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Commission permanente
de l'industrie et du commerce,
du tourisme, de la chasse et de la pêche
Etude des crédits du ministère de
l'industrie et du commerce
Séance du mercredi 4 avril 1973
(Dix heures onze minutes)
M. KENNEDY (président de la commission de l'industrie et du
commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre,
messieurs!
Quelqu'un a présenté une motion pour que M. Ostiguy de
Rouville remplace M. Carpentier du comté de Laviolette.
DES VOIX: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs, M. le ministre.
M. GAGNON : M. le ministre pourrait-il identifier son personnel?
Politique du ministère
M. SAINT-PIERRE: Très bien. A ma gauche, M. Robert De Coster,
sous-ministre en titre à l'Industrie et Commerce; M. Descôteaux,
sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie et Commerce. M.
Descôteaux a été muté depuis le 1er avril au Conseil
exécutif, mais compte tenu de ses responsabilités durant les
douzes derniers mois, il est ici avec nous ce matin. M. Pierre Rainville,
directeur de toutes les questions qui touchent le budget et M. Latortue,
responsable dans le secteur des recherches économiques; c'est un des
premiers secteurs dont on parlera ce matin. D'autres collaborateurs viendront
s'ajouter, ils sont actuellement prêts à venir dès que le
besoin s'en fera sentir.
M. le Président, vous me permettrez, ce matin, d'essayer le plus
brièvement possible de tracer un portrait d'ensemble du ministère
de l'Industrie et du Commerce en particulier en trois étapes. Dans un
premier temps, je vais tenter de jeter un regard en arrière sur ce qui
s'est fait depuis les douze derniers mois, quelles ont été
surtout nos principales préoccupations. Dans un deuxième temps,
d'une manière succincte, et non pas pour communiquer un optimisme
réel de ma part, je vais faire le point sur une situation
économique et ses perspectives en 1973 et, dans un troisième
temps, j'indiquerai quelles sont les lignes maîtresses de notre action
prévue en 1973.
Je m'excuse, cette année, de déroger à une habitude
que j'avais prise à la fois à l'Education et ici même l'an
dernier de vous fournir un texte de présentation quelques jours à
l'avance. Les voyages récents à Toronto, Montréal,
Sherbrooke m'ont empêché de mettre tout cela à point avant
le débutde l'étude des crédits, ce matin.
Au cours des douze derniers mois, les grandes lignes du ministère
en matière de développement économique, ont toujours
été la poursuite de cet objectif que nous avions, à
savoir, changer la structure industrielle du Québec et, pour ce faire,
mettre sur pied un nombre de programmes et d'orientations qui pouvaient
contribuer à cet objectif qui est partagé par tous ceux qui sont
intéressés à la question économique au
Québec.
Au cours des douze derniers mois, nous avons poursuivi, sans pour autant
que je sois capable de déposer ce matin un document, notre effort de
réflexion dans ce qui est peut-être convenu d'appeler une
stratégie de développement industriel et économique pour
le Québec. Nous tentions simplement de répondre aux
éternelles questions que les individus et les collectivités
doivent se poser: D'où venons-nous? Où sommes-nous? Où
voulons-nous aller sur le plan industriel?
Nous ne tentions pas d'avoir quelque chose de très rigide, du
genre du plan français, mais nous tentions tout au moins d'identifier
des secteurs, de les relier, ou d'y mettre une certaine insistance, identifier
des types d'interventions dans lesquelles le Québec aurait avantage
à être plus éveillé et qui pourraient donner des
résultats tant au niveau de l'emploi qu'au niveau des investissements et
de l'activité économique en général au
Québec.
Donc, dans cette première préoccupation de
stratégie de développement industriel, je pense qu'il est bien de
mentionner les efforts de nos équipes de recherche, au ministère
de l'Industrie et du Commerce, qui ont donné lieu d'ailleurs, en
décembre dernier, à un premier document qui vous avait
été remis et qui se voulait un document de vulgarisation de
certaines des grandes données dans ce secteur. Nous avons eu
également le rapport Fantus dont les premières tranches
étaient déposées il y a déjà près de
douze mois, mais dont le mandat a été reconduit. Ce rapport
visait à identifier les facteurs positifs et négatifs
d'implantation industrielle au Québec, fi partait d'un questionnaire
approfondi auprès d'investisseurs potentiels, tant ceux qui sont
actuellement au Québec, qui ont des racines au Québec, que ceux
qui sont de l'Ontario, que ceux qui viennent des Etats-Unis. De ceci s'est
dégagée une série de facteurs. Quels sont les facteurs
positifs que représente le Québec en matière
d'implantation industrielle et également les facteurs négatifs.
Partant de ces considérations, d'une analyse aussi profonde et vaste du
système d'éducation, du système de taxation comme
élément dans une implantation industrielle et d'autres
considérations, le groupe Fantus nous a fait une série de
recommandations qui touchent l'organisation interne du ministère, ses
méthodes de promotion industrielle et le type d'intervention que nous
pouvons faire sur les marchés étrangers. Plusieurs de ces
recommandations du groupe Fantus ont déjà été mises
en applica-
tion, en particulier le développement d'un service d'accueil
à l'intérieur du ministère. Ensuite, le programme de
commissariat industriel que nous avions lancé il y a douze mois et qui
est une suite directe des recommandations du rapport Fantus.
Brièvement, sur cette même question de stratégie de
développement industriel, il fout rappeler les efforts du Conseil
général de l'industrie qui, en avril 1970,. avait
déposé un premier rapport qui a été mis à
jour, qui identifiait plutôt des objectifs économiques et qui
tentait, par certaines études sectorielles et certaines études
visant à recouper les secteurs d'investissements, de déceler des
points où le Québec pouvait être à la baisse. A la
lecture de ceci, on pouvait voir, par exemple, les investissements en
matière d'habitation au Québec sur une base per capita et sur une
base d'évolution par rapport aux autres provinces. La chambre de
commerce nous a récemment remis un rapport qui a essentiellement le
même titre, "Stratégie de développement pour le
Québec," et dans lequel on a tenté, là aussi, d'identifier
des moyens pour atteindre certains objectifs et, en particulier dans l'annexe
du rapport, on a analysé le comportement prévisible de plusieurs
des plus importants secteurs industriels au Québec.
Pour compléter cette énumération, il faudrait
peut-être mentionner également les travaux, auxquels nous avons eu
accès, du Centre de recherche et de développement
économique de Montréal qui, mandaté par le
ministère fédéral de l'Expansion économique et
régional, avait tenté de réexaminer les
possibilités d'intervention des niveaux de gouvernement dans
l'économie du Québec, pour dégager peut-être une
problématique différente de celle que nous avons eue, compte tenu
en particulier qu'au niveau du gouvernement fédéral, plusieurs
des programmes viennent à expiration dans quelques mois, aide au secteur
industriel, primes à l'investissement, programmes des zones
spéciales et autres.
Dans un deuxième temps, nous avons attaché au cours des
douze derniers mois un effort vis-à-vis des secteurs,
c'est-à-dire un effort sectoriel des grands secteurs de notre
économie. Brièvement, parce que je ne voudrais pas minimiser ce
qui a pu être fait dans d'autres secteurs que je ne mentionne pas, je
pense que les grands dossiers qui nous ont préoccupés sont les
suivants: un premier en ce qui touche la pétrochimie, compte tenu des
difficultés de l'industrie pétrochimique québécoise
et montréalaise, plus spécifiquement il y a douze mois.On se
rappelle nos interventions en juin dernier en ce qui touche le projet SOAP de
Sarnia, projet qui semble de toute apparence avoir été
abandonné, mais qui a été pour moi le signe de mort de
l'industrie pétrochimique montréalaise. Parallèlement
à cela, nous avons tenté un effort de rationalisation par un
dialogue avec l'industrie elle-même, l'industrie pétro- chimique
montréalaise, et, en particulier, l'addition du projet d'une usine de
polypropylène du groupe Hercule dans la région
montréalaise. Elle apporte une nécessité de production
d'éthylène qui permet un équilibre que nous n'avions pas
autrefois dans l'industrie pétrochimique.
Ces investissements de $70 millions ne sont pas encore dans les
statistiques que nous avons puisque dans le moment, on assiste à la
levée des premières pelletées de terre, aux premiers
travaux, mais je pense qu'ils vont sûrement sauver l'industrie
pétrochimique, l'industrie de pointe qui a des salaires
élevés et des investissements considérables.
Dans le secteur des pâtes et papiers, il y a eu de grands efforts
de faits pour tenter de formuler des interventions de l'Etat vis-à-vis
de l'ensemble de ce secteur qui est très important au Québec, qui
a représenté dans le passé un secteur extrêmement
important et qui est menacé pour le moment, compte tenu en particulier
des différences de coûts de production entre l'industrie
québécoise, l'industrie du sud des Etats-Unis et l'industrie
suédoise. Nous avons rejeté les propositions formulées par
le Conseil des pâtes et papiers et qui se traduisaient essentiellement
par des diminutions de taxes de diverses natures.
Nous les avons rejetées, convaincus que nous étions que
ces mesures ne pouvaient même pas être une panacée ou un
cataplasme dans les circonstances, mais qu'elles ne faisaient simplement que
prolonger le mal. Nous avons, avec le gouvernement de l'Ontario et le
gouvernement fédéral, entrepris un effort de recherche dans ce
secteur. Un document interne a été publié qui,
actuellement, a été transmis aux présidents des compagnies
de pâtes et papiers. Des rencontres ont eu lieu récemment avec ces
deux niveaux de gouvernement et devront prochainement s'élargir avec les
gouvernements des autres provinces concernées, en particulier le
Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique. Malheureusement, je ne peux en
dévoiler les éléments, puisque nous avions convenu de ne
rendre publique aucune de ces recommandations avant que les gouvernements des
autres provinces en soient saisis, puisque l'on pourrait avoir une certaine
réaction négative de leur part. On retrouve quand même dans
ces documents des recommandations assez osées, compte tenu de notre
style d'économie, mais des recommandations qui nous semblent
essentielles pour sauver l'industrie. Elles touchent à la fois une
rationalisation de la production entre les usines et entre les compagnies,
elles touchent une rationalisation en matière de transport du produit
fini et elles mettent de l'avant des concepts assez nouveaux en matière
de mise en marché, particulièrement dans les marchés
internationaux.
Le troisième axe d'intervention en matière sectorielle fut
l'effort du ministère vis-à-vis de nos industries
traditionnelles. Car nous étions conscients qu'autant on doit se
préoccuper
d'industries de pointe à haute technologie, autant il ne faut pas
mésestimer le soutien, la base que peuvent représenter des
industries traditionnelles qui emploient particulièrement beaucoup de
main-d'oeuvre. C'est ainsi que nous avons, avec l'industrie, mis de l'avant
nombre de programmes qui touchaient en particulier l'industrie du meuble,
l'industrie du vêtement et l'industrie de la chaussure. Dans les trois
ans, notre type d'intervention en dehors des programmes réguliers du
ministère de la Société de développement industriel
pour l'aide à la fusion, a porté sur trois axes:
premièrement, des programmes de "design" pour sensibiliser ces secteurs
sur l'importance de "design" au plan de la pénétration des
marchés. Nous avons eu, je pense, un certain succès, tant dans le
domaine du meuble que du vêtement dans ces deux cas-là. Nous avons
également eu des programmes qui visaient à stimuler l'exportation
de ces produits. Cela a pu prendre la forme de missions particulières
dans ces industries traditionnelles ou a eu pour effet de faire venir des
acheteurs étrangers ici, au Québec. Nous avons eu des programmes,
évidemment, de gestion dans ces entreprises pour améliorer la
gestion interne des entreprises concernées.
Je vous mentionne en passant, particulièrement au niveau du
"design" dans le vêtement avec le programme Montréal-Mode, que le
gouvernement, avec un investissement qui n'a peut-être pas
dépassé $50,000, a réussi, par un effet de boule de neige,
à créer un programme qui a eu énormément
d'impact.
Après notre effort du départ, notre effort de conception,
d'imagination, à la suite de conseils professionnels, on a
organisé le programme Montréal-Mode qui, essentiellement,
consistait à faire venir, après une période de
sensibilisation, les principales rédactrices de mode des Etats-Unis,
durant une longue fin de semaine, à Montréal. La ville de
Montréal et les industries québécoises ont
réellement participé à ce programme qui a
été un véritable succès. Comme preuve, je pourrai
vous montrer demain des pages entières de journaux américains,
parmi les plus grands, qui ont, par le biais d'annonces des grands magasins
à succursales américains, annoncé ce "design"
montréalais, cet esprit différent que nous avons au
Québec. Les commandes de vêtements québécois
on le voit par les statistiques ont augmenté d'une façon
astronomique, au cours des deux dernières années. D'ailleurs, on
voit qu'un des problèmes dans cette industrie, maintenant, est de
recruter de la main-d'oeuvre. Elle n'a pu trouver la main-d'oeuvre capable de
satisfaire ses besoins. Si on recule de deux ou trois ans, on se rappelle que,
dans une large mesure, notre industrie du meuble devait satisfaire uniquement
des marchés locaux.
Au niveau des politiques de l'industrie du transport, nous avons
considéré que, face à l'évolution, on pouvait
déceler, au cours des prochaines années, un secteur qui
méritait d'être vu de plus près; nous avons eu nombre de
préoccupations d'interventions sectorielles, d'études de mise en
marché, surtout, dans l'ensemble de l'industrie du transport. Certains
étaient reliés au nouvel aéroport Mirabel, mais d'autres
étaient strictement au niveau de l'industrie du transport et du
matériel de transport: chemins de fer, matériel de manutention,
dispositifs électroniques. Il y a eu des programmes de recherche,
centres de recherche industrielle avec des industries québécoises
pour tout l'ensemble du matériel requis à la manutention du
transport, une industrie où le Québec avait quand même des
éléments de base en matière de production.
Dans notre effort sectoriel, je m'en voudrais également de ne pas
mentionner notre effort à la petite et moyenne entreprises. Nous avons
tenté d'augmenter le nombre et la qualité des professionnels que
nous avons dans ces secteurs. Nous avons un nombre surprenant d'interventions
qu'on pourra voir plus en détail dans l'étude des crédits
de cette section, au niveau de la petite et de la moyenne entreprises.
Finalement et encore une fois très brièvement
au niveau des secteurs, je m'en voudrais de ne pas mentionner des
interventions ponctuelles du ministère, c'est-à-dire, non pas
uniquement ce rôle de pompier, mais ce rôle de conseiller, ce
rôle de préoccupations que nous avons vu dans certains cas
ponctuels. Je pense au cas de Cabano et à celui de Kipawa, à la
fermeture de l'usine CIP; aux carrières Marti-neau & Martineau,
à Saint-Marc-des-Carrières; à la Saint-Raymond Paper;
à P.A. Boucher, après le feu, la nécessité d'une
aide et, finalement, au cas des Tricots Excel à Mont-Joli.
Ce sont des cas où nous avons connu le succès à des
degrés variables, mais je pense qu'il serait malhonnête de ma part
de dire que, si le ministère n'était pas intervenu, nous aurions
connu le même degré de succès que nous avons pu
connaître. Nous avons apporté énormément d'aide au
cas de Cabano et, si le cas peut progresser un jour, on devra une fière
chandelle à certains fonctionnaires qui s'en sont constamment
préoccupés.
Kipawa, c'est dans la même veine et aussi Martineau, Kruger.
Saint-Raymond Paper a démarré avec une pleine production,
peut-être plus à cause de la reprise dans le domaine des
pâtes et papiers que l'offre que nous avions quand même faite, une
offre très importante, d'octroyer près du tiers d'un programme de
modernisation, compte tenu que le village était complètement
isolé et dépendait de cette usine dans une large mesure.
P.-A. Boucher et Tricots EXCEL sont deux cas qui auraient pu tourner au
tragique, dans des régions de la Gaspésie, et qui vont
raisonnablement bien actuellement. Dans les deux cas, le niveau de production
reprend et tout devrait bien se terminer.
M. le Président, je voudrais aborder une troisième
tête de chapitre et parler brièvement
de l'action du groupe économique que le ministère n'a pas
dirigé, dont le ministre a plutôt assumé la
présidence, mais auquel le ministère a porté une attention
toute particulière. Au niveau du groupe économique, il y a au
moins cinq dossiers importants, cinq têtes de subdivision qui nous ont
permis, au niveau du gouvernement du Québec, des interventions
extrêmement salutaires pour notre population, et surtout une concertation
entre les ministères économiques à un degré que
nous n'avions peut-être pas vu jusqu'ici.
Les cinq grands dossiers que je vous mentionne impliquent, d'une part,
la question de l'énergie et là, nous avons vu l'action conjointe
du ministère des Richesses naturelles et du ministère de
l'Industrie et du Commerce dans nombre de projets d'énergie, dans nombre
d'interventions. Je vous mentionne en particulier l'extension du réseau
de gaz naturel dans des zones plus industrialisées du Québec, en
particulier Bécancour et Trois-Rivières.
Deuxièmement, les projets de ports pétroliers dans le
Saint-Laurent, les projets de pipelines de diverse nature, pour l'acheminement
et l'approvisionnement de pétrole brut pour notre industrie
pétrochimique et chimique montréalaise. Il y a également
l'analyse de projets de raffinerie dans un contexte peut-être
différent et sûrement dans une philosophie différente de la
dernière raffinerie que nous avons eue.
Il y a, dans le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts, une politique d'énergie. On ne peut retrouver un
désir du Québec de nationaliser toutes nos raffineries. Nous ne
croyons pas que ce serait la bonne voie. Mais il y a une décision et une
volonté de présence dans le secteur de la distribution et du
raffinage. Mais cette présence, nous ne la voulons pas à
n'importe quel prix, nous voulons surtout poser les bons jalons.
Dans le moment, cette action concertée du ministère de
l'Industrie et du Commerce et du ministère des Richesses naturelles
permettra, dans une perspective qui évolue très rapidement,
compte tenu de la situation internationale dans cette matière, de voir
quel serait le meilleur cheminement possible pour le gouvernement
québécois. S'agit-il d'une prise en charge, d'une prise de
possession du capital-actions importante de certaines compagnies
établies au Québec? S'agit-il d'un regroupement de distributeurs
indépendants avec la mise sur pied d'une nouvelle compagnie dans le
raffinage? Toutes les solutions sont envisagées dans le moment, mais
cette volonté de présence du gouvernement du Québec, dans
ce secteur, devrait se traduire au cours de la prochaine année.
Un autre secteur qui a été étudié par le
groupe économique est celui des pâtes et papiers. Je l'ai
mentionné tantôt comme un qui nous a touchés de
près, mais je pense qu'il y a eu là, non seulement au niveau de
l'industrie des pâtes et papiers, mais au niveau de l'ensem- ble des
questions d'approvisionnement de bois pour l'industrie du meuble et d'autres
questions reliées, un effort de concertation.
Brièvement, il faudrait également mentionner la prise de
position du gouvernement du Québec en ce qui touche les investissements
étrangers. Un rapport plus complet que les lettres de M. Tetley devra
être déposé prochainement, mais les deux lettres de M.
Tetley ont quand même, à des moments opportuns et non après
les occasions, été capables d'indiquer la position du
gouvernement du Québec dans ce secteur. On se rappelle d'ailleurs que le
nouveau projet de loi du gouvernement fédéral a tenu compte dans
au moins deux des recommandations que nous avions formulées il y a douze
mois de certaines des demandes du gouvernement du Québec.
Politique de transport en commun, particulièrement en ce qui
touche le transport en commun, l'industrie du transport et le transport
relié dans les projets de l'aéroport international, voilà
un autre dossier où le ministère des Transports, le
ministère de l'Industrie et du Commerce et d'autres aussi ont
travaillé et aussi l'OPDQ avec une certaine concertation
qui était peut-être difficile à déceler dans les
années passées.
Finalement, un dernier dossier, l'agro-alimentaire, qui a
impliqué de près mon ministère et le ministère de
l'Agriculture pour tenter une plus grande transformation dans ce type
d'industrie au niveau du Québec et une plus grande concertation au
niveau de l'industrie primaire, c'est-à-dire la production de certains
secteurs agricoles avec la transformation par nos industries secondaires.
Je voudrais aborder un autre sujet brièvement, encore une fois,
M. le Président, pour refléter l'action des douze derniers mois.
Cela serait la réforme des institutions paragouvernementales,
réforme qui n'a pas toujours voulu dire des projets de loi, dans
certains cas, qui a pu être des projets de loi, mais qui a
été surtout une analyse chez les gens eux-mêmes des
objectifs qu'on tentait de définir et une meilleure concertation de leur
action.
Brièvement, on pourrait y revenir plus en détail, mais
évidemment, la Loi de la SGF, au cours des douze derniers mois, nous a
permis quand même de franchir une étape qui s'est traduite par un
projet de loi. Dans quelques jours, nous aurons l'assemblée annuelle des
actionnaires, l'élection d'un nouveau bureau de direction. Je voudrais
aussi réinsister sur le fait que le gouvernement veut épauler,
dans la mesure de ses ressources, l'action de la SGF.
Nous y croyons toujours. Il nous aurait semblé incohérent
de notre part d'ajouter des sommes d'argent additionnelles sans être
certains que la SGF n'était pas véritablement sur la voie du
succès.
Les transformations que nous avons apportées vont nous permettre
de liquider certains des obstacles que nous avions; en particulier,
elles vont nous permettre de retrouver, je pense, une collaboration
beaucoup plus saine avec le secteur privé québécois
puisque maintenant cette collaboration se fera non pas au niveau d'un
"holding", une compagnie de "holding", mais au niveau de filiales qui ont des
objectifs précis dans une région précise avec des facteurs
de rentabilité précis, et là, le gouvernement pourra
accepter, avec son pouvoir financier, de ne pas avoir le même niveau
d'objectifs suivant les filiales, suivant les régions, suivant les
secteurs.
Nous pourrions accepter, comme gouvernement, d'être très
exigeant si nous allons, dans la région de Montréal, dans des
secteurs dont la rentabilité semble assurée; mais aussi cela va
nous permettre, à nous, dans des régions plus
défavorisées comme Cabano, disons, d'avoir des facteurs de
rentabilité moindre dans des types d'interventions qui
représentent des risques plus grands. On se rappelle qu'autrefois
à la SGF, nos partenaires privés devaient accepter dans chacun de
nos objectifs que nous pouvions poursuivre la sommation de la moyenne de nos
interventions au niveau des filiales. Enfin, j'en passe. Nous pourrions y
revenir plus loin.
Au niveau de la SDI, également, M. le Président, les
rapports que nous allons déposer vont dénoter un rythme
d'activités beaucoup plus grand et peut-être faire entrevoir des
perspectives beaucoup plus encourageantes qui pourraient relier en particulier
la SDI avec des politiques d'achat du gouvernement pour stimuler l'implantation
industrielle et développer le capital-actions qui impliqueraient des
Québécois. Je pense que, si les gens de l'Union Nationale
relèvent certaines de mes paroles, on pourra y retrouver des paroles
assez dures vis-à-vis de l'action de la SDI, la considérant
moi-même, il y a douze mois, plus comme une action de banquiers. Je pense
que je dois lui rendre aujourd'hui hommage, non seulement au niveau du
président, M. Lucien Saulnier, mais au niveau des cadres
supérieurs de la SDI et du conseil de l'administration. On a
réellement relevé le défi non pas de voir un projet et
dire: Pour quelle raison pourrions-nous dire non à la demande qui nous
est formulée? On a plutôt préféré dire: Quel
geste pourrions-nous poser pour rendre possible ce qui autrement risquerait de
ne pas se produire dans des régions données et dans des secteurs
donnés? On voit par le niveau d'interventions de la SDI qui a eu, cette
année, un niveau d'activités de beaucoup supérieur, qu'il
y a eu des choses possibles et fort intéressantes qu'on pourra reprendre
un peu tantôt plus en détail.
Au niveau du CRIC, nous avons terminé une période de
rodage, au centre de recherche industrielle, et des projets ont
été mis de l'avant. Je pense qu'il faudra peut-être, encore
là, attendre douze mois pour réellement faire, comme nous l'avons
fait dans les deux autres cas, une réévaluation de la situation.
Mais, dans le moment, les gens travaillent avec beaucoup d'entrain. Ils ont
développé certains types, d'industries qui ont donné lieu
à des implantations, certains types de procédés. Ils ont,
en particulier, assisté notre industrie québécoise qui n'a
souvent pas tous les moyens en matière de recherche scientifique. Ils
ont permis de lui fournir un apport important.
Quatrième tête de chapitre, M. le Président,
l'éducation économique. Les résultats n'ont pas
été aussi spectaculaires que je l'aurais voulu, mais notre
conférence de décembre dernier nous a donné l'occasion de
distribuer une brochure que je n'ai pas sous la mais mais que vous connaissez
tous. Près de 500,000 exemplaires ont été
distribués dans nombre de collèges, d'institutions
d'enseignement. Nous envisageons certains projets que je pourrais mentionner
plus tard pour sensibiliser davantage la population à tous les
indicateurs économiques, pour vulgariser notre activité
économique, particulièrement au niveau de nos maisons
d'enseignement, peut-être pour familiariser davantage les francophones,
peu importe le régime dans lequel nous pourrions évoluer, avec
l'activité économique elle-même, pour que ce ne soit pas un
monde qui appartient aux autres, un monde rempli de mystères, mais un
monde que nos gens connaissent de plus en plus.
Il me faudrait également vous mentionner brièvement, par
secteur, ce que nous avons fait au niveau de la recherche économique.
Une emphase a été mise sur les problèmes de politique
commerciale et tarifaire, compte tenu particulièrement du renouvellement
des accords du GATT qui doit se faire prochainement, de la repercussion
économique des achats publics et parapublics. C'est ce qui explique le
délai de publication du rapport sur la politique d'achat. Le
gouvernement, bien qu'appuyant une partie des recommandations, trouvait que le
groupe de travail, qui avait fait un bon travail, n'était pas
allé aussi loin que nous l'aurions voulu. Alors, un groupe
interministériel a été chargé d'aller plus loin et
un effort a été fait en vue d'analyser la répercussion
économique des achats publics et parapublics, particulièrement au
niveau des budgets d'investissement, des budgets de fonctionnement de trois
institutions types du secteur québécois: un hôpital, une
école polyvalente et un édifice public construit pas le
ministère des Travaux publics. Cela a donné des résultats
très intéressants. Déjà se dégage une
certaine problématique d'intervention qui, je pense, impliquerait
essentiellement l'utilisation de la normalisation et d'une sélection de
certains produits. C'est bien sûr que je pense qu'il y a peu
d'intérêt pour nous à avoir une politique très
rigide qui peut nous créer une image défavorable. Si nous tentons
de produire absolument au Québec ou d'acheter uniquement du
Québec les crayons que nous fabriquons, ce que nous voulons plutôt
faire, c'est, par le biais de l'Industrie et du Commerce, d'identifier les
produits, dont il serait intéressant de susciter une implantation
industrielle par le biais de
normes et d'achats en volume des hôpitaux ou des écoles,
des produits qui auraient été sélectionnés pour ne
pas tenter de bouleverser tout le monde, puisqu'on rejette à prime abord
le principe d'un service général des achats qui tenterait de
regrouper, dans un seul organisme de décision, les milliards de produits
qui sont achetés par les hôpitaux, par les écoles, par les
universités. Je pense que nous pourrons avoir une collaboration de
certaines institutions si on identifie certains produits qui pourraient se
traduire par des implantations industrielles. On pense, je ne sais pas,
à l'équipement scientifique, pour donner un cas d'espèce,
à l'audiovisuel. Ce serait alors par une politique de normalisation qui
pourrait se traduire par une incitation, avec d'autres programmes
réguliers que nous avons comme ceux de la SDI, qui pourraient assurer un
certain marché, à certaines conditions, à des gens qui
seraient prêts à faire une implantation, laissant ensuite tout le
monde à une saine concurrence pour s'assurer que le consommateur
québécois n'est pas responsable de trop payer.
Au niveau de la recherche économique, il y a eu également
une réévaluation des programmes d'aide à l'industrie,
compte tenu, en particulier, du fait que le gouvernement fédéral
devait faire sa propre évaluation et que nous ne voulions pas nous
retrouver sur la défensive, mais plutôt sur l'offensive en mettant
de l'avant des programmes nouveaux.
Des recherches ont déjà été amorcées
et se poursuivent du côté de la comptabilité nationale, des
facteurs de localisation industrielle, des études sectorielles et des
programmes d'aide à l'exportation. Au niveau de l'orientation et du
développement de l'industrie secondaire, c'est le programme d'action
véritable du ministère en passant, les programmes que je
mentionne correspondent au budget par programmes que nous avons cette
année vu son ampleur, et la meilleure façon de l'aborder
serait de voir l'action des unités administratives par
élément de programme qui coïncident assez bien avec ces
derniers, surtout au niveau des nouvelles initiatives ou nouveaux projets mis
en marche au cours des douze derniers mois. Au niveau de la prospection de
l'investissement, il y a eu, bien sûr, l'ouverture de la maison de
Bruxelles, la planification de l'ouverture de bureaux à Tokyo et
à Toronto, également la formation d'un groupe d'accueil à
Montréal et le regroupement de nos directeurs de projets, responsables
d'assurer l'accueil en matière de prospection d'investissement.
Egalement à ce secteur, nous ajoutons l'expansion des
marchés en deuxième cas; c'est devenu une priorité du
ministère vu que notre effort dans ce domaine rapporte des dividendes
accrus. H s'agit dans cet élément de programme d'amener des
industriels, qui en ont le potentiel et qui pour diverses raisons ne le font
pas, à percer sur des marchés étrangers. Il y a eu les
participations groupées à des expositions, tant aux Etats-Unis
qu'en Europe, auxquelles ont participé 113 exposants
québécois, un budget de $150,000, des ventes effectuées et
anticipées de plus de $9 millions; il y a eu également cinq
missions de groupes d'acheteurs en provenance de pays aussi variés que
la Côte-d'Ivoire, les Philippines, le Brésil, le Japon et les
Etats-Unis, intéressés à des secteurs aussi divers que le
matériel didactique, l'équipement d'aéroport, les produits
alimentaires, etc.
Ce niveau d'activités, tant de missions à
l'étranger que de groupes d'acheteurs amenés au Québec,
représente une augmentation substantielle par rapport à
l'activité du ministère dans ce secteur il y a à peine
deux ans. Il y a eu 54 participations individuelles dans différentes
expositions aux Etats-Unis et en Europe, trois promotions en magasin totalisant
plus de quatre semaines où le Québec et ses produits ont
été mis en vente, en évidence dans des maisons,
particulièrement à Madison, Buffalo, Cleveland, Dallas et autres
villes américaines.
Troisièmement, au niveau de l'infrastructure d'accueil à
l'industrie, il y a eu l'administration conjointe avec le ministère des
Affaires municipales de la Loi des fonds industriels touchant les parcs
industriels municipaux; il y a eu un effort de rationalisation dans ce domaine
et un effort de régionalisation, lequel se poursuivra dans le sens d'une
meilleure planification des parcs industriels au Québec.
Durant l'année, le conseil des ministres, en mai 1972, a
également retenu le programme d'aide aux commissariats industriels qui
est un programme d'incitation et qui a touché durant l'année 28
agglomérations qui se sont vu octroyer $300,000. Au chapitre des projets
spéciaux, mentionnons le projet PICA pour la création d'un parc
industriel et commercial aéroportuaire à Sainte-Scholastique.
Finalement, aide et conseil aux secteurs industriels et aux entreprises.
Cet élément de programme comprend essentiellement la direction
générale de l'industrie dont la responsabilité a
été donnée à un nouveau sous-ministre adjoint, M.
John Dinsmore qui a été muté du ministère de
l'Education. Cette direction a complété son effort de mise en
place de structure lui permettant de pouvoir répondre
adéquatement aux industriels grâce à une meilleure
connaissance des activités dans chaque secteur industriel, techniques de
production, potentiel de marché, gestion de l'entreprise, etc.
Au niveau du Service général des achats, qui, au 1er
avril, par un projet de loi voté par l'Assemblée nationale, sera
muté dans un autre ministère, je voudrais mentionner certaines
réalisations de grands projets.
Il y a eu l'implantation de trois nouveaux magasins, un quatrième
est en voie d'organisation, deux de ceux-ci desservant présentement une
clientèle d'environ 6,000 fonctionnaires dans les complexes G et H et un
troisième au Centre de recherche. Deuxièmement, deux grands
systèmes d'ordinateurs furent négociés
pour gestion des "stocks" qui sont présentement en voie
d'implantation. Troisièmement, l'ameublement des complexes G et H est
aussi complété. Finalement, deux projets importants furent aussi
discutés et amorcés, la distribution de médicaments aux
vétérinaires québécois et le début de la
guerre à la tordeuse de l'épinette, qui est un programme
relativement important, avec le ministère des Terres et forêts. Le
21 mars 1973, comme je le mentionnais, le projet de loi 222 fut adopté,
lequel créait le nouveau ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement, qui était d'ailleurs une des recommandations
formulées par le rapport du comité des achats.
Cinquièmement, au niveau du développement des pêches
maritimes, deux éléments méritent d'être
soulignés dans le cadre de l'année qui se termine. Il y a
l'effort de l'équipe technique, qui a surtout visé à
planifier la réalisation des parcs industriels de pêche et
à cerner les problèmes que comporteront ces parcs et à
identifier des projets prioritaires. Six projets sont présentement
parvenus à l'étape de la conception et plus de $1,500,000 sont
prévus à ce chapitre pour 1973/74. Ces parcs industriels de
pêche nous apparaissent comme un élément essentiel pour
assurer le progrès de notre industrie de la pêche au
Québec.
Egalement, au terme des arrêtés en conseil 1527 et 2361, la
direction des pêches a consenti des prêts au montant total de
$2,200,000 pour 51 bateaux de pêche outilleurs, soit dix-sept prêts
à la construction et 34 prêts à la réparation. Au
niveau du service de la statistique, le Bureau de la statistique du
Québec a continué comme par le passé à remplir le
mandat que la loi lui a fixé, à savoir de recueillir, compiler,
analyser, publier des renseignements de nature statistique de manière
à répondre aux besoins en information tant de l'administration
publique que du secteur privé afin d'en faciliter la recherche. Durant
l'année écoulée, le BSQ a cherché à
améliorer tout l'aspect de l'information de ses travaux en mettant
l'effort sur un système intégré d'informations
statistiques basé sur une utilisation plus poussée de
l'informatique répondant pleinement aux besoins d'analyse qualitative
des données sur le Québec.
De plus, dans le cadre d'une collaboration plus grande avec les autres
ministères, le BSQ a amorcé l'exploitation des statistiques
administratives détenues par ces derniers.
Finalement, aux services rendus aux établissements commerciaux
par la direction du commerce, on devrait mentionner en 1972/73 quelques
nouvelles activités, en particulier une campagne de sensibilisation
auprès des architectes et des ingénieurs pour accroître
lors de la construction de gros projets l'utilisation de produits
manufacturés au Québec.
Deuxièmement, un symposium de l'agro-alimentaire qui s'est tenu
le 31 octobre et le 1er novembre au Château Champlain.
Troisièmement, notre Expo-profits, spécialement l'exposition
d'information tenue à Montréal les 7, 8 et 9 novembre avec la
participation du Centre de recherche industrielle, le Service de fabrication
sous licence et l'Office d'information et Innovation-Québec. Je
mentionne que ces Expos-profits en sont à leur troisième
année et tentent d'intensifier les efforts de sous-traitance entre les
diverses industries québécoises pour maximiser les
retombées économiques de certains des projets qui peuvent
être faits ici.
Au niveau de cette direction, je pourrais peut-être
également mentionner les efforts qui ont pu être faits au niveau
des boulangeries québécoises, qui se sont traduits non seulement
pas des efforts de rationalisation de l'entreprise, par la publication d'un
rapport d'étude, par de nombreux projets de fusion pour améliorer
la capacité de nos entreprises québécoises, mais
également, et peut-être d'une façon plus importante, par un
projet de loi qui vise à freiner l'utilisation du pain par certaines
grandes chaf-nes de magasins d'alimentation comme "loss leader", comme produit
à perte, ce qui a eu pour effet, pour nous, de créer des
conditions malsaines dans la vente et la commercialisation de ce produit.
Brièvement, M. le Président, sans tenter de vous
convaincre davantage, je pense que nous aurions raison d'être fiers de
l'économie québécoise, non seulement pour l'année
1972, mais surtout des perspectives de 1973. Je m'en voudrais de rejeter
uniquement sur le dos du gouvernement des responsabilités de cette
reprise réelle. L'année 1972 a été sûrement
la meilleure année depuis sept ou huit ans en matière
économique. Bien sûr, des fonctionnaires se sont mis à
cette tâche mais des secteurs privés, également. Ayant dit
cela, je ne peux accepter évidemment la thèse qui veut que ce
soit uniquement la conjoncture économique internationale qui nous
favorise. Ayant devant moi des gens qui, tous les quatre ans, doivent
solliciter un mandat, je ne peux m'empêcher de vous dire qu'en
matière d'élections, elles se gagnent "poll" par "poll" et, en
matière économique, on doit progresser projet par projet. Je ne
peux avoir à l'esprit aucun projet, réalisé au
Québec en matière d'investissement, qui nous soit tombé du
ciel. Bien sûr, la reprise et les cycles économiques peuvent avoir
une certaine importance, mais je pense qu'il ne faudrait pas négliger
les efforts qui sont faits pour les prévoir, pour susciter une confiance
dans le secteur privé, pour avoir des politiques qui tentent à
optimaliser les retombées économiques sur le Québec.
En 1972, je vous l'ai mentionné, le produit national brut a
augmenté au Québec de 10.4 p.c. C'est un des plus hauts taux
depuis sept ou huit ans en regard, en particulier, d'une hausse de 7.6 p.c. en
1971 et de hausses moindres dans les années antécédentes.
Ce taux de 10.4 p.c. est un des taux les plus élevés au monde, le
plus élevé de tous les pays industrialisés sauf le Japon
et le Brésil. Les dépenses des consommateurs en biens et services
font preuve
d'une vigueur soutenue, elles sont passées de 4.6 p.c. en 1970
à 7.1 p.c. en 1971 et à 10.5 p.c. en 1972, soit la plus forte
augmentation observée depuis nombre d'années au Québec.
Cette reprise substantielle de la demande dénote un fort accroissement
des revenus; le revenu personnel des Québécois augmente de 11.5
p.c. en 1972 à la suite d'une hausse de 9 p.c. en 1971.
On observe aussi, après une augmentation de 8.3 p.c. en 1971, une
hausse considérable des traitements et salaires de 10.3 p.c. en 1972. La
relance économique est encore plus évidente et peut-être
plus bénéfique dans le secteur des entreprises et des
investissements. Pour 1972, les bénéfices des
sociétés avant l'impôt marquent une progression de 15 p.c.
sur le niveau de 1971. Cette amélioration se fait sentir
également au niveau des dépenses d'investissement. Selon le
sondage semestriel effectué par Statistique Canada, les investissements
privés et publics en 1972 augmentent de 13.9 p.c. au Québec,
alors que des pourcentages beaucoup moindres avaient été
dénotés pour le Canada.
Les accroissements les plus marqués se produisent dans les
industries primaires et de construction où le Québec avait, en
1972 par rapport en 1971, des augmentations de 32.2 p.c. alors que le Canada
n'avait que 1.3 p.c. Au niveau des commerces, de la finance et des services
commerciaux, le Québec avait des augmentations de 25.5 p.c. alors que le
Canada n'avait que 16.0 p.c. Au niveau du secteur très important de la
fabrication, de nos industries secondaires, le Québec avait des
augmentations de 15.2 p.c. alors que le Canada n'avait des augmentations que de
3.2 p.c.
Au niveau des services d'utilités publiques, le Québec
avait des augmentations de 16.6 p.c. alors que le Canada n'avait que des
augmentations de 9.4 p.c.
Ce qu'il est important de retenir dans ces mesures, c'est que cette
reprise économique n'était pas causée par une
saignée que le gouvernement faisait au niveau des emprunts ou des taxes,
pour tenter de stimuler artificiellement l'économie, mais, dans une
large mesure, c'était le secteur privé qui, pour la
première fois depuis six ou sept ans, dénotait... On voyait un
rapport récent dans le Financial Post à l'effet que c'est
uniquement au cours des deux dernières années que l'accroissement
des investissements a été plus important au Québec que
dans la moyenne du Canada. Ce qui est plus important, lorsqu'on
décompose ces investissements dans les grands secteurs traditionnels,
c'est qu'on voit que c'est au secteur privé que cette relance a
été surtout marquée. Le gouvernement, dans une politique,
il me semble, très sage, s'est gardé un peu de réserves au
cas où un cycle du secteur privé ferait preuve de moins de
dynamisme. Nous pourrions alors avoir des réserves pour insuffler de
l'argent. Il m'aurait semblé peu sage, pour ma part, alors que le
secteur privé augmentait de 32 p.c, comme je le mentionnais, dans
l'industrie primaire et de 15.2 p.c. dans la fabrication, que le gouvernement
fasse des emprunts démesurés pour créer une
activité qui aurait risqué d'être artificielle et qui
aurait pu provoquer une certaine inflation non justifiée au
Québec.
D'ailleurs, on voit ici, en faisant une analyse, que le mythe se
répand malheureusement en Ontario, à l'effet qu'au Québec
la reprise est surtout due aux efforts du gouvernement, aux investissements
massifs du gouvernement. Cela n'est pas justifié puisqu'on remarque que,
dans les deux secteurs reliés de très près à des
programmes gouvernementaux, c'est-à-dire le secteur de l'habitation et
celui des institutions gouvernementales et des ministères
gouvernementaux, le Québec a connu une croissance moindre que celle de
l'ensemble du Canada. Dans l'habitation, 7.2 p.c, alors que le Canada avait une
croissance de 7.3 p.c; au niveau des ministères gouvernementaux, 4.4
p.c. au Québec et 4.7 p.c. dans l'ensemble du Canada.
Je n'ai pas d'autres statistiques, mais, il me semble aussi important de
mentionner que nous avons réellement fini la courbe de l'exode de la
population que nous avions connue. Cette période allait de 1968 au
dernier trimestre de 1970. Je pense que la diminution de l'exode et les
mouvements de migration de la population sont extrêmement importants pour
l'avenir de notre collectivité. On a même vu des rapports
pessimistes qui prévoyaient qu'en 1980 la population du Québec
aurait pu tomber à 16 p.c. de la population canadienne. On révise
maintenant ces chiffres puisque, depuis le dernier trimestre de 1970, la courbe
a repris. En 1972, nous avons même assisté à une migration
positive dans les déplacements démographiques à
l'intérieur du Canada vers la province de Québec.
Au niveau des prix, ceux-ci ont continué d'augmenter en 1972,
mais à un rythme relativement modéré. Je pense que,
lorsqu'on compare l'inflation au Québec à celle du Canada, elle
fut moindre au Québec que dans l'ensemble du Canada. Si l'on nous
compare à d'autres pays industrialisés, nous avons connu un des
plus faibles taux d'inflation.
Evidemment l'aspect le plus décevant de la reprise
générale de l'activité économique au Québec
est sans contredit le niveau trop élevé du chômage.
Malgré les niveaux plus élevés de l'activité
économique et les efforts en vue de stimuler l'emploi, en 1972, le taux
moyen du chômage s'établit à 8.3 p.c. de la main-d'oeuvre,
compte tenu des variations saisonnières.
Cette situation découle du fait que, même si l'augmentation
de la main-d'oeuvre est relativement faible en 1972, 1.3 p.c, c'est quand
même un pourcentage relativement élevé lorsqu'on le compare
au pourcentage d'accroissement de main-d'oeuvre de tous les pays
industrialisés et notre création nette d'emplois a
été elle-même à peu près du même ordre
de grandeur, 1.3 p.c., ce qui est devenu et demeure insuffisant pour
résorber le chômage.
Une explication a été fournie à l'effet qu'une
hausse assez spectaculaire de la productivité de notre industrie
manufacturière de plus de 4 p.c. a été responsable du
fait, dans une certaine mesure, que la croissance de la productivité et
que l'augmentation des investissements ne se sont pas traduites par une
amélioration des emplois.
Mais il est improbable que cette hausse spectaculaire de la
productivité de 4 p.c, se maintienne pendant nombre d'années. H
faut croire que, compte tenu d'une reprise qui s'accentue de mois en mois au
Québec, nous devrions connaître, au niveau de l'emploi, des
progrès qui pourraient évidemment se traduire par une diminution
du taux de chômage dans plusieurs de nos régions.
Un facteur important qui se révèle est l'augmentation du
taux de participation, en particulier chez les jeunes et les femmes.
J'espère que je ne vous surprendrai pas, je pourrais vous donner
certains chiffres en indiquant que, de 1969 à 1972, il y a eu une
augmentation de 100,000 femmes de 25 à 44 ans sur le marché du
travail au Québec.
On conçoit que si nous n'avions pas connu cette période
d'entrée et de participation des femmes comme l'Ontario l'a connue
immédiatement dans la période d'après-guerre, si nous
n'avions pas connu une augmentation si substantielle, c'est presque la
moitié de notre chômage qui est environ de 200,000 personnes qui
pourrait s'expliquer par ce mouvement des femmes dans le marché du
travail.
On observe en outre que, depuis la présente reprise, les
entreprises se sont montrées prudentes dans la reconstruction de leur
"stock" d'inventaire et que leur production s'accroît grâce
à une meilleure productivité située au niveau de la
rationalisation de leurs moyens de production.
Dans l'ensemble, pour 1973, l'amélioration persistante de
l'activité économique laisse entrevoir les perspectives les plus
favorables pour l'année 1973 au Québec. La hausse prévue
du produit national brut sera encore supérieure à 10p.c. et les
principaux éléments de la demande maintiendront un rythme de
croissance soutenu.
De plus, nous croyons que la hausse du PNB sera moins dépendante
de l'augmentation de la productivité en 1973 et que la hausse de
l'emploi sera beaucoup plus prononcée qu'en 1972. D'ailleurs, les deux
premiers mois connus de 1973 nous laissent voir que nous sommes sur la bonne
voie puisque, en effet, en janvier 1973, il y avait, au Québec, 41,000
personnes au travail de plus qu'en janvier 1972. En février
1973,l'augmentation était, par rapport à février 1972, de
79,000 personnes, soit un taux moyen mensuel de 60,000 personnes, alors que, en
1972, qui fut une très bonne année sur le plan économique,
cette hausse mensuelle pour les deux premiers mois était d'environ
23,000 ou 24,000 personnes.
Donc, nous avons presque le triple de croissance de l'emploi. Tous les
indicateurs nous laissent entrevoir que la demande devrait continuer et que les
prochains mois nous permettraient de maintenir, sinon d'augmenter, les
statistiques que je vous ai données. Dans l'ensemble, la conjoncture
internationale est favorable à l'expansion et l'économie
américaine connaît une vague de prospérité. Il
semble donc raisonnable de penser que cette relance se répercutera au
niveau de l'ensemble du Québec.
Dans un troisième temps, et en gage de conclusion,
brièvement, M. le Président, je voudrais vous mentionner quelles
seraient les grandes lignes d'action que le ministère que je dirige
entend poursuivre au cours des douze prochains mois. Tout d'abord, les douze
prochains mois nous permettront de mettre entre deux couvertures un document de
stratégie de développement industriel et économique pour
le Québec en collaboration, bien sûr, avec d'autres organismes
comme en particulier l'Office de planification et de développement du
Québec, avec le ministère des Finances, dans les politiques
fiscales, et avec d'autres ministères à vocation
économique.
Je pense que, dans les prochains mois, nous pourrions tenter
d'identifier, grâce à l'effort de réflexion et de recherche
qui s'est fait au cours des douze derniers mois, les grandes lignes d'action de
notre intervention. Une stratégie implique des choix tant au niveau des
secteurs qu'au niveau des régions, des types d'intervention et de
groupes qui pourraient être privilégiés.
Je ne voudrais pas esquisser ici quels pourraient être ces
éléments. Je préfère simplement vous dire que nous
augmenterons nos efforts. Des réunions, d'ailleurs, sont prévues
au niveau de l'ensemble de mon ministère les 10 et 11 avril prochain,
pour tenter de faire un premier jet de réflexion. Quelques semaines
après, nous devons tenir une autre séance de réflexion
avec les ministères à vocation économique. Après,
nous tenterons d'élargir le groupe à des organismes
paragouvernementaux qui sont touchés par l'activité
économique. On pense, en particulier, à la Caisse de
dépôt et placement et à différents autres organismes
paragouvernementaux qui interviennent.
Nous voudrions que cette stratégie de développement
économique soit aussi un véhicule qui nous permettrait
d'accélérer nos efforts au niveau de l'éducation
économique. Nous avons quelques projets précis pour tenter do
doter notre personnel enseignant d'un meilleur matériel didactique qui
colle à la réalité québécoise.
On nous reproche, peut-être, d'avoir, d'une part, l'Annuaire du
Québec et différents volumes statistiques qui sont un peu pour
les spécialistes et d'avoir, à l'autre extrémité,
presque le volume de l'école élémentaire en matière
de géographie économique pour le Québec. Entre les deux,
il n'est pas impossible que nous
tentions de mettre en chantier, avec notre direction
générale des communications, un volume qui tenterait de
définir non seulement l'activité secondaire, mais l'ensemble de
ces données économiques du Québec, l'épargne, de
comparer le bout de chemin que nous avons fait depuis une dizaine
d'années, de comparer le Québec à d'autres régions
et de tenter de sensibiliser les gens, particulièrement dans une
perspective économique où nous assistons à la formation de
blocs économiques, où l'effort, au niveau du commerce
international, fait que les peuples sont de plus en plus dépendants les
uns des autres et que nous ne pouvons uniquement, par loi ou en nous regardant
le nombril, assurer notre progrès. Nous devons être de plus en
plus conscients des réalités économique sur le plan
mondial.
Dans un deuxième temps, nos relations avec le gouvernement
fédéral devraient, au cours des douze premiers mois, nous amener
à des prises de position très précises dans nombre de
secteurs. Nous avons voulu, dans le contexte qui a été
mentionné dans le discours du trône, voir, non pas ces
affrontements, mais ces discussions de la manière la plus positive
possible en ayant toujours à coeur, et uniquement, les
intérêts de la province de Québec. Nous croyons que, dans
nombre de secteurs, cela nous a donné des résultats positifs et
nous entendons continuer. Nous croyons que la meilleure façon pour
obtenir des résultats, c'est que le gouvernement doit avoir des dossiers
étoffés. Il doit faire preuve d'une compétence, être
sensibilisé à des problèmes, être capable de voir
d'avance quels seront les sujets les plus importants qui pourront être
discutés.
Je vous mentionne, en particulier, des rencontres prochaines
prévues avec mon homologue du gouvernement fédéral et les
collègues des autres provinces. Elles auront lieu le 9 avril, soit lundi
prochain, et s'inscrivent, d'ailleurs, peut-être pour la première
fois, dans le processus des rencontres prévues entre les premiers
ministres des provinces à la fin de mai. Il est à prévoir,
en effet, que les questions économiques vont prendre de plus en plus
d'importance et nous ne voudrions pas être laissés de
côté dans ce contexte.
D'ailleurs, dans une conférence récente à Toronto,
qui n'a peut-être pas eu tout l'écho que j'aurais aimé
qu'elle ait dans la presse locale, j'ai évoqué, devant le
Canadian Club, et le journal Globe and Mail l'a rapporté, un premier
concept qui mériterait d'être précisé davantage, le
fait que, si le Canada représente politiquement une entité avec
un système fédéral, avec plusieurs niveaux de
gouvernement, on peut se poser de sérieuses questions afin de savoir si,
effectivement, nous n'avons pas, à l'intérieur du Canada, des
économies qui sont complètement différentes, qui ont des
problèmes différents, qui ont des défis différents
à relever.
Ainsi, peut-être faudrait-il, une fois pour toutes, que le
gouvernement fédéral abandonne ce concept qu'il n'y a qu'une
seule économie canadienne et que, lorsque celle-ci indique des points de
faiblesse ou des points de maladie, il faille injecter à l'ensemble de
l'économie canadienne, de l'Atlantique au Pacifique, des remèdes
et des médicaments qui ne sont appropriés qu'à une seule
partie du pays.
Je pense en particulier, et le gouvernement du Québec l'a
déjà dit, qu'il était insensé en 1968, lorsque nous
avions au Québec un taux d'inflation qui était d'environ 1.6 p.c.
par année et un des plus bas au monde, de la part du gouvernement
fédéral, d'injecter au malade, qui était surtout en
Ontario, des médicaments qui ont fait qu'au niveau des politiques
monétaires et fiscales, on tentait, lorsque nous avions 1.6 p.c.
d'inflation, de combattre l'inflation, ce qui a eu pour effet d'accentuer le
chômage chez nous.
M. le Président, ce concept me paraît extrêmement
important, puisque chacune des régions du pays on voit que
l'Ouest canadien n'y échappe pas a ses propres problèmes
et veut les discuter avec le gouvernement fédéral. Cela n'exclut
pas, évidemment, des efforts pour éviter le double emploi mais je
pense que nous pourrions obtenir au niveau des autres provinces un certain
appui à cette conception de la Confédération canadienne
sur le plan économique.
Egalement, si nous avions ce concept des cinq régions et non des
dix provinces, nous pourrions peut-être espérer plus facilement
être représentés ou avoir une collaboration intense
à certains des accords internationaux qui sont négociés
par le gouvernement fédéral en matière de politique
commerciale particulièrement et de politique tarifaire. On comprend que,
dans le moment, c'est assez difficile pour le gouvernement
fédéral d'arriver dans les discussions du "Kennedy Round" en
compagnie des représentants des dix provinces, une d'entre elles, en
particulier, ayant une population moindre que celle de la ville de
Québec.
Au niveau du gouvernement fédéral, il faudra s'attendre,
bien sûr, à une préoccupation de notre part, donc de la
renégociation des ententes du GATT, à des efforts soutenus en ce
qui touche les relations Canada-Etats-Unis, particulièrement le pacte de
l'automobile et les politiques d'énergie. Il y aura également des
discussions au niveau des subventions et primes aux industries
québécoises, une discussion au niveau des propositions que
pourrait formuler le ministère de M. Jamieson au niveau d'une
stratégie de développement; déjà des rencontres
sont prévues pour le 6 avril, vendredi prochain, ici à
Québec, avec M. Lévesque et M. Jamieson. Au niveau de la
recherche scientifique et de la recherche industrielle, nous tenterons de
corriger l'écart flagrant qui a existé jusqu'ici. Finalement, au
niveau des politiques d'énergie nous pensons à la ligne
Borden, aux ports pétroliers et au gazoduc, ce sont des dossiers que
nous
surveillons de près. Au niveau des problèmes propres au
ministère lui-même, il faudra accentuer la connaissance et le
développement de nos secteurs industriels. Je pense que c'est essentiel
qu'au ministère nous ayons tant vis-à-vis du gouvernement
fédéral que vis-à-vis du secteur privé que
vis-à-vis des partis d'Opposition, une certaine
crédibilité et cette crédibilité ne peut s'obtenir
simplement par des déclarations du gouvernement; elle s'obtient par un
travail de longue haleine pour recruter du personnel compétent, pour se
mettre méthodiquement à la tâche, pour mieux comprendre nos
secteurs industriels, pour mieux comprendre les problèmes de nos
industries, pour avoir une meilleure liaison avec ces derniers pour pouvoir par
la suite, corriger certains de nos programmes qui pourraient ne pas coller
à la réalité.
Nous verrons également, au cours des douze prochains mois, une
augmentation de l'aide aux programmes d'exportation et cela se reflète
dans le budget que nous allons discuter en détail. Je pense que le
Marché commun offre des perspectives fort intéressantes à
nos industriels québécois, mais que souvent ceux-ci ont des
horizons trop fermés, ne semblent pas conscients du potentiel que
peuvent offrir les marchés nouveaux. Egalement, il ne faudrait pas
sous-estimer le fait que l'accroissement du niveau de vie dans des pays du
Tiers-Monde, en particulier l'Amérique Latine, les pays d'Afrique, les
pays asiatiques, offrent de nouvelles perspectives que nos hommes d'affaires
doivent exploiter à fond.
Je sais que plusieurs d'entre eux sont capables de relever le
défi, ils ont fait preuve de beaucoup d'imagination. Mais le
gouvernement voudra, et on le retrouvera dans les crédits,
épauler solidement le secteur privé pour stimuler nos programmes
d'exportation et augmenter ainsi notre capacité de faire face à
la concurrence internationale et de créer des emplois ici pour des
produits destinés à l'étranger.
Troisième point, M. le Président, nous donnerons beaucoup
d'importance au niveau de l'infrastructure d'accueil. Des programmes
précis ont été annoncés par le ministre des
Finances en ce qui touche la région de l'Estrie que j'ai visitée
hier même, c'est-à-dire une subvention de $3 millions pour doter
l'Estrie d'un parc régional dont l'absence a été
peut-être dans une large mesure responsable de la stagnation du niveau
manufacturier dans cette région. Les programmes des zones
spéciales à Trois-Rivières et à Sept-Iles nous ont
permis, au niveau de l'infrastructure, d'avoir de meilleurs services d'accueil.
Mais, le budget même du ministère reflète je pense, dans
une large mesure, ses efforts au niveau de l'amélioration de
l'infrastructure d'accueil, tant au niveau de l'infrastructure elle-même
que des services d'accueil. Bien sûr, rejoint à cela, il faudrait
parler de nos programmes de commisariats industriels; on sait qu'il y a
à peine un an le Québec avait moins de quinze ou seize
commissaires industriels à plein temps alors que l'Ontario en avait plus
de 85.
Le programme que nous avons mis de l'avant il y a quelques mois a
donné, comme je l'ai mentionné, des résultats dans 28
agglomérations. Nous avons eu nombre de demandes et nous
considérons que d'ici peu de temps nous aurons à peu près
une quarantaine de commissaires industriels à temps plein capables de
vendre aux quatre coins de la terre les avantages que peut offrir le
Québec dans chacune de ces régions.
D'ailleurs, je sens de plus en plus que les Québécois sont
conscients que souvent, en matière d'implantation, le problème ne
se pose pas entre Shawinigan ou Trois-Rivières, si on a à
l'esprit le cas récent de Bécancour, mais que le problème
est souvent entre Bécancour et Sarnia ou même entre
Bécancour et le Brésil, Je pense que, de plus en plus, nos
régions sont conscientes qu'il faut abandonner un chauvinisme ou un
esprit de clocher qu'elles avaient pu avoir et qui, dans nombre de cas, a pu
être responsable du fait que le Québec a perdu des projets puisque
les investisseurs pouvaient être un peu mêlés dans des
disputes de clocher entre certaines de nos régions.
Au cours de la prochaine année également, M. le
Président, au niveau des pêches maritimes, nous passerons de
l'étape de la conception à l'étape de la
réalisation, et les sommes assez importantes consacrées dans le
budget nous permettront de réaliser les quatre parcs de pêche et
de stimuler dans la région de la Gaspésie tout ceci.
Lorsque brièvement, et ce sera ma conclusion, M. le
Président, on analyse le budget du ministère de l'Industrie et du
Commerce, on pourrait être tenté de dire que c'est un des seuls
ministères qui a, au niveau des chiffres bruts, une diminution de son
budget. Rien ne serait plus faux. Lorsqu'on compare le budget avec les budgets
précédents du gouvernement, particulièrement les deux
derniers, même les trois derniers, il faut se rappeler qu'il y a
plusieurs années une très forte partie du budget de l'Industrie
et du Commerce était reliée à des primes à
l'industrie, suivant les arrêtés en conseil ou suivant les projets
de loi 23 et autres.
Or, dans nombre de cas, les budgets votés n'avaient pas
été dépensés parce qu'il est très difficile
d'analyser le montant d'argent requis pour les primes et si les projets ne
viennent pas, malheureusement, à la fin de l'année, nous avons
des crédits périmés. Alors, si on prend les budgets
réels dépensés par le ministère de l'Industrie et
du Commerce depuis une période de sept ou huit ans et
particulièrement depuis les deux dernières années, on se
rend compte que c'est sûrement le ministère qui a connu le taux de
croissance le plus élevé en pourcentage de tous les
ministères du gouvernement.
Plus que cela, si on compare le budget du ministère de
l'Industrie et du Commerce du Québec avec celui des autres provinces,
sur une base per capita, il faut se rappeler que nous avons le budget le plus
élevé, c'est-à-dire que nous dépensons environ $7
par habitant alors
que, dans toutes les autres provinces, les montants varient de $1.20
à environ $3. L'Ontario est à $2.40, je pense, et la seule
exception est la province de Nouvelle-Ecosse qui, par habitant, dépense
plus que la province de Québec. Il faut également se rappeler que
nous avons au Québec des secteurs, des organismes que d'autres provinces
n'ont pas. En particulier, simplement depuis l'an dernier à cette
année, il faut se rappeler que nous devrions théoriquement
ajouter au budget du ministère de l'Industrie et du Commerce une somme
de $9 millions que la Société de développement industriel
peut maintenant octroyer et qui ne se trouve pas dans les crédits des
ministères puisqu'elle se retrouve dans l'extrabudgétaire de la
Société de développement industriel. Donc, si on veut
faire une comparaison, même honnête, et c'est très difficile
puisque nous nous sommes départis de l'Aquarium, qui est passé au
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, il y a eu
quelques changements, mais strictement en faisant une analyse rapide, il
faudrait ajouter au montant que nous avons cette année de $43 millions,
un montant d'environ $9 millions que nous avions l'an dernier de primes
à l'industrie et que nous n'avons pas cette année puisqu'on le
retrouverait indirectement au niveau de la Société de
développement industriel du Québec.
M. le Président, ce sera brièvement mon exposé. Il
y a tellement de bonnes nouvelles à donner, je sais que les mauvais
nouvelles voyagent mieux que les bonnes, mais je ne peux pas m'empêcher
de vous donner ce qui s'est fait dans l'ensemble du ministère. Avant de
donner la parole aux partis d'Opposition, je m'en voudrais également de
ne pas apporter un témoignage très sincère de la
loyauté, de la compétence, de l'esprit de dévouement de
mes fonctionnaires, qui m'ont admirablement bien secondé au cours des
douze derniers mois. En parlant des fonctionnaires, je voudrais bien assurer
que je n'ai pas uniquement à l'esprit les sous-ministres ou les
directeurs généraux, mais l'ensemble de nos professionnels qui
souvent, dans des conditions obscures, et j'en ai eu des témoignages
vibrants de la part d'industriels québécois, travaillent
énormément pour le Québec, soit au niveau de nos
régions, soit à l'étranger dans les bureaux que nous
avons, soit au niveau de nos groupes sectoriels.
D'ailleurs, ils travaillent tellement bien que c'est une des choses que
l'on doit déplorer. Souvent, on envoie un professionnel aider une petite
entreprise pendant quatre ou cinq semaines relativement aux problèmes de
marketing ou de production; à la fin des quatre semaines, que ce soit
à Actonvale, Granby, Sherbrooke, ou Trois-Rivières,
invariablement, le chef d'entreprise demande à notre fonctionnaire quel
est son salaire. A ce salaire, le chef d'entreprise s'empresse d'ajouter $5,000
plus une voiture, et alors, nous venons de perdre un fonctionnaire
compétent. Je ne m'en plains pas, puisque je pense que c'est essentiel
qu'il y ait une certaine mobilité dans les secteurs privé et
gouvernemental.
Ce sera mon mot de la fin, M. le Président, j'espère que
je n'ai pas été trop long. Mais je pense essentiel de tracer un
portrait d'ensemble avant d'aborder, pièce par pièce, les
différents programmes budgétaires.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): MM. les membres de la commission, est-ce que
je pourrais faire seulement une suggestion, soit de modifier notre motion de
tantôt remplaçant le député de Laviolette par le
député de Rouville?
Le député de Shefford.
Critique de l'Opposition
M. RUSSELL: M. le Président, je voudrais d'abord, si vous me le
permettez, remercier le ministre de nous avoir présenté ses
fonctionnaires que nous connaissons, pour la plupart, depuis nombre
d'années. Nous connaissons maintenant leur compétence et nous
savons d'avance qu'ils vont, avec le même enthousiasme dont s'est servi
le ministre pour nous faire un court exposé, nous fournir des
informations et des réponses aux nombreuses questions qu'aura à
poser l'Opposition au ministre, afin de rétablir au sein de l'Opposition
et de la population l'enthousiasme que nous avions lors de la nomination du
ministre au ministère de l'Industrie et du Commerce qui est, comme vous
le savez, le plus important des ministères à vocation
économique au Québec.
De plus en plus, le ministre de l'Industrie et du Commerce est vu au
Québec comme le ministre de l'économie et le coordonnateur des
interventions gouvernementales dans la vie économique. L'action du
ministère doit donc être évaluée sur deux plans.
D'abord, en tant que responsable de la bonne marche de l'économie
québécoise et, ensuite, dans ses interventions dans les secteurs
d'activité propre, c'est-à-dire surtout à l'industrie
secondaire.
L'Union Nationale se déclare extrêmement
déçue de l'action du ministère sur ces deux plans. De
plus, le budget qu'on nous présente pour 73/74 ne nous permet pas
d'espérer mieux l'an prochain. Le gouvernement libéral se vante
depuis quelques mois de la situation économique du Québec qui
serait des mieux portantes d'après les communiqués de presse. On
cite des taux d'augmentation comme 10.5 p.c, comme l'a fait d'ailleurs le
ministre ce matin, pour les dépenses des consommateurs; 10.4 p.c. pour
le produit national brut et 11.5 p.c. pour le revenu personnel.
Un examen approfondi des statistiques économiques du
Québec nous oblige à refroidir l'enthousiasme du gouvernement
libéral. En effet, notre reprise économique n'est qu'un
phénomène conjoncturel associé à la reprise
économique nord-américaine, et elle est très
précaire. Le Québec est dans une situation économique
encore plus fragile qu'en 1970 parce que, à toutes fins pratiques, le
gouverne-
ment n'a rien fait de substantiel depuis trois ans pour restructurer,
renforcir l'économie québécoise. Quelques statistiques
suffisent pour rétablir ces points. Les investissements nets dans le
secteur de fabrication sont estimés, en 1972, à $665 millions.
Pour le gouvernement libéral, c'est une augmentation de 23.6 p.c. par
rapport à l'an dernier. Pour un analyste sérieux, toute
comparaison avec 1971 est déplacée. L'année 1971
était la plus basse depuis 1964. En fait, en 1966, les investissements
manufacturiers nets s'élevaient à $686.2 millions. En utilisant
les statistiques à la manière libérale, on pourrait dire
que les investissements manufacturiers nets au Québec ont baissé
de 3.1 p.c. en six ans. La comparaison avec l'Ontario demeure le meilleur moyen
d'évaluation de la performance économique du Québec en
matière d'investissements manufacturiers. Le produit national brut de
l'Ontario est plus élevé de 68 p.c. que le produit national brut
du Québec. Par contre, les investissements manufacturiers nets en
Ontario étaient supérieurs à ceux du Québec par 108
p.c. Pour simplement maintenir le décalage actuel entre le produit
national brut de l'Ontario et celui du Québec, en supposant que les
investissements manufacturiers sont à la base de la croissance
économique, les investissements manufacturiers nets auraient dû
être de $811 millions au Québec en 1972. On a eu donc un
déficit de $156 millions dans ce secteur clé de 1972. En 1971, la
situation était sensiblement la même. Rien ne semble changer.
La force de notre économie se mesure, en grande partie, par la
vigueur de son industrie secondaire.
La croissance de la valeur des expéditions manufacturières
est le meilleur indicateur de cette vigueur. Le taux d'augmentation en valeur
des expéditions manufacturières du Québec est
estimé à 6.8 p.c. en 1972 et à 5.5 p.c. en 1971. Si on
soustrait l'apport inflationniste à ces taux d'augmentation, soit
respectivement 6.2 p.c. et 3.7 p.c., on obtient des taux d'expansion à
valeur réelle de 0.6 p.c. en 1972 et de 1.8 p.c. en 1971. Voilà
l'essor de notre industrie secondaire. H n'y a rien pour se réjouir dans
ces statistiques qui diffèrent sensiblement des taux de croissance de 10
p.c. et de 11 p.c. que les, publicistes du gouvernement publient à
outran-' ce actuellement.
L'exportation des produits du Québec est à la base de
notre développement économique. De 1966 à 1970, les
exportations canadiennes d'origine québécoise ont augmenté
à un taux moyen de 11.5 p.c. par année. Depuis 1970, elles sont
plafonnées. Les estimations de 1972 indiquent même une baisse par
rapport à 1970. La stagnation relative de notre industrie secondaire se
reflète aussi dans la main-d'oeuvre qu'elle utilise. L'emploi durant les
sept premiers mois de 1972 était inférieur de 6,700 à
l'emploi durant les sept premiers mois de l'année 1971. On induit les
Québécois en erreur en tentant de leur faire croire à une
relance économique du
Québec. Le taux de chômage, même s'il ne tient pas
compte des 100,000 emplois au Québec, est trop fort pour que la
population accepte ces déclarations trompeuses. Depuis trois ans,
l'économie québécoise piétine. Le nombre de
chômeurs au Québec, officiel ou non officiel, demeure toujours le
meilleur indicateur de la santé de notre économie.
Cet indicateur mentionne quelque trois cent mille chômeurs et
démontre depuis trois ans un état de crise. Depuis trois ans, le
ministre responsable...
M. SAINT-PIERRE: 300,000 chômeurs?
M. RUSSELL: C'est un chiffre, 300,000 chômeurs au Québec,
que nous prenons dans les statistiques. C'est une moyenne. Ce n'est pas un
chiffre...
M. SAINT-PIERRE: II me semble que nous n'avons jamais eu 300,000
chômeurs.
M. RUSSELL: On en discutera tout à l'heure point par point si le
minsitre le désire, comme on le fera du court exposé qu'il a fait
pendant quelques minutes tout à l'heure pour essayer de bâtir chez
l'Opposition et la population un enthousiasme débordant dans lequel on
reconnaît son habileté à l'occasion des exposés
qu'il fait à travers la province de temps à autre, comme il l'a
fait dans les Cantons de l'Est hier, et comme il l'a fait dans d'autres
milieux, devant les clubs sociaux et autres.
Mais je voudrais ce matin, point par point, tâcher de donner des
preuves très précises de notre inquiétude chez
l'Opposition aussi bien que chez la population, et du malaise qui existe
à l'intérieur du Québec, A partir de ceci, nous pourrons,
dans les quelques jours ou les quelques semaines qui vont suivre, tâcher
d'examiner point par point très objectivement le malaise qui existe. Le
ministre pourra, entouré de ses fonctionnaires, nous fournir
l'information qu'il faut pour obtenir chez nous la coopération
nécessaire pour aider à maintenir chez nos industriels
québécois, dans l'entreprise privée, et dans le commerce
l'enthousiasme essentiel à une économie saine.
Je disais donc que le chômage, lorsqu'on parle de 300,000
chômeurs, démontre depuis trois ans un état de crise.
Depuis trois ans, les ministres responsables de l'économie du
Québec jouent à l'autruche, c'est-à-dire qu'ils ne
prennent pas les moyens de sortir le Québec de son marasme. Cette
année ne fait pas exception. Ainsi, le gouvernement prévoit
56,000 nouveaux emplois au Québec. Ceci ne couvre pas l'expansion
naturelle de la main-d'oeuvre. Somme toute, le gouvernement prévoit non
seulement qu'il y aura plus de chômeurs au Québec l'an prochain
mais que le taux de chômage sera plus élevé l'an prochain.
A moins, premièrement, que les Québécois émigrent
ailleurs, c'est-à-dire qu'ils s'en aillent aux Etats-Unis ou
dans d'autres provinces, ou que l'on cache, comme on l'a fait dans le
passé, nos chômeurs sous l'excuse des cours de recyclage. On en
est rendu à un point tel que les gens se découragent de chercher
de l'emploi et deviennent des employés permanents du Bien-Etre social.
C'est-à-dire qu'on paie du bien-être à des gens qui ne
s'enregistrent même plus au chômage et ne paraissent donc plus sur
les listes.
Rien dans ce budget n'indique que le ministre de l'Industrie et du
Commerce s'est préoccupé outre mesure de cette situation. On ne
retrouve dans le budget que les mêmes remèdes usés des
années passées.
Ainsi, le ministre parle depuis plus d'un an de l'élaboration
d'une stratégie industrielle pour s'attaquer à la concertation ou
à la faiblesse de notre structure économique. Malgré les
promesses répétées, tout l'espoir, cette stratégie
industrielle ne sera pas élaborée cette année. Le discours
inaugural n'en fait pas mention; le discours sur le budget ne le mentionne pas
non plus. Cependant, le ministre continue d'improviser dans les octrois de
stimulants à l'investissement. Ainsi, on continue de consacrer des
subventions et des efforts à l'industrie de la pétrochimie,
malgré le très peu d'effets d'entraînement de cette
industrie. Le rapport de la Chambre de commerce notait d'ailleurs, en annexe,
cette aberration.
Il semble que notre politique industrielle n'existe que de nom. Les
investissements étaient surtout le fruit d'une décision prise
à New York ou le résultat d'une subvention qui vient d'Ottawa.
Quant à la mesure budgétaire permettant la
dépréciation accélérée de la machinerie
industrielle pour fins de calcul fiscal, nul doute qu'elle favorisera une
hausse des investissements en machinerie. Cependant, parce que cette mesure
amènera une automatisation de la production, il est fort probable
qu'elle entraînera aussi une dimunition des emplois industriels au
Québec. En effet, cette mesure du gouvernement libéral favorise
le remplacement des travailleurs par la machinerie, pour le plus grand profit
des industriels. Pourtant, nos politiques économiques devraient
favoriser l'emploi. Ceci est un autre exemple de l'incohérence de la
politique économique du gouvernement Bourassa. On ne note aucune
initiative, dans le budget de cette année, qui serait de nature à
amener des changements structurels dans l'économie
québécoise. La SDI voit son capital s'élever d'un maigre
montant de $4 millions, même pas le double de ses coûts
d'administration. La SGF reçoit une subvention qui ne fait que compenser
les pertes qu'elle encourra de son fonds de roulement. Pourtant, le ministre de
l'Industrie et du Commerce continue de parler de mesures pour canaliser
l'épargne des Québécois dans le développement
industriel. En pratique, il ne fait absolument rien pour réaliser cet
objectif. On ne mentionne pas, dans le budget, le complexe portuaire à
Québec que le gouvernement annonçait dans le discours inaugural.
D'autre part, on annonce une subvention pour le parc industriel de Sherbrooke.
Le ministre en a parlé tout à l'heure. Cette subvention semble
plus électorale que rationnelle vu la proximité du parc
industriel de Magog et l'état de sous-utilisation des surfaces
actuellement développées du parc industriel de Sherbrooke.
La seule initiative gouvernementale digne de mention dans le budget
traite du parc aéroportuaire et de Mirabel. Tout le monde sait que le
développement de Mirabel, comme centre aéroportuaire, est
très étroitement lié au statut du nouvel aéroport
de Toronto. Pour diverses raisons qu'il serait trop long
d'énumèrer, le développement de Mirabel, comme centre
aéroportuaire, cargo, sera paralysé si le nouvel aéroport
de Toronto s'accapare du gros des vols de passagers.
L'état actuel de ce projet, de même que les essais
récents du gouvernement Bourassa dans la protection des droits
aériens de Montréal, ne pouvant soulever l'enthousiasme des
québécois quant à l'avenir de Mirabel, le gouvernement du
Québec devrait faire preuve de beaucoup plus de détermination
qu'il ne l'a fait dans le passé. Rien ne nous indique qu'enfin il fera
preuve de détermination. En somme, l'Union Nationale ne retrouve aucune
initiative qui pourrait faire redémarrer l'économie
québécoise dans le budget 73/74. Les libéraux parlent de
stratégie industrielle, de colonisation, des épargnes, de
conversion de notre structure industrielle, de développement des
industries de pointe, etc. Derrière ces mots, on ne décèle
rien de nouveau, rien de novateur, rien qui peut amener les changements
nécessaires à l'entreprise économique.
Dans les circonstances, il est malheureusement symbolique que le budget
du ministère diminue de 5.6 p.c en 73/74 par rapport à celui de
l'an dernier. Le ministre est à court de solutions. Pour un gouvernement
qui met le développement économique en priorité, il ne
consacre que 0.8 p.c. de son budget au principal ministère qui s'occupe
d'économie. Ceci est se moquer des promesses de 1970, quand on constate
que, même l'an dernier, vous aviez consacré 9.3 p.c. de votre
budget à ce ministère.
M. le Président, je ne voudrais pas éterniser mes
remarques. Je sais que nous aurons l'occasion de le faire, point par point,
lors de l'étude des crédits du ministère. Je voudrais
simplement répondre à quelques remarques qui ont
été faites par le ministre ce matin.Lorsqu'il nous a parlé
de différents projets, il a fait un peu une rétrospective des
activités de son ministère.
Dans le domaine du chômage dont on a fait mention tout à
l'heure, le ministre prétend que le chômage, n'est pas aussi
élevé que je l'ai indiqué. Je pourrais simplement lui dire
ceci: Le taux du chômage actuel n'est pas tout à fait, à
mon sens, réaliste. Il a fait part tout à l'heure de
l'augmentation des personnes du sexe féminin, dans le domaine du
travail. C'est une façon de couvrir un peu le passage qui semble
désastreux dans le domaine du chômage. Je veux simplement
lui foire remarquer, vu qu'il prétend avoir relancé
l'économie de certains domaines, comme l'industrie des pâtes et
papiers, que je n'ai vu dans cela aucun effort de la part du gouvernement autre
que le relancement de l'ensemble de l'Amérique du Nord dans ce domaine
particulier. Il l'a lui-même indiqué lorsqu'il a parlé de
Saint-Raymond Paper tout à l'heure en disant que c'était le
relancement ou la demande sur le marché du papier qui avait permis
à cette usine en particulier de démarrer et de fonctionner
à pleine capacité, comme elle le fait actuellement.
Je crois que, lorsque le ministre parle de commissaires industriels, il
serait peut-être sage qu'il s'entoure de gens réellement
compétents dans le domaine industriel, non pas simplement pour aller
aider périodiquement la petite industrie. Ces commissaires devraient
être en mesure de visiter l'industrie dans un territoire
déterminé et de déceler les malaises de certaines
industries, puis lui dicter ce qu'il y aurait à faire pour
améliorer la situation. Parce que le problème actuel, c'est que
nous avons des domaines désastreux.
Lorsqu'on a parlé de papier, je pense que dans le domaine du
bois, actuellement, il y a un désastre, un malaise qui existe et qui
s'accroît quotidiennement et annuellement. On ne semble pas être
capable de foire un effort bien particulier pour relancer l'économie
dans ce domaine. Actuellement, il y a un facteur qui, à mon sens, est un
malaise qui va grandir de jour en jour. On parle de l'industrie du bois.
Actuellement le Québec, dans l'industrie du meuble, est l'une des
provinces les plus avancées, qui produit le plus, je pense, dans le
Canada. Nous serons à la recherche, d'ici quelques années, de
matière première, comme le bois franc. Lorsqu'on fait une analyse
de ce domaine, on regarde ce qui se fait dans les autres pays et dans les
autres provinces, et on va s'apercevoir qu'on a ramassé des
déchets que le ministre n'utiliserait pas dans son foyer. Avec ces
déchets, on produit une planche qui est beaucoup utilisée dans le
meuble. On utilise presque totalement dans la construction du meuble ce bois
qui est fait par ces usines de planches de particules.
Quand on regarde ce qui se fabrique dans le Québec et qu'on
regarde dans le Canada, on voit que le Nouveau-Brunswick, cette petite province
voisine, a deux petites usines qui fonctionnent, qui produisent presque 50 p.c.
de la production canadienne et qui ramassent les déchets qui polluent
nos cours d'eau; et le reste qui n'est pas jeté dans les cours d'eau est
brûlé, il contribue à polluer par la fumée et il est
utilisé pour faire une planche... Ce qui est important dans cette
planche cela me surprend qu'il n'y ait pas de fonctionnaires ou
d'officiers du ministère des Terres et Forêts qui l'aient
souligné on prend les deux tiers de la matière
première pour faire cette planche, et avec l'autre tiers, on fait une
planche qui est utilisée dans le meuble; elle devient une planche de
bois franc ou sert pour remplacer le bois franc.
Actuellement, le bois franc diminue dans la province, qu'on le veuille
ou non; la quantité et la qualité diminuent d'une façon
flagrante. On le laisse j'en suis conscient exporter chez nos
voisins. Aucun grave reproche là-dessus, parce que c'est l'ensemble de
notre politique qui est malade aussi. On a du bois qui se perd dans les
forêts. On prend un arbre de bois franc qu'on abat, on n'utilise pas 50
p.c, 40 p.c, 35 p.c, et le reste demeure là. Le reste pourrait
être utilisé pour faire des planches de particules et du papier.
Cela ferait une matière première qui coûterait
peut-être meilleur marché aux usines à papier. Elles
pourraient l'utiliser. Je comprends que ces gens ont une certaine
réticence à utiliser le petit bois, le bois
détérioré, le bois franc.
Pour eux, ça ne se travaille pas si bien. Cela ne fait pas un
papier aussi luxueux, cela fait un papier de qualité moindre. Mais peu
importe, ça fait un papier qui se vend sur le marché
québécois, sur le marché européen, ou sur le
marché américain. Pour le Québec, il s'agit d'utiliser au
maximum nos matières premières. Comme le ministère des
Terres et Forêts ne semble pas bouger dans ce domaine, c'est un domaine
où le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait faire un
pas.
Je comprends que ce n'est peut-être pas, malgré toutes les
qualifications que je reconnais au ministre, toute son expérience
passée, nécessairement son domaine. Mais il devrait être
capable de trouver quelqu'un qui est formé dans ce domaine et qui est
capable de faire une enquête et de donner des détails au ministre
pour que lui puisse prendre les mesures nécessaires pour corriger ce
malaise. C'est un des malaises.
Je pourrais, dans chacun des domaines, arriver avec des situations un
peu semblables. Lorsqu'on arrive trop souvent à faire des
représentations, c'est pris à la légère et
très facilement. Je sais qu'il y a des industries qui ont
été ramassées, elles étaient presque en faillite,
et on a demandé au gouvernement d'intervenir et de fournir une aide
très sommaire.
On a vu, lorsqu'on a demandé à la Voirie de corriger la
situation d'une route, une bataille qui a duré trois mois et,
après ça, on a fait un petit fossé et, encore là,
à moitié fait. Lorsque les gens qui ont relevé cette
industrie et tout près de 300 employés en chômage et qu'on
leur a donné du travail, on a dépensé au-delà de $1
million ou $1.5 million pour améliorer cette industrie.
Pour le gouvernement, ce n'était pas inquiétant, ça
n'avait pas l'air beau sur le papier, ça ne paraissait pas bien. Nous
avons été avisés du contraire. Nous avons dit à
d'autres ministères: Au moins, faites votre part, votre travail,
nous,
nous en dépendons, faites ce que vous devriez faire. Nous , nous
avons fait cela.
Je ne sais pas si c'était un embêtement politique pour
certains. J'espère que non. J'espère que le ministre est trop
objectif pour laisser ses collègues ou ses fonctionnaires
répondre à des demandes avec un esprit partisan. J'espère
que le ministre fera en sorte de s'assurer que chaque cas est traité sur
un pied d'égalité.
M. SAINT-PIERRE: C'est le même cas que vous avez soulevé
l'an dernier?
M. RUSSELL: Oui, c'est le même. C'est un désastre,
ça fait crier quand on voit l'enthousiasme qui a entouré tout ce
développement. A un tel point que les gens qui ont relevé cette
industrie sont un peu dégoûtés parce que, avant de le
faire, on avait réellement exposé la situation. Il y avait une
question d'administration à corriger, une question d'investissement. A
ce moment-là, l'investissement a été fait, la correction a
été faite, l'industrie fonctionne. Il y a au-delà de 300
employés qui travaillent malgré tous les autres malaises qu'on a
eus.
On n'a même pas eu la collaboration du ministère de la
Voirie pour corriger une situation flagrante. A mon sens, c'est un
désastre. Je pourrais, et je le ferai durant l'étude des
crédits, si le ministre le veut, nommer d'autres industries qui
devenaient des compétiteurs flagrants, d'autres industries du même
domaine ont été aidées à grand renfort de
subventions qui leur étaient accordées, tant par le
fédéral que par le provincial, et on leur a aussi accordé
d'autres privilèges.
Je n'en veux pas à ces gens-là mais je dis que, dans ce
domaine, le ministre devrait être extrêmement prudent, ne pas se
laisser tirer le voile sur les yeux et laisser passer des choses comme
celle-là. Je parle de celle-là, mais je pourrai donner au
ministre d'autres noms d'industries qui sont dans un malaise semblable.
Je pourrais vous parler de Sogefor. Je peux aller dans les
détails de Sogefor, si le ministre veut les avoir, car le cas de
Sogefor, à mon sens, est une chose flagrante. J'en suis presque rendu
à approuver ceux qui ont fait des marches, des manifestations pour dire
que ces gens-là avaient presque raison à 100 p.c.
Ce* que je décèle de ça, quitte à avoir la
preuve du contraire et le ministre pourra me la dire à l'occasion
de la discussion des crédits c'est qu'on a eu la
coopération du gouvernement pour faire exactement ce qu'on a fait
là. Ce qui n'est pas acceptable pourrait être fait par un
organisme comme celui qu'on reconnaît.
M. le Président, tout ceci pour vous dire que, dans ce domaine,
nous pourrions faire un exposé, peut-être pas aussi long que celui
du ministre, mais d'une façon très sommaire et, à
l'occasion de ces quelques phrases, déceler le malaise qui existe dans
le domaine économique.
Si l'on voulait travailler ensemble, il y a assez de gens qui veulent le
bien de l'économie du Québec et le développement
industriel pour bâtir l'industrie du Québec. Mais ceci, non pas
avec l'enthousiasme politique, non pas en faisant de la politique ou de la
politicaillerie, mais en procédant d'une façon très
objective, comme on l'a fait dans certains cas, je le reconnais, mais non pas
en subventionnant le parc industriel de Sherbrooke.
A mon sens, il y a d'autres façons de développer un parc
industriel sans y aller de grandes subventions comme on l'a fait dans le cas du
parc industriel de Sherbrooke. Je pourrai revenir sur le cas d'autres parcs
tout à l'heure à l'occasion de la discussion des crédits.
Je me sers du parc industriel de Sherbrooke parce que le ministre l'a
mentionné.
M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si je peux poser la question tout de
suite.
M. RUSSELL: Oui. Vous pouvez poser la question.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'il n'y avait pas un certain consensus tant,
objectivement, chez nos fonctionnaires que dans la population, qu'un des plus
sérieux handicaps au développement de l'Estrie et au
développement en particulier de Sherbrooke, était l'absence d'un
parc qui se tenait réellement? Est-ce que, personnellement, vous trouvez
que c'est un mauvais placement, un mauvais geste que d'avoir donné une
subvention de $3 millions à la ville de Sherbrooke,
spécifiquement pour un parc industriel?
M. RUSSELL: Je donnerai au ministre une réponse globale en ce qui
concerne les subventions au parc industriel. Je regarde le parc industriel de
la même façon que je regarde l'économie
québécoise via le gouvernement central, le fédéral.
Un parc industriel est un domaine local, qui se développe pour
bâtir de l'industrie localement, qui aide au développement d'une
ville. Donc, cela doit être supporté par les gens de la ville,
quitte au gouvernement à donner un traitement particulier lorsque la
municipalité se tourne vers le gouvernement pour faire des emprunts en
vue d'un développement industriel qui soit contrôlé par le
gouvernement, mais il faut le faire d'une façon très
conservatrice, parce que c'est extrêmement délicat. Nous avons une
mauvaise expérience, actuellement, dans la province avec ces parcs
industriels. Nous savons ce qui s'est passé dans plusieurs cas. Je ne
voudrais pas revenir là-dessus. Nous avons vécu ces
expériences. Le ministre est parfaitement au courant. Les fonctionnaires
sont au courant. C'est une politique à laquelle la province ne doit pas
contribuer financièrement mais il importe que chacune des
municipalités soit obligée de le faire elle-même. Elles
seront alors beaucoup plus prudentes et le développement se fera d'une
façon beaucoup
plus rationnelle et cela sera pas mal plus rentable.
D'ailleurs, je voudrais savoir quelle a été la subvention
qui a été donnée à la ville de Magog, quelle a
été la subvention qui a été donnée à
la ville de Granby, quelle a été la subvention qui a
été donnée à la ville de Cowansville. Par contre,
ces villes ont toutes des parcs industriels très bien organisés.
Naturellement, on a donné des subventions pour le développement
des services comme cela se fait dans toutes les municipalités, pour des
services communs. C'est normal. Mais qu'on garroche des subventions à
partir de $2 millions pour des parcs industriels, cela voudrait dire qu'on
voudrait que les industries s'en aillent toutes à Sherbrooke. Cela
serait l'indication. Pourquoi pas le même traitement à Magog?
Pourquoi pas le même traitement à toutes les autres villes qui ont
développé des parcs industriels? Je pense que c'est là la
réponse.
Je suis d'accord avec le ministre qui vient de s'apercevoir aujourd'hui
j'espère qu'il va en parler à son chef que le
fédéral doit se retirer de certains domaines économiques
et laisser aux provinces le soin de se développer suivant leurs besoins
et leur économie. Je n'ai pas d'objection à ce que le
fédéral ait la coordination du développement
économique mais chaque province doit voir elle-même à son
propre développement économique. L'Ontario doit le faire, le
Québec doit le faire, les Maritimes doivent le faire, parce qu'ils ont
des besoins différents, des moyens différents et des
matières premières différentes. On n'y arrivera pas par
une politique d'égalité centrale en disant: On donne une
subvention. Cela doit être la même dans l'Ouest, dans le
Québec et dans les Maritimes. C'est un faux principe à mon sens
et c'est de là qu'est venue la revendication constante du groupement que
je représente via le fédéral. C'est un des arguments. Le
ministre est sans doute parfaitement au courant depuis longtemps parce que
c'est un domaine avec lequel il est extrêmement familier. Je suis
convaincu que le ministre, avec son enthousiasme, réussira à
convaincre le fédéral de se retirer.
D'ailleurs, je suis certain qu'il aura la coopération de la
province voisine de l'Ontario, qui a les mêmes sentiments que lui,
aujourd'hui, mais qui ne les a pas toujours eus. Elle s'est d'abord grassement
servie dans le passé. Quand il a parlé de Sarnia, on sait la
dépense qui a été faite par le fédéral
à Sarnia. Il serait bien long d'entrer là-dedans et de sortir
toutes les données. On sait combien cela a coûté au
gouvernement pour faire le développement qui existe à Sarnia et
on pourrait repasser plusieurs secteurs qui ont été
développés dans l'Ontario de la même façon
grâce au ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce du
temps, qui était un fervent de la province de l'Ontario, à qui il
semblait que le terrain était plus fertile dans ce coin et qui dirigeait
les millions vers l'Ontario. Je ne lui en veux pas. Mais qu'il donne donc une
chance au
Québec de se développer en laissant à la province
le soin de se développer suivant sa propre notion. C'est ce que nous
voulons et c'est ce que nous demandons au fédéral.
M. le Président, je pourrais continuer dans ce domaine, mais je
sais que nous aurons l'occasion d'y revenir, point par point, au fur et
à mesure que les crédits vont avancer et je sais que le ministre
veut tâcher de nous fournir toute l'information qu'il possède et
de nous indiquer, point par point, avec preuve à l'appui, la direction
qu'il a l'intention de donner à ce ministère si important pour le
développement économique de la province.
M. JORON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Lévis a
demandé la parole, alors je suis le même ordre.
M. JORON: Je vous signale que je vous l'avais demandée avant
lui.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): De toute façon, le
député de Lévis a demandé la parole aussi. Alors,
je maintiens le même ordre qu'à l'Assemblée.
M. ROY (Lévis): M. le Président, je vais essayer
d'être bref. Je vous remercie d'abord de m'avoir accordé la
parole. Je vais essayer d'être bref pour essayer de donner une chance
à mon collègue du Parti québécois de se faire
valoir.
J'ai écouté religieusement les déclarations du
ministre, l'image qu'il nous a exposée de son programme et de la
prospérité que nous avions déjà avec l'expansion
industrielle grâce à l'aide de son ministère. Je me demande
si le ministre n'est pas un peu comme un bon cultivateur. Il a fait des
semences, il a été favorisé par la nature et il n'a que sa
récolte à ramasser.
M. le Président, je crois qu'avec l'intervention que le ministre
vient de faire et qui a touché à plusieurs points... Il y a des
points sur lesquels le ministre a l'air de vouloir socialiser. Je ne dirais pas
qu'il veut socialiser l'industrie, mais il a l'air d'être un peu
socialisant. H ne faudrait pas ignorer nos industries déjà
existantes. Mon collègue de l'Union Nationale, qui a parlé en
connaissance de cause, disait tout à l'heure qu'elle a
déjà eu le pouvoir et qu'elle a probablement eu à aider
l'industrie. Probablement qu'elle n'a pas été assez longtemps au
pouvoir pour tout faire et que le ministre récolte ce que le
gouvernement de l'Union Nationale a semé. Ce sont des choses que l'on
doit rassembler pour faire un tout.
Nous avons, comme le disait le représentant de l'Union Nationale,
de petits parcs industriels. Il y a eu, à un certain moment, une
inondation, je dirais, de parcs industriels. Toutes les villes ou les petites
municipalités voulaient avoir leur petit parc industriel. IL y en a
encore j'assiste assez souvent à des assemblées de ces
associa-
tions qui n'ont pas une industrie, qui n'ont pas une rue, qui
n'ont rien. Seulement, on a tenté, l'an passé, de donner la
permission de faire de la construction domiciliaire dans ces parcs industriels
qui ne servent pas à l'industrie, qui n'y serviront probablement
jamais.
On a, chez nous aussi, dans mon comté, des parcs industriels.
Comme le disait le représentant officiel de l'Union Nationale, ils ont
fait leurs dépenses, ils ont passé par les municipalités.
Dans ce temps-là, nous avions des fonds industriels, nous avions le
privilège de pouvoir prêter à des industries qui venaient
s'établir chez nous. Aujourd'hui, on nous a enlevé ce pouvoir. On
nous donne, avec l'autorisation du ministère et je suis d'accord
sur ça la permission de dépenser des sommes provenant d'un
fonds industriel pour aménager notre parc, mais il s'agit toujours
d'argent qu'on prend à même les taxes du contribuable.
Je voulais aussi toucher les subventions fédérales. Je
suis d'accord sur ça. Je suis même un de ceux qui ont
félicité le gouvernement, non pas comme député,
parce que cela aurait été grave, mais comme président du
syndicat industriel et président de l'industrie dans mon comté,
dont une industrie a profité d'une subvention.
Cela me fait un peu penser à des villes qui sont prospères
quand elles empruntent et dépensent. Je pense qu'il y a plusieurs
industries qui ont profité des subventions. Maintenant, elles sont
prospères. Quand j'entendais le ministre parler de
prospérité tout à l'heure... Elles sont prospères
parce qu'elles ont de l'argent. Mais il ne faudrait pas non plus
s'arrêter à demander de nouveau de l'argent parce que demander de
l'argent pour renflouer une industrie, que ce soit au gouvernement provincial
ou au gouvernement fédéral, ce n'est pas de l'administration. Je
crois que le problème n'est pas dans la production, le problème
n'est pas dans la main-d'oeuvre non plus, le problème n'est pas dans la
distribution, mais dans la distribution aux consommateurs. Je me suis plaint
déjà, dans le temps où je faisais partie de cette
commission, qu'on avait de la marchandise... Etant commerçant
moi-même, j'ai acheté de la marchandise québécoise,
de la marchandise canadienne, et j'ai aussi acheté de l'importation.
C'est bien beau de dire à nos Canadiens, quand ils arrivent dans nos
magasins: Cela, c'est de la marchandise de chez nous. Elle est plus
chère, mais c'est de la marchandise du Québec. Cela lui passe
deux pieds par-dessus la tête. S'il peut avoir à peu près
l'équivalent pour un dollar meilleur marché, le gars
l'achète, parce que tout le monde a besoin de son argent.
Je crois que le ministère devrait prendre les mesures
nécessaires pour faire des rencontres avec Ottawa non pas pour qu'on
puisse mettre une barrière, mais qu'on puisse imposer une obligation ou
une taxe qui reviendrait au provincial ou au fédéral pour
stabiliser cette marchandise suivant sa valeur. Ce sera une bonne chose, parce
que si la marchandise du Québec est distribuée et elle est
fabriquée ici avec nos ressources du Québec ou du Canada, cela va
empêcher le chômage de s'accroître. Je crois que le ministre
devra y penser, s'il n'y a pas encore pensé, mais j'ai vu dans son
exposé qu'il pensait peut-être à tout. J'ai toujours
été opposé à détruire ou à dire que
le gouvernement ne fait pas bien. Quand je n'ai pas la preuve qu'il a mal fait,
je n'ose pas le dire, j'attends qu'il ait mal fait, il est peut-être
parfois trop tard, et prévenir vaut mieux que guérir, mais quant
à critiquer avant de savoir si c'est bon, il faut plutôt donner la
chance au ministère d'imposer sa politique avant de le critiquer.
M. le Président, je reviens aux parcs industriels. Je suis de
l'avis de mon collègue, de l'Union Nationale, que nous ne devons pas
faire d'esprit de clocher, comme le ministre l'a laissé entendre tout
à l'heure. On ne peut pas demander aux gens de chez nous d'aller
travailler à Sherbrooke, ou alors, ils vont se déplacer pour
aller demeurer à Sherbrooke. Si c'est à 35 ou 40 milles, comme le
parc industriel qui a été ouvert dans le comté de
Portneuf, c'est une chose qui peut se faire. Mais nous avons aussi des parcs
industriels, nous en avons un à Saint-Romuald, qui est en pleine
expansion, il y en a un à Lauzon aussi qui dessert une bonne partie de
territoire mais je peux dire au ministre d'après l'expérience que
j'ai, que, depuis que le gouvernement a repris le contrôle des fonds
industriels, pas une seule industrie n'est venue s'établir chez nous.
Cela veut dire que, quand on arrive avec un projet, il ne suffit pas que tout
le monde soit honnête, d'avoir de bons fonctionnaires, car le
ministère, quand il a des obligations dans un parc industriel, est
tenté d'essayer d'offrir sa propre affaire, parce qu'il en est le
propriétaire, ou de donner des subventions. Mais nous, avec nos petites
municipalités, nous sommes obligés de passer à travers et
les industries que nous avons eues dans notre parc depuis qu'on nous a
enlevé nos fonds industriels sont des industries que nous avons
financées avec l'argent du contribuable de chez nous et avec des
emprunts des Caisses populaires qui nous ont aidés.
Ce sont ces industries-là que nous pouvons avoir dans nos parcs,
autrement, la grande industrie, nous ne pouvons plus y toucher depuis que le
ministère a pris possession des fonds industriels, etc.
Ce sont les quelques conseils et remarques que je pouvais donner,
suivant mon expérience, au ministre. S'il veut en tenir compte. J'aurai
probablement l'occasion, à l'étude des crédits, d'avoir
d'autres questions à lui poser et je connais le ministre, il va
être très honnête et il pourra me répondre pour
donner satisfaction aux intéressés. Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, on se trompe si l'on pense que le
ministère de l'Industrie et du Commerce et les politiques que nous a
esquissées le ministre, ce matin, vont être utiles dans la lutte
contre le chômage au Québec qui, pour nous, reste, bien entendu,
le principal problème. Un taux de chômage de 8.3 p.c, moyenne de
l'année, encore cette année, est inacceptable; au-delà de
10 p.c. en hiver, c'est évidemment les chiffres parlent par
eux-mêmes tout à fait inacceptable.
Je pense que le ministre se trompe gravement quand il nous disait il y a
un moment qu'en période où l'investissement dans le secteur
privé semblait vouloir reprendre, ainsi de suite, on devait profiter, en
quelque sorte, de cette chance pour diminuer le montant des investissements
publics ou de l'effort fait du côté du secteur public. C'est en
contradiction très nette avec ce qu'a souligné Michel
Bélanger, l'ancien conseiller économique du gouvernement qui est
devenu président de la Bourse de Montréal. Il disait que les
objectifs, dont certains ont été énoncés par le
ministre ce matin, de restructuration industrielle, de refaire notre structure
industrielle, ainsi de suite, des mesures de promotion des entreprises
déjà existantes, cet effort de modernisation a souvent pour effet
de diminuer la main-d'oeuvre employée. Ce sont des investissements qui,
en soi, ne sont pas particulièrement générateurs d'emploi.
On le sait, d'ailleurs, on dit que justement un des défauts structurels
de l'économie du Québec est d'avoir des industries trop
axées sur ce type de secteur industriel qui emploie beaucoup de
main-d'oeuvre et on doit les déplacer vers des secteurs à plus
forte intensité de capitaux mais qui ont ce désavantage de
créer moins d'emplois.
Or, il reste, on le sait par les prévisions
démographiques, qu'on va traîner à peu près encore
pour cinq ans un sérieux problème de chômage du fait de
l'entrée considérable de nouveaux travailleurs sur le
marché du travail. Qu'est-ce qu'on peut faire? Ici, je m'aperçois
très bien qu'on ne parle pas spécifiquement du rôle du
ministère de l'Industrie et Commerce, mais de l'ensemble de la politique
économique du gouvernement. Dans une circonstance semblable, qu'est-ce
qu'on peut faire? Bélanger disait: II n'y a pas 36 solutions; en
même temps que le gouvernement, par le truchement du ministère de
l'Industrie et Commerce doit poursuivre la modernisation et la restructuration
de notre base industrielle, il doit aussi, temporairement, se
préoccuper, par des investissements publics accrus, par des
dépenses publiques accrues, de créer des emplois qui n'ont pas
une permanence aussi grande que ceux qu'on peut créer dans le secteur
industriel, mais des emplois temporaires. Il suggérait, par exemple, les
travaux publics habituels qu'on connaît: voirie, habitation surtout,
ainsi de suite, qui sont multiplicateurs d'emplois à un rythme assez
considérable.
Le gouvernement et le ministre des Finances, d'après son discours
du budget je ne veux pas reprendre ce que je disais hier soir en Chambre
semblent l'avoir écarté. Le ministre reprenait cette
philosophie en disant ce matin que maintenant qu'on est dans une période
temporaire d'augmentation des investissements dans le secteur privé, on
doit garder en réserve pour plus tard, au cas où il y aurait une
diminution, des investissements publics accrus. Je suis en profonde
contradiction avec cette théorie. C'est nous dire tout simplement qu'on
va maintenir, pour encore cinq ans, un taux de chômage qui est
déjà inacceptable. D'ailleurs le ministre des Finances
lui-même, en prévoyant que la création de nouveaux emplois
en 1973 pourrait être le double de ce qu'il a été en 1972,
c'est-à-dire passer de 28,000 à 56,000, c'était le double,
c'est à peu près le nombre de nouveaux travailleurs qui vont
entrer sur le marché du travail. Cela veut dire que la création,
même doublée, d'emplois en 1973 n'aura pour effet que d'absorber
les nouveaux travailleurs.
Environ 200,000 personnes qui sont déjà en chômage
vont y rester. Et le taux de chômage va se maintenir. Cela a fait l'objet
d'une discussion plus large que celle que nous avons eue, que celle que nous
commençons d'avoir pendant le débat sur le budget. Je ne
m'étendrai pas davantage sur ce point-là.
On peut se demander maintenant, ceci mis à part...
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une petite
question?
M. JORON: Oui.
M. SAINT-PIERRE: Appliquez donc le même raisonnement que vous
venez de donner concernant le choix dans la production d'énergie entre
l'hydro-électrique, le nucléaire et le thermique. Est-ce que ce
n'est pas exactement la même chose?
M. JORON: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
M. SAINT-PIERRE: Ce que je veux dire, c'est qu'en choisissant
l'hydro-électrique en dehors même des coûts qui
étaient substantiellement moindres je pense qu'on vous en a
convaincu est-ce qu'il n'y avait pas ce choix selon lequel pendant une
période de six ou sept ans, on avait un niveau d'emploi, parce qu'il y
avait des investissements plus grands sur une période de temps et
qu'après cela les frais d'exploitation étaient moindres? N'est-ce
pas ce choix-là qu'on faisait concernant le nucléaire où
les niveaux des investissements auraient été moindres au
départ, où il y aurait eu beaucoup moins d'emplois dans les
quatre ou cinq premières années, beaucoup plus par la suite, et,
évidemment, au total, des sommes plus élevées.
M. JORON: Je ne veux pas faire dévier le débat sur la baie
James. Je sais qu'on a beaucoup de plaisir à discuter de cela ensemble.
Mais je vous rappelle tout simplement ce que Boyd disait, il n'y a pas
tellement longtemps. Le projet de la baie James n'était pas conçu
pour créer de nouveaux emplois, mais, avant tout, pour produire de
l'électricité. Il constatait que, cette année, le nombre
de gars qui seront employés sur le chantier, plus les emplois
créés indirectement à l'extérieur,
s'élèveraient à 9,000. Or, le programme des travaux de
cette année est approximativement de $200 millions. Mettez ces
mêmes $200 millions ou la moitié de ces $200 millions dans les
travaux publics autres que ceux de la baie James, comme si on avait fait du
nucléaire, ce qui a nécessité moins d'investissements au
départ, comme vous venez de le souligner. C'est exact. Mettez cela dans
l'habitation. C'est à peu près 17,000 emplois au lieu de 9,000
que vous auriez créés. Alors, la baie James est au contraire
quelque chose qui, en drainant beaucoup d'investissements vers ce secteur peu
productif d'emplois, aussi bien dans l'immédiat que dans l'avenir...
D'ailleurs, cette affaire sera conduite finalement, quand la construction sera
finie, par combien de personnes? 500 au maximum? Au lieu de drainer infiniment
de ressources vers des investissements dans ce secteur, ce qui réduit
d'autant la marge de manoeuvre du gouvernement dans d'autres secteurs, on
aurait dû justement peut-être choisir le nucléaire en raison
de cela. C'est que cela aurait nécessité des investissements
moindres au départ, ce qui aurait permis d'en faire dans l'habitation
pour répondre au problème du chômage.
M. SAINT-PIERRE: Je n'en suis pas convaincu.
M. JORON: Je sais bien que vous ne l'êtes pas. Cela fait deux ans
qu'on en discute. Ceci dit, M. le Président, pour revenir plus
spécifiquement au rôle qu'a tracé le ministre de
l'Industrie et du Commerce, je voudrais parler essentiellement de deux choses,
diviser en deux mes commentaires, d'abord, sur l'action à court terme
que pourrait faire le ministère de l'Industrie et du Commerce puis, dans
un second temps, sur l'action à moyen terme et à plus long terme.
La restructuration industrielle et tout cela, ce n'est évidemment pas
quelque chose qui produit des effets à court terme. On en reparlera tout
à l'heure. Mais dans l'immédiat, qu'est-ce que devrait,
d'après nous, être le rôle du ministère de
l'Industrie et du Commerce?
On vient tout juste, il y a deux mois, d'assister à des
rajustements dans les parités entre les valeurs des différentes
monnaies, ce qui a eu pour effet de dévaluer le dollar américain
et, par la suite, le dollar canadien dans une proportion considérable,
surtout si on rajoute la minidévaluation de 1971 à celle de cette
année. Ceci a eu pour effet global, depuis deux ans, de créer un
écart, entre la valeur de notre monnaie et celle des principales
monnaies européennes, de pas loin de 20 p.c. au total. En moyenne,
à peu près de 12 p.c. à 15 p.c. cette année. Il y
avait eu 6 p.c. ou 7 p.c. il y a deux ans. Subitement, depuis un an et demi
à peu près, vient de se créer un avantage
compétitif pour les Nord-Américains, aussi bien les Canadiens que
les Américains, de pas loin de 20 p.c.
On le voit très bien, si on prend seulement un exemple, le prix
des automobiles. On s'aperçoit très bien que les automobiles
européennes ne sont plus du tout compétitives sur notre
marché, en raison de la réévaluation de leur monnaie. Que
ce soit dans le cas des voitures allemandes ou françaises ou japonaises,
l'augmentation des prix va se traduire très certainement par une
diminution des importations. On a maintenant grâce à cela
mais cela ne durera pas indéfiniment; si on n'en profite pas tout de
suite l'avantage de ces rajustements entre les monnaies. Je dirais
même que cette année et, même cet été,
à long terme, à moyen terme même pas à long
terme cet avantage sera perdu.
Dans une circonstance aussi favorable aux industriels
québécois, qu'est-ce que le ministère devrait faire
d'après nous? Il devrait organiser et consacrer des fonds
supplémentaires à un énorme effort de promotion de vente
des produits québécois, des produits faits par les industriels
québécois, spécialement peut-être sur le
marché européen. On sait que la saison des foires et des
expositions commerciales commencera bientôt en Europe. C'est une formule
qui est beaucoup plus développée en Europe qu'elle ne l'est en
Amérique du Nord. C'est un mécanisme de point de contact entre
acheteurs et vendeurs qui est beaucoup plus développé en Europe
qu'il ne l'est ici. Cela s'ouvrira bientôt. Ce que nous, nous aurions
souhaité voir, c'est un programme d'urgence du ministère de
l'Industrie et du Commerce. Que l'on nous annonce tout de suite c'est ce
que nous réclamons un programme spécial et des fonds
supplémentaires, des crédits supplémentaires
consacrés à un effort de promotion de ventes considérables
dans les mois qui viennent, pour bénéficier de cet avantage
compétitif.
Cela m'amène à parler du rôle que jouent à
l'étranger les bureaux du ministère de l'Industrie et du
Commerce. Est-ce que leur rôle principal, à l'étranger,
doit être la promotion des ventes des industriels
québécois, l'identification de marchés et ainsi de suite?
Ou est-ce que cela doit être le rôle de ce que j'appelle la
quête d'investissements? Or, on sait, par les politiques maintes fois
répétées du gouvernement libéral depuis 1970
et je sais aussi de vive voix par des amis personnels qui travaillent dans des
bureaux du Québec à l'étranger, soit la mission
commerciale à New York, à Chicago ou d'autres du genre que
la préoccupation principale d'un grand nombre, enfin peut-être
même l'occupation principale de la majorité de ces
bureaux, c'est la quête aux investissements. On court de
façon effrénée en quête d'investisseurs. Venez
bâtir une usine au Québec. On ne se rend pas compte très
souvent, par un manque de coordination ou de vision ou je ne sais pas trop
quoi, que quelquefois on emmène au Québec un industriel nouveau,
un nouvel investisseur qui viendra s'installer ici, précisément
dans un secteur où il existe une entreprise québécoise,
petite ou moyenne, qui voudrait grandir, et nous déployons nos
ressources publiques à courir des concurrents pour les amener ici, faire
des difficultés à nos entreprises, plutôt que de nous
occuper de la promotion des ventes à l'étranger des entreprises
qui existent déjà au Québec. Cela me semble être une
erreur capitale. Il faudrait donner cet égard des directives très
strictes, il faudrait à toutes fins pratiques que le gouvernement ait
une politique d'expansion, de développement industriel.
Pour notre part, c'est la forme principale d'aide à l'entreprise
privée que pratiquerait le Parti québécois s'il devenait
le prochain gouvernement. Il s'ingénierait principalement à
favoriser les ventes à l'étranger, l'éclosion, la sortie
sur les marchés extérieurs de nos entreprises. On sait
très bien qu'à l'intérieur du cadre canadien dans lequel
on vit depuis 100 ans et davantage, nous n'avons pas débouché sur
les marchés internationaux. Ce sont les autres qui ont été
nos porte-parole sur les marchés internationaux et les
Québécois ont été largement confinés au
marché du Québec. C'est encore bien plus vrai d'ailleurs pour les
Québécois francophones, à l'exception récente d'un
cas comme Bombardier. C'est un des premiers exemples. On pourrait même
dire et les statistiques pourraient le prouver que le pourcentage
des expéditions manufacturières des entreprises
québécoises appartenant à des francophones qui vont
à l'extérieur des frontières du Québec
découle pour au moins la moitié de la seule entreprise
Bombardier. A toutes fins pratiques, nos industriels ne vendent rien à
l'extérieur du Québec. Il est donc extrêmement important
que le gouvernement du Québec je pensais que c'était le
député de Beauce qui était assis là; j'allais dire:
II y a Vachon qui vend des petits gâteaux au Manitoba, mais...
M. PERREAULT: ... du Canada.
M. JORON: ... mais en pourcentage des expéditions
manufacturières, c'est une fraction insignifiante. Il faut organiser
cela une fois pour toutes. Ce ne sont pas les autres qui vont le faire pour
nous, ce ne sont pas les sièges sociaux de Toronto qui le feront, ce ne
n'est pas le gouvernement fédéral qui le fera non plus, si nous
ne nous mettons pas dans la tête de le faire nous-mêmes. Nous, nous
voudrions créer deux choses et ce sont les deux aspects principaux de
notre politique d'aide aux industries privées
québécoises.
D'abord une banque d'exportation et d'importation pour aider au
financement de la vente à l'étranger et pour permettre à
nos entreprises de déboucher sur les marchés internationaux.
Deuxièmement, la création je ne sais pas le nom
exact...
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, la banque, est-ce que ce n'est pas un
consortium à l'exportation? Est-ce qu'elle joue le même rôle
qu'au fédéral, le financement...
M. JORON: Oui, le financement des exportations d'une part. Cela est une
activité financière. D'autre part, une activité
commerciale par la création, un peu à l'exemple des grandes
sociétés commerciales japonaises, d'une société
cela pourrait être sous l'égide du ministère de
l'Industrie et du Commerce publique de ventes, de distribution à
l'étranger. Qu'on ait un organisme, un supergrossiste. Je disais tout
à l'heure que nos bureaux à l'étranger devraient voir
à la promotion des ventes de nos entreprises, à montrer les
produits, à les faire connaître, etc., mais il y a quand
même des entreprises qui ne sont pas équipées parce
qu'elles sont trop petites ou moyennes pour aller faire sur le terrain
là-bas leur vente, et arranger les expéditions, avoir des
dépôts, etc. Il y a quelque chose qui manque, c'est le
réseau de distribution. Il faudrait et c'est ce qu'on proposerait
de faire, nous, immédiatement, si on devenait le gouvernement une
société publique d'exportations, c'est-à-dire commerciale,
qui aurait pour fins d'assurer la vente à l'étranger des produits
faits chez nous par les industriels québécois. Ce sont deux des
mesures. Cela vise à la promotion des industries existantes. On n'a pas
encore parlé de la création de nouvelles industries. On n'a pas
encore parlé de la modernisation d'un certain nombre de secteurs devenus
désuets et d'une rationalisation de notre structure industrielle. C'est
une autre série de problèmes évidemment dont les effets se
feront sentir à plus ou moins long terme. Je vais y arriver dans un
instant.
Je disais tout à l'heure qu'au lieu de quêter à
l'étranger des investissements, de viser à emmener des
industriels ici qui, souvent, entrent en concurrence avec de petites
entreprises qui essaient de naître chez nous, c'est faire fausse route.
Je pense que le meilleur exemple de ça nous est fourni par le rapport
Fantus. Je ne sais pas. Le ministre n'a pas dit encore quelle utilisation il
entendait faire du rapport Fantus, ce qu'il en avait retenu et de quoi, parmi
les recommandations et constatations faites dans ce rapport, il voulait se
servir. En insistant, par exemple, sur l'image que nous projetons à
l'étranger, on ne sais pas si les points négatifs selon les
investisseurs étrangers seraient le syndicalisme trop militant ou ainsi
de suite. Est-ce que le gouvernement veut se servir de ce rapport pour
continuer ce qu'il a entrepris de faire depuis deux ans, à savoir, la
discréditation
systématique du mouvement syndical? Est-ce à cela que vous
voulez employer ce n'est pas vous personnellement qui êtes
peut-être visé, je parle du gouvernement en général
le rapport Fantus? Qu'est-ce que cela nous donne de savoir cela? Dans
les constatations les plus spectaculaires qui découlent du rapport
Fantus, il y a toute une série de platitudes insignifiantes comme, par
exemple, le fait d'apprendre que 22 p.c. des industriels qui se sont
installés ici changeraient d'avis si c'était à
recommencer.
Je vous signale que c'est le même cas partout. C'est probablement
le même cas au Texas. C'est probablement le même cas en Ontario.
Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire qu'il y a un certain nombre
de gars qui ont ouvert un certain nombre de commerces ou d'industries et qui se
sont aperçus que ça n'allait pas aussi bien qu'ils le pensaient.
Ou ils ne font pas d'argent et, probablement, si c'était à
refaire, qu'ils ne partiraient pas dans cette ligne-là.
On pourrait même dire la même chose des
députés. Il y a peut-être 22 p.c. des députés
qui, si c'était à refaire, ne se représenteraient pas. Il
y a peut-être aussi 22 p.c. des ministres qui changeraient d'idée
si c'était à recommencer. Je ne sais pas. C'est une statistique
qui ne veut rien dire.
M. GAGNON: Plus que ça pour les ministres!
M. JORON: D y a une chose bien curieuse.
M. SAINT-PIERRE: II va y avoir 22 p.c. des députés qui ne
changeront pas d'idée, mais les autres gens vont changer d'idée.
Les électeurs vont changer d'idée.
M. GAGNON: C'est ça qui renverse un gouvernement!
M. SAINT-PIERRE: Vous l'avez appris.
M. JORON: II y a une chose importante, une chose intéressante qui
est signalée par le rapport Fantus. Il y a une différence notable
entre la perception qu'ont les Américains, à l'étranger,
du Québec et celle de ceux qui sont ici ou en Ontario. Cela
découle du fait suivant. Il est clair que, dans la plupart des grandes
entreprises installées ici on le sait, pas besoin de statistiques
qu'on connaît depuis longtemps et que les rapports de la commission BB et
tout ce que vous voulez nous ont maintes fois démontré la
direction que ces grandes entreprises est anglophone et non pas francophone,
que ce soit la minorité anglophone du Québec ou des Ontariens
qui, souvent, sont les managers pour des propriétaires étrangers
américains. Quelle perception les Américains peuvent-ils avoir de
ce qui se passe ici? Ils l'ont, la plupart du temps, à travers les
managers de leurs filiales installées ici. Ces gens, je viens de le
dire, qui sont-ils? C'est souvent la minorité anglophone. Des gens qui,
par définition, craignent la perte de privilèges
qu'entraîne la montée croissante des Québécois, la
montée du Parti québécois entre autres, et ainsi de
suite.
C'est bien entendu que, par définition, ça leur fait peur.
Cela leur fait peur parce qu'ils savent qu'au bout de la ligne,
éventuellement, ils vont être remplacés par des
Québécois à la direction de ces postes. Quelle sorte de
rapport pensez-vous que ces gens-là vont faire à leurs
propriétaires étrangers? C'est bien évident qu'ils vont
leur dire que la situation politique d'ici est instable. Mais est-ce que c'est
la situation politique du Québec en général ou si c'est
leur situation dans le contexte politique québécois? Il y a une
fichue différence entre les deux.
Le jour où ce problème va se régler, c'est le jour
où les managers des filiales des compagnies étrangères,
oeuvrant ici seront remplacés par des autochtones. C'est la raison pour
laquelle, par exemple, dans le cas des investissements qui apparaissent au
programme du Parti québécois, il y a certaines règles de
fonctionnement pour le capital étranger. Il y a un point majeur, entre
autres. Je vous fais grâce des autres et je ne vous parle que de
celui-là. La majeure partie des cadres employés au Québec
doivent être des résidents québécois, des citoyens
québécois, quitte à donner un délai raisonnable aux
entreprises pour les remplacer ou pour les former, de façon que,
même quand ça restera des filiales étrangères dans
un bon nombre de secteurs, les activités de ces entreprises
établies au Québec soient faites par du personnel local comme les
entreprises étrangères le font d'ailleurs partout dans le monde
où elles vont s'installer.
Chez IBM-France, par exemple, qui emploie, si ma mémoire est
fidèle, plus de 50,000 employés, il parait qu'il y a sept
Américains sur les 50,000...
M. SAINT-PIERRE: ... où la langue de travail au niveau du conseil
d'administration est l'anglais,
M. JORON: Laissez-moi donc, vous!
M. SAINT-PIERRE: Je vais vous...
M. JORON: La langue de travail au niveau du conseil
d'administration...
M. SAINT-PIERRE: ... de IBM-France est l'anglais.
M. JORON: Oui? Vous avez demandé cela à Jacques...
M. SAINT-PIERRE: ... de Maisonrouge...
M. JORON: ... de Maisonrouge? C'est lui qui vous a dit cela? Je
regrette...
M. SAINT-PIERRE: Je vais vous la donner...
M. JORON: ... mais s'il n'y en a que sept dans toute l'administration,
comment voulez-vous que la langue de communication soit l'anglais. Il est bien
entendu que, s'ils envoient des télégrammes à New-York,
ils les envoient dans la langue qu'ils voudront et cela a relativement peu
d'importance.
M. SAINT-PIERRE: Non. Intégration de la production et du
réseau de distribution entre les différentes succursales dans les
différents pays européens où l'anglais est le
véhicule utilisé.
M. JORON: Que l'anglais ou que n'importe quelle autre langue soit une
langue de la communication internationale, je n'ai aucune espèce
d'objection à cela. Cela restera vrai, c'est bien évident, dans
un Québec indépendant. Mais quand on parle de français,
langue de travail, on ne parle pas de ces cas, de quelle façon le gars
va communiquer avec son bureau à New York, de quelle façon il va
communiquer avec son bureau à Zurich, à Milan ou à
Londres. Ce n'est pas de cela que nous parlons. Nous parlons de la langue de
travail du monde ici. Mais il y a plus important que la langue utilisée
aussi. Il y a le fait que les gens en place, si on veut s'assurer que le
comportement de ces entreprises...
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse.
M. JORON: ... soit conforme aux intérêts de la
collectivité et le reflète dans une certaine mesure, soient des
autochtones. C'est un genre de loi auquel vous devriez penser. Vous pourriez
peut-être y songer. Je ne sais pas si c'est possible, je ne suis pas un
expert constitutionnel, de penser à une telle loi dans le cadre
constitutionnel actuel, si cela serait une loi ultra vires ou pas. En tout cas,
vous pourriez essayer, en attendant la souveraineté qui vous permettrait
de le faire.
Du rapport Fantus, je pense qu'il n'y a pas grand-chose à
conclure, si bien que, dans un certain sens je ne sais pas combien a
été dépensé pour faire ce rapport cela
m'apparaît un rapport inutile, si cela n'était que pour
l'utilisation que le gouvernement veut en faire dans des buts politiques autres
que d'apprendre vraiment quelque chose d'utile et qui pourrait guider son
éventuelle stratégie industrielle que nous attendons depuis des
générations et que le ministre nous a encore promise ce
matin.
Parce qu'il y a un facteur capital qu'il ne faut pas oublier. Le
développement industriel du Québec et le ministre le sait
l'expansion de notre économie vient à 99 p.c.
d'entreprises déjà établies ici. Ce n'est pas l'ouverture
d'un gars qui n'a jamais mis les pieds au Québec, qui arrive tout d'un
coup et qui vient s'installer ici qui fait l'expansion de notre
économie. C'est l'agrandissement de ce qui est déjà
là ou d'une industrie à l'oeuvre dans un secteur et qui en ouvre
un autre. C'est déjà sur place. Alors, le fait de savoir la
perception que les gens à l'étranger peuvent avoir du
Québec ne m'apparaît pas du tout être un
élément déterminant dans l'orientation de la
stratégie industrielle que doit adopter le Québec.
J'espère que le ministre n'en tiendra pas compte d'ailleurs, parce que
tout ce que nous avons entendu, finalement, dans ce rapport, ce sont les
doléances d'une minorité privilégiée. Cela m'a
semblé cela, d'après ce que nous en avons connu.
La majeure partie de l'expansion de notre économie provient de
l'agrandissement d'entreprises déjà installées au
Québec.
Je signale un exemple, IBM à un moment donné où
pour la première fois une manufacture IBM ne manufacturait pas au
Québec auparavant. Est-ce une industrie nouvelle? Cela n'en est pas une
en réalité parce qu'IBM, même si elle ne manufacturait pas
ici, était installée sur le marché québécois
depuis je ne sais combien de temps, depuis au moins 30 ans. Cette maison
faisait considérablement d'affaires ici, elle vendait, etc. Alors, quand
IBM ouvre une usine à Bromont, il ne faut pas s'imaginer que c'est
quelqu'un qu'on est allé convaincre à New York de s'en venir ici
et tout cela. Cette société était déjà ici,
elle connaissait le marché québécois et elle a
décidé de manufacturer ici, de s'agrandir.
L'essentiel donc je pense que c'est le point central des
décisions d'investissement ne vient pas de l'étranger, il vient
de l'intérieur même du Québec. L'autre point capital que le
ministre lui-même a soulevé dans une conférence il y a
à peu près un mois, c'est que l'épargne, les fonds qui
financent, l'argent qui finance cette expansion industrielle, aussi, vient du
Québec. Le ministre a fait allusion, dans sa conférence de presse
d'il y a un mois, à une étude qui est en train de se faire et qui
s'appelle, si ma mémoire est exacte, "Les sources de l'épargne au
Québec", ou quelque chose comme cela. J'espère d'abord que cette
étude sera rendue publique le plus tôt possible parce que, comme
d'ailleurs on en avait des indications, aussi bien dans le rapport Gray que
dans le rapport Porter il y a dix ans, cette étude va permettre aux
Québécois de se rendre compte que ce sont eux, finalement, qui
financent le développement économique du Québec.
Vous l'avez dit, je vous cite tout simplement: II y a suffisamment
d'épargne au Québec pour permettre un développement
économique normal, accéléré, si l'on veut, en
période temporaire, de très forte croissance, là il faut
faire appel au capital étranger c'est bien évident, je
suis bien d'accord sur cela et je le souhaite aussi mais en temps normal
et pour assurer un développement normal de l'économie du
Québec, il y a suffisamment d'épargne ici. Le problème,
par exemple, c'est qu'on ne contrôle pas nécessairement les
mécanismes de canalisation et d'orientation de cette épargne.
Cette étude devrait, je l'espère, contribuer à
l'éducation économique dont se préoccupe le ministre,
à juste titre d'ailleurs, sur un point majeur. C'est que les
Québécois vont arrêter, une fois pour toutes, de se prendre
pour des quêteux montés à cheval pour reprendre
l'expression de Gérard Filion, je pense et qu'ils vont
s'apercevoir qu'ils sont riches, qu'ils génèrent annuellement $10
milliards de taxes, qu'ils ont $25 milliards de placés dans leurs
institutions financières et qu'ils ont un pouvoir d'achat annuel de $15
milliards avec lequel ils financent justement l'expansion des entreprises qui
existent ici. Quand ils vont se rendre compte de cela, ils vont commencer
à dire: Si c'est notre argent, on va prendre les moyens maintenant pour
le contrôler et orienter notre développement économique.
Voilà ce qui m'amène à parler de la stratégie
industrielle dont a parlé le ministre tout à l'heure.
M. SAINT-PIERRE: Si nous réussissons à les convaincre de
cela, peut-être qu'ils ne voudront pas changer de régime
politique.
M. JORON: En tout cas, c'est leur problème. Mais il y a une chose
certaine, c'est que l'éducation économique doit se poursuivre et
la désaliénation, même si ça l'air de termes de
politicologue savant ou je ne sais pas trop quoi, la
désaliénation collective part de là. Qu'on leur apprenne
ce qu'ils ont et ils choisiront comment ils veulent s'en servir par la
suite.
Sur la stratégie de développement, la politique de
développement, on voit que Québec et Ottawa se renvoient la
balle. Pendant un certain temps, on nous disait ici le premier ministre,
je vous le rappelle, le disait il y a deux ans, si ma mémoire est
exacte, au moment de l'étude des crédits de l'Office de
planification et de développement du Québec: Dans le
régime constitutionnel actuel, nous n'avons pas les instruments majeurs
d'intervention qui nous permettent de mettre en branle une politique de
développement et de réorganisation industrielle, parce que ces
juridictions principales appartiennent au gouvernement
fédéral.
Il nous disait aussi que, dans un régime d'entreprise
privée, si le gouvernement n'intervient pas directement, le choix,
l'orientation du développement est un peu aléatoire, parce que
ça ne dépend pas de nous. Face à ça, il disait: On
refile donc le problème, on le reporte sur les genoux du gouvernement
fédéral. Voilà que, il n'y a pas longtemps, Jamieson le
nouveau ministre de l'Expansion économique régionale, dit: On est
à réviser quelle politique on va mettre au point pour les
années à venir parce que, comme vous l'avez souligné, un
bon nombre des programmes actuels vont venir à échéance
bientôt. H dit: Ce qu'on va faire en particulier dans le cas du
Québec, on ne le sait pas, parce qu'on attend que le Québec nous
soumette un plan de développement. On renvoie la balle à
Québec maintenant. Bon. Est-ce qu'on va avoir ou est-ce qu'on n'aura pas
une fois pour toutes un plan de développement? Il y a trois choses
à considérer quand on parle d'un plan de développement ou
d'une stratégie industrielle, les objectifs, les ressources, les moyens.
Parler des objectifs, définir des objectifs, on est bien bon pour
ça. Je pense que les objectifs, on n'a pas besoin de placoter bien
longtemps dessus. On le sait. Tous les bobos de notre structure industrielle,
on se les fait répéter depuis vingt ans; ç'a
été le Conseil d'orientation économique, le conseil de
ça, l'office de planification, maintenant le comité
interministériel, des études qui sont fa.ites chez vous. On se
répète la même affaire depuis vingt ans. Où il faut
faire quelque chose, on le sait. On sait bien qu'on a une industrie qui est
faible dans les secteurs de pointe, qui est axée sur des secteurs
industriels, dont l'expansion est plus lente que celle de l'ensemble de
l'économie, qu'il faut réorganiser des secteurs devenus
désuets, qu'il faut en ouvrir d'autres. Il faut aussi trouver, et
j'aimerais entendre ce que vous pourriez nous dire tout de suite
là-dessus, quels pourraient être les secteurs de
spécialisation de l'économie québécoise. C'est bien
évident que ie Québec d'aujourd'hui comme le Québec
indépendant de demain reste un pays de 6 millions d'habitants. On ne
fera pas tout ici, c'est bien clair. On ne fera pas les ordinatrices IBM ici,
bon. Ce qu'il va falloir trouver, ce sont des secteurs de
spécialisation.
Moi, plutôt que de rêver de faire l'automobile
québécoise intégrée, à titre d'exemple, la
Skoda québécoise, je pense que, dans un marché qui est
à peu près de 200,000 unités par année, 250,000
peut-être, ce n'est même pas tant que cela, c'est 125,000 à
peu près, le marché annuel des nouvelles voitures au
Québec, qu'on ne peut pas penser monter une industrie
intégrée de l'automobile sur une base aussi restreinte. Mais ce
qu'il faudrait peut-être faire, j'emploie cela à titre d'exemple
uniquement, j'aimerais bien mieux qu'on fasse les pare-chocs pour huit millions
de voitures qui se vendent en Amérique du Nord, cela est bien plus
payant. Mais il faut partir d'avantages qu'on peut avoir, soit par la
présence de richesses naturelles, soit parce qu'il y a des facteurs qui
nous avantagent dans le coût de production, comme
l'électricité à bon marché ou des trucs semblables.
On peut trouver cela et si cette partie-là nous donne des indications en
ce sens, tant mieux. Mais ce que j'ai vu dans les journaux jusqu'à
maintenant m'a écoeuré. Bien franchement, j'ai trouvé bien
niais ce qui en est sorti. Mais il y a autre chose, et c'est de cela que vous
devriez nous faire part, c'est ce qu'on attend. Je ne sais pas si vous voulez
déposer intégralement le rapport Fantus, mais c'est ce qu'on
devrait apprendre, où sont les secteurs où il faut se
spécialiser.
Ces choix d'objectifs. Les ressources? Je l'ai évoqué tout
à l'heure et vous l'avez vous-même évoqué il y a un
mois, on sait que le capital disponible est à peu près suffisant,
sauf s'il faut faire un effort temporaire de très forte croissan-
ce. Je n'insisterai pas davantage sur les ressources. Mais ce qu'il y a
de plus important, après qu'on a constaté que les ressources sont
là, que les objectifs sont les suivants, si on ne se donne pas les
moyens de réaliser cela, ce seront des voeux pieux qui vont rester en
l'air. C'est bien là notre principal problème. C'est au niveau
des moyens qu'on achoppe tout le temps. Il s'agit de créer des
instruments qui vont assurer la réalisation de ces politiques et de ces
objectifs.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de Gouin
en a pour longtemps encore?
M. JORON: Non, j'en ai à peu près pour cinq minutes.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Bon, d'accord, parce qu'on veut ajourner
à midi trente.
M. JORON: On a le choix entre deux choses à partir de ce
moment-là. Ou bien on adopte des politiques incitatrices face à
l'entreprise privée ou à l'entreprise privée
étrangère parce que, quand on dit entreprise privée au
Québec, quand c'est la grosse entreprise privée, quasiment par
définition, c'est l'entreprise privée étrangère, ou
bien on adopte des politiques incitatrices. On leur prête de l'argent
comme le fait la SDI. On leur donne des incitations fiscales, on leur permet
des amortissements accélérés. On essaie de mettre en
branle un certain nombre d'instruments qui vont peut-être provoquer la
réalisation des objectifs qu'on a définis.
Tout cela, évidemment, surtout dans une économie comme
celle du Québec, dont les centres de décision sont à
l'extérieur, reste aléatoire. J'ai l'impression que les objectifs
que poursuivent IBM, General Motors ou Ford sont bien davantage des objectifs
de rationalisation, leurs objectifs à eux, plutôt que ceux du
gouvernement du Québec. Ce ne sont pas leurs problèmes.
M. SAINT-PIERRE: Vous me permettrez une brève intervention. Il y
a à peine une semaine, un représentant de votre parti vous
en étiez témoin a dit que vous-même étiez
favorable au capitalisme. C'est la ligne de force de votre parti en
matière économique. Admettez-vous qu'en disant cela, il vous
faudra accepter que le capitalisme, qu'il soit étranger ou
canadien-français, veut lui aussi avoir ses objectifs et que les
objectifs du gouvernement du Québec ne seront peut-être pas les
mêmes que ceux du capitaliste québécois?
M. JORON: Oui.
M. SAINT-PIERRE : On ne peut pas manger le gâteau et le regarder
en même temps.
M. JORON: Vous risquez de commencer un nouveau débat. Je vous
dirai que la...
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas cela? Ai-je mal compris? Est-ce que
c'était le socialisme? Moi, j'ai compris le capitalisme.
M. JORON: Sur un point particulier, il paraît... Bien, il disait
que le régime que nous proposons, c'est un régime capitaliste
dans le sens suivant. C'est que, bien entendu, il y aura des entreprises
privées sous un gouvernement du Parti québécois, mais on
ne peut pas qualifier le régime comme tel de... Il n'y en a plus
d'ailleurs, dans le monde, de régime capitaliste, pas plus qu'il y a de
régime socialiste. Parce que, dans tous les pays du monde, il y a des
entreprises publiques maintenant et aussi des entreprises coopératives.
Dans les pays socialistes, il y a des entreprises privées maintenant. Il
y a Pepsi qui est en train de faire boire les Yougoslaves; il y a Fiat qui est
en train de monter des usines en Union Soviétique. Les étiquettes
globales n'existent plus. Le régime que nous proposons est un
régime mixte. C'est un mélange à la Betty Crocker, si vous
voulez, de trois ingrédients.
M. SAINT-PIERRE: Je le sais, vous l'avez mentionné. C'est la
même chose que l'on a dans le moment. Quel changement y a-t-il? Dans le
mélange?
M. JORON: A la différence suivante...
M. SAINT-PIERRE: Vous allez mettre plus de crème et d'eau
que...
M. JORON: Voilà, c'est dans le mélange que l'on retrouve
toute la différence et cela m'amène à donner les moyens de
réaliser ces objectifs. C'est dans le mélange moins axé
sur l'entreprise privée, qui vise surtout à se créer des
instruments pour assurer la réalisation des objectifs dont on parle.
Cela m'amène justement au vif du sujet, aux moyens, aux instruments que
le gouvernement doit... Alors, il a le choix entre deux choses. Ou bien il
donne un certain nombre de politiques d'incitation, il s'assoit et
espère que cela se réalisera. Il multiplie ensuite les
réglementations et les contrôles, qu'ils soient négatifs ou
positifs. Cela va dans les deux sens. En d'autres mots, il emmerde l'entreprise
privée partout ou il "sacre" patience dans les secteurs qu'il aura
choisis où l'entreprise privée devrait avoir les coudées
franches et, dans les autres, pour la réalisation de ses objectifs
principaux, il se donne lui-même ses instruments d'action. C'est ce que
nous proposons.
Au lieu de transférer des fonds publics, comme quand on fait des
subventions ou des trucs semblables, pour les transformer en capital
privé et dont la réalisation n'est même pas assurée
non plus, on dit: Employons donc ces fonds à créer des
instruments qui vont nous permettre de corriger la structure industrielle du
Québec. La premier instrument que le Parti québécois
propose, à l'exemple de ce qu'ont fait l'Angleterre et l'Italie qui,
dans un cas
comme dans l'autre, ne sont pas des pays marxistes, c'est une
société de réorganisation industrielle. Ce n'est pas une
petite affaire. Je conviens qu'il va falloir mettre pas mal d'argent
là-dedans. Mais, si on veut réaliser la rationalisation d'un
certain nombre de secteurs par des fusions, par des regroupements, on va se
buter automatiquement au problème suivant, si on laisse faire
l'entreprise privée, ne serait-ce que parce que la plupart des
entreprises privées importantes au Québec sont des entreprises
étrangères, qu'elles sont sujettes, même au Québec,
à des lois qui affectent leur compagnie mère à
l'étranger, je pense aux lois antitrust, par exemple, qui vont
empêcher General Electric et Westinghouse de se fusionner aux Etats-Unis
ou des trucs semblables, le cas sur le marché québécois...
pardon?
M. SAINT-PIERRE: Sur ce point précis, les lois américaines
n'interviennent pas. On l'a eu dans le cas des pâtes et papiers. Si les
lois canadiennes permettaient une concertation dans les pâtes et papiers
au niveau canadien, les filiales américaines pourraient, sans que la
compagnie mère soit impliquée avec les lois américaines,
être impliquées dans ça.
M. JORON: Dans le cas des pâtes et papiers, heureusement, c'est un
secteur où il n'y a justement pas une -présence
étrangère dominante. Il n'y a que CIP qui est la plus
importante.
M. SAINT-PIERRE: Non, je m'excuse, il y en a plus.
M. JORON: Oui? Quelles sont les autres?
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, c'est le contraire, il y a deux tiers des
compagnies canadiennes qui sont soit la propriété
d'étrangers, il y a plus que CIP...
M. JORON: Je regrette de vous contredire, mais si on prend les plus
importantes au Canada même, en commençant par la plus grosse,
McMillan Bloedel, compagnie contrôlée par le Canadien Pacifique,
la deuxième est Canadian International Paper...
M. SAINT-PIERRE: Quebec North Shore & Paper.
M. JORON: ... qui est américaine. C'est loin d'être la plus
importante. Ensuite, vous avez Consolidated Bathurst, Price et Domtar qui sont
canadiennes. Les Américains ne sont pas forts dans ce secteur. En tout
cas, peu importe.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de Gouin
pourrait reprendre son exposé à quatre heures?
M. JORON: Oui, je me résume et je conclus,
M. le Président, en disant qu'une des premières choses que
ferait un gouvernement du Parti québécois, serait la
création d'une société de réorganisation
industrielle. Quand un secteur industriel devient désuet ou vieilli ou
trop faible justement par son fractionnement en petites unités, elle
s'assurerait de les fusionner ou de les regrouper comme l'ont fait des pays
je le disais tout à l'heure comme l'Angleterre ou
l'Italie. Il y a parfois des fusions obligatoires, des fusions qui doivent se
faire par l'acquisition des entreprises intéressées, et le
regroupement se fait par la suite. Il y a l'ouverture d'une série de
secteurs nouveaux, ce qui m'aurait amené mais je ne veux pas
abuser, je sais que probablement tout le monde a faim à parler
seulement d'un cas, à titre d'exemple. Qu'est-ce qu'on pourrait faire
dans un certain nombre de secteurs plus précis? Cela fait partie des cas
particuliers qu'a soulevés le ministre, tout à l'heure.
Je prends seulement l'exemple du pétrole, c'est la
dernière chose que je vais dire. Dans le domaine du pétrole, il y
a sept raffineries au Québec. Toutes les sept sont des filiales de
compagnies étrangères. Elles font partie de ce qu'on appelle le
cartel international, à l'exception de Golden Eagle, qui n'est pas
vraiment une grosse compagnie internationale.
Cela a pour effet ultime de contrôler les prix sur le
marché québécois, parce que l'approvisionnement, les
profits "offshore" et tout ça font que le prix aux consommateurs est
déterminé en raison de tous ces facteurs. Il faut briser ce
monopole. Dans cette industrie...
M. SAINT-PIERRE: Pour être plus juste, si on enlève la taxe
provinciale, je ne nie pas qu'il y ait des profits "offshore", mais il faudrait
dire que le prix au consommateur est le plus bas, à ma connaissance,
dans tous les pays au monde.
M. JORON: Au Québec? M. SAINT-PIERRE: Au Québec. M. JORON:
En raison des taxes. M. SAINT-PIERRE: Pardon? M. JORON: En raison des
taxes.
M. SAINT-PIERRE: Non, si on enlève les taxes. Parce que les taxes
peuvent varier d'un pays à l'autre. Si un gouvernement décide,
comme en France, d'avoir l'équivalent de $0.55 de taxe par gallon...
M. JORON: Oui.
M. SAINT-PIERRE: ... ça change pour le consommateur. Si vous
enlevez les taxes, ce que je veux dire, je pourrais le reconfirmer, les
statistiques que j'ai vues indiquent quand même un prix au consommateur
du fait que, aux
Etats-Unis, les prix sont soufflés pour protéger un
marché intérieur, parce que, dans l'Ouest canadien, le prix du
brut est plus cher que le prix du Vénézuéla. Cela en fait
un des prix au consommateur les plus bas au monde.
M. JORON: Oui, mais en tout cas...
M. SAINT-PIERRE: Je ne dis pas que ça ne pourrait pas être
$0.04 de plus...
M. JORON: J'aimerais bien que vous le prouviez mais, de toute
façon, même si c'est déjà un prix bas, tant mieux.
Il y a une chose certaine, c'est qu'il pourrait l'être davantage si on
pouvait couper le profit "offshore". Nous sommes devant la situation
présente au Québec, c'est qu'on consomme davantage qu'on raffine.
C'est nouveau de cinq, six ou sept ans ou quelque chose comme ça.
Bon!
Le gouvernement est placé devant le choix suivant: ou bien il
laisse les entreprises étrangères déjà
installées ici combler ce vide, si elles le font nous ne sommes
même pas assurés qu'elles vont le faire en agrandissant
leur capacité de raffinage, ou bien le gouvernement saisit l'occasion
d'un déficit et entre lui-même dans le secteur.
D'abord, parce que c'est payant et, en deuxième lieu, parce qu'il
est très important de casser le contrôle du cartel sur les prix.
J'ai bien hâte de voir comment vous allez faire ça. Je me
souviens, en 1967 et 1968, du temps où je me promenais partout dans la
province avec Robert Bourassa dans des débats sur la politique
économique. On tombait sur la tête de ces messieurs qui jonglaient
avec l'idée de la raffinerie québécoise et qui se sont
finalement vendus et qui ont laissé faire la compagnie Golden Eagle.
Le premier ministre actuel et moi, à cette époque,
disions: II faut créer la raffinerie québécoise, une
raffinerie d'Etat en partnership avec une compagnie étrangère qui
nous assurerait des sources d'approvisionnement. J'espère que cette fois
vous ne raterez pas l'occasion et que ce que vous allez faire ne sera pas de
prendre une participation minoritaire dans une entreprise déjà
existante pour financer son agrandissement. J'ai déjà
derrière la tête une idée de l'entreprise avec laquelle
vous flirtez peut-être à l'heure actuelle. Je ne sais pas si je me
trompe mais, connaissant les liens intimes qui unissent le président du
conseil d'administration de Petrofina à la caisse du Parti
libéral et au conseil de l'industrie, etc., et ses liens personnels avec
le premier ministre, je me demande si Campo n'est pas en tr.ain de se
préparer une belle façon de financer l'agrandissement de Fina
à même les deniers publics et tout en gardant le contrôle de
son entreprise. Ce n'est pas de cela qu'on veut. J'espère que ce n'est
pas cela que vous avez en tête.
M. SAINT-PIERRE: Comme Maurice Duplessis, je vais vous dire que, pour
prêter des mauvaises intentions aux autres, il faut en avoir
soi-même. Dans ce cas, vous avez une mauvaise intention.
M. JORON: Non. Il faut vous avoir vu faire pendant un certain temps et
avoir acquis suffisamment d'exemples pour dire: "Chat échaudé
craint l'eau chaude."
M. SAINT-PIERRE: A douze ans, on disait que vous étiez bien
froid.
M. JORON : Ceci dit sur le cas du pétrole, et j'espère
qu'on pourra y revenir, parce qu'il y a bien d'autres points là-dedans,
comme l'oléoduc, le superport et d'autres cas particuliers aussi, comme
l'automobile, la pétrochimie, le textile, le vêtement, la
chaussure sur lesquels nous aimerions revenir. En tout cas, nous ferons cela au
fur et à mesure que la discussion se déroulera.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 4 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 42)