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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mercredi 11 avril 1973 - Vol. 13 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

Séance du mercredi 11 avril 1973

(Dix heures quinze minutes)

M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Messieurs les membres de la commission, comme à la dernière séance tous les partis ont eu l'occasion de faire un exposé général, nous allons, ce matin tomber dans la matière, dans la viande du sujet! A la demande du ministre, vu que le président de la SDI est ici, à Québec, et qu'il est disponible jusqu'à midi environ, nous allons commencer par le programme 5.

M. SAINT-PIERRE: Nous pouvons peut-être commencer par le programme no 1. M. Saulnier devrait arriver d'ici une demi-heure. On pourrait insérer le programme no 5.

M. RUSSELL: Ily a peut-être des questions sur le programme no 5 que nous pouvons commencer à discuter sans que M. Saulnier ne soit ici.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que nous avons peut-être le temps d'étudier le programme no 1. Avant midi et demi, nous pourrions étudier le programme no 6.

Rencontre d'Ottawa

M. LAURIN: Encore dans les remarques générales, M. le Président, étant donné que nous avions posé beaucoup de questions au ministre, en rapport avec la rencontre qu'il devait avoir à Ottawa, est-ce qu'on peut quand même lui demander s'il peut nous faire quelques brefs commentaires sur les réponses qu'il a obtenues aux questions qu'il nous a dit qu'il poserait sur les sujets qu'il prétendait aborder?

M. SAINT-PIERRE: Très brièvement, il y avait plusieurs points à l'ordre du jour. Je pense que certains des éléments s'en dégagent. Il y en a d'autres que je ne pourrais pas mentionner, puisque c'est ce soir seulement, au conseil des ministres, que j'en ferai pour la première fois un rapport à mes collègues. Je pense en particulier que, sur le renouvellement des accords du GATT, il y a eu une ouverture intéressante de la part du gouvernement fédéral, qui a admis que les provinces ne peuvent être considérées comme toute autre entreprise privée, que toute forme de "lobbying" pourrait être exercée auprès du gouvernement fédéral dans la posi- tion canadienne. Il y aura des rencontres au cours des prochains mois. Nous avons accepté, en principe, le fait non seulement d'une consultation, mais d'une participation des provinces dans l'élaboration et l'analyse non seulement de la philosophie que pourrait animer la position canadienne dans la discussion du GATT, mais également l'étude prévisionnelle des effets néfastes que pourraient avoir certains des changements du GATT, la mise sur pied de certains programmes auxquels pourraient contribuer conjointement le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces, pour compenser les industries qui pourraient être durement touchées.

Une chose intéressante est survenue également — c'est une idée que j'avais d'ailleurs mentionnée à Toronto, lors d'une récente conférence au Canadian Club —le fait qu'il y ait, effectivement, au Canada, tout au moins quatre économies régionales, chacune avec ses problèmes et que, bien que les comptes nationaux puissent donner des moyennes de comportement de l'économie sur l'indicateur, ce ne sont que des moyennes qui ne signifient rien dans aucune des régions.

Je prends des chiffres en l'air. Lorsqu'on parle de chômage à 6.5 p.c. au Canada, cela ne veut rien dire dans aucune des régions, puisque c'est 4 p.c. dans certaines régions et que c'est 8 p.c. dans d'autres. Chaque région a ses problèmes particuliers. Cela revient à d'autres points que nous avions déjà mentionnés, que chaque région demande peut-être des remèdes particuliers et a à faire face à des défis particuliers. Or les provinces, en incluant la province d'Ontario, ont été d'accord d'une façon unanime sur cette approche. C'est pour cela qu'il pourrait être intéressant, sur le plan économique, de pouvoir, par des mécanismes qui déjà, d'ailleurs, sont un peu mis en place, se retrouver avec quatre régions économiques assez équilibrées, ce qui faciliterait de beaucoup l'application de la thèse du Québec dans une plus grande implication sur les domaines économiques.

On comprendra que le fait d'avoir dix provinces au Canada justifie presque le gouvernement fédéral de dire : On ne peut pas arriver à Genève avec dix observateurs, dont un représente moins de 100,000 de population. Mais si nous avions quatre régions économiques équilibrées, il y aurait peut-être des méc anismes plus faciles qui permettraient une meilleure concertation entre les régions. Dans notre cas, ce serait entre la province et le gouvernement fédéral.

Nous avons abordé une foule d'autres sujets. Le même type d'approche a aussi prévalu dans les accords canado-américains. Nous étions à la veille du projet de loi qui a été déposé hier par le président Nixon, mais tant dans l'accord du pacte de l'automobile que dans les relations canado-américaines en général, la même philosophie a pu prévaloir.

Je n'ai pas l'ordre du jour.

M. LAURIN: Est-ce à dire qu'on vous con-

sultera, par exemple, lorsqu'arrivera le moment de réviser le pacte de l'automobile?

M. SAINT-PIERRE: Sûrement. D'ailleurs, lors de cette réunion, ceux qui sont directement concernés par l'administration du pacte nous ont fait part de certaines des ambitions des Etats-Unis, ce qu'on veut changer dans le pacte de l'automobile, quels sont les points que le Canada entend maintenir, enfin l'ensemble de ces points.

Je vous mentionne très brièvement d'autres points qui ont pu être discutés. Nous avons abordé le problème de la petite et de la moyenne entreprise, certaines initiatives du gouvernement fédéral d'étendre des services dans d'autres régions. On pense en particulier au programme CASE, l'assistance technique à la petite entreprise, qui a eu un certain succès à Montréal et qu'on voulait étendre. Nous avons insisté sur la nécessité de s'assurer que la prolifération des programmes n'apportera pas une plus grande confusion qu'autre chose. Nous avons discuté des investissements étrangers — et je tiens à le dire, parce que souvent on néglige de le faire — je suis quand même assez fier de voir qu'il y a beaucoup de ces problèmes très réels, très concrets.

Le Québec était à peu près la seule province à avoir fait tenir une position officielle qui était structurée et documentée. J'ai été un peu surpris de voir que l'Ontario nous disait qu'un comité venait d'être créé, pour examiner ça mais, comme le projet de loi était en deuxième lecture, l'Ontario n'avait pas de position officielle. En fait, le Manitoba ou l'Alberta était au stade de l'étude de ces problèmes, alors que le gouvernement fédéral avait mentionné avoir reçu uniquement de la province de Québec une position officielle.

M. LAURIN: ... la capitale de l'Ontario...

M. SAINT-PIERRE: Peut-être, c'est une thèse qui peut se défendre, disons que c'est pour le fait des autres provinces également. On a abordé la question des stratégies de développement industriel pour le Canada. M. Gillespie a insisté sur le fait qu'il ne pouvait trouver entre deux couvertures une espèce de document magique qui donnerait les réponses à toutes les questions qu'on peut se poser sur l'avenir du Canada. Il y a plutôt vu un effort de rationalisation des secteurs. Alors, eux font l'examen de 15 ou 16 secteurs dans le moment. On tente suivant les difficultés du secteur sur le plan international, d'avoir des programmes précis — l'ensemble de ces programmes — formulant une stratégie pour l'industrie canadienne.

Il a également été question...

M. LAURIN: Est-ce que ça peut vous amener, d'après les réponses que vous faites, à pouvoir multiplier celles que vous préparez pour le Québec? Celles qui préparent...

M. SAINT-PIERRE: Oui, puis là, la thèse est revenue très forte aussi à l'effet qu'on ne peut pas laisser emporter dans une dialectique voulant qu'il y ait une économie canadienne, et que quelques fonctionnaires à Ottawa décident que, pour sauver l'industrie des pâtes et papiers au Canada, pour prendre un cas extrême, il faut tout concentrer dans la Colombie-Britannique, parce que les arbres sont plus gros, poussent plus facilement et tout ce qu'on voudra. Cela représente pour le Québec une perte de 80,000 emplois.

Il faut donc aborder le problème sur le plan de l'économie régionale, et sur cela, les positions exprimées par le Québec ont reçu un appui très solide de la part de toutes les provinces, particulièrement du Manitoba, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. On a abordé également des thèses qu'on avait déjà soutenues, mais qui ont été soulignées d'une façon très précise au gouvernement fédéral, soit que les disparités régionales ne sont pas un vain mot, c'est une source de tension sociale et que ça ne devrait pas être uniquement la préoccupation du ministre qui est responsable du développement régional ou des programmes d'aide au développement régional. La thèse qu'on a soutenue, avec preuve à l'appui, est que souvent tous les programmes des autres ministères convergent vers l'opposé et qu'on assiste à des phénomènes de péréquation négative dissimulée. Je pense qu'avec preuve à l'appui, on a assisté à nombre de cas. D'ailleurs, on a donné d'autres preuves, là-bas.

Il faut dire qu'honnêtement, à certaines périodes, le Québec était considéré par les autres provinces comme une province riche en ce sens que notre activité manufacturière est quand même proportionnelle à notre population. Ce qui n'est pas le cas pour toutes les autres provinces, sauf l'Ontario. Pour elles, le thème "Central Canada" voulait dire... Exemple, si on prend le thème qu'on suivait, plusieurs des programmes du ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce, qui s'adressent en théorie à l'ensemble de l'industrie canadienne en pratique ne répondent souvent qu'aux besoins de l'Ontario, quelque peu à ceux du Québec. On a eu quelques chiffres pour dire que dans l'ensemble, le ministère fédéral de l'Industrie et Commerce, dans ses programmes d'aide à l'innovation, au "design", à la recherche, à l'exportation, lorsqu'on prend le Québec et l'Ontario combinés, ceci représente à peu près 94 p.c. des sommes. Est-ce qu'on doit dire au reste du Canada, vous allez vous contenter de 7 p.c. des montants?

On a abordé également les questions d'approvisionnement reliées à des financements étrangers, les cas des chaînes et d'autres. Alors, le thèse, surtout celle des provinces excentriques, surtout celle des Maritimes, fait qu'on ne demanderait pas mieux que des intérêts canadiens assurent le financement de ces projets. Mais, devant l'impossibilité apparente d'intéresser des Canadiens, comme deuxième mesure, il

faut se satisfaire des étrangers. Les gens de Terre-Neuve nous ont dit: Si le "Central Canada" veut construire des raffineries chez nous, ça nous fera plaisir. On offrira sûrement les mêmes conditions. Mais, lorsque, le "Central Canada" ne répond pas à l'appel et qu'on a des projets précis, sérieux, qui nous sont présentés par des étrangers, on n'a pas d'autre choix.

D'ailleurs, le reproche des gens de Terre-Neuve était un peu que, s'ils n'avaient pas joint la Confédération canadienne en 1949, ils pourraient bénéficier de l'aide à l'exportation, de l'aide à l'extérieur, et que ça pourrait rendre plus facile pour les Canadiens d'investir dans leur province. On pense au programme de l'ACDI, au programme d'aide à l'exportation, qui s'applique uniquement dans les pays autres que le Canada et les Etats-Unis. Ils disaient: Lorsque vous ne nous assistez pas, il nous faut nous retourner vers l'Angleterre qui, traditionnellement, nous a toujours quand même aidés sur le plan du financement.

Cela a été une conférence qui n'a pas eu... Ce qui est intéressant à noter — et je voudrais terminer sur ça — c'est une concrétisation de ce concept que le Canada est formé de quatre énonomies régionales et la nécessité de trouver des mécanismes qui impliqueraient que le gouvernement fédéral discuterait avec quatre partenaires provinciaux dont le Québec serait un et l'Ontario serait un autre. Sur le deuxième point, il y a aussi certaines constatations sur plusieurs des programmes fédéraux. Ceci nous amène aux programmes du ministère de l'Industrie et Commerce, de la ligne Borden, le pacte de l'automobile, les programmes de recherche et de développement, l'assistance financière à l'enseignement postsecondaire, où finalement, c'est de la péréquation négative. Je pense que l'Ontario est un peu mal placée ou plutôt dans une position inconfortable d'avoir à admettre que, finalement, elle en bénéficie deux fois, en ce qui représente notre population, et que, lorsqu'on évalue d'une façon conservatrice ces sommes d'argent que le fédéral donne à l'Ontario, c'est beaucoup plus que ce qui aurait pu être donné libéralement à la province de Québec ou à d'autres provinces, dont les Maritimes, sur les programmes de MM. Marchand et Jamieson.

C'est là un deuxième point, et des rencontres de fonctionnaires doivent avoir lieu prochainement. Ce qui est intéressant, c'est de voir qu'évidemment les provinces Maritimes ont déjà des réunions de cette conférence de leurs premiers ministres. M. Trudeau a rencontré les gens de cette conférence de l'Ouest, depuis les dernières élections. La Colombie-Britannique semble se considérer elle aussi comme faisant partie de cette économie de l'Ouest. On aurait donc quatre entités qui ne sont certes pas parfaitement équilibrées, mais tout au moins, ça réduit déjà le nombre d'interlocuteurs. Sur ce point, on avait l'appui des provinces qui auront à déléguer quelqu'un pour représenter leurs intérêts. Même que, dans l'Ouest, le Manitoba était prêt à appuyer 1'Alberta, pour avoir un porte-parole à Ottawa et pour tenter d'avoir un meilleur équilibre.

La question des disparités régionales est revenue et je pense que des progrès sont possibles dans ce domaine. Disons qu'il y a eu une certaine ouverture. Je ne sais pas si elle est caractérisée par le nombre assez impressionnant de conférences fédérales-provinciales qui vont avoir lieu dans les prochains mois. On se demande même si elle peut être un exercice pour finalement assommer tout le monde tellement il va y avoir de la consultation, mais il y a eu des ouvertures intéressantes, particulièrement aux accords du GATT et aux accords canado-américains.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez pu pousser la concrétisation de certains projets comme par exemple comme celui de Tembec ou celui de Cabano?

M. SAINT-PIERRE: Bien Tembec et Cabano...

M. LAURIN: Est-ce que des consultations fréquentes auraient eu lieu?

M. SAINT-PIERRE: Oui, il y a des consultations fréquentes. D'ailleurs, pour Tembec et Cabano, on n'est pas directement impliqué avec le ministère de l'Industrie et Commerce et surtout le ministère de l'Expansion régionale. On l'est indirectement parce que le ministère de l'Expansion régionale, dans ces cas douteux, vérifie toujours avec celui de l'Industrie et du Commerce sur l'à-propos, pour le gouvernement fédéral, de subventionner tel projet, mais disons que ce n'était pas inscrit dans les buts de la conférence. Malgré que, honnêtement, je pense que les fonctionnaires peuvent le dire aussi, on tente de multiplier les efforts pour faire profiter le plus possible le Québec de certaines de ces sommes.

Les relations sont très bonnes tant avec M. Gillespie qu'avec les fonctionnaires. Quand même, on ne joue pas tellement à la cachette. Par exemple, on a des questions très précises sur le partage sur une base provinciale des programmes fédéraux, on nous a donné les chiffres. On n'a pas voulu faire de cachette, malgré que ces chiffres étaient peut-être gênants, comme je le mentionnais, le Québec et l'Ontario accaparant à 93 p.c. ou 94 p.c. les sommes qui étaient prévues.

M. LAURIN: Là-dessus, l'Ontario a...

M. SAINT-PIERRE: Là-dessus, pour le Québec, certains des programmes sont quand même surprenants; comme les programmes de défense qui sont reliés à nos chantiers maritimes. Evidemment, parfois, il y a de gros montants qui peuvent changer les chiffres, mais, en

général, je pense qu'il faut admettre qu'on a une base manufacturière plus importante que nombre d'autres provinces, à part l'Ontario.

En général, le Québec, dans ça, a au moins 26 p.c. des subventions, sauf que l'Ontario y a quelque chose comme 67 p.c; or 67 p.c. plus 25 p.c. cela fait à peu près 92 p.c, si je compte rapidement, et il ne reste pas grand-chose pour le reste du Canada qui représente quand même...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs les membres de la commission, vu que M. Saulnier, le président de la SDI, est présent, nous allons passer au programme no 5: Administration de la Société de développement industriel du Québec.

Société de développement industriel du Québec

M. RUSSELL: M. le Président, pour amorcer le problème, je pense qu'il serait peut-être préférable que le ministre nous donne les grandes lignes, le contexte dans lequel se situe la corporation de la SDI avec le bill 20 et les changements qui ont été amorcés depuis, ainsi que les changements de personnel, les changements de président et de fonctionnaires, la nouvelle philosophie de la SDI. Est-ce que c'est une compagnie prêteuse, est-ce que c'est une compagnie qui est là simplement par apparence et qui prête simplement à ceux qui n'en ont pas besoin? Le ministre pourrait peut-être nous faire la genèse de toute cette nouvelle pensée de la SDI. Ensuite nous pourrions procéder à des questions, une par une, pour tâcher de libérer aussi rapidement que possible le président qui est bien occupé.

M. SAINT-PIERRE: D'accord. D'ailleurs, je peux faire un exposé très général, avec la permission de la commission. Je ne sais pas quels sont nos règlements cette année. Peut-être que M. Saulnier pourrait répondre à des questions que vous pourriez soulever. Il y a eu, bien sûr, depuis l'an dernier, un changement à la direction de la SDI; M. Saulnier assume les responsabilités du président directeur général. M. Clermont avait démissionné auparavant pour aller à la Banque de Côte-d'Ivoire, prêté par le gouvernement canadien.

Ceci dit, vous vous rappelez, l'an dernier, qu'on avait soulevé le fait que la SDI avait peut-être, compte tenu de ses traditions, compte tenu de son rôle d'autrefois d'office des crédits industriels, pris une attitude de banquier qui regarde les dossiers et dit: Pour quelle raison pourrions-nous dire non à ce projet, qu'est-ce qui manque? On avait tenté de lui insuffler une attitude plus positive en regardant les dossiers, en ayant moins cette attitude de banquier et en disant: Qu'est-ce qu'on peut faire pour être capable de dire oui et rendre possible ce projet, particulièrement dans les régions excentriques à la province de Québec?

Honnêtement, je dois dire, et je dois d'ailleurs les en féliciter, les fonctionnaires, sous la direction de M. Saulnier, ont eu un changement marqué d'attitude et les commentaires que j'ai pu avoir d'industriels l'indiquent très clairement. Il est malheureux que, comme les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce sont parmi les premiers à être étudiés, le rapport annuel de l'année qui vient de se terminer, il y a quelques jours, ne sera publié que d'ici un mois; avant l'an dernier, mais pas encore assez tôt. Je pourrais peut-être quand même vous donner quelques chiffres. D'ailleurs, je n'aurais aucune objection si on était capable... Est-ce qu'on a des copies additionnelles, pour les gens de l'Opposition, du bilan de l'action de la SDI? Brièvement, disons que, dans ses deux premières années d'existence, la SDI a accordé à 201 entreprises une aide financière représentant des engagements totaux de $53 millions. Cette assistance financière a pris forme suivant les trois programmes de la SDI; rappelons-les: Le programme 2-A qui touche les industries de haute technologie pour des produits fabriqués insuffisamment au Québec et impliquant une forte proportion d'exportation; ce sont des programmes qui bénéficient d'une aide fiscale et qui permettent aussi des réductions de taux d'intérêt ou de prise en charge du coût de l'intérêt. Dans le cadre du programme 2-A, la SDI a fourni — c'est sur une période de près de deux ans; je pourrai les donner en détail pour les derniers douze mois; j'ai pensé quand même prendre le recul — sur les 201 compagnies, il y en avait 85 dans le programme 2-A, donc des types de compagnies qui nous aidaient à atteindre notre objectif premier de changer la structure industrielle du Québec. Dans 47 de ces 85 cas, la SDI a accordé des prêts à taux d'intérêt réduit, totalisant $21 millions; le prêt moyen en vertu de ce programme s'établit donc à $460,000, près d'un demi-million. Dans 5 de ces 47 cas, la SDI a également décidé d'investir sous forme de capital-actions, ce qui représente un total de $605,000. Dans 38 autres cas, la SDI a accepté de prendre à sa charge une partie des frais d'emprunt encourus par les entreprises pour réaliser un projet d'expansion et d'implantation; ces prises en charge représentent des engagements globaux de $15,409,000.

Dans le programme 2-B, qui était la fusion des entreprises, dans le cadre du programme destiné à stimuler la fusion d'entreprises oeuvrant dans les marchés peu dynamiques, la SDI a consenti dix prêts totalisant $3,598,000, ce qui représente un prêt moyen de $360,000 et, dans cinq cas, elle a pris à sa charge une partie des frais d'emprunt, ce qui a représenté des engagements de $1,137,000.

Le programme 2-C est strictement du financement à l'intérêt au coût du marché, pour des gens qui ne pouvaient pas en avoir d'institutions prêteuses.

On a à l'esprit Tricots Excel à qui aucune banque, aucune institution n'aurait voulu accorder un prêt hypothécaire élevé à long terme sur de la machinerie très spécialisée à Mont-Joli. C'est un type de prêt où les institutions prêteuses habituelles ne voudraient pas entrer. Alors en vertu de ce programme, la SDI a consenti depuis ses débuts 98 prêts représentant un montant global de $9,300,000, ce qui établit le prêt moyen à $930,000. En vertu de ce programme, la SDI a également acheté du capital-actions dans deux entreprises pour un total de $2,200,000.

Evidemment, on pourrait en parler beaucoup; j'ai certaines statistiques qui nous donnent la répartition — je pourrais en faire tirer des copies, si vous voulez — par type d'industrie et ce qui est arrivé pour le capital-actions et autres. Ce sont peut-être des points importants. On voit qu'il y a eu cette année peut-être pas plus de prêts, mais —j'ai des cas très frappants— on a amélioré la période de temps requise pour analyser les dossiers et j'ai des cas précis où il s'écoulait à peu près quinze jours entre la demande et finalement l'arrêté en conseil. Ce sont peut-être des cas exceptionnels mais, en général, il y a une nette amélioration sur la période de temps requise.

M. RUSSELL: Des cas préparés d'avance pour impressionner.

M. SAINT-PIERRE: Non. Deuxièmement, il y a eu, peut-être, une plus grande concentration entre le ministère et la SDI dans des cas donnés, malgré les situations difficiles particulièrement au début de la période lorsqu'il y a eu des changements à la SDI et qu'au ministère ç'a pris un certain temps. Mais, honnêtement, de part et d'autre on doit admettre qu'il y a une plus grande concentration.

Au niveau du capital-actions: c'est un point que j'ai demandé l'an dernier, d'avoir plus d'agressivité à ce niveau et, lorsque la chose était nécessaire, de tenter d'y entrer. Alors, on voit que l'an dernier on n'avait à peu près rien au capital-actions et cette année — la loi d'ailleurs permet 10 p.c. de l'actif dans le capital-actions alors que l'an dernier c'était à peu près moins de 1 p.c. — c'est à peu près 6.5 p.c. de l'actif dans le capital-actions.

Deuxièmement, dans des projets plus spectaculaires et drôlement importants pour le Québec, la SDI a également apporté cette année une aide directe et, dans certains cas, ç'a été déterminant dans l'implantation de ces industries dans la province. On a à l'esprit les cas les plus flagrants que je pourrais mentionner, les plus importants: premièrement, l'acquisition par Bombardier du groupe Héroux qui, je pense, n'aurait pas été possible dans la condition financière actuelle de Bombardier. Je ne peux pas dire qu'elle est mauvaise, mais elle était un peu difficile passagèrement. Elle n'aurait pas été possible sans l'aide de la SDI qui a consenti un prêt de $2 millions à un taux plus bas que le marché, compte tenu de la nature de l'entreprise.

Trois autres cas me viennent à l'esprit, ce sont peut-être les cas les plus spectaculaires; si j'en passe vous le mentionnerez. Il y avait le cas de la compagnie Hercules pour l'implantation d'une usine de polypropylène sur la rive sud à Montréal, qui était extrêmement importante pour la pétrochimie québécoise et la décision est survenue en septembre dernier. Il y a également le cas de CIL où la SDI a consenti une forme de prêt pour Bécancour, où le gouvernement fédéral n'avait pas contribué ou avait refusé de contribuer; également le cas de Firestone où la contribution de la SDI a été déterminante pour l'implantation d'une usine de pneus radiaux. Compte tenu d'autres projets possibles, je pense — enfin je le répète pour l'avoir déjà dit avant — qu'au moins l'implantation de GoodYear, sous bien des aspects, était plus importante que l'implantation de General Motors à Sainte-Thérèse, à cause des retombées puisque les matières premières dans la fabrication de pneumatiques sont d'autres produits manufacturés qui ont tendance à faire boule de neige, c'est-à-dire le caoutchouc synthétique, le noir de fumée. Déjà, on a plusieurs projets en marche dans lesquels on a tenté d'intéresser d'ailleurs des compagnies québécoises; on pense au fil de fer qui est utilisé dans le pneu radial.

M. LAURIN: Ce sera la fibre B. M. SAINT-PIERRE: Pardon?

M. LAURIN: Cela commence à passer de mode, le fil de fer.

M. SAINT-PIERRE: Je sais, les techniques de Du Pont; mais enfin, disons qu'à court terme, c'est encore le fil de fer et dans le moment ce fil de fer est importé d'Europe; on tente avec Sidbec et d'autres d'avoir des intérêts intéressants dans ce secteur. Ce sont les projets les plus grands.

Je vous mentionnais également que la SDI et la loi 21 ont été un peu freinés par les programmes nouveaux du gouvernement fédéral, particulièrement dans la région de Montréal. On se rappelle qu'au départ les programmes du gouvernement fédéral ne s'appliquaient pas dans la région de Montréal et que la province pouvait mettre l'accent sur l'industrie technologique dans la région de Montréal. Quand les programmes fédéraux ont été étendus à la région de Montréal, il y avait une véritable répétition de programmes. Or, le fédéral a toujours pris comme attitude — et je pense que cela se défend — que toute contribution provinciale devait être déduite de la contribution fédérale, de sorte que, si le fédéral s'engageait à fournir une aide de $600,000 à une entreprise, si la province donnait $300,000, on déduisait les $300,000 de la province. Donc, il n'y avait

aucun intérêt pour la province à donner les $300,000. L'attitude du fédéral est à l'effet que, s'il ne le fait pas, cela sera une course effrénée entre les provinces et qu'au lieu de combattre les disparités régionales, au contraire, ce sont les provinces les plus riches qui vont être capables d'offrir le plus d'argent pour attirer des industries.

En faisant le choix d'exclure l'Ontario de ces programmes, évidemment, le mécanisme était nécessaire pour empêcher les contributions provinciales ou pour les déduire.

Dans la jurisprudence — si je peux employer l'expression — les réductions d'intérêt consenties par la SDI n'ont pas été déduites. C'était peut-être le moyen pour nous, indirectement, d'aider des entreprises, puisqu'il n'y avait pas un montant d'argent qui était versé immédiatement. C'était plutôt à long terme que des montants était payés.

Je ne sais pas s'il y a des questions particulières. J'ai des chiffres ici qui donnent le niveau d'activités. Je pense que je vous ai donné les grandes lignes. Mais, avec la reprise économique, on sent un plus grand nombre de demandes. Dans certains cas, cela a eu un effet déterminant.

Dans le programme 5, les crédits à voter touchent simplement l'administration de la société puisque, par une loi statutaire, cette société a des fonds. Il y a deux points aussi que j'aimerais mentionner, que nous étudions dans le moment. J'ai demandé à la SDI d'examiner trois points dans la loi. Ce sont des pouvoirs qui lui sont donnés et qui n'ont pas été tellement exercés jusqu'ici. Le premier de ces pouvoirs touche l'émission d'obligations industrielles qui ne sont pas imposables dans l'impôt provincial des particuliers. La SDI analyse ceci. Il faut dire que, jusqu'ici, si elle ne l'a pas utilisé, c'est parce qu'il n'y a pas eu de problème d'argent, c'est-à-dire que les montants statutaires ont été suffisants, compte tenu des entrées de fonds, pour faire...

M. RUSSELL: Quel est le montant dont la SDI dispose actuellement?

M. SAINT-PIERRE: Si je ne m'abuse, la SDI a hérité des crédits qui avaient été votées à l'Office de crédit industriel et cela se chiffrait à ce moment par quelque $35 millions.

M. RUSSELL: Un montant global de $35 millions, mais il y a une utilisation maximale annuelle.

M. SAINT-PIERRE: Cela n'existe plus. M. RUSSELL: Cela est enlevé? M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. RUSSELL: Vous avez une banque globale de $35 millions sur laquelle...

M. SAINT-PIERRE: Et depuis la création de la SDI, elle a pu s'administrer avec les revenus des placements de ce porte-feuille. Il y a le pouvoir d'emprunt, évidemment, mais qui n'a pas été utilisé.

M. RUSSELL: Quel est le pouvoir d'emprunt de la SDI? Est-ce qu'il est limité?

M. SAINT-PIERRE: II n'a pas de limite.

M. RUSSELL: Illimité.

M. SAINT-PIERRE: Auprès des fonds généraux de la province, c'est le ministère des Finances.

UNE VOIX: Et les obligations industrielles.

M. SAINT-PIERRE: Les obligations industrielles n'ont pas été utilisées. C'est pour cela que je disais que, comme il n'y a pas eu de problème de fonds, c'était difficile d'avoir recours à ce mode s'il n'y avait pas de problème d'argent.

On a examiné la chose et, au sujet des obligations industrielles, cela pourrait être intéressant pour canaliser une partie de l'épargne bien que, dans le moment, dans la loi, il y a peut-être une lacune qu'il faudrait reconsidérer au niveau du conseil des ministres. Expressément, dans la loi, on mentionne que les obligations industrielles ne sont pas garanties par la province, l'intention étant qu'on ne voulait pas grever le crédit additionnel de la province, à le voir se refléter dans les engagements financiers de la province. Cependant, quand on regarde le porte-feuille de la SDI, bien qu'on soit convaincu que la SDI ne puisse déclarer faillite, il faut admettre qu'elle prête dans des situations de risque, ce que les autres institutions bancaires ne feraient pas.

Elle prête pour des fusions, elle donne une partie de son argent sous forme d'incitation et il n'est pas trop certain qu'il n'y aurait pas une réaction négative, si vous voulez, de la part des courtiers, à confier l'argent des particuliers à la SDI. En d'autres termes, la réaction négative serait compensée par l'attrait que pourrait représenter le fait que ces montants sont exempts d'impôt provincial, soit une bonne partie de l'impôt des particuliers. Finalement, il n'y a pas un avantage marqué.

Peut-être qu'il y a lieu de réexaminer cela, et comme la province ne laisserait pas la SDI en faillite, peut-être, dans quelque temps, faudra-t-il amender la loi pour inclure la garantie de la province ou tout au moins enlever cette mention expresse que ces obligations ne sont pas garanties par la province. Il y a également un autre point que la SDI examine, c'est la construction et la location de bâtiments industriels. Il n'est pas impossible que l'on fasse des expériences pilotes dans certains cas donnés, dans des régions différentes, sans en abuser. C'est un pouvoir qui lui est donné et qui n'a pas encore été exercé. La demande a été localisée dans quelques endroits donnés, elle n'a pas été

généralisée. Il faut dire également que, compte tenu qu'il y a des programmes fédéraux encore existants qui étaient reliés à l'immobilisation que faisait la compagnie, ce programme-là va un peu à l'encontre du programme fédéral, c'est-à-dire que la compagnie elle-même ne deviendrait pas admissible à une subvention fédérale reliée à un pourcentage de l'immobilisation, si elle loue son bâtiment de la SDI.

Dans certains cas donnés, pour de petites entreprises, je pense qu'il y a certaines villes où compte tenu de la croissance manufacturière de villes qui ont un certain dynamisme, on examine la possibilité dans le moment de faire des essais. Il y a des villes qui prétendent que parce qu'elles n'ont pas un local disponible de 20,000 pieds carrés ou de 30,000 pieds carrés, les entreprises ne viennent pas s'établir là et préfèrent aller disons à Montréal où c'est plus facile. Avec notre expérience en dehors de la région de Montréal, on pourrait prendre des cas assez différents. Je sais qu'on en a étudié quelques-uns, on a mentionné la Communauté urbaine de Québec, on a mentionné d'autres villes ou régions comme Trois-Rivières, Victoriaville, le Saguenay; enfin, ce sont quelques cas.

M. RUSSELL: Si je comprends bien le ministre, la SDI ferait ou ferait faire une construction, elle la financerait, elle la louerait à l'industrie pour une période de vingt ans, quitte, au bout de vingt ans, à remettre à l'industrie cette bâtisse, ce bâtiment pour $1, le montant qu'elle aurait payé.

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si on le ferait comme cela, mais, essentiellement, on ferait, sous forme de risque, un bâtiment polyvalent qui ne serait pas complètement terminé et qu'il serait facile à sectionner suivant des besoins assez variés, surtout pour de la petite entreprise. Je pense bien qu'on n'a pas l'intention de construire une deuxième usine pour General Motors et la lui louer. Disons un bâtiment polyvalent, où vous avez le squelette du bâtiment et les services, mais où la finition intérieure n'a pas été faite. Quelqu'un peut venir et dire: J'ai besoin de 20,000 pieds, de 30,000 pieds, de 40,000 pieds, de tant d'espace à bureaux et pour le reste, j'ai besoin de tel genre de fondation et de machinerie. On lui loue. Il y a alors une certaine spéculation de notre part.

Il semble que, dans des régions données, on favorise Montréal parce qu'à Montréal, pour le secteur privé, c'est plus facile de faire ce type de spéculation. D'ailleurs, on sait qu'il y en a pas mal dans les villes d'Anjou et de Saint-Laurent et qu'il y a toujours de la demande pour cela, alors que des villes excentriques auraient peut-être besoin de stimulants comme celui-là. Je pense aux cas de Granby, de Victoriaville ou de Trois-Rivières, où il n'y a personne, dans le secteur privé, qui soit prêt à prendre ce risque. Evidemment, il n'est pas question d'en faire dans tous les villages de la province mais, compte tenu qu'on sait qu'il y a une création annuelle d'emplois, qu'il y a une augmentation de pieds carrés requis pour des fins industrielles, le risque ne serait peut-être pas tellement grand.

M. RUSSELL: Si je comprends bien, ce serait une construction qui pourrait se faire dans une ville — le ministre a donné Granby comme exemple — où on construirait dans le parc industriel.

M. SAINT-PIERRE: Dans le parc industriel.

M. RUSSELL: Ce serait un édifice qui ne serait pas loué d'avance.

M. SAINT-PIERRE: Non. Il ne serait pas loué d'avance mais il faudrait que la ville nous fasse la preuve qu'il y a des demandes très précises, qu'il y a peut-être des besoins. Peut-être qu'il pourrait y en avoir une partie louée d'avance.

M. RUSSELL: Je pense que le ministre pourrait peut-être examinée d'une façon très objective l'expérience vécue par plusieurs municipalités.

M. SAINT-PIERRE: Cela, je le sais.

M. RUSSELL: Moi, je n'ai aucune objection, mais la preuve est faite que, lorsqu'une municipalité a fait une construction, qu'elle l'a financée, qu'une industrie devait y aménager, qu'elle avait fait une location, à quelques erreurs près, trop de municipalités se sont embarquées, ont construit sans avoir de location d'avance et ont été prises dans des situations non recommandables.

J'aurais peur, dans le contexte actuel, étant donné que la SDI est tellement près de la politique —je ne dis pas qu'elle y est mêlée mais elle est tellement près — qu'elle puisse encore s'infiltrer dans le même phénomène à moins qu'on puisse nous assurer ce matin, à la commission, que le président de la SDI et tout son personnel ont une indépendance totale du ministère de l'Industrie et du Commerce et que la politique ne peut intervenir à aucun moment.

M. SAINT-PIERRE: Vous pouvez demander cela à...

M. le Président, je peux dire là-dessus ce que nous faisons présentement à l'égard des possibilités de construire des immeubles industriels dans certaines localités. Nous avons un ingénieur qui va sur les lieux et qui fait un sondage aux fins de déterminer quelles seraient les possibilités de trouver des locataires. Nous constatons, par exemple, qu'il y a une quantité d'entreprises en dehors des grands centres, dans les petits centres de la province de Québec, qui

sont logées soit dans des hangars, dans des sous-sols et qui n'ont pas les moyens de consacrer une somme assez importante à une immobilisation pour se loger. A plusieurs endroits, il y a plus d'une industrie qui est ainsi organisée.

Nous pensons que la SDI pourrait sûrement rendre un grand service à ces entreprises qui pourraient faire un pas vers le progrès. Encore une fois, pour répondre à la question de M. Russell, nous ne nous proposons pas de construire des bâtisses simplement pour placer des affiches à louer.

M. RUSSELL: Pour faire suite aux remarques du président de la SDI, je conçois —je connais plusieurs petites industries moi aussi — qu'elles sont placées dans des hangars, dans des places qui sont peut-être peu recommandables industriellement. Mais lorsqu'on va recommander à ces gens de déménager dans une bâtisse construite à cette fin, il faut analyser leur capacité de payer. Il arrive souvent que la petite industrie ou le gars qui produit dans son hangar a le moyen de produire dans le hangar, mais il n'a pas le moyen de se payer un loyer convenable dans une bâtisse. En somme, c'est le producteur de fond de garage qui n'analyse pas ses coûts et qui reste sur le marché parce qu'il coupe ses prix.

Lorsqu'il sera obligé de payer et qu'il augmentera ses prix au niveau de ceux de la grosse industrie, il va perdre son marché. Il ne pourra plus fonctionner. Ce sera la faillite. Remarquez bien que je ne suis pas contre celui qui veut exploiter une petite industrie, qui coupe les prix pour survivre même s'il le fait dans son fond de garage. On a une clientèle, on a des industriels dont c'est la façon de procéder. C'est quand même un mal nécessaire a une économie comme la nôtre, mais je dis qu'il faut faire attention pour ne pas les induire en erreur et les placer devant de l'illusoire. Ces gens, il faut les laisser travailler comme ils veulent et je pense qu'on pourrait peut-être leur rendre service dans ce domaine. Cette erreur s'est produite à plusieurs reprises dans le passé.

M. SAINT-PIERRE: II y a un autre petit détail que je voudrais mentionner. Cette année, 8 p.c. des clients de la SDI, soit 16 entreprises — pas cette année, mais depuis les débuts de la SDI — sont des entreprises multinationales et non canadiennes qui ont bénéficié de l'aide. Les engagements dont ces entreprises ont bénéficié, peut-être à cause de quelques cas, les cas les plus importants que j'ai mentionnés comme Firestone et CIL, ont bénéficié d'environ 30 p.c. des engagements de la SDI. Comme pendant, quand même, 70 p.c. des bénéfices ou des engagements de la SDI ont été versés à des entreprises canadiennes.

Je voudrais assurer — peut-être M. Saulnier pourrait-il corroborer — qu'il y a réellement un effort de notre part pour attirer, pour susciter du côté francophone, dans chacune de nos régions, des projets donnés. Je sais que le député de Shefford a des cas différents à l'esprit.

M. RUSSELL: J'en ai plusieurs. Je voudrais connaître un peu le fond de la politique "littéraire" je veux la connaître dans les faits; c'est cela que je voudrais que le ministre nous explique, soit la façon dont on s'y prend pour créer cet intérêt.

M. SAINT-PIERRE: La façon dont on s'y prend. Tant par nos délégués régionaux du ministère, tant par la SDI elle-même, qui a des services sur le plan des régions, on tente de la susciter, on va tenter d'améliorer l'effort de publicité pour renseigner nos hommes d'affaires sur cela.

Je pense qu'il ne serait pas osé de dire que 95 p.c. de nos efforts pour attirer l'attention sur l'existence des programmes de la SDI se font du côté francophone. Malheureusement, on doit dire que, dans certains cas, il n'y a pas de projets qui viennent et on ne peut... Dans d'autres cas, il y a des projets qui viennent; bien sûr, on ne peut pas prendre l'attitude, voulant que, parce qu'un projet vient du côté francophone, il faut nécessairement dire oui. On tente — et je pense que c'est une philosophie peut-être nouvelle des derniers douze mois — de faire un effort sérieux pour trouver ce qu'on pourrait faire pour dire oui, au lieu de tenter de dire: Quelle raison pourrait-on invoquer pour dire non? On tente un effort sérieux: lorsqu'il y a des problèmes de "management", on tente d'aider l'entreprise; lorsqu'on pense que l'entreprise a besoin d'aide d'un consultant ou autres, les gens de la SDI arrivent au ministère et on tente de mettre des programmes de gestion, d'aide de marché et ainsi de suite. On tente de mettre ensemble tous les éléments requis pour assurer une entreprise rentable. Même à ça, on verra — je ne l'ai pas devant moi — que, dans nombre de cas, la SDI, dans ses prêts, s'est étirée au point de devoir reprendre des actifs, parce que les engagements n'ont pas été donnés, même si on a un certain libéralisme dans la perception, dans les arrérages, dans les prêts et tout ça. Nous ne sommes pas des gens avec le couteau pour, dès qu'il y a quinze jours de retard, saisir les actifs. On a même des cas de quatre mois et demi, de six mois; lorsqu'on pense que c'est possible de les surmonter, on le fait. Je vois ici simplement l'analyse des biens requis et dans la plupart des cas, on voit que ce sont souvent des entreprises québécoises au départ. J'en ai devant moi. Cela a commencé par les moulins Yamaska en 1969 pour une perte probable de $200,000, en passant par les automobiles Manic, en passant par Technico, Comptoir agricole Etchemin, Chaussures Karine Limitée, pour $610,000, les Tricots Excel, où on vient finalement de réussir à partir; on a vendu, mais un bout de temps on a...

On en est réchappé.

II y a aussi les boîtes Veilleux, SODAP dans la région de Drummondville en 1972 pour $285,000 déboursés, intérêts accrus, une perte probable de $25,000. Vous voyez que, même à ça, dans certains cas — je peux employer l'expression — on s'est trompé, le risque qu'on a pris fait qu'on a été obligé de reprendre possession des actifs. Je pense que, honnêtement, on peut dire que nombre de personnes, nombre de projets qui ont obtenu des prêts de la SDI ne les auraient pas obtenus dans des institutions ordinaires.

M. RUSSELL: M. le président, c'est clair qu'une compagnie qui va prêter, si elle veut prendre des risques, elle va pouvoir faire des pertes. Il va y avoir des erreurs, c'est évident. On connaît la philosophie des banques, leur façon d'administrer; ce sont des gens qui ne prennent jamais de risque. Et même, ces gens ne prenant jamais de risque en faisant, comme on dit souvent au gouvernement, du "padding", font des pertes dans plusieurs cas connus. Si ces gens, avec toutes les précautions élémentaires possibles font des pertes, comment peut-on prétendre qu'une société, une corporation telle que la SDI qui voudrait prendre des risques ne ferait pas de pertes? Je pense que la grande philosophie qui devrait entourer cette société, c'est qu'on devrait, avant de prendre un vrai risque, s'assurer du personnel responsable de l'exécution de cette opération. C'est là la valeur, à mon sens. Quand vous parlez du moulin de Yamaska et d'une couple d'autres que je connais, il y aurait peut-être eu une enquête très précise à faire dans ce domaine pour s'assurer d'avance... La SDI ou la compagnie prêteuse aurait peut-être dû aller chercher du personnel en même temps qu'elle est allée chercher de l'argent et prêter les deux. A ce moment, elle aurait peut-être assuré le succès, la rentabilité de l'industrie. Je pense que lorsque qu'on prend des risques, c'est peut-être la philosophie qu'on devrait accepter de dire à l'industrie: D'accord, nous allons te prêter un montant de tant, mais en attendant que tu aies pris le dessus et que tu aies fait la preuve que tu peux fonctionner avec profit, nous allons avoir un administrateur qui va nous représenter au conseil d'administration, qui va avoir un droit de veto. Je pense que de cette façon on pourrait peut-être s'assurer que le risque qu'on prend...

M. SAINT-PIERRE : Si les créditistes étaient ici ce matin, ils s'insurgiraient contre ce socialisme.

M. RUSSELL: M. le Président, je n'ai pas d'objection à défendre les créditistes lorsqu'ils parlent de prêts sans intérêt. D'ailleurs, la philosophie de la SDI est voulue dans ce sens, parce qu'on prête à intérêt réduit. Je me demande si, plutôt que de prêter à intérêt réduit, on ne serait peut-être pas mieux de s'étirer un peu plus sur le prêt à risque de la petite industrie et d'agir dans le sens que je viens d'exposer.

M. SAINT-PIERRE : Honnêtement, moi — je l'avais dit d'ailleurs l'an dernier — je comprenais peut-être une attitude prudente de la SDI au départ.

Je pense bien que, si dans les premiers mois d'activité, on avait ouvert toutes grandes les portes, si on avait encouru des risques qui auraient mérité des reproches de M. Dupuis ou d'autres, disant que cela n'a aucun sens, on aurait perdu de la crédibilité tant vis-à-vis des hommes d'affaires que des autres. Je comprends qu'au départ il y avait peut-être cette attitude, il y a douze mois. Maintenant, votre crédibilité est acquise, je pense qu'on a fait la preuve d'une administration saine; on a administré $46 millions et ça se fait d'une façon saine. Parce que, dans le moment, on ne peut pas, compte tenu de notre vocation — ce n'est pas une institution prêteuse, mais une institution qui aide au développement économique — tenter de rendre possibles dans des régions des choses qui, autrement, ne le seraient pas. Honnêtement — comme je l'ai dit au début, je suis très sincère dans mes paroles, et c'est confirmé par des réactions que j'ai eues d'hommes d'affaires et autres — je pense qu'il y a eu quand même une évolution chez les fonctionnaires de la SDI, chez les analystes financiers. On fait un effort sérieux pour dire ce qu'on pourrait faire pour rendre possible telle chose et on n'analyse pas uniquement les bilans. On tente d'analyser les personnes, on tente de faire des rapports, on tente de combler des lacunes qui pourraient momentanément exister.

Même là, il faut admettre qu'avec un bon bilan et un personnel parfait, il y a parfois des conjonctures internationales — je ne suis pas au courant du moulin Yamaska. Il y a peut-être eu des changements très brusques dans les prix de moulée et dans les prix de vente, dans les prix du marché, qui font qu'au moment précis où l'entreprise aurait besoin d'un marché favorable, elle est devant des situations internationales très difficiles et elle n'est pas capable de les surmonter. Il y a quand même des facteurs extérieurs qui, parfois, dans les meilleures conditions, surviennent.

M. RUSSELL: II est évident, M. le Président, si on veut parler de possibilités de développement et si on se base simplement de la rentabilité d'une industrie, lorsque le marché est excellent, je pense que c'est une fausse philosophie, une fausse théorie. On devrait toujours analyser la rentabilité d'une industrie dans les périodes les plus creuses. Qu'elle ne fasse pas alors de profits énormes, mais qu'elle puisse au moins faire face à ses obligations. Si une industrie ne peut pas nous faire cette preuve, c'est évident qu'elle n'est pas rentable. Ceci s'applique pour le moulin Yamaska et d'autres industries. Parce que des périodes

creuses, il y en aura tout le temps, tant dans le domaine du papier, du textile que dans d'autres. Ceci m'amène à poser une question sur l'étude qu'a pu faire la SDI au sujet de la cartonnerie de Cabano. Est-ce que la SDI est embarquée là-dedans pour prêter ou pour aider au développement de cette industrie?

M. SAINT-PIERRE: Sur un point — c'était avant M. Saulnier — je pense que je n'ai jamais tenté de faire d'ambiguïté. Je dois dire que j'avais un rapport négatif de la SDI. Elle ne me recommandait pas ce cas de Cabano et, me prévalant d'une disposition de la loi — et cela a été le seul cas, je pense, où on a été en désaccord — j'ai autorisé quand même, par un arrêté en conseil, la participation capital-actions. Encore là, je rends hommage aux gens de la SDI, parce qu'on ne tente pas, dans le moment, de prouver que j'avais tort et qu'eux avaient raison. On tente tous les efforts pour rendre possible ce qui, peut-être, pour eux, au départ, était une chose très difficile. D'ailleurs, je crois bien qu'à la SDI, on reconnaissait que, peut-être, sur le point de la rentabilité, on était d'accord, compte tenu de la vocation sur le plan régional de la SDI, compte tenu qu'on était dans une rentabilité positive — si je peux employer l'expression — qui était très marginale, plus de 4 p.c. de retour sur l'investissement, et avec les fluctuations de la monnaie et autre chose. On est encore à regarder ce problème. Je sais que ce n'est pas la fin de nos peines, mais comme le gouvernement voulait participer à cet effort régional, j'ai recommandé au conseil des ministres de l'appuyer. Je pense d'ailleurs que, honnêtement, le rapport annuel de la SDI devrait peut-être, dans leur intérêt, signaler les endroits où le ministre n'est pas d'accord avec eux et...

M. RUSSELL: Combien la région a-t-elle souscrit?

M. SAINT-PIERRE: On vise essentiellement... Actuellement, elle a souscrit quelque chose comme $800,000, à peu près. Mais il y a un programme avec Rexfor... Il y a déjà $800,000 en fidéicommis qui sont disponibles. Mais il y a un programme avec Rexfor selon lequel les producteurs, les fermiers et autres vont donner, je pense, $1 la corde ou $1 le cunit qui va être gardé par Rexfor et qui va servir à racheter ce que Rexfor aura au départ à acheter dans l'entreprise, c'est-à-dire que Rexfor, achetant le bois des fermiers, va leur enlever $1 qui va être compensé par...

M. LAURIN: ... $3 millions.

M. RUSSELL: Rexfor investit dans l'équipement?

M. SAINT-PIERRE: Non, dans le capital-actions, au départ, mais au nom des producteurs, pour combler...

Parce que, dans la région, pour avoir un certain équilibre, on visait un capital-actions de $2,500,000. Comme il y a seulement $700,000 qui sont amassés, Rexfor fait du "bridge financing" si vous voulez, au niveau du capital-actions, entre les $700,000 et les $2,500,000. Alors, pour $1,800,000. Sauf que, dès la première année, je ne sais pas, si pour 300,000 cordes de bois qui sont requises pour l'usine, Rexfor a gardé l'équivalent de $300,000 qu'elle va échanger pour des parts qu'elle détiendra au nom des producteurs.

Effectivement, même au départ, elle va détenir des parts au nom des producteurs que ceux-ci vont payer par l'approvisionnement en bois.

M. RUSSELL: Avec un prêt sans intérêt.

M. SAINT-PIERRE: Tout dépend. Voyez-vous, parce que c'est relié un peu au prix du bois. C'est assez difficile à dire. On pourrait peut-être dire que, par de fortes négociations, au lieu que la corde de bois — je ne voudrais pas apporter un prix — soit à $6, elle devrait être à $6.35, mais pour un homme d'affaires, on devrait exiger 7 p.c, 8 p.c. ou 10 p.c. d'intérêt sur les avances.

Alors, ils se sont entendus, je pense, sur un prix pour le bois et sur un montant.

M. RUSSELL: C'est facile. Si le bois vaut $30, on le paie $31 et on garde $1 que les gens fournissent sans rien débourser. C'est un cadeau de Grec, comme on dit souvent. C'est un cadeau aux gens de la région...

M. SAINT-PIERRE: De toute façon, pour la région, dès le départ...

M. RUSSELL: ... qui vient en concurrence avec de nombreuses industries qu'on a actuellement et qui ont eu certains malaises, parce qu'il y avait un creux dans le marché. Est-ce qu'on a la garantie, actuellement, pour cette industrie de papier de Cabano? S'il y a un creux, est-ce qu'elle va pouvoir continuer ses activités ou sera-t-elle à la porte de la faillite comme d'autres? Est-ce qu'on a une garantie dans ce domaine?

M. SAINT-PIERRE: Honnêtement, tout dépend. Il y a des fluctuations très importantes. On a vu combien la dévaluation de la monnaie canadienne a drôlement changé les budgets pro forma que nous avions faits sur une base de cinq ans. Maintenant, cela nous a aidés dans un autre sens...

M. LAURIN: ... équipement...

M. SAINT-PIERRE: Sur ce plan, ce sont des problèmes qui semblent assez bien réglés ou en voie de solution. Mais disons que ce qui aide à Cabano, c'est qu'il y a une augmentation substantielle des prix de capitalisation de l'en-

treprise qui est compensée cependant par le fait que le prix du carton a évolué vers la hausse plus rapidement que prévu. Des données sérieuses de gens qui connaissent cela dans le métier, au niveau du marché, prévoient que la demande en carton, pour les prochaines années, va être assez forte et qu'il y aura une bonne reprise. Mais je serais le dernier au monde à vouloir dire, devant qui que ce soit, que la reprise n'aura jamais aucune difficulté financière.

Nous, ce que nous voulons dire, c'est que nous mettons tous les efforts derrière les gens pour rendre l'entreprise la plus rentable possible et lui donner tous les moyens... parce que nous ne ménageons pas nos ressources tant au niveau des fonctionnaires qu'au niveau financier, pour donner tout l'appui nécessaire tant dans les négociations avec les groupes belges que dans l'implantation de l'usine elle-même, que dans son personnel de cadres et autres.

Maintenant, on n'a qu'à voir les fluctuations qu'on a eues au cours des cinq dernières années dans le prix du carton, pour savoir qu'il y a bien des points d'interrogation. Si on n'ose pas, on ne fera absolument rien. On trouvera toujours des raisons de ne rien faire. Moi, je pense qu'en osant, pour cette fois, le risque n'est pas exagéré.

M. RUSSELL: M. le Président, je pense qu'il ne faut pas être pessimiste à ce point et dire que cet investissement est mauvais. Si je parle en politicien, je dis que c'est idéal; mais si je parle en homme d'affaires, j'en suis moins sûr. Mais si j'analyse la situation régionale, je constate qu'il y a du bois qui se gaspille et qu'il faut en faire une utilisation. C'est logique, c'est normal. Il y a tellement d'autres utilisations qui auraient pu se faire des produits et l'investissement aurait été beaucoup moindre que celui qui est exigé actuellement dans un domaine où il y a un malaise qui existe ou qui va exister. Actuellement, c'est passager. Je ne suis pas certain que l'industrie du carton va demeurer à la hausse pendant des années, à cause des transformations qui se font dans d'autres pays. Le carton est à peu près l'un des papiers les plus communs à faire.

Si cette industrie est basée seulement sur le carton, peut-être qu'elle connaîtra des malaises plus vite qu'on le prévoit. Je ne lui souhaite pas. Je lui souhaite qu'elle ait beaucoup de succès, parce que c'est notre capital qui est là. Je conçois et je constate que les gens de la région ont peu de capitaux là-dedans. J'espère qu'on aura la même ardeur pour la coopération au maintien de l'industrie qu'on a eue dans l'exigence de l'installation d'une industrie de papier dans cette région. Je ne suis pas sûr que c'est une bonne décision. J'espère que cette décision sera favorable au gouvernement qui a décidé d'appuyer cette demande.

A mon sens, une industrie du papier est, parmi toutes les industries qu'on pouvait instal- ler pour aider la région, le domaine le plus délicat.

Quel est l'investissement total?

M. SAINT-PIERRE: On parle de $47 millions ou de $48 millions, mais je dois dire que, dans tout cela, on s'est un peu entendu, comme on est dans des négociations d'affaires, pour ne pas dévoiler publiquement ce montant.

M. LAURIN: C'était dans le Soleil, hier.

M. SAINT-PIERRE: Enfin, je pense qu'il n'y a pas de grand secret. Il y a quand même une augmentation des coûts qui se justifie et qui s'explique, mais comme nous sommes engagés dans des négociations avec un partenaire belge, j'aimerais mieux ne pas trop trop m'étendre quitte, dès que l'entente sera conclue et dès que les prix seront établis, à déposer à l'Assemblée nationale les données exactes.

Mais, disons que la philosophie n'a pas changé, il n'y a pas de secret. Je ne voudrais pas laisser entendre qu'il y a des secrets sur notre effort du départ, c'est-à-dire que le gouvernement avait un tiers du capital-actions, les Belges un autre tiers et la population l'autre tiers, grosso modo.

Le contenu québécois, lorsque les négociations ont bloqué, au départ, nous apparaissait nettement inacceptable. Je dois dire, pour rassurer tous et chacun, que je ne sens aucune divergence entre la position de la SDI ou du gouvernement ou du ministère des Terres et Forêts et les gens de la région là-bas. Nous sommes exactement sur la même longueur d'ondes sur à peu près tous les points dans le moment. Nous travaillons ensemble et il y a une excellente collaboration.

M. RUSSELL: Est-ce que Rexfor a investi dans d'autres industries du papier, dans l'équipement, la coopération, l'équipement de fonctionnement dans la province?

M. SAINT-PIERRE: Tout dépend de ce qu'on veut dire par investir. Dans ITT et Rayonier, il y a eu un investissement...

M. RUSSELL: Dans l'achat d'équipement.

M. SAINT-PIERRE: Dans l'achat d'équipement. Maintenant, il y a d'autres cas. On pense à Tembec au Témiscamingue, à Rexfor, peut-être pas dans l'investissement du capital-actions, mais quelque chose de semblable à Cabano, c'est-à-dire permettre, par les opérations de Rexfor, que la population détienne une partie du capital-actions.

M. RUSSELL: De quelle façon est-ce fait? Est-ce à la demande du ministère de l'Industrie et du Commerce quand Rexfor fait ces avances?

M. SAINT-PIERRE: Non, je dois dire...

M. RUSSELL: Est-ce qu'elle demande la permission au ministère de l'Industrie et du Commerce?

M. SAINT-PIERRE: Non, je dois dire que c'est un des effets bénéfiques du groupe économique dans tous ces problèmes qu'on discute chaque semaine. Le groupe économique a permis une action concertée des deux ministères et il n'y a aucune divergence de vues. Effectivement, Rexfor est intéressée, M. Drummond en particulier, par les problèmes d'approvisionnement, par le contenu local dans l'exploitation des richesses naturelles. Il était prêt à faire le maximum et nous pouvons en faire par les programmes de la SDI, mais dans tout cela, dès le départ des projets comme Tembec, de A à Z, il y a eu une grande concertation. On ne peut pas dire que c'est en vase clos entre les deux ministères.

M. RUSSELL: Est-ce que le ministre pourrait nous exposer de quelle façon Rexfor procède? Est-ce qu'elle fait ce qu'on appelle communément du "lease-back"? Elle achète l'équipement et fait la location à l'industrie sur un nombre d'années, une période de cinq ou de dix ans?

M. SAINT-PIERRE: En détail, ce serait peut-être au ministère des Terres et Forêts qu'il faudrait s'adresser, mais non pas dans le cas de Cabano. Dans ce cas, il n'y a rien sur l'équipement. C'est strictement relié au fait que c'est Rexfor qui va être responsable de la direction, de l'approvisionnement du bois et, temporairement, Rexfor achète au nom des producteurs des actions. L'achat de ces actions va se faire par un montant qui sera pris à même les prix payés aux producteurs?

M. BELAND: Dans le même ordre d'idées, est-ce que c'est pour l'ensemble?

M. SAINT-PIERRE: Je disais justement que dans un régime capitaliste, avec des retards comme celui de ce matin, on vous enlèverait de l'entreprise. On ne vous laisserait plus parler...

M. BELAND: Ah bon! Vous m'enlèveriez le droit de parole. Cela ne me surprendrait pas. De toute façon, j'étais à l'autre commission.

M. SAINT-PIERRE: Dans un régime socialiste, on va tolérer cela...

M. BELAND: Ah bon! Cela dépend de qui conduit dans le système capitaliste, si ce sont les capitalistes ou si c'est le gouvernement. A tout événement...

M. SAINT-PIERRE: Posez la question...

M. BELAND: Dans le même ordre d'idées, du moins de ce que j'ai entendu, est-ce qu'il s'agit du domaine de Rexfor vis-à-vis de toutes les entreprises de Rexfor comme telles ou s'il ne s'agit que de quelques-unes en particulier?

M. SAINT-PIERRE: Ce dont on parlait, c'était uniquement la participation de Rexfor dans le projet de Cabano. Je pense que c'est différent des autres projets de Rexfor. Dans le projet de Cabano il y avait intérêt des producteurs d'acquérir une somme assez rondelette, quand même $1,500,000 de capital-actions. La façon dont on le fait, c'est que Rexfor achète du capital-actions en leur nom et retient une partie du coût de l'approvisionnement de bois que Rexfor doit payer aux producteurs pour leur permettre, sur une période de deux ou trois ans, finalement, de devenir propriétaires de 30 p.c. des parts de l'entreprise. Cela n'est pas imposé par Rexfor, ce n'est pas imposé par les producteurs, c'est désiré par les deux parties comme étant la meilleure façon de combler la différence entre les $700,000 qui ont été souscrits jusqu'à maintenant et les $2,500,000 requis.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je voudrais vous rappeler que nous sommes à l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, programme 5: Société de développement industriel. On a pris une tangente sur Rexfor parce qu'on a abordé un cas particulier. J'aimerais bien qu'on revienne à la SDI.

M. BELAND: Même si j'ai posé une question, ce n'était quand même pas moi qui avais dévié, ou fait dévier vis-à-vis de...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'étais justement pour rappeler le député de Sherbrooke à l'ordre.

M. BELAND: Ah bon!

M. LAURIN: M. le Président, le ministre a regretté de ne pouvoir nous fournir le rapport annuel. Je le regrette moi aussi parce que j'aurais bien aimé, en effet...

M. SAINT-PIERRE: On l'a terminé il y a trois semaines. En fait l'année financière se terminait il y a neuf jours, le 31 mars.

M. LAURIN: De toute façon le ministre nous a donné un certain nombre de renseignements. Est-ce qu'il pourra nous communiquer quand même le rapport qu'il nous a lu?

M. SAINT-PIERRE: Oui. Pouvez-vous en tirer des copies, monsieur?

M. LAURIN: Est-ce que le ministre pourrait compléter ce rapport, pour autant qu'il est possible, en nous disant, par exemple, les choses usuelles, soit l'actif, le passif, les grandes lignes, en somme, du rapport annuel?

M. SAINT-PIERRE: C'est le résultat de l'année. Ce sont encore des chiffres au crayon. Il n'y a que neuf jours... Les disponibilités touchent $1,647,497; les placements $124,000; les prêts: le montant cumulatif qui a été déboursé sur les prêts a été de $48 millions — je vous donne ça en gros — plus les intérêts à recevoir, les finances, etc., cela donne donc un actif total de $38,245,529. Au passif, des comptes à payer négligeables et finalement une contribution du ministre des Finances de $32 millions et d'autres revenus. Les revenus bruts de l'année se chiffrent par $3,309,000. Comme on l'a expliqué, dans les rentrées de fonds, il y a eu les prêts qui ont été consentis antérieurement par l'Office du crédit industriel et qui, dans une large mesure, ont été plus que suffisants pour les sorties de fonds qu'on a eues, bien que les engagements totaux se chiffrent par $48 millions.

M. LAURIN : Est-ce que la contribution du ministre des Finances est élastique, c'est-à-dire qu'elle correspond aux activités de la société ou est-ce qu'il y a un plafond?

M. SAINT-PIERRE: Au début de la société, le ministre avait, avec l'office, contribué pour environ $33 millions. Depuis ce temps les revenus de 71/72 ont été de près de $2 millions et ceux de 72/73 près de $3 millions. Ce qui fait des contributions totales, le capital, de $37 millions.

M. LAURIN: Jusqu'où pourrait s'étendre cette contribution?

M. SAINT-PIERRE: Tant que les besoins existent. Cette année, dans les nouveaux programmes du ministère — je vous ai donné tantôt une copie de ces nouveaux programmes— on remarquera au programme 5 qu'on a mis dans nos crédits un montant de $1,100,000 pour des prises à charge partielles par la SDI du coût d'emprunt. Alors là il y a des pertes directes, parce qu'il y a des subventions indirectes.

M. LAURIN: Vous avez commencé votre exposé en disant que la SDI, depuis que M. Saulnier en avait assumé la présidence, avait changé son orientation, qu'elle prenait moins une orientation bancaire mais davantage une orientation conforme à celle du ministère de l'Expansion régionale.

Est-ce que le ministre ou le président de la SDI pourrait préciser davantage cette orientation?

M. SAINT-PIERRE: C'est un peu dans le sens que je l'ai mentionné. C'est que, par leur formation, ceux qui sont nos analystes financiers souvent ont travaillé dans des banques et ensuite à l'Office du crédit industriel. Il y avait peut-être, professionnellement, un biais: vous regardez un dossier et vous dites que le rapport des prêts à long terme versus l'actif est trop considérable, le fonds de roulement est insuffisant pour le volume des ventes, des choses semblables, que pour telle ou telle raison, vous refusez ce prêt.

Ce que nous avons tenté de changer et de trouver, c'est de regarder surtout l'entreprise francophone et, quand on nous soumet un cas, de ne pas trouver les raisons pour dire non, mais de savoir ce que le gouvernement pourrait faire pour pouvoir dire oui. Parfois, c'est absolument impossible parce que le projet ne semble rentable dans aucun élément. Il n'y a rien à faire. Je ne sais pas: Si quelqu'un — je pense à des projets récents — veut ouvrir une petite briqueterie dans le Bas-du-fleuve et qu'au point de vue d'économie d'échelle ou de niveau de rentabilité, cela n'a aucun sens, on ne peut pas lui dire qu'avec un meilleur président son projet serait rentable; c'est impossible au départ. Alors, il faut bien être franc et lui dire non. Il y a une attitude de dire: Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour rendre cela possible?

Un autre point qui n'a pas été soulevé tantôt et qui intéresse grandement M. Saulnier: nous avons, comme vous savez, au niveau de la politique des achats, beaucoup de travail. Rien n'a été déposé parce que je dois le présenter au conseil des ministres mais d'ici quelques semaines, il y aura quelque chose de déposé. Là aussi, on tentait de dire: Est-ce qu'on est capable d'identifier les secteurs où, par la politique des achats on peut, par le biais de normes, grouper les achats des secteurs public et parapublic, dans les secteurs importants — ce ne sont pas des crayons à mine ou choses semblables — et là, axer la SDI sur cela pour susciter du secteur privé quelqu'un qui va bien vouloir partir cela, faire par la politique d'achat et l'aide financière de la SDI des implantations industrielles qui autrement manqueraient le bateau complètement?

Il y a également le fait qu'avec une plus grande concertation qui a existé — hier, on avait une réunion toute la journée au ministère, avec les gens de la SDI qui en témoignait — au niveau des fonctionnaires, des meilleures communications entre les différents niveaux... Je pense qu'à l'occasion, soit la SDI, soit le ministère a identifié au Québec des choses intéressantes qui n'existaient pas et qui n'avaient aucune raison d'exister. Peut-être que la SDI a pris une approche plus positive en se demandant si elle connaissait parmi tous les gens, les industriels à qui elle avait affaire, des gens qui seraient intéressés à investir là-dedans. Le cas des Héroux en est un, dans un certain sens, où vous voyez une entreprise qui était pour passer dans des mains américaines et qui avait un certain niveau de rentabilité. On a dit: Qui pourrait être intéressé par ce secteur? On a pressenti Bombardier. D'ailleurs, je dois dire qu'on pressent souvent Bombardier pour des tentatives en ce sens mais souvent on le fait avec d'autres types de compagnies. On est conscient de

quelque chose mais au lieu de simplement laisser passer les événements, on tente plutôt de passer à l'action et de se demander ce qu'on pourrait faire pour une implantation dans telle région avec tel type d'entrepreneur qui a une expérience directe dans ce domaine.

M. LAURIN: Est-ce que ce changement d'orientation a incité la SDI à augmenter son personnel, à améliorer qualitativement son personnel, c'est-à-dire par le choix d'un personnel plus spécialisé, qualitativement différencié? Est-ce que ce changement d'attitude a amené ou amènera la SDI à créer des services nouveaux comme des services d'assistance spécialisée en ce qui concerne la gestion, les assistances technique et scientifique? J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus.

M. SAINT-PIERRE: Si le gouvernement se rend à nos voeux, c'est sûrement un secteur d'activité où l'action de la SDI sera très dynamique. Nous souhaitons pouvoir spécialiser des groupes de professionnels de façon à utiliser les services de ces spécialistes pour diagnostiquer, si je peux dire, les maladies de certains secteurs industriels du Québec et ensuite, non seulement pour trouver le diagnostic mais également pour réunir tous les éléments d'une bonne thérapeutique. Je vais illustrer cela par un exemple qui peut paraître simpliste.

Nous voudrions être en mesure, un jour, d'identifier un objet, par exemple un verre, vérifier où il est fabriqué et s'il n'est pas fabriqué au Québec, et, comme dans un très grand nombre de produits que nous consommons qui ne sont pas fabriqués au Québec, aller au bout de l'exercice et dire: Nous devons le faire; qui, parmi nos industriels, peut le faire le mieux? Aller trouver cet industriel, lui donner les moyens que nous pouvons lui offrir pour le faire, aller un peu plus loin encore, et toujours dans cet exercice, atteindre le point où nous pourrions nous-mêmes trouver des investisseurs possibles.

Nous aurions ainsi réussi à créer un climat de confiance et de fierté par nos efforts, de façon que des investisseurs qui ne pensent présentement qu'à acheter des obligations, des titres de tout repos, s'approchent de la SDI. Ainsi, nous pourrions allier les ressources publiques aux ressources privées.

M. LAURIN: Actuellement, votre personnel est constitué de combien de spécialistes et dans quels domaines, d'une part? Et deuxièmement, si le gouvernement vous écoute, vous en ajouterez combien et dans quel domaine?

M. SAINT-PIERRE: Nous avons une vingtaine de spécialistes qui s'occupent de questions financières et bancaires. Là-dessus, il est peut-être utile de dire ici que, tout en s'occupant d'affaires financières et bancaires, leurs perspectives sont un peu plus larges que celles d'un banquier ordinaire. Nous avons également un économiste présentement.

Ce que nous souhaitons, c'est de réunir chez nous d'autres économistes, d'avoir également la possibilité de prendre des initiatives et de ne pas toujours attendre qu'on vienne à nous. Cela peut paraitre facile, mais remarquez que c'est un exercice assez compliqué. Quand j'ai formulé le voeu que le gouvernement nous donne les moyens, c'est que j'estime qu'à partir des discussions que nous avons eues et des projets que nous avons définis, il semble bien que le gouvernement va appuyer l'effort que nous voulons faire et que nous ferons.

M. LAURIN: Quand vous parlez de l'avenir, quel genre de services ou de directions voudriez-vous créer dans la SDI pour vous permettre de réaliser les objectifs que vous venez d'énoncer? Est-ce qu'il y a des projets précis quant au nombre de services, de directions, quant au nombre de personnes que vous voudriez...?

M. SAINT-PIERRE: Nous pourrons définir cela, je le souhaite bien, au cours de l'exercice qui commence. Mais, à ce moment-ci, il ne me serait pas possible de donner une réponse intelligente à cette question.

M. LAURIN: Le ministre, tout à l'heure, a dit dans son rapport que, quand il examine la situation de certaines entreprises qui ont bénéficié des subventions de la SDI et que ces entreprises ne fonctionnent pas très bien, le ministre et la SDI ont cherché par quel moyen ils pourraient rentabiliser les subventions données par la SDI. Il a dit que, bien souvent, on s'est rendu compte que c'était par défaut de gestion, lacunes au point de vue technique, et que le ministre ou la SDI a tenté de combler ces lacunes.

De quelle façon comblez-vous ces lacunes? Simplement en donnant des conseils aux entreprises en leur demandant, par exemple, d'engager les spécialistes des firmes? Ou encore, est-ce que vous mettez à leur disposition les services de certaines sections du ministère de l'Industrie et du Commerce? Ou est-ce que, éventuellement, vous préféreriez avoir au sein de la SDI ce personnel de base, ces ressources que vous pourriez, dans un temps beaucoup plus rapide et beaucoup plus adéquat, mettre à la disposition des entreprises pour leur permettre de combler, dans un délai très rapproché, les lacunes que vous constatez?

M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est le but que nous poursuivons tous ensemble et d'une façon bien déterminée.

Il est actuellement possible d'organiser une coordination des efforts, une coordination également des conceptions qui doivent nous guider, que l'on peut également concevoir pour intégrer à l'intérieur de la société ou dans une direction du ministère le plus grand nombre

possible de personnes qui oeuvrent dans le même secteur.

Effectivement, cette question a été débattue hier, au cours d'une journée d'études.

M. LAURIN: En fait, toutes les questions que je pose m'amènent à poser la question plus large qui les contient toutes, de la collaboration organique entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et la Société de développement industriel. Le ministre y a d'ailleurs fait allusion dans son rapport lorsqu'il a dit qu'il visait à une meilleure concentration — c'est le mot qu'il a utilisé — on peut penser à un meilleur terme, une collaboration plus organique; mais justement, j'aimerais pousser davantage mes questions là-dessus, à la lumière des articles qui ont d'ailleurs paru dans les journaux, il y a quelques mois, quand vous avez assumé la présidence, qui identifiaient justement les maladies ou les lacunes ou les tâtonnements initiaux de la SDI. J'aimerais savoir, premièrement, jusqu'à quel point vous avez étudié ces problèmes depuis que vous avez assumé la présidence, jusqu'à quel point vous les avez résolus, quels sont les modes de cette collaboration à tous les niveaux, par exemple, au niveau de la stratégie industrielle? Ce que vous m'avez dit tout à l'heure, au fond, ce sont des commentaires qui ont trait à la conception de la stratégie industrielle. Est-ce que cela veut dire que la SDI va tenter elle-même d'élaborer sa propre stratégie industrielle? Est-ce qu'elle va suivre en cela uniquement ce que les services spécialisés du ministère vont élaborer comme stratégie industrielle, ce que le cabinet va élaborer comme stratégie industrielle? Quelle va être, en somme, la part de la SDI dans l'élaboration de cette stratégie? Et, deuxièmement, quelle va être sa part dans l'exécution de cette stratégie? Parce que, quand on parle de collaboration organique, au fond, c'est cela que l'on vise.

M. SAINT-PIERRE: Peut-être que je peux répondre à la deuxième question. Je voudrais laisser M. Saulnier répondre très librement et très franchement à la première partie, cette collaboration entre le ministère et la SDI.

Relativement à la deuxième partie de votre question, c'est bien sûr que c'est l'éternelle situation, à savoir, si on met tout dans la même boite, finalement; les gens devraient se parler; si, d'autre part, on arrive avec des boites, soit des superministères ou des superstructures, qui sont tellement grandes, l'on sent un besoin de spécialisation, on commence à fractionner de nouveau. Alors, pour moi, il me semble qu'on doit exercer une certaine prudence en chambardant tout cela. C'est certain que l'on peut regarder le concept et dire finalement qu'on n'a plus besoin du ministère de l'Industrie et du Commerce, qu'on va tout passer cela à la SDI. Est-ce que cela va marcher mieux après? J'en doute personnellement.

Mais de la même façon, je dois dire qu'il est essentiel que tous ces gens se parlent de part et d'autre, entre la SDI et les services du ministère. Autant il faut rechercher la part de chacun d'entre eux à même quelque chose qui déborde leur champ spécifique... La meilleure preuve que nous en avons, c'est qu'hier même nous parlions de stratégie industrielle dans une réunion d'une journée et les gens de la SDI — il n'y avait pas seulement M. Saulnier, il y en avait trois ou quatre — s'y trouvaient. Ils ont participé à des choses qui débordent strictement leur mandat selon la loi actuelle, comme les gens du CRIQ qui étaient là, et ceux de la SGF qui avaient été invités également. Autant il faut trouver la part de ces groupes-là, autant il faut être prudent en faisant la fusion, simplement pour dire que les gens vont se parler parce qu'ils appartiennent à la même structure organique. Je pense que, depuis quand même un an, on a fait beaucoup d'efforts en débordant, que ce soit par le groupe économique, avec les ministères à vocation économique, que ce soit par des types d'interventions — je pense à la Caisse de dépôt — que ce soit par le biais des conseils d'administration, on a tenté d'avoir des gens de la Caisse de dépôt qui siègent au conseil d'administration de la SDI, d'avoir M. De Coster au conseil d'administration de Sidbec et d'avoir des sous-ministres adjoints au conseil d'administration de la SGF.

On a tenté réellement de faire en sorte que les gens se parlent. Ce n'est pas un problème facile en soi, mais je pense qu'il y a eu quand même beaucoup d'efforts. Moi-même, je le disais aux gens hier: Dans une communication, il faut qu'il y ait deux personnes à chaque bout de la ligne. Il ne faut pas que chacun reste chez soi en disant: Moi, j'attends que les autres me parlent. Personne ne se parlera si tout le monde a cette philosophie. Autant des gens disent qu'ils ne sont pas renseignés, autant il faut faire un effort pour être renseigné. Je pense qu'il y a eu des améliorations, il y a moins d'animosité qu'il y en avait au temps où les articles ont pu être écrits. Je pense que l'on a constaté que personne n'avait la vérité ou la science infuse et chacun avait à apprendre de l'autre, et on tente de s'étendre.

Je ne sais pas si le deuxième point... Enfin je vous mentionne d'autres initiatives qui ont été prises depuis un an.

Nous avons régulièrement, toutes les semaines, le mercredi matin, un groupe de direction qui réunit mes sous-ministres, sous-ministres adjoints et chefs de cabinet et auxquels se joignent régulièrement, d'une façon systématique, M. Saulnier et M. Normandin, du CRIQ, où ces gens-là nous apportent souvent des suggestions sur le fonctionnement même du ministère, dans des champs qui sont en dehors de leur champ. Il y a des groupes conjoints sur le plan fonctionnel. Encore une fois, au conseil d'administration de la SDI, il y a des gens du ministère et vice versa, comme je l'ai expliqué tantôt. C'est presque une philosophie à donner

aux gens, la nécessité de se parler entre eux.

Je ne sais pas si, sur le point strictement des relations, M. Saulnier aurait des points à ajouter?

M. LAURIN: Est-ce que les conceptions sont maintenant claires en ce qui concerne qui fait qui, qui fait quoi?

M. SAINT-PIERRE: C'est très important parce que vous savez, même à l'intérieur du ministère, on retrouve des entités. Hier, c'étaient des choses que l'on tentait de définir. Brièvement, et c'est peut-être intéressant, on a tout le groupe de recherche qui est dans la macro-économie et qui tente, sur les plans des politiques industrielles, des politiques régionales, de déceler les grands indicateurs ou des choses semblables. On se déplace. Nous avons, après cela, un groupe sectoriel, la direction générale de l'industrie qui, elle, a au niveau, non pas d'une industrie, mais de l'ensemble du secteur industriel, des opérations de connaissance, de liaison, de définition de programmes.

Vous disiez: Des types d'entreprise. Prenons un exemple dans le meuble. Bien sûr, la SDI peut avoir des demandes, comme elle en a eues, pour faire la fusion dans l'industrie du meuble, dans des entreprises précises, Victoriaville Furniture, Victoriaville Specialty, des choses semblables. Au ministère, le groupe de direction qui aurait étudié l'industrie du meuble dirait: Nous avons deux problèmes dans l'industrie du meuble. Premièrement, au niveau du design, nous sommes en train de perdre la partie, et au niveau de l'exportation, nos gens pensent trop à rayonner seulement sur un marché régional. Donc, le ministère a mis sur pied des programmes dans le design et vous avez notre programme annuel qui a connu un certain succès. Au niveau des missions d'exportation, on conseille à nos gens qui sont dans l'autre secteur, au niveau du développement des entreprises, au niveau du développement industriel, des programmes d'exportation qui visent spécifiquement l'industrie du meuble, des missions d'acheteurs étrangers qui sont venus voir nos industries du meuble, nos gens de l'industrie du meuble qui sont allés à l'étranger pour voir ce que les Danois ou les Italiens pouvaient faire en matière de design.

Vous voyez, même si on mettait tout cela dans la même boîte, il faudrait, après cela, comme les problèmes sont assez variés, faire une spécialisation de nouveau et passer d'une opération de fusion à une opération de décentralisation. Ce qui est essentiel — je pense que vous le soulevez — c'est que les responsabilités soient bien partagées, qu'il y ait un apport de tous, même sur des problèmes qui ne les touchent pas spécifiquement. Il n'y a rien de plus sain. Et au niveau de la stratégie industrielle, d'ailleurs, on doit avoir un document, et on voulait l'élargir à d'autres qui n'en ont pas la responsabilité directe, aux gens qui sont dans le secteur primaire, dans le secteur tertiaire, aux gens comme ceux de la Caisse de dépôt qui sont souvent avec nous dans des projets conjoints, à d'autres groupes sur le plan économique, avant d'en faire une position officielle du gouvernement.

M. LAURIN: Si je vous comprends bien, la SDI peut fournir des données que vos spécialistes de la planification, au ministère, peuvent très bien ne pas connaître, des données locales, des données régionales, des données de comportement d'entreprises aussi.

M. SAINT-PIERRE: Oui. C'est cela.

M. LAURIN: Par ailleurs, vos spécialistes du ministère peuvent élargir...

M. SAINT-PIERRE: Identifier une forêt ou quelqu'un est juste devant un arbre et n'a pas vu...

M. LAURIN: ... mais en même temps les spécialistes de la SDI peuvent fournir des hypothèses de base qui ont tout intérêt à être étudiées par les spécialistes de votre ministère. Mais le problème demeure. Est-ce que les lignes de responsabilité et d'autorité sont maintenant clairement définies?

M. SAINT-PIERRE: Je pense que oui. Je pense que, sur cela...

M. LAURIN: On ne se heurte plus aux difficultés qu'on a connues, il y a quelques mois, et qui ont été responsables d'un certain flottement dans l'action de la SDI.

M. SAINT-PIERRE: Encore là, quand on va au fond des choses, toujours sur le plan humain, des problèmes de relations humaines, des ambiguïtés ou une certaine confusion pouvaient régner. Là, je pense que c'est très clair, particulièrement parce que nous avons maintenant un président directeur général à temps plein. Je pense que cela a aidé beaucoup parce que c'était difficile pour moi, l'an dernier, de demander à M. Plourde, qui est à temps partiel, de venir tous les mercredis au ministère et de pouvoir le rejoindre par téléphone. Lui avait sa propre entreprise. Avec M. Saulnier, je prends le téléphone le jeudi après-midi s'il y a un problème, et je suis capable de le rejoindre. Il est à temps plein dans ses fonctions.

M. LAURIN: Dans les méthodes d'action que vous avez décrites jusqu'ici, il y a eu, bien sûr, l'assistance technique prévue par la loi. Mais vous avez senti très tôt le besoin d'ajouter de l'information qui doit se rendre partout où les bénéficiaires éventuels se trouvent. Vous avez ajouté aussi l'incitation que le ministre fait à toutes les occasions qui lui sont données de faire des discours, évidemment. Mais vous avez

ajouté récemment la prospection et moi, j'en suis fortement.

Il faut prospecter le marché, trouver des occasions où vous pourriez intervenir, comme l'exemple du verre dont vous avez parlé tout à l'heure. Je suis tout à fait d'accord sur cette conception. Mais est-ce que cela n'est pas précisément un des domaines, la prospection, où vous risquez d'adopter une politique qui ne soit pas tout à fait conforme à celle qui ressort des conclusions des planificateurs en ce qui concerne la stratégie industrielle? Est-ce qu'il y a moyen d'être sûr que les efforts de prospection qui peuvent être mis de l'avant d'une façon spontanée et rationnelle par les spécialistes de la SDI, puissent s'articuler avec les planifications plus larges élaborées par votre ministère? Est-ce qu'il y a des moyens de prévus pour que cette prospection s'articule d'une façon organique à l'intérieur des grands plans que le ministère peut faire ou si, pour une période intérimaire, la SDI pourra continuer à prospecter comme elle l'a fait d'après les exemples que vous nous avez donnés, selon les informations qu'elle possède?

M. SAINT-PIERRE: Entendons-nous bien. En parlant de l'apport de la SDI dans cette définition du champ de prospection, ce sont des opérations comme celles que nous avions hier. Exemple, le 4 mai, par un effort de recherche, on est censé identifier à peu près 18 secteurs industriels — je ne parle pas du verre — mais des secteurs plus larges un peu, où le Québec a des avantages par rapport à d'autres régions. Et là, on va faire presque une tactique d'intervention pour dire: Qui sont les gens dans ce secteur? Est-ce qu'il y en a au Québec qui pourraient ajouter dans ce secteur? Il va y avoir un effort conjoint. Peut-être qu'à cette réunion le 4 mai où la SDI sera représentée par M. Saulnier et d'autres de ses collaborateurs, on va dire: Nous ne sommes pas d'accord. Tel secteur, dans les livres, a l'air d'être bien intéressant, mais il n'y a personne qu'on y connaît et on ne peut pas voir au Québec... On n'est pas d'accord avec vous sur tel point. C'est ce que je veux dire quand je dis: Entendons-nous sur un effort de prospection.

Nous discutons de la SDI, mais je ne voudrais quand même pas négliger les 1,000 fonctionnaires que nous avons au ministère où il se fait aussi un effort de prospection, de recherche et d'identification de marchés. Je prends des exemples très concrets. Lorsqu'on a eu dans le pneu radial des annonces que vous connaissez et celles qui sont à venir dans ce secteur, on ne s'est pas le lendemain matin tourné les pouces. On a dit: Avec un volume tel dans ce secteur, qu'est-ce qu'on peut faire? On a eu des gens au ministère qui ont décomposé les investissements possibles. On a identifié, comme je l'ai mentionné tantôt, le caoutchouc synthétique, le noir du fumée, le fil de fer, le polyester, toute une gamme de produits. On a examiné qui était dans cela. On a vu quels Québécois on pourrait regrouper à cela, pour qu'il y ait des actions conjointes.

Il y a des gens qui ont revu des compagnies. Il y a des gens de la SDI qui étaient avec nos fonctionnaires là-dedans. Dès que le projet commence à être assez concret, qu'il faut parler de financement possible ou d'aide possible, parce que nous parlons de programmes du 2-A, le plus rapidement possible, on insère quelqu'un de la SDI dans cela. Je pense que si on prend des cas concrets où cela ne s'est pas fait dans le passé, il faut simplement l'expliquer par la période de flottement de quelques mois entre le départ de M. Clermont et l'arrivée de M. Saulnier. Je pense au cas d'Hercules et à d'autres. Si M. Saulnier avait été en poste à l'époque, je suis certain qu'il aurait été avec nous, du groupe de deux ou trois qui sommes allés aux Etats-Unis pour compléter l'entente. C'est ce type de concertation qui existera toujours. Il faudra qu'il existe toujours.

M. LAURIN: D'après le rapport que vous nous avez donné, il semble que l'action de la SDI au cours des deux premières années a été quand même quelque peu dispersée. Elle a consisté à aider de petites, de moyennes et même de grandes entreprises, 30 p.c. des engagements, et son effort a porté aussi bien dans le secteur manufacturier de haute technologie que dans le secteur manufacturier de technologie moins avancée. Est-ce l'intention de la SDI ou du ministère de continuer comme cela cette stratégie en ordre dispersé ou si c'est son intention de concentrer surtout son aide dans certains secteurs?

M. SAINT-PIERRE: C'est le fameux dilemme que nous avons. D'une part, nous disons: Un de nos objectifs — c'est très réel, je pense que tout le monde est d'accord lorsqu'on comprend ce que signifient les termes — est de changer la structure industrielle du Québec. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire avoir une plus forte concentration de nos emplois manufacturiers dans des secteurs qui sont à forte croissance et ces secteurs, en général, sont des secteurs nouveaux, impliquant une haute technologie. Or, les présences dans ces secteurs — il faut bien l'admettre— ne se retrouvent pas dans l'entreprise québécoise ou dans la petite ou dans la moyenne entreprise, elles se trouvent souvent dans des entreprises multinationales. Mais nous disons: Si nous sommes absents de ces secteurs, nous serons constamment cantonnés dans des secteurs traditionnels avec des petites entreprises artisanales et nous allons manquer le bateau.

Alors, nous sommes pris devant ce dilemme d'avoir un système dualiste pendant un certain temps, où on tente d'insérer des entreprises multinationales dans nos institutions et de favoriser la progression des Canadiens français dans ces entreprises, parce que nous savons que

la petite entreprise ne peut plus former une base pour ça. On prend le cas d'Hercules, l'usine de polypropylène. Quand même on essaierait d'intéresser n'importe quelle entreprise québécoise dans ça, il n'y a personne qui a la technologie et les réseaux de distribution pour ça. Donc, nous sommes pris pour avoir des gens comme ça et nous allons tenter de les insérer dans nos institutions et graduellement, de développer des "joint ventures". En même temps, il faut reconnaître que pour sauver nos emplois — Dieu sait que ça aussi, c'est une bataille à gagner — nous avons des entreprises traditionnelles qui emploient une très forte proportion de notre main-d'oeuvre. Dans ces secteurs, là où c'est plus complexe, nous avons une compétition nouvelle par des pays en voie de développement, par des pays qui s'industrialisent et qui ont des taux de salaire drôlement plus bas que les nôtres. C'est là qu'en même temps que des programmes comme 2-A qui sont exclusivement réservés à une entreprise de haute technologie, nous sommes obligés d'avoir des programmes comme 2-B qui visent la fusion de nos entreprises pour les rendre plus concurrentielles, faire des groupements d'achats et des choses semblables. Nous devons avoir au niveau du ministère des programmes de design et autres, vis-à-vis de nos entreprises traditionnelles pour leur permettre de garder le marché, surtout les emplois qu'ils attendent.

M. LAURIN: Est-ce que vous ne croyez pas que si vous voulez changer la structure industrielle dans l'avenir, si c'est votre objectif à long terme... Dans le domaine de la haute technologie, là où nous sommes relativement absents jusqu'ici, est-ce que ça ne nécessitera pas, dans un avenir assez rapproché, des mises de fonds beaucoup plus considérables que celles dont votre rapport fait état?

M. SAINT-PIERRE: II se peut que dans certains secteurs donnés... On va sûrement se faire accuser de socialisme dans certains secteurs donnés, surtout dans ces secteurs où la petite et la moyenne entreprise n'offrent pas la base et où l'Etat est obligé d'intervenir dans les types d'association mixte. Peut-être que, dans un premier temps, on sera même obligé de retrouver cette association avec des étrangers sur une base... On a évoqué comme possibilité pour la SGF, on pourrait la prendre pour la SDI et dire que la SDI est limitée à 30 p.c. par sa loi dans le capital-actions des entreprises. C'est vrai. Mais au même moment, nous ne pouvons pas nous permettre que l'industrie du textile et celle du meuble tombent à zéro parce que c'est quand même un nombre très considérable, trop considérable d'emplois; nous l'admettons tous. Si on les perd, c'est le chômage qui augmente.

M. LAURIN: Je remarque que dans le programme 2-C qui a trait aux fusions, il n'y a eu que dix prêts pour un total de $4 millions.

Est-ce que ça veut dire que, dans ce domaine particulier, vous vous heurtez à de grandes difficultés lorsque vous suggérez ou vous incitez des compagnies à se fusionner? Quels sont ces obstacles auxquels vous vous heurtez et quels sont les moyens auxquels vous avez pu penser pour contrer ces obstacles?

M. SAINT-PIERRE: Le programme 2-B. On doit dire honnêtement — on en parlait hier à la réunion — que peut-être dans ce programme, compte tenu de la période de rodage de la SDI, que c'est un type de programme avec graduellement plus de ressources... On comprend que nous ne pouvons pas doubler notre personnel du jour au lendemain sans risquer de nous compromettre sur le plan de la qualité. C'est sûrement un programme où la SDI pourrait faire plus d'action, malgré que les chiffres qu'on voit ici ne reflètent pas l'activité au niveau de la fusion des entreprises. On sait qu'il y a quand même beaucoup d'obstacles pour la fusion des entreprises; ce ne sont pas des choses faciles. Je pense que c'est pire que la fusion des municipalités, dans bien des cas. Nous avons plusieurs projets en cours de route. Je pense aux cas de boulangeries où nous avons énormément de projets fort intéressants qui ne sont pas reflétés dans les statistiques. Mais il sera également vrai de dire que, compte tenu des autres problèmes de rodage qu'on avait, le programme 2-B, à cause des résistances du milieu, a peut-être été laissé en veilleuse.

M. LAURIN: Dans quels domaines surtout ne sont effectuées ces fusions et quels sont les types d'entreprises qui ont bénéficié de ces prêts?

M. SAINT-PIERRE: Les boulangeries, l'industrie laitière; je pense que ce sont les deux principales; dans le cas de la boulangerie et de l'industrie laitière.

M. BELAND: Vous voulez parler des usines laitières.

M. SAINT-PIERRE: La laiterie Leclerc, la distribution, tout ça.

M. BELAND: Parce que c'est bon de faire la distinction, usine laitière et industrie laitière sont deux choses distinctes.

M. LAURIN : Ce sont les deux domaines qui, jusqu'ici, ont bénéficié de l'intervention...

M. SAINT-PIERRE: ...produits du bois, produits métalliques respectivement pour des montants de $500,000; produits du pétrole, $371,000; produits chimiques également $118,000.

Maintenant, je reviens à la section des aliments dont nous avons parlé, $1,800,000.

Ce seraient les boulangeries, l'industrie du lait, la distribution du lait.

M. LAURIN: Je vois aussi que, conformément à des suggestions que nous avons souvent faites au ministre, la SDI conditionne parfois maintenant ces subventions à la prise de capital-actions. Nous nous en réjouissons incidemment. Ce pourcentage s'élève à 6 1/2 p.c. maintenant. Est-ce que c'est l'intention de la SDI, ou du ministère, de faire de cette prise de capital-actions, toutes les fois que cela est possible, une ligne de force de sa politique? C'est une intention expresse maintenant, c'est une stratégie.

M. SAINT-PIERRE: Je ne voudrais pas revendiquer ou vous enlever l'illusion que c'est de vous qu'est venue cette suggestion, mais je pense qu'elle a été maintes fois exprimée par moi-même dans ce secteur, mais maintenant...

M. LAURIN: C'est un des points où nous sommes d'accord et j'en suis heureux.

M. SAINT-PIERRE: II y en a plusieurs comme cela.

M. LAURIN: Est-ce que les signes pointent à l'horizon à l'effet que cette partie de l'actif de la SDI va s'accroître rapidement au cours des...

M. SAINT-PIERRE: Dans les limites de la loi, elle parle de 10 p.c.

M. LAURIN: C'est 10 p.c, oui.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que très rapidement, à la fin de la prochaine année, on devrait être à peu près aux limites de la loi, 10 p.c.

M. LAURIN : Est-ce que vous trouvez que la loi est trop limitative? Est-ce que cela devrait vous permettre...

M. SAINT-PIERRE: Oui, et il n'est pas impossible que l'on fasse les révisions à la loi. Par tradition, nous, nous ne sommes pas favorables au statu quo; nous aimons bien le changer, mais nous voulons être certains, dans quelle direction.

M. LAURIN : Est-ce que vous avez déjà une idée du pourcentage que devrait permettre la loi, même si la SDI ne l'atteint pas toujours? Quel serait le plafond que pourrait fixer la loi?

M. SAINT-PIERRE: La loi fixe deux plafonds dans le moment. Elle fixe un premier plafond, qui est à 30 p.c, pour la différencier de la SGF, j'imagine, et pour d'autres raisons peut-être, sur le rôle d'appoint que le secteur public pourrait apporter. Sur l'autre, je n'ai pas de chiffres précis, mais tout dépend de l'analyse que l'on pourrait faire. Cela pourrait être le double de ce que c'est dans le moment, passer à 20 p.c. Il faut bien se rendre compte que c'est comme le portefeuille de la Caisse de dépôt. L'entreprise doit avoir une certaine stabilité financière et, en même temps, donner des revenus. On permet un certain risque. Je pense qu'il serait dangereux que la Caisse de dépôt nous permette à 100 p.c. d'être dans le capital-actions d'entreprise à cause — je ne sais pas — d'une crise comme celle de 1929-1930. Ce serait peut être le double de ce qu'il est dans le moment.

M. LAURIN: Le double.

M. BELAND: Si le député me le permet, j'aurais une question sous-jacente, étant donné qu'il a été question d'industries et d'usines laitières. De quelle envergure, par exemple, a été l'apport financier? Est-ce que cela a été plus important, compte tenu des besoins ou de l'apport technique? Dans quelle envergure se situait-il dans les circonstances?

M. SAINT-PIERRE: Cela a été surtout un apport financier dans ces cas. Quand on parle de la Coopérative fédérée de Granby, ce sont des gens qui sont capables de se tenir debout. On a pu les aider techniquement sur un certain point de fusion...

Pardon?

M. RUSSELL: Coopérative agricole.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse. Coopérative agricole. Cela a été surtout un apport financier, et on l'a mentionné, au total de $1,800,000. Mais là, dans le cas de Québec-Lait cependant, je dois dire qu'il n'y a aucun chiffre, parce que, comme il y avait une bonne concertation entre le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Industrie et du Commerce et qu'il n'y avait pas de micmac entre les deux, on avait étudié conjointement le dossier et, à la fin, il n'y a eu aucune contribution de la SDI dans Québec-Lait même. Il y en a eu dans la fusion de Leclerc et l'autre, mais il n'y en a pas eu dans Québec-Lait puisque le ministère de l'Agriculture apportait une aide par ses budgets et nous étions conscients de ne pas faire de dédoublements.

M. BELAND : Vous citez celle-là, mais est-ce qu'il y a eu d'autres contributions pour d'autres usines laitières qu'on connaît dans la province?

M. SAINT-PIERRE: Dans $1,800,000, il entre un cas, c'est celui de Poupart, Leclerc et la Coopérative agricole. On a alors contribué financièrement, cela s'est réflété dans l'année. Après cela, l'ensemble de ce groupe a fait Québec-Lait où nous avons apporté une aide avec le ministère de l'Agriculture dans l'analyse de tout cela, mais c'est le ministère de l'Agriculture qui a versé le montant d'argent.

M. LAURIN: Evidemment, vous n'êtes pas les seuls à vous activer dans ce domaine.

II y a aussi le ministère fédéral de l'Expansion régionale. Vous avez souligné tout à l'heure certains des obstacles qui pouvaient se poser dans le cas de Montréal, par exemple, où certaines industries se voyaient déduire la contribution du Québec de la contribution qu'elles recevaient du fédéral.

J'aimerais savoir, premièrement, si ces inconvénients seront corrigés complètement dans un avenir prochain. Deuxièmement, jusqu'à quel point la concertation entre la SDI et le ministère de l'Industrie et du Commerce d'une part, et le ministère de l'Expansion économique régionale d'autre part peut se faire, aussi bien au niveau de la conception de l'aide qu'au niveau des conditions d'application de l'aide, des règlements qui président à l'octroi des subventions, aussi bien du fédéral que du provincial, dans le but d'en arriver à une plus grande efficacité, à une meilleure rentabilité des subventions?

Est-ce que vous pourriez préciser davantage là-dessus?

M. SAINT-PIERRE: Très brièvement, je souscris à la position fédérale, savoir que toute aide provinciale doit être déduite parce que, sans ça, ça va trop avantager l'Ontario. Tout va aller à Cornwall parce que le gouvernement d'Ontario va être capable d'en mettre beaucoup plus que nous dans ça.

Cela dit, les problèmes devraient diminuer. D'une part, puisque la plupart de ces programmes fédéraux viennent à expiration dans quelque temps. H y a d'ailleurs certains projets qui ne peuvent satisfaire aux exigences de mise en production qui s'étalent de juin jusqu'à décembre 1973. D'autre part, parce que la contribution fédérale, ces derniers mois, a été assez décevante dans nombre de projets puisqu'il y a eu absence complète de participation et, finalement, c 'est nous qui avons pris le bâton.

Je me rappelle qu'il n'y a pas toujours eu refus du fédéral. Parfois, on a trouvé intérêt à ne pas se faire sortir des dossiers. Hercules, c'est le Québec uniquement, sans contribution fédérale, CIL et GoodYear, la même chose, refus du fédéral. Cela n'a pas eu de problème de...

M. LAURIN: Est-ce parce que les critères sont différents, au fédéral et à Québec?

M. SAINT-PIERRE: Non, ce n'est pas tellement sur les critères. Il y a toujours des cas donnés, des cas d'espèce. Si on prend CIL, il nous semblait que le choix était CIL à Bécan-cour ou Dow Chemical à Sarnia. Et nous avons opté pour CIL à Bécancour, alors que le fédéral, pour que ce soit CIL à Shawinigan, CIL à Bécancour ne voulait pas faire de déplacement. Nous n'étions pas d'accord du tout sur ça, nous avons refusé.

Les critères sont quand même en fonction d'un jugement subjectif dans le fond. Dans d'autres cas, dans le cas de GoodYear, le fédéral a invoqué le fait qu'il ne voulait pas concurren- cer le gouvernement américain et répéter le cas de Michelin. Nous avons dit que ce n'était pas du tout la même chose.

Premièrement, l'aide financière apportée à Michelin ne se comparait pas du tout au type d'aide que GoodYear réclamait pour Valley-field, qui était moins de 10 p.c. du capital investi. Deuxièmement, je suis certain que GoodYear, vis-à-vis du lobbying américain, est en meilleure position que Michelin pour ne pas indisposer les Américains.

Enfin! Le fédéral n'a apporté aucune aide. Nous avons été obligés de passer au bâton parce que nous trouvions que c'était important pour atteindre notre objectif économique qui est l'implantation. Encore une fois, je le répète, on a une certaine tendance à penser que tout ça nous tombe du ciel. Le projet de GoodYear à Valleyfield n'est pas tombé du ciel. C'est comme les élections, ça se gagne bureau de scrutin par bureau de scrutin. Sur le plan économique...

M. BELAND: Concernant justement le projet Michelin, est-ce que vous seriez en mesure de faire le point sur la raison pour laquelle il n'y a pas eu d'implantation au Québec?

M. SAINT-PIERRE: Non, c'est une décision du secteur privé. M. Michelin a choisi la Nouvelle-Ecosse. Je ne suis pas capable de faire le point. D'ailleurs, c'est surtout une question qui s'adresse à l'ancien gouvernement puisque c'est lui qui est... Voulez-vous préciser votre pensée?

M. BELAND: Ce n'est pas à moi de faire le point.

M. SAINT-PIERRE: Vous êtes d'accord que la décision de l'implantation de Michelin en Nouvelle-Ecosse a eu lieu avant avril 1970. On s'entend sur ça?

M. BELAND: Oui, mais il y a eu des répercussions après quand même.

M. SAINT-PIERRE: Que voulez-vous dire par répercussions?

M. BELAND: A tout événement... Passons.

M. SAINT-PIERRE: Mais je ne comprends pas...

M. BELAND: Mais, c'est à moi de poser des questions, ce n'est pas à moi de faire le point. C'est la question que je vous posais, ce n'est pas à moi d'y répondre.

M. SAINT-PIERRE: Vous me demandez de faire le point, je vous dis que c'est une décision qui a été prise avant avril 1970. C'est tout ce qu'on en sait. C'est une décision du secteur privé. Le respect de l'homme et le respect du

capitalisme, au moins ça, c'est dire que les gens ont décidé d'aller en Nouvelle-Ecosse. On ne peut pas faire une loi pour dire qu'on ve vendra pas de pneus Michelin dans la province de Québec. Il faut être logique avec soi-même.

Vous parlez du respect de l'homme et du respect de l'entreprise privée. Michelin a décidé d'aller en Nouvelle-Ecosse.

M. BELAND: Mais quels sont les motifs qui l'ont incité à aller s'installer en Nouvelle-Ecosse, les motifs que l'on a connus et les motifs sous-jacents?

M. RUSSELL: ...s'arrange avec le gouvernement provincial.

M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que, à la suite de toutes les difficultés gu'ont posées ces doubles subventions, il y a eu des rencontres qui ont permis un rapprochement graduel des points de vue du Québec et d'Ottawa en ce qui concerne la conception générale de l'aide, les programmes généraux, les critères et les conditions d'aide?

M. SAINT-PIERRE: A preuve, c'est que là, on est dans le processus avec le gouvernement fédéral. M. Jamieson devait venir au début d'avril. Je pense que sa visite a été reportée à un peu plus tard. D'ailleurs, M. Marchand avait amorcé de définir le nouveau type de programme. Qu'est-ce que la province désire comme aide du fédéral, au niveau des disparités régionales? Est-ce qu'on doit abandonner l'approche de primes à l'investissement ou primes à l'entreprise? Quelle autre forme cela peut-il prendre? Est-ce surtout une forme d'aide à l'infrastructure, comme nos zones spéciales, services d'accueil dans les parcs industriels? Je pense que le fédéral est ouvert à cela et que les discussions amorcées entre nous et l'OPDQ sont dans ce sens. Qu'est-ce qu'on va demander? Qu'est-ce qu'on va vouloir sous forme d'aide? De la part du fédéral, on doit honnêtement dire qu'il y a une ouverture d'esprit à être saisi de toutes les propositions possibles. On sait d'ailleurs que le fédéral a demandé à des groupes de chercheurs québécois des recommandations en ce sens.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez profité, en somme, de cette période de remise en question des politiques fédérales pour présenter un dossier et des propositions plus précises?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je dois sus- pendre les travaux de cette commission. On vient de m'informer qu'elle devait se terminer à midi. Nous reprendrons nos délibérations demain matin, à onze heures.

M. SAINT-PIERRE: Pas cet après-midi, à 4 h 30?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On vient de me dire que ce sera demain, onze heures.

M. LAURIN: En ce qui me concerne, il y aurait une autre question.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Sera-t-elle longue? Parfois, elles sont longues, vos questions.

M. LAURIN: Je voudrais seulement savoir si la SDI, dans ses tractations avec la Société des pâtes populaires, avait fait de la prospection ou des recherches pour trouver, au Québec même un marché de distribution du carton, par une sorte de fusion en ce qui concerne les compagnies qui existent déjà, et une incitation à utiliser les produits qui sortiraient de Cabano?

M. SAINT-PIERRE: II faut dire que, premièrement, il y avait une certaine résistance de la part des gens de Cabano envers les entreprises multinationales établies au Québec. Les autres entreprises du carton — je pense à celle qui est établie près de Drummondville, la St. Lawrence — n'étaient pas intéressées, elles-mêmes. Deuxièmement, il faut dire que le marché québécois est insignifiant; l'usine de Cabano sera une des plus grandes usines de carton au monde et le marché québécois est insignifiant par rapport à la production. Il y a eu ensuite des efforts sérieux pour tenter de trouver des partenaires québécois francophones. On n'a pas été capable d'en faire, même des partenaires canadiens. Ce sont les Belges qui ont semblé être les plus sérieux...

M. RUSSELL: ... partenaires...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs les membres de la commission, je vous remercie. La commission ajourne ses travaux à demain matin, onze heures.

(Fin de la séance à 12 h 3)

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