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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mercredi 4 avril 1973 - Vol. 13 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Etude des crédits du ministère de l'industrie et du commerce

Séance du mercredi 4 avril 1973

(Dix heures onze minutes)

M. KENNEDY (président de la commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Quelqu'un a présenté une motion pour que M. Ostiguy de Rouville remplace M. Carpentier du comté de Laviolette.

DES VOIX: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs, M. le ministre.

M. GAGNON : M. le ministre pourrait-il identifier son personnel?

Politique du ministère

M. SAINT-PIERRE: Très bien. A ma gauche, M. Robert De Coster, sous-ministre en titre à l'Industrie et Commerce; M. Descôteaux, sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie et Commerce. M. Descôteaux a été muté depuis le 1er avril au Conseil exécutif, mais compte tenu de ses responsabilités durant les douzes derniers mois, il est ici avec nous ce matin. M. Pierre Rainville, directeur de toutes les questions qui touchent le budget et M. Latortue, responsable dans le secteur des recherches économiques; c'est un des premiers secteurs dont on parlera ce matin. D'autres collaborateurs viendront s'ajouter, ils sont actuellement prêts à venir dès que le besoin s'en fera sentir.

M. le Président, vous me permettrez, ce matin, d'essayer le plus brièvement possible de tracer un portrait d'ensemble du ministère de l'Industrie et du Commerce en particulier en trois étapes. Dans un premier temps, je vais tenter de jeter un regard en arrière sur ce qui s'est fait depuis les douze derniers mois, quelles ont été surtout nos principales préoccupations. Dans un deuxième temps, d'une manière succincte, et non pas pour communiquer un optimisme réel de ma part, je vais faire le point sur une situation économique et ses perspectives en 1973 et, dans un troisième temps, j'indiquerai quelles sont les lignes maîtresses de notre action prévue en 1973.

Je m'excuse, cette année, de déroger à une habitude que j'avais prise à la fois à l'Education et ici même l'an dernier de vous fournir un texte de présentation quelques jours à l'avance. Les voyages récents à Toronto, Montréal, Sherbrooke m'ont empêché de mettre tout cela à point avant le débutde l'étude des crédits, ce matin.

Au cours des douze derniers mois, les grandes lignes du ministère en matière de développement économique, ont toujours été la poursuite de cet objectif que nous avions, à savoir, changer la structure industrielle du Québec et, pour ce faire, mettre sur pied un nombre de programmes et d'orientations qui pouvaient contribuer à cet objectif qui est partagé par tous ceux qui sont intéressés à la question économique au Québec.

Au cours des douze derniers mois, nous avons poursuivi, sans pour autant que je sois capable de déposer ce matin un document, notre effort de réflexion dans ce qui est peut-être convenu d'appeler une stratégie de développement industriel et économique pour le Québec. Nous tentions simplement de répondre aux éternelles questions que les individus et les collectivités doivent se poser: D'où venons-nous? Où sommes-nous? Où voulons-nous aller sur le plan industriel?

Nous ne tentions pas d'avoir quelque chose de très rigide, du genre du plan français, mais nous tentions tout au moins d'identifier des secteurs, de les relier, ou d'y mettre une certaine insistance, identifier des types d'interventions dans lesquelles le Québec aurait avantage à être plus éveillé et qui pourraient donner des résultats tant au niveau de l'emploi qu'au niveau des investissements et de l'activité économique en général au Québec.

Donc, dans cette première préoccupation de stratégie de développement industriel, je pense qu'il est bien de mentionner les efforts de nos équipes de recherche, au ministère de l'Industrie et du Commerce, qui ont donné lieu d'ailleurs, en décembre dernier, à un premier document qui vous avait été remis et qui se voulait un document de vulgarisation de certaines des grandes données dans ce secteur. Nous avons eu également le rapport Fantus dont les premières tranches étaient déposées il y a déjà près de douze mois, mais dont le mandat a été reconduit. Ce rapport visait à identifier les facteurs positifs et négatifs d'implantation industrielle au Québec, fi partait d'un questionnaire approfondi auprès d'investisseurs potentiels, tant ceux qui sont actuellement au Québec, qui ont des racines au Québec, que ceux qui sont de l'Ontario, que ceux qui viennent des Etats-Unis. De ceci s'est dégagée une série de facteurs. Quels sont les facteurs positifs que représente le Québec en matière d'implantation industrielle et également les facteurs négatifs. Partant de ces considérations, d'une analyse aussi profonde et vaste du système d'éducation, du système de taxation comme élément dans une implantation industrielle et d'autres considérations, le groupe Fantus nous a fait une série de recommandations qui touchent l'organisation interne du ministère, ses méthodes de promotion industrielle et le type d'intervention que nous pouvons faire sur les marchés étrangers. Plusieurs de ces recommandations du groupe Fantus ont déjà été mises en applica-

tion, en particulier le développement d'un service d'accueil à l'intérieur du ministère. Ensuite, le programme de commissariat industriel que nous avions lancé il y a douze mois et qui est une suite directe des recommandations du rapport Fantus.

Brièvement, sur cette même question de stratégie de développement industriel, il fout rappeler les efforts du Conseil général de l'industrie qui, en avril 1970,. avait déposé un premier rapport qui a été mis à jour, qui identifiait plutôt des objectifs économiques et qui tentait, par certaines études sectorielles et certaines études visant à recouper les secteurs d'investissements, de déceler des points où le Québec pouvait être à la baisse. A la lecture de ceci, on pouvait voir, par exemple, les investissements en matière d'habitation au Québec sur une base per capita et sur une base d'évolution par rapport aux autres provinces. La chambre de commerce nous a récemment remis un rapport qui a essentiellement le même titre, "Stratégie de développement pour le Québec," et dans lequel on a tenté, là aussi, d'identifier des moyens pour atteindre certains objectifs et, en particulier dans l'annexe du rapport, on a analysé le comportement prévisible de plusieurs des plus importants secteurs industriels au Québec.

Pour compléter cette énumération, il faudrait peut-être mentionner également les travaux, auxquels nous avons eu accès, du Centre de recherche et de développement économique de Montréal qui, mandaté par le ministère fédéral de l'Expansion économique et régional, avait tenté de réexaminer les possibilités d'intervention des niveaux de gouvernement dans l'économie du Québec, pour dégager peut-être une problématique différente de celle que nous avons eue, compte tenu en particulier qu'au niveau du gouvernement fédéral, plusieurs des programmes viennent à expiration dans quelques mois, aide au secteur industriel, primes à l'investissement, programmes des zones spéciales et autres.

Dans un deuxième temps, nous avons attaché au cours des douze derniers mois un effort vis-à-vis des secteurs, c'est-à-dire un effort sectoriel des grands secteurs de notre économie. Brièvement, parce que je ne voudrais pas minimiser ce qui a pu être fait dans d'autres secteurs que je ne mentionne pas, je pense que les grands dossiers qui nous ont préoccupés sont les suivants: un premier en ce qui touche la pétrochimie, compte tenu des difficultés de l'industrie pétrochimique québécoise et montréalaise, plus spécifiquement il y a douze mois.On se rappelle nos interventions en juin dernier en ce qui touche le projet SOAP de Sarnia, projet qui semble de toute apparence avoir été abandonné, mais qui a été pour moi le signe de mort de l'industrie pétrochimique montréalaise. Parallèlement à cela, nous avons tenté un effort de rationalisation par un dialogue avec l'industrie elle-même, l'industrie pétro- chimique montréalaise, et, en particulier, l'addition du projet d'une usine de polypropylène du groupe Hercule dans la région montréalaise. Elle apporte une nécessité de production d'éthylène qui permet un équilibre que nous n'avions pas autrefois dans l'industrie pétrochimique.

Ces investissements de $70 millions ne sont pas encore dans les statistiques que nous avons puisque dans le moment, on assiste à la levée des premières pelletées de terre, aux premiers travaux, mais je pense qu'ils vont sûrement sauver l'industrie pétrochimique, l'industrie de pointe qui a des salaires élevés et des investissements considérables.

Dans le secteur des pâtes et papiers, il y a eu de grands efforts de faits pour tenter de formuler des interventions de l'Etat vis-à-vis de l'ensemble de ce secteur qui est très important au Québec, qui a représenté dans le passé un secteur extrêmement important et qui est menacé pour le moment, compte tenu en particulier des différences de coûts de production entre l'industrie québécoise, l'industrie du sud des Etats-Unis et l'industrie suédoise. Nous avons rejeté les propositions formulées par le Conseil des pâtes et papiers et qui se traduisaient essentiellement par des diminutions de taxes de diverses natures.

Nous les avons rejetées, convaincus que nous étions que ces mesures ne pouvaient même pas être une panacée ou un cataplasme dans les circonstances, mais qu'elles ne faisaient simplement que prolonger le mal. Nous avons, avec le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement fédéral, entrepris un effort de recherche dans ce secteur. Un document interne a été publié qui, actuellement, a été transmis aux présidents des compagnies de pâtes et papiers. Des rencontres ont eu lieu récemment avec ces deux niveaux de gouvernement et devront prochainement s'élargir avec les gouvernements des autres provinces concernées, en particulier le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique. Malheureusement, je ne peux en dévoiler les éléments, puisque nous avions convenu de ne rendre publique aucune de ces recommandations avant que les gouvernements des autres provinces en soient saisis, puisque l'on pourrait avoir une certaine réaction négative de leur part. On retrouve quand même dans ces documents des recommandations assez osées, compte tenu de notre style d'économie, mais des recommandations qui nous semblent essentielles pour sauver l'industrie. Elles touchent à la fois une rationalisation de la production entre les usines et entre les compagnies, elles touchent une rationalisation en matière de transport du produit fini et elles mettent de l'avant des concepts assez nouveaux en matière de mise en marché, particulièrement dans les marchés internationaux.

Le troisième axe d'intervention en matière sectorielle fut l'effort du ministère vis-à-vis de nos industries traditionnelles. Car nous étions conscients qu'autant on doit se préoccuper

d'industries de pointe à haute technologie, autant il ne faut pas mésestimer le soutien, la base que peuvent représenter des industries traditionnelles qui emploient particulièrement beaucoup de main-d'oeuvre. C'est ainsi que nous avons, avec l'industrie, mis de l'avant nombre de programmes qui touchaient en particulier l'industrie du meuble, l'industrie du vêtement et l'industrie de la chaussure. Dans les trois ans, notre type d'intervention en dehors des programmes réguliers du ministère de la Société de développement industriel pour l'aide à la fusion, a porté sur trois axes: premièrement, des programmes de "design" pour sensibiliser ces secteurs sur l'importance de "design" au plan de la pénétration des marchés. Nous avons eu, je pense, un certain succès, tant dans le domaine du meuble que du vêtement dans ces deux cas-là. Nous avons également eu des programmes qui visaient à stimuler l'exportation de ces produits. Cela a pu prendre la forme de missions particulières dans ces industries traditionnelles ou a eu pour effet de faire venir des acheteurs étrangers ici, au Québec. Nous avons eu des programmes, évidemment, de gestion dans ces entreprises pour améliorer la gestion interne des entreprises concernées.

Je vous mentionne en passant, particulièrement au niveau du "design" dans le vêtement avec le programme Montréal-Mode, que le gouvernement, avec un investissement qui n'a peut-être pas dépassé $50,000, a réussi, par un effet de boule de neige, à créer un programme qui a eu énormément d'impact.

Après notre effort du départ, notre effort de conception, d'imagination, à la suite de conseils professionnels, on a organisé le programme Montréal-Mode qui, essentiellement, consistait à faire venir, après une période de sensibilisation, les principales rédactrices de mode des Etats-Unis, durant une longue fin de semaine, à Montréal. La ville de Montréal et les industries québécoises ont réellement participé à ce programme qui a été un véritable succès. Comme preuve, je pourrai vous montrer demain des pages entières de journaux américains, parmi les plus grands, qui ont, par le biais d'annonces des grands magasins à succursales américains, annoncé ce "design" montréalais, cet esprit différent que nous avons au Québec. Les commandes de vêtements québécois — on le voit par les statistiques — ont augmenté d'une façon astronomique, au cours des deux dernières années. D'ailleurs, on voit qu'un des problèmes dans cette industrie, maintenant, est de recruter de la main-d'oeuvre. Elle n'a pu trouver la main-d'oeuvre capable de satisfaire ses besoins. Si on recule de deux ou trois ans, on se rappelle que, dans une large mesure, notre industrie du meuble devait satisfaire uniquement des marchés locaux.

Au niveau des politiques de l'industrie du transport, nous avons considéré que, face à l'évolution, on pouvait déceler, au cours des prochaines années, un secteur qui méritait d'être vu de plus près; nous avons eu nombre de préoccupations d'interventions sectorielles, d'études de mise en marché, surtout, dans l'ensemble de l'industrie du transport. Certains étaient reliés au nouvel aéroport Mirabel, mais d'autres étaient strictement au niveau de l'industrie du transport et du matériel de transport: chemins de fer, matériel de manutention, dispositifs électroniques. Il y a eu des programmes de recherche, centres de recherche industrielle avec des industries québécoises pour tout l'ensemble du matériel requis à la manutention du transport, une industrie où le Québec avait quand même des éléments de base en matière de production.

Dans notre effort sectoriel, je m'en voudrais également de ne pas mentionner notre effort à la petite et moyenne entreprises. Nous avons tenté d'augmenter le nombre et la qualité des professionnels que nous avons dans ces secteurs. Nous avons un nombre surprenant d'interventions qu'on pourra voir plus en détail dans l'étude des crédits de cette section, au niveau de la petite et de la moyenne entreprises.

Finalement — et encore une fois très brièvement — au niveau des secteurs, je m'en voudrais de ne pas mentionner des interventions ponctuelles du ministère, c'est-à-dire, non pas uniquement ce rôle de pompier, mais ce rôle de conseiller, ce rôle de préoccupations que nous avons vu dans certains cas ponctuels. Je pense au cas de Cabano et à celui de Kipawa, à la fermeture de l'usine CIP; aux carrières Marti-neau & Martineau, à Saint-Marc-des-Carrières; à la Saint-Raymond Paper; à P.A. Boucher, après le feu, la nécessité d'une aide et, finalement, au cas des Tricots Excel à Mont-Joli.

Ce sont des cas où nous avons connu le succès à des degrés variables, mais je pense qu'il serait malhonnête de ma part de dire que, si le ministère n'était pas intervenu, nous aurions connu le même degré de succès que nous avons pu connaître. Nous avons apporté énormément d'aide au cas de Cabano et, si le cas peut progresser un jour, on devra une fière chandelle à certains fonctionnaires qui s'en sont constamment préoccupés.

Kipawa, c'est dans la même veine et aussi Martineau, Kruger. Saint-Raymond Paper a démarré avec une pleine production, peut-être plus à cause de la reprise dans le domaine des pâtes et papiers que l'offre que nous avions quand même faite, une offre très importante, d'octroyer près du tiers d'un programme de modernisation, compte tenu que le village était complètement isolé et dépendait de cette usine dans une large mesure.

P.-A. Boucher et Tricots EXCEL sont deux cas qui auraient pu tourner au tragique, dans des régions de la Gaspésie, et qui vont raisonnablement bien actuellement. Dans les deux cas, le niveau de production reprend et tout devrait bien se terminer.

M. le Président, je voudrais aborder une troisième tête de chapitre et parler brièvement

de l'action du groupe économique que le ministère n'a pas dirigé, dont le ministre a plutôt assumé la présidence, mais auquel le ministère a porté une attention toute particulière. Au niveau du groupe économique, il y a au moins cinq dossiers importants, cinq têtes de subdivision qui nous ont permis, au niveau du gouvernement du Québec, des interventions extrêmement salutaires pour notre population, et surtout une concertation entre les ministères économiques à un degré que nous n'avions peut-être pas vu jusqu'ici.

Les cinq grands dossiers que je vous mentionne impliquent, d'une part, la question de l'énergie et là, nous avons vu l'action conjointe du ministère des Richesses naturelles et du ministère de l'Industrie et du Commerce dans nombre de projets d'énergie, dans nombre d'interventions. Je vous mentionne en particulier l'extension du réseau de gaz naturel dans des zones plus industrialisées du Québec, en particulier Bécancour et Trois-Rivières.

Deuxièmement, les projets de ports pétroliers dans le Saint-Laurent, les projets de pipelines de diverse nature, pour l'acheminement et l'approvisionnement de pétrole brut pour notre industrie pétrochimique et chimique montréalaise. Il y a également l'analyse de projets de raffinerie dans un contexte peut-être différent et sûrement dans une philosophie différente de la dernière raffinerie que nous avons eue.

Il y a, dans le livre blanc du ministère des Terres et Forêts, une politique d'énergie. On ne peut retrouver un désir du Québec de nationaliser toutes nos raffineries. Nous ne croyons pas que ce serait la bonne voie. Mais il y a une décision et une volonté de présence dans le secteur de la distribution et du raffinage. Mais cette présence, nous ne la voulons pas à n'importe quel prix, nous voulons surtout poser les bons jalons.

Dans le moment, cette action concertée du ministère de l'Industrie et du Commerce et du ministère des Richesses naturelles permettra, dans une perspective qui évolue très rapidement, compte tenu de la situation internationale dans cette matière, de voir quel serait le meilleur cheminement possible pour le gouvernement québécois. S'agit-il d'une prise en charge, d'une prise de possession du capital-actions importante de certaines compagnies établies au Québec? S'agit-il d'un regroupement de distributeurs indépendants avec la mise sur pied d'une nouvelle compagnie dans le raffinage? Toutes les solutions sont envisagées dans le moment, mais cette volonté de présence du gouvernement du Québec, dans ce secteur, devrait se traduire au cours de la prochaine année.

Un autre secteur qui a été étudié par le groupe économique est celui des pâtes et papiers. Je l'ai mentionné tantôt comme un qui nous a touchés de près, mais je pense qu'il y a eu là, non seulement au niveau de l'industrie des pâtes et papiers, mais au niveau de l'ensem- ble des questions d'approvisionnement de bois pour l'industrie du meuble et d'autres questions reliées, un effort de concertation.

Brièvement, il faudrait également mentionner la prise de position du gouvernement du Québec en ce qui touche les investissements étrangers. Un rapport plus complet que les lettres de M. Tetley devra être déposé prochainement, mais les deux lettres de M. Tetley ont quand même, à des moments opportuns et non après les occasions, été capables d'indiquer la position du gouvernement du Québec dans ce secteur. On se rappelle d'ailleurs que le nouveau projet de loi du gouvernement fédéral a tenu compte dans au moins deux des recommandations que nous avions formulées il y a douze mois de certaines des demandes du gouvernement du Québec.

Politique de transport en commun, particulièrement en ce qui touche le transport en commun, l'industrie du transport et le transport relié dans les projets de l'aéroport international, voilà un autre dossier où le ministère des Transports, le ministère de l'Industrie et du Commerce et d'autres aussi ont travaillé — et aussi l'OPDQ — avec une certaine concertation qui était peut-être difficile à déceler dans les années passées.

Finalement, un dernier dossier, l'agro-alimentaire, qui a impliqué de près mon ministère et le ministère de l'Agriculture pour tenter une plus grande transformation dans ce type d'industrie au niveau du Québec et une plus grande concertation au niveau de l'industrie primaire, c'est-à-dire la production de certains secteurs agricoles avec la transformation par nos industries secondaires.

Je voudrais aborder un autre sujet brièvement, encore une fois, M. le Président, pour refléter l'action des douze derniers mois. Cela serait la réforme des institutions paragouvernementales, réforme qui n'a pas toujours voulu dire des projets de loi, dans certains cas, qui a pu être des projets de loi, mais qui a été surtout une analyse chez les gens eux-mêmes des objectifs qu'on tentait de définir et une meilleure concertation de leur action.

Brièvement, on pourrait y revenir plus en détail, mais évidemment, la Loi de la SGF, au cours des douze derniers mois, nous a permis quand même de franchir une étape qui s'est traduite par un projet de loi. Dans quelques jours, nous aurons l'assemblée annuelle des actionnaires, l'élection d'un nouveau bureau de direction. Je voudrais aussi réinsister sur le fait que le gouvernement veut épauler, dans la mesure de ses ressources, l'action de la SGF.

Nous y croyons toujours. Il nous aurait semblé incohérent de notre part d'ajouter des sommes d'argent additionnelles sans être certains que la SGF n'était pas véritablement sur la voie du succès.

Les transformations que nous avons apportées vont nous permettre de liquider certains des obstacles que nous avions; en particulier,

elles vont nous permettre de retrouver, je pense, une collaboration beaucoup plus saine avec le secteur privé québécois puisque maintenant cette collaboration se fera non pas au niveau d'un "holding", une compagnie de "holding", mais au niveau de filiales qui ont des objectifs précis dans une région précise avec des facteurs de rentabilité précis, et là, le gouvernement pourra accepter, avec son pouvoir financier, de ne pas avoir le même niveau d'objectifs suivant les filiales, suivant les régions, suivant les secteurs.

Nous pourrions accepter, comme gouvernement, d'être très exigeant si nous allons, dans la région de Montréal, dans des secteurs dont la rentabilité semble assurée; mais aussi cela va nous permettre, à nous, dans des régions plus défavorisées comme Cabano, disons, d'avoir des facteurs de rentabilité moindre dans des types d'interventions qui représentent des risques plus grands. On se rappelle qu'autrefois à la SGF, nos partenaires privés devaient accepter dans chacun de nos objectifs que nous pouvions poursuivre la sommation de la moyenne de nos interventions au niveau des filiales. Enfin, j'en passe. Nous pourrions y revenir plus loin.

Au niveau de la SDI, également, M. le Président, les rapports que nous allons déposer vont dénoter un rythme d'activités beaucoup plus grand et peut-être faire entrevoir des perspectives beaucoup plus encourageantes qui pourraient relier en particulier la SDI avec des politiques d'achat du gouvernement pour stimuler l'implantation industrielle et développer le capital-actions qui impliqueraient des Québécois. Je pense que, si les gens de l'Union Nationale relèvent certaines de mes paroles, on pourra y retrouver des paroles assez dures vis-à-vis de l'action de la SDI, la considérant moi-même, il y a douze mois, plus comme une action de banquiers. Je pense que je dois lui rendre aujourd'hui hommage, non seulement au niveau du président, M. Lucien Saulnier, mais au niveau des cadres supérieurs de la SDI et du conseil de l'administration. On a réellement relevé le défi non pas de voir un projet et dire: Pour quelle raison pourrions-nous dire non à la demande qui nous est formulée? On a plutôt préféré dire: Quel geste pourrions-nous poser pour rendre possible ce qui autrement risquerait de ne pas se produire dans des régions données et dans des secteurs donnés? On voit par le niveau d'interventions de la SDI qui a eu, cette année, un niveau d'activités de beaucoup supérieur, qu'il y a eu des choses possibles et fort intéressantes qu'on pourra reprendre un peu tantôt plus en détail.

Au niveau du CRIC, nous avons terminé une période de rodage, au centre de recherche industrielle, et des projets ont été mis de l'avant. Je pense qu'il faudra peut-être, encore là, attendre douze mois pour réellement faire, comme nous l'avons fait dans les deux autres cas, une réévaluation de la situation. Mais, dans le moment, les gens travaillent avec beaucoup d'entrain. Ils ont développé certains types, d'industries qui ont donné lieu à des implantations, certains types de procédés. Ils ont, en particulier, assisté notre industrie québécoise qui n'a souvent pas tous les moyens en matière de recherche scientifique. Ils ont permis de lui fournir un apport important.

Quatrième tête de chapitre, M. le Président, l'éducation économique. Les résultats n'ont pas été aussi spectaculaires que je l'aurais voulu, mais notre conférence de décembre dernier nous a donné l'occasion de distribuer une brochure que je n'ai pas sous la mais mais que vous connaissez tous. Près de 500,000 exemplaires ont été distribués dans nombre de collèges, d'institutions d'enseignement. Nous envisageons certains projets que je pourrais mentionner plus tard pour sensibiliser davantage la population à tous les indicateurs économiques, pour vulgariser notre activité économique, particulièrement au niveau de nos maisons d'enseignement, peut-être pour familiariser davantage les francophones, peu importe le régime dans lequel nous pourrions évoluer, avec l'activité économique elle-même, pour que ce ne soit pas un monde qui appartient aux autres, un monde rempli de mystères, mais un monde que nos gens connaissent de plus en plus.

Il me faudrait également vous mentionner brièvement, par secteur, ce que nous avons fait au niveau de la recherche économique. Une emphase a été mise sur les problèmes de politique commerciale et tarifaire, compte tenu particulièrement du renouvellement des accords du GATT qui doit se faire prochainement, de la repercussion économique des achats publics et parapublics. C'est ce qui explique le délai de publication du rapport sur la politique d'achat. Le gouvernement, bien qu'appuyant une partie des recommandations, trouvait que le groupe de travail, qui avait fait un bon travail, n'était pas allé aussi loin que nous l'aurions voulu. Alors, un groupe interministériel a été chargé d'aller plus loin et un effort a été fait en vue d'analyser la répercussion économique des achats publics et parapublics, particulièrement au niveau des budgets d'investissement, des budgets de fonctionnement de trois institutions types du secteur québécois: un hôpital, une école polyvalente et un édifice public construit pas le ministère des Travaux publics. Cela a donné des résultats très intéressants. Déjà se dégage une certaine problématique d'intervention qui, je pense, impliquerait essentiellement l'utilisation de la normalisation et d'une sélection de certains produits. C'est bien sûr que je pense qu'il y a peu d'intérêt pour nous à avoir une politique très rigide qui peut nous créer une image défavorable. Si nous tentons de produire absolument au Québec ou d'acheter uniquement du Québec les crayons que nous fabriquons, ce que nous voulons plutôt faire, c'est, par le biais de l'Industrie et du Commerce, d'identifier les produits, dont il serait intéressant de susciter une implantation industrielle par le biais de

normes et d'achats en volume des hôpitaux ou des écoles, des produits qui auraient été sélectionnés pour ne pas tenter de bouleverser tout le monde, puisqu'on rejette à prime abord le principe d'un service général des achats qui tenterait de regrouper, dans un seul organisme de décision, les milliards de produits qui sont achetés par les hôpitaux, par les écoles, par les universités. Je pense que nous pourrons avoir une collaboration de certaines institutions si on identifie certains produits qui pourraient se traduire par des implantations industrielles. On pense, je ne sais pas, à l'équipement scientifique, pour donner un cas d'espèce, à l'audiovisuel. Ce serait alors par une politique de normalisation qui pourrait se traduire par une incitation, avec d'autres programmes réguliers que nous avons comme ceux de la SDI, qui pourraient assurer un certain marché, à certaines conditions, à des gens qui seraient prêts à faire une implantation, laissant ensuite tout le monde à une saine concurrence pour s'assurer que le consommateur québécois n'est pas responsable de trop payer.

Au niveau de la recherche économique, il y a eu également une réévaluation des programmes d'aide à l'industrie, compte tenu, en particulier, du fait que le gouvernement fédéral devait faire sa propre évaluation et que nous ne voulions pas nous retrouver sur la défensive, mais plutôt sur l'offensive en mettant de l'avant des programmes nouveaux.

Des recherches ont déjà été amorcées et se poursuivent du côté de la comptabilité nationale, des facteurs de localisation industrielle, des études sectorielles et des programmes d'aide à l'exportation. Au niveau de l'orientation et du développement de l'industrie secondaire, c'est le programme d'action véritable du ministère — en passant, les programmes que je mentionne correspondent au budget par programmes que nous avons cette année — vu son ampleur, et la meilleure façon de l'aborder serait de voir l'action des unités administratives par élément de programme qui coïncident assez bien avec ces derniers, surtout au niveau des nouvelles initiatives ou nouveaux projets mis en marche au cours des douze derniers mois. Au niveau de la prospection de l'investissement, il y a eu, bien sûr, l'ouverture de la maison de Bruxelles, la planification de l'ouverture de bureaux à Tokyo et à Toronto, également la formation d'un groupe d'accueil à Montréal et le regroupement de nos directeurs de projets, responsables d'assurer l'accueil en matière de prospection d'investissement.

Egalement à ce secteur, nous ajoutons l'expansion des marchés en deuxième cas; c'est devenu une priorité du ministère vu que notre effort dans ce domaine rapporte des dividendes accrus. H s'agit dans cet élément de programme d'amener des industriels, qui en ont le potentiel et qui pour diverses raisons ne le font pas, à percer sur des marchés étrangers. Il y a eu les participations groupées à des expositions, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, auxquelles ont participé 113 exposants québécois, un budget de $150,000, des ventes effectuées et anticipées de plus de $9 millions; il y a eu également cinq missions de groupes d'acheteurs en provenance de pays aussi variés que la Côte-d'Ivoire, les Philippines, le Brésil, le Japon et les Etats-Unis, intéressés à des secteurs aussi divers que le matériel didactique, l'équipement d'aéroport, les produits alimentaires, etc.

Ce niveau d'activités, tant de missions à l'étranger que de groupes d'acheteurs amenés au Québec, représente une augmentation substantielle par rapport à l'activité du ministère dans ce secteur il y a à peine deux ans. Il y a eu 54 participations individuelles dans différentes expositions aux Etats-Unis et en Europe, trois promotions en magasin totalisant plus de quatre semaines où le Québec et ses produits ont été mis en vente, en évidence dans des maisons, particulièrement à Madison, Buffalo, Cleveland, Dallas et autres villes américaines.

Troisièmement, au niveau de l'infrastructure d'accueil à l'industrie, il y a eu l'administration conjointe avec le ministère des Affaires municipales de la Loi des fonds industriels touchant les parcs industriels municipaux; il y a eu un effort de rationalisation dans ce domaine et un effort de régionalisation, lequel se poursuivra dans le sens d'une meilleure planification des parcs industriels au Québec.

Durant l'année, le conseil des ministres, en mai 1972, a également retenu le programme d'aide aux commissariats industriels qui est un programme d'incitation et qui a touché durant l'année 28 agglomérations qui se sont vu octroyer $300,000. Au chapitre des projets spéciaux, mentionnons le projet PICA pour la création d'un parc industriel et commercial aéroportuaire à Sainte-Scholastique.

Finalement, aide et conseil aux secteurs industriels et aux entreprises. Cet élément de programme comprend essentiellement la direction générale de l'industrie dont la responsabilité a été donnée à un nouveau sous-ministre adjoint, M. John Dinsmore qui a été muté du ministère de l'Education. Cette direction a complété son effort de mise en place de structure lui permettant de pouvoir répondre adéquatement aux industriels grâce à une meilleure connaissance des activités dans chaque secteur industriel, techniques de production, potentiel de marché, gestion de l'entreprise, etc.

Au niveau du Service général des achats, qui, au 1er avril, par un projet de loi voté par l'Assemblée nationale, sera muté dans un autre ministère, je voudrais mentionner certaines réalisations de grands projets.

Il y a eu l'implantation de trois nouveaux magasins, un quatrième est en voie d'organisation, deux de ceux-ci desservant présentement une clientèle d'environ 6,000 fonctionnaires dans les complexes G et H et un troisième au Centre de recherche. Deuxièmement, deux grands systèmes d'ordinateurs furent négociés

pour gestion des "stocks" qui sont présentement en voie d'implantation. Troisièmement, l'ameublement des complexes G et H est aussi complété. Finalement, deux projets importants furent aussi discutés et amorcés, la distribution de médicaments aux vétérinaires québécois et le début de la guerre à la tordeuse de l'épinette, qui est un programme relativement important, avec le ministère des Terres et forêts. Le 21 mars 1973, comme je le mentionnais, le projet de loi 222 fut adopté, lequel créait le nouveau ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, qui était d'ailleurs une des recommandations formulées par le rapport du comité des achats. Cinquièmement, au niveau du développement des pêches maritimes, deux éléments méritent d'être soulignés dans le cadre de l'année qui se termine. Il y a l'effort de l'équipe technique, qui a surtout visé à planifier la réalisation des parcs industriels de pêche et à cerner les problèmes que comporteront ces parcs et à identifier des projets prioritaires. Six projets sont présentement parvenus à l'étape de la conception et plus de $1,500,000 sont prévus à ce chapitre pour 1973/74. Ces parcs industriels de pêche nous apparaissent comme un élément essentiel pour assurer le progrès de notre industrie de la pêche au Québec.

Egalement, au terme des arrêtés en conseil 1527 et 2361, la direction des pêches a consenti des prêts au montant total de $2,200,000 pour 51 bateaux de pêche outilleurs, soit dix-sept prêts à la construction et 34 prêts à la réparation. Au niveau du service de la statistique, le Bureau de la statistique du Québec a continué comme par le passé à remplir le mandat que la loi lui a fixé, à savoir de recueillir, compiler, analyser, publier des renseignements de nature statistique de manière à répondre aux besoins en information tant de l'administration publique que du secteur privé afin d'en faciliter la recherche. Durant l'année écoulée, le BSQ a cherché à améliorer tout l'aspect de l'information de ses travaux en mettant l'effort sur un système intégré d'informations statistiques basé sur une utilisation plus poussée de l'informatique répondant pleinement aux besoins d'analyse qualitative des données sur le Québec.

De plus, dans le cadre d'une collaboration plus grande avec les autres ministères, le BSQ a amorcé l'exploitation des statistiques administratives détenues par ces derniers.

Finalement, aux services rendus aux établissements commerciaux par la direction du commerce, on devrait mentionner en 1972/73 quelques nouvelles activités, en particulier une campagne de sensibilisation auprès des architectes et des ingénieurs pour accroître lors de la construction de gros projets l'utilisation de produits manufacturés au Québec.

Deuxièmement, un symposium de l'agro-alimentaire qui s'est tenu le 31 octobre et le 1er novembre au Château Champlain. Troisièmement, notre Expo-profits, spécialement l'exposition d'information tenue à Montréal les 7, 8 et 9 novembre avec la participation du Centre de recherche industrielle, le Service de fabrication sous licence et l'Office d'information et Innovation-Québec. Je mentionne que ces Expos-profits en sont à leur troisième année et tentent d'intensifier les efforts de sous-traitance entre les diverses industries québécoises pour maximiser les retombées économiques de certains des projets qui peuvent être faits ici.

Au niveau de cette direction, je pourrais peut-être également mentionner les efforts qui ont pu être faits au niveau des boulangeries québécoises, qui se sont traduits non seulement pas des efforts de rationalisation de l'entreprise, par la publication d'un rapport d'étude, par de nombreux projets de fusion pour améliorer la capacité de nos entreprises québécoises, mais également, et peut-être d'une façon plus importante, par un projet de loi qui vise à freiner l'utilisation du pain par certaines grandes chaf-nes de magasins d'alimentation comme "loss leader", comme produit à perte, ce qui a eu pour effet, pour nous, de créer des conditions malsaines dans la vente et la commercialisation de ce produit.

Brièvement, M. le Président, sans tenter de vous convaincre davantage, je pense que nous aurions raison d'être fiers de l'économie québécoise, non seulement pour l'année 1972, mais surtout des perspectives de 1973. Je m'en voudrais de rejeter uniquement sur le dos du gouvernement des responsabilités de cette reprise réelle. L'année 1972 a été sûrement la meilleure année depuis sept ou huit ans en matière économique. Bien sûr, des fonctionnaires se sont mis à cette tâche mais des secteurs privés, également. Ayant dit cela, je ne peux accepter évidemment la thèse qui veut que ce soit uniquement la conjoncture économique internationale qui nous favorise. Ayant devant moi des gens qui, tous les quatre ans, doivent solliciter un mandat, je ne peux m'empêcher de vous dire qu'en matière d'élections, elles se gagnent "poll" par "poll" et, en matière économique, on doit progresser projet par projet. Je ne peux avoir à l'esprit aucun projet, réalisé au Québec en matière d'investissement, qui nous soit tombé du ciel. Bien sûr, la reprise et les cycles économiques peuvent avoir une certaine importance, mais je pense qu'il ne faudrait pas négliger les efforts qui sont faits pour les prévoir, pour susciter une confiance dans le secteur privé, pour avoir des politiques qui tentent à optimaliser les retombées économiques sur le Québec.

En 1972, je vous l'ai mentionné, le produit national brut a augmenté au Québec de 10.4 p.c. C'est un des plus hauts taux depuis sept ou huit ans en regard, en particulier, d'une hausse de 7.6 p.c. en 1971 et de hausses moindres dans les années antécédentes. Ce taux de 10.4 p.c. est un des taux les plus élevés au monde, le plus élevé de tous les pays industrialisés sauf le Japon et le Brésil. Les dépenses des consommateurs en biens et services font preuve

d'une vigueur soutenue, elles sont passées de 4.6 p.c. en 1970 à 7.1 p.c. en 1971 et à 10.5 p.c. en 1972, soit la plus forte augmentation observée depuis nombre d'années au Québec. Cette reprise substantielle de la demande dénote un fort accroissement des revenus; le revenu personnel des Québécois augmente de 11.5 p.c. en 1972 à la suite d'une hausse de 9 p.c. en 1971.

On observe aussi, après une augmentation de 8.3 p.c. en 1971, une hausse considérable des traitements et salaires de 10.3 p.c. en 1972. La relance économique est encore plus évidente et peut-être plus bénéfique dans le secteur des entreprises et des investissements. Pour 1972, les bénéfices des sociétés avant l'impôt marquent une progression de 15 p.c. sur le niveau de 1971. Cette amélioration se fait sentir également au niveau des dépenses d'investissement. Selon le sondage semestriel effectué par Statistique Canada, les investissements privés et publics en 1972 augmentent de 13.9 p.c. au Québec, alors que des pourcentages beaucoup moindres avaient été dénotés pour le Canada.

Les accroissements les plus marqués se produisent dans les industries primaires et de construction où le Québec avait, en 1972 par rapport en 1971, des augmentations de 32.2 p.c. alors que le Canada n'avait que 1.3 p.c. Au niveau des commerces, de la finance et des services commerciaux, le Québec avait des augmentations de 25.5 p.c. alors que le Canada n'avait que 16.0 p.c. Au niveau du secteur très important de la fabrication, de nos industries secondaires, le Québec avait des augmentations de 15.2 p.c. alors que le Canada n'avait des augmentations que de 3.2 p.c.

Au niveau des services d'utilités publiques, le Québec avait des augmentations de 16.6 p.c. alors que le Canada n'avait que des augmentations de 9.4 p.c.

Ce qu'il est important de retenir dans ces mesures, c'est que cette reprise économique n'était pas causée par une saignée que le gouvernement faisait au niveau des emprunts ou des taxes, pour tenter de stimuler artificiellement l'économie, mais, dans une large mesure, c'était le secteur privé qui, pour la première fois depuis six ou sept ans, dénotait... On voyait un rapport récent dans le Financial Post à l'effet que c'est uniquement au cours des deux dernières années que l'accroissement des investissements a été plus important au Québec que dans la moyenne du Canada. Ce qui est plus important, lorsqu'on décompose ces investissements dans les grands secteurs traditionnels, c'est qu'on voit que c'est au secteur privé que cette relance a été surtout marquée. Le gouvernement, dans une politique, il me semble, très sage, s'est gardé un peu de réserves au cas où un cycle du secteur privé ferait preuve de moins de dynamisme. Nous pourrions alors avoir des réserves pour insuffler de l'argent. Il m'aurait semblé peu sage, pour ma part, alors que le secteur privé augmentait de 32 p.c, comme je le mentionnais, dans l'industrie primaire et de 15.2 p.c. dans la fabrication, que le gouvernement fasse des emprunts démesurés pour créer une activité qui aurait risqué d'être artificielle et qui aurait pu provoquer une certaine inflation non justifiée au Québec.

D'ailleurs, on voit ici, en faisant une analyse, que le mythe se répand malheureusement en Ontario, à l'effet qu'au Québec la reprise est surtout due aux efforts du gouvernement, aux investissements massifs du gouvernement. Cela n'est pas justifié puisqu'on remarque que, dans les deux secteurs reliés de très près à des programmes gouvernementaux, c'est-à-dire le secteur de l'habitation et celui des institutions gouvernementales et des ministères gouvernementaux, le Québec a connu une croissance moindre que celle de l'ensemble du Canada. Dans l'habitation, 7.2 p.c, alors que le Canada avait une croissance de 7.3 p.c; au niveau des ministères gouvernementaux, 4.4 p.c. au Québec et 4.7 p.c. dans l'ensemble du Canada.

Je n'ai pas d'autres statistiques, mais, il me semble aussi important de mentionner que nous avons réellement fini la courbe de l'exode de la population que nous avions connue. Cette période allait de 1968 au dernier trimestre de 1970. Je pense que la diminution de l'exode et les mouvements de migration de la population sont extrêmement importants pour l'avenir de notre collectivité. On a même vu des rapports pessimistes qui prévoyaient qu'en 1980 la population du Québec aurait pu tomber à 16 p.c. de la population canadienne. On révise maintenant ces chiffres puisque, depuis le dernier trimestre de 1970, la courbe a repris. En 1972, nous avons même assisté à une migration positive dans les déplacements démographiques à l'intérieur du Canada vers la province de Québec.

Au niveau des prix, ceux-ci ont continué d'augmenter en 1972, mais à un rythme relativement modéré. Je pense que, lorsqu'on compare l'inflation au Québec à celle du Canada, elle fut moindre au Québec que dans l'ensemble du Canada. Si l'on nous compare à d'autres pays industrialisés, nous avons connu un des plus faibles taux d'inflation.

Evidemment l'aspect le plus décevant de la reprise générale de l'activité économique au Québec est sans contredit le niveau trop élevé du chômage. Malgré les niveaux plus élevés de l'activité économique et les efforts en vue de stimuler l'emploi, en 1972, le taux moyen du chômage s'établit à 8.3 p.c. de la main-d'oeuvre, compte tenu des variations saisonnières.

Cette situation découle du fait que, même si l'augmentation de la main-d'oeuvre est relativement faible en 1972, 1.3 p.c, c'est quand même un pourcentage relativement élevé lorsqu'on le compare au pourcentage d'accroissement de main-d'oeuvre de tous les pays industrialisés et notre création nette d'emplois a été elle-même à peu près du même ordre de grandeur, 1.3 p.c., ce qui est devenu et demeure insuffisant pour résorber le chômage.

Une explication a été fournie à l'effet qu'une hausse assez spectaculaire de la productivité de notre industrie manufacturière de plus de 4 p.c. a été responsable du fait, dans une certaine mesure, que la croissance de la productivité et que l'augmentation des investissements ne se sont pas traduites par une amélioration des emplois.

Mais il est improbable que cette hausse spectaculaire de la productivité de 4 p.c, se maintienne pendant nombre d'années. H faut croire que, compte tenu d'une reprise qui s'accentue de mois en mois au Québec, nous devrions connaître, au niveau de l'emploi, des progrès qui pourraient évidemment se traduire par une diminution du taux de chômage dans plusieurs de nos régions.

Un facteur important qui se révèle est l'augmentation du taux de participation, en particulier chez les jeunes et les femmes. J'espère que je ne vous surprendrai pas, je pourrais vous donner certains chiffres en indiquant que, de 1969 à 1972, il y a eu une augmentation de 100,000 femmes de 25 à 44 ans sur le marché du travail au Québec.

On conçoit que si nous n'avions pas connu cette période d'entrée et de participation des femmes comme l'Ontario l'a connue immédiatement dans la période d'après-guerre, si nous n'avions pas connu une augmentation si substantielle, c'est presque la moitié de notre chômage qui est environ de 200,000 personnes qui pourrait s'expliquer par ce mouvement des femmes dans le marché du travail.

On observe en outre que, depuis la présente reprise, les entreprises se sont montrées prudentes dans la reconstruction de leur "stock" d'inventaire et que leur production s'accroît grâce à une meilleure productivité située au niveau de la rationalisation de leurs moyens de production.

Dans l'ensemble, pour 1973, l'amélioration persistante de l'activité économique laisse entrevoir les perspectives les plus favorables pour l'année 1973 au Québec. La hausse prévue du produit national brut sera encore supérieure à 10p.c. et les principaux éléments de la demande maintiendront un rythme de croissance soutenu.

De plus, nous croyons que la hausse du PNB sera moins dépendante de l'augmentation de la productivité en 1973 et que la hausse de l'emploi sera beaucoup plus prononcée qu'en 1972. D'ailleurs, les deux premiers mois connus de 1973 nous laissent voir que nous sommes sur la bonne voie puisque, en effet, en janvier 1973, il y avait, au Québec, 41,000 personnes au travail de plus qu'en janvier 1972. En février 1973,l'augmentation était, par rapport à février 1972, de 79,000 personnes, soit un taux moyen mensuel de 60,000 personnes, alors que, en 1972, qui fut une très bonne année sur le plan économique, cette hausse mensuelle pour les deux premiers mois était d'environ 23,000 ou 24,000 personnes.

Donc, nous avons presque le triple de croissance de l'emploi. Tous les indicateurs nous laissent entrevoir que la demande devrait continuer et que les prochains mois nous permettraient de maintenir, sinon d'augmenter, les statistiques que je vous ai données. Dans l'ensemble, la conjoncture internationale est favorable à l'expansion et l'économie américaine connaît une vague de prospérité. Il semble donc raisonnable de penser que cette relance se répercutera au niveau de l'ensemble du Québec.

Dans un troisième temps, et en gage de conclusion, brièvement, M. le Président, je voudrais vous mentionner quelles seraient les grandes lignes d'action que le ministère que je dirige entend poursuivre au cours des douze prochains mois. Tout d'abord, les douze prochains mois nous permettront de mettre entre deux couvertures un document de stratégie de développement industriel et économique pour le Québec en collaboration, bien sûr, avec d'autres organismes comme en particulier l'Office de planification et de développement du Québec, avec le ministère des Finances, dans les politiques fiscales, et avec d'autres ministères à vocation économique.

Je pense que, dans les prochains mois, nous pourrions tenter d'identifier, grâce à l'effort de réflexion et de recherche qui s'est fait au cours des douze derniers mois, les grandes lignes d'action de notre intervention. Une stratégie implique des choix tant au niveau des secteurs qu'au niveau des régions, des types d'intervention et de groupes qui pourraient être privilégiés.

Je ne voudrais pas esquisser ici quels pourraient être ces éléments. Je préfère simplement vous dire que nous augmenterons nos efforts. Des réunions, d'ailleurs, sont prévues au niveau de l'ensemble de mon ministère les 10 et 11 avril prochain, pour tenter de faire un premier jet de réflexion. Quelques semaines après, nous devons tenir une autre séance de réflexion avec les ministères à vocation économique. Après, nous tenterons d'élargir le groupe à des organismes paragouvernementaux qui sont touchés par l'activité économique. On pense, en particulier, à la Caisse de dépôt et placement et à différents autres organismes paragouvernementaux qui interviennent.

Nous voudrions que cette stratégie de développement économique soit aussi un véhicule qui nous permettrait d'accélérer nos efforts au niveau de l'éducation économique. Nous avons quelques projets précis pour tenter do doter notre personnel enseignant d'un meilleur matériel didactique qui colle à la réalité québécoise.

On nous reproche, peut-être, d'avoir, d'une part, l'Annuaire du Québec et différents volumes statistiques qui sont un peu pour les spécialistes et d'avoir, à l'autre extrémité, presque le volume de l'école élémentaire en matière de géographie économique pour le Québec. Entre les deux, il n'est pas impossible que nous

tentions de mettre en chantier, avec notre direction générale des communications, un volume qui tenterait de définir non seulement l'activité secondaire, mais l'ensemble de ces données économiques du Québec, l'épargne, de comparer le bout de chemin que nous avons fait depuis une dizaine d'années, de comparer le Québec à d'autres régions et de tenter de sensibiliser les gens, particulièrement dans une perspective économique où nous assistons à la formation de blocs économiques, où l'effort, au niveau du commerce international, fait que les peuples sont de plus en plus dépendants les uns des autres et que nous ne pouvons uniquement, par loi ou en nous regardant le nombril, assurer notre progrès. Nous devons être de plus en plus conscients des réalités économique sur le plan mondial.

Dans un deuxième temps, nos relations avec le gouvernement fédéral devraient, au cours des douze premiers mois, nous amener à des prises de position très précises dans nombre de secteurs. Nous avons voulu, dans le contexte qui a été mentionné dans le discours du trône, voir, non pas ces affrontements, mais ces discussions de la manière la plus positive possible en ayant toujours à coeur, et uniquement, les intérêts de la province de Québec. Nous croyons que, dans nombre de secteurs, cela nous a donné des résultats positifs et nous entendons continuer. Nous croyons que la meilleure façon pour obtenir des résultats, c'est que le gouvernement doit avoir des dossiers étoffés. Il doit faire preuve d'une compétence, être sensibilisé à des problèmes, être capable de voir d'avance quels seront les sujets les plus importants qui pourront être discutés.

Je vous mentionne, en particulier, des rencontres prochaines prévues avec mon homologue du gouvernement fédéral et les collègues des autres provinces. Elles auront lieu le 9 avril, soit lundi prochain, et s'inscrivent, d'ailleurs, peut-être pour la première fois, dans le processus des rencontres prévues entre les premiers ministres des provinces à la fin de mai. Il est à prévoir, en effet, que les questions économiques vont prendre de plus en plus d'importance et nous ne voudrions pas être laissés de côté dans ce contexte.

D'ailleurs, dans une conférence récente à Toronto, qui n'a peut-être pas eu tout l'écho que j'aurais aimé qu'elle ait dans la presse locale, j'ai évoqué, devant le Canadian Club, et le journal Globe and Mail l'a rapporté, un premier concept qui mériterait d'être précisé davantage, le fait que, si le Canada représente politiquement une entité avec un système fédéral, avec plusieurs niveaux de gouvernement, on peut se poser de sérieuses questions afin de savoir si, effectivement, nous n'avons pas, à l'intérieur du Canada, des économies qui sont complètement différentes, qui ont des problèmes différents, qui ont des défis différents à relever.

Ainsi, peut-être faudrait-il, une fois pour toutes, que le gouvernement fédéral abandonne ce concept qu'il n'y a qu'une seule économie canadienne et que, lorsque celle-ci indique des points de faiblesse ou des points de maladie, il faille injecter à l'ensemble de l'économie canadienne, de l'Atlantique au Pacifique, des remèdes et des médicaments qui ne sont appropriés qu'à une seule partie du pays.

Je pense en particulier, et le gouvernement du Québec l'a déjà dit, qu'il était insensé en 1968, lorsque nous avions au Québec un taux d'inflation qui était d'environ 1.6 p.c. par année et un des plus bas au monde, de la part du gouvernement fédéral, d'injecter au malade, qui était surtout en Ontario, des médicaments qui ont fait qu'au niveau des politiques monétaires et fiscales, on tentait, lorsque nous avions 1.6 p.c. d'inflation, de combattre l'inflation, ce qui a eu pour effet d'accentuer le chômage chez nous.

M. le Président, ce concept me paraît extrêmement important, puisque chacune des régions du pays — on voit que l'Ouest canadien n'y échappe pas — a ses propres problèmes et veut les discuter avec le gouvernement fédéral. Cela n'exclut pas, évidemment, des efforts pour éviter le double emploi mais je pense que nous pourrions obtenir au niveau des autres provinces un certain appui à cette conception de la Confédération canadienne sur le plan économique.

Egalement, si nous avions ce concept des cinq régions et non des dix provinces, nous pourrions peut-être espérer plus facilement être représentés ou avoir une collaboration intense à certains des accords internationaux qui sont négociés par le gouvernement fédéral en matière de politique commerciale particulièrement et de politique tarifaire. On comprend que, dans le moment, c'est assez difficile pour le gouvernement fédéral d'arriver dans les discussions du "Kennedy Round" en compagnie des représentants des dix provinces, une d'entre elles, en particulier, ayant une population moindre que celle de la ville de Québec.

Au niveau du gouvernement fédéral, il faudra s'attendre, bien sûr, à une préoccupation de notre part, donc de la renégociation des ententes du GATT, à des efforts soutenus en ce qui touche les relations Canada-Etats-Unis, particulièrement le pacte de l'automobile et les politiques d'énergie. Il y aura également des discussions au niveau des subventions et primes aux industries québécoises, une discussion au niveau des propositions que pourrait formuler le ministère de M. Jamieson au niveau d'une stratégie de développement; déjà des rencontres sont prévues pour le 6 avril, vendredi prochain, ici à Québec, avec M. Lévesque et M. Jamieson. Au niveau de la recherche scientifique et de la recherche industrielle, nous tenterons de corriger l'écart flagrant qui a existé jusqu'ici. Finalement, au niveau des politiques d'énergie — nous pensons à la ligne Borden, aux ports pétroliers et au gazoduc, ce sont des dossiers que nous

surveillons de près. Au niveau des problèmes propres au ministère lui-même, il faudra accentuer la connaissance et le développement de nos secteurs industriels. Je pense que c'est essentiel qu'au ministère nous ayons tant vis-à-vis du gouvernement fédéral que vis-à-vis du secteur privé que vis-à-vis des partis d'Opposition, une certaine crédibilité et cette crédibilité ne peut s'obtenir simplement par des déclarations du gouvernement; elle s'obtient par un travail de longue haleine pour recruter du personnel compétent, pour se mettre méthodiquement à la tâche, pour mieux comprendre nos secteurs industriels, pour mieux comprendre les problèmes de nos industries, pour avoir une meilleure liaison avec ces derniers pour pouvoir par la suite, corriger certains de nos programmes qui pourraient ne pas coller à la réalité.

Nous verrons également, au cours des douze prochains mois, une augmentation de l'aide aux programmes d'exportation et cela se reflète dans le budget que nous allons discuter en détail. Je pense que le Marché commun offre des perspectives fort intéressantes à nos industriels québécois, mais que souvent ceux-ci ont des horizons trop fermés, ne semblent pas conscients du potentiel que peuvent offrir les marchés nouveaux. Egalement, il ne faudrait pas sous-estimer le fait que l'accroissement du niveau de vie dans des pays du Tiers-Monde, en particulier l'Amérique Latine, les pays d'Afrique, les pays asiatiques, offrent de nouvelles perspectives que nos hommes d'affaires doivent exploiter à fond.

Je sais que plusieurs d'entre eux sont capables de relever le défi, ils ont fait preuve de beaucoup d'imagination. Mais le gouvernement voudra, et on le retrouvera dans les crédits, épauler solidement le secteur privé pour stimuler nos programmes d'exportation et augmenter ainsi notre capacité de faire face à la concurrence internationale et de créer des emplois ici pour des produits destinés à l'étranger.

Troisième point, M. le Président, nous donnerons beaucoup d'importance au niveau de l'infrastructure d'accueil. Des programmes précis ont été annoncés par le ministre des Finances en ce qui touche la région de l'Estrie que j'ai visitée hier même, c'est-à-dire une subvention de $3 millions pour doter l'Estrie d'un parc régional dont l'absence a été peut-être dans une large mesure responsable de la stagnation du niveau manufacturier dans cette région. Les programmes des zones spéciales à Trois-Rivières et à Sept-Iles nous ont permis, au niveau de l'infrastructure, d'avoir de meilleurs services d'accueil. Mais, le budget même du ministère reflète je pense, dans une large mesure, ses efforts au niveau de l'amélioration de l'infrastructure d'accueil, tant au niveau de l'infrastructure elle-même que des services d'accueil. Bien sûr, rejoint à cela, il faudrait parler de nos programmes de commisariats industriels; on sait qu'il y a à peine un an le Québec avait moins de quinze ou seize commissaires industriels à plein temps alors que l'Ontario en avait plus de 85.

Le programme que nous avons mis de l'avant il y a quelques mois a donné, comme je l'ai mentionné, des résultats dans 28 agglomérations. Nous avons eu nombre de demandes et nous considérons que d'ici peu de temps nous aurons à peu près une quarantaine de commissaires industriels à temps plein capables de vendre aux quatre coins de la terre les avantages que peut offrir le Québec dans chacune de ces régions.

D'ailleurs, je sens de plus en plus que les Québécois sont conscients que souvent, en matière d'implantation, le problème ne se pose pas entre Shawinigan ou Trois-Rivières, si on a à l'esprit le cas récent de Bécancour, mais que le problème est souvent entre Bécancour et Sarnia ou même entre Bécancour et le Brésil, Je pense que, de plus en plus, nos régions sont conscientes qu'il faut abandonner un chauvinisme ou un esprit de clocher qu'elles avaient pu avoir et qui, dans nombre de cas, a pu être responsable du fait que le Québec a perdu des projets puisque les investisseurs pouvaient être un peu mêlés dans des disputes de clocher entre certaines de nos régions.

Au cours de la prochaine année également, M. le Président, au niveau des pêches maritimes, nous passerons de l'étape de la conception à l'étape de la réalisation, et les sommes assez importantes consacrées dans le budget nous permettront de réaliser les quatre parcs de pêche et de stimuler dans la région de la Gaspésie tout ceci.

Lorsque brièvement, et ce sera ma conclusion, M. le Président, on analyse le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce, on pourrait être tenté de dire que c'est un des seuls ministères qui a, au niveau des chiffres bruts, une diminution de son budget. Rien ne serait plus faux. Lorsqu'on compare le budget avec les budgets précédents du gouvernement, particulièrement les deux derniers, même les trois derniers, il faut se rappeler qu'il y a plusieurs années une très forte partie du budget de l'Industrie et du Commerce était reliée à des primes à l'industrie, suivant les arrêtés en conseil ou suivant les projets de loi 23 et autres.

Or, dans nombre de cas, les budgets votés n'avaient pas été dépensés parce qu'il est très difficile d'analyser le montant d'argent requis pour les primes et si les projets ne viennent pas, malheureusement, à la fin de l'année, nous avons des crédits périmés. Alors, si on prend les budgets réels dépensés par le ministère de l'Industrie et du Commerce depuis une période de sept ou huit ans et particulièrement depuis les deux dernières années, on se rend compte que c'est sûrement le ministère qui a connu le taux de croissance le plus élevé en pourcentage de tous les ministères du gouvernement.

Plus que cela, si on compare le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec avec celui des autres provinces, sur une base per capita, il faut se rappeler que nous avons le budget le plus élevé, c'est-à-dire que nous dépensons environ $7 par habitant alors

que, dans toutes les autres provinces, les montants varient de $1.20 à environ $3. L'Ontario est à $2.40, je pense, et la seule exception est la province de Nouvelle-Ecosse qui, par habitant, dépense plus que la province de Québec. Il faut également se rappeler que nous avons au Québec des secteurs, des organismes que d'autres provinces n'ont pas. En particulier, simplement depuis l'an dernier à cette année, il faut se rappeler que nous devrions théoriquement ajouter au budget du ministère de l'Industrie et du Commerce une somme de $9 millions que la Société de développement industriel peut maintenant octroyer et qui ne se trouve pas dans les crédits des ministères puisqu'elle se retrouve dans l'extrabudgétaire de la Société de développement industriel. Donc, si on veut faire une comparaison, même honnête, et c'est très difficile puisque nous nous sommes départis de l'Aquarium, qui est passé au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, il y a eu quelques changements, mais strictement en faisant une analyse rapide, il faudrait ajouter au montant que nous avons cette année de $43 millions, un montant d'environ $9 millions que nous avions l'an dernier de primes à l'industrie et que nous n'avons pas cette année puisqu'on le retrouverait indirectement au niveau de la Société de développement industriel du Québec.

M. le Président, ce sera brièvement mon exposé. Il y a tellement de bonnes nouvelles à donner, je sais que les mauvais nouvelles voyagent mieux que les bonnes, mais je ne peux pas m'empêcher de vous donner ce qui s'est fait dans l'ensemble du ministère. Avant de donner la parole aux partis d'Opposition, je m'en voudrais également de ne pas apporter un témoignage très sincère de la loyauté, de la compétence, de l'esprit de dévouement de mes fonctionnaires, qui m'ont admirablement bien secondé au cours des douze derniers mois. En parlant des fonctionnaires, je voudrais bien assurer que je n'ai pas uniquement à l'esprit les sous-ministres ou les directeurs généraux, mais l'ensemble de nos professionnels qui souvent, dans des conditions obscures, et j'en ai eu des témoignages vibrants de la part d'industriels québécois, travaillent énormément pour le Québec, soit au niveau de nos régions, soit à l'étranger dans les bureaux que nous avons, soit au niveau de nos groupes sectoriels.

D'ailleurs, ils travaillent tellement bien que c'est une des choses que l'on doit déplorer. Souvent, on envoie un professionnel aider une petite entreprise pendant quatre ou cinq semaines relativement aux problèmes de marketing ou de production; à la fin des quatre semaines, que ce soit à Actonvale, Granby, Sherbrooke, ou Trois-Rivières, invariablement, le chef d'entreprise demande à notre fonctionnaire quel est son salaire. A ce salaire, le chef d'entreprise s'empresse d'ajouter $5,000 plus une voiture, et alors, nous venons de perdre un fonctionnaire compétent. Je ne m'en plains pas, puisque je pense que c'est essentiel qu'il y ait une certaine mobilité dans les secteurs privé et gouvernemental.

Ce sera mon mot de la fin, M. le Président, j'espère que je n'ai pas été trop long. Mais je pense essentiel de tracer un portrait d'ensemble avant d'aborder, pièce par pièce, les différents programmes budgétaires.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): MM. les membres de la commission, est-ce que je pourrais faire seulement une suggestion, soit de modifier notre motion de tantôt remplaçant le député de Laviolette par le député de Rouville?

Le député de Shefford.

Critique de l'Opposition

M. RUSSELL: M. le Président, je voudrais d'abord, si vous me le permettez, remercier le ministre de nous avoir présenté ses fonctionnaires que nous connaissons, pour la plupart, depuis nombre d'années. Nous connaissons maintenant leur compétence et nous savons d'avance qu'ils vont, avec le même enthousiasme dont s'est servi le ministre pour nous faire un court exposé, nous fournir des informations et des réponses aux nombreuses questions qu'aura à poser l'Opposition au ministre, afin de rétablir au sein de l'Opposition et de la population l'enthousiasme que nous avions lors de la nomination du ministre au ministère de l'Industrie et du Commerce qui est, comme vous le savez, le plus important des ministères à vocation économique au Québec.

De plus en plus, le ministre de l'Industrie et du Commerce est vu au Québec comme le ministre de l'économie et le coordonnateur des interventions gouvernementales dans la vie économique. L'action du ministère doit donc être évaluée sur deux plans. D'abord, en tant que responsable de la bonne marche de l'économie québécoise et, ensuite, dans ses interventions dans les secteurs d'activité propre, c'est-à-dire surtout à l'industrie secondaire.

L'Union Nationale se déclare extrêmement déçue de l'action du ministère sur ces deux plans. De plus, le budget qu'on nous présente pour 73/74 ne nous permet pas d'espérer mieux l'an prochain. Le gouvernement libéral se vante depuis quelques mois de la situation économique du Québec qui serait des mieux portantes d'après les communiqués de presse. On cite des taux d'augmentation comme 10.5 p.c, comme l'a fait d'ailleurs le ministre ce matin, pour les dépenses des consommateurs; 10.4 p.c. pour le produit national brut et 11.5 p.c. pour le revenu personnel.

Un examen approfondi des statistiques économiques du Québec nous oblige à refroidir l'enthousiasme du gouvernement libéral. En effet, notre reprise économique n'est qu'un phénomène conjoncturel associé à la reprise économique nord-américaine, et elle est très précaire. Le Québec est dans une situation économique encore plus fragile qu'en 1970 parce que, à toutes fins pratiques, le gouverne-

ment n'a rien fait de substantiel depuis trois ans pour restructurer, renforcir l'économie québécoise. Quelques statistiques suffisent pour rétablir ces points. Les investissements nets dans le secteur de fabrication sont estimés, en 1972, à $665 millions. Pour le gouvernement libéral, c'est une augmentation de 23.6 p.c. par rapport à l'an dernier. Pour un analyste sérieux, toute comparaison avec 1971 est déplacée. L'année 1971 était la plus basse depuis 1964. En fait, en 1966, les investissements manufacturiers nets s'élevaient à $686.2 millions. En utilisant les statistiques à la manière libérale, on pourrait dire que les investissements manufacturiers nets au Québec ont baissé de 3.1 p.c. en six ans. La comparaison avec l'Ontario demeure le meilleur moyen d'évaluation de la performance économique du Québec en matière d'investissements manufacturiers. Le produit national brut de l'Ontario est plus élevé de 68 p.c. que le produit national brut du Québec. Par contre, les investissements manufacturiers nets en Ontario étaient supérieurs à ceux du Québec par 108 p.c. Pour simplement maintenir le décalage actuel entre le produit national brut de l'Ontario et celui du Québec, en supposant que les investissements manufacturiers sont à la base de la croissance économique, les investissements manufacturiers nets auraient dû être de $811 millions au Québec en 1972. On a eu donc un déficit de $156 millions dans ce secteur clé de 1972. En 1971, la situation était sensiblement la même. Rien ne semble changer.

La force de notre économie se mesure, en grande partie, par la vigueur de son industrie secondaire.

La croissance de la valeur des expéditions manufacturières est le meilleur indicateur de cette vigueur. Le taux d'augmentation en valeur des expéditions manufacturières du Québec est estimé à 6.8 p.c. en 1972 et à 5.5 p.c. en 1971. Si on soustrait l'apport inflationniste à ces taux d'augmentation, soit respectivement 6.2 p.c. et 3.7 p.c., on obtient des taux d'expansion à valeur réelle de 0.6 p.c. en 1972 et de 1.8 p.c. en 1971. Voilà l'essor de notre industrie secondaire. H n'y a rien pour se réjouir dans ces statistiques qui diffèrent sensiblement des taux de croissance de 10 p.c. et de 11 p.c. que les, publicistes du gouvernement publient à outran-' ce actuellement.

L'exportation des produits du Québec est à la base de notre développement économique. De 1966 à 1970, les exportations canadiennes d'origine québécoise ont augmenté à un taux moyen de 11.5 p.c. par année. Depuis 1970, elles sont plafonnées. Les estimations de 1972 indiquent même une baisse par rapport à 1970. La stagnation relative de notre industrie secondaire se reflète aussi dans la main-d'oeuvre qu'elle utilise. L'emploi durant les sept premiers mois de 1972 était inférieur de 6,700 à l'emploi durant les sept premiers mois de l'année 1971. On induit les Québécois en erreur en tentant de leur faire croire à une relance économique du

Québec. Le taux de chômage, même s'il ne tient pas compte des 100,000 emplois au Québec, est trop fort pour que la population accepte ces déclarations trompeuses. Depuis trois ans, l'économie québécoise piétine. Le nombre de chômeurs au Québec, officiel ou non officiel, demeure toujours le meilleur indicateur de la santé de notre économie.

Cet indicateur mentionne quelque trois cent mille chômeurs et démontre depuis trois ans un état de crise. Depuis trois ans, le ministre responsable...

M. SAINT-PIERRE: 300,000 chômeurs?

M. RUSSELL: C'est un chiffre, 300,000 chômeurs au Québec, que nous prenons dans les statistiques. C'est une moyenne. Ce n'est pas un chiffre...

M. SAINT-PIERRE: II me semble que nous n'avons jamais eu 300,000 chômeurs.

M. RUSSELL: On en discutera tout à l'heure point par point si le minsitre le désire, comme on le fera du court exposé qu'il a fait pendant quelques minutes tout à l'heure pour essayer de bâtir chez l'Opposition et la population un enthousiasme débordant dans lequel on reconnaît son habileté à l'occasion des exposés qu'il fait à travers la province de temps à autre, comme il l'a fait dans les Cantons de l'Est hier, et comme il l'a fait dans d'autres milieux, devant les clubs sociaux et autres.

Mais je voudrais ce matin, point par point, tâcher de donner des preuves très précises de notre inquiétude chez l'Opposition aussi bien que chez la population, et du malaise qui existe à l'intérieur du Québec, A partir de ceci, nous pourrons, dans les quelques jours ou les quelques semaines qui vont suivre, tâcher d'examiner point par point très objectivement le malaise qui existe. Le ministre pourra, entouré de ses fonctionnaires, nous fournir l'information qu'il faut pour obtenir chez nous la coopération nécessaire pour aider à maintenir chez nos industriels québécois, dans l'entreprise privée, et dans le commerce l'enthousiasme essentiel à une économie saine.

Je disais donc que le chômage, lorsqu'on parle de 300,000 chômeurs, démontre depuis trois ans un état de crise. Depuis trois ans, les ministres responsables de l'économie du Québec jouent à l'autruche, c'est-à-dire qu'ils ne prennent pas les moyens de sortir le Québec de son marasme. Cette année ne fait pas exception. Ainsi, le gouvernement prévoit 56,000 nouveaux emplois au Québec. Ceci ne couvre pas l'expansion naturelle de la main-d'oeuvre. Somme toute, le gouvernement prévoit non seulement qu'il y aura plus de chômeurs au Québec l'an prochain mais que le taux de chômage sera plus élevé l'an prochain. A moins, premièrement, que les Québécois émigrent ailleurs, c'est-à-dire qu'ils s'en aillent aux Etats-Unis ou

dans d'autres provinces, ou que l'on cache, comme on l'a fait dans le passé, nos chômeurs sous l'excuse des cours de recyclage. On en est rendu à un point tel que les gens se découragent de chercher de l'emploi et deviennent des employés permanents du Bien-Etre social. C'est-à-dire qu'on paie du bien-être à des gens qui ne s'enregistrent même plus au chômage et ne paraissent donc plus sur les listes.

Rien dans ce budget n'indique que le ministre de l'Industrie et du Commerce s'est préoccupé outre mesure de cette situation. On ne retrouve dans le budget que les mêmes remèdes usés des années passées.

Ainsi, le ministre parle depuis plus d'un an de l'élaboration d'une stratégie industrielle pour s'attaquer à la concertation ou à la faiblesse de notre structure économique. Malgré les promesses répétées, tout l'espoir, cette stratégie industrielle ne sera pas élaborée cette année. Le discours inaugural n'en fait pas mention; le discours sur le budget ne le mentionne pas non plus. Cependant, le ministre continue d'improviser dans les octrois de stimulants à l'investissement. Ainsi, on continue de consacrer des subventions et des efforts à l'industrie de la pétrochimie, malgré le très peu d'effets d'entraînement de cette industrie. Le rapport de la Chambre de commerce notait d'ailleurs, en annexe, cette aberration.

Il semble que notre politique industrielle n'existe que de nom. Les investissements étaient surtout le fruit d'une décision prise à New York ou le résultat d'une subvention qui vient d'Ottawa. Quant à la mesure budgétaire permettant la dépréciation accélérée de la machinerie industrielle pour fins de calcul fiscal, nul doute qu'elle favorisera une hausse des investissements en machinerie. Cependant, parce que cette mesure amènera une automatisation de la production, il est fort probable qu'elle entraînera aussi une dimunition des emplois industriels au Québec. En effet, cette mesure du gouvernement libéral favorise le remplacement des travailleurs par la machinerie, pour le plus grand profit des industriels. Pourtant, nos politiques économiques devraient favoriser l'emploi. Ceci est un autre exemple de l'incohérence de la politique économique du gouvernement Bourassa. On ne note aucune initiative, dans le budget de cette année, qui serait de nature à amener des changements structurels dans l'économie québécoise. La SDI voit son capital s'élever d'un maigre montant de $4 millions, même pas le double de ses coûts d'administration. La SGF reçoit une subvention qui ne fait que compenser les pertes qu'elle encourra de son fonds de roulement. Pourtant, le ministre de l'Industrie et du Commerce continue de parler de mesures pour canaliser l'épargne des Québécois dans le développement industriel. En pratique, il ne fait absolument rien pour réaliser cet objectif. On ne mentionne pas, dans le budget, le complexe portuaire à Québec que le gouvernement annonçait dans le discours inaugural. D'autre part, on annonce une subvention pour le parc industriel de Sherbrooke. Le ministre en a parlé tout à l'heure. Cette subvention semble plus électorale que rationnelle vu la proximité du parc industriel de Magog et l'état de sous-utilisation des surfaces actuellement développées du parc industriel de Sherbrooke.

La seule initiative gouvernementale digne de mention dans le budget traite du parc aéroportuaire et de Mirabel. Tout le monde sait que le développement de Mirabel, comme centre aéroportuaire, est très étroitement lié au statut du nouvel aéroport de Toronto. Pour diverses raisons qu'il serait trop long d'énumèrer, le développement de Mirabel, comme centre aéroportuaire, cargo, sera paralysé si le nouvel aéroport de Toronto s'accapare du gros des vols de passagers.

L'état actuel de ce projet, de même que les essais récents du gouvernement Bourassa dans la protection des droits aériens de Montréal, ne pouvant soulever l'enthousiasme des québécois quant à l'avenir de Mirabel, le gouvernement du Québec devrait faire preuve de beaucoup plus de détermination qu'il ne l'a fait dans le passé. Rien ne nous indique qu'enfin il fera preuve de détermination. En somme, l'Union Nationale ne retrouve aucune initiative qui pourrait faire redémarrer l'économie québécoise dans le budget 73/74. Les libéraux parlent de stratégie industrielle, de colonisation, des épargnes, de conversion de notre structure industrielle, de développement des industries de pointe, etc. Derrière ces mots, on ne décèle rien de nouveau, rien de novateur, rien qui peut amener les changements nécessaires à l'entreprise économique.

Dans les circonstances, il est malheureusement symbolique que le budget du ministère diminue de 5.6 p.c en 73/74 par rapport à celui de l'an dernier. Le ministre est à court de solutions. Pour un gouvernement qui met le développement économique en priorité, il ne consacre que 0.8 p.c. de son budget au principal ministère qui s'occupe d'économie. Ceci est se moquer des promesses de 1970, quand on constate que, même l'an dernier, vous aviez consacré 9.3 p.c. de votre budget à ce ministère.

M. le Président, je ne voudrais pas éterniser mes remarques. Je sais que nous aurons l'occasion de le faire, point par point, lors de l'étude des crédits du ministère. Je voudrais simplement répondre à quelques remarques qui ont été faites par le ministre ce matin.Lorsqu'il nous a parlé de différents projets, il a fait un peu une rétrospective des activités de son ministère.

Dans le domaine du chômage dont on a fait mention tout à l'heure, le ministre prétend que le chômage, n'est pas aussi élevé que je l'ai indiqué. Je pourrais simplement lui dire ceci: Le taux du chômage actuel n'est pas tout à fait, à mon sens, réaliste. Il a fait part tout à l'heure de l'augmentation des personnes du sexe féminin, dans le domaine du travail. C'est une façon de couvrir un peu le passage qui semble

désastreux dans le domaine du chômage. Je veux simplement lui foire remarquer, vu qu'il prétend avoir relancé l'économie de certains domaines, comme l'industrie des pâtes et papiers, que je n'ai vu dans cela aucun effort de la part du gouvernement autre que le relancement de l'ensemble de l'Amérique du Nord dans ce domaine particulier. Il l'a lui-même indiqué lorsqu'il a parlé de Saint-Raymond Paper tout à l'heure en disant que c'était le relancement ou la demande sur le marché du papier qui avait permis à cette usine en particulier de démarrer et de fonctionner à pleine capacité, comme elle le fait actuellement.

Je crois que, lorsque le ministre parle de commissaires industriels, il serait peut-être sage qu'il s'entoure de gens réellement compétents dans le domaine industriel, non pas simplement pour aller aider périodiquement la petite industrie. Ces commissaires devraient être en mesure de visiter l'industrie dans un territoire déterminé et de déceler les malaises de certaines industries, puis lui dicter ce qu'il y aurait à faire pour améliorer la situation. Parce que le problème actuel, c'est que nous avons des domaines désastreux.

Lorsqu'on a parlé de papier, je pense que dans le domaine du bois, actuellement, il y a un désastre, un malaise qui existe et qui s'accroît quotidiennement et annuellement. On ne semble pas être capable de foire un effort bien particulier pour relancer l'économie dans ce domaine. Actuellement, il y a un facteur qui, à mon sens, est un malaise qui va grandir de jour en jour. On parle de l'industrie du bois. Actuellement le Québec, dans l'industrie du meuble, est l'une des provinces les plus avancées, qui produit le plus, je pense, dans le Canada. Nous serons à la recherche, d'ici quelques années, de matière première, comme le bois franc. Lorsqu'on fait une analyse de ce domaine, on regarde ce qui se fait dans les autres pays et dans les autres provinces, et on va s'apercevoir qu'on a ramassé des déchets que le ministre n'utiliserait pas dans son foyer. Avec ces déchets, on produit une planche qui est beaucoup utilisée dans le meuble. On utilise presque totalement dans la construction du meuble ce bois qui est fait par ces usines de planches de particules.

Quand on regarde ce qui se fabrique dans le Québec et qu'on regarde dans le Canada, on voit que le Nouveau-Brunswick, cette petite province voisine, a deux petites usines qui fonctionnent, qui produisent presque 50 p.c. de la production canadienne et qui ramassent les déchets qui polluent nos cours d'eau; et le reste qui n'est pas jeté dans les cours d'eau est brûlé, il contribue à polluer par la fumée et il est utilisé pour faire une planche... Ce qui est important dans cette planche —cela me surprend qu'il n'y ait pas de fonctionnaires ou d'officiers du ministère des Terres et Forêts qui l'aient souligné — on prend les deux tiers de la matière première pour faire cette planche, et avec l'autre tiers, on fait une planche qui est utilisée dans le meuble; elle devient une planche de bois franc ou sert pour remplacer le bois franc.

Actuellement, le bois franc diminue dans la province, qu'on le veuille ou non; la quantité et la qualité diminuent d'une façon flagrante. On le laisse —j'en suis conscient— exporter chez nos voisins. Aucun grave reproche là-dessus, parce que c'est l'ensemble de notre politique qui est malade aussi. On a du bois qui se perd dans les forêts. On prend un arbre de bois franc qu'on abat, on n'utilise pas 50 p.c, 40 p.c, 35 p.c, et le reste demeure là. Le reste pourrait être utilisé pour faire des planches de particules et du papier. Cela ferait une matière première qui coûterait peut-être meilleur marché aux usines à papier. Elles pourraient l'utiliser. Je comprends que ces gens ont une certaine réticence à utiliser le petit bois, le bois détérioré, le bois franc.

Pour eux, ça ne se travaille pas si bien. Cela ne fait pas un papier aussi luxueux, cela fait un papier de qualité moindre. Mais peu importe, ça fait un papier qui se vend sur le marché québécois, sur le marché européen, ou sur le marché américain. Pour le Québec, il s'agit d'utiliser au maximum nos matières premières. Comme le ministère des Terres et Forêts ne semble pas bouger dans ce domaine, c'est un domaine où le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait faire un pas.

Je comprends que ce n'est peut-être pas, malgré toutes les qualifications que je reconnais au ministre, toute son expérience passée, nécessairement son domaine. Mais il devrait être capable de trouver quelqu'un qui est formé dans ce domaine et qui est capable de faire une enquête et de donner des détails au ministre pour que lui puisse prendre les mesures nécessaires pour corriger ce malaise. C'est un des malaises.

Je pourrais, dans chacun des domaines, arriver avec des situations un peu semblables. Lorsqu'on arrive trop souvent à faire des représentations, c'est pris à la légère et très facilement. Je sais qu'il y a des industries qui ont été ramassées, elles étaient presque en faillite, et on a demandé au gouvernement d'intervenir et de fournir une aide très sommaire.

On a vu, lorsqu'on a demandé à la Voirie de corriger la situation d'une route, une bataille qui a duré trois mois et, après ça, on a fait un petit fossé et, encore là, à moitié fait. Lorsque les gens qui ont relevé cette industrie et tout près de 300 employés en chômage et qu'on leur a donné du travail, on a dépensé au-delà de $1 million ou $1.5 million pour améliorer cette industrie.

Pour le gouvernement, ce n'était pas inquiétant, ça n'avait pas l'air beau sur le papier, ça ne paraissait pas bien. Nous avons été avisés du contraire. Nous avons dit à d'autres ministères: Au moins, faites votre part, votre travail, nous,

nous en dépendons, faites ce que vous devriez faire. Nous , nous avons fait cela.

Je ne sais pas si c'était un embêtement politique pour certains. J'espère que non. J'espère que le ministre est trop objectif pour laisser ses collègues ou ses fonctionnaires répondre à des demandes avec un esprit partisan. J'espère que le ministre fera en sorte de s'assurer que chaque cas est traité sur un pied d'égalité.

M. SAINT-PIERRE: C'est le même cas que vous avez soulevé l'an dernier?

M. RUSSELL: Oui, c'est le même. C'est un désastre, ça fait crier quand on voit l'enthousiasme qui a entouré tout ce développement. A un tel point que les gens qui ont relevé cette industrie sont un peu dégoûtés parce que, avant de le faire, on avait réellement exposé la situation. Il y avait une question d'administration à corriger, une question d'investissement. A ce moment-là, l'investissement a été fait, la correction a été faite, l'industrie fonctionne. Il y a au-delà de 300 employés qui travaillent malgré tous les autres malaises qu'on a eus.

On n'a même pas eu la collaboration du ministère de la Voirie pour corriger une situation flagrante. A mon sens, c'est un désastre. Je pourrais, et je le ferai durant l'étude des crédits, si le ministre le veut, nommer d'autres industries qui devenaient des compétiteurs flagrants, d'autres industries du même domaine ont été aidées à grand renfort de subventions qui leur étaient accordées, tant par le fédéral que par le provincial, et on leur a aussi accordé d'autres privilèges.

Je n'en veux pas à ces gens-là mais je dis que, dans ce domaine, le ministre devrait être extrêmement prudent, ne pas se laisser tirer le voile sur les yeux et laisser passer des choses comme celle-là. Je parle de celle-là, mais je pourrai donner au ministre d'autres noms d'industries qui sont dans un malaise semblable.

Je pourrais vous parler de Sogefor. Je peux aller dans les détails de Sogefor, si le ministre veut les avoir, car le cas de Sogefor, à mon sens, est une chose flagrante. J'en suis presque rendu à approuver ceux qui ont fait des marches, des manifestations pour dire que ces gens-là avaient presque raison à 100 p.c.

Ce* que je décèle de ça, quitte à avoir la preuve du contraire — et le ministre pourra me la dire à l'occasion de la discussion des crédits — c'est qu'on a eu la coopération du gouvernement pour faire exactement ce qu'on a fait là. Ce qui n'est pas acceptable pourrait être fait par un organisme comme celui qu'on reconnaît.

M. le Président, tout ceci pour vous dire que, dans ce domaine, nous pourrions faire un exposé, peut-être pas aussi long que celui du ministre, mais d'une façon très sommaire et, à l'occasion de ces quelques phrases, déceler le malaise qui existe dans le domaine économique.

Si l'on voulait travailler ensemble, il y a assez de gens qui veulent le bien de l'économie du Québec et le développement industriel pour bâtir l'industrie du Québec. Mais ceci, non pas avec l'enthousiasme politique, non pas en faisant de la politique ou de la politicaillerie, mais en procédant d'une façon très objective, comme on l'a fait dans certains cas, je le reconnais, mais non pas en subventionnant le parc industriel de Sherbrooke.

A mon sens, il y a d'autres façons de développer un parc industriel sans y aller de grandes subventions comme on l'a fait dans le cas du parc industriel de Sherbrooke. Je pourrai revenir sur le cas d'autres parcs tout à l'heure à l'occasion de la discussion des crédits. Je me sers du parc industriel de Sherbrooke parce que le ministre l'a mentionné.

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si je peux poser la question tout de suite.

M. RUSSELL: Oui. Vous pouvez poser la question.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'il n'y avait pas un certain consensus tant, objectivement, chez nos fonctionnaires que dans la population, qu'un des plus sérieux handicaps au développement de l'Estrie et au développement en particulier de Sherbrooke, était l'absence d'un parc qui se tenait réellement? Est-ce que, personnellement, vous trouvez que c'est un mauvais placement, un mauvais geste que d'avoir donné une subvention de $3 millions à la ville de Sherbrooke, spécifiquement pour un parc industriel?

M. RUSSELL: Je donnerai au ministre une réponse globale en ce qui concerne les subventions au parc industriel. Je regarde le parc industriel de la même façon que je regarde l'économie québécoise via le gouvernement central, le fédéral. Un parc industriel est un domaine local, qui se développe pour bâtir de l'industrie localement, qui aide au développement d'une ville. Donc, cela doit être supporté par les gens de la ville, quitte au gouvernement à donner un traitement particulier lorsque la municipalité se tourne vers le gouvernement pour faire des emprunts en vue d'un développement industriel qui soit contrôlé par le gouvernement, mais il faut le faire d'une façon très conservatrice, parce que c'est extrêmement délicat. Nous avons une mauvaise expérience, actuellement, dans la province avec ces parcs industriels. Nous savons ce qui s'est passé dans plusieurs cas. Je ne voudrais pas revenir là-dessus. Nous avons vécu ces expériences. Le ministre est parfaitement au courant. Les fonctionnaires sont au courant. C'est une politique à laquelle la province ne doit pas contribuer financièrement mais il importe que chacune des municipalités soit obligée de le faire elle-même. Elles seront alors beaucoup plus prudentes et le développement se fera d'une façon beaucoup

plus rationnelle et cela sera pas mal plus rentable.

D'ailleurs, je voudrais savoir quelle a été la subvention qui a été donnée à la ville de Magog, quelle a été la subvention qui a été donnée à la ville de Granby, quelle a été la subvention qui a été donnée à la ville de Cowansville. Par contre, ces villes ont toutes des parcs industriels très bien organisés. Naturellement, on a donné des subventions pour le développement des services comme cela se fait dans toutes les municipalités, pour des services communs. C'est normal. Mais qu'on garroche des subventions à partir de $2 millions pour des parcs industriels, cela voudrait dire qu'on voudrait que les industries s'en aillent toutes à Sherbrooke. Cela serait l'indication. Pourquoi pas le même traitement à Magog? Pourquoi pas le même traitement à toutes les autres villes qui ont développé des parcs industriels? Je pense que c'est là la réponse.

Je suis d'accord avec le ministre qui vient de s'apercevoir aujourd'hui — j'espère qu'il va en parler à son chef — que le fédéral doit se retirer de certains domaines économiques et laisser aux provinces le soin de se développer suivant leurs besoins et leur économie. Je n'ai pas d'objection à ce que le fédéral ait la coordination du développement économique mais chaque province doit voir elle-même à son propre développement économique. L'Ontario doit le faire, le Québec doit le faire, les Maritimes doivent le faire, parce qu'ils ont des besoins différents, des moyens différents et des matières premières différentes. On n'y arrivera pas par une politique d'égalité centrale en disant: On donne une subvention. Cela doit être la même dans l'Ouest, dans le Québec et dans les Maritimes. C'est un faux principe à mon sens et c'est de là qu'est venue la revendication constante du groupement que je représente via le fédéral. C'est un des arguments. Le ministre est sans doute parfaitement au courant depuis longtemps parce que c'est un domaine avec lequel il est extrêmement familier. Je suis convaincu que le ministre, avec son enthousiasme, réussira à convaincre le fédéral de se retirer.

D'ailleurs, je suis certain qu'il aura la coopération de la province voisine de l'Ontario, qui a les mêmes sentiments que lui, aujourd'hui, mais qui ne les a pas toujours eus. Elle s'est d'abord grassement servie dans le passé. Quand il a parlé de Sarnia, on sait la dépense qui a été faite par le fédéral à Sarnia. Il serait bien long d'entrer là-dedans et de sortir toutes les données. On sait combien cela a coûté au gouvernement pour faire le développement qui existe à Sarnia et on pourrait repasser plusieurs secteurs qui ont été développés dans l'Ontario de la même façon grâce au ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce du temps, qui était un fervent de la province de l'Ontario, à qui il semblait que le terrain était plus fertile dans ce coin et qui dirigeait les millions vers l'Ontario. Je ne lui en veux pas. Mais qu'il donne donc une chance au

Québec de se développer en laissant à la province le soin de se développer suivant sa propre notion. C'est ce que nous voulons et c'est ce que nous demandons au fédéral.

M. le Président, je pourrais continuer dans ce domaine, mais je sais que nous aurons l'occasion d'y revenir, point par point, au fur et à mesure que les crédits vont avancer et je sais que le ministre veut tâcher de nous fournir toute l'information qu'il possède et de nous indiquer, point par point, avec preuve à l'appui, la direction qu'il a l'intention de donner à ce ministère si important pour le développement économique de la province.

M. JORON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Lévis a demandé la parole, alors je suis le même ordre.

M. JORON: Je vous signale que je vous l'avais demandée avant lui.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): De toute façon, le député de Lévis a demandé la parole aussi. Alors, je maintiens le même ordre qu'à l'Assemblée.

M. ROY (Lévis): M. le Président, je vais essayer d'être bref. Je vous remercie d'abord de m'avoir accordé la parole. Je vais essayer d'être bref pour essayer de donner une chance à mon collègue du Parti québécois de se faire valoir.

J'ai écouté religieusement les déclarations du ministre, l'image qu'il nous a exposée de son programme et de la prospérité que nous avions déjà avec l'expansion industrielle grâce à l'aide de son ministère. Je me demande si le ministre n'est pas un peu comme un bon cultivateur. Il a fait des semences, il a été favorisé par la nature et il n'a que sa récolte à ramasser.

M. le Président, je crois qu'avec l'intervention que le ministre vient de faire et qui a touché à plusieurs points... Il y a des points sur lesquels le ministre a l'air de vouloir socialiser. Je ne dirais pas qu'il veut socialiser l'industrie, mais il a l'air d'être un peu socialisant. H ne faudrait pas ignorer nos industries déjà existantes. Mon collègue de l'Union Nationale, qui a parlé en connaissance de cause, disait tout à l'heure qu'elle a déjà eu le pouvoir et qu'elle a probablement eu à aider l'industrie. Probablement qu'elle n'a pas été assez longtemps au pouvoir pour tout faire et que le ministre récolte ce que le gouvernement de l'Union Nationale a semé. Ce sont des choses que l'on doit rassembler pour faire un tout.

Nous avons, comme le disait le représentant de l'Union Nationale, de petits parcs industriels. Il y a eu, à un certain moment, une inondation, je dirais, de parcs industriels. Toutes les villes ou les petites municipalités voulaient avoir leur petit parc industriel. IL y en a encore — j'assiste assez souvent à des assemblées de ces associa-

tions — qui n'ont pas une industrie, qui n'ont pas une rue, qui n'ont rien. Seulement, on a tenté, l'an passé, de donner la permission de faire de la construction domiciliaire dans ces parcs industriels qui ne servent pas à l'industrie, qui n'y serviront probablement jamais.

On a, chez nous aussi, dans mon comté, des parcs industriels. Comme le disait le représentant officiel de l'Union Nationale, ils ont fait leurs dépenses, ils ont passé par les municipalités. Dans ce temps-là, nous avions des fonds industriels, nous avions le privilège de pouvoir prêter à des industries qui venaient s'établir chez nous. Aujourd'hui, on nous a enlevé ce pouvoir. On nous donne, avec l'autorisation du ministère — et je suis d'accord sur ça — la permission de dépenser des sommes provenant d'un fonds industriel pour aménager notre parc, mais il s'agit toujours d'argent qu'on prend à même les taxes du contribuable.

Je voulais aussi toucher les subventions fédérales. Je suis d'accord sur ça. Je suis même un de ceux qui ont félicité le gouvernement, non pas comme député, parce que cela aurait été grave, mais comme président du syndicat industriel et président de l'industrie dans mon comté, dont une industrie a profité d'une subvention.

Cela me fait un peu penser à des villes qui sont prospères quand elles empruntent et dépensent. Je pense qu'il y a plusieurs industries qui ont profité des subventions. Maintenant, elles sont prospères. Quand j'entendais le ministre parler de prospérité tout à l'heure... Elles sont prospères parce qu'elles ont de l'argent. Mais il ne faudrait pas non plus s'arrêter à demander de nouveau de l'argent parce que demander de l'argent pour renflouer une industrie, que ce soit au gouvernement provincial ou au gouvernement fédéral, ce n'est pas de l'administration. Je crois que le problème n'est pas dans la production, le problème n'est pas dans la main-d'oeuvre non plus, le problème n'est pas dans la distribution, mais dans la distribution aux consommateurs. Je me suis plaint déjà, dans le temps où je faisais partie de cette commission, qu'on avait de la marchandise... Etant commerçant moi-même, j'ai acheté de la marchandise québécoise, de la marchandise canadienne, et j'ai aussi acheté de l'importation. C'est bien beau de dire à nos Canadiens, quand ils arrivent dans nos magasins: Cela, c'est de la marchandise de chez nous. Elle est plus chère, mais c'est de la marchandise du Québec. Cela lui passe deux pieds par-dessus la tête. S'il peut avoir à peu près l'équivalent pour un dollar meilleur marché, le gars l'achète, parce que tout le monde a besoin de son argent.

Je crois que le ministère devrait prendre les mesures nécessaires pour faire des rencontres avec Ottawa non pas pour qu'on puisse mettre une barrière, mais qu'on puisse imposer une obligation ou une taxe qui reviendrait au provincial ou au fédéral pour stabiliser cette marchandise suivant sa valeur. Ce sera une bonne chose, parce que si la marchandise du Québec est distribuée et elle est fabriquée ici avec nos ressources du Québec ou du Canada, cela va empêcher le chômage de s'accroître. Je crois que le ministre devra y penser, s'il n'y a pas encore pensé, mais j'ai vu dans son exposé qu'il pensait peut-être à tout. J'ai toujours été opposé à détruire ou à dire que le gouvernement ne fait pas bien. Quand je n'ai pas la preuve qu'il a mal fait, je n'ose pas le dire, j'attends qu'il ait mal fait, il est peut-être parfois trop tard, et prévenir vaut mieux que guérir, mais quant à critiquer avant de savoir si c'est bon, il faut plutôt donner la chance au ministère d'imposer sa politique avant de le critiquer.

M. le Président, je reviens aux parcs industriels. Je suis de l'avis de mon collègue, de l'Union Nationale, que nous ne devons pas faire d'esprit de clocher, comme le ministre l'a laissé entendre tout à l'heure. On ne peut pas demander aux gens de chez nous d'aller travailler à Sherbrooke, ou alors, ils vont se déplacer pour aller demeurer à Sherbrooke. Si c'est à 35 ou 40 milles, comme le parc industriel qui a été ouvert dans le comté de Portneuf, c'est une chose qui peut se faire. Mais nous avons aussi des parcs industriels, nous en avons un à Saint-Romuald, qui est en pleine expansion, il y en a un à Lauzon aussi qui dessert une bonne partie de territoire mais je peux dire au ministre d'après l'expérience que j'ai, que, depuis que le gouvernement a repris le contrôle des fonds industriels, pas une seule industrie n'est venue s'établir chez nous. Cela veut dire que, quand on arrive avec un projet, il ne suffit pas que tout le monde soit honnête, d'avoir de bons fonctionnaires, car le ministère, quand il a des obligations dans un parc industriel, est tenté d'essayer d'offrir sa propre affaire, parce qu'il en est le propriétaire, ou de donner des subventions. Mais nous, avec nos petites municipalités, nous sommes obligés de passer à travers et les industries que nous avons eues dans notre parc depuis qu'on nous a enlevé nos fonds industriels sont des industries que nous avons financées avec l'argent du contribuable de chez nous et avec des emprunts des Caisses populaires qui nous ont aidés.

Ce sont ces industries-là que nous pouvons avoir dans nos parcs, autrement, la grande industrie, nous ne pouvons plus y toucher depuis que le ministère a pris possession des fonds industriels, etc.

Ce sont les quelques conseils et remarques que je pouvais donner, suivant mon expérience, au ministre. S'il veut en tenir compte. J'aurai probablement l'occasion, à l'étude des crédits, d'avoir d'autres questions à lui poser et je connais le ministre, il va être très honnête et il pourra me répondre pour donner satisfaction aux intéressés. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, on se trompe si l'on pense que le ministère de l'Industrie et du Commerce et les politiques que nous a esquissées le ministre, ce matin, vont être utiles dans la lutte contre le chômage au Québec qui, pour nous, reste, bien entendu, le principal problème. Un taux de chômage de 8.3 p.c, moyenne de l'année, encore cette année, est inacceptable; au-delà de 10 p.c. en hiver, c'est évidemment — les chiffres parlent par eux-mêmes — tout à fait inacceptable.

Je pense que le ministre se trompe gravement quand il nous disait il y a un moment qu'en période où l'investissement dans le secteur privé semblait vouloir reprendre, ainsi de suite, on devait profiter, en quelque sorte, de cette chance pour diminuer le montant des investissements publics ou de l'effort fait du côté du secteur public. C'est en contradiction très nette avec ce qu'a souligné Michel Bélanger, l'ancien conseiller économique du gouvernement qui est devenu président de la Bourse de Montréal. Il disait que les objectifs, dont certains ont été énoncés par le ministre ce matin, de restructuration industrielle, de refaire notre structure industrielle, ainsi de suite, des mesures de promotion des entreprises déjà existantes, cet effort de modernisation a souvent pour effet de diminuer la main-d'oeuvre employée. Ce sont des investissements qui, en soi, ne sont pas particulièrement générateurs d'emploi. On le sait, d'ailleurs, on dit que justement un des défauts structurels de l'économie du Québec est d'avoir des industries trop axées sur ce type de secteur industriel qui emploie beaucoup de main-d'oeuvre et on doit les déplacer vers des secteurs à plus forte intensité de capitaux mais qui ont ce désavantage de créer moins d'emplois.

Or, il reste, on le sait par les prévisions démographiques, qu'on va traîner à peu près encore pour cinq ans un sérieux problème de chômage du fait de l'entrée considérable de nouveaux travailleurs sur le marché du travail. Qu'est-ce qu'on peut faire? Ici, je m'aperçois très bien qu'on ne parle pas spécifiquement du rôle du ministère de l'Industrie et Commerce, mais de l'ensemble de la politique économique du gouvernement. Dans une circonstance semblable, qu'est-ce qu'on peut faire? Bélanger disait: II n'y a pas 36 solutions; en même temps que le gouvernement, par le truchement du ministère de l'Industrie et Commerce doit poursuivre la modernisation et la restructuration de notre base industrielle, il doit aussi, temporairement, se préoccuper, par des investissements publics accrus, par des dépenses publiques accrues, de créer des emplois qui n'ont pas une permanence aussi grande que ceux qu'on peut créer dans le secteur industriel, mais des emplois temporaires. Il suggérait, par exemple, les travaux publics habituels qu'on connaît: voirie, habitation surtout, ainsi de suite, qui sont multiplicateurs d'emplois à un rythme assez considérable.

Le gouvernement et le ministre des Finances, d'après son discours du budget — je ne veux pas reprendre ce que je disais hier soir en Chambre — semblent l'avoir écarté. Le ministre reprenait cette philosophie en disant ce matin que maintenant qu'on est dans une période temporaire d'augmentation des investissements dans le secteur privé, on doit garder en réserve pour plus tard, au cas où il y aurait une diminution, des investissements publics accrus. Je suis en profonde contradiction avec cette théorie. C'est nous dire tout simplement qu'on va maintenir, pour encore cinq ans, un taux de chômage qui est déjà inacceptable. D'ailleurs le ministre des Finances lui-même, en prévoyant que la création de nouveaux emplois en 1973 pourrait être le double de ce qu'il a été en 1972, c'est-à-dire passer de 28,000 à 56,000, c'était le double, c'est à peu près le nombre de nouveaux travailleurs qui vont entrer sur le marché du travail. Cela veut dire que la création, même doublée, d'emplois en 1973 n'aura pour effet que d'absorber les nouveaux travailleurs.

Environ 200,000 personnes qui sont déjà en chômage vont y rester. Et le taux de chômage va se maintenir. Cela a fait l'objet d'une discussion plus large que celle que nous avons eue, que celle que nous commençons d'avoir pendant le débat sur le budget. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point-là.

On peut se demander maintenant, ceci mis à part...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une petite question?

M. JORON: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Appliquez donc le même raisonnement que vous venez de donner concernant le choix dans la production d'énergie entre l'hydro-électrique, le nucléaire et le thermique. Est-ce que ce n'est pas exactement la même chose?

M. JORON: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

M. SAINT-PIERRE: Ce que je veux dire, c'est qu'en choisissant l'hydro-électrique en dehors même des coûts qui étaient substantiellement moindres — je pense qu'on vous en a convaincu — est-ce qu'il n'y avait pas ce choix selon lequel pendant une période de six ou sept ans, on avait un niveau d'emploi, parce qu'il y avait des investissements plus grands sur une période de temps et qu'après cela les frais d'exploitation étaient moindres? N'est-ce pas ce choix-là qu'on faisait concernant le nucléaire où les niveaux des investissements auraient été moindres au départ, où il y aurait eu beaucoup moins d'emplois dans les quatre ou cinq premières années, beaucoup plus par la suite, et, évidemment, au total, des sommes plus élevées.

M. JORON: Je ne veux pas faire dévier le débat sur la baie James. Je sais qu'on a beaucoup de plaisir à discuter de cela ensemble. Mais je vous rappelle tout simplement ce que Boyd disait, il n'y a pas tellement longtemps. Le projet de la baie James n'était pas conçu pour créer de nouveaux emplois, mais, avant tout, pour produire de l'électricité. Il constatait que, cette année, le nombre de gars qui seront employés sur le chantier, plus les emplois créés indirectement à l'extérieur, s'élèveraient à 9,000. Or, le programme des travaux de cette année est approximativement de $200 millions. Mettez ces mêmes $200 millions ou la moitié de ces $200 millions dans les travaux publics autres que ceux de la baie James, comme si on avait fait du nucléaire, ce qui a nécessité moins d'investissements au départ, comme vous venez de le souligner. C'est exact. Mettez cela dans l'habitation. C'est à peu près 17,000 emplois au lieu de 9,000 que vous auriez créés. Alors, la baie James est au contraire quelque chose qui, en drainant beaucoup d'investissements vers ce secteur peu productif d'emplois, aussi bien dans l'immédiat que dans l'avenir... D'ailleurs, cette affaire sera conduite finalement, quand la construction sera finie, par combien de personnes? 500 au maximum? Au lieu de drainer infiniment de ressources vers des investissements dans ce secteur, ce qui réduit d'autant la marge de manoeuvre du gouvernement dans d'autres secteurs, on aurait dû justement peut-être choisir le nucléaire en raison de cela. C'est que cela aurait nécessité des investissements moindres au départ, ce qui aurait permis d'en faire dans l'habitation pour répondre au problème du chômage.

M. SAINT-PIERRE: Je n'en suis pas convaincu.

M. JORON: Je sais bien que vous ne l'êtes pas. Cela fait deux ans qu'on en discute. Ceci dit, M. le Président, pour revenir plus spécifiquement au rôle qu'a tracé le ministre de l'Industrie et du Commerce, je voudrais parler essentiellement de deux choses, diviser en deux mes commentaires, d'abord, sur l'action à court terme que pourrait faire le ministère de l'Industrie et du Commerce puis, dans un second temps, sur l'action à moyen terme et à plus long terme. La restructuration industrielle et tout cela, ce n'est évidemment pas quelque chose qui produit des effets à court terme. On en reparlera tout à l'heure. Mais dans l'immédiat, qu'est-ce que devrait, d'après nous, être le rôle du ministère de l'Industrie et du Commerce?

On vient tout juste, il y a deux mois, d'assister à des rajustements dans les parités entre les valeurs des différentes monnaies, ce qui a eu pour effet de dévaluer le dollar américain et, par la suite, le dollar canadien dans une proportion considérable, surtout si on rajoute la minidévaluation de 1971 à celle de cette année. Ceci a eu pour effet global, depuis deux ans, de créer un écart, entre la valeur de notre monnaie et celle des principales monnaies européennes, de pas loin de 20 p.c. au total. En moyenne, à peu près de 12 p.c. à 15 p.c. cette année. Il y avait eu 6 p.c. ou 7 p.c. il y a deux ans. Subitement, depuis un an et demi à peu près, vient de se créer un avantage compétitif pour les Nord-Américains, aussi bien les Canadiens que les Américains, de pas loin de 20 p.c.

On le voit très bien, si on prend seulement un exemple, le prix des automobiles. On s'aperçoit très bien que les automobiles européennes ne sont plus du tout compétitives sur notre marché, en raison de la réévaluation de leur monnaie. Que ce soit dans le cas des voitures allemandes ou françaises ou japonaises, l'augmentation des prix va se traduire très certainement par une diminution des importations. On a maintenant grâce à cela — mais cela ne durera pas indéfiniment; si on n'en profite pas tout de suite — l'avantage de ces rajustements entre les monnaies. Je dirais même que cette année et, même cet été, à long terme, à moyen terme — même pas à long terme — cet avantage sera perdu.

Dans une circonstance aussi favorable aux industriels québécois, qu'est-ce que le ministère devrait faire d'après nous? Il devrait organiser et consacrer des fonds supplémentaires à un énorme effort de promotion de vente des produits québécois, des produits faits par les industriels québécois, spécialement peut-être sur le marché européen. On sait que la saison des foires et des expositions commerciales commencera bientôt en Europe. C'est une formule qui est beaucoup plus développée en Europe qu'elle ne l'est en Amérique du Nord. C'est un mécanisme de point de contact entre acheteurs et vendeurs qui est beaucoup plus développé en Europe qu'il ne l'est ici. Cela s'ouvrira bientôt. Ce que nous, nous aurions souhaité voir, c'est un programme d'urgence du ministère de l'Industrie et du Commerce. Que l'on nous annonce tout de suite — c'est ce que nous réclamons — un programme spécial et des fonds supplémentaires, des crédits supplémentaires consacrés à un effort de promotion de ventes considérables dans les mois qui viennent, pour bénéficier de cet avantage compétitif.

Cela m'amène à parler du rôle que jouent à l'étranger les bureaux du ministère de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que leur rôle principal, à l'étranger, doit être la promotion des ventes des industriels québécois, l'identification de marchés et ainsi de suite? Ou est-ce que cela doit être le rôle de ce que j'appelle la quête d'investissements? Or, on sait, par les politiques maintes fois répétées du gouvernement libéral depuis 1970 — et je sais aussi de vive voix par des amis personnels qui travaillent dans des bureaux du Québec à l'étranger, soit la mission commerciale à New York, à Chicago ou d'autres du genre — que la préoccupation principale d'un grand nombre, enfin peut-être même l'occupation principale de la majorité de ces

bureaux, c'est la quête aux investissements. On court de façon effrénée en quête d'investisseurs. Venez bâtir une usine au Québec. On ne se rend pas compte très souvent, par un manque de coordination ou de vision ou je ne sais pas trop quoi, que quelquefois on emmène au Québec un industriel nouveau, un nouvel investisseur qui viendra s'installer ici, précisément dans un secteur où il existe une entreprise québécoise, petite ou moyenne, qui voudrait grandir, et nous déployons nos ressources publiques à courir des concurrents pour les amener ici, faire des difficultés à nos entreprises, plutôt que de nous occuper de la promotion des ventes à l'étranger des entreprises qui existent déjà au Québec. Cela me semble être une erreur capitale. Il faudrait donner cet égard des directives très strictes, il faudrait à toutes fins pratiques que le gouvernement ait une politique d'expansion, de développement industriel.

Pour notre part, c'est la forme principale d'aide à l'entreprise privée que pratiquerait le Parti québécois s'il devenait le prochain gouvernement. Il s'ingénierait principalement à favoriser les ventes à l'étranger, l'éclosion, la sortie sur les marchés extérieurs de nos entreprises. On sait très bien qu'à l'intérieur du cadre canadien dans lequel on vit depuis 100 ans et davantage, nous n'avons pas débouché sur les marchés internationaux. Ce sont les autres qui ont été nos porte-parole sur les marchés internationaux et les Québécois ont été largement confinés au marché du Québec. C'est encore bien plus vrai d'ailleurs pour les Québécois francophones, à l'exception récente d'un cas comme Bombardier. C'est un des premiers exemples. On pourrait même dire — et les statistiques pourraient le prouver — que le pourcentage des expéditions manufacturières des entreprises québécoises appartenant à des francophones qui vont à l'extérieur des frontières du Québec découle pour au moins la moitié de la seule entreprise Bombardier. A toutes fins pratiques, nos industriels ne vendent rien à l'extérieur du Québec. Il est donc extrêmement important que le gouvernement du Québec — je pensais que c'était le député de Beauce qui était assis là; j'allais dire: II y a Vachon qui vend des petits gâteaux au Manitoba, mais...

M. PERREAULT: ... du Canada.

M. JORON: ... mais en pourcentage des expéditions manufacturières, c'est une fraction insignifiante. Il faut organiser cela une fois pour toutes. Ce ne sont pas les autres qui vont le faire pour nous, ce ne sont pas les sièges sociaux de Toronto qui le feront, ce ne n'est pas le gouvernement fédéral qui le fera non plus, si nous ne nous mettons pas dans la tête de le faire nous-mêmes. Nous, nous voudrions créer deux choses et ce sont les deux aspects principaux de notre politique d'aide aux industries privées québécoises.

D'abord une banque d'exportation et d'importation pour aider au financement de la vente à l'étranger et pour permettre à nos entreprises de déboucher sur les marchés internationaux. Deuxièmement, la création — je ne sais pas le nom exact...

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, la banque, est-ce que ce n'est pas un consortium à l'exportation? Est-ce qu'elle joue le même rôle qu'au fédéral, le financement...

M. JORON: Oui, le financement des exportations d'une part. Cela est une activité financière. D'autre part, une activité commerciale par la création, un peu à l'exemple des grandes sociétés commerciales japonaises, d'une société — cela pourrait être sous l'égide du ministère de l'Industrie et du Commerce — publique de ventes, de distribution à l'étranger. Qu'on ait un organisme, un supergrossiste. Je disais tout à l'heure que nos bureaux à l'étranger devraient voir à la promotion des ventes de nos entreprises, à montrer les produits, à les faire connaître, etc., mais il y a quand même des entreprises qui ne sont pas équipées parce qu'elles sont trop petites ou moyennes pour aller faire sur le terrain là-bas leur vente, et arranger les expéditions, avoir des dépôts, etc. Il y a quelque chose qui manque, c'est le réseau de distribution. Il faudrait — et c'est ce qu'on proposerait de faire, nous, immédiatement, si on devenait le gouvernement — une société publique d'exportations, c'est-à-dire commerciale, qui aurait pour fins d'assurer la vente à l'étranger des produits faits chez nous par les industriels québécois. Ce sont deux des mesures. Cela vise à la promotion des industries existantes. On n'a pas encore parlé de la création de nouvelles industries. On n'a pas encore parlé de la modernisation d'un certain nombre de secteurs devenus désuets et d'une rationalisation de notre structure industrielle. C'est une autre série de problèmes évidemment dont les effets se feront sentir à plus ou moins long terme. Je vais y arriver dans un instant.

Je disais tout à l'heure qu'au lieu de quêter à l'étranger des investissements, de viser à emmener des industriels ici qui, souvent, entrent en concurrence avec de petites entreprises qui essaient de naître chez nous, c'est faire fausse route. Je pense que le meilleur exemple de ça nous est fourni par le rapport Fantus. Je ne sais pas. Le ministre n'a pas dit encore quelle utilisation il entendait faire du rapport Fantus, ce qu'il en avait retenu et de quoi, parmi les recommandations et constatations faites dans ce rapport, il voulait se servir. En insistant, par exemple, sur l'image que nous projetons à l'étranger, on ne sais pas si les points négatifs selon les investisseurs étrangers seraient le syndicalisme trop militant ou ainsi de suite. Est-ce que le gouvernement veut se servir de ce rapport pour continuer ce qu'il a entrepris de faire depuis deux ans, à savoir, la discréditation

systématique du mouvement syndical? Est-ce à cela que vous voulez employer — ce n'est pas vous personnellement qui êtes peut-être visé, je parle du gouvernement en général — le rapport Fantus? Qu'est-ce que cela nous donne de savoir cela? Dans les constatations les plus spectaculaires qui découlent du rapport Fantus, il y a toute une série de platitudes insignifiantes comme, par exemple, le fait d'apprendre que 22 p.c. des industriels qui se sont installés ici changeraient d'avis si c'était à recommencer.

Je vous signale que c'est le même cas partout. C'est probablement le même cas au Texas. C'est probablement le même cas en Ontario. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire qu'il y a un certain nombre de gars qui ont ouvert un certain nombre de commerces ou d'industries et qui se sont aperçus que ça n'allait pas aussi bien qu'ils le pensaient. Ou ils ne font pas d'argent et, probablement, si c'était à refaire, qu'ils ne partiraient pas dans cette ligne-là.

On pourrait même dire la même chose des députés. Il y a peut-être 22 p.c. des députés qui, si c'était à refaire, ne se représenteraient pas. Il y a peut-être aussi 22 p.c. des ministres qui changeraient d'idée si c'était à recommencer. Je ne sais pas. C'est une statistique qui ne veut rien dire.

M. GAGNON: Plus que ça pour les ministres!

M. JORON: D y a une chose bien curieuse.

M. SAINT-PIERRE: II va y avoir 22 p.c. des députés qui ne changeront pas d'idée, mais les autres gens vont changer d'idée. Les électeurs vont changer d'idée.

M. GAGNON: C'est ça qui renverse un gouvernement!

M. SAINT-PIERRE: Vous l'avez appris.

M. JORON: II y a une chose importante, une chose intéressante qui est signalée par le rapport Fantus. Il y a une différence notable entre la perception qu'ont les Américains, à l'étranger, du Québec et celle de ceux qui sont ici ou en Ontario. Cela découle du fait suivant. Il est clair que, dans la plupart des grandes entreprises installées ici — on le sait, pas besoin de statistiques qu'on connaît depuis longtemps et que les rapports de la commission BB et tout ce que vous voulez nous ont maintes fois démontré — la direction que ces grandes entreprises est anglophone et non pas francophone, que ce soit la minorité anglophone du Québec ou des Ontariens qui, souvent, sont les managers pour des propriétaires étrangers américains. Quelle perception les Américains peuvent-ils avoir de ce qui se passe ici? Ils l'ont, la plupart du temps, à travers les managers de leurs filiales installées ici. Ces gens, je viens de le dire, qui sont-ils? C'est souvent la minorité anglophone. Des gens qui, par définition, craignent la perte de privilèges qu'entraîne la montée croissante des Québécois, la montée du Parti québécois entre autres, et ainsi de suite.

C'est bien entendu que, par définition, ça leur fait peur. Cela leur fait peur parce qu'ils savent qu'au bout de la ligne, éventuellement, ils vont être remplacés par des Québécois à la direction de ces postes. Quelle sorte de rapport pensez-vous que ces gens-là vont faire à leurs propriétaires étrangers? C'est bien évident qu'ils vont leur dire que la situation politique d'ici est instable. Mais est-ce que c'est la situation politique du Québec en général ou si c'est leur situation dans le contexte politique québécois? Il y a une fichue différence entre les deux.

Le jour où ce problème va se régler, c'est le jour où les managers des filiales des compagnies étrangères, oeuvrant ici seront remplacés par des autochtones. C'est la raison pour laquelle, par exemple, dans le cas des investissements qui apparaissent au programme du Parti québécois, il y a certaines règles de fonctionnement pour le capital étranger. Il y a un point majeur, entre autres. Je vous fais grâce des autres et je ne vous parle que de celui-là. La majeure partie des cadres employés au Québec doivent être des résidents québécois, des citoyens québécois, quitte à donner un délai raisonnable aux entreprises pour les remplacer ou pour les former, de façon que, même quand ça restera des filiales étrangères dans un bon nombre de secteurs, les activités de ces entreprises établies au Québec soient faites par du personnel local comme les entreprises étrangères le font d'ailleurs partout dans le monde où elles vont s'installer.

Chez IBM-France, par exemple, qui emploie, si ma mémoire est fidèle, plus de 50,000 employés, il parait qu'il y a sept Américains sur les 50,000...

M. SAINT-PIERRE: ... où la langue de travail au niveau du conseil d'administration est l'anglais,

M. JORON: Laissez-moi donc, vous!

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous...

M. JORON: La langue de travail au niveau du conseil d'administration...

M. SAINT-PIERRE: ... de IBM-France est l'anglais.

M. JORON: Oui? Vous avez demandé cela à Jacques...

M. SAINT-PIERRE: ... de Maisonrouge...

M. JORON: ... de Maisonrouge? C'est lui qui vous a dit cela? Je regrette...

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous la donner...

M. JORON: ... mais s'il n'y en a que sept dans toute l'administration, comment voulez-vous que la langue de communication soit l'anglais. Il est bien entendu que, s'ils envoient des télégrammes à New-York, ils les envoient dans la langue qu'ils voudront et cela a relativement peu d'importance.

M. SAINT-PIERRE: Non. Intégration de la production et du réseau de distribution entre les différentes succursales dans les différents pays européens où l'anglais est le véhicule utilisé.

M. JORON: Que l'anglais ou que n'importe quelle autre langue soit une langue de la communication internationale, je n'ai aucune espèce d'objection à cela. Cela restera vrai, c'est bien évident, dans un Québec indépendant. Mais quand on parle de français, langue de travail, on ne parle pas de ces cas, de quelle façon le gars va communiquer avec son bureau à New York, de quelle façon il va communiquer avec son bureau à Zurich, à Milan ou à Londres. Ce n'est pas de cela que nous parlons. Nous parlons de la langue de travail du monde ici. Mais il y a plus important que la langue utilisée aussi. Il y a le fait que les gens en place, si on veut s'assurer que le comportement de ces entreprises...

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse.

M. JORON: ... soit conforme aux intérêts de la collectivité et le reflète dans une certaine mesure, soient des autochtones. C'est un genre de loi auquel vous devriez penser. Vous pourriez peut-être y songer. Je ne sais pas si c'est possible, je ne suis pas un expert constitutionnel, de penser à une telle loi dans le cadre constitutionnel actuel, si cela serait une loi ultra vires ou pas. En tout cas, vous pourriez essayer, en attendant la souveraineté qui vous permettrait de le faire.

Du rapport Fantus, je pense qu'il n'y a pas grand-chose à conclure, si bien que, dans un certain sens —je ne sais pas combien a été dépensé pour faire ce rapport — cela m'apparaît un rapport inutile, si cela n'était que pour l'utilisation que le gouvernement veut en faire dans des buts politiques autres que d'apprendre vraiment quelque chose d'utile et qui pourrait guider son éventuelle stratégie industrielle que nous attendons depuis des générations et que le ministre nous a encore promise ce matin.

Parce qu'il y a un facteur capital qu'il ne faut pas oublier. Le développement industriel du Québec — et le ministre le sait — l'expansion de notre économie vient à 99 p.c. d'entreprises déjà établies ici. Ce n'est pas l'ouverture d'un gars qui n'a jamais mis les pieds au Québec, qui arrive tout d'un coup et qui vient s'installer ici qui fait l'expansion de notre économie. C'est l'agrandissement de ce qui est déjà là ou d'une industrie à l'oeuvre dans un secteur et qui en ouvre un autre. C'est déjà sur place. Alors, le fait de savoir la perception que les gens à l'étranger peuvent avoir du Québec ne m'apparaît pas du tout être un élément déterminant dans l'orientation de la stratégie industrielle que doit adopter le Québec. J'espère que le ministre n'en tiendra pas compte d'ailleurs, parce que tout ce que nous avons entendu, finalement, dans ce rapport, ce sont les doléances d'une minorité privilégiée. Cela m'a semblé cela, d'après ce que nous en avons connu.

La majeure partie de l'expansion de notre économie provient de l'agrandissement d'entreprises déjà installées au Québec.

Je signale un exemple, IBM à un moment donné où pour la première fois une manufacture IBM ne manufacturait pas au Québec auparavant. Est-ce une industrie nouvelle? Cela n'en est pas une en réalité parce qu'IBM, même si elle ne manufacturait pas ici, était installée sur le marché québécois depuis je ne sais combien de temps, depuis au moins 30 ans. Cette maison faisait considérablement d'affaires ici, elle vendait, etc. Alors, quand IBM ouvre une usine à Bromont, il ne faut pas s'imaginer que c'est quelqu'un qu'on est allé convaincre à New York de s'en venir ici et tout cela. Cette société était déjà ici, elle connaissait le marché québécois et elle a décidé de manufacturer ici, de s'agrandir.

L'essentiel donc — je pense que c'est le point central— des décisions d'investissement ne vient pas de l'étranger, il vient de l'intérieur même du Québec. L'autre point capital que le ministre lui-même a soulevé dans une conférence il y a à peu près un mois, c'est que l'épargne, les fonds qui financent, l'argent qui finance cette expansion industrielle, aussi, vient du Québec. Le ministre a fait allusion, dans sa conférence de presse d'il y a un mois, à une étude qui est en train de se faire et qui s'appelle, si ma mémoire est exacte, "Les sources de l'épargne au Québec", ou quelque chose comme cela. J'espère d'abord que cette étude sera rendue publique le plus tôt possible parce que, comme d'ailleurs on en avait des indications, aussi bien dans le rapport Gray que dans le rapport Porter il y a dix ans, cette étude va permettre aux Québécois de se rendre compte que ce sont eux, finalement, qui financent le développement économique du Québec.

Vous l'avez dit, je vous cite tout simplement: II y a suffisamment d'épargne au Québec pour permettre un développement économique normal, accéléré, si l'on veut, en période temporaire, de très forte croissance, là il faut faire appel au capital étranger — c'est bien évident, je suis bien d'accord sur cela et je le souhaite aussi — mais en temps normal et pour assurer un développement normal de l'économie du Québec, il y a suffisamment d'épargne ici. Le problème, par exemple, c'est qu'on ne contrôle pas nécessairement les mécanismes de canalisation et d'orientation de cette épargne. Cette étude devrait, je l'espère, contribuer à l'éducation économique dont se préoccupe le ministre,

à juste titre d'ailleurs, sur un point majeur. C'est que les Québécois vont arrêter, une fois pour toutes, de se prendre pour des quêteux montés à cheval — pour reprendre l'expression de Gérard Filion, je pense — et qu'ils vont s'apercevoir qu'ils sont riches, qu'ils génèrent annuellement $10 milliards de taxes, qu'ils ont $25 milliards de placés dans leurs institutions financières et qu'ils ont un pouvoir d'achat annuel de $15 milliards avec lequel ils financent justement l'expansion des entreprises qui existent ici. Quand ils vont se rendre compte de cela, ils vont commencer à dire: Si c'est notre argent, on va prendre les moyens maintenant pour le contrôler et orienter notre développement économique. Voilà ce qui m'amène à parler de la stratégie industrielle dont a parlé le ministre tout à l'heure.

M. SAINT-PIERRE: Si nous réussissons à les convaincre de cela, peut-être qu'ils ne voudront pas changer de régime politique.

M. JORON: En tout cas, c'est leur problème. Mais il y a une chose certaine, c'est que l'éducation économique doit se poursuivre et la désaliénation, même si ça l'air de termes de politicologue savant ou je ne sais pas trop quoi, la désaliénation collective part de là. Qu'on leur apprenne ce qu'ils ont et ils choisiront comment ils veulent s'en servir par la suite.

Sur la stratégie de développement, la politique de développement, on voit que Québec et Ottawa se renvoient la balle. Pendant un certain temps, on nous disait ici — le premier ministre, je vous le rappelle, le disait il y a deux ans, si ma mémoire est exacte, au moment de l'étude des crédits de l'Office de planification et de développement du Québec: Dans le régime constitutionnel actuel, nous n'avons pas les instruments majeurs d'intervention qui nous permettent de mettre en branle une politique de développement et de réorganisation industrielle, parce que ces juridictions principales appartiennent au gouvernement fédéral.

Il nous disait aussi que, dans un régime d'entreprise privée, si le gouvernement n'intervient pas directement, le choix, l'orientation du développement est un peu aléatoire, parce que ça ne dépend pas de nous. Face à ça, il disait: On refile donc le problème, on le reporte sur les genoux du gouvernement fédéral. Voilà que, il n'y a pas longtemps, Jamieson le nouveau ministre de l'Expansion économique régionale, dit: On est à réviser quelle politique on va mettre au point pour les années à venir parce que, comme vous l'avez souligné, un bon nombre des programmes actuels vont venir à échéance bientôt. H dit: Ce qu'on va faire en particulier dans le cas du Québec, on ne le sait pas, parce qu'on attend que le Québec nous soumette un plan de développement. On renvoie la balle à Québec maintenant. Bon. Est-ce qu'on va avoir ou est-ce qu'on n'aura pas une fois pour toutes un plan de développement? Il y a trois choses à considérer quand on parle d'un plan de développement ou d'une stratégie industrielle, les objectifs, les ressources, les moyens. Parler des objectifs, définir des objectifs, on est bien bon pour ça. Je pense que les objectifs, on n'a pas besoin de placoter bien longtemps dessus. On le sait. Tous les bobos de notre structure industrielle, on se les fait répéter depuis vingt ans; ç'a été le Conseil d'orientation économique, le conseil de ça, l'office de planification, maintenant le comité interministériel, des études qui sont fa.ites chez vous. On se répète la même affaire depuis vingt ans. Où il faut faire quelque chose, on le sait. On sait bien qu'on a une industrie qui est faible dans les secteurs de pointe, qui est axée sur des secteurs industriels, dont l'expansion est plus lente que celle de l'ensemble de l'économie, qu'il faut réorganiser des secteurs devenus désuets, qu'il faut en ouvrir d'autres. Il faut aussi trouver, et j'aimerais entendre ce que vous pourriez nous dire tout de suite là-dessus, quels pourraient être les secteurs de spécialisation de l'économie québécoise. C'est bien évident que ie Québec d'aujourd'hui comme le Québec indépendant de demain reste un pays de 6 millions d'habitants. On ne fera pas tout ici, c'est bien clair. On ne fera pas les ordinatrices IBM ici, bon. Ce qu'il va falloir trouver, ce sont des secteurs de spécialisation.

Moi, plutôt que de rêver de faire l'automobile québécoise intégrée, à titre d'exemple, la Skoda québécoise, je pense que, dans un marché qui est à peu près de 200,000 unités par année, 250,000 peut-être, ce n'est même pas tant que cela, c'est 125,000 à peu près, le marché annuel des nouvelles voitures au Québec, qu'on ne peut pas penser monter une industrie intégrée de l'automobile sur une base aussi restreinte. Mais ce qu'il faudrait peut-être faire, j'emploie cela à titre d'exemple uniquement, j'aimerais bien mieux qu'on fasse les pare-chocs pour huit millions de voitures qui se vendent en Amérique du Nord, cela est bien plus payant. Mais il faut partir d'avantages qu'on peut avoir, soit par la présence de richesses naturelles, soit parce qu'il y a des facteurs qui nous avantagent dans le coût de production, comme l'électricité à bon marché ou des trucs semblables. On peut trouver cela et si cette partie-là nous donne des indications en ce sens, tant mieux. Mais ce que j'ai vu dans les journaux jusqu'à maintenant m'a écoeuré. Bien franchement, j'ai trouvé bien niais ce qui en est sorti. Mais il y a autre chose, et c'est de cela que vous devriez nous faire part, c'est ce qu'on attend. Je ne sais pas si vous voulez déposer intégralement le rapport Fantus, mais c'est ce qu'on devrait apprendre, où sont les secteurs où il faut se spécialiser.

Ces choix d'objectifs. Les ressources? Je l'ai évoqué tout à l'heure et vous l'avez vous-même évoqué il y a un mois, on sait que le capital disponible est à peu près suffisant, sauf s'il faut faire un effort temporaire de très forte croissan-

ce. Je n'insisterai pas davantage sur les ressources. Mais ce qu'il y a de plus important, après qu'on a constaté que les ressources sont là, que les objectifs sont les suivants, si on ne se donne pas les moyens de réaliser cela, ce seront des voeux pieux qui vont rester en l'air. C'est bien là notre principal problème. C'est au niveau des moyens qu'on achoppe tout le temps. Il s'agit de créer des instruments qui vont assurer la réalisation de ces politiques et de ces objectifs.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de Gouin en a pour longtemps encore?

M. JORON: Non, j'en ai à peu près pour cinq minutes.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Bon, d'accord, parce qu'on veut ajourner à midi trente.

M. JORON: On a le choix entre deux choses à partir de ce moment-là. Ou bien on adopte des politiques incitatrices face à l'entreprise privée ou à l'entreprise privée étrangère parce que, quand on dit entreprise privée au Québec, quand c'est la grosse entreprise privée, quasiment par définition, c'est l'entreprise privée étrangère, ou bien on adopte des politiques incitatrices. On leur prête de l'argent comme le fait la SDI. On leur donne des incitations fiscales, on leur permet des amortissements accélérés. On essaie de mettre en branle un certain nombre d'instruments qui vont peut-être provoquer la réalisation des objectifs qu'on a définis.

Tout cela, évidemment, surtout dans une économie comme celle du Québec, dont les centres de décision sont à l'extérieur, reste aléatoire. J'ai l'impression que les objectifs que poursuivent IBM, General Motors ou Ford sont bien davantage des objectifs de rationalisation, leurs objectifs à eux, plutôt que ceux du gouvernement du Québec. Ce ne sont pas leurs problèmes.

M. SAINT-PIERRE: Vous me permettrez une brève intervention. Il y a à peine une semaine, un représentant de votre parti — vous en étiez témoin — a dit que vous-même étiez favorable au capitalisme. C'est la ligne de force de votre parti en matière économique. Admettez-vous qu'en disant cela, il vous faudra accepter que le capitalisme, qu'il soit étranger ou canadien-français, veut lui aussi avoir ses objectifs et que les objectifs du gouvernement du Québec ne seront peut-être pas les mêmes que ceux du capitaliste québécois?

M. JORON: Oui.

M. SAINT-PIERRE : On ne peut pas manger le gâteau et le regarder en même temps.

M. JORON: Vous risquez de commencer un nouveau débat. Je vous dirai que la...

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas cela? Ai-je mal compris? Est-ce que c'était le socialisme? Moi, j'ai compris le capitalisme.

M. JORON: Sur un point particulier, il paraît... Bien, il disait que le régime que nous proposons, c'est un régime capitaliste dans le sens suivant. C'est que, bien entendu, il y aura des entreprises privées sous un gouvernement du Parti québécois, mais on ne peut pas qualifier le régime comme tel de... Il n'y en a plus d'ailleurs, dans le monde, de régime capitaliste, pas plus qu'il y a de régime socialiste. Parce que, dans tous les pays du monde, il y a des entreprises publiques maintenant et aussi des entreprises coopératives. Dans les pays socialistes, il y a des entreprises privées maintenant. Il y a Pepsi qui est en train de faire boire les Yougoslaves; il y a Fiat qui est en train de monter des usines en Union Soviétique. Les étiquettes globales n'existent plus. Le régime que nous proposons est un régime mixte. C'est un mélange à la Betty Crocker, si vous voulez, de trois ingrédients.

M. SAINT-PIERRE: Je le sais, vous l'avez mentionné. C'est la même chose que l'on a dans le moment. Quel changement y a-t-il? Dans le mélange?

M. JORON: A la différence suivante...

M. SAINT-PIERRE: Vous allez mettre plus de crème et d'eau que...

M. JORON: Voilà, c'est dans le mélange que l'on retrouve toute la différence et cela m'amène à donner les moyens de réaliser ces objectifs. C'est dans le mélange moins axé sur l'entreprise privée, qui vise surtout à se créer des instruments pour assurer la réalisation des objectifs dont on parle. Cela m'amène justement au vif du sujet, aux moyens, aux instruments que le gouvernement doit... Alors, il a le choix entre deux choses. Ou bien il donne un certain nombre de politiques d'incitation, il s'assoit et espère que cela se réalisera. Il multiplie ensuite les réglementations et les contrôles, qu'ils soient négatifs ou positifs. Cela va dans les deux sens. En d'autres mots, il emmerde l'entreprise privée partout ou il "sacre" patience dans les secteurs qu'il aura choisis où l'entreprise privée devrait avoir les coudées franches et, dans les autres, pour la réalisation de ses objectifs principaux, il se donne lui-même ses instruments d'action. C'est ce que nous proposons.

Au lieu de transférer des fonds publics, comme quand on fait des subventions ou des trucs semblables, pour les transformer en capital privé et dont la réalisation n'est même pas assurée non plus, on dit: Employons donc ces fonds à créer des instruments qui vont nous permettre de corriger la structure industrielle du Québec. La premier instrument que le Parti québécois propose, à l'exemple de ce qu'ont fait l'Angleterre et l'Italie qui, dans un cas

comme dans l'autre, ne sont pas des pays marxistes, c'est une société de réorganisation industrielle. Ce n'est pas une petite affaire. Je conviens qu'il va falloir mettre pas mal d'argent là-dedans. Mais, si on veut réaliser la rationalisation d'un certain nombre de secteurs par des fusions, par des regroupements, on va se buter automatiquement au problème suivant, si on laisse faire l'entreprise privée, ne serait-ce que parce que la plupart des entreprises privées importantes au Québec sont des entreprises étrangères, qu'elles sont sujettes, même au Québec, à des lois qui affectent leur compagnie mère à l'étranger, je pense aux lois antitrust, par exemple, qui vont empêcher General Electric et Westinghouse de se fusionner aux Etats-Unis ou des trucs semblables, le cas sur le marché québécois... pardon?

M. SAINT-PIERRE: Sur ce point précis, les lois américaines n'interviennent pas. On l'a eu dans le cas des pâtes et papiers. Si les lois canadiennes permettaient une concertation dans les pâtes et papiers au niveau canadien, les filiales américaines pourraient, sans que la compagnie mère soit impliquée avec les lois américaines, être impliquées dans ça.

M. JORON: Dans le cas des pâtes et papiers, heureusement, c'est un secteur où il n'y a justement pas une -présence étrangère dominante. Il n'y a que CIP qui est la plus importante.

M. SAINT-PIERRE: Non, je m'excuse, il y en a plus.

M. JORON: Oui? Quelles sont les autres?

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, c'est le contraire, il y a deux tiers des compagnies canadiennes qui sont soit la propriété d'étrangers, il y a plus que CIP...

M. JORON: Je regrette de vous contredire, mais si on prend les plus importantes au Canada même, en commençant par la plus grosse, McMillan Bloedel, compagnie contrôlée par le Canadien Pacifique, la deuxième est Canadian International Paper...

M. SAINT-PIERRE: Quebec North Shore & Paper.

M. JORON: ... qui est américaine. C'est loin d'être la plus importante. Ensuite, vous avez Consolidated Bathurst, Price et Domtar qui sont canadiennes. Les Américains ne sont pas forts dans ce secteur. En tout cas, peu importe.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de Gouin pourrait reprendre son exposé à quatre heures?

M. JORON: Oui, je me résume et je conclus,

M. le Président, en disant qu'une des premières choses que ferait un gouvernement du Parti québécois, serait la création d'une société de réorganisation industrielle. Quand un secteur industriel devient désuet ou vieilli ou trop faible justement par son fractionnement en petites unités, elle s'assurerait de les fusionner ou de les regrouper comme l'ont fait des pays — je le disais tout à l'heure — comme l'Angleterre ou l'Italie. Il y a parfois des fusions obligatoires, des fusions qui doivent se faire par l'acquisition des entreprises intéressées, et le regroupement se fait par la suite. Il y a l'ouverture d'une série de secteurs nouveaux, ce qui m'aurait amené — mais je ne veux pas abuser, je sais que probablement tout le monde a faim — à parler seulement d'un cas, à titre d'exemple. Qu'est-ce qu'on pourrait faire dans un certain nombre de secteurs plus précis? Cela fait partie des cas particuliers qu'a soulevés le ministre, tout à l'heure.

Je prends seulement l'exemple du pétrole, c'est la dernière chose que je vais dire. Dans le domaine du pétrole, il y a sept raffineries au Québec. Toutes les sept sont des filiales de compagnies étrangères. Elles font partie de ce qu'on appelle le cartel international, à l'exception de Golden Eagle, qui n'est pas vraiment une grosse compagnie internationale.

Cela a pour effet ultime de contrôler les prix sur le marché québécois, parce que l'approvisionnement, les profits "offshore" et tout ça font que le prix aux consommateurs est déterminé en raison de tous ces facteurs. Il faut briser ce monopole. Dans cette industrie...

M. SAINT-PIERRE: Pour être plus juste, si on enlève la taxe provinciale, je ne nie pas qu'il y ait des profits "offshore", mais il faudrait dire que le prix au consommateur est le plus bas, à ma connaissance, dans tous les pays au monde.

M. JORON: Au Québec? M. SAINT-PIERRE: Au Québec. M. JORON: En raison des taxes. M. SAINT-PIERRE: Pardon? M. JORON: En raison des taxes.

M. SAINT-PIERRE: Non, si on enlève les taxes. Parce que les taxes peuvent varier d'un pays à l'autre. Si un gouvernement décide, comme en France, d'avoir l'équivalent de $0.55 de taxe par gallon...

M. JORON: Oui.

M. SAINT-PIERRE: ... ça change pour le consommateur. Si vous enlevez les taxes, ce que je veux dire, je pourrais le reconfirmer, les statistiques que j'ai vues indiquent quand même un prix au consommateur du fait que, aux

Etats-Unis, les prix sont soufflés pour protéger un marché intérieur, parce que, dans l'Ouest canadien, le prix du brut est plus cher que le prix du Vénézuéla. Cela en fait un des prix au consommateur les plus bas au monde.

M. JORON: Oui, mais en tout cas...

M. SAINT-PIERRE: Je ne dis pas que ça ne pourrait pas être $0.04 de plus...

M. JORON: J'aimerais bien que vous le prouviez mais, de toute façon, même si c'est déjà un prix bas, tant mieux. Il y a une chose certaine, c'est qu'il pourrait l'être davantage si on pouvait couper le profit "offshore". Nous sommes devant la situation présente au Québec, c'est qu'on consomme davantage qu'on raffine. C'est nouveau de cinq, six ou sept ans ou quelque chose comme ça. Bon!

Le gouvernement est placé devant le choix suivant: ou bien il laisse les entreprises étrangères déjà installées ici combler ce vide, si elles le font — nous ne sommes même pas assurés qu'elles vont le faire — en agrandissant leur capacité de raffinage, ou bien le gouvernement saisit l'occasion d'un déficit et entre lui-même dans le secteur.

D'abord, parce que c'est payant et, en deuxième lieu, parce qu'il est très important de casser le contrôle du cartel sur les prix. J'ai bien hâte de voir comment vous allez faire ça. Je me souviens, en 1967 et 1968, du temps où je me promenais partout dans la province avec Robert Bourassa dans des débats sur la politique économique. On tombait sur la tête de ces messieurs qui jonglaient avec l'idée de la raffinerie québécoise et qui se sont finalement vendus et qui ont laissé faire la compagnie Golden Eagle.

Le premier ministre actuel et moi, à cette époque, disions: II faut créer la raffinerie québécoise, une raffinerie d'Etat en partnership avec une compagnie étrangère qui nous assurerait des sources d'approvisionnement. J'espère que cette fois vous ne raterez pas l'occasion et que ce que vous allez faire ne sera pas de prendre une participation minoritaire dans une entreprise déjà existante pour financer son agrandissement. J'ai déjà derrière la tête une idée de l'entreprise avec laquelle vous flirtez peut-être à l'heure actuelle. Je ne sais pas si je me trompe mais, connaissant les liens intimes qui unissent le président du conseil d'administration de Petrofina à la caisse du Parti libéral et au conseil de l'industrie, etc., et ses liens personnels avec le premier ministre, je me demande si Campo n'est pas en tr.ain de se préparer une belle façon de financer l'agrandissement de Fina à même les deniers publics et tout en gardant le contrôle de son entreprise. Ce n'est pas de cela qu'on veut. J'espère que ce n'est pas cela que vous avez en tête.

M. SAINT-PIERRE: Comme Maurice Duplessis, je vais vous dire que, pour prêter des mauvaises intentions aux autres, il faut en avoir soi-même. Dans ce cas, vous avez une mauvaise intention.

M. JORON: Non. Il faut vous avoir vu faire pendant un certain temps et avoir acquis suffisamment d'exemples pour dire: "Chat échaudé craint l'eau chaude."

M. SAINT-PIERRE: A douze ans, on disait que vous étiez bien froid.

M. JORON : Ceci dit sur le cas du pétrole, et j'espère qu'on pourra y revenir, parce qu'il y a bien d'autres points là-dedans, comme l'oléoduc, le superport et d'autres cas particuliers aussi, comme l'automobile, la pétrochimie, le textile, le vêtement, la chaussure sur lesquels nous aimerions revenir. En tout cas, nous ferons cela au fur et à mesure que la discussion se déroulera.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): La commission suspend ses travaux jusqu'à 4 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 42)

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