pain de 24 onces se vend $0.22 à Montréal et nous avons un autre pain de 24 onces, un pain enrichi, qui se vend $0.24. Nous avons sept magasins dans le moment où le pain se vend $0.18 à cause de la concurrence et, comme M. Normandin l'a expliqué, c'est dans des cas isolés.

M. JORON: Si le président me le permet, j'ai une deuxième question.

M. CADIEUX: Je pense que cela va vous éclairer.

M. JORON: Sur le même point?

M. CADIEUX: Oui. Si vous me le permettez. Il y a une étude qui a été faite par le ministère ici le 23 février 1973; il y a une semaine. Elle nous donne le prix du pain dans toutes les succursales et le prix du boulanger. A Valley-field, il est à $0.27; dans les succursales, il est à $0.15. A Chicoutimi, il est à $0.27; dans les succursales, il est à $0.20. A Trois-Rivières, il est à $0.27; dans les succursales, il est à $0.19. A Sherbrooke, il est à $0.27; dans les succursales, $0.15. A Granby, il est à $0.27; dans les succursales, il est à $0.14. Dans la banlieue de Québec, il est à $0.33; dans les succursales, il est à $0.19. A Saint-Laurent, il est à $0.32; dans les succursales, il est à $0.18. A Saint-Léonard, il est à $0.32; dans les succursales, il est à $0.18. A Montréal, le pain croûté de 20 onces est à $0.25; dans les succursales, il est à $0.09. A Vanier, il est à $0.33; dans les succursales, il est à $0.16. C'est une enquête qui a été faite le 23 février.

M. NORMANDIN: Je me demande si le député de Beauharnois pourrait me préciser dans quelles succursales dans tous les plans qu'il...

M. CADIEUX: C'est pour la moyenne des succursales, le prix des chaînes. On a fait une moyenne dans les magasins...

M. NORMANDIN: Vous parlez du 23 février?

M. CADIEUX: Le 23 février 1973.

M. NORMANDIN: Le rapport dont vous parlez est daté du 23 février 1973. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire de quelle date à peu près est l'information que vous nous donnez? Ce qui arrive assez souvent, il y a des enquêtes qui sont faites — nous en connaissons une sur la langue française — qui peuvent prendre deux ou trois ans et les statistiques qui ont pu être accumulées au tout début de l'enquête, à un certain moment, quand le rapport est soumis, nous sont données comme des choses du 23 février 1973. Est-ce qu'il y a une explication à cela dans le rapport?

M. CADIEUX: L'enquête a été faite le 23 février par téléphone et vérifiée par un enquêteur spécial qui allait vérifier les données que nous avons ici.

M. RUSSELL: J'aurais une question à poser au député de Beauharnois, pour clarifier cette question, parce que cela semble jeter beaucoup de poudre dans l'air. Je me demande si, dans le contexte actuel, on n'a pas voulu établir le chiffre le plus haut dans le petit magasin et essayer de trouver le chiffre le plus bas dans le magasin à succursales ou si on a réellement fait enquête dans tous les magasins à succursales et dans tous les magasins d'entreprise privée, dans la petite entreprise.

M. CADIEUX: D'abord, il n'y a pas de nom de succursales de mentionnées. On a pris des magasins à succursales. On n'en mentionne pas un en particulier, et on a pris le prix du boulanger dans la même région, alors de $0.27 à $0.15 ou de $0.28 à $0.14 et, dans un certain cas, de $0.25 à $0.09. L'enquête a été faite dans la même journée.

M. LELIEVRE: Est-ce que le député pourrait préciser qui a fait l'enquête?

M. CADIEUX: C'est M. Tessier.

M. LELIEVRE: Je voudrais poser une question ou avoir des éclaircissements. Nous avons notre système de communication.

Je peux vous certifier qu'à Sherbrooke, dans ce que nous considérons comme magasins à succursales, il n'y avait pas de pain au prix que vous mentionnez le 23 février, et ailleurs non plus.

M. JORON: M. le Président, je pense qu'à moins d'interroger ceux qui ont fait l'enquête, nous n'en sortirons pas.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous allons prendre note de vos remerques et nous allons vérifier à nouveau.

M. JORON: Si vous le permettez, j'aurais une dernière question à poser à M. Normandin. On a établi tout à l'heure que si, par une législation, on devait fixer un prix minimal, ce n'est pas cela qui allait garantir au boulanger qu'il va vendre à un meilleur prix au magasin, que ce soit Steinberg, Dominion ou Métro. Cela ne régit pas le prix entre le fabricant et le distributeur, c'est-à-dire le magasin à succursales. En conséquence, ce n'est pas là qu'on va

assurer la survie des petites boulangeries, d'une part.

Ce matin, on a établi aussi que là où cela pourrait avoir un effet bénéfique pour les petites et moyennes boulangeries, ce serait que cela ferait diminuer pour autant que l'effet de la loi serait de faire diminuer le volume de pain vendu dans les magasins à succursales par opposition à celui qui est vendu directement par les boulangeries dans leur réseau de distribution propre ou par leurs "jobbers". S'il y avait des déplacements de ce qui est vendu dans les succursales vers l'autre secteur qui est plus profitable pour les boulangeries, cela pourrait donner le temps nécessaire au recyclage dont parlait les différents témoignages que nous avons eus.

Maintenant, il s'agirait de savoir si on fixe le prix minimal du pain à $0.20 et qu'il ne peut plus se vendre en bas de $0.20 dans les magasins à succursales, est-ce que vraiment ce transfert va se faire? Est-ce que le volume va vraiment baisser dans les magasins à succursales? Est-ce qu'il va augmenter dans l'autre partie? Je pense que, pour mesurer l'effet de la loi, pour savoir, en d'autres mots, si nous sommes en train de voter une loi inutile, c'est cela qu'il faudrait savoir. Cela est votre témoignage, il peut être partiel, mais enfin... Je vous demande, à vous, entre autres, comme je l'ai demandé aux autres aussi, on ne m'a pas répondu là-dessus: Comment évaluez-vous... L'association Gailuron nous a dit sur cette question-là qu'elle s'attendait à un léger déplacement. C'est exact? J'aimerais savoir un peu plus ce que cela voulait dire. On a établi ce matin — je ne sais pas si tout le monde est d'accord avec ces chiffres-là, c'est M. Brodeur qui nous les a donnés, — à environ un tiers dans les succursales deux tiers en dehors, la situation globale au Québec à l'heure actuelle. Si cela renverse la vapeur et devient 20 p.c. dans les chaînes et 80 p.c... A ce moment-là, je comprends que cela aurait un effet très substantiel et très bénéfique sur les boulangeries mais si on passe de 33 p.c. à 31 p.c, je me demande si la petite différence va véritablement assurer la survie des boulangeries. De toute manière, pour l'instant, je voudrais demander à M. Normandin si on a évalué de combien baisserait les ventes de pain si le prix était fixé à quelque chose qui, tout en étant légèrement inférieur à ce qui est vendu dans les courses de pain, serait autour de $0.20 ou de $0.25. Vos ventes de pain baisseraient-elles? Je complète en disant que, peut-être, vous avez fait des expériences semblables sur d'autres produits et, à un moment donné, vous haussez le prix et vous êtes en mesure d'évaluer quel effet cela a sur votre chiffre d'affaires. Pensez-vous ou avez-vous pu établir — si vous avez pu le faire — à partir de quels critères cela va véritablement faire baisser les ventes de pain dans les magasins à succursales?

M. NORMANDIN: M. le Président, en répon- se à la question de M. Joron, je vous donne une opinion personnelle. Je dis que, de façon générale, ça n'affecterait pas les ventes dans nos magasins. C'est mon opinion personnelle.

M. JORON: Sur quoi le fondez-vous?

M. NORMANDIN: Simplement par l'expérience de nos affaires dans le passé. Ce que je veux ajouter à ça, c'est ceci. Si on s'en tient exclusivement au marché qui peut intéresser Gailuron — on parle de Valleyfield — il y a peut-être une possibilité que, dans ce cas particulier, ça les aide. Mais je trouverais absolument exceptionnel que nos ventes puissent être affectées, si on se base sur l'expérience passée où des changements de prix ont pu être apportés. La raison pour laquelle je dis que, peut-être, dans le district de Valleyfield, ça pourrait aider ce boulanger particulier, c'est qu'il y a un magasin. Vous avez posé la question en ce qui concerne nos succursales. Nous avons un magasin à un mille ou un mille et demi de Valleyfield. On croit que la clientèle qui vient à ce magasin vient d'un peu plus loin que Valleyfield. C'est notre expérience, en tout cas. Les gens se déplacent plus pour aller à une succursale qu'ils vont le faire pour aller chez un petit commerçant. Ecoutez, vous posez une question. 11 faudrait presque que j'essaie d'être Dieu pour dire ce qui va se passer. Je vous donne une opinion. A notre avis, nous ne croyons pas que cela l'affecte de façon substantielle, si ça devait l'affecter. Je ne sais pas si M. Lelièvre, qui est plus directement relié au commerce de détail —parce que j'ai établi que ma fonction principale était quand même au niveau de la production, même si je ne peux dissocier mes responsabilités indirectes avec le détail, mais M. Lelièvre est plus directement impliqué dans la section détail — peut avoir une opinion différente. C'est à lui de répondre.

M. LELIEVRE : Pour ajouter aux dires de M. Normandin, je ne vois pas l'effet que pourrait avoir un prix minimal sur le pain sur nos ventes dans les magasins. On prévoit, pour l'année qui s'en vient, une augmentation de 20 p.c. sur le volume du pain. Un autre facteur qui va certainement jouer, c'est que, cette année, nous allons ouvrir dix autres magasins dans différentes régions de la province. Je ne vois pas comment nos ventes de pain pourraient être affectées. J'ai plutôt l'impression que ça va aller de l'autre côté.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: J'aimerais peut-être inverser la question. Vous avez ouvert une boulangerie et vous nous avez dit tout à l'heure que votre production était de 500,000 pains.

M. NORMANDIN: Par semaine.

M. TETRAULT: Par semaine. Pour en venir à 500,000 pains, vous avez commencé par au moins un pain. Est-ce que la quantité de 500,000 pains n'est pas suite au "loss leader" que les autres compagnies vous obligent à faire? N'est-ce pas ainsi que vous avez pu en venir à 500,000 pains?

M. NORMANDIN: Je peux répondre sans aucune hésitation à cette question de façon négative. Il y a quand même une chose qu'il ne faudrait pas oublier. Comme c'est probablement le cas qu'il y a eu à une certaine occasion un pain de produit et qu'on en est rendu à 500,000 pains, il y a une autre situation qui est vraie aussi; on a déjà commencé par un magasin dans la province de Québec et on est rendu à 142.

La question méritait quand même une réponse et je vous la donne. Pour ce qui est des "loss leaders" dont vous venez de parler, je dis que cela n'aide pas notre volume et que cela ne lui nuit pas. Pourquoi? Parce que, dans un magasin dans la région immédiate où nous avons un magasin d'ouvert a un "loss leader", la raison pour laquelle on est forcé d'agir, ce n'est pas parce qu'on veut augmenter notre volume de vente, c'est parce qu'on veut protéger ce qui existe déjà.

C'est ça, la situation. J'avais une question à poser à M. le Président, je voudrais savoir s'il reste encore beaucoup de temps pour discuter de ces problèmes.

M. CADIEUX: Je viens justement de le demander à mes collègues.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Habituellement, nous ajournons à six heures. Maintenant, si vous voulez être bref, c'est le dernier mémoire que nous avons à entendre aujourd'hui.

M. CADIEUX: Six heures cinq, six heures dix.

M. NORMANDIN: La raison pour laquelle je dis ça, c'est que je ne voudrais quand même pas prendre le temps de ceux qui ont des questions à poser. Mais si vous avez écouté les remarques que j'ai faites, je n'ai pas dit un seul mot concernant le texte de loi proprement dit. Ce matin, on a parlé de pesanteur et de tout ce que vous voudrez ; c'étaient des points importants à couvrir et, à ce point de vue-là, il y aurait quand même certaines remarques à faire. Les remar- ques que j'ai à faire, et on les a d'ailleurs dans notre mémoire, si cela pouvait être suffisant, c'est à vous de juger, vont de la page 23 à la page 26 de notre mémoire. Nous avons cru couvrir tout ce qu'on croyait important de couvrir. On a dit d'abord bien carrément une chose.

Dans la loi, de temps à autre, on mentionne que cela devrait être fait selon les normes et tout cela. J'aimerais bien savoir à quel endroit, dans le texte de loi, il y a des normes. J'aurais préféré, vu que j'ai eu l'avantage, avec d'autres boulangers de la province de Québec, d'être invité à participer à un comité formé par le bureau de normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce, discuter de normes concernant le pain. J'aurais espéré que la loi puisse être faite de façon relativement simple, mais en se basant sur des normes préalablement établies qui éviteraient de rendre la loi, à mon sens, impossible à interpréter, à appliquer et à contrôler de façon raisonnable. A ce point de vue-là, si on juge à propos que cela doit se faire avant six heures, il y a des points qui doivent être discutés.

M. CADIEUX: J'aimerais savoir également si le ministre, M. Saint-Pierre, sera libre à 8 heures si on ajourne la séance jusqu'à 8 heures.

M. SAINT-PIERRE : Nous avons une réunion à 6 heures.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je comprends cela.

M. CADIEUX: J'ai une suggestion quant aux normes de la compagnie Steinberg. La définition de pain suggérée par Steinberg, nous ne l'acceptons pas telle quelle parce que nous, nous disons "tout pain" et vous, vous n'acceptez pas l'expression "tout pain" dans les définitions.

M. TETRAULT: C'est ce que je voulais souligner, M. le Président. Si on entre dans la discussion des normes et tout cela, on est aussi bien d'ajourner la séance et de revenir. J'ai encore une multitude de questions a poser.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! La séance est ajournée.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance : 20 h 26

M. BRISSON (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Est-ce qu'on peut concéder que nous avons quorum? Oui.

M. RUSSELL: M. Ostiguy est là.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je pense que l'honorable député d'Abitibi-Est aurait quelques questions à vous poser avant que vous passiez à la deuxième phase, comme vous avez dit, très courte de votre affaire.

M. TETRAULT: J'avais posé une question à M. Normandin. Je lui demandais, lorsqu'il est parti d'un pain et a monté à 500,000 pains, à quoi il attribuait cette montée de marketing. Il m'a répondu, si je ne m'abuse, que c'était suite à tout l'ensemble des succursales. Vous ne croyez pas, M. Normandin, que la question du prix de vente — vous ne voulez pas l'appeler comme ça parce que vous dites que vous suivez les autres compagnies.. Le "Loss leader" n'a-t-il pas affecté ou contribué à l'augmentation de votre volume actuel?

M. NORMANDIN: M. le Président, je croyais avoir répondu à cette question. J'ai dit exactement ce que vous venez de rapporter, M. Tétrault. La question de "loss leader", dans notre cas, nous ne l'avons jamais utilisée comme telle et les occasions ont été nombreuses où nous avons dû baisser les prix au niveau de ce qu'on peut appeler le "loss leader", simplement comme mesure défensive contre nos concurrents situés dans un rayon très immédiat de nos magasins. Cela a été réellement comme mesure défensive. Si nous n'avions pas réagi, en utilisant des prix qui soient concurrentiels avec ceux qui se servaient des prix de "loss leader", ce qui serait arrivé probablement, nous aurions souffert d'une perte, j'imagine. Mais de là à dire que le fait de réagir à ce que nos concurrents régionaux, géographiques, situés dans le rayon immédiat de notre champ d'action, nous a fait augmenter les ventes, nous disons: Non. D'après nos statistiques, d'après nos analyses, cela ne nous a pas fait augmenter nos ventes de pain.

M. TETRAULT: D'aucune façon?

M. NORMANDIN: D'aucune façon qu'on a pu mesurer.

M. TETRAULT: Je lis un autre article, 2c) dans le résumé de votre mémoire où vous dites: Le consommateur préfère de plus en plus faire ses achats de pain au supermarché en même temps que ses autres achats alimentaires.

J,'ai pris quelques informations et je vais vous donner "exemple d'une famille de neuf enfants qui achète onze, douze ou treize pains au prix du "loss leader", l'appât du supermarché. Ces gens me répondent que, si le pain coûtait $0.25, pour prendre un prix, dans un supermarché, et que les gars qui fait du porte-à-porte le vendait $0.26, ils ne verraient pas la raison d'acheter onze, douze, treize ou quatorze pains et de les faire congeler. Le service est à domicile, on a du pain du jour, frais, donc, on ne sera pas obligé d'acheter onze, douze, quatorze ou quinze pains pour économiser.

Vous me dites, dans votre rapport, que cela n'affecte pas le consommateur, qu'il préfère faire tous ses achats alimentaires en même temps.

M. NORMANDIN: M. le Président, nous répondons à une question d'ordre général par une réponse qui couvre, d'après nous, les pratiques générales. Si vous dites que vous connaissez une exception au cas, je ne peux pas dire que...

M. TETRAULT: Ce n'est pas une exception.

M. NORMANDIN: ... ce n'est pas possible. Mais pour nous, la chose qu'il y a, c'est ceci. Nous sommes obligés, à cause de la nature même de nos activités, de tenir des statistiques qui sont très détaillées. Et nos statistiques nous le prouvent. Parce que nous sommes intéressés à savoir exactement les effets que telle ou telle pratique peut avoir sur le résultat final de nos activités.

Nos statistiques nous prouvent qu'il n'y a aucune augmentation, qui puisse être mesurée, qui soit attribuable au genre de situation auquel vous faites allusion.

M. TETRAULT: Comme ça, vous voulez dire que, lorsque vous faites la réduction de votre pain, cette semaine-là, ou les journées que votre pain est en vente à un prix spécial, la consommation de pain n'augmente pas.

M. NORMANDIN: Exactement, et la raison pour laquelle c'est le cas, M. Tétrault, est celle-ci. C'est que, quand nous faisons ça, c'est comme mesure de protection contre un concurrent qui est immédiatement voisin de nos magasins. Si le client qui avait coutume de venir acheter son pain chez nous peut continuer, justement, à profiter du même prix que chez quelqu'un qui voudrait utiliser une méthode répréhensible comme celle-là, il va continuer à venir chez nous.

Si le client continue à acheter mais qu'on en attire d'ailleurs, vous savez, on ne peut pas dire que les ventes d'une semaine à l'autre se mesurent aux cents. Il y a une ligne qui s'établit et je dis qu'à la suite d'une telle réaction, une mesure de protection, une mesure défensive, il n'y a absolument rien qui apparaisse dans notre courbe de ventes. Qu'on pose la question cinq fois dans des termes différents, la situation reste

telle quelle. Je ne peux pas donner d'autres explications.

M. TETRAULT: Suite à ce que vous me dites, si cela n'affecte pas vos ventes — au début de votre intervention, vous avez parlé de protection satisfaisante et tout cela — en supposant qu'une telle chose existe dans le domaine de la boulangerie, est-ce que vous voyez encore l'obligation de fixer un prix minimal de vente?

M. NORMANDIN: Si la question du député Tétrault pouvait être expliquée à l'aide de chiffres. Si on me disait exactement ce qu'on entend par le prix minimal dont nous parlons depuis le matin, je serais en meilleure posture pour donner une réponse directe. J'ai bien expliqué notre inquiétude, en examinant la façon dont on a suggéré que le prix minimal soit établi. Je ne dis pas que c'est cela qui sera adopté, mais si je me base toujours sur le modèle mathématique qui a été suggéré dans le rapport Tessier, automatiquement, on ne parle plus réellement de prix minimal. C'est un terme qui veut dire, en somme, au point de vue pratique, une augmentation de prix. Et la raison pour laquelle je continue à maintenir l'opposition de principe que nous avons expliquée au tout début, c'est que nous ne pouvons pas appuyer une intention ou un projet qui parle d'augmenter le prix quand nous sommes d'avis qu'il n'y a pas de raison d'augmenter les prix. Et j'aimerais dire autre chose à ce point de vue. Il me semble que nous ne sommes pas les seuls à connaître la situation telle qu'elle existe dans le moment dans la province de Québec. Il y a quand même toute la population, que ce soient 6 millions ou 5,990,000 — je ne le sais pas — consommateurs qui s'inquiètent, avec raison, du coût des denrées alimentaires aujourd'hui, il y a toutes les associations de consommateurs, des organismes professionnels, des groupements d'industriels, même des organismes gouvernementaux qui partagent la même inquiétude.

Tous incitent les fabricants et les détaillants à contrôler et à réduire leurs coûts de façon à maintenir le prix du détail — je parle des denrées alimentaires — à un niveau qui soit acceptable. Au niveau du gouvernement fédéral, on a eu la préoccupation d'instituer des mesures budgétaires dans le but, justement, d'apporter des mesures correctives quant au prix des aliments. Je trouve inconcevable que le gouvernement du Québec, à l'encontre de toutes les inquiétudes, dans le contexte actuel, du coût des aliments, ait à l'idée de légiférer dans le but d'augmenter le prix du pain. J'ai de la difficulté à concilier cette intention du gouvernement avec la situation à laquelle tout le monde fait face et le mouvement qui existe à tous les niveaux pour essayer d'inciter et d'encourager les gens à réduire les coûts de leur alimentation. Je trouve cela inconcevable.

M. TETRAULT: J'aurais une autre question,

M. Normandin. C'est peut-être un secret que vous ne pouvez pas dévoiler. Le prix minimal de votre pain, qu'est-ce que c'est?

M. NORMANDIN: J'aimerais comprendre la question. Quand vous parlez du prix minimal, de quoi parlez-vous? Parlez-vous de notre coût ou de notre prix de vente?

M. TETRAULT: Non. Votre prix de vente.

M. NORMANDIN: Je ne sais pas si on vous a remis, ce matin, une feuille numérotée 19, qui devrait remplacer celle qui était dans notre mémoire, parce qu'une erreur s'est glissée dans la préparation de notre mémoire. Le texte a été préparé de la bonne façon et, quand nous avons voulu mentionner les prix de transfert et les prix de détail, nous avons fait une erreur. Nous avons dit à nos dactylos: Vous trouverez les prix dans le mémoire qui a été présenté à l'occasion de l'enquête sur l'industrie de la boulangerie, ce qui datait d'un an et demi â peu près. Ce qui est arrivé, c'est qu'au début de notre année financière, qui est le 1er août à peu près, nous avions dû faire face à des augmentations de salaire à cause des contrats qui avaient été négociés et une foule d'autres prix et nous avons dû augmenter nos prix de transfert, comparativement à ce qu'ils étaient il y a un an et demi, ainsi que nos prix de détail.

Aujourd'hui, ce n'est pas un secret. J'ai même accepté tout à l'heure de donner une copie de nos mémoires aux différents boulangers qui sont présents. Ils me l'ont demandée. Alors, ce n'est pas un secret. Nos prix de transfert officiels, qui ne varient pas en dépit de ce qui peut se passer au niveau du "marketing", des ventes de nos magasins, ne prennent pas en considération les guerres de prix qu'il peut y avoir dans le domaine du détail.

Prix de transfert pour le pain blanc, tranché, 20 onces, $0.16.4 et c'est le cas depuis le début de notre année fiscale, le 1er août, à peu près. Au niveau de détail, notre prix régulier, normal, pour ce produit est de $0.22. Avant de dire pourquoi, je vais vous mentionner d'autres articles. Le pain blanc tranché de 24 onces qu'on vend sous l'étiquette Pain Québec, le prix de transfert à nos magasins est $0.17.7. Notre prix de détail est de $0.22. Cela s'impose de dire pourquoi c'est $0.22 pour 24 onces et $0.22 pour 20 onces. C'est que, sur l'île de Montréal, on vend du pain de 24 onces. A l'extérieur de Montréal, il y a plusieurs districts où on en vend de 20 onces, où forcément il y a des coûts de distribution ou de livraison qui sont plus élevés que ce qu'on vend sur le marché de Montréal. Pour les 20 onces, on parle du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord.

On a un autre pain qu'on vend sous l'étiquette Steinberg, 24 onces; notre prix de transfert à nos magasins est $0.18.9. Notre prix régulier de vente est de $0.24.

M. SAINT-PIERRE: Le prix de transfert est le prix à la sortie de la boulangerie?

M. NORMANDES!: C'est le prix que la boulangerie impose à la succursale. Parce qu'il faut bien comprendre une chose...

M. SAINT-PIERRE: Cela inclut le transport de la boulangerie au magasin?

M. NORMANDIN: Non. Le magasin qui fait le détail assume son propre coût de distribution à ses différents magasins. Nous sommes dans une situation un peu différente, comme vous le savez, des autres boulangers. Mais, ce qui arrive, c'est ceci. Steinberg, je peux vous assurer une chose, ne serait pas intéressé à être dans le domaine de la manufacture si les produits que nous fabriquons présentement pouvaient nous être livrés selon le degré de qualité que nous voulons, dans les quantités dont nous avons besoin et aux heures de la journée où nous en avons besoin à cause de la complexité de notre système de distribution et des besoins de nos magasins. Avec les années, au fur et à mesure que le nombre de nos succursales de détail a augmenté, il n'y avait aucun moyen d'obtenir la qualité, la quantité et aux heures spécifiques où nous avons besoin des produits; nous n'avions pas de choix.

Il fallait que nous fabriquions nos propres produits. Maintenant, il y a une chose, quand nous investissons un montant d'argent pour l'installation d'une machinerie pour la création d'un produit — dans le moment, on parle de boulangerie — l'investissement n'est approuvé que pour autant qu'au domaine de la manufacture on puisse justifier le retour sur l'investissement.

C'est pour cette raison qu'en tant que boulanger, nous sommes obligés d'exiger de nos magasins ce qu'on serait obligé d'exiger des magasins extérieurs de l'organisation Steinberg si on devait leur vendre. Alors, il n'y a pas de concession. Evidemment, il y a de l'argumentation mais nous nous en tenons au principe même d'affaires et on dit que c'est la seule façon d'avoir une exploitation qui soit rentable.

M. TETRAULT: ... ce que vous Voulez nous dire et que vous nous avez dit, avec la feuille qu'on n'avait pas d'ailleurs. Je remarque dans votre mémoire que vous nous dites à un endroit que vous achetez 200,000 pains de sept fournisseurs dans la région de Québec. Est-ce que vous achetez le pain au prix de transfert? Peut-être que c'est dans les secrets ou est-ce que vous l'achetez à un prix inférieur à ce que vous marquez comme prix de transfert? Le pourcentage que d'autres ont signalé — je ne dis pas que vous le faites — la ristourne ou quelque chose qui viendrait, le fournisseur à Québec est obligé de vendre à un prix inférieur au prix de transfert...

M. NORMANDIN: J'aimerais répondre à la question du député Tétrault mais je voudrais quand même qu'on me permette, vu que nous faisons en somme affaires avec à peu près 49 boulangers différents, de ne pas mentionner le prix exact qu'on peut payer parce que cela peut varier selon les districts. Ce que je peux dire, c'est que nous payons même plus cher à des boulangers qui nous fournissent que ce que la compagnie Steinberg, à son niveau de boulangerie, réclame à nos magasins. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner mais je ne peux pas vous dire exactement le nombre de cents avec les fractions de cents.

M. TETRAULT: M. le Président, on a eu une discussion de prix, on a demandé à différents groupes ce matin de nous suggérer un prix. Je le suggère à Steinberg parce que le projet de loi concerne ça, et je le suggère aux autres groupes. Que penseriez-vous, mettons pour 16 onces $0.20; pour 20 onces, $0.22; pour 24 onces, $0.24 et pour 32 onces, $0.32.

M.NORMANDIN: Un instant, excusez-moi.

M. TETRAULT: C'est une suggestion. Ce n'est pas à moi de les faire.

M. NORMANDIN: Vous me dites seize onces, $0.20...

M. TETRAULT: Le pain de 20 onces, $0.22; le pain de 24 onces, $0.24; le pain de 32 onces, $0.32.

M. NORMANDIN: En somme, vous me demandez ce que j'en pense. Pour autant que nous sommes concernés, je pense que ce que vous pouvez constater, en tout cas, je n'ai pas le détail pour le pain de 32 onces ici, c'est qu'en somme c'est à peu près basé sur notre structure de prix de détail, n'est-ce pas ce que vous avez là?

M. TETRAULT: Non, je parle de prix minimal.

M. NORMANDIN: Le prix minimal, dans le moment, serait synonyme du prix de détail qui est notre prix normal aujourd'hui.

M. TETRAULT: Oui, d'accord.

M. NORMANDIN: Alors, à ce point de vue aujourd'hui, je pense que ce serait difficile de défendre une autre idée que celle-là. Regardez vous-même, M. Tétrault, je ne crois pas que cela puisse nous affecter tellement, n'est-ce pas? Maintenant, ce que je ne sais pas, c'est de quelle façon cela pourrait être justifié. Si on a des visées pour offrir une certaine protection à des boulangers qui sont en difficulté, je ne sais pas. Ce serait plutôt à eux de répondre.

M. TETRAULT: Je vous le demandais, mais si les autres peuvent répondre, M. le Président,

j'aimerais avoir une réponse, s'il y avait possibilité.

LE PRESIDENT (M. Brisson): II ne faudrait pas recommencer tout le débat que nous avons eu cet après-midi. J'inviterais les membres de la commission à poser des questions assez...

M. TETRAULT: D'accord, j'accepte la réponse de Steinberg, si vous ne voulez pas permettre aux autres d'y répondre.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur cette partie, est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent parler? Le député de Shefford.

M. RUSSELL: J'ai quelques remarques à faire. Tout d'abord, je veux faire remarquer à M. Normandin que, lorsqu'il a parlé du problème des consommateurs ou de ceux qui étaient concernés, je ne vois pas une kyrielle ou un gros groupe de ces gens venir se défendre, quoiqu'ils aient la liberté de le faire à la commission, ici, tout en soumettant des mémoires. Je n'ai pas plus confiance au télégramme qui nous a été envoyé ici par l'IPIC que je ne connais pas, simplement signé par un directeur, M. Gérard Saint-Denis. Je pense qu'il y aurait eu une façon de venir appuyer le bill et les autres auraient pu venir le défendre en se présentant comme vous l'avez fait, vous de l'Association des boulangeries et les représentants de Steinberg.

Vous me permettrez de vous poser quelques questions d'abord pour tenter de mettre fin à certaines rumeurs que j'ai entendues et qui ne me semblent pas tout à fait justifiées ou justifiables. En regardant votre mémoire, il semble y apparaître que vous achetez environ 200,000 pains par semaine, en plus de votre production de 500,000 pains, ce qui veut dire en chiffres ronds une consommation ou une vente de 700,000 pains par semaines.

M. NORMANDIN: Oui.

M. RUSSELL: Si nous fixions le prix comme l'a suggéré tout à l'heure le député d'Abitibi-Est, est-ce qu'il serait vrai ou faux de dire que les revenus de Steinberg seraient accrus d'au-delà de $1 million par année?

M. NORMANDIN: M. le Président, j'avais justement l'intention de m'informer de la source de cette nouvelle qui nous a été annoncée ce matin. Moi, à moins d'avoir des chiffres exacts, concernant l'augmentation possible du prix du pain, je ne me sens pas capable de vous donner des chiffres concernant le profit possible qu'on pourrait réaliser. Je vais quand même vous donner une façon de faire le calcul individuellement. Pour l'année 72/73, — nous, notre année financière marche comme ça, à peu près du 1er août à la fin du mois de juillet — mes prévisions budgétaires, au point de vue de la vente de pain, sont de l'ordre de 27 millions de pains blancs tranchés. Quand je dis "pain blanc tranché", j'englobe les différentes catégories qui font partie de notre étude, dans le moment. Tout ce que je suis en mesure de dire aujourd'hui, c'est que, s'il devait y avoir un cent d'augmentation par pain à travers la province — je ne peux pas faire d'autres calculs dans le moment — cela représenterait quoi? Pour chaque cent, une augmentation d'à peu près $270,000 par année. Maintenant, qu'est-ce que l'augmentation réelle sera? Je n'ai pas la réponse. Je vous donne simplement une façon de faire le calcul.

M. RUSSELL: Si je comprends bien, cela ne dérange absolument pas la boulangerie Steinberg. Pour elle, son prix ne change pas. Car l'intention du bill, actuellement, est de fixer le prix minimal de détail. Cela ne change pas la boulangerie; ça change simplement les magasins Steinberg.

M. NORMANDIN: Oui, exactement. Mais seulement, je voudrais faire remarquer à M. Russell — je l'ai répété à plusieurs reprises, je représente la compagnie Steinberg — nous sommes dans une situation un peu spéciale où nous nous trouvons à être et producteurs et détaillants. Et quand on dit que la boulangerie ne ferait pas un cent de plus, c'est possible. Mais ça pourrait peut-être être négocié, je ne le sais pas. Mais la compagnie Steinberg, que ce soit au niveau de la manufacture ou au niveau du détail, s'il y avait une augmentation d'un cent par pain dans toute la province, réaliserait $270,000 de plus. On ne voit pas pourquoi le consommateur aurait à être aussi généreux que ça.

M. RUSSELL: Si je veux faire une multiplication facile, je dis que, s'il y avait augmentation de $0.04, cela voudrait dire, grosso modo, $1 million, et, si les chiffres qu'on a discutés représentent à peu près 12 p.c. ou 13 p.c. de la production totale de la province, ceci veut dire que 13 p.c. de la production totale représente $1 million d'augmentation, si l'augmentation était de $0.04. M. le Président, je pense que ça précise raisonnablement les arguments qui ont été avancés et le public aura simplement à faire des déductions, des calculs pour se procurer l'information.

Une autre question que j'aimerais à préciser, c'est que, dans les mémoires qu'on nous a soumis ce matin, on a parlé d'un prix canadien moyen de $0.25. Lorsqu'on relève les statistiques canadiennes, le document 62.2.01 — ceci est en date du mois de novembre 1972 — on s'aperçoit que le prix moyen canadien est de $0.224 et non pas de $0.25 et quelque chose pour le pain blanc tranché, contrairement au mémoire que nous avons ici.

Je ne sais pas s'il y a eu une erreur de production de chiffres.

Les prix que nous discutons ne semblent pas aussi écartés de la réalité que ceux qu'on a

produits ce matin. A moins que vous n'ayez une preuve contraire, je vous pose la question. Est-ce que vous avez vérifié les prix moyens pour le Canada?

M. NORMANDIN: D'abord, les prix moyens dont nous parlons, je ne me souviens pas que ça m'ait été soumis. Est-ce que c'est dans notre mémoire?

M. RUSSELL: C'est le gouvernement qui a donné ça ce matin; nous les avons dans les dépôts de documents.

M. NORMANDIN : De ce matin? M. RUSSELL: Oui.

M. NORMANDIN: J'ai passé la journée en votre présence, je n'ai pas eu le temps de vérifier.

M. RUSSELL: II faut croire qu'on ne vous a pas fourni de document. Une simple question. Est-ce que vous pourriez renseigner la commission, à savoir si vous possédez l'information? Il y a eu des fixations de prix dans le lait. Est-ce que, au moment où on a fixé le prix du lait, il y a eu une baisse de vente dans le magasin à succursales dont vous faites partie?

M. NORMANDIN: M. le Président, je voudrais répondre à cette question-là. D'abord, je dis qu'il y a eu une forte augmentation et, pour vous donner les chiffres exacts, je vais demander cela à M. Lelièvre parce que ça tombe exactement sous sa juridiction de répondre à votre question.

M. LELIEVRE: M. le Président, pour répondre à la question du député Russell, en 1969-1970, on a eu 17 p.c. d'augmentation sur le volume du lait. En 1970-1971, 15 p.c; en 1971-1972, 15 p.c. et jusqu'à maintenant, après sept mois d'exploitation dans notre nouvelle année fiscale, 17 p.c.

M. RUSSELL: Je n'ai pas d'autre question.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Beauharnois.

M. CADIEUX: J'ai deux ou trois questions mais avant j'ai encore une remarque à faire parce que je trouve qu'on a oublié un aspect possible de la présentation de cette loi. C'est qu'on veut corriger une situation que l'on craint, qui pourrait arriver et les autres qui ont présenté des mémoires nous ont dit qu'on s'en va vers un genre de catastrophe dans tout le domaine du pain. Il ne faut pas oublier ça.

Si on se penche pour penser à présenter une loi, c'est justement pour prévenir. La loi ne sera peut-être pas parfaite, mais tout de même. J'ai une question à poser.

M. NORMANDIN: Est-ce que je pourrais d'abord répondre à votre question?

M. CADIEUX: C'est une observation.

M. NORMANDIN: C'est une observation mais nous, dans le moment, l'autre observation que nous avons à faire à la suite de ce que vous venez de mentionner, c'est ceci. Si aujourd'hui, comme vous venez de l'indiquer, le gouvernement voulait prévenir ce qui, peut-être, n'arrivera jamais — mais il y a peut-être une possibilité que ça arrive — ce ,que nous suggérons, c'est qu'il y a des problèmes qui existent aujourd'hui.

Le problème qui existe est le coût des prix de l'alimentation au sujet desquels tout le monde s'inquiète et avec raison. Nous nous disons: Essayons d'abord de régler ce problème et si nous apprenons que, dans dix ans, il y a d'autres problèmes, ne donnons pas à ce problème qui n'arrivera peut-être jamais la priorité. C'est pour ça que nous disons que nous aimerions penser au consommateur dans ce sens-là.

M. CADIEUX: Avec l'expérience d'autres provinces, des Etats américains, on dit que, si on n'agit pas immédiatement, le prix du pain va définitivement augmenter parce que la concurrence va diminuer; il y en a qui vont disparaître. Ce sera certainement dans les mains de certaines personnes. Nous ne voulons pas l'augmentation des denrées, nous voulons justement prévenir une augmentation exagérée et tout en préservant une catégorie de boulangers, une catégorie de distributeurs, de petits "jobbers" qu'on veut aussi protéger.

Dans le tableau que vous venez de nous remettre à la page 19, pouvez-vous nous dire quel pourcentage de ventes ou de production vous avez dans le pain de 20 onces, de 24 onces et l'autre de 24 onces?

M. NORMANDIN : Je suis très content que cette question me soit posée par le député de Beauharnois parce que, ce matin ou cet après-midi, il y a eu des interventions de faites dans le but de faire éliminer le pain de 24 onces. On semble oublier, on semble manquer du souci de ce que le consommateur tient à avoir et on est porté à penser seulement à ce qui pourrait peut-être être utile et avantageux au point de vue économique à un boulanger et cela serait économique au boulanger Steinberg la même chose, si on pouvait avoir seulement une sorte de pain, seulement une grosseur. Vous pouvez être certain que cela faciliterait les programmes de production et le degré de rentabilité et de productivité. Nous nous opposons — je profite de l'occasion qui m'est donnée pour en parler — à tout simplement prendre l'aspect de production et dire: Oublions que dans l'île de Montréal, qui est un tout petit marché comparativement au reste de la province de Québec — c'est

ce qu'on semble vouloir laisser entendre — on force les consommateurs à se contenter du pain de 20 onces parce que cela fait l'affaire de certains boulangers.

Nous disons que le marché de Montréal est aussi important que le reste du marché de la province de Québec et nous calculons que le pain de 24 onces devrait être mentionné. La proportion du pain de 20 onces au pain de 24 onces chez Steinberg est à peu près 17 p.c. à 18 p.c. de 20 onces et le reste du pain de 24 onces. Il y en a une petite quantité. Je ne voudrais pas qu'on prenne cela comme si c'étaient des chiffres absolus parce qu'il faut quand même calculer un pourcentage qui n'est pas tellement élevé. Pour la saison, c'est le pain de 32 onces que nous vendons dans la région de Québec ou dans la ville de Québec. Dans les 17 p.c. ou 18 p.c. dont je parle, en somme, ce n'est pas seulement du pain de 20 onces, cela comprend ce qui n'est pas un pain de 24 onces, dans notre cas.

M. CADIEUX: Tantôt, vous avez dit que, si on acceptait certains prix qui ont été suggérés par le député d'Abitibi-Est, cela se chiffrerait en revenus supplémentaires à un cent le pain, à peu près, par $270,000. Mais si on suit le tableau qui a été suggéré, il n'y aura pas une augmentation d'un cent le pain dans toutes vos catégories. Vous le figurez à un cent sur des millions de pains que vous produisez par année. En fait, il n'y aurait pas un cent d'augmentation.

M. NORMANDIN: Le député de Beauharnois ne m'a pas compris ou je dois m'être mal exprimé.

M. CADIEUX: Ce sont vos chiffres, $270,000.

M. NORMANDIN: Je comprends. Mais je veux faire la distinction. A la suite de la remarque de M. Tétrault, je n'ai pas dit que, si on acceptait ces prix, cela résulterait automatiquement en une augmentation d'un cent dans notre cas. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai tout simplement dit que, si les augmentations devaient représenter un cent pour tout le volume de pain que nous vendons, vu que nous vendons à peu près 27 millions de pains par année, cela représenterait $270,000. Je ne puis pas, dans le moment, dire exactement dans quelle mesure toutes les régions de la province de Québec pourraient être affectées par le prix minimal dont on parle. Tant qu'on ne m'aura pas donné une formule exacte de façon qu'on puisse mesurer les effets de la loi, je ne peux donner d'autre réponse que celle-là.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je pense que nous pourrions passer à votre deuxième partie qui est très courte, comme vous le disiez.

M. NORMANDIN : Je ne voudrais pas que la commission s'éternise inutilement pour discuter les différents points relatifs au projet de loi. Après avoir fait la mise au point que je viens de faire quant à la pesanteur du pain qui avait été suggérée par d'autres — je viens de mentionner, en ce qui concerne le pain de 24 onces, qu'à notre avis, il y a un marché très important qui n'existe pas seulement pour la boulangerie Steinberg mais pour les commerçants du même genre — j'ai l'impression que le pain de 24 onces ne devrait pas être éliminé. C'est un point qu'il était important de clarifier.

Quant aux autres détails des articles, on pourrait en discuter suffisamment pour que tout le monde parte d'ici plus confus que si on laisse tout simplement la chance à chacun, peut-être d'examiner la portée de chacun des termes ou des définitions qui sont inclus dans nos notes aux pages 23 à 26.

Le point principal, encore une fois, c'est d'essayer de servir les intérêts des boulangers; Steinberg ne peut pas se permettre d'ignorer le consommateur. C'est cela qui se trouve être la nature même de notre industrie et nous avons souci du consommateur. D'ailleurs, j'ai entendu le représentant de Gailuron qui semble avoir la même préoccupation quand il a parlé dans le même sens aujourd'hui.

Il y a encore un autre aspect. Remarquez bien qu'encore une fois nous avons peut-être une façon de regarder les choses qui diffère un peu de celle des boulangers qui n'ont pas le même genre de commerce que nous. Prenez la date d'expiration. Dans notre mémoire nous disons — trois jours avaient été mentionnés — que, à notre point de vue, deux jours seraient suffisants. On remarque que d'autres boulangers disent: Cela devrait être quatre jours. Encore une fois, notre façon d'agir est celle-ci. Nous nous disons: Nous offrons du pain au consommateur. Le consommateur qui ne retourne pas au magasin chaque jour de la semaine et qui fait ses achats une fois ou deux par semaine devrait, à notre point de vue, pouvoir acheter du pain qui n'ait pas atteint la date d'expiration ou le degré de ce que nous appelons le pain défraîchi. Nous nous disons: Quand le consommateur achète du pain dans notre magasin — et c'est de cette façon que nous établissons pour tous les produits que nous fabriquons la date d'expiration — il faut tenir compte qu'il ne mangera pas nécessairement la denrée qu'il achète à la minute où il sort du magasin. On voudrait qu'il puisse avoir le pain, comme les autres produits d'ailleurs, à domicile, dans un état de qualité convenable pour quelques jours. Alors, dans notre cas, encore une fois, en pensant au consommateur, nous disons: Deux jours, ce serait suffisant. Si cela devait mettre toutes les boulangeries dans un état de faillite, nous aurions fait, en tout cas, notre intervention et je pense bien que nous ferions comme les autres. Si cela doit être quatre jours, ce sera quatre jours. Nous considérons important, en tout cas, de faire cette distinction, cette mise au point.

Les autres articles, M. le Président, comme je viens de le dire, nous pourrions en discuter mais je crois que votre groupe a l'avantage d'utiliser les services de personnes qui ont consacré du temps à se familiariser avec les problèmes et je ne voudrais pas vous faire perdre plus de temps à ce sujet-là.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, une question?

M. TETRAULT: Je ne veux pas être désagréable envers Steinberg, mais à la question de deux jours se rattache le taux de baisse du prix du pain. On parle de 75 p.c. et vous suggérez 50 p.c. Si à deux jours, alors que les boulangers nous affirment qu'il est bon jusqu'à cinq jours — je ne connais rien dans la boulangerie, vous pouvez le réaliser — cela veut dire que tous les deux jours vous pourriez vendre deux pains pour le prix d'un. Donc, vous pourriez jouer avec le "loss leader" sur cela. C'est une suggestion, je vous demande...

M. NORMANDIN: M. le Président, je ne pense pas que ce soit tout à fait juste. Parce que, si j'ai bien lu le projet de loi, je crois que, quant au prix pour le pain qui est qualifié de défraîchi et que nous nous opposons à appeler pain défraîchi, il y a certaines restrictions concernant le prix qu'il devrait être vendu. Je crois qu'on a mentionné 75 p.c. de la valeur. Au bout de deux jours, si c'était cela qui devait devenir le critère, oui, nous vendrions le pain tel que c'est mentionné ici. Nous n'aurions pas d'autre choix parce que d'abord, je l'ai bien dit tout à l'heure, à la question du pain défraîchi nous donnons une interprétation un peu différente. Nous voulons tout simplement avoir une rotation qui soit assurée sur les tablettes de nos magasins et, au moment où nous demandons aux employés des magasins d'enlever le pain des tablettes, nous disons: II faut l'enlever de la tablette et, en l'enlevant, il faut le vendre à un prix réduit; alors le consommateur pourra encore en profiter. Je suis de votre avis; on le vendrait au bout de deux jours, mais cela s'appliquerait à tout le monde si cela devait être le critère, pas seulement à nous.

M. TETRAULT: La même chose ne pourrait-elle pas exister si vous fabriquiez votre pain à Montréal? Vous m'avez dit que vous aviez un magasin au Lac-Saint-Jean?

M. NORMANDIN: Oui.

M. TETRAULT: Le transport, le temps que vous allez le faire. On part de la date de cuisson, la date du transport, on rallonge le trajet ou le temps du trajet un peu plus, c'est-à-dire lorsqu'il arrive dans le magasin, ça veut dire que, lorsqu'il arrive dans le magasin, c'est du pain deux pour un. Je me pose toutes sortes de questions, M. Normandin.

M. NORMANDIN: Ce sont de très bonnes questions et je me rends compte que ça va permettre à plusieurs personnes d'apprendre un peu suivant des situations qui existent.

Encore une fois, nous avons été choyés. Nous sommes dans une situation un peu spéciale. Je peux vous dire, en connaissance de cause, que la majorité des boulangeries vont fabriquer du pain, disons jeudi matin ou jeudi midi; dans la majorité des cas, ces boulangeries, qui livrent à des marchands détaillants, iront livrer demain matin, à l'ouverture des magasins. Elles ont déjà gardé leur pain, malheureusement, 12, 13, 16 ou 18 heures. Dans le cas de Steinberg, nous sommes chanceux. Nous avons une flotte d'au-delà de 300 camions-remorques. Le pain qui est livré à de longues distances arrivera à Chicoutimi après moins d'heures de la sortie du fourneau que le pain que d'autres boulangeries vont livrer à Montréal, à d'autres marchands de détail. La période d'expiration, on en tient compte aussi, au point de vue de l'horaire de production, tout ça. Nous marchons 24 heures par jour et nous livrons 24 heures par jour. Nos magasins sont ouverts la nuit. Les autres boulangeries n'ont pas l'avantage que nous avons de se présenter chez des épiciers et de faire la livraison à deux heures, la nuit. Nos magasins, à cause de notre système de distribution, sont ouverts aux heures où nos camions doivent aller livrer la marchandise. Est-ce que ça répond à votre question, M. le député?

M. TETRAULT: Un peu.

M. SAINT-PIERRE: Avec les progrès de la technologie, apparemment, on va avoir des camions où on va mettre le pain non cuit et, rendus à Chicoutimi, ils seront cuits.

M. NORMANDIN: Ce serait souhaitable.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Normandin, je vous remercie, ainsi que tous les représentants de la maison Steinberg. Je demanderais à l'honorable ministre s'il a quelque chose à ajouter.

M. SAINT-PIERRE: Simplement un mot pour remercier les quatre organismes qui nous ont soumis des mémoires. Même sur le plan du principe, cela a donné lieu à des débats intéressants. Je pense qu'au niveau des autres aspects du projet de loi, on a eu dans les mémoires des suggestions intéressantes qui, dans certains cas, seront retenues. Cela nous a permis d'avoir un débat sur un projet de loi qui peut sembler, à certains, assez peu important, comparé aux autres, mais je pense qu'il touche l'ensemble des Québécois à brève échéance, parce qu'on parle de changer des formats ou des prix. Mais je voudrais remercier sincèrement les quatre organismes qui sont venus présenter des mémoires et déplorer un peu le fait que ceux qui sont les grands coupables dans la fameuse question des

"loss leaders" ne soient pas venus mieux expliquer ou défendre cette pratique aux parlementaires. Cela aurait peut-être permis de voir d'autres revers de la médaille. Merci infiniment aux quatre organism es.

M. TETRAULT: M. le Président, je voudrais aussi me joindre au ministre, pour remercier les quatre organismes et rassurer le représentant de la compagnie Steinberg pour lui dire qu'on a absolument rien contre elle. Du même fait, je veux assurer les boulangers indépendants que nous essayons de comprendre leurs problèmes qui semblent assez compliqués parce qu'on parle de prix minimal. Un dit: Protection du consommateur, et l'autre dit: Protection de la petite industrie et des employés qui s'y rattachent. Je pense que ça doit être la décision du gouvernement de savoir qui, pour le moment, il faut protéger.

Est-ce qu'il faudrait protéger le consommateur? Certaines compagnies —et là, j'exclus encore la compagnie Steinberg — celles qui ne se sont pas présentées, je suis persuadé que lorsqu'elles vendent du pain neuf cents le pain, leur perte est reportée à d'autres articles. Je ne connais pas de marchand qui travaille, qui a un commerce pour le strict plaisir d'ouvrir ses portes le matin et de les fermer le soir.

Donc, je vous remercie, messieurs, sincèrement et je veux m'excuser si j'ai piqué peut-être un peu la compagnie Steinberg. C'est sans malice mais plutôt pour notre information. Merci.

M. JORON: Pour ne pas répéter ce que d'autres ont dit avant moi, je remercie ceux qui sont venus témoigner aujourd'hui et je suis sûr que ces témoignages et cette information vont nous aider dans les jours qui viennent. Je ne sais pas quand le projet de loi sera appelé ou s'il sera modifié ou réimprimé mais cela va certainement nous être très utile pour nous former une opinion définitive.

M. RUSSELL: M. le Président, pour appuyer ceux qui ont déjà parlé au nom du gouvernement et de l'Opposition, je remercie les gens qui sont venus ici nous fournir de l'information additionnelle sur le problème que nous connaissions déjà ou que nous prétendions connaître. Je ne suis pas certain qu'on l'ait clarifié à un point tel qu'on ait trouvé la solution au problème. Chose certaine, nous avons avancé et je présume que le ministre, dans les jours qui suivront, nous arrivera avec une formule-miracle qu'il pourra déposer en Chambre, que nous pourrions bien objectivement pour faire disparaître le cancer qui fait mal à plusieurs actuellement et qui menace même de mort une population qui veut survivre.

M. SAINT-PIERRE: Ce ne sera pas une formule-miracle, ce sera un prix-miracle.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Shanks, député de Saint-Henri, fera rapport à la Chambre et la séance est ajournée.

(Fin de la séance à 21 h 11)

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