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Commission permanente
de l'industrie et du commerce,
du tourisme, de la chasse et de la pêche
Aménagement de la rivière
Jacaues-Cartier
Séance du jeudi 17mai 1973
(Dix heures quatorze minutes)
M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre,
messieurs!
Au départ, je voudrais faire remarquer que M. Goldbloom remplace
M. Cadieux; que M. Loubier remplace M. Gagnon, de Gaspé-Nord; que M.
André Harvey remplace M. Louis-Philippe Lacroix, député
des Iles-de-la-Madeleine, et que M. Jean Perreault remplace M. Saint-Pierre,
député de Verchères. Adopté?
MM. les ministres, M. le chef de l'Opposition, mesdames et messieurs,
nous reprenons ce matin les audiences sur la question de la Jacques-Cartier. Je
demanderais à ceux qui ont des mémoires à présenter
de nous faire un résumé, puisque nous avons déjà
les mémoires complets qui ont été soumis aux
autorités, lesquelles en prendront bonne note, je crois bien.
Nous allons commencer ce matin par M. Etienne Corbeil qui est un expert
invité. Est-ce que M. Corbeil est présent?
Excusez, M. le ministre aurait quelques mots à dire.
Préliminaires
M. SIMARD (Richelieu): Je voudrais simplement faire une mise au point.
J'aimerais dire à cette assemblée qu'en tant que ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche je voudrais qu'il soit bien clair,
dans l'esprit de tout le monde et de tous les membres de cette commission, que,
de par mon mandat, je me dois de faire respecter toutes les lois de mon
ministère. Je veux faire cette mise au point, M. le Président,
car, cette semaine, on a laissé planer certains doutes sur la
décision que j'avais prise en février. J'ai pris une
décision très sérieuse, à ce moment-là, et
je dois vous dire très sincèrement que je la maintiens ici ce
matin.
Nous avons justement accepté cette commission parlementaire afin
que l'Hydro-Québec et tous les groupes intéressés puissent
se faire entendre. C'est à la suite de toutes ces informations que le
gouvernement ou le conseil des ministres prendra une décision finale
à ce sujet. Encore une fois, ce sera mon rôle de défendre
les intérêts de mon ministère auprès du conseil des
ministres, mais, si le gouvernement décide que l'aménagement de
la rivière Jacques-Cartier sera pour le plus grand bien du Québec
et de tous les Québécois, bien sûr, il est clair que je
fais partie d'un gouvernement et que je serai solidaire de la décision
finale du conseil des ministres.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, M. Corbeil, la parole est à
vous.
M. Etienne Corbeil
M. CORBEIL: M. le Président, ayant été
désigné par les autorités du ministère pour faire
partie du comité interministériel sur la Jacques-Cartier, je me
suis grandement intéressé à ce projet et je tiens à
remercier la commission de me fournir l'occasion de donner mon idée
personnelle sur le sujet.
A la fin du siècle dernier, deux importants mouvements de
conservation se sont développés parallèlement aux
Etats-Unis. L'un voulait, par la création des réserves
forestières, soustraire des forêts publiques à
l'aliénation et à la colonisation en vue d'en assurer la
protection et l'exploitation rationnelle.
L'autre désirait, par la création de parcs, soustraire des
territoires publics non seulement à l'aliénation et à la
colonisation, mais aussi à toutes formes d'exploitation industrielle des
ressources que ces territoires peuvent contenir. Dans l'un et l'autre cas, on
visait aussi à protéger l'eau et la faune. Sous l'influence de
ces mouvements de conservation, le Canada et certaines provinces
emboîtèrent rapidement le pas.
C'est ainsi qu'en 1885 fut créée, dans la région de
Banff, la première réserve canadienne qui devint l'année
suivante le Rocky Mountain Park of Canada. Au Québec, sous le nom de
parcs, furent créées presqu'en même temps les deux
premières réserves forestières: celle du parc de la
Montagne Tremblante en juillet 1894 et celle du parc des Laurentides en janvier
1895.
La loi créant le parc des Laurentides dit que ce territoire est
mis à part comme réserve forestière, endroit de
pêche et de chasse, parc public et lieu de délassement, sous le
contrôle du commissaire des terres de la couronne, pour les citoyens de
la province, sous réserve des dispositions de cette loi et des
règlements qui seront faits en vertu d'icelle, et sera connu sous le nom
de parc national des Laurentides.
Même si les expressions parc et lieu de délassement
reconnaissent un objectif de récréation à la vocation du
parc des Laurentides, il est évident que le but premier poursuivi par
les initiateurs du projet est d'assurer la protection et l'aménagement
de la forêt et de faciliter l'exploitation de la faune. A cette
époque, les goûts de la population, en ce qui concerne les
activités de plein air, sont d'abord et avant tout et on peut même
dire exclusivement orientés vers la pratique des sports de la chasse et
de la pêche.
C'est sans doute la raison pour laquelle dès
l'année 1900, voyant le nombre de chasseurs et des pêcheurs
augmenter, on suggère la création de réserves
destinées spécialement à la protection et à
l'exploitation de la faune, c'est-à-dire des territoires bien
protégés et bien pourvus de gibier de toutes sortes à
offrir aux amateurs de chasse et de pêche. C'est sans doute à
cause de cet engouement pour la chasse et la pêche qu'on en est venu avec
le temps à ne considérer les parcs et les réserves que
comme des territoires destinés à protéger la faune, qu'on
en est venu à tolérer avec facilité l'exploitation
industrielle de leurs ressources, ne tenant compte que des effets que cette
exploitation pourrait avoir sur la faune, sans se soucier de son impact sur les
valeurs esthétiques et culturelles.
Jusque vers 1960, les parcs n'étaient pratiquement
fréquentés que par des adeptes de la chasse et de la pêche,
ce qui naturellement a favorisé leur développement en fonction de
ces activités.
Jusque-là, il n'y avait à peu près rien dans les
parcs du Québec pour les autres activités de plein air.
Cependant, en 1960, avec l'avènement de la vogue du camping au
Québec et de la vie en pleine nature, la situation a changé et,
depuis, a rapidement évolué. Ce que nos gens veulent aujourd'hui
c'est non seulement de la chasse et de la pêche mais aussi et surtout de
la vie en plein air, des contacts directs avec la nature, de la détente,
du repos et de la tranquilité loin des centres urbains, toutes choses
que les parcs sont en mesure d'offrir dès qu'on en facilite
l'accès.
Aujourd'hui, ce que la population demande c'est qu'on respecte
l'intégrité des parcs et qu'on prenne les dispositions
nécessaires pour mettre en valeur tous leurs aspects
récréatifs et pour faciliter leur accès. Nos gens
deviennent de plus en plus conscients de la valeur esthétique,
culturelle et récréative des aires de pleine nature que
constituent les parcs et sont de plus en plus soucieux de les conserver dans
leur intégrité. Pour répondre à ce voeu et à
ce besoin de la population, le gouvernement du Québec doit donc
conserver intacts et mettre à la disposition des Québécois
des espaces verts reconnus pour leur valeur esthétique et leurs
possibilités de récréation de plein air.
L'exploitation commerciale des ressources d'un parc entrafne
naturellement des conflits avec les fonctions, conservation et
récréation. Si nos parcs étaient davantage
fréquentés, ces conflits seraient encore plus manifestes car on
ne peut y échapper, l'utilisation commerciale des ressources diminue le
potentiel récréatif et éducatif des parcs. Si on n'y prend
garde, lorsque la demande de la part de la population se fera plus pressante ou
que la décision d'exploiter le potentiel touristique-économique
de ces parcs sera enfin prise, les ressources-support: l'eau, la forêt,
le paysage auront été gaspillées. Les plus beaux sites de
la province auront été sacrifiés pour une exploitation
commerciale plus rentable à court terme.
Le projet de construction, par l'Hydro-Québec, d'une centrale
à réserve pompée sur la rivière Jacques-Cartier
comprend principalement la construction d'un barrage de 180 pieds de hauteur
qui créera un lac dont les dimensions seront les suivantes: longueur,
environ 23 milles; largeur, environ 1,000 pieds; profondeur, 173 pieds au
barrage, 78 pieds à la limite du parc et 40 pieds à la centrale.
Il comporte également la construction de barrages pour utiliser les lacs
sur le plateau comme réservoirs de tête. Un tel projet est un cas
type qui pose à nouveau, de façon aiguë, le problème
de l'intégrité des parcs du Québec. Il affectera la
vallée de la Jacques-Cartier qui est l'une des deux régions les
plus précieuses du parc des Laurentides et que, pour diverses raisons,
on doit considérer comme un patrimoine naturel qu'il faut conserver
intact; l'autre région étant les Grands Jardins où le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a
réintroduit le caribou au cours des dernières années.
La vallée de la Jacques-Cartier est un morceau de parc d'une
valeur exceptionnelle situé à moins de 30 milles de la ville de
Québec.
C'est la diversité des éléments qui la constituent
qui font toute sa richesse. En effet, son relief est unique et on y trouve
plusieurs associations de peuplements forestiers regroupés sur un
territoire restreint. On peut observer, au fond de la vallée, des
peuplements de feuillus constitués surtout d'érables et de
bouleaux, suivis successivement sur les parois et selon l'altitude de toute la
gamme des types de peuplements forestiers, depuis la sapinière à
bouleaux jaunes jusqu'à la pessière. Ces associations de
peuplements forestiers doivent être conservées intactes pour qu'on
puisse, dans quelques décennies, observer certains échantillons
types des forêts québécoises à leur climat.
Bien que la pêche ne soit pas considérée
actuellement comme un élément majeur dans cette partie du bassin
de la Jacques-Cartier, elle est très recherchée par les sportifs
à certaines périodes de l'année et principalement à
cause du caractère particulier de la pêche en rivière dans
un site aussi exceptionnel. Le Service de la faune poursuit depuis 1970 un
programme d'aménagement pour améliorer la pêche dans les
lacs sur les plateaux.
Une route des plus pittoresques, qui longe présentement toute
cette partie de la rivière Jacques-Cartier, permet l'accès de la
vallée à tous les amateurs de vie au grand air pour y pratiquer
leur sport favori: canotage, camping rustique, alpinisme, excursions,
photographie, etc., ou encore aux étudiants et aux scientifiques pour
observer et y étudier les différents milieux
écologiques.
La réalisation du projet de l'Hydro-Québec aura des effets
néfastes sur la biologie, l'écologie et l'esthétique de
cette vallée. Ce projet créera un lac de plus dans un parc
où il y a des centaines de lacs magnifiques. Le lac ainsi formé
ne sera pas un enrichissement du patri-
moine naturel du Québec; ce sera tout au plus un immense
fossé très profond, d'environ 23 milles de longueur par environ
1,000 pieds de largeur, encaissé entre des parois très
hautes.
La vallée sera engloutie sous une épaisse couche d'eau qui
fera disparaître des peuplements forestiers précieux dont certains
très vieux et irremplaçables. Une rivière magnifique fera
place à un lac aux berges escarpées, donc sans zones de
végétation, et dont le niveau d'eau sera soumis à des
fluctuations fréquentes et importantes, environ quatre pieds pour une
turbine.
Les modifications profondes apportées à l'habitat en
feront un lac improductif où la pêche sera peu importante d'abord
par la rareté du poisson, puis par le manque d'intérêt que
peut présenter un lac semblable. La construction de réservoirs de
tête pour l'installation de turbines supplémentaires, car il y en
aura d'autres, diminuera sensiblement la pêche dans d'autres lacs sur le
plateau, réduisant encore davantage le potentiel de pêche de cette
région et la décorant d'un affreux réseau de tours de
transmission.
L'accessibilité à cette gorge, puisque la vallée
n'existera plus, sera pratiquement nulle. La seule route possible et qui existe
présentement le long de la rivière disparaîtra sous l'eau,
et la construction d'une autre route est irréalisable à cause de
l'escarpement des falaises. Le site ne sera donc accessible que par chacune des
extrémités d'un lac de 23 milles de long et le déplacement
se faisant uniquement par eau, la majorité des activités de plein
air deviendront impraticables.
Les aménagements proposés par l'Hydro-Québec
n'ajouteront rien à ce site qui aura perdu la plus grande partie de sa
valeur par la disparition de la vallée: tout au plus, rendraient-ils
plus accessibles certains territoires avoisi-nants localisés sur les
plateaux. La route dite panoramique est, en réalité, une route de
service et elle passe trop loin à l'intérieur pour faciliter la
visite du canyon.
La vallée de la rivière Jacques-Cartier, qui est en partie
située dans le parc des Laurentides, offre des possibilités
extraordinaires pour des fins éducatives et pour toutes les formes de
récréation de plein air. La construction d'une centrale à
réserve pompée, non seulement réduira
considérablement l'utilité de ce site mais détruira de
façon définitive une de ses parties les plus
précieuses.
Comme la Loi des parcs, chapitre 201, article 6, dit ceci: "Nul, sauf
les personnes ayant bail, licence ou permis, ne peut s'établir ou se
fixer sur, se servir de ou occuper aucune partie du parc, et aucun bail,
licence ou permis, qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc, ne
peut être fait, accordé ou émis", il est donc impossible,
sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autoriser la réalisation du
projet de l'Hydro-Québec.
Conclusions. La vallée de la Jacques-Cartier, à cause de
son potentiel éducatif, culturel, récréatif et biologique,
doit être considérée comme une partie de notre patimoine
national qu'on doit conserver à tout prix. C'est un espace vert
nécessaire près de la ville de Québec.
L'Hydro-Québec n'a pas épuisé toutes les
possibilités et il existe d'autres sites comparables qui pourraient
être utilisés pour répondre aux besoins de 1979. Le retard
anticipé par l'utilisation d'autres sites ne justifie pas de
gâcher irrémédiablement un site comme celui de la
Jacques-Cartier.
Il y a une urgence de préparer un plan de mise en valeur de cette
région afin d'en faire profiter pleinement toute la population du
Québec.
Le projet de l'Hydro-Québec sur la rivière
Jacques-Cartier, réduisant considérablement l'utilité d'un
site situé dans le parc des Laurentides, ne peut être
autorisé par la Loi des parcs provinciaux.
C'est tout M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, Dr Corbeil.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, Dr Corbeil, vous avez dit, au
début de vos remarques, que c'est une opinion personnelle que vous
exprimez et le président de la commission, en vous présentant,
vous a appelé expert invité. Est-ce qu'on peut connaître
vos titres et est-ce que vous pouvez nous indiquer comment ce que vous avez
présenté a été préparé? Est-ce un
travail qui vous est absolument personnel ou est-ce une collaboration avec
d'autres fonctionnaires du gouvernement?
M. CORBEIL: J'occupe actuellement le poste de directeur
général de chasse et de pêche et je suis biologiste de
formation. Comme je l'ai mentionné au début, j'ai
été désigné par mon ministère pour le
représenter au comité interministériel. Au départ,
on croyait qu'il serait question surtout d'un problème de biologie et
d'environnement. Le travail que j'ai préparé ici est un travail
personnel qui provient de l'idée que je me suis faite lorsque j'ai pris
connaissance de tous les détails, ou du moins des détails qui
étaient disponibles, concernant la rivière Jacques-Cartier. Il a
été complété à l'aide de documents que j'ai
pu retracer au ministère sur l'origine des parcs et de lectures que j'ai
faites.
C'est une opinion personnelle que j'émets. Je ne vous cacherai
pas qu'elle est connue des autorités de mon ministère, mais c'est
mon opinion à moi.
M. GOLDBLOOM: Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'inviterais maintenant M. Guy Lemieux, un
autre expert invité, à présenter son mémoire. A la
suite de la présentation de ces deux mémoires, nous aurons une
période de questions.
M. PERREAULT: D'accord. M. Guv Lemieux
M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai
accepté l'invitation de la commission.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. Lemieux, pourriez-vous nous réciter
vos titres, pour le journal des Débats?
M. LEMIEUX: Si vous y tenez. Je suis d'abord, de profession,
ingénieur forestier. J'ai préparé mon Ph.D. en
écologie à l'Université du Michigan. Pendant dix ans, j'ai
fait de la recherche écologique sur les forêts du Québec
puis, dans les dix dernières années, j'ai fait surtout de
l'aménagement du territoire, de la planification au BAEQ, au
ministère fédéral de l'Expansion économique. J'ai
été quatre ans directeur général des parcs et
maintenant je suis, à l'OPDQ, responsable de l'aménagement du
territoire et des ressources.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Très bien, allez-y.
M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai
accepté l'invitation de la commission de venir présenter mon
point de vue sur le projet d'aménagement de la Jacques-Cartier.
C'est tout simplement en tant que professionnel du plein air et des
parcs que je veux If faire. Il s'agira, si l'on veut, de la contrepartie
"experte" en plein air et conservation à l'expertise en
électricité présentée par
l'Hydro-Québec.
Je n'ai nullement la prétention d'être un grand expert dans
le domaine; je puis seulement vous assurer que, si vous convoquiez demain
n'importe quel aménagiste ou spécialiste de parcs,
américain ou canadien, il vous donnerait, à peu de choses
près, le même avis. J'essaierai, M. le Président,
d'être le plus bref possible pour ne pas abuser du temps de la
commission.
Nous avons affaire ici à un cas classique de conflit en
aménagement du territoire. En fait, on peut dire que ce débat
vient fort à propos, alors que le Québec a décidé
de s'attaquer à ce sujet. L'action en ce sens est déjà
engagée par l'OPDQ auprès des ministères dans le but de
préparer des schémas régionaux d'aménagement qui
auront justement à proposer des solutions pour des conflits de ce genre.
Un avant-projet de loi, précisant les modalités de cette action,
a déjà été déposé et est
présentement à l'étude.
C'est donc dans l'optique de l'aménagement rationnel du
territoire québécois que je vous propose d'analyser le
problème. Il s'agit, dans ce cas, d'un conflit entre deux utilisations
majeures d'un site qui possède un potentiel exceptionnel pour les deux
utilisations.
A première vue, on ne peut blâmer l'Hydro-Québec de
loucher du côté d'un site pareil. Ses représentants ont
exposé leurs arguments là-des- sus et, si vous le permettez, j'y
reviendrai plus loin. Examinons tout d'abord le potentiel
récréation-tourisme du canyon de la Jacques-Cartier pour pouvoir
mieux évaluer ensuite l'impact du projet de l'Hydro-Québec.
Tout le monde connaît l'importance des attractions naturelles pour
le tourisme. Tous les grands parcs nationaux, américains ou canadiens,
ou même européens, ont été créés
autour de telles attractions et, en 1970, les parcs nationaux américains
ont attiré 171 millions de visiteurs, alors que les parcs nationaux
canadiens en attiraient 13 millions.
Or, pour ceux qui connaissent intimement le territoire du Québec,
le canyon de la Jacques-Cartier est, de tous les sites dignes d'être
constitués en parcs, l'un des plus spectaculaires. Seuls les Chics-Chocs
et le canyon de la Malbaie s'en rapprochent. C'est littéralement notre
Grand Canyon. On ne peut que féliciter ceux qui à l'origine l'ont
inclus dans les limites du parc des Laurentides.
Tout de suite, la question se pose: Qu'est-ce que ce canyon a de si
exceptionnel? Qu'est-ce qu'on trouve là qu'on ne peut trouver ailleurs?
Tout d'abord, il y a une rivière tumultueuse qui coule au fond d'une
vallé encaissée dont les parois sont presque verticales à
plusieurs endroits. Déjà, on a là un panorama remarquable
vu du plateau qui la domine.
Mais, dans le cas de la Jacques-Cartier, il est possible
également de pénétrer dans la vallée et d'y faire
soit du canotage, soit de la randonnée à pied, à cheval,
en raquette ou en ski de fond et d'y vivre une expérience unique de
sauvagerie, ce que les Américains, les Anglais appellent "wilderness
experience". Une telle expérience est difficile à décrire
mais tous les amateurs de plein air savent de quoi il s'agit. Certaines parois
se prêtent également à l'alpinisme et on peut aussi y
pratiquer la pêche en rivière, même si, comme le Dr Corbeil
le disait tout à l'heure, ce n'est pas l'endroit qui a le plus haut
potentiel au point de vue de la pêche dans le parc des Laurentides.
Toutes ces activités sont possibles à l'heure actuelle
grâce à une étroite terrasse de part et d'autre de la
rivière qui permet d'aménager un chemin de
pénétration et des sentiers discrets. Les Jésuites
connaissaient bien cette possibilité, eux qui y ont
aménagé le sentier de liaison avec le Lac-Saint-Jean, en passant
par la Métabet-chouane.
Or, le jour où l'on inonde le fond de la vallée, la
rivière et ses terrasses disparaissent. Fini le canotage en eaux
rapides, finie surtout la pénétration par chemins ou sentiers. On
restera avec un lac comme il y en a des milliers au Québec, sauf qu'il
sera très étroit, une sorte de fjord, et peu utilisable pour les
sports aquatiques. Les parois abruptes qui se jetteront dans l'eau permettront
peu d'aménagements et les seules rives aménageables seront celles
situées à proximité du barrage projeté, soit
à l'extérieur du parc actuel.
Les aménagements récréatifs proposés par
l'Hydro-Québec ne pourront être différents de ceux qu'on
peut faire ailleurs sur des sites beaucoup plus propices comme, par exemple, le
lac Montauban dont le potentiel est infiniment supérieur à celui
de tout lac artificiel qu'on pourrait créer sur la Jacques-Cartier. Il
a, entre autres, une plage de un mille de long où la charge du lac est
à la tête de la plage et la décharge à l'autre bout
de la plage, donc un drainage continuel et un site idéal qu'on peut
aménager en plage non polluée.
C'est donc dans les termes suivants que se pose le problème de la
conservation de la Jacques-Cartier. Le potentiel attractif unique du canyon
disparaît le jour où on l'inonde. On aura alors un lac comme les
autres, mais moins facilement utilisable que les autres.
Il ne s'agit pas alors de parler d'inondation de 0.05 p.c. de la
superficie du parc des Laurentides, mais bien de la destruction d'au moins 75
p.c. du potentiel d'attractivité du site le plus spectaculaire non
seulement du parc mais de toute la région de Québec. Et aucun
aménagement récréatif de substitution ne pourra compenser
pour cela. L'ensemble du parc des Laurentides a un excellent potentiel pour la
pêche et la chasse, mais pour toutes les autres formes de
récréation de plein air le canyon de la Jacques-Cartier est
unique.
Enfin, je ne donnerais pas cher pour le peu de potentiel qui
persisterait encore après l'aménagement hydro-électrique.
Qu'on pense seulement aux chemins de pénétration pour la
machinerie lourde jusqu'aux sites des forages et des barrages, tant sur les
lacs de tête qu'au barrage principal, aux tonnes de pierre et de gravier
à déplacer, lors du creusage des conduites souterraines, aux
fluctuations du niveau de l'eau. Effectivement, si le projet de
l'Hydro-Québec se réalise, mieux vaut oublier la
récréation complètement à cet endroit et aller
investir ailleurs. Et que l'Hydro-Québec rentabilise enfin son
installation au maximum en développant si nécessaire cinq ou six
autres réservoirs supérieurs en relation avec le même
réservoir de la Jacques-Cartier, donc de profiter au maximum de ce
réservoir-là.
En somme, le plus gros du mal est fait dès l'implantation de la
première centrale à réserve pompée et
l'aménagement des eaux ne fera qu'amplifier légèrement le
problème.
A notre avis, le canyon de la Jacques-Cartier doit être
préservé dans son état actuel et aménagé de
façon très discrète juste pour le rendre accessible. Il
viendrait alors compléter de façon extraordinaire le pôle
d'attraction touristique qu'est déjà Québec. Si l'on
considère sa localisation par rapport à Tewkesbury, Stoneham, la
route 54 et les centres de ski, de camping, et de villégiature de cette
région, on peut imaginer le dévelloppement toutes saisons qui
pourrait survenir sur ce territoire avec l'aménagement du canyon et des
routes qui y mèneraient. On y observerait sûrement le même
phénomène qu'aux abords du Grand Canyon de
Yellowstone, etc., soit l'implantation de services privés
d'accueil tels que les motels, chalets, camping.
L'aménagement du canyon devrait comprendre, en plus d'une route
d'accès, un centre d'accueil, des sentiers de randonnée, des
refuges et des campings primitifs, rien de plus! Tout aménagement plus
intensif ne ferait qu'étouffer le potentiel du site.
Devant un potentiel aussi unique pour la récréation et le
tourisme, revenons maintenant au projet hydroélectrique. Est-il aussi
sûr que le site est aussi unique du point de vue hydroélectrique
qu'il l'est du point de vue récréatif? Je pense que c'est une des
questions qu'il faut se poser.
Est-on sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative possible dans le
même secteur? Un rapide coup d'oeil sur les cartes et ici je le
dis tout simplement en observation comme ça, parce que je ne suis en
aucune façon un expert en hydro-électricité nous a
permis de localiser des sites possibles sur la rivière
Sainte-Anne-du-Nord juste derrière le site de Saint-Joachim.
La dénivellation locale y est de 800' pour le lac Savanne, 850'
pour le lac Davy et 1,000' pour le lac Saint-Louis. Sur l'autre rivière
Sainte-Anne, celle de Portneuf, le lac Bail par exemple donne une
dénivellation de 900'. Il est évident que pour trouver des
dénivellations aussi fortes sur un site donné, d'après
l'histoire géologique et la géomorphologie générale
de la province, on ne pourrait pas trouver ça entre deux lacs
simplement, c'est généralement entre des lacs sur un plateau et
une rivière qui s'est creusé un lit dans une vallée
encaissée. C'est là qu'on a les plus hauts dénivellements,
donc c'est de ce côté-là qu'il faut chercher, surtout si on
veut faire des réserves pompées.
On pourrait également étudier de plus près la
rivière Neilson et la rivière du Gouffre surtout à sa
tête. En fait, tout au long du contrefort des Laurentides, du Saguenay
à Montréal, il y a sûrement plusieurs sites possibles pour
des centrales à réserve pompée dont le potentiel
récréatif ou touristique est moins important sinon inexistant. Il
me paraît impensable d'attaquer la Jacques-Cartier à
l'intérieur d'un parc avant d'avoir épuisé toutes ces
possibilités.
Enfin, s'il s'avérait, après études, que le seul
site possible est toujours la Jacques-Cartier, je me poserais encore
sérieusement une autre question: lequel serait le moindre mal? Une
centrale sur la Jacques-Cartier ou des usines à gaz plus ou moins
polluantes qui ne fonctionneraient qu'à temps partiel? Personnellement,
je serais alors tenté d'opter pour les usines à gaz car j'estime
que cette pollution serait moins grave que la perte du canyon de la
Jacques-Cartier.
Voilà, M. le Président, les quelques remarques que j'avais
à faire sur le projet. Je vous remercie de l'honneur que vous m'avez
fait de m'inviter ici et je suis à votre disposition pour
répondre, si j'en suis capable, aux questions de la commission.
Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions de la part des
députés?
M. LOUBIER: M. Corbeil, tout à l'heure, vous avez
mentionné que, dans vos préoccupations, il y avait deux aspects
extrêmement importants: premièrement, celui de la
préservation ou encore de la sauvegarde du principe qui veut que
l'intégrité de nos parcs soit conservée d'une façon
absolue; en second lieu, vous avez prétendu, dans votre mémoire,
que les aménagements polyvalents prévus par le plan de
l'Hydro-Québec pour l'exploitation ou l'aménagement des
ressources soit touristiques, récréatives, fauniques, etc.,
auraient des effets néfastes dans le contexte de la rivière
Jacques-Cartier.
Est-ce que vous avez été à même
d'étudier le projet soumis par l'Hydro-Québec? Plus
spécifiquement, est-ce que vous avez pu apprécier ou analyser les
aménagements sur le plan récréatif, touristique, etc.,
tels que soumis par l'Hydro-Québec? Si tel est le cas, quel est votre
jugement sur ces aménagements soumis par l'Hydro-Québec?
M.CORBEIL: Comme tout le monde, j'ai pris connaissance de la maquette
qui a été présentée ici même, à la
première réunion elle a été
présentée ailleurs, mais que j'ai vue ici à la
première réunion sur les aménagements
proposés par l'Hydro-Québec sur le site. Tout d'abord, quand j'ai
parlé d'effets néfastes, j'ai parlé de ceux qui seraient
causés par le projet de cette construction de centrale
hydroélectrique. N'étant pas spécialiste en
aménagement de parcs, au point de vue de l'équipement, ce qui m'a
frappé, c'est qu'il n'y a aucune possibilité de se rendre dans le
canyon, alors que maintenant on a une route. Lorsque cette route sera disparue,
il n'y a pas de possibilité de se rendre dans le canyon. La route qui
est suggérée passe en arrière de pics assez
élevés, qui sont d'une altitude d'environ 2,400 ou 2,500 pieds,
et passe dans une baisseur. Je me demande qu'est-ce que cette route peut faire
pour faciliter l'accès et la visibilité de la vallée de la
Jacques-Cartier.
Il y a certainement quelques postes d'observation qui sont
prévus, mais c'est tout. Pour le type qui veut se recréer, qui
veut aller dans la vallée, cela devient impossible; ce sont deux pentes
pratiquement verticales et il faut qu'il reste sur les cimes, assez
éloigné du bord de la vallée.
M. LOUBIER: Dr Corbeil, l'Hydro-Québec, dans son mémoire,
nous souligne que, sur le plan faunique, que ce soit terrestre, aquatique,
etc., ça va évidemment provoquer certaines altérations,
mais qu'elle a prévu des correctifs pour rétablir la situation.
Est-ce que vous avez été à même d'apprécier
le bien-fondé de cette affirmation?
M.CORBEIL: Non, je ne connais pas les correctifs qui ont pu être
proposés par l'Hydro-Québec. Tout ce que j'ai vu, c'est la
maquette qui a été présentée ici et qui montre une
route qui passe du côté ouest de la vallée. On nous
présente quelques campings par-ci par-là; on nous présente
des sentiers pour la marche; on nous présente également une
descente de bateaux sur une pente qui a un angle très prononcé.
On descendrait, je ne sais pas, mais peut-être sur une distance de 800 ou
900 pieds pour mettre une chaloupe à l'eau à peu près au
milieu, en face de la rivière Sautauriski. Quels sont les correctifs qui
peuvent être apportés? C'est simplement de l'équipement
comme du camping, une route panoramique et des sentiers.
M. LOUBIER: M. Lemieux, vous êtes d'avis que c'est la disparition
d'un des sites les plus spectaculaires qu'il y a actuellement dans le parc des
Laurentides.
M. LEMIEUX: Oui.
M. LOUBIER: Quelque polyvalence que puisse prendre l'aménagement
fait par l'Hydro-Québec, sur le plan touristique,
récréatif, culturel, etc., il y a, dans votre esprit, destruction
de ce site dès que les travaux débutent pour l'aménagement
de ce territoire par l'Hydro-Québec.
M. LEMIEUX: C'est ça. Il est toujours possible de faire des
aménagements de récréation autour de n'importe quel
développement; on peut charroyer du sable à la tonne pour faire
des plages. On peut faire toutes sortes de choses du genre. Même,
d'après ma connaissance du territoire, dans le secteur du barrage
à Tewkes-bury, on tombe à la sortie du canyon; donc, il y a
certainement des éventails de matériaux plutôt graveleux,
sableux et il ne serait probablement pas nécessaire de charroyer du
sable, d'aller à cet extrême. Il reste qu'à ce
moment-là le type d'aménagement qui peut être fait autour
d'un bassin comme ça, c'est le genre d'aménagement qu'on peut
faire à bien meilleur compte sur d'autres lacs qui ont
déjà le potentiel naturel. Comme je le disais tout à
l'heure, il y en a des milliers de lacs comme ça.
Le seul accès qu'il y aurait dans le canyon ce serait tout
comme aller se promener sur le Saguenay, en plus petit serait en bateau
par le fond de la vallée. En effet, l'inondation va monter assez aux
parois que l'étroite terrasse, qui est plate chaque côté de
la rivière et qui permet d'aménager un chemin et des sentiers,
serait complètement détruite. A ce moment-là, on a
seulement des falaises qui se jettent dansle lac. Ce n'est plus une
récréation de même nature, du tout. La
récréation actuelle, qui peut être faite dans la
vallée de la Jacques-Cartier, dans le canyon, est d'un type exceptionnel
qui n'existera plus après. C'est dans ce sens que je dis que 75 p.c. du
potentiel du canyon se
trouvent effacés, au point de vue de la récréation
de plein air, avec l'inondation.
M.LOUBIER: Est-ce que vous avez eu la possibilité d'analyser
l'étude faite par l'Hydro-Québec et le mémoire qu'elle a
soumis ici?
M. LEMIEUX: J'aurais aimé ce matin que la maquette de
l'Hydro-Québec comme celle de la Corporation des ingénieurs
forestiers, d'ailleurs, soient ici. Cela aurait été plus facile
de démontrer visuellement ce qu'on essaie d'expliquer ici. Ce n'est pas
en une semaine ou quinze jours qu'on peut monter des maquettes chez nous et
apporter ça. D'ailleurs, je viens ici strictement à titre
personnel, ne représentant personne. J'ai vu la maquette telle qu'elle a
été faite et, à l'heure actuelle, je pense bien que
personne ne va contester que les propositions d'aménagement de
récréation, qui sont faites sur la maquette, sont très
très préliminaires, après un premier survol. On propose
certaines choses qui sont faisables une fois qu'un bassin est là, mais
ce n'est pas de la récréation du même genre que celle qu'on
peut faire dans la Jacques-Cartier à l'heure actuelle. C'est ça,
le point majeur. Il y a une différence majeure entre les deux.
M. LOUBIER: La Jacques-Cartier, dans son bassin actuel ou dans sa
configuration actuelle, est à vos yeux unique dans tout le
territoire?
M. LEMIEUX: Si je parle du Québec habité, au sud du 50e
parallèle et j'ai parcouru la province d'un bout à l'autre
les seuls endroits que j'ai trouvés comparables à
ça, c'est un autre canyon qui lui ressemble, un peu plus petit, mais qui
est spectaculaire aussi, soit le canyon de la rivière Malbaie, en
arrière de Clermont, et les Chics-Chocs, que pas mal de gens connaissent
pour avoir fait le tour de la Gaspésie, qui sont quand même assez
spectaculaires. Après ça, à ma connaissance, il faut se
rendre dans les fjords des Torngat et dans le Labrador pour trouver des
vallées encaissées aussi spectaculaires.
M. LOUBIER: D'accord.
LE PRESIDENT (M . Kennedy): Le député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: Moi, j'aimerais poser une question à M. Lemieux et
à M. Corbeil. Je remarque que le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche a manifesté beaucoup d'intérêt
à ce projet.
D'autre part, je remarque aussi qu'une étude préliminaire
a été préparée par l'Hydro-Québec en 1961 et
1966; est-ce que vous avez commencé à étudier, à
votre ministère, ce projet dans ces années ou si vous avez
commencé à le faire en 1972-1973?
M. LEMIEUX: Je vous répondrai là-dessus, parce que cela
couvre une partie de mon règne comme directeur général des
parcs, de 1967 à 1971. Je dirai qu'en 1967, lorsque je suis
arrivé à la Direction des parcs du Québec, en
commençait pour la première fois à faire des plans
directeurs de nos principaux parcs. On a commencé, d'abord, par le parc
du mont Tremblant et par le parcs des Laurentides. Le plan n'est pas tout
à fait terminé encore parce que ce n'est pas un mince travail de
faire cela. Mais il était déjà prévu, à
l'intérieur du plan directeur, dès le début, que l'un des
sites extraordinaires était le canyon de la Jacques-Cartier et un autre
site aussi, dans le parc des Laurentides, d'une nature différente, celui
que le Dr Corbeil mentionnait tout à l'heure, les grands jardins, qui
sont les plus hauts sommets du parc des Laurentides avec un site exceptionnel
pour l'habitat du caribou. D'ailleurs, on vient de réimplanter du
caribou dedans. Mais déjà, à ce moment-là,
c'était considéré comme un des sites à mettre en
valeur.
Mais si on n'a pas mis plus d'argent, jusqu'à présent,
là-dedans, je pense que cela dépend de deux choses:
Premièrement, les budgets n'ont jamais été très
gros au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche;
deuxièmement, cela rejoint un peu ce que le Dr Corbeil disait tout
à l'heure, c'est que jusqu'à 1960, environ, fondamentalement les
parcs ont d'abord été considérés comme des endroits
de pêche, même pas de chasse. Ce n'est que graduellement,
après 1960, qu'on a commencé à penser aux autres
activités de plein air. Mais avec beaucoup de retard encore au point
que, même à l'heure actuelle encore, dans le parc des Laurentides,
à moins que cela change cette année, l'été, par
exemple, vous avez beaucoup de difficultés à aller simplement
vous promener ou pique-niquer dans le parc des Laurentides parce qu'on vous
demande un permis de pêche pour aller vous promener là alors que
le parc devrait être utilisé pour d'autres choses. Mais je dois
dire que les deux dernières années, de 1969 à 1971,
déjà des groupes, avec guide, généralement avec
quelqu'un du service de l'animation de la Direction générale des
parcs, avaient accès à la vallée pour faire des
randonnées pédestres, faire de l'alpinisme, faire du canotage
avec une autorisation écrite spéciale du directeur
général des parcs. On avait déjà commencé
à l'utiliser. Mais ce qui manque, fondamentalement, c'est une bonne
route d'accès pour que ce soit facile pour tout le monde de s'y
rendre.
M. TETRAULT: Deuxième question. L'Hydro-Québec a fait les
études, dans l'année 1966, sous votre règne, comme vous
l'avez dit tout à l'heure. Est-ce que l'Hydro-Québec demande une
permission au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche
pour entrer dans un parc ou elle le fait automatiquement avec aucune loi ou
aucune demande telle quelle?
M. LEMIEUX: L'Hydro-Québec, au temps
que j'ai été directeur général des parcs
je ne peux pas parler des autres périodes est venue une
fois chez nous pour nous consulter sur le tracé de sa future ligne de
transport. Je pense que c'était la 735, qui devait passer dans le parc.
On voulait savoir si le tracé passait trop près de certains
développements qu'on envisageait pour le parc. Je pense que
c'était juste et raisonnable et on lui a donné notre avis. Elle a
respecté notre avis là-desus.
Par contre, pour d'autres travaux, des sondages sur la Jacques-Cartier,
je vous avoue franchement que je n'en ai jamais entendu parler.
M. TETRAULT: Donc, ils l'ont fait de leur propre chef.
M.LEMIEUX: Ah!
M. TETRAULT: Peut-être que le ministre pourrait répondre
à cette question. Est-ce que l'Hydro-Québec a eu...
M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, cette question a
été discutée, en profondeur, jeudi passé.
M. TETRAULT: Jeudi passé, d'accord. Merci, M. le ministre. Je
vais lire le journal des Débats.
M. LESSARD: M. le Président, je pense que je dois d'abord
remercier le Dr Lemieux et le Dr Corbeil de la position claire, franche et
honnête qui a été prise aujourd'hui. J'en suis très
heureux.
J'aimerais d'abord poser la question suivante à M. Corbeil: Etant
donné, lorsqu'on a décidé de consacrer le parc des
Laurentides comme parc, qu'il semble que la loi soit assez imprécise
à ce sujet s'agit-il d'une réserve intégrale,
s'agit-il d'un site récréatif? selon vous, est-ce que le
parc Jacques-Cartier serait une réserve intégrale telle qu'on
peut l'interpréter, par exemple, par rapport à d'autres pays ou
par rapport à la Loi du Canada sur les parcs ou par rapport à
d'autres lois aux Etats-Unis?
M.CORBEIL: Vous voulez parler de la vallée de la
Jacques-Cartier?
M. LESSARD: La vallée de la Jacques-Cartier.
M. CORBEIL: Personnellement, je pense que cette vallée devrait
être étudiée d'une façon plus
détaillée et plus approfondie, que certaines parties ou certaines
régions de cette vallée pourraient être
considérées comme réserve intégrale, à cause
de la valeur soit des boisés ou de certains autres facteurs, mais que
d'autres parties puissent être ouvertes au public pour qu'il en profite
pour toutes sortes de récréation de plein air mais avec certaines
réglementations qui empêchent toute détérioration.
Qu'il y ait un aménagement raisonné et qu'on mette de
côté, sous des règlements spéciaux, les parties que
l'on doit conserver de façon intégrale pour qu'elles ne soient
pas dérangées.
Ce n'est pas un seul tout, cela peut être considéré
par sections.
M. LESSARD: Selon vous, si vous aviez eu à étudier ou
à faire le zonage de cette région, est-ce que le territoire qui
serait inondé par l'Hydro-Québec aurait été, selon
vous, déclaré réserve intégrale? Est-ce que vous
croyez que ce devrait être une réserve intégrale?
M.CORBEIL: Si on entend, par réserve intégrale,
réservée exclusivement aux études et aux recherches, je
dirais non, mais il y a des parties, là-dedans, de boisés qui ne
devraient pas être touchées, qui devraient être
laissées telles quelles.
M. LESSARD: Oui. J'entends, par réserve intégrale, un
territoire qui ne doit pas être utilisé commercialement ou
développé pour des fins commerciales.
M. CORBEIL: II faudrait qu'il soit développé pour
l'accès au public mais sans exploitation commerciales. J'entends, par
commerciales, exploitations de la ressource forêt ou des choses comme
ça.
M. LESSARD: Si je vous pose cette question, c'est que
l'Hydro-Québec semble jouer un peu sur l'imprécision de la loi.
En effet, dans le rapport de la direction des projets de centrales, direction
du génie, on dit ceci: "Si ce dernier ce parc avait
été constitué en réserve intégrale, il ne
fait pas de doute que le projet aurait été jugé
négatif sous cet aspect. Or, la définition donnée par le
législateur au parc des Laurentides est si imprécise qu'il nous
est impossible d'indiquer si oui ou non le projet contribue à mettre en
valeur ou à dégrader l'utilisation qu'on veut en faire."
Donc au ministère, actuellement, est-ce qu'il y a des plans pour
zoner ce territoire, pour déterminer quels seront, à un moment
donné, les types de territoires, c'est-à-dire quels seront,
à l'intérieur de ces parcs, les territoires qui pourront
être exploités peut-être au point de vue de la forêt,
l'autre partie du territoire qui devra être conservée
intégralement? Est-ce qu'il y a des plans qui ont été
préparés au ministère dans ce domaine?
Parce qu'il ne faut pas oublier que lors de la dernière
commission parlementaire, l'Hydro-Québec nous a soumis un plan de zonage
mais un plan qui correspondait à ses priorités à elle.
Est-ce que M. Lemieux pourrait répondre sur ça?
M. CORBEIL: M. Lemieux est peut-être en meilleure position pour
répondre parce qu'il a déjà considéré ce
site, mais je sais qu'actuelle-
ment il y a des travaux qui se font pour déterminer les
critères qui serviront à déterminer d'une façon
plus précise la vocation de différentes régions dans les
parcs.
M. LESSARD: J'aimerais avoir l'opinion de M. Lemieux, étant
donné qu'il a été, pendant assez longtemps, directeur des
parcs.
M. LEMIEUX: Je pense, M. Lessard, qu'il faudrait préciser
certains termes. Dans notre jargon écologique, si vous voulez, jargon du
métier, une réserve intégrale, c'est fondamentalement pour
des fins scientifiques. C'est un bloc qu'on met de côté
totalement, et l'accès est permis seulement, aux grands scientifiques,
aux "egg-heads", comme diraient les Anglais, pour faire des études
écologiques, et la récréation n'est pas compatible avec
ça.
Pour ce qui est de la façon de considérer le parc des
Laurentides, je pense que si on regarde la loi du parc, il est clair qu'elle
est pratiquement copiée intégralement sur la Loi du parc
Algonquin qui a été créé un an avant.
Ce parc est un immense territoire où, à mon sens, il
était absolument impensable de proscrire toute exploitation, que ce soit
forestière ou autre, parce que c'est un grand territoire.
Deuxièmement, alors qu'un des objectifs est justement
l'aménagement de la faune, tant terrestre qu'aquatique, il faut des
coupes forestières pour améliorer l'habitat.
Mais dans un grand territoire comme ça, qui a une vocation, qui
devient un territoire réellement consacré à un
aménagement intégré des ressources, il y a des zones qu'on
doit établir qui sont préservées davantage et où la
récréation est aménagée dans un contexte naturel,
le moins dérangé possible. Il y a des corridors panoramiques
à préserver. En hiver, il y a des ravages d'animaux à
préserver.
Il y a des zones comme le canyon de la Jacques-Cartier qui sont des
sites spectaculaires. Au parc national du Grand Canyon, il y a tout un
territoire autour, la région même du Grand Canyon qui est
préservée. A Yellowstone, par exemple, la région des
geysers, tout ça est préservé, mais en dehors de ça
il y a des aménagements de camping, des aménagements plus
intensifs de récréation.
Dans le plan que je mentionnais tout à l'heure, qui était
en préparation au ministère du Tourisme à l'époque
et qui est en voie d'être parachevé maintenant, il y a justement
un zonage de fait dans ce territoire avec des zones à préserver.
Pas en réserve intégrale nécessairement, quoiqu'il puisse
y avoir à l'intérieur d'un parc à la suite de
propositions de scientifiques certains blocs réservés
comme réserve intégrale, mais fondamentalement, pour autant que
la récréation et les parcs sont concernés, c'est d'abord
des zones qu'on garde naturelles sans exploitation forestière, pour la
récréation assez intensive. Par contre, il y a d'autres
régions où il y a des aménagements de forêts ou
d'autres ressources, tout en gardant une belle qualité de pêche et
de chasse dans le territoire.
M. LESSARD: Dr Lemieux, est-ce que vous êtes d'accord avec
l'interprétation de la Loi des parcs telle que l'a donnée tout
à l'heure le Dr Corbeil, c'est-à-dire qu'il serait impossible,
sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autoriser la réalisation du
projet de l'Hydro-Québec?
Est-ce que vous pensez qu'il faudrait modifier à
l'Assemblée nationale la Loi des parcs pour permettre à
l'Hydro-Québec de réaliser son projet?
M. LEMIEUX: Je ne suis pas juriste ni avocat, mais ayant
travaillé avec cette loi, je sais qu'en vertu des articles 6 et 7, il
est dit que rien ne peut être fait dans le parc qui diminue la
qualité du parc. C'est dans ces articles de la loi et personnellement
c'est mon opinion strictement personnelle je pense qu'à
moins d'une modification à la loi, il serait illégal de faire une
chose semblable.
M. LESSARD: Dr Corbeil, vous avez été membre du
comité interministériel. Vous avez affirmé tout à
l'heure que la position que vous preniez était personnelle. Est-ce que
je pourrais vous demander si cette position correspond à celle qui a
été énoncée, par exemple, au niveau des experts qui
se sont réunis à l'intérieur du comité
interministériel?
M. CORBEIL: Le comité comme tel n'a pas présenté de
rapport. L'opinion que j'émets ici est l'opinion que je me suis faite
sur les données, les renseignements que j'ai recueillis au comité
et en étudiant le projet de l'Hydro-Québec. Je ne peux pas me
prononcer pour le comité et dire qu'il aurait décidé ci ou
ça; il n'y a pas eu de décision prise par le comité comme
tel et il n'y a pas eu de rapport de préparé.
M. LESSARD: Le comité interministériel avait quel
objectif?
M. CORBEIL: L'objectif de suivre le développement,
c'est-à-dire de suivre la cueillette des données, des expertises
faites par l'Hydro-Québec dans le parc des Laurentides et de voir s'il y
avait possibilité de proposer un plan qui pourrait concilier le
développement de l'Hydro-Québec avec l'utilisation du parc.
M. LESSARD: II avait comme objectif de proposer un plan qui pouvait
comprendre un plan d'aménagement conciliant les objectifs de
l'Hydro-Québec et du parc, ou du ministère du Tourisme, qui a
quand même comme objectif principal de protéger certaines zones
vertes.
Est-ce qu'il y a eu une proposition de faite dans ce sens ou, sinon,
est-ce possible de le faire?
M. CORBEIL: Aucune proposition n'a été
faite; on a étudié les renseignements qui nous
étaient fournis concernant le site, concernant le projet. A un moment
donné, personnellement, j'ai pensé que les renseignements que
nous possédions nous permettaient de prendre une décision et
qu'il était impossible à notre ministère d'autoriser un
projet semblable à cause de la loi. Alors, j'ai demandé au
comité s'il était prêt à prendre un vote, à
prendre une décision et, à ce moment-là, on n'a pas
jugé bon de prendre une décision et moi, j'ai fait rapport aux
autorités de mon ministère, tout simplement.
M. LESSARD: Dr. Lemieux, une dernière question.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, si le député de
Saguenay me le permet, c'est une question qui est survenue la dernière
fois que nous avons siégé, et je pense qu'il serait bon que je
rende clair un élément de la situation. Premièrement, pour
répondre à la question qu'il a adressée tout à
l'heure au Dr Corbeil, je peux l'informer que celui qui a siégé
à ce comité au nom du service de protection de l'environnement a
fourni des renseignements et des opinions qui sont superposables à ceux
que le Dr Corbeil a présentés. Deuxièmement, j'aimerais
souligner que s'il n'y a pas eu de rapport du comité
interministériel c'est pour une raison bien simple, c'est que les
renseignements qui étaient disponibles à un moment donné
ont amené le gouvernement, sur recommandation du ministre du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, à prendre une décision. Cette
décision ayant été prise, il n'était plus
nécessaire de déposer un rapport en bonne et due forme.
C'était un travail interne, de toute façon, le gouvernement a agi
au moment qu'il a jugé opportun. Et c'est mon collègue qui l'a
fait.
M. LESSARD: Le ministre de l'environnement dit que la décision a
été prise sur recommandation du ministre du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche. Je suppose que c'était avec l'appui du
ministre de l'environnement?
M. GOLDBLOOM: C'était clairement avec l'appui du ministre de
l'environnement, d'autant plus que c'était une décision du
conseil des ministres, donc unanime.
M. LESSARD: Je remercie le ministre. Une dernière question, Dr
Lemieux: Vous parlez d'un aménagement touristique assez
délimité pour conserver un peu l'esprit sauvage du parc. Vous
avez pu voir probablement, par exemple, l'aménagement proposé par
l'Hydro-Québec, en particulier en ce qui concerne des terrains de
camping. Est-ce que vous pensez que c'est un territoire propice au camping, ce
territoire?
M. LEMIEUX: Personnellement, je n'ai jamais pensé que le parc des
Laurentides comme tel, dans son ensemble, est l'endroit le plus propice par
exemple pour aménager de la récréation axée sur
l'eau, en particulier pour la baignade. Il y a assez de mouches noires pour
faire promener pas mal de monde dans le coin et je pense que c'est beaucoup
plus valable de se rapprocher de la zone, en termes écologiques, de la
vallée du Saint-Laurent où il y a de l'érable aceraille et
où il y a quelques maringouins mais un peu moins de mouches noires.
Effectivement, déjà au lac Jacques-Cartier, derrière
l'établissement de Châtelaine, il y a un chemin d'entrée
où on a construit un terrain de camping, qu'on appelle le Camping de la
Loutre, où il y a un endroit de pique-nique également avec plage,
une très belle plage de sable sur le bord du lac Jacques-Cartier. Il y a
seulement les bouts-de-chou avec une température de trois, quatre
degrés plus haute que nous autres qui se promènent
là-dedans; c'est pratiquement impossible même dans les chaleurs
les plus fortes de l'été de se baigner dans ces eaux. Alors,
d'aménager des genres de récréation axée sur ce
type d'activité, je pense que ce n'est pas tellement la place pour le
faire. Si vous avez remarqué tout à l'heure, tel qu'il est
là, ce n'est pas la baignade et les choses du genre qui sont la vocation
du canyon par rapport à l'ensemble du parc des Laurentides. C'est
surtout de la randonnée avec des bonnes bottes de marche et des manches
attachées aux poignets; il y a une demande pour cela. Je peux vous dire
qu'il y a une demande pour des sentiers, par exemple, de randonnée
à l'intérieur du parc des Laurentides.
J'ai même reçu des appels téléphoniques de
gens de Long Island qui, revenus de vacances au Québec ici, me
demandaient, en tant que directeur des parcs: Est-ce vrai qu'on n'a pas encore
de sentiers dans le parc des Laurentides? On nous a dit qu'on ne pouvait pas se
promener dans le parc des Laurentides.
Il fallait malheureusement que je lui dise qu'à l'époque
encore on n'en avait pas. On commence à en avoir quelques-uns
maintenant. Ce sont des genres de choses qui sont demandées. C'est un
type d'activité. Quelqu'un pourrait dire, par exemple, que
réserver le canyon de la Jacques-Cartier seulement pour les quelques
mordus de ce genre d'activité, c'est pratiquer une sorte de
ségrégation, mais moi je réponds à ça qu'un
parc a différentes vocations, selon les différents sites qu'il y
a dans le parc, et ceux qui aiment la pêche, ceux qui aiment la chasse
vont à d'autres endroits.
Il y a d'autres types de randonnées qui peuvent se faire, mais le
canyon a un type d'activité pour un groupe de mordus de plein air de ce
type d'activité qu'ils ne peuvent pas pratiquer ailleurs, y compris des
parois magnifiques d'alpinisme où la Fédération des sports
de montagne, je crois, est allée faire des expériences
déjà, avec M. Lavallée qui est un des experts de ce
groupe. Il dit que la paroi est extraordinaire. Moi, je ne suis pas un
alpiniste, mais je tiens compte des besoins qu'on nous exprime.
M. LESSARD: Un des arguments que nous apporte l'Hydro-Québec en
faveur de son projet, c'est de dire que le parc est actuellement inaccessible.
Qu'est-ce que vous en pensez, puis quelles seraient les mesures qui pourraient
être prises?
M. LEMIEUX: C'est-à-dire, pour une partie...
M. LESSARD: Inaccessible pour l'ensemble du public.
M. LEMIEUX: En partie, c'est vrai. Comme je le disais tout à
l'heure, dans un immense territoire comme le parc des Laurentides, qui a une
topographie qui est très dure aussi, les principaux chemins qui ont
été construits là c'est par les concessionnaires
forestiers. Ils peuvent vous dire combien c'a été difficile et
coûteux de construire ces chemins. La principale route d'accès
à l'heure actuelle dans le parc c'est la route 54 qui a une série
de routes de terre de chaque côté qui mènent aux
différents lacs de pêche.
Une route existe dans le moment, qui avait été
réaménagée par la Domtar et qui a été encore
améliorée, je crois, par l'Hydro-Québec lorsqu'elle est
entrée pour faire ses expertises. Fondamentalement, le maximum
d'aménagement qu'on devrait faire dans une vallée comme ça
pour les types d'activité à pratiquer, c'est de consolider cette
route d'entrée et même de la paver, de la rendre réellement
sûre. Pas jusqu'au bout du canyon, en haut, mais pénétrer
juste à l'intérieur, avec un centre d'accueil et la
possibilité d'avoir des guides, des naturalistes qui peuvent guider des
groupes, avec des sentiers balisés pour que personne ne se perde, et
également des sentiers peut-être pour l'équita-tion
éventuellement aussi.
Et il y a beaucoup de classes d'interprétation de nature, des
classes vertes qui peuvent être menées dans ce coin-là. Il
peut y avoir des randonnées de deux ou trois jours avec des refuges le
long du sentier, pour une randonnée aller et retour jusqu'aux parois
d'alpinisme. Mais l'aménagement n'est pas tellement dispendieux, et
personnellement, disons que si vous voulez une estimation du coût, vous
n'aurez pas à dépasser $2 millions, au grand maximum, pour rendre
réellement cette vallée plus accessible qu'elle ne l'est.
M. LESSARD: Alors, M. le Président, encore une fois merci aux
deux spécialistes qui sont venus témoigner, ainsi que de la
franchise avec laquelle ils l'ont fait.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saint-Sauveur.
M. BOIS: Merci, M. le Président, j'aurais une question à
poser soit à M. Corbeil ou à M. Lemieux. Je pense bien
qu'à l'heure actuelle on essaie de faire jouer une corde sensible de la
part de ceux qui sont en faveur du projet hydraulique ou
hydro-électrique, en disant, par exemple, comme je l'ai lu dans un
quotidien de Québec hier, que le lac créé serait le seul
lac accessible au public près de Québec.
Maintenant, est-ce qu'à votre connaissance il y aurait d'autres
endroits, par exemple, sans tenir compte de la corde sensible de la mouche
noire, qui seraient accessibles au grand public, près de Québec,
à des conditions aussi avantageuses?
M. LEMIEUX: Dans le moment, je crois qu'il y a un lac actuellement
accessible au public, il y a des améliorations sûrement à
faire. Il y en a plusieurs qui le connaissent, le lac Saint-Joseph où il
y a des possibilités. Il y a des problèmes de pollution mais qui
sont solubles. Il est à vingt milles de Québec. Je vous parlais
tout à l'heure du lac Montauban qui est un peu plus loin, mais qui,
effectivement, est exactement à égale distance de
Trois-Rivières et de Québec, dans le secteur de
Rivière-à-Pierre, à Notre-Dame-des-Anges.
C'est un magnifique lac qui est en partie dans une forêt
d'érables, merisiers, hêtres aussi, donc au point de vue des
mouches et tout ça puis la chaleur des eaux, qui se prête beaucoup
mieux à ça, puis il y a une place d'un mille de long, très
bien drainée. Ce serait un projet majeur d'un parc de
récréation, réellement. Mais j'ajouterai à
ça aussi que pour ce qui est des sports reliés à l'eau,
par exemple, la baignade, de plus en plus, sous notre genre de climat ici, il y
a beaucoup d'organismes privés et même nous au gouvernement, par
exemple je parle des trois développements en Gaspésie
qui ont construit des piscines avec, dans certains cas, l'eau
chauffée.
C'est cela qui est encore le moins dispendieux, le plus attrayant pour
la baignade, entre autres. On aurait peut-être intérêt
à considérer davantage la possibilité de consolider
certains parcs. Je parle, par exemple, du mont Sainte-Anne ou d'autres endroits
qui sont très près, qui ne sont pas équipés en
nappes d'eau, mais qui pourraient être équipés facilement
avec une piscine et qui attireraient une quantité de gens pour la
baignade. Les gens préféreraient aller là parce que c'est
plus près, l'eau est plus chaude et c'est utilisable pour une plus
longue période, une plus longue saison.
M. BOIS: Merci. Maintenant, M. le Président, une dernière
question. On mentionne, entre autres, qu'en laissant le territoire tel qu'il
est, cela ne servirait qu'à une minorité de
privilégiés. Est-ce que réellement c'est quelque chose de
pensable et de réel si on calcule l'étendue du territoire de ce
canyon?
M.LEMIEUX: Je ne dirai pas que 80 p.c. des amateurs de plein air sont
des amateurs de
randonnées de quatre ou cinq jours, par exemple, jusqu'au fond du
canyon avec le "pack sac" et tout, mais la promenade, la randonnée,
simplement le tout d'auto, l'arrêt avec prise de photographies et la
promenade à pied, c'est l'occupation préférée de 85
p.c. des amateurs de plein air, tant au Canada qu'aux Etats-Unis. A ce
moment-là, je ne vois pas où est la minorité. En effet,
comme le Dr Corbeil le disait tout à l'heure, il y a un zonage à
faire, même dans ce canyon-là qui a environ 20 milles de long. H y
a une première partie qui est plus accessible avec des boucles de
sentier plus courtes où les gens vont là seulement pour
l'après-midi; c'est l'activité préférée des
Canadiens et des Américains, d'après les enquêtes qu'on a
menées tant au Canada qu'aux Etats-Unis.
La partie la plus éloignée sert davantage aux plus hardis,
aux plus jeunes, aux plus en forme qui partent havre-sac au dos pour deux ou
trois jours et campent à la dure au fond de la vallée. A ce
moment-là, c'est plutôt une minorité. Les promeneurs en
forêt veulent simplement avoir des sentiers. On n'a qu'à voir ce
qui s'est passé, cet hiver, avec le ski de fond, au camp Mercier, plus
de 50,000 personnes sont allées y faire du ski de fond. C'est tout
simplement de la promenade avec des planches en dessous des pieds, point. C'est
cela, la grande demande. Aménager le canyon tel qu'on le proposait tout
à l'heure, c'est exactement répondre à ce genre de demande
là.
M. BOIS: Je vous remercie beaucoup. C'est tout, M. le
Président.
UNE VOIX: C'est peut-être parce qu'on a pu croire que les
réserves intégrales seraient fermées au public. Il n'en
est pas question.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): M. Corbeil, vous dites, dans votre rapport, que
l'aménagement de cette centrale pourrait amener dans le décor un
affreux réseau de tours de transport. Sur la maquette et d'après
les rapports qui ont été déposés, avez-vous pris
connaissance du fait qu'il s'agissait plutôt d'un axe de connexion sur un
réseau déjà existant?
M. CORBEIL: Lors de la présentation des mémoires de
l'Hydro-Québec, on a parlé d'une distance d'environ quatre ou
cinq milles...
M. HARVEY (Chauveau): Quatre milles.
M. CORBEIL: ... pour la première turbine. Maintenant, il y a
d'autres sites qui sont considérés. Si on pose d'autres turbines,
il va falloir que l'électricité parte de ces turbines-là
et vienne rejoindre également le circuit principal. Cela va faire autant
de circuits qui vont transporter l'électricité vers cette ligne
de transport.
M. HARVEY (Chauveau): Mais, pour le moment, il y a un site qui est
visé.
M. CORBEIL: Pardon?
M. HARVEY (Chauveau): C'est quand même un site qui est
visé. En caricature, c'est clair qu'on fait beaucoup état d'un
affreux réseau, mais je voudrais quand même vous faire
préciser, quant au projet concerné, qu'il s'agit tout simplement
d'un axe de service rejoignant un réseau déjà
établi de transport de l'électricité.
M. CORBEIL: Pour une turbine.
M. HARVEY (Chauveau): D'autre part, selon la loi existante,
l'utilité des parcs peut-elle être améliorée?
M. CORBEIL: Vous parlez de l'utilité des parcs en
général?
M. HARVEY (Chauveau): En général, selon la loi
existante.
M.CORBEIL: II y a un travail qui se fait actuellement et qui
étudie toute la chose. Je ne peux pas me prononcer là-dessus;
c'est repris en profondeur dans la loi-cadre des parcs.
M. HARVEY (Chauveau): Merci.
UNE VOIX: C'est plutôt sur l'utilisation que sur
l'utilité.
M. CORBEIL: Oui, l'utilisation et les critères de
détermination des vocations de différents territoires en vue
d'une utilisation.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de L'Assomption.
Maintenant, je voudrais simplement faire une remarque aux membres de la
commission et à tout le monde. Il ne faudrait pas prendre des tangentes
et commencer à faire le procès de l'usager des parcs. On a un
problème particulier, ce matin, à étudier: c'est le
problème de la Jacques-Cartier, dans le parc des Laurentides.
Je voudrais qu'on s'en tienne à des questions qui ont rapport au
développement possible ou non, je ne le sais pas, de la rivière
Jacques-Cartier.
M. LOUBIER: Si vous me permettez, M. le Président, sur les
directives que vous venez de donner, je n'ai pas d'objection à ce que
toute la latitude soit accordée à tous les députés,
mais le gouvernement, pour des raisons qu'il peut donner, a
décidé qu'il n'y aurait qu'une seule séance, soit
aujourd'hui. Je pense qu'il serait extrêmement intéressant qu'on
puisse entendre le plus grand nombre possible de personnes.
Autrement, à ce rythme, on va entendre peut-être deux ou
trois personnes. Je pense que tout le monde va être frustré et
avec raison.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'ai permis peut-être un peu plus de
questions que normalement. Je veux simplement aviser ceux qui vont se
présenter par la suite qu'on devrait se limiter à environ 20
minutes par participant, autant pour la présentation du mémoire
que pour la période de questions. On a dépassé quelque peu
parce qu'on avait des experts invités.
UNE VOIX: Ce ne sera pas long.
M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, je serais bien d'accord
qu'on procède immédiatement à entendre d'autres
groupes.
M. PERREAULT: Sur une question de privilège. J'ai mon droit de
député aussi.
M. SIMARD (Richelieu): D'accord.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Non, non, mais on veut faire vite.
M. LOUBIER: Que le député de L'Assomption ne se sente pas
visé, c'est simplement une remarque générale que le
président a faite et que j'ai appuyée en ce sens que, si on veut
entendre le plus grand nombre possible d'opinants, à ce rythme on ne
pourra pas les entendre. On est limité dans le temps, il faut que
ça finisse ce soir.
M. PERREAULT: J'aimerais mentionner que, lors de toutes les audiences
parlementaires, je ne suis pas celui qui prend le plus le temps des
commissions, parmi toutes les journées qu'on est ici.
M. LOUBIER: Le silence est d'or, vous faites bien cela.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour continuer dans cette bonne habitude,
arrivez à votre question.
M. PERREAULT: J'aimerais poser des questions à M. Lemieux. Je
vois qu'il est allé étudier au Michigan, aux Etats-Unis. Est-ce
qu'il a pris connaissance de tous les projets de parcs aux Etats-Unis qui sont
combinés avec des développements hydro-électriques? On
parlait tout à l'heure de 171 millions de visiteurs aux Etats-Unis.
Beaucoup de ces parcs qui reçoivent ces 171 millions sont des parcs
aménagés en conjonction avec des développements
hydro-électriques.
M. LEMIEUX: Pas les parcs nationaux.
Il y a des parcs américains aménagés, des State
Forests, State Parks qui sont aménagés, par exemple, autour de
TVA, Boulder Dam et un paquet de barrages comme ça. D'ailleurs, je pense
qu'en France c'est pratiquement un événement chaque fois qu'il y
a un nouveau barrage. On fait alors un étang parce que les lacs sont
tellement rares qu'ils les aménagent tous pour la
récréation par après. Certainement, il y a eu des
aménagements faits autour de ça et cela a une très haute
valeur. Le développement TVA aux Etats-Unis est très important,
mais l'argument que j'apportais tout à l'heure ce n'est pas dans ce sens
du tout.
M. PERREAULT: Deuxièmement, vous avez appuyé sur deux
aspects dans votre mémoire, le canotage et l'alpinisme.
M. LEMIEUX: Deux parties, oui.
M. PERREAULT: Alors, sur ces deux choses, M. Corbeil avait
mentionné qu'on prenait 22 milles du parc; je crois qu'il faudrait
corriger, c'est juste dix milles à l'intérieur du parc, pour le
réservoir.
M. CORBEIL: Non, j'ai dit que le lac aurait environ 22 milles, mais
qu'une partie seulement...
M. PERREAULT: Seulement dix milles à l'intérieur du parc.
Ne croyez-vous pas qu'il y a d'autres parois qui demeurent pour l'alpinisme en
dehors de cette partie?
M. LEMIEUX: Les parois d'alpinisme, je ne suis pas un expert en
alpinisme, mais j'ai eu pas mal de contacts avec les groupes qui s'occupent
d'alpinisme au Québec. Dans les régions réellement
accessibles, elles sont assez rares les bonnes parois d'escalade au
Québec. Une de celles-là est intéressante. Comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, ce n'est pas la partie la plus
essentielle. D'ailleurs, la paroi d'escalade n'est pas touchée par
l'inondation, elle est au fond complètement de la vallée,
celle-là.
M. PERREAULT: C'est ça.
M. LEMIEUX: C'est strictement un élément pour des
spécialistes pratiquement. L'important, c'est l'accès du fond de
la vallée par la terrasse et les activités pour tout le monde
qu'on peut aménager et qu'il faut aménager dès
l'entrée du canyon.
M. PERREAULT: Deuxième question. Je pense que vous avez dit tout
à l'heure que vous avez visité pas mal tous les coins du
Québec et vous avez probablement réalisé que la
rivière Jacques-Cartier est assez tumultueuse. J'aimerais bien savoir
s'il y a beaucoup de monde, beaucoup de gens qui peuvent faire du canotage sur
la rivière, sans danger pour le peuple.
M. LEMIEUX: Moi, je me fie à la classification que la
Fédération de canot-camping a faite.
On vient de publier un livre de quelque 200 pages de classification des
rivières du Québec et la rivière Jacques-Cartier est
justement dans ce secteur; elle est classée comme 2, c'est-à-dire
que ce n'est pas une rivière d'experts, c'est une rivière de
qualité moyenne dans ce secteur. Elle est classée par ceux qui
pratiquent le canotage.
M. PERREAULT: On pourrait donc dire que la grande majorité des
gens pourraient descendre la rivière en canot, d'après vous.
M.LEMIEUX: Oui. Avec le travail d'initiation des jeunes au canotage qui
se fait à l'heure actuelle... Ce n'est pas une rivière d'experts,
du genre de la rivière du Grand Canyon où cela prend des bateaux
spéciaux et toute l'affaire pour la descendre. C'est une rivière
qui est canotable.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que je pourrais faire une remarque au
député de l'Assomption? Un mémoire doit être
présenté, tantôt, par la Fédération
québécoise de canot-kayak. L'on pourrait peut-être
réserver les questions de canotage pour ces gens.
M. PERREAULT: Bien, voici ce qui arrive, M. le Président. M.
Corbeil mentionne des choses qui vont peut-être venir dans d'autres
mémoires, mais j'aimerais quand même lui poser des questions sur
des choses qu'il a affirmées dans son mémoire.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord.
M. PERREAULT: M. Corbeil, ici, a parlé des feuillus qui sont en
gradation le long des rivières. Est-ce que ces feuillus ne se retrouvent
pas ailleurs le long de la Jacques-Cartier?
M.CORBEIL: C'est un renseignement que j'ai recueilli auprès des
ingénieurs forestiers de notre ministère. Ce qu'il y a de
particulier, c'est que toute la succession de ces peuplements se retrouve dans
un espace restreint et forme, ni plus ni moins, une serre ou un laboratoire
pour étudier la variation selon l'altitude, variation qui se reproduit
sur le terrain à mesure qu'on se dirige vers le nord.
M. PERREAULT: Selon votre information, le seul endroit où cela
existe dans le parc est l'endroit où cela va être
inondé.
M. CORBEIL: Je ne dis pas que c'est le seul endroit; je dis que c'est un
endroit qui est très intéressant et qu'on considère comme
particulier et précieux. En ce qui concerne certaines espèces, on
m'a dit qu'elles étaient également précieuses. En ce qui
concerne cette association, il y a ce qu'on appelle les sapinières
à bouleau jaune qui diminuent énormément dans la province
depuis l'exploitation des bois durs. Il y a des sapinières à
bouleau jaune qui méritent d'être conservées à cause
de leur âge et de leur importance.
M. PERREAULT: Ma dernière question s'adresse aux deux parce que
vous êtes intéressés par les parcs. Si on maintient le parc
avec des installations rudimentaires, telles quelles sont, étant
donné les milliers de visiteurs que les parcs reçoivent du
Québec, à combien estimez-vous le nombre de visiteurs dans le
parc, s'il demeure comme ça?
M.LEMIEUX: Si le canyon demeure tel quel...
M. PERREAULT: Tel quel, avec les installations rudimentaires que vous
mentionnez dans votre mémoire. Combien de milliers de...
M. LEMIEUX: II n'est pas facile de vous donner un chiffre qui serait
très précis dans le moment. Tout ce que je peux vous dire, comme
chiffre de comparaison, c'est qu'en 1971, dans tous les parcs de la province de
Québec, il n'y a eu que 1,700,000 visiteurs. Là-dessus, il y en
avait seulement 250,000 pour la pêche; par contre, il y en avait 800,000
pour le camping et le pique-nique. Disons qu'en proportion, au fur et à
mesure que les parcs vont ouvrir si vous voyez un peu la proportion que
cela peut donner dans le parc des Laurentides, avec le pool d'à
peu près 500,000 à 600,000 personnes dans le Québec
métropolitain et les régions avoisinantes, en plus des touristes
qui pourraient venir l'été, je pense que ce territoire peut
accueillir, bon an, mal an, 400,000 à 500,000 personnes, une fois les
aménagements faits.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur le même sujet,
est-ce que vous allez admettre que des personnes circulant entre Chicoutimi et
Québec, et dans le sens contraire, entre Québec et Chicoutimi, au
moment où elles passent à la barrière et qu'on leur remet
un permis de circulation, sont considérées comme touristes dans
le parc?
M. LEMIEUX: Non.
M. HARVEY (Chauveau): Non?
M. LEMIEUX: Non.
M. HARVEY (Chauveau): Absolument pas. Je voulais savoir...
M. LEMIEUX: Depuis très peu, par exemple. Mais depuis quelques
années, depuis deux ou trois ans, au moins, on a un enregistrement
spécial pour les visiteurs des parcs.
M. HARVEY (Chauveau): Très bien. Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs les experts.
M. MASSE (Arthabaska): J'avais demandé la parole pour une courte
question.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ah! Je m'excuse, oui.
M. MASSE (Arthabaska): Vous avez dit, Dr Lemieux, que le sentier
déjà existant serait inondé avec le projet de
l'Hydro-Québec. Est-ce qu'il y aurait un autre endroit qui pourrait
permettre les mêmes avantages que ce sentier, un endroit que la
topographie permettrait après l'aménagement de la
Jacques-Cartier?
M. LEMIEUX: Non, après l'aménagement de la
Jacques-Cartier, M. Massé, les terrasses étant inondées,
les parois tomberaient carrément dans l'eau. Ce ne serait pas possible,
à ce moment-là, à moins d'avoir un sentier dangereux
côtoyant la rivière dans la montagne. Effectivement, les seules
places, pour la première partie du canyon, qui est l'entrée, ce
serait de se promener sur les faîtes de chaque côté.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs les experts. Nous
entendrons maintenant le représentant du Comité pour la
conservation de la Jacques-Cartier, Mlle Marie-T. Labrecque.
UNE VOIX: Madame.
UNE VOIX: On n'a plus les mademoiselles qu'on avait!
LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est un grand désappointement!
M. BEDARD: Marie-T. m'embarrasse sans le vouloir !
Comité pour la conservation de la
Jacques-Cartier
M. BEDARD: M. le Président, je m'aperçois, par les
questions qui sont posées, que ce serait avantageux si les membres de la
commission pouvaient voir quelques photographies de la rivière
Jacques-Cartier. On parle tous un peu dans le vent. Les gens disent: C'est un
site unique, c'est merveilleux, c'est ceci, c'est cela. Il y a des falaises. Je
me demande si, exceptionnellement, on ne pourrait pas peut-être voir
quelques photographies. Ou encore si on peut suggérer quelque
chose à la reprise de la séance, cet après-midi, on
pourrait peut-être montrer une dizaine de photographies qui
éclaireraient tout le monde, je pense, feraient gagner, en fait, du
temps et épargneraient des questions.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que cette présentation serait
longue?
M. BEDARD: Non, je pense qu'en deux minutes on pourrait installer un
écran, si vous le permettez.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord. Si on peut se limiter à nos
vingt minutes, je suis bien d'accord pour vous donner la permission d'installer
votre écran.
Le représentant du Comité de la conservation, M.
Bédard, Mme Labrecque, est-ce que vous pourriez faire votre
présentation pendant que monsieur installe son système?
MME LABRECQUE: Je m'excuse, M. le Président, je crois qu'il y a
eu une erreur. Je suis simplement la secrétaire du comité.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ah bon!
MME LABRECQUE: C'est le Dr Bédard qui sera le porte-parole du
comité.
LE PRESIDENT (M. Kennedy: D'accord. Alors, Dr Bédard, si vous
voulez vous identifier, avec tout le tralala, vos titres et tout ça.
M. BEDARD: De profession, je suis biologiste. J'ai fait mes
études à l'université Laval. J'ai pris une maîtrise
en sciences et j'ai ensuite pris mon doctorat en sciences, en écologie,
à l'Université de Colombie-Britannique. J'ai aussi fait un
séjour postdoctoral, à l'Université de Californie,
à San Diego. J'ai eu l'avantage de travailler dans plusieurs grands
parcs nationaux américains, au Parc du Mont McKinley, à la baie
des Glaciers, dans le sud-est de l'Alaska, et j'ai aussi visité tous les
grands parcs de l'ouest du continent.
Peut-être devrais-je mentionner brièvement l'origine du
comité. Le comité est constitué de sept membres qui
proviennent tous de Tewkesbury, qui est une localité juste en aval du
site proposé pour le barrage.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Dr Bédard. Quelle est
votre occupation présentement?
M. BEDARD: Je suis présentement professeur à
l'université Laval.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord.
M. BEDARD: Tous les membres du comité proviennent de la
région du barrage. C'est évidemment ce qui nous a valu
d'être taxés, si on veut, d'avoir des intérêts
immédiats dans l'affaire, mais comme, je pense, les photos vont vous le
montrer, on n'est absolument pas menacés directement ou indirectement.
Le barrage lui-même serait situé quelques milles en amont de nos
propriétés, donc n'affecterait nullement nos
propriétés.
Ce qui nous a amenés à nous occuper de cette affaire,
c'est que, par goût, par formation, par intérêt et aussi par
disponibilité, nous avons senti que la rivière Jacques-Cartier
était quelque
chose de précieux. Vivant quotidiennement sur les bords de la
Jacques-Cartier, on s'apercevait que c'était une rivière vraiment
spéciale, qui avait aussi la chance, si on veut, d'être dans un
parc. Alors, plus rapidement que les autres citoyens, on s'est aperçu
qu'il fallait empêcher ce projet parce qu'on s'appauvrirait.
C'était là notre conviction certaine qu'en laissant utiliser la
Jacques-Cartier pour un aménagement hydro-électrique on
s'appauvrissait tous.
Nos raisons ont été exposées à plusieurs
reprises. Il s'agissait d'abord d'un site unique. D'autres organismes ont, par
la suite, élargi cette notion. Le Conseil québécois de
l'environnement, entre autres, l'a fait. C'est un site exceptionnel.
Notre deuxième argument, c'était qu'il s'agissait d'un
site très près d'une grande agglomération urbaine et
qu'à ce titre on se devait de le conserver pour l'usage des citoyens de
cette région.
Troisièmement, c'était qu'il s'agissait d'un parc et,
d'après n'importe quelle définition de parc, on ne pouvait pas
tolérer un aménagement de ce style à l'intérieur de
ses limites. Dans les parcs américains, dans les parcs des autres
provinces canadiennes, on n'accepte pas de barrages ou d'installations
hydro-électriques du type proposé.
Le Dr Lemieux, tantôt, en réponse à une question, a
indiqué cela; je pense qu'il faut le souligner, les aménagements
hydro-électriques.
En particulier dans le sud-ouest des Etats-Unis qui est une
région, comme vous le savez, presque désertique toute
nappe d'eau devient extrêmement précieuse, et c'est
compréhensible et louable qu'on fasse des aménagements
récréatifs autour de ces nappes d'eau nouvellement
créées.
Mais que voudrais rappeler qu'il y a eu des efforts et du "lobbying"
très intense pour qu'on fasse de nouveaux barrages, en particulier dans
la région du Grand Canyon où la rivière Colorado pourrait
être utilisée pour produire de l'énergie
hydro-électrique. Toujours, on a refusé ça parce que le
Grand Canyon a une vocation qui est celle d'offrir de l'émerveillement
aux gens.
Je voudrais brièvement commenter là-dessus en disant que,
dans le cas de tous les parcs américains ou canadiens, il y a toujours
eu ce "lobbying" au début. On a toujours dit qu'on ne peut pas
tolérer dans le voisinage de Washington que le parc Shenandoah soit
immobilisé pour la récréation seulement. Il y a
là-dedans des ressources forestières, ou peut-être des
ressources minières inconnues qui deviennent inutilisables par les
générations suivantes.
Il y a toujours le "lobbying", que ce soit des mines, des industries
forestière ou hydroélectrique, qui va tenter justement
d'empêcher qu'on garde en réserve des territoires pour autre chose
que de l'exploitation commerciale. Le cas s'est présenté tout
récemment dans le cas de la rivière Nahanee, dans le territoire
du Yukon, qui coule en partie dans le Yukon, où, justement, une firme
proposait de faire un aménagement hydro-électrique.
Et au moment où le gouvernement canadien a décidé
qu'on en ferait plutôt un parc pour l'usage des générations
futures, on a justement immobilisé cette réserve. On a dit: la
Nahanee ne servira pas à faire de l'électricité, elle
servira à fournir une autre sorte d'expérience humaine valable de
la récréation visuelle ou encore de l'émerveillement qui
fait aussi partie de notre besoin en tant qu'individu.
Est-ce que c'est vraiment trop exiger que de demander ça? Des
experts se sont penchés sur ce problème, ils ont
évalué la quantité de territoire dont on aurait besoin
pour identifier un pays et toute sa diversité. On a calculé que
ça prend à peu près de 1 p.c. à 2 p.c. de la
superficie de tout le territoire pour le faire.
Si on regarde dans les autres provinces, ça correspond
généralement à une valeur qui est moins que 1 p.c. Au
Québec, ça correspond à moins que 1 p.c, à peu
près à 0.9 de 1 p.c.
Dans l'ouest américain et dans l'est aussi il y a des
statistiques qui sont à peu près dans le même ordre
d'idées, c'est-à-dire que de 1 p.c. à 2 p.c. du
territoire, d'après les experts, serait suffisant pour identifier les
paysages et permettre aux gens d'y trouver des valeurs stables, d'y
reconnaître, dans les années à venir, la même
identité de leur pays.
C'est un petit peu ça, la fonction des parcs, et les parcs
provinciaux devraient au Québec jouer ce rôle et être ces
sanctuaires où on va garder à son état original un petit
fragment de notre patrimoine. Que le "lobbying" soit là pour dire: Ce
n'est pas vrai, on immobilise par là des ressources inouïes,
inestimées, inestimables, quand on y regarde de près, on
s'aperçoit qu'après quelques années Shenandoah et Yosemite
ou les autres grands parcs sont devenus des richesses inestimables, sont
devenus un capital touristique que personne ne voudrait troquer contre quelques
profits passagers qui seraient allés à l'entreprise
forestière ou encore à l'utilisation hydro-électrique qui
peut se faire dans un autre site.
On peut commenter brièvement les quelques photographies. Voici la
région de Tewksbury que des centaines ou des milliers de visiteurs
fréquentent à l'automne. La localité, au fond de la
vallée, de Tewkesbury n'est nullement affectée. Et c'est de cette
partie-là et aussi de la partie plus à l'ouest de la photo que
proviennent les membres du Comité pour la conservation de la
Jacques-Cartier.
Le barrage proposé ne serait absolument pas visible sur cette
photo, il serait à la droite derrière le massif qu'on voit. A ce
moment la rivière Jacques-Cartier est déjà
intéressante, elle n'est pas tellement encaissée, mais elle a
quand même des caractéristiques qui y attirent des dizaines de
milliers de visiteurs tous les automnes.
Sur la suivante, à mesure qu'on suit son cours je m'excuse
il y a trop de lumière autour de la photo la rivière
devient très encaissée et elle coule dans une gorge qui a une
vingtaine de milles de longueur. Dans cette gorge, le secteur de la
rivière qui serait inondé, la rivière est loin
d'être une mangeuse d'hommes.
Au contraire, c'est une rivière plutôt placide, facilement
canotable et encore une fois, les gens tantôt en parleront, on peut faire
du canotage familial là-dessus. Mais ce qui est surtout important c'est
l'effet saisissant qu'on a à voir cet encaissement de la rivière
dans le fond de la vallée.
La suivante montre justement une vue à vol d'oiseau de ce
caractère unique du paysage, une gorge presque linéaire, une
vingtaine de milles, dont l'encaissement dépasse à peu
près 1,000 pieds d'altitude. Et on voit dans le fond, sur la droite, sur
la rive est, le petit ruban routier qui existe déjà et qui permet
déjà un accès limité à tout le secteur de la
Jacques-Cartier.
Sur la suivante, on voit ici, encore une fois dans le secteur qui serait
inondé, cette fois-ci, cette région, c'est dans le voisinage de
la centrale qu'on propose. Il y aurait à peu près une quarantaine
ou une cinquantaine de pieds d'eau, dans le fond, ce qui n'est pas tellement
mais c'est quand même assez pour inonder la terrasse et empêcher
qu'on puisse avoir accès à l'une ou l'autre berge. On voit encore
une fois l'importance de l'angle des falaises de part et d'autre de la
vallée.
La suivante, une des faces ou une des parois qui servent aux alpinistes.
Cette paroi est à peu près dans le voisinage des camps de base de
l'Hydro-Québec, juste en face du site proposé pour la centrale
Champigny.
Suivante, elle sert aussi au canotage comme je l'ai dit; c'est dans la
partie inférieure de la vallée, la partie peut-être la
moins topographi-quement intéressante.
La suivante, voici une autre vue de la mangeuse d'hommes.
La suivante, encore une fois l'encaissement remarquable qui fait courir
des gens et je pense que la personne qui a visité cette vallée
n'est pas restée vraiment émerveillée par la beauté
et le caractère absolument unique et surtout harmonieux du paysage.
La suivante, on voit ici malheureusement c'est très sombre
une partie du massif, il y a un angle dans la rivière à un
moment donné et ça c'est à peu près au site
où se terminerait le lac proposé par l'Hydro-Québec. Le
massif au centre c'est celui dans lequel on implanterait la centrale.
On a encore une photo qui montre l'encaissement et la terrasse avec des
peuplements forestiers intéressants, des sapinières de bouleau
jaune d'une grande beauté qui ont été, du reste,
respectées il y a quelques années quand on avait demandé
qu'on interrompe les coupes là-dedans justement parce que c'était
tellement beau.
D'un commun accord l'exploitant, la Domtar, Leduc, un exploitant
forestier de la région de Québec, le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et le ministère des Terres
et Forêts avaient tous ensemble décidé qu'on interromprait
les coupes dans ce secteur à cause du caractère exceptionnel de
la vallée et de ses peuplements.
La suivante, s'il en reste une?
Pour continuer mes commentaires sur le mémoire que nous avons
présenté, un commentaire que je voudrais faire à l'endroit
de notre attitude vis-à-vis de l'Hydro-Québec, je dois d'abord
dire que jamais dans notre campagne on n'a mis en doute le mandat de
l'Hydro-Québec ou l'intégrité de ses membres. Au
contraire, même en tant que chercheur professionnel, je pense qu'il y a
tout lieu d'être fier des réalisations que l'Hydro-Québec
peut accomplir. Je pense en particulier à l'IREQ et je pense à
toutes sortes de réalisations concrètes, les lignes de transport
d'énergie à haute tension et des choses analogues qui nous
mettent vraiment à l'avant-garde dans la production et le transport
d'énergie.
Ce n'est pas contre ça qu'on en a. Ce contre quoi on en a c'est
que l'Hydro-Québec, tout à coup, embarque dans un domaine
où elle n'est vraiment pas à la hauteur et où elle n'a pas
de juridiction ou de compétence. Elle embarque dans un domaine où
il s'agit de respecter ou d'aménager le territoire de façon
globale, pas seulement pour des fins hydroélectriques mais aussi des
fins de récréation, d'utilisation éducative, industrielle
ou autres. Elle embarque dans ça et, à mon humble avis, elle le
fait sans beaucoup d'élégance.
Je pense qu'elle commet aussi beaucoup d'erreurs quand elle envahit le
domaine de l'écologie. Je ne veux prendre que quelques secondes pour
lire un petit passage d'un dépliant qui a circulé beaucoup
concernant le projet Champigny. A la fin, on fait mention du projet dans un
parc et on dit que ce n'est peut-être pas aussi illogique qu'on implante
un projet comme celui-là dans un parc. On dit: "Lorsqu'une
réserve réunit des conditions favorables, elle peut remplir la
fonction de foyer de repeuplement vis-à-vis du territoire dans lequel
elle s'intègre. Non seulement les espèces animales s'y
reproduisent et s'y maintiennent mais, à cause de la réduction
des pressions adverses, elles arrivent à déborder sur les espaces
avoisi-nants. Un rôle comme celui-là n'est habituellement
compatible qu'avec un taux de fréquentation très bas". Alors,
pour commenter cela, ça veut dire que le parc des Laurentides, en
supposant que ce soit une réserve, produit tout le lièvre et tout
l'orignal et tout le gibier que vous avez dans la province puisque les parcs
sont considérés comme les endroits d'où la faune
déborde sur les régions voisines.
Ce genre de conception prévalait probablement au moment où
on a inventé l'électricité mais depuis il y a eu beaucoup
de progrès de
fait. C'est le genre de notion, on le voit, avec lequel les
représentants de l'Hydro-Québec ne sont pas tout à fait
familiers parce que c'est un domaine qui ne leur appartient pas, celui de la
conservation de la faune et de l'écologie.
Il y a quelques autres commentaires que j'aimerais peut-être faire
brièvement, concernant les autres sites qui existent pour cet
aménagement. L'Hydro-Québec nous a toujours dit: C'est la
Jacques-Cartier ou rien d'autre. Par contre, quand ça faisait son
affaire, elle nous disait toujours: Ecoutez, c'est seulement des études
préliminaires qu'on fait sur la Jacques-Cartier. Il se peut que le site
s'avère inutilisable. Il se peut qu'il y ait une faille; il se peut
qu'il y ait des dépôts de surface trop importants. Il se peut
qu'on ne puisse pas vraiment faire notre barrage. Mais, le lendemain, on se
retourne et on nous dit: C'est la Jacques-Cartier ou les turbines à gaz.
Nous, on pense qu'il existe une foule d'autres sites. L'Hydro-Québec a
soumis à cette commission un mémoire qui contient effectivement
une liste de douze sites sur lesquels on a accompli des évaluations
sommaires de coûts. On arrive à estimer un coût au
kilowatt.
Cette liste, à mon sens, est extrêmement partielle. Elle ne
contient que douze sites. Je pense qu'il y a topographiquement, au
Québec, une possibilité d'établir des centrales à
réserve pompée, presque illimitée. Tout ce que ça
prend, ce sont des dénivellations. Je ne dis pas que tous ces sites sont
aussi bons que celui de la Jacques-Cartier, mais ce que je voudrais qu'on nous
dise, c'est quelle est la différence de coût qu'il y aurait entre
le site de la Jacques-Cartier et le meilleur site qu'il y aurait ensuite dans
la liste, en dehors d'un parc.
Maintenant, cette liste-là, je pense, qui vous a
été soumise est incomplète. Encore une fois, je disais
qu'on peut, en regardant les cartes topographiques, trouver des sites qui,
à notre avis, seraient adéquats et qui surtout
répondraient aux besoins de l'Hydro-Québec pour les quinze
prochaines années. Cela, c'est une chose importante et les
planificateurs de l'Hydro-Québec nous disent: On ne peut pas nous, en
tant que corporation, planifier pour plus de quinze ans d'avance.
Il existe, comme vous le savez, des nouvelles méthodes qui sont
amenées presque annuellement. Il y a toujours des recherches qui se
poursuivent dans le domaine du stockage d'énergie. Peut-être que,
dans cinq ans, la formule que nous préconisons dans le moment, la
centrale à réserve pompée, sera désuète.
Alors, pourquoi planifier pour plus de quinze ans d'avance?
On entrepend des travaux sur la Jacques-Cartier qui, effectivement
cela a été démontré à la
dernière commission contient un potentiel qui est très
gros, énorme à vrai dire, car elle peut produire 25 fois plus
d'énergie qu'on ne pourrait en produire maintenant. Si
l'Hydro-Québec décèle ce potentiel-là, c'est tout
à fait légitime, c'est correct, ça. Mais, là
où je m'arrête, c'est que, d'un autre côté, on me
dit: Peut-être qu'on aura l'opportunité d'utiliser seulement l/25e
de ce site-là. Peut-être que, dans cinq ans, la centrale qu'on
aura construite sera désuète et qu'il faudra recourir à
l'électrolyse de l'eau ou au stockage de gaz comprimés dans des
cavernes souterraines ou à quelque chose qui s'avérera plus
économique.
Et ce sera irrévocable. On aura, néanmoins,
sacrifié, à ce moment-là, la rivière
Jacques-Cartier pour un aménagement très partiel. C'est
là-dessus, nous, qu'on dit: Est-ce que ce ne serait pas plus juste pour
l'Hydro-Québec de chercher à aménager un site qui peut
répondre à ses besoins pour les quinze prochaines années,
un site qui peut lui procurer les 1,000 ou les 2,000 mégawatts dont nous
avons besoin pour ces quinze prochaines années, et de nous laisser la
rivière Jacques-Cartier? On va plus loin. On dit que, si
l'Hydro-Québec accepte de faire des aménagements
récréatifs autour des réservoirs qu'elle crée, on
aura, à ce moment-là, deux centres récréatifs: un
aménagement récréatif autour d'un réservoir d'un
type assez particulier, souvent assez banal, et aussi un aménagement
récréatif consenti ou développé, assuré,
comme ça doit l'être, par le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, pour la rivière Jacques-Cartier.
Au lieu d'un seul site développé, on en aurait deux, avec
des fonctions bien précises et uniques pour chacun d'entre eux. Il me
reste aussi à faire un bref commentaire concernant un article qui a paru
hier, dans les journaux, à l'effet que la rivière Jacques-Cartier
serait réservée à un club d'écologistes. Je pense
que c'est tout à fait contraire à la philosophie qu'on a toujours
soutenue, qui était de rendre la rivière Jacques-Cartier
accessible à tout le public québécois. Cela pourrait
devenir un des périples touristiques les plus remarquables et les plus
recherchés de la province. On a toujours dit: Vous devez nous aider
à conserver la Jacques-Cartier, sur un des dépliants qu'on a fait
circuler à plusieurs milliers d'exemplaires; signez et retournez.
Peut-être qu'avec votre aide d'autres Québécois, dans 50
ans ou plus, ressentiront, dans cette vallée, les mêmes
émotions, le même émerveillement que vous et moi.
La rivière Jacques-Cartier, à notre avis, est une
rivière unique, superbe dans laquelle on peut se grandir, s'enrichir.
C'est seulement ça, notre but. On veut que ce soit accessible à
tous les Québécois. Les gens les plus ordinaires pourraient aller
vivre une expérience unique, en un milieu naturel absolument unique.
Je pense que le projet de l'Hydro-Québec ne permet pas,
justement, de vivre cette expérience unique. Là où le
commentaire, qui a paru dans les journaux d'hier, nous met sur une mauvaise
piste, c'est qu'il y a une confusion entre la notion de parc naturel la
Jacques-Cartier, c'est un parc naturel; ce qui est beau dans cela, c'est
l'intérêt du site et le parc urbain dans
lequel on va procurer de la récréation, où on va
voir des gens qui font du jogging avec des sandales, où on va voir des
aménagements pour la baignade, des aménagements pour la
récréation intensive. Il y a deux mondes, c'est deux mondes
complètement distincts.
Un parc naturel comme la Jacques-Cartier, cela ne peut pas se
prêter à des activités intensives du type qu'on propose ou
qu'on voudrait voir se réaliser là, que la personne qui a
signé l'article dans le journal hier voudrait voir s'y
développer. C'est comme si on vous proposait, demain, d'installer un
café-terrasse en bas du rocher Percé ou encore en bas des
falaises d'oiseaux à l'île Bonaventure, c'est absolument
incompatible parce que les falaises d'oiseaux, d'abord, dans les cocktail, ce
n'est pas très bon, mais aussi le fait que c'est absolument incompatible
qu'on puisse associer la nature à une activité aussi mondaine que
celle qu'on envisage là-dedans.
En terminant, M. le Président et messieurs, je voudrais
simplement souligner que la voix que je représente ici est une voix qui
a été toujours collective, on a toujours travaillé en
comité. Je n'ai été qu'un porte-parole, les membres du
comité ont travaillé aussi fermement que moi. Je voudrais aussi
signaler que cette voix-là que nous faisons entendre, elle ne fait que
commencer à se faire entendre au Québec, mais elle va devenir de
plus en plus audible, la voix qui veut qu'on se garde un milieu vivable.
Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre! Je voudrais simplement souligner
aux suppor-teurs du docteur Bédard que normalement, dans les commissions
aussi bien qu'à l'Assemblée nationale, les manifestations ne sont
pas permises. Nous sommes heureux de vous entendre, de vous écouter mais
ça se limite à cela. Est-ce qu'il y a des questions à
poser à M. Bédard?
M. LOUBIER: M. Bédard, vous avez provoqué l'envie de tous
les politiciens à la fin de votre envolée. Je serais porté
à être très agressif à votre endroit par jalousie,
par vanité. Vous avez surtout insisté sur le fait qu'il fallait
conserver la rivière Jacques-Cartier avec son environnement dans
l'état actuel parce que c'était véritablement un site
unique en son genre dans la région c'est votre argument, je pense
et qu'un aménagement très intensif ou un
aménagement polyvalent, tel que proposé par
l'Hydro-Québec, enlèverait ce cachet unique que revêt la
rivière Jacques-Cartier.
Est-ce que vous avez eu la possibilité d'étudier les
maquettes, le projet, mémoire soumis par l'Hydro-Québec, dans
lequel mémoire, entre autres, il est établi que, sur le plan
faunique, sur le plan de la configuration du sol, sur le plan
récréatif, sur le plan touristique, etc., on fait
l'énumération des difficultés; par ailleurs, on en
démontre les avantages. Est-ce que vous avez été à
même d'analyser cela?
M. BEDARD: Oui, j'ai eu, brièvement, entre mes mains le
mémoire que l'Hydro-Québec a soumis sur l'environnement. Tout ce
mémoire-là est basé sur l'utilisation d'une méthode
qui est assez restreinte au point de vue potentiel, c'est une analyse du
potentiel ou de l'impact en se servant d'une matrice, qui est une espèce
de quadrillé, dans lequel on énumère tous les
phénomènes ou toutes les variables qui sont dans le milieu et qui
pourraient être affectées par l'aménagement. Il y aurait la
qualité de l'eau, les plantes, les espèces rares, les sites
archéologiques, le milieu humain et tout. On attribue à cela une
valeur selon le type d'aménagement qu'on fait.
Est-ce que l'aménagement va diminuer ou augmenter la valeur du
site qu'on a en main? Là où la méthode, à mon sens,
est odieusement galvaudée, c'est qu'on propose, dans l'analyse, deux
façons d'évaluer l'affaire. D'un côté, on dit: On
vous fait un barrage tout court, juste un barrage, même pas de
béton poli dessus, rien, juste le barrage, et on évalue l'effet
sur l'impact. A côté, on dit: On fait le barrage plus de la
récréation, plus des balustrades, des statues ou je ne sais quoi,
des éléments qui vont peut-être changer ou
améliorer, dit-on, le paysage. On dit: L'évaluation, dans le
deuxième cas, est bien meilleure, on vous montre là que le site
va être amélioré. C'est radicalement faux au départ,
c'est comme si on essayait de nous faire la preuve qu'une maison finie en
papier noir et sans aménagement paysagiste en avant est moins belle
qu'une maison qui est finie avec du déclin d'aluminium de couleur et
avec un bel aménagement paysagiste.
C'est à peu près ça qu'on nous dit. Alors, la
matrice d'impact sur laquelle on base toute l'analyse faite dans le document
que l'Hydro-Québec vous a fait circuler, à mon sens, est presque
une provocation, parce que c'est une façon très
légère d'estimer ou d'évaluer un impact.
Pour ce qui est du site en lui-même, moi, je pense que le site de
la Jacques-Cartier, ce caractère unique, c'est ce qui en fait sa valeur,
c'est d'abord l'harmonie de la vallée, c'est aussi le fait que ces
paysages deviennent de plus en plus marchands, de plus en plus commerciaux. Je
m'excuse d'introduire un peu de commerce dans ça, mais dans le fond, si
jamais vous voulez attirer des touristes sur la rivière Jacques-Cartier,
ce n'est pas en montrant des turbines ou des barrages que vous allez faire
venir des gens de Toronto ou de Boston pour les intéresser à des
aménagements comme ça. Si, effectivement, il vient des gens de
Toronto qui sont intéressés par des turbines, on pourra quand
même leur en montrer. On en a un peu partout, on en a à Manic, on
en aurait aussi sur un autre site. On a toujours dit qu'on voulait qu'il y ait
des centrales à réserve pompée. On est pour ça,
mais pourvu qu'elles soient à leur place en dehors des parcs. Et
même moi je vais m'y intéresser, même les gens du
comité vont s'intéresser à la construction puis à
l'aménage-
ment polyvalent d'une autre centrale à réserve
pompée, sur un autre site.
Je pense qu'en le faisant sur la rivière Jacques-Cartier vous
diminueriez la valeur unique de ce site qui pourrait attirer des gens, juste
parce que c'est un paysage naturel, spectaculaire. Le jour où vous allez
mettre là-dedans des téléphériques ou bien des
bateaux-mouches, vous détruirez tout votre site, puis vous importerez
dans un site naturel grandiose des activités absolument mondaines qui
n'ont aucun rapport avec ce site.
M.LESSARD: M. le Président, de toute façon, à
défaut de la Jacques-Cartier on peut toujours avoir la basilique de
Sainte-Anne-de-Beaupré pour attirer le tourisme.
J'aurais deux questions, M. le Président. Il y a quelque temps,
on disait que l'université Laval devait produire une étude sur
l'écologie de la vallée de la Jacques-Cartier. Par contre,
l'Hydro-Québec a déjà préparé un rapport
préliminaire et il semble que les conclusions de ce rapport dont on fait
mention dans ce feuillet seraient que le projet aurait des conséquences
positives, c'est-à-dire augmentation de la communauté
planctonique, accroissement de la productivité biologique, meilleure
accessibilité du site, etc. Comme vous êtes vous-même
écologiste, d'abord est-ce que ce rapport à l'université
Laval a été préparé? Selon vous, ou selon ce
rapport, quelles sont les conclusions, par rapport à celles de
l'Hydro-Québec?
M. BEDARD: Effectivement, le rapport a été
préparé. Il y a eu des ennuis de dernière minute et
malheureusement il n'est pas disponible. Mais il y a eu effectivement quatre
biologistes et deux ingénieurs qui ont travaillé à ce
rapport. On a travaillé plusieurs mois. Je ne veux pas présumer
des conclusions, le rapport sera rendu public dans quelques jours, quelques
semaines. On a affirmé dans la publicité de l'Hydro-Québec
qu'il y aura une augmentation de productivité biologique, une
augmentation de la communauté planctonique ou de tous les facteurs de
biomasse ou de productivité qu'on peut énumérer. Je pense
que c'est un peu gratuit d'aller dire ça, sans s'appuyer sur des
chiffres et sans s'appuyer sur une étude qui soit plus approfondie que
celle que vous avez entre les mains.
A mon humble avis, l'étude que nous avons faite indique
plutôt que la production biologique dans un réservoir du type
proposé serait en fait inférieure à celle qu'on pourrait
anticiper, et certainement pas de l'ordre de grandeur de celle que
l'Hydro-Québec avance, c'est-à-dire de 25 à 50 fois plus
élevée que dans la rivière à son état
actuel. Je pense que cela a été vraiment grossir les chiffres de
façon inutile.
Pour donner un commentaire assez bref là-dessus, dans un
réservoir, ordinairement, on a un enrichissement. Quand vous
créez un barrage, au moment où il commence à se remplir,
vous additionnez dans la nappe d'eau tout ce qu'il y a de matières
organiques et de sels minéraux utilisables fixés dans le sol,
dans la végétation, dans la biomasse d'insectes ou d'animaux qui
sont noyés. Cette matière organique constitue en fait une
fertilisation que vous faites de votre milieu. Alors, après
l'installation d'un barrage, vous allez avoir un milieu qui va s'enrichir et
qui va augmenter au point de vue de la production. Cela peut durer cinq ans,
dix ans, 20 ans, ça dépend en fait du type de barrage ou du type
de réservoir que vous créez. Mais, dans un réservoir aussi
étroit que celui de la Jacques-Cartier, les conditions vont être
très différentes, parce que le débit est très fort,
parce que le lessivage de ces sels minéraux ne sera pas du tout le
même que celui qu'on aurait dans un lac ou dans un grand bassin comme
Manic ou comme le réservoir Gouin.
Alors, c'est un peu présumer, de ce qui viendra, mais je ne veux
pas aller plus loin; les conclusions vont paraître dans quelques
semaines.
M.LESSARD: Le Dr Lemieux affirmait, tout à l'heure, que le plus
gros du mal serait fait dès l'implantation de la première
centrale. Même, lors de la dernière séance de la commission
parlementaire, l'Hydro-Québec insistait énormément sur le
fait que c'était 1,000 mégawatts. A un moment donné,
autour de la table, on a dit: Bien, il sera toujours temps de revenir en
arrière et de ne pas accorder à l'Hydro-Québec un
deuxième 1,000 mégawatts, si elle décide d'aménager
une centrale dans un autre site. Est-ce que vous croyez je pense bien
que c'est le cas, mais je voudrais que vous développiez un peu
que l'implantation d'une première centrale détruirait
irrémédiablement ce site-là?
M. BEDARD: Oui, parce quela rivière n'existe plus. Maintenant, il
faut être honnête; les variations de niveau qu'il y aurait dans le
réservoir inférieur, avec une seule installation de 1,000
mégawatts, ne sont pas si spectaculaires que ça.
Honnêtement, je ne pense pas que ce serait un facteur extrêmement
important. Mais, attention, il y a d'autres phénomènes
écologiques qui sont beaucoup plus importants que les variations de
niveau qui seraient créées.Mais, le jour où on mettrait en
oeuvre un deuxième chantier, un deuxième bloc de 1,000
mégawatts, eh bien, là, les variations de niveau seraient de cinq
pieds et demi ou presque six pieds. Le jour où on mettrait un
troisième bloc cela n'est pas si loin; c'est en 1986,
d'après les estimations de l'Hydro-Québec on aurait des
variations de niveau de sept à huit pieds. Là, on commence
à entrer dans des phénomènes vraiment indésirables
au point de vue écologique.
Voici le point de vue du comité là-dessus. Encore une
fois, on n'est pas des experts en aménagement hydro-électrique,
mais on pense
que, le site étant tellement bon, ce serait un petit peu
scandaleux de n'en prendre qu'une fraction. Si jamais le gouvernement devait
céder je suis certain que le gouvernement ne le fera pas, parce
que ce serait aller contre l'intérêt ou le devoir, qu'il a de
penser à long terme je pense qu'on devrait donner à
l'Hydro-Québec, automatiquement, le devoir et le mandat d'utiliser tout
le potentiel utilisable de ce site, au lieu de prétendre en utiliser
seulement 1,000 et ne faire qu'un petit projet. En effet, si le projet est
déjà parti, s'il est déjà fait, il doit se
continuer. Parce que le mandat de l'Hydro-Québec, c'est de produire du
courant de façon rentable. Pour que ce soit rentable, il faudrait
qu'elle exploite tout le site.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, j'ai lu le mémoire
du Comité pour la conservation et, évidemment, sur certains
énoncés je me suis permis de faire des vérifications pour
voir le bien-fondé de ce qui a été avancé.
Dans la page 3 du mémoire, vous mentionnez, entre autres, au
deuxième paragraphe, l'avant-dernière phrase: "De plus, la
plupart des maires de la région, M. Gilles Lamontagne en tête, ont
manifesté leur vive inquiétude devant la menace qui pèse
sur le parc des Laurentides". Vous ajoutez; "Ils ont également
demandé que la Jacques-Cartier ne soit pas l'objet d'un
aménagement récréatif quelconque, artificiel et
limité".
Alors, j'ai vérifié auprès de M. Lamontagne et il
m'affirme que ce n'est pas exact, ce qui est énoncé dans votre
mémoire. Ce sera peut-être un autre débat que vous pourrez
entamer plus tard. Mais, évidemment, il s'agit, pour les maires qui ont
signé une pétition, de demander tout simplement au gouvernement
du Québec de bien vouloir forcer l'Hydro-Québec à faire
connaître ses points de vue là-dessus, en assurant, le plus
possible, la population qu'un aménagement comme celui-là pourrait
être possible et pourrait être également rentable pour la
population en général.
Evidemment, vous n'êtes pas sans savoir, non plus, que la
Communauté urbaine de Québec ne s'est pas prononcée, comme
telle, dans cette guerre, si l'on peut dire, qui a été
engagée. De toute façon, je voulais vous préciser que ce
n'était pas exact d'avancer que la Jacques-Cartier avait
été visée par les membres de la communauté urbaine
ou les maires des municipalités, afin qu'elle ne soit pas l'objet d'un
aménagement; c'est entièrement faux. D'ailleurs, je pourrais
peut-être, si le président me le permet, donner une liste, assez
impressionnante des maires de la région, composant la Communauté
urbaine de Québec, qui ont, de bonne foi, signé un document pour
permettre à tout le monde de se faire entendre, ce qui est le cas
aujourd'hui. De là, je pense, à affirmer cette chose-là,
M. le maire Lamontagne le nie catégoriquement.
Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
M.BEDARD: M. le Président, est-ce que vous permettez que M.
Labrecque, qui est notre expert, réponde?
M. LABRECQUE: Oui, avec plaisir. Cela va corriger des situations. C'est
moi-même qui ai soumis la question aux maires de la région de
Québec. Tous ceux qui ont signé ont été
contactés par moi d'abord; je me suis rendu à leur
résidence ou à leur lieu de travail. Je dois dire ici
qu'actuellement, à la suite de ce que vient de dire M. Harvey, je dois
mettre en doute la parole ou de M. Harvey ou celle de M. Lamontagne.
En vertu des précédents déjà
créés, ce n'est pas la parole de M. Lamontagne que je mets en
doute.
J'ai rencontré tous ces maires, je leur ai soumis un texte qu'ils
ont lu et qu'ils ont signé. Le texte en question demande instamment au
gouvernement de faire entendre tous les organismes qui s'opposent à la
construction d'un barrage sur la rivière Jacques-Cartier. Le texte
disait également il n'était pas tellement long, il
était facile de le lire que les maires s'opposaient à ce
qu'un aménagement sur la Jacques-Cartier se fasse au détriment de
la valeur intrinsèque de la rivière et qu'on permette là
un aménagement qui galvauderait... etc., etc.
Le texte, je pourrai vous le lire en entier tout à l'heure, mais
ce que vous me dites, M. Harvey, M. le député de Chauveau, ce
n'est pas vrai. Si M. Lamontagne a dit ça, il a fait une erreur. Je ne
crois pas que ce soit le cas. Il est plus habile, il a assez
d'expérience politique, lui, pour éviter ces situations.
Je pourrais même ajouter que M. Lamontagne a fait une photocopie
du texte que je lui avais soumis la veille. Il eut donc tout le loisir de le
lire, de le relire. Il l'a accepté et je pourrais même dire qu'il
l'a corrigé. La parole de M. Lamontagne, pour moi, importe plus que
n'importe quelle autre qui la contredit.
M. HARVEY (Chauveau): Je déposerai le document cet
après-midi, puisque j'en ai pris connaissance moi aussi ce matin. A
aucun endroit, sur le document où les maires de la communauté
urbaine ont signé, il n'est question de cette phrase qui est
émise dans votre mémoire.
De toute façon...
M. LABRECQUE: Un instant. Pour clarifier la situation, je pense que deux
documents ont été soumis au maire de Québec.
M. HARVEY (Chauveau): Ah bon, voilà! Vous parlez de deux
documents. Donc, ne mettez pas en doute ce que j'avance au sujet de la
signature conjointe des membres...
M. LABRECQUE: A ce moment-là, c'est votre information que je mets
en doute, sinon votre parole. C'est aussi grave, dans votre cas.
M. le député, j'ai proposé...
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, sur un point
de règlement, je trouve que ce n'est pas le moment de faire le
procès du maire Lamontagne ou de quelque maire que ce soit. Je ne pense
pas que ça puisse faire avancer les discussions ou nous donner un bon
éclairage que de faire des personnalités ce matin...
M. HARVEY (Chauveau): D'ailleurs, si je comprends bien, le
comité...
M. LOUBIER: ... en voulant confondre quelqu'un qui comparaît ici
ou essayer de... Je ne pense pas que ça puisse faire avancer les
dicussions, la forme actuelle que ça a pris.
Je vous soumettrais, pour que l'on puisse procéder de
façon le moindrement progressive, qu'on évite de mettre en cause
des personnes qui ne sont même pas ici ce matin.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur une question de
privilège, je pense que la commission parlementaire a été
instituée dans le but de faire entendre ceux qui ont à
présenter des mémoires. A cet effet, je ne pense pas non plus
qu'on avancerait aussi à quelque chose. C'est pourquoi je n'ai pas, de
mon côté, lancé de flèches; je les ai
acceptées. D'autre part, ce n'est pas mon intention non plus. Je veux
tout simplement relever des choses qui nous paraissent non fondées
à l'intérieur du mémoire qui est présenté.
C'est mon but, uniquement.
Je sais que le président du Comité pour la conservation de
la Jacques-Cartier et son porte-parole ont besoin d'être attelés
en double, comme on dit, pour répondre à ces affirmations
gratuites, mais par ailleurs, je ne veux pas, M. le Président, cacher le
fait que le maire de Stoneham, dans l'endroit même, Tewkesbury, M.
McCune...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que je pourrais suggérer au
député de Chauveau...
M. HARVEY (Chauveau): Mais je pourrais quand même donner une
liste...
M. LESSARD: Est-ce que vous représentez des maires?
M. HARVEY (Chauveau): ... assez impressionnante des maires de...
M. LESSARD: II avait le droit de se faire entendre à la
commission parlementaire, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, à l'ordre!
M. LOUBIER: M. le Président, on n'est pas intéressé
à entendre le plaidoyer politique du député de
Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): Non, absolument pas. Absolument pas, M. le
Président. Mais je n'accepterai pas...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de
Chauveau accepterait de déposer les documents à la commission,
pour les distribuer aux gens qui sont ici, qui sont des porte-parole de
groupements valables?
M. HARVEY (Chauveau): D'accord. Vous savez, M. le Président,
en...
M. LESSARD: Les maires pouvaient se présenter à la
commission. Il n'appartient pas au député de Chauveau de
représenter les maires à la commission.
M. HARVEY (Chauveau): Mais le député de Chauveau, pour
votre information, représente la population et tous les maires
visés dans la région proprement dite...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderai au député de
Chauveau...
M. HARVEY (Chauveau): ... sont d'accord sur l'aménagement en
raison du contexte récréatif qui est impliqué.
M. LOUBIER: Est-ce que le député de Chauveau a une
troisième opinion à donner sur le projet?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderais au député de
Chauveau de déposer ces documents à la commission. On pourra en
faire des copies et les distribuer aux membres. La discussion pourrait
continuer à l'extérieur de la commission.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, je continue, concernant le
mémoire...
M. LESSARD: Est-ce que le député de Chauveau sentirait le
changement du gouvernement?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans le moment, on parle de la
Jacques-Cartier.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si le maire Lamontagne ou les autres maires
ont des opinions à émettre sur le développement ou le
non-développement de la Jacques-Cartier...
M. HARVEY (Chauveau): D'accord. S'ils ne sont pas ici, d'ailleurs, c'est
qu'ils ne sentaient pas le besoin de...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... ils n'ont qu'à présenter
leurs mémoires et on se fera un plaisir et un devoir de les
entendre.
M. HARVEY (Chauveau): Je suis bien d'accord, M. le Président.
M. LESSARD: La vapeur change!
M. HARVEY (Chauveau): Toujours au sujet du mémoire, M. le
Président, à la page 5, on mentionne, au premier paragraphe, la
beauté de la rivière, ce sur quoi je suis d'accord à 100
p.c.
Vous mentionnez que cette agglomération urbaine que
représente la région de Québec ne peut absolument ou
à peu près pas utiliser cette vallée. Est-ce que vous
êtes d'accord que le projet lui-même a pour objet d'ouvrir à
toute cette région métropolitaine le territoire de la
Jacques-Cartier?
M. BEDARD: L'ouvrir peut-être mais pour lui faire jouer un
rôle qui n'est pas le sien. Moi, je pense que le territoire devrait
être ouvert. C'est toujours ce qu'on a proclamé, ce qu'on a
défendu, vous le savez, je pense, M. Harvey. Dans nos premières
réunions, ce qu'on voulait, c'est que le gouvernement assume sa
responsabilité et développe le secteur de la Jacques-Cartier.
Le gouvernement nous répond là-dessus: II n'y a pas de
priorité dans la région de Québec encore. La demande du
point de vue de la récréation n'est pas encore assez forte pour
que ça justifie les investissements qu'on devrait consentir.
Le Dr Lemieux tantôt, qui parle d'expérience, a
mentionné le chiffre de $1 million à $2 millions. Il faut quand
même faire une route carrossable, des aménagements
élémentaires pour la rendre visible aux gens.
Les priorités, où sont-elles dans le moment pour le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche? Je crois
comprendre qu'elles sont dans la région de Montréal, où on
n'a pas justement d'environnement qui soit aussi peu gaspillé et aussi
beau que la région de Québec. Et on est obligé de
consentir des millions là-bas pour rattraper le retard alors qu'à
Québec on pourrait éviter cette erreur et déjà,
dès maintenant, se réserver des espaces naturels significatifs,
de façon à ce qu'on puisse, dans 10 ans, 20 ans, ne pas avoir
à rattraper le retard que rattrape Montréal aujourd'hui.
M. HARVEY (Chauveau): Si je comprends bien, toujours dans le même
ordre d'idées, vous croyez aujourd'hui et vous aviez
avancé pourtant dans votre mémoire pour la conservation de la
Jacques-Cartier: "II est faux de croire qu'il est possible de combiner des
aménagements récréatifs à des aménagements
hydroélectriques. La construction d'une centrale à réserve
pompée signifierait la dégradation irrémédiable de
la Jacques-Cartier."
Vous mentionnez aussi qu'il n'est pas possible de faire de
l'aménagement récréatif à même l'installation
d'une usine. Je pense que vous changez aussi de...
M. BEDARD: M. le Président, si vous permettez, c'est un peu un
point de sémantique. Disons que j'aurais voulu dire là-dedans
qu'il est impossible de rendre compatibles des aménagements
récréatifs de qualité avec des aménagements
hydroélectriques.
Mais, de toute façon, je pense que c'est assez manifeste, les
aménagements récréatifs qui ont été
proposés par l'Hydro-Québec, dont on voudrait assortir le projet
Champigny, sont, à mon avis, absolument insignifiants. C'est ma
pensée profonde. Je pense qu'ils sont insignifiants parce qu'ils ne
mettent pas en valeur l'intérêt du site.
Je ne qualifierais même pas cette phrase-là. Il va de soi
que, si on faisait un aménagement hydroélectrique sur la
rivière Yamaska et qu'on assortisse cet aménagement
hydro-électrique de facilités récréatives, ce
serait tout à fait louable et désirable. Mais dans un centre
comme la Jacques-Cartier, qui a une vocation naturelle, tout aménagement
humain n'est pas désirable et est imcompatible.
M. HARVEY (Chauveau): Ce que vous avancez, ce n'est pas tout à
fait ce que vous pensez. Avec explications, vous précisez qu'il
s'agirait, dans d'autres sites, d'autres aménagements joints à
ça, et non pas sur la Jacques-Cartier. Mais un aménagement sur la
Jacques-Cartier joint à l'Hydro-Québec, vous maintenez toujours
que ce n'est pas possible?
M. BEDARD: Oui, je le maintiens.
M. MASSE (Arthabaska): Si le député de Chauveau me le
permet, quand vous parlez d'aménagement récréatif de
qualité, est-ce que vous pourriez expliquer ce mot qualité?
M. BEDARD: Quand vous pensez à un parc dont
l'intérêt propre est le panorama, l'intérêt
topographique, la vallée de Yosemite, par exemple, en Californie qui est
une vallée un peu comme celle-ci mais beaucoup plus profonde, beaucoup
plus accidentée et plus belle, il faut le dire aussi, plus grandiose;
quand vous pensez au Rocher Percé, quand vous pensez à tous les
éléments du paysage qui, par eux-mêmes, ont assez
d'intérêt pour qu'on aille les voir de centaines ou de milliers de
milles à la ronde, vous n'avez pas besoin de greffer là-dessus
des escaliers d'aluminium pour les rendre plus intéressants, ils sont
déjà intrinsèquement intéressants et valables.
C'est dans ce sens que j'expliquerais le mot qualité.
M. HARVEY (Chauveau): Vous dites également, en page 6, que
n'importe quelle ville nord-américaine donnerait des millions pour
pouvoir reconstituer à une demi-heure de ses portes un endroit aussi
grandiose que la Jacques-Cartier, je suis d'accord. Maintenant, pourquoi les
Américains ne le peuvent-ils pas? C'est que, justement, ils utilisent
les turbines à gaz
qui sont quand même polluantes, et à cet effet est-ce
que...
M. BEDARD: M. le Président, M. Harvey, je pense qu'on est tout
à fait d'accord que l'utilisation d'énergie
hydroélectrique prime avant l'utilisation d'autres formes
d'énergie, comme celle qui exige du pétrole. On veut qu'il y ait
des centrales à réserves pompées et on s'interroge
même, dans le mémoire, à savoir pourquoi il n'y en a pas eu
avant. On pense qu'il aurait dû y en avoir il y a cinq ans, il y a huit
ans, il y a dix ans, des centrales à réserves pompées,
pour équilibrer le réseau. Et s'il n'y en a pas eu, je ne veux
pas jeter le blâme à qui que ce soit, c'est peut-être une
erreur de planification. On a toujours eu tellement d'énergie de base
qu'on a toujours pu accomo-der, dans notre énergie de base disponible,
la pointe qui se présente au milieu de l'année; c'est donc signe
qu'il y avait un petit peu, quelque part, une planification qui avait
été faite pas mal généreusement. On veut qu'il y
ait de l'énergie hydroélectrique qui soit
développée mais sur un autre site.
Si je prenais, par exemple, le cas de la rivière
Sainte-Anne-du-Nord, qui est aussi encaissée que la rivière
Jacques-Cartier mais sur une plus faible longueur, qui offre les mêmes
dénivellations, qui offre aussi en altitude des lacs qui peuvent
être aménagés pour servir de réservoirs, et si
l'Hydro-Québec acceptait de déplacer son projet sur cette
rivière ou sur une autre rivière à l'extérieur du
parc des Laurentides, on pourrait faire là des aménagements
récréatifs qui rendraient accessible ce site qui, aujourd'hui,
n'est pas accessible, le rendraient utilisable pour la récréation
par des gens. Et, parallèlement à cela, on aurait aussi la
Jacques-Cartier qui serait accessible mais dans une autre vocation, celle de
montrer sa beauté naturelle et ça, c'est la fonction des
parcs.
M. HARVEY (Chauveau): Vous parlez d'aménagements
hydroélectriques comparativement à des turbines à gaz, et
vous dites que c'est beaucoup plus économique et largement plus
économique que les turbines à gaz. Sur quelle étude vous
basez-vous, sur quelle recherche vous basez-vous pour dire cela?
M. BEDARD: Sur les chiffres proposés par les gens de
l'Hydro-Québec à la dernière commission parlementaire.
M. HARVEY (Chauveau): Oui, avec quelle proportion, par exemple?
M. BEDARD: Le coût a été mentionné: $170
millions pour le projet Champigny et $85 millions, dans les documents
écrits, pour le projet d'une puissance équivalente en turbines
à gaz. Maintenant, on a dit que ces estimations étaient des
sous-estimations et qu'en fait il faudrait peut-être calculer $110
millions à $120 millions, je pense, de mémoire, pour des turbines
à gaz qui produiraient un million de kilowatts. C'est quand même
assez inférieur, par une marge de $50 millions.
M. MASSE (Arthabaska): Vous parlez d'investissements de base
là?
M. BEDARD: D'investissements de base.
M. MASSE (Arthabaska): Vous ne parlez pas d'entretien ni
d'exploitation?
M. BEDARD: Non, je ne parle pas d'entretien ni d'exploitation mais je
pense que j'ai fait un commentaire là-dessus. Il y a évidemment
une question de calendrier dans ça, l'Hydro-Québec est un petit
peu serrée au point de vue temps et elle doit développer une
centrale à réserves pompées et doit commencer maintenant
de façon à arriver à temps pour 1979. C'est très
clair, tout ça, je le reconnais, on le concède. Mais je pense que
cela repose sur une erreur qui a été faite à Saint-Joachim
au moment où on a investi deux ans de travail, deux ans d'énergie
et $2 millions à essayer d'utiliser un site qui s'est
avéré inutilisable. Il ne s'agit pas de jeter la pierre à
qui que ce soit et d'accuser les ingénieurs de
l'Hydro-Québec.
On fait nous-mêmes des erreurs; on en a fait une tout
récemment qu'eux connaissent. Ce qui compte, c'est de dire qu'on ne doit
pas faire payer cette erreur par d'autres. On ne doit pas la faire payer en
sacrifiant un parc ou en sacrifiant le premier territoire venu.
Je pense que ce qu'on a recommandé, c'est que
l'Hydro-Québec résolve son problème de calendrier, en
utilisant des turbines à gaz pour les besoins des années 1979
à 1981 et, simultanément, qu'elle entreprenne dès
maintenant la construction d'une autre centrale à réserve
pompée sur une autre rivière, de façon qu'en 1981, 1982 on
ait de l'énergie de pointe hydraulique. Des turbines à gaz, on en
aura quelques-unes. Je ne suis pas un planificateur, mais il me semble que
c'est assez simple, quand même, de résoudre le problème de
calendrier, d'autant plus que M. De Guise, je pense, à la
dernière commission parlementaire a dit: Si on y va tête
baissée et si on y met tout l'effort voulu, on pourrait arriver à
temps pour produire de l'énergie de pointe hydraulique pour 1979.
M. HARVEY (Chauveau): Dans le même ordre d'idées, à
Tracy, par exemple, il y a des turbines à gaz qui sont
installées...
M. MASSE (Arthabaska): C'est du thermique.
M. HARVEY (Chauveau): Pardon? C'est du thermique, oui. A ce
moment-là, même pour le thermique, qui est soit-disant moins
polluant que la turbine à gaz, il y a quand même des
contestations assez éloquentes qui prouvent que le thermique est
aussi dangereux, aussi polluant.
M. BEDARD: Cela prouve, en fait, que le thermique à Tracy et puis
la centrale à réserve pompée sur la rivière
Jacques-Cartier sont aussi controversés.
M. HARVEY (Chauveau): Maintenant, vous dites dans votre étude
aussi, un peu plus loin, qu'on a investi plus de $2 millions pour
étudier le premier projet de l'Hydro-Québec et qu'encore
là, via la Jacques-Cartier, il y a une dépense de plus de $1.5
million qui a été faite. Ce qui m'a frappé je ne
peux pas faire autrement que de vous le rappeler c'est que vous dites,
en bas de la page 15, de votre document: "En outre, à qui donc profitera
cette augmentation d'investissement? Cette différence ne
représente-t-elle pas des frais accrus d'expertise, de main-d'oeuvre et
de matériaux? Puisqu'il s'agit d'une entreprise
québécoise, utilisant des ressources québécoises,
du savoir et du travail québécois pour fournir un service public
à des Québécois, il est difficile de conclure que
l'utilisation d'un site un peu plus coûteux à aménager
doive être considérée comme un gaspillage."
Tout à l'heure, vous vous êtes qualifié de chercheur
professionnel. Alors, qu'est-ce que vous faites des études maintenant,
une fois que vous dites: Qu'on achète telle chose, même si c'est
plus cher, même si les coûts sont plus élevés,
même si ça nous met en banqueroute, du moment que c'est pour les
Québécois, il n'y a pas de problème, c'est pour les
Québécois? Moi, je trouve que, pour un chercheur professionnel,
c'est toute une conclusion au domaine de la recherche !
M. HOUDE (Fabre): M. le Président, si on me permettait de poser
mes questions, peut-être que ça répondrait en même
temps aux questions du député de Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): Vous l'aidez, à ce moment-là.
M. HOUDE (Fabre): Juste à ce sujet-là, je voudrais, moi,
qu'on ramène le sujet à une question de principe. Je suis
prêt à faire confiance aux spécialistes qui sont dans cette
salle, soit les spécialistes de l'Hydro-Québec, et à tenir
pour acquis au départ, comme la plupart des mémoires, soit dit en
passant, l'ont souligné, que c'est nécessaire d'avoir de
l'électricité, que c'est important d'en avoir probablement pour
1979. Je leur fais confiance quant à la sorte de barrage, que ce soit
une usine à gaz ou une usine pompée. Je suis prêt à
leur faire confiance.
D'autre part, j'aimerais bien aussi faire confiance aux biologistes ou
aux experts et prendre pour acquis également que le site de la
Jacques-Cartier on n'a plus à le défendre. C'est un site
exceptionnel, on a vu les photos. Je voudrais bien tenir pour acquis
également que c'est quelque chose d'extraordinaire, que c'est quelque
chose d'une grande beauté et ramener le sujet sur une question de
principe. Je pense que M. Bédard, qui a le feu sacré, de
même que le Dr Corbeil et Guy Lemieux tout à l'heure... On
pourrait peut-être, pendant quelques instants, étant donné
qu'autour de la table, que je sache, il n'y a pas de biologiste il y a
peut-être un ingénieur mais la plupart d'entre nous,
parlementaires, ne sommes peut-être pas des spécialistes, ni en
biologie, ni dans le domaine de l'électricité discuter du
principe si oui ou non, dans la province de Québec, on va
pénétrer dans nos parcs. Est-ce que oui ou non le plein air est
une expression ou est une réalité?
Est-ce que oui ou non on doit prévoir, dans 25 ans ou dans 50
ans, le plein air comme moyen d'éducation, moyen de culture, moyen
d'évasion non seulement, comme le disait le Dr Corbeil, pour ceux qui
font du canotage mais également pour nos classes de neige, nos classes
blanches, nos classes rouges, nos classes vertes pour des milliers
d'élèves?
UNE VOIX: Pas rouges.
M. HOUDE (Fabre): Rouges également. Il y en aura peut-être
des bleues éventuellement. Est-ce qu'on doit également penser
à ces centaines, ces milliers d'étudiants en écologie, en
sciences naturelles? Est-ce qu'on doit penser également à tous
ceux, par milliers, qui font de la photographie? Est-ce que oui ou non le plein
air est un mot? Est-ce que oui ou non le plein air est un vain débat? La
question de principe que je voudrais voir aborder en tout cas aujourd'hui,
c'est quelque chose d'extrêmement important, quelque chose de vital parce
que, depuis sept ans que je siège en cette Chambre, c'est la
première fois qu'on a la chance de vider le sujet.
Non seulement le cas de la Jacques-Cartier est-il important mais, pour
moi en tout cas, c'est un prétexte à vider la question, à
aller au fond. Parallèlement à la région de Québec
ce n'est un secret pour personne, il y a un autre débat que mon
ami le Dr Goldbloom connaît, qui se passe à Montréal
il y a le site des jeux olympiques pour les espaces verts. Est-ce qu'on va
passer notre temps, notre vie à dire que les espaces verts sont quelque
chose de nécessaire? Est-ce qu'on va passer toute notre vie à
dire au Québec: C'est important, l'éducation physique, c'est
important, le loisir, c'est important de s'évader des villes? Est-ce
qu'on va passer notre temps à encourager seulement les psychiatres pour
guérir toutes les "moses" de maladies nerveuses qui viennent de la vie
urbaine ou si, également, on va aider ces gens de la profession
médicale en fournissant des espaces verts? Cela, dans tous les pays du
monde, on le dit.
J'ai eu la chance, je le dis sans prétention, d'assister, il y a
à peine quelques années, à un
congrès de l'UNESCO à Madrid. Il y avait 34 pays de
représentés et à l'unanimité les 34 pays ont
dit:
L'avenir de la civilisation, l'avenir du Loisir avec un grand L
et je ne joue pas sur les mots et les définitions c'est le plein
air. Si le plein air est une réalité, à chaque fois que
vient le temps de faire une application pratico-pratique, il se trouve toujours
une autre catégorie de la population peut-être pas à
tort qui ne peut pas, un moment donné...
M. HARVEY (Chauveau): L'un n'empêche pas l'autre.
M. HOUDE (Fabre): ... parler tout à fait le même langage
que nous.
Je pense que c'est une question de principe, c'est une question
fondamentale. Quant à moi, en tout cas, dans 25 ans ou dans 50 ans,
j'aimerais mieux voir mon nom "gossé" sur l'écorce d'un bouleau
disant: "Merci, grand-père, d'avoir contribué peut-être
à sauver un espace vert" que d'avoir mon nom gravé sur une plaque
de métal à côté d'un barrage. En tout cas, cela est
une question personnelle.
J'en viens à ma question, Dr Bédard. Est-ce que vous
pourriez nous aider en tout cas, moi, je suis convaincu à
philosopher un peu sur cette question, parce que pour moi tout ça tient
à un principe extrêmement difficile à défendre.
C'est très difficile à défendre et à évaluer
en dollars, ce que je peux ressentir à admirer un paysage quand vous
arrivez avec des arguments de kilowatts qui se calculent, le nombre de
"bulldozers" et le nombre d'emplois que cela va créer. Comment
voulez-vous que j'évalue en chiffres et en dollars le plaisir de
milliers de citoyens à prendre une photo, de milliers de maniaques de la
nature à enregistrer le bruit d'une grenouille ou des oiseaux
comparativement au gars qui gagne tant de l'heure à travailler sur une
pelle mécanique? Je ne peux pas l'évaluer. Donc, c'est une
question de principe. J'aimerais en tout cas qu'on prenne au moins quelques
moments de cette journée pour travailler, discuter sérieusement
autour de cette table sur cette question de principe. Je sais qu'on a besoin
d'électricité. H y a des experts pour ça et ils sont assez
bons pour trouver des endroits ailleurs. J'en suis convaincu; d'ailleurs, ils
l'ont dit. Je fais confiance également à l'autre secteur pour ne
pas continuer à nous dire: La Jacques-Cartier est un site unique, c'est
beau, il y a des montagnes, il y a des falaises. On le sait et je pense que
c'est acquis. Merci.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, toujours dans le
même ordre d'idées, compte tenu évidemment de
l'exposé de mon collègue, M. Houde, qui a été
chaleureusement applaudi, je suis d'accord là-dessus. Le but que vise,
justement, je pense, la commission parlementaire, c'est d'entendre toutes les
voix, particulièrement celles qui veulent, en assurant une garan- tie de
récréation, une garantie de protection écologique...
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement, je
m'excuse, j'essaye de me contenir, mais vous me permettrez d'essayer de
m'inspirer des règlements. Je ne pense pas que ce soit le moment
aujourd'hui de faire des plaidoyers pour deux députés de la
même formation politique...
M. HARVEY (Chauveau): Non, je suis en train...
M. LOUBIER: J'ai bien apprécié les propos du
député de Fabre, sauf que si...
M. HARVEY (Chauveau): Je m'adresse à la présidence pour
poser une question.
M. LOUBIER: ... vous avez quelque chose à régler avec vos
collègues, réglez-les en dehors d'ici et laissons parler ces
gens-là.
M. HARVEY (Chauveau): Voici. Je considère, M. le
Président, que...
M. LOUBIER: On est ici pour entendre les gens.
M. HARVEY (Chauveau): ... le député de Fabre a
décrit, en deux volets, la question qu'on discute aujourd'hui, dont
celle...
M. LOUBIER: Oui, vous le lui direz tantôt, au lunch.
M. HARVEY (Chauveau): ... qui est sa discipline. L'autre, en temps et
lieu, les gens de l'Hydro-Québec se feront entendre.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je voudrais faire remarquer aux
députés qu'on a des questions spécifiques, on a un
problème spécifique, ce matin, c'est la Jacques-Cartier. Qu'on
soit pour ou contre la récréation en plein air, ce n'est pas
à moi de le décider, ce matin. Le problème, ce matin,
c'est l'aménagement ou le non-aménagement de la rivière
Jacques-Cartier. On a des gens qui ont fait des travaux spécifiques
à ce sujet. Je pense qu'on devrait les entendre et écouter leurs
arguments plutôt que de faire des grands plaidoyers pour la
récréation en plein air ou autres choses.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je voudrais qu'on s'en tienne à
ça parce que j'ai été très libéral
jusqu'à présent, même plus que j'aurais voulu
l'être.
M. LOUBIER: Vous avez même été teint, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans la période des questions et la
présentation des mémoires, si on ne s'en tient pas aux questions
spécifiques qui sont reliées à la Jacques-Cartier, eh bien
je serai plus rigide et je m'en tiendrai strictement aux 20 minutes. Que ce
soit qui que cela voudra, quelque membre de la commission, je m'en tiendrai
strictement à 20 minutes, comme j'ai dit tantôt, pour
l'exposé du mémoire et la période des questions.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans son
mémoire...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Là, il est midi et trente minutes.
Nous ajournons nos travaux à...
M. LOUBIER: Est-ce qu'il pourrait terminer? Est-ce que vous avez
terminé, monsieur?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que vous avez quelques remarques
à ajouter, Dr Bédard, avant que l'on termine?
M. HARVEY (Chauveau): J'aurais une question aussi à lui poser, M.
le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, disons qu'on prend cinq minutes et pas
plus.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans les recommandations
qui sont émises on va vous faire grâce maintenant de votre
réponse sur la question de votre souci de la recherche la
dernière de celles-là, la cinquième est: "Que soit
entrepris immédiatement l'aménagement rationnel du bassin de la
rivière Jacques-Cartier, en conformité avec la vocation d'un
véritable parc naturel". Evidemment, vous parliez aussi des
disponibilités budgétaires tout à l'heure. A cet
égard, je pense que c'est justement par souci de cette expansion et de
l'ouverture au public que vous avez l'occasion, aujourd'hui, de discuter
parallèlement un sujet qui comporte deux volets. Alors, votre
dernière recommandation elle-même vient, en quelque sorte,
contredire ce que vous avez déjà avancé dans un feuillet
publicitaire.
M. BEDARD: Si je peux faire un commentaire sur ça, M. le
Président, ce qu'on défend, nous, c'est que, dans le territoire
de quelque province ou de quelque Etat que ce soit, il doit y avoir quelque
part des parcelles de terrain dans lesquelles on ne fait ou on ne
dépense de l'argent que pour trois fins: L'éducation, la
récréation et la conservation.
Ces territoires, ce sont les parcs. La minute où vous
dépensez $100 pour un parc pour une autre fin que celle-là, vous
êtes fini.
Si un jour vous tolérez qu'on dépense $170 millions dans
un parc pour faire de l'industrie électrique, à condition qu'on
me donne $10 millions ou $5 millions pour faire de la récréa-
tion, c'est l'histoire du pot de fer et du pot de terre, c'est toujours la
subordination de la récréation ou de l'éducation à
la fonction industrielle. Et la seule région du territoire où on
ne peut pas accepter ça, c'est dans les parcs. Dans les parcs, quand on
dépense $1 il faut que ce soit pour la récréation,
l'éducation ou la conservation. Et ça veut dire mettre cela en
valeur pour que les gens puissent se servir de cette fin éducative, que
les gens puissent marcher en nature, puissent avoir accès aux beaux
secteurs du parc. Il y a plusieurs fonctions là-dedans, mais là
où on est radical et même un peu fanatique, c'est qu'on ne doit
pas dépenser $1 dans un parc pour d'autres fonctions que celles que j'ai
nommées. Le jour où on dépense de l'argent pour
l'industrie, on est fait, parce que, quand on va avoir besoin de faire des
compromis, ce n'est pas l'industrie qui va les faire. La fonction d'une
industrie, c'est d'être rentable; si c'est une industrie minière,
elle doit répondre de ses activités à ses actionnaires; si
c'est une industrie hydroélectrique, elle doit répondre au public
qui la détient.
M. HARVEY (Chauveau): Mais à qui appartient l'Hydro?
M. BEDARD: Alors, elle est obligée de faire de l'argent.
M. HARVEY (Chauveau): Selon vous, à qui appartient l'Hydro, si ce
n'est aux Québécois?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le député de Chauveau, on
est en-dehors de la question totalement.
M. HARVEY (Chauveau): Non, non, on parle de dépossession, M. le
Président. Dépossession, entendons-nous!
M. LESSARD: ...sacrifier un site qui est unique.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je pense que les arguments ont
été présentés pour la conservation de la
Jacques-Cartier ou du parc des Laurentides.
M. LOUBIER: C'est ça. On va entendre les autres.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On va entendre les autres.
M. LOUBIER: Ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, tout le monde.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'ai décidé qu'on suspend nos
travaux jusqu'à quatre heures, cet après-midi. On commencera par
la Corporation des ingénieurs forestiers.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
Reprise de la séance à 16 heures
M. KENNEDY (président de la commission parlementaire de
l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A
l'ordre, messieurs !
MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, nous continuons
l'étude du projet de la rivière Jacques-Cartier. Nous allons
entendre maintenant la Corporation des ingénieurs forestiers.
Maintenant, je voudrais faire une mise au point. Je l'ai
répété avant qu'on suspende les travaux à 12 h 30,
à cause du grand nombre de mémoires que nous avons à
entendre et parce que nous aimerions bien les entendre tous, au moins pour les
groupements, je vais limiter la période de présentation et la
période des questions à 20 minutes et cette limite sera
strictement observée. Je demanderais aussi aux personnes qui se
présentent de bien vouloir s'identifier en incluant leur titre et leur
fonction actuelle.
Est-ce que la Corporation des ingénieurs forestiers est
prête à procéder?
Corporation des ingénieurs forestiers
M. PAILLE (Gilbert): M. le Président, je m'excuse. Le
président de notre corporation est retenu en voyage actuellement...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si vous vouliez vous identifier, monsieur,
s'il vous plaît?
M. PAILLE: Je suis Gilbert Paillé, vice-président de la
corporation. J'ai avec moi ici à ma gauche le secrétaire
général de la corporation, M. Hervé Lizotte, j'ai deux
représentants du comité des parcs en forêt, MM. Falardeau
et Gauvin, et un ingénieur forestier conseil, président du
comité d'information du public de la corporation, M. Raymond Dion.
M. le Président, messieurs les membres de la commission, la
Corporation des ingénieurs forestiers du Québec tient à
vous remercier et vous féliciter pour la décision que vous avez
prise lors de l'audience du 3 mai de permettre à tous les organismes et
individus intéressés à l'aménagement de la
Jacques-Cartier de faire entendre leur point de vue. Cette initiative servira
sans doute à dresser un dossier concernant tout un éventail de
renseignements pertinents puisque chacun viendra donner sa conception compte
tenu de sa formation particulière.
A cette fin, nous avons déposé un mémoire et une
maquette le 2 mai dernier. Nous nous bornerons ici à replacer ce
mémoire dans son contexte et à mettre en évidence les
principaux points de son contenu. Il semble important d'attirer l'attention sur
le fait que nous avons un rôle de toute première importance
à jouer dans l'aménagement des ressources naturelles du
Québec.
Ce rôle nous a été dévolu par la
volonté même de la Législature qui, dans la Loi des
ingénieurs forestiers, nous confie de veiller à la sauvegarde des
intérêts du public en ce qui a trait, entre autres, à
l'utilisation des richesses forestières. L'aménagement des
territoires forestiers devient donc une de nos principales
préoccupations et doit être fait en tenant compte de valeurs qui
s'intègrent parfaitement à l'aménagement d'un territoire
donné. Cet aménagement doit être aussi
réalisé en analysant bien les besoins socio-économiques
présents et surtout futurs. Agir autrement nous rendrait indignes de
porter le titre d'ingénieurs. Ces constatations d'ordre
général nous permettent d'affirmer que la vocation
première et naturelle de la vallée de la Jacques-Cartier devrait
en être une de récréation. Tout aménagement de cette
rivière risquerait d'en altérer la valeur et de perturber,
à tout jamais, les conditions qu'on y trouve présentement. Les
raisons qui militent en faveur de l'option récréative sont les
suivantes: l'augmentation constante des besoins dans le domaine des loisirs, la
proximité d'un bassin considérable de population à
Québec, la présence d'un site naturel unique qui ne peut
être déplacé et les vestiges historiques qui font partie du
patrimoine culturel du Québec.
Dans les circonstances, la Corporation des ingénieurs forestiers
propose, pour la vallée de la Jacques-Cartier, la création d'un
parc naturel de conservation d'environ 100 milles carrés. Afin de mieux
faire comprendre nos intentions, nous avons inclus dans le mémoire que
vous avez en main une esquisse d'aménagement. De plus, nous avons
construit une maquette qui permet de visualiser plus facilement le
développement préconisé. Nous recommandons
également la création d'une zone de préparcs, dans la
région de Tewkesbury, servant de lieu d'accueil, d'hébergement et
de service pour les visiteurs. On devrait contrôler étroitement le
développement de cette zone afin de lui conserver son caractère
sylvo-pastoral.
Pour assurer la mise en valeur du site, nous préconisons
l'investissement d'environ $10 millions, répartis en trois
étapes, sur une période de sept ans, telle que décrite en
annexe à cette présentation. Quant aux retombées
économiques de cet investissement, nous croyons qu'elles seraient
profitables à la région de Tewkesbury à cause de
l'affluence de nombreux visiteurs.
Pour résumer notre position, permettez-moi, M. le
Président, de rappeler ici les quatre recommandations de notre
mémoire qui se lisent comme suit: la Corporation des ingénieurs
forestiers recommande:
Premièrement, qu'une loi spéciale soit votée le
plus rapidement possible de façon à assurer la protection
permanente du territoire du parc proposé et de le soustraire à
toute forme d'exploitation des ressources et de l'espace
susceptible d'en altérer la valeur scénique ou d'en
diminuer le potentiel récréatif;
Deuxièmement, que le gouvernement du Québec envisage, pour
la mise en valeur récréative du parc proposé, un
investissement financier aussi considérable que celui actuellement
prévu à cet effet par l'Hydro-Québec;
Troisièmement, que le gouvernement du Québec, par
l'intermédiaire du ministère du Tourisme de la Chasse et de la
Pêche, prépare un plan directeur de développement pour le
parc proposé en respectant les objectifs fondamentaux d'un parc naturel
de conservation;
Quatrièmement, que les autorités municipales de Tewkesbury
et les autorités gouvernementales concernées prennent
immédiatement les mesures pertinentes pour assurer la protection du
caractère sylvo-pastoral de la région afin de favoriser un
développement touristique harmonieux.
Nous espérons donc que les membres de cette commission verront
dans notre proposition la solution la plus apte à conserver
l'intégrité et à assurer la mise en valeur de ce monument
naturel au cachet exceptionnel. Merci.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a actuellement des
exploitations forestières dans le parc. Est-ce que vous êtes au
courant de l'étendue de ces activités et est-ce que vous pouvez
me dire si les zones touchées présentement risquent
éventuellement de menacer la zone qui nous préoccupe avec la
rivière Jacques-Cartier?
M. PAILLE: II y avait des exploitations forestières dans la
vallée de la Jacques-Cartier. Mon information est qu'elles ont
été interrompues il y a deux ans.
Les exploitations à l'extérieur de la zone de la
vallée de la Jacques-Cartier existent et continuent. Je ne saurais
confirmer ou infirmer si les exploitations pourraient en venir à
altérer le site actuel.
M. GOLDBLOOM: Y a-t-il du flottage de bois sur la rivière
Jacques-Cartier présentement?
M. PAILLE: Oui, par la compagnie Domtar.
M. GOLDBLOOM: C'était l'impression que j'avais. Quel serait votre
point de vue quant à l'utilisation de la rivière comme moyen de
transport du bois?
M. PAILLE: Dans l'éventualité d'un développement
quelconque ou dans les conditions actuelles?
M. GOLDBLOOM: Les deux, parce que cela m'intéresse.
M. PAILLE: La rivière est utilisée depuis fort longtemps
pour le flottage du bois, sans dommage apparent.
Si on y érigeait des constructions qui changent le cours de la
rivière, peut-être que cela affecterait le flottage et que le
flottage pourrait être remplacé par le camionnage, du moins sur
une distance suffisante pour éviter de déranger les
installations.
M. GOLDBLOOM: II serait difficile de développer des
activités comme le canot-kayak s'il y a des billots qui passent en
même temps, n'est-ce pas?
M. PAILLE: Si on retenait une proposition du genre de celle que nous
faisons, je pense que cela exclurait le flottage.
M. GOLDBLOOM: C'est ce que je voulais comprendre de votre
mémoire. Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Bellechasse.
M. LOUBIER: Si vous me le permettez. Vous nous mentionnez dans votre
document, à toutes fins pratiques, que dans un premier temps vous vous
opposez férocement à ce que l'Hydro-Québec fasse quelque
exploitation que ce soit sur le plan hydro-électrique. C'est cela?
M. PAILLE: On a un mandat de l'assemblée générale
de la corporation qui nous demande de nous opposer publiquement à
l'aménagement de la rivière; ni férocement, ni
autrement.
M. LOUBIER: Bon, scientifiquement, je m'excuse.
Dans un deuxième temps, vous semblez proposer du moins,
c'est ce que j'ai cru déceler dans votre maquette que les
frontières actuelles du parc soient un peu reculées,
c'est-à-dire que le parc soit agrandi dans le secteur de la
rivière Jacques-Cartier. Et vous soumettez un projet
d'aménagement qui, sur une période de sept ans, exigerait un
investissement ou des immobilisations de l'ordre de dix millions de dollars.
C'est cela?
Est-ce que vous avez pris connaissance et étudié le
mémoire de l'Hydro-Québec dans lequel il est fait mention, au
sujet de la configuration du sol, qu'il n'y aurait pas tellement de changement
à la suite des travaux que l'Hydro-Québec effectuerait, que sur
le plan récréatif... Je pense à l'aménagement
polyvalent des sentiers de l'étude de la nature, etc., avec une voie
panoramique. Est-ce que vous avez étudié toutes les propositions
que l'Hydro-Québec fait concernant l'aspect récréatif,
touristique, etc.? Est-ce que vous êtes en mesure de vous prononcer sur
la valeur de ces aménagements ou l'impact que cela pourrait avoir?
M. PAILLE: Ce que nous voulons souligner, M. le Président, c'est
surtout l'idée de retenir un
aménagement pour la vallée. Nous voudrions, autant que
possible, éviter de commenter les modalités d'application d'une
politique d'aménagement.
M. LOUBIER: Bon. Alors, c'est au niveau des principes que vous vous
opposez à l'aménagement de la Jacques-Cartier...
M. PAILLE: Exactement.
M. LOUBIER: ... prétextant, non seulement prétextant
pas dans le sens péjoratif mais invoquant le fait qu'il ne
faut faire aucune exploitation commerciale ou industrielle à
l'intérieur du parc, et plus spécialement à cet
endroit-là.
Dans un deuxième temps, il faut mettre l'accent strictement sur
l'aspect récréatif ou éducatif. C'est ça?
M. PAILLE: C'est exact. Il faudrait, non pas seulement mettre l'accent,
mais aménager la vallée pour lui rendre sa valeur ou la mettre en
valeur, exploiter sa vocation récréative. Alors, l'idée
qu'on propose, c'est de retenir, pour la vallée, un aménagement
récréatif extensif, à cause du caractère fragile de
l'espace en question. Ensuite, on propose l'idée de développer la
récréation intensive ou les facilités
d'hébergement, les lieux de rassemblement. Le point où la
concentration des visiteurs pourrait se faire, on propose de l'aménager
en dehors des limites du parc. A présent, vous me parliez de parcs. Il
s'agirait, pour appliquer la proposition qu'on fait, de retirer actuellement la
portion de la vallée de la Jacques-Cartier qui se trouve dans le parc
des Laurentides, de la retirer du parc et ensuite de créer, avec toute
la vallée, un parc naturel de conservation, c'est-à-dire un parc
différent de celui du parc des Laurentides.
Alors, dans deux temps. Dans le premier, il s'agirait de retirer la
portion de la vallée qui se trouve dans le parc actuellement et ensuite
de prendre tout l'espace de la vallée comme telle et d'en créer
un parc avec une vocation bien déterminée, dans le but d'en faire
un parc...
M. LOUBIER: Un parc autonome.
M. PAILLE: ...un parc autonome à vocation de conservation et
à vocation d'aménagement extensif. Alors, dans le mémoire
qu'on a déposé, on mentionnait qu'il s'agirait, par exemple,
d'utilisation journalière, c'est-à-dire que les individus ne
pourraient pas y demeurer plus qu'une journée. Alors, c'est la raison
pour laquelle on propose un aménagement d'un préparc, une zone
d'entrée au parc où les facilités pourraient être
concentrées, avec un grand bénéfice pour la région
concernée.
M. LOUBIER: Je suis assuré que le ministre va accepter votre
suggestion, d'autant plus que ça ne coûterait que $10 millions au
cours des prochaines années.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le ministre du Tourisme, de la Chasse et de
la Pêche.
M. SIMARD (Richelieu): Pour faire suite à la question du
député de Bellechasse, j'aimerais avoir des explications
supplémentaires, à savoir quelle sorte ou enfin quel genre
d'aménagement vous proposez et aussi pourquoi il faudrait sortir cette
section du parc.
M. PAILLE: Les aménagements proposés sont à
caractère strictement extensif.
On insiste sur l'accès au site, la facilité d'accès
au site par réseau routier, un réseau routier, si vous voulez,
approprié au site, planifié en fonction de mettre en valeur les
points qui ont de la valeur dans le site ou ceux qui ont le plus de valeur.
Ensuite, toute activité récréative autre que la balade et
l'observation pourrait constituer une activité à caractère
extensif, c'est-à-dire où on n'aurait pas besoin
d'aménager des installations qui pourraient perturber d'une certaine
façon le caractère naturel du site: points d'observation,
sentiers de nature, points de relais, centres d'information et centres
d'interprétation de la nature.
En gros, ce qu'on vous propose, c'est plutôt l'idée que les
détails de l'aménagement, parce qu'on demande au gouvernement
et c'est là, je pense, qu'on a raison de venir vous faire la
suggestion de faire un aménagement et d'étudier les
détails. Ce qu'on voudrait faire retenir à l'Assemblée,
c'est tout simplement l'idée générale de la chose. Les
détails sont indiqués, l'esquisse qu'on a est
représentée sur maquette. C'est tout simplement pour faire voir
un peu le genre d'aménagement qu'on pourrait retenir, les
modalités et les détails resteraient à déterminer
pour le montant où on serait prêt à investir. $10 millions
en fait constituent une estimation très grossière de ce que cela
pourrait coûter et les étapes suggérées ici dans le
papier qu'on vous présente, ce sont des étapes idéales
qui, comme vous le savez, dans n'importe quel projet, restent à
être mises en place. Alors, il y a toujours un changement possible dans
la phase de la réalisation.
Ce qu'on suggère essentiellement, c'est l'idée, ce ne sont
pas les détails. On n'a pas eu cela comme mandat et la corporation
aurait un peu mauvaise grâce à se substituer comme groupe à
ses membres, parce qu'on a des membres qui sont compétents pour
étudier les détails de projets d'aménagement. On veut tout
simplement ici faire passer l'idée que la vallée doit être
retenue pour un aménagement récréa-tif, pour une mise en
valeur.
M. LOUBIER: Vous avez le souci de l'esprit de conservation pour vos
membres aussi.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, le député de
Bellechasse posait la question suivante tout à
l'heure à M. Paillé: Est-ce que vous vous opposez à
l'aménagement du parc d'abord par principe ou bien si vous avez
connaissance aussi de l'aménagement proposé par
l'Hydro-Québec et que cet aménagement vous paraît
satisfaisant?
Vous avez répondu que cela était d'abord une question de
principe. Cependant, je lis à la page 8 de votre mémoire ceci et
j'aimerais bien que vous l'expliquiez un peu: "De plus, dans le cas du projet
Champigny, les contraintes imposées par l'aménagement
hydro-électrique dominent tellement les aménagements dits
récréatifs que ceux-ci sont accessoires. Ainsi, l'utilisation
optimale du potentiel récréatif de la vallée n'est pas
considérée et l'axe routier proposé par
l'Hydro-Québec est sans intérêt pour la mise en valeur
récréative du site lui-même.'1
J'aimerais bien je pense que cela fait suite un peu à la
question du député de Bellechasse que vous nous
expliquiez, étant donné que vous avez dit tout à l'heure
que c'était d'abord une question de principe, pourquoi, en fait, cet
objectif entre dans votre mémoire, puisque vous ne semblez pas du tout
d'accord sur l'aménagement tel que proposé par
l'Hydro-Québec.
M. PAILLE: Je pense qu'à ce point-ci vous touchez des
modalités d'application. Les commentaires qui sont inclus dans le
mémoire s'attaquaient à des modalités d'application telles
que le propose le projet de l'Hydro-Québec. A mon point de vue, les
paragraphes qui concernent cette chose dans le mémoire sont
accessoires.
M. LESSARD: Vous n'avez pas pris connaissance de l'aménagement
proposé par l'Hydro-Québec et même si votre mémoire
en parle, ce n'est pas un élément fondamental dans la discussion
pour la Corporation des ingénieurs forestiers.
M. PAILLE : Non. Ce qui est fondamental est l'aménagement
hydro-électrique proposé, peu importe l'aménagement
récréatif qu'on y greffe ou les modalités
d'aménagement récréatif qu'on y greffe, parce qu'il est
fort probable que, comme pour nous, l'aménagement
récréatif proposé par l'Hydro-Québec n'est pas
réellement un plan d'aménagement récréatif mais
plutôt une esquisse d'aménagement qui reste à être
réalisée, si je comprends bien.
M. LESSARD: Donc, pour la Corporation des ingénieurs forestiers,
l'aménagement hydroélectrique est inconciliable avec la vocation
touristique du parc?
M. PAILLE: C'est cela.
M. LESSARD: Deuxième question, et cela fait suite un peu à
la question que posait tout à l'heure le ministre d'Etat responsable de
l'environnement, est-ce que la Corporation des ingé- nieurs forestiers
croit que le flottage du bois sur les rivières est néfaste pour
la faune et sur les ressources cynégétiques et halieutiques?
M. PAILLE: Sur les rivières en général?
M. LESSARD: Sur les rivières en général et plus
particulièrement dans les parcs provinciaux.
M. PAILLE: Je n'ai pas pris connaissance de rapports qui faisaient
état de dommages considérables causés par le flottage
à la faune aquatique des rivières.
M. LESSARD: Donc, la Corporation des ingénieurs forestiers n'a
pas d'opposition à ce que l'on utilise les rivières du
Québec comme moyen de transport du bois et surtout à
l'intérieur des parcs du gouvernement provincial? Est-ce que vous croyez
qu'à l'intérieur des parcs du gouvernement provincial au moins le
flottage du bois devrait disparaître?
M. PAILLE: Si les règlements sont fait à l'effet qu'on
peut le faire, je pense que les compagnies s'en servent parce que c'est un des
moyens les moins dispendieux de faire le transport du bois. Tant que les
règlements le permettent, on le fait.
M. LESSARD: Si je vous pose la question, c'est parce que le ministre
responsable de la qualité de l'environnement posait cette question tout
à l'heure, mais je pense que c'est une question qui relève de la
décision du gouvernement d'abord. A la question du flottage du bois, il
est possible au gouvernement de dire: Au moins à l'intérieur des
parcs du gouvernement, il n'y aura pas de flottage du bois.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, si c'est à moi-même
que le député de Saguenay adresse sa question, je voudrais dire
simplement qu'il y a une politique à établir dans ce domaine,
qu'en principe, tenant compte des effets du bois sur la qualité de l'eau
et non seulement le bois qui flotte mais le bois qui sombre et qui demeure dans
le lit de la rivière, il me semble que l'évidence indique la
nécessité d'éliminer éventuellement le flottage du
bois. Mais, je dis éventuellement, parce que ce n'est pas du jour au
lendemain qu'on peut le faire. Il faut quand même avoir une solution de
rechange, avoir un réseau de transport qui permette à l'usine de
s'approvisionner et, dans bien des cas, il n'y a pas de réseau
ferroviaire ni de réseau routier qui permette une solution
immédiate de rechange. Donc, c'est une question à résoudre
avec les années.
M. HARVEY (Chauveau): Dernière question, M. le Président.
Est-ce que M. Paillé pourrait affirmer que la maquette qui est
présentée ici aujourd'hui par la corporation, qui
a été d'ailleurs présentée il y a quelques
semaines, représente dans son projet une plus grande partie qui est
située actuellement hors du parc? Ce que vous proposez comme
aménagement n'est pas actuellement partie intégrante du parc?
C'est exact?
M. PAILLE: Non, ce n'est pas exact. C'est que le parc proposé
inclurait...
M. HARVEY (Chauveau): Engloberait toute la vallée?
M. PAILLE: ... toute la vallée.
M. HARVEY (Chauveau): Oui, d'accord. Mais sur la maquette qui est
là, une très grande partie, disons 80 p.c, n'est pas actuellement
dans le parc dans ce qui est proposé sur la maquette comme
aménagement récréatif.
M. PAILLE: L'aménagement le plus intensif est proposé
à l'extérieur du parc dans une zone de préparc.
M. HARVEY (Chauveau): D'accord, c'est ce que je voulais vous faire
dire.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, il n'y a pas d'autres questions? Nous
remercions les gens de la Corporation des ingénieurs forestiers de leurs
remarques.
Nous passerons maintenant à la Fédération
québécoise de la faune dont le porte-parole est M. Tony Le
Sauteur.
Messieurs, si vous voulez vous identifier et dire votre fonction, vos
occupations actuelles.
Fédération québécoise de la faune
M. LE SAUTEUR: Je suis le président de la
Fédération québécoise de la faune et je suis aussi
responsable de la division du génie sanitai- re au service de la
qualité de l'environnement.
Je vais être être très bref, très court, parce
que c'est inévitable que les mémoires se chevauchent. Tout ce que
j'ai à dire a déjà été dit. Je voudrais tout
simplement le redire et peut-être appuyer sur certains points d'une
façon un peu différente.
Je voudrais revenir d'abord sur ce que M. Houde a dit ce matin.
J'étais d'accord avec lui quand il a parlé de revenir au
principe. Il y a un principe pour nous qui prévaut, c'est celui de
l'inviolabilité des parcs. Notre prise de position est basée sur
ce principe. Je dois rappeler d'abord que le parc des Laurentides a
été créé par le gouvernement du Québec en
1895. Cela fait déjà 78 ans. Alors, on l'a créé
dans ce temps-là. Dans l'esprit du législateur, on peut
présumer que le législateur a voulu, il y a 78 ans, assurer des
espaces verts naturels aux générations futures. Mais les
générations futures, 78 ans plus tard, c'est nous, parce que nous
sommes les premières générations futures et on peut
s'étonner qu'après 78 ans, on remette en cause la vocation du
parc des Laurentides. On a été prévoyant, il y a 78 ans,
en 1895, on a conservé le parc durant toutes ces années-là
et au moment précis où justement les besoins de la population
sont de plus en plus pressants pour de la détente en plein air, à
ce moment précis-là, on abandonne... Oui?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je m'excuse de vous interrompre, on vient de
m'informer que les législateurs sont requis de l'autre
côté, dans ce qu'on appelle le salon de la race, pour rendre une
décision sur un projet de loi, je pense que c'est le bill no 9. Alors,
on ne sera pas plus de cinq ou dix minutes.
Je m'excuse, vous étiez bien parti, vous reprendrez,
j'espère que vous allez avoir le même élan...
(Suspension de la séance à 16 h 28)
Reprise de la séance à 16 h 44
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous reprenons l'étude des
mémoires sur la rivière Jacques-Cartier. M. Le Sauteur a la
parole.
M. LE SAUTEUR: Je voudrais ajouter un petit préambule. Cela m'a
fait plaisir de constater avec quelle rapidité vous pouviez parfois
agir. On va souhaiter que vous gardiez le même enthousiasme et le
même empressement quand il s'agira de voter contre le projet
d'aménagement de la Jacques-Cartier.
J'en viens à mon petit boniment de tantôt. Je m'excuse,
mais je ne m'écoute à peu près jamais quand je parle; j'ai
souvent de la difficulté à me répéter. Mais je vais
revenir au principe que j'avais avancé tantôt, celui que M. Gilles
Houde a énoncé ce matin, de revenir au principe de
l'inviolabilité des parcs, et je disais que le parc des Laurentides
était un parc qui avait été créé en 1895,
donc il y a à peu près 78 ans. Cela avait été
créé par le législateur pour assurer des espaces verts
naturels aux générations futures. Et quand on dit ça,
assurer des espaces verts aux générations futures, on l'oublie
presque tout le temps, parce qu'on dit que c'est loin de nous. Mais dans le cas
du parc des Laurentides, ce n'est pas loin de nous, parce que c'est nous, parce
que ceux qui ont pensé nous assurer des espaces verts, ils l'ont
pensé il y a 78 ans et nous sommes aujourd'hui les premières
générations à pouvoir bénéficier du parc des
Laurentides. On l'a conservé pendant 78 ans, on l'a mis en
réserve, de côté, et au moment précis où les
besoins sont de plus en plus pressants, que la population pourrait l'utiliser,
on prend le parc, on fausse complètement la vocation du parc et on veut
l'envoyer à l'Hydro-Québec pour des exploitations commerciales.
Cela m'apparaît un très grave recul si jamais ça se faisait
de cette façon.
Le problème de la Jacques-Cartier n'est pas tellement le
problème de la Jacques-Cartier comme le problème de l'avenir des
parcs. Il s'agit de savoir si, au Québec, un parc va être
considéré comme un territoire naturel ordinaire ou un territoire
naturel spécial. Voici ce que j'entends par un territoire naturel
ordinaire, c'est un boisé dans le nord du Québec ou n'importe
où...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je veux faire une remarque à ce
moment-ci, je l'ai dit avant le lunch, je voudrais qu'on s'en tienne
strictement au problème de la Jacques-Cartier, que ce n'est pas le
moment de faire le procès de tous les parcs. Il y a un problème
particulier dans le parc des Laurentides, qui est l'aménagement de la
rivière Jacques-Cartier. Qu'on s'en tienne à ça.
M. LE SAUTEUR: On en a fait une question de principe, monsieur, soit
l'inviolabilité des parcs. En ce qui nous concerne, on ne veut rien
savoir de ce que l'Hydro-Québec veut faire dans ça, on ne veut
pas voir de maquette, on ne veut rien savoir; tout ce qu'on veut, c'est qu'on
laisse le parc tranquille. Ce qui s'applique au parc des Laurentides s'applique
aux autres parcs. J'ai parlé presque uniquement du parc des Laurentides.
En fait, c'est seulement du parc des Laurentides que j'ai dit qu'il avait
été créé en 1895. Je ne me rappelle pas avoir
parlé d'autres parcs que du parc des Laurentides.
M. LESSARD: M. le Président, sur le point du
règlement...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous étiez sur une tangente.
M. LE SAUTEUR: Ce n'est pas ma faute si c'est dans le parc des
Laurentides qu'on veut aménager la rivière Jacques-Cartier et ce
n'est pas ma faute si la Jacques-Cartier est dans le parc des Laurentides.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous étiez sur une tangente.
M.LESSARD: C'est un parc, M. le Président, donc, je pense qu'il
faut quand même discuter étant donné que c'est un
parc de ce point de vue qui est absolument important dans la discussion
qu'on a à faire aujourd'hui. D'ailleurs, c'est le député
de Fabre qui revenait justement à ce principe fondamental,
c'est-à-dire l'inviolabilité des parcs.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Continuez, M. Le Sauteur.
M. LE SAUTEUR: Cela fait deux fois que vous me forcez à reprendre
le fil de mes idées. Je disais qu'on avait des territoires naturels
ordinaires et des territoires naturels spéciaux. En fait, un territoire
naturel ordinaire, pour moi, c'est un territoire qui est vierge, où on
retrouve des lacs, du boisé, mais qui a été
conservé par accident. Tandis qu'un parc, c'est un territoire qu'on
conserve, qu'on protège par volonté.
Alors il y avait une volonté du législateur il y a 78 ans
de conserver le parc des Laurentides. On l'a fait par volonté, on a
voulu le conserver comme ça. Je pense qu'il y a quelque chose qui ne
marche pas car, 78 ans plus tard on se retrouve ici, devant une commission
parlementaire, pour essayer de conserver des espaces verts. Des espaces verts,
il faut se battre continuellement pour en sauver. Je ne vois pas pourquoi on
aurait à se battre, dans la province de Québec, pour conserver
moins de 1 p.c. du territoire. Ce sont les seuls espaces véritablement
consacrés, à vocation naturelle, ce sont les quatre parcs qu'on a
dans la province de Québec: Laurentides, Mont-Orford, Gaspésie et
Mont-Tremblant. On n'a que quatre parcs dans la province de Québec. Cela
couvre 5,000 milles
carrés et là on est obligé de se battre pour
essayer de protéger ces territoires qui sont moins de 1 p.c. du
territoire. Ce qu'il faut faire, à notre avis, c'est tout simplement
d'interdire l'aménagement de la Jacques-Cartier, raffermir et refaire la
Loi des parcs pour interdire, à l'avenir, toute exploitation commerciale
dans les quatre parcs qu'on trouve dans la province de Québec.
Là, on aurait la paix. On n'aurait pas besoin, tous les 75 ans, ou
à tous les 30 ans de venir se battre pour des espaces verts qu'on
pensait acquis.
C'est tout ce que j'ai à dire.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions de la part des
membres de la commission?
M. TETRAULT: Ce que vient de dire M. Le Sauteur, si je comprends bien,
c'est que, quel que soit le potentiel hydro-électrique, quelle que soit
la nécessité de l'électricité, cela ne vaut pas le
prix de consacrer un parc.
M. LE SAUTEUR: Non. Je pense que dans n'importe quel pays, n'importe
quelle province, n'importe quel terrain, nulle part, il ne faut prendre des
espaces verts qui vont demeurer comme tels. Si, plus tard, on trouve que dans
le sous-sol il y a des mines de cuivre des ci et des ça, bien, il est
trop tard, il faut les conserver. Evidemment, il ne faut pas conserver 99 p.c.
de la province. Mais, je pense qu'on n'exagère pas au Québec si
on dit, nous, les corps intermédiaires: Ecoutez, on a moins de 1 p.c.
des espaces du Québec, du territoire du Québec qui est en parcs,
et ça, on ne veut pas qu'on y touche, du tout. Ce n'est pas
exagéré, moins de 1 p.c, 5,000 milles carrés. Si on n'est
pas capable de protéger ça, qu'on arrête de parler
d'environnement, qu'on arrête de parler de protection de la nature.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): II n'y a pas d'autres questions? Je vous
remercie, M. Le Sauteur, au nom des membres de la commission.
Nous allons maintenant suivre l'ordre qui a été
établi ici sur le feuilleton qu'on m'a remis. Pour commencer,
j'entendrais M. Claude Bernard.
Je répète encore ce que j'ai dit tantôt. Il faut
s'en tenir à nos vingt minutes si on veut avoir le temps d'entendre tout
le monde.
M. Claude Bernard
M. BERNARD: M. le Président, Claude Bernard, fonctionnaire au
ministère de l'Education, au service général des
communications. Je suis ici à titre privé. Je voudrais exprimer
mon opinion personnelle sur la Jacques-Cartier et l'Hydro-Québec. Le
titre de ma présentation est: La Jacques-Cartier et
l'Hydro-Québec, pourquoi pas? Cette argumentation repose sur
l'expérience que j'ai pu avoir dans les vingt dernières
années que j'ai passées dans la région de Québec et
particulièrement dans le comté de Portneuf où j'ai
oeuvré dans plusieurs organismes et dans lesquels j'ai été
assez près des mouvements socio-économiques. C'est dans ce but
que je viens présenter mon point de vue.
Donc, l'argumentation que je présente se résume dans
quatre ou cinq faits généraux:
La pollution et la technologie d'aujourd'hui, les sites de
récréation actuels et futurs de la région de Québec
parce qu'il s'agit bien de la région de Québec et non
d'ailleurs le bloc énergétique sécuritaire et
nécessaire au développement industriel futur de la région
de Québec et le degré d'acceptation ou de rejet du projet
hydraulique de la Jacques-Cartier par la population directement
impliquée.
La pollution et la technologie d'aujourd'hui. Il n'y a aucun doute dans
mon esprit, la technologie d'aujourd'hui est plus qu'avancée pour
permettre l'implantation d'une structure industrielle nouvelle dans n'importe
quel territoire, tout en assurant l'installation d'un équipement de
pointe susceptible de contrer la pollution, le gigantisme artificiel et le sac
du cadre naturel.
D'ailleurs, la bataille pour assurer un sain environnement de notre
société se situe beaucoup plus dans l'équipement ou
l'installation antipollution trop onéreuse pour les vieilles zones
urbaines et les vieillottes industries incapables de compétition
économique donc de rentabilité et que ne peuvent pas
supporter leurs structures administratives et économiques sans les
fabuleuses mais rares subventions d'appoint. Ce n'est pas le cas pour les zones
urbaines modernes et pour l'implantation industrielle nouvelle qui, grâce
à la technologie contemporaine, permet d'établir à loisir
une écologie compatible aux besoins de la société
d'aujourd'hui.
Les sites de récréation actuels et futurs de la
région de Québec. Cela saute aux yeux et aux sens, la
région immédiate de Québec regorge de sites de
récréation, douze mois par année. Je prends la peine de
les mentionner, puisque nous sommes obnubilés par les media
d'information d'actualité traitant uniquement de la rivière
Jacques-Cartier. Je prends au nord-ouest de Québec, l'importante
réserve de Portneuf qui est à mon sens un parc provincial
également qui a un réseau de rivières importantes dont La
Blanche et les lacs Lapeyrère, Travers et Petit-Ruisseau. Encore au
sud-ouest de Québec, mais au sud de la réserve de Portneuf, une
région estivale qui est connue de tout le monde, la
Rivière-à-Pierre, Lac-aux-Sables avec son lac Saint-Francis,
Saint-Léonard avec le lac Simon. Je retourne encore; toujours à
l'ouest de Québec mais au sud, cette fois-ci, de la rivière
Jacques-Cartier non pas indentiques mais semblables alimentant
partiellement d'ailleurs un chapelet de grands lacs que le ministère du
Tourisme rêve encore après plusieurs années
d'aménager selon ses propres plans dressés et prévus dans
sa planification à long terme. Il
s'agit de la rivière Charest qui se jette à La
Pérade, la rivière Sainte-Anne également, une des plus
sauvages et des plus somptueuses, qui s'alimente aux lacs Louise et Sainte-Anne
au parc des Laurentides, qui rejoint La Pérade aussi. Enfin, le plus
grand réseau de lacs près de Québec et non
aménagés encore ou très peu, il s'agit de Montauban, les
lacs Long, Blanc et Clair, alimentés surtout par la rivière
Blanche et ses nombreux affluents, tous dans le parc des Laurentides mais
toujours en dehors du parc des Laurentides lui-même que j'appellerais, si
vous voulez, la deuxième ceinture verte de la Communauté urbaine
de Québec, dans la zone où nous sommes présentement.
Toujours à l'ouest de Québec, cette fois au nord et au
sud-est de Saint-Raymond, on retrouve un autre important réseau de lacs
et de rivières plus habités: les lacs Sept-Iles, Sergent et
Saint-Joseph, alimentés d'une part par les rivières Nelson,
Tourilli et Des Pins. A l'ouest de Sainte-Foy cette fois-ci vous avez
déjà plus près de nous le lac Saint-Augustin, le plus
près de Québec, qui devrait être à mon avis le
projet prioritaire de la CUQ pour une vaste plage et parc communautaire
desservis déjà par l'autoroute Charest et la Commission de
transport de la CUQ.
Car, il ne faut pas l'oublier, plus de 50 p.c. de la population active
du Québec métropolitain n'a pas d'automobile (pour une population
globale de 420,000, il y a 176,000 emplois et 89,000 automobiles ou encore un
véhicule pour quatre personnes). Cela, à mon avis, ce n'est pas
de l'environnement en l'air, c'est de l'environnement réel, concret, qui
ne sert pas seulement pour le plaisir de quelques-uns, mais pour l'ensemble de
la population.
Au franc nord de Québec, cette fois-ci, et dans l'axe de
Charlesbourg, vous avez déjà la rivière Saint-Charles dont
il y a une partie qui est en voie d'aménagement, dans le secteur urbain
et, entre autres, les lacs Delage, Beauport et Saint-Charles, dans l'axe de
l'autoroute des Laurentides et de la route 54.
Au nord-est de Québec, l'omniprésent parc des Laurentides,
avec ses centaines de rivières et de lacs, rejoints par les routes 54 et
54-A et ses sentiers forestiers. Enfin, la rivière Jacques-Cartier,
convoitée par l'Hydro-Québec, prend son origine dans le parc
Jacques-Cartier, longe Tewkesbury, Shannon, Sainte-Catherine, Pont-Rouge et
Cap-Santé avant de se jeter dans le fleuve. Il y a également sa
soeur en importance et en beauté, la rivière Montmorency, qui
prend sa source au lac des Neiges, dans le parc toujours, baigne par la suite
Sainte-Brigitte-de-Laval, Courville et la municipalité de Montmorency et
enfin chute de 265 pieds ou de 168 pieds je ne me souviens plus de la
hauteur exacte de cette chute de Montmorency pour retrouver le fleuve
Saint-Laurent.
Enfin, à l'est de Québec, il y a encore le lac
Saint-Michel et la rivière Brûlé, le lac Saint-Joachim, la
rivière Sainte-Anne-du-Nord, près de Saint-Tite-des-Caps,
Saint-Joachim et la récente réserve faunique du
fédéral à Cap-Tourmente. Puis, enfin, pour arriver au
superbe aménagement, non encore fini, du mont Sainte-Anne de
Saint-Féréol-des-Neiges.
Je m'excuse de cette longue nomenclature, mais je veux bien faire
comprendre, aux gens de la Communauté urbaine de Québec, la
première ceinture verte ou la deuxième, si vous voulez, qui se
trouve à l'extérieur de la Communauté urbaine de
Québec, qui est là à notre disposition, qui est
présente et qui fait partie de notre environnement.
Mais je voudrais revenir maintenant à une autre forme de
présentation de ces deux premières ceintures qui nous touchent de
plus près, mais qui sont à l'intérieur de la
Communauté urbaine de Québec cette fois-ci. Cette longue
nomenclature de nos ressources récréatives, à moins d'une
heure par la route, tant à l'ouest qu'à l'est, forme, et de loin,
la région la plus favorisée en Amérique du Nord en ce qui
a trait aux espaces verts. Les rivières, lacs, montagnes, forêts
à profusion qui se trouvent à proximité de la CUQ, tant
à l'intérieur de nos trois parc nationaux quand je cite
les trois parcs nationaux, je parle de la réserve de Beauport, je parle
évidemment du parc des Laurentides et je parle également du mont
Sainte-Anne...
M. LOUBIER: Sur un point de règlement, M. le Président. Je
ne voudrais pas douter de la bonne foi de votre décision de permettre
à celui qui parle d'intervenir à ce moment-ci, sauf que j'avais
cru comprendre qu'il y avait eu entente pour que ce soient d'abord et avant
tout les personnes qui représentaient des groupements ou des organismes
qui avaient droit de parole, ou qui avaient préséance de droit de
parole. Je me rends compte que, dans la liste de ceux qui veulent
présenter des mémoires, celui qui parle actuellement, M. Claude
Bernard, se représente lui-même. Alors, M. le Président, je
pense que c'est une entorse à l'entente qu'il y avait eue. Je ne veux
pas discuter votre décision, étant donné que vous
êtes souverain dans cette commission, mais je tiens à faire
remarquer que je trouve ça injuste pour les organismes et je
trouve ça contraire à l'entente qui avait eu lieu entre les
parlementaires que ceux qui se représentent eux-mêmes aient
préférence sur ceux qui représentent des organismes ou des
groupements aussi importants que ceux qui vont venir par la suite.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le chef de l'Opposition, M. Bernard m'a
demandé de pouvoir faire son exposé ce matin au moment de
l'ajournement. J'ai convenu que je lui accorderais ce privilège. Je l'ai
avisé à ce moment-là qu'il ne devait pas s'étendre
à plus que vingt minutes. Il m'a donné des raisons valables
à ce moment-là. Je les ai acceptées et je peux assurer les
gens qui représentent les organismes que, par la suite, nous
reviendrons
au système que nous avions adopté d'entendre les
représentants de groupements. M. Bernard, je vous demanderais autant que
possible de vous résumer. Nous avons votre mémoire. Les
autorités vont certainement en prendre connaissance. Si j'ai bien suivi
votre argumentation jusqu'à maintenant, vous vous éloignez
quelque peu du sujet.
M. BERNARD: Depuis dix heures que je suis ici ce matin, je crois bien
que j'ai entendu tous les mémoires. J'ai bien vu qu'ils étaient
tous contre. Cela prend énormément de courage d'être ici
pour exprimer sa propre opinion personnelle et je voudrais peut-être
pouvoir la continuer le plus brièvement possible.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): De toute façon, je dois vous aviser
immédiatement qu'on s'en tient à vingt minutes. Vous avez
déjà pris dix minutes sur ces vingt minutes.
M. BERNARD: Je vous remercie, M. le Président. Donc, j'ai fait
ressortir, pour résumer un peu ma pensée, toute la
deuxième ceinture verte qui est tout près de la Communauté
urbaine de Québec mais je reviendrais également aussi à la
première ceinture verte qui nous touche directement dans le secteur.
Regardons de plus près maintenant les ressources en espaces verts
actuels et futurs de la CUQ mais je vais y aller seulement pour les principes.
On retrouve tout cela dans le schéma d'aménagement de la CUQ, qui
établit la norme de 20 acres d'espaces verts par 1,000 habitants, soit
cinq acres de plus que la norme américaine ou européenne. Quant
à l'aménagement ultérieur, celui à partir de 1981,
j'ai pris cela dans les schémas d'aménagement de la CUQ, celle-ci
vise à utiliser en partie l'espace vert à l'état sauvage
avec une norme exceptionnelle et unique de 65 acres par 1,000 habitants. Cette
utilisation maximale de l'espace vert sera prise tant à
l'extérieur qu'à l'intérieur immédiat de la CUQ.
Encore là, la CUQ ne touchera qu'à peine 5 p.c. du potentiel
récréatif à l'extérieur de son territoire mais
disponible toujours à une heure de route du centre-ville de
Québec.
Je vais sauter les pages nous sommes rendus à la page sept
dans laquelle je décris le territoire de la CUQ, qui a 229 milles
carrés et le reste. Je voudrais revenir un peu pour décrire tout
ce que le schéma d'aménagement de Québec prévoit
dans son cadre d'aménagement d'ici une vingtaine d'années. Je
prends par exemple son rayon, qui est la rivière Saint-Charles avec son
lac. Je prends maintenant son arc, qui part du lac Saint-Augustin et qui va
aboutir à la rivière Montmorency, pour vous décrire les
limites de cet aménagement de la première ceinture verte en
passant par les réserves de Bélair et par les réserves de
Charlesbourg.
Tout cet espace que je vous décris, c'est pour vous dire ce que
nous avons présentement avec l'axe aussi du fleuve Saint-Laurent. Nous
allons passer à la page onze. Pour notre population d'aujourd'hui et
même pour celle de l'an 2000, croyez-vous sincèrement que notre
région et que notre Communauté urbaine de Québec soient
dépourvues d'espaces verts après vous avoir décrit
fidèlement cette double ceinture verte dont la première d'est en
ouest se trouve à une heure de véhicule du centre-ville de
Québec et dont la deuxième est dans les limites de la CUQ que je
viens de vous décrire tout à l'heure?
Je crois que nous sommes réellement privilégiés
d'avoir à l'intérieur de la CUQ et à nos portes les plus
abondantes ressources en espaces verts qui puissent être données
à une capitale. Aucune ville que je connaisse n'est aussi
entourée, ceinturée de zones récréatives que le
Québec métropolitain. Nous n'avons que l'embarras du choix si
nous savons sagement tirer profit de cette situation écologique
privilégiée et en grande partie planifiée par la CUQ
même. Et même l'aménagement hydraulique de la rivière
Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec ajoutera un site touristique local et
de prestige à cette double ceinture verte en nous permettant de visiter
une des somptueuses vallées emprisonnées et encastrées
dans les massifs des Laurentides.
Oui, mais comment faire confiance à l'Hydro-Québec pour
créer un site touristique à la Jacques-Cartier à 35 milles
au nord de Tewkesbury. Je cite comme exemple tout l'aménagement de
Carillon qui remonte à 1955-1958 et dans lequel on ne parlait pas
d'écologie ou d'environnement mais où on avait déjà
prévu un parc qui valait $1 million. On sait parfaitement aujourd'hui au
point de vue touristique ce qu'amène dans la région de
Montréal et de Québec cet aménagement. Cela veut dire que
l'Hydro-Québec se souciait de l'aménagement de ses sites à
ce moment-là.
Je m'en voudrais si je devais laisser croire que je donne carte blanche
à l'Hydro-Québec. Je m'en voudrais si je devais laisser croire
que le comité de préservation de la Jacques-Cartier a
oeuvré en vain, dans le sens qu'il a défendu, qu'il a
été le chien de garde des problèmes d'écologie et
de la préservation du milieu.
Actuellement, il faut l'avouer, je crois que nous sommes en
présence d'un dialogue de sourds. D'un côté, et grâce
aux media d'information, on nous enferme, mentalement, dans un sanctuaire
intouchable, presque sacro-saint de nature comme si l'homme a toujours
été et est un monstre saccageant tout. Si c'était vrai,
nous serions encore à l'âge de pierre et des cavernes.
De l'autre côté, on nous enferme dans une espèce
d'hermétisme qui inquiète parce que le dossier, soit
géographique ou économique, devrait aussi coller davantage
à la Communauté urbaine de Québec qui, à mon avis,
est faible et incohérent, surtout dans sa partie de parc
récréatif qu'on nous a suggérée, d'après ce
que
nous avons pu voir dans les documents que 1'Hydro-Québec a mis
à notre disposition.
Mais je dis que, malgré cette situation et quant à moi, le
projet de la rivière Jacques-Cartier me semble plausible, serviable
à notre région sous-développée à titre de
future bouée de secours communautaire en cas de panne d'urgence.
A preuve, je prends les deux chutes des lignes de l'Hydro-Québec
que nous avons eues depuis les deux dernières années, qui sont
assez importantes, Montmorency et Charlevoix. Cela sera très important
pour une région qui groupe maintenant tout près d'un demi-million
de population. En cas de panne, si on a un bloc énergétique
autonome, qu'on puisse l'avoir chez nous, cela serait extrêmement
intéressant. C'est une opinion personnelle.
Et je dis également aussi que la zone de Québec qui est le
deuxième pôle économique de la province de Québec et
qui nous a coûté extrêmement cher depuis 1967
d'équipements actuellement dans la région et que j'évoque,
si vous voulez, rapidement, dans laquelle on a quasiment investi un milliard en
équipement de travaux publics, etc.. Je les évoque
brièvement: autoroutes, aéroport, tout ce que vous voulez, que
vous connaissez vous-mêmes.
Toutefois, mon acceptation du projet de l'Hydro-Québec sur la
Jacques-Cartier, je la veux conditionnelle. La première condition: que
les autorités de l'Hydro-Québec précisent davantage les
études biologiques et écologiques et qu'elles aient des
retombées positives sur toute la rivière Jacques-Cartier, qui
déjà même à son embouchure est déjà
polluée.
J'ouvre une parenthèse pour le service de l'environnement. Je
déplore amèrement qu'à l'embouchure même de la
rivière Jacques-Cartier, on trouve actuellement des détritus de
bois et de pâte qui bouchent presque l'embouchure de cette rivière
dans le fleuve Saint-Laurent.
Ma deuxième condition et elle est aussi sine qua non je
m'excuse, car je résume continuellement que l'Hydro-Québec
présente un projet de parc accessible, mais communautaire, digne de ce
nom et non improvisé comme c'est le cas à l'heure actuelle, avec
les caractéristiques suivantes dans lesquelles on souligne les
schémas selon la maquette de Champigny dans laquelle je dis
évidemment qu'on devrait, vu qu'on a le Haut-Commissariat à la
Jeunesse, aux Loisirs et aus Sports, peut-être jeter un coup d'oeil sur
ces normes.
La même chose sur les installations de campisme léger,
approuvé par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche quand on sait que cela relève de sa juridiction.
En ce qui concerne le degré d'acceptation du projet par la
population, j'ai rencontré les municipalités riveraines, j'ai eu
le plaisir de les rencontrer et j'ai eu le loisir aussi de le faire durant les
deux derniers mois. Je vous dis qu'en général, selon mon opinion
personnelle, les gens que j'ai rencontrés sont favorables au projet pour
une raison très simple: d'abord, au point de vue économique, la
région est tranquille. C'est réellement un stimulant de voir un
investissement de cette envergure pour cette région.
Deuxièmement, à cause des pressions que l'on fait
présentement pour respecter l'écologie, l'environnement et toutes
les précautions nécessaires que l'on prend, grâce au
comité de la préservation de la Jacques-Cartier, ils sont
doublement rassurés à ce moment parce que je crois que l'on joint
l'utile à l'agréable.
Je ne vois pas pourquoi j'utiliserais d'autres principes
d'écologie pour le projet de l'aménagement de la rivière
Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec. Si l'Hydro-Québec offre la
garantie raisonnable de sauvegarder ces principes que je mettais de l'avant
pour le parc industriel de la Communauté urbaine de Québec, il me
semble que cela soit le cas, alors pourquoi serais-je contre?
C'est-à-dire que les ressources en espaces verts, sauvages ou non,
à l'intérieur de la CUQ comme à l'extérieur, mais
dans la région immédiate de Québec, ne privent personne,
de s'adonner où il veut et aux loisirs de son choix, et ce à
plusieurs endroits, semblables à la Jacques-Cartier je ne dis pas
identiques sans hypothéquer le présent ni l'avenir.
La capacité technologique d'aujourd'hui permet de contrer
efficacement la pollution et de protéger l'environnement
adéquatement. La volonté engagée de l'Hydro-Québec
de veiller, par la création du parc Champigny, à l'environnement
écologique de l'aménagement hydraulique de la Jacques-Cartier
tout en la rendant accessible à la population. La présence
continuelle d'un tel potentiel d'énergie, soit un million de kilowatts,
à la porte de la Communauté urbaine de Québec stimulera
à long terme la difficile implantation industrielle du deuxième
pôle économique de Québec.
Je termine en parlant des aspects sécuritaires et de la
présence d'un tel pouvoir autonome en électricité dans le
grand Québec, en cas de panne, d'urgence. Enfin, et non le moindre
argument, la présence efficace, résolue et sur place d'organismes
capables non seulement de critiques positives sur les méthodes et les
projets contrant le respect de la nature, mais également de mettre en
branle, dans notre région, plusieurs projets tels que
l'aménagement des lacs Montauban, Long, Clair, du parc Saint-Augustin et
des parcs régionaux qui sont préconisés dans le
schéma de l'aménagement de la Communauté urbaine de
Québec. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions?
M. LESSARD: J'aurais simplement une question. Au début de votre
exposé, M. Bernard, vous soulignez qu'il existe un certain nombre de
lacs et de rivières autour de la région
de Québec. Ne croyez-vous pas que, dans ces lacs ou ces
rivières que vous énumérez, il pourrait y avoir un site
où l'Hydro-Québec pourrait aménager une réserve
pompée de mille mégawatts?
M.BERNARD: Oui, cela pourrait très bien se faire, mais j'ajoute
aux arguments que vous présentez...
M. LESSARD: Je ne pose pas un argument...
M. BERNARD: Non, mais à l'avancé que vous
présentez, une dimension économique que je n'ai pas eu le temps
de développer ici, qui est que nous sommes le deuxième pôle
économique de la région de Québec. Nous avons une
population qui va dépasser bientôt le demi-million. Il y a des
aspects sécuritaires et il y a aussi des aspects économiques
à long terme. C'est pour cela que je dis que la présence d'un
pouvoir, d'un bloc énergétique si près de nous est utile
en plus de cela.
M. LESSARD: Les lacs que vous énumérez sont des lacs qui
sont près de vous?
M. BERNARD: Oui, à une heure...
M. LESSARD: Alors, les conséquences économiques, les
incidences économiques du développement hydro-électrique,
tel que prévu par l'Hydro-Québec, qu'il se fasse à
l'intérieur de la Jacques-Cartier ou qu'il se fasse dans un autre site
qui pourrait être favorable, les incidences économiques, vous
allez quand même en profiter.
M. BERNARD: Oui, certainement, mais j'imagine que l'Hydro-Québec,
avec toute sa force et ses équipes techniques, a dû certainement
jeter un coup d'oeil sur les différentes rivières qu'il y a dans
la région avant de choisir celle-là. C'est évident.
M. LOUBIER: M. Bernard, je m'excuse, cela va peut-être vous
apparaître un peu désagréable, mais vous vous
représentez vous-même, comme c'est intitulé?
M.BERNARD: Oui.
M. LOUBIER: Dans la préparation de votre mémoire, est-ce
que vous avez tenu compte du principe que les parcs ou les espaces verts
doivent être sauvegardés et qu'on ne doit pas permettre l'invasion
de forces commerciales ou industrielles, pour fins d'exploitation, dans les
parcs ou les réserves ou encore les espaces verts qui sont
réservés par quelque niveau de gouvernement que ce soit?
M. BERNARD: Je vous avoue que je n'ai pas fait de recherche concernant
la loi particulière.
M. LOUBIER: Non, je ne parle pas sur le plan juridique.
M. BERNARD: Non, mais je peux vous dire, par exemple, en contrepartie,
que je sais que la rivière Jacques-Cartier, on ne se le cache pas, cela
fait 100 ans qu'elle est industrielle chez nous et que...
M. LOUBIER: En quel sens?
M.BERNARD: ... au moins dans les cinquante dernières
années nous en avons parlé tout à l'heure le
flottage de ces billes de bois et les coupes forestières qui sont
là, cela fait cent ans qu'elle sert.
M. LOUBIER: Oui, mais les coupes forestières, vous avez des
coupes sélectives, cela se fait après entente avec le
ministère du Tourisme, etc.
M. BERNARD: Je peux vous dire tout simplement que la rivière
Jacques-Cartier...
M. LOUBIER: Ce sont des richesses renouvelables.
M. BERNARD: Ce sont des richesses renouvelables, comme aussi, je crois
bien qu'au point de vue de la pollution, l'aménagement hydraulique d'une
rivière, c'est la moindre.
M. LOUBIER: Ce ne sera pas une richesse renouvelable, la rivière
n'existera plus.
M.LESSARD: Tout simplement, les rives n'existeront plus. Cela ne se
renouvelle pas, une fois que c'est sacrifié.
M. LOUBIER: Je vous le demande au niveau du principe lui-même.
Nous sommes ici pour savoir votre opinion sur les principes qui sont en cause,
comme l'a soulevé un peu ce matin le député de Fabre.
Etes-vous en faveur? Que pensez-vous de ce principe d'inviolabilité ou
d'espaces verts? Parce que c'est un précédent, et c'est
peut-être l'occasion, comme on le disait ce matin, comme le
député de Fabre l'a signalé, c'est peut-être
l'occasion unique que l'on a de déterminer les politiques du
gouvernement ou des gouvernements subséquents dans ce domaine. C'est au
niveau des principes que nous voulons savoir quelle est votre opinion.
M. BERNARD: J'ai livré, si vous voulez, mon opinion personnelle
beaucoup plus sur l'ensemble de la région de Québec. Je n'ai pas
voulu faire de la philosophie au point de vue des lois éventuelles sur
les parcs, mais ce que je peux dire c'est que l'abondance des espaces verts qui
nous entourent sur le problème concernant l'aménagement de la
Jacques-Cartier... On les a, c'est devant nous, cela crève les yeux. Que
vous regardiez à l'est, au nord ou à
l'ouest, on les a à l'heure actuelle. Mais sur la loi
éventuelle que vous voulez voter...
M. LOUBIER: M. Bernard, je vous remercie de ne pas avoir répondu
à ma question.
M. LESSARD: M. Bernard, quand vous parlez de l'abondance de ces
ressources, est-ce que vous voulez dire que nous avons quand même, autour
de la région de Québec, des territoires qui ressemblent
énormément aux caractéristiques assez spéciales que
nous ont décrites ce matin les spécialistes, par exemple? Parce
qu'il ne semble pas que ce soit un territoire ordinaire; vous semblez placer
tous les territoires du Québec sur le même pied. Est-ce que, dans
les territoires que vous énumérez, qui sont des espaces verts,
cela présente les caractéristiques semblables à celles de
la Jacques-Cartier?
M. BERNARD: Je n'ai pas parlé des autres espaces qui existent au
Québec; j'ai bien parlé uniquement de la région de
Québec, dans laquelle je vous dis que vous avez des rivières qui
sont semblables à la Jacques-Cartier. Je vais vous les nommer: la
rivière Montmorency, la rivière Sainte-Anne-du-Nord, la
rivière Sainte-Anne elle-même, la rivière Nelson, la
rivière Tourilli et chacune a sa vallée. Alors, il n'y a pas
seulement celle-là. Peut-être que la Jacques-Cartier
présente des caractéristiques géologiques qui sont
exceptionnelles, mais je vous dis qu'il y en a des semblables à
côté de là, mais toujours dans la région de
Québec.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Une dernière question.
M. TETRAULT: J'aurais une question à poser à M. Bernard.
J'ai lu attentivement le mémoire qu'il a présenté. Il
s'attaque, à la page 7, à la Communauté urbaine de
Québec de nombreux déficits non justifiés il
faut un tour d'horizon pour le potentiel des deuxièmes ceintures vertes
comme il les appelle. Il glorifie dans une autre partie la CUQ. Finalement, je
me pose une question très sérieuse, parce que votre rapport dit
que c'est un exposé de vous-même, ce que vous pensez. Je vais vous
la poser carrément : Est-ce que vous voulez préparer votre
prochaine campagne dans le comté de Chauveau, comme candidat
libéral?
M. BERNARD: Vu que vous soulevez ce point...
M. TETRAULT: Je l'ai lu attentivement.
M. BERNARD: Je suis très à l'aise que vous le souleviez.
Je vais dire exactement ce que.. Je prévoyais d'ailleurs votre
question.
M. TETRAULT: Je l'ai lu; je l'ai posée quand même.
M. LOUBIER: On ne prévoyait pas votre réponse, par
exemple.
M. BERNARD: Non? Je vais vous la donner quand même.
M. TETRAULT: Elle est située à la page 13.
M. BERNARD: Aux pages 13 et 14 et je n'ai pas honte du tout
: C'est le principe même de la liberté de parole et d'action
qui est en jeu et qui s'appelle la démocratie et à laquelle je
témoigne librement moi aussi devant vous aujourd'hui, sans aucune
attache envers qui que ce soit, tant au point de vue de travail, de promotion
ou tout simplement de carrière politique future. Et dans ce cas,
personne ne peut m'accuser de calcul puisque j'aurais pu me taire tout
simplement, sans me mouiller et sans danger, en attendant les
événements et tirer après à mon profit les marrons
du feu. Au fond, le conflit actuel, car c'en est un, montre bien que la
liberté des uns finit toujours où celle des autres commence. En
d'autres mots, de cette confrontation actuelle doivent naître, mais des
deux parties, un juste dialogue et un compromis acceptable par l'échange
honnête de toutes les données en cause, scientifiques, techniques,
esthétiques, mais aussi de prévoyance socio-économique
pour l'avenir. Ceci est le propre même d'une civilisation dynamique, si
on ne veut pas régresser. Est-ce que cela répond à votre
question, monsieur?
M. LOUBIER: Oui, et vous nous faites rougir-
M. TETRAULT: Oui, justement; et ceci suscite ma deuxième
question, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Cela fait quand même une
demi-heure.
M. TETRAULT: Ce n'est pas moi qui ai parlé pendant une
demi-heure. Une dernière, une courte.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Une très courte.
M. TETRAULT: C'est justement ce qui me porte à poser cette
question. Dans votre réponse, vous avez cité le paragraphe en
entier. Dans tout votre mémoire, c'est ce que je cherche, les aspects
scientifiques, techniques, esthétiques, de prévoyance
socio-économique; je dois vous dire que je ne les ai pas trouvés
dans votre mémoire.
M. BERNARD: Je ne vous ai pas dit que je venais ici comme un
spécialiste, ni comme un biologiste. Je suis venu ici comme un homme
ordinaire qui connaît le milieu, qui connaît sa région, qui
a côtoyé tous les gens qui sont dans
ce milieu, y compris les municipalités. Je viens ici exprimer une
idée, à mon avis, personnelle. Ce document avait
été préparé pour le comité qui a
existé à la Chambre de commerce du Québec
métropolitain et je l'ai transformé en mémoire, pour le
présenter ici à la commission parlementaire, quand j'ai su que la
commission parlementaire recevait les mémoires de qui que ce soit.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous vous remercions, M. Bernard. Nous allons
maintenant entendre le Conseil québécois de l'environnement, qui
est représenté par le Dr Michel Maldague.
Conseil québécois de
l'environnement
M. MALDAGUE: M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés, je suis ingénieur-agronome, licencié en
sciences zoologiques, docteur en sciences, membre de la commission
d'éducation de l'Union internationale pour la conservation de la nature
et de ses ressources, membre du Conseil international de droit de
l'environnement, professeur d'aménagement esthétique et
récréatif en milieu naturel à la faculté de
foresterie et de géodésie et directeur du programme
interdisciplinaire en aménagement du territoire et développement
régional de l'université Laval.
M. LOUBIER: Vos 20 minutes sont écoulées, M. Maldague.
M. MALDAGUE: La valeur exceptionnelle de la vallée de la
Jacques-Cartier est unaniment reconnue et je ne reviens pas sur ce point. Si
l'on tient compte, en outre, de la proximité et de
l'agglomération québécoise dont la population atteindra le
million d'ici quelque 27 ans, on est conduit à considérer que la
vallée de la Jacques-Cartier constitue un site unique. Dans de nombreux
pays, les sites exceptionnels situés à proximité des
grandes villes ont reçu des statuts de parc national ou de monument
national. Toute utilisation de nature économique y étant
proscrite, ces aires sont réservées aux besoin de détente
de la population. Dès que l'on reconnaît à un site naturel
une valeur unique, il convient de subordonner le principe de
l'aménagement intégré, c'est-à-dire, dans notre
cas, l'aménagement de l'hydro-électricité et de la
récréation au principe de la protection de la nature. Lorsque le
Congrès des Etats-Unis en 1872, décida de soustraire la zone du
Yellowstone à toute forme d'exploitation, de vente ou d'occupation
permanente de ce territoire et de la dédier à l'admiration et
à la satisfaction du public présent et futur, il consacrait en
fait l'idée que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais qu'il a aussi
des besoins moraux et spirituels et que l'exploitation des ressources
terrestres, si nécessaire et admirable soit-elle, doit préserver
des îles de beauté naturelle et de vie sauvage.
C'est à cette préoccupation éthique que l'on doit
l'existence d'un réseau de parcs nationaux qui s'étend
actuellement sur 90 pays du monde. Dans un document préparatoire
à la conférence de Stockholm, on peut lire que "même dans
des pays assez riches et matériellement assez prospères, on
relève des indices de plus en plus nets d'une tension sociale qui montre
combien l'homme est mécontent de son sort et de l'absence de choix
qualitatifs. Ce souci de la qualité de la vie, et je cite toujours le
document de Stockholm, est aussi au coeur du problème de l'environnement
et doit être un critère décisif, même s'il s'agit de
choisir des solutions à des problèmes d'environnement de
caractère essentiellement concret".
Dans le cas de la rivière Jacques-Cartier, on touche à un
conflit fondamental d'utilisa,tion du territoire dont la solution ne
réside pas seulement dans une expertise scientifique. Nous avons affaire
à un cas où la science seule ne peut apporter de solutions. Je
crois que l'on reconnaît universellement les limites de la science. La
question est de savoir si nous sommes disposés à sacrifier des
valeurs qualitatives plus que jamais indispensables. Des zones naturelles non
perturbées, proches des villes, doivent être sauvegardées,
car elles constituent pour la population des points de repère stables
dans une société en perpétuel changement.
La population aura un besoin aigu de tels points de repère pour
assurer dans l'avenir son équilibre mental.
Le seul cas où l'on pourrait justifier de sacrifier un tel site
unique serait celui où il serait irréfutablement prouvé
que l'aménagement considéré est vital pour assurer les
besoins énergétiques de la population québécoise,
ce qui signifierait, ipso facto, qu'il n'y aurait pas d'autre choix au point de
vue hydro-électrique, ni d'autres moyens de produire
l'électricité requise. Or, il n'a pas été
prouvé, à ma connaissance, que ce site unique, au point de vue de
l'équilibre naturel, est également unique en ce qui concerne la
production d'électricité de pointe au Québec.
Au court terme comme à long terme, l'aménagement
hydro-électrique aboutirait à une dégradation
irréversible du site. Il est faux de prétendre à ce propos
que les conséquences écologiques seraient peu importantes. En
réalité, l'aménagement proposé conduirait à
une véritable rupture d'équilibre biologique et à une
profonde perturbation de l'ensemble de cette partie de la vallée. Le
projet consiste en fait à transformer un équilibre naturel en un
équilibre artificiel. De plus, les installations
hydro-électriques ne seront durables, d'aucune façon. A long
terme, après l'utilisation du site, on se retrouvera avec une
vallée ruinée.
Sur le plan de la diversité, on transgresse une loi
écologique fondamentale à savoir la loi qui lie la richesse d'un
écosystème et la limite d'un
territoire à sa diversité. La transformation de la
rivière en un réservoir réduit la diversité du
territoire puisque les lacs et les réservoirs ne font pas défaut
dans le Québec alors que de telles vallées sont
exceptionnelles.
Le Dr Budowsky, directeur général de l'UICN, retient comme
principe fondamental d'aménagement et de développement le
principe du respect de la préservation d'options pour l'avenir. Ceci
signifie qu'avant de toucher à ce site il faudrait faire la preuve qu'il
n'y a pas d'autre choix. Dans le cas où une autre possibilité se
révélerait plus coûteuse se pose la question de la valeur
économique d'une telle vallée. Les lois économiques
montrent que la valeur d'un objet est liée à sa quantité
et à sa qualité. Si on applique cela à la vallée de
la Jacques-Cartier on constate que le facteur quantité est
extrêmement faible puisque ce site est unique et que le facteur
qualité est extrê-ment élevé. Un tel site prend
dès lors, une valeur qui dépasse, sans aucun doute, toutes les
différences de prix qui impliquerait le choix d'une autre
possibilité.
Il est une notion élémentaire que l'on enseigne aux
étudiants dans les cours d'aménagement des zones
récréatives, à savoir que les ressources
récréatives sont différentes des autres, parce qu'elles
résultent, d'une part, de la combinaison de plusieurs ressources
naturelles et, d'autre part, d'un jugement de valeur. C'est ainsi que, dans un
certain sens, la vallée de la Jacques-Cartier pourrait être
perçue comme un simple amalgame de roches, de sol, d'eau, de
végétaux et d'animaux. Ce qui en fait un monument naturel
exceptionnel, c'est un jugement de valeur que l'homme fait parce qu'il est
sensible à la beauté. Ce site n'a d'ailleurs de vraie valeur
qu'en fonction de son maintien à l'état naturel. Il
représente une vraie valeur au même titre que les grandes oeuvres
du génie créateur de l'homme: monuments, toiles de grands
peintres, sculptures. Ce qui fait la valeur de ces oeuvres, ce qui attire vers
elles les foules, c'est précisément et seulement le fait qu'elles
sont exceptionnelles et uniques. Les foules ne se presseront jamais pour
admirer des copies des oeuvres uniques.
Sur le plan strictement scientifique, la Vénus de Milo
représente quelques livres de marbre d'une composition chimique et d'une
texture donnée. La Joconde ne vaut pas plus non plus sans un jugement de
valeur qui reconnaît la marque d'un génie. La vallée de la
Jacques-Cartier, à condition de lui conserver son charme naturel et sa
beauté sauvage, mérite qu'on la signale à l'attention des
touristes sevrés d'un environnement naturel de qualité.
Et grâce à cela, paradoxalement, elle deviendra avec le
temps une source de profit économique comme le sont devenus beaucoup
d'endroits naturels exceptionnels de la terre. Le site unique de la
vallée de la Jacques-Cartier ne peut souffrir d'être
artificialisé, réduit à une zone récréative,
offrant de minables compensations.
Il serait d'ailleurs quelque peu aberrant de faire dans ces conditions
de la publicité pour y attirer les touristes car cela reviendrait
à montrer aux visiteurs, résidants et non résidants, la
manière dont il faut s'y prendre pour galvauder un site exceptionnel.
Car il n'est pas indifférent que le site soit admiré du fond de
la vallée dans son cadre naturel ou vu du haut. Dans le premier cas, on
est à proprement parler dans le site, dans le second, on reste en dehors
et, à ce titre, il est perdu pour la population.
Plutôt que de procéder à un aménagement
hydro-électrique dans la Jacques-Cartier et si réellement il n'y
a pas d'autre possibilité d'aménagement hydro-électrique,
nous favorisons une production d'électricité à l'aide de
combustible quelconque. La conséquence au point de vue du bruit n'a pas
a être prise en considération, le choix de la localisation d'une
telle centrale peut y porter remède. Quant à la pollution, les
améliorations technologiques futures pourront vraisemblablement en
limiter les conséquences. Quoi qu'il en soit, il vaudrait mieux
d'ailleurs admettre une certaine pollution atmosphérique que de
perturber un site de cette qualité. En conséquence, le Conseil
québécois de l'environnement rejette le projet
d'aménagement hydroélectrique de la vallée de la
rivière Jacques-Cartier.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Maldague. Est-ce qu'il y a des
questions de la part des membres de la commission?
M. LESSARD: Est-ce que vous rejetez à la majorité de
l'exécutif le projet?
M. MALDAGUE: A la majorité.
M. LESSARD: Dr Maldague, à vous entendre parler ou à vous
écouter, il semble qu'il n'y ait pas dans la région de
Québec d'autre site comparable à celui de la Jacques-Cartier?
M. MALDAGUE: C'est exact. Je pense que, si on veut trouver une
vallée de la qualité de celle-ci, il est à peu près
reconnu unanimement qu'il faut aller jusqu'à la rivière Malbaie.
Or, vous savez qu'il y a une différence de distance. Alors, ce sont dans
les deux cas des sites exceptionnels, mais nous considérons la
Jacques-Cartier comme unique précisément parce qu'elle est
beaucoup plus proche de l'agglomération québécoise et cela
ne fait pas de doute à notre avis que, à part ces deux sites, il
faudrait aller extrêmement loin pour trouver des choses comparables.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, je vous remercie, M. Maldague.
M. MALDAGUE: Merci, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Kennedy):
Nous allons
maintenant entendre le représentant du Centre de recherche
écologique, le Dr Pierre Legendre.
Centre de recherche écologique
M. LEGENDRE: M. le Président, mes qualifications sont les
suivantes: Après une maîtrise en zoologie à
l'université McGill, j'ai fait un doctorat en biosystématique
à l'Université du Colorado, après quoi j'ai fait un
voyage, plutôt une tournée d'études dans les parcs de
l'ouest des Etats-Unis et enfin, j'ai passé un an de stage postdoctoral
à l'Institut de génétique de l'Université de Lund
en Suède. Je suis maintenant engagé comme chercheur au Centre de
la recherche écologique de l'Université du Québec à
Montréal.
Le 3 mai dernier, les représentants de l'Hydro-Québec
présentaient à la présente commission parlementaire les
raisons pour lesquelles l'Hydro-Québec devrait selon eux être
autorisée à procéder à l'aménagement de la
rivière Jacques-Cartier. Cette argumentation comportait les points
suivants: besoins énergétiques à satisfaire pour 1978,
site de la rivière Jacques-Cartier propice à l'implantation d'une
centrale à réserve pompée; impossibilité de trouver
un autre site assez rapidement pour satisfaire à temps au déficit
énergétique prévu pour 1978; l'installation
projetée serait relativement peu dommageable pour le territoire, y
compris la section située à l'intérieur du parc provincial
des Laurentides, et l'Hydro-Québec s'engage à compenser pour ces
dommages par un effort important de mise en valeur du territoire; le zonage du
parc provincial des Laurentides devrait être repensé de
façon que la vocation particulière de chaque zone soit clairement
établie.
Face à cette argumentation nous aimerions, en tant
qu'écologistes, présenter nos commentaires sur deux aspects du
problème.
L'exploitation du territoire québécois, tant publique que
privée, a traditionnellement procédé de façon fort
aberrante, car les responsables ne se sont jamais intéressés
à répondre à la question suivante: Attendu la valeur de
l'aménagement proposé d'une part, et l'impact de cet
aménagement sur le territoire d'autre part, est-il dans
l'intérêt public de procéder audit aménagement?
Depuis quelques années, l'appel à l'écologiste fait
maintenant partie du rituel de la présentation d'un projet au public. Il
est en effet politiquement rentable de mettre devant les photographes de presse
le docteur X ou Y, écologiste, qui, dit-on, poursuit une étude de
la question, alors que l'on se garde bien de mentionner que la décision
de procéder audit aménagement a été
irrévocablement prise bien avant que l'on décide d'engager
quelques malheureux dollars dans la recherche écologique. Pour ne citer
qu'un cas récent, mentionnons l'aménagement du nouvel
aéroport de Mirabel auquel notre centre a été
mêlé: là encore, les décisions quant à
l'emplacement, à la position des pistes et à d'autres
modifications morphologiques importantes du territoire étaient prises
bien avant que notre équipe d'écologistes ne soit mandée
sur les lieux. Les questions relatives à l'écologie ne faisaient
donc pas partie des critères mis dans la balance pour prendre les
décisions.
Pis encore, dans la plus grande majorité des cas, tant
d'exploitation minière que forestière, industrielle ou
hydro-électrique, l'écologiste a été
complètement ignoré au Québec.
Nous nous élevons contre cette fraude permanente par laquelle le
territoire du Québec est régulièrement violé sans
que l'intérêt du public soit même pris en
considération. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui,
l'Hydro-Québec a choisi un site sur des bases d'ingénierie
seulement et maintenant essaie de mettre la population et son gouvernement
devant le fait accompli. Quant à nous, nous nous permettons de douter de
certaines affirmations de l'Hydro-Québec.
Premièrement, les études qui ont permis à
l'Hydro-Québec de choisir la Jacques-Cartier comme site le plus
favorable pour l'aménagement d'une centrale à réserve
pompée n'ont pas été faites très en profondeur. Les
différents aspects du milieu étaient codifiés sous forme
de valeurs positives ou négatives dans une matrice d'aménagement.
Cette méthode a deux inconvénients principaux: d'abord, sa
subjectivité qui rend les résultats d'autant plus
aléatoires que les études sont moins poussées; ensuite, le
fait que le résultat est une moyenne de valeurs positives et
négatives reliées aux diverses facettes du site à
l'étude au lieu d'être sous la forme d'un enchaînement
logique dans lequel il est nécessaire de répondre d'abord
à certaines questions de façon positive, par exemple sur
l'écologie, avant de pouvoir poursuivre l'évaluation. Il est
déplorable qu'à des études d'ingénierie très
poussées, ne fassent pendant que des études écologiques
trop sommaires.
Deuxième remarque. L'Hydro-Québec nous présente le
spectre de la crise de l'électricité, de la panne sèche,
si le gouvernement refuse d'accéder à ses demandes. Quoique nous
ne soyons pas des spécialistes en production et en distribution de
l'énergie, nous nous permettons de douter de cette caricature et nous
laissons aux spécialistes de la question le soin de commenter les trois
points suivants. D'abord, les autres emplacements qui ont été
envisagés par l'Hydro-Québec il était question
dernièrement d'une douzaine d'emplacements, si je me souviens bien
tant sur la Jacques-Cartier qu'ailleurs ne pourraient-ils pas être
utilisés au lieu de Champigny? Ensuite, après les études
que le choix d'un nouveau site imposera, si le temps pressait trop, serait-il
possible d'accélérer les travaux de construction de la centrale,
par exemple en augmentant les effectifs au travail? Enfin, si nous en venions
vraiment à accuser un petit déficit énergétique aux
heures de pointe, à
partir de 1978, ne serait-ce pas une bonne occasion pour instaurer
dès maintenant des politiques et des habitudes d'économie de
l'énergie que notre civilisation gaspille sans compter? Ne serait-ce pas
aussi une bonne occasion pour l'Hydro-Québec de cesser d'encourager, par
sa publicité, au gaspillage alors que pointe à l'horizon une
crise mondiale de l'énergie?
Nous conclurons par ces quelques remarques. C'est le rôle de
l'Hydro-Québec que de fournir à la demande en
électricité et ce, sans violer le droit qu'a la population
d'utiliser son territoire pour satisfaire à ses besoins autres
qu'hydro-électriques. C'est au gouvernement, aux écologistes,
à la population elle-même de voir à ce que ces droits
soient respectés.
Si le respect de ces droits cause des maux de tête aux dirigeants
de l'Hydro-Québec, cela ne nous concerne pas, car nous n'avons pas
à leur dire où trouver de l'électricité: notre
rôle se borne à aider à la préservation de
l'intérêt public. Lorsque le gouvernement du Québec aura
enfin accouché, en collaboration avec les autres paliers de
gouvernement, de la politique générale d'aménagement du
territoire que nous attendons depuis longtemps, son travail, celui de
l'Hydro-Québec et le nôtre seront d'autant facilités.
Le second aspect du problème que j'aimerais exposer a trait
à une réglementation de la conservation de certains territoires.
La présente discussion sur l'aménagement Champigny est d'autant
compliquée qu'une partie du réservoir inférieur ainsi que
les réservoirs supérieurs et le groupe moteur-alternateur
seraient situés à l'intérieur du parc provincial des
Laurentides, ce malgré que l'article 6 de la Loi des parcs provinciaux,
Statuts refondus 1964, prévoit qu'aucun bail, licence ou permis qui
diminue ou peut diminuer l'utilité du parc ne peut être fait,
accordé ou émis.
De nombreux organismes argumentent que l'utilité du parc serait
ou pourrait être diminuée ou encore que ladite section du parc
serait modifiée et donc, que son rôle de conservation en serait
affecté. L'Hydro-Québec argumente au contraire que
l'utilité du parc ne serait pas diminuée grâce aux
aménagements prévus dans son plan de développement. Or, si
je puis faire une remarque, ces aménagements touristiques promis
dépendent en grande partie de la stabilité relative du niveau du
réservoir, qui varierait déjà de trois pieds
quotidiennement. Mais la présence même du barrage aurait un effet
d'entraînement qui encouragerait à l'installation d'autres
centrales à réserve pompée sur le même
réservoir avec un impact d'autant plus grand sur l'environnement et les
éventuels aménagements touristiques.
Ceux qui considèrent que le projet Champigny serait malgré
tout acceptable seraient en droit de se demander si l'Hydro-Québec est
prête à s'engager à ne jamais dans l'avenir installer
d'autres centrales sur ses réservoirs.
Pour en revenir à mon argument, il faut cependant remarquer que
l'Hydro-Québec ne cherche pas à innover. Au contraire, son
utilisation d'un territoire classifié parc provincial s'insère
dans une longue tradition d'utilisation de ses territoires à toutes
sortes de fins autres que conservationnistes. Nous dirions même que
l'installation d'une centrale à réserve pompée est
probablement beaucoup moins dommageable pour l'environnement qu'une coupe
à blanc par exemple, cela sous réserve des études
écologiques qui n'ont pas été faites sur le territoire
visé par le projet Champigny. Mais il faut que de telles utilisations
irrationnelles des parcs cessent un jour et le plus tôt sera le mieux.
Aujourd'hui, par exemple.
A cet effet, et pour minimiser dans l'avenir ces imbroglios juridiques
dans lesquels nous pataugeons présentement, il est impératif que
le gouvernement du Québec sorte de ses tiroirs la loi-cadre des parcs
provinciaux du Québec, dont la version préliminaire est
prête au moins depuis décembre 1967. Cette loi définit fort
adéquatement six types de parcs avec les aménagements qui y sont
permis, cela à l'exemple des lois du même type en vigueur dans
d'autres pays, en tenant compte de la réalité
québécoise.
Dans l'une de ces catégories, celle dite des grands parcs de
chasse et de pêche, ainsi que dans les petits parcs de pêche au
saumon d'ailleurs, on prévoit que l'exploitation contrôlée
des richesses naturelles sera permise, alors qu'elle sera défendue dans
les autres types de parcs. Ceci rejoint, d'ailleurs, l'idée
exprimée par les représentants de l'Hydro-Québec a propos
d'un zonage qu'il serait impérieux d'établir au sein des parcs
actuels.
Nous aimerions mentionner accessoirement que nous
préférerions de beaucoup que l'établissement d'un parc
soit le privilège de l'Assemblée nationale au lieu d'être
laissé au lieutenant-gouverneur en conseil, comme le prévoit ce
projet de loi. De plus, et à la lumière des difficultés
auxquelles nous faisons face aujourd'hui, il serait bon que
l'aménagement des bassins des rivières soit mentionné
comme tel dans la loi comme il l'était d'ailleurs dans un texte
d'appoint de cette loi-cadre et soumis aux mêmes
possibilités et limitations que l'exploitation minière ou
forestière.
Il est par ailleurs évident que nous ne pourrons parler de
politique de conservation au Québec tant que cette loi-cadre ne sera pas
adoptée et mise en vigueur.
En conclusion, nous croyons fermement qu'il est encore temps
d'arrêter cet aménagement hydro-électrique qui n'en est
heureusement qu'à l'état d'ébauche. D'autres projets ont
déjà été arrêtés pour des raisons
écologiques, même quand des sommes beaucoup plus
considérables y avaient été investies. L'on se rappellera
l'abandon des travaux du Spadina Expressway à Toronto, ceux de
l'aéroport projeté dans les Everglades en Floride, ou les quinze
années pendant lesquelles Its conservationnistes polo-
nais ont bataillé pour enfin obtenir l'interruption des tiavaux
entrepris en vue de l'aménagement hydro-électrique de la
rivière Dunajec et le transfert du projet en aval. De même,
pouvons-nous sûrement nous permettre de transférer ailleurs le
présent projet de centrale à réserve pompée.
J'en ai terminé, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, Dr Legendre. Est-ce qu'il y a des
questions de la part des membres de la commission? S'il n'y a pas de question,
je vous remercie.
M. MASSE (Arthabaska): Vous dites que vous avez travaillé au
projet de Mirabel.
M. LEGENDRE: Les membres de notre groupe...
M. MASSE (Arthabaska): Le groupe que vous représentez.
M. LEGENDRE: ... ont travaillé au projet Mirabel, si bien que
l'un de nous, le Dr Dansereau, a été et est encore le directeur
du projet dit EZAIN, c'est-à-dire étude de la zone de
l'aéroport international.
M. MASSE (Arthabaska): Est-ce que la matrice d'un parc, dont vous
semblez douter du résultat... Est-ce que c'est la même
méthode que vous prenez pour Mirabel?
M. LEGENDRE: En effet, c'est la même méthode qui a
été employée et, comme j'en faisais mention dans mon
texte, les résultats dépendent d'abord du but visé et,
ensuite, de l'intensité des travaux de recherche qui sont à la
base des valeurs que l'on met dans la matrice. Dans le cas de Mirabel, nous
avions un territoire dont la vocation avait été
déterminée par le gouvernement fédéral et il
s'agissait, à l'intérieur de certaines limitations, de
déterminer quel serait le meilleur usage que l'on pourrait faire de
chacune des pièces du reste du territoire.
Il n'y avait pas la question de savoir si on aménagerait le reste
du territoire. C'était établi qu'on l'aménagerait. Il
s'agissait de déterminer comment on l'aménagerait de la meilleure
façon possible.
Maintenant, si vous le permettez, l'autre aspect qui a trait à
l'authenticité des études. Dans le cas de Mirabel, les
études ont quand même porté sur plusieurs années de
recherches par d'authentiques spécialistes de chacun des secteurs de
l'écologie dont il était question dans la matrice, alors que dans
le cas des études qui ont été faites par
l'Hydro-Québec, nous doutons que ces études aient
été faites avec autant de sérieux.
M. MASSE (Arthabaska): Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela?
M. LEGENDRE: Je vais vous le dire tout bêtement, ce sont des
conversations avec certains représentants de l'Hydro-Québec.
M. TETRAULT: M. le Président, lorsqu'on parle de la matrice
d'impact, l'Hydro-Québec a fait telle prévision,
prédiction, est-ce que vous êtes au courant de celui qui l'a
faite? Est-ce un écologiste? Est-ce un membre du Centre de recherche
écologique? Est-ce un ingénieur en hydro-électrique?
Est-ce un comptable? Savez-vous qui a fait cette projection?
M. LEGENDRE: Je peux vous dire que ce n'est pas un membre de notre
centre de recherche. On m'a dit qu'il s'agissait d'un bureau, je crois,
d'ingénieurs-conseils, mais je ne saurais faire aucune affirmation quant
à l'identité des gens qui ont fait ce travail. Vous pouvez poser
cette question aux gens de l'Hydro.
M. TETRAULT: Si j'ai bien compris, la matrice d'impact...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je tiendrais à faire remarquer au
député d'Abitibi-Est que cette question avait été
discutée lors de la dernière séance de la commission.
C'est une question des personnes responsables, de la matrice à la
maquette.
S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie le Dr Legendre. Le
président de l'Hydro a demandé à se faire entendre avant
six heures, puisqu'il doit retourner à Montréal pour assister
à une réunion ce soir. Je cède la parole à M.
Giroux, le président de l'Hydro-Québec. Selon les informations
que j'ai eues, cela ne durera pas plus que dix minutes.
Hydro-Québec
M. GIROUX: Merci beaucoup, M. le Président. Je serai très
bref. D'ailleurs je n'ai pas été épaté ni
éduqué tellement par les affirmations gratuites de toute la
journée.
Nous avons répété plusieurs fois à la
commission parlementaire, la dernière fois, que définitivement
l'Hydro-Québec... On nous a demandé si nous avions une autre
solution. Nous avons dit : Oui, des usines à gaz. Cela prend un certain
temps pour faire les études. Toutes ces choses ont été
expliquées. Je veux simplement faire remarquer et demander de
transmettre au gouvernement le point suivant: L'Hydro-Québec a toujours
essayé et essaie toujours de fonctionner légalement. Nous avons
obtenu les permis. On nous a demandé de suspendre les travaux. Nous
avons suspendu les travaux. Si le gouvernement décide que la
rivière Jacques-Cartier doit être faite, nous continuerons; si le
gouvernement décide de ne pas aménager la rivière
Jacques-Cartier et qu'on étudie d'autres rivières, tel qu'il nous
le sera recommandé, nous le ferons.
Les gens qui sont ici disent que nous re-
présentons des associations de 20,000 ou 30,000 personnes. Quand
il s'agit des tarifs, nous représentons, n'est-ce pas? 500,000
abonnés. Avec tous ces problèmes, il y a un point qui n'a pas
été amené et qu'on n'étudie jamais, c'est l'effet
économique et dans les travaux entrepris, il y a beaucoup de
dépenses de faites.
Toutes ces choses amènent des travaux supplémentaires.
Naturellement, vous me direz : Si on construit des usines à gaz, le
coût d'installation est meilleur marché.
Avec les dépenses additionnelles qu'occasionnera le prix du
pétrole tel qu'on nous le donne, on n'est pas dans une affaire facile.
Le tout se résume à une question de légalité, de
pouvoir et l'Hydro n'a pas fonctionné illégalement. Même
ses employés syndiqués suivent les instructions. Alors, je pense
que les autres peuvent faire la même chose. Si le gouvernement
décide que cela doit être fait, on le fera. Si le gouvernement
décide autrement, il n'y a absolument rien... L'Hydro-Québec ne
s'obstine pas. La seule chose qu'on vous dit c'est: Pensez que tout cela se
reflète dans les tarifs. Alors, quand on vient pour expliquer la
question des tarifs, les gens ont souvent d'autres points de vue. Je respecte
l'opinion de tout le monde, mais il y a un point. Dans toutes ces
choses-là, il faut penser qu'à l'Hydro-Québec on essaie
toujours de ne pas avoir d'augmentation de tarifs, c'est une affaire qui n'est
pas tellement populaire.
Alors, nos gens seront ici ce soir. Malheureusement, je dois m'absenter,
j'avais eu une information que cela finirait à 6 heures, j'ai
malheureusement pris un rendez-vous avec des gens que je dois rencontrer, mais
M. DeGvise est ici et j'espère qu'on aura une période où
on pourra répondre pour essayer de réfuter les arguments qui ont
été donnés. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, M. Giroux. Alors, la
commission va suspendre ses travaux à 8 h 15 ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
Reprise de la séance à 20 h 29
M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre,
messieurs !
M. le ministre, MM. les chefs de l'Opposition, MM. les membres de la
commission, nous reprenons les travaux de la commission parlementaire sur le
problème de la Jacques-Cartier. J'appellerais le représentant de
la Régionale des jeunes chambres de Québec, M. Yves Renaud. Je
demanderais, pour accélérer les travaux, de sorte que tout le
monde puisse se faire entendre ce soir, de résumer vos mémoires,
puisqu'ils seront tous étudiés et codifiés. Si vous
pouviez les résumer, plutôt que d'en faire une lecture de six,
sept, huit ou neuf pages.
Régionale des jeunes chambres de
Québec
M. RENAUD: M. le Président, je serai très bref, parce que
mon mémoire ne comporte que deux pages. Je pense que vous me permettrez
de le lire.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est assez difficile de résumer,
à ce moment-là.
M. RENAUD: Exactement, ça pourrait être plus long. M. le
Président, MM. de la commission, je représente la
Régionale des jeunes chambres de Québec qui regroupe 17 jeunes
chambres de la région de Québec, c'est-à-dire
Québec, Loretteville, Sainte-Foy, et ça se rend aussi
jusqu'à la Malbaie et Baie-Saint-Paul, Le parc des Laurentides, un pays
qui est à nous, une richesse que nous devons conserver.
L'Hydro-Québec n'est toutefois pas de cet avis et tente aujourd'hui, par
tous les moyens, de nous faucher une partie de la vallée de la
rivière Jacques-Cartier, par l'installation d'une centrale à
réserve pompée.
Presque ignorée du grand public, la pittoresque vallée de
la Jacques-Cartier, encastrée entre les pentes abruptes des Laurentides,
recèle un potentiel récréatif extraordinaire. Les
activités récréatives possibles sont la pêche,
l'escalade, la marche en nature, la raquette, le ski de fond, etc.
Cette vallée des plus panoramiques qui se compare facilement aux
plus beaux sites des montagnes Rocheuses, n'est située qu'à 25
milles de Québec. Il faut aller la voir et vous ne resterez pas
indifférents.
La vallée de la Jacques-Cartier: une question de survie pour la
race humaine.
La Régionale des jeunes chambres de Québec a compris ce
message et s'oppose au projet d'aménagement de la vallée de la
Jacques-Cartier, partie intégrante de notre héritage
national.
N'est-il pas vrai qu'une partie importante de cette vallée est
située à l'intérieur du parc
provincial des Laurentides qui est protégé par la Loi des
parcs provinciaux?
Selon cette loi, le parc des Laurentides est défini comme une
réserve forestière, un endroit de chasse et de pêche, un
parc public et un lieu de délassement pour les citoyens du
Québec.
L'article 6 de cette même loi stipule que "nul ne peut
s'établir et se fixer, se servir ou occuper aucune partie du parc, et
aucun bail qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc ne peut
être fait, accordé ou émis. Le parc des Laurentides,
messieurs, est et doit être inviolable. Alors que les parcs nationaux du
Canada sont fermés à l'exploitation industrielle, les parcs du
Québec sont ouverts à tout exploitant qui y voit une richesse
naturelle à mettre à profit. Le parc des Laurentides a plus de
3,000 milles carrés de superficie et il est le plus grand des quatre
parcs provinciaux. Alors que des luttes constitutionnelles empêchent la
création de plusieurs parcs nationaux, le Québec fait tout en son
pouvoir pour remplacer la nature par des masses de béton à
l'intérieur de ces parcs. Est-ce normal?
Le parc des Laurentides est facilement accessible, n'étant
situé qu'à une trentaine de milles de Québec. Le
gouvernement du Québec doit faire tout en son pouvoir pour garantir une
protection permanente à ce parc. Que l'Hydro-Québec construise
ailleurs sa centrale à réserve pompée! D'ailleurs,
plusieurs autres sites offrent un potentiel capable de produire cette
énergie de pointe. Qu'on les fasse connaître tous! Pourquoi cet
acharnement à consommer de l'électricité alors que les
Etats-Unis, la plus grande puissance au monde, incite la population à la
ménager? Le parc des Laurentides est un musée naturel. C'est donc
dire qu'il constitue un endroit de conservation et non d'exploitation.
Répondre à un besoin d'électricité,
l'exploitation de la Jacques-Cartier le permettrait pour une dizaine
d'années. Mais après? Saura-t-on répondre aux gens qui ont
besoin de plus en plus de retourner dans la nature vraie, alors que nous nous
dirigeons vers des fins de semaine de trois jours, vers une véritable
civilisation de loisirs? Nous vivons dans un siècle où le
béton remplace la verdure, où l'expropriation permet de
détruire des chefs-d'oeuvre pour faire passer des routes, etc. La nature
doit cesser de reculer car le peuple a besoin de cette aspirine plein air qui
est la solution à tous nos maux de tête et à nos
dépressions nerveuses.
Messieurs, nous ne sommes pas contre le progrès, loin de
là. Mais il faut se rappeler ceci : La personne humaine est la plus
précieuse des richesses. Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Renaud. Est-ce qu'il y a des
questions?
M. LOUBIER: M. Renaud, est-ce qu'il y a eu une réunion de
l'exécutif de la Régionale des jeunes chambres pour
rédiger le mémoire, est-ce que cela a été soumis
à l'exécutif?
M. RENAUD: M. le Président, cela a été beaucoup
plus qu'à l'exécutif. Cela a été lors du dernier
congrès régional.
La question a été étudiée en atelier et, le
dimanche, c'est parvenu à l'assemblée générale qui
a adopté une résolution avec les principaux attendus qui sont ici
et, par la suite, le mémoire a été présenté
à l'exécutif de la Régionale des jeunes chambres de
Québec, mardi de la semaine dernière.
M. LOUBIER: Très bien. Est-ce que vous avez étudié
le projet soumis par les experts de l'Hydro-Québec, quant aux aspects
touristiques récréatifs et tout cela, pour fins
d'aménagement?
M. RENAUD: Nous avons jeté un coup d'oeil, pour être
francs, assez rapide mais c'est plutôt une question de principe chez
nous, en ce sens que c'est un retour à la nature sauvage que l'on veut
et non pas une nature transformée.
M. LOUBIER: Parfait. Merci.
M. SIMARD (Richelieu): J'ai seulement une question, M. le
Président. L'association des jeunes chambres regroupe combien de membres
dans la région?
M. RENAUD: 862.
M. SIMARD (Richelieu): Merci.
M. MASSE (Arthabaska): Y a-t-il les jeunes chambres du comté de
Portneuf?
M. RENAUD: II y en a mais ce n'est pas la même régionale.
Nous allons jusqu'à Loretteville qui est le plus à l'est. On ne
va pas plus loin. C'est une autre régionale. D'ailleurs, Saint-Augustin
en fait partie.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Alors, M. Renaud, nous vous remercions beaucoup de votre
intérêt à ce problème. Nous allons maintenant
entendre le Jeune Barreau du Québec, Me Pierre Nadeau.
Jeune Barreau de Québec
M. NADEAU: Alors, au nom du Jeune Barreau de Québec, je remercie
les membres de la commission parlementaire de l'occasion qui nous est
donnée de faire valoir notre point de vue sur le projet
d'aménagement hydro-électrique de la Jacques-Cartier.
Nous réitérons notre opposition au projet
d'aménagement d'une centrale à réserve pompée sur
la Jacques-Cartier pour les raisons qui ont été maintes fois
exprimées aujourd'hui par plusieurs organismes régionaux et
particulièrement par le Comité pour la conservation de la
Jacques-Cartier. A ces raisons, déjà déterminan-
tes selon nous, nous voulons ajouter quelques arguments d'ordre plus
strictement juridique.
Tout d'abord nous croyons que le projet d'aménagement
hydro-électrique de la Jacques-Cartier, y compris les travaux
préliminaires déjà effectués, dérogent
à la Loi des parcs. Une décision favorable à cet
aménagement exigerait, selon nous, une modification de la Loi des
parcs.
Ceci découle des articles 6, 7 et 9 de la Loi des parcs, de
même que des règlements édictés en vertu de
l'article 9 de la Loi des parcs qui concerne le pouvoir de
réglementation. Les articles 6, 7 et 9, qui sont particuliers au parc
des Laurentides, sont à notre avis formels et ne parlent pas
d'aménagement hydro-électrique. Pourtant qu'une activité
d'une telle envergure soit absente de la Loi des parcs ne peut s'expliquer que
parce que le législateur l'a voulu ainsi. Tout le monde sait qu'on ne
peut jamais préjuger de l'oubli du législateur et sûrement
pas dans un cas pareil où, d'ailleurs, un peu plus loin dans la
même Loi des parcs, on a prévu un
téléphérique, un funiculaire pour les skieurs dans le parc
du mont Tremblant, à l'article 33, et une antenne de
télévision dans le parc du mont Orford, à l'article 54.
Alors, si on a pris la peine d'aller dans des détails semblables, dans
des aménagements qui constituent évidemment des activités
de moindre importance qu'un développement hydro-électrique,
à plus forte raison faut-il conclure que les aménagements
hydro-électriques n'ont pas été permis par le
législateur.
Il parait donc incontestable que l'aménagement
hydro-électrique n'est pas autorisé par la Loi des parcs et que
c'est seulement par voie de législation et de refonte en profondeur de
la Loi des parcs qu'on pourrait permettre l'aménagement
hydro-électrique d'une rivière située à
l'intérieur du parc des Laurentides. Et si des modifications à la
Loi des parcs sont établies, si, dans une éventuelle loi-cadre
des parcs, on remet en question certaines choses, le Jeune Barreau demande que
cette refonte ne soit pas pour permettre de tels aménagements dans le
parc des Laurentides et dans les autres parcs du Québec, mais pour les
interdire sous quelque forme que ce soit.
On pense que les législations nouvelles doivent de façon
générale tendre à la préservation de
l'environnement et ceci, à plus forte raison, dans les parcs du
Québec dont il faut protéger l'intégrité et non
permettre la dégradation, même sous prétexte de soi-disant
impératifs économiques. Alors, c'est notre premier argument. Nous
soumettons que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche a pour obligation de faire respecter la loi telle qu'elle est tant
qu'elle n'est pas modifiée et sans préjuger de quelque
modification que ce soit. Dans cette perspective, le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche doit enjoindre
1'Hydro-Québec de quitter le parc et cet ordre ne doit être
tempéré, selon nous, par aucune condition à laquelle
l'Hydro-Québec pourrait satisfaire.
Le principe selon lequel l'Hydro-Québec pourrait obtenir du
ministère du Tourisme la permission d'aménager une centrale, en
établissant qu'elle ne diminuera pas l'utilité du parc, nous
apparaît insoutenable juridiquement. La Loi des parcs n'autorisant pas la
possibilité d'un aménagement hydro-électrique dans un parc
n'a pas davantage autorisé les conditions auxquelles un
aménagement hydro-électrique pourrait être acceptable. Le
ministère du Tourisme, en se conformant à la loi, ne peut donner
une permission conditionnelle au projet de l'Hydro-Québec, mais
seulement opposer un non pur et simple, à notre avis.
Permettre le projet de l'Hydro-Québec, le projet Champigny,
à condition que l'Hydro-Québec prenne quelques moyens pour que ce
projet ne diminue pas l'utilité du parc ne fait que contourner la loi.
Cela constitue également une admission à l'effet que
l'aménagement d'une centrale diminue en soi l'utilité du parc et
que c'est seulement par des moyens artificiels qu'on pourrait remédier
quelque peu à cette situation. C'est notre premier argument basé
sur le chapitre 201 des Statuts refondus 1964, c'est-à-dire la Loi des
quatre parcs provinciaux.
Notre deuxième argument se fonde sur le chapitre 86,
c'est-à-dire la Loi de l'Hydro-Québec, loi qui constitue la
Commission hydro-électrique de Québec. Nous soumettons que
l'aménagement récréatif et touristique ne fait pas partie
des objets de l'Hydro-Québec, des pouvoirs de l'Hydro-Québec.
Alors, l'aménagement récréatif et touristique de la
Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec outrepasse les objets et les pouvoirs
de l'Hydro-Québec et exigerait encore une fois des modifications, des
amendements à la Loi de l'Hydro-Québec.
En effet, les pouvoirs de l'Hydro-Québec se limitent à la
production, l'acquisition, la vente d'énergie électrique et,
également, aux moyens destinés à lui permettre d'atteindre
ses fins par voie d'expropriation ou autrement. Il n'existe donc aucune
relation entre la production de l'électricité et le domaine de
l'aménagement des parcs. De plus, deuxième argument, ce domaine
de l'aménagement des parcs est déjà confié en
exclusivité au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche.
Or, l'Hydro-Québec vient nous promettre formellement de
dépenser 5 p.c. du coût global d'un projet de $175 millions
à des aménagement récréatifs. Et cet
après-midi, on a fait des menaces à peine voilées que,
s'il fallait déménager le projet Champigny ailleurs, cela
risquerait de coûter plus cher en tarif d'électricité.
Mais qui paiera la note pour l'aménagement
récréatif que l'Hydro-Québec se permet de faire, de
projeter dans le parc des Laurentides, sinon le consommateur
d'électricité?
Non seulement il y a conflit manifeste entre la responsabilité du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et les
ambitions de
l'Hydro-Québec, l'Hydro-Québec voulant s'accaparer de ce
qui est de la juridiction exclusive du ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche mais encore, l'Hydro-Québec nous arrive avec
un nouvel élément dans la fiscalité
québécoise. C'est-à-dire que les parcs au Québec,
du moins un d'entre eux... Le coût de certains aménagements dans
ce parc serait défrayé par les coûts
d'électricité.
Alors, le coût des aménagements récréatifs
dans une partie du parc des Laurentides serait payé par les
consommateurs d'électricité puisque les revenus de
l'Hydro-Québec lui viennent exclusivement des charges imposées
par la consommation d'électricité. Faire payer par les
consommateurs d'électricité des travaux qui, au surplus, sont du
ressort exclusif d'un ministère dont le budget doit être
voté par l'Assemblée nationale, constitue, à notre avis,
une violation et un chambardement de notre système de taxation par
l'Hydro-Québec.
Cela constituerait également une abdication par le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de ses pouvoirs
et de ses devoirs.
Nos arguments se résument donc à dire qu'il faudrait
amender en profondeur deux lois importantes, celle des parcs et celle de
l'Hydro-Québec. Cette argumentation serait évidemment
futile...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau.
M. NADEAU: Oui.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On m'avise que les législateurs sont
demandés à la Chambre verte. Je pourrais peut-être vous
donner une minute, si vous voulez.
M. NADEAU: Oui. D'accord. Alors, notre argumentation serait
évidemment futile si on se disait : II faudrait amender. Ce n'est
évidemment pas la seule raison. C'est que ces amendements seraient des
amendements en profondeur, des amendements qui chambarderaient toute
l'économie de notre loi des parcs de même que les objets de
l'Hydro-Québec. On prétend que, s'il doit y avoir les moindres
chambardements, les moindres modifications dans notre droit des parcs, cela
doit être dans un sens non pas rétrograde, mais dans un sens
favorable à l'environnement, favorable à
l'intégrité de l'environnement et à la préservation
des espaces encore disponibles. Lorsqu'il y a presque cent ans, les
législateurs...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau. Je dois suspendre.
Cela semble être plus long qu'une minute. Nous serons de retour dans
à peu près cinq minutes.
M. NADEAU: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): En bon conseiller juridique que vous
êtes...
(Suspension de la séance à 20 h 47 )
(Reprise de la séance à 20 h 55)
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Monsieur le ministre, monsieur le chef de
l'Opposition, messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs,
nous reprenons l'étude du mémoire du Jeune Barreau de
Québec. Me Nadeau.
M. NADEAU: Alors...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau, je veux revenir et
insister sur le fait qu'autant que possible l'on résume les
mémoires, si l'on veut entendre tout le monde ce soir. Il y a des gens
qui sont venus d'assez loin pour se faire entendre. J'aimerais bien leur donner
la chance et je demanderais la coopération de tous ceux qui vont
présenter des mémoires de bien vouloir, autant que possible, les
résumer. Il reste quand même que nous en avons entendu plusieurs
aujourd'hui. Ce n'est pas tout du neuf ce qui se dira dans chacun des
mémoires à venir! Me Nadeau.
M. NADEAU: En coupant au plus court, le projet d'aménagement
hydro-électrique de la Jacques-Cartier irait à l'encontre de la
Loi des parcs, selon les articles 6, 7, 9 et autres, et les règlements.
Les aménagements récréatifs, sous lesquels nous essayons
de camoufler le projet hydro-électrique, iraient, eux, à
l'encontre des objets de l'Hydro-Québec et, en plus de cela, seraient
une forme de taxation nouvelle que l'Hydro-Québec s'arrogerait.
Evidemment, il s'agit simplement d'amendements, mais c'est plus que de simples
amendements, ce sont des amendements en profondeur. C'est une refonte de notre
Loi des parcs et à une époque où l'environnement devient
une question de plus en plus urgente, cela constituerait un recul
sérieux en arrière. C'est tout, s'il y a des questions?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? Le
député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, je pense que le Jeune Barreau du
Québec...
M. NADEAU: Seulement du district judiciaire de Québec.
M. LESSARD: ... d'accord, du district judiciaire de Québec,
souligne un problème qui m'apparaït extrêmement important,
soit celui-ci: Est-ce que l'Hydro peut s'acquérir le territoire de la
Jacques-Cartier strictement par arrêté ministériel ou
est-ce que, pour cela, il faut d'abord une modification de la loi à
l'Assemblée nationale?
Vous affirmez que pour vous, étant donné les articles 6 et
7 de la Loi des parcs il faut absolument une loi qui soit adoptée
à l'Assemblée nationale, avant que l'Hydro puisse aménager
la Jacques-Cartier.
Je voudrais vous demander d'abord, si vous avez pris connaissance de ce
sujet. Je pense que c'est un problème important. C'est important si au
moins ils doivent passer devant l'Assemblée nationale; c'est
déjà un arrêt qu'on peut faire. Est-ce que vous avez pris
connaissance de l'article 38 de la Loi de l'Hydro-Québec qui dit ceci:
Les pouvoirs d'expropriation conférés par la présente loi
peuvent être exercés à l'égard de tout immeuble,
même consacré à un usage public et même non
susceptible d'expropriation d'après toute loi générale ou
spéciale autre que la loi 7, George VI, chapitre 20, etc.
Il semble, en tout cas, que pour les parlementaires et même
peut-être pour le ministre j'aimerais bien entendre la voix du
ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche à ce
sujet-là il était acquis que l'Hydro-Québec pouvait
s'approprier ce territoire-là strictement par arrêté
ministériel. Est-ce que vous pourriez un peu préciser en relation
avec l'article 38 de la Loi de l'Hydro-Québec?
M. NADEAU: L'article 38, je ne l'ai pas devant moi, doit à mon
avis s'interpréter comme concernant la propriété
privée qui peut être utilisée à des fins publiques.
Mais d'après moi, le domaine public ne peut pas s'exproprier, par
définition. Là-dessus, j'aimerais que vous entendiez mon
confrère, Lorne Giroux, qui est professeur à l'université
Laval et que je pourrais qualifier, sans en vouloir à sa modestie,
d'expert dans le domaine de l'expropriation et du droit administratif.
M. GIROUX (Lorne): En ce qui concerne le pouvoir d'expropriation de
l'Hydro-Québec, à mon avis, la réponse est non et ce,
entre autres, pour deux motifs. Le premier motif est un argument de texte en
vertu de l'article 14, alinéa 2, de la Loi de l'Hydro-Québec:
"Les biens de l'Hydro-Québec sont les biens de la Couronne". Si
l'Hydro-Québec pouvait exproprier les terrains situés dans le
parc des Laurentides, qui sont dévolus déjà à la
couronne, du chef du Québec, ce serait donc l'expropriation de la
couronne par la couronne ce qui, à mon avis, est une
impossibilité juridique. Deuxièmement, en vertu des
autorités en droit de l'expropriation, en vertu entre autres de
décisions de nos tribunaux, les biens de la couronne provinciale ne sont
pas expropriates. La couronne provinciale peut elle-même céder
certains droits sur ses propres territoires, mais ses biens ne sont pas
expropriables. Si l'Hydro-Québec pouvait exproprier des territoires
situés dans le parc des Laurentides, de la même façon il
faudrait admettre que l'Hydro-Québec pourrait exproprier la colline
parlementaire pour ses fins parce que, dans les deux cas, ses biens sont
dévolus à la couronne du chef de la province de
Québec.
M. LESSARD: Est-ce qu'à ce sujet je pourrais poser la même
question au ministre du Touris- me, de la Chasse et de-la Pêche? Est-ce
que l'interprétation que donne le Jeune Barreau du Québec serait
l'interprétation du service juridique du ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche? C'est important.
M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, premièrement, je
dois dire à cette assemblée que je ne suis pas avocat.
M. LOUBIER: Vous êtes bien chanceux.
M. SIMARD (Richelieu): Je suis très heureux de ne pas
l'être moi aussi, remarquez bien. Deuxièmement, je suis ici,je
pense bien, premièrement pour écouter justement le Jeune Barreau
de la région de Québec.
Pour ce qui a trait aux termes de la loi et aux définitions,
comme par exemple l'utilité, augmenter ou diminuer l'utilité, je
vais justement me référer aux avocats du ministère, aux
services juridiques et au ministère de la Justice pour donner cette
définition. Je pense que le but premier, le but ultime de notre
rencontre ici, c'est justement d'écouter les gens qui ont certaines
choses à dire et, à la suite de ça, je prendrai ou le
gouvernement prendra une décision, tel que je l'ai dit ce matin.
M. LESSARD: Est-ce qu'il est entendu au ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche que, dans l'éventualité où
on accorderait à l'Hydro-Québec le droit d'aménager la
Jacques-Cartier, on devra, auparavant, présenter une loi à
l'Assemblée nationale?
M. SIMARD (Richelieu): On n'est pas rendu là dans le moment.
M. LESSARD: Pas rendu là encore?
M. HOUDE (Fabre): As-tu déjà vu deux avocats
s'entendre?
M. LOUBIER: Si mon collègue du Saguenay me le permet,
l'argumentation de M. Lorne...
M. SIMARD (Richelieu): ... là, ce sont deux avocats.
M. LOUBIER: Très bien, sur le plan juridique. Maintenant, quand
on dit que l'Hydro-Québec n'a pas le droit, n'a pas les pouvoirs de
faire des aménagements, en toute déférence, mon cher
confrère, je pense qu'on charrie un peu. Parce qu'il y a des
précédents dans le passé pour des aménagements
faits par l'Hydro-Québec, il y a toujours permission de demander. Par
exemple, on a les chutes Montmorency où l'Hydro-Québec a fait un
travail fantastique pour l'éclairage, etc., on a une foule d'autres
endroits. Quand on pense ou qu'on avance qu'il faudrait une loi
spéciale, une modification à la loi actuelle, le tout est sujet
à interprétation, parce que le ministre du Tourisme, comme
tel,
a le droit d'accorder des permis d'exploitation ou d'aménagement
à l'intérieur des parcs, à la condition que ça ne
mette pas de côté ou que ça ne brise pas l'utilisation ou
la vocation des parcs. Or, encore là, c'est sujet à
interprétation. Je pense que l'Hydro-Québec peut plaider de son
côté qu'elle ait tort ou raison mais peut plaider de
son côté que, loin de diminuer l'utilité ou encore les buts
recherchés par la vocation des parcs, dans son esprit, elle
améliore l'accessibilité, elle donne une meilleure qualité
sur le plan touristique, sur le plan récréatif. Cela devient
alors sujet à interprétation. C'est le conseil des ministres qui
tranche la question. Mais de là à dire que, juridiquement, il
faudrait modifier la loi ou avoir une autre loi, je serais prêt à
retourner prendre ma toge et à plaider.
Je m'excuse, c'est le naturel qui est revenu.
M. NADEAU: Est-ce que je peux répondre?
M. SIMARD (Richelieu): Déformation professionnelle!
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Eist-ce qu'il y a d'autres questions? Je
remercia les représentants du Jeune Barreau de Québec de cette
présentation et nous entendrons maintenant la Fédération
québécoise de canot-kayak Inc. M. Leroux?
M. LEROUX: C'est moi-même, oui.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Avant de commencer, je voudrais seulement
vérifier un renseignement qu'on m'a transmis tantôt. Est-ce exact
que vous représentez les trois derniers... la Fédération
québécoise de canot-kayak, la Fédération des clubs
de montagne du Québec et l'Association des clubs de randonnées
pédestres du Québec Inc., Ski-Québec, discipline nordique;
Fédération des clubs de ski du Québec Inc.?
Fédération québécoise de
canot-kayak
M. LEROUX: M. le Président, si vous permettez, tous ces
organismes ont présenté des mémoires. Il s'agit de trois
mémoires distincts. Personnellement, je suis président de la
Fédération québécoise de canot-kayak et je suis le
propre porte-parole de la fédération. Je vais vous
présenter brièvement le mémoire que je vous ai soumis.
Toutefois, les autres fédérations qui avaient des porte-parole
pendant toute la journée d'aujourd'hui, qui venaient de Montréal,
ont dû retourner à Montréal. Si vous voulez vous-même
demander si ces fédérations ont des représentants dans la
salle, peut-être que ceux-ci pourront le faire. Sinon, je voudrai bien
répondre également aux questions concernant ces
mémoires.
M'accompagnent ici, M. Pierre Lalonde de Québec et M. Jacques
Pouliot également de
Québec, de l'université Laval. Il s'agit d'adeptes de
canotage qui s'occupent de clubs de canotage dans la région de
Québec.
La Fédération québécoise de canot-kayak
s'oppose au projet Champigny et cela depuis les tout débuts du projet
d'aménagement hydroélectrique. Nous voulons rapidement apporter
un argument bien précis concernant la valeur récréative de
la vallée Jacques-Cartier. Un des points en litige consiste à
savoir si l'aménagement hydro-électrique diminuera ou pas la
valeur de la vallée. Nous sommes en mesure de témoigner que la
valeur récréative de la vallée sera indéniablement
et irrémédiablement diminuée. La rivière
Jacques-Cartier est utilisée depuis déjà quatre ans, au
moins de façon assez intensive, par des groupes de la région de
Québec et également par des groupes de Montréal qui
viennent dans la vallée pour faire du canotage. D'ailleurs,
peut-être que vous avez reçu aujourd'hui et que vous avez
déjà devant vous ce qu'on appelle une carte-guide de
rivières. Il s'agit d'un trajet de canot sur la rivière
Jacques-Cartier qui a été préparé en collaboration
avec le club Rabaska de Québec qui est un club de canot-camping, et qui
est publié par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche. Sur cette carte on constate que le début du tracé
... Si vous voulez regarder la carte rapidement, on voit le nord non pas vers
le haut mais vers le bas, ceci afin de suivre la descente de la rivière,
en descendant la rivière. On constate que sur ce tracé de 40
milles les 20 ou 22 premiers milles de cette route de canot sont
précisément les 20 ou 22 milles affectés par le barrage
hydro-électrique. Alors, qu'est-ce qui va se produire avec ce barrage?
Ces 20 ou 22 milles de rivière accessibles à tous vont se
transformer en un lac. Alors, conclusion: il n'y a plus de rivière,
c'est un lac. On peut également faire du canot dans les lacs. Mais on
sait qu'en général les lacs sont surtout populaires auprès
de gens qui ont des embarcations un peu plus rapides ou motorisées.
L'avantage du canot, c'est de se rendre dans des régions où ces
embarcations motorisées n'ont pas accès et il s'agit
essentiellement de rivières parsemées de rapides, ce qui fait que
ces embarcations à moteur ne peuvent pas y avoir accès, si vous
voulez. Mais il reste que ce sont des rivières. Si on regarde, on voit:
Rapide, classe 2; rapide, classe 3. Il y a peut-être cinq ou six rapides
cotés sur les 20 milles. Ces rapides sont d'abord très courts en
ce qui concerne le secteur qui est ici. Il y a chaque fois des portages sur la
gauche qui sont très faciles, de sorte que ce sont des tracés, un
trajet de canot accessible à tous. Le désastre que causerait ce
barrage est d'autant plus important pour nous que ces tronçons ou ces
trajets de canot accessibles à tous sont extrêmement rares. On
déclare parfois que ce genre d'activité de plein air est
réservé à une certaine élite. Il est vrai que, si
on pousse la spécialisation ou si on pousse ses capacités
techniques assez loin, on peut devenir assez
habiles dans le passage de rapides beaucoup plus difficiles. Il y en a
ailleurs sur cette rivière.
Cependant, il s'agit ici d'un tronçon et d'autres et on
pourrait regarder dans la région de Québec accessibles
à tous parce qu'ils ne sont pas extrêmement difficiles. C'est un
tronçon de rivière accessible à tout le monde.
C'est à peu près tout ce que je voulais dire. Evidemment,
nous sommes d'accord sur ce que tous les autres organismes ont pu dire
concernant les valeurs d'ordre culturel, éducatif, biologique, physique,
sentimental ou autre. Quant à la nature unique de la vallée, cela
va sans dire également, et le fait qu'elle se trouve à
l'intérieur d'un parc, à savoir le parc des Laurentides, cela,
pour nous, est également très important. Cependant, nous avons
cru devoir insister sur ce point très précis. La valeur
récréative de la rivière Jacques-Cartier serait
irrémédiablement compromise par l'érection d'un barrage
sur la rivière.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? Le
député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: M. le Président, j'ai une question pour M. Leroux.
Cela fait suite à un article qui a paru dans un certain journal. Je
cite: "La Jacques-Cartier n'est pas praticable pour des sports comme le kayak
ou le canot ou pour tout autre genre d'activités. D'ailleurs,
l'armée a failli y perdre trois hommes dernièrement, lors
d'exercices."
M. LEROUX: Cela me fait rire, M. le député.
M. TETRAULT: Je sais qu'elle est appelée la mangeuse d'hommes.
Est-ce que vous pourriez commenter cette déclaration? D'une
manière, l'on dit que trois soldats ont manqué y perdre la vie et
vous, avec les dépliants du ministère du Tourisme, de la Chasse
et de la Pêche, publiés en 1971, vous dites que c'est une
rivière très dangereuse mais praticable. Selon votre
mémoire, c'est complètement le contraire!
M. LEROUX: Voyez-vous, sur chaque rivière, il y a des
tronçons praticables, accessibles à tous et d'autres
tronçons où il y a des chutes. Evidemment, on ne conseille pas
aux gens de s'engager dans des chutes, en canot, il y a des rapides plus
difficiles, moins difficiles et, sur une carte-guide, on indique la classe des
rapides, on indique l'existence de chutes, etc. Sur le tronçon en
question, il n'y a pas de chute. Les plus gros rapides sont des rapides moyens,
de classe trois, c'est-à-dire passables par des gens assez
habitués en canot ouvert. Autrement, ils peuvent toujours portager parce
que les rapides sont courts. Donc, pour ce qui est de ce tronçon, il
n'est pas question de noyer qui que ce soit. Pour ce qui est des gens de
l'armée, je voudrais peut-être humblement leur suggérer de
venir à nos stages de formation et nous pourrions peut-être leur
donner quelques cours d'initiation au canotage!
M. HOUDE (Fabre): Ce serait plus embêtant si c'étaient des
gars de la marine !
M. LOUBIER: C'étaient peut-être des gars de la
réserve !
M. LEROUX: Je me suis laissé dire qu'ils essayaient de franchir
la rivière en radeau, enfin.
M. HOUDE (Fabre): Oui, avec des bottines dans les pieds!
M. LEROUX: Je crois que cette affirmation est purement fantaisiste et
cette carte le prouve, à mon avis.
M. LESSARD: Trop bu d'eau! M. LEROUX: Peut-être.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le ministre des Richesses naturelles.
M. MASSE (Arthabaska): Combien la fédération
québécoise représente-t-elle de membres?
M. LEROUX: Je suis heureux que vous me posiez cette question-là,
parce qu'on nous la pose assez souvent et que c'est effectivement une question
dont la réponse est assez difficile.
La représentativité de la fédération,
à notre avis, ne se présente pas uniquement au niveau de membres,
de clubs... Je vais répondre à votre question, mais je voudrais
peut-être ajouter quelque chose. La fédération regroupe,
d'une part, des clubs de canotage, de canot-camping et de canot et kayak. Il y
a actuellement, au sein de la fédération, douze clubs. Les
membres dans chaque club, le nombre de membres varie entre 50, 100, 150, 200.
Peut-être pourrions-nous estimer le nombre total de membres de clubs
affiliés à la fédération à autour de 1,000
ou 2,000 membres. Maintenant, il reste quand même que la
fédération a un mandat du Haut-Commissariat à la Jeunesse,
aux Loisirs et aux Sports, pour développer les activités
canotage, canot-camping et canot et kayak. A ce titre, nous avons mis sur pied
des programmes d'initiation qui s'adressent, par exemple, à
l'Association des camps du Québec où il se fait
énormément de canotage. Il y a 100,000 jeunes qui passent dans
les camps de jeunes chaque été et la majorité de ces camps
offrent l'activité canotage. Les scouts également s'adressent
à nous pour obtenir de l'expertise concernant l'installation de bases,
etc. Nous pensons représenter l'activité de canotage au
Québec.
M. MASSE (Arthabaska): Mais ce n'est pas tellement le nombre de membres
de votre fédération qui m'intéresse comme le nombre
d'adeptes que l'on peut trouver au Québec, ceux qui pratiquent le canot,
mais dans des endroits aussi difficiles, par exemple.
M. LEROUX: Dans des endroits difficiles où il y a effectivement
peu de gens, mais je continue de maintenir que le tronçon de
rivière dont il s'agit ici n'est pas un tronçon difficile. Par
exemple, si je peux donner d'autres exemples, au parc La Vérendrye ou
à la réserve La Vérendrye, je ne voudrais pas soulever de
débat sur cette question, on a aménagé des routes de
canot-camping qui sont présentées sous forme de cartes-guides et
qui comportent des rapides, des portages et des passages pas plus difficiles
qu'ici. Par exemple, en 1971, il y avait 8,000 jours de canotage qui
s'étaient effectués dans ce parc.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. HARVEY (Chauveau): Dans la région métropolitaine de
Québec, est-ce qu'il y a d'autres rivières et d'autres lacs que
vous empruntez également pour ces sports, ces loisirs?
M. LEROUX: Dans la région de Québec, il y a effectivement
peu de rivières accessibles à tous. C'est un peu la
difficulté. On peut parler de la rivière Saint-Charles, par
exemple, où les problèmes d'accessibilité ne sont pas non
plus tellement résolus.
M. LESSARD: Max Gros-Louis est déjà en accusation pour
avoir fait du canotage.
M. LEROUX: Max Gros-Louis ne peut pas faire de canot sur la
rivière Saint-Charles. Nous espérons un jour pouvoir faire du
canot sur la rivière Saint-Charles. Enfin, n'entamons pas ce
débat; c'est un autre débat.
M. HARVEY (Chauveau): A l'intérieur du parc également,
dans la région métropolitaine.
M. LEROUX: Dans la région métropolitaine, on pourrait
parler de la rivière aux Ecorces qui est également dans le parc
des Laurentides. On pourrait parler d'autres rivières, mais là,
il faut aller tout de suite très loin. Par exemple, la rivière
Sainte-Anne, la rivière Batiscan, la rivière du Loup sont des
rivières qui sont à cent milles de Québec, qui offrent,
peut-être chaque fois une trentaine de milles de canotage, mais,
effectivement, un trajet de canot, disons de 20 milles, accessible à
tous est extrêmement rare.
M. HARVEY (Chauveau): En quoi un barrage pourrait-il réduire le
"thrill" des amateurs de canotage? Pourrait-il entrer en court-circuit?
M. LEROUX: II s'agit essentiellement de faire la distinction entre faire
du canot sur une rivière et faire du canot sur un lac. C'est là
qu'est essentiellement la distinction, si vous voulez. Quand vous descendez une
rivière, vous avez le sentiment de revivre un peu l'aventure canadienne
ou l'aventure québécoise. Vous êtes un peu seul avec la
nature. Entre deux rapides, vous êtes vraiment en possession de beaucoup
de choses. Si vous vous baladez sur un lac, c'est une activité
intéressante peut-être, mais qui ne présente pas le
même intérêt pour les vrais adeptes de canotage. Sur un lac,
on peut y aller à moteur, à voile. Les gens ne viendront
certainement pas de Montréal, par exemple, pour aller faire 20 milles de
canot sur le lac. Comment l'appellerait-on? Je pense qu'on n'aura pas à
lui donner un nom, mais enfin, les gens de Montréal n'iront pas sur ce
lac. Or, présentement, je suis de Montréal et je suis
déjà allé en 1971 faire la descente de la rivière
Jacques-Cartier.
M. HARVEY (Chauveau): Merci.
M. LESSARD: C'est le même "thrill" qu'entre faire de la chaloupe
à moteur et faire du canot. C'est différent.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député d'Abitibi-Est.
M.TETRAULT: M. le Président, ma question s'adresse à M.
Leroux. C'est seulement pour éclaircir une situation. Suite aux
commentaires sur d'autres rivières dangereuses, j'aimerais que vous
puissiez peut-être donner des cours gratuitement au député
de Chauveau qui a fait cette belle déclaration que les militaires
perdaient même la vie.
M. LEROUX: Cela nous fera plaisir de le recevoir lors de nos stages. Je
vous remercie, M. le Président.
M. HARVEY (Chauveau): Je pourrait peut-être, pour le
bénéfice du député d'Abitibi-Est, lui produire le
rapport de l'armée canadienne.
M. LESSARD: Est-ce que le député de Chauveau avait pris
ses informations au cabinet cette fois-ci?
M. HARVEY (Chauveau): Si cela vient du fédéral, c'est
sûr que je ne pourrai jamais vous convaincre.
M. LESSARD: Mais est-ce qu'il avait pris ses informations
auprès...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Je remercie les gens de
la Fédération québécoise du Canot-Kayak Inc. Nous
allons maintenant entendre les représentants de l'Association des parcs
nationaux et provinciaux du Canada. Est-ce que les
délégués sont ici?
Association des parcs nationaux et provinciaux du
Canada
M. ROSS: M. le Président, je m'appelle Donald Ross. Je suis
membre de l'Association
des parcs nationaux et provinciaux du Canada. Est-ce que je parle trop
haut?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Allez, allez.
M. ROSS: Et on m'a demandé de lire le résumé, en
l'absence du directeur exécutif.
The National and Provincial Parks Association of Canada appreciates
greatly the opportunity to express its views at this important public hearing.
NPPAC was incorporated under federal charter in November 1963 as an
educational, non profit organization primarily: 1.to encourage the protection
and preservation of parks having outstanding natural and/ov historic
significance; 2.to promote public appreciation and understanding of values of
these parks and the problem of maintaining them for use and enjoyment without
impairment; 3.to promote the expansion and development of national and
provincial parks systems to meet both present and future needs.
The association operates through a national office in Toronto and
provincial and regional chapters or committees in other parts of Canada. Its
present membership is approximately 2,500. Among the 28 directors of the
association, three are from the Province of Quebec.
Earlier this year, NPPAC was urged by several of its members in Quebec
to look into and take a position on the proposal by Hydro-Quebec to dam the
Jacques-Cartier river for power production purposes. On February 13th, we wrote
to Premier Bourassa expressing our concern about the proposal and urging him to
intervene to prevent it from going ahead.
We were greatly heartened, therefore, by the subsequent announcement by
the honourable Claude Simard that Hydro-Quebec would not be granted the
permission it sought to dam and flood the river valley within the Laurentides
provincial park. It is disappointing that Hydro-Quebec is deciding to press its
case in spite of Mr. Simard and the fact that every environmental argument is
against it.
Attention has already been drawn to the great potential of the
Jacques-Cartier valley in its natural state from a cultural, educational,
biological, physical and recreational point of view by prominent scientists and
conservation organizations in Quebec. Because of its outstanding natural
features and accessibility to the large and growing urban population of Quebec
City and region, the Jacques-Cartier river has been described by the Quebec
Council of Environment Inc. as a unique site.
This issue, therefore, is important not just to Quebec, but to all of
Canada. For this reason, the National and Provincial Parks Association of
Canada strongly recommends that the Government of Quebec reject entirely the
proposal of Hydro-Quebec and instead takes step immediately to develop a
management policy for the watershed that will permanently protect it and help
realize its enormous educational, scientific and recreational potential for the
benefit of this and future generations.
Respectfully submitted, Gavin Henderson, executive director, National
and Provincial Parks Association of Canada.
Thank you.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Thank you very much, Mr Ross. Are there any
questions? The member for Abitibi-East.
M. TETRAULT: Mr Ross, close enough, another environmental problem with
the James Bay project. Your association, the NPPAC, took an active part in
this. Of what is it composed, which are the members of this association and do
you usually take part in such projects that are across Canada or do you only
have taken part specifically in this Jacques-Cartier project?
M. ROSS: During the last ten years that this is taken issue on numerous
other projects and I am rather a new member in this and I am not going to put
my foot in it by quoting any special ones, but it has been one of its main
features, of course, is the promotion, the publicity of these various issues as
they come up and taking them not only in our own province but in other
provinces too to make them aware of the fight that is going on here to
encourage them in their own.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Are there any further questions?
M. DRUMMOND: Did you study Hydro's plans for the development of a park
in the interior? Personnally?
M. ROSS: Well, our organization, yes. You will get a more I would say
intelligent answer probably if you submit your question to either Dr. J.
Bédard or Gilles Lemieux. They are aware of what has been done in that
matter as well as I do.
M. DRUMMOND: You just stopped supporting them basically, on the basis of
the studies that they have made?
M. ROSS: No. I am doing this on the basis of what the society has done
itself. But, as you see, in the absence of the executive director, I am reading
the report at his request.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Any other questions? Thank you very much, Mr.
Ross.
M.HARVEY (Chauveau): In last February, you recommended to the Prime
Minister and the Cabinet to increase research about this project. What
do...
M. ROSS: Was that not the...
M.HARVEY (Chauveau): In last February.
M. ROSS: That was IFC, was it not.
M. HARVEY (Chauveau): Yes. Last February, you recommended to increase
research to obtain more explanations on rentability positions from the
Hydro-Quebec before taking position?
M. ROSS: Yes. And it was also the case of several other groups.
L'Institut des Forestiers Canadiens also. What was your question, Sir?
M. HARVEY (Chauveau): In its last position in February, APNNC
recommended to the Quebec Government to make further studies about the
rentability of the program set up by Hydro-Quebec.
M. ROSS: That was, in your opinion, a good move, was it not?
M. HARVEY (Chauveau): Yes. But did you receive any answer?
M. ROSS: I do not know.
M. HARVEY (Chauveau): No?
M. LOUBIER: In referring to the letter written by Mr. Nelson, your
president, on February 13th, did you receive an answer from the Prime
Minister?
M. ROSS: No. I do not believe we did. I may be wrong but...
M. LOUBIER: But your position was to establish an independant review
committee to hold public hearings on Hydro-Quebec's proposal.
M. ROSS: In the letter to the Premier Bourassa?
M. LOUBIER: Yes.
M. DRUMMOND: Does your association have any ideas, have any
recommendations about the operations inside provincial parks?
M. ROSS: They are certainly taking that into consideration. I have no
doubt, because it is not unique to this situation.
M. DRUMMOND: It is not unique to the situation, but nevertheless we are
talking to a certain degree about your interest into provincial, national and
federal parks.
M. ROSS: Yes.
M. DRUMMOND: ... and federal park's policy. I was just wondering if your
organization has a...
M. ROSS: Once again, I am sorry. I wish I could tell you that. I am not
at all sure. But your question concerning...
M. HARVEY (Chauveau): Is your position a personal position?
M. ROSS: My personal position?
M.HARVEY (Chauveau): Yes. Or does it include your Association? That is
the question.
M. ROSS: What is the question concerning my personal position?
M. HARVEY (Chauveau): Is your personal position including this
submission?
M. ROSS: Yes, very much.
M. HARVEY (Chauveau): Thank you.
M. TETRAULT: Is it your association's position?
M. ROSS: Yes.
M. TETRAULT: Not only a personal position.
M. ROSS: No, I fully endorse this brief.
M. LOUBIER: But you are here to represent this association?
M. ROSS: Right. M. LOUBIER: O.K.
LE PRESIDENT: (M. Kennedy): Thank you very much, Mr. Ross. Nous allons
maintenant entendre les représentants de la Fédération des
clubs de montagne du Québec. M. Denis Gravel.
Est-ce que M. Gravel est ici?
M. LEROUX: Si vous le permettez, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est M. Leroux qui est le porte-parole.
Fédération des clubs de montagne du
Québec
M. LEROUX: De nouveau, moi-même. M. Gravel est sans doute dans
l'incapacité d'être ici, de même que tout autre
porte-parole. J'ai toutefois voyagé de Montréal à
Québec avec les porte-parole de cette fédération et
essentiellement, le mémoire qu'elle soumet ressemble beaucoup au
nôtre dans son esprit. Ce que la
Fédération de clubs de montagne du Québec dit,
c'est que d'abord cette vallée appartient aux grimpeurs à cause
de son caractère unique, ses parois extraordinaires qui fusent de toutes
parts; cela appartient aux grimpeurs et elle refuse de la céder à
qui que ce soit.
Si vous permettez, je pourrais vous lire également le
mémoire. On pourrait en même temps faire d'une pierre deux coups.
Il s'agit de trois autres fédérations, effectivement, qui n'ont
pas de porte-parole non plus, je crois. Elles sont inscrites sous le
numéro 21 M. Il s'agit de l'Association des clubs de randonnée
pédestre du Québec, Ski-Québec, discipline nordique et la
Fédération des clubs de ski du Québec.
M. LESSARD: Moi, je soumettrais, M. le Président, étant
donné que cela rejoint probablement les mêmes
préoccupations que le club de montagnes, que votre association de
canotage et que nous avons reçu ces mémoires, que nous avons
je l'espère en tout cas dû en prendre
connaissance... Je pense que s'il y a certains membres qui veulent poser des
questions précises sur ces mémoires... Pour ma part, je ne sens
pas qu'on ait besoin d'en faire la lecture. Je pense bien que cela rejoint les
mêmes préoccupations que vous avez données tout à
l'heure.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je suis d'accord.
M. LESSARD: II y a d'autres groupes, d'ailleurs...
M. TETRAULT: Dans le mémoire de la Fédération des
clubs de montagne du Québec, si le projet de l'Hydro-Québec se
fait, les clubs de montagne du Québec, dans la partie qui ne sera pas
touchée par le projet de l'Hydro-Québec, est-ce que vous allez
pouvoir continuer à faire la même sorte d'activité ou si
les vraies belles montagnes sont strictement à l'endroit où
l'Hydro-Québec fait son projet?
M. LEROUX: Je pense que pour eux, pour les grimpeurs, la vallée
fait un tout, d'abord. D'autre part, il faut dire que, pour la partie qui sera
inondée, c'est-à-dire en aval du Scottora, du pont des 12 milles,
il y a là des parois que les grimpeurs utilisent assez
fréquemment qui ne seront plus accessibles parce que le fond du bassin
sera inondé et le début des parois sera, à partir de ce
moment, dans l'eau. On ne va pas faire de l'escalade en bateau. Il faudrait
faire de l'escalade en scaphandrier.
Pour ce qui est de la partie supérieure de la vallée, je
pense que les grimpeurs seront tout simplement
désintéressés de la vallée et qu'ils n'iront plus
grimper dans cette région.
M. TETRAULT: Comme présentement la totalité de leurs
activités se fait en bas où ce sera inondé pour le projet
de l'Hydro.
M. LEROUX; Non, je crois qu'il serait inexact de dire qu'ils ne grimpent
ou qu'ils ne marchent que dans cette section; ils marchent sur toute la
section, y compris les vallées intermédiaires.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Y a-t-il d'autres questions?
M. SIMARD (Richelieu): S'il vous plaît, M. le Président, je
voudrais tout simplement savoir par curiosité combien de gens au
Québec pratiquent ce sport? Approximativement, s'il vous plait.
M. LEROUX: La Fédération des clubs de montagne
prétend regrouper 8,000 membres actuellement à travers ses clubs,
qui sont à peu près une quinzaine. Il faudrait lui demander,
à elle, de le démontrer, mais je crois' que c'est à peu
près vrai.
M. SIMARD (Richelieu): Environ 8,000.
M. LEROUX: Mais encore une fois, c'est un peu la même chose que
pour la Fédération de canot-kayak, il s'agit de 8,000 membres
dans des clubs mais les gens qui marchent, qui grimpent, qui courent dans la
forêt, il y en a beaucoup plus que 8,000 et surtout il y en aura beaucoup
plus à partir de maintenant.
M. SIMARD (Richelieu): Est-ce que je pourrais vous demander, par rapport
à il y a peut-être cinq ans ou dix ans, quelle est l'augmentation
en pourcentage, si vous voulez, par année, ces dernières
années?
M. LEROUX: Je pense que les fonctionnaires du ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche doivent disposer d'excellents
chiffres sur ce genre de données. Par exemple, en ce qui concerne la
participation à des activités de canot-camping au parc La
Vérendrye, je sais que les statistiques sont assez effarantes et que la
participation double à chaque année. Il faudrait avoir
également les statistiques concernant le ski de fond, par exemple, en
hiver, dans la région de Québec; je pense que c'est assez
éloquent. Je ne dispose pas, malheureusement de chiffres exacts. On ne
nous a pas donné beaucoup de temps pour préparer nos
mémoires et notre présentation. Je pense également qu'une
fois que le bassin de la vallée de la rivière Jacques-Cartier
aura été préservé de façon
définitive, il faudra penser, pour ce genre de vallée, comme pour
d'autres sites ailleurs, à un aménagement qui permettra à
toute la famille québécoise ou à tous les gens, d'y
accéder et à ceux qui veulent avoir des activités
physiques un peu plus poussées, de le faire également dans des
sites potables. Donc, il y a des problèmes d'aménagement. Il
faudra que les fédérations de plein air soient consultées
lorsqu'on fera cet aménagement.
M. SIMARD (Richelieu): Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Leroux. Je m'excuse, encore une
fois, mesdames et messieurs, nous devons suspendre pour quelques moments. Nous
reviendrons avec le Conseil régional des loisirs de Québec.
(Suspension à 21 h 37)
Reprise de la séance à 21 h 50
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs. Nous reprenons les
travaux de la commission. Cette fois, nous entendrons le Conseil
régional des loisirs de Québec, représenté par M.
Michel Fleury, directeur général.
Dépôt de documents
M. HARVEY (Chauveau): A la suite de l'audition du Comité pour la
conservation de la Jacques-Cartier et des questions qui ont suivi, j'avais
promis de déposer un rapport concernant la signature des maires de la
région de la Communauté urbaine de Québec, dans lequel il
est question de l'aménagement. Alors, je le dépose pour les
membres de la commission.
M. TETRAULT: Est-ce que c'est un rapport?
M. HARVEY (Chauveau): Non, je n'ai pas parlé de rapport, c'est un
document signé par les maires.
M. TETRAULT: Sur le dépôt de document que le
député de Chauveau veut faire, est-ce que c'est le document dont
on a parlé ce matin avec...
M. HARVEY (Chauveau): C'est celui dont moi j'ai parlé.
M. TETRAULT: Dont vous parlez, "on" exclut la personne qui parle, en
français. Donc, c'est la signature des maires. C'est ce document?
M. HARVEY (Chauveau): Je vais vous en lire un extrait, si vous voulez,
mais je pense...
M. TETRAULT: On en prendra connaissance.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Prenez-en connaissance.
M. TETRAULT: M. le Président, j'aimerais déposer un
contre-document, signé par les mêmes maires sur la même
motion, qui accepte exactement ce que le comité pour la défense
de la Jacques-Cartier a cité ce matin.
M. HARVEY (Chauveau): Je suis d'accord pour que vous le
déposiez.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... au registre et si les membres, les
opinants intéressés, désirent en avoir des copies, nous
pourrons, d'ici la fin de la séance, en faire faire des photocopies.
M. LESSARD: M. le Président, les gens de ma région ne
m'ont rien dit et ne m'ont rien
donné. Ils ne m'ont pas donné de
représentativité pour parler à leur place.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous procédons.
M. LOUBIER: Excusez-moi, dans quel but le député...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... il avait été entendu ce
matin que...
M. HARVEY (Chauveau): Ce matin, lorsqu'on a relevé une phrase
énoncée dans le mémoire présenté par le
comité de la Jacques-Cartier, il était dit qu'ils ont
également demandé que la Jacques-Cartier ne soit pas l'objet d'un
aménagement récréatif quelconque, ainsi de suite. Alors,
sur le document que vous avez, on dit que la vallée de la
Jacques-Cartier représente effectivement un endroit où il est
possible de faire de l'aménagement récréatif. C'est cette
assurance qu'ils voulaient avoir. Dans l'autre document, il s'agit de faire
entendre les parties qui s'opposent et les parties qui... Les maires de la
région de Québec ne sont pas...
M. LOUBIER: Sur un point de règlement, M. le Président. Ce
sont les mêmes documents qui sont déposés des deux
côtés.
M. HARVEY (Chauveau): Ce n'est pas la même tête de chapitre,
si vous voulez.
M. TETRAULT: C'est la même chose. M. LOUBIER: C'est la même
chose.
M. HARVEY (Chauveau): C'est la même chose. Ce n'est pas moi qui ai
amené la confusion, M. le Président.
M. TETRAULT: II y a confusion entre ce que vous avez dit et ce qui est
écrit.
M. HARVEY (Chauveau): Vous n'avez qu'à lire les
débats.
M. TETRAULT: Vous avez été mal cité.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous avons convenu ce
matin que ce document serait mis à la disposition des opinants.
M. LOUBIER: Question de privilège, je ne voudrais pas qu'on ait
l'impression, dans le public, que les maires se sont contredits. Ils
manifestent leur inquiétude, point. Ils insistent, dans un paragraphe,
sur l'importance de conserver l'intégrité des parcs. Par
ailleurs, il y a un autre paragraphe où il est question que, si ce
projet... Tout est au conditionnel. Il n'y a pas de contradiction entre les
déclarations des maires.
M. HARVEY (Chauveau): II est déposé parce que, ce matin,
quelqu'un a semblé vouloir en faire de la contradiction. Alors, j'ai
déposé le document à titre d'information.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous reprenons les
auditions avec le Conseil régional des loisirs de Québec.
Conseil régional des loisirs de
Québec
M. FLEURY: M. le Président, MM. les membres de la commission,
après avoir entendu, toute la journée, des organismes et des
individus qui sont venus présenter leurs propos, c'est un peu du
réchauffé que je vais essayer de vous livrer. Mais vous me
permettrez, étant mandaté par mon organisme, de vous le livrer en
toute honnêteté.
D'abord, un mot sur le Conseil régional des loisirs de
Québec, ce que c'est. Le Conseil régional des loisirs est un
organisme privé, à but non lucratif, qui obtient, pour subsister,
des moyens financiers de la part du Haut-Commissariat et d'autres organismes.
Le conseil régional a pour tâche c'est voulu par ses
membres d'aider les organismes dans leur développement afin de
rendre accessible à la population du territoire de la région 3
tout le secteur de la récréation.
Quand on parle du territoire de la région 3, on parle du
territoire de la région administrative no 3 moins le territoire de la
régionale scolaire du Grand Portage. Vous comprendrez qu'il est de
l'intérêt des organismes de loisirs et du conseil régional
de vouloir garder les espaces accessibles à la population,
peut-être pas pour demain matin, mais pour après-demain. Or, pour
la journée...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. Fleury, est-ce que ce serait trop vous
demander de vous limiter à lire les conclusions? Je crois que, dans
votre mémoire, vous avez des recommandations ou des conclusions
précises. Est-ce qu'on pourrait se contenter de ça, comme vous
l'avez mentionné tantôt?
M. FLEURY: J'étais rendu là.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans ce que vous avez à dire, il n'y a
peut-être pas tellement de nouveau ou vous endossez plutôt les
mémoires que nous avons entendus antérieurement?
M. FLEURY: On endosse les mémoires qui ont évidemment
été présentés antérieurement mais on tient
quand même à rappeler que des sites récréatifs dans
la région de Québec il y en a, mais celui de la Jacques-Cartier
est particulier. On a fait valoir dans d'autres mémoires que ce site sur
le plan touristique, par exemple, ou simplement sur le plan
géomorphologique, était unique. Là-dessus, on dit et on
recommande à la commission:
Que la vallée de la Jacques-Cartier soit immédiatement
protégée et conservée intégralement, à tout
prix, à son état naturel avec des possibilités
récréatives qui ne viennent en aucune façon altérer
ces lieux.
Que ce territoire soit développé avec une orientation de
conservation, de récréation de plein air, au plus grand avantage
de toutes les classes de la population du Québec métropolitain,
et ceci en tenant compte des multiples facteurs qu'il faudrait respecter, entre
autres, la beauté du site, son aspect écologique.
Que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités à
cet égard quant à la conservation intégrale du patrimoine
québécois sans accepter de compromis avec
l'Hydro-Québec.
Il y a, dans notre mémoire, un deuxième aspect qui se veut
succinct. Il y a une question de respect de loi. On a fait état, au
cours de la journée, du fait que la province de Québec a des lois
concernant les parcs et notre mémoire est à cet effet. Si on se
retourne vers nos confrères américains, où j'ai eu le
plaisir de faire un voyage qui fut fort instructif, où j'ai appris,
entre autres, que dans un parc national américain, pour couper un arbre,
cela prenait une permission écrite du gouverneur de l'Etat, bien, je me
dis: Ici, au Québec, on n'est peut-être pas rendu encore
là. Mais il reste que c'est une richesse naturelle qui sera sans doute
monnayable aux Américains d'ici peu de temps, si on pense que les
préoccupations des grandes villes de la côte est américaine
sont de faire respirer leur monde et de leur faire boire de l'eau pure.
Ceci dit, on prie instamment le conseil des ministres de n'abroger
d'aucune façon la Loi des parcs provinciaux, section 1, en vue de
permettre à l'Hydro-Québec l'exploitation d'une centrale
électrique et les conséquences qui en découlent.
On suggère au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche que cette loi, section 1, soit respectée.
On suggère au ministère des Terres et Forêts que les
terrains de la vallée supérieure de la Jacques-Cartier,
situés en dehors des limites du parc, restent propriétés
de la couronne.
Dans notre mémoire, quant aux aspects futurs, on n'a
évidemment pas les données nécessaires aujourd'hui sur les
besoins, par exemple, des agglomérations urbaines. Je pense à la
région de Québec qui va doubler de population d'ici trente ans.
Est-ce qu'on a les études nécessaires pour se prononcer?
M. Lemieux, ce matin, faisait état que 85 p.c. des gens, qui ont
des activités de récréation, circulent en voiture et
admirent des sites. Peut-être que, dans vingt ans, ces besoins seront
dépassés parce que probablement on n'aura plus d'espace sur les
routes pour circuler ou on n'aura peut-être plus d'essence à
mettre dans les voitures. De toute façon, à ce moment, il s'agira
de trouver des moyens. Mais quant aux besoins futurs des agglomérations
urbaines qui entourent la région spécifique de Québec,
c'est un point d'interrogation. Deuxièmement, si on pouvait mettre des
chiffres quant à l'apport économique de l'aménagement
touristique de la vallée de la Jacques-Cartier, on serait
peut-être en mesure de prendre une décision plus
éclairée. Est-ce qu'il sera plus avantageux de conserver ce site
pour permettre aux touristes d'aller le voir et de fournir, de ce fait, un
apport économique à la région de Québec, tout en
espérant que ce soit fructueux.
Ceci tout simplement pour dire qu'il y a des gens qui font des milliers
de milles pour voir à Sainte-Anne-de-Beaupré. Je ne verrais pas
pourquoi des gens ne viendraient pas voir un site unique qui peut se comparer
au Grand Canyon aux Etats-Unis.
Dans ce sens, que des études approfondies soient faites sur
l'utilisation rationnelle des terrains de la vallée supérieure de
la Jacques-Cartier et ceci pour le mieux-être de la population
métropolitaine. Que l'Hydro-Québec, malgré ses besoins en
termes d'énergie, en arrive à d'autres solutions qui ne viennent
pas à l'encon-tre de la conservation de cette richesse naturelle, unique
et inviolable située à proximité de l'agglomération
urbaine du Québec métropolitain. Que le ministère du
Tourisme, service des parcs, entreprenne une étude approfondie sur
l'aménagement de ce secteur du parc dans le but de déboucher sur
une contrepartie objective à la proposition de l'Hydro-Québec sur
son projet de l'aménagement dit récréatif qui n'est en
réalité qu'une façon de tromper la population et de
détruire une partie de notre héritage naturel et socio-culturel
des Québécois.
Quant à l'Hydro-Québec, elle-même, on comprend que
l'Hydro-Québec a besoin d'électricité à des heures
de pointe et, dans ce sens, on n'est pas contre le fait qu'il y ait des
aménagements hydro-électriques, que ce soient des turbines
à gaz, que ce soit un barrage, mais pas sur la Jacques-Cartier. Et dans
ce sens, on suggère à l'Hydro-Québec de penser que des
vallées comme celle de la Jacques-Cartier ne se trouvent pas à
toutes les intersections des routes dans la périphérie de
Québec, qu'en détruisant ce site, on détruit l'une de nos
richesses naturelles régionales permanentes au détriment d'une
valeur temporaire. C'est un héritage socio-culturel qu'il faut
conserver. Il n'y a aucune solution de compromis avec cette vallée. Il y
a sûrement d'autres sites propices à l'énergie
électrique ou d'autres solutions, sans pour autant affecter nos
richesses naturelles d'ordre socio-culturel et même économique, si
on touche à l'aspect touristique.
Et enfin, là-dessus, c'est une question de principe, on demande
qu'une nouvelle loi, claire et précise, concernant les parcs
provinciaux, soit votée au plus tôt au niveau de
l'Assemblée nationale afin d'éviter ainsi le danger des sangsues
parapubliques ou privées qui tenteraient d'exploiter les faiblesses de
la loi actuelle des parcs nationaux au détriment de la population
québécoise. Pour sortir de ce contexte,
pour donner simplement des exemples, que l'on pense à Place
Mérici, qui n'est pas loin du parc des Champs de bataille, que l'on
pense à l'hôtel qui est tout près d'ici, qui va profiter de
l'espace vert pour des intérêts bien privés. Or, c'est ce
qui résume la position du Conseil régional des loisirs de
Québec.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Fleury. Est-ce qu'il y a des
questions?
M. TETRAULT: M. Fleury, présentement, ce que l'on peut se
demander avec votre rapport, c'est que vous pensez qu'à l'heure
actuelle, dans une deuxième ceinture verte autour de la province de
Québec, vous allez manquer d'espaces verts à l'avenir. Est-ce que
c'est comme cela que l'on peut résumer un peu, qu'il faut tout garder ce
que l'on a?
M. FLEURY: Ecoutez, je dois bien vous avouer que l'on n'est pas
allé dans les moindres détails dans notre étude. On s'est
arrêté à une position de principe et sur une approche assez
empirique, n'ayant pas les moyens d'aller plus loin, mais étant avec la
population et étant avec la population intéressée au
secteur du loisir d'une part et regardant ce qui se passe ailleurs, il nous
appert, en tout cas, pour un aspect qui est celui des espaces verts, qu'il est
important de conserver cette vallée mais aussi sur le plan touristique,
parce que, cette vallée, elle est unique. Si on pouvait mettre un
contrepoids à ces deux aspects, on dirait que l'aspect touristique,
l'aspect économique de ce site, je pense, vaut toutes les argumentations
quant à l'accessibilité sur le plan de la
récréation.
M. LESSARD: Même si l'on avait en quantité, dans la
région de Québec, des espaces verts et étant donné
ce site unique de la vallée de la Jacques-Cartier, vous seriez quand
même contre le fait de perdre ce site exceptionnel.
M. FLEURY: Evidemment, on serait contre.
M. LESSARD: Ce n'est pas une question de quantité, c'est une
question de qualité.
M. FLEURY: Exactement.
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, dans votre optique,
est-ce qu'il s'agit d'ouvrir le parc ou cette vallée au grand public ou
si c'est plutôt d'accès limité?
M. FLEURY: C'est en fait utiliser le parc d'une façon rationnelle
en parlant d'un zonage approprié qui permettrait, en particulier
à cette région de la vallée de la Jacques-Cartier, d'avoir
une vocation particulière et qui s'insérerait dans l'ensemble de
tout le parc, qui pourrait avoir d'autres vocations à d'autres endroits.
Ce n'est pas pour autant ouvrir le parc. Il s'agit de rendre accessible au
moins cette partie du parc qui nous apparaît comme étant unique,
et inutile de revenir sur l'argumentation qui a prévalu toute la
journée.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, il n'y a pas d'autres questions?
M. SIMARD (Richelieu): Une dernière question, si vous me
permettez, M. le Président. J'ai cru entendre tout à l'heure, de
votre part, que les parcs nationaux allaient au détriment des touristes
québécois. Est-ce que vous pourriez en parler davantage?
M. FLEURY: Est-ce que vous pourriez répéter votre
question?
M. SIMARD (Richelieu): Vous avez dit, je pense, tout à l'heure
enfin, c'est ce que j'ai compris, j'ai peut-être mal compris
que les parcs nationaux allaient au détriment des touristes
québécois.
M. FLEURY: Je n'ai pas dit... Je ne le sais pas...
M. SIMARD (Richelieu): Vous vouliez peut-être dire les parcs
provinciaux.
M. FLEURY: Je ne pense pas avoir dit que les parcs allaient au
détriment du tourisme québécois. En tout cas, ce que j'ai
dit, en fait, c'est qu'on a des parcs, ils sont de plus en plus accessibles, si
on pense à la motoneige, si on pense au ski de fond, dans les
réserves comme celles du parc des Laurentides. Mais il faut, je pense,
rendre encore plus accessible, dans des secteurs bien donnés, avec un
bon contrôle, le parc à d'autres aspects intéressants.
M. SIMARD (Richelieu): D'accord.
M. FLEURY: C'est un début, en fait. Si on se réfère
à une argumentation d'aujourd'hui je ne me souviens plus qui
où on disait que la Loi des parcs remonte à je ne
le sais pas peut-être cinquante ans ou cent ans, c'est
évident qu'aujourd'hui, ça n'a plus la même signification
que ça avait il y a cent ans. Mais la question est toute là:
Quelle signification cela aura-t-il dans cinquante ans d'ici? Et c'est
là que c'est important à considérer, je pense.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, nous vous remercions M. Fleury.
M. FLEURY: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est maintenant au Casting Club de
Québec, M. Phil Leduc.
Casting club de Québec
M. LEDUC (Phil): M. le Président, messieurs les membres de la
commission, le Casting Club de Québec a été fondé
il y a 31 ans et est composé de pêcheurs, de chasseurs, amants
de
la belle nature. Maintenant, nous avons une revue qui s'appelle
l'Appât dans laquelle nous publions des chroniques ou des articles qui,
habituellement, sont composés par des membres de notre organisme.
Lors d'une assemblée régulière des membres du
bureau de direction, le projet de la Jacques-Cartier, le projet Champigny est
venu sur le tapis. Alors, unanimement, les membres ont voté de combattre
ce projet et d'appuyer le Comité pour la conservation de la
Jacques-Cartier. L'éditorial que vous avez reçu est
l'éditorial qui a été publié dans l'Appât du
mois de janvier 1972. Si vous voulez que je le lise, je l'ai ici. Mais
probablement que, pour gagner du temps, on n'est pas obligé de le lire.
C'est une opinion qui a été émise par un conseil, c'est
une opinion qui représente l'idée d'environ mille membres. Nous
sommes tous de la région de Québec et nous profitons des espaces
verts qu'il reste. On a parlé aujourd'hui de la rivière
Saint-Charles, j'appellerais ça plutôt le canal Saint-Charles de
la manière qu'ils l'ont aménagée ! Est-ce qu'on ferait la
même chose avec la rivière Jacques-Cartier? Je ne suis pas un
biologiste, je ne suis pas un ingénieur, je suis un amant de la belle
nature et je prétends que nous pouvons laisser la nature de cette
rivière telle qu'elle est puisqu'il a été prouvé
que d'autres sites peuvent être aménagés par
l'HydroQuébec. Je crois que la seule bonne chose que
l'Hydro-Québec a faite dans l'histoire de la Jacques-Cartier, c'est de
faire connaître cette belle rivière.
On la connaissait à Québec, la rivière. Nous, du
Casting, on l'a fréquentée mais, par contre, les étrangers
ne la connaissaient pas et merci à l'Hydro-Québec: aujourd'hui,
cette belle rivière est connue. On va avoir de plus en plus de touristes
qui vont venir la visiter et si, dans cinq ans, la commission se
présente encore, on pourra dire qu'au lieu d'avoir 3,000 ou 4,000
personnes qui fréquentent cette rivière, on en aura
peut-être 20,000 et ce sera merci à l'Hydro-Québec. Parce
que je ne crois pas que l'Hydro-Québec ait la permission, que messieurs
les députés vous donniez la permission à
l'Hydro-Québec d'empiéter sur le territoire qui appartient aux
amants de la belle nature.
M. HOUDE (Fabre): Ils seront 20,012.
M. LEDUC (Phil): 20,012? Merci, monsieur.
M. DRUMMOND: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question? Est-ce que vous pouvez parler pour vos membres en disant qu'ils
seraient prêts à payer plus cher pour l'électricité
si l'Hydro-Québec trouvait un autre site?
M. LEDUC (Phil): Je crois que, puisque nous nous sommes acheté
des canots, des cannes à pêche, des fusils et toutes sortes de
choses pour pratiquer les sports de plein air, on serait certainement en moyen
de payer un peu plus cher pour l'électricité. Mais
l'électricité... Vous savez, quand on va dans ces coins, on se
contente d'un petit fanal, nous. On n'en a pas besoin, de cette
électricité.
M. LESSARD: Avec de l'huile à mouche.
M. LEDUC (Phil): Avec de l'huile à mouche, peut-être.
M. LESSARD: Ou des mouches à feu.
M. LEDUC (Phil): On prend des mouches à feu.
M. LESSARD: Mais cela n'a pas été prouvé, ce que le
ministre...
M. DRUMMOND: Je pose seulement la question par principe parce que cela,
c'est la grande question d'une façon ou d'une autre.
M. LESSARD: Oui, d'accord.
M. DRUMMOND: Si cela coûtait plus cher, il faut juger les
conséquences. Cela devient une décision sociale.
M. LESSARD: II s'agit justement que l'Hydro-Québec...
M. DRUMMOND: Non, non, d'accord. Je n'entre pas là-dedans, mais
c'est peut-être la question primordiale d'une certaine façon. Si
on veut sauver quelque chose, il faut peut-être payer pour. Mais ce n'est
pas l'idée de payer pour...
M. LESSARD: II s'agit d'évaluer aussi, comme le disait le
député de Fabre, ce que vaut la Jacques-Cartier au point de vue
du tourisme et ce que sera l'augmentation, si augmentation il y a, du taux
d'électricité, si l'Hydro-Québec n'aménage pas la
Jacques-Cartier.
M. DRUMMOND: Mais même avec l'Hydro-Québec, la question du
tourisme...
M. LEDUC (Phil): M. le Président, je n'avais pas fini mon
exposé.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On ne vous avait pas enlevé la parole,
non plus.
M. LEDUC (Phil): Pardon?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On ne vous a pas enlevé le droit de
parole.
M. LEDUC (Phil): C'est-à-dire qu'il y en a qui m'ont posé
des questions avant que j'aie terminé. Le Casting Club ne s'oppose pas
seulement à l'aménagement de la Jacques-Cartier, mais
également au principe d'aller dans les parcs. Les parcs, à notre
idée, c'est inviolable.
Et si l'Hydro-Québec a la permission d'aller, premièrement
dans le parcdes Laurentides par la voie d'en arrière, par la
rivière Jacques-Cartier, dans dix ou cinq ans, on dira qu'on va aller
à la rivière des Ecorces et à d'autres rivières; on
ira ensuite dans le parc de La Vérendrye et dans tous les parcs.
C'est un privilège qu'on va leur donner. Il ne faut pas! On en a
perdu pas mal de privilèges jusqu'à maintenant. Je sais bien que,
l'an dernier, je suis allé dans le parc. L'Hydro-Québec
était passée sur un lac et avait laissé sur le bord assez
de déchets comprenant des poutres, des boulons, des écrous et
ainsi de suite. C'était de la pollution. Il y a un ministre de
l'environnement qui y voit. Je peux le rencontrer, le ministre de
l'environnement, et lui dire exactement à quel endroit il trouvera tous
ces déchets qui ont été laissés par
l'Hydro-Québec. Des barils de boulons et des barils d'écrous qui
sont payés à même les deniers... Peut-être que cela
va faire augmenter l'électricité, ce qu'on laisse dans les parcs.
Cela se peut. On peut ramasser ces choses et les utiliser ailleurs. C'est
tout.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions pour M.
Leduc?
M. LOUBIER: Pour résumer, M. Leduc, vous signalez à
l'attention de tous les membres...
M. LEDUC (Phil): Je suis contre!
M. LOUBIER: ... que vous êtes férocement contre...
M. LEDUC (Phil): Oui!
M. LOUBIER: ... mais en vous basant sur le principe de
l'inviolabilité des parcs. Deuxièmement, vous prétendez
également que c'est un site unique, etc.
Quant à la question posée par mon ami le
député de Westmount, quant au coût de
l'électricité, vous avez été prudent, mais cette
question n'a jamais été soulevée, je pense ici, sauf
peut-être par le président de l'Hydro-Québec, mais d'une
façon très rapide.
M. LEDUC (Phil): Je crois que même si l'aménagement de la
rivière Jacques-Cartier n'est pas fait, si l'Hydro-Québec
décide un jour d'augmenter le coût de l'électricité,
elle va peut-être utiliser cet argument: Si vous nous aviez laissé
construire le barrage de la rivière Jacques-Cartier, le coût de
l'électricité n'augmenterait pas. Je ne pense pas que cela
pèse beaucoup dans la balance.
M. LESSARD: On vient de l'augmenter.
M. TETRAULT: On ne nous a pas demandé si on était pour ou
contre.
M. MASSE (Arthabaska): M. Leduc, je pense que, si vous aviez
été ici à la séance de la commission des richesses
naturelles, pour étudier l'augmentation des tarifs, ou plutôt,
excusez, entendre la version de l'Hydro-Québec sur la Jacques-Cartier,
on aurait vu que les choix ne sont pas si étendus que cela, et qu'en
termes de coût par kilowatt, croyant les dires de l'Hydro-Québec,
c'était, actuellement, le site qui était le moins dispendieux par
kilowatt.
C'est pour cela que le ministre des Terres et Forêts a
soulevé cette question tout à l'heure.
M. LESSARD: Une question qui me préoccupe est celle
soulevée par le ministre des Richesses naturelles. S'il est réel
que, lors de la commission parlementaire pour étudier l'augmentation des
tarifs de l'Hydro-Québec, l'Hydro-Québec a présenté
des chiffres en ce qui concerne, par exemple, des sites alternatifs, je
voudrais bien les voir à cette commission, pas des chiffres
lancés en l'air, des chiffres réels. Si ces chiffres existent,
que l'Hydro-Québec les dépose. Lors de la séance du 3 mai,
l'autre jour, j'ai demandé à maintes et maintes reprises à
l'Hydro-Québec de me donner ces chiffres. L'Hydro-Québec refuse
encore de nous les donner. Si l'Hydro-Québec les a, de grâce,
qu'elle les sorte, parce que, comme le dit le ministre, c'est une question qui
est fondamentale. Alors on pourra savoir combien cela coûtera pour
conserver la Jacques-Cartier par rapport à l'aménagement d'un
autre site. Après cela, il nous appartiendra de prendre la
décision.
M. LOUBIER: Pour ajouter à ce que vient de dire le
député de Saguenay, est-ce que le ministre lui-même est en
position de nous donner la sélection faite des différents sites,
parce qu'on a mentionné l'autre jour qu'il y avait une différence
entre $185 millions et $300 millions ou quelque chose comme cela? Mais on n'a
pas spécifié s'il y aurait un autre site que l'on pourrait
aménager pour fins hydro-électriques et qui coûterait,
supposons, $197 millions, un autre, $218 millions ou si c'est un chiffre comme
cela qu'on a donné. Parce qu'on a dû se baser sur quelque chose
pour arriver à dire que celui-là, c'est $185 millions et que cela
pourrait aller chercher $300 millions. Mais si on n'a pas la localisation de
ces sites et qu'on n'a pas ce chiffre précis pour chacun, comment
voulez-vous que nous soyons en mesure, nous, les membres de la commission et le
public en général, d'apprécier véritablement cet
argument que l'on a présenté?
M. MASSE (Arthabaska): Je pense qu'à cette commission
parlementaire le député de Saguenay et moi-même avons
demandé cette liste comparée. Je pense qu'on pourra probablement
entendre les représentants de l'Hydro-Québec et leur poser
à nouveau la question. Mais pour revenir aux affirmations du
député de Saguenay, il sait très bien que
l'électricité de pointe dont nous avons besoin au Québec
est pour 1979. Je me base sur les affirmations de
l'Hydro-Québec à la dernière séance de la
commission parlementaire, que c'est le seul projet, actuellement, dont les
études sont suffisamment avancées, par rapport aux autres sites
aménageables, je me base sur cela pour l'affirmation de tout à
l'heure, que d'ici à 1979 je ne prends pas position si la
Jacques-Cartier n'est pas aménagée, il faudra trouver une forme
de production d'électricité autre que les centrales à
réserve pompée, selon ce que j'ai compris lors de la
dernière séance de la commission parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderais aux membres de la commission
de peut-être attendre que les gens de l'Hydro-Québec se
présentent j'espère que nous pourrons les entendre
pour parler de ces questions de tarif qui leur seront soumises.
M. LEDUC (Phil): Pour terminer, vu le geste utile de
l'Hydro-Québec de faire connaître la Jacques-Cartier, de
grâce, qu'on nous laisse la Jacques-Cartier! Après l'avoir fait
connaître au public, on ne peut pas la lui enlever.
Au moins, attendez dix autres années pour qu'ils y goûtent
comme il le faut. Je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On vous remercie M. Leduc. Je fais maintenant
appel à la Société linnéenne de Québec Inc.,
dont M. Jean-Guy Fréchette est le président.
Société linnéenne de Québec
M.FRECHETTE: M. le Président, MM. les membres de la commission,
si vous voulez me permettre de faire court, je pense que la meilleure
façon est de lire le mémoire, qui est relativement succinct. Je
m'excuse car il est tard, mais tout de même si vous m'en donnez
l'occasion, je voudrais le communiquer à cette commission.
J'ai l'honneur et simultanément le grave devoir...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ne pour-riez-vous pas nous faire un
résumé? D'abord quels sont les buts de votre
société? A la suite de cela, vous formulerez des objections
précises en quelques mots, parce que je voudrais bien que tous les gens
aient l'opportunité de se faire entendre.
M.FRECHETTE: Voici, M. le Président, c'est que dans le
mémoire que j'ai soumis à la commission, j'expose de façon
assez succincte les objectifs des sociétés que je
représente, soit la Société linnéenne de
Québec et la Société zoologique de Québec. Si vous
me le permettez, vous n'êtes pas sans savoir que les deux
sociétés que je représente ici se consacrent depuis
plusieurs années, de façon bénévole, à la
diffusion des sciences naturelles et à une meilleure connaissance de
l'environnement auprès de la population de la région de
Québec. Par les visites-écoles et par les visites avec moniteurs
à l'Aquarium de Québec et au Jardin zoologique, nos
sociétés rejoignent des milliers de jeunes et d'adultes chaque
année. Par les conférences publiques de la Linnéenne, des
centaines de personnes viennent, cinq ou six fois l'an, d'octobre à
avril, entendre parler de la nature et de l'environnement. Par les excursions
occasionnelles organisées par chacune de ces sociétés, la
population de la région de Québec est invitée à
découvrir et à connaître les merveilles de l'environnement
québécois. Au moyen de bourses d'étude, les deux
sociétés permettent le perfectionnement d'universitaires ou
encore, la découverte, par les jeunes, des merveilles de la nature dans
les camps de vacances pour jeunes écologistes, jeunes explorateurs et
jeunes biologistes. Si la population de la région de Québec est
de plus en plus éveillée à la nature et à
l'environnement, la Société linnéenne et la
Société zoologique y sont pour quelque chose: l'une et l'autre
oeuvrent dans la région de Québec depuis plus de 30 ans.
Pour nos deux sociétés de sciences naturelles, que
signifient l'aménagement et l'utilisation de la vallée de la
rivière Jacques-Cartier?
La mise en valeur du potentiel culturel et récréatif de la
vallée de la rivière Jacques-Cartier, à son état
naturel, permettra la poursuite de la tâche d'éducation que
réalisent nos sociétés auprès de la population de
Québec. Nous lui montrons, à l'Aquarium de Québec et au
Jardin zoologique, ce qu'offre la nature et la population pourra ensuite aller
voir vivre toute cette nature dans un environnement enchanteur et unique. Que
ce soit par le biais d'une excursion en famille, de quelques observations bien
faites, de quelques heures de pêche en rivière ou au moyen d'une
escalade des falaises, le citoyen de Québec prendra contact de
façon directe et personnelle avec la nature: c'est la seule et unique
façon de la connaître et de la respecter.
La mise en valeur du site naturel de la vallée de la
rivière Jacques-Cartier permettra à la population de la
région de Québec de retrouver la nature sous son visage
laurentien, en un endroit qui ne sera pas surchargé comme le sont
déjà tous les centres récréatifs de plein air qu'on
vient d'ouvrir autour de Québec: parc du mont Sainte-Anne, centres de
ski de fond et de raquette de Duchesnay et du camp Mercier. Les
aménagements de ce type ne sont consentis que lorsque l'Etat ne peut
plus résister aux pressions du public; en conséquence, ces
centres sont surchargés dès leur ouverture et demeurent ainsi
jusqu'à leur dégradation complète.
La mise en valeur de la vallée de la rivière
Jacques-Cartier, à son état naturel, est devenue une
nécessité qui ne s'appuie pas sur le seul plan de la subsistance,
mais bien plus sur le besoin profond de l'homme de se rapprocher de la nature,
de la mieux connaître, d'y reposer son
esprit et son corps. Le travail d'éducation que font nos
sociétés depuis plus de 30 ans serait vain si l'homme, à
qui l'on apprend à connaître la nature, ne peut atteindre les
meilleurs sites naturels et ne peut profiter de ces beautés grandioses
pour se revaloriser physiquement et moralement.
Pour la population du Québec et plus particulièrement pour
la population de la région de Québec, la vallée de la
rivière Jacques-Cartier constitue: un lieu de détente, de culture
et de revalorisation de la personne humaine; un lieu d'apprentissage des voies
de la nature pour tous les citoyens qui fréquenteront ce haut-lieu de
l'environnement; un milieu propice à la réflexion et à la
prise de conscience sur le sens de l'environnement et le devoir qu'a chaque
citoyen de respecter cette nature qui soutient la vie.
Pour l'Amérique du Nord, la vallée de la rivière
Jacques-Cartier est un monument de la nature, un lieu unique où la
nature s'est plu à déployer ses procédés les plus
puissants, géo-morphisme, glaciation, boisement de pentes abruptes,
cycle hydrologique; un sanctuaire où prolifèrent des
communautés végétales à nulle autre pareille; un
habitat riche en faune ailée, terrestre et aquatique; un
écosystème dont l'équilibre et l'harmonie doivent demeurer
pour l'homme un témoignage et un exemple de sagesse et de prudence.
Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres aussi valables que
nombreuses, la Société lin-néenne de Québec et la
Société zoologique de Québec demandent, avec toute
l'énergie et la conviction de leurs membres, que le gouvernement du
Québec aménage la vallée de la rivière
Jacques-Cartier pour répondre aux besoins culturels et
récréatifs de la population plutôt que de céder
à des pressions économiques d'intérêt
immédiat et de durée limitée qui détruiraient ce
site unique et grandiose et ne feraient qu'attirer le mépris et la
réprobation des générations futures. Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Perreault): Est-ce qu'il y a des questions? Je remercie
M. Fréchette de son exposé. Nous allons maintenant passer
à la Fédération canadienne de la nature. M. Thibault.
C'est 17.
Fédération canadienne de la
nature
M. THIBAULT: Jean-Paul Thibault, directeur adjoint du Centre de
conservation de la nature du mont Saint-Hilaire, biologiste. Je
représente la Fédération canadienne de la nature, un
organisme national qui m'a délégué pour présenter
ce mémoire.
La Fédération canadienne de la nature a été
fondée en 1971 pour servir d'organe national de la conservation. Deux
ans après sa fondation, elle compte près de 10,000 membres
actifs. Notre organisme est probablement celui qui se développe le plus
vite au Canada. Nous sommes une fédération véritable qui
représente plusieurs groupes dans chaque province. Nos
sociétés fédérées comptent plus de 30,000
membres. Nous croyons que notre progrès rapide reflète
l'importance que, de nos jours, les gens de toutes catégories attachent
à la conservation d'un bon environnement pour l'homme. Le rôle
spécial que nous remplissons dans la société consiste
à défendre les valeurs naturelles, non seulement pour nos membres
et les sociétés fédérées, mais pour toute la
population. La Fédération canadienne de la nature veut exprimer
ici deux points de vue. En premier, nous croyons que les valeurs
attachées à la notion de parc provincial sont positives et que,
si les parcs sont développés selon des plans bien
préparés, ayant à l'esprit les intérêts
à long terme sociaux et économiques de la province, ils
apporteront des bienfaits incalculables à la société. Il
s'ensuivra l'enrichissement de la vie de la population et une contribution
majeure â la croissance du tourisme, cette industrie qui progresse de
façon importante au Québec. Lorsqu'on parle de l'industrie du
tourisme, il faut réaliser que cette industrie crée des emplois
qui se multiplient de façon très considérable, beaucoup
plus que les entreprises comme la construction de barrages. Ces
emplois-là restent des emplois secondaires, des emplois qui demandent
aussi des investissements beaucoup moins considérables.
Si nous examinons les statistiques nord-américaines, nous
constatons que les parcs sont très fréquentés. Les gens
désirent y aller et des millions de personnes les visitent souvent. Les
gouvernements qui reconnurent ce fait il y a plusieurs années et qui
protégèrent le milieu naturel irremplaçable de leurs parcs
ont suivi des politiques qui commencent à payer maintenant. Par exemple,
dans les parcs nationaux du Canada, depuis 1951, le nombre de visiteurs a
doublé tous les sept ou huit ans. Il fut de 1,700,000 en 1951 et
atteignit 15,500,000 en 1972. Les parcs de l'Ontario reçurent 13
millions de visiteurs en 1971 et, à notre avis, le territoire
québécois est aussi bon, sinon meilleur, pour
l'aménagement de parcs que le territoire ontarien. Cela a
été écrit à Ottawa. Cependant, par contraste
violent, les parcs du Québec reçurent seulement 1,600,000
visiteurs en 1971 contre 13 millions en Ontario.
J'ai remarqué que souvent, plusieurs questions ont
été dirigées sur le nombre de visiteurs qui pourront
utiliser le parc de la Jacques-Cartier. Il faut remarquer que, jusqu'ici, le
gouvernement du Québec, par le passé en tout cas, a
été assez faible à cet égard-là. Les parcs
ont souvent été considérés, en pratique, comme
fermés à la population.
Je peux me permettre de parler ainsi parce que j'ai déjà
travaillé au parc des Laurentides de nombreuses années et
j'étais à ce moment-là au courant du système de
réservations qui existait pour la pêche à la truite
mouchetée au parc des Laurentides. Les gens faisaient des
réservations de Boston, de New York, et il y avait souvent
tout un système de réservations qui était
contrôlé par les employés du gouvernement, un
système de réservations fermé où les livres, avec
leurs pages blanches, étaient déjà retenus d'avance pour
des groupes de l'extérieur. Ce n'est pas la population du Québec,
ce ne sont pas des électeurs du Québec et ce ne sont pas des
votes du Québec non plus. Ces choses ont été
exposées déjà ici à la Chambre, il y a un certain
nombre d'années.
Mais pourquoi si peu de personnes visitent-elles les parcs du
Québec? Nous croyons donc que, dans le passé, les gouvernements
n'ont pas facilité suffisamment l'accès des parcs et qu'ils ont
été victimes de politiques à courte vue que, tout
simplement, ils ne voyaient pas que leurs parcs pouvaient devenir un atout
précieux. Je me demande si on le comprend encore maintenant. La
Fédération canadienne de la nature tient compte du fait que
l'Hydro-Québec prétend que la vallée, dans son état
actuel, est inaccessible et non développée au point de vue
touristique. Les touristes québécois et étrangers ne
peuvent donc actuellement visiter ce site splen-dide. Nous croyons que ce fait
avantage fortement le gouvernement actuel, car ceci veut dire que le
gouvernement, surtout le service des parcs, a une occasion rêvée
de développer des terres presque vierges et de créer un parc dont
les Québécois seraient fiers à juste titre.
Peut-être un vrai parc, un parc bien planifié conserverait-il les
sites les plus enchanteurs et les attractions fondamentales ne seraient pas
détruites. Au lieu d'un développement hydroélectrique,
nous parlerions donc d'un développement de parcs touristiques. Une telle
politique gouvernementale voudrait dire l'assurance à brève
échéance d'un site qui vaut vraiment la peine d'être
visité. Cette vallée n'est pas située dans une
région éloignée, elle est tout proche du grand centre
urbain qu'est Québec, dont la population doublera en deux ou trois
générations. Les besoins récréatifs de cette
population doublera en deux ou trois générations. Les besoins
récréatifs de cette population seront très grands. Un
besoin d'action entreprenante qui assurera la planification soignée des
parcs de cette région se fait donc sentir. On a fait état de deux
ceintures vertes possibles dans la région de Québec, mais ces
ceintures vertes ne sont pas encore sous autorité gouvernementale ne
sont pas nécessairement toutes créées en parcs, alors
qu'on a la vallée de la Jacques-Cartier qui est déjà
partie intégrante du parc des Laurentides. Il y a un vieux proverbe qui
dit qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, mais je dirais qu'une
rivière blanche qui existe et qu'on a déjà comme parc vaut
mieux que deux ceintures vertes potentielles qu'on n'a pas encore en main.
En deuxième lieu, nous voulons brièvement appuyer sur le
fait qu'à la suite des décisions rendues publiques par M. le
ministre Simard, le 16 février dernier, le Québec a fourni un bel
exemple de leadership au sujet du développe- ment d'une politique
éclairée d'utilisation des parcs. Cette décision du 16
février démontre que le gouvernement, de même que les
parties d'Opposition, comprenait que les aires naturelles et intactes sont fort
importantes pour l'avenir des Québécois. La décision du 16
février est tout à fait à l'honneur de ceux qui l'ont
prise. Selon nous, il ne fait pas de doute que, si le gouvernement prend la
décision finale de réserver la vallée de la
Jacques-Cartier pour fins d'aménagement en parc et la protéger de
l'exploitation commerciale, cela sera vu dans l'avenir comme un geste positif
et courageux de grande importance historique.
M. le Président, je vais terminer avec l'espoir que mes quelques
commentaires fourniront une perspective nationale à ce qui semble un
problème local. La Fédération canadienne de la nature
espère que vos enfants et les enfants de vos enfants pourront aller
visiter une vallée de la Jacques-Cartier intacte et que cette
vallée continuera d'être une source d'inspiration pour le
peuple.
Lorsqu'on parle de générations futures, on a parlé
de création des parcs, on a parlé de question de principe; les
parcs ont été créés tout d'abord pour des raisons
de principe. Le premier parc créé, le parc de Yellowstone, aux
Etats-Unis, a été créé à l'instigation de
John Muir. Ce type, John Muir a été considéré
à son époque comme un poète. Il a mis de côté
sa terre, qui a été conservée de façon
intégrale, et je vous ferai remarquer qu'en ce moment, ceci se rapporte
exactement au cas qui nous concerne. Au moment où ce parc a
été créé, il existait déjà là
une exploitation commerciale. Les routes d'accès étaient encore
très difficiles et, malgré ça, les éleveurs de
moutons avaient trouvé le chemin de ces montagnes de l'Ouest et ils
élevaient des moutons en grande quantité, de très vastes
troupeaux.
Il y avait aussi la coupe du bois, et ces magnifiques séquoias ou
ces grands arbres qu'on peut admirer dans les parcs nationaux
américains; bien, ils ne seraient pas là aujourd'hui si on avait
laissé continuer ces pratiques.
Je crois qu'on est trop souvent revenu sur la notion d'utilité,
prise dans un sens extrêmement étroit. Alors, cette
utilité, ici, inclut beaucoup plus que le simple nombre de visiteurs. Il
y a des facteurs extrêmement importants. Si ça n'avait pas
été de ça, on n'aurait pas créé ces parcs.
On a d'autres parcs analogues. On a des sentiers, par exemple, qui existent
ailleurs, aux Etats-Unis, et qui existent aussi en Ontario. Aux Etats-Unis, je
peux mentionner Appalache Trail. En Ontario, il y a la Bruce Trail. Je me
disais personnellement que, depuis très longtemps, un sentier de
randonnée, un long sentier comme ça, est une
nécessité au Québec. Peut-être que nous, ici, on
découvrira en 1980 on découvre souvent, en
Amérique, un peu en retard sur les autres que nous aussi, on veut
un long sentier de randonnée. A ce moment-là, on l'aura
peut-être sous l'eau, notre sentier.
J'ai quelques autres points à ajouter. Lorsqu'on parle de
l'utilisation par la masse, on demande souvent quel est le nombre de visiteurs
qui fréquenteront ces parcs. La question n'est pas de savoir
essentiellement quel est le nombre de visiteurs qui fréquenteront le
parc, parce qu'actuellement ce genre de question est renversé. Les
autorités des parcs, en ce domaine, se demandent plutôt,
maintenant, comment réduire dans les parcs le nombre de visiteurs. Nous
aurons nous-mêmes ce problème bientôt. Nous ne l'avons pas
encore, parce que nous avons trop peu favorisé l'accès au public.
Mais, dans le cas de grands parcs, on songe à réglementer
très sévèrement l'utilisation de certains secteurs, pour
une raison très simple: Si le parc existe, on part toujours du fait que
le parc existe pour la population, ce n'est pas comme ça que ça
fonctionne. La population fréquente le parc parce que le parc existe,
parce qu'il y a de la nature à l'état sauvage, de la forêt
sauvage, des animaux sauvages.
Mais comme dans nos parcs, on a souvent envisagé ici,
aujourd'hui, cette question de la Jacques-Cartier comme s'il s'agissait d'une
question de légalité. Il ne s'agit pas d'une question de
légalité; il s'agit d'une situation à rétablir,
parce que nos parcs ont été souvent protégés au
point de vue légal. Il y avait certaines lois, par exemple, qui devaient
empêcher que la forêt soit coupée à proximité
des lacs. Ces forêts étaient coupées quand même.
Lorsque j'ai travaillé dans les parcs, j'ai pu me rendre compte
qu'autour de certains lacs, cela avait été un déboisement
complet, intégral, jusqu'aux rives mêmes du lac. Alors pour ces
choses, c'est très difficile lorsqu'on demande à des experts de
prouver comment on a affecté le milieu.
Je veux me permettre de relever quelques points aujourd'hui parce que
les gens qui témoignent et qui cherchent à sauvegarder la nature,
on a l'impression que ces gens sont souvent mis en état d'accusation. Je
ne crois pas qu'on doive être en état d'accusation. Nous n'avons
rien fait à la Jacques-Cartier; nous n'avons rien fait au parc. Nous
avons l'intention de ne rien faire non plus. Nous avons l'intention de laisser
les choses telles qu'elles sont. C'est l'Hydro-Québec, plutôt, qui
a l'intention de faire quelque chose et c'est l'Hydro-Québec qui devrait
avoir à se défendre. Chaque fois que quelqu'un relève une
affirmation de l'Hydro-Québec, on l'a prend telle quelle comme si
c'était parole d'Evangile: L'Hydro-Québec a dit qu'elle avait
examiné le problème et qu'elle ne voyait pas d'autres sites
qu'elle pouvait développer. Alors, il n'y a que ses experts à
elle. Mais nous, quand on questionne un de nos experts, on cherche des puces
pour se demander, au fond, dans quelle mesure le milieu sera
affecté.
Ecoutez, il ne faut quand même pas avoir fait des études en
écologie pour réaliser qu'il y a une différence
énorme entre un ruisseau d'eau courante, un torrent de montagne et un
réser- voir de 175 pieds de profondeur dans sa partie maximale, 75 pieds
dans sa partie centrale.
Alors, ce réservoir est profond, oligotrophe, donc très
peu productif et ces choses sont visibles. C'est comme si on demandait aux gens
qui ont mis de côté le Grand Canyon: Pourquoi avez-vous mis cela
de côté? C'est parce que le Grand Canyon, ce n'est pas une plaine,
c'est aussi simple que cela et cela n'a pas besoin d'une expertise plus grande
que cela. Si on avait demandé: Est-ce que c'est le meilleur site que
vous avez à suggérer aux Etats-Unis? Non. Je ne crois pas que le
Grand Canyon... On n'aurait pas pu prouver que le Grand Canyon était le
meilleur site, on n'aurait pas pu prouver que Yellowstone était le
meilleur site pour faire un parc. Mais on les a maintenant et j'espère
que l'on va continuer à avoir la Jacques-Cartier.
LE PRESIDENT (M. Kenndey): Alors, je vous remercie, M. Thibault. Est-ce
qu'il y a des questions?
M. LESSARD: M. le Président, je n'ai pas de question comme telle,
mais je voudrais soumettre ceci. Il est 11 heures moins quart. Normalement,
selon les règlements nous sommes censés ajourner à 11
heures. Il apparaît, en tout cas pour ma part, que c'est la
première fois que l'on a l'occasion de discuter assez
complètement d'un problème qui est fondamental. Comme nous avons
aussi à entendre l'Hydro-Québec qui, je crois, devra
répondre à l'argumentation qui a été
présentée, je soumettrais très respectueusement à
la commission que l'on puisse siéger, puisqu'il ne nous reste que
quelques mémoires, jusqu'à la fin des auditions.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour le bénéfice du
député de Saguenay, nous avons envisagé cette situation.
Nous avons convenu que nous pourrions continuer passé l'heure, pour
autant que tous les membres de la commission soient d'accord, qu'il y ait
consentement unanime.
M. VINCENT: On a seulement à oublier l'horloge, que l'on ne pense
pas à l'heure, que l'on passe tout droit.
M. LESSARD: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, est-ce qu'il y a des questions pour M.
Thibault? Sinon, je vous remercie, M. Thibault, et votre organisation. Je ferai
appel maintenant au représentant du Programme biologique international,
section GT, Québec, Dr Gilles Lemieux ou M. Pierre Lalonde.
Programme biologique international
M. LEMIEUX: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
membres de la commission parlementaire. Le mémoire que je
présente est au nom du Programme biologique...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pourriez-vous vous présenter, avec vos
titres, votre occupation?
M. LEMIEUX: Je suis professeur à l'université Laval,
faculté de foresterie, je suis président conjoint de la section
CT du Programme biologique international, je suis membre du comité
canadien du Programme bilogique international et également membre du
comité canadien pour...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Votre nom, s'il vous plaît?
M. LEMIEUX: Mon nom est Gilles Lemieux.
Déjà en 1966, l'aventure de la Jacques-Cartier a
été prévue. Prévue en ce sens que nous nous sommes
rendu compte que dans le développement actuel anarchique, il y avait des
valeurs dites biologiques qui devaient être au moins
inventoriées.
C'est ainsi que nous avons de 1969 à 1972, identifié au
Québec environ 116 sites et le site de la rivière Jacques-Cartier
a déjà été identifié dès la fin de
1969 et fait l'objet d'une proposition formelle à titre de
réserve écologique potentielle en décembre 1970.
Une des raisons pour laquelle nous avons choisi la rivière
Jacques-Cartier était tout d'abord la qualité du site;
deuxièmement, la présence de peuplements végétaux
de qualité assez exceptionnelle, surtout que nous venions de faire
l'inventaire de tous les sites possibles pour la conservation d'au moins
quelques échantillons de bouleau jaune.
Nous nous sommes rendu compte qu'il en restait un peu dans le
comté de Pontiac et qu'il y en avait un peu dans la vallée de la
rivière Jacques-Cartier, qui pouvaient être conservés.
Les autres facteurs qui nous ont poussés à choisir la
vallée de la rivière Jacques-Cartier sont, en plus, la
proximité de cette vallée de la ville de Québec et la
probabilité d'une surexploitation touristique ou industrielle.
Ceci étant dit, nous avons essayé également de
comparer la vallée de la rivière Jacques-Cartier à ce
qu'il y a de semblable dans l'est de l'A m é r i q u e du Nord. Nous en
sommes donc venus à la conclusion qu'il y avait quatre vallées de
valeur à peu près égale du point de vue esthétique:
la vallée de la rivière Jacques-Cartier, celle de la
rivière Malbaie, la vallée de Mont-Saint-Pierre, en
Gaspésie, ainsi que la vallée de la Bonne Bay, à
Terre-Neuve. Je tiens à souligner que ces quatre vallées sont les
seules dans tout l'est de l'Amérique du Nord, y compris la
Gaspésie. Il y en avait une en Gaspésie qui s'appelait la
vallée de la rivière Sainte-Anne, mais, dès 1965, donc un
an après qu'on eiit autorisé la prospection minière, cette
vallée a été complètement ravagée par une
série d'incendies. C'est peut-être un hasard, mais un hasard
contrôlé, je pense.
Comme nous avons établi le caractère unique de la
vallée de la rivière Jacques-Cartier, il est évident qu'il
nous fallait faire valoir nos arguments. Cependant, nous ne pensions jamais
pouvoir obtenir l'argument principal de la bouche même des
représentants de l'Hydro-Québec. Ainsi, dans ce document qui
vient de m'être remis, qui s'appelle Projet Champigny, étude
préliminaire d'aménagement récréatif, on lit, dans
l'introduction: "Le corridor de la rivière Jacques-Cartier
présente un des paysages les plus spectaculaires du Québec. Ses
hauts versants en forme de fjords, son étroite plaine alluviale et ses
eaux tumultueuses confèrent à cette vallée glaciaire un
potentiel culturel, récréatif et visuel d'une qualité
unique." Je tiens à signaler "unique". "Pratiquement inaccessible au
grand public à l'heure actuelle, elle est, cependant, le siège
d'une exploitation forestière dont l'action compromet, tout au moins,
l'aspect visuel."
Si j'étais méchant, étant donné que
l'Hydro-Québec elle-même admet que la vallée est unique, on
pourrait peut-être suggérer d'abandonner complètement cette
commission parlementaire et de dire que le problème est
réglé. Un objet unique de cette valeur, que tout le monde a
établie et que même l'Hydro-Québec établit, doit
être pris en considération, même très
sérieuse.
Nous nous sommes également attaqués un peu à
l'aspect économique lorsque nous avons constaté que la
vallée de la rivière Jacques-Cartier était vraiment
d'aussi grande valeur. Comme, dans tout bon système économique,
on doit rendre rentable ce qui doit être rentable, nous nous sommes
posé la question de la valeur de la Jacques-Cartier dans un
schéma de développement régional au point de vue
touristique. Nous nous sommes aperçus que, d'une part, le gouvernement
fédéral avait consenti des sommes considérables à
l'aménagement de Place Royale. Qu'il consent également des sommes
d'argent, après échange de terrains, dans l'aménagement du
Cap-Tourmente, qu'il y avait déjà des mesures de prises par le
gouvernement québécois pour maintenir l'île
d'Orléans dans une situation avantageuse et que, finalement, il restait
un quatrième joyau qui était celui de la rivière
Jacques-Cartier avec ses grands paysages.
Donc, d'une part, le côté champêtre, d'autre part,
les côtés touristique et historique; finalement, la faune avec le
Cap-Tourmente et les grands paysages et la végétation terrestre
avec la vallée de la rivière Jacques-Cartier.
Je soumets respectueusement à votre attention que ceci est un
potentiel strictement unique qui n'est pas doublé et qu'on ne trouve
rien de semblable dans aucune des villes de l'est de l'Amérique du Nord.
On peut retrouver des paysages identiques dans la région de Vancouver et
c'est à peu près tout ce qu'on peut trouver de contexte urbain
avec d'aussi grands paysages.
Finalement, je tiens à souligner à votre attention que
toutes les sections du programme
biologique international de toutes les provinces ont été
mises au courant de la question. Vous trouverez en fin de mémoire les
lettres de chacun des présidents qui ont été
adressées au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche,
pour le féliciter de sa prise de position du 16 février
dernier.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, M. Lemieux. Est-ce qu'il y
a des questions de la part des membres de la commission pour M. Lemieux?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je n'ai pas vraiment de question,
mais j'ai un commentaire. Je sais qu'il est tard. Je sais que nous avons
entendu beaucoup de mémoires et que nous avons voulu les
apprécier chacun à sa juste valeur. Je m'excuse de le dire mais
je trouve regrettable qu'il y ait des connotations politiques dans un
mémoire qui émane d'un organisme scientifique, qui aurait pu se
limiter à présenter son point de vue sur le problème
plutôt que d'essayer d'interpréter la position du gouvernement.
Vous dites dans votre résumé que la position actuelle du
gouvernement est étrange, en essayant de réévaluer le
projet, après une étude exhaustive de la question, qui a
déjà conduit à l'expulsion de PHydro-Québec hors du
parc des Laurentides et de la vallée de la Jacques-Cartier. Je voudrais
tout simplement dire que le gouvernement a pris une décision. Suite
à cette décision, l'Hydro-Québec a demandé à
être entendue, à présenter son point de vue. Le
gouvernement a trouvé en toute justice qu'il devait écouter.
Suite à la demande de l'Hydro-Québec, d'autres organismes ont
voulu être entendus. Le gouvernement a décidé de les
écouter aussi. Alors, je pense bien que nous avons un esprit ouvert, que
le gouvernement est appelé à agir comme juge d'une question qui
est non seulement importante; je la qualifierais d'historique.
Nous avons été saisis, au cours de la journée, de
mémoires que j'ai trouvés excellents, extrêmement
intéressants.
Je m'excuse de faire ce commentaire, mais je pense bien que, lorsqu'il
s'agit d'une question de nature scientifique et écologique, un organisme
scientifique, quoiqu'il ait absolument le droit d'exprimer son opinion, aurait
mieux servi les intérêts du débat en laissant tomber ces
éléments de sa présentation.
M. LEMIEUX: Si vous permettez, M. le ministre. Cette opinion a
été basée uniquement sur la déclaration du ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Si vous le voyez de cette
façon, je m'en excuse, mais c'est tout simplement pour appuyer, avec
plus de force, la position du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche à l'intérieur même du cabinet. C'est de cette
façon que nous avons pensé pouvoir aider le plus la cause.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions: Je vous
remercie M. Lemieux.
Je ferais maintenant appel à M. Michel Jurdant qui a un
mémoire à présenter à titre personnel. Est-ce que
M. Jurdant est ici?
M. Michel Jurdant
M. JURDANT: M. le Président, je suis ingénieur forestier.
Je possède un diplôme et une maîtrise en écologie de
l'université Laval et un doctorat en écologie de Cornell
University. Je suis à l'emploi du ministère de l'Environnement du
Canada depuis une quinzaine d'années et j'effectue depuis ces quinze
ans, des recherches en écologie, principalement surtout la cartographie
écologique, notamment dans les Cantons de l'Est, dans le parc des
Laurentides, dans le parc de Chibougamau, au Labrador, en Colombie-Britannique,
au Saguenay-Lac-Saint-Jean et, tout dernièrement, dans le bassin de la
rivière La Grande.
Je tiens à mentionner que mon mémoire est fait à
titre tout à fait personnel. Je pense que toute décision
d'aménagement sectoriel, qu'il soit forestier, qu'il traite de
l'énergie, de la récréation, de la faune ou de tout autre
secteur dans le bassin de la rivière Jacques-Cartier, doit être
prise dans le cadre d'un aménagement véritablement
intégré de l'environnement de ce territoire.
Or, ce dernier doit découler d'une véritable planification
écologique. Une telle planification pourrait être
réalisée par un organisme paragou-vernemental qui pourrait
s'appeler Société de développement de la
Jacques-Cartier.
Les raisons qui motivent ma position sont les suivantes.
Premièrement, l'utilisation de la Jacques-Cartier doit se faire dans un
esprit d'aménagement intégré des ressources et non
strictement de conservation.
Je suis convaincu qu'il existe dans ce territoire une certaine
compatibilité entre l'utilisation du potentiel hydro-électrique
et l'utilisation du paysage pour la récréation dans la nature,
surtout si l'on songe que le coût de la seconde peut être
défrayé par la première, ce qui entraîne même
une certaine complémentarité économique.
Deuxièmement, la Jacques-Cartier ne revêt pas plus de
caractère unique que d'autres sites de la région de
Québec, lesquels sont utilisés par et pour des
intérêts privés et donc, à toutes fins pratiques,
rendus inaccessibles au grand public. Ici, je mentionnerai: le lac
Saint-Joseph, le lac Beauport, le lac Saint-Charles, la rivière
Saint-Charles, entre la prise du Château d'Eau et Duberger, la
rivière Montmorency, les rives du Saint-Laurent, l'île
d'Orléans, etc. N'est-il pas infiniment plus révoltant que les
masses populaires de la région de Québec soient si
dépourvues de sites récréatifs de type populaire: lacs
pour la baignade, forêts urbaines, parcs urbains, etc? On peut même
dire qu'il existe encore dans la région de Québec de nombreuses
vallées sauvages, telles que la rivière Montmorency, la
rivière des Neiges ou la rivière Sainte-Anne.
De plus la rivière Malbaie elle-même pourrait être
utilisée avantageusement comme zone de réserve naturelle avec
aménagement récréatif de type extensif, ce qui aurait pour
avantage de contribuer au développement d'une région qui en
aurait grandement besoin, je parle ici du comté de Charlevoix.
Troisièmement, il existe une réalité
évidente: Le lac créé par un aménagement
hydro-électrique sera le seul lac accessible au grand public de la
région de Québec. Qu'on ne vienne pas dire que le lac
Saint-Joseph ou le lac Beauport sont des lacs accessibles, quoiqu'il suffise de
penser que rien qu'autour du lac Saint-Joseph il y a à peu près
300 pieds de plage accessibles au public, et inutile de dire que des
études ont démontré que, le dimanche après-midi,
à la plage Germain, il y a eu l'équivalent de deux pouces
d'urine.
Quatrièmement, sans doute, aucune garantie n'a pu jusqu'ici
être obtenue quant à l'ampleur du projet hydro-électrique
proposé. Ceci ne veut pas dire qu'on ne pourrait en obtenir. De toute
façon, où sont les garanties qu'il se fera du
développement récréatif populaire dans la région de
Québec? A ce point, je mentionnerai simplement l'aménagement
récréatif du parc des Laurentides. A part le centre de ski de
fond et celui de motoneige, qu'est-ce qu'on peut voir? Au bord du lac
Jacques-Cartier, le magnifique restaurant Châtelaine qu'on y voit, le
beau gâchis, cadeau des entreprises forestières ou des terrains de
pique-nique ramassés dans des carrières de gravier.
Cinquièmement, la Jacques-Cartier, musée vivant, est sans
doute un objectif très valable pour les écologistes et les
amoureux de la nature, mais cela reste à mes yeux un objectif qui ne
servira qu'à une minorité de privilégiés.
On supprime les clubs de chasse et pêche mais on crée des
clubs pour écologistes. Ceci dénote une forme très subtile
de ségrégation ou d'apartheid. On aménage la nature pour
ceux qui sont capables de l'admirer et on ignore la masse de ceux qui n'ont eu
ni la chance ni les moyens de l'apprécier. Ces derniers sont des gens
pour qui nos concepts de parc, de terrains de pique-nique, de sentiers de
nature, d'écosystèmes ou de chafnes trophiques sont sans
signification, aucune. Ce sont des gens qui peuvent même avoir peur de la
solitude, peur du silence, peur de la forêt. L'écologiste n'a-t-il
pas plus de responsabilité à leur égard qu'à
l'égard de ceux qui sont déjà sensibles aux beautés
de la nature. Dans ce cas, il est impérieux de procéder au plus
vite à de nombreux aménagements récréatifs de type
populaire, ce qui comprend des aménagements tels que, dans le cas de la
Jacques-Cartier auxquels je peux penser des bateaux mouches, des
téléphériques, des routes et des sentiers touristiques,
des restaurants populaires avec vue panoramique, etc. Bref, toute une
infrastructure d'accueil permettant l'utilisation massive du territoire pour
les loisirs.
Je crois sincèrement, M. le Président, que l'homme peut
améliorer la qualité de l'environnement de ce coin du
Québec, même avec un barrage, pour autant qu'il fasse preuve
d'imagination et de bon goût. En conclusion, je suis en faveur de
l'utilisation de la rivière Jacques-Cartier pour des aménagements
hydro-électriques pour autant que le bénéfice
économique obtenu serve à la réalisation
d'aménagements récréatifs pour la masse.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Jurdant. Est-ce qu'il y aurait des
questions de la part des membres? Le ministre responsable de l'environnement.
Un instant.
M.GOLDBLOOM: M. Jurdant, votre argumentation se base, si je comprends
bien, sur votre tentation de dire, en le déplorant, que
l'aménagement hydro-électrique est peut-être la seule
façon de trouver les montants nécessaires à un
développement récréatif. Si tel n'était pas
l'obstacle, quel serait votre point de vue sur la Jacques-Cartier? Et puisque
vous dites que vous seriez en faveur pour autant qu'on irait vers des
aménagements récréatifs pour la masse, s'il y avait
d'autres endroits où l'on pourrait réaliser de tels
aménagements, quel serait votre point de vue sur la Jacques-Cartier
comme telle?
M. JURDANT: Sur la Jacques-Cartier, je pense que de toute façon,
dans tous les cas, il n'y a pas eu de véritable plan de zonage
réalisés pour la région de Québec, à ce que
je sache.
Ce n'est certainement pas basé sur une connaissance
écologique du territoire. Autrement dit, la Jacques-Cartier pourrait
certainement être étudiée dans tous ses aspects, pas
seulement l'aspect hydro-électrique mais également les aspects de
ressources possiblement utilisables avec ou sans aménagement. A ce
moment-là, on est obligé d'étudier les possibilités
de développement. J'ai parlé du cas de la rivière Malbaie
qui possède un potentiel hydroélectrique très faible
étant donné qu'apparam-ment il est impossible de faire des
aménagements hydro-électriques le long de la rivière
Malbaie, puisque c'est une rivière qui coule dans une faille.
Dans le cas de la Jacques-Cartier proprement dite, à votre
question, je ne peux pas répondre autrement qu'en disant qu'il n'y a pas
eu de planification écologique, donc, il est très difficile de
savoir, avec certitude, si la rivière Jacques-Cartier possède,
oui ou non, les éléments voulus pour faire la véritable
intégration dans les aménagements.
M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai qu'il y a un certain nombre
d'années, on a fait un aménagement, qui était grossier
mais on a créé un parc? A l'intérieur de ce parc se trouve
la Jacques-Cartier, et à l'époque où ce parc a
été créé, le genre d'études et
d'aménagements écologiques que l'on peut connaître
aujourd'hui
n'avait pas été pensé. Quand même, nous avons
l'occasion, en invoquant le fait que c'est dans un parc, de dire: On va garder
la Jacques-Cartier telle quelle et on va chercher d'autres endroits pour
l'aménagement hydro-électrique et pour l'aménagement de
récréation de masses que vous invoquez dans votre mémoire.
N'est-ce pas le fond du débat qui se poursuit présentement?
N'est-ce pas ce que ceux qui vous ont précédé au micro ont
dit, que quelles que soient les autres considérations, la
Jacques-Cartier est unique? C'est ce qu'on voudrait que nous comprenions et que
nous respections.
M. JURDANT: Je pense que, quand on parle d'unique, on est obligé
de comparer avec autre chose. Est-ce qu'il ne serait pas infiniment plus
unique, pour la population de Québec? C'est par rapport à
quelqu'un que quelque chose est unique. C'est en se référant
à une certaine population. Est-ce que la population de Québec a
plus besoin de la Jacques-Cartier ou d'un lac pour la baignade? Qu'est-ce qui
est unique pour quelqu'un qui veut passer son dimanche après-midi?
Est-ce que c'est la possibilité de pouvoir aller se baigner ou si
c'est la possibilité de pouvoir se promener dans la vallée de la
Jacques-Cartier? Je pense que c'est très relatif. C'est relatif par
rapport à l'individu.
M. GOLDBLOOM: Une dernière question, pour ma part, M. le
Président, y a-t-il une capacité d'un site quelconque, un site
récréatif, quant à la fréquentation? Je suis saisi
présentement d'un problème qui n'est pas identique, mais qui a
certains éléments superposables, celui du Jardin botanique
à Montréal, et l'on me dit: II y a quand même des limites
à la capacité d'un jardin botanique de recevoir du monde. Est-ce
qu'il y a une limite à la capacité de ce tronçon de la
Jacques-Cartier à recevoir du monde, à recevoir la masse?
M. JURDANT: Je pense que c'est certainement... la plupart des gens qui
m'ont précédé seraient prêt à
reconnaître que la Jacques-Cartier n'est tout de même pas une
vallée idéale pour faire de la récréation de masse
dans son état actuel. C'est une récréation de type tout
à fait extensif. Si une récréation de masse venait
à s'établir dans la Jacques-Cartier, elle serait probablement
presque aussi abîmée que si on y installait un barrage.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député d'Abitibi-Ouest.
M. TETRAULT:Est.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est.
M. TETRAULT: On va l'avoir d'ici la fin de la soirée.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si le député d'Abitibi-Ouest
réussit, c'est...
M. TETRAULT: M. le Président, il y a un point qui
m'intrigue...
UNE VOIX: ... représentiez votre collègue.
M. TETRAULT: Non, non, j'aime bien être identifié par
moi-même. Je vois Michel Jurdant, ingénieur forestier, dans un
mémoire qui nous a été soumis par l'Association
québécoise de l'environnement inc. J'ai ici un Dr Michel Jurdant,
trésorier. Est-ce que ce serait la même personne?
M. JURDANT: Oui, c'est la même personne.
M. TETRAULT: Comme ça, vous n'êtes pas d'accord, si je
prends votre mémoire, sur ce que le Conseil québécois de
l'environnement avance pour le développement au point de vue de la
Jacques-Cartier?
M. JURDANT: Je pense que le Conseil québécois de
l'environnement est une société extrêmement
démocratique; il y a un vote qui a été pris.
M. VINCENT: C'est un rapport minoritaire.
M. JURDANT: C'est un rapport strictement individuel. Je vous
présente mon point de vue personnel.
M. LESSARD: M. le Président, d'abord, M. Jurdant, vous travaillez
pour Environnement-Canada et vous avez souligné que vous faisiez des
recherches à La Grande, est-ce qu'à ce titre c'est pour
Environnement-Canada ou une autre société?
M. JURDANT: C'est-à-dire que je suis fonctionnaire
d'Environnement-Canada et je...
M.LESSARD: C'est à ce titre que vous travaillez sur la
rivière La Grande?
M. JURDANT: Oui.
M. LESSARD: Comme employé d'Environnement-Canada.
Tout à l'heure, vous avez affirmé, à la suite d'une
question du ministre responsable de l'environnement, que la Jacques-Cartier
n'était pas du tout une rivière où on pouvait
développer des aménagements récréatifs de masse.
Est-ce que c'est bien cela?
M. JURDANT: Oui, certainement. La rivière telle qu'elle est
là, certainement pas.
M. LESSARD: Telle qu'elle est là? M. JURDANT: Oui.
M. LESSARD: Mais avec l'aménagement de l'Hydro-Québec,
vous êtes prêt à accepter que ce soit le
développement d'aménagements récréatifs de
masse?
M. JURDANT: Ce que j'ai dit, c'est qu'avec les bénéfices
si on peut faire payer l'Hydro-Québec des
aménagements récréatifs quelconques, à partir des
montants d'argent gagnés, à partir des aménagements
hydro-électriques, ce serait un bien pour tout le monde, ce serait tout
de même de l'argent que l'on n'aura pas à chercher ailleurs.
M. LESSARD: Mais lorsque vous parlez de baignade, ce matin, un
spécialiste, le Dr Lemieux, affirmait que ce n'était pas
particulièrement une région où il était possible
d'aménager ce genre d'activité.
M. JURDANT: II faudrait faire des études pour voir si, dans le
lac qui va être créé, il n'y aura pas possibilité de
baignade. Je tiens à faire remarquer quand même que le fond de la
rivière Jacques-Cartier, qui va être élevé ni plus
ni moins de 200 pieds, sera toujours dans la zone de l'érablière
à bouleau jaune et dans les bétulées jaunes à
sapin, c'est-à-dire que ce n'est tout de même pas à
l'altitude du parc des Laurentides qui se trouve 2,000 pieds plus haut.
M. LESSARD: Une chose aussi que vous affirmez à la page 3 de
votre mémoire, que je n'accepte pas en tout cas, c'est que vous semblez
distinguer deux genres, deux groupes de personnes au Québec, ceux qui
sont capables d'admirer la nature et la masse. Je ne sais pas. Moi, je fais du
camping passablement, chaque été, et j'ai remarqué qu'il
n'y avait pas de critère déterminé à ce
sujet-là, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de critère
d'éducation comme tel. Je pense bien qu'il n'y a pas de distinction
entre deux masses de gens. Le camping se développe de plus en plus,
même le camping dans la vraie nature se développe de plus en plus,
et on retrouve toutes les classes de la société parmi ces
gens.
M. JURDANT: Je pourrais vous citer des références qui
indiquent notamment... Evidemment, aucune étude n'a été
faite ici, dans la province, sur le pourcentage de la population qui n'a pas
ces contacts avec la nature dont je parle.
C'est de cette fraction de la population dont je parle, celle qui n'a
pas de voiture, celle qui n'a jamais l'occasion de pouvoir sortir de la ville,
celle qui aurait besoin de pouvoir prendre l'autobus de la Communauté
urbaine de Québec pour pouvoir se rendre dans un endroit paisible. Mais
des études de ce genre-là ont été faites notamment
en Angleterre et démontrent que souvent une grande partie de la
population n'a justement jamais la chance de pouvoir atteindre ces zones vertes
pour lesquelles une préoccupation importante...
M. HOUDE (Fabre): Je m'excuse, M. le Président, juste pour une
rectification, je n'accepte pas que vous disiez qu'il n'y a pas eu
d'étude sociologique quant à savoir le nombre de personnes ou de
familles qui n'ont pas de voiture ou qui passent l'été à
balconville. Il y a une abondance d'études, vous n'avez qu'à
consulter la faculté ou enfin l'école de sociologie de
l'Université du Québec à Montréal, pour n'en nommer
qu'une, et il y a eu une foule d'enquêtes par tous les organismes de
conseils régionaux de loisirs, il y en a quinze dans la province et,
dans la plupart de ces conseils-là, il y a eu des études, il y en
a en assez grand nombre qui ont été préparées
à l'occasion, soit dit en passant, il y a quelques années, du
passage de M. Dumazedier, qui est quand même de réputation
internationale, lorsqu'il est venu au Québec. Nous avons, enfin je ne le
sais pas par coeur, mais nous avons ce genre d'études indiquant
exactement le nombre de foyers au Québec qui n'ont pas les moyens de
sortir ou qui passent l'été sur le trottoir ou à
balconville, comme on dit, mais ça existe.
M. JURDANT: Je voudrais quand même que chacun se mette dans la
peau de quelqu'un qui est à Québec, même s'il a un vieux
"bazou", qui veut aller le dimanche se promener au bord d'un lac. Je me demande
bien où il peut aller. S'il va au lac Beauport, C'est une série
de propriétés de $100,000 qui l'entourent, il n'a pas le droit de
s'y promener. S'il va au lac Saint-Joseph, il n'a pas le droit de se promener
sauf d'aller se corder le long de la plage Germain. Où peut-il aller?
Dans le parc des Laurentides, il faut demander un permis pour pouvoir
s'arrêter dans le parc, s'arrêter simplement au bord d'un lac.
C'est ce type de récréation dont je parle, où une famille
a envie d'aller simplement se promener. Où existe cette facilité?
C'est dans ce sens-là. Maintenant, en ce qui concerne les statistiques,
j'attends toujours de voir le pourcentage de la population qui couramment va
dans la nature, d'une façon ou d'une autre, pas les chiffres absolus, le
chiffre de la fréquentation dans les parcs, une personne peut y aller
vingt fois et ça ne donne qu'une idée de valeur absolue,
ça ne donne pas la valeur relative.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de L'Assomption.
M. PERREAULT: Vous avez un doctorat en écologie comme d'autres
qui ont passé avant vous. Vous avez dû voir le projet de
l'Hydro-Québec, j'imagine?
M. JURDANT: Oui, j'en ai pris connaissance.
M. PERREAULT: Quelle est votre évaluation des dommages à
la Jacques-Cartier par le projet de l'Hydro-Québec?
M. JURDANT: Le fond de la Jacques-Cartier va être foutu, va
être détruit, c'est évident. On va avoir un lac à la
place d'une rivière. Si on fait de l'aménagement
intégré, on va essayer d'utiliser le lac pour faire de la voile,
du canot. On me dit que certains réservoirs sont beaucoup plus
utilisés aujourd'hui qu'auparavant pour le canotage sur la
rivière qui existait. Le canotage sur un lac est peut-être une
activité récréative de masse bien plus facile
d'accès aux gens que le canotage des rivières. Je n'en veux pas
aux canoteurs de rivières mais il reste quand même qu'il y aura
encore possibilité de canoter sur ce lac, d'installer un bateau-mouche,
si on veut. Si l'Hydro-Québec est prête à payer son
bateau-mouche.
M. PERREAULT: Alors, dans votre esprit, le plan d'eau amené par
le réservoir serait bénéfique pour une
récréation de masse?
M. JURDANT: On a parlé de fjord tout à l'heure, on va
avoir en fait un fjord à lac dans le fond.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie. Pas d'autres questions?
M. LESSARD: Etant donné ces modifications qu'on fera au paysage,
pensez-vous que ceci aurait des conséquences considérables sur
les ressources cynégétiques, halieutiques et autres ressources
écologiques?
M. JURDANT: De nombreuses études ont été faites sur
les conséquences je ne suis pas spécialement un biologiste
en faune aquatique c'est évident.
M. LESSARD: Quand vous parlez de nombreuses études, par qui?
M. JURDANT: Non, pas dans la Jacques-Cartier. Il existe de nombreuses
études qui ont été faites. Théoriquement, cela va
donc changer complètement l'écosystème, c'est
évident.
M. LESSARD: Est-ce que ce sont ces études que vous faites pour la
société Environnement-Canada dans la rivière La
Grande?
M. JURDANT: Cela va comprendre notamment ces études.
M. LESSARD: Mais pourriez-vous m'expli-quer comment il se fait que la
société Environnement-Canada fait des études à la
rivière La Grande?
M. JURDANT: Je ne sais pas. Est-ce qu'on parle de la rivière
Jacques-Cartier ou de la rivière La Grande? Je voudrais bien
répondre à votre question mais...
M. LESSARD: Est-ce que cela ne serait pas pour la Société
de développement de la baie James?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On va s'en tenir à la Jacques-Cartier.
Surtout à cette heure-ci.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, je vous remercie, M. Jurdant.
Maintenant, je fais appel à MM. Michel Talbot et Raynald Lortie,
à titre personnel.
MM. Michel Talbot et Raynald Lortie
M. LORTIE: M. le Président, Messieurs les membres de la
commission, je voudrais faire ici une petite mise au point. Ce n'est pas
tellement à titre personnel que nous nous présentons.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je m'excuse.
M. LORTIE: Je représente un groupe de jeunes qui ont
présenté un projet dans le cadre des programmes Perspective
s-Jeunesse 1973. Il y a 21 participants, ce qui fait 21 membres. Nous sommes
probablement le groupe le plus minoritaire, ici ce soir.
Je voudrais souligner aussi que la valeur du mémoire qu'on a
présenté ne se situe pas au niveau de la
représentativité du mémoire...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez. Voulez-vous vous identifier pour les
fins du journal des Débats?
M. LORTIE: Mon nom est Raynald Lortie. Je suis ce qu'on pourrait appeler
un coordinateur d'un projet Perspectives-Jeunesse.
Comme je le disais, la valeur du mémoire n'est pas située
au niveau de sa représentativité mais plutôt au niveau de
son contenu. On parle de protection de la faune et de la flore, de
récréation et d'enrichissement culturel. Cependant, nous croyons
qu'un nouvel aspect peut être mis en question. Nous nous portons à
la sauvegarde de la Jacques-Cartier et nous désirons vous faire part de
l'existence d'un sentier historique, lequel est relié au
développement du Québec au début de la colonie.
Un sentier qu'ont suivi les Indiens, les explorateurs, les missionnaires
et les colonisateurs du lac Saint-Jean. Son importance, au premier temps de la
colonie, était considérable, constituant une route naturelle
entre deux pôles géographiques, c'est-à-dire la
région de Québec et celle du lac-Saint-Jean.
D'après les recherches effectuées, le Sentier des
Jésuites longerait la rivière Jacques-Cartier dans sa majeure
partie, de la hauteur de la rivière Sautoriski à la
décharge du lac Cook.
Donc, l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier
inonderait environ quinze milles du parcours du Sentier des
Jésuites.
Je vais vous faire un bref historique du
Sentier des Jésuites, pour que tout le monde ait bien
l'idée générale de ce sentier.
Présenté globalement, le Sentier des Jésuites
représente la maîtresse piste de raquettes utilisée en
hiver par les Indiens montagnais comme voie de communication entre le lac
Saint-Jean et Québec, lieu de commerce de fourrures. On parle des
premiers temps de la colonie. Son parcours traverse, sur une longueur de plus
de cent milles, le parc des Laurentides et précisons qu'il doit
être distingué du Passage des Jésuites, route
d'été empruntant cours d'eau et nécessitant des portages.
L'importance historique du Sentier des Jésuites vient en partie de son
antiquité, c'est-à-dire aux alentours des années 1676-1703
pour la connaissance des Blancs, ce qui en fait un sujet difficile à
connaître et jusqu'à présent, peu étudié en
profondeur si nous exceptons l'important travail de M. Thomas-Edmond Giroux,
aujourd'hui décédé mais ancien employé du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.
Au départ, l'importance de cette route forestière est
liée à deux phénomènes propres de l'histoire du
début de la colonie française: d'une part, l'effort
d'évangélisation des Indiens du Nord par les Jésuites, et
peut-être plus directement à l'effort économique de la
Nouvelle-France pour acquérir les fourrures des Montagnais de la
région du lac Saint-Jean et, par extension, celles de la grande
réserve de la baie d'Hudson.
Dans cette optique, à l'hiver de 1661, arrive à
Québec un Indien nipisirinien venant de la baie d'Hudson,
c'est-à-dire à 800 milles de Québec, pour proposer des
ententes commerciales aux Français. Son arrivée pose pourtant un
problème. Quel chemin d'hiver lui a permis de parcourir cette distance
impressionnante et d'atteindre l'Habitation de Québec. Dès lors,
les Jésuites, missionnaires explorateurs, entreprennent une
enquête sérieuse auprès des indigènes et
découvrent l'existence d'un maître-sentier d'hiver montagnais
reliant Québec au lac Saint-Jean, région connue
déjà grâce à l'exploration du Jésuite de Quen
en 1647.
Pourtant la situation reste en suspens jusqu'en 1675, lorsque Charles
Bazire, marchand de Québec, se voit octroyer la direction de
l'exploitation commerciale, c'est-à-dire les fourrures du Domaine Royal,
après l'abolition de la Compagnie des Indes occidentales, en 1674.
Constatant une baisse du commerce à Tadoussac, Bazire décide
d'établir des postes de traite plus au nord, un à
Métabetchouan, lac Saint-Jean, et un autre à Chicoutimi.
Simultanément, ces deux nouveaux comptoirs deviennent, avec le concours
des Jésuites, des missions évangéli-ques et, en 1776, le
père de Crespieul fonde Saint-Charles de Métabetchouan qui
servira de relais pour la fondation d'autres postes sur la rivière
Rupert, en 1679, et le Lac Mistassini en 1688. Le Sentier des Jésuites
prend de l'importance à partir de 1680, quand le père de
Crespieul entreprend d'établir une ferme qui sera mise à partir
de 1682 sous la direction du frère Malherbe, spécialiste en
agriculture et élevage. Donc, en 1680, on note l'arrivée, par le
sentier, d'une vache; en 1682, de trois vaches, d'un cochon, d'un taureau; et
par la suite, de meules de moulin, d'un bluteau, de roues de charrette.
Ces détails sont importants ici. C'est pour souligner le fait que
ce sentier est ce qu'on appelle une piste d'hiver. Donc, il n'est pas question
de portage, ou de canotage. C'est pour cela qu'on a ajouté ces
détails.
L'utilisation fréquente du Sentier des Jésuites cesse en
1696, à la mort de Malherbe, où l'on décide l'abandon de
la ferme, et s'accentue de 1703 à 1705, lorsque la mission est
également abandonnée. C'est l'époque où les
Montagnais montent plus au nord du lac Saint-Jean pour de nombreuses raisons:
baisse considérable du gibier, due à l'excès de recherche
de fourrures, l'escalade au Nord des Hurons et enfin l'épidémie
dévastatrice de picotte de 1703. Après cette date, le sentier
restera le domaine des Indiens et nous ne notons que deux autres utilisations
du chemin d'hiver par des blancs.
En 1859, il aurait été utilisé pour transporter une
chaudière à vapeur, différentes machines et
matériaux pour le premier bateau à vapeur et, en 1864, Jacques
Bédard, négociant de Québec, serait revenu du lac
Saint-Jean par cette route avec un troupeau de moutons, ce qui serait
très mal vu dans un canot.
Cette voie de pénétration a retenu l'attention des
cartographes, des arpenteurs et des chercheurs des XVIIIe et XIXe
siècles. En 1731, le père Pierre Laure, cartographe, tente plus
ou moins adroitement d'en établir le tracé sur une carte. En
1844-45, l'arpenteur Georges Duberger en fait le parcours, ce qui demeure un
document introuvable qui a été détruit dans un incendie.
Ainsi de nombreuses personnes s'intéressent au Sentier des
Jésuites depuis longtemps et, comme M. Giroux, en ont
révélé l'authenticité et l'importance historique.
Il reste toutefois un immense travail à effectuer pour compléter
certaines données, pour assembler tous les éléments
disponibles et pour arriver finalement à une mise au point historique la
plus totale possible. Ce sentier pourrait être aménagé
comme sentier de randonnée, à pied, à ski de fond, en
raquette. Il pourrait en outre servir à illustrer l'écologie du
parc des Laurentides en serpentant ses différents milieux
écologiques. La disparition de la section ci-haut mentionnée du
Sentier des Jésuites serait une perte inestimable pour le patrimoine
québécois. Nous espérons donc que les autorités
tiendront compte de l'important impact communautaire soulevé par ce
nouvel aspect. Merci.
M. HOUDE (Fabre): M. le Président, je voudrais savoir ce que cela
veut dire Askatara-Scotoro.
M. LORTIE: Askatara, c'est en huron, cela
signifie chemin fourchu. Scotoro, c'est en montagnais, ce qui signifie
aussi chemin fourchu. Vous retrouvez l'askatara ou le scotoro, si vous voulez,
à la hauteur de l'embouchure de la décharge du lac Cook dans la
rivière Jacques-Cartier, ce qui en fait le point central du sentier.
C'était une étape très importante à
l'époque, soit les les Indiens ou, plus tard, pour les Blancs.
C'était un point d'orientation, si on veut.
M. HOUDE (Fabre): Merci.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions à poser
à ces messieurs de la part des membres de la commission? On nous a
donné un bon cours d'histoire.
M. LESSARD: Je tiens à souligner, M. le Président...
M. PILOTE: Est-ce que vous pourriez nous informer, concernant la
rivière Métabetchouane, où il y avait un poste de traite
à Saint-Jérôme, comté du Lac-Saint-Jean?
M. LORTIE: C'est Saint-Charles-de-Métabetchouan.
M. PILOTE: C'est Saint-Jérôme, aujourd'hui comté de
Lac-Saint-Jean.
M. LORTIE: Si vous voulez.
M. PILOTE: II n'y a pas si je veux, c'est ça.
M. LORTIE: Directement, je ne pourrais pas vous le dire, je ne suis pas
historien, tout ce que je sais c'est que...
M. PILOTE: Je crois que les Indiens empruntaient la rivière
Métabetchouane pour arriver au poste de traite de
Saint-Jérôme...
M. LORTIE: La dernière section du Sentier des Jésuites,
c'est la rivière Métabetchouane.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous avons eu notre
cours d'histoire pour ce soir. S'il n'y a pas d'autre question, je remercie ces
messieurs.
M. LESSARD: C'est une autre richesse de la Jacques-Cartier, M. le
Président, qu'il fallait souligner et je félicite le groupe qui
l'a fait.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que des représentants des
Citoyens de la paroisse de Saint-Edmond-de-Stoneham sont ici?
S'ils ne sont pas ici, d'après le document que nous avons, c'est
une pétition. Si tout le monde est d'accord, je suggérerais
qu'elle soit consignée au journal des Débats.
Maintenant, le dernier mémoire et non le moindre,
l'Hydro-Québec.
Messieurs de l'Hydro-Québec, comme c'est un peu un droit de
réplique que vous avez ce soir. Vous avez eu lors de la dernière
commission parlementaire, l'occasion de présenter votre projet.
Je vous demanderais de vous en tenir strictement aux données les
plus essentielles afin que nous ne dépassions pas, si possible, la
limite de 20 minutes qui a été accordée à tous les
autres opinants.
Hydro-Québec (suite)
M. DEGUISE: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire, Yvon DeGuise, pour les besoins du journal des Débats.
Nous aurions évidemment beaucoup à dire sur tout ce que nous
avons entendu aujourd'hui. Je comprends que pour des fins pratiques, il faille
nous limiter à une période qui a été fixée
à 20 minutes. Nous aurions de beaucoup préféré
avoir l'occasion de revenir mais, si ce n'est pas la décision de M. le
président de cette commission, nous allons tenter de faire le mieux
possible dans le peu de temps disponible.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous devez faire de votre mieux dans le temps
disponible puisque d'autres opinants sont ici et aimeraient probablement
entendre votre son de cloche.
M. DEGUISE: Personnellement, je vous présenterai quelques
observations très générales. Je demanderai ensuite
à M. Laurent, notre président du comité d'information, de
dire quelques mots. Nous avons à la disposition je ne sais pas
s'il y a eu un malentendu le bureau d'ingénieurs,
aménagistes, paysagistes qui ont travaillé sur notre maquette et
qui sont ici pour répondre à des questions, si c'est le
désir des membres de la commission et, enfin, nous avons aussi les
auteurs du rapport d'études préliminaires d'environnement, si
c'est le désir de les entendre. Une première observation que je
soumets à votre respectueuse attention. Avec tout ce que j'ai entendu
aujourd'hui, je me pose sérieusement la question suivante: Est-ce que
les groupes que nous avons entendus représentent bien un segment
important de la population du Québec? L'Hydro-Québec, comme
telle, les mandataires des élus de la population, dans les
décisions que nous avons à prendre ou dans les recommandations
que nous avons à faire, nous essayons de concilier
l'intérêt général de près de 2 millions
d'abonnés qui représentent toute la population du Québec.
C'est peut-être une note de discordance entre...
M. LESSARD: En ce qui concerne l'électricité?
M. DEGUISE: En ce qui concerne l'électricité,
évidemment. Dans notre mandat, bien entendu.
M. LESSARD: II faut que ce soit bien spécifié.
M. DEGUISE: On a fait état de l'inviolabilité des parcs,
des prescriptions sévères de la loi actuelle. Je voudrais
même relire ce qui a été cité déjà
à l'article 6, où il est question qu'aucun bail, licence ou
permis qui diminue ou peut diminuer l'utilité d'un parc, ne peut
être fait, accordé ou émis.
Dans tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, je ne crois pas que la
preuve ait été faite et, d'ailleurs, M. Loubier s'est
référé à ceci lorsqu'on a soulevé un point
de loi.
Je ne crois pas que la preuve ait été faite que
l'utilité du parc serait diminuée ou pourrait l'être dans
l'avenir. Personne ne nous a garanti qu'il y aura moins de visiteurs avec
l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec que s'il n'y en
avait pas.
Une troisième observation. Je me demande si on n'exagère
pas un peu et même beaucoup dans les je ne dirai pas les
qualificatifs mais dans les mots qu'on a employés lorsqu'on parle
de dégradation, de spoliation, de dépossession et même de
viol de la Jacques-Cartier. Je n'ai pas l'impression, humblement, que la preuve
a été faite de tout ce dommage. En réalité, le fait
de transformer en un lac une section d'à peu près 20 milles de
rivière, est-ce que ça crée des perturbations aussi
catastrophiques qu'on les a décrites? Même la rivière
Jacques-Cartier, dans toute sa beauté que nous reconnaissons, c'est tout
de même une rivière qui a un débit égal au
trentième de celui de la rivière Saguenay. Alors, on ne
bouleverse pas, si vous voulez, un cours d'eau majeur. C'est une observation,
je crois, qui a sa place.
Ensuite, je pense que je dois revenir sur un point qui a
déjà été mentionné par d'autres et qui n'est
pas entièrement négligeable. Quiconque a parcouru le
Québec sait qu'il existe une multitude d'autres sites panoramiques
très intéressants et qui se comparent à plusieurs points
de vue à celui de la rivière Jacques-Cartier. Certes, il n'y en a
pas deux d'identiques. Mais comme, je crois, mon prédécesseur
immédiat l'a dit, c'est très subjectif de savoir lequel est le
meilleur, lequel est le plus grandiose. Par exemple, il y a des gens qui
préfèrent la mer à la montagne; il y en a d'autres qui
préfèrent la montagne à la mer.
Je terminerai sur une note un peu humoristique, je m'en excuse, parce
que, si vous voulez, cela fait un peu caricature. Mais je pense qu'il y a une
leçon à tirer de ça qui est peut-être utile. Il y
avait un vieil économiste anglais qui avait beaucoup de
difficultés à justifier toutes les précautions sur le plan
de l'écologie, sur le plan de l'environnement. Disons que ce
n'était plus de son temps. Il faisait la déclaration suivante
à une réunion d'une chambre de commerce: Nous sommes rendus
à nous préoccuper des étangs et des petits lacs dans la
périphérie de la ville afin que les poissons y prennent leurs
ébats.
Mais il y a encore à l'intérieur de la ville 15 p.c. des
maisons qui n'ont pas de bain et il n'y a pas même une piscine pour les
humains.
C'est caricaturé et c'est exagéré mais je pense
que, de cela, il faut tirer une leçon: Dans tous les problèmes
qui nous confrontent, il y a des priorités à établir et
deuxièmement, les ressources économiques du Québec, pour
autant que je sache, ne sont pas illimitées. Par conséquent, il y
a un choix judicieux à faire et, messieurs, vous en êtes les
juges.
Je demanderais maintenant à M. Laurent, le président de
notre comité d'information, s'il veut bien ajouter quelques mots.
M. LAURENT: M. le Président, je vais être très bref
quoique l'on aurait bien aimé prendre toutes les observations faites
durant cette journée à savoir ces observations qui mettent
en doute parfois la crédibilité de l'Hydro-Qué-bec,
d'autres fois celle de ses experts ou de ses ingénieurs passer
deux ou trois heures à les relever et faire la preuve qu'en fin de
compte tous ces gens travaillent pour le bien de la collectivité,
relever aussi des observations dans le sens suivant, à savoir que
l'Hydro-Québec a besoin d'électricité mais que c'est
finalement la collectivité québécoise qui en a besoin, non
l'Hydro-Québec. Je vais faire tout simplement une observation
générale qui, je l'espère, englobera toute cette question
et mes collègues m'excuseront s'ils ne peuvent pas venir ici et prouver
le contraire de ce qui a été dit. Ce que je voulais dire, c'est
que, s'il y a au Québec une entreprise qui travaille pour la
collectivité, pour cet ensemble de la collectivité dans son
entreprise et dans ses employés, que ce soient des cadres ou des
syndiqués, ce sont sans aucun doute les employés de
l'Hydro-Québec. Et dans ce sens, tout ce qui a pu être dit envers
cette possibilité de crédibilité de ces gens ou de
l'Hydro-Québec, j'aimerais le réfuter et tout de suite passer la
parole à nos experts qui, eux, pourraient vous démontrer aussi
très longuement toute la valeur, soit de la biologie, soit de
l'aménagement du territoire mais qui vont aussi être brefs et
essayer de résumer ce qui a pu justifier scientifiquement les choix qui
ont été faits. Merci.
M. Pelletier, de la firme Gauthier, Poulin et Thériault, va
pouvoir vous expliquer la méthodologie et son moyen d'approche afin de
proposer ce qu'il a à proposer comme projet préliminaire
d'aménagement, combiné à un aménagement
hydro-électrique.
M. PELLETIER: Mon nom est Georges Pelletier, je suis géographe
et, depuis sept ans déjà, je consacre toute mon activité
à l'aménagement des parc provinciaux et nationaux.
Je suis content d'avoir enfin l'occasion de pouvoir répondre
à tous ceux qui se sont faits un peu les détracteurs de notre
projet intégré d'aménagement récréatif, car
j'ai l'impression
qu'on a beaucoup étudié notre projet, qu'on en a beaucoup
discuté, mais je croîs que ceux qui en ont le plus discuté
ne sont pas nécessairement ceux qui l'ont étudié car,
à un certain moment, en lisant les journaux, j'ai eu l'impression que
nous nous étions réellement sabordés avec ce projet.
Alors, nous avons les vérifications et nous nous rendons compte à
l'heure actuelle que ce projet est quand même un projet logique.
Nous avons tenté d'exploiter au maximum le potentiel qu'offre la
vallée de la Jacques-Cartier dans l'hypothèse d'un
réservoir. Alors, nous avons voulu mettre en valeur toutes les valeurs
visuelles, esthétiques, éducatives et autres au moyen d'une
série d'activités à caractère très extensif
de façon à ne ruiner aucune de ces valeurs.
On nous a reproché différentes choses sur lesquelles je
voulais simplement passer très vite. Par exemple, on nous dit que le
fond de la vallée est la partie la plus intéressante. Or, ceux
qui ont pu examiner soit les maquettes ainsi que le rapport ont pu se rendre
compte qu'au fond de la vallée il existe trois campings primitifs.
On nous a aussi reproché d'avoir tenu notre route panoramique
complètement à l'écart de la vallée. C'est vrai
qu'elle est, de façon générale, à l'écart de
la vallée. Par contre, elle donne accès à
différentes aires aménagées qui, elles, sont aux abords de
la vallée.
J'aimerais aussi, puisque j'en suis responsable, répondre
à l'argument du Dr Gilles Lemieux tout à l'heure qui a
trouvé, en première page, le mot "unique" qui a été
drôlement charrié aujourd'hui. Alors, c'est vrai, je ne retire
rien, c'est une vallée qui possède un potentiel unique, à
différents points de vue, et c'est précisément pourquoi
nous sommes tout à fait d'accord pour exploiter ce milieu unique
plutôt que d'en faire un musée complètement
fermé.
Toute la question est de savoir si on doit soumettre l'homme à la
nature ou la nature à l'homme. Alors, dans la seconde hypothèse,
qui est la nôtre, nous croyons qu'il est possible d'amener les gens dans
ce milieu fort intéressant. Une autre question principale: Est-ce que ce
milieu unique sera ruiné en cas d'inondation? Je ne crois pas, parce que
le milieu qui présente le caractère le plus spectaculaire se
situe de part et d'autre à peu près à égale
distance de l'endroit où cesse l'inondation.
Nous créons tout simplement un accès de plus, un
accès par l'eau pour emmener les gens dans ce milieu qui est vraiment
unique.
Je crois que j'aurais pu défendre encore davantage notre
thèse, mais je crois que ce seraient des questions de détail qui
risquent d'ennuyer tout le monde.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs. Est-ce qu'il y a
d'autres gens de l'Hydro-Québec qui ont demandé la parole?
M. LAURENT: S'il vous plaît, M. le Président, si vous
voulez entendre maintenant M. Pierre Dumas, qui est notre responsable de cette
étude préliminaire de l'environnement. Il pourrait aussi donner
quelques explications sur la méthodologie qu'il a poursuivie.
M. LESSARD: Je pense bien qu'il s'informera, auprès de certains
de ses collègues.
M. HARVEY (Jonquière): Je n'ai pas besoin d'être ici pour
faire mon choix entre vous et l'autre.
M LESSARD: Oui, mais j'espère que vous ne ferez pas comme votre
frère, prendre une décision et la changer quelques jours
après.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre!
M. HARVEY (Chauveau): Vous ne changerez pas d'idée, c'est une
idée fixe. Un gars qui a une idée fixe comme vous ne peut pas
changer d'idée.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs!
M.DUMAS: M. le Président, nous avons remis avant-hier une copie
du rapport préliminaire préparé par l'Hydro-Québec
en relation avec le projet d'aménagement de la rivière
Jacques-Cartier et ce, à la demande à la première
session de cette commission parlementaire du ministre des Affaires
municipales et responsable de l'environnement. J'espère que la
production de ce rapport ou de son contenu répond aux questions que le
ministre se posait lors de cette première session. Je résume
rapidement l'objectif de ce rapport pour bien mettre l'étude que nous
avons faite dans sa perspective. Le seul but poursuivi par le rapport
était de faire une évaluation sommaire de l'impact du projet sur
l'environnement afin de définir les études plus complètes
à exécuter jusqu'à la fin de l'étude d'avant-projet
et de proposer des modalités de réalisation de ces études,
le tout devant permettre la préparation du rapport final de
l'environnement prévu pour l'automne 1973, selon
l'échéancier prévu avant l'interruption des travaux.
Monsieur le commissaire DeGuise vous a présenté, en annexe
B, à la première session de cette commission, le contexte
général dans lequel s'inscrivait cette étude
préliminaire de l'environnement et vous retrouvez, en annexe à ce
rapport, un diagramme encore plus détaillé des activités
prévues par l'Hydro-Québec dans l'évolution de ce
projet.
Je veux parler pendant deux minutes de la méthodologie qui a
été employée, qui est l'utilisation de la matrice
d'impact. Je pense que ce terme a été pour employer une
expression qui semble être à la mode aujourd'hui
galvaudé. Cette matrice décrit, d'une
part, les éléments de l'environnement et, d'autre part,
les actions projetées sur le territoire.
On se sert du quadrillage qui est ainsi formé pour identifier les
éléments de l'environnement qui seront affectés par
chacune des actions projetées. La méthode prévoit une
quantification de ces impacts et une évaluation de leur importance.
Nous avons fait l'évaluation, comme vous pourrez le voir par la
lecture détaillée du rapport, de deux hypothèses
d'aménagement. Une hypothèse qui considérait un
aménagement hydro-électrique conçu selon les seuls besoins
de l'Hydro-Québec, c'est-à-dire les besoins techniques du projet
ou de production d'électricité et cela n'implique pas les
barrages en béton non finis ou des ouvrages salis comme il a
été mentionné.
La deuxième hypothèse qui a été
considérée, c'est dans un mandat plus élargi ou plus
social de l'Hydro-Québec, un projet qui tient compte des
caractéristiques biologiques du milieu, un projet qui tient compte de
l'environnement.
Je pense qu'on peut souligner ici que cette méthodologie n'a pas
été inventée par l'Hydro-Québec. C'est une
méthodologie qui a été développée pour le US
Geological Survey aux Etats-Unis. Nous avons employé une version que
nous pensons améliorée de celle qui avait été
utilisée par le groupe de travail fédéral-provincial qui
avait évalué les imparcts d'aménagement de la baie
James.
A notre connaissance, c'est la deuxième fois au Québec
qu'un rapport d'impact sur l'environnement est ainsi produit, si nous
considérons celui de la baie James.
Il faut admettre qu'il n'est pas facile de quantifier les impacts d'un
projet sur l'environnement.
Il y a énormément de recherches qui se font à ce
sujet, mais il faut accepter un jour ou l'autre que, plus on parlera
d'environnement, plus cela nous prendra des mécanismes de mesures et
d'évaluation les plus froids possibles de ces impacts afin de pouvoir
apporter une décision qui soit raisonnée et raisonnable.
A cet effet, je voudrais ouvrir une parenthèse pour souligner que
je trouve peut-être regrettable, au niveau de l'éthique
professionnelle, que ceux qui ont critiqué l'utilisation de cette
méthode, dans les mémoires présentés devant la
commission, l'ont fait de façon purement spéculative sans avoir
pris connaissance du rapport dont nous discutons actuellement. On a
qualifié cette méthode d'instrument à la disposition des
géographes alors que c'est une méthode à la disposition
des aménagistes.
On a dit que l'Hydro-Québec, par une évaluation, par une
matrice d'impact, avait accordé une valeur négative à
l'évaluation de la rivière Jacques-Cartier dans son état
naturel. Je vous réfère tout simplement à la lecture du
rapport pour replacer cela dans une juste perspective.
Dans cette même veine, j'ai trouvé troublant, pendant les
présentations aujourd'hui, les réponses que plusieurs personnes,
y compris les deux experts désignés, ont données aux
questions de M. Loubier, à savoir qu'ils n'avaient même pas pris
connaissance des mémoires présentés par
l'Hydro-Québec, les mêmes personnes n'hésitant pas, par la
suite, à parler d'incompatibilité, de galvaudage
écologique, de laideur, etc.
En conclusion, je voudrais rappeler les propos que M. Giroux vous tenait
à la première session et que M. DeGuise a résumés
aussi tout à l'heure. Il faut faire la part de la sentimentalité
et de la démagogie qui entourent les problèmes de
l'environnement. Nous avons l'impression de vous présenter un projet
honnête qui tient compte de la loi, du milieu, de l'écologie et
des besoins de la collectivité québécoise et
particulièrement de la Communauté urbaine de Québec.
On a entendu des termes qui semblaient exagérés, comme
vous l'a mentionné M. DeGuise tout à l'heure. Je pense qu'il y a
lieu de remettre tout cela dans une juste perspective et qu'il est aussi
dommageable pour le bénéfice de la société
québécoise de faire du galvaudage d'idées qu'il serait
dommageable si l'Hydro-Québec faisait du galvaudage écologique
sur le territoire de la société. Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? L'honorable
député de Nicolet.
M. VINCENT: Oui, M. le Président. J'aurais d'abord une
observation et j'aurai aussi quelques questions à poser. Je pense que
d'abord, il faudrait, dans le contexte actuel, bien comprendre, puisqu'on a
parlé de faire la preuve, que ce ne sont pas ceux qui défendent
l'antipro-jet, ceux qui sont contre le projet, qui doivent faire la preuve. Je
pense que, dans le contexte actuel, c'est à l'Hydro-Québec de
faire la preuve que l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier
doit se faire. Egalement, M. le Président, j'en profite pour dire
qu'à l'avenir, en ce qui concerne nos richesses naturelles, ce sera
toujours aux parties qui veulent les exploiter à faire la preuve et non
pas aux gens à venir faire la preuve que l'Hydro-Québec ne doit
pas ou doit y aller. Je pense qu'il faudrait être clair
là-dessus.
Ma première question serait la suivante: Croyez-vous qu'une route
qui aurait comme premier but la construction de la centrale électrique
puisse vraiment être aménagée par la suite en une
véritable route panoramique?
M. Pelletier, je crois.
M. PELLETIER: Oui. A cette question, je répondrai ceci. Telle que
la question est posée, ce n'est pas possible. Il faudrait que la route
soit au départ une route polyvalente et ceci est très facile,
nous l'avons réalisé déjà dans quelques parcs, il
faut que, dès le départ, les
mesures soient prises dans le tracé de la route elle-même
afin que celle-ci serpente dans des milieux réellement
intéressants d'où l'on peut vraiment apercevoir toutes les
caractéristiques spéciales de la zone et qu'elles servent
à éveiller chez le visiteur, celui qui parcourt cette route, la
curiosité qui, je crois, est la première réaction normale
du visiteur, qui retrouvera peut-être réponse à cette
curiosité dans les centres d'interprétation qui sont
placés beaucoup plus loin. Un autre facteur aussi, c'est que, dès
l'implantation de la route, il faut prendre toutes les mesures
nécessaires afin que cette route ait les caractères
paysagés nécessaires. Autrement dit, on ne doit pas construire
une route comme on construit un chemin de bois en "bulldozant" les arbres de
chaque côté et en brisant le site.
D faut prendre d'autres moyens, comme par exemple, couper les arbres,
brûler les branches sur place et récupérer tout le bois et
non le laisser pourrir de chaque côté de la route. De même,
le matériel d'emprunt ne doit pas être pris à
proximité de la route, mais dans des zones suffisamment
éloignées pour que l'on n'ait pas de vue sur des gravières
qui ont toujours un aspect de zone dévastée.
M. VINCENT: Ma deuxième question va être assez
brève. On a mentionné à plusieurs reprises que votre plan
d'aménagement récréatif ne cherche aucunement à
exploiter le fond de la vallée qui serait, semble-t-il, le milieu le
plus riche de ce secteur. Vu qu'on l'a mentionné à plusieurs
reprises, est-ce que vous pourriez en expliquer la raison?
M. PELLETIER: J'avais déjà répondu à cette
question tout à l'heure.
M. VINCENT: J'aimerais qu'on revienne là-dessus.
M. PELLETIER: Je voudrais mentionner encore une fois qu'au fond de la
vallée nous avons prévu deux campings à caractère
primitif qui sont l'aboutissement des sentiers pour piétons qui longent
tout le fond de la vallée. Je me permets, puisque j'en ai l'occasion,
d'ajouter aussi que, lors du circuit du bateau-mouche que nous proposons, nous
trouverons sur les plaines alluviales, aux endroits où elles sont
suffisamment élevées et non noyées, des espaces de
pique-nique, enfin des haltes. J'ajouterais même que les amateurs
d'alpinisme pourront parfaitement s'arrêter à ces haltes et de
là, gravir les parois.
M. VINCENT: M. le Président, je pose la question à M.
DeGuise, advenant que la décision du gouvernement soit maintenue,
décision prise en février dernier, que fera
l'Hydro-Québec? Vers quelle rivière ou vers quel centre
l'Hydro-Québec devra-t-elle diriger ses recherches pour trouver
l'énergie hydraulique?
M. DEGUISE: Je répondrai immédiatement à cela que
nous allons nous remettre à l'étude. Pour 1979, nous sommes
encore persuadés que nous ne pouvons pas faire d'autres sites à
réserve pompée à moins de prendre des risques
extrêmement grands. Ce serait dire d'adopter un site, ne pas faire
d'études, commencer à le développer s'il y a des
imprévus, le faire à n'importe quel prix. Ce n'est pas une
solution désirable. Pour répondre aux besoins
d'électricité, il nous reste à installer des groupes
thermiques, on les appelle turbines à gaz, groupes thermiques
légers.
C'est la seule solution que nous entrevoyons et qui soit
économique et sûre pour 1979.
M. VINCENT: M. Giroux mentionnait ça avant son départ,
à six heures. Il a simplement dit: C'est une décision que vous
aurez à prendre; si le gouvernement garde ou conserve la décision
qu'il a prise en février, nous nous y soumettrons. Mais moi, je me pose
la question. Pour quelle raison l'Hydro-Québec a-t-elle fait
l'étude de ce projet, en étant pratiquement convaincue qu'elle
recevrait l'autorisation du gouvernement? Elle savait quand même, avant
de commencer l'étude, qu'il faudrait une autorisation gouvernementale
pour faire le projet et que, peut-être, comme c'est le cas, l'opinion
publique s'y opposerait.
M. DEGUISE: J'ai répondu indirectement à cette question,
à la dernière séance je crois, en disant qu'il y a un an
exactement, en juin 1972, nous avions entendu parler de certaines oppositions
au projet. A ce moment-là, nous l'avons exposé à quatre
sous-ministres des ministères concernés et nous leur avons dit:
Est-ce que nous devons aller de l'avant? Et puis on nous a permis
d'entreprendre des études mais on ne nous a pas dit: Vous ferez le
projet. On nous a permis d'entreprendre des études et de pousser plus
avant nos connaissances en vue de savoir si c'était possible ou non.
M. VINCENT: C'est-à-dire les sous-ministres. Ce sont quatre
sous-ministres qui auraient permis de continuer...
M. DEGUISE: Ils ne nous ont pas donné de permission. Ils nous ont
dit: Vous avez un permis et nous avons déposé, la dernière
fois, un permis d'accès aux sites du ministère des Terres et
Forêts. C'était un permis simplement pour fins d'étude et
d'exploration.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Est-ce que le député d'Abitibi-Est aurait des
questions? Alors, M. le Président, je pense bien qu'il faudrait revenir
au problème fondamental. En ce qui concerne l'aménagement
touristique, je me fie bien plus aux experts du ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche; je me fie bien plus aux spécialistes
dans le domaine que je puis me fier
à l'Hydro-Québec. A maintes et maintes reprises, M. le
Président, j'ai soulevé cette question qui m'apparaît
fondamentale. Est-ce que l'Hydro-Québec a fait des études de
sites alternatifs?
Le ministre des Richesses naturelles et le ministre des Terres et
Forêts ont apporté tout à l'heure cet argument qu'il
était possible que, si l'on n'aménage pas la Jacques-Cartier,
l'on ait des augmentations de taux d'électricité. Cependant,
chaque fois que nous avons soulevé cette question à
l'Hydro-Québec, il semble qu'on l'ait toujours détournée;
on ne répond pas.
En effet, M. le Président, j'ai reçu un rapport de
l'Hydro-Québec montrant, par exemple, que l'on avait
étudié douze sites possibles. Je remarque que l'estimation de ces
coûts date de 1961. Or, il est impossible pour nous d'être capables
de prendre une décision valable je l'ai dit le 3 mai et je le
répète tant et aussi longtemps que l'Hydro-Québec
ne nous dira pas exactement quelle est la différence entre
l'aménagement de la Jacques-Cartier et le non-aménagement de la
Jacques-Cartier et le choix d'un autre site. Ce que l'on fait, je crois,
actuellement, c'est du chantage économique.
M. le Président, c'est que...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): La question, s'il vous plaît?
M. LESSARD: Non, je fais des commentaires, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): La question, s'il vous plaît?
M. LESSARD: Parce que la question, M. le Président, je l'ai
posée à maintes et maintes reprises, je fais des commentaires.
L'Hydro-Québec vient nous dire actuellement que son aménagement
touristique est valable. Si elle considère qu'il est valable, il a
été démontré aujourd'hui, je le crois, par des
spécialistes, que le site de la Jacques-Cartier était
incomparable, que le site de la Jacques-Cartier serait détruit tout
simplement par la construction d'une réserve pompée. Cependant,
il reste qu'il importe et je pense que c'est une question importante
de savoir ce que cela nous coûtera de conserver la
Jacques-Cartier. Et pour prendre une décision, cela nous prend des
chiffres comme ceux-là. Or, M. le Président, nous n'avons pas
reçu ces chiffres et les coûts estimatifs sont de 1961. Par
contre, on ne voit pas du tout, dans ces études préliminaires,
l'évaluation du projet Champigny que l'on évalue actuellement
à $175 le kilowatt. Cependant, on constate qu'en 1961, un certain projet
a été évalué à $115; le projet Saurtney, par
exemple, à $115 le kilowatt.
Nous avons fait, M. le Président, par une petite règle de
trois, par comparaison, l'évaluation de ce que pourraient par
exemple, le projet Saint-Hilaire ce que pourraient être certains
sites alternatifs.
On arrive, M. le Président, avec, par exemple, la Jacques-Cartier
qu'on évalue à $175 millions, l'aménagement de la
Saint-Hilaire à $200 millions, ce qui veut dire une différence de
$25 millions et, si on calcule que l'amortissement d'un tel barrage se fait sur
une période de 25 ans, ça diminue considérablement, M. le
Président, le coût annuel.
Or, on fait des efforts énormes actuellement au ministère
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, et même au gouvernement
fédéral, par les parcs nationaux, pour construire des parcs qui
coûtent $10 millions, $15 millions et $20 millions. Alors, je pense qu'on
en a un actuellement qui est naturel et qu'on n'acceptera pas de le faire
détruire par l'Hydro-Québec. J'insiste, M. le Président,
sur ce que disait le député de Nicolet. C'est que
l'Hydro-Québec semble croire que le fardeau de la preuve devait revenir
à ceux qui s'opposaient au projet. Bien, ce n'est pas du tout ça,
M. le Président. Je crois que le fardeau de la preuve, il vous
appartient, d'autant plus que vous pénétrez à
l'intérieur d'un parc. Alors, le fardeau de la preuve, c'est à
l'Hydro-Québec, et actuellement, on ne nous a pas prouvé du tout
que c'était le seul site qu'on pouvait choisir pour l'aménagement
d'une réserve pompée.
M. le Président, à partir de ça, je trouve, ce
soir, l'argumentation de l'Hydro-Québec extrêmement faible et je
l'ai trouvée... D'ailleurs, dès le début, on a
constaté que l'Hydro-Québec ne voulait pas répondre
exactement aux véritables questions. S'agit-il de sacrifier ce site ou
tout simplement est-ce qu'il est possible d'en choisir un autre? Or, il arrive
que, si on sacrifie ce site-là, c'est, je pense les
spécialistes l'ont affirmé une décision
irrémédiable. On ne peut pas revenir en arrière. Par
contre, l'Hydro-Québec nous affirme: On ne peut pas faire de
réserve pompée, il est possible d'utiliser les turbines à
gaz. Or, je pense qu'il a été aussi prouvé que
l'utilisation des turbines à gaz ne polluait pas l'atmosphère de
façon tellement considérable. Cependant, il reste que, si on
utilise des turbines à gaz, c'est pour un temps très
précis, tandis que, si on brise ou on gaspille la Jacques-Cartier, c'est
final.
En conséquence, M. le Président, je propose la motion
suivante: 1 Que la commission recommande l'abandon du projet Champigny.
2 Que l'aménagement de la vallée de la Jacques-Cartier,
pour fins touristiques et de loisirs, soit accéléré dans
le respect du caractère unique de ce site et de sa vocation propre.
M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, est-ce que je pourrais
poser une question sur la motion? On sait très bien que les travaux de
l'Hydro-Québec sont, au moment où on se parle, non pas
terminés mais arrêtés. Je pense qu'il était question
d'entendre l'Hydro-Québec ce soir pendant une période de vingt
minutes comme tous les autres organismes, groupes et individus que nous avons
entendus. La décision
finale doit cependant être prise par le conseil des ministres et
le gouvernement.
M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement, je
suis d'accord que la décision finale doit être prise par le
gouvernement et par le cabinet. Cependant, nous avons eu, comme
députés et comme membres de cette commission parlementaire,
l'avantage d'entendre les mémoires qui ont été
présentés tant par l'Hydro-Québec que par les autres
organismes. Nous avons même donné l'avantage à
l'Hydro-Québec de répondre aux questions, à
l'argumentation qui avait été avancée par les autres
organismes. Or, je pense que les membres de la commission sont actuellement
assez éclairés pour faire une recommandation à
l'Assemblée nationale et c'est dans ce sens que je propose cette
motion.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aimerais faire remarquer aux
membres de la commission que le député de Saguenay a fait un
discours et a posé soit directement, soit indirectement, des questions
à l'Hydro-Québec, et il me semble qu'il n'a pas attendu les
réponses, les commentaires ou les observations de l'Hydro-Québec
avant de tirer des conclusions. C'est un luxe que peut se permettre
l'Opposition mais que le gouvernement ne peut se permettre. Je voudrais
souligner que si le gouvernement et je parle de façon
hypothétique pour le moment décidait autour de cette table
de commission de rejeter, de s'opposer à la motion proposée par
l'honorable député de Saguenay, il ne faudrait pas que cette
opposition soit interprétée comme une prise de position contre
celle proposée par le député de Saguenay.
Mais, simplement, le gouvernement se croirait en droit et en devoir de
réserver son jugement, d'attendre la fin de toutes les
présentations, de digérer ce que nous entendons depuis dix heures
ce matin, de la part de beaucoup d'organismes, de revoir le mémoire de
l'Hydro-Québec du 3 mai et d'arriver, enfin, au meilleur jugement dont
il serait capable.
Donc, advenant le cas où le gouvernement ne trouve pas possible
d'appuyer la motion du député de Saguenay, je ne voudrais pas que
cette prise de position soit mal interprétée.
M. VINCENT: Est-ce que le député de Saguenay me
permettrait de suspendre pour quelques instants sa motion et si les membres de
l'Hydro-Québec avaient quelques réponses à nous
donner...
M. LESSARD: Je regrette, mais l'Hydro-Québec...
M. VINCENT: C'est parce que la motion n'est pas encore reçue par
le président. C'est là que je ne voudrais pas qu'on...
M. BURNS: Elle est reçue.
M. VINCENT: Elle est faite mais elle n'est pas encore reçue.
M. BURNS: II n'a pas d'affaire à la recevoir ou non. Elle est
faite.
M. LESSARD: La motion est faite.
M. VINCENT: Oui, mais est-elle recevable?
M. LESSARD: Elle est recevable.
M. BURNS: Elle est là, elle est faite.
M. LESSARD: Le député de Nicolet me pose une question.
J'ai bien souligné tout à l'heure que ces questions ont
été posées à l'Hydro-Québec au cours de la
session du 3 mai, la session de la commission parlementaire. A maintes et
à maintes reprises, le ministre des Richesses naturelles peut le dire,
nous avons demandé à l'Hydro-Québec si elle avait fait des
études alternatives. Ce soir, l'Hydro-Québec aurait pu
répondre à ces questions. L'Hydro-Québec a toujours
refusé de répondre à ces questions et je pense, pour ma
part, que l'Hydro-Québec, à qui nous avons accordé 20
minutes pour répondre justement aux objections qui avaient
été apportées, à qui nous avons accordé
encore 20 minutes pour nous dire exactement ce qu'elle pensait de ce projet a
eu à mon sens tout le loisir nécessaire pour nous prouver que ce
projet était rentable, non seulement économiquement mais sur le
plan écologique, et je pense que je suis assez éclairé
actuellement. Si le gouvernement n'aime pas ma motion, qu'il vote contre cette
motion, c'est son problème. Pour ma part, je pense avoir reçu
tous les éclaircissements nécessaires. Quant à ceux qui
n'ont pas voulu répondre à mes questions, c'est leur
problème.
M. PILOTE: M. le Président, je considère pour ma part
cette motion du député de Saguenay comme étant non
recevable et irrégulière. Lorsqu'il parle de l'aménagement
accéléré de la vallée de la Jacques-Cartier pour
fins touristiques, il engage nécessairement financièrement le
gouvernement à ce sujet et je considère cette motion comme
étant non recevable.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'ailleurs, je vais me prononcer...
M. BURNS: Est-ce que le président de la commission me permet
d'intervenir?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous avez le droit d'intervenir à
titre de député.
M. BURNS: Merci, M. le Président, vous êtes bien
gentil.
Je veux tout simplement dire que la motion, telle qu'elle est
formulée, c'est très important de s'y arrêter. Le
député de Saguenay a
mentionné entre autres choses que et ceci, je pense, en
réponse à une interquestion qui a été
formulée par le ministre des Affaires municipales chargé de
l'environnement quelle que soit la décision que cette commission
rendrait sur sa motion ou prendrait sur sa motion, cela ne lie pas. Je pense
que c'est important que cette distinction soit posée. Cela ne lie pas.
Cela va être une drôle et sérieuse pression psychologique
sur le gouvernement; il n'y a pas de doute, n y aura une commission qui aura
dit qu'elle recommande et ce sont les termes de la commission. Et, je voudrais,
M. le Président, bien insister sur le fait que ce n'est pas comparable
à un "money bill" même si la deuxième partie, comme le
disait le député du lac Saint-Jean, semble laisser croire qu'il y
aura une dépense d'argent.
La deuxième partie nous parle de l'aménagement
accéléré de la Vallée de la Jacques-Cartier pour
fins touristiques, etc. C'est une recommandation et c'est au même titre,
M. le Président...
M. PILOTE: M. le Président, je voudrais...
M. BURNS: Une minute, un instant, je n'ai pas fini.
M. PILOTE: Excusez-moi!
M. BURNS: ... que nous faisons régulièrement, tous les
mercredis, les députés de l'Opposition admettant au
départ que nous n'avons pas le droit d'engager les fonds publics par nos
motions, admis, il n'y a pas de problème là-dessus des
motions qui recommandent au gouvernement certaines lignes de pensée qui
sont acceptées ou qui sont refusées, peu importe, et qui peuvent,
une fois acceptées, comporter une dépense quelconque, un
engagement de fonds publics.
Je dis, M. le Président, qu'une commission, je vous le soumets
respectueusement, a parfaitement le droit, sans engager les fonds
gouvernementaux, parce que la commission ne décide pas en
dernière instance, à moins que vous me disiez le contraire... Si
vous me dites que quelque décision qui arrive dans une commission, est
une décision finale, à ce moment-là, je vais être
obligé de réviser tout mon droit parlementaire. Je pense que vous
ne me donnerez pas, connaissant votre logique, une réponse de cette
nature. Est-ce que vous voulez consulter le premier ministre, M. le
Président?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Comme je ne suis pas un avocat,
moi-même, il faudrait quand même que je consulte quelqu'un.
M. BURNS: Je veux seulement vous dire ceci et je vais terminer
là-dessus. Je veux vous dire que la motion qui est faite en commission,
il ne faut pas partir en peur avec cela. Cela n'a peut-être pas l'air
sérieux qu'on la fasse en se disant: Elle peut être rejetée
de l'autre bord. Mais pour nous autres, c'est très sérieux, en ce
sens qu'actuellement ce problème-là a été
étudié en commission d'une part, que c'est notre seule voie, que
c'est notre seul moyen de tenter d'influencer le gouvernement, que d'autre
part, en vertu des règles parlementaires, cela ne lie pas le Parlement.
Vous devrez c'est tellement vrai que vous avez nommé sans doute
un rapporteur à cette commission-ci faire rapport à
l'Assemblée nationale de cette recommandation-là. C'est cela qui
est le point et, peut-être, la fine pointe de la distinction en droit
parlementaire qui se pose, c'est-à-dire que le député de
Saguenay vous dit: Moi, comme membre de la commission, je recommande l'abandon
du projet Champigny et je recommande l'aménagement
accéléré de la vallée. Si vous ne voulez pas
l'adopter, vous le batterez, mais si vous voulez l'adopter, vous ne venez pas
de faire ce qu'on appelle en droit parlementaire un "money bill". En ce
sens-là, M. le Président, quand vous acceptez cette
motion-là, vous n'acceptez pas une motion irrégulière,
loin de là. Vous acceptez que cette commission-ci fasse des
recommandations au gouvernement, car il faut peut-être se demander
à quoi cela sert, les commissions, sinon à faire des
recommandations au gouvernement. Je ne pense pas qu'il y ait des projets de loi
qui s'adoptent en commission. Si vous en avez déjà vu, M. le
Président, vous me les citerez, les cas; mais moi, je n'en ai jamais vu.
Il n'y a pas de commission qui adopte des projets de loi, il n'y a pas de
commission qui adopte des dépenses. Il n'y a que des commissions qui
font des recommandations.
La meilleure preuve, c'est que, lors de l'étude des
crédits, nous n'avons même pas le droit de faire augmenter les
crédits du ministère des Affaires municipales, du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ou du
ministère des Richesses naturelles ou du Revenu. On recommande
cependant. A un moment donné, on peut dire: Ecoutez, on pense que vous
devriez peut-être... le gouvernement suivra ou ne suivra pas notre
recommandation, mais c'est une recommandation et c'est ça qui est le
point central. C'est pourquoi, je le dis bien sincèrement, je vous le
soumets respectueusement, M. le Président, que cette motion est
parfaitement acceptable, parfaitement recevable. Maintenant, comme le disait le
député de Saguenay et comme semblait l'indiquer le ministre des
Affaires municipales, si la commission trouve que c'est trop tôt, ou si
elle n'est pas d'accord, elle la battra. Mais on aura soumis une motion
parfaitement régulière. Je ne vois pas pourquoi un
député, quel qu'il soit, membre de cette commission, ne
soumettrait pas ses constatations à une commission qui reflète,
dans le fond, ses constatations et que ses constatations concluent à une
recommandation. C'est tout ce que j'avais à dire, M. le
Président.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne
pense pas que la question de recevabilité doive nous retenir
très longtemps. Je pense qu'il faut aller au fond de la question. Je
pense, premièrement...
M. BURNS: Un instant, M. le Président, la question de
recevabilité, je m'en excuse auprès du ministre, a
été soulevée. Moi, je veux savoir, de la part du
président, s'il accepte cette motion comme recevable. Après
ça, on discutera du mérite. Parce que je ne veux pas qu'on se
fasse faire des entourloupettes comme c'est déjà arrivé,
de discuter tantôt du mérite et tantôt de la forme de la
motion. Je voudrais que vous régliez au moins le problème de la
recevabilité de la motion, ce qui est parfaitement de votre juridiction;
vous avez entièrement le droit de nous dire qu'elle est recevable. Je ne
voudrais pas, maintenant que quelqu'un a soulevé l'aspect de la
recevabilité de la motion ce n'est pas moi qui l'ai
soulevé qu'on discute tantôt du mérite et
tantôt de la recevabilité. Je pense qu'avant de discuter du
mérite, comme il semble à bon droit, je suis d'accord avec le
ministre des Affaires municipales, qui semble vouloir discuter du mérite
tant mieux, je suis d'accord qu'on en vienne à ça
mais avant ça, je pense que vous devez nous dire si cette motion est
recevable.
M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une question à poser
au député de Maisonneuve, s'il me permet. Je demandais tout
à l'heure au député de Saguenay s'il voulait retarder de
quelques instants sa motion.
Voici la raison, advenant et ceci est possible
théoriquement que la motion soit votée, cela signifie
qu'on termine les travaux et il n'y a plus de questions que nous pouvons poser
ou que nous pourrions poser à l'Hydro-Québec.
M. BURNS: M. le Président, après avoir consulté mon
collègue de Saguenay, parce que c'est lui qui a toute la sagesse de la
motion derrière lui.
M. GOLDBLOOM: Oui, oui, oui! ne charriez pas trop!
M. HOUDE (Fabre): Cela a l'air "coaching" un peu !
M. VINCENT: Je pense que c'est juste un point...
M. BURNS: Après l'avoir consulté, je veux dire que le
député de Saguenay et moi-même en tout cas, je ne
vois pas, d'ailleurs, pourquoi je dirais moi-même nous n'avons pas
d'objection à ce qu'une fois que la motion aura été
déclarée recevable, on pose toutes les questions pertinentes
à l'Hydro-Québec pour nous éclairer sur la motion, si
nécessaire.
Nous n'avons pas d'objection.
M. VINCENT: On pourrait prendre le vote tout de suite.
M. BURNS: Non, non. On ne sera pas...
M. VINCENT: A ce moment-là, théoriquement...
M. BURNS: Non, non, soyez sans crainte là-dessus, comme le
Président nous dira que la motion est recevable, dans quelques secondes,
à ce moment-là on est prêt à dire, nous autres: S'il
y a des gens qui ne sont pas, tout à fait éclairés, je
serais bien mal venu de venir vous dire le contraire. On a passé la
journée entière à essayer de convaincre le ministre du
Travail, dans son bill 9, d'inviter du monde à venir témoigner
sur des motions et sur un projet de loi. Alors, je n'ai pas d'objection
à ce que l'Hydro-Québec, voyant maintenant cette recommandation,
puisse répondre à des questions que les députés
auraient ou se sentiraient en droit de poser avant de donner leur jugement sur
la motion. Que ce soit bien établi, en ce qui nous concerne, ce n'est
pas dans l'intention de bloquer la commission, loin de là, c'est dans
l'intention de faire avancer les travaux de la commission.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour autant que je suis concerné, je
pense que la motion n'est pas recevable. D'abord, la première des
choses, c'est que le projet Champigny n'est pas encore une
réalité. C'est simplement une étude. Je ne partage
pas...
M. LESSARD: M. le Président, nous avons eu deux séances de
la commission parlementaire sur cela.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Deuxièmement, je ne partage pas
l'idée du député de Maisonneuve, à l'effet que ce
n'est pas un "money bill".
M. LESSARD: M. le Président, le projet Champigny n'est pas une
réalité. Est-ce qu'on va attendre, avant de faire des
recommandations, que le barrage de la réserve pompée soit
fait?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): On peut quand même attendre que
l'Hydro-Québec réponde quelque peu.
M.LESSARD: M. le Président, j'ai dit au député de
Nicolet, c'est-à-dire par l'intermédiaire de mon collègue,
le député de Maisonneuve, que j'étais prêt, à
un moment donné, à permettre que des questions soient
posées en ce qui concerne les incidences de la motion, incidences
économiques et autres.
Cependant, M. le Président, c'est que lorsque vous justifiez le
fait... Vous dites que la motion n'est pas recevable parce que le projet
Champi-
gny n'est pas une réalité. Je regrette, M. le
Président, à ce moment-là, je me demande pourquoi on
siège en commission parlementaire. On aurait dû arrêter
depuis quelque temps.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous demandez l'abandon du projet Champigny.
Je comprends qu'il y a eu une étude qui a été faite qui
s'appelle on l'a ici "Projet Champigny", mais il reste quand
même que c'est au stade des études, c'est encore théorique,
jusqu'à maintenant. Alors, il est à savoir si cette
théorie va se transposer ou non dans la réalité. C'est
pour cela que je vous dis que je crois que la motion est irrecevable.
Deuxièmement, je ne partage pas l'idée du
député de Maisonneuve quant au "money bill", comme on l'appelle,
parce que l'on ne peut pas aménager d'une façon
accélérée la vallée de la Jacques-Cartier pour fins
touristiques et des loisirs, sans que l'on n'implique des sommes d'argent
publiques.
M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président, il n'appartient
pas à un député de l'Opposition de proposer la
dépense de l'argent public. Cependant, au niveau de la commission
parlementaire, étant donné que nous sommes des personnes qui
avons discuté de ce projet pendant deux séances de la commission
parlementaire, il est, je crois, possible, non pas d'engager des fonds publics
mais de recommander au gouvernement, par exemple, l'aménagement de la
Jacques-Cartier. Il faut quand même être sérieux.
M. PILOTE: M. le Président, vous avez pris une décision et
votre décision doit être respectée.
Je demande au député de Saguenay de respecter votre
décision.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je la maintiens.
M. LESSARD: Ecoutez, sauvez votre gouvernement, c'est votre
problème. C'est incroyable.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je crois que M. DeGuise a demandé la
parole.
UNE VOIX: L'effort aura été valable.
M. DEGUISE: Ce n'est pas que je demande la parole, mais je crois que
l'on m'a posé un certain nombre de questions et si c'est le désir
de cette commission que j'y réponde...
M. HOUDE (Fabre): Askatara-Scotoro. Nous ne sommes pas
couchés!
M. DEGUISE: Je m'excuse auprès du député du
Saguenay, il se peut que j'en passe, il y a déjà vingt minutes
que ses questions ont été posées mais je vais essayer, de
mémoire, de répondre aux principales.
Je crois que dans le premier point, on a mis en cause la
compétence de l'Hydro-Québec dans les aménagements de
parcs. Je dois vous dire que je confesse humblement au nom de
l'Hydro-Québec que nous ne prétendons à aucune
compétence dans ce domaine et c'est exactement pourquoi nous avons
engagé un bureau de consultants.
Maintenant, si c'est le désir de la Chambre, je demanderais
à M. Pelletier de nous donner les qualifications de son bureau et de
nous dire s'il a déjà fait des parcs ailleurs.
M. PELLETIER: Oui. Pour répondre à ce que disait M.
Lessard tout à l'heure, qu'il se fiait beaucoup plus aux experts du
ministère du Tourisme qu'à nous, je dois lui dire que nous sommes
les consultants réguliers du ministère du Tourisme, de la Chasse
et de la Pêche depuis sept ans.
Nous avons aménagé plusieurs parcs ici, au Québec.
Nous en avons aménagé au moins quatre et il y en a quelques-uns
qui sont en plan actuellement. Nous avons aussi aménagé environ
à 90 p.c. le parc national de Forillon et, actuellement, nous
procédons à des études écologiques à
l'intérieur du parc de la Mauricie où nous mesurons l'impact des
aménagements récréatifs sur les divers
écosystèmes.
M.LESSARD: Est-ce que je pourrais vous faire remarquer que, lorsque vous
travaillez pour le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, les objectifs ne sont pas du tout les mêmes que lorsque vous
travaillez pour l'Hydro-Québec?
M. PELLETIER: Alors, si vous voulez...
M. DEGUISE : Est-ce que je peux répondre à cette question,
M. le Président? Je dois dire ici qu'en ce qui nous concerne nous avons
fait et fait faire une proposition d'aménagement que nous croyons la
meilleure. Si le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche a d'autres suggestions ou d'autres vues, vous pouvez être
certain qu'elles seront bienvenues.
M.GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que je peux cependant
demander à M. DeGuise, quand il dit que si le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a d'autres suggestions quant
à l'aménagement, est-ce que c'est dans le cadre de
l'hypothèse d'un réservoir?
M. DEGUISE: Evidemment.
M. GOLDBLOOM: Bon, j'aimerais donc poser la question à M.
Pelletier qui a indiqué sa feuille de route, qui a indiqué son
expérience dans le domaine de ce genre d'aménagement. Est-ce
qu'il a pu examiner l'hypothèse d'aménagement avancée par
la Corporation des ingénieurs forestiers? Est-ce qu'il trouve une
différence quelconque entre l'hypothèse d'aménagement mise
de l'avant par l'Hydro-Québec et
celle mise de l'avant par les ingénieurs forestiers? Et est-ce
qu'il a envisagé un aménagement sans réservoir?
M. PELLETIER: A votre question, je dois répondre que j'ai vu pour
la première fois aujourd'hui l'aménagement proposé par la
Corporation des ingénieurs forestiers et, évidemment, je n'ai eu
aucun temps pour réfléchir à ce problème. D'autre
part, notre mandat, de la part de l'Hydro-Québec, était assez
clair, nous devions simplement faire l'étude des possibilités
d'aménagement récréatif dans les conditions que j'ai
décrites, c'est-à-dire après que le barrage aurait
été construit ou enfin durant cette période-là.
Alors, nous n'avons pas du tout examiné d'autres solutions que
celle-là.
M.SIMARD (Richelieu): M. le Président, j'aurais une question
à poser à M. Pelletier. Pour ce qui a été de la
préparation des maquettes ou enfin de tout le plan général
d'aménagement touristique qui est le plein air, enfin tout, est-ce que
son bureau a travaillé en collaboration avec des fonctionnaires du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche?
M. PELLETIER: Dans l'élaboration des maquettes.
M. SIMARD (Richelieu): Enfin, du plan en général, si vous
parlez de...
M. PELLETIER: Non.
M. TETRAULT: J'aurais une question à poser à M.
DeGuise.
M. DEGUISE: Je ne sais pas mais il y aurait encore, d'après ce
que je peux me rappeler, quatre ou cinq points qui ont été
mentionnés par M. Lessard qui aimerait avoir des réponses.
Préférez-vous que je finisse avec les questions
posées?
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Oui. Je préférerais que vous
finissiez avec les questions du député de Saguenay.
M. DEGUISE: On a demandé s'il y avait d'autres sites
d'étudiés. L'Hydro-Québec a déposé les
documents, indiquant qu'il y avait eu des études absolument
préliminaires mais qu'il y avait eu d'autres sites de
considérés à partir de cartes existantes, de
données assez minces puisque nous avons toujours dit que, pour faire une
évaluation que j'appellerais budgétaire, une évaluation
sur laquelle on peut planifier une construction et planifier des
dépenses, cela peut demander d'un an à un an et demi
d'études au minimum. Alors, évidemment que les chiffres qui ont
été déposés ne comportent pas ce degré de
précision mais disons qu'ils présentent une image relativement
raisonnable.
Il y avait une question de posée? Pardon?
Que représentaient les turbines à gaz comparativement
à un aménagement à réserve pompée, comme
Champigny? J'ai pris bien garde de dire qu'au sujet des chiffres qui ont
été lancés sur l'aménagement de Champigny, les
études sont à peine terminées à 60 p.c. et que nous
avons simplement examiné le coût d'études ou de projets
réalisés ailleurs, dans les conditions les plus semblables
possible, et que nous avons mis un prix unitaire qui pouvait être de $160
à $175 le kilowatt. Une turbine à gaz? Nous croyons,
d'après les renseignements obtenus actuellement et ce n'est pas
à la suite d'études exhaustives puisque ce n'était pas
dans notre mandat et je vais dire pourquoi dans un instant que cela peut
s'installer pour un ordre de grandeur de $125 le kilowatt. Donc, en frais
d'investissement, en coût de premier investissement, il est
évident que les turbines à gaz coûtent moins cher.
Seulement interviennent d'autres facteurs qu'il est plus difficile
d'évaluer et qui nous portent à croire que les coûts ne
sont peut-être pas tellement différents ou en dedans des
degrés de précision des évaluations. Je m'explique.
Une turbine à gaz est dépréciée sur une
période de 20 ou de 25 ans. Un aménagement
hydro-électrique est déprécié sur 50 ans au
minimum. Les turbines à gaz, nous le savons, ont des frais d'entretien
élevés. Elles consomment du combustible dont le prix est à
la hausse d'une manière très marquée.
On peut dire que la décision de l'Hydro-Québec de
recommander une centrale à réserve pompée plutôt que
des turbines à gaz est basée beaucoup plus sur deux autres
éléments que l'élément coût.
Nous savons et plus nous nous renseignons, plus il semble y avoir
d'objections au point de vue de l'environnement et par environnement, je
qualifie bruit et pollution de l'air aux centrales à turbine
à gaz. Depuis que les journaux ont fait allusion à des
possibilités de centrales à turbine à gaz, nous avons
reçu des appels téléphoniques d'utilités
américaines qui en ont acheté pour 400,000 kilowatts et qui ont
tellement d'objections de la population environnante qu'elles veulent nous les
vendre.
Nous nous basons sur le témoignage d'autres. Il y a un autre
élément qui n'est pas négligeable non plus. Nous avons
pensé que, dans le contexte du Québec, étant donné
qu'une centrale à réserve pompée a un pourcentage de
retombées économiques locales beaucoup plus grand que des
centrales de turbine à gaz où l'appareillage est
américain, où le combustible vient de l'extérieur et
où les spécialistes viennent de l'extérieur, nous avons
cru que cela était un deuxième argument qui militait à des
prix à peu près comparables en faveur d'une centrale à
réserve pompée.
On nous a parlé d'autres sites. On nous a posé la
question: Pourquoi n'allez-vous pas à d'autres sites? Ceux qui ont
participé à certaines réunions d'information, M. Laurent
peut
en témoigner, dès qu'on a parlé, par exemple, de la
rivière Sainte-Anne-du-Nord, il y a tout de suite quelqu'un qui s'est
levé et qui a dit: Je serai en tête du comité de protection
de la rivière Sainte-Anne-du-Nord. Vous pouvez être certains...
C'est un peu comme M. Giroux au sujet des poteaux: Quand on veut placer un
poteau quelque part, le propriétaire impliqué nous suggère
toujours les deux voisins.
M. LESSARD: Est-ce que Sainte-Anne-du-Nord est à
l'intérieur d'un parc?
M. DEGUISE: A première vue, je ne le crois pas.
M. HOUDE (Fabre): Je crois que nous avons discuté de toutes ces
questions la semaine passée. Nous reprenons le débat.
M. DEGUISE: Si la question est vidée, je suis bien content.
M. LESSARD: Je pense bien que j'ai été assez
éclairé pour prendre une décision. Je n'ai pas besoin
des...
M. SIMARD (Richelieu): Je comprends que le député de
Saguenay est un député extrêmement intelligent étant
donné qu'il peut ingurgiter dans l'espace de cinq minutes tout ce qui a
été discuté pendant toute une journée, pour faire
une proposition aussi sérieuse...
M. LESSARD: Vous dites que nous avons discuté toutes ces
questions. Je suis complètement d'accord avec le ministre du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche. Nous en avons discuté et nous sommes
assez éclairés, je crois, pour prendre une décision. Vous
avez refusé ma motion. Personnellement, je n'ai pas...
M. GOLDBLOOM: M. le Président, le député de
Saguenay insiste sur le fait qu'il est suffisamment éclairé et,
parce qu'il est suffisamment éclairé, la commission est
suffisamment éclairée pour prendre une décision. Je
voudrais souligner tout simplement que j'ai fait l'historique de la
séance du 3 mai et de celle d'aujourd'hui. Nous avons
décidé d'entendre, aujourd'hui, ceux qui voulaient se faire
entendre. Il aurait été impensable pour le conseil des ministres
de prendre une décision avant la fin de la journée d'aujourd'hui.
Et en ce moment, il y a trois ministres qui ont participé à cette
séance; deux autres ont siégé de temps en temps à
la table; le conseil des ministres n'est pas ici; le conseil des ministres
n'est pas en session, donc ne peut prendre la décision qui lui revient.
C'est la seule raison pour laquelle la commission peut exprimer des avis
individuellement autour de la table, mais puisque la décision revient au
conseil des ministres, il faudra attendre que le conseil des ministres
siège pour prendre cette décision.
M. LESSARD: M. le Président, je suis complètement d'accord
avec le ministre des Affaires municipales.
M. GOLDBLOOM: Merci.
M. LESSARD: La seule chose que j'ai faite, M. le Président
il est certain et je suis complètement d'accord qu'il appartient au
conseil des ministres de prendre sa décision et ça
corrobore ce que disait tout à l'heure le ministre du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, c'est que personnellement j'ai relu aussi ce qui
avait été discuté lors de la commission du 3 mai; j'ai
écouté aujourd'hui un certain nombre de spécialistes et
personnellement je me sentais tout simplement assez informé pour
demander à la commission de recommander que le projet Champigny soit
arrêté.
M. le Président, je suis complètement d'accord ; ces
discussions ont été faites ' et les réponses de
l'Hydro-Québec ont toujours été les mêmes,
c'est-à-dire imprécises, incomplètes, etc.
M. SIMARD (Richelieu): Je pense, M. le Président, que le
député de Saguenay ferait un drôle de ministre. La question
serait..
M. LESSARD: Je vous remplacerais assez vite, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs les membres de la commission,
à l'heure avancée à laquelle on est rendu, j'aimerais bien
qu'on s'en tienne à des questions pertinentes à
l'Hydro-Québec et qu'on cesse des "avocasse-ries" entre les membres de
la commission. Cela n'avance ni les travaux et cela n'éclaire personne,
surtout que cela n'éclaire personne. Nous sommes ici, en commission
parlementaire, dans le but de se faire éclairer et d'entendre tous les
sons de cloche.
M.GAUTHIER: Je suis M. Gauthier de Gauthier, Poulin &
Thériault. Tout à l'heure, M. Simard a posé une question
à M. Pelletier, à savoir s'il y avait eu collaboration dans la
préparation des plans avec les ingénieurs ou le personnel de son
ministère.
Dès le mois de décembre, quand l'Hydro-Québec a
pris contact avec nous, j'ai personnellement téléphoné
à M. Bernard Lavergne, de votre ministère, lui demandant sa
collaboration et lui disant qu'autant que possible on aimerait, à la
demande de l'Hydro-Québec, que chaque fois qu'il y aurait des
avant-projets, des projets préliminaires, des données, de le
rencontrer et que la discussion se fasse tant avec le ministère du
Tourisme qu'avec celui des Terres et Forêts. Aux Terres et Forêts,
j'ai fait exactement la même chose et j'ai communiqué avec M.
Pierre-Paul Légaré pour avoir la même assurance de
collaboration.
M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez eue...
M. GAUTHIER: Le mandat verbal nous est arrivé au début de
janvier après... Je ne me souviens pas des dates exactes, mais on ne
pouvait pas présenter de document tant que les engagements écrits
de l'Hydro-Québec envers notre firme... Il nous arrive très
souvent de commencer des travaux quand on a l'assurance d'un client de les
faire.
M. LESSARD: Mais, est-ce que vous avez eu des recommandations, à
la fois du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et
à la fois du ministère des Terres et Forêts? Il semble que,
même si vous l'avez proposé, cela semblait...
M.GAUTHIER: Non, dans les deux cas la collaboration était
assurée.
M. LESSARD: Cela veut dire quoi?
M.GAUTHIER: Quand il a été décidé de cesser
les travaux sur la Jacques-Cartier, nous n'avons fait que faire part
visuellement de l'état des recherches.
M. LAURENT: Sur la même question, M. le Président. Lors
d'une réunion du comité interministériel...
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Voulez-vous vous identifier, pour
commencer?
M. LAURENT: Paul Laurent, président du comité
d'information sur le projet Champigny. Lors d'une réunion du
comité interministériel et du comité de
l'Hydro-Québec sur cette question précise du projet Champigny, il
a été mentionné que l'Hydro-Québec avait
l'intention de faire faire une étude préliminaire
d'aménagement qui irait avec son aménagement
hydroélectrique et la question a été bien reçue,
discutée et il avait même été entendu que, lorsque
tout serait prêt, ces mêmes propositions seraient ramenées
à ce comité conjoint de l'Hydro-Québec et du comité
interministériel. A ce moment-là aussi, on était tous
d'accord sur cette question et M. Corbeil siégeait à ce
comité interministériel.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, si je comprends bien, il pourrait y
avoir une dépense de $8 millions à $10 millions pour le projet ou
le programme ou l'aménagement récréatif. C'est 5 p.c?
Pardon? C'est $5 millions, c'est 5 p.c. du montant total qui serait
dépensé?
M. DEGUISE: II y a eu beaucoup de chiffres d'avancés, mais le
sujet n'est jamais venu à une séance de la commission et n'a
jamais eu l'approbation à la commission, à
l'Hydro-Québec.
Il y a eu des comparaisons faites avec des aménagements ailleurs
et je crois que, dans tout ce qu'il y a eu de plus officiel,
l'Hydro-Québec a déclaré qu'elle était prête
à engager plusieurs millions.
M. VINCENT: Mais ce serait de l'ordre de... M. DEGUISE: On pense
à $5 millions.
M. VINCENT: On peut penser autour de $5 millions.
M. DEGUISE: Ces chiffres ne peuvent pas être autrement que
préliminaires, parce qu'on nous arrête au milieu des
études. A moins de vouloir être des devins, il faut donner des
chiffres préliminaires.
M. VINCENT: Advenant, je le dis avec un gros point d'interrogation,
qu'il y aurait un projet ou un programme récréatif
aménagé par l'Hydro-Québec, toujours advenant que le
gouvernement prenne une décision, une fois l'aménagement
récréatif terminé, est-ce que l'Hydro-Québec a
l'intention d'administrer ce parc ou ce site récréatif, et sinon,
de le remettre à qui?
M. DEGUISE: Je crois qu'il y a un précédent
là-dedans, parce que je crois que nous avons déjà
engagé des millions dans le parc Carillon, dans le parc au ciel des
chutes Montmorency et ailleurs. A chaque occasion, l'Hydro-Québec est
toujours désireuse d'en laisser l'administration à des
spécialistes en matière, en l'occurrence le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): S'il n'y a pas d'autres questions...
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur le plan de
l'information au public, on sait que certaines informations ont pu être,
au cours des derniers temps, unilatérales. Maintenant, le comité
d'information de la Jacques-Cartier, du projet Champigny a-t-il l'intention
d'intensifier son travail au niveau du public, parce qu'on sent, dans le
public, enfin chez nous, je peux le dire, une acceptation de ce projet comme
tel? Quelle est votre plan d'avenir à court terme ou à moyen
terme? On doit en avoir une idée.
M. VINCENT: Je pense que le projet d'avenir le plus près du
comité, c'est la décision du gouvernement. Après
ça...
M. LAURENT: M. le Président, justement, en deux mots, si vous le
permettez, nous avons pris une décision pour laisser libres ces
débats publics. Avant les séances de la commission parlementaire,
nous avons décidé de ne pas faire de débat public,
d'information intensive supplémentaire. Nous avons l'intention
d'attendre une
décision avant de prendre quelque décision que ce soit
dans ce domaine.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs, nous remercions tous ceux qui se
sont donné la peine aujourd'hui de nous présenter des mé-
moires. Vous pouvez être assurés qu'ils seront soigneusement
étudiés et j'espère que la décision la plus sage
sera rendue.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 0 h 42)