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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le jeudi 17 mai 1973 - Vol. 13 N° 52

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Aménagement de la rivière Jacques-Cartier


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Aménagement de la rivière Jacaues-Cartier

Séance du jeudi 17mai 1973

(Dix heures quatorze minutes)

M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Au départ, je voudrais faire remarquer que M. Goldbloom remplace M. Cadieux; que M. Loubier remplace M. Gagnon, de Gaspé-Nord; que M. André Harvey remplace M. Louis-Philippe Lacroix, député des Iles-de-la-Madeleine, et que M. Jean Perreault remplace M. Saint-Pierre, député de Verchères. Adopté?

MM. les ministres, M. le chef de l'Opposition, mesdames et messieurs, nous reprenons ce matin les audiences sur la question de la Jacques-Cartier. Je demanderais à ceux qui ont des mémoires à présenter de nous faire un résumé, puisque nous avons déjà les mémoires complets qui ont été soumis aux autorités, lesquelles en prendront bonne note, je crois bien.

Nous allons commencer ce matin par M. Etienne Corbeil qui est un expert invité. Est-ce que M. Corbeil est présent?

Excusez, M. le ministre aurait quelques mots à dire.

Préliminaires

M. SIMARD (Richelieu): Je voudrais simplement faire une mise au point. J'aimerais dire à cette assemblée qu'en tant que ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche je voudrais qu'il soit bien clair, dans l'esprit de tout le monde et de tous les membres de cette commission, que, de par mon mandat, je me dois de faire respecter toutes les lois de mon ministère. Je veux faire cette mise au point, M. le Président, car, cette semaine, on a laissé planer certains doutes sur la décision que j'avais prise en février. J'ai pris une décision très sérieuse, à ce moment-là, et je dois vous dire très sincèrement que je la maintiens ici ce matin.

Nous avons justement accepté cette commission parlementaire afin que l'Hydro-Québec et tous les groupes intéressés puissent se faire entendre. C'est à la suite de toutes ces informations que le gouvernement ou le conseil des ministres prendra une décision finale à ce sujet. Encore une fois, ce sera mon rôle de défendre les intérêts de mon ministère auprès du conseil des ministres, mais, si le gouvernement décide que l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier sera pour le plus grand bien du Québec et de tous les Québécois, bien sûr, il est clair que je fais partie d'un gouvernement et que je serai solidaire de la décision finale du conseil des ministres.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, M. Corbeil, la parole est à vous.

M. Etienne Corbeil

M. CORBEIL: M. le Président, ayant été désigné par les autorités du ministère pour faire partie du comité interministériel sur la Jacques-Cartier, je me suis grandement intéressé à ce projet et je tiens à remercier la commission de me fournir l'occasion de donner mon idée personnelle sur le sujet.

A la fin du siècle dernier, deux importants mouvements de conservation se sont développés parallèlement aux Etats-Unis. L'un voulait, par la création des réserves forestières, soustraire des forêts publiques à l'aliénation et à la colonisation en vue d'en assurer la protection et l'exploitation rationnelle.

L'autre désirait, par la création de parcs, soustraire des territoires publics non seulement à l'aliénation et à la colonisation, mais aussi à toutes formes d'exploitation industrielle des ressources que ces territoires peuvent contenir. Dans l'un et l'autre cas, on visait aussi à protéger l'eau et la faune. Sous l'influence de ces mouvements de conservation, le Canada et certaines provinces emboîtèrent rapidement le pas.

C'est ainsi qu'en 1885 fut créée, dans la région de Banff, la première réserve canadienne qui devint l'année suivante le Rocky Mountain Park of Canada. Au Québec, sous le nom de parcs, furent créées presqu'en même temps les deux premières réserves forestières: celle du parc de la Montagne Tremblante en juillet 1894 et celle du parc des Laurentides en janvier 1895.

La loi créant le parc des Laurentides dit que ce territoire est mis à part comme réserve forestière, endroit de pêche et de chasse, parc public et lieu de délassement, sous le contrôle du commissaire des terres de la couronne, pour les citoyens de la province, sous réserve des dispositions de cette loi et des règlements qui seront faits en vertu d'icelle, et sera connu sous le nom de parc national des Laurentides.

Même si les expressions parc et lieu de délassement reconnaissent un objectif de récréation à la vocation du parc des Laurentides, il est évident que le but premier poursuivi par les initiateurs du projet est d'assurer la protection et l'aménagement de la forêt et de faciliter l'exploitation de la faune. A cette époque, les goûts de la population, en ce qui concerne les activités de plein air, sont d'abord et avant tout et on peut même dire exclusivement orientés vers la pratique des sports de la chasse et de la pêche.

C'est sans doute la raison pour laquelle dès

l'année 1900, voyant le nombre de chasseurs et des pêcheurs augmenter, on suggère la création de réserves destinées spécialement à la protection et à l'exploitation de la faune, c'est-à-dire des territoires bien protégés et bien pourvus de gibier de toutes sortes à offrir aux amateurs de chasse et de pêche. C'est sans doute à cause de cet engouement pour la chasse et la pêche qu'on en est venu avec le temps à ne considérer les parcs et les réserves que comme des territoires destinés à protéger la faune, qu'on en est venu à tolérer avec facilité l'exploitation industrielle de leurs ressources, ne tenant compte que des effets que cette exploitation pourrait avoir sur la faune, sans se soucier de son impact sur les valeurs esthétiques et culturelles.

Jusque vers 1960, les parcs n'étaient pratiquement fréquentés que par des adeptes de la chasse et de la pêche, ce qui naturellement a favorisé leur développement en fonction de ces activités.

Jusque-là, il n'y avait à peu près rien dans les parcs du Québec pour les autres activités de plein air. Cependant, en 1960, avec l'avènement de la vogue du camping au Québec et de la vie en pleine nature, la situation a changé et, depuis, a rapidement évolué. Ce que nos gens veulent aujourd'hui c'est non seulement de la chasse et de la pêche mais aussi et surtout de la vie en plein air, des contacts directs avec la nature, de la détente, du repos et de la tranquilité loin des centres urbains, toutes choses que les parcs sont en mesure d'offrir dès qu'on en facilite l'accès.

Aujourd'hui, ce que la population demande c'est qu'on respecte l'intégrité des parcs et qu'on prenne les dispositions nécessaires pour mettre en valeur tous leurs aspects récréatifs et pour faciliter leur accès. Nos gens deviennent de plus en plus conscients de la valeur esthétique, culturelle et récréative des aires de pleine nature que constituent les parcs et sont de plus en plus soucieux de les conserver dans leur intégrité. Pour répondre à ce voeu et à ce besoin de la population, le gouvernement du Québec doit donc conserver intacts et mettre à la disposition des Québécois des espaces verts reconnus pour leur valeur esthétique et leurs possibilités de récréation de plein air.

L'exploitation commerciale des ressources d'un parc entrafne naturellement des conflits avec les fonctions, conservation et récréation. Si nos parcs étaient davantage fréquentés, ces conflits seraient encore plus manifestes car on ne peut y échapper, l'utilisation commerciale des ressources diminue le potentiel récréatif et éducatif des parcs. Si on n'y prend garde, lorsque la demande de la part de la population se fera plus pressante ou que la décision d'exploiter le potentiel touristique-économique de ces parcs sera enfin prise, les ressources-support: l'eau, la forêt, le paysage auront été gaspillées. Les plus beaux sites de la province auront été sacrifiés pour une exploitation commerciale plus rentable à court terme.

Le projet de construction, par l'Hydro-Québec, d'une centrale à réserve pompée sur la rivière Jacques-Cartier comprend principalement la construction d'un barrage de 180 pieds de hauteur qui créera un lac dont les dimensions seront les suivantes: longueur, environ 23 milles; largeur, environ 1,000 pieds; profondeur, 173 pieds au barrage, 78 pieds à la limite du parc et 40 pieds à la centrale. Il comporte également la construction de barrages pour utiliser les lacs sur le plateau comme réservoirs de tête. Un tel projet est un cas type qui pose à nouveau, de façon aiguë, le problème de l'intégrité des parcs du Québec. Il affectera la vallée de la Jacques-Cartier qui est l'une des deux régions les plus précieuses du parc des Laurentides et que, pour diverses raisons, on doit considérer comme un patrimoine naturel qu'il faut conserver intact; l'autre région étant les Grands Jardins où le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a réintroduit le caribou au cours des dernières années.

La vallée de la Jacques-Cartier est un morceau de parc d'une valeur exceptionnelle situé à moins de 30 milles de la ville de Québec.

C'est la diversité des éléments qui la constituent qui font toute sa richesse. En effet, son relief est unique et on y trouve plusieurs associations de peuplements forestiers regroupés sur un territoire restreint. On peut observer, au fond de la vallée, des peuplements de feuillus constitués surtout d'érables et de bouleaux, suivis successivement sur les parois et selon l'altitude de toute la gamme des types de peuplements forestiers, depuis la sapinière à bouleaux jaunes jusqu'à la pessière. Ces associations de peuplements forestiers doivent être conservées intactes pour qu'on puisse, dans quelques décennies, observer certains échantillons types des forêts québécoises à leur climat.

Bien que la pêche ne soit pas considérée actuellement comme un élément majeur dans cette partie du bassin de la Jacques-Cartier, elle est très recherchée par les sportifs à certaines périodes de l'année et principalement à cause du caractère particulier de la pêche en rivière dans un site aussi exceptionnel. Le Service de la faune poursuit depuis 1970 un programme d'aménagement pour améliorer la pêche dans les lacs sur les plateaux.

Une route des plus pittoresques, qui longe présentement toute cette partie de la rivière Jacques-Cartier, permet l'accès de la vallée à tous les amateurs de vie au grand air pour y pratiquer leur sport favori: canotage, camping rustique, alpinisme, excursions, photographie, etc., ou encore aux étudiants et aux scientifiques pour observer et y étudier les différents milieux écologiques.

La réalisation du projet de l'Hydro-Québec aura des effets néfastes sur la biologie, l'écologie et l'esthétique de cette vallée. Ce projet créera un lac de plus dans un parc où il y a des centaines de lacs magnifiques. Le lac ainsi formé ne sera pas un enrichissement du patri-

moine naturel du Québec; ce sera tout au plus un immense fossé très profond, d'environ 23 milles de longueur par environ 1,000 pieds de largeur, encaissé entre des parois très hautes.

La vallée sera engloutie sous une épaisse couche d'eau qui fera disparaître des peuplements forestiers précieux dont certains très vieux et irremplaçables. Une rivière magnifique fera place à un lac aux berges escarpées, donc sans zones de végétation, et dont le niveau d'eau sera soumis à des fluctuations fréquentes et importantes, environ quatre pieds pour une turbine.

Les modifications profondes apportées à l'habitat en feront un lac improductif où la pêche sera peu importante d'abord par la rareté du poisson, puis par le manque d'intérêt que peut présenter un lac semblable. La construction de réservoirs de tête pour l'installation de turbines supplémentaires, car il y en aura d'autres, diminuera sensiblement la pêche dans d'autres lacs sur le plateau, réduisant encore davantage le potentiel de pêche de cette région et la décorant d'un affreux réseau de tours de transmission.

L'accessibilité à cette gorge, puisque la vallée n'existera plus, sera pratiquement nulle. La seule route possible et qui existe présentement le long de la rivière disparaîtra sous l'eau, et la construction d'une autre route est irréalisable à cause de l'escarpement des falaises. Le site ne sera donc accessible que par chacune des extrémités d'un lac de 23 milles de long et le déplacement se faisant uniquement par eau, la majorité des activités de plein air deviendront impraticables.

Les aménagements proposés par l'Hydro-Québec n'ajouteront rien à ce site qui aura perdu la plus grande partie de sa valeur par la disparition de la vallée: tout au plus, rendraient-ils plus accessibles certains territoires avoisi-nants localisés sur les plateaux. La route dite panoramique est, en réalité, une route de service et elle passe trop loin à l'intérieur pour faciliter la visite du canyon.

La vallée de la rivière Jacques-Cartier, qui est en partie située dans le parc des Laurentides, offre des possibilités extraordinaires pour des fins éducatives et pour toutes les formes de récréation de plein air. La construction d'une centrale à réserve pompée, non seulement réduira considérablement l'utilité de ce site mais détruira de façon définitive une de ses parties les plus précieuses.

Comme la Loi des parcs, chapitre 201, article 6, dit ceci: "Nul, sauf les personnes ayant bail, licence ou permis, ne peut s'établir ou se fixer sur, se servir de ou occuper aucune partie du parc, et aucun bail, licence ou permis, qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc, ne peut être fait, accordé ou émis", il est donc impossible, sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autoriser la réalisation du projet de l'Hydro-Québec.

Conclusions. La vallée de la Jacques-Cartier, à cause de son potentiel éducatif, culturel, récréatif et biologique, doit être considérée comme une partie de notre patimoine national qu'on doit conserver à tout prix. C'est un espace vert nécessaire près de la ville de Québec.

L'Hydro-Québec n'a pas épuisé toutes les possibilités et il existe d'autres sites comparables qui pourraient être utilisés pour répondre aux besoins de 1979. Le retard anticipé par l'utilisation d'autres sites ne justifie pas de gâcher irrémédiablement un site comme celui de la Jacques-Cartier.

Il y a une urgence de préparer un plan de mise en valeur de cette région afin d'en faire profiter pleinement toute la population du Québec.

Le projet de l'Hydro-Québec sur la rivière Jacques-Cartier, réduisant considérablement l'utilité d'un site situé dans le parc des Laurentides, ne peut être autorisé par la Loi des parcs provinciaux.

C'est tout M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, Dr Corbeil.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, Dr Corbeil, vous avez dit, au début de vos remarques, que c'est une opinion personnelle que vous exprimez et le président de la commission, en vous présentant, vous a appelé expert invité. Est-ce qu'on peut connaître vos titres et est-ce que vous pouvez nous indiquer comment ce que vous avez présenté a été préparé? Est-ce un travail qui vous est absolument personnel ou est-ce une collaboration avec d'autres fonctionnaires du gouvernement?

M. CORBEIL: J'occupe actuellement le poste de directeur général de chasse et de pêche et je suis biologiste de formation. Comme je l'ai mentionné au début, j'ai été désigné par mon ministère pour le représenter au comité interministériel. Au départ, on croyait qu'il serait question surtout d'un problème de biologie et d'environnement. Le travail que j'ai préparé ici est un travail personnel qui provient de l'idée que je me suis faite lorsque j'ai pris connaissance de tous les détails, ou du moins des détails qui étaient disponibles, concernant la rivière Jacques-Cartier. Il a été complété à l'aide de documents que j'ai pu retracer au ministère sur l'origine des parcs et de lectures que j'ai faites.

C'est une opinion personnelle que j'émets. Je ne vous cacherai pas qu'elle est connue des autorités de mon ministère, mais c'est mon opinion à moi.

M. GOLDBLOOM: Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'inviterais maintenant M. Guy Lemieux, un autre expert invité, à présenter son mémoire. A la suite de la présentation de ces deux mémoires, nous aurons une période de questions.

M. PERREAULT: D'accord. M. Guv Lemieux

M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation de la commission.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. Lemieux, pourriez-vous nous réciter vos titres, pour le journal des Débats?

M. LEMIEUX: Si vous y tenez. Je suis d'abord, de profession, ingénieur forestier. J'ai préparé mon Ph.D. en écologie à l'Université du Michigan. Pendant dix ans, j'ai fait de la recherche écologique sur les forêts du Québec puis, dans les dix dernières années, j'ai fait surtout de l'aménagement du territoire, de la planification au BAEQ, au ministère fédéral de l'Expansion économique. J'ai été quatre ans directeur général des parcs et maintenant je suis, à l'OPDQ, responsable de l'aménagement du territoire et des ressources.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Très bien, allez-y.

M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation de la commission de venir présenter mon point de vue sur le projet d'aménagement de la Jacques-Cartier.

C'est tout simplement en tant que professionnel du plein air et des parcs que je veux If faire. Il s'agira, si l'on veut, de la contrepartie "experte" en plein air et conservation à l'expertise en électricité présentée par l'Hydro-Québec.

Je n'ai nullement la prétention d'être un grand expert dans le domaine; je puis seulement vous assurer que, si vous convoquiez demain n'importe quel aménagiste ou spécialiste de parcs, américain ou canadien, il vous donnerait, à peu de choses près, le même avis. J'essaierai, M. le Président, d'être le plus bref possible pour ne pas abuser du temps de la commission.

Nous avons affaire ici à un cas classique de conflit en aménagement du territoire. En fait, on peut dire que ce débat vient fort à propos, alors que le Québec a décidé de s'attaquer à ce sujet. L'action en ce sens est déjà engagée par l'OPDQ auprès des ministères dans le but de préparer des schémas régionaux d'aménagement qui auront justement à proposer des solutions pour des conflits de ce genre. Un avant-projet de loi, précisant les modalités de cette action, a déjà été déposé et est présentement à l'étude.

C'est donc dans l'optique de l'aménagement rationnel du territoire québécois que je vous propose d'analyser le problème. Il s'agit, dans ce cas, d'un conflit entre deux utilisations majeures d'un site qui possède un potentiel exceptionnel pour les deux utilisations.

A première vue, on ne peut blâmer l'Hydro-Québec de loucher du côté d'un site pareil. Ses représentants ont exposé leurs arguments là-des- sus et, si vous le permettez, j'y reviendrai plus loin. Examinons tout d'abord le potentiel récréation-tourisme du canyon de la Jacques-Cartier pour pouvoir mieux évaluer ensuite l'impact du projet de l'Hydro-Québec.

Tout le monde connaît l'importance des attractions naturelles pour le tourisme. Tous les grands parcs nationaux, américains ou canadiens, ou même européens, ont été créés autour de telles attractions et, en 1970, les parcs nationaux américains ont attiré 171 millions de visiteurs, alors que les parcs nationaux canadiens en attiraient 13 millions.

Or, pour ceux qui connaissent intimement le territoire du Québec, le canyon de la Jacques-Cartier est, de tous les sites dignes d'être constitués en parcs, l'un des plus spectaculaires. Seuls les Chics-Chocs et le canyon de la Malbaie s'en rapprochent. C'est littéralement notre Grand Canyon. On ne peut que féliciter ceux qui à l'origine l'ont inclus dans les limites du parc des Laurentides.

Tout de suite, la question se pose: Qu'est-ce que ce canyon a de si exceptionnel? Qu'est-ce qu'on trouve là qu'on ne peut trouver ailleurs? Tout d'abord, il y a une rivière tumultueuse qui coule au fond d'une vallé encaissée dont les parois sont presque verticales à plusieurs endroits. Déjà, on a là un panorama remarquable vu du plateau qui la domine.

Mais, dans le cas de la Jacques-Cartier, il est possible également de pénétrer dans la vallée et d'y faire soit du canotage, soit de la randonnée à pied, à cheval, en raquette ou en ski de fond et d'y vivre une expérience unique de sauvagerie, ce que les Américains, les Anglais appellent "wilderness experience". Une telle expérience est difficile à décrire mais tous les amateurs de plein air savent de quoi il s'agit. Certaines parois se prêtent également à l'alpinisme et on peut aussi y pratiquer la pêche en rivière, même si, comme le Dr Corbeil le disait tout à l'heure, ce n'est pas l'endroit qui a le plus haut potentiel au point de vue de la pêche dans le parc des Laurentides.

Toutes ces activités sont possibles à l'heure actuelle grâce à une étroite terrasse de part et d'autre de la rivière qui permet d'aménager un chemin de pénétration et des sentiers discrets. Les Jésuites connaissaient bien cette possibilité, eux qui y ont aménagé le sentier de liaison avec le Lac-Saint-Jean, en passant par la Métabet-chouane.

Or, le jour où l'on inonde le fond de la vallée, la rivière et ses terrasses disparaissent. Fini le canotage en eaux rapides, finie surtout la pénétration par chemins ou sentiers. On restera avec un lac comme il y en a des milliers au Québec, sauf qu'il sera très étroit, une sorte de fjord, et peu utilisable pour les sports aquatiques. Les parois abruptes qui se jetteront dans l'eau permettront peu d'aménagements et les seules rives aménageables seront celles situées à proximité du barrage projeté, soit à l'extérieur du parc actuel.

Les aménagements récréatifs proposés par l'Hydro-Québec ne pourront être différents de ceux qu'on peut faire ailleurs sur des sites beaucoup plus propices comme, par exemple, le lac Montauban dont le potentiel est infiniment supérieur à celui de tout lac artificiel qu'on pourrait créer sur la Jacques-Cartier. Il a, entre autres, une plage de un mille de long où la charge du lac est à la tête de la plage et la décharge à l'autre bout de la plage, donc un drainage continuel et un site idéal qu'on peut aménager en plage non polluée.

C'est donc dans les termes suivants que se pose le problème de la conservation de la Jacques-Cartier. Le potentiel attractif unique du canyon disparaît le jour où on l'inonde. On aura alors un lac comme les autres, mais moins facilement utilisable que les autres.

Il ne s'agit pas alors de parler d'inondation de 0.05 p.c. de la superficie du parc des Laurentides, mais bien de la destruction d'au moins 75 p.c. du potentiel d'attractivité du site le plus spectaculaire non seulement du parc mais de toute la région de Québec. Et aucun aménagement récréatif de substitution ne pourra compenser pour cela. L'ensemble du parc des Laurentides a un excellent potentiel pour la pêche et la chasse, mais pour toutes les autres formes de récréation de plein air le canyon de la Jacques-Cartier est unique.

Enfin, je ne donnerais pas cher pour le peu de potentiel qui persisterait encore après l'aménagement hydro-électrique. Qu'on pense seulement aux chemins de pénétration pour la machinerie lourde jusqu'aux sites des forages et des barrages, tant sur les lacs de tête qu'au barrage principal, aux tonnes de pierre et de gravier à déplacer, lors du creusage des conduites souterraines, aux fluctuations du niveau de l'eau. Effectivement, si le projet de l'Hydro-Québec se réalise, mieux vaut oublier la récréation complètement à cet endroit et aller investir ailleurs. Et que l'Hydro-Québec rentabilise enfin son installation au maximum en développant si nécessaire cinq ou six autres réservoirs supérieurs en relation avec le même réservoir de la Jacques-Cartier, donc de profiter au maximum de ce réservoir-là.

En somme, le plus gros du mal est fait dès l'implantation de la première centrale à réserve pompée et l'aménagement des eaux ne fera qu'amplifier légèrement le problème.

A notre avis, le canyon de la Jacques-Cartier doit être préservé dans son état actuel et aménagé de façon très discrète juste pour le rendre accessible. Il viendrait alors compléter de façon extraordinaire le pôle d'attraction touristique qu'est déjà Québec. Si l'on considère sa localisation par rapport à Tewkesbury, Stoneham, la route 54 et les centres de ski, de camping, et de villégiature de cette région, on peut imaginer le dévelloppement toutes saisons qui pourrait survenir sur ce territoire avec l'aménagement du canyon et des routes qui y mèneraient. On y observerait sûrement le même phénomène qu'aux abords du Grand Canyon de

Yellowstone, etc., soit l'implantation de services privés d'accueil tels que les motels, chalets, camping.

L'aménagement du canyon devrait comprendre, en plus d'une route d'accès, un centre d'accueil, des sentiers de randonnée, des refuges et des campings primitifs, rien de plus! Tout aménagement plus intensif ne ferait qu'étouffer le potentiel du site.

Devant un potentiel aussi unique pour la récréation et le tourisme, revenons maintenant au projet hydroélectrique. Est-il aussi sûr que le site est aussi unique du point de vue hydroélectrique qu'il l'est du point de vue récréatif? Je pense que c'est une des questions qu'il faut se poser.

Est-on sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative possible dans le même secteur? Un rapide coup d'oeil sur les cartes — et ici je le dis tout simplement en observation comme ça, parce que je ne suis en aucune façon un expert en hydro-électricité — nous a permis de localiser des sites possibles sur la rivière Sainte-Anne-du-Nord juste derrière le site de Saint-Joachim.

La dénivellation locale y est de 800' pour le lac Savanne, 850' pour le lac Davy et 1,000' pour le lac Saint-Louis. Sur l'autre rivière Sainte-Anne, celle de Portneuf, le lac Bail par exemple donne une dénivellation de 900'. Il est évident que pour trouver des dénivellations aussi fortes sur un site donné, d'après l'histoire géologique et la géomorphologie générale de la province, on ne pourrait pas trouver ça entre deux lacs simplement, c'est généralement entre des lacs sur un plateau et une rivière qui s'est creusé un lit dans une vallée encaissée. C'est là qu'on a les plus hauts dénivellements, donc c'est de ce côté-là qu'il faut chercher, surtout si on veut faire des réserves pompées.

On pourrait également étudier de plus près la rivière Neilson et la rivière du Gouffre surtout à sa tête. En fait, tout au long du contrefort des Laurentides, du Saguenay à Montréal, il y a sûrement plusieurs sites possibles pour des centrales à réserve pompée dont le potentiel récréatif ou touristique est moins important sinon inexistant. Il me paraît impensable d'attaquer la Jacques-Cartier à l'intérieur d'un parc avant d'avoir épuisé toutes ces possibilités.

Enfin, s'il s'avérait, après études, que le seul site possible est toujours la Jacques-Cartier, je me poserais encore sérieusement une autre question: lequel serait le moindre mal? Une centrale sur la Jacques-Cartier ou des usines à gaz plus ou moins polluantes qui ne fonctionneraient qu'à temps partiel? Personnellement, je serais alors tenté d'opter pour les usines à gaz car j'estime que cette pollution serait moins grave que la perte du canyon de la Jacques-Cartier.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques que j'avais à faire sur le projet. Je vous remercie de l'honneur que vous m'avez fait de m'inviter ici et je suis à votre disposition pour répondre, si j'en suis capable, aux questions de la commission. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions de la part des députés?

M. LOUBIER: M. Corbeil, tout à l'heure, vous avez mentionné que, dans vos préoccupations, il y avait deux aspects extrêmement importants: premièrement, celui de la préservation ou encore de la sauvegarde du principe qui veut que l'intégrité de nos parcs soit conservée d'une façon absolue; en second lieu, vous avez prétendu, dans votre mémoire, que les aménagements polyvalents prévus par le plan de l'Hydro-Québec pour l'exploitation ou l'aménagement des ressources soit touristiques, récréatives, fauniques, etc., auraient des effets néfastes dans le contexte de la rivière Jacques-Cartier.

Est-ce que vous avez été à même d'étudier le projet soumis par l'Hydro-Québec? Plus spécifiquement, est-ce que vous avez pu apprécier ou analyser les aménagements sur le plan récréatif, touristique, etc., tels que soumis par l'Hydro-Québec? Si tel est le cas, quel est votre jugement sur ces aménagements soumis par l'Hydro-Québec?

M.CORBEIL: Comme tout le monde, j'ai pris connaissance de la maquette qui a été présentée ici même, à la première réunion — elle a été présentée ailleurs, mais que j'ai vue ici à la première réunion — sur les aménagements proposés par l'Hydro-Québec sur le site. Tout d'abord, quand j'ai parlé d'effets néfastes, j'ai parlé de ceux qui seraient causés par le projet de cette construction de centrale hydroélectrique. N'étant pas spécialiste en aménagement de parcs, au point de vue de l'équipement, ce qui m'a frappé, c'est qu'il n'y a aucune possibilité de se rendre dans le canyon, alors que maintenant on a une route. Lorsque cette route sera disparue, il n'y a pas de possibilité de se rendre dans le canyon. La route qui est suggérée passe en arrière de pics assez élevés, qui sont d'une altitude d'environ 2,400 ou 2,500 pieds, et passe dans une baisseur. Je me demande qu'est-ce que cette route peut faire pour faciliter l'accès et la visibilité de la vallée de la Jacques-Cartier.

Il y a certainement quelques postes d'observation qui sont prévus, mais c'est tout. Pour le type qui veut se recréer, qui veut aller dans la vallée, cela devient impossible; ce sont deux pentes pratiquement verticales et il faut qu'il reste sur les cimes, assez éloigné du bord de la vallée.

M. LOUBIER: Dr Corbeil, l'Hydro-Québec, dans son mémoire, nous souligne que, sur le plan faunique, que ce soit terrestre, aquatique, etc., ça va évidemment provoquer certaines altérations, mais qu'elle a prévu des correctifs pour rétablir la situation. Est-ce que vous avez été à même d'apprécier le bien-fondé de cette affirmation?

M.CORBEIL: Non, je ne connais pas les correctifs qui ont pu être proposés par l'Hydro-Québec. Tout ce que j'ai vu, c'est la maquette qui a été présentée ici et qui montre une route qui passe du côté ouest de la vallée. On nous présente quelques campings par-ci par-là; on nous présente des sentiers pour la marche; on nous présente également une descente de bateaux sur une pente qui a un angle très prononcé. On descendrait, je ne sais pas, mais peut-être sur une distance de 800 ou 900 pieds pour mettre une chaloupe à l'eau à peu près au milieu, en face de la rivière Sautauriski. Quels sont les correctifs qui peuvent être apportés? C'est simplement de l'équipement comme du camping, une route panoramique et des sentiers.

M. LOUBIER: M. Lemieux, vous êtes d'avis que c'est la disparition d'un des sites les plus spectaculaires qu'il y a actuellement dans le parc des Laurentides.

M. LEMIEUX: Oui.

M. LOUBIER: Quelque polyvalence que puisse prendre l'aménagement fait par l'Hydro-Québec, sur le plan touristique, récréatif, culturel, etc., il y a, dans votre esprit, destruction de ce site dès que les travaux débutent pour l'aménagement de ce territoire par l'Hydro-Québec.

M. LEMIEUX: C'est ça. Il est toujours possible de faire des aménagements de récréation autour de n'importe quel développement; on peut charroyer du sable à la tonne pour faire des plages. On peut faire toutes sortes de choses du genre. Même, d'après ma connaissance du territoire, dans le secteur du barrage à Tewkes-bury, on tombe à la sortie du canyon; donc, il y a certainement des éventails de matériaux plutôt graveleux, sableux et il ne serait probablement pas nécessaire de charroyer du sable, d'aller à cet extrême. Il reste qu'à ce moment-là le type d'aménagement qui peut être fait autour d'un bassin comme ça, c'est le genre d'aménagement qu'on peut faire à bien meilleur compte sur d'autres lacs qui ont déjà le potentiel naturel. Comme je le disais tout à l'heure, il y en a des milliers de lacs comme ça.

Le seul accès qu'il y aurait dans le canyon — ce serait tout comme aller se promener sur le Saguenay, en plus petit — serait en bateau par le fond de la vallée. En effet, l'inondation va monter assez aux parois que l'étroite terrasse, qui est plate chaque côté de la rivière et qui permet d'aménager un chemin et des sentiers, serait complètement détruite. A ce moment-là, on a seulement des falaises qui se jettent dansle lac. Ce n'est plus une récréation de même nature, du tout. La récréation actuelle, qui peut être faite dans la vallée de la Jacques-Cartier, dans le canyon, est d'un type exceptionnel qui n'existera plus après. C'est dans ce sens que je dis que 75 p.c. du potentiel du canyon se

trouvent effacés, au point de vue de la récréation de plein air, avec l'inondation.

M.LOUBIER: Est-ce que vous avez eu la possibilité d'analyser l'étude faite par l'Hydro-Québec et le mémoire qu'elle a soumis ici?

M. LEMIEUX: J'aurais aimé ce matin que la maquette de l'Hydro-Québec comme celle de la Corporation des ingénieurs forestiers, d'ailleurs, soient ici. Cela aurait été plus facile de démontrer visuellement ce qu'on essaie d'expliquer ici. Ce n'est pas en une semaine ou quinze jours qu'on peut monter des maquettes chez nous et apporter ça. D'ailleurs, je viens ici strictement à titre personnel, ne représentant personne. J'ai vu la maquette telle qu'elle a été faite et, à l'heure actuelle, je pense bien que personne ne va contester que les propositions d'aménagement de récréation, qui sont faites sur la maquette, sont très très préliminaires, après un premier survol. On propose certaines choses qui sont faisables une fois qu'un bassin est là, mais ce n'est pas de la récréation du même genre que celle qu'on peut faire dans la Jacques-Cartier à l'heure actuelle. C'est ça, le point majeur. Il y a une différence majeure entre les deux.

M. LOUBIER: La Jacques-Cartier, dans son bassin actuel ou dans sa configuration actuelle, est à vos yeux unique dans tout le territoire?

M. LEMIEUX: Si je parle du Québec habité, au sud du 50e parallèle — et j'ai parcouru la province d'un bout à l'autre — les seuls endroits que j'ai trouvés comparables à ça, c'est un autre canyon qui lui ressemble, un peu plus petit, mais qui est spectaculaire aussi, soit le canyon de la rivière Malbaie, en arrière de Clermont, et les Chics-Chocs, que pas mal de gens connaissent pour avoir fait le tour de la Gaspésie, qui sont quand même assez spectaculaires. Après ça, à ma connaissance, il faut se rendre dans les fjords des Torngat et dans le Labrador pour trouver des vallées encaissées aussi spectaculaires.

M. LOUBIER: D'accord.

LE PRESIDENT (M . Kennedy): Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: Moi, j'aimerais poser une question à M. Lemieux et à M. Corbeil. Je remarque que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a manifesté beaucoup d'intérêt à ce projet.

D'autre part, je remarque aussi qu'une étude préliminaire a été préparée par l'Hydro-Québec en 1961 et 1966; est-ce que vous avez commencé à étudier, à votre ministère, ce projet dans ces années ou si vous avez commencé à le faire en 1972-1973?

M. LEMIEUX: Je vous répondrai là-dessus, parce que cela couvre une partie de mon règne comme directeur général des parcs, de 1967 à 1971. Je dirai qu'en 1967, lorsque je suis arrivé à la Direction des parcs du Québec, en commençait pour la première fois à faire des plans directeurs de nos principaux parcs. On a commencé, d'abord, par le parc du mont Tremblant et par le parcs des Laurentides. Le plan n'est pas tout à fait terminé encore parce que ce n'est pas un mince travail de faire cela. Mais il était déjà prévu, à l'intérieur du plan directeur, dès le début, que l'un des sites extraordinaires était le canyon de la Jacques-Cartier et un autre site aussi, dans le parc des Laurentides, d'une nature différente, celui que le Dr Corbeil mentionnait tout à l'heure, les grands jardins, qui sont les plus hauts sommets du parc des Laurentides avec un site exceptionnel pour l'habitat du caribou. D'ailleurs, on vient de réimplanter du caribou dedans. Mais déjà, à ce moment-là, c'était considéré comme un des sites à mettre en valeur.

Mais si on n'a pas mis plus d'argent, jusqu'à présent, là-dedans, je pense que cela dépend de deux choses: Premièrement, les budgets n'ont jamais été très gros au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche; deuxièmement, cela rejoint un peu ce que le Dr Corbeil disait tout à l'heure, c'est que jusqu'à 1960, environ, fondamentalement les parcs ont d'abord été considérés comme des endroits de pêche, même pas de chasse. Ce n'est que graduellement, après 1960, qu'on a commencé à penser aux autres activités de plein air. Mais avec beaucoup de retard encore au point que, même à l'heure actuelle encore, dans le parc des Laurentides, à moins que cela change cette année, l'été, par exemple, vous avez beaucoup de difficultés à aller simplement vous promener ou pique-niquer dans le parc des Laurentides parce qu'on vous demande un permis de pêche pour aller vous promener là alors que le parc devrait être utilisé pour d'autres choses. Mais je dois dire que les deux dernières années, de 1969 à 1971, déjà des groupes, avec guide, généralement avec quelqu'un du service de l'animation de la Direction générale des parcs, avaient accès à la vallée pour faire des randonnées pédestres, faire de l'alpinisme, faire du canotage avec une autorisation écrite spéciale du directeur général des parcs. On avait déjà commencé à l'utiliser. Mais ce qui manque, fondamentalement, c'est une bonne route d'accès pour que ce soit facile pour tout le monde de s'y rendre.

M. TETRAULT: Deuxième question. L'Hydro-Québec a fait les études, dans l'année 1966, sous votre règne, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Est-ce que l'Hydro-Québec demande une permission au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche pour entrer dans un parc ou elle le fait automatiquement avec aucune loi ou aucune demande telle quelle?

M. LEMIEUX: L'Hydro-Québec, au temps

que j'ai été directeur général des parcs — je ne peux pas parler des autres périodes — est venue une fois chez nous pour nous consulter sur le tracé de sa future ligne de transport. Je pense que c'était la 735, qui devait passer dans le parc. On voulait savoir si le tracé passait trop près de certains développements qu'on envisageait pour le parc. Je pense que c'était juste et raisonnable et on lui a donné notre avis. Elle a respecté notre avis là-desus.

Par contre, pour d'autres travaux, des sondages sur la Jacques-Cartier, je vous avoue franchement que je n'en ai jamais entendu parler.

M. TETRAULT: Donc, ils l'ont fait de leur propre chef.

M.LEMIEUX: Ah!

M. TETRAULT: Peut-être que le ministre pourrait répondre à cette question. Est-ce que l'Hydro-Québec a eu...

M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, cette question a été discutée, en profondeur, jeudi passé.

M. TETRAULT: Jeudi passé, d'accord. Merci, M. le ministre. Je vais lire le journal des Débats.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que je dois d'abord remercier le Dr Lemieux et le Dr Corbeil de la position claire, franche et honnête qui a été prise aujourd'hui. J'en suis très heureux.

J'aimerais d'abord poser la question suivante à M. Corbeil: Etant donné, lorsqu'on a décidé de consacrer le parc des Laurentides comme parc, qu'il semble que la loi soit assez imprécise à ce sujet — s'agit-il d'une réserve intégrale, s'agit-il d'un site récréatif? — selon vous, est-ce que le parc Jacques-Cartier serait une réserve intégrale telle qu'on peut l'interpréter, par exemple, par rapport à d'autres pays ou par rapport à la Loi du Canada sur les parcs ou par rapport à d'autres lois aux Etats-Unis?

M.CORBEIL: Vous voulez parler de la vallée de la Jacques-Cartier?

M. LESSARD: La vallée de la Jacques-Cartier.

M. CORBEIL: Personnellement, je pense que cette vallée devrait être étudiée d'une façon plus détaillée et plus approfondie, que certaines parties ou certaines régions de cette vallée pourraient être considérées comme réserve intégrale, à cause de la valeur soit des boisés ou de certains autres facteurs, mais que d'autres parties puissent être ouvertes au public pour qu'il en profite pour toutes sortes de récréation de plein air mais avec certaines réglementations qui empêchent toute détérioration. Qu'il y ait un aménagement raisonné et qu'on mette de côté, sous des règlements spéciaux, les parties que l'on doit conserver de façon intégrale pour qu'elles ne soient pas dérangées.

Ce n'est pas un seul tout, cela peut être considéré par sections.

M. LESSARD: Selon vous, si vous aviez eu à étudier ou à faire le zonage de cette région, est-ce que le territoire qui serait inondé par l'Hydro-Québec aurait été, selon vous, déclaré réserve intégrale? Est-ce que vous croyez que ce devrait être une réserve intégrale?

M.CORBEIL: Si on entend, par réserve intégrale, réservée exclusivement aux études et aux recherches, je dirais non, mais il y a des parties, là-dedans, de boisés qui ne devraient pas être touchées, qui devraient être laissées telles quelles.

M. LESSARD: Oui. J'entends, par réserve intégrale, un territoire qui ne doit pas être utilisé commercialement ou développé pour des fins commerciales.

M. CORBEIL: II faudrait qu'il soit développé pour l'accès au public mais sans exploitation commerciales. J'entends, par commerciales, exploitations de la ressource forêt ou des choses comme ça.

M. LESSARD: Si je vous pose cette question, c'est que l'Hydro-Québec semble jouer un peu sur l'imprécision de la loi. En effet, dans le rapport de la direction des projets de centrales, direction du génie, on dit ceci: "Si ce dernier — ce parc — avait été constitué en réserve intégrale, il ne fait pas de doute que le projet aurait été jugé négatif sous cet aspect. Or, la définition donnée par le législateur au parc des Laurentides est si imprécise qu'il nous est impossible d'indiquer si oui ou non le projet contribue à mettre en valeur ou à dégrader l'utilisation qu'on veut en faire."

Donc au ministère, actuellement, est-ce qu'il y a des plans pour zoner ce territoire, pour déterminer quels seront, à un moment donné, les types de territoires, c'est-à-dire quels seront, à l'intérieur de ces parcs, les territoires qui pourront être exploités peut-être au point de vue de la forêt, l'autre partie du territoire qui devra être conservée intégralement? Est-ce qu'il y a des plans qui ont été préparés au ministère dans ce domaine?

Parce qu'il ne faut pas oublier que lors de la dernière commission parlementaire, l'Hydro-Québec nous a soumis un plan de zonage mais un plan qui correspondait à ses priorités à elle. Est-ce que M. Lemieux pourrait répondre sur ça?

M. CORBEIL: M. Lemieux est peut-être en meilleure position pour répondre parce qu'il a déjà considéré ce site, mais je sais qu'actuelle-

ment il y a des travaux qui se font pour déterminer les critères qui serviront à déterminer d'une façon plus précise la vocation de différentes régions dans les parcs.

M. LESSARD: J'aimerais avoir l'opinion de M. Lemieux, étant donné qu'il a été, pendant assez longtemps, directeur des parcs.

M. LEMIEUX: Je pense, M. Lessard, qu'il faudrait préciser certains termes. Dans notre jargon écologique, si vous voulez, jargon du métier, une réserve intégrale, c'est fondamentalement pour des fins scientifiques. C'est un bloc qu'on met de côté totalement, et l'accès est permis seulement, aux grands scientifiques, aux "egg-heads", comme diraient les Anglais, pour faire des études écologiques, et la récréation n'est pas compatible avec ça.

Pour ce qui est de la façon de considérer le parc des Laurentides, je pense que si on regarde la loi du parc, il est clair qu'elle est pratiquement copiée intégralement sur la Loi du parc Algonquin qui a été créé un an avant.

Ce parc est un immense territoire où, à mon sens, il était absolument impensable de proscrire toute exploitation, que ce soit forestière ou autre, parce que c'est un grand territoire. Deuxièmement, alors qu'un des objectifs est justement l'aménagement de la faune, tant terrestre qu'aquatique, il faut des coupes forestières pour améliorer l'habitat.

Mais dans un grand territoire comme ça, qui a une vocation, qui devient un territoire réellement consacré à un aménagement intégré des ressources, il y a des zones qu'on doit établir qui sont préservées davantage et où la récréation est aménagée dans un contexte naturel, le moins dérangé possible. Il y a des corridors panoramiques à préserver. En hiver, il y a des ravages d'animaux à préserver.

Il y a des zones comme le canyon de la Jacques-Cartier qui sont des sites spectaculaires. Au parc national du Grand Canyon, il y a tout un territoire autour, la région même du Grand Canyon qui est préservée. A Yellowstone, par exemple, la région des geysers, tout ça est préservé, mais en dehors de ça il y a des aménagements de camping, des aménagements plus intensifs de récréation.

Dans le plan que je mentionnais tout à l'heure, qui était en préparation au ministère du Tourisme à l'époque et qui est en voie d'être parachevé maintenant, il y a justement un zonage de fait dans ce territoire avec des zones à préserver. Pas en réserve intégrale nécessairement, quoiqu'il puisse y avoir à l'intérieur d'un parc — à la suite de propositions de scientifiques — certains blocs réservés comme réserve intégrale, mais fondamentalement, pour autant que la récréation et les parcs sont concernés, c'est d'abord des zones qu'on garde naturelles sans exploitation forestière, pour la récréation assez intensive. Par contre, il y a d'autres régions où il y a des aménagements de forêts ou d'autres ressources, tout en gardant une belle qualité de pêche et de chasse dans le territoire.

M. LESSARD: Dr Lemieux, est-ce que vous êtes d'accord avec l'interprétation de la Loi des parcs telle que l'a donnée tout à l'heure le Dr Corbeil, c'est-à-dire qu'il serait impossible, sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autoriser la réalisation du projet de l'Hydro-Québec?

Est-ce que vous pensez qu'il faudrait modifier à l'Assemblée nationale la Loi des parcs pour permettre à l'Hydro-Québec de réaliser son projet?

M. LEMIEUX: Je ne suis pas juriste ni avocat, mais ayant travaillé avec cette loi, je sais qu'en vertu des articles 6 et 7, il est dit que rien ne peut être fait dans le parc qui diminue la qualité du parc. C'est dans ces articles de la loi et personnellement — c'est mon opinion strictement personnelle — je pense qu'à moins d'une modification à la loi, il serait illégal de faire une chose semblable.

M. LESSARD: Dr Corbeil, vous avez été membre du comité interministériel. Vous avez affirmé tout à l'heure que la position que vous preniez était personnelle. Est-ce que je pourrais vous demander si cette position correspond à celle qui a été énoncée, par exemple, au niveau des experts qui se sont réunis à l'intérieur du comité interministériel?

M. CORBEIL: Le comité comme tel n'a pas présenté de rapport. L'opinion que j'émets ici est l'opinion que je me suis faite sur les données, les renseignements que j'ai recueillis au comité et en étudiant le projet de l'Hydro-Québec. Je ne peux pas me prononcer pour le comité et dire qu'il aurait décidé ci ou ça; il n'y a pas eu de décision prise par le comité comme tel et il n'y a pas eu de rapport de préparé.

M. LESSARD: Le comité interministériel avait quel objectif?

M. CORBEIL: L'objectif de suivre le développement, c'est-à-dire de suivre la cueillette des données, des expertises faites par l'Hydro-Québec dans le parc des Laurentides et de voir s'il y avait possibilité de proposer un plan qui pourrait concilier le développement de l'Hydro-Québec avec l'utilisation du parc.

M. LESSARD: II avait comme objectif de proposer un plan qui pouvait comprendre un plan d'aménagement conciliant les objectifs de l'Hydro-Québec et du parc, ou du ministère du Tourisme, qui a quand même comme objectif principal de protéger certaines zones vertes.

Est-ce qu'il y a eu une proposition de faite dans ce sens ou, sinon, est-ce possible de le faire?

M. CORBEIL: Aucune proposition n'a été

faite; on a étudié les renseignements qui nous étaient fournis concernant le site, concernant le projet. A un moment donné, personnellement, j'ai pensé que les renseignements que nous possédions nous permettaient de prendre une décision et qu'il était impossible à notre ministère d'autoriser un projet semblable à cause de la loi. Alors, j'ai demandé au comité s'il était prêt à prendre un vote, à prendre une décision et, à ce moment-là, on n'a pas jugé bon de prendre une décision et moi, j'ai fait rapport aux autorités de mon ministère, tout simplement.

M. LESSARD: Dr. Lemieux, une dernière question.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si le député de Saguenay me le permet, c'est une question qui est survenue la dernière fois que nous avons siégé, et je pense qu'il serait bon que je rende clair un élément de la situation. Premièrement, pour répondre à la question qu'il a adressée tout à l'heure au Dr Corbeil, je peux l'informer que celui qui a siégé à ce comité au nom du service de protection de l'environnement a fourni des renseignements et des opinions qui sont superposables à ceux que le Dr Corbeil a présentés. Deuxièmement, j'aimerais souligner que s'il n'y a pas eu de rapport du comité interministériel c'est pour une raison bien simple, c'est que les renseignements qui étaient disponibles à un moment donné ont amené le gouvernement, sur recommandation du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, à prendre une décision. Cette décision ayant été prise, il n'était plus nécessaire de déposer un rapport en bonne et due forme. C'était un travail interne, de toute façon, le gouvernement a agi au moment qu'il a jugé opportun. Et c'est mon collègue qui l'a fait.

M. LESSARD: Le ministre de l'environnement dit que la décision a été prise sur recommandation du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Je suppose que c'était avec l'appui du ministre de l'environnement?

M. GOLDBLOOM: C'était clairement avec l'appui du ministre de l'environnement, d'autant plus que c'était une décision du conseil des ministres, donc unanime.

M. LESSARD: Je remercie le ministre. Une dernière question, Dr Lemieux: Vous parlez d'un aménagement touristique assez délimité pour conserver un peu l'esprit sauvage du parc. Vous avez pu voir probablement, par exemple, l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec, en particulier en ce qui concerne des terrains de camping. Est-ce que vous pensez que c'est un territoire propice au camping, ce territoire?

M. LEMIEUX: Personnellement, je n'ai jamais pensé que le parc des Laurentides comme tel, dans son ensemble, est l'endroit le plus propice par exemple pour aménager de la récréation axée sur l'eau, en particulier pour la baignade. Il y a assez de mouches noires pour faire promener pas mal de monde dans le coin et je pense que c'est beaucoup plus valable de se rapprocher de la zone, en termes écologiques, de la vallée du Saint-Laurent où il y a de l'érable aceraille et où il y a quelques maringouins mais un peu moins de mouches noires. Effectivement, déjà au lac Jacques-Cartier, derrière l'établissement de Châtelaine, il y a un chemin d'entrée où on a construit un terrain de camping, qu'on appelle le Camping de la Loutre, où il y a un endroit de pique-nique également avec plage, une très belle plage de sable sur le bord du lac Jacques-Cartier. Il y a seulement les bouts-de-chou avec une température de trois, quatre degrés plus haute que nous autres qui se promènent là-dedans; c'est pratiquement impossible même dans les chaleurs les plus fortes de l'été de se baigner dans ces eaux. Alors, d'aménager des genres de récréation axée sur ce type d'activité, je pense que ce n'est pas tellement la place pour le faire. Si vous avez remarqué tout à l'heure, tel qu'il est là, ce n'est pas la baignade et les choses du genre qui sont la vocation du canyon par rapport à l'ensemble du parc des Laurentides. C'est surtout de la randonnée avec des bonnes bottes de marche et des manches attachées aux poignets; il y a une demande pour cela. Je peux vous dire qu'il y a une demande pour des sentiers, par exemple, de randonnée à l'intérieur du parc des Laurentides.

J'ai même reçu des appels téléphoniques de gens de Long Island qui, revenus de vacances au Québec ici, me demandaient, en tant que directeur des parcs: Est-ce vrai qu'on n'a pas encore de sentiers dans le parc des Laurentides? On nous a dit qu'on ne pouvait pas se promener dans le parc des Laurentides.

Il fallait malheureusement que je lui dise qu'à l'époque encore on n'en avait pas. On commence à en avoir quelques-uns maintenant. Ce sont des genres de choses qui sont demandées. C'est un type d'activité. Quelqu'un pourrait dire, par exemple, que réserver le canyon de la Jacques-Cartier seulement pour les quelques mordus de ce genre d'activité, c'est pratiquer une sorte de ségrégation, mais moi je réponds à ça qu'un parc a différentes vocations, selon les différents sites qu'il y a dans le parc, et ceux qui aiment la pêche, ceux qui aiment la chasse vont à d'autres endroits.

Il y a d'autres types de randonnées qui peuvent se faire, mais le canyon a un type d'activité pour un groupe de mordus de plein air de ce type d'activité qu'ils ne peuvent pas pratiquer ailleurs, y compris des parois magnifiques d'alpinisme où la Fédération des sports de montagne, je crois, est allée faire des expériences déjà, avec M. Lavallée qui est un des experts de ce groupe. Il dit que la paroi est extraordinaire. Moi, je ne suis pas un alpiniste, mais je tiens compte des besoins qu'on nous exprime.

M. LESSARD: Un des arguments que nous apporte l'Hydro-Québec en faveur de son projet, c'est de dire que le parc est actuellement inaccessible. Qu'est-ce que vous en pensez, puis quelles seraient les mesures qui pourraient être prises?

M. LEMIEUX: C'est-à-dire, pour une partie...

M. LESSARD: Inaccessible pour l'ensemble du public.

M. LEMIEUX: En partie, c'est vrai. Comme je le disais tout à l'heure, dans un immense territoire comme le parc des Laurentides, qui a une topographie qui est très dure aussi, les principaux chemins qui ont été construits là c'est par les concessionnaires forestiers. Ils peuvent vous dire combien c'a été difficile et coûteux de construire ces chemins. La principale route d'accès à l'heure actuelle dans le parc c'est la route 54 qui a une série de routes de terre de chaque côté qui mènent aux différents lacs de pêche.

Une route existe dans le moment, qui avait été réaménagée par la Domtar et qui a été encore améliorée, je crois, par l'Hydro-Québec lorsqu'elle est entrée pour faire ses expertises. Fondamentalement, le maximum d'aménagement qu'on devrait faire dans une vallée comme ça pour les types d'activité à pratiquer, c'est de consolider cette route d'entrée et même de la paver, de la rendre réellement sûre. Pas jusqu'au bout du canyon, en haut, mais pénétrer juste à l'intérieur, avec un centre d'accueil et la possibilité d'avoir des guides, des naturalistes qui peuvent guider des groupes, avec des sentiers balisés pour que personne ne se perde, et également des sentiers peut-être pour l'équita-tion éventuellement aussi.

Et il y a beaucoup de classes d'interprétation de nature, des classes vertes qui peuvent être menées dans ce coin-là. Il peut y avoir des randonnées de deux ou trois jours avec des refuges le long du sentier, pour une randonnée aller et retour jusqu'aux parois d'alpinisme. Mais l'aménagement n'est pas tellement dispendieux, et personnellement, disons que si vous voulez une estimation du coût, vous n'aurez pas à dépasser $2 millions, au grand maximum, pour rendre réellement cette vallée plus accessible qu'elle ne l'est.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, encore une fois merci aux deux spécialistes qui sont venus témoigner, ainsi que de la franchise avec laquelle ils l'ont fait.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: Merci, M. le Président, j'aurais une question à poser soit à M. Corbeil ou à M. Lemieux. Je pense bien qu'à l'heure actuelle on essaie de faire jouer une corde sensible de la part de ceux qui sont en faveur du projet hydraulique ou hydro-électrique, en disant, par exemple, comme je l'ai lu dans un quotidien de Québec hier, que le lac créé serait le seul lac accessible au public près de Québec.

Maintenant, est-ce qu'à votre connaissance il y aurait d'autres endroits, par exemple, sans tenir compte de la corde sensible de la mouche noire, qui seraient accessibles au grand public, près de Québec, à des conditions aussi avantageuses?

M. LEMIEUX: Dans le moment, je crois qu'il y a un lac actuellement accessible au public, il y a des améliorations sûrement à faire. Il y en a plusieurs qui le connaissent, le lac Saint-Joseph où il y a des possibilités. Il y a des problèmes de pollution mais qui sont solubles. Il est à vingt milles de Québec. Je vous parlais tout à l'heure du lac Montauban qui est un peu plus loin, mais qui, effectivement, est exactement à égale distance de Trois-Rivières et de Québec, dans le secteur de Rivière-à-Pierre, à Notre-Dame-des-Anges.

C'est un magnifique lac qui est en partie dans une forêt d'érables, merisiers, hêtres aussi, donc au point de vue des mouches et tout ça puis la chaleur des eaux, qui se prête beaucoup mieux à ça, puis il y a une place d'un mille de long, très bien drainée. Ce serait un projet majeur d'un parc de récréation, réellement. Mais j'ajouterai à ça aussi que pour ce qui est des sports reliés à l'eau, par exemple, la baignade, de plus en plus, sous notre genre de climat ici, il y a beaucoup d'organismes privés et même nous au gouvernement, par exemple — je parle des trois développements en Gaspésie — qui ont construit des piscines avec, dans certains cas, l'eau chauffée.

C'est cela qui est encore le moins dispendieux, le plus attrayant pour la baignade, entre autres. On aurait peut-être intérêt à considérer davantage la possibilité de consolider certains parcs. Je parle, par exemple, du mont Sainte-Anne ou d'autres endroits qui sont très près, qui ne sont pas équipés en nappes d'eau, mais qui pourraient être équipés facilement avec une piscine et qui attireraient une quantité de gens pour la baignade. Les gens préféreraient aller là parce que c'est plus près, l'eau est plus chaude et c'est utilisable pour une plus longue période, une plus longue saison.

M. BOIS: Merci. Maintenant, M. le Président, une dernière question. On mentionne, entre autres, qu'en laissant le territoire tel qu'il est, cela ne servirait qu'à une minorité de privilégiés. Est-ce que réellement c'est quelque chose de pensable et de réel si on calcule l'étendue du territoire de ce canyon?

M.LEMIEUX: Je ne dirai pas que 80 p.c. des amateurs de plein air sont des amateurs de

randonnées de quatre ou cinq jours, par exemple, jusqu'au fond du canyon avec le "pack sac" et tout, mais la promenade, la randonnée, simplement le tout d'auto, l'arrêt avec prise de photographies et la promenade à pied, c'est l'occupation préférée de 85 p.c. des amateurs de plein air, tant au Canada qu'aux Etats-Unis. A ce moment-là, je ne vois pas où est la minorité. En effet, comme le Dr Corbeil le disait tout à l'heure, il y a un zonage à faire, même dans ce canyon-là qui a environ 20 milles de long. H y a une première partie qui est plus accessible avec des boucles de sentier plus courtes où les gens vont là seulement pour l'après-midi; c'est l'activité préférée des Canadiens et des Américains, d'après les enquêtes qu'on a menées tant au Canada qu'aux Etats-Unis.

La partie la plus éloignée sert davantage aux plus hardis, aux plus jeunes, aux plus en forme qui partent havre-sac au dos pour deux ou trois jours et campent à la dure au fond de la vallée. A ce moment-là, c'est plutôt une minorité. Les promeneurs en forêt veulent simplement avoir des sentiers. On n'a qu'à voir ce qui s'est passé, cet hiver, avec le ski de fond, au camp Mercier, plus de 50,000 personnes sont allées y faire du ski de fond. C'est tout simplement de la promenade avec des planches en dessous des pieds, point. C'est cela, la grande demande. Aménager le canyon tel qu'on le proposait tout à l'heure, c'est exactement répondre à ce genre de demande là.

M. BOIS: Je vous remercie beaucoup. C'est tout, M. le Président.

UNE VOIX: C'est peut-être parce qu'on a pu croire que les réserves intégrales seraient fermées au public. Il n'en est pas question.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): M. Corbeil, vous dites, dans votre rapport, que l'aménagement de cette centrale pourrait amener dans le décor un affreux réseau de tours de transport. Sur la maquette et d'après les rapports qui ont été déposés, avez-vous pris connaissance du fait qu'il s'agissait plutôt d'un axe de connexion sur un réseau déjà existant?

M. CORBEIL: Lors de la présentation des mémoires de l'Hydro-Québec, on a parlé d'une distance d'environ quatre ou cinq milles...

M. HARVEY (Chauveau): Quatre milles.

M. CORBEIL: ... pour la première turbine. Maintenant, il y a d'autres sites qui sont considérés. Si on pose d'autres turbines, il va falloir que l'électricité parte de ces turbines-là et vienne rejoindre également le circuit principal. Cela va faire autant de circuits qui vont transporter l'électricité vers cette ligne de transport.

M. HARVEY (Chauveau): Mais, pour le moment, il y a un site qui est visé.

M. CORBEIL: Pardon?

M. HARVEY (Chauveau): C'est quand même un site qui est visé. En caricature, c'est clair qu'on fait beaucoup état d'un affreux réseau, mais je voudrais quand même vous faire préciser, quant au projet concerné, qu'il s'agit tout simplement d'un axe de service rejoignant un réseau déjà établi de transport de l'électricité.

M. CORBEIL: Pour une turbine.

M. HARVEY (Chauveau): D'autre part, selon la loi existante, l'utilité des parcs peut-elle être améliorée?

M. CORBEIL: Vous parlez de l'utilité des parcs en général?

M. HARVEY (Chauveau): En général, selon la loi existante.

M.CORBEIL: II y a un travail qui se fait actuellement et qui étudie toute la chose. Je ne peux pas me prononcer là-dessus; c'est repris en profondeur dans la loi-cadre des parcs.

M. HARVEY (Chauveau): Merci.

UNE VOIX: C'est plutôt sur l'utilisation que sur l'utilité.

M. CORBEIL: Oui, l'utilisation et les critères de détermination des vocations de différents territoires en vue d'une utilisation.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de L'Assomption. Maintenant, je voudrais simplement faire une remarque aux membres de la commission et à tout le monde. Il ne faudrait pas prendre des tangentes et commencer à faire le procès de l'usager des parcs. On a un problème particulier, ce matin, à étudier: c'est le problème de la Jacques-Cartier, dans le parc des Laurentides.

Je voudrais qu'on s'en tienne à des questions qui ont rapport au développement possible ou non, je ne le sais pas, de la rivière Jacques-Cartier.

M. LOUBIER: Si vous me permettez, M. le Président, sur les directives que vous venez de donner, je n'ai pas d'objection à ce que toute la latitude soit accordée à tous les députés, mais le gouvernement, pour des raisons qu'il peut donner, a décidé qu'il n'y aurait qu'une seule séance, soit aujourd'hui. Je pense qu'il serait extrêmement intéressant qu'on puisse entendre le plus grand nombre possible de personnes.

Autrement, à ce rythme, on va entendre peut-être deux ou trois personnes. Je pense que tout le monde va être frustré et avec raison.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'ai permis peut-être un peu plus de questions que normalement. Je veux simplement aviser ceux qui vont se présenter par la suite qu'on devrait se limiter à environ 20 minutes par participant, autant pour la présentation du mémoire que pour la période de questions. On a dépassé quelque peu parce qu'on avait des experts invités.

UNE VOIX: Ce ne sera pas long.

M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, je serais bien d'accord qu'on procède immédiatement à entendre d'autres groupes.

M. PERREAULT: Sur une question de privilège. J'ai mon droit de député aussi.

M. SIMARD (Richelieu): D'accord.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Non, non, mais on veut faire vite.

M. LOUBIER: Que le député de L'Assomption ne se sente pas visé, c'est simplement une remarque générale que le président a faite et que j'ai appuyée en ce sens que, si on veut entendre le plus grand nombre possible d'opinants, à ce rythme on ne pourra pas les entendre. On est limité dans le temps, il faut que ça finisse ce soir.

M. PERREAULT: J'aimerais mentionner que, lors de toutes les audiences parlementaires, je ne suis pas celui qui prend le plus le temps des commissions, parmi toutes les journées qu'on est ici.

M. LOUBIER: Le silence est d'or, vous faites bien cela.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour continuer dans cette bonne habitude, arrivez à votre question.

M. PERREAULT: J'aimerais poser des questions à M. Lemieux. Je vois qu'il est allé étudier au Michigan, aux Etats-Unis. Est-ce qu'il a pris connaissance de tous les projets de parcs aux Etats-Unis qui sont combinés avec des développements hydro-électriques? On parlait tout à l'heure de 171 millions de visiteurs aux Etats-Unis. Beaucoup de ces parcs qui reçoivent ces 171 millions sont des parcs aménagés en conjonction avec des développements hydro-électriques.

M. LEMIEUX: Pas les parcs nationaux.

Il y a des parcs américains aménagés, des State Forests, State Parks qui sont aménagés, par exemple, autour de TVA, Boulder Dam et un paquet de barrages comme ça. D'ailleurs, je pense qu'en France c'est pratiquement un événement chaque fois qu'il y a un nouveau barrage. On fait alors un étang parce que les lacs sont tellement rares qu'ils les aménagent tous pour la récréation par après. Certainement, il y a eu des aménagements faits autour de ça et cela a une très haute valeur. Le développement TVA aux Etats-Unis est très important, mais l'argument que j'apportais tout à l'heure ce n'est pas dans ce sens du tout.

M. PERREAULT: Deuxièmement, vous avez appuyé sur deux aspects dans votre mémoire, le canotage et l'alpinisme.

M. LEMIEUX: Deux parties, oui.

M. PERREAULT: Alors, sur ces deux choses, M. Corbeil avait mentionné qu'on prenait 22 milles du parc; je crois qu'il faudrait corriger, c'est juste dix milles à l'intérieur du parc, pour le réservoir.

M. CORBEIL: Non, j'ai dit que le lac aurait environ 22 milles, mais qu'une partie seulement...

M. PERREAULT: Seulement dix milles à l'intérieur du parc. Ne croyez-vous pas qu'il y a d'autres parois qui demeurent pour l'alpinisme en dehors de cette partie?

M. LEMIEUX: Les parois d'alpinisme, je ne suis pas un expert en alpinisme, mais j'ai eu pas mal de contacts avec les groupes qui s'occupent d'alpinisme au Québec. Dans les régions réellement accessibles, elles sont assez rares les bonnes parois d'escalade au Québec. Une de celles-là est intéressante. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce n'est pas la partie la plus essentielle. D'ailleurs, la paroi d'escalade n'est pas touchée par l'inondation, elle est au fond complètement de la vallée, celle-là.

M. PERREAULT: C'est ça.

M. LEMIEUX: C'est strictement un élément pour des spécialistes pratiquement. L'important, c'est l'accès du fond de la vallée par la terrasse et les activités pour tout le monde qu'on peut aménager et qu'il faut aménager dès l'entrée du canyon.

M. PERREAULT: Deuxième question. Je pense que vous avez dit tout à l'heure que vous avez visité pas mal tous les coins du Québec et vous avez probablement réalisé que la rivière Jacques-Cartier est assez tumultueuse. J'aimerais bien savoir s'il y a beaucoup de monde, beaucoup de gens qui peuvent faire du canotage sur la rivière, sans danger pour le peuple.

M. LEMIEUX: Moi, je me fie à la classification que la Fédération de canot-camping a faite.

On vient de publier un livre de quelque 200 pages de classification des rivières du Québec et la rivière Jacques-Cartier est justement dans ce secteur; elle est classée comme 2, c'est-à-dire que ce n'est pas une rivière d'experts, c'est une rivière de qualité moyenne dans ce secteur. Elle est classée par ceux qui pratiquent le canotage.

M. PERREAULT: On pourrait donc dire que la grande majorité des gens pourraient descendre la rivière en canot, d'après vous.

M.LEMIEUX: Oui. Avec le travail d'initiation des jeunes au canotage qui se fait à l'heure actuelle... Ce n'est pas une rivière d'experts, du genre de la rivière du Grand Canyon où cela prend des bateaux spéciaux et toute l'affaire pour la descendre. C'est une rivière qui est canotable.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que je pourrais faire une remarque au député de l'Assomption? Un mémoire doit être présenté, tantôt, par la Fédération québécoise de canot-kayak. L'on pourrait peut-être réserver les questions de canotage pour ces gens.

M. PERREAULT: Bien, voici ce qui arrive, M. le Président. M. Corbeil mentionne des choses qui vont peut-être venir dans d'autres mémoires, mais j'aimerais quand même lui poser des questions sur des choses qu'il a affirmées dans son mémoire.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord.

M. PERREAULT: M. Corbeil, ici, a parlé des feuillus qui sont en gradation le long des rivières. Est-ce que ces feuillus ne se retrouvent pas ailleurs le long de la Jacques-Cartier?

M.CORBEIL: C'est un renseignement que j'ai recueilli auprès des ingénieurs forestiers de notre ministère. Ce qu'il y a de particulier, c'est que toute la succession de ces peuplements se retrouve dans un espace restreint et forme, ni plus ni moins, une serre ou un laboratoire pour étudier la variation selon l'altitude, variation qui se reproduit sur le terrain à mesure qu'on se dirige vers le nord.

M. PERREAULT: Selon votre information, le seul endroit où cela existe dans le parc est l'endroit où cela va être inondé.

M. CORBEIL: Je ne dis pas que c'est le seul endroit; je dis que c'est un endroit qui est très intéressant et qu'on considère comme particulier et précieux. En ce qui concerne certaines espèces, on m'a dit qu'elles étaient également précieuses. En ce qui concerne cette association, il y a ce qu'on appelle les sapinières à bouleau jaune qui diminuent énormément dans la province depuis l'exploitation des bois durs. Il y a des sapinières à bouleau jaune qui méritent d'être conservées à cause de leur âge et de leur importance.

M. PERREAULT: Ma dernière question s'adresse aux deux parce que vous êtes intéressés par les parcs. Si on maintient le parc avec des installations rudimentaires, telles quelles sont, étant donné les milliers de visiteurs que les parcs reçoivent du Québec, à combien estimez-vous le nombre de visiteurs dans le parc, s'il demeure comme ça?

M.LEMIEUX: Si le canyon demeure tel quel...

M. PERREAULT: Tel quel, avec les installations rudimentaires que vous mentionnez dans votre mémoire. Combien de milliers de...

M. LEMIEUX: II n'est pas facile de vous donner un chiffre qui serait très précis dans le moment. Tout ce que je peux vous dire, comme chiffre de comparaison, c'est qu'en 1971, dans tous les parcs de la province de Québec, il n'y a eu que 1,700,000 visiteurs. Là-dessus, il y en avait seulement 250,000 pour la pêche; par contre, il y en avait 800,000 pour le camping et le pique-nique. Disons qu'en proportion, au fur et à mesure que les parcs vont ouvrir — si vous voyez un peu la proportion que cela peut donner— dans le parc des Laurentides, avec le pool d'à peu près 500,000 à 600,000 personnes dans le Québec métropolitain et les régions avoisinantes, en plus des touristes qui pourraient venir l'été, je pense que ce territoire peut accueillir, bon an, mal an, 400,000 à 500,000 personnes, une fois les aménagements faits.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur le même sujet, est-ce que vous allez admettre que des personnes circulant entre Chicoutimi et Québec, et dans le sens contraire, entre Québec et Chicoutimi, au moment où elles passent à la barrière et qu'on leur remet un permis de circulation, sont considérées comme touristes dans le parc?

M. LEMIEUX: Non.

M. HARVEY (Chauveau): Non?

M. LEMIEUX: Non.

M. HARVEY (Chauveau): Absolument pas. Je voulais savoir...

M. LEMIEUX: Depuis très peu, par exemple. Mais depuis quelques années, depuis deux ou trois ans, au moins, on a un enregistrement spécial pour les visiteurs des parcs.

M. HARVEY (Chauveau): Très bien. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs les experts.

M. MASSE (Arthabaska): J'avais demandé la parole pour une courte question.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ah! Je m'excuse, oui.

M. MASSE (Arthabaska): Vous avez dit, Dr Lemieux, que le sentier déjà existant serait inondé avec le projet de l'Hydro-Québec. Est-ce qu'il y aurait un autre endroit qui pourrait permettre les mêmes avantages que ce sentier, un endroit que la topographie permettrait après l'aménagement de la Jacques-Cartier?

M. LEMIEUX: Non, après l'aménagement de la Jacques-Cartier, M. Massé, les terrasses étant inondées, les parois tomberaient carrément dans l'eau. Ce ne serait pas possible, à ce moment-là, à moins d'avoir un sentier dangereux côtoyant la rivière dans la montagne. Effectivement, les seules places, pour la première partie du canyon, qui est l'entrée, ce serait de se promener sur les faîtes de chaque côté.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs les experts. Nous entendrons maintenant le représentant du Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier, Mlle Marie-T. Labrecque.

UNE VOIX: Madame.

UNE VOIX: On n'a plus les mademoiselles qu'on avait!

LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est un grand désappointement!

M. BEDARD: Marie-T. m'embarrasse sans le vouloir !

Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier

M. BEDARD: M. le Président, je m'aperçois, par les questions qui sont posées, que ce serait avantageux si les membres de la commission pouvaient voir quelques photographies de la rivière Jacques-Cartier. On parle tous un peu dans le vent. Les gens disent: C'est un site unique, c'est merveilleux, c'est ceci, c'est cela. Il y a des falaises. Je me demande si, exceptionnellement, on ne pourrait pas peut-être voir quelques photographies. Ou encore — si on peut suggérer quelque chose — à la reprise de la séance, cet après-midi, on pourrait peut-être montrer une dizaine de photographies qui éclaireraient tout le monde, je pense, feraient gagner, en fait, du temps et épargneraient des questions.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que cette présentation serait longue?

M. BEDARD: Non, je pense qu'en deux minutes on pourrait installer un écran, si vous le permettez.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord. Si on peut se limiter à nos vingt minutes, je suis bien d'accord pour vous donner la permission d'installer votre écran.

Le représentant du Comité de la conservation, M. Bédard, Mme Labrecque, est-ce que vous pourriez faire votre présentation pendant que monsieur installe son système?

MME LABRECQUE: Je m'excuse, M. le Président, je crois qu'il y a eu une erreur. Je suis simplement la secrétaire du comité.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ah bon!

MME LABRECQUE: C'est le Dr Bédard qui sera le porte-parole du comité.

LE PRESIDENT (M. Kennedy: D'accord. Alors, Dr Bédard, si vous voulez vous identifier, avec tout le tralala, vos titres et tout ça.

M. BEDARD: De profession, je suis biologiste. J'ai fait mes études à l'université Laval. J'ai pris une maîtrise en sciences et j'ai ensuite pris mon doctorat en sciences, en écologie, à l'Université de Colombie-Britannique. J'ai aussi fait un séjour postdoctoral, à l'Université de Californie, à San Diego. J'ai eu l'avantage de travailler dans plusieurs grands parcs nationaux américains, au Parc du Mont McKinley, à la baie des Glaciers, dans le sud-est de l'Alaska, et j'ai aussi visité tous les grands parcs de l'ouest du continent.

Peut-être devrais-je mentionner brièvement l'origine du comité. Le comité est constitué de sept membres qui proviennent tous de Tewkesbury, qui est une localité juste en aval du site proposé pour le barrage.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Dr Bédard. Quelle est votre occupation présentement?

M. BEDARD: Je suis présentement professeur à l'université Laval.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord.

M. BEDARD: Tous les membres du comité proviennent de la région du barrage. C'est évidemment ce qui nous a valu d'être taxés, si on veut, d'avoir des intérêts immédiats dans l'affaire, mais comme, je pense, les photos vont vous le montrer, on n'est absolument pas menacés directement ou indirectement. Le barrage lui-même serait situé quelques milles en amont de nos propriétés, donc n'affecterait nullement nos propriétés.

Ce qui nous a amenés à nous occuper de cette affaire, c'est que, par goût, par formation, par intérêt et aussi par disponibilité, nous avons senti que la rivière Jacques-Cartier était quelque

chose de précieux. Vivant quotidiennement sur les bords de la Jacques-Cartier, on s'apercevait que c'était une rivière vraiment spéciale, qui avait aussi la chance, si on veut, d'être dans un parc. Alors, plus rapidement que les autres citoyens, on s'est aperçu qu'il fallait empêcher ce projet parce qu'on s'appauvrirait. C'était là notre conviction certaine qu'en laissant utiliser la Jacques-Cartier pour un aménagement hydro-électrique on s'appauvrissait tous.

Nos raisons ont été exposées à plusieurs reprises. Il s'agissait d'abord d'un site unique. D'autres organismes ont, par la suite, élargi cette notion. Le Conseil québécois de l'environnement, entre autres, l'a fait. C'est un site exceptionnel.

Notre deuxième argument, c'était qu'il s'agissait d'un site très près d'une grande agglomération urbaine et qu'à ce titre on se devait de le conserver pour l'usage des citoyens de cette région.

Troisièmement, c'était qu'il s'agissait d'un parc et, d'après n'importe quelle définition de parc, on ne pouvait pas tolérer un aménagement de ce style à l'intérieur de ses limites. Dans les parcs américains, dans les parcs des autres provinces canadiennes, on n'accepte pas de barrages ou d'installations hydro-électriques du type proposé.

Le Dr Lemieux, tantôt, en réponse à une question, a indiqué cela; je pense qu'il faut le souligner, les aménagements hydro-électriques.

En particulier dans le sud-ouest des Etats-Unis — qui est une région, comme vous le savez, presque désertique — toute nappe d'eau devient extrêmement précieuse, et c'est compréhensible et louable qu'on fasse des aménagements récréatifs autour de ces nappes d'eau nouvellement créées.

Mais que voudrais rappeler qu'il y a eu des efforts et du "lobbying" très intense pour qu'on fasse de nouveaux barrages, en particulier dans la région du Grand Canyon où la rivière Colorado pourrait être utilisée pour produire de l'énergie hydro-électrique. Toujours, on a refusé ça parce que le Grand Canyon a une vocation qui est celle d'offrir de l'émerveillement aux gens.

Je voudrais brièvement commenter là-dessus en disant que, dans le cas de tous les parcs américains ou canadiens, il y a toujours eu ce "lobbying" au début. On a toujours dit qu'on ne peut pas tolérer dans le voisinage de Washington que le parc Shenandoah soit immobilisé pour la récréation seulement. Il y a là-dedans des ressources forestières, ou peut-être des ressources minières inconnues qui deviennent inutilisables par les générations suivantes.

Il y a toujours le "lobbying", que ce soit des mines, des industries forestière ou hydroélectrique, qui va tenter justement d'empêcher qu'on garde en réserve des territoires pour autre chose que de l'exploitation commerciale. Le cas s'est présenté tout récemment dans le cas de la rivière Nahanee, dans le territoire du Yukon, qui coule en partie dans le Yukon, où, justement, une firme proposait de faire un aménagement hydro-électrique.

Et au moment où le gouvernement canadien a décidé qu'on en ferait plutôt un parc pour l'usage des générations futures, on a justement immobilisé cette réserve. On a dit: la Nahanee ne servira pas à faire de l'électricité, elle servira à fournir une autre sorte d'expérience humaine valable de la récréation visuelle ou encore de l'émerveillement qui fait aussi partie de notre besoin en tant qu'individu.

Est-ce que c'est vraiment trop exiger que de demander ça? Des experts se sont penchés sur ce problème, ils ont évalué la quantité de territoire dont on aurait besoin pour identifier un pays et toute sa diversité. On a calculé que ça prend à peu près de 1 p.c. à 2 p.c. de la superficie de tout le territoire pour le faire.

Si on regarde dans les autres provinces, ça correspond généralement à une valeur qui est moins que 1 p.c. Au Québec, ça correspond à moins que 1 p.c, à peu près à 0.9 de 1 p.c.

Dans l'ouest américain et dans l'est aussi il y a des statistiques qui sont à peu près dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire que de 1 p.c. à 2 p.c. du territoire, d'après les experts, serait suffisant pour identifier les paysages et permettre aux gens d'y trouver des valeurs stables, d'y reconnaître, dans les années à venir, la même identité de leur pays.

C'est un petit peu ça, la fonction des parcs, et les parcs provinciaux devraient au Québec jouer ce rôle et être ces sanctuaires où on va garder à son état original un petit fragment de notre patrimoine. Que le "lobbying" soit là pour dire: Ce n'est pas vrai, on immobilise par là des ressources inouïes, inestimées, inestimables, quand on y regarde de près, on s'aperçoit qu'après quelques années Shenandoah et Yosemite ou les autres grands parcs sont devenus des richesses inestimables, sont devenus un capital touristique que personne ne voudrait troquer contre quelques profits passagers qui seraient allés à l'entreprise forestière ou encore à l'utilisation hydro-électrique qui peut se faire dans un autre site.

On peut commenter brièvement les quelques photographies. Voici la région de Tewksbury que des centaines ou des milliers de visiteurs fréquentent à l'automne. La localité, au fond de la vallée, de Tewkesbury n'est nullement affectée. Et c'est de cette partie-là et aussi de la partie plus à l'ouest de la photo que proviennent les membres du Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier.

Le barrage proposé ne serait absolument pas visible sur cette photo, il serait à la droite derrière le massif qu'on voit. A ce moment la rivière Jacques-Cartier est déjà intéressante, elle n'est pas tellement encaissée, mais elle a quand même des caractéristiques qui y attirent des dizaines de milliers de visiteurs tous les automnes.

Sur la suivante, à mesure qu'on suit son cours — je m'excuse il y a trop de lumière autour de la photo — la rivière devient très encaissée et elle coule dans une gorge qui a une vingtaine de milles de longueur. Dans cette gorge, le secteur de la rivière qui serait inondé, la rivière est loin d'être une mangeuse d'hommes.

Au contraire, c'est une rivière plutôt placide, facilement canotable et encore une fois, les gens tantôt en parleront, on peut faire du canotage familial là-dessus. Mais ce qui est surtout important c'est l'effet saisissant qu'on a à voir cet encaissement de la rivière dans le fond de la vallée.

La suivante montre justement une vue à vol d'oiseau de ce caractère unique du paysage, une gorge presque linéaire, une vingtaine de milles, dont l'encaissement dépasse à peu près 1,000 pieds d'altitude. Et on voit dans le fond, sur la droite, sur la rive est, le petit ruban routier qui existe déjà et qui permet déjà un accès limité à tout le secteur de la Jacques-Cartier.

Sur la suivante, on voit ici, encore une fois dans le secteur qui serait inondé, cette fois-ci, cette région, c'est dans le voisinage de la centrale qu'on propose. Il y aurait à peu près une quarantaine ou une cinquantaine de pieds d'eau, dans le fond, ce qui n'est pas tellement mais c'est quand même assez pour inonder la terrasse et empêcher qu'on puisse avoir accès à l'une ou l'autre berge. On voit encore une fois l'importance de l'angle des falaises de part et d'autre de la vallée.

La suivante, une des faces ou une des parois qui servent aux alpinistes. Cette paroi est à peu près dans le voisinage des camps de base de l'Hydro-Québec, juste en face du site proposé pour la centrale Champigny.

Suivante, elle sert aussi au canotage comme je l'ai dit; c'est dans la partie inférieure de la vallée, la partie peut-être la moins topographi-quement intéressante.

La suivante, voici une autre vue de la mangeuse d'hommes.

La suivante, encore une fois l'encaissement remarquable qui fait courir des gens et je pense que la personne qui a visité cette vallée n'est pas restée vraiment émerveillée par la beauté et le caractère absolument unique et surtout harmonieux du paysage.

La suivante, on voit ici — malheureusement c'est très sombre — une partie du massif, il y a un angle dans la rivière à un moment donné et ça c'est à peu près au site où se terminerait le lac proposé par l'Hydro-Québec. Le massif au centre c'est celui dans lequel on implanterait la centrale.

On a encore une photo qui montre l'encaissement et la terrasse avec des peuplements forestiers intéressants, des sapinières de bouleau jaune d'une grande beauté qui ont été, du reste, respectées il y a quelques années quand on avait demandé qu'on interrompe les coupes là-dedans justement parce que c'était tellement beau.

D'un commun accord l'exploitant, la Domtar, Leduc, un exploitant forestier de la région de Québec, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et le ministère des Terres et Forêts avaient tous ensemble décidé qu'on interromprait les coupes dans ce secteur à cause du caractère exceptionnel de la vallée et de ses peuplements.

La suivante, s'il en reste une?

Pour continuer mes commentaires sur le mémoire que nous avons présenté, un commentaire que je voudrais faire à l'endroit de notre attitude vis-à-vis de l'Hydro-Québec, je dois d'abord dire que jamais dans notre campagne on n'a mis en doute le mandat de l'Hydro-Québec ou l'intégrité de ses membres. Au contraire, même en tant que chercheur professionnel, je pense qu'il y a tout lieu d'être fier des réalisations que l'Hydro-Québec peut accomplir. Je pense en particulier à l'IREQ et je pense à toutes sortes de réalisations concrètes, les lignes de transport d'énergie à haute tension et des choses analogues qui nous mettent vraiment à l'avant-garde dans la production et le transport d'énergie.

Ce n'est pas contre ça qu'on en a. Ce contre quoi on en a c'est que l'Hydro-Québec, tout à coup, embarque dans un domaine où elle n'est vraiment pas à la hauteur et où elle n'a pas de juridiction ou de compétence. Elle embarque dans un domaine où il s'agit de respecter ou d'aménager le territoire de façon globale, pas seulement pour des fins hydroélectriques mais aussi des fins de récréation, d'utilisation éducative, industrielle ou autres. Elle embarque dans ça et, à mon humble avis, elle le fait sans beaucoup d'élégance.

Je pense qu'elle commet aussi beaucoup d'erreurs quand elle envahit le domaine de l'écologie. Je ne veux prendre que quelques secondes pour lire un petit passage d'un dépliant qui a circulé beaucoup concernant le projet Champigny. A la fin, on fait mention du projet dans un parc et on dit que ce n'est peut-être pas aussi illogique qu'on implante un projet comme celui-là dans un parc. On dit: "Lorsqu'une réserve réunit des conditions favorables, elle peut remplir la fonction de foyer de repeuplement vis-à-vis du territoire dans lequel elle s'intègre. Non seulement les espèces animales s'y reproduisent et s'y maintiennent mais, à cause de la réduction des pressions adverses, elles arrivent à déborder sur les espaces avoisi-nants. Un rôle comme celui-là n'est habituellement compatible qu'avec un taux de fréquentation très bas". Alors, pour commenter cela, ça veut dire que le parc des Laurentides, en supposant que ce soit une réserve, produit tout le lièvre et tout l'orignal et tout le gibier que vous avez dans la province puisque les parcs sont considérés comme les endroits d'où la faune déborde sur les régions voisines.

Ce genre de conception prévalait probablement au moment où on a inventé l'électricité mais depuis il y a eu beaucoup de progrès de

fait. C'est le genre de notion, on le voit, avec lequel les représentants de l'Hydro-Québec ne sont pas tout à fait familiers parce que c'est un domaine qui ne leur appartient pas, celui de la conservation de la faune et de l'écologie.

Il y a quelques autres commentaires que j'aimerais peut-être faire brièvement, concernant les autres sites qui existent pour cet aménagement. L'Hydro-Québec nous a toujours dit: C'est la Jacques-Cartier ou rien d'autre. Par contre, quand ça faisait son affaire, elle nous disait toujours: Ecoutez, c'est seulement des études préliminaires qu'on fait sur la Jacques-Cartier. Il se peut que le site s'avère inutilisable. Il se peut qu'il y ait une faille; il se peut qu'il y ait des dépôts de surface trop importants. Il se peut qu'on ne puisse pas vraiment faire notre barrage. Mais, le lendemain, on se retourne et on nous dit: C'est la Jacques-Cartier ou les turbines à gaz. Nous, on pense qu'il existe une foule d'autres sites. L'Hydro-Québec a soumis à cette commission un mémoire qui contient effectivement une liste de douze sites sur lesquels on a accompli des évaluations sommaires de coûts. On arrive à estimer un coût au kilowatt.

Cette liste, à mon sens, est extrêmement partielle. Elle ne contient que douze sites. Je pense qu'il y a topographiquement, au Québec, une possibilité d'établir des centrales à réserve pompée, presque illimitée. Tout ce que ça prend, ce sont des dénivellations. Je ne dis pas que tous ces sites sont aussi bons que celui de la Jacques-Cartier, mais ce que je voudrais qu'on nous dise, c'est quelle est la différence de coût qu'il y aurait entre le site de la Jacques-Cartier et le meilleur site qu'il y aurait ensuite dans la liste, en dehors d'un parc.

Maintenant, cette liste-là, je pense, qui vous a été soumise est incomplète. Encore une fois, je disais qu'on peut, en regardant les cartes topographiques, trouver des sites qui, à notre avis, seraient adéquats et qui surtout répondraient aux besoins de l'Hydro-Québec pour les quinze prochaines années. Cela, c'est une chose importante et les planificateurs de l'Hydro-Québec nous disent: On ne peut pas nous, en tant que corporation, planifier pour plus de quinze ans d'avance.

Il existe, comme vous le savez, des nouvelles méthodes qui sont amenées presque annuellement. Il y a toujours des recherches qui se poursuivent dans le domaine du stockage d'énergie. Peut-être que, dans cinq ans, la formule que nous préconisons dans le moment, la centrale à réserve pompée, sera désuète. Alors, pourquoi planifier pour plus de quinze ans d'avance?

On entrepend des travaux sur la Jacques-Cartier qui, effectivement — cela a été démontré à la dernière commission — contient un potentiel qui est très gros, énorme à vrai dire, car elle peut produire 25 fois plus d'énergie qu'on ne pourrait en produire maintenant. Si l'Hydro-Québec décèle ce potentiel-là, c'est tout à fait légitime, c'est correct, ça. Mais, là où je m'arrête, c'est que, d'un autre côté, on me dit: Peut-être qu'on aura l'opportunité d'utiliser seulement l/25e de ce site-là. Peut-être que, dans cinq ans, la centrale qu'on aura construite sera désuète et qu'il faudra recourir à l'électrolyse de l'eau ou au stockage de gaz comprimés dans des cavernes souterraines ou à quelque chose qui s'avérera plus économique.

Et ce sera irrévocable. On aura, néanmoins, sacrifié, à ce moment-là, la rivière Jacques-Cartier pour un aménagement très partiel. C'est là-dessus, nous, qu'on dit: Est-ce que ce ne serait pas plus juste pour l'Hydro-Québec de chercher à aménager un site qui peut répondre à ses besoins pour les quinze prochaines années, un site qui peut lui procurer les 1,000 ou les 2,000 mégawatts dont nous avons besoin pour ces quinze prochaines années, et de nous laisser la rivière Jacques-Cartier? On va plus loin. On dit que, si l'Hydro-Québec accepte de faire des aménagements récréatifs autour des réservoirs qu'elle crée, on aura, à ce moment-là, deux centres récréatifs: un aménagement récréatif autour d'un réservoir d'un type assez particulier, souvent assez banal, et aussi un aménagement récréatif consenti ou développé, assuré, comme ça doit l'être, par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour la rivière Jacques-Cartier.

Au lieu d'un seul site développé, on en aurait deux, avec des fonctions bien précises et uniques pour chacun d'entre eux. Il me reste aussi à faire un bref commentaire concernant un article qui a paru hier, dans les journaux, à l'effet que la rivière Jacques-Cartier serait réservée à un club d'écologistes. Je pense que c'est tout à fait contraire à la philosophie qu'on a toujours soutenue, qui était de rendre la rivière Jacques-Cartier accessible à tout le public québécois. Cela pourrait devenir un des périples touristiques les plus remarquables et les plus recherchés de la province. On a toujours dit: Vous devez nous aider à conserver la Jacques-Cartier, sur un des dépliants qu'on a fait circuler à plusieurs milliers d'exemplaires; signez et retournez. Peut-être qu'avec votre aide d'autres Québécois, dans 50 ans ou plus, ressentiront, dans cette vallée, les mêmes émotions, le même émerveillement que vous et moi.

La rivière Jacques-Cartier, à notre avis, est une rivière unique, superbe dans laquelle on peut se grandir, s'enrichir. C'est seulement ça, notre but. On veut que ce soit accessible à tous les Québécois. Les gens les plus ordinaires pourraient aller vivre une expérience unique, en un milieu naturel absolument unique.

Je pense que le projet de l'Hydro-Québec ne permet pas, justement, de vivre cette expérience unique. Là où le commentaire, qui a paru dans les journaux d'hier, nous met sur une mauvaise piste, c'est qu'il y a une confusion entre la notion de parc naturel — la Jacques-Cartier, c'est un parc naturel; ce qui est beau dans cela, c'est l'intérêt du site — et le parc urbain dans

lequel on va procurer de la récréation, où on va voir des gens qui font du jogging avec des sandales, où on va voir des aménagements pour la baignade, des aménagements pour la récréation intensive. Il y a deux mondes, c'est deux mondes complètement distincts.

Un parc naturel comme la Jacques-Cartier, cela ne peut pas se prêter à des activités intensives du type qu'on propose ou qu'on voudrait voir se réaliser là, que la personne qui a signé l'article dans le journal hier voudrait voir s'y développer. C'est comme si on vous proposait, demain, d'installer un café-terrasse en bas du rocher Percé ou encore en bas des falaises d'oiseaux à l'île Bonaventure, c'est absolument incompatible parce que les falaises d'oiseaux, d'abord, dans les cocktail, ce n'est pas très bon, mais aussi le fait que c'est absolument incompatible qu'on puisse associer la nature à une activité aussi mondaine que celle qu'on envisage là-dedans.

En terminant, M. le Président et messieurs, je voudrais simplement souligner que la voix que je représente ici est une voix qui a été toujours collective, on a toujours travaillé en comité. Je n'ai été qu'un porte-parole, les membres du comité ont travaillé aussi fermement que moi. Je voudrais aussi signaler que cette voix-là que nous faisons entendre, elle ne fait que commencer à se faire entendre au Québec, mais elle va devenir de plus en plus audible, la voix qui veut qu'on se garde un milieu vivable. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre! Je voudrais simplement souligner aux suppor-teurs du docteur Bédard que normalement, dans les commissions aussi bien qu'à l'Assemblée nationale, les manifestations ne sont pas permises. Nous sommes heureux de vous entendre, de vous écouter mais ça se limite à cela. Est-ce qu'il y a des questions à poser à M. Bédard?

M. LOUBIER: M. Bédard, vous avez provoqué l'envie de tous les politiciens à la fin de votre envolée. Je serais porté à être très agressif à votre endroit par jalousie, par vanité. Vous avez surtout insisté sur le fait qu'il fallait conserver la rivière Jacques-Cartier avec son environnement dans l'état actuel parce que c'était véritablement un site unique en son genre dans la région — c'est votre argument, je pense — et qu'un aménagement très intensif ou un aménagement polyvalent, tel que proposé par l'Hydro-Québec, enlèverait ce cachet unique que revêt la rivière Jacques-Cartier.

Est-ce que vous avez eu la possibilité d'étudier les maquettes, le projet, mémoire soumis par l'Hydro-Québec, dans lequel mémoire, entre autres, il est établi que, sur le plan faunique, sur le plan de la configuration du sol, sur le plan récréatif, sur le plan touristique, etc., on fait l'énumération des difficultés; par ailleurs, on en démontre les avantages. Est-ce que vous avez été à même d'analyser cela?

M. BEDARD: Oui, j'ai eu, brièvement, entre mes mains le mémoire que l'Hydro-Québec a soumis sur l'environnement. Tout ce mémoire-là est basé sur l'utilisation d'une méthode qui est assez restreinte au point de vue potentiel, c'est une analyse du potentiel ou de l'impact en se servant d'une matrice, qui est une espèce de quadrillé, dans lequel on énumère tous les phénomènes ou toutes les variables qui sont dans le milieu et qui pourraient être affectées par l'aménagement. Il y aurait la qualité de l'eau, les plantes, les espèces rares, les sites archéologiques, le milieu humain et tout. On attribue à cela une valeur selon le type d'aménagement qu'on fait.

Est-ce que l'aménagement va diminuer ou augmenter la valeur du site qu'on a en main? Là où la méthode, à mon sens, est odieusement galvaudée, c'est qu'on propose, dans l'analyse, deux façons d'évaluer l'affaire. D'un côté, on dit: On vous fait un barrage tout court, juste un barrage, même pas de béton poli dessus, rien, juste le barrage, et on évalue l'effet sur l'impact. A côté, on dit: On fait le barrage plus de la récréation, plus des balustrades, des statues ou je ne sais quoi, des éléments qui vont peut-être changer ou améliorer, dit-on, le paysage. On dit: L'évaluation, dans le deuxième cas, est bien meilleure, on vous montre là que le site va être amélioré. C'est radicalement faux au départ, c'est comme si on essayait de nous faire la preuve qu'une maison finie en papier noir et sans aménagement paysagiste en avant est moins belle qu'une maison qui est finie avec du déclin d'aluminium de couleur et avec un bel aménagement paysagiste.

C'est à peu près ça qu'on nous dit. Alors, la matrice d'impact sur laquelle on base toute l'analyse faite dans le document que l'Hydro-Québec vous a fait circuler, à mon sens, est presque une provocation, parce que c'est une façon très légère d'estimer ou d'évaluer un impact.

Pour ce qui est du site en lui-même, moi, je pense que le site de la Jacques-Cartier, ce caractère unique, c'est ce qui en fait sa valeur, c'est d'abord l'harmonie de la vallée, c'est aussi le fait que ces paysages deviennent de plus en plus marchands, de plus en plus commerciaux. Je m'excuse d'introduire un peu de commerce dans ça, mais dans le fond, si jamais vous voulez attirer des touristes sur la rivière Jacques-Cartier, ce n'est pas en montrant des turbines ou des barrages que vous allez faire venir des gens de Toronto ou de Boston pour les intéresser à des aménagements comme ça. Si, effectivement, il vient des gens de Toronto qui sont intéressés par des turbines, on pourra quand même leur en montrer. On en a un peu partout, on en a à Manic, on en aurait aussi sur un autre site. On a toujours dit qu'on voulait qu'il y ait des centrales à réserve pompée. On est pour ça, mais pourvu qu'elles soient à leur place en dehors des parcs. Et même moi je vais m'y intéresser, même les gens du comité vont s'intéresser à la construction puis à l'aménage-

ment polyvalent d'une autre centrale à réserve pompée, sur un autre site.

Je pense qu'en le faisant sur la rivière Jacques-Cartier vous diminueriez la valeur unique de ce site qui pourrait attirer des gens, juste parce que c'est un paysage naturel, spectaculaire. Le jour où vous allez mettre là-dedans des téléphériques ou bien des bateaux-mouches, vous détruirez tout votre site, puis vous importerez dans un site naturel grandiose des activités absolument mondaines qui n'ont aucun rapport avec ce site.

M.LESSARD: M. le Président, de toute façon, à défaut de la Jacques-Cartier on peut toujours avoir la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré pour attirer le tourisme.

J'aurais deux questions, M. le Président. Il y a quelque temps, on disait que l'université Laval devait produire une étude sur l'écologie de la vallée de la Jacques-Cartier. Par contre, l'Hydro-Québec a déjà préparé un rapport préliminaire et il semble que les conclusions de ce rapport dont on fait mention dans ce feuillet seraient que le projet aurait des conséquences positives, c'est-à-dire augmentation de la communauté planctonique, accroissement de la productivité biologique, meilleure accessibilité du site, etc. Comme vous êtes vous-même écologiste, d'abord est-ce que ce rapport à l'université Laval a été préparé? Selon vous, ou selon ce rapport, quelles sont les conclusions, par rapport à celles de l'Hydro-Québec?

M. BEDARD: Effectivement, le rapport a été préparé. Il y a eu des ennuis de dernière minute et malheureusement il n'est pas disponible. Mais il y a eu effectivement quatre biologistes et deux ingénieurs qui ont travaillé à ce rapport. On a travaillé plusieurs mois. Je ne veux pas présumer des conclusions, le rapport sera rendu public dans quelques jours, quelques semaines. On a affirmé dans la publicité de l'Hydro-Québec qu'il y aura une augmentation de productivité biologique, une augmentation de la communauté planctonique ou de tous les facteurs de biomasse ou de productivité qu'on peut énumérer. Je pense que c'est un peu gratuit d'aller dire ça, sans s'appuyer sur des chiffres et sans s'appuyer sur une étude qui soit plus approfondie que celle que vous avez entre les mains.

A mon humble avis, l'étude que nous avons faite indique plutôt que la production biologique dans un réservoir du type proposé serait en fait inférieure à celle qu'on pourrait anticiper, et certainement pas de l'ordre de grandeur de celle que l'Hydro-Québec avance, c'est-à-dire de 25 à 50 fois plus élevée que dans la rivière à son état actuel. Je pense que cela a été vraiment grossir les chiffres de façon inutile.

Pour donner un commentaire assez bref là-dessus, dans un réservoir, ordinairement, on a un enrichissement. Quand vous créez un barrage, au moment où il commence à se remplir, vous additionnez dans la nappe d'eau tout ce qu'il y a de matières organiques et de sels minéraux utilisables fixés dans le sol, dans la végétation, dans la biomasse d'insectes ou d'animaux qui sont noyés. Cette matière organique constitue en fait une fertilisation que vous faites de votre milieu. Alors, après l'installation d'un barrage, vous allez avoir un milieu qui va s'enrichir et qui va augmenter au point de vue de la production. Cela peut durer cinq ans, dix ans, 20 ans, ça dépend en fait du type de barrage ou du type de réservoir que vous créez. Mais, dans un réservoir aussi étroit que celui de la Jacques-Cartier, les conditions vont être très différentes, parce que le débit est très fort, parce que le lessivage de ces sels minéraux ne sera pas du tout le même que celui qu'on aurait dans un lac ou dans un grand bassin comme Manic ou comme le réservoir Gouin.

Alors, c'est un peu présumer, de ce qui viendra, mais je ne veux pas aller plus loin; les conclusions vont paraître dans quelques semaines.

M.LESSARD: Le Dr Lemieux affirmait, tout à l'heure, que le plus gros du mal serait fait dès l'implantation de la première centrale. Même, lors de la dernière séance de la commission parlementaire, l'Hydro-Québec insistait énormément sur le fait que c'était 1,000 mégawatts. A un moment donné, autour de la table, on a dit: Bien, il sera toujours temps de revenir en arrière et de ne pas accorder à l'Hydro-Québec un deuxième 1,000 mégawatts, si elle décide d'aménager une centrale dans un autre site. Est-ce que vous croyez — je pense bien que c'est le cas, mais je voudrais que vous développiez un peu — que l'implantation d'une première centrale détruirait irrémédiablement ce site-là?

M. BEDARD: Oui, parce quela rivière n'existe plus. Maintenant, il faut être honnête; les variations de niveau qu'il y aurait dans le réservoir inférieur, avec une seule installation de 1,000 mégawatts, ne sont pas si spectaculaires que ça. Honnêtement, je ne pense pas que ce serait un facteur extrêmement important. Mais, attention, il y a d'autres phénomènes écologiques qui sont beaucoup plus importants que les variations de niveau qui seraient créées.Mais, le jour où on mettrait en oeuvre un deuxième chantier, un deuxième bloc de 1,000 mégawatts, eh bien, là, les variations de niveau seraient de cinq pieds et demi ou presque six pieds. Le jour où on mettrait un troisième bloc — cela n'est pas si loin; c'est en 1986, d'après les estimations de l'Hydro-Québec — on aurait des variations de niveau de sept à huit pieds. Là, on commence à entrer dans des phénomènes vraiment indésirables au point de vue écologique.

Voici le point de vue du comité là-dessus. Encore une fois, on n'est pas des experts en aménagement hydro-électrique, mais on pense

que, le site étant tellement bon, ce serait un petit peu scandaleux de n'en prendre qu'une fraction. Si jamais le gouvernement devait céder — je suis certain que le gouvernement ne le fera pas, parce que ce serait aller contre l'intérêt ou le devoir, qu'il a de penser à long terme — je pense qu'on devrait donner à l'Hydro-Québec, automatiquement, le devoir et le mandat d'utiliser tout le potentiel utilisable de ce site, au lieu de prétendre en utiliser seulement 1,000 et ne faire qu'un petit projet. En effet, si le projet est déjà parti, s'il est déjà fait, il doit se continuer. Parce que le mandat de l'Hydro-Québec, c'est de produire du courant de façon rentable. Pour que ce soit rentable, il faudrait qu'elle exploite tout le site.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, j'ai lu le mémoire du Comité pour la conservation et, évidemment, sur certains énoncés je me suis permis de faire des vérifications pour voir le bien-fondé de ce qui a été avancé.

Dans la page 3 du mémoire, vous mentionnez, entre autres, au deuxième paragraphe, l'avant-dernière phrase: "De plus, la plupart des maires de la région, M. Gilles Lamontagne en tête, ont manifesté leur vive inquiétude devant la menace qui pèse sur le parc des Laurentides". Vous ajoutez; "Ils ont également demandé que la Jacques-Cartier ne soit pas l'objet d'un aménagement récréatif quelconque, artificiel et limité".

Alors, j'ai vérifié auprès de M. Lamontagne et il m'affirme que ce n'est pas exact, ce qui est énoncé dans votre mémoire. Ce sera peut-être un autre débat que vous pourrez entamer plus tard. Mais, évidemment, il s'agit, pour les maires qui ont signé une pétition, de demander tout simplement au gouvernement du Québec de bien vouloir forcer l'Hydro-Québec à faire connaître ses points de vue là-dessus, en assurant, le plus possible, la population qu'un aménagement comme celui-là pourrait être possible et pourrait être également rentable pour la population en général.

Evidemment, vous n'êtes pas sans savoir, non plus, que la Communauté urbaine de Québec ne s'est pas prononcée, comme telle, dans cette guerre, si l'on peut dire, qui a été engagée. De toute façon, je voulais vous préciser que ce n'était pas exact d'avancer que la Jacques-Cartier avait été visée par les membres de la communauté urbaine ou les maires des municipalités, afin qu'elle ne soit pas l'objet d'un aménagement; c'est entièrement faux. D'ailleurs, je pourrais peut-être, si le président me le permet, donner une liste, assez impressionnante des maires de la région, composant la Communauté urbaine de Québec, qui ont, de bonne foi, signé un document pour permettre à tout le monde de se faire entendre, ce qui est le cas aujourd'hui. De là, je pense, à affirmer cette chose-là, M. le maire Lamontagne le nie catégoriquement.

Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

M.BEDARD: M. le Président, est-ce que vous permettez que M. Labrecque, qui est notre expert, réponde?

M. LABRECQUE: Oui, avec plaisir. Cela va corriger des situations. C'est moi-même qui ai soumis la question aux maires de la région de Québec. Tous ceux qui ont signé ont été contactés par moi d'abord; je me suis rendu à leur résidence ou à leur lieu de travail. Je dois dire ici qu'actuellement, à la suite de ce que vient de dire M. Harvey, je dois mettre en doute la parole ou de M. Harvey ou celle de M. Lamontagne.

En vertu des précédents déjà créés, ce n'est pas la parole de M. Lamontagne que je mets en doute.

J'ai rencontré tous ces maires, je leur ai soumis un texte qu'ils ont lu et qu'ils ont signé. Le texte en question demande instamment au gouvernement de faire entendre tous les organismes qui s'opposent à la construction d'un barrage sur la rivière Jacques-Cartier. Le texte disait également — il n'était pas tellement long, il était facile de le lire — que les maires s'opposaient à ce qu'un aménagement sur la Jacques-Cartier se fasse au détriment de la valeur intrinsèque de la rivière et qu'on permette là un aménagement qui galvauderait... etc., etc.

Le texte, je pourrai vous le lire en entier tout à l'heure, mais ce que vous me dites, M. Harvey, M. le député de Chauveau, ce n'est pas vrai. Si M. Lamontagne a dit ça, il a fait une erreur. Je ne crois pas que ce soit le cas. Il est plus habile, il a assez d'expérience politique, lui, pour éviter ces situations.

Je pourrais même ajouter que M. Lamontagne a fait une photocopie du texte que je lui avais soumis la veille. Il eut donc tout le loisir de le lire, de le relire. Il l'a accepté et je pourrais même dire qu'il l'a corrigé. La parole de M. Lamontagne, pour moi, importe plus que n'importe quelle autre qui la contredit.

M. HARVEY (Chauveau): Je déposerai le document cet après-midi, puisque j'en ai pris connaissance moi aussi ce matin. A aucun endroit, sur le document où les maires de la communauté urbaine ont signé, il n'est question de cette phrase qui est émise dans votre mémoire.

De toute façon...

M. LABRECQUE: Un instant. Pour clarifier la situation, je pense que deux documents ont été soumis au maire de Québec.

M. HARVEY (Chauveau): Ah bon, voilà! Vous parlez de deux documents. Donc, ne mettez pas en doute ce que j'avance au sujet de la signature conjointe des membres...

M. LABRECQUE: A ce moment-là, c'est votre information que je mets en doute, sinon votre parole. C'est aussi grave, dans votre cas.

M. le député, j'ai proposé...

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, sur un point de règlement, je trouve que ce n'est pas le moment de faire le procès du maire Lamontagne ou de quelque maire que ce soit. Je ne pense pas que ça puisse faire avancer les discussions ou nous donner un bon éclairage que de faire des personnalités ce matin...

M. HARVEY (Chauveau): D'ailleurs, si je comprends bien, le comité...

M. LOUBIER: ... en voulant confondre quelqu'un qui comparaît ici ou essayer de... Je ne pense pas que ça puisse faire avancer les dicussions, la forme actuelle que ça a pris.

Je vous soumettrais, pour que l'on puisse procéder de façon le moindrement progressive, qu'on évite de mettre en cause des personnes qui ne sont même pas ici ce matin.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur une question de privilège, je pense que la commission parlementaire a été instituée dans le but de faire entendre ceux qui ont à présenter des mémoires. A cet effet, je ne pense pas non plus qu'on avancerait aussi à quelque chose. C'est pourquoi je n'ai pas, de mon côté, lancé de flèches; je les ai acceptées. D'autre part, ce n'est pas mon intention non plus. Je veux tout simplement relever des choses qui nous paraissent non fondées à l'intérieur du mémoire qui est présenté. C'est mon but, uniquement.

Je sais que le président du Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier et son porte-parole ont besoin d'être attelés en double, comme on dit, pour répondre à ces affirmations gratuites, mais par ailleurs, je ne veux pas, M. le Président, cacher le fait que le maire de Stoneham, dans l'endroit même, Tewkesbury, M. McCune...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que je pourrais suggérer au député de Chauveau...

M. HARVEY (Chauveau): Mais je pourrais quand même donner une liste...

M. LESSARD: Est-ce que vous représentez des maires?

M. HARVEY (Chauveau): ... assez impressionnante des maires de...

M. LESSARD: II avait le droit de se faire entendre à la commission parlementaire, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, à l'ordre!

M. LOUBIER: M. le Président, on n'est pas intéressé à entendre le plaidoyer politique du député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): Non, absolument pas. Absolument pas, M. le Président. Mais je n'accepterai pas...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que le député de Chauveau accepterait de déposer les documents à la commission, pour les distribuer aux gens qui sont ici, qui sont des porte-parole de groupements valables?

M. HARVEY (Chauveau): D'accord. Vous savez, M. le Président, en...

M. LESSARD: Les maires pouvaient se présenter à la commission. Il n'appartient pas au député de Chauveau de représenter les maires à la commission.

M. HARVEY (Chauveau): Mais le député de Chauveau, pour votre information, représente la population et tous les maires visés dans la région proprement dite...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderai au député de Chauveau...

M. HARVEY (Chauveau): ... sont d'accord sur l'aménagement en raison du contexte récréatif qui est impliqué.

M. LOUBIER: Est-ce que le député de Chauveau a une troisième opinion à donner sur le projet?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderais au député de Chauveau de déposer ces documents à la commission. On pourra en faire des copies et les distribuer aux membres. La discussion pourrait continuer à l'extérieur de la commission.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, je continue, concernant le mémoire...

M. LESSARD: Est-ce que le député de Chauveau sentirait le changement du gouvernement?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans le moment, on parle de la Jacques-Cartier.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si le maire Lamontagne ou les autres maires ont des opinions à émettre sur le développement ou le non-développement de la Jacques-Cartier...

M. HARVEY (Chauveau): D'accord. S'ils ne sont pas ici, d'ailleurs, c'est qu'ils ne sentaient pas le besoin de...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... ils n'ont qu'à présenter leurs mémoires et on se fera un plaisir et un devoir de les entendre.

M. HARVEY (Chauveau): Je suis bien d'accord, M. le Président.

M. LESSARD: La vapeur change!

M. HARVEY (Chauveau): Toujours au sujet du mémoire, M. le Président, à la page 5, on mentionne, au premier paragraphe, la beauté de la rivière, ce sur quoi je suis d'accord à 100 p.c.

Vous mentionnez que cette agglomération urbaine que représente la région de Québec ne peut absolument ou à peu près pas utiliser cette vallée. Est-ce que vous êtes d'accord que le projet lui-même a pour objet d'ouvrir à toute cette région métropolitaine le territoire de la Jacques-Cartier?

M. BEDARD: L'ouvrir peut-être mais pour lui faire jouer un rôle qui n'est pas le sien. Moi, je pense que le territoire devrait être ouvert. C'est toujours ce qu'on a proclamé, ce qu'on a défendu, vous le savez, je pense, M. Harvey. Dans nos premières réunions, ce qu'on voulait, c'est que le gouvernement assume sa responsabilité et développe le secteur de la Jacques-Cartier.

Le gouvernement nous répond là-dessus: II n'y a pas de priorité dans la région de Québec encore. La demande du point de vue de la récréation n'est pas encore assez forte pour que ça justifie les investissements qu'on devrait consentir.

Le Dr Lemieux tantôt, qui parle d'expérience, a mentionné le chiffre de $1 million à $2 millions. Il faut quand même faire une route carrossable, des aménagements élémentaires pour la rendre visible aux gens.

Les priorités, où sont-elles dans le moment pour le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche? Je crois comprendre qu'elles sont dans la région de Montréal, où on n'a pas justement d'environnement qui soit aussi peu gaspillé et aussi beau que la région de Québec. Et on est obligé de consentir des millions là-bas pour rattraper le retard alors qu'à Québec on pourrait éviter cette erreur et déjà, dès maintenant, se réserver des espaces naturels significatifs, de façon à ce qu'on puisse, dans 10 ans, 20 ans, ne pas avoir à rattraper le retard que rattrape Montréal aujourd'hui.

M. HARVEY (Chauveau): Si je comprends bien, toujours dans le même ordre d'idées, vous croyez aujourd'hui — et vous aviez avancé pourtant dans votre mémoire pour la conservation de la Jacques-Cartier: "II est faux de croire qu'il est possible de combiner des aménagements récréatifs à des aménagements hydroélectriques. La construction d'une centrale à réserve pompée signifierait la dégradation irrémédiable de la Jacques-Cartier."

Vous mentionnez aussi qu'il n'est pas possible de faire de l'aménagement récréatif à même l'installation d'une usine. Je pense que vous changez aussi de...

M. BEDARD: M. le Président, si vous permettez, c'est un peu un point de sémantique. Disons que j'aurais voulu dire là-dedans qu'il est impossible de rendre compatibles des aménagements récréatifs de qualité avec des aménagements hydroélectriques.

Mais, de toute façon, je pense que c'est assez manifeste, les aménagements récréatifs qui ont été proposés par l'Hydro-Québec, dont on voudrait assortir le projet Champigny, sont, à mon avis, absolument insignifiants. C'est ma pensée profonde. Je pense qu'ils sont insignifiants parce qu'ils ne mettent pas en valeur l'intérêt du site.

Je ne qualifierais même pas cette phrase-là. Il va de soi que, si on faisait un aménagement hydroélectrique sur la rivière Yamaska et qu'on assortisse cet aménagement hydro-électrique de facilités récréatives, ce serait tout à fait louable et désirable. Mais dans un centre comme la Jacques-Cartier, qui a une vocation naturelle, tout aménagement humain n'est pas désirable et est imcompatible.

M. HARVEY (Chauveau): Ce que vous avancez, ce n'est pas tout à fait ce que vous pensez. Avec explications, vous précisez qu'il s'agirait, dans d'autres sites, d'autres aménagements joints à ça, et non pas sur la Jacques-Cartier. Mais un aménagement sur la Jacques-Cartier joint à l'Hydro-Québec, vous maintenez toujours que ce n'est pas possible?

M. BEDARD: Oui, je le maintiens.

M. MASSE (Arthabaska): Si le député de Chauveau me le permet, quand vous parlez d'aménagement récréatif de qualité, est-ce que vous pourriez expliquer ce mot qualité?

M. BEDARD: Quand vous pensez à un parc dont l'intérêt propre est le panorama, l'intérêt topographique, la vallée de Yosemite, par exemple, en Californie qui est une vallée un peu comme celle-ci mais beaucoup plus profonde, beaucoup plus accidentée et plus belle, il faut le dire aussi, plus grandiose; quand vous pensez au Rocher Percé, quand vous pensez à tous les éléments du paysage qui, par eux-mêmes, ont assez d'intérêt pour qu'on aille les voir de centaines ou de milliers de milles à la ronde, vous n'avez pas besoin de greffer là-dessus des escaliers d'aluminium pour les rendre plus intéressants, ils sont déjà intrinsèquement intéressants et valables. C'est dans ce sens que j'expliquerais le mot qualité.

M. HARVEY (Chauveau): Vous dites également, en page 6, que n'importe quelle ville nord-américaine donnerait des millions pour pouvoir reconstituer à une demi-heure de ses portes un endroit aussi grandiose que la Jacques-Cartier, je suis d'accord. Maintenant, pourquoi les Américains ne le peuvent-ils pas? C'est que, justement, ils utilisent les turbines à gaz

qui sont quand même polluantes, et à cet effet est-ce que...

M. BEDARD: M. le Président, M. Harvey, je pense qu'on est tout à fait d'accord que l'utilisation d'énergie hydroélectrique prime avant l'utilisation d'autres formes d'énergie, comme celle qui exige du pétrole. On veut qu'il y ait des centrales à réserves pompées et on s'interroge même, dans le mémoire, à savoir pourquoi il n'y en a pas eu avant. On pense qu'il aurait dû y en avoir il y a cinq ans, il y a huit ans, il y a dix ans, des centrales à réserves pompées, pour équilibrer le réseau. Et s'il n'y en a pas eu, je ne veux pas jeter le blâme à qui que ce soit, c'est peut-être une erreur de planification. On a toujours eu tellement d'énergie de base qu'on a toujours pu accomo-der, dans notre énergie de base disponible, la pointe qui se présente au milieu de l'année; c'est donc signe qu'il y avait un petit peu, quelque part, une planification qui avait été faite pas mal généreusement. On veut qu'il y ait de l'énergie hydroélectrique qui soit développée mais sur un autre site.

Si je prenais, par exemple, le cas de la rivière Sainte-Anne-du-Nord, qui est aussi encaissée que la rivière Jacques-Cartier mais sur une plus faible longueur, qui offre les mêmes dénivellations, qui offre aussi en altitude des lacs qui peuvent être aménagés pour servir de réservoirs, et si l'Hydro-Québec acceptait de déplacer son projet sur cette rivière ou sur une autre rivière à l'extérieur du parc des Laurentides, on pourrait faire là des aménagements récréatifs qui rendraient accessible ce site qui, aujourd'hui, n'est pas accessible, le rendraient utilisable pour la récréation par des gens. Et, parallèlement à cela, on aurait aussi la Jacques-Cartier qui serait accessible mais dans une autre vocation, celle de montrer sa beauté naturelle et ça, c'est la fonction des parcs.

M. HARVEY (Chauveau): Vous parlez d'aménagements hydroélectriques comparativement à des turbines à gaz, et vous dites que c'est beaucoup plus économique et largement plus économique que les turbines à gaz. Sur quelle étude vous basez-vous, sur quelle recherche vous basez-vous pour dire cela?

M. BEDARD: Sur les chiffres proposés par les gens de l'Hydro-Québec à la dernière commission parlementaire.

M. HARVEY (Chauveau): Oui, avec quelle proportion, par exemple?

M. BEDARD: Le coût a été mentionné: $170 millions pour le projet Champigny et $85 millions, dans les documents écrits, pour le projet d'une puissance équivalente en turbines à gaz. Maintenant, on a dit que ces estimations étaient des sous-estimations et qu'en fait il faudrait peut-être calculer $110 millions à $120 millions, je pense, de mémoire, pour des turbines à gaz qui produiraient un million de kilowatts. C'est quand même assez inférieur, par une marge de $50 millions.

M. MASSE (Arthabaska): Vous parlez d'investissements de base là?

M. BEDARD: D'investissements de base.

M. MASSE (Arthabaska): Vous ne parlez pas d'entretien ni d'exploitation?

M. BEDARD: Non, je ne parle pas d'entretien ni d'exploitation mais je pense que j'ai fait un commentaire là-dessus. Il y a évidemment une question de calendrier dans ça, l'Hydro-Québec est un petit peu serrée au point de vue temps et elle doit développer une centrale à réserves pompées et doit commencer maintenant de façon à arriver à temps pour 1979. C'est très clair, tout ça, je le reconnais, on le concède. Mais je pense que cela repose sur une erreur qui a été faite à Saint-Joachim au moment où on a investi deux ans de travail, deux ans d'énergie et $2 millions à essayer d'utiliser un site qui s'est avéré inutilisable. Il ne s'agit pas de jeter la pierre à qui que ce soit et d'accuser les ingénieurs de l'Hydro-Québec.

On fait nous-mêmes des erreurs; on en a fait une tout récemment qu'eux connaissent. Ce qui compte, c'est de dire qu'on ne doit pas faire payer cette erreur par d'autres. On ne doit pas la faire payer en sacrifiant un parc ou en sacrifiant le premier territoire venu.

Je pense que ce qu'on a recommandé, c'est que l'Hydro-Québec résolve son problème de calendrier, en utilisant des turbines à gaz pour les besoins des années 1979 à 1981 et, simultanément, qu'elle entreprenne dès maintenant la construction d'une autre centrale à réserve pompée sur une autre rivière, de façon qu'en 1981, 1982 on ait de l'énergie de pointe hydraulique. Des turbines à gaz, on en aura quelques-unes. Je ne suis pas un planificateur, mais il me semble que c'est assez simple, quand même, de résoudre le problème de calendrier, d'autant plus que M. De Guise, je pense, à la dernière commission parlementaire a dit: Si on y va tête baissée et si on y met tout l'effort voulu, on pourrait arriver à temps pour produire de l'énergie de pointe hydraulique pour 1979.

M. HARVEY (Chauveau): Dans le même ordre d'idées, à Tracy, par exemple, il y a des turbines à gaz qui sont installées...

M. MASSE (Arthabaska): C'est du thermique.

M. HARVEY (Chauveau): Pardon? C'est du thermique, oui. A ce moment-là, même pour le thermique, qui est soit-disant moins polluant que la turbine à gaz, il y a quand même des

contestations assez éloquentes qui prouvent que le thermique est aussi dangereux, aussi polluant.

M. BEDARD: Cela prouve, en fait, que le thermique à Tracy et puis la centrale à réserve pompée sur la rivière Jacques-Cartier sont aussi controversés.

M. HARVEY (Chauveau): Maintenant, vous dites dans votre étude aussi, un peu plus loin, qu'on a investi plus de $2 millions pour étudier le premier projet de l'Hydro-Québec et qu'encore là, via la Jacques-Cartier, il y a une dépense de plus de $1.5 million qui a été faite. Ce qui m'a frappé — je ne peux pas faire autrement que de vous le rappeler — c'est que vous dites, en bas de la page 15, de votre document: "En outre, à qui donc profitera cette augmentation d'investissement? Cette différence ne représente-t-elle pas des frais accrus d'expertise, de main-d'oeuvre et de matériaux? Puisqu'il s'agit d'une entreprise québécoise, utilisant des ressources québécoises, du savoir et du travail québécois pour fournir un service public à des Québécois, il est difficile de conclure que l'utilisation d'un site un peu plus coûteux à aménager doive être considérée comme un gaspillage."

Tout à l'heure, vous vous êtes qualifié de chercheur professionnel. Alors, qu'est-ce que vous faites des études maintenant, une fois que vous dites: Qu'on achète telle chose, même si c'est plus cher, même si les coûts sont plus élevés, même si ça nous met en banqueroute, du moment que c'est pour les Québécois, il n'y a pas de problème, c'est pour les Québécois? Moi, je trouve que, pour un chercheur professionnel, c'est toute une conclusion au domaine de la recherche !

M. HOUDE (Fabre): M. le Président, si on me permettait de poser mes questions, peut-être que ça répondrait en même temps aux questions du député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): Vous l'aidez, à ce moment-là.

M. HOUDE (Fabre): Juste à ce sujet-là, je voudrais, moi, qu'on ramène le sujet à une question de principe. Je suis prêt à faire confiance aux spécialistes qui sont dans cette salle, soit les spécialistes de l'Hydro-Québec, et à tenir pour acquis au départ, comme la plupart des mémoires, soit dit en passant, l'ont souligné, que c'est nécessaire d'avoir de l'électricité, que c'est important d'en avoir probablement pour 1979. Je leur fais confiance quant à la sorte de barrage, que ce soit une usine à gaz ou une usine pompée. Je suis prêt à leur faire confiance.

D'autre part, j'aimerais bien aussi faire confiance aux biologistes ou aux experts et prendre pour acquis également que le site de la Jacques-Cartier on n'a plus à le défendre. C'est un site exceptionnel, on a vu les photos. Je voudrais bien tenir pour acquis également que c'est quelque chose d'extraordinaire, que c'est quelque chose d'une grande beauté et ramener le sujet sur une question de principe. Je pense que M. Bédard, qui a le feu sacré, de même que le Dr Corbeil et Guy Lemieux tout à l'heure... On pourrait peut-être, pendant quelques instants, étant donné qu'autour de la table, que je sache, il n'y a pas de biologiste — il y a peut-être un ingénieur mais la plupart d'entre nous, parlementaires, ne sommes peut-être pas des spécialistes, ni en biologie, ni dans le domaine de l'électricité — discuter du principe si oui ou non, dans la province de Québec, on va pénétrer dans nos parcs. Est-ce que oui ou non le plein air est une expression ou est une réalité?

Est-ce que oui ou non on doit prévoir, dans 25 ans ou dans 50 ans, le plein air comme moyen d'éducation, moyen de culture, moyen d'évasion non seulement, comme le disait le Dr Corbeil, pour ceux qui font du canotage mais également pour nos classes de neige, nos classes blanches, nos classes rouges, nos classes vertes pour des milliers d'élèves?

UNE VOIX: Pas rouges.

M. HOUDE (Fabre): Rouges également. Il y en aura peut-être des bleues éventuellement. Est-ce qu'on doit également penser à ces centaines, ces milliers d'étudiants en écologie, en sciences naturelles? Est-ce qu'on doit penser également à tous ceux, par milliers, qui font de la photographie? Est-ce que oui ou non le plein air est un mot? Est-ce que oui ou non le plein air est un vain débat? La question de principe que je voudrais voir aborder en tout cas aujourd'hui, c'est quelque chose d'extrêmement important, quelque chose de vital parce que, depuis sept ans que je siège en cette Chambre, c'est la première fois qu'on a la chance de vider le sujet.

Non seulement le cas de la Jacques-Cartier est-il important mais, pour moi en tout cas, c'est un prétexte à vider la question, à aller au fond. Parallèlement à la région de Québec — ce n'est un secret pour personne, il y a un autre débat que mon ami le Dr Goldbloom connaît, qui se passe à Montréal — il y a le site des jeux olympiques pour les espaces verts. Est-ce qu'on va passer notre temps, notre vie à dire que les espaces verts sont quelque chose de nécessaire? Est-ce qu'on va passer toute notre vie à dire au Québec: C'est important, l'éducation physique, c'est important, le loisir, c'est important de s'évader des villes? Est-ce qu'on va passer notre temps à encourager seulement les psychiatres pour guérir toutes les "moses" de maladies nerveuses qui viennent de la vie urbaine ou si, également, on va aider ces gens de la profession médicale en fournissant des espaces verts? Cela, dans tous les pays du monde, on le dit.

J'ai eu la chance, je le dis sans prétention, d'assister, il y a à peine quelques années, à un

congrès de l'UNESCO à Madrid. Il y avait 34 pays de représentés et à l'unanimité les 34 pays ont dit:

L'avenir de la civilisation, l'avenir du Loisir avec un grand L — et je ne joue pas sur les mots et les définitions — c'est le plein air. Si le plein air est une réalité, à chaque fois que vient le temps de faire une application pratico-pratique, il se trouve toujours une autre catégorie de la population — peut-être pas à tort — qui ne peut pas, un moment donné...

M. HARVEY (Chauveau): L'un n'empêche pas l'autre.

M. HOUDE (Fabre): ... parler tout à fait le même langage que nous.

Je pense que c'est une question de principe, c'est une question fondamentale. Quant à moi, en tout cas, dans 25 ans ou dans 50 ans, j'aimerais mieux voir mon nom "gossé" sur l'écorce d'un bouleau disant: "Merci, grand-père, d'avoir contribué peut-être à sauver un espace vert" que d'avoir mon nom gravé sur une plaque de métal à côté d'un barrage. En tout cas, cela est une question personnelle.

J'en viens à ma question, Dr Bédard. Est-ce que vous pourriez nous aider — en tout cas, moi, je suis convaincu — à philosopher un peu sur cette question, parce que pour moi tout ça tient à un principe extrêmement difficile à défendre. C'est très difficile à défendre et à évaluer en dollars, ce que je peux ressentir à admirer un paysage quand vous arrivez avec des arguments de kilowatts qui se calculent, le nombre de "bulldozers" et le nombre d'emplois que cela va créer. Comment voulez-vous que j'évalue en chiffres et en dollars le plaisir de milliers de citoyens à prendre une photo, de milliers de maniaques de la nature à enregistrer le bruit d'une grenouille ou des oiseaux comparativement au gars qui gagne tant de l'heure à travailler sur une pelle mécanique? Je ne peux pas l'évaluer. Donc, c'est une question de principe. J'aimerais en tout cas qu'on prenne au moins quelques moments de cette journée pour travailler, discuter sérieusement autour de cette table sur cette question de principe. Je sais qu'on a besoin d'électricité. H y a des experts pour ça et ils sont assez bons pour trouver des endroits ailleurs. J'en suis convaincu; d'ailleurs, ils l'ont dit. Je fais confiance également à l'autre secteur pour ne pas continuer à nous dire: La Jacques-Cartier est un site unique, c'est beau, il y a des montagnes, il y a des falaises. On le sait et je pense que c'est acquis. Merci.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, toujours dans le même ordre d'idées, compte tenu évidemment de l'exposé de mon collègue, M. Houde, qui a été chaleureusement applaudi, je suis d'accord là-dessus. Le but que vise, justement, je pense, la commission parlementaire, c'est d'entendre toutes les voix, particulièrement celles qui veulent, en assurant une garan- tie de récréation, une garantie de protection écologique...

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement, je m'excuse, j'essaye de me contenir, mais vous me permettrez d'essayer de m'inspirer des règlements. Je ne pense pas que ce soit le moment aujourd'hui de faire des plaidoyers pour deux députés de la même formation politique...

M. HARVEY (Chauveau): Non, je suis en train...

M. LOUBIER: J'ai bien apprécié les propos du député de Fabre, sauf que si...

M. HARVEY (Chauveau): Je m'adresse à la présidence pour poser une question.

M. LOUBIER: ... vous avez quelque chose à régler avec vos collègues, réglez-les en dehors d'ici et laissons parler ces gens-là.

M. HARVEY (Chauveau): Voici. Je considère, M. le Président, que...

M. LOUBIER: On est ici pour entendre les gens.

M. HARVEY (Chauveau): ... le député de Fabre a décrit, en deux volets, la question qu'on discute aujourd'hui, dont celle...

M. LOUBIER: Oui, vous le lui direz tantôt, au lunch.

M. HARVEY (Chauveau): ... qui est sa discipline. L'autre, en temps et lieu, les gens de l'Hydro-Québec se feront entendre.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je voudrais faire remarquer aux députés qu'on a des questions spécifiques, on a un problème spécifique, ce matin, c'est la Jacques-Cartier. Qu'on soit pour ou contre la récréation en plein air, ce n'est pas à moi de le décider, ce matin. Le problème, ce matin, c'est l'aménagement ou le non-aménagement de la rivière Jacques-Cartier. On a des gens qui ont fait des travaux spécifiques à ce sujet. Je pense qu'on devrait les entendre et écouter leurs arguments plutôt que de faire des grands plaidoyers pour la récréation en plein air ou autres choses.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je voudrais qu'on s'en tienne à ça parce que j'ai été très libéral jusqu'à présent, même plus que j'aurais voulu l'être.

M. LOUBIER: Vous avez même été teint, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans la période des questions et la présentation des mémoires, si on ne s'en tient pas aux questions spécifiques qui sont reliées à la Jacques-Cartier, eh bien je serai plus rigide et je m'en tiendrai strictement aux 20 minutes. Que ce soit qui que cela voudra, quelque membre de la commission, je m'en tiendrai strictement à 20 minutes, comme j'ai dit tantôt, pour l'exposé du mémoire et la période des questions.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans son mémoire...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Là, il est midi et trente minutes. Nous ajournons nos travaux à...

M. LOUBIER: Est-ce qu'il pourrait terminer? Est-ce que vous avez terminé, monsieur?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que vous avez quelques remarques à ajouter, Dr Bédard, avant que l'on termine?

M. HARVEY (Chauveau): J'aurais une question aussi à lui poser, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, disons qu'on prend cinq minutes et pas plus.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, dans les recommandations qui sont émises — on va vous faire grâce maintenant de votre réponse sur la question de votre souci de la recherche — la dernière de celles-là, la cinquième est: "Que soit entrepris immédiatement l'aménagement rationnel du bassin de la rivière Jacques-Cartier, en conformité avec la vocation d'un véritable parc naturel". Evidemment, vous parliez aussi des disponibilités budgétaires tout à l'heure. A cet égard, je pense que c'est justement par souci de cette expansion et de l'ouverture au public que vous avez l'occasion, aujourd'hui, de discuter parallèlement un sujet qui comporte deux volets. Alors, votre dernière recommandation elle-même vient, en quelque sorte, contredire ce que vous avez déjà avancé dans un feuillet publicitaire.

M. BEDARD: Si je peux faire un commentaire sur ça, M. le Président, ce qu'on défend, nous, c'est que, dans le territoire de quelque province ou de quelque Etat que ce soit, il doit y avoir quelque part des parcelles de terrain dans lesquelles on ne fait ou on ne dépense de l'argent que pour trois fins: L'éducation, la récréation et la conservation.

Ces territoires, ce sont les parcs. La minute où vous dépensez $100 pour un parc pour une autre fin que celle-là, vous êtes fini.

Si un jour vous tolérez qu'on dépense $170 millions dans un parc pour faire de l'industrie électrique, à condition qu'on me donne $10 millions ou $5 millions pour faire de la récréa- tion, c'est l'histoire du pot de fer et du pot de terre, c'est toujours la subordination de la récréation ou de l'éducation à la fonction industrielle. Et la seule région du territoire où on ne peut pas accepter ça, c'est dans les parcs. Dans les parcs, quand on dépense $1 il faut que ce soit pour la récréation, l'éducation ou la conservation. Et ça veut dire mettre cela en valeur pour que les gens puissent se servir de cette fin éducative, que les gens puissent marcher en nature, puissent avoir accès aux beaux secteurs du parc. Il y a plusieurs fonctions là-dedans, mais là où on est radical et même un peu fanatique, c'est qu'on ne doit pas dépenser $1 dans un parc pour d'autres fonctions que celles que j'ai nommées. Le jour où on dépense de l'argent pour l'industrie, on est fait, parce que, quand on va avoir besoin de faire des compromis, ce n'est pas l'industrie qui va les faire. La fonction d'une industrie, c'est d'être rentable; si c'est une industrie minière, elle doit répondre de ses activités à ses actionnaires; si c'est une industrie hydroélectrique, elle doit répondre au public qui la détient.

M. HARVEY (Chauveau): Mais à qui appartient l'Hydro?

M. BEDARD: Alors, elle est obligée de faire de l'argent.

M. HARVEY (Chauveau): Selon vous, à qui appartient l'Hydro, si ce n'est aux Québécois?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le député de Chauveau, on est en-dehors de la question totalement.

M. HARVEY (Chauveau): Non, non, on parle de dépossession, M. le Président. Dépossession, entendons-nous!

M. LESSARD: ...sacrifier un site qui est unique.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je pense que les arguments ont été présentés pour la conservation de la Jacques-Cartier ou du parc des Laurentides.

M. LOUBIER: C'est ça. On va entendre les autres.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On va entendre les autres.

M. LOUBIER: Ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, tout le monde.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'ai décidé qu'on suspend nos travaux jusqu'à quatre heures, cet après-midi. On commencera par la Corporation des ingénieurs forestiers.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

Reprise de la séance à 16 heures

M. KENNEDY (président de la commission parlementaire de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs !

MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, nous continuons l'étude du projet de la rivière Jacques-Cartier. Nous allons entendre maintenant la Corporation des ingénieurs forestiers. Maintenant, je voudrais faire une mise au point. Je l'ai répété avant qu'on suspende les travaux à 12 h 30, à cause du grand nombre de mémoires que nous avons à entendre et parce que nous aimerions bien les entendre tous, au moins pour les groupements, je vais limiter la période de présentation et la période des questions à 20 minutes et cette limite sera strictement observée. Je demanderais aussi aux personnes qui se présentent de bien vouloir s'identifier en incluant leur titre et leur fonction actuelle.

Est-ce que la Corporation des ingénieurs forestiers est prête à procéder?

Corporation des ingénieurs forestiers

M. PAILLE (Gilbert): M. le Président, je m'excuse. Le président de notre corporation est retenu en voyage actuellement...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si vous vouliez vous identifier, monsieur, s'il vous plaît?

M. PAILLE: Je suis Gilbert Paillé, vice-président de la corporation. J'ai avec moi ici à ma gauche le secrétaire général de la corporation, M. Hervé Lizotte, j'ai deux représentants du comité des parcs en forêt, MM. Falardeau et Gauvin, et un ingénieur forestier conseil, président du comité d'information du public de la corporation, M. Raymond Dion.

M. le Président, messieurs les membres de la commission, la Corporation des ingénieurs forestiers du Québec tient à vous remercier et vous féliciter pour la décision que vous avez prise lors de l'audience du 3 mai de permettre à tous les organismes et individus intéressés à l'aménagement de la Jacques-Cartier de faire entendre leur point de vue. Cette initiative servira sans doute à dresser un dossier concernant tout un éventail de renseignements pertinents puisque chacun viendra donner sa conception compte tenu de sa formation particulière.

A cette fin, nous avons déposé un mémoire et une maquette le 2 mai dernier. Nous nous bornerons ici à replacer ce mémoire dans son contexte et à mettre en évidence les principaux points de son contenu. Il semble important d'attirer l'attention sur le fait que nous avons un rôle de toute première importance à jouer dans l'aménagement des ressources naturelles du Québec.

Ce rôle nous a été dévolu par la volonté même de la Législature qui, dans la Loi des ingénieurs forestiers, nous confie de veiller à la sauvegarde des intérêts du public en ce qui a trait, entre autres, à l'utilisation des richesses forestières. L'aménagement des territoires forestiers devient donc une de nos principales préoccupations et doit être fait en tenant compte de valeurs qui s'intègrent parfaitement à l'aménagement d'un territoire donné. Cet aménagement doit être aussi réalisé en analysant bien les besoins socio-économiques présents et surtout futurs. Agir autrement nous rendrait indignes de porter le titre d'ingénieurs. Ces constatations d'ordre général nous permettent d'affirmer que la vocation première et naturelle de la vallée de la Jacques-Cartier devrait en être une de récréation. Tout aménagement de cette rivière risquerait d'en altérer la valeur et de perturber, à tout jamais, les conditions qu'on y trouve présentement. Les raisons qui militent en faveur de l'option récréative sont les suivantes: l'augmentation constante des besoins dans le domaine des loisirs, la proximité d'un bassin considérable de population à Québec, la présence d'un site naturel unique qui ne peut être déplacé et les vestiges historiques qui font partie du patrimoine culturel du Québec.

Dans les circonstances, la Corporation des ingénieurs forestiers propose, pour la vallée de la Jacques-Cartier, la création d'un parc naturel de conservation d'environ 100 milles carrés. Afin de mieux faire comprendre nos intentions, nous avons inclus dans le mémoire que vous avez en main une esquisse d'aménagement. De plus, nous avons construit une maquette qui permet de visualiser plus facilement le développement préconisé. Nous recommandons également la création d'une zone de préparcs, dans la région de Tewkesbury, servant de lieu d'accueil, d'hébergement et de service pour les visiteurs. On devrait contrôler étroitement le développement de cette zone afin de lui conserver son caractère sylvo-pastoral.

Pour assurer la mise en valeur du site, nous préconisons l'investissement d'environ $10 millions, répartis en trois étapes, sur une période de sept ans, telle que décrite en annexe à cette présentation. Quant aux retombées économiques de cet investissement, nous croyons qu'elles seraient profitables à la région de Tewkesbury à cause de l'affluence de nombreux visiteurs.

Pour résumer notre position, permettez-moi, M. le Président, de rappeler ici les quatre recommandations de notre mémoire qui se lisent comme suit: la Corporation des ingénieurs forestiers recommande:

Premièrement, qu'une loi spéciale soit votée le plus rapidement possible de façon à assurer la protection permanente du territoire du parc proposé et de le soustraire à toute forme d'exploitation des ressources et de l'espace

susceptible d'en altérer la valeur scénique ou d'en diminuer le potentiel récréatif;

Deuxièmement, que le gouvernement du Québec envisage, pour la mise en valeur récréative du parc proposé, un investissement financier aussi considérable que celui actuellement prévu à cet effet par l'Hydro-Québec;

Troisièmement, que le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire du ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche, prépare un plan directeur de développement pour le parc proposé en respectant les objectifs fondamentaux d'un parc naturel de conservation;

Quatrièmement, que les autorités municipales de Tewkesbury et les autorités gouvernementales concernées prennent immédiatement les mesures pertinentes pour assurer la protection du caractère sylvo-pastoral de la région afin de favoriser un développement touristique harmonieux.

Nous espérons donc que les membres de cette commission verront dans notre proposition la solution la plus apte à conserver l'intégrité et à assurer la mise en valeur de ce monument naturel au cachet exceptionnel. Merci.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a actuellement des exploitations forestières dans le parc. Est-ce que vous êtes au courant de l'étendue de ces activités et est-ce que vous pouvez me dire si les zones touchées présentement risquent éventuellement de menacer la zone qui nous préoccupe avec la rivière Jacques-Cartier?

M. PAILLE: II y avait des exploitations forestières dans la vallée de la Jacques-Cartier. Mon information est qu'elles ont été interrompues il y a deux ans.

Les exploitations à l'extérieur de la zone de la vallée de la Jacques-Cartier existent et continuent. Je ne saurais confirmer ou infirmer si les exploitations pourraient en venir à altérer le site actuel.

M. GOLDBLOOM: Y a-t-il du flottage de bois sur la rivière Jacques-Cartier présentement?

M. PAILLE: Oui, par la compagnie Domtar.

M. GOLDBLOOM: C'était l'impression que j'avais. Quel serait votre point de vue quant à l'utilisation de la rivière comme moyen de transport du bois?

M. PAILLE: Dans l'éventualité d'un développement quelconque ou dans les conditions actuelles?

M. GOLDBLOOM: Les deux, parce que cela m'intéresse.

M. PAILLE: La rivière est utilisée depuis fort longtemps pour le flottage du bois, sans dommage apparent.

Si on y érigeait des constructions qui changent le cours de la rivière, peut-être que cela affecterait le flottage et que le flottage pourrait être remplacé par le camionnage, du moins sur une distance suffisante pour éviter de déranger les installations.

M. GOLDBLOOM: II serait difficile de développer des activités comme le canot-kayak s'il y a des billots qui passent en même temps, n'est-ce pas?

M. PAILLE: Si on retenait une proposition du genre de celle que nous faisons, je pense que cela exclurait le flottage.

M. GOLDBLOOM: C'est ce que je voulais comprendre de votre mémoire. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Bellechasse.

M. LOUBIER: Si vous me le permettez. Vous nous mentionnez dans votre document, à toutes fins pratiques, que dans un premier temps vous vous opposez férocement à ce que l'Hydro-Québec fasse quelque exploitation que ce soit sur le plan hydro-électrique. C'est cela?

M. PAILLE: On a un mandat de l'assemblée générale de la corporation qui nous demande de nous opposer publiquement à l'aménagement de la rivière; ni férocement, ni autrement.

M. LOUBIER: Bon, scientifiquement, je m'excuse.

Dans un deuxième temps, vous semblez proposer — du moins, c'est ce que j'ai cru déceler dans votre maquette — que les frontières actuelles du parc soient un peu reculées, c'est-à-dire que le parc soit agrandi dans le secteur de la rivière Jacques-Cartier. Et vous soumettez un projet d'aménagement qui, sur une période de sept ans, exigerait un investissement ou des immobilisations de l'ordre de dix millions de dollars. C'est cela?

Est-ce que vous avez pris connaissance et étudié le mémoire de l'Hydro-Québec dans lequel il est fait mention, au sujet de la configuration du sol, qu'il n'y aurait pas tellement de changement à la suite des travaux que l'Hydro-Québec effectuerait, que sur le plan récréatif... Je pense à l'aménagement polyvalent des sentiers de l'étude de la nature, etc., avec une voie panoramique. Est-ce que vous avez étudié toutes les propositions que l'Hydro-Québec fait concernant l'aspect récréatif, touristique, etc.? Est-ce que vous êtes en mesure de vous prononcer sur la valeur de ces aménagements ou l'impact que cela pourrait avoir?

M. PAILLE: Ce que nous voulons souligner, M. le Président, c'est surtout l'idée de retenir un

aménagement pour la vallée. Nous voudrions, autant que possible, éviter de commenter les modalités d'application d'une politique d'aménagement.

M. LOUBIER: Bon. Alors, c'est au niveau des principes que vous vous opposez à l'aménagement de la Jacques-Cartier...

M. PAILLE: Exactement.

M. LOUBIER: ... prétextant, non seulement prétextant — pas dans le sens péjoratif — mais invoquant le fait qu'il ne faut faire aucune exploitation commerciale ou industrielle à l'intérieur du parc, et plus spécialement à cet endroit-là.

Dans un deuxième temps, il faut mettre l'accent strictement sur l'aspect récréatif ou éducatif. C'est ça?

M. PAILLE: C'est exact. Il faudrait, non pas seulement mettre l'accent, mais aménager la vallée pour lui rendre sa valeur ou la mettre en valeur, exploiter sa vocation récréative. Alors, l'idée qu'on propose, c'est de retenir, pour la vallée, un aménagement récréatif extensif, à cause du caractère fragile de l'espace en question. Ensuite, on propose l'idée de développer la récréation intensive ou les facilités d'hébergement, les lieux de rassemblement. Le point où la concentration des visiteurs pourrait se faire, on propose de l'aménager en dehors des limites du parc. A présent, vous me parliez de parcs. Il s'agirait, pour appliquer la proposition qu'on fait, de retirer actuellement la portion de la vallée de la Jacques-Cartier qui se trouve dans le parc des Laurentides, de la retirer du parc et ensuite de créer, avec toute la vallée, un parc naturel de conservation, c'est-à-dire un parc différent de celui du parc des Laurentides.

Alors, dans deux temps. Dans le premier, il s'agirait de retirer la portion de la vallée qui se trouve dans le parc actuellement et ensuite de prendre tout l'espace de la vallée comme telle et d'en créer un parc avec une vocation bien déterminée, dans le but d'en faire un parc...

M. LOUBIER: Un parc autonome.

M. PAILLE: ...un parc autonome à vocation de conservation et à vocation d'aménagement extensif. Alors, dans le mémoire qu'on a déposé, on mentionnait qu'il s'agirait, par exemple, d'utilisation journalière, c'est-à-dire que les individus ne pourraient pas y demeurer plus qu'une journée. Alors, c'est la raison pour laquelle on propose un aménagement d'un préparc, une zone d'entrée au parc où les facilités pourraient être concentrées, avec un grand bénéfice pour la région concernée.

M. LOUBIER: Je suis assuré que le ministre va accepter votre suggestion, d'autant plus que ça ne coûterait que $10 millions au cours des prochaines années.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. SIMARD (Richelieu): Pour faire suite à la question du député de Bellechasse, j'aimerais avoir des explications supplémentaires, à savoir quelle sorte ou enfin quel genre d'aménagement vous proposez et aussi pourquoi il faudrait sortir cette section du parc.

M. PAILLE: Les aménagements proposés sont à caractère strictement extensif.

On insiste sur l'accès au site, la facilité d'accès au site par réseau routier, un réseau routier, si vous voulez, approprié au site, planifié en fonction de mettre en valeur les points qui ont de la valeur dans le site ou ceux qui ont le plus de valeur. Ensuite, toute activité récréative autre que la balade et l'observation pourrait constituer une activité à caractère extensif, c'est-à-dire où on n'aurait pas besoin d'aménager des installations qui pourraient perturber d'une certaine façon le caractère naturel du site: points d'observation, sentiers de nature, points de relais, centres d'information et centres d'interprétation de la nature.

En gros, ce qu'on vous propose, c'est plutôt l'idée que les détails de l'aménagement, parce qu'on demande au gouvernement — et c'est là, je pense, qu'on a raison de venir vous faire la suggestion — de faire un aménagement et d'étudier les détails. Ce qu'on voudrait faire retenir à l'Assemblée, c'est tout simplement l'idée générale de la chose. Les détails sont indiqués, l'esquisse qu'on a est représentée sur maquette. C'est tout simplement pour faire voir un peu le genre d'aménagement qu'on pourrait retenir, les modalités et les détails resteraient à déterminer pour le montant où on serait prêt à investir. $10 millions en fait constituent une estimation très grossière de ce que cela pourrait coûter et les étapes suggérées ici dans le papier qu'on vous présente, ce sont des étapes idéales qui, comme vous le savez, dans n'importe quel projet, restent à être mises en place. Alors, il y a toujours un changement possible dans la phase de la réalisation.

Ce qu'on suggère essentiellement, c'est l'idée, ce ne sont pas les détails. On n'a pas eu cela comme mandat et la corporation aurait un peu mauvaise grâce à se substituer comme groupe à ses membres, parce qu'on a des membres qui sont compétents pour étudier les détails de projets d'aménagement. On veut tout simplement ici faire passer l'idée que la vallée doit être retenue pour un aménagement récréa-tif, pour une mise en valeur.

M. LOUBIER: Vous avez le souci de l'esprit de conservation pour vos membres aussi.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le député de Bellechasse posait la question suivante tout à

l'heure à M. Paillé: Est-ce que vous vous opposez à l'aménagement du parc d'abord par principe ou bien si vous avez connaissance aussi de l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec et que cet aménagement vous paraît satisfaisant?

Vous avez répondu que cela était d'abord une question de principe. Cependant, je lis à la page 8 de votre mémoire ceci et j'aimerais bien que vous l'expliquiez un peu: "De plus, dans le cas du projet Champigny, les contraintes imposées par l'aménagement hydro-électrique dominent tellement les aménagements dits récréatifs que ceux-ci sont accessoires. Ainsi, l'utilisation optimale du potentiel récréatif de la vallée n'est pas considérée et l'axe routier proposé par l'Hydro-Québec est sans intérêt pour la mise en valeur récréative du site lui-même.'1

J'aimerais bien — je pense que cela fait suite un peu à la question du député de Bellechasse — que vous nous expliquiez, étant donné que vous avez dit tout à l'heure que c'était d'abord une question de principe, pourquoi, en fait, cet objectif entre dans votre mémoire, puisque vous ne semblez pas du tout d'accord sur l'aménagement tel que proposé par l'Hydro-Québec.

M. PAILLE: Je pense qu'à ce point-ci vous touchez des modalités d'application. Les commentaires qui sont inclus dans le mémoire s'attaquaient à des modalités d'application telles que le propose le projet de l'Hydro-Québec. A mon point de vue, les paragraphes qui concernent cette chose dans le mémoire sont accessoires.

M. LESSARD: Vous n'avez pas pris connaissance de l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec et même si votre mémoire en parle, ce n'est pas un élément fondamental dans la discussion pour la Corporation des ingénieurs forestiers.

M. PAILLE : Non. Ce qui est fondamental est l'aménagement hydro-électrique proposé, peu importe l'aménagement récréatif qu'on y greffe ou les modalités d'aménagement récréatif qu'on y greffe, parce qu'il est fort probable que, comme pour nous, l'aménagement récréatif proposé par l'Hydro-Québec n'est pas réellement un plan d'aménagement récréatif mais plutôt une esquisse d'aménagement qui reste à être réalisée, si je comprends bien.

M. LESSARD: Donc, pour la Corporation des ingénieurs forestiers, l'aménagement hydroélectrique est inconciliable avec la vocation touristique du parc?

M. PAILLE: C'est cela.

M. LESSARD: Deuxième question, et cela fait suite un peu à la question que posait tout à l'heure le ministre d'Etat responsable de l'environnement, est-ce que la Corporation des ingé- nieurs forestiers croit que le flottage du bois sur les rivières est néfaste pour la faune et sur les ressources cynégétiques et halieutiques?

M. PAILLE: Sur les rivières en général?

M. LESSARD: Sur les rivières en général et plus particulièrement dans les parcs provinciaux.

M. PAILLE: Je n'ai pas pris connaissance de rapports qui faisaient état de dommages considérables causés par le flottage à la faune aquatique des rivières.

M. LESSARD: Donc, la Corporation des ingénieurs forestiers n'a pas d'opposition à ce que l'on utilise les rivières du Québec comme moyen de transport du bois et surtout à l'intérieur des parcs du gouvernement provincial? Est-ce que vous croyez qu'à l'intérieur des parcs du gouvernement provincial au moins le flottage du bois devrait disparaître?

M. PAILLE: Si les règlements sont fait à l'effet qu'on peut le faire, je pense que les compagnies s'en servent parce que c'est un des moyens les moins dispendieux de faire le transport du bois. Tant que les règlements le permettent, on le fait.

M. LESSARD: Si je vous pose la question, c'est parce que le ministre responsable de la qualité de l'environnement posait cette question tout à l'heure, mais je pense que c'est une question qui relève de la décision du gouvernement d'abord. A la question du flottage du bois, il est possible au gouvernement de dire: Au moins à l'intérieur des parcs du gouvernement, il n'y aura pas de flottage du bois.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si c'est à moi-même que le député de Saguenay adresse sa question, je voudrais dire simplement qu'il y a une politique à établir dans ce domaine, qu'en principe, tenant compte des effets du bois sur la qualité de l'eau et non seulement le bois qui flotte mais le bois qui sombre et qui demeure dans le lit de la rivière, il me semble que l'évidence indique la nécessité d'éliminer éventuellement le flottage du bois. Mais, je dis éventuellement, parce que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on peut le faire. Il faut quand même avoir une solution de rechange, avoir un réseau de transport qui permette à l'usine de s'approvisionner et, dans bien des cas, il n'y a pas de réseau ferroviaire ni de réseau routier qui permette une solution immédiate de rechange. Donc, c'est une question à résoudre avec les années.

M. HARVEY (Chauveau): Dernière question, M. le Président. Est-ce que M. Paillé pourrait affirmer que la maquette qui est présentée ici aujourd'hui par la corporation, qui

a été d'ailleurs présentée il y a quelques semaines, représente dans son projet une plus grande partie qui est située actuellement hors du parc? Ce que vous proposez comme aménagement n'est pas actuellement partie intégrante du parc? C'est exact?

M. PAILLE: Non, ce n'est pas exact. C'est que le parc proposé inclurait...

M. HARVEY (Chauveau): Engloberait toute la vallée?

M. PAILLE: ... toute la vallée.

M. HARVEY (Chauveau): Oui, d'accord. Mais sur la maquette qui est là, une très grande partie, disons 80 p.c, n'est pas actuellement dans le parc dans ce qui est proposé sur la maquette comme aménagement récréatif.

M. PAILLE: L'aménagement le plus intensif est proposé à l'extérieur du parc dans une zone de préparc.

M. HARVEY (Chauveau): D'accord, c'est ce que je voulais vous faire dire.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, il n'y a pas d'autres questions? Nous remercions les gens de la Corporation des ingénieurs forestiers de leurs remarques.

Nous passerons maintenant à la Fédération québécoise de la faune dont le porte-parole est M. Tony Le Sauteur.

Messieurs, si vous voulez vous identifier et dire votre fonction, vos occupations actuelles.

Fédération québécoise de la faune

M. LE SAUTEUR: Je suis le président de la Fédération québécoise de la faune et je suis aussi responsable de la division du génie sanitai- re au service de la qualité de l'environnement.

Je vais être être très bref, très court, parce que c'est inévitable que les mémoires se chevauchent. Tout ce que j'ai à dire a déjà été dit. Je voudrais tout simplement le redire et peut-être appuyer sur certains points d'une façon un peu différente.

Je voudrais revenir d'abord sur ce que M. Houde a dit ce matin. J'étais d'accord avec lui quand il a parlé de revenir au principe. Il y a un principe pour nous qui prévaut, c'est celui de l'inviolabilité des parcs. Notre prise de position est basée sur ce principe. Je dois rappeler d'abord que le parc des Laurentides a été créé par le gouvernement du Québec en 1895. Cela fait déjà 78 ans. Alors, on l'a créé dans ce temps-là. Dans l'esprit du législateur, on peut présumer que le législateur a voulu, il y a 78 ans, assurer des espaces verts naturels aux générations futures. Mais les générations futures, 78 ans plus tard, c'est nous, parce que nous sommes les premières générations futures et on peut s'étonner qu'après 78 ans, on remette en cause la vocation du parc des Laurentides. On a été prévoyant, il y a 78 ans, en 1895, on a conservé le parc durant toutes ces années-là et au moment précis où justement les besoins de la population sont de plus en plus pressants pour de la détente en plein air, à ce moment précis-là, on abandonne... Oui?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je m'excuse de vous interrompre, on vient de m'informer que les législateurs sont requis de l'autre côté, dans ce qu'on appelle le salon de la race, pour rendre une décision sur un projet de loi, je pense que c'est le bill no 9. Alors, on ne sera pas plus de cinq ou dix minutes.

Je m'excuse, vous étiez bien parti, vous reprendrez, j'espère que vous allez avoir le même élan...

(Suspension de la séance à 16 h 28)

Reprise de la séance à 16 h 44

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous reprenons l'étude des mémoires sur la rivière Jacques-Cartier. M. Le Sauteur a la parole.

M. LE SAUTEUR: Je voudrais ajouter un petit préambule. Cela m'a fait plaisir de constater avec quelle rapidité vous pouviez parfois agir. On va souhaiter que vous gardiez le même enthousiasme et le même empressement quand il s'agira de voter contre le projet d'aménagement de la Jacques-Cartier.

J'en viens à mon petit boniment de tantôt. Je m'excuse, mais je ne m'écoute à peu près jamais quand je parle; j'ai souvent de la difficulté à me répéter. Mais je vais revenir au principe que j'avais avancé tantôt, celui que M. Gilles Houde a énoncé ce matin, de revenir au principe de l'inviolabilité des parcs, et je disais que le parc des Laurentides était un parc qui avait été créé en 1895, donc il y a à peu près 78 ans. Cela avait été créé par le législateur pour assurer des espaces verts naturels aux générations futures. Et quand on dit ça, assurer des espaces verts aux générations futures, on l'oublie presque tout le temps, parce qu'on dit que c'est loin de nous. Mais dans le cas du parc des Laurentides, ce n'est pas loin de nous, parce que c'est nous, parce que ceux qui ont pensé nous assurer des espaces verts, ils l'ont pensé il y a 78 ans et nous sommes aujourd'hui les premières générations à pouvoir bénéficier du parc des Laurentides. On l'a conservé pendant 78 ans, on l'a mis en réserve, de côté, et au moment précis où les besoins sont de plus en plus pressants, que la population pourrait l'utiliser, on prend le parc, on fausse complètement la vocation du parc et on veut l'envoyer à l'Hydro-Québec pour des exploitations commerciales. Cela m'apparaît un très grave recul si jamais ça se faisait de cette façon.

Le problème de la Jacques-Cartier n'est pas tellement le problème de la Jacques-Cartier comme le problème de l'avenir des parcs. Il s'agit de savoir si, au Québec, un parc va être considéré comme un territoire naturel ordinaire ou un territoire naturel spécial. Voici ce que j'entends par un territoire naturel ordinaire, c'est un boisé dans le nord du Québec ou n'importe où...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je veux faire une remarque à ce moment-ci, je l'ai dit avant le lunch, je voudrais qu'on s'en tienne strictement au problème de la Jacques-Cartier, que ce n'est pas le moment de faire le procès de tous les parcs. Il y a un problème particulier dans le parc des Laurentides, qui est l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier. Qu'on s'en tienne à ça.

M. LE SAUTEUR: On en a fait une question de principe, monsieur, soit l'inviolabilité des parcs. En ce qui nous concerne, on ne veut rien savoir de ce que l'Hydro-Québec veut faire dans ça, on ne veut pas voir de maquette, on ne veut rien savoir; tout ce qu'on veut, c'est qu'on laisse le parc tranquille. Ce qui s'applique au parc des Laurentides s'applique aux autres parcs. J'ai parlé presque uniquement du parc des Laurentides. En fait, c'est seulement du parc des Laurentides que j'ai dit qu'il avait été créé en 1895. Je ne me rappelle pas avoir parlé d'autres parcs que du parc des Laurentides.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point du règlement...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous étiez sur une tangente.

M. LE SAUTEUR: Ce n'est pas ma faute si c'est dans le parc des Laurentides qu'on veut aménager la rivière Jacques-Cartier et ce n'est pas ma faute si la Jacques-Cartier est dans le parc des Laurentides.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous étiez sur une tangente.

M.LESSARD: C'est un parc, M. le Président, donc, je pense qu'il faut quand même discuter — étant donné que c'est un parc — de ce point de vue qui est absolument important dans la discussion qu'on a à faire aujourd'hui. D'ailleurs, c'est le député de Fabre qui revenait justement à ce principe fondamental, c'est-à-dire l'inviolabilité des parcs.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Continuez, M. Le Sauteur.

M. LE SAUTEUR: Cela fait deux fois que vous me forcez à reprendre le fil de mes idées. Je disais qu'on avait des territoires naturels ordinaires et des territoires naturels spéciaux. En fait, un territoire naturel ordinaire, pour moi, c'est un territoire qui est vierge, où on retrouve des lacs, du boisé, mais qui a été conservé par accident. Tandis qu'un parc, c'est un territoire qu'on conserve, qu'on protège par volonté.

Alors il y avait une volonté du législateur il y a 78 ans de conserver le parc des Laurentides. On l'a fait par volonté, on a voulu le conserver comme ça. Je pense qu'il y a quelque chose qui ne marche pas car, 78 ans plus tard on se retrouve ici, devant une commission parlementaire, pour essayer de conserver des espaces verts. Des espaces verts, il faut se battre continuellement pour en sauver. Je ne vois pas pourquoi on aurait à se battre, dans la province de Québec, pour conserver moins de 1 p.c. du territoire. Ce sont les seuls espaces véritablement consacrés, à vocation naturelle, ce sont les quatre parcs qu'on a dans la province de Québec: Laurentides, Mont-Orford, Gaspésie et Mont-Tremblant. On n'a que quatre parcs dans la province de Québec. Cela couvre 5,000 milles

carrés et là on est obligé de se battre pour essayer de protéger ces territoires qui sont moins de 1 p.c. du territoire. Ce qu'il faut faire, à notre avis, c'est tout simplement d'interdire l'aménagement de la Jacques-Cartier, raffermir et refaire la Loi des parcs pour interdire, à l'avenir, toute exploitation commerciale dans les quatre parcs qu'on trouve dans la province de Québec. Là, on aurait la paix. On n'aurait pas besoin, tous les 75 ans, ou à tous les 30 ans de venir se battre pour des espaces verts qu'on pensait acquis.

C'est tout ce que j'ai à dire.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions de la part des membres de la commission?

M. TETRAULT: Ce que vient de dire M. Le Sauteur, si je comprends bien, c'est que, quel que soit le potentiel hydro-électrique, quelle que soit la nécessité de l'électricité, cela ne vaut pas le prix de consacrer un parc.

M. LE SAUTEUR: Non. Je pense que dans n'importe quel pays, n'importe quelle province, n'importe quel terrain, nulle part, il ne faut prendre des espaces verts qui vont demeurer comme tels. Si, plus tard, on trouve que dans le sous-sol il y a des mines de cuivre des ci et des ça, bien, il est trop tard, il faut les conserver. Evidemment, il ne faut pas conserver 99 p.c. de la province. Mais, je pense qu'on n'exagère pas au Québec si on dit, nous, les corps intermédiaires: Ecoutez, on a moins de 1 p.c. des espaces du Québec, du territoire du Québec qui est en parcs, et ça, on ne veut pas qu'on y touche, du tout. Ce n'est pas exagéré, moins de 1 p.c, 5,000 milles carrés. Si on n'est pas capable de protéger ça, qu'on arrête de parler d'environnement, qu'on arrête de parler de protection de la nature.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): II n'y a pas d'autres questions? Je vous remercie, M. Le Sauteur, au nom des membres de la commission.

Nous allons maintenant suivre l'ordre qui a été établi ici sur le feuilleton qu'on m'a remis. Pour commencer, j'entendrais M. Claude Bernard.

Je répète encore ce que j'ai dit tantôt. Il faut s'en tenir à nos vingt minutes si on veut avoir le temps d'entendre tout le monde.

M. Claude Bernard

M. BERNARD: M. le Président, Claude Bernard, fonctionnaire au ministère de l'Education, au service général des communications. Je suis ici à titre privé. Je voudrais exprimer mon opinion personnelle sur la Jacques-Cartier et l'Hydro-Québec. Le titre de ma présentation est: La Jacques-Cartier et l'Hydro-Québec, pourquoi pas? Cette argumentation repose sur l'expérience que j'ai pu avoir dans les vingt dernières années que j'ai passées dans la région de Québec et particulièrement dans le comté de Portneuf où j'ai oeuvré dans plusieurs organismes et dans lesquels j'ai été assez près des mouvements socio-économiques. C'est dans ce but que je viens présenter mon point de vue.

Donc, l'argumentation que je présente se résume dans quatre ou cinq faits généraux:

La pollution et la technologie d'aujourd'hui, les sites de récréation actuels et futurs de la région de Québec — parce qu'il s'agit bien de la région de Québec et non d'ailleurs— le bloc énergétique sécuritaire et nécessaire au développement industriel futur de la région de Québec et le degré d'acceptation ou de rejet du projet hydraulique de la Jacques-Cartier par la population directement impliquée.

La pollution et la technologie d'aujourd'hui. Il n'y a aucun doute dans mon esprit, la technologie d'aujourd'hui est plus qu'avancée pour permettre l'implantation d'une structure industrielle nouvelle dans n'importe quel territoire, tout en assurant l'installation d'un équipement de pointe susceptible de contrer la pollution, le gigantisme artificiel et le sac du cadre naturel.

D'ailleurs, la bataille pour assurer un sain environnement de notre société se situe beaucoup plus dans l'équipement ou l'installation antipollution trop onéreuse pour les vieilles zones urbaines et les vieillottes industries incapables de compétition économique —donc de rentabilité— et que ne peuvent pas supporter leurs structures administratives et économiques sans les fabuleuses mais rares subventions d'appoint. Ce n'est pas le cas pour les zones urbaines modernes et pour l'implantation industrielle nouvelle qui, grâce à la technologie contemporaine, permet d'établir à loisir une écologie compatible aux besoins de la société d'aujourd'hui.

Les sites de récréation actuels et futurs de la région de Québec. Cela saute aux yeux et aux sens, la région immédiate de Québec regorge de sites de récréation, douze mois par année. Je prends la peine de les mentionner, puisque nous sommes obnubilés par les media d'information d'actualité traitant uniquement de la rivière Jacques-Cartier. Je prends au nord-ouest de Québec, l'importante réserve de Portneuf qui est à mon sens un parc provincial également qui a un réseau de rivières importantes dont La Blanche et les lacs Lapeyrère, Travers et Petit-Ruisseau. Encore au sud-ouest de Québec, mais au sud de la réserve de Portneuf, une région estivale qui est connue de tout le monde, la Rivière-à-Pierre, Lac-aux-Sables avec son lac Saint-Francis, Saint-Léonard avec le lac Simon. Je retourne encore; toujours à l'ouest de Québec mais au sud, cette fois-ci, de la rivière Jacques-Cartier — non pas indentiques mais semblables — alimentant partiellement d'ailleurs un chapelet de grands lacs que le ministère du Tourisme rêve encore après plusieurs années d'aménager selon ses propres plans dressés et prévus dans sa planification à long terme. Il

s'agit de la rivière Charest qui se jette à La Pérade, la rivière Sainte-Anne également, une des plus sauvages et des plus somptueuses, qui s'alimente aux lacs Louise et Sainte-Anne au parc des Laurentides, qui rejoint La Pérade aussi. Enfin, le plus grand réseau de lacs près de Québec et non aménagés encore ou très peu, il s'agit de Montauban, les lacs Long, Blanc et Clair, alimentés surtout par la rivière Blanche et ses nombreux affluents, tous dans le parc des Laurentides mais toujours en dehors du parc des Laurentides lui-même que j'appellerais, si vous voulez, la deuxième ceinture verte de la Communauté urbaine de Québec, dans la zone où nous sommes présentement.

Toujours à l'ouest de Québec, cette fois au nord et au sud-est de Saint-Raymond, on retrouve un autre important réseau de lacs et de rivières plus habités: les lacs Sept-Iles, Sergent et Saint-Joseph, alimentés d'une part par les rivières Nelson, Tourilli et Des Pins. A l'ouest de Sainte-Foy cette fois-ci vous avez déjà plus près de nous le lac Saint-Augustin, le plus près de Québec, qui devrait être à mon avis le projet prioritaire de la CUQ pour une vaste plage et parc communautaire desservis déjà par l'autoroute Charest et la Commission de transport de la CUQ.

Car, il ne faut pas l'oublier, plus de 50 p.c. de la population active du Québec métropolitain n'a pas d'automobile (pour une population globale de 420,000, il y a 176,000 emplois et 89,000 automobiles ou encore un véhicule pour quatre personnes). Cela, à mon avis, ce n'est pas de l'environnement en l'air, c'est de l'environnement réel, concret, qui ne sert pas seulement pour le plaisir de quelques-uns, mais pour l'ensemble de la population.

Au franc nord de Québec, cette fois-ci, et dans l'axe de Charlesbourg, vous avez déjà la rivière Saint-Charles dont il y a une partie qui est en voie d'aménagement, dans le secteur urbain et, entre autres, les lacs Delage, Beauport et Saint-Charles, dans l'axe de l'autoroute des Laurentides et de la route 54.

Au nord-est de Québec, l'omniprésent parc des Laurentides, avec ses centaines de rivières et de lacs, rejoints par les routes 54 et 54-A et ses sentiers forestiers. Enfin, la rivière Jacques-Cartier, convoitée par l'Hydro-Québec, prend son origine dans le parc Jacques-Cartier, longe Tewkesbury, Shannon, Sainte-Catherine, Pont-Rouge et Cap-Santé avant de se jeter dans le fleuve. Il y a également sa soeur en importance et en beauté, la rivière Montmorency, qui prend sa source au lac des Neiges, dans le parc toujours, baigne par la suite Sainte-Brigitte-de-Laval, Courville et la municipalité de Montmorency et enfin chute de 265 pieds ou de 168 pieds — je ne me souviens plus de la hauteur exacte de cette chute de Montmorency — pour retrouver le fleuve Saint-Laurent.

Enfin, à l'est de Québec, il y a encore le lac Saint-Michel et la rivière Brûlé, le lac Saint-Joachim, la rivière Sainte-Anne-du-Nord, près de Saint-Tite-des-Caps, Saint-Joachim et la récente réserve faunique du fédéral à Cap-Tourmente. Puis, enfin, pour arriver au superbe aménagement, non encore fini, du mont Sainte-Anne de Saint-Féréol-des-Neiges.

Je m'excuse de cette longue nomenclature, mais je veux bien faire comprendre, aux gens de la Communauté urbaine de Québec, la première ceinture verte ou la deuxième, si vous voulez, qui se trouve à l'extérieur de la Communauté urbaine de Québec, qui est là à notre disposition, qui est présente et qui fait partie de notre environnement.

Mais je voudrais revenir maintenant à une autre forme de présentation de ces deux premières ceintures qui nous touchent de plus près, mais qui sont à l'intérieur de la Communauté urbaine de Québec cette fois-ci. Cette longue nomenclature de nos ressources récréatives, à moins d'une heure par la route, tant à l'ouest qu'à l'est, forme, et de loin, la région la plus favorisée en Amérique du Nord en ce qui a trait aux espaces verts. Les rivières, lacs, montagnes, forêts à profusion qui se trouvent à proximité de la CUQ, tant à l'intérieur de nos trois parc nationaux — quand je cite les trois parcs nationaux, je parle de la réserve de Beauport, je parle évidemment du parc des Laurentides et je parle également du mont Sainte-Anne...

M. LOUBIER: Sur un point de règlement, M. le Président. Je ne voudrais pas douter de la bonne foi de votre décision de permettre à celui qui parle d'intervenir à ce moment-ci, sauf que j'avais cru comprendre qu'il y avait eu entente pour que ce soient d'abord et avant tout les personnes qui représentaient des groupements ou des organismes qui avaient droit de parole, ou qui avaient préséance de droit de parole. Je me rends compte que, dans la liste de ceux qui veulent présenter des mémoires, celui qui parle actuellement, M. Claude Bernard, se représente lui-même. Alors, M. le Président, je pense que c'est une entorse à l'entente qu'il y avait eue. Je ne veux pas discuter votre décision, étant donné que vous êtes souverain dans cette commission, mais je tiens à faire remarquer que je trouve ça injuste pour les organismes — et je trouve ça contraire à l'entente qui avait eu lieu entre les parlementaires — que ceux qui se représentent eux-mêmes aient préférence sur ceux qui représentent des organismes ou des groupements aussi importants que ceux qui vont venir par la suite.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le chef de l'Opposition, M. Bernard m'a demandé de pouvoir faire son exposé ce matin au moment de l'ajournement. J'ai convenu que je lui accorderais ce privilège. Je l'ai avisé à ce moment-là qu'il ne devait pas s'étendre à plus que vingt minutes. Il m'a donné des raisons valables à ce moment-là. Je les ai acceptées et je peux assurer les gens qui représentent les organismes que, par la suite, nous reviendrons

au système que nous avions adopté d'entendre les représentants de groupements. M. Bernard, je vous demanderais autant que possible de vous résumer. Nous avons votre mémoire. Les autorités vont certainement en prendre connaissance. Si j'ai bien suivi votre argumentation jusqu'à maintenant, vous vous éloignez quelque peu du sujet.

M. BERNARD: Depuis dix heures que je suis ici ce matin, je crois bien que j'ai entendu tous les mémoires. J'ai bien vu qu'ils étaient tous contre. Cela prend énormément de courage d'être ici pour exprimer sa propre opinion personnelle et je voudrais peut-être pouvoir la continuer le plus brièvement possible.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): De toute façon, je dois vous aviser immédiatement qu'on s'en tient à vingt minutes. Vous avez déjà pris dix minutes sur ces vingt minutes.

M. BERNARD: Je vous remercie, M. le Président. Donc, j'ai fait ressortir, pour résumer un peu ma pensée, toute la deuxième ceinture verte qui est tout près de la Communauté urbaine de Québec mais je reviendrais également aussi à la première ceinture verte qui nous touche directement dans le secteur.

Regardons de plus près maintenant les ressources en espaces verts actuels et futurs de la CUQ mais je vais y aller seulement pour les principes. On retrouve tout cela dans le schéma d'aménagement de la CUQ, qui établit la norme de 20 acres d'espaces verts par 1,000 habitants, soit cinq acres de plus que la norme américaine ou européenne. Quant à l'aménagement ultérieur, celui à partir de 1981, j'ai pris cela dans les schémas d'aménagement de la CUQ, celle-ci vise à utiliser en partie l'espace vert à l'état sauvage avec une norme exceptionnelle et unique de 65 acres par 1,000 habitants. Cette utilisation maximale de l'espace vert sera prise tant à l'extérieur qu'à l'intérieur immédiat de la CUQ. Encore là, la CUQ ne touchera qu'à peine 5 p.c. du potentiel récréatif à l'extérieur de son territoire mais disponible toujours à une heure de route du centre-ville de Québec.

Je vais sauter les pages — nous sommes rendus à la page sept dans laquelle je décris le territoire de la CUQ, qui a 229 milles carrés et le reste. Je voudrais revenir un peu pour décrire tout ce que le schéma d'aménagement de Québec prévoit dans son cadre d'aménagement d'ici une vingtaine d'années. Je prends par exemple son rayon, qui est la rivière Saint-Charles avec son lac. Je prends maintenant son arc, qui part du lac Saint-Augustin et qui va aboutir à la rivière Montmorency, pour vous décrire les limites de cet aménagement de la première ceinture verte en passant par les réserves de Bélair et par les réserves de Charlesbourg.

Tout cet espace que je vous décris, c'est pour vous dire ce que nous avons présentement avec l'axe aussi du fleuve Saint-Laurent. Nous allons passer à la page onze. Pour notre population d'aujourd'hui et même pour celle de l'an 2000, croyez-vous sincèrement que notre région et que notre Communauté urbaine de Québec soient dépourvues d'espaces verts après vous avoir décrit fidèlement cette double ceinture verte dont la première d'est en ouest se trouve à une heure de véhicule du centre-ville de Québec et dont la deuxième est dans les limites de la CUQ que je viens de vous décrire tout à l'heure?

Je crois que nous sommes réellement privilégiés d'avoir à l'intérieur de la CUQ et à nos portes les plus abondantes ressources en espaces verts qui puissent être données à une capitale. Aucune ville que je connaisse n'est aussi entourée, ceinturée de zones récréatives que le Québec métropolitain. Nous n'avons que l'embarras du choix si nous savons sagement tirer profit de cette situation écologique privilégiée et en grande partie planifiée par la CUQ même. Et même l'aménagement hydraulique de la rivière Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec ajoutera un site touristique local et de prestige à cette double ceinture verte en nous permettant de visiter une des somptueuses vallées emprisonnées et encastrées dans les massifs des Laurentides.

Oui, mais comment faire confiance à l'Hydro-Québec pour créer un site touristique à la Jacques-Cartier à 35 milles au nord de Tewkesbury. Je cite comme exemple tout l'aménagement de Carillon qui remonte à 1955-1958 et dans lequel on ne parlait pas d'écologie ou d'environnement mais où on avait déjà prévu un parc qui valait $1 million. On sait parfaitement aujourd'hui au point de vue touristique ce qu'amène dans la région de Montréal et de Québec cet aménagement. Cela veut dire que l'Hydro-Québec se souciait de l'aménagement de ses sites à ce moment-là.

Je m'en voudrais si je devais laisser croire que je donne carte blanche à l'Hydro-Québec. Je m'en voudrais si je devais laisser croire que le comité de préservation de la Jacques-Cartier a oeuvré en vain, dans le sens qu'il a défendu, qu'il a été le chien de garde des problèmes d'écologie et de la préservation du milieu.

Actuellement, il faut l'avouer, je crois que nous sommes en présence d'un dialogue de sourds. D'un côté, et grâce aux media d'information, on nous enferme, mentalement, dans un sanctuaire intouchable, presque sacro-saint de nature comme si l'homme a toujours été et est un monstre saccageant tout. Si c'était vrai, nous serions encore à l'âge de pierre et des cavernes.

De l'autre côté, on nous enferme dans une espèce d'hermétisme qui inquiète parce que le dossier, soit géographique ou économique, devrait aussi coller davantage à la Communauté urbaine de Québec qui, à mon avis, est faible et incohérent, surtout dans sa partie de parc récréatif qu'on nous a suggérée, d'après ce que

nous avons pu voir dans les documents que 1'Hydro-Québec a mis à notre disposition.

Mais je dis que, malgré cette situation et quant à moi, le projet de la rivière Jacques-Cartier me semble plausible, serviable à notre région sous-développée à titre de future bouée de secours communautaire en cas de panne d'urgence.

A preuve, je prends les deux chutes des lignes de l'Hydro-Québec que nous avons eues depuis les deux dernières années, qui sont assez importantes, Montmorency et Charlevoix. Cela sera très important pour une région qui groupe maintenant tout près d'un demi-million de population. En cas de panne, si on a un bloc énergétique autonome, qu'on puisse l'avoir chez nous, cela serait extrêmement intéressant. C'est une opinion personnelle.

Et je dis également aussi que la zone de Québec qui est le deuxième pôle économique de la province de Québec et qui nous a coûté extrêmement cher depuis 1967 d'équipements actuellement dans la région et que j'évoque, si vous voulez, rapidement, dans laquelle on a quasiment investi un milliard en équipement de travaux publics, etc.. Je les évoque brièvement: autoroutes, aéroport, tout ce que vous voulez, que vous connaissez vous-mêmes.

Toutefois, mon acceptation du projet de l'Hydro-Québec sur la Jacques-Cartier, je la veux conditionnelle. La première condition: que les autorités de l'Hydro-Québec précisent davantage les études biologiques et écologiques et qu'elles aient des retombées positives sur toute la rivière Jacques-Cartier, qui déjà même à son embouchure est déjà polluée.

J'ouvre une parenthèse pour le service de l'environnement. Je déplore amèrement qu'à l'embouchure même de la rivière Jacques-Cartier, on trouve actuellement des détritus de bois et de pâte qui bouchent presque l'embouchure de cette rivière dans le fleuve Saint-Laurent.

Ma deuxième condition et elle est aussi sine qua non — je m'excuse, car je résume continuellement — que l'Hydro-Québec présente un projet de parc accessible, mais communautaire, digne de ce nom et non improvisé comme c'est le cas à l'heure actuelle, avec les caractéristiques suivantes dans lesquelles on souligne les schémas selon la maquette de Champigny dans laquelle je dis évidemment qu'on devrait, vu qu'on a le Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aus Sports, peut-être jeter un coup d'oeil sur ces normes.

La même chose sur les installations de campisme léger, approuvé par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche quand on sait que cela relève de sa juridiction.

En ce qui concerne le degré d'acceptation du projet par la population, j'ai rencontré les municipalités riveraines, j'ai eu le plaisir de les rencontrer et j'ai eu le loisir aussi de le faire durant les deux derniers mois. Je vous dis qu'en général, selon mon opinion personnelle, les gens que j'ai rencontrés sont favorables au projet pour une raison très simple: d'abord, au point de vue économique, la région est tranquille. C'est réellement un stimulant de voir un investissement de cette envergure pour cette région.

Deuxièmement, à cause des pressions que l'on fait présentement pour respecter l'écologie, l'environnement et toutes les précautions nécessaires que l'on prend, grâce au comité de la préservation de la Jacques-Cartier, ils sont doublement rassurés à ce moment parce que je crois que l'on joint l'utile à l'agréable.

Je ne vois pas pourquoi j'utiliserais d'autres principes d'écologie pour le projet de l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec. Si l'Hydro-Québec offre la garantie raisonnable de sauvegarder ces principes que je mettais de l'avant pour le parc industriel de la Communauté urbaine de Québec, il me semble que cela soit le cas, alors pourquoi serais-je contre? C'est-à-dire que les ressources en espaces verts, sauvages ou non, à l'intérieur de la CUQ comme à l'extérieur, mais dans la région immédiate de Québec, ne privent personne, de s'adonner où il veut et aux loisirs de son choix, et ce à plusieurs endroits, semblables à la Jacques-Cartier — je ne dis pas identiques — sans hypothéquer le présent ni l'avenir.

La capacité technologique d'aujourd'hui permet de contrer efficacement la pollution et de protéger l'environnement adéquatement. La volonté engagée de l'Hydro-Québec de veiller, par la création du parc Champigny, à l'environnement écologique de l'aménagement hydraulique de la Jacques-Cartier tout en la rendant accessible à la population. La présence continuelle d'un tel potentiel d'énergie, soit un million de kilowatts, à la porte de la Communauté urbaine de Québec stimulera à long terme la difficile implantation industrielle du deuxième pôle économique de Québec.

Je termine en parlant des aspects sécuritaires et de la présence d'un tel pouvoir autonome en électricité dans le grand Québec, en cas de panne, d'urgence. Enfin, et non le moindre argument, la présence efficace, résolue et sur place d'organismes capables non seulement de critiques positives sur les méthodes et les projets contrant le respect de la nature, mais également de mettre en branle, dans notre région, plusieurs projets tels que l'aménagement des lacs Montauban, Long, Clair, du parc Saint-Augustin et des parcs régionaux qui sont préconisés dans le schéma de l'aménagement de la Communauté urbaine de Québec. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions?

M. LESSARD: J'aurais simplement une question. Au début de votre exposé, M. Bernard, vous soulignez qu'il existe un certain nombre de lacs et de rivières autour de la région

de Québec. Ne croyez-vous pas que, dans ces lacs ou ces rivières que vous énumérez, il pourrait y avoir un site où l'Hydro-Québec pourrait aménager une réserve pompée de mille mégawatts?

M.BERNARD: Oui, cela pourrait très bien se faire, mais j'ajoute aux arguments que vous présentez...

M. LESSARD: Je ne pose pas un argument...

M. BERNARD: Non, mais à l'avancé que vous présentez, une dimension économique que je n'ai pas eu le temps de développer ici, qui est que nous sommes le deuxième pôle économique de la région de Québec. Nous avons une population qui va dépasser bientôt le demi-million. Il y a des aspects sécuritaires et il y a aussi des aspects économiques à long terme. C'est pour cela que je dis que la présence d'un pouvoir, d'un bloc énergétique si près de nous est utile en plus de cela.

M. LESSARD: Les lacs que vous énumérez sont des lacs qui sont près de vous?

M. BERNARD: Oui, à une heure...

M. LESSARD: Alors, les conséquences économiques, les incidences économiques du développement hydro-électrique, tel que prévu par l'Hydro-Québec, qu'il se fasse à l'intérieur de la Jacques-Cartier ou qu'il se fasse dans un autre site qui pourrait être favorable, les incidences économiques, vous allez quand même en profiter.

M. BERNARD: Oui, certainement, mais j'imagine que l'Hydro-Québec, avec toute sa force et ses équipes techniques, a dû certainement jeter un coup d'oeil sur les différentes rivières qu'il y a dans la région avant de choisir celle-là. C'est évident.

M. LOUBIER: M. Bernard, je m'excuse, cela va peut-être vous apparaître un peu désagréable, mais vous vous représentez vous-même, comme c'est intitulé?

M.BERNARD: Oui.

M. LOUBIER: Dans la préparation de votre mémoire, est-ce que vous avez tenu compte du principe que les parcs ou les espaces verts doivent être sauvegardés et qu'on ne doit pas permettre l'invasion de forces commerciales ou industrielles, pour fins d'exploitation, dans les parcs ou les réserves ou encore les espaces verts qui sont réservés par quelque niveau de gouvernement que ce soit?

M. BERNARD: Je vous avoue que je n'ai pas fait de recherche concernant la loi particulière.

M. LOUBIER: Non, je ne parle pas sur le plan juridique.

M. BERNARD: Non, mais je peux vous dire, par exemple, en contrepartie, que je sais que la rivière Jacques-Cartier, on ne se le cache pas, cela fait 100 ans qu'elle est industrielle chez nous et que...

M. LOUBIER: En quel sens?

M.BERNARD: ... au moins dans les cinquante dernières années — nous en avons parlé tout à l'heure — le flottage de ces billes de bois et les coupes forestières qui sont là, cela fait cent ans qu'elle sert.

M. LOUBIER: Oui, mais les coupes forestières, vous avez des coupes sélectives, cela se fait après entente avec le ministère du Tourisme, etc.

M. BERNARD: Je peux vous dire tout simplement que la rivière Jacques-Cartier...

M. LOUBIER: Ce sont des richesses renouvelables.

M. BERNARD: Ce sont des richesses renouvelables, comme aussi, je crois bien qu'au point de vue de la pollution, l'aménagement hydraulique d'une rivière, c'est la moindre.

M. LOUBIER: Ce ne sera pas une richesse renouvelable, la rivière n'existera plus.

M.LESSARD: Tout simplement, les rives n'existeront plus. Cela ne se renouvelle pas, une fois que c'est sacrifié.

M. LOUBIER: Je vous le demande au niveau du principe lui-même. Nous sommes ici pour savoir votre opinion sur les principes qui sont en cause, comme l'a soulevé un peu ce matin le député de Fabre. Etes-vous en faveur? Que pensez-vous de ce principe d'inviolabilité ou d'espaces verts? Parce que c'est un précédent, et c'est peut-être l'occasion, comme on le disait ce matin, comme le député de Fabre l'a signalé, c'est peut-être l'occasion unique que l'on a de déterminer les politiques du gouvernement ou des gouvernements subséquents dans ce domaine. C'est au niveau des principes que nous voulons savoir quelle est votre opinion.

M. BERNARD: J'ai livré, si vous voulez, mon opinion personnelle beaucoup plus sur l'ensemble de la région de Québec. Je n'ai pas voulu faire de la philosophie au point de vue des lois éventuelles sur les parcs, mais ce que je peux dire c'est que l'abondance des espaces verts qui nous entourent sur le problème concernant l'aménagement de la Jacques-Cartier... On les a, c'est devant nous, cela crève les yeux. Que vous regardiez à l'est, au nord ou à

l'ouest, on les a à l'heure actuelle. Mais sur la loi éventuelle que vous voulez voter...

M. LOUBIER: M. Bernard, je vous remercie de ne pas avoir répondu à ma question.

M. LESSARD: M. Bernard, quand vous parlez de l'abondance de ces ressources, est-ce que vous voulez dire que nous avons quand même, autour de la région de Québec, des territoires qui ressemblent énormément aux caractéristiques assez spéciales que nous ont décrites ce matin les spécialistes, par exemple? Parce qu'il ne semble pas que ce soit un territoire ordinaire; vous semblez placer tous les territoires du Québec sur le même pied. Est-ce que, dans les territoires que vous énumérez, qui sont des espaces verts, cela présente les caractéristiques semblables à celles de la Jacques-Cartier?

M. BERNARD: Je n'ai pas parlé des autres espaces qui existent au Québec; j'ai bien parlé uniquement de la région de Québec, dans laquelle je vous dis que vous avez des rivières qui sont semblables à la Jacques-Cartier. Je vais vous les nommer: la rivière Montmorency, la rivière Sainte-Anne-du-Nord, la rivière Sainte-Anne elle-même, la rivière Nelson, la rivière Tourilli et chacune a sa vallée. Alors, il n'y a pas seulement celle-là. Peut-être que la Jacques-Cartier présente des caractéristiques géologiques qui sont exceptionnelles, mais je vous dis qu'il y en a des semblables à côté de là, mais toujours dans la région de Québec.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Une dernière question.

M. TETRAULT: J'aurais une question à poser à M. Bernard. J'ai lu attentivement le mémoire qu'il a présenté. Il s'attaque, à la page 7, à la Communauté urbaine de Québec — de nombreux déficits non justifiés — il faut un tour d'horizon pour le potentiel des deuxièmes ceintures vertes comme il les appelle. Il glorifie dans une autre partie la CUQ. Finalement, je me pose une question très sérieuse, parce que votre rapport dit que c'est un exposé de vous-même, ce que vous pensez. Je vais vous la poser carrément : Est-ce que vous voulez préparer votre prochaine campagne dans le comté de Chauveau, comme candidat libéral?

M. BERNARD: Vu que vous soulevez ce point...

M. TETRAULT: Je l'ai lu attentivement.

M. BERNARD: Je suis très à l'aise que vous le souleviez. Je vais dire exactement ce que.. Je prévoyais d'ailleurs votre question.

M. TETRAULT: Je l'ai lu; je l'ai posée quand même.

M. LOUBIER: On ne prévoyait pas votre réponse, par exemple.

M. BERNARD: Non? Je vais vous la donner quand même.

M. TETRAULT: Elle est située à la page 13.

M. BERNARD: Aux pages 13 et 14 — et je n'ai pas honte du tout —: C'est le principe même de la liberté de parole et d'action qui est en jeu et qui s'appelle la démocratie et à laquelle je témoigne librement moi aussi devant vous aujourd'hui, sans aucune attache envers qui que ce soit, tant au point de vue de travail, de promotion ou tout simplement de carrière politique future. Et dans ce cas, personne ne peut m'accuser de calcul puisque j'aurais pu me taire tout simplement, sans me mouiller et sans danger, en attendant les événements et tirer après à mon profit les marrons du feu. Au fond, le conflit actuel, car c'en est un, montre bien que la liberté des uns finit toujours où celle des autres commence. En d'autres mots, de cette confrontation actuelle doivent naître, mais des deux parties, un juste dialogue et un compromis acceptable par l'échange honnête de toutes les données en cause, scientifiques, techniques, esthétiques, mais aussi de prévoyance socio-économique pour l'avenir. Ceci est le propre même d'une civilisation dynamique, si on ne veut pas régresser. Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?

M. LOUBIER: Oui, et vous nous faites rougir-

M. TETRAULT: Oui, justement; et ceci suscite ma deuxième question, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Cela fait quand même une demi-heure.

M. TETRAULT: Ce n'est pas moi qui ai parlé pendant une demi-heure. Une dernière, une courte.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Une très courte.

M. TETRAULT: C'est justement ce qui me porte à poser cette question. Dans votre réponse, vous avez cité le paragraphe en entier. Dans tout votre mémoire, c'est ce que je cherche, les aspects scientifiques, techniques, esthétiques, de prévoyance socio-économique; je dois vous dire que je ne les ai pas trouvés dans votre mémoire.

M. BERNARD: Je ne vous ai pas dit que je venais ici comme un spécialiste, ni comme un biologiste. Je suis venu ici comme un homme ordinaire qui connaît le milieu, qui connaît sa région, qui a côtoyé tous les gens qui sont dans

ce milieu, y compris les municipalités. Je viens ici exprimer une idée, à mon avis, personnelle. Ce document avait été préparé pour le comité qui a existé à la Chambre de commerce du Québec métropolitain et je l'ai transformé en mémoire, pour le présenter ici à la commission parlementaire, quand j'ai su que la commission parlementaire recevait les mémoires de qui que ce soit.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous vous remercions, M. Bernard. Nous allons maintenant entendre le Conseil québécois de l'environnement, qui est représenté par le Dr Michel Maldague.

Conseil québécois de l'environnement

M. MALDAGUE: M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, je suis ingénieur-agronome, licencié en sciences zoologiques, docteur en sciences, membre de la commission d'éducation de l'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources, membre du Conseil international de droit de l'environnement, professeur d'aménagement esthétique et récréatif en milieu naturel à la faculté de foresterie et de géodésie et directeur du programme interdisciplinaire en aménagement du territoire et développement régional de l'université Laval.

M. LOUBIER: Vos 20 minutes sont écoulées, M. Maldague.

M. MALDAGUE: La valeur exceptionnelle de la vallée de la Jacques-Cartier est unaniment reconnue et je ne reviens pas sur ce point. Si l'on tient compte, en outre, de la proximité et de l'agglomération québécoise dont la population atteindra le million d'ici quelque 27 ans, on est conduit à considérer que la vallée de la Jacques-Cartier constitue un site unique. Dans de nombreux pays, les sites exceptionnels situés à proximité des grandes villes ont reçu des statuts de parc national ou de monument national. Toute utilisation de nature économique y étant proscrite, ces aires sont réservées aux besoin de détente de la population. Dès que l'on reconnaît à un site naturel une valeur unique, il convient de subordonner le principe de l'aménagement intégré, c'est-à-dire, dans notre cas, l'aménagement de l'hydro-électricité et de la récréation au principe de la protection de la nature. Lorsque le Congrès des Etats-Unis en 1872, décida de soustraire la zone du Yellowstone à toute forme d'exploitation, de vente ou d'occupation permanente de ce territoire et de la dédier à l'admiration et à la satisfaction du public présent et futur, il consacrait en fait l'idée que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais qu'il a aussi des besoins moraux et spirituels et que l'exploitation des ressources terrestres, si nécessaire et admirable soit-elle, doit préserver des îles de beauté naturelle et de vie sauvage.

C'est à cette préoccupation éthique que l'on doit l'existence d'un réseau de parcs nationaux qui s'étend actuellement sur 90 pays du monde. Dans un document préparatoire à la conférence de Stockholm, on peut lire que "même dans des pays assez riches et matériellement assez prospères, on relève des indices de plus en plus nets d'une tension sociale qui montre combien l'homme est mécontent de son sort et de l'absence de choix qualitatifs. Ce souci de la qualité de la vie, et je cite toujours le document de Stockholm, est aussi au coeur du problème de l'environnement et doit être un critère décisif, même s'il s'agit de choisir des solutions à des problèmes d'environnement de caractère essentiellement concret".

Dans le cas de la rivière Jacques-Cartier, on touche à un conflit fondamental d'utilisa,tion du territoire dont la solution ne réside pas seulement dans une expertise scientifique. Nous avons affaire à un cas où la science seule ne peut apporter de solutions. Je crois que l'on reconnaît universellement les limites de la science. La question est de savoir si nous sommes disposés à sacrifier des valeurs qualitatives plus que jamais indispensables. Des zones naturelles non perturbées, proches des villes, doivent être sauvegardées, car elles constituent pour la population des points de repère stables dans une société en perpétuel changement.

La population aura un besoin aigu de tels points de repère pour assurer dans l'avenir son équilibre mental.

Le seul cas où l'on pourrait justifier de sacrifier un tel site unique serait celui où il serait irréfutablement prouvé que l'aménagement considéré est vital pour assurer les besoins énergétiques de la population québécoise, ce qui signifierait, ipso facto, qu'il n'y aurait pas d'autre choix au point de vue hydro-électrique, ni d'autres moyens de produire l'électricité requise. Or, il n'a pas été prouvé, à ma connaissance, que ce site unique, au point de vue de l'équilibre naturel, est également unique en ce qui concerne la production d'électricité de pointe au Québec.

Au court terme comme à long terme, l'aménagement hydro-électrique aboutirait à une dégradation irréversible du site. Il est faux de prétendre à ce propos que les conséquences écologiques seraient peu importantes. En réalité, l'aménagement proposé conduirait à une véritable rupture d'équilibre biologique et à une profonde perturbation de l'ensemble de cette partie de la vallée. Le projet consiste en fait à transformer un équilibre naturel en un équilibre artificiel. De plus, les installations hydro-électriques ne seront durables, d'aucune façon. A long terme, après l'utilisation du site, on se retrouvera avec une vallée ruinée.

Sur le plan de la diversité, on transgresse une loi écologique fondamentale à savoir la loi qui lie la richesse d'un écosystème et la limite d'un

territoire à sa diversité. La transformation de la rivière en un réservoir réduit la diversité du territoire puisque les lacs et les réservoirs ne font pas défaut dans le Québec alors que de telles vallées sont exceptionnelles.

Le Dr Budowsky, directeur général de l'UICN, retient comme principe fondamental d'aménagement et de développement le principe du respect de la préservation d'options pour l'avenir. Ceci signifie qu'avant de toucher à ce site il faudrait faire la preuve qu'il n'y a pas d'autre choix. Dans le cas où une autre possibilité se révélerait plus coûteuse se pose la question de la valeur économique d'une telle vallée. Les lois économiques montrent que la valeur d'un objet est liée à sa quantité et à sa qualité. Si on applique cela à la vallée de la Jacques-Cartier on constate que le facteur quantité est extrêmement faible puisque ce site est unique et que le facteur qualité est extrê-ment élevé. Un tel site prend dès lors, une valeur qui dépasse, sans aucun doute, toutes les différences de prix qui impliquerait le choix d'une autre possibilité.

Il est une notion élémentaire que l'on enseigne aux étudiants dans les cours d'aménagement des zones récréatives, à savoir que les ressources récréatives sont différentes des autres, parce qu'elles résultent, d'une part, de la combinaison de plusieurs ressources naturelles et, d'autre part, d'un jugement de valeur. C'est ainsi que, dans un certain sens, la vallée de la Jacques-Cartier pourrait être perçue comme un simple amalgame de roches, de sol, d'eau, de végétaux et d'animaux. Ce qui en fait un monument naturel exceptionnel, c'est un jugement de valeur que l'homme fait parce qu'il est sensible à la beauté. Ce site n'a d'ailleurs de vraie valeur qu'en fonction de son maintien à l'état naturel. Il représente une vraie valeur au même titre que les grandes oeuvres du génie créateur de l'homme: monuments, toiles de grands peintres, sculptures. Ce qui fait la valeur de ces oeuvres, ce qui attire vers elles les foules, c'est précisément et seulement le fait qu'elles sont exceptionnelles et uniques. Les foules ne se presseront jamais pour admirer des copies des oeuvres uniques.

Sur le plan strictement scientifique, la Vénus de Milo représente quelques livres de marbre d'une composition chimique et d'une texture donnée. La Joconde ne vaut pas plus non plus sans un jugement de valeur qui reconnaît la marque d'un génie. La vallée de la Jacques-Cartier, à condition de lui conserver son charme naturel et sa beauté sauvage, mérite qu'on la signale à l'attention des touristes sevrés d'un environnement naturel de qualité.

Et grâce à cela, paradoxalement, elle deviendra avec le temps une source de profit économique comme le sont devenus beaucoup d'endroits naturels exceptionnels de la terre. Le site unique de la vallée de la Jacques-Cartier ne peut souffrir d'être artificialisé, réduit à une zone récréative, offrant de minables compensations.

Il serait d'ailleurs quelque peu aberrant de faire dans ces conditions de la publicité pour y attirer les touristes car cela reviendrait à montrer aux visiteurs, résidants et non résidants, la manière dont il faut s'y prendre pour galvauder un site exceptionnel. Car il n'est pas indifférent que le site soit admiré du fond de la vallée dans son cadre naturel ou vu du haut. Dans le premier cas, on est à proprement parler dans le site, dans le second, on reste en dehors et, à ce titre, il est perdu pour la population.

Plutôt que de procéder à un aménagement hydro-électrique dans la Jacques-Cartier et si réellement il n'y a pas d'autre possibilité d'aménagement hydro-électrique, nous favorisons une production d'électricité à l'aide de combustible quelconque. La conséquence au point de vue du bruit n'a pas a être prise en considération, le choix de la localisation d'une telle centrale peut y porter remède. Quant à la pollution, les améliorations technologiques futures pourront vraisemblablement en limiter les conséquences. Quoi qu'il en soit, il vaudrait mieux d'ailleurs admettre une certaine pollution atmosphérique que de perturber un site de cette qualité. En conséquence, le Conseil québécois de l'environnement rejette le projet d'aménagement hydroélectrique de la vallée de la rivière Jacques-Cartier.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Maldague. Est-ce qu'il y a des questions de la part des membres de la commission?

M. LESSARD: Est-ce que vous rejetez à la majorité de l'exécutif le projet?

M. MALDAGUE: A la majorité.

M. LESSARD: Dr Maldague, à vous entendre parler ou à vous écouter, il semble qu'il n'y ait pas dans la région de Québec d'autre site comparable à celui de la Jacques-Cartier?

M. MALDAGUE: C'est exact. Je pense que, si on veut trouver une vallée de la qualité de celle-ci, il est à peu près reconnu unanimement qu'il faut aller jusqu'à la rivière Malbaie. Or, vous savez qu'il y a une différence de distance. Alors, ce sont dans les deux cas des sites exceptionnels, mais nous considérons la Jacques-Cartier comme unique précisément parce qu'elle est beaucoup plus proche de l'agglomération québécoise et cela ne fait pas de doute à notre avis que, à part ces deux sites, il faudrait aller extrêmement loin pour trouver des choses comparables.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, je vous remercie, M. Maldague.

M. MALDAGUE: Merci, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous allons

maintenant entendre le représentant du Centre de recherche écologique, le Dr Pierre Legendre.

Centre de recherche écologique

M. LEGENDRE: M. le Président, mes qualifications sont les suivantes: Après une maîtrise en zoologie à l'université McGill, j'ai fait un doctorat en biosystématique à l'Université du Colorado, après quoi j'ai fait un voyage, plutôt une tournée d'études dans les parcs de l'ouest des Etats-Unis et enfin, j'ai passé un an de stage postdoctoral à l'Institut de génétique de l'Université de Lund en Suède. Je suis maintenant engagé comme chercheur au Centre de la recherche écologique de l'Université du Québec à Montréal.

Le 3 mai dernier, les représentants de l'Hydro-Québec présentaient à la présente commission parlementaire les raisons pour lesquelles l'Hydro-Québec devrait selon eux être autorisée à procéder à l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier. Cette argumentation comportait les points suivants: besoins énergétiques à satisfaire pour 1978, site de la rivière Jacques-Cartier propice à l'implantation d'une centrale à réserve pompée; impossibilité de trouver un autre site assez rapidement pour satisfaire à temps au déficit énergétique prévu pour 1978; l'installation projetée serait relativement peu dommageable pour le territoire, y compris la section située à l'intérieur du parc provincial des Laurentides, et l'Hydro-Québec s'engage à compenser pour ces dommages par un effort important de mise en valeur du territoire; le zonage du parc provincial des Laurentides devrait être repensé de façon que la vocation particulière de chaque zone soit clairement établie.

Face à cette argumentation nous aimerions, en tant qu'écologistes, présenter nos commentaires sur deux aspects du problème.

L'exploitation du territoire québécois, tant publique que privée, a traditionnellement procédé de façon fort aberrante, car les responsables ne se sont jamais intéressés à répondre à la question suivante: Attendu la valeur de l'aménagement proposé d'une part, et l'impact de cet aménagement sur le territoire d'autre part, est-il dans l'intérêt public de procéder audit aménagement?

Depuis quelques années, l'appel à l'écologiste fait maintenant partie du rituel de la présentation d'un projet au public. Il est en effet politiquement rentable de mettre devant les photographes de presse le docteur X ou Y, écologiste, qui, dit-on, poursuit une étude de la question, alors que l'on se garde bien de mentionner que la décision de procéder audit aménagement a été irrévocablement prise bien avant que l'on décide d'engager quelques malheureux dollars dans la recherche écologique. Pour ne citer qu'un cas récent, mentionnons l'aménagement du nouvel aéroport de Mirabel auquel notre centre a été mêlé: là encore, les décisions quant à l'emplacement, à la position des pistes et à d'autres modifications morphologiques importantes du territoire étaient prises bien avant que notre équipe d'écologistes ne soit mandée sur les lieux. Les questions relatives à l'écologie ne faisaient donc pas partie des critères mis dans la balance pour prendre les décisions.

Pis encore, dans la plus grande majorité des cas, tant d'exploitation minière que forestière, industrielle ou hydro-électrique, l'écologiste a été complètement ignoré au Québec.

Nous nous élevons contre cette fraude permanente par laquelle le territoire du Québec est régulièrement violé sans que l'intérêt du public soit même pris en considération. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, l'Hydro-Québec a choisi un site sur des bases d'ingénierie seulement et maintenant essaie de mettre la population et son gouvernement devant le fait accompli. Quant à nous, nous nous permettons de douter de certaines affirmations de l'Hydro-Québec.

Premièrement, les études qui ont permis à l'Hydro-Québec de choisir la Jacques-Cartier comme site le plus favorable pour l'aménagement d'une centrale à réserve pompée n'ont pas été faites très en profondeur. Les différents aspects du milieu étaient codifiés sous forme de valeurs positives ou négatives dans une matrice d'aménagement. Cette méthode a deux inconvénients principaux: d'abord, sa subjectivité qui rend les résultats d'autant plus aléatoires que les études sont moins poussées; ensuite, le fait que le résultat est une moyenne de valeurs positives et négatives reliées aux diverses facettes du site à l'étude au lieu d'être sous la forme d'un enchaînement logique dans lequel il est nécessaire de répondre d'abord à certaines questions de façon positive, par exemple sur l'écologie, avant de pouvoir poursuivre l'évaluation. Il est déplorable qu'à des études d'ingénierie très poussées, ne fassent pendant que des études écologiques trop sommaires.

Deuxième remarque. L'Hydro-Québec nous présente le spectre de la crise de l'électricité, de la panne sèche, si le gouvernement refuse d'accéder à ses demandes. Quoique nous ne soyons pas des spécialistes en production et en distribution de l'énergie, nous nous permettons de douter de cette caricature et nous laissons aux spécialistes de la question le soin de commenter les trois points suivants. D'abord, les autres emplacements qui ont été envisagés par l'Hydro-Québec — il était question dernièrement d'une douzaine d'emplacements, si je me souviens bien — tant sur la Jacques-Cartier qu'ailleurs ne pourraient-ils pas être utilisés au lieu de Champigny? Ensuite, après les études que le choix d'un nouveau site imposera, si le temps pressait trop, serait-il possible d'accélérer les travaux de construction de la centrale, par exemple en augmentant les effectifs au travail? Enfin, si nous en venions vraiment à accuser un petit déficit énergétique aux heures de pointe, à

partir de 1978, ne serait-ce pas une bonne occasion pour instaurer dès maintenant des politiques et des habitudes d'économie de l'énergie que notre civilisation gaspille sans compter? Ne serait-ce pas aussi une bonne occasion pour l'Hydro-Québec de cesser d'encourager, par sa publicité, au gaspillage alors que pointe à l'horizon une crise mondiale de l'énergie?

Nous conclurons par ces quelques remarques. C'est le rôle de l'Hydro-Québec que de fournir à la demande en électricité et ce, sans violer le droit qu'a la population d'utiliser son territoire pour satisfaire à ses besoins autres qu'hydro-électriques. C'est au gouvernement, aux écologistes, à la population elle-même de voir à ce que ces droits soient respectés.

Si le respect de ces droits cause des maux de tête aux dirigeants de l'Hydro-Québec, cela ne nous concerne pas, car nous n'avons pas à leur dire où trouver de l'électricité: notre rôle se borne à aider à la préservation de l'intérêt public. Lorsque le gouvernement du Québec aura enfin accouché, en collaboration avec les autres paliers de gouvernement, de la politique générale d'aménagement du territoire que nous attendons depuis longtemps, son travail, celui de l'Hydro-Québec et le nôtre seront d'autant facilités.

Le second aspect du problème que j'aimerais exposer a trait à une réglementation de la conservation de certains territoires. La présente discussion sur l'aménagement Champigny est d'autant compliquée qu'une partie du réservoir inférieur ainsi que les réservoirs supérieurs et le groupe moteur-alternateur seraient situés à l'intérieur du parc provincial des Laurentides, ce malgré que l'article 6 de la Loi des parcs provinciaux, Statuts refondus 1964, prévoit qu'aucun bail, licence ou permis qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc ne peut être fait, accordé ou émis.

De nombreux organismes argumentent que l'utilité du parc serait ou pourrait être diminuée ou encore que ladite section du parc serait modifiée et donc, que son rôle de conservation en serait affecté. L'Hydro-Québec argumente au contraire que l'utilité du parc ne serait pas diminuée grâce aux aménagements prévus dans son plan de développement. Or, si je puis faire une remarque, ces aménagements touristiques promis dépendent en grande partie de la stabilité relative du niveau du réservoir, qui varierait déjà de trois pieds quotidiennement. Mais la présence même du barrage aurait un effet d'entraînement qui encouragerait à l'installation d'autres centrales à réserve pompée sur le même réservoir avec un impact d'autant plus grand sur l'environnement et les éventuels aménagements touristiques.

Ceux qui considèrent que le projet Champigny serait malgré tout acceptable seraient en droit de se demander si l'Hydro-Québec est prête à s'engager à ne jamais dans l'avenir installer d'autres centrales sur ses réservoirs.

Pour en revenir à mon argument, il faut cependant remarquer que l'Hydro-Québec ne cherche pas à innover. Au contraire, son utilisation d'un territoire classifié parc provincial s'insère dans une longue tradition d'utilisation de ses territoires à toutes sortes de fins autres que conservationnistes. Nous dirions même que l'installation d'une centrale à réserve pompée est probablement beaucoup moins dommageable pour l'environnement qu'une coupe à blanc par exemple, cela sous réserve des études écologiques qui n'ont pas été faites sur le territoire visé par le projet Champigny. Mais il faut que de telles utilisations irrationnelles des parcs cessent un jour et le plus tôt sera le mieux. Aujourd'hui, par exemple.

A cet effet, et pour minimiser dans l'avenir ces imbroglios juridiques dans lesquels nous pataugeons présentement, il est impératif que le gouvernement du Québec sorte de ses tiroirs la loi-cadre des parcs provinciaux du Québec, dont la version préliminaire est prête au moins depuis décembre 1967. Cette loi définit fort adéquatement six types de parcs avec les aménagements qui y sont permis, cela à l'exemple des lois du même type en vigueur dans d'autres pays, en tenant compte de la réalité québécoise.

Dans l'une de ces catégories, celle dite des grands parcs de chasse et de pêche, ainsi que dans les petits parcs de pêche au saumon d'ailleurs, on prévoit que l'exploitation contrôlée des richesses naturelles sera permise, alors qu'elle sera défendue dans les autres types de parcs. Ceci rejoint, d'ailleurs, l'idée exprimée par les représentants de l'Hydro-Québec a propos d'un zonage qu'il serait impérieux d'établir au sein des parcs actuels.

Nous aimerions mentionner accessoirement que nous préférerions de beaucoup que l'établissement d'un parc soit le privilège de l'Assemblée nationale au lieu d'être laissé au lieutenant-gouverneur en conseil, comme le prévoit ce projet de loi. De plus, et à la lumière des difficultés auxquelles nous faisons face aujourd'hui, il serait bon que l'aménagement des bassins des rivières soit mentionné comme tel dans la loi — comme il l'était d'ailleurs dans un texte d'appoint de cette loi-cadre — et soumis aux mêmes possibilités et limitations que l'exploitation minière ou forestière.

Il est par ailleurs évident que nous ne pourrons parler de politique de conservation au Québec tant que cette loi-cadre ne sera pas adoptée et mise en vigueur.

En conclusion, nous croyons fermement qu'il est encore temps d'arrêter cet aménagement hydro-électrique qui n'en est heureusement qu'à l'état d'ébauche. D'autres projets ont déjà été arrêtés pour des raisons écologiques, même quand des sommes beaucoup plus considérables y avaient été investies. L'on se rappellera l'abandon des travaux du Spadina Expressway à Toronto, ceux de l'aéroport projeté dans les Everglades en Floride, ou les quinze années pendant lesquelles Its conservationnistes polo-

nais ont bataillé pour enfin obtenir l'interruption des tiavaux entrepris en vue de l'aménagement hydro-électrique de la rivière Dunajec et le transfert du projet en aval. De même, pouvons-nous sûrement nous permettre de transférer ailleurs le présent projet de centrale à réserve pompée.

J'en ai terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, Dr Legendre. Est-ce qu'il y a des questions de la part des membres de la commission? S'il n'y a pas de question, je vous remercie.

M. MASSE (Arthabaska): Vous dites que vous avez travaillé au projet de Mirabel.

M. LEGENDRE: Les membres de notre groupe...

M. MASSE (Arthabaska): Le groupe que vous représentez.

M. LEGENDRE: ... ont travaillé au projet Mirabel, si bien que l'un de nous, le Dr Dansereau, a été et est encore le directeur du projet dit EZAIN, c'est-à-dire étude de la zone de l'aéroport international.

M. MASSE (Arthabaska): Est-ce que la matrice d'un parc, dont vous semblez douter du résultat... Est-ce que c'est la même méthode que vous prenez pour Mirabel?

M. LEGENDRE: En effet, c'est la même méthode qui a été employée et, comme j'en faisais mention dans mon texte, les résultats dépendent d'abord du but visé et, ensuite, de l'intensité des travaux de recherche qui sont à la base des valeurs que l'on met dans la matrice. Dans le cas de Mirabel, nous avions un territoire dont la vocation avait été déterminée par le gouvernement fédéral et il s'agissait, à l'intérieur de certaines limitations, de déterminer quel serait le meilleur usage que l'on pourrait faire de chacune des pièces du reste du territoire.

Il n'y avait pas la question de savoir si on aménagerait le reste du territoire. C'était établi qu'on l'aménagerait. Il s'agissait de déterminer comment on l'aménagerait de la meilleure façon possible.

Maintenant, si vous le permettez, l'autre aspect qui a trait à l'authenticité des études. Dans le cas de Mirabel, les études ont quand même porté sur plusieurs années de recherches par d'authentiques spécialistes de chacun des secteurs de l'écologie dont il était question dans la matrice, alors que dans le cas des études qui ont été faites par l'Hydro-Québec, nous doutons que ces études aient été faites avec autant de sérieux.

M. MASSE (Arthabaska): Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela?

M. LEGENDRE: Je vais vous le dire tout bêtement, ce sont des conversations avec certains représentants de l'Hydro-Québec.

M. TETRAULT: M. le Président, lorsqu'on parle de la matrice d'impact, l'Hydro-Québec a fait telle prévision, prédiction, est-ce que vous êtes au courant de celui qui l'a faite? Est-ce un écologiste? Est-ce un membre du Centre de recherche écologique? Est-ce un ingénieur en hydro-électrique? Est-ce un comptable? Savez-vous qui a fait cette projection?

M. LEGENDRE: Je peux vous dire que ce n'est pas un membre de notre centre de recherche. On m'a dit qu'il s'agissait d'un bureau, je crois, d'ingénieurs-conseils, mais je ne saurais faire aucune affirmation quant à l'identité des gens qui ont fait ce travail. Vous pouvez poser cette question aux gens de l'Hydro.

M. TETRAULT: Si j'ai bien compris, la matrice d'impact...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je tiendrais à faire remarquer au député d'Abitibi-Est que cette question avait été discutée lors de la dernière séance de la commission. C'est une question des personnes responsables, de la matrice à la maquette.

S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie le Dr Legendre. Le président de l'Hydro a demandé à se faire entendre avant six heures, puisqu'il doit retourner à Montréal pour assister à une réunion ce soir. Je cède la parole à M. Giroux, le président de l'Hydro-Québec. Selon les informations que j'ai eues, cela ne durera pas plus que dix minutes.

Hydro-Québec

M. GIROUX: Merci beaucoup, M. le Président. Je serai très bref. D'ailleurs je n'ai pas été épaté ni éduqué tellement par les affirmations gratuites de toute la journée.

Nous avons répété plusieurs fois à la commission parlementaire, la dernière fois, que définitivement l'Hydro-Québec... On nous a demandé si nous avions une autre solution. Nous avons dit : Oui, des usines à gaz. Cela prend un certain temps pour faire les études. Toutes ces choses ont été expliquées. Je veux simplement faire remarquer et demander de transmettre au gouvernement le point suivant: L'Hydro-Québec a toujours essayé et essaie toujours de fonctionner légalement. Nous avons obtenu les permis. On nous a demandé de suspendre les travaux. Nous avons suspendu les travaux. Si le gouvernement décide que la rivière Jacques-Cartier doit être faite, nous continuerons; si le gouvernement décide de ne pas aménager la rivière Jacques-Cartier et qu'on étudie d'autres rivières, tel qu'il nous le sera recommandé, nous le ferons.

Les gens qui sont ici disent que nous re-

présentons des associations de 20,000 ou 30,000 personnes. Quand il s'agit des tarifs, nous représentons, n'est-ce pas? 500,000 abonnés. Avec tous ces problèmes, il y a un point qui n'a pas été amené et qu'on n'étudie jamais, c'est l'effet économique et dans les travaux entrepris, il y a beaucoup de dépenses de faites.

Toutes ces choses amènent des travaux supplémentaires. Naturellement, vous me direz : Si on construit des usines à gaz, le coût d'installation est meilleur marché.

Avec les dépenses additionnelles qu'occasionnera le prix du pétrole tel qu'on nous le donne, on n'est pas dans une affaire facile. Le tout se résume à une question de légalité, de pouvoir et l'Hydro n'a pas fonctionné illégalement. Même ses employés syndiqués suivent les instructions. Alors, je pense que les autres peuvent faire la même chose. Si le gouvernement décide que cela doit être fait, on le fera. Si le gouvernement décide autrement, il n'y a absolument rien... L'Hydro-Québec ne s'obstine pas. La seule chose qu'on vous dit c'est: Pensez que tout cela se reflète dans les tarifs. Alors, quand on vient pour expliquer la question des tarifs, les gens ont souvent d'autres points de vue. Je respecte l'opinion de tout le monde, mais il y a un point. Dans toutes ces choses-là, il faut penser qu'à l'Hydro-Québec on essaie toujours de ne pas avoir d'augmentation de tarifs, c'est une affaire qui n'est pas tellement populaire.

Alors, nos gens seront ici ce soir. Malheureusement, je dois m'absenter, j'avais eu une information que cela finirait à 6 heures, j'ai malheureusement pris un rendez-vous avec des gens que je dois rencontrer, mais M. DeGvise est ici et j'espère qu'on aura une période où on pourra répondre pour essayer de réfuter les arguments qui ont été donnés. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, M. Giroux. Alors, la commission va suspendre ses travaux à 8 h 15 ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

Reprise de la séance à 20 h 29

M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs !

M. le ministre, MM. les chefs de l'Opposition, MM. les membres de la commission, nous reprenons les travaux de la commission parlementaire sur le problème de la Jacques-Cartier. J'appellerais le représentant de la Régionale des jeunes chambres de Québec, M. Yves Renaud. Je demanderais, pour accélérer les travaux, de sorte que tout le monde puisse se faire entendre ce soir, de résumer vos mémoires, puisqu'ils seront tous étudiés et codifiés. Si vous pouviez les résumer, plutôt que d'en faire une lecture de six, sept, huit ou neuf pages.

Régionale des jeunes chambres de Québec

M. RENAUD: M. le Président, je serai très bref, parce que mon mémoire ne comporte que deux pages. Je pense que vous me permettrez de le lire.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est assez difficile de résumer, à ce moment-là.

M. RENAUD: Exactement, ça pourrait être plus long. M. le Président, MM. de la commission, je représente la Régionale des jeunes chambres de Québec qui regroupe 17 jeunes chambres de la région de Québec, c'est-à-dire Québec, Loretteville, Sainte-Foy, et ça se rend aussi jusqu'à la Malbaie et Baie-Saint-Paul, Le parc des Laurentides, un pays qui est à nous, une richesse que nous devons conserver. L'Hydro-Québec n'est toutefois pas de cet avis et tente aujourd'hui, par tous les moyens, de nous faucher une partie de la vallée de la rivière Jacques-Cartier, par l'installation d'une centrale à réserve pompée.

Presque ignorée du grand public, la pittoresque vallée de la Jacques-Cartier, encastrée entre les pentes abruptes des Laurentides, recèle un potentiel récréatif extraordinaire. Les activités récréatives possibles sont la pêche, l'escalade, la marche en nature, la raquette, le ski de fond, etc.

Cette vallée des plus panoramiques qui se compare facilement aux plus beaux sites des montagnes Rocheuses, n'est située qu'à 25 milles de Québec. Il faut aller la voir et vous ne resterez pas indifférents.

La vallée de la Jacques-Cartier: une question de survie pour la race humaine.

La Régionale des jeunes chambres de Québec a compris ce message et s'oppose au projet d'aménagement de la vallée de la Jacques-Cartier, partie intégrante de notre héritage national.

N'est-il pas vrai qu'une partie importante de cette vallée est située à l'intérieur du parc

provincial des Laurentides qui est protégé par la Loi des parcs provinciaux?

Selon cette loi, le parc des Laurentides est défini comme une réserve forestière, un endroit de chasse et de pêche, un parc public et un lieu de délassement pour les citoyens du Québec.

L'article 6 de cette même loi stipule que "nul ne peut s'établir et se fixer, se servir ou occuper aucune partie du parc, et aucun bail qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc ne peut être fait, accordé ou émis. Le parc des Laurentides, messieurs, est et doit être inviolable. Alors que les parcs nationaux du Canada sont fermés à l'exploitation industrielle, les parcs du Québec sont ouverts à tout exploitant qui y voit une richesse naturelle à mettre à profit. Le parc des Laurentides a plus de 3,000 milles carrés de superficie et il est le plus grand des quatre parcs provinciaux. Alors que des luttes constitutionnelles empêchent la création de plusieurs parcs nationaux, le Québec fait tout en son pouvoir pour remplacer la nature par des masses de béton à l'intérieur de ces parcs. Est-ce normal?

Le parc des Laurentides est facilement accessible, n'étant situé qu'à une trentaine de milles de Québec. Le gouvernement du Québec doit faire tout en son pouvoir pour garantir une protection permanente à ce parc. Que l'Hydro-Québec construise ailleurs sa centrale à réserve pompée! D'ailleurs, plusieurs autres sites offrent un potentiel capable de produire cette énergie de pointe. Qu'on les fasse connaître tous! Pourquoi cet acharnement à consommer de l'électricité alors que les Etats-Unis, la plus grande puissance au monde, incite la population à la ménager? Le parc des Laurentides est un musée naturel. C'est donc dire qu'il constitue un endroit de conservation et non d'exploitation.

Répondre à un besoin d'électricité, l'exploitation de la Jacques-Cartier le permettrait pour une dizaine d'années. Mais après? Saura-t-on répondre aux gens qui ont besoin de plus en plus de retourner dans la nature vraie, alors que nous nous dirigeons vers des fins de semaine de trois jours, vers une véritable civilisation de loisirs? Nous vivons dans un siècle où le béton remplace la verdure, où l'expropriation permet de détruire des chefs-d'oeuvre pour faire passer des routes, etc. La nature doit cesser de reculer car le peuple a besoin de cette aspirine plein air qui est la solution à tous nos maux de tête et à nos dépressions nerveuses.

Messieurs, nous ne sommes pas contre le progrès, loin de là. Mais il faut se rappeler ceci : La personne humaine est la plus précieuse des richesses. Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Renaud. Est-ce qu'il y a des questions?

M. LOUBIER: M. Renaud, est-ce qu'il y a eu une réunion de l'exécutif de la Régionale des jeunes chambres pour rédiger le mémoire, est-ce que cela a été soumis à l'exécutif?

M. RENAUD: M. le Président, cela a été beaucoup plus qu'à l'exécutif. Cela a été lors du dernier congrès régional.

La question a été étudiée en atelier et, le dimanche, c'est parvenu à l'assemblée générale qui a adopté une résolution avec les principaux attendus qui sont ici et, par la suite, le mémoire a été présenté à l'exécutif de la Régionale des jeunes chambres de Québec, mardi de la semaine dernière.

M. LOUBIER: Très bien. Est-ce que vous avez étudié le projet soumis par les experts de l'Hydro-Québec, quant aux aspects touristiques récréatifs et tout cela, pour fins d'aménagement?

M. RENAUD: Nous avons jeté un coup d'oeil, pour être francs, assez rapide mais c'est plutôt une question de principe chez nous, en ce sens que c'est un retour à la nature sauvage que l'on veut et non pas une nature transformée.

M. LOUBIER: Parfait. Merci.

M. SIMARD (Richelieu): J'ai seulement une question, M. le Président. L'association des jeunes chambres regroupe combien de membres dans la région?

M. RENAUD: 862.

M. SIMARD (Richelieu): Merci.

M. MASSE (Arthabaska): Y a-t-il les jeunes chambres du comté de Portneuf?

M. RENAUD: II y en a mais ce n'est pas la même régionale. Nous allons jusqu'à Loretteville qui est le plus à l'est. On ne va pas plus loin. C'est une autre régionale. D'ailleurs, Saint-Augustin en fait partie.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Alors, M. Renaud, nous vous remercions beaucoup de votre intérêt à ce problème. Nous allons maintenant entendre le Jeune Barreau du Québec, Me Pierre Nadeau.

Jeune Barreau de Québec

M. NADEAU: Alors, au nom du Jeune Barreau de Québec, je remercie les membres de la commission parlementaire de l'occasion qui nous est donnée de faire valoir notre point de vue sur le projet d'aménagement hydro-électrique de la Jacques-Cartier.

Nous réitérons notre opposition au projet d'aménagement d'une centrale à réserve pompée sur la Jacques-Cartier pour les raisons qui ont été maintes fois exprimées aujourd'hui par plusieurs organismes régionaux et particulièrement par le Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier. A ces raisons, déjà déterminan-

tes selon nous, nous voulons ajouter quelques arguments d'ordre plus strictement juridique.

Tout d'abord nous croyons que le projet d'aménagement hydro-électrique de la Jacques-Cartier, y compris les travaux préliminaires déjà effectués, dérogent à la Loi des parcs. Une décision favorable à cet aménagement exigerait, selon nous, une modification de la Loi des parcs.

Ceci découle des articles 6, 7 et 9 de la Loi des parcs, de même que des règlements édictés en vertu de l'article 9 de la Loi des parcs qui concerne le pouvoir de réglementation. Les articles 6, 7 et 9, qui sont particuliers au parc des Laurentides, sont à notre avis formels et ne parlent pas d'aménagement hydro-électrique. Pourtant qu'une activité d'une telle envergure soit absente de la Loi des parcs ne peut s'expliquer que parce que le législateur l'a voulu ainsi. Tout le monde sait qu'on ne peut jamais préjuger de l'oubli du législateur et sûrement pas dans un cas pareil où, d'ailleurs, un peu plus loin dans la même Loi des parcs, on a prévu un téléphérique, un funiculaire pour les skieurs dans le parc du mont Tremblant, à l'article 33, et une antenne de télévision dans le parc du mont Orford, à l'article 54. Alors, si on a pris la peine d'aller dans des détails semblables, dans des aménagements qui constituent évidemment des activités de moindre importance qu'un développement hydro-électrique, à plus forte raison faut-il conclure que les aménagements hydro-électriques n'ont pas été permis par le législateur.

Il parait donc incontestable que l'aménagement hydro-électrique n'est pas autorisé par la Loi des parcs et que c'est seulement par voie de législation et de refonte en profondeur de la Loi des parcs qu'on pourrait permettre l'aménagement hydro-électrique d'une rivière située à l'intérieur du parc des Laurentides. Et si des modifications à la Loi des parcs sont établies, si, dans une éventuelle loi-cadre des parcs, on remet en question certaines choses, le Jeune Barreau demande que cette refonte ne soit pas pour permettre de tels aménagements dans le parc des Laurentides et dans les autres parcs du Québec, mais pour les interdire sous quelque forme que ce soit.

On pense que les législations nouvelles doivent de façon générale tendre à la préservation de l'environnement et ceci, à plus forte raison, dans les parcs du Québec dont il faut protéger l'intégrité et non permettre la dégradation, même sous prétexte de soi-disant impératifs économiques. Alors, c'est notre premier argument. Nous soumettons que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a pour obligation de faire respecter la loi telle qu'elle est tant qu'elle n'est pas modifiée et sans préjuger de quelque modification que ce soit. Dans cette perspective, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche doit enjoindre 1'Hydro-Québec de quitter le parc et cet ordre ne doit être tempéré, selon nous, par aucune condition à laquelle l'Hydro-Québec pourrait satisfaire.

Le principe selon lequel l'Hydro-Québec pourrait obtenir du ministère du Tourisme la permission d'aménager une centrale, en établissant qu'elle ne diminuera pas l'utilité du parc, nous apparaît insoutenable juridiquement. La Loi des parcs n'autorisant pas la possibilité d'un aménagement hydro-électrique dans un parc n'a pas davantage autorisé les conditions auxquelles un aménagement hydro-électrique pourrait être acceptable. Le ministère du Tourisme, en se conformant à la loi, ne peut donner une permission conditionnelle au projet de l'Hydro-Québec, mais seulement opposer un non pur et simple, à notre avis.

Permettre le projet de l'Hydro-Québec, le projet Champigny, à condition que l'Hydro-Québec prenne quelques moyens pour que ce projet ne diminue pas l'utilité du parc ne fait que contourner la loi. Cela constitue également une admission à l'effet que l'aménagement d'une centrale diminue en soi l'utilité du parc et que c'est seulement par des moyens artificiels qu'on pourrait remédier quelque peu à cette situation. C'est notre premier argument basé sur le chapitre 201 des Statuts refondus 1964, c'est-à-dire la Loi des quatre parcs provinciaux.

Notre deuxième argument se fonde sur le chapitre 86, c'est-à-dire la Loi de l'Hydro-Québec, loi qui constitue la Commission hydro-électrique de Québec. Nous soumettons que l'aménagement récréatif et touristique ne fait pas partie des objets de l'Hydro-Québec, des pouvoirs de l'Hydro-Québec. Alors, l'aménagement récréatif et touristique de la Jacques-Cartier par l'Hydro-Québec outrepasse les objets et les pouvoirs de l'Hydro-Québec et exigerait encore une fois des modifications, des amendements à la Loi de l'Hydro-Québec.

En effet, les pouvoirs de l'Hydro-Québec se limitent à la production, l'acquisition, la vente d'énergie électrique et, également, aux moyens destinés à lui permettre d'atteindre ses fins par voie d'expropriation ou autrement. Il n'existe donc aucune relation entre la production de l'électricité et le domaine de l'aménagement des parcs. De plus, deuxième argument, ce domaine de l'aménagement des parcs est déjà confié en exclusivité au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

Or, l'Hydro-Québec vient nous promettre formellement de dépenser 5 p.c. du coût global d'un projet de $175 millions à des aménagement récréatifs. Et cet après-midi, on a fait des menaces à peine voilées que, s'il fallait déménager le projet Champigny ailleurs, cela risquerait de coûter plus cher en tarif d'électricité.

Mais qui paiera la note pour l'aménagement récréatif que l'Hydro-Québec se permet de faire, de projeter dans le parc des Laurentides, sinon le consommateur d'électricité?

Non seulement il y a conflit manifeste entre la responsabilité du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et les ambitions de

l'Hydro-Québec, l'Hydro-Québec voulant s'accaparer de ce qui est de la juridiction exclusive du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche mais encore, l'Hydro-Québec nous arrive avec un nouvel élément dans la fiscalité québécoise. C'est-à-dire que les parcs au Québec, du moins un d'entre eux... Le coût de certains aménagements dans ce parc serait défrayé par les coûts d'électricité.

Alors, le coût des aménagements récréatifs dans une partie du parc des Laurentides serait payé par les consommateurs d'électricité puisque les revenus de l'Hydro-Québec lui viennent exclusivement des charges imposées par la consommation d'électricité. Faire payer par les consommateurs d'électricité des travaux qui, au surplus, sont du ressort exclusif d'un ministère dont le budget doit être voté par l'Assemblée nationale, constitue, à notre avis, une violation et un chambardement de notre système de taxation par l'Hydro-Québec.

Cela constituerait également une abdication par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de ses pouvoirs et de ses devoirs.

Nos arguments se résument donc à dire qu'il faudrait amender en profondeur deux lois importantes, celle des parcs et celle de l'Hydro-Québec. Cette argumentation serait évidemment futile...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau.

M. NADEAU: Oui.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On m'avise que les législateurs sont demandés à la Chambre verte. Je pourrais peut-être vous donner une minute, si vous voulez.

M. NADEAU: Oui. D'accord. Alors, notre argumentation serait évidemment futile si on se disait : II faudrait amender. Ce n'est évidemment pas la seule raison. C'est que ces amendements seraient des amendements en profondeur, des amendements qui chambarderaient toute l'économie de notre loi des parcs de même que les objets de l'Hydro-Québec. On prétend que, s'il doit y avoir les moindres chambardements, les moindres modifications dans notre droit des parcs, cela doit être dans un sens non pas rétrograde, mais dans un sens favorable à l'environnement, favorable à l'intégrité de l'environnement et à la préservation des espaces encore disponibles. Lorsqu'il y a presque cent ans, les législateurs...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau. Je dois suspendre. Cela semble être plus long qu'une minute. Nous serons de retour dans à peu près cinq minutes.

M. NADEAU: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): En bon conseiller juridique que vous êtes...

(Suspension de la séance à 20 h 47 )

(Reprise de la séance à 20 h 55)

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Monsieur le ministre, monsieur le chef de l'Opposition, messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs, nous reprenons l'étude du mémoire du Jeune Barreau de Québec. Me Nadeau.

M. NADEAU: Alors...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, Me Nadeau, je veux revenir et insister sur le fait qu'autant que possible l'on résume les mémoires, si l'on veut entendre tout le monde ce soir. Il y a des gens qui sont venus d'assez loin pour se faire entendre. J'aimerais bien leur donner la chance et je demanderais la coopération de tous ceux qui vont présenter des mémoires de bien vouloir, autant que possible, les résumer. Il reste quand même que nous en avons entendu plusieurs aujourd'hui. Ce n'est pas tout du neuf ce qui se dira dans chacun des mémoires à venir! Me Nadeau.

M. NADEAU: En coupant au plus court, le projet d'aménagement hydro-électrique de la Jacques-Cartier irait à l'encontre de la Loi des parcs, selon les articles 6, 7, 9 et autres, et les règlements. Les aménagements récréatifs, sous lesquels nous essayons de camoufler le projet hydro-électrique, iraient, eux, à l'encontre des objets de l'Hydro-Québec et, en plus de cela, seraient une forme de taxation nouvelle que l'Hydro-Québec s'arrogerait. Evidemment, il s'agit simplement d'amendements, mais c'est plus que de simples amendements, ce sont des amendements en profondeur. C'est une refonte de notre Loi des parcs et à une époque où l'environnement devient une question de plus en plus urgente, cela constituerait un recul sérieux en arrière. C'est tout, s'il y a des questions?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que le Jeune Barreau du Québec...

M. NADEAU: Seulement du district judiciaire de Québec.

M. LESSARD: ... d'accord, du district judiciaire de Québec, souligne un problème qui m'apparaït extrêmement important, soit celui-ci: Est-ce que l'Hydro peut s'acquérir le territoire de la Jacques-Cartier strictement par arrêté ministériel ou est-ce que, pour cela, il faut d'abord une modification de la loi à l'Assemblée nationale?

Vous affirmez que pour vous, étant donné les articles 6 et 7 de la Loi des parcs il faut absolument une loi qui soit adoptée à l'Assemblée nationale, avant que l'Hydro puisse aménager la Jacques-Cartier.

Je voudrais vous demander d'abord, si vous avez pris connaissance de ce sujet. Je pense que c'est un problème important. C'est important si au moins ils doivent passer devant l'Assemblée nationale; c'est déjà un arrêt qu'on peut faire. Est-ce que vous avez pris connaissance de l'article 38 de la Loi de l'Hydro-Québec qui dit ceci: Les pouvoirs d'expropriation conférés par la présente loi peuvent être exercés à l'égard de tout immeuble, même consacré à un usage public et même non susceptible d'expropriation d'après toute loi générale ou spéciale autre que la loi 7, George VI, chapitre 20, etc.

Il semble, en tout cas, que pour les parlementaires et même peut-être pour le ministre — j'aimerais bien entendre la voix du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche à ce sujet-là — il était acquis que l'Hydro-Québec pouvait s'approprier ce territoire-là strictement par arrêté ministériel. Est-ce que vous pourriez un peu préciser en relation avec l'article 38 de la Loi de l'Hydro-Québec?

M. NADEAU: L'article 38, je ne l'ai pas devant moi, doit à mon avis s'interpréter comme concernant la propriété privée qui peut être utilisée à des fins publiques. Mais d'après moi, le domaine public ne peut pas s'exproprier, par définition. Là-dessus, j'aimerais que vous entendiez mon confrère, Lorne Giroux, qui est professeur à l'université Laval et que je pourrais qualifier, sans en vouloir à sa modestie, d'expert dans le domaine de l'expropriation et du droit administratif.

M. GIROUX (Lorne): En ce qui concerne le pouvoir d'expropriation de l'Hydro-Québec, à mon avis, la réponse est non et ce, entre autres, pour deux motifs. Le premier motif est un argument de texte en vertu de l'article 14, alinéa 2, de la Loi de l'Hydro-Québec: "Les biens de l'Hydro-Québec sont les biens de la Couronne". Si l'Hydro-Québec pouvait exproprier les terrains situés dans le parc des Laurentides, qui sont dévolus déjà à la couronne, du chef du Québec, ce serait donc l'expropriation de la couronne par la couronne ce qui, à mon avis, est une impossibilité juridique. Deuxièmement, en vertu des autorités en droit de l'expropriation, en vertu entre autres de décisions de nos tribunaux, les biens de la couronne provinciale ne sont pas expropriates. La couronne provinciale peut elle-même céder certains droits sur ses propres territoires, mais ses biens ne sont pas expropriables. Si l'Hydro-Québec pouvait exproprier des territoires situés dans le parc des Laurentides, de la même façon il faudrait admettre que l'Hydro-Québec pourrait exproprier la colline parlementaire pour ses fins parce que, dans les deux cas, ses biens sont dévolus à la couronne du chef de la province de Québec.

M. LESSARD: Est-ce qu'à ce sujet je pourrais poser la même question au ministre du Touris- me, de la Chasse et de-la Pêche? Est-ce que l'interprétation que donne le Jeune Barreau du Québec serait l'interprétation du service juridique du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche? C'est important.

M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, premièrement, je dois dire à cette assemblée que je ne suis pas avocat.

M. LOUBIER: Vous êtes bien chanceux.

M. SIMARD (Richelieu): Je suis très heureux de ne pas l'être moi aussi, remarquez bien. Deuxièmement, je suis ici,je pense bien, premièrement pour écouter justement le Jeune Barreau de la région de Québec.

Pour ce qui a trait aux termes de la loi et aux définitions, comme par exemple l'utilité, augmenter ou diminuer l'utilité, je vais justement me référer aux avocats du ministère, aux services juridiques et au ministère de la Justice pour donner cette définition. Je pense que le but premier, le but ultime de notre rencontre ici, c'est justement d'écouter les gens qui ont certaines choses à dire et, à la suite de ça, je prendrai ou le gouvernement prendra une décision, tel que je l'ai dit ce matin.

M. LESSARD: Est-ce qu'il est entendu au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche que, dans l'éventualité où on accorderait à l'Hydro-Québec le droit d'aménager la Jacques-Cartier, on devra, auparavant, présenter une loi à l'Assemblée nationale?

M. SIMARD (Richelieu): On n'est pas rendu là dans le moment.

M. LESSARD: Pas rendu là encore?

M. HOUDE (Fabre): As-tu déjà vu deux avocats s'entendre?

M. LOUBIER: Si mon collègue du Saguenay me le permet, l'argumentation de M. Lorne...

M. SIMARD (Richelieu): ... là, ce sont deux avocats.

M. LOUBIER: Très bien, sur le plan juridique. Maintenant, quand on dit que l'Hydro-Québec n'a pas le droit, n'a pas les pouvoirs de faire des aménagements, en toute déférence, mon cher confrère, je pense qu'on charrie un peu. Parce qu'il y a des précédents dans le passé pour des aménagements faits par l'Hydro-Québec, il y a toujours permission de demander. Par exemple, on a les chutes Montmorency où l'Hydro-Québec a fait un travail fantastique pour l'éclairage, etc., on a une foule d'autres endroits. Quand on pense ou qu'on avance qu'il faudrait une loi spéciale, une modification à la loi actuelle, le tout est sujet à interprétation, parce que le ministre du Tourisme, comme tel,

a le droit d'accorder des permis d'exploitation ou d'aménagement à l'intérieur des parcs, à la condition que ça ne mette pas de côté ou que ça ne brise pas l'utilisation ou la vocation des parcs. Or, encore là, c'est sujet à interprétation. Je pense que l'Hydro-Québec peut plaider de son côté — qu'elle ait tort ou raison — mais peut plaider de son côté que, loin de diminuer l'utilité ou encore les buts recherchés par la vocation des parcs, dans son esprit, elle améliore l'accessibilité, elle donne une meilleure qualité sur le plan touristique, sur le plan récréatif. Cela devient alors sujet à interprétation. C'est le conseil des ministres qui tranche la question. Mais de là à dire que, juridiquement, il faudrait modifier la loi ou avoir une autre loi, je serais prêt à retourner prendre ma toge et à plaider.

Je m'excuse, c'est le naturel qui est revenu.

M. NADEAU: Est-ce que je peux répondre?

M. SIMARD (Richelieu): Déformation professionnelle!

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Eist-ce qu'il y a d'autres questions? Je remercia les représentants du Jeune Barreau de Québec de cette présentation et nous entendrons maintenant la Fédération québécoise de canot-kayak Inc. M. Leroux?

M. LEROUX: C'est moi-même, oui.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Avant de commencer, je voudrais seulement vérifier un renseignement qu'on m'a transmis tantôt. Est-ce exact que vous représentez les trois derniers... la Fédération québécoise de canot-kayak, la Fédération des clubs de montagne du Québec et l'Association des clubs de randonnées pédestres du Québec Inc., Ski-Québec, discipline nordique; Fédération des clubs de ski du Québec Inc.?

Fédération québécoise de canot-kayak

M. LEROUX: M. le Président, si vous permettez, tous ces organismes ont présenté des mémoires. Il s'agit de trois mémoires distincts. Personnellement, je suis président de la Fédération québécoise de canot-kayak et je suis le propre porte-parole de la fédération. Je vais vous présenter brièvement le mémoire que je vous ai soumis. Toutefois, les autres fédérations qui avaient des porte-parole pendant toute la journée d'aujourd'hui, qui venaient de Montréal, ont dû retourner à Montréal. Si vous voulez vous-même demander si ces fédérations ont des représentants dans la salle, peut-être que ceux-ci pourront le faire. Sinon, je voudrai bien répondre également aux questions concernant ces mémoires.

M'accompagnent ici, M. Pierre Lalonde de Québec et M. Jacques Pouliot également de

Québec, de l'université Laval. Il s'agit d'adeptes de canotage qui s'occupent de clubs de canotage dans la région de Québec.

La Fédération québécoise de canot-kayak s'oppose au projet Champigny et cela depuis les tout débuts du projet d'aménagement hydroélectrique. Nous voulons rapidement apporter un argument bien précis concernant la valeur récréative de la vallée Jacques-Cartier. Un des points en litige consiste à savoir si l'aménagement hydro-électrique diminuera ou pas la valeur de la vallée. Nous sommes en mesure de témoigner que la valeur récréative de la vallée sera indéniablement et irrémédiablement diminuée. La rivière Jacques-Cartier est utilisée depuis déjà quatre ans, au moins de façon assez intensive, par des groupes de la région de Québec et également par des groupes de Montréal qui viennent dans la vallée pour faire du canotage. D'ailleurs, peut-être que vous avez reçu aujourd'hui et que vous avez déjà devant vous ce qu'on appelle une carte-guide de rivières. Il s'agit d'un trajet de canot sur la rivière Jacques-Cartier qui a été préparé en collaboration avec le club Rabaska de Québec qui est un club de canot-camping, et qui est publié par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Sur cette carte on constate que le début du tracé ... Si vous voulez regarder la carte rapidement, on voit le nord non pas vers le haut mais vers le bas, ceci afin de suivre la descente de la rivière, en descendant la rivière. On constate que sur ce tracé de 40 milles les 20 ou 22 premiers milles de cette route de canot sont précisément les 20 ou 22 milles affectés par le barrage hydro-électrique. Alors, qu'est-ce qui va se produire avec ce barrage? Ces 20 ou 22 milles de rivière accessibles à tous vont se transformer en un lac. Alors, conclusion: il n'y a plus de rivière, c'est un lac. On peut également faire du canot dans les lacs. Mais on sait qu'en général les lacs sont surtout populaires auprès de gens qui ont des embarcations un peu plus rapides ou motorisées. L'avantage du canot, c'est de se rendre dans des régions où ces embarcations motorisées n'ont pas accès et il s'agit essentiellement de rivières parsemées de rapides, ce qui fait que ces embarcations à moteur ne peuvent pas y avoir accès, si vous voulez. Mais il reste que ce sont des rivières. Si on regarde, on voit: Rapide, classe 2; rapide, classe 3. Il y a peut-être cinq ou six rapides cotés sur les 20 milles. Ces rapides sont d'abord très courts en ce qui concerne le secteur qui est ici. Il y a chaque fois des portages sur la gauche qui sont très faciles, de sorte que ce sont des tracés, un trajet de canot accessible à tous. Le désastre que causerait ce barrage est d'autant plus important pour nous que ces tronçons ou ces trajets de canot accessibles à tous sont extrêmement rares. On déclare parfois que ce genre d'activité de plein air est réservé à une certaine élite. Il est vrai que, si on pousse la spécialisation ou si on pousse ses capacités techniques assez loin, on peut devenir assez

habiles dans le passage de rapides beaucoup plus difficiles. Il y en a ailleurs sur cette rivière.

Cependant, il s'agit ici d'un tronçon et d'autres — et on pourrait regarder dans la région de Québec — accessibles à tous parce qu'ils ne sont pas extrêmement difficiles. C'est un tronçon de rivière accessible à tout le monde.

C'est à peu près tout ce que je voulais dire. Evidemment, nous sommes d'accord sur ce que tous les autres organismes ont pu dire concernant les valeurs d'ordre culturel, éducatif, biologique, physique, sentimental ou autre. Quant à la nature unique de la vallée, cela va sans dire également, et le fait qu'elle se trouve à l'intérieur d'un parc, à savoir le parc des Laurentides, cela, pour nous, est également très important. Cependant, nous avons cru devoir insister sur ce point très précis. La valeur récréative de la rivière Jacques-Cartier serait irrémédiablement compromise par l'érection d'un barrage sur la rivière.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: M. le Président, j'ai une question pour M. Leroux. Cela fait suite à un article qui a paru dans un certain journal. Je cite: "La Jacques-Cartier n'est pas praticable pour des sports comme le kayak ou le canot ou pour tout autre genre d'activités. D'ailleurs, l'armée a failli y perdre trois hommes dernièrement, lors d'exercices."

M. LEROUX: Cela me fait rire, M. le député.

M. TETRAULT: Je sais qu'elle est appelée la mangeuse d'hommes. Est-ce que vous pourriez commenter cette déclaration? D'une manière, l'on dit que trois soldats ont manqué y perdre la vie et vous, avec les dépliants du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, publiés en 1971, vous dites que c'est une rivière très dangereuse mais praticable. Selon votre mémoire, c'est complètement le contraire!

M. LEROUX: Voyez-vous, sur chaque rivière, il y a des tronçons praticables, accessibles à tous et d'autres tronçons où il y a des chutes. Evidemment, on ne conseille pas aux gens de s'engager dans des chutes, en canot, il y a des rapides plus difficiles, moins difficiles et, sur une carte-guide, on indique la classe des rapides, on indique l'existence de chutes, etc. Sur le tronçon en question, il n'y a pas de chute. Les plus gros rapides sont des rapides moyens, de classe trois, c'est-à-dire passables par des gens assez habitués en canot ouvert. Autrement, ils peuvent toujours portager parce que les rapides sont courts. Donc, pour ce qui est de ce tronçon, il n'est pas question de noyer qui que ce soit. Pour ce qui est des gens de l'armée, je voudrais peut-être humblement leur suggérer de venir à nos stages de formation et nous pourrions peut-être leur donner quelques cours d'initiation au canotage!

M. HOUDE (Fabre): Ce serait plus embêtant si c'étaient des gars de la marine !

M. LOUBIER: C'étaient peut-être des gars de la réserve !

M. LEROUX: Je me suis laissé dire qu'ils essayaient de franchir la rivière en radeau, enfin.

M. HOUDE (Fabre): Oui, avec des bottines dans les pieds!

M. LEROUX: Je crois que cette affirmation est purement fantaisiste et cette carte le prouve, à mon avis.

M. LESSARD: Trop bu d'eau! M. LEROUX: Peut-être.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE (Arthabaska): Combien la fédération québécoise représente-t-elle de membres?

M. LEROUX: Je suis heureux que vous me posiez cette question-là, parce qu'on nous la pose assez souvent et que c'est effectivement une question dont la réponse est assez difficile.

La représentativité de la fédération, à notre avis, ne se présente pas uniquement au niveau de membres, de clubs... Je vais répondre à votre question, mais je voudrais peut-être ajouter quelque chose. La fédération regroupe, d'une part, des clubs de canotage, de canot-camping et de canot et kayak. Il y a actuellement, au sein de la fédération, douze clubs. Les membres dans chaque club, le nombre de membres varie entre 50, 100, 150, 200. Peut-être pourrions-nous estimer le nombre total de membres de clubs affiliés à la fédération à autour de 1,000 ou 2,000 membres. Maintenant, il reste quand même que la fédération a un mandat du Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports, pour développer les activités canotage, canot-camping et canot et kayak. A ce titre, nous avons mis sur pied des programmes d'initiation qui s'adressent, par exemple, à l'Association des camps du Québec où il se fait énormément de canotage. Il y a 100,000 jeunes qui passent dans les camps de jeunes chaque été et la majorité de ces camps offrent l'activité canotage. Les scouts également s'adressent à nous pour obtenir de l'expertise concernant l'installation de bases, etc. Nous pensons représenter l'activité de canotage au Québec.

M. MASSE (Arthabaska): Mais ce n'est pas tellement le nombre de membres de votre fédération qui m'intéresse comme le nombre d'adeptes que l'on peut trouver au Québec, ceux qui pratiquent le canot, mais dans des endroits aussi difficiles, par exemple.

M. LEROUX: Dans des endroits difficiles où il y a effectivement peu de gens, mais je continue de maintenir que le tronçon de rivière dont il s'agit ici n'est pas un tronçon difficile. Par exemple, si je peux donner d'autres exemples, au parc La Vérendrye ou à la réserve La Vérendrye, je ne voudrais pas soulever de débat sur cette question, on a aménagé des routes de canot-camping qui sont présentées sous forme de cartes-guides et qui comportent des rapides, des portages et des passages pas plus difficiles qu'ici. Par exemple, en 1971, il y avait 8,000 jours de canotage qui s'étaient effectués dans ce parc.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. HARVEY (Chauveau): Dans la région métropolitaine de Québec, est-ce qu'il y a d'autres rivières et d'autres lacs que vous empruntez également pour ces sports, ces loisirs?

M. LEROUX: Dans la région de Québec, il y a effectivement peu de rivières accessibles à tous. C'est un peu la difficulté. On peut parler de la rivière Saint-Charles, par exemple, où les problèmes d'accessibilité ne sont pas non plus tellement résolus.

M. LESSARD: Max Gros-Louis est déjà en accusation pour avoir fait du canotage.

M. LEROUX: Max Gros-Louis ne peut pas faire de canot sur la rivière Saint-Charles. Nous espérons un jour pouvoir faire du canot sur la rivière Saint-Charles. Enfin, n'entamons pas ce débat; c'est un autre débat.

M. HARVEY (Chauveau): A l'intérieur du parc également, dans la région métropolitaine.

M. LEROUX: Dans la région métropolitaine, on pourrait parler de la rivière aux Ecorces qui est également dans le parc des Laurentides. On pourrait parler d'autres rivières, mais là, il faut aller tout de suite très loin. Par exemple, la rivière Sainte-Anne, la rivière Batiscan, la rivière du Loup sont des rivières qui sont à cent milles de Québec, qui offrent, peut-être chaque fois une trentaine de milles de canotage, mais, effectivement, un trajet de canot, disons de 20 milles, accessible à tous est extrêmement rare.

M. HARVEY (Chauveau): En quoi un barrage pourrait-il réduire le "thrill" des amateurs de canotage? Pourrait-il entrer en court-circuit?

M. LEROUX: II s'agit essentiellement de faire la distinction entre faire du canot sur une rivière et faire du canot sur un lac. C'est là qu'est essentiellement la distinction, si vous voulez. Quand vous descendez une rivière, vous avez le sentiment de revivre un peu l'aventure canadienne ou l'aventure québécoise. Vous êtes un peu seul avec la nature. Entre deux rapides, vous êtes vraiment en possession de beaucoup de choses. Si vous vous baladez sur un lac, c'est une activité intéressante peut-être, mais qui ne présente pas le même intérêt pour les vrais adeptes de canotage. Sur un lac, on peut y aller à moteur, à voile. Les gens ne viendront certainement pas de Montréal, par exemple, pour aller faire 20 milles de canot sur le lac. Comment l'appellerait-on? Je pense qu'on n'aura pas à lui donner un nom, mais enfin, les gens de Montréal n'iront pas sur ce lac. Or, présentement, je suis de Montréal et je suis déjà allé en 1971 faire la descente de la rivière Jacques-Cartier.

M. HARVEY (Chauveau): Merci.

M. LESSARD: C'est le même "thrill" qu'entre faire de la chaloupe à moteur et faire du canot. C'est différent.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député d'Abitibi-Est.

M.TETRAULT: M. le Président, ma question s'adresse à M. Leroux. C'est seulement pour éclaircir une situation. Suite aux commentaires sur d'autres rivières dangereuses, j'aimerais que vous puissiez peut-être donner des cours gratuitement au député de Chauveau qui a fait cette belle déclaration que les militaires perdaient même la vie.

M. LEROUX: Cela nous fera plaisir de le recevoir lors de nos stages. Je vous remercie, M. le Président.

M. HARVEY (Chauveau): Je pourrait peut-être, pour le bénéfice du député d'Abitibi-Est, lui produire le rapport de l'armée canadienne.

M. LESSARD: Est-ce que le député de Chauveau avait pris ses informations au cabinet cette fois-ci?

M. HARVEY (Chauveau): Si cela vient du fédéral, c'est sûr que je ne pourrai jamais vous convaincre.

M. LESSARD: Mais est-ce qu'il avait pris ses informations auprès...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Je remercie les gens de la Fédération québécoise du Canot-Kayak Inc. Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada. Est-ce que les délégués sont ici?

Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada

M. ROSS: M. le Président, je m'appelle Donald Ross. Je suis membre de l'Association

des parcs nationaux et provinciaux du Canada. Est-ce que je parle trop haut?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Allez, allez.

M. ROSS: Et on m'a demandé de lire le résumé, en l'absence du directeur exécutif.

The National and Provincial Parks Association of Canada appreciates greatly the opportunity to express its views at this important public hearing. NPPAC was incorporated under federal charter in November 1963 as an educational, non profit organization primarily: 1.to encourage the protection and preservation of parks having outstanding natural and/ov historic significance; 2.to promote public appreciation and understanding of values of these parks and the problem of maintaining them for use and enjoyment without impairment; 3.to promote the expansion and development of national and provincial parks systems to meet both present and future needs.

The association operates through a national office in Toronto and provincial and regional chapters or committees in other parts of Canada. Its present membership is approximately 2,500. Among the 28 directors of the association, three are from the Province of Quebec.

Earlier this year, NPPAC was urged by several of its members in Quebec to look into and take a position on the proposal by Hydro-Quebec to dam the Jacques-Cartier river for power production purposes. On February 13th, we wrote to Premier Bourassa expressing our concern about the proposal and urging him to intervene to prevent it from going ahead.

We were greatly heartened, therefore, by the subsequent announcement by the honourable Claude Simard that Hydro-Quebec would not be granted the permission it sought to dam and flood the river valley within the Laurentides provincial park. It is disappointing that Hydro-Quebec is deciding to press its case in spite of Mr. Simard and the fact that every environmental argument is against it.

Attention has already been drawn to the great potential of the Jacques-Cartier valley in its natural state from a cultural, educational, biological, physical and recreational point of view by prominent scientists and conservation organizations in Quebec. Because of its outstanding natural features and accessibility to the large and growing urban population of Quebec City and region, the Jacques-Cartier river has been described by the Quebec Council of Environment Inc. as a unique site.

This issue, therefore, is important not just to Quebec, but to all of Canada. For this reason, the National and Provincial Parks Association of Canada strongly recommends that the Government of Quebec reject entirely the proposal of Hydro-Quebec and instead takes step immediately to develop a management policy for the watershed that will permanently protect it and help realize its enormous educational, scientific and recreational potential for the benefit of this and future generations.

Respectfully submitted, Gavin Henderson, executive director, National and Provincial Parks Association of Canada.

Thank you.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Thank you very much, Mr Ross. Are there any questions? The member for Abitibi-East.

M. TETRAULT: Mr Ross, close enough, another environmental problem with the James Bay project. Your association, the NPPAC, took an active part in this. Of what is it composed, which are the members of this association and do you usually take part in such projects that are across Canada or do you only have taken part specifically in this Jacques-Cartier project?

M. ROSS: During the last ten years that this is taken issue on numerous other projects and I am rather a new member in this and I am not going to put my foot in it by quoting any special ones, but it has been one of its main features, of course, is the promotion, the publicity of these various issues as they come up and taking them not only in our own province but in other provinces too to make them aware of the fight that is going on here to encourage them in their own.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Are there any further questions?

M. DRUMMOND: Did you study Hydro's plans for the development of a park in the interior? Personnally?

M. ROSS: Well, our organization, yes. You will get a more I would say intelligent answer probably if you submit your question to either Dr. J. Bédard or Gilles Lemieux. They are aware of what has been done in that matter as well as I do.

M. DRUMMOND: You just stopped supporting them basically, on the basis of the studies that they have made?

M. ROSS: No. I am doing this on the basis of what the society has done itself. But, as you see, in the absence of the executive director, I am reading the report at his request.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Any other questions? Thank you very much, Mr. Ross.

M.HARVEY (Chauveau): In last February, you recommended to the Prime Minister and the Cabinet to increase research about this project. What do...

M. ROSS: Was that not the...

M.HARVEY (Chauveau): In last February.

M. ROSS: That was IFC, was it not.

M. HARVEY (Chauveau): Yes. Last February, you recommended to increase research to obtain more explanations on rentability positions from the Hydro-Quebec before taking position?

M. ROSS: Yes. And it was also the case of several other groups. L'Institut des Forestiers Canadiens also. What was your question, Sir?

M. HARVEY (Chauveau): In its last position in February, APNNC recommended to the Quebec Government to make further studies about the rentability of the program set up by Hydro-Quebec.

M. ROSS: That was, in your opinion, a good move, was it not?

M. HARVEY (Chauveau): Yes. But did you receive any answer?

M. ROSS: I do not know.

M. HARVEY (Chauveau): No?

M. LOUBIER: In referring to the letter written by Mr. Nelson, your president, on February 13th, did you receive an answer from the Prime Minister?

M. ROSS: No. I do not believe we did. I may be wrong but...

M. LOUBIER: But your position was to establish an independant review committee to hold public hearings on Hydro-Quebec's proposal.

M. ROSS: In the letter to the Premier Bourassa?

M. LOUBIER: Yes.

M. DRUMMOND: Does your association have any ideas, have any recommendations about the operations inside provincial parks?

M. ROSS: They are certainly taking that into consideration. I have no doubt, because it is not unique to this situation.

M. DRUMMOND: It is not unique to the situation, but nevertheless we are talking to a certain degree about your interest into provincial, national and federal parks.

M. ROSS: Yes.

M. DRUMMOND: ... and federal park's policy. I was just wondering if your organization has a...

M. ROSS: Once again, I am sorry. I wish I could tell you that. I am not at all sure. But your question concerning...

M. HARVEY (Chauveau): Is your position a personal position?

M. ROSS: My personal position?

M.HARVEY (Chauveau): Yes. Or does it include your Association? That is the question.

M. ROSS: What is the question concerning my personal position?

M. HARVEY (Chauveau): Is your personal position including this submission?

M. ROSS: Yes, very much.

M. HARVEY (Chauveau): Thank you.

M. TETRAULT: Is it your association's position?

M. ROSS: Yes.

M. TETRAULT: Not only a personal position.

M. ROSS: No, I fully endorse this brief.

M. LOUBIER: But you are here to represent this association?

M. ROSS: Right. M. LOUBIER: O.K.

LE PRESIDENT: (M. Kennedy): Thank you very much, Mr. Ross. Nous allons maintenant entendre les représentants de la Fédération des clubs de montagne du Québec. M. Denis Gravel.

Est-ce que M. Gravel est ici?

M. LEROUX: Si vous le permettez, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est M. Leroux qui est le porte-parole.

Fédération des clubs de montagne du Québec

M. LEROUX: De nouveau, moi-même. M. Gravel est sans doute dans l'incapacité d'être ici, de même que tout autre porte-parole. J'ai toutefois voyagé de Montréal à Québec avec les porte-parole de cette fédération et essentiellement, le mémoire qu'elle soumet ressemble beaucoup au nôtre dans son esprit. Ce que la

Fédération de clubs de montagne du Québec dit, c'est que d'abord cette vallée appartient aux grimpeurs à cause de son caractère unique, ses parois extraordinaires qui fusent de toutes parts; cela appartient aux grimpeurs et elle refuse de la céder à qui que ce soit.

Si vous permettez, je pourrais vous lire également le mémoire. On pourrait en même temps faire d'une pierre deux coups. Il s'agit de trois autres fédérations, effectivement, qui n'ont pas de porte-parole non plus, je crois. Elles sont inscrites sous le numéro 21 M. Il s'agit de l'Association des clubs de randonnée pédestre du Québec, Ski-Québec, discipline nordique et la Fédération des clubs de ski du Québec.

M. LESSARD: Moi, je soumettrais, M. le Président, étant donné que cela rejoint probablement les mêmes préoccupations que le club de montagnes, que votre association de canotage et que nous avons reçu ces mémoires, que nous avons — je l'espère en tout cas — dû en prendre connaissance... Je pense que s'il y a certains membres qui veulent poser des questions précises sur ces mémoires... Pour ma part, je ne sens pas qu'on ait besoin d'en faire la lecture. Je pense bien que cela rejoint les mêmes préoccupations que vous avez données tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je suis d'accord.

M. LESSARD: II y a d'autres groupes, d'ailleurs...

M. TETRAULT: Dans le mémoire de la Fédération des clubs de montagne du Québec, si le projet de l'Hydro-Québec se fait, les clubs de montagne du Québec, dans la partie qui ne sera pas touchée par le projet de l'Hydro-Québec, est-ce que vous allez pouvoir continuer à faire la même sorte d'activité ou si les vraies belles montagnes sont strictement à l'endroit où l'Hydro-Québec fait son projet?

M. LEROUX: Je pense que pour eux, pour les grimpeurs, la vallée fait un tout, d'abord. D'autre part, il faut dire que, pour la partie qui sera inondée, c'est-à-dire en aval du Scottora, du pont des 12 milles, il y a là des parois que les grimpeurs utilisent assez fréquemment qui ne seront plus accessibles parce que le fond du bassin sera inondé et le début des parois sera, à partir de ce moment, dans l'eau. On ne va pas faire de l'escalade en bateau. Il faudrait faire de l'escalade en scaphandrier.

Pour ce qui est de la partie supérieure de la vallée, je pense que les grimpeurs seront tout simplement désintéressés de la vallée et qu'ils n'iront plus grimper dans cette région.

M. TETRAULT: Comme présentement la totalité de leurs activités se fait en bas où ce sera inondé pour le projet de l'Hydro.

M. LEROUX; Non, je crois qu'il serait inexact de dire qu'ils ne grimpent ou qu'ils ne marchent que dans cette section; ils marchent sur toute la section, y compris les vallées intermédiaires.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Y a-t-il d'autres questions?

M. SIMARD (Richelieu): S'il vous plaît, M. le Président, je voudrais tout simplement savoir par curiosité combien de gens au Québec pratiquent ce sport? Approximativement, s'il vous plait.

M. LEROUX: La Fédération des clubs de montagne prétend regrouper 8,000 membres actuellement à travers ses clubs, qui sont à peu près une quinzaine. Il faudrait lui demander, à elle, de le démontrer, mais je crois' que c'est à peu près vrai.

M. SIMARD (Richelieu): Environ 8,000.

M. LEROUX: Mais encore une fois, c'est un peu la même chose que pour la Fédération de canot-kayak, il s'agit de 8,000 membres dans des clubs mais les gens qui marchent, qui grimpent, qui courent dans la forêt, il y en a beaucoup plus que 8,000 et surtout il y en aura beaucoup plus à partir de maintenant.

M. SIMARD (Richelieu): Est-ce que je pourrais vous demander, par rapport à il y a peut-être cinq ans ou dix ans, quelle est l'augmentation en pourcentage, si vous voulez, par année, ces dernières années?

M. LEROUX: Je pense que les fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche doivent disposer d'excellents chiffres sur ce genre de données. Par exemple, en ce qui concerne la participation à des activités de canot-camping au parc La Vérendrye, je sais que les statistiques sont assez effarantes et que la participation double à chaque année. Il faudrait avoir également les statistiques concernant le ski de fond, par exemple, en hiver, dans la région de Québec; je pense que c'est assez éloquent. Je ne dispose pas, malheureusement de chiffres exacts. On ne nous a pas donné beaucoup de temps pour préparer nos mémoires et notre présentation. Je pense également qu'une fois que le bassin de la vallée de la rivière Jacques-Cartier aura été préservé de façon définitive, il faudra penser, pour ce genre de vallée, comme pour d'autres sites ailleurs, à un aménagement qui permettra à toute la famille québécoise ou à tous les gens, d'y accéder et à ceux qui veulent avoir des activités physiques un peu plus poussées, de le faire également dans des sites potables. Donc, il y a des problèmes d'aménagement. Il faudra que les fédérations de plein air soient consultées lorsqu'on fera cet aménagement.

M. SIMARD (Richelieu): Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Leroux. Je m'excuse, encore une fois, mesdames et messieurs, nous devons suspendre pour quelques moments. Nous reviendrons avec le Conseil régional des loisirs de Québec.

(Suspension à 21 h 37)

Reprise de la séance à 21 h 50

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs. Nous reprenons les travaux de la commission. Cette fois, nous entendrons le Conseil régional des loisirs de Québec, représenté par M. Michel Fleury, directeur général.

Dépôt de documents

M. HARVEY (Chauveau): A la suite de l'audition du Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier et des questions qui ont suivi, j'avais promis de déposer un rapport concernant la signature des maires de la région de la Communauté urbaine de Québec, dans lequel il est question de l'aménagement. Alors, je le dépose pour les membres de la commission.

M. TETRAULT: Est-ce que c'est un rapport?

M. HARVEY (Chauveau): Non, je n'ai pas parlé de rapport, c'est un document signé par les maires.

M. TETRAULT: Sur le dépôt de document que le député de Chauveau veut faire, est-ce que c'est le document dont on a parlé ce matin avec...

M. HARVEY (Chauveau): C'est celui dont moi j'ai parlé.

M. TETRAULT: Dont vous parlez, "on" exclut la personne qui parle, en français. Donc, c'est la signature des maires. C'est ce document?

M. HARVEY (Chauveau): Je vais vous en lire un extrait, si vous voulez, mais je pense...

M. TETRAULT: On en prendra connaissance.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Prenez-en connaissance.

M. TETRAULT: M. le Président, j'aimerais déposer un contre-document, signé par les mêmes maires sur la même motion, qui accepte exactement ce que le comité pour la défense de la Jacques-Cartier a cité ce matin.

M. HARVEY (Chauveau): Je suis d'accord pour que vous le déposiez.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... au registre et si les membres, les opinants intéressés, désirent en avoir des copies, nous pourrons, d'ici la fin de la séance, en faire faire des photocopies.

M. LESSARD: M. le Président, les gens de ma région ne m'ont rien dit et ne m'ont rien

donné. Ils ne m'ont pas donné de représentativité pour parler à leur place.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Nous procédons.

M. LOUBIER: Excusez-moi, dans quel but le député...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): ... il avait été entendu ce matin que...

M. HARVEY (Chauveau): Ce matin, lorsqu'on a relevé une phrase énoncée dans le mémoire présenté par le comité de la Jacques-Cartier, il était dit qu'ils ont également demandé que la Jacques-Cartier ne soit pas l'objet d'un aménagement récréatif quelconque, ainsi de suite. Alors, sur le document que vous avez, on dit que la vallée de la Jacques-Cartier représente effectivement un endroit où il est possible de faire de l'aménagement récréatif. C'est cette assurance qu'ils voulaient avoir. Dans l'autre document, il s'agit de faire entendre les parties qui s'opposent et les parties qui... Les maires de la région de Québec ne sont pas...

M. LOUBIER: Sur un point de règlement, M. le Président. Ce sont les mêmes documents qui sont déposés des deux côtés.

M. HARVEY (Chauveau): Ce n'est pas la même tête de chapitre, si vous voulez.

M. TETRAULT: C'est la même chose. M. LOUBIER: C'est la même chose.

M. HARVEY (Chauveau): C'est la même chose. Ce n'est pas moi qui ai amené la confusion, M. le Président.

M. TETRAULT: II y a confusion entre ce que vous avez dit et ce qui est écrit.

M. HARVEY (Chauveau): Vous n'avez qu'à lire les débats.

M. TETRAULT: Vous avez été mal cité.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous avons convenu ce matin que ce document serait mis à la disposition des opinants.

M. LOUBIER: Question de privilège, je ne voudrais pas qu'on ait l'impression, dans le public, que les maires se sont contredits. Ils manifestent leur inquiétude, point. Ils insistent, dans un paragraphe, sur l'importance de conserver l'intégrité des parcs. Par ailleurs, il y a un autre paragraphe où il est question que, si ce projet... Tout est au conditionnel. Il n'y a pas de contradiction entre les déclarations des maires.

M. HARVEY (Chauveau): II est déposé parce que, ce matin, quelqu'un a semblé vouloir en faire de la contradiction. Alors, j'ai déposé le document à titre d'information.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous reprenons les auditions avec le Conseil régional des loisirs de Québec.

Conseil régional des loisirs de Québec

M. FLEURY: M. le Président, MM. les membres de la commission, après avoir entendu, toute la journée, des organismes et des individus qui sont venus présenter leurs propos, c'est un peu du réchauffé que je vais essayer de vous livrer. Mais vous me permettrez, étant mandaté par mon organisme, de vous le livrer en toute honnêteté.

D'abord, un mot sur le Conseil régional des loisirs de Québec, ce que c'est. Le Conseil régional des loisirs est un organisme privé, à but non lucratif, qui obtient, pour subsister, des moyens financiers de la part du Haut-Commissariat et d'autres organismes. Le conseil régional a pour tâche — c'est voulu par ses membres — d'aider les organismes dans leur développement afin de rendre accessible à la population du territoire de la région 3 tout le secteur de la récréation.

Quand on parle du territoire de la région 3, on parle du territoire de la région administrative no 3 moins le territoire de la régionale scolaire du Grand Portage. Vous comprendrez qu'il est de l'intérêt des organismes de loisirs et du conseil régional de vouloir garder les espaces accessibles à la population, peut-être pas pour demain matin, mais pour après-demain. Or, pour la journée...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. Fleury, est-ce que ce serait trop vous demander de vous limiter à lire les conclusions? Je crois que, dans votre mémoire, vous avez des recommandations ou des conclusions précises. Est-ce qu'on pourrait se contenter de ça, comme vous l'avez mentionné tantôt?

M. FLEURY: J'étais rendu là.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Dans ce que vous avez à dire, il n'y a peut-être pas tellement de nouveau ou vous endossez plutôt les mémoires que nous avons entendus antérieurement?

M. FLEURY: On endosse les mémoires qui ont évidemment été présentés antérieurement mais on tient quand même à rappeler que des sites récréatifs dans la région de Québec il y en a, mais celui de la Jacques-Cartier est particulier. On a fait valoir dans d'autres mémoires que ce site sur le plan touristique, par exemple, ou simplement sur le plan géomorphologique, était unique. Là-dessus, on dit et on recommande à la commission:

Que la vallée de la Jacques-Cartier soit immédiatement protégée et conservée intégralement, à tout prix, à son état naturel avec des possibilités récréatives qui ne viennent en aucune façon altérer ces lieux.

Que ce territoire soit développé avec une orientation de conservation, de récréation de plein air, au plus grand avantage de toutes les classes de la population du Québec métropolitain, et ceci en tenant compte des multiples facteurs qu'il faudrait respecter, entre autres, la beauté du site, son aspect écologique.

Que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités à cet égard quant à la conservation intégrale du patrimoine québécois sans accepter de compromis avec l'Hydro-Québec.

Il y a, dans notre mémoire, un deuxième aspect qui se veut succinct. Il y a une question de respect de loi. On a fait état, au cours de la journée, du fait que la province de Québec a des lois concernant les parcs et notre mémoire est à cet effet. Si on se retourne vers nos confrères américains, où j'ai eu le plaisir de faire un voyage qui fut fort instructif, où j'ai appris, entre autres, que dans un parc national américain, pour couper un arbre, cela prenait une permission écrite du gouverneur de l'Etat, bien, je me dis: Ici, au Québec, on n'est peut-être pas rendu encore là. Mais il reste que c'est une richesse naturelle qui sera sans doute monnayable aux Américains d'ici peu de temps, si on pense que les préoccupations des grandes villes de la côte est américaine sont de faire respirer leur monde et de leur faire boire de l'eau pure.

Ceci dit, on prie instamment le conseil des ministres de n'abroger d'aucune façon la Loi des parcs provinciaux, section 1, en vue de permettre à l'Hydro-Québec l'exploitation d'une centrale électrique et les conséquences qui en découlent.

On suggère au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche que cette loi, section 1, soit respectée.

On suggère au ministère des Terres et Forêts que les terrains de la vallée supérieure de la Jacques-Cartier, situés en dehors des limites du parc, restent propriétés de la couronne.

Dans notre mémoire, quant aux aspects futurs, on n'a évidemment pas les données nécessaires aujourd'hui sur les besoins, par exemple, des agglomérations urbaines. Je pense à la région de Québec qui va doubler de population d'ici trente ans. Est-ce qu'on a les études nécessaires pour se prononcer?

M. Lemieux, ce matin, faisait état que 85 p.c. des gens, qui ont des activités de récréation, circulent en voiture et admirent des sites. Peut-être que, dans vingt ans, ces besoins seront dépassés parce que probablement on n'aura plus d'espace sur les routes pour circuler ou on n'aura peut-être plus d'essence à mettre dans les voitures. De toute façon, à ce moment, il s'agira de trouver des moyens. Mais quant aux besoins futurs des agglomérations urbaines qui entourent la région spécifique de Québec, c'est un point d'interrogation. Deuxièmement, si on pouvait mettre des chiffres quant à l'apport économique de l'aménagement touristique de la vallée de la Jacques-Cartier, on serait peut-être en mesure de prendre une décision plus éclairée. Est-ce qu'il sera plus avantageux de conserver ce site pour permettre aux touristes d'aller le voir et de fournir, de ce fait, un apport économique à la région de Québec, tout en espérant que ce soit fructueux.

Ceci tout simplement pour dire qu'il y a des gens qui font des milliers de milles pour voir à Sainte-Anne-de-Beaupré. Je ne verrais pas pourquoi des gens ne viendraient pas voir un site unique qui peut se comparer au Grand Canyon aux Etats-Unis.

Dans ce sens, que des études approfondies soient faites sur l'utilisation rationnelle des terrains de la vallée supérieure de la Jacques-Cartier et ceci pour le mieux-être de la population métropolitaine. Que l'Hydro-Québec, malgré ses besoins en termes d'énergie, en arrive à d'autres solutions qui ne viennent pas à l'encon-tre de la conservation de cette richesse naturelle, unique et inviolable située à proximité de l'agglomération urbaine du Québec métropolitain. Que le ministère du Tourisme, service des parcs, entreprenne une étude approfondie sur l'aménagement de ce secteur du parc dans le but de déboucher sur une contrepartie objective à la proposition de l'Hydro-Québec sur son projet de l'aménagement dit récréatif qui n'est en réalité qu'une façon de tromper la population et de détruire une partie de notre héritage naturel et socio-culturel des Québécois.

Quant à l'Hydro-Québec, elle-même, on comprend que l'Hydro-Québec a besoin d'électricité à des heures de pointe et, dans ce sens, on n'est pas contre le fait qu'il y ait des aménagements hydro-électriques, que ce soient des turbines à gaz, que ce soit un barrage, mais pas sur la Jacques-Cartier. Et dans ce sens, on suggère à l'Hydro-Québec de penser que des vallées comme celle de la Jacques-Cartier ne se trouvent pas à toutes les intersections des routes dans la périphérie de Québec, qu'en détruisant ce site, on détruit l'une de nos richesses naturelles régionales permanentes au détriment d'une valeur temporaire. C'est un héritage socio-culturel qu'il faut conserver. Il n'y a aucune solution de compromis avec cette vallée. Il y a sûrement d'autres sites propices à l'énergie électrique ou d'autres solutions, sans pour autant affecter nos richesses naturelles d'ordre socio-culturel et même économique, si on touche à l'aspect touristique.

Et enfin, là-dessus, c'est une question de principe, on demande qu'une nouvelle loi, claire et précise, concernant les parcs provinciaux, soit votée au plus tôt au niveau de l'Assemblée nationale afin d'éviter ainsi le danger des sangsues parapubliques ou privées qui tenteraient d'exploiter les faiblesses de la loi actuelle des parcs nationaux au détriment de la population québécoise. Pour sortir de ce contexte,

pour donner simplement des exemples, que l'on pense à Place Mérici, qui n'est pas loin du parc des Champs de bataille, que l'on pense à l'hôtel qui est tout près d'ici, qui va profiter de l'espace vert pour des intérêts bien privés. Or, c'est ce qui résume la position du Conseil régional des loisirs de Québec.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Fleury. Est-ce qu'il y a des questions?

M. TETRAULT: M. Fleury, présentement, ce que l'on peut se demander avec votre rapport, c'est que vous pensez qu'à l'heure actuelle, dans une deuxième ceinture verte autour de la province de Québec, vous allez manquer d'espaces verts à l'avenir. Est-ce que c'est comme cela que l'on peut résumer un peu, qu'il faut tout garder ce que l'on a?

M. FLEURY: Ecoutez, je dois bien vous avouer que l'on n'est pas allé dans les moindres détails dans notre étude. On s'est arrêté à une position de principe et sur une approche assez empirique, n'ayant pas les moyens d'aller plus loin, mais étant avec la population et étant avec la population intéressée au secteur du loisir d'une part et regardant ce qui se passe ailleurs, il nous appert, en tout cas, pour un aspect qui est celui des espaces verts, qu'il est important de conserver cette vallée mais aussi sur le plan touristique, parce que, cette vallée, elle est unique. Si on pouvait mettre un contrepoids à ces deux aspects, on dirait que l'aspect touristique, l'aspect économique de ce site, je pense, vaut toutes les argumentations quant à l'accessibilité sur le plan de la récréation.

M. LESSARD: Même si l'on avait en quantité, dans la région de Québec, des espaces verts et étant donné ce site unique de la vallée de la Jacques-Cartier, vous seriez quand même contre le fait de perdre ce site exceptionnel.

M. FLEURY: Evidemment, on serait contre.

M. LESSARD: Ce n'est pas une question de quantité, c'est une question de qualité.

M. FLEURY: Exactement.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, dans votre optique, est-ce qu'il s'agit d'ouvrir le parc ou cette vallée au grand public ou si c'est plutôt d'accès limité?

M. FLEURY: C'est en fait utiliser le parc d'une façon rationnelle en parlant d'un zonage approprié qui permettrait, en particulier à cette région de la vallée de la Jacques-Cartier, d'avoir une vocation particulière et qui s'insérerait dans l'ensemble de tout le parc, qui pourrait avoir d'autres vocations à d'autres endroits. Ce n'est pas pour autant ouvrir le parc. Il s'agit de rendre accessible au moins cette partie du parc qui nous apparaît comme étant unique, et inutile de revenir sur l'argumentation qui a prévalu toute la journée.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, il n'y a pas d'autres questions?

M. SIMARD (Richelieu): Une dernière question, si vous me permettez, M. le Président. J'ai cru entendre tout à l'heure, de votre part, que les parcs nationaux allaient au détriment des touristes québécois. Est-ce que vous pourriez en parler davantage?

M. FLEURY: Est-ce que vous pourriez répéter votre question?

M. SIMARD (Richelieu): Vous avez dit, je pense, tout à l'heure — enfin, c'est ce que j'ai compris, j'ai peut-être mal compris — que les parcs nationaux allaient au détriment des touristes québécois.

M. FLEURY: Je n'ai pas dit... Je ne le sais pas...

M. SIMARD (Richelieu): Vous vouliez peut-être dire les parcs provinciaux.

M. FLEURY: Je ne pense pas avoir dit que les parcs allaient au détriment du tourisme québécois. En tout cas, ce que j'ai dit, en fait, c'est qu'on a des parcs, ils sont de plus en plus accessibles, si on pense à la motoneige, si on pense au ski de fond, dans les réserves comme celles du parc des Laurentides. Mais il faut, je pense, rendre encore plus accessible, dans des secteurs bien donnés, avec un bon contrôle, le parc à d'autres aspects intéressants.

M. SIMARD (Richelieu): D'accord.

M. FLEURY: C'est un début, en fait. Si on se réfère à une argumentation d'aujourd'hui — je ne me souviens plus qui — où on disait que la Loi des parcs remonte à — je ne le sais pas — peut-être cinquante ans ou cent ans, c'est évident qu'aujourd'hui, ça n'a plus la même signification que ça avait il y a cent ans. Mais la question est toute là: Quelle signification cela aura-t-il dans cinquante ans d'ici? Et c'est là que c'est important à considérer, je pense.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, nous vous remercions M. Fleury.

M. FLEURY: Merci beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): C'est maintenant au Casting Club de Québec, M. Phil Leduc.

Casting club de Québec

M. LEDUC (Phil): M. le Président, messieurs les membres de la commission, le Casting Club de Québec a été fondé il y a 31 ans et est composé de pêcheurs, de chasseurs, amants de

la belle nature. Maintenant, nous avons une revue qui s'appelle l'Appât dans laquelle nous publions des chroniques ou des articles qui, habituellement, sont composés par des membres de notre organisme.

Lors d'une assemblée régulière des membres du bureau de direction, le projet de la Jacques-Cartier, le projet Champigny est venu sur le tapis. Alors, unanimement, les membres ont voté de combattre ce projet et d'appuyer le Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier. L'éditorial que vous avez reçu est l'éditorial qui a été publié dans l'Appât du mois de janvier 1972. Si vous voulez que je le lise, je l'ai ici. Mais probablement que, pour gagner du temps, on n'est pas obligé de le lire. C'est une opinion qui a été émise par un conseil, c'est une opinion qui représente l'idée d'environ mille membres. Nous sommes tous de la région de Québec et nous profitons des espaces verts qu'il reste. On a parlé aujourd'hui de la rivière Saint-Charles, j'appellerais ça plutôt le canal Saint-Charles de la manière qu'ils l'ont aménagée ! Est-ce qu'on ferait la même chose avec la rivière Jacques-Cartier? Je ne suis pas un biologiste, je ne suis pas un ingénieur, je suis un amant de la belle nature et je prétends que nous pouvons laisser la nature de cette rivière telle qu'elle est puisqu'il a été prouvé que d'autres sites peuvent être aménagés par l'HydroQuébec. Je crois que la seule bonne chose que l'Hydro-Québec a faite dans l'histoire de la Jacques-Cartier, c'est de faire connaître cette belle rivière.

On la connaissait à Québec, la rivière. Nous, du Casting, on l'a fréquentée mais, par contre, les étrangers ne la connaissaient pas et merci à l'Hydro-Québec: aujourd'hui, cette belle rivière est connue. On va avoir de plus en plus de touristes qui vont venir la visiter et si, dans cinq ans, la commission se présente encore, on pourra dire qu'au lieu d'avoir 3,000 ou 4,000 personnes qui fréquentent cette rivière, on en aura peut-être 20,000 et ce sera merci à l'Hydro-Québec. Parce que je ne crois pas que l'Hydro-Québec ait la permission, que messieurs les députés vous donniez la permission à l'Hydro-Québec d'empiéter sur le territoire qui appartient aux amants de la belle nature.

M. HOUDE (Fabre): Ils seront 20,012.

M. LEDUC (Phil): 20,012? Merci, monsieur.

M. DRUMMOND: M. le Président, est-ce que je peux poser une question? Est-ce que vous pouvez parler pour vos membres en disant qu'ils seraient prêts à payer plus cher pour l'électricité si l'Hydro-Québec trouvait un autre site?

M. LEDUC (Phil): Je crois que, puisque nous nous sommes acheté des canots, des cannes à pêche, des fusils et toutes sortes de choses pour pratiquer les sports de plein air, on serait certainement en moyen de payer un peu plus cher pour l'électricité. Mais l'électricité... Vous savez, quand on va dans ces coins, on se contente d'un petit fanal, nous. On n'en a pas besoin, de cette électricité.

M. LESSARD: Avec de l'huile à mouche.

M. LEDUC (Phil): Avec de l'huile à mouche, peut-être.

M. LESSARD: Ou des mouches à feu.

M. LEDUC (Phil): On prend des mouches à feu.

M. LESSARD: Mais cela n'a pas été prouvé, ce que le ministre...

M. DRUMMOND: Je pose seulement la question par principe parce que cela, c'est la grande question d'une façon ou d'une autre.

M. LESSARD: Oui, d'accord.

M. DRUMMOND: Si cela coûtait plus cher, il faut juger les conséquences. Cela devient une décision sociale.

M. LESSARD: II s'agit justement que l'Hydro-Québec...

M. DRUMMOND: Non, non, d'accord. Je n'entre pas là-dedans, mais c'est peut-être la question primordiale d'une certaine façon. Si on veut sauver quelque chose, il faut peut-être payer pour. Mais ce n'est pas l'idée de payer pour...

M. LESSARD: II s'agit d'évaluer aussi, comme le disait le député de Fabre, ce que vaut la Jacques-Cartier au point de vue du tourisme et ce que sera l'augmentation, si augmentation il y a, du taux d'électricité, si l'Hydro-Québec n'aménage pas la Jacques-Cartier.

M. DRUMMOND: Mais même avec l'Hydro-Québec, la question du tourisme...

M. LEDUC (Phil): M. le Président, je n'avais pas fini mon exposé.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On ne vous avait pas enlevé la parole, non plus.

M. LEDUC (Phil): Pardon?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On ne vous a pas enlevé le droit de parole.

M. LEDUC (Phil): C'est-à-dire qu'il y en a qui m'ont posé des questions avant que j'aie terminé. Le Casting Club ne s'oppose pas seulement à l'aménagement de la Jacques-Cartier, mais également au principe d'aller dans les parcs. Les parcs, à notre idée, c'est inviolable.

Et si l'Hydro-Québec a la permission d'aller, premièrement dans le parcdes Laurentides par la voie d'en arrière, par la rivière Jacques-Cartier, dans dix ou cinq ans, on dira qu'on va aller à la rivière des Ecorces et à d'autres rivières; on ira ensuite dans le parc de La Vérendrye et dans tous les parcs.

C'est un privilège qu'on va leur donner. Il ne faut pas! On en a perdu pas mal de privilèges jusqu'à maintenant. Je sais bien que, l'an dernier, je suis allé dans le parc. L'Hydro-Québec était passée sur un lac et avait laissé sur le bord assez de déchets comprenant des poutres, des boulons, des écrous et ainsi de suite. C'était de la pollution. Il y a un ministre de l'environnement qui y voit. Je peux le rencontrer, le ministre de l'environnement, et lui dire exactement à quel endroit il trouvera tous ces déchets qui ont été laissés par l'Hydro-Québec. Des barils de boulons et des barils d'écrous qui sont payés à même les deniers... Peut-être que cela va faire augmenter l'électricité, ce qu'on laisse dans les parcs. Cela se peut. On peut ramasser ces choses et les utiliser ailleurs. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions pour M. Leduc?

M. LOUBIER: Pour résumer, M. Leduc, vous signalez à l'attention de tous les membres...

M. LEDUC (Phil): Je suis contre!

M. LOUBIER: ... que vous êtes férocement contre...

M. LEDUC (Phil): Oui!

M. LOUBIER: ... mais en vous basant sur le principe de l'inviolabilité des parcs. Deuxièmement, vous prétendez également que c'est un site unique, etc.

Quant à la question posée par mon ami le député de Westmount, quant au coût de l'électricité, vous avez été prudent, mais cette question n'a jamais été soulevée, je pense ici, sauf peut-être par le président de l'Hydro-Québec, mais d'une façon très rapide.

M. LEDUC (Phil): Je crois que même si l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier n'est pas fait, si l'Hydro-Québec décide un jour d'augmenter le coût de l'électricité, elle va peut-être utiliser cet argument: Si vous nous aviez laissé construire le barrage de la rivière Jacques-Cartier, le coût de l'électricité n'augmenterait pas. Je ne pense pas que cela pèse beaucoup dans la balance.

M. LESSARD: On vient de l'augmenter.

M. TETRAULT: On ne nous a pas demandé si on était pour ou contre.

M. MASSE (Arthabaska): M. Leduc, je pense que, si vous aviez été ici à la séance de la commission des richesses naturelles, pour étudier l'augmentation des tarifs, ou plutôt, excusez, entendre la version de l'Hydro-Québec sur la Jacques-Cartier, on aurait vu que les choix ne sont pas si étendus que cela, et qu'en termes de coût par kilowatt, croyant les dires de l'Hydro-Québec, c'était, actuellement, le site qui était le moins dispendieux par kilowatt.

C'est pour cela que le ministre des Terres et Forêts a soulevé cette question tout à l'heure.

M. LESSARD: Une question qui me préoccupe est celle soulevée par le ministre des Richesses naturelles. S'il est réel que, lors de la commission parlementaire pour étudier l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, l'Hydro-Québec a présenté des chiffres en ce qui concerne, par exemple, des sites alternatifs, je voudrais bien les voir à cette commission, pas des chiffres lancés en l'air, des chiffres réels. Si ces chiffres existent, que l'Hydro-Québec les dépose. Lors de la séance du 3 mai, l'autre jour, j'ai demandé à maintes et maintes reprises à l'Hydro-Québec de me donner ces chiffres. L'Hydro-Québec refuse encore de nous les donner. Si l'Hydro-Québec les a, de grâce, qu'elle les sorte, parce que, comme le dit le ministre, c'est une question qui est fondamentale. Alors on pourra savoir combien cela coûtera pour conserver la Jacques-Cartier par rapport à l'aménagement d'un autre site. Après cela, il nous appartiendra de prendre la décision.

M. LOUBIER: Pour ajouter à ce que vient de dire le député de Saguenay, est-ce que le ministre lui-même est en position de nous donner la sélection faite des différents sites, parce qu'on a mentionné l'autre jour qu'il y avait une différence entre $185 millions et $300 millions ou quelque chose comme cela? Mais on n'a pas spécifié s'il y aurait un autre site que l'on pourrait aménager pour fins hydro-électriques et qui coûterait, supposons, $197 millions, un autre, $218 millions ou si c'est un chiffre comme cela qu'on a donné. Parce qu'on a dû se baser sur quelque chose pour arriver à dire que celui-là, c'est $185 millions et que cela pourrait aller chercher $300 millions. Mais si on n'a pas la localisation de ces sites et qu'on n'a pas ce chiffre précis pour chacun, comment voulez-vous que nous soyons en mesure, nous, les membres de la commission et le public en général, d'apprécier véritablement cet argument que l'on a présenté?

M. MASSE (Arthabaska): Je pense qu'à cette commission parlementaire le député de Saguenay et moi-même avons demandé cette liste comparée. Je pense qu'on pourra probablement entendre les représentants de l'Hydro-Québec et leur poser à nouveau la question. Mais pour revenir aux affirmations du député de Saguenay, il sait très bien que l'électricité de pointe dont nous avons besoin au Québec est pour 1979. Je me base sur les affirmations de

l'Hydro-Québec à la dernière séance de la commission parlementaire, que c'est le seul projet, actuellement, dont les études sont suffisamment avancées, par rapport aux autres sites aménageables, je me base sur cela pour l'affirmation de tout à l'heure, que d'ici à 1979 — je ne prends pas position — si la Jacques-Cartier n'est pas aménagée, il faudra trouver une forme de production d'électricité autre que les centrales à réserve pompée, selon ce que j'ai compris lors de la dernière séance de la commission parlementaire.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je demanderais aux membres de la commission de peut-être attendre que les gens de l'Hydro-Québec se présentent — j'espère que nous pourrons les entendre — pour parler de ces questions de tarif qui leur seront soumises.

M. LEDUC (Phil): Pour terminer, vu le geste utile de l'Hydro-Québec de faire connaître la Jacques-Cartier, de grâce, qu'on nous laisse la Jacques-Cartier! Après l'avoir fait connaître au public, on ne peut pas la lui enlever.

Au moins, attendez dix autres années pour qu'ils y goûtent comme il le faut. Je vous remercie beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On vous remercie M. Leduc. Je fais maintenant appel à la Société linnéenne de Québec Inc., dont M. Jean-Guy Fréchette est le président.

Société linnéenne de Québec

M.FRECHETTE: M. le Président, MM. les membres de la commission, si vous voulez me permettre de faire court, je pense que la meilleure façon est de lire le mémoire, qui est relativement succinct. Je m'excuse car il est tard, mais tout de même si vous m'en donnez l'occasion, je voudrais le communiquer à cette commission.

J'ai l'honneur et simultanément le grave devoir...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Ne pour-riez-vous pas nous faire un résumé? D'abord quels sont les buts de votre société? A la suite de cela, vous formulerez des objections précises en quelques mots, parce que je voudrais bien que tous les gens aient l'opportunité de se faire entendre.

M.FRECHETTE: Voici, M. le Président, c'est que dans le mémoire que j'ai soumis à la commission, j'expose de façon assez succincte les objectifs des sociétés que je représente, soit la Société linnéenne de Québec et la Société zoologique de Québec. Si vous me le permettez, vous n'êtes pas sans savoir que les deux sociétés que je représente ici se consacrent depuis plusieurs années, de façon bénévole, à la diffusion des sciences naturelles et à une meilleure connaissance de l'environnement auprès de la population de la région de Québec. Par les visites-écoles et par les visites avec moniteurs à l'Aquarium de Québec et au Jardin zoologique, nos sociétés rejoignent des milliers de jeunes et d'adultes chaque année. Par les conférences publiques de la Linnéenne, des centaines de personnes viennent, cinq ou six fois l'an, d'octobre à avril, entendre parler de la nature et de l'environnement. Par les excursions occasionnelles organisées par chacune de ces sociétés, la population de la région de Québec est invitée à découvrir et à connaître les merveilles de l'environnement québécois. Au moyen de bourses d'étude, les deux sociétés permettent le perfectionnement d'universitaires ou encore, la découverte, par les jeunes, des merveilles de la nature dans les camps de vacances pour jeunes écologistes, jeunes explorateurs et jeunes biologistes. Si la population de la région de Québec est de plus en plus éveillée à la nature et à l'environnement, la Société linnéenne et la Société zoologique y sont pour quelque chose: l'une et l'autre oeuvrent dans la région de Québec depuis plus de 30 ans.

Pour nos deux sociétés de sciences naturelles, que signifient l'aménagement et l'utilisation de la vallée de la rivière Jacques-Cartier?

La mise en valeur du potentiel culturel et récréatif de la vallée de la rivière Jacques-Cartier, à son état naturel, permettra la poursuite de la tâche d'éducation que réalisent nos sociétés auprès de la population de Québec. Nous lui montrons, à l'Aquarium de Québec et au Jardin zoologique, ce qu'offre la nature et la population pourra ensuite aller voir vivre toute cette nature dans un environnement enchanteur et unique. Que ce soit par le biais d'une excursion en famille, de quelques observations bien faites, de quelques heures de pêche en rivière ou au moyen d'une escalade des falaises, le citoyen de Québec prendra contact de façon directe et personnelle avec la nature: c'est la seule et unique façon de la connaître et de la respecter.

La mise en valeur du site naturel de la vallée de la rivière Jacques-Cartier permettra à la population de la région de Québec de retrouver la nature sous son visage laurentien, en un endroit qui ne sera pas surchargé comme le sont déjà tous les centres récréatifs de plein air qu'on vient d'ouvrir autour de Québec: parc du mont Sainte-Anne, centres de ski de fond et de raquette de Duchesnay et du camp Mercier. Les aménagements de ce type ne sont consentis que lorsque l'Etat ne peut plus résister aux pressions du public; en conséquence, ces centres sont surchargés dès leur ouverture et demeurent ainsi jusqu'à leur dégradation complète.

La mise en valeur de la vallée de la rivière Jacques-Cartier, à son état naturel, est devenue une nécessité qui ne s'appuie pas sur le seul plan de la subsistance, mais bien plus sur le besoin profond de l'homme de se rapprocher de la nature, de la mieux connaître, d'y reposer son

esprit et son corps. Le travail d'éducation que font nos sociétés depuis plus de 30 ans serait vain si l'homme, à qui l'on apprend à connaître la nature, ne peut atteindre les meilleurs sites naturels et ne peut profiter de ces beautés grandioses pour se revaloriser physiquement et moralement.

Pour la population du Québec et plus particulièrement pour la population de la région de Québec, la vallée de la rivière Jacques-Cartier constitue: un lieu de détente, de culture et de revalorisation de la personne humaine; un lieu d'apprentissage des voies de la nature pour tous les citoyens qui fréquenteront ce haut-lieu de l'environnement; un milieu propice à la réflexion et à la prise de conscience sur le sens de l'environnement et le devoir qu'a chaque citoyen de respecter cette nature qui soutient la vie.

Pour l'Amérique du Nord, la vallée de la rivière Jacques-Cartier est un monument de la nature, un lieu unique où la nature s'est plu à déployer ses procédés les plus puissants, géo-morphisme, glaciation, boisement de pentes abruptes, cycle hydrologique; un sanctuaire où prolifèrent des communautés végétales à nulle autre pareille; un habitat riche en faune ailée, terrestre et aquatique; un écosystème dont l'équilibre et l'harmonie doivent demeurer pour l'homme un témoignage et un exemple de sagesse et de prudence.

Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres aussi valables que nombreuses, la Société lin-néenne de Québec et la Société zoologique de Québec demandent, avec toute l'énergie et la conviction de leurs membres, que le gouvernement du Québec aménage la vallée de la rivière Jacques-Cartier pour répondre aux besoins culturels et récréatifs de la population plutôt que de céder à des pressions économiques d'intérêt immédiat et de durée limitée qui détruiraient ce site unique et grandiose et ne feraient qu'attirer le mépris et la réprobation des générations futures. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Perreault): Est-ce qu'il y a des questions? Je remercie M. Fréchette de son exposé. Nous allons maintenant passer à la Fédération canadienne de la nature. M. Thibault. C'est 17.

Fédération canadienne de la nature

M. THIBAULT: Jean-Paul Thibault, directeur adjoint du Centre de conservation de la nature du mont Saint-Hilaire, biologiste. Je représente la Fédération canadienne de la nature, un organisme national qui m'a délégué pour présenter ce mémoire.

La Fédération canadienne de la nature a été fondée en 1971 pour servir d'organe national de la conservation. Deux ans après sa fondation, elle compte près de 10,000 membres actifs. Notre organisme est probablement celui qui se développe le plus vite au Canada. Nous sommes une fédération véritable qui représente plusieurs groupes dans chaque province. Nos sociétés fédérées comptent plus de 30,000 membres. Nous croyons que notre progrès rapide reflète l'importance que, de nos jours, les gens de toutes catégories attachent à la conservation d'un bon environnement pour l'homme. Le rôle spécial que nous remplissons dans la société consiste à défendre les valeurs naturelles, non seulement pour nos membres et les sociétés fédérées, mais pour toute la population. La Fédération canadienne de la nature veut exprimer ici deux points de vue. En premier, nous croyons que les valeurs attachées à la notion de parc provincial sont positives et que, si les parcs sont développés selon des plans bien préparés, ayant à l'esprit les intérêts à long terme sociaux et économiques de la province, ils apporteront des bienfaits incalculables à la société. Il s'ensuivra l'enrichissement de la vie de la population et une contribution majeure â la croissance du tourisme, cette industrie qui progresse de façon importante au Québec. Lorsqu'on parle de l'industrie du tourisme, il faut réaliser que cette industrie crée des emplois qui se multiplient de façon très considérable, beaucoup plus que les entreprises comme la construction de barrages. Ces emplois-là restent des emplois secondaires, des emplois qui demandent aussi des investissements beaucoup moins considérables.

Si nous examinons les statistiques nord-américaines, nous constatons que les parcs sont très fréquentés. Les gens désirent y aller et des millions de personnes les visitent souvent. Les gouvernements qui reconnurent ce fait il y a plusieurs années et qui protégèrent le milieu naturel irremplaçable de leurs parcs ont suivi des politiques qui commencent à payer maintenant. Par exemple, dans les parcs nationaux du Canada, depuis 1951, le nombre de visiteurs a doublé tous les sept ou huit ans. Il fut de 1,700,000 en 1951 et atteignit 15,500,000 en 1972. Les parcs de l'Ontario reçurent 13 millions de visiteurs en 1971 et, à notre avis, le territoire québécois est aussi bon, sinon meilleur, pour l'aménagement de parcs que le territoire ontarien. Cela a été écrit à Ottawa. Cependant, par contraste violent, les parcs du Québec reçurent seulement 1,600,000 visiteurs en 1971 contre 13 millions en Ontario.

J'ai remarqué que souvent, plusieurs questions ont été dirigées sur le nombre de visiteurs qui pourront utiliser le parc de la Jacques-Cartier. Il faut remarquer que, jusqu'ici, le gouvernement du Québec, par le passé en tout cas, a été assez faible à cet égard-là. Les parcs ont souvent été considérés, en pratique, comme fermés à la population.

Je peux me permettre de parler ainsi parce que j'ai déjà travaillé au parc des Laurentides de nombreuses années et j'étais à ce moment-là au courant du système de réservations qui existait pour la pêche à la truite mouchetée au parc des Laurentides. Les gens faisaient des réservations de Boston, de New York, et il y avait souvent

tout un système de réservations qui était contrôlé par les employés du gouvernement, un système de réservations fermé où les livres, avec leurs pages blanches, étaient déjà retenus d'avance pour des groupes de l'extérieur. Ce n'est pas la population du Québec, ce ne sont pas des électeurs du Québec et ce ne sont pas des votes du Québec non plus. Ces choses ont été exposées déjà ici à la Chambre, il y a un certain nombre d'années.

Mais pourquoi si peu de personnes visitent-elles les parcs du Québec? Nous croyons donc que, dans le passé, les gouvernements n'ont pas facilité suffisamment l'accès des parcs et qu'ils ont été victimes de politiques à courte vue que, tout simplement, ils ne voyaient pas que leurs parcs pouvaient devenir un atout précieux. Je me demande si on le comprend encore maintenant. La Fédération canadienne de la nature tient compte du fait que l'Hydro-Québec prétend que la vallée, dans son état actuel, est inaccessible et non développée au point de vue touristique. Les touristes québécois et étrangers ne peuvent donc actuellement visiter ce site splen-dide. Nous croyons que ce fait avantage fortement le gouvernement actuel, car ceci veut dire que le gouvernement, surtout le service des parcs, a une occasion rêvée de développer des terres presque vierges et de créer un parc dont les Québécois seraient fiers à juste titre. Peut-être un vrai parc, un parc bien planifié conserverait-il les sites les plus enchanteurs et les attractions fondamentales ne seraient pas détruites. Au lieu d'un développement hydroélectrique, nous parlerions donc d'un développement de parcs touristiques. Une telle politique gouvernementale voudrait dire l'assurance à brève échéance d'un site qui vaut vraiment la peine d'être visité. Cette vallée n'est pas située dans une région éloignée, elle est tout proche du grand centre urbain qu'est Québec, dont la population doublera en deux ou trois générations. Les besoins récréatifs de cette population doublera en deux ou trois générations. Les besoins récréatifs de cette population seront très grands. Un besoin d'action entreprenante qui assurera la planification soignée des parcs de cette région se fait donc sentir. On a fait état de deux ceintures vertes possibles dans la région de Québec, mais ces ceintures vertes ne sont pas encore sous autorité gouvernementale ne sont pas nécessairement toutes créées en parcs, alors qu'on a la vallée de la Jacques-Cartier qui est déjà partie intégrante du parc des Laurentides. Il y a un vieux proverbe qui dit qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, mais je dirais qu'une rivière blanche qui existe et qu'on a déjà comme parc vaut mieux que deux ceintures vertes potentielles qu'on n'a pas encore en main.

En deuxième lieu, nous voulons brièvement appuyer sur le fait qu'à la suite des décisions rendues publiques par M. le ministre Simard, le 16 février dernier, le Québec a fourni un bel exemple de leadership au sujet du développe- ment d'une politique éclairée d'utilisation des parcs. Cette décision du 16 février démontre que le gouvernement, de même que les parties d'Opposition, comprenait que les aires naturelles et intactes sont fort importantes pour l'avenir des Québécois. La décision du 16 février est tout à fait à l'honneur de ceux qui l'ont prise. Selon nous, il ne fait pas de doute que, si le gouvernement prend la décision finale de réserver la vallée de la Jacques-Cartier pour fins d'aménagement en parc et la protéger de l'exploitation commerciale, cela sera vu dans l'avenir comme un geste positif et courageux de grande importance historique.

M. le Président, je vais terminer avec l'espoir que mes quelques commentaires fourniront une perspective nationale à ce qui semble un problème local. La Fédération canadienne de la nature espère que vos enfants et les enfants de vos enfants pourront aller visiter une vallée de la Jacques-Cartier intacte et que cette vallée continuera d'être une source d'inspiration pour le peuple.

Lorsqu'on parle de générations futures, on a parlé de création des parcs, on a parlé de question de principe; les parcs ont été créés tout d'abord pour des raisons de principe. Le premier parc créé, le parc de Yellowstone, aux Etats-Unis, a été créé à l'instigation de John Muir. Ce type, John Muir a été considéré à son époque comme un poète. Il a mis de côté sa terre, qui a été conservée de façon intégrale, et je vous ferai remarquer qu'en ce moment, ceci se rapporte exactement au cas qui nous concerne. Au moment où ce parc a été créé, il existait déjà là une exploitation commerciale. Les routes d'accès étaient encore très difficiles et, malgré ça, les éleveurs de moutons avaient trouvé le chemin de ces montagnes de l'Ouest et ils élevaient des moutons en grande quantité, de très vastes troupeaux.

Il y avait aussi la coupe du bois, et ces magnifiques séquoias ou ces grands arbres qu'on peut admirer dans les parcs nationaux américains; bien, ils ne seraient pas là aujourd'hui si on avait laissé continuer ces pratiques.

Je crois qu'on est trop souvent revenu sur la notion d'utilité, prise dans un sens extrêmement étroit. Alors, cette utilité, ici, inclut beaucoup plus que le simple nombre de visiteurs. Il y a des facteurs extrêmement importants. Si ça n'avait pas été de ça, on n'aurait pas créé ces parcs. On a d'autres parcs analogues. On a des sentiers, par exemple, qui existent ailleurs, aux Etats-Unis, et qui existent aussi en Ontario. Aux Etats-Unis, je peux mentionner Appalache Trail. En Ontario, il y a la Bruce Trail. Je me disais personnellement que, depuis très longtemps, un sentier de randonnée, un long sentier comme ça, est une nécessité au Québec. Peut-être que nous, ici, on découvrira en 1980 — on découvre souvent, en Amérique, un peu en retard sur les autres — que nous aussi, on veut un long sentier de randonnée. A ce moment-là, on l'aura peut-être sous l'eau, notre sentier.

J'ai quelques autres points à ajouter. Lorsqu'on parle de l'utilisation par la masse, on demande souvent quel est le nombre de visiteurs qui fréquenteront ces parcs. La question n'est pas de savoir essentiellement quel est le nombre de visiteurs qui fréquenteront le parc, parce qu'actuellement ce genre de question est renversé. Les autorités des parcs, en ce domaine, se demandent plutôt, maintenant, comment réduire dans les parcs le nombre de visiteurs. Nous aurons nous-mêmes ce problème bientôt. Nous ne l'avons pas encore, parce que nous avons trop peu favorisé l'accès au public. Mais, dans le cas de grands parcs, on songe à réglementer très sévèrement l'utilisation de certains secteurs, pour une raison très simple: Si le parc existe, on part toujours du fait que le parc existe pour la population, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. La population fréquente le parc parce que le parc existe, parce qu'il y a de la nature à l'état sauvage, de la forêt sauvage, des animaux sauvages.

Mais comme dans nos parcs, on a souvent envisagé ici, aujourd'hui, cette question de la Jacques-Cartier comme s'il s'agissait d'une question de légalité. Il ne s'agit pas d'une question de légalité; il s'agit d'une situation à rétablir, parce que nos parcs ont été souvent protégés au point de vue légal. Il y avait certaines lois, par exemple, qui devaient empêcher que la forêt soit coupée à proximité des lacs. Ces forêts étaient coupées quand même. Lorsque j'ai travaillé dans les parcs, j'ai pu me rendre compte qu'autour de certains lacs, cela avait été un déboisement complet, intégral, jusqu'aux rives mêmes du lac. Alors pour ces choses, c'est très difficile lorsqu'on demande à des experts de prouver comment on a affecté le milieu.

Je veux me permettre de relever quelques points aujourd'hui parce que les gens qui témoignent et qui cherchent à sauvegarder la nature, on a l'impression que ces gens sont souvent mis en état d'accusation. Je ne crois pas qu'on doive être en état d'accusation. Nous n'avons rien fait à la Jacques-Cartier; nous n'avons rien fait au parc. Nous avons l'intention de ne rien faire non plus. Nous avons l'intention de laisser les choses telles qu'elles sont. C'est l'Hydro-Québec, plutôt, qui a l'intention de faire quelque chose et c'est l'Hydro-Québec qui devrait avoir à se défendre. Chaque fois que quelqu'un relève une affirmation de l'Hydro-Québec, on l'a prend telle quelle comme si c'était parole d'Evangile: L'Hydro-Québec a dit qu'elle avait examiné le problème et qu'elle ne voyait pas d'autres sites qu'elle pouvait développer. Alors, il n'y a que ses experts à elle. Mais nous, quand on questionne un de nos experts, on cherche des puces pour se demander, au fond, dans quelle mesure le milieu sera affecté.

Ecoutez, il ne faut quand même pas avoir fait des études en écologie pour réaliser qu'il y a une différence énorme entre un ruisseau d'eau courante, un torrent de montagne et un réser- voir de 175 pieds de profondeur dans sa partie maximale, 75 pieds dans sa partie centrale.

Alors, ce réservoir est profond, oligotrophe, donc très peu productif et ces choses sont visibles. C'est comme si on demandait aux gens qui ont mis de côté le Grand Canyon: Pourquoi avez-vous mis cela de côté? C'est parce que le Grand Canyon, ce n'est pas une plaine, c'est aussi simple que cela et cela n'a pas besoin d'une expertise plus grande que cela. Si on avait demandé: Est-ce que c'est le meilleur site que vous avez à suggérer aux Etats-Unis? Non. Je ne crois pas que le Grand Canyon... On n'aurait pas pu prouver que le Grand Canyon était le meilleur site, on n'aurait pas pu prouver que Yellowstone était le meilleur site pour faire un parc. Mais on les a maintenant et j'espère que l'on va continuer à avoir la Jacques-Cartier.

LE PRESIDENT (M. Kenndey): Alors, je vous remercie, M. Thibault. Est-ce qu'il y a des questions?

M. LESSARD: M. le Président, je n'ai pas de question comme telle, mais je voudrais soumettre ceci. Il est 11 heures moins quart. Normalement, selon les règlements nous sommes censés ajourner à 11 heures. Il apparaît, en tout cas pour ma part, que c'est la première fois que l'on a l'occasion de discuter assez complètement d'un problème qui est fondamental. Comme nous avons aussi à entendre l'Hydro-Québec qui, je crois, devra répondre à l'argumentation qui a été présentée, je soumettrais très respectueusement à la commission que l'on puisse siéger, puisqu'il ne nous reste que quelques mémoires, jusqu'à la fin des auditions.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour le bénéfice du député de Saguenay, nous avons envisagé cette situation. Nous avons convenu que nous pourrions continuer passé l'heure, pour autant que tous les membres de la commission soient d'accord, qu'il y ait consentement unanime.

M. VINCENT: On a seulement à oublier l'horloge, que l'on ne pense pas à l'heure, que l'on passe tout droit.

M. LESSARD: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, est-ce qu'il y a des questions pour M. Thibault? Sinon, je vous remercie, M. Thibault, et votre organisation. Je ferai appel maintenant au représentant du Programme biologique international, section GT, Québec, Dr Gilles Lemieux ou M. Pierre Lalonde.

Programme biologique international

M. LEMIEUX: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire. Le mémoire que je présente est au nom du Programme biologique...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pourriez-vous vous présenter, avec vos titres, votre occupation?

M. LEMIEUX: Je suis professeur à l'université Laval, faculté de foresterie, je suis président conjoint de la section CT du Programme biologique international, je suis membre du comité canadien du Programme bilogique international et également membre du comité canadien pour...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Votre nom, s'il vous plaît?

M. LEMIEUX: Mon nom est Gilles Lemieux.

Déjà en 1966, l'aventure de la Jacques-Cartier a été prévue. Prévue en ce sens que nous nous sommes rendu compte que dans le développement actuel anarchique, il y avait des valeurs dites biologiques qui devaient être au moins inventoriées.

C'est ainsi que nous avons de 1969 à 1972, identifié au Québec environ 116 sites et le site de la rivière Jacques-Cartier a déjà été identifié dès la fin de 1969 et fait l'objet d'une proposition formelle à titre de réserve écologique potentielle en décembre 1970.

Une des raisons pour laquelle nous avons choisi la rivière Jacques-Cartier était tout d'abord la qualité du site; deuxièmement, la présence de peuplements végétaux de qualité assez exceptionnelle, surtout que nous venions de faire l'inventaire de tous les sites possibles pour la conservation d'au moins quelques échantillons de bouleau jaune.

Nous nous sommes rendu compte qu'il en restait un peu dans le comté de Pontiac et qu'il y en avait un peu dans la vallée de la rivière Jacques-Cartier, qui pouvaient être conservés.

Les autres facteurs qui nous ont poussés à choisir la vallée de la rivière Jacques-Cartier sont, en plus, la proximité de cette vallée de la ville de Québec et la probabilité d'une surexploitation touristique ou industrielle.

Ceci étant dit, nous avons essayé également de comparer la vallée de la rivière Jacques-Cartier à ce qu'il y a de semblable dans l'est de l'A m é r i q u e du Nord. Nous en sommes donc venus à la conclusion qu'il y avait quatre vallées de valeur à peu près égale du point de vue esthétique: la vallée de la rivière Jacques-Cartier, celle de la rivière Malbaie, la vallée de Mont-Saint-Pierre, en Gaspésie, ainsi que la vallée de la Bonne Bay, à Terre-Neuve. Je tiens à souligner que ces quatre vallées sont les seules dans tout l'est de l'Amérique du Nord, y compris la Gaspésie. Il y en avait une en Gaspésie qui s'appelait la vallée de la rivière Sainte-Anne, mais, dès 1965, donc un an après qu'on eiit autorisé la prospection minière, cette vallée a été complètement ravagée par une série d'incendies. C'est peut-être un hasard, mais un hasard contrôlé, je pense.

Comme nous avons établi le caractère unique de la vallée de la rivière Jacques-Cartier, il est évident qu'il nous fallait faire valoir nos arguments. Cependant, nous ne pensions jamais pouvoir obtenir l'argument principal de la bouche même des représentants de l'Hydro-Québec. Ainsi, dans ce document qui vient de m'être remis, qui s'appelle Projet Champigny, étude préliminaire d'aménagement récréatif, on lit, dans l'introduction: "Le corridor de la rivière Jacques-Cartier présente un des paysages les plus spectaculaires du Québec. Ses hauts versants en forme de fjords, son étroite plaine alluviale et ses eaux tumultueuses confèrent à cette vallée glaciaire un potentiel culturel, récréatif et visuel d'une qualité unique." Je tiens à signaler "unique". "Pratiquement inaccessible au grand public à l'heure actuelle, elle est, cependant, le siège d'une exploitation forestière dont l'action compromet, tout au moins, l'aspect visuel."

Si j'étais méchant, étant donné que l'Hydro-Québec elle-même admet que la vallée est unique, on pourrait peut-être suggérer d'abandonner complètement cette commission parlementaire et de dire que le problème est réglé. Un objet unique de cette valeur, que tout le monde a établie et que même l'Hydro-Québec établit, doit être pris en considération, même très sérieuse.

Nous nous sommes également attaqués un peu à l'aspect économique lorsque nous avons constaté que la vallée de la rivière Jacques-Cartier était vraiment d'aussi grande valeur. Comme, dans tout bon système économique, on doit rendre rentable ce qui doit être rentable, nous nous sommes posé la question de la valeur de la Jacques-Cartier dans un schéma de développement régional au point de vue touristique. Nous nous sommes aperçus que, d'une part, le gouvernement fédéral avait consenti des sommes considérables à l'aménagement de Place Royale. Qu'il consent également des sommes d'argent, après échange de terrains, dans l'aménagement du Cap-Tourmente, qu'il y avait déjà des mesures de prises par le gouvernement québécois pour maintenir l'île d'Orléans dans une situation avantageuse et que, finalement, il restait un quatrième joyau qui était celui de la rivière Jacques-Cartier avec ses grands paysages.

Donc, d'une part, le côté champêtre, d'autre part, les côtés touristique et historique; finalement, la faune avec le Cap-Tourmente et les grands paysages et la végétation terrestre avec la vallée de la rivière Jacques-Cartier.

Je soumets respectueusement à votre attention que ceci est un potentiel strictement unique qui n'est pas doublé et qu'on ne trouve rien de semblable dans aucune des villes de l'est de l'Amérique du Nord. On peut retrouver des paysages identiques dans la région de Vancouver et c'est à peu près tout ce qu'on peut trouver de contexte urbain avec d'aussi grands paysages.

Finalement, je tiens à souligner à votre attention que toutes les sections du programme

biologique international de toutes les provinces ont été mises au courant de la question. Vous trouverez en fin de mémoire les lettres de chacun des présidents qui ont été adressées au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour le féliciter de sa prise de position du 16 février dernier.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, M. Lemieux. Est-ce qu'il y a des questions de la part des membres de la commission pour M. Lemieux?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je n'ai pas vraiment de question, mais j'ai un commentaire. Je sais qu'il est tard. Je sais que nous avons entendu beaucoup de mémoires et que nous avons voulu les apprécier chacun à sa juste valeur. Je m'excuse de le dire mais je trouve regrettable qu'il y ait des connotations politiques dans un mémoire qui émane d'un organisme scientifique, qui aurait pu se limiter à présenter son point de vue sur le problème plutôt que d'essayer d'interpréter la position du gouvernement. Vous dites dans votre résumé que la position actuelle du gouvernement est étrange, en essayant de réévaluer le projet, après une étude exhaustive de la question, qui a déjà conduit à l'expulsion de PHydro-Québec hors du parc des Laurentides et de la vallée de la Jacques-Cartier. Je voudrais tout simplement dire que le gouvernement a pris une décision. Suite à cette décision, l'Hydro-Québec a demandé à être entendue, à présenter son point de vue. Le gouvernement a trouvé en toute justice qu'il devait écouter. Suite à la demande de l'Hydro-Québec, d'autres organismes ont voulu être entendus. Le gouvernement a décidé de les écouter aussi. Alors, je pense bien que nous avons un esprit ouvert, que le gouvernement est appelé à agir comme juge d'une question qui est non seulement importante; je la qualifierais d'historique.

Nous avons été saisis, au cours de la journée, de mémoires que j'ai trouvés excellents, extrêmement intéressants.

Je m'excuse de faire ce commentaire, mais je pense bien que, lorsqu'il s'agit d'une question de nature scientifique et écologique, un organisme scientifique, quoiqu'il ait absolument le droit d'exprimer son opinion, aurait mieux servi les intérêts du débat en laissant tomber ces éléments de sa présentation.

M. LEMIEUX: Si vous permettez, M. le ministre. Cette opinion a été basée uniquement sur la déclaration du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Si vous le voyez de cette façon, je m'en excuse, mais c'est tout simplement pour appuyer, avec plus de force, la position du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche à l'intérieur même du cabinet. C'est de cette façon que nous avons pensé pouvoir aider le plus la cause.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres questions: Je vous remercie M. Lemieux.

Je ferais maintenant appel à M. Michel Jurdant qui a un mémoire à présenter à titre personnel. Est-ce que M. Jurdant est ici?

M. Michel Jurdant

M. JURDANT: M. le Président, je suis ingénieur forestier. Je possède un diplôme et une maîtrise en écologie de l'université Laval et un doctorat en écologie de Cornell University. Je suis à l'emploi du ministère de l'Environnement du Canada depuis une quinzaine d'années et j'effectue depuis ces quinze ans, des recherches en écologie, principalement surtout la cartographie écologique, notamment dans les Cantons de l'Est, dans le parc des Laurentides, dans le parc de Chibougamau, au Labrador, en Colombie-Britannique, au Saguenay-Lac-Saint-Jean et, tout dernièrement, dans le bassin de la rivière La Grande.

Je tiens à mentionner que mon mémoire est fait à titre tout à fait personnel. Je pense que toute décision d'aménagement sectoriel, qu'il soit forestier, qu'il traite de l'énergie, de la récréation, de la faune ou de tout autre secteur dans le bassin de la rivière Jacques-Cartier, doit être prise dans le cadre d'un aménagement véritablement intégré de l'environnement de ce territoire.

Or, ce dernier doit découler d'une véritable planification écologique. Une telle planification pourrait être réalisée par un organisme paragou-vernemental qui pourrait s'appeler Société de développement de la Jacques-Cartier.

Les raisons qui motivent ma position sont les suivantes. Premièrement, l'utilisation de la Jacques-Cartier doit se faire dans un esprit d'aménagement intégré des ressources et non strictement de conservation.

Je suis convaincu qu'il existe dans ce territoire une certaine compatibilité entre l'utilisation du potentiel hydro-électrique et l'utilisation du paysage pour la récréation dans la nature, surtout si l'on songe que le coût de la seconde peut être défrayé par la première, ce qui entraîne même une certaine complémentarité économique.

Deuxièmement, la Jacques-Cartier ne revêt pas plus de caractère unique que d'autres sites de la région de Québec, lesquels sont utilisés par et pour des intérêts privés et donc, à toutes fins pratiques, rendus inaccessibles au grand public. Ici, je mentionnerai: le lac Saint-Joseph, le lac Beauport, le lac Saint-Charles, la rivière Saint-Charles, entre la prise du Château d'Eau et Duberger, la rivière Montmorency, les rives du Saint-Laurent, l'île d'Orléans, etc. N'est-il pas infiniment plus révoltant que les masses populaires de la région de Québec soient si dépourvues de sites récréatifs de type populaire: lacs pour la baignade, forêts urbaines, parcs urbains, etc? On peut même dire qu'il existe encore dans la région de Québec de nombreuses vallées sauvages, telles que la rivière Montmorency, la

rivière des Neiges ou la rivière Sainte-Anne.

De plus la rivière Malbaie elle-même pourrait être utilisée avantageusement comme zone de réserve naturelle avec aménagement récréatif de type extensif, ce qui aurait pour avantage de contribuer au développement d'une région qui en aurait grandement besoin, je parle ici du comté de Charlevoix.

Troisièmement, il existe une réalité évidente: Le lac créé par un aménagement hydro-électrique sera le seul lac accessible au grand public de la région de Québec. Qu'on ne vienne pas dire que le lac Saint-Joseph ou le lac Beauport sont des lacs accessibles, quoiqu'il suffise de penser que rien qu'autour du lac Saint-Joseph il y a à peu près 300 pieds de plage accessibles au public, et inutile de dire que des études ont démontré que, le dimanche après-midi, à la plage Germain, il y a eu l'équivalent de deux pouces d'urine.

Quatrièmement, sans doute, aucune garantie n'a pu jusqu'ici être obtenue quant à l'ampleur du projet hydro-électrique proposé. Ceci ne veut pas dire qu'on ne pourrait en obtenir. De toute façon, où sont les garanties qu'il se fera du développement récréatif populaire dans la région de Québec? A ce point, je mentionnerai simplement l'aménagement récréatif du parc des Laurentides. A part le centre de ski de fond et celui de motoneige, qu'est-ce qu'on peut voir? Au bord du lac Jacques-Cartier, le magnifique restaurant Châtelaine qu'on y voit, le beau gâchis, cadeau des entreprises forestières ou des terrains de pique-nique ramassés dans des carrières de gravier.

Cinquièmement, la Jacques-Cartier, musée vivant, est sans doute un objectif très valable pour les écologistes et les amoureux de la nature, mais cela reste à mes yeux un objectif qui ne servira qu'à une minorité de privilégiés.

On supprime les clubs de chasse et pêche mais on crée des clubs pour écologistes. Ceci dénote une forme très subtile de ségrégation ou d'apartheid. On aménage la nature pour ceux qui sont capables de l'admirer et on ignore la masse de ceux qui n'ont eu ni la chance ni les moyens de l'apprécier. Ces derniers sont des gens pour qui nos concepts de parc, de terrains de pique-nique, de sentiers de nature, d'écosystèmes ou de chafnes trophiques sont sans signification, aucune. Ce sont des gens qui peuvent même avoir peur de la solitude, peur du silence, peur de la forêt. L'écologiste n'a-t-il pas plus de responsabilité à leur égard qu'à l'égard de ceux qui sont déjà sensibles aux beautés de la nature. Dans ce cas, il est impérieux de procéder au plus vite à de nombreux aménagements récréatifs de type populaire, ce qui comprend des aménagements tels que, dans le cas de la Jacques-Cartier — auxquels je peux penser — des bateaux mouches, des téléphériques, des routes et des sentiers touristiques, des restaurants populaires avec vue panoramique, etc. Bref, toute une infrastructure d'accueil permettant l'utilisation massive du territoire pour les loisirs.

Je crois sincèrement, M. le Président, que l'homme peut améliorer la qualité de l'environnement de ce coin du Québec, même avec un barrage, pour autant qu'il fasse preuve d'imagination et de bon goût. En conclusion, je suis en faveur de l'utilisation de la rivière Jacques-Cartier pour des aménagements hydro-électriques pour autant que le bénéfice économique obtenu serve à la réalisation d'aménagements récréatifs pour la masse.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, M. Jurdant. Est-ce qu'il y aurait des questions de la part des membres? Le ministre responsable de l'environnement. Un instant.

M.GOLDBLOOM: M. Jurdant, votre argumentation se base, si je comprends bien, sur votre tentation de dire, en le déplorant, que l'aménagement hydro-électrique est peut-être la seule façon de trouver les montants nécessaires à un développement récréatif. Si tel n'était pas l'obstacle, quel serait votre point de vue sur la Jacques-Cartier? Et puisque vous dites que vous seriez en faveur pour autant qu'on irait vers des aménagements récréatifs pour la masse, s'il y avait d'autres endroits où l'on pourrait réaliser de tels aménagements, quel serait votre point de vue sur la Jacques-Cartier comme telle?

M. JURDANT: Sur la Jacques-Cartier, je pense que de toute façon, dans tous les cas, il n'y a pas eu de véritable plan de zonage réalisés pour la région de Québec, à ce que je sache.

Ce n'est certainement pas basé sur une connaissance écologique du territoire. Autrement dit, la Jacques-Cartier pourrait certainement être étudiée dans tous ses aspects, pas seulement l'aspect hydro-électrique mais également les aspects de ressources possiblement utilisables avec ou sans aménagement. A ce moment-là, on est obligé d'étudier les possibilités de développement. J'ai parlé du cas de la rivière Malbaie qui possède un potentiel hydroélectrique très faible étant donné qu'apparam-ment il est impossible de faire des aménagements hydro-électriques le long de la rivière Malbaie, puisque c'est une rivière qui coule dans une faille.

Dans le cas de la Jacques-Cartier proprement dite, à votre question, je ne peux pas répondre autrement qu'en disant qu'il n'y a pas eu de planification écologique, donc, il est très difficile de savoir, avec certitude, si la rivière Jacques-Cartier possède, oui ou non, les éléments voulus pour faire la véritable intégration dans les aménagements.

M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai qu'il y a un certain nombre d'années, on a fait un aménagement, qui était grossier mais on a créé un parc? A l'intérieur de ce parc se trouve la Jacques-Cartier, et à l'époque où ce parc a été créé, le genre d'études et d'aménagements écologiques que l'on peut connaître aujourd'hui

n'avait pas été pensé. Quand même, nous avons l'occasion, en invoquant le fait que c'est dans un parc, de dire: On va garder la Jacques-Cartier telle quelle et on va chercher d'autres endroits pour l'aménagement hydro-électrique et pour l'aménagement de récréation de masses que vous invoquez dans votre mémoire. N'est-ce pas le fond du débat qui se poursuit présentement? N'est-ce pas ce que ceux qui vous ont précédé au micro ont dit, que quelles que soient les autres considérations, la Jacques-Cartier est unique? C'est ce qu'on voudrait que nous comprenions et que nous respections.

M. JURDANT: Je pense que, quand on parle d'unique, on est obligé de comparer avec autre chose. Est-ce qu'il ne serait pas infiniment plus unique, pour la population de Québec? C'est par rapport à quelqu'un que quelque chose est unique. C'est en se référant à une certaine population. Est-ce que la population de Québec a plus besoin de la Jacques-Cartier ou d'un lac pour la baignade? Qu'est-ce qui est unique pour quelqu'un qui veut passer son dimanche après-midi?

Est-ce que c'est la possibilité de pouvoir aller se baigner ou si c'est la possibilité de pouvoir se promener dans la vallée de la Jacques-Cartier? Je pense que c'est très relatif. C'est relatif par rapport à l'individu.

M. GOLDBLOOM: Une dernière question, pour ma part, M. le Président, y a-t-il une capacité d'un site quelconque, un site récréatif, quant à la fréquentation? Je suis saisi présentement d'un problème qui n'est pas identique, mais qui a certains éléments superposables, celui du Jardin botanique à Montréal, et l'on me dit: II y a quand même des limites à la capacité d'un jardin botanique de recevoir du monde. Est-ce qu'il y a une limite à la capacité de ce tronçon de la Jacques-Cartier à recevoir du monde, à recevoir la masse?

M. JURDANT: Je pense que c'est certainement... la plupart des gens qui m'ont précédé seraient prêt à reconnaître que la Jacques-Cartier n'est tout de même pas une vallée idéale pour faire de la récréation de masse dans son état actuel. C'est une récréation de type tout à fait extensif. Si une récréation de masse venait à s'établir dans la Jacques-Cartier, elle serait probablement presque aussi abîmée que si on y installait un barrage.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. TETRAULT:Est.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est.

M. TETRAULT: On va l'avoir d'ici la fin de la soirée.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Si le député d'Abitibi-Ouest réussit, c'est...

M. TETRAULT: M. le Président, il y a un point qui m'intrigue...

UNE VOIX: ... représentiez votre collègue.

M. TETRAULT: Non, non, j'aime bien être identifié par moi-même. Je vois Michel Jurdant, ingénieur forestier, dans un mémoire qui nous a été soumis par l'Association québécoise de l'environnement inc. J'ai ici un Dr Michel Jurdant, trésorier. Est-ce que ce serait la même personne?

M. JURDANT: Oui, c'est la même personne.

M. TETRAULT: Comme ça, vous n'êtes pas d'accord, si je prends votre mémoire, sur ce que le Conseil québécois de l'environnement avance pour le développement au point de vue de la Jacques-Cartier?

M. JURDANT: Je pense que le Conseil québécois de l'environnement est une société extrêmement démocratique; il y a un vote qui a été pris.

M. VINCENT: C'est un rapport minoritaire.

M. JURDANT: C'est un rapport strictement individuel. Je vous présente mon point de vue personnel.

M. LESSARD: M. le Président, d'abord, M. Jurdant, vous travaillez pour Environnement-Canada et vous avez souligné que vous faisiez des recherches à La Grande, est-ce qu'à ce titre c'est pour Environnement-Canada ou une autre société?

M. JURDANT: C'est-à-dire que je suis fonctionnaire d'Environnement-Canada et je...

M.LESSARD: C'est à ce titre que vous travaillez sur la rivière La Grande?

M. JURDANT: Oui.

M. LESSARD: Comme employé d'Environnement-Canada.

Tout à l'heure, vous avez affirmé, à la suite d'une question du ministre responsable de l'environnement, que la Jacques-Cartier n'était pas du tout une rivière où on pouvait développer des aménagements récréatifs de masse. Est-ce que c'est bien cela?

M. JURDANT: Oui, certainement. La rivière telle qu'elle est là, certainement pas.

M. LESSARD: Telle qu'elle est là? M. JURDANT: Oui.

M. LESSARD: Mais avec l'aménagement de l'Hydro-Québec, vous êtes prêt à accepter que ce soit le développement d'aménagements récréatifs de masse?

M. JURDANT: Ce que j'ai dit, c'est qu'avec les bénéfices — si on peut faire payer l'Hydro-Québec — des aménagements récréatifs quelconques, à partir des montants d'argent gagnés, à partir des aménagements hydro-électriques, ce serait un bien pour tout le monde, ce serait tout de même de l'argent que l'on n'aura pas à chercher ailleurs.

M. LESSARD: Mais lorsque vous parlez de baignade, ce matin, un spécialiste, le Dr Lemieux, affirmait que ce n'était pas particulièrement une région où il était possible d'aménager ce genre d'activité.

M. JURDANT: II faudrait faire des études pour voir si, dans le lac qui va être créé, il n'y aura pas possibilité de baignade. Je tiens à faire remarquer quand même que le fond de la rivière Jacques-Cartier, qui va être élevé ni plus ni moins de 200 pieds, sera toujours dans la zone de l'érablière à bouleau jaune et dans les bétulées jaunes à sapin, c'est-à-dire que ce n'est tout de même pas à l'altitude du parc des Laurentides qui se trouve 2,000 pieds plus haut.

M. LESSARD: Une chose aussi que vous affirmez à la page 3 de votre mémoire, que je n'accepte pas en tout cas, c'est que vous semblez distinguer deux genres, deux groupes de personnes au Québec, ceux qui sont capables d'admirer la nature et la masse. Je ne sais pas. Moi, je fais du camping passablement, chaque été, et j'ai remarqué qu'il n'y avait pas de critère déterminé à ce sujet-là, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de critère d'éducation comme tel. Je pense bien qu'il n'y a pas de distinction entre deux masses de gens. Le camping se développe de plus en plus, même le camping dans la vraie nature se développe de plus en plus, et on retrouve toutes les classes de la société parmi ces gens.

M. JURDANT: Je pourrais vous citer des références qui indiquent notamment... Evidemment, aucune étude n'a été faite ici, dans la province, sur le pourcentage de la population qui n'a pas ces contacts avec la nature dont je parle.

C'est de cette fraction de la population dont je parle, celle qui n'a pas de voiture, celle qui n'a jamais l'occasion de pouvoir sortir de la ville, celle qui aurait besoin de pouvoir prendre l'autobus de la Communauté urbaine de Québec pour pouvoir se rendre dans un endroit paisible. Mais des études de ce genre-là ont été faites notamment en Angleterre et démontrent que souvent une grande partie de la population n'a justement jamais la chance de pouvoir atteindre ces zones vertes pour lesquelles une préoccupation importante...

M. HOUDE (Fabre): Je m'excuse, M. le Président, juste pour une rectification, je n'accepte pas que vous disiez qu'il n'y a pas eu d'étude sociologique quant à savoir le nombre de personnes ou de familles qui n'ont pas de voiture ou qui passent l'été à balconville. Il y a une abondance d'études, vous n'avez qu'à consulter la faculté ou enfin l'école de sociologie de l'Université du Québec à Montréal, pour n'en nommer qu'une, et il y a eu une foule d'enquêtes par tous les organismes de conseils régionaux de loisirs, il y en a quinze dans la province et, dans la plupart de ces conseils-là, il y a eu des études, il y en a en assez grand nombre qui ont été préparées à l'occasion, soit dit en passant, il y a quelques années, du passage de M. Dumazedier, qui est quand même de réputation internationale, lorsqu'il est venu au Québec. Nous avons, enfin je ne le sais pas par coeur, mais nous avons ce genre d'études indiquant exactement le nombre de foyers au Québec qui n'ont pas les moyens de sortir ou qui passent l'été sur le trottoir ou à balconville, comme on dit, mais ça existe.

M. JURDANT: Je voudrais quand même que chacun se mette dans la peau de quelqu'un qui est à Québec, même s'il a un vieux "bazou", qui veut aller le dimanche se promener au bord d'un lac. Je me demande bien où il peut aller. S'il va au lac Beauport, C'est une série de propriétés de $100,000 qui l'entourent, il n'a pas le droit de s'y promener. S'il va au lac Saint-Joseph, il n'a pas le droit de se promener sauf d'aller se corder le long de la plage Germain. Où peut-il aller? Dans le parc des Laurentides, il faut demander un permis pour pouvoir s'arrêter dans le parc, s'arrêter simplement au bord d'un lac. C'est ce type de récréation dont je parle, où une famille a envie d'aller simplement se promener. Où existe cette facilité? C'est dans ce sens-là. Maintenant, en ce qui concerne les statistiques, j'attends toujours de voir le pourcentage de la population qui couramment va dans la nature, d'une façon ou d'une autre, pas les chiffres absolus, le chiffre de la fréquentation dans les parcs, une personne peut y aller vingt fois et ça ne donne qu'une idée de valeur absolue, ça ne donne pas la valeur relative.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez un doctorat en écologie comme d'autres qui ont passé avant vous. Vous avez dû voir le projet de l'Hydro-Québec, j'imagine?

M. JURDANT: Oui, j'en ai pris connaissance.

M. PERREAULT: Quelle est votre évaluation des dommages à la Jacques-Cartier par le projet de l'Hydro-Québec?

M. JURDANT: Le fond de la Jacques-Cartier va être foutu, va être détruit, c'est évident. On va avoir un lac à la place d'une rivière. Si on fait de l'aménagement intégré, on va essayer d'utiliser le lac pour faire de la voile, du canot. On me dit que certains réservoirs sont beaucoup plus utilisés aujourd'hui qu'auparavant pour le canotage sur la rivière qui existait. Le canotage sur un lac est peut-être une activité récréative de masse bien plus facile d'accès aux gens que le canotage des rivières. Je n'en veux pas aux canoteurs de rivières mais il reste quand même qu'il y aura encore possibilité de canoter sur ce lac, d'installer un bateau-mouche, si on veut. Si l'Hydro-Québec est prête à payer son bateau-mouche.

M. PERREAULT: Alors, dans votre esprit, le plan d'eau amené par le réservoir serait bénéfique pour une récréation de masse?

M. JURDANT: On a parlé de fjord tout à l'heure, on va avoir en fait un fjord à lac dans le fond.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie. Pas d'autres questions?

M. LESSARD: Etant donné ces modifications qu'on fera au paysage, pensez-vous que ceci aurait des conséquences considérables sur les ressources cynégétiques, halieutiques et autres ressources écologiques?

M. JURDANT: De nombreuses études ont été faites sur les conséquences — je ne suis pas spécialement un biologiste en faune aquatique — c'est évident.

M. LESSARD: Quand vous parlez de nombreuses études, par qui?

M. JURDANT: Non, pas dans la Jacques-Cartier. Il existe de nombreuses études qui ont été faites. Théoriquement, cela va donc changer complètement l'écosystème, c'est évident.

M. LESSARD: Est-ce que ce sont ces études que vous faites pour la société Environnement-Canada dans la rivière La Grande?

M. JURDANT: Cela va comprendre notamment ces études.

M. LESSARD: Mais pourriez-vous m'expli-quer comment il se fait que la société Environnement-Canada fait des études à la rivière La Grande?

M. JURDANT: Je ne sais pas. Est-ce qu'on parle de la rivière Jacques-Cartier ou de la rivière La Grande? Je voudrais bien répondre à votre question mais...

M. LESSARD: Est-ce que cela ne serait pas pour la Société de développement de la baie James?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On va s'en tenir à la Jacques-Cartier. Surtout à cette heure-ci.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, je vous remercie, M. Jurdant. Maintenant, je fais appel à MM. Michel Talbot et Raynald Lortie, à titre personnel.

MM. Michel Talbot et Raynald Lortie

M. LORTIE: M. le Président, Messieurs les membres de la commission, je voudrais faire ici une petite mise au point. Ce n'est pas tellement à titre personnel que nous nous présentons.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je m'excuse.

M. LORTIE: Je représente un groupe de jeunes qui ont présenté un projet dans le cadre des programmes Perspective s-Jeunesse 1973. Il y a 21 participants, ce qui fait 21 membres. Nous sommes probablement le groupe le plus minoritaire, ici ce soir.

Je voudrais souligner aussi que la valeur du mémoire qu'on a présenté ne se situe pas au niveau de la représentativité du mémoire...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez. Voulez-vous vous identifier pour les fins du journal des Débats?

M. LORTIE: Mon nom est Raynald Lortie. Je suis ce qu'on pourrait appeler un coordinateur d'un projet Perspectives-Jeunesse.

Comme je le disais, la valeur du mémoire n'est pas située au niveau de sa représentativité mais plutôt au niveau de son contenu. On parle de protection de la faune et de la flore, de récréation et d'enrichissement culturel. Cependant, nous croyons qu'un nouvel aspect peut être mis en question. Nous nous portons à la sauvegarde de la Jacques-Cartier et nous désirons vous faire part de l'existence d'un sentier historique, lequel est relié au développement du Québec au début de la colonie.

Un sentier qu'ont suivi les Indiens, les explorateurs, les missionnaires et les colonisateurs du lac Saint-Jean. Son importance, au premier temps de la colonie, était considérable, constituant une route naturelle entre deux pôles géographiques, c'est-à-dire la région de Québec et celle du lac-Saint-Jean.

D'après les recherches effectuées, le Sentier des Jésuites longerait la rivière Jacques-Cartier dans sa majeure partie, de la hauteur de la rivière Sautoriski à la décharge du lac Cook.

Donc, l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier inonderait environ quinze milles du parcours du Sentier des Jésuites.

Je vais vous faire un bref historique du

Sentier des Jésuites, pour que tout le monde ait bien l'idée générale de ce sentier.

Présenté globalement, le Sentier des Jésuites représente la maîtresse piste de raquettes utilisée en hiver par les Indiens montagnais comme voie de communication entre le lac Saint-Jean et Québec, lieu de commerce de fourrures. On parle des premiers temps de la colonie. Son parcours traverse, sur une longueur de plus de cent milles, le parc des Laurentides et précisons qu'il doit être distingué du Passage des Jésuites, route d'été empruntant cours d'eau et nécessitant des portages. L'importance historique du Sentier des Jésuites vient en partie de son antiquité, c'est-à-dire aux alentours des années 1676-1703 pour la connaissance des Blancs, ce qui en fait un sujet difficile à connaître et jusqu'à présent, peu étudié en profondeur si nous exceptons l'important travail de M. Thomas-Edmond Giroux, aujourd'hui décédé mais ancien employé du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

Au départ, l'importance de cette route forestière est liée à deux phénomènes propres de l'histoire du début de la colonie française: d'une part, l'effort d'évangélisation des Indiens du Nord par les Jésuites, et peut-être plus directement à l'effort économique de la Nouvelle-France pour acquérir les fourrures des Montagnais de la région du lac Saint-Jean et, par extension, celles de la grande réserve de la baie d'Hudson.

Dans cette optique, à l'hiver de 1661, arrive à Québec un Indien nipisirinien venant de la baie d'Hudson, c'est-à-dire à 800 milles de Québec, pour proposer des ententes commerciales aux Français. Son arrivée pose pourtant un problème. Quel chemin d'hiver lui a permis de parcourir cette distance impressionnante et d'atteindre l'Habitation de Québec. Dès lors, les Jésuites, missionnaires explorateurs, entreprennent une enquête sérieuse auprès des indigènes et découvrent l'existence d'un maître-sentier d'hiver montagnais reliant Québec au lac Saint-Jean, région connue déjà grâce à l'exploration du Jésuite de Quen en 1647.

Pourtant la situation reste en suspens jusqu'en 1675, lorsque Charles Bazire, marchand de Québec, se voit octroyer la direction de l'exploitation commerciale, c'est-à-dire les fourrures du Domaine Royal, après l'abolition de la Compagnie des Indes occidentales, en 1674. Constatant une baisse du commerce à Tadoussac, Bazire décide d'établir des postes de traite plus au nord, un à Métabetchouan, lac Saint-Jean, et un autre à Chicoutimi. Simultanément, ces deux nouveaux comptoirs deviennent, avec le concours des Jésuites, des missions évangéli-ques et, en 1776, le père de Crespieul fonde Saint-Charles de Métabetchouan qui servira de relais pour la fondation d'autres postes sur la rivière Rupert, en 1679, et le Lac Mistassini en 1688. Le Sentier des Jésuites prend de l'importance à partir de 1680, quand le père de Crespieul entreprend d'établir une ferme qui sera mise à partir de 1682 sous la direction du frère Malherbe, spécialiste en agriculture et élevage. Donc, en 1680, on note l'arrivée, par le sentier, d'une vache; en 1682, de trois vaches, d'un cochon, d'un taureau; et par la suite, de meules de moulin, d'un bluteau, de roues de charrette.

Ces détails sont importants ici. C'est pour souligner le fait que ce sentier est ce qu'on appelle une piste d'hiver. Donc, il n'est pas question de portage, ou de canotage. C'est pour cela qu'on a ajouté ces détails.

L'utilisation fréquente du Sentier des Jésuites cesse en 1696, à la mort de Malherbe, où l'on décide l'abandon de la ferme, et s'accentue de 1703 à 1705, lorsque la mission est également abandonnée. C'est l'époque où les Montagnais montent plus au nord du lac Saint-Jean pour de nombreuses raisons: baisse considérable du gibier, due à l'excès de recherche de fourrures, l'escalade au Nord des Hurons et enfin l'épidémie dévastatrice de picotte de 1703. Après cette date, le sentier restera le domaine des Indiens et nous ne notons que deux autres utilisations du chemin d'hiver par des blancs.

En 1859, il aurait été utilisé pour transporter une chaudière à vapeur, différentes machines et matériaux pour le premier bateau à vapeur et, en 1864, Jacques Bédard, négociant de Québec, serait revenu du lac Saint-Jean par cette route avec un troupeau de moutons, ce qui serait très mal vu dans un canot.

Cette voie de pénétration a retenu l'attention des cartographes, des arpenteurs et des chercheurs des XVIIIe et XIXe siècles. En 1731, le père Pierre Laure, cartographe, tente plus ou moins adroitement d'en établir le tracé sur une carte. En 1844-45, l'arpenteur Georges Duberger en fait le parcours, ce qui demeure un document introuvable qui a été détruit dans un incendie. Ainsi de nombreuses personnes s'intéressent au Sentier des Jésuites depuis longtemps et, comme M. Giroux, en ont révélé l'authenticité et l'importance historique. Il reste toutefois un immense travail à effectuer pour compléter certaines données, pour assembler tous les éléments disponibles et pour arriver finalement à une mise au point historique la plus totale possible. Ce sentier pourrait être aménagé comme sentier de randonnée, à pied, à ski de fond, en raquette. Il pourrait en outre servir à illustrer l'écologie du parc des Laurentides en serpentant ses différents milieux écologiques. La disparition de la section ci-haut mentionnée du Sentier des Jésuites serait une perte inestimable pour le patrimoine québécois. Nous espérons donc que les autorités tiendront compte de l'important impact communautaire soulevé par ce nouvel aspect. Merci.

M. HOUDE (Fabre): M. le Président, je voudrais savoir ce que cela veut dire Askatara-Scotoro.

M. LORTIE: Askatara, c'est en huron, cela

signifie chemin fourchu. Scotoro, c'est en montagnais, ce qui signifie aussi chemin fourchu. Vous retrouvez l'askatara ou le scotoro, si vous voulez, à la hauteur de l'embouchure de la décharge du lac Cook dans la rivière Jacques-Cartier, ce qui en fait le point central du sentier. C'était une étape très importante à l'époque, soit les les Indiens ou, plus tard, pour les Blancs. C'était un point d'orientation, si on veut.

M. HOUDE (Fabre): Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions à poser à ces messieurs de la part des membres de la commission? On nous a donné un bon cours d'histoire.

M. LESSARD: Je tiens à souligner, M. le Président...

M. PILOTE: Est-ce que vous pourriez nous informer, concernant la rivière Métabetchouane, où il y avait un poste de traite à Saint-Jérôme, comté du Lac-Saint-Jean?

M. LORTIE: C'est Saint-Charles-de-Métabetchouan.

M. PILOTE: C'est Saint-Jérôme, aujourd'hui comté de Lac-Saint-Jean.

M. LORTIE: Si vous voulez.

M. PILOTE: II n'y a pas si je veux, c'est ça.

M. LORTIE: Directement, je ne pourrais pas vous le dire, je ne suis pas historien, tout ce que je sais c'est que...

M. PILOTE: Je crois que les Indiens empruntaient la rivière Métabetchouane pour arriver au poste de traite de Saint-Jérôme...

M. LORTIE: La dernière section du Sentier des Jésuites, c'est la rivière Métabetchouane.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Nous avons eu notre cours d'histoire pour ce soir. S'il n'y a pas d'autre question, je remercie ces messieurs.

M. LESSARD: C'est une autre richesse de la Jacques-Cartier, M. le Président, qu'il fallait souligner et je félicite le groupe qui l'a fait.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce que des représentants des Citoyens de la paroisse de Saint-Edmond-de-Stoneham sont ici?

S'ils ne sont pas ici, d'après le document que nous avons, c'est une pétition. Si tout le monde est d'accord, je suggérerais qu'elle soit consignée au journal des Débats.

Maintenant, le dernier mémoire et non le moindre, l'Hydro-Québec.

Messieurs de l'Hydro-Québec, comme c'est un peu un droit de réplique que vous avez ce soir. Vous avez eu lors de la dernière commission parlementaire, l'occasion de présenter votre projet.

Je vous demanderais de vous en tenir strictement aux données les plus essentielles afin que nous ne dépassions pas, si possible, la limite de 20 minutes qui a été accordée à tous les autres opinants.

Hydro-Québec (suite)

M. DEGUISE: M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, Yvon DeGuise, pour les besoins du journal des Débats. Nous aurions évidemment beaucoup à dire sur tout ce que nous avons entendu aujourd'hui. Je comprends que pour des fins pratiques, il faille nous limiter à une période qui a été fixée à 20 minutes. Nous aurions de beaucoup préféré avoir l'occasion de revenir mais, si ce n'est pas la décision de M. le président de cette commission, nous allons tenter de faire le mieux possible dans le peu de temps disponible.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous devez faire de votre mieux dans le temps disponible puisque d'autres opinants sont ici et aimeraient probablement entendre votre son de cloche.

M. DEGUISE: Personnellement, je vous présenterai quelques observations très générales. Je demanderai ensuite à M. Laurent, notre président du comité d'information, de dire quelques mots. Nous avons à la disposition — je ne sais pas s'il y a eu un malentendu — le bureau d'ingénieurs, aménagistes, paysagistes qui ont travaillé sur notre maquette et qui sont ici pour répondre à des questions, si c'est le désir des membres de la commission et, enfin, nous avons aussi les auteurs du rapport d'études préliminaires d'environnement, si c'est le désir de les entendre. Une première observation que je soumets à votre respectueuse attention. Avec tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, je me pose sérieusement la question suivante: Est-ce que les groupes que nous avons entendus représentent bien un segment important de la population du Québec? L'Hydro-Québec, comme telle, les mandataires des élus de la population, dans les décisions que nous avons à prendre ou dans les recommandations que nous avons à faire, nous essayons de concilier l'intérêt général de près de 2 millions d'abonnés qui représentent toute la population du Québec. C'est peut-être une note de discordance entre...

M. LESSARD: En ce qui concerne l'électricité?

M. DEGUISE: En ce qui concerne l'électricité, évidemment. Dans notre mandat, bien entendu.

M. LESSARD: II faut que ce soit bien spécifié.

M. DEGUISE: On a fait état de l'inviolabilité des parcs, des prescriptions sévères de la loi actuelle. Je voudrais même relire ce qui a été cité déjà à l'article 6, où il est question qu'aucun bail, licence ou permis qui diminue ou peut diminuer l'utilité d'un parc, ne peut être fait, accordé ou émis.

Dans tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, je ne crois pas que la preuve ait été faite et, d'ailleurs, M. Loubier s'est référé à ceci lorsqu'on a soulevé un point de loi.

Je ne crois pas que la preuve ait été faite que l'utilité du parc serait diminuée ou pourrait l'être dans l'avenir. Personne ne nous a garanti qu'il y aura moins de visiteurs avec l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec que s'il n'y en avait pas.

Une troisième observation. Je me demande si on n'exagère pas un peu et même beaucoup dans les — je ne dirai pas les qualificatifs — mais dans les mots qu'on a employés lorsqu'on parle de dégradation, de spoliation, de dépossession et même de viol de la Jacques-Cartier. Je n'ai pas l'impression, humblement, que la preuve a été faite de tout ce dommage. En réalité, le fait de transformer en un lac une section d'à peu près 20 milles de rivière, est-ce que ça crée des perturbations aussi catastrophiques qu'on les a décrites? Même la rivière Jacques-Cartier, dans toute sa beauté que nous reconnaissons, c'est tout de même une rivière qui a un débit égal au trentième de celui de la rivière Saguenay. Alors, on ne bouleverse pas, si vous voulez, un cours d'eau majeur. C'est une observation, je crois, qui a sa place.

Ensuite, je pense que je dois revenir sur un point qui a déjà été mentionné par d'autres et qui n'est pas entièrement négligeable. Quiconque a parcouru le Québec sait qu'il existe une multitude d'autres sites panoramiques très intéressants et qui se comparent à plusieurs points de vue à celui de la rivière Jacques-Cartier. Certes, il n'y en a pas deux d'identiques. Mais comme, je crois, mon prédécesseur immédiat l'a dit, c'est très subjectif de savoir lequel est le meilleur, lequel est le plus grandiose. Par exemple, il y a des gens qui préfèrent la mer à la montagne; il y en a d'autres qui préfèrent la montagne à la mer.

Je terminerai sur une note un peu humoristique, je m'en excuse, parce que, si vous voulez, cela fait un peu caricature. Mais je pense qu'il y a une leçon à tirer de ça qui est peut-être utile. Il y avait un vieil économiste anglais qui avait beaucoup de difficultés à justifier toutes les précautions sur le plan de l'écologie, sur le plan de l'environnement. Disons que ce n'était plus de son temps. Il faisait la déclaration suivante à une réunion d'une chambre de commerce: Nous sommes rendus à nous préoccuper des étangs et des petits lacs dans la périphérie de la ville afin que les poissons y prennent leurs ébats.

Mais il y a encore à l'intérieur de la ville 15 p.c. des maisons qui n'ont pas de bain et il n'y a pas même une piscine pour les humains.

C'est caricaturé et c'est exagéré mais je pense que, de cela, il faut tirer une leçon: Dans tous les problèmes qui nous confrontent, il y a des priorités à établir et deuxièmement, les ressources économiques du Québec, pour autant que je sache, ne sont pas illimitées. Par conséquent, il y a un choix judicieux à faire et, messieurs, vous en êtes les juges.

Je demanderais maintenant à M. Laurent, le président de notre comité d'information, s'il veut bien ajouter quelques mots.

M. LAURENT: M. le Président, je vais être très bref quoique l'on aurait bien aimé prendre toutes les observations faites durant cette journée — à savoir ces observations qui mettent en doute parfois la crédibilité de l'Hydro-Qué-bec, d'autres fois celle de ses experts ou de ses ingénieurs — passer deux ou trois heures à les relever et faire la preuve qu'en fin de compte tous ces gens travaillent pour le bien de la collectivité, relever aussi des observations dans le sens suivant, à savoir que l'Hydro-Québec a besoin d'électricité mais que c'est finalement la collectivité québécoise qui en a besoin, non l'Hydro-Québec. Je vais faire tout simplement une observation générale qui, je l'espère, englobera toute cette question et mes collègues m'excuseront s'ils ne peuvent pas venir ici et prouver le contraire de ce qui a été dit. Ce que je voulais dire, c'est que, s'il y a au Québec une entreprise qui travaille pour la collectivité, pour cet ensemble de la collectivité dans son entreprise et dans ses employés, que ce soient des cadres ou des syndiqués, ce sont sans aucun doute les employés de l'Hydro-Québec. Et dans ce sens, tout ce qui a pu être dit envers cette possibilité de crédibilité de ces gens ou de l'Hydro-Québec, j'aimerais le réfuter et tout de suite passer la parole à nos experts qui, eux, pourraient vous démontrer aussi très longuement toute la valeur, soit de la biologie, soit de l'aménagement du territoire mais qui vont aussi être brefs et essayer de résumer ce qui a pu justifier scientifiquement les choix qui ont été faits. Merci.

M. Pelletier, de la firme Gauthier, Poulin et Thériault, va pouvoir vous expliquer la méthodologie et son moyen d'approche afin de proposer ce qu'il a à proposer comme projet préliminaire d'aménagement, combiné à un aménagement hydro-électrique.

M. PELLETIER: Mon nom est Georges Pelletier, je suis géographe et, depuis sept ans déjà, je consacre toute mon activité à l'aménagement des parc provinciaux et nationaux.

Je suis content d'avoir enfin l'occasion de pouvoir répondre à tous ceux qui se sont faits un peu les détracteurs de notre projet intégré d'aménagement récréatif, car j'ai l'impression

qu'on a beaucoup étudié notre projet, qu'on en a beaucoup discuté, mais je croîs que ceux qui en ont le plus discuté ne sont pas nécessairement ceux qui l'ont étudié car, à un certain moment, en lisant les journaux, j'ai eu l'impression que nous nous étions réellement sabordés avec ce projet. Alors, nous avons les vérifications et nous nous rendons compte à l'heure actuelle que ce projet est quand même un projet logique.

Nous avons tenté d'exploiter au maximum le potentiel qu'offre la vallée de la Jacques-Cartier dans l'hypothèse d'un réservoir. Alors, nous avons voulu mettre en valeur toutes les valeurs visuelles, esthétiques, éducatives et autres au moyen d'une série d'activités à caractère très extensif de façon à ne ruiner aucune de ces valeurs.

On nous a reproché différentes choses sur lesquelles je voulais simplement passer très vite. Par exemple, on nous dit que le fond de la vallée est la partie la plus intéressante. Or, ceux qui ont pu examiner soit les maquettes ainsi que le rapport ont pu se rendre compte qu'au fond de la vallée il existe trois campings primitifs.

On nous a aussi reproché d'avoir tenu notre route panoramique complètement à l'écart de la vallée. C'est vrai qu'elle est, de façon générale, à l'écart de la vallée. Par contre, elle donne accès à différentes aires aménagées qui, elles, sont aux abords de la vallée.

J'aimerais aussi, puisque j'en suis responsable, répondre à l'argument du Dr Gilles Lemieux tout à l'heure qui a trouvé, en première page, le mot "unique" qui a été drôlement charrié aujourd'hui. Alors, c'est vrai, je ne retire rien, c'est une vallée qui possède un potentiel unique, à différents points de vue, et c'est précisément pourquoi nous sommes tout à fait d'accord pour exploiter ce milieu unique plutôt que d'en faire un musée complètement fermé.

Toute la question est de savoir si on doit soumettre l'homme à la nature ou la nature à l'homme. Alors, dans la seconde hypothèse, qui est la nôtre, nous croyons qu'il est possible d'amener les gens dans ce milieu fort intéressant. Une autre question principale: Est-ce que ce milieu unique sera ruiné en cas d'inondation? Je ne crois pas, parce que le milieu qui présente le caractère le plus spectaculaire se situe de part et d'autre à peu près à égale distance de l'endroit où cesse l'inondation.

Nous créons tout simplement un accès de plus, un accès par l'eau pour emmener les gens dans ce milieu qui est vraiment unique.

Je crois que j'aurais pu défendre encore davantage notre thèse, mais je crois que ce seraient des questions de détail qui risquent d'ennuyer tout le monde.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je vous remercie, messieurs. Est-ce qu'il y a d'autres gens de l'Hydro-Québec qui ont demandé la parole?

M. LAURENT: S'il vous plaît, M. le Président, si vous voulez entendre maintenant M. Pierre Dumas, qui est notre responsable de cette étude préliminaire de l'environnement. Il pourrait aussi donner quelques explications sur la méthodologie qu'il a poursuivie.

M. LESSARD: Je pense bien qu'il s'informera, auprès de certains de ses collègues.

M. HARVEY (Jonquière): Je n'ai pas besoin d'être ici pour faire mon choix entre vous et l'autre.

M LESSARD: Oui, mais j'espère que vous ne ferez pas comme votre frère, prendre une décision et la changer quelques jours après.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre!

M. HARVEY (Chauveau): Vous ne changerez pas d'idée, c'est une idée fixe. Un gars qui a une idée fixe comme vous ne peut pas changer d'idée.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs!

M.DUMAS: M. le Président, nous avons remis avant-hier une copie du rapport préliminaire préparé par l'Hydro-Québec en relation avec le projet d'aménagement de la rivière Jacques-Cartier et ce, à la demande — à la première session de cette commission parlementaire — du ministre des Affaires municipales et responsable de l'environnement. J'espère que la production de ce rapport ou de son contenu répond aux questions que le ministre se posait lors de cette première session. Je résume rapidement l'objectif de ce rapport pour bien mettre l'étude que nous avons faite dans sa perspective. Le seul but poursuivi par le rapport était de faire une évaluation sommaire de l'impact du projet sur l'environnement afin de définir les études plus complètes à exécuter jusqu'à la fin de l'étude d'avant-projet et de proposer des modalités de réalisation de ces études, le tout devant permettre la préparation du rapport final de l'environnement prévu pour l'automne 1973, selon l'échéancier prévu avant l'interruption des travaux.

Monsieur le commissaire DeGuise vous a présenté, en annexe B, à la première session de cette commission, le contexte général dans lequel s'inscrivait cette étude préliminaire de l'environnement et vous retrouvez, en annexe à ce rapport, un diagramme encore plus détaillé des activités prévues par l'Hydro-Québec dans l'évolution de ce projet.

Je veux parler pendant deux minutes de la méthodologie qui a été employée, qui est l'utilisation de la matrice d'impact. Je pense que ce terme a été — pour employer une expression qui semble être à la mode aujourd'hui — galvaudé. Cette matrice décrit, d'une

part, les éléments de l'environnement et, d'autre part, les actions projetées sur le territoire.

On se sert du quadrillage qui est ainsi formé pour identifier les éléments de l'environnement qui seront affectés par chacune des actions projetées. La méthode prévoit une quantification de ces impacts et une évaluation de leur importance.

Nous avons fait l'évaluation, comme vous pourrez le voir par la lecture détaillée du rapport, de deux hypothèses d'aménagement. Une hypothèse qui considérait un aménagement hydro-électrique conçu selon les seuls besoins de l'Hydro-Québec, c'est-à-dire les besoins techniques du projet ou de production d'électricité et cela n'implique pas les barrages en béton non finis ou des ouvrages salis comme il a été mentionné.

La deuxième hypothèse qui a été considérée, c'est dans un mandat plus élargi ou plus social de l'Hydro-Québec, un projet qui tient compte des caractéristiques biologiques du milieu, un projet qui tient compte de l'environnement.

Je pense qu'on peut souligner ici que cette méthodologie n'a pas été inventée par l'Hydro-Québec. C'est une méthodologie qui a été développée pour le US Geological Survey aux Etats-Unis. Nous avons employé une version que nous pensons améliorée de celle qui avait été utilisée par le groupe de travail fédéral-provincial qui avait évalué les imparcts d'aménagement de la baie James.

A notre connaissance, c'est la deuxième fois au Québec qu'un rapport d'impact sur l'environnement est ainsi produit, si nous considérons celui de la baie James.

Il faut admettre qu'il n'est pas facile de quantifier les impacts d'un projet sur l'environnement.

Il y a énormément de recherches qui se font à ce sujet, mais il faut accepter un jour ou l'autre que, plus on parlera d'environnement, plus cela nous prendra des mécanismes de mesures et d'évaluation les plus froids possibles de ces impacts afin de pouvoir apporter une décision qui soit raisonnée et raisonnable.

A cet effet, je voudrais ouvrir une parenthèse pour souligner que je trouve peut-être regrettable, au niveau de l'éthique professionnelle, que ceux qui ont critiqué l'utilisation de cette méthode, dans les mémoires présentés devant la commission, l'ont fait de façon purement spéculative sans avoir pris connaissance du rapport dont nous discutons actuellement. On a qualifié cette méthode d'instrument à la disposition des géographes alors que c'est une méthode à la disposition des aménagistes.

On a dit que l'Hydro-Québec, par une évaluation, par une matrice d'impact, avait accordé une valeur négative à l'évaluation de la rivière Jacques-Cartier dans son état naturel. Je vous réfère tout simplement à la lecture du rapport pour replacer cela dans une juste perspective.

Dans cette même veine, j'ai trouvé troublant, pendant les présentations aujourd'hui, les réponses que plusieurs personnes, y compris les deux experts désignés, ont données aux questions de M. Loubier, à savoir qu'ils n'avaient même pas pris connaissance des mémoires présentés par l'Hydro-Québec, les mêmes personnes n'hésitant pas, par la suite, à parler d'incompatibilité, de galvaudage écologique, de laideur, etc.

En conclusion, je voudrais rappeler les propos que M. Giroux vous tenait à la première session et que M. DeGuise a résumés aussi tout à l'heure. Il faut faire la part de la sentimentalité et de la démagogie qui entourent les problèmes de l'environnement. Nous avons l'impression de vous présenter un projet honnête qui tient compte de la loi, du milieu, de l'écologie et des besoins de la collectivité québécoise et particulièrement de la Communauté urbaine de Québec.

On a entendu des termes qui semblaient exagérés, comme vous l'a mentionné M. DeGuise tout à l'heure. Je pense qu'il y a lieu de remettre tout cela dans une juste perspective et qu'il est aussi dommageable pour le bénéfice de la société québécoise de faire du galvaudage d'idées qu'il serait dommageable si l'Hydro-Québec faisait du galvaudage écologique sur le territoire de la société. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions? L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: Oui, M. le Président. J'aurais d'abord une observation et j'aurai aussi quelques questions à poser. Je pense que d'abord, il faudrait, dans le contexte actuel, bien comprendre, puisqu'on a parlé de faire la preuve, que ce ne sont pas ceux qui défendent l'antipro-jet, ceux qui sont contre le projet, qui doivent faire la preuve. Je pense que, dans le contexte actuel, c'est à l'Hydro-Québec de faire la preuve que l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier doit se faire. Egalement, M. le Président, j'en profite pour dire qu'à l'avenir, en ce qui concerne nos richesses naturelles, ce sera toujours aux parties qui veulent les exploiter à faire la preuve et non pas aux gens à venir faire la preuve que l'Hydro-Québec ne doit pas ou doit y aller. Je pense qu'il faudrait être clair là-dessus.

Ma première question serait la suivante: Croyez-vous qu'une route qui aurait comme premier but la construction de la centrale électrique puisse vraiment être aménagée par la suite en une véritable route panoramique?

M. Pelletier, je crois.

M. PELLETIER: Oui. A cette question, je répondrai ceci. Telle que la question est posée, ce n'est pas possible. Il faudrait que la route soit au départ une route polyvalente et ceci est très facile, nous l'avons réalisé déjà dans quelques parcs, il faut que, dès le départ, les

mesures soient prises dans le tracé de la route elle-même afin que celle-ci serpente dans des milieux réellement intéressants d'où l'on peut vraiment apercevoir toutes les caractéristiques spéciales de la zone et qu'elles servent à éveiller chez le visiteur, celui qui parcourt cette route, la curiosité qui, je crois, est la première réaction normale du visiteur, qui retrouvera peut-être réponse à cette curiosité dans les centres d'interprétation qui sont placés beaucoup plus loin. Un autre facteur aussi, c'est que, dès l'implantation de la route, il faut prendre toutes les mesures nécessaires afin que cette route ait les caractères paysagés nécessaires. Autrement dit, on ne doit pas construire une route comme on construit un chemin de bois en "bulldozant" les arbres de chaque côté et en brisant le site.

D faut prendre d'autres moyens, comme par exemple, couper les arbres, brûler les branches sur place et récupérer tout le bois et non le laisser pourrir de chaque côté de la route. De même, le matériel d'emprunt ne doit pas être pris à proximité de la route, mais dans des zones suffisamment éloignées pour que l'on n'ait pas de vue sur des gravières qui ont toujours un aspect de zone dévastée.

M. VINCENT: Ma deuxième question va être assez brève. On a mentionné à plusieurs reprises que votre plan d'aménagement récréatif ne cherche aucunement à exploiter le fond de la vallée qui serait, semble-t-il, le milieu le plus riche de ce secteur. Vu qu'on l'a mentionné à plusieurs reprises, est-ce que vous pourriez en expliquer la raison?

M. PELLETIER: J'avais déjà répondu à cette question tout à l'heure.

M. VINCENT: J'aimerais qu'on revienne là-dessus.

M. PELLETIER: Je voudrais mentionner encore une fois qu'au fond de la vallée nous avons prévu deux campings à caractère primitif qui sont l'aboutissement des sentiers pour piétons qui longent tout le fond de la vallée. Je me permets, puisque j'en ai l'occasion, d'ajouter aussi que, lors du circuit du bateau-mouche que nous proposons, nous trouverons sur les plaines alluviales, aux endroits où elles sont suffisamment élevées et non noyées, des espaces de pique-nique, enfin des haltes. J'ajouterais même que les amateurs d'alpinisme pourront parfaitement s'arrêter à ces haltes et de là, gravir les parois.

M. VINCENT: M. le Président, je pose la question à M. DeGuise, advenant que la décision du gouvernement soit maintenue, décision prise en février dernier, que fera l'Hydro-Québec? Vers quelle rivière ou vers quel centre l'Hydro-Québec devra-t-elle diriger ses recherches pour trouver l'énergie hydraulique?

M. DEGUISE: Je répondrai immédiatement à cela que nous allons nous remettre à l'étude. Pour 1979, nous sommes encore persuadés que nous ne pouvons pas faire d'autres sites à réserve pompée à moins de prendre des risques extrêmement grands. Ce serait dire d'adopter un site, ne pas faire d'études, commencer à le développer s'il y a des imprévus, le faire à n'importe quel prix. Ce n'est pas une solution désirable. Pour répondre aux besoins d'électricité, il nous reste à installer des groupes thermiques, on les appelle turbines à gaz, groupes thermiques légers.

C'est la seule solution que nous entrevoyons et qui soit économique et sûre pour 1979.

M. VINCENT: M. Giroux mentionnait ça avant son départ, à six heures. Il a simplement dit: C'est une décision que vous aurez à prendre; si le gouvernement garde ou conserve la décision qu'il a prise en février, nous nous y soumettrons. Mais moi, je me pose la question. Pour quelle raison l'Hydro-Québec a-t-elle fait l'étude de ce projet, en étant pratiquement convaincue qu'elle recevrait l'autorisation du gouvernement? Elle savait quand même, avant de commencer l'étude, qu'il faudrait une autorisation gouvernementale pour faire le projet et que, peut-être, comme c'est le cas, l'opinion publique s'y opposerait.

M. DEGUISE: J'ai répondu indirectement à cette question, à la dernière séance je crois, en disant qu'il y a un an exactement, en juin 1972, nous avions entendu parler de certaines oppositions au projet. A ce moment-là, nous l'avons exposé à quatre sous-ministres des ministères concernés et nous leur avons dit: Est-ce que nous devons aller de l'avant? Et puis on nous a permis d'entreprendre des études mais on ne nous a pas dit: Vous ferez le projet. On nous a permis d'entreprendre des études et de pousser plus avant nos connaissances en vue de savoir si c'était possible ou non.

M. VINCENT: C'est-à-dire les sous-ministres. Ce sont quatre sous-ministres qui auraient permis de continuer...

M. DEGUISE: Ils ne nous ont pas donné de permission. Ils nous ont dit: Vous avez un permis et nous avons déposé, la dernière fois, un permis d'accès aux sites du ministère des Terres et Forêts. C'était un permis simplement pour fins d'étude et d'exploration.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Est-ce que le député d'Abitibi-Est aurait des questions? Alors, M. le Président, je pense bien qu'il faudrait revenir au problème fondamental. En ce qui concerne l'aménagement touristique, je me fie bien plus aux experts du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche; je me fie bien plus aux spécialistes dans le domaine que je puis me fier

à l'Hydro-Québec. A maintes et maintes reprises, M. le Président, j'ai soulevé cette question qui m'apparaît fondamentale. Est-ce que l'Hydro-Québec a fait des études de sites alternatifs?

Le ministre des Richesses naturelles et le ministre des Terres et Forêts ont apporté tout à l'heure cet argument qu'il était possible que, si l'on n'aménage pas la Jacques-Cartier, l'on ait des augmentations de taux d'électricité. Cependant, chaque fois que nous avons soulevé cette question à l'Hydro-Québec, il semble qu'on l'ait toujours détournée; on ne répond pas.

En effet, M. le Président, j'ai reçu un rapport de l'Hydro-Québec montrant, par exemple, que l'on avait étudié douze sites possibles. Je remarque que l'estimation de ces coûts date de 1961. Or, il est impossible pour nous d'être capables de prendre une décision valable — je l'ai dit le 3 mai et je le répète — tant et aussi longtemps que l'Hydro-Québec ne nous dira pas exactement quelle est la différence entre l'aménagement de la Jacques-Cartier et le non-aménagement de la Jacques-Cartier et le choix d'un autre site. Ce que l'on fait, je crois, actuellement, c'est du chantage économique.

M. le Président, c'est que...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): La question, s'il vous plaît?

M. LESSARD: Non, je fais des commentaires, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): La question, s'il vous plaît?

M. LESSARD: Parce que la question, M. le Président, je l'ai posée à maintes et maintes reprises, je fais des commentaires. L'Hydro-Québec vient nous dire actuellement que son aménagement touristique est valable. Si elle considère qu'il est valable, il a été démontré aujourd'hui, je le crois, par des spécialistes, que le site de la Jacques-Cartier était incomparable, que le site de la Jacques-Cartier serait détruit tout simplement par la construction d'une réserve pompée. Cependant, il reste qu'il importe — et je pense que c'est une question importante — de savoir ce que cela nous coûtera de conserver la Jacques-Cartier. Et pour prendre une décision, cela nous prend des chiffres comme ceux-là. Or, M. le Président, nous n'avons pas reçu ces chiffres et les coûts estimatifs sont de 1961. Par contre, on ne voit pas du tout, dans ces études préliminaires, l'évaluation du projet Champigny que l'on évalue actuellement à $175 le kilowatt. Cependant, on constate qu'en 1961, un certain projet a été évalué à $115; le projet Saurtney, par exemple, à $115 le kilowatt.

Nous avons fait, M. le Président, par une petite règle de trois, par comparaison, l'évaluation de ce que pourraient — par exemple, le projet Saint-Hilaire — ce que pourraient être certains sites alternatifs.

On arrive, M. le Président, avec, par exemple, la Jacques-Cartier qu'on évalue à $175 millions, l'aménagement de la Saint-Hilaire à $200 millions, ce qui veut dire une différence de $25 millions et, si on calcule que l'amortissement d'un tel barrage se fait sur une période de 25 ans, ça diminue considérablement, M. le Président, le coût annuel.

Or, on fait des efforts énormes actuellement au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, et même au gouvernement fédéral, par les parcs nationaux, pour construire des parcs qui coûtent $10 millions, $15 millions et $20 millions. Alors, je pense qu'on en a un actuellement qui est naturel et qu'on n'acceptera pas de le faire détruire par l'Hydro-Québec. J'insiste, M. le Président, sur ce que disait le député de Nicolet. C'est que l'Hydro-Québec semble croire que le fardeau de la preuve devait revenir à ceux qui s'opposaient au projet. Bien, ce n'est pas du tout ça, M. le Président. Je crois que le fardeau de la preuve, il vous appartient, d'autant plus que vous pénétrez à l'intérieur d'un parc. Alors, le fardeau de la preuve, c'est à l'Hydro-Québec, et actuellement, on ne nous a pas prouvé du tout que c'était le seul site qu'on pouvait choisir pour l'aménagement d'une réserve pompée.

M. le Président, à partir de ça, je trouve, ce soir, l'argumentation de l'Hydro-Québec extrêmement faible et je l'ai trouvée... D'ailleurs, dès le début, on a constaté que l'Hydro-Québec ne voulait pas répondre exactement aux véritables questions. S'agit-il de sacrifier ce site ou tout simplement est-ce qu'il est possible d'en choisir un autre? Or, il arrive que, si on sacrifie ce site-là, c'est, je pense — les spécialistes l'ont affirmé — une décision irrémédiable. On ne peut pas revenir en arrière. Par contre, l'Hydro-Québec nous affirme: On ne peut pas faire de réserve pompée, il est possible d'utiliser les turbines à gaz. Or, je pense qu'il a été aussi prouvé que l'utilisation des turbines à gaz ne polluait pas l'atmosphère de façon tellement considérable. Cependant, il reste que, si on utilise des turbines à gaz, c'est pour un temps très précis, tandis que, si on brise ou on gaspille la Jacques-Cartier, c'est final.

En conséquence, M. le Président, je propose la motion suivante: 1 — Que la commission recommande l'abandon du projet Champigny. 2 — Que l'aménagement de la vallée de la Jacques-Cartier, pour fins touristiques et de loisirs, soit accéléré dans le respect du caractère unique de ce site et de sa vocation propre.

M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question sur la motion? On sait très bien que les travaux de l'Hydro-Québec sont, au moment où on se parle, non pas terminés mais arrêtés. Je pense qu'il était question d'entendre l'Hydro-Québec ce soir pendant une période de vingt minutes comme tous les autres organismes, groupes et individus que nous avons entendus. La décision

finale doit cependant être prise par le conseil des ministres et le gouvernement.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement, je suis d'accord que la décision finale doit être prise par le gouvernement et par le cabinet. Cependant, nous avons eu, comme députés et comme membres de cette commission parlementaire, l'avantage d'entendre les mémoires qui ont été présentés tant par l'Hydro-Québec que par les autres organismes. Nous avons même donné l'avantage à l'Hydro-Québec de répondre aux questions, à l'argumentation qui avait été avancée par les autres organismes. Or, je pense que les membres de la commission sont actuellement assez éclairés pour faire une recommandation à l'Assemblée nationale et c'est dans ce sens que je propose cette motion.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aimerais faire remarquer aux membres de la commission que le député de Saguenay a fait un discours et a posé soit directement, soit indirectement, des questions à l'Hydro-Québec, et il me semble qu'il n'a pas attendu les réponses, les commentaires ou les observations de l'Hydro-Québec avant de tirer des conclusions. C'est un luxe que peut se permettre l'Opposition mais que le gouvernement ne peut se permettre. Je voudrais souligner que si le gouvernement — et je parle de façon hypothétique pour le moment — décidait autour de cette table de commission de rejeter, de s'opposer à la motion proposée par l'honorable député de Saguenay, il ne faudrait pas que cette opposition soit interprétée comme une prise de position contre celle proposée par le député de Saguenay.

Mais, simplement, le gouvernement se croirait en droit et en devoir de réserver son jugement, d'attendre la fin de toutes les présentations, de digérer ce que nous entendons depuis dix heures ce matin, de la part de beaucoup d'organismes, de revoir le mémoire de l'Hydro-Québec du 3 mai et d'arriver, enfin, au meilleur jugement dont il serait capable.

Donc, advenant le cas où le gouvernement ne trouve pas possible d'appuyer la motion du député de Saguenay, je ne voudrais pas que cette prise de position soit mal interprétée.

M. VINCENT: Est-ce que le député de Saguenay me permettrait de suspendre pour quelques instants sa motion et si les membres de l'Hydro-Québec avaient quelques réponses à nous donner...

M. LESSARD: Je regrette, mais l'Hydro-Québec...

M. VINCENT: C'est parce que la motion n'est pas encore reçue par le président. C'est là que je ne voudrais pas qu'on...

M. BURNS: Elle est reçue.

M. VINCENT: Elle est faite mais elle n'est pas encore reçue.

M. BURNS: II n'a pas d'affaire à la recevoir ou non. Elle est faite.

M. LESSARD: La motion est faite.

M. VINCENT: Oui, mais est-elle recevable?

M. LESSARD: Elle est recevable.

M. BURNS: Elle est là, elle est faite.

M. LESSARD: Le député de Nicolet me pose une question. J'ai bien souligné tout à l'heure que ces questions ont été posées à l'Hydro-Québec au cours de la session du 3 mai, la session de la commission parlementaire. A maintes et à maintes reprises, le ministre des Richesses naturelles peut le dire, nous avons demandé à l'Hydro-Québec si elle avait fait des études alternatives. Ce soir, l'Hydro-Québec aurait pu répondre à ces questions. L'Hydro-Québec a toujours refusé de répondre à ces questions et je pense, pour ma part, que l'Hydro-Québec, à qui nous avons accordé 20 minutes pour répondre justement aux objections qui avaient été apportées, à qui nous avons accordé encore 20 minutes pour nous dire exactement ce qu'elle pensait de ce projet a eu à mon sens tout le loisir nécessaire pour nous prouver que ce projet était rentable, non seulement économiquement mais sur le plan écologique, et je pense que je suis assez éclairé actuellement. Si le gouvernement n'aime pas ma motion, qu'il vote contre cette motion, c'est son problème. Pour ma part, je pense avoir reçu tous les éclaircissements nécessaires. Quant à ceux qui n'ont pas voulu répondre à mes questions, c'est leur problème.

M. PILOTE: M. le Président, je considère pour ma part cette motion du député de Saguenay comme étant non recevable et irrégulière. Lorsqu'il parle de l'aménagement accéléré de la vallée de la Jacques-Cartier pour fins touristiques, il engage nécessairement financièrement le gouvernement à ce sujet et je considère cette motion comme étant non recevable.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'ailleurs, je vais me prononcer...

M. BURNS: Est-ce que le président de la commission me permet d'intervenir?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous avez le droit d'intervenir à titre de député.

M. BURNS: Merci, M. le Président, vous êtes bien gentil.

Je veux tout simplement dire que la motion, telle qu'elle est formulée, c'est très important de s'y arrêter. Le député de Saguenay a

mentionné entre autres choses que — et ceci, je pense, en réponse à une interquestion qui a été formulée par le ministre des Affaires municipales chargé de l'environnement — quelle que soit la décision que cette commission rendrait sur sa motion ou prendrait sur sa motion, cela ne lie pas. Je pense que c'est important que cette distinction soit posée. Cela ne lie pas. Cela va être une drôle et sérieuse pression psychologique sur le gouvernement; il n'y a pas de doute, n y aura une commission qui aura dit qu'elle recommande et ce sont les termes de la commission. Et, je voudrais, M. le Président, bien insister sur le fait que ce n'est pas comparable à un "money bill" même si la deuxième partie, comme le disait le député du lac Saint-Jean, semble laisser croire qu'il y aura une dépense d'argent.

La deuxième partie nous parle de l'aménagement accéléré de la Vallée de la Jacques-Cartier pour fins touristiques, etc. C'est une recommandation et c'est au même titre, M. le Président...

M. PILOTE: M. le Président, je voudrais...

M. BURNS: Une minute, un instant, je n'ai pas fini.

M. PILOTE: Excusez-moi!

M. BURNS: ... que nous faisons régulièrement, tous les mercredis, les députés de l'Opposition — admettant au départ que nous n'avons pas le droit d'engager les fonds publics par nos motions, admis, il n'y a pas de problème là-dessus — des motions qui recommandent au gouvernement certaines lignes de pensée qui sont acceptées ou qui sont refusées, peu importe, et qui peuvent, une fois acceptées, comporter une dépense quelconque, un engagement de fonds publics.

Je dis, M. le Président, qu'une commission, je vous le soumets respectueusement, a parfaitement le droit, sans engager les fonds gouvernementaux, parce que la commission ne décide pas en dernière instance, à moins que vous me disiez le contraire... Si vous me dites que quelque décision qui arrive dans une commission, est une décision finale, à ce moment-là, je vais être obligé de réviser tout mon droit parlementaire. Je pense que vous ne me donnerez pas, connaissant votre logique, une réponse de cette nature. Est-ce que vous voulez consulter le premier ministre, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Comme je ne suis pas un avocat, moi-même, il faudrait quand même que je consulte quelqu'un.

M. BURNS: Je veux seulement vous dire ceci et je vais terminer là-dessus. Je veux vous dire que la motion qui est faite en commission, il ne faut pas partir en peur avec cela. Cela n'a peut-être pas l'air sérieux qu'on la fasse en se disant: Elle peut être rejetée de l'autre bord. Mais pour nous autres, c'est très sérieux, en ce sens qu'actuellement ce problème-là a été étudié en commission d'une part, que c'est notre seule voie, que c'est notre seul moyen de tenter d'influencer le gouvernement, que d'autre part, en vertu des règles parlementaires, cela ne lie pas le Parlement. Vous devrez — c'est tellement vrai que vous avez nommé sans doute un rapporteur à cette commission-ci — faire rapport à l'Assemblée nationale de cette recommandation-là. C'est cela qui est le point et, peut-être, la fine pointe de la distinction en droit parlementaire qui se pose, c'est-à-dire que le député de Saguenay vous dit: Moi, comme membre de la commission, je recommande l'abandon du projet Champigny et je recommande l'aménagement accéléré de la vallée. Si vous ne voulez pas l'adopter, vous le batterez, mais si vous voulez l'adopter, vous ne venez pas de faire ce qu'on appelle en droit parlementaire un "money bill". En ce sens-là, M. le Président, quand vous acceptez cette motion-là, vous n'acceptez pas une motion irrégulière, loin de là. Vous acceptez que cette commission-ci fasse des recommandations au gouvernement, car il faut peut-être se demander à quoi cela sert, les commissions, sinon à faire des recommandations au gouvernement. Je ne pense pas qu'il y ait des projets de loi qui s'adoptent en commission. Si vous en avez déjà vu, M. le Président, vous me les citerez, les cas; mais moi, je n'en ai jamais vu. Il n'y a pas de commission qui adopte des projets de loi, il n'y a pas de commission qui adopte des dépenses. Il n'y a que des commissions qui font des recommandations.

La meilleure preuve, c'est que, lors de l'étude des crédits, nous n'avons même pas le droit de faire augmenter les crédits du ministère des Affaires municipales, du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ou du ministère des Richesses naturelles ou du Revenu. On recommande cependant. A un moment donné, on peut dire: Ecoutez, on pense que vous devriez peut-être... le gouvernement suivra ou ne suivra pas notre recommandation, mais c'est une recommandation et c'est ça qui est le point central. C'est pourquoi, je le dis bien sincèrement, je vous le soumets respectueusement, M. le Président, que cette motion est parfaitement acceptable, parfaitement recevable. Maintenant, comme le disait le député de Saguenay et comme semblait l'indiquer le ministre des Affaires municipales, si la commission trouve que c'est trop tôt, ou si elle n'est pas d'accord, elle la battra. Mais on aura soumis une motion parfaitement régulière. Je ne vois pas pourquoi un député, quel qu'il soit, membre de cette commission, ne soumettrait pas ses constatations à une commission qui reflète, dans le fond, ses constatations et que ses constatations concluent à une recommandation. C'est tout ce que j'avais à dire, M. le Président.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne

pense pas que la question de recevabilité doive nous retenir très longtemps. Je pense qu'il faut aller au fond de la question. Je pense, premièrement...

M. BURNS: Un instant, M. le Président, la question de recevabilité, je m'en excuse auprès du ministre, a été soulevée. Moi, je veux savoir, de la part du président, s'il accepte cette motion comme recevable. Après ça, on discutera du mérite. Parce que je ne veux pas qu'on se fasse faire des entourloupettes comme c'est déjà arrivé, de discuter tantôt du mérite et tantôt de la forme de la motion. Je voudrais que vous régliez au moins le problème de la recevabilité de la motion, ce qui est parfaitement de votre juridiction; vous avez entièrement le droit de nous dire qu'elle est recevable. Je ne voudrais pas, maintenant que quelqu'un a soulevé l'aspect de la recevabilité de la motion — ce n'est pas moi qui l'ai soulevé — qu'on discute tantôt du mérite et tantôt de la recevabilité. Je pense qu'avant de discuter du mérite, comme il semble à bon droit, je suis d'accord avec le ministre des Affaires municipales, qui semble vouloir discuter du mérite — tant mieux, je suis d'accord qu'on en vienne à ça — mais avant ça, je pense que vous devez nous dire si cette motion est recevable.

M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une question à poser au député de Maisonneuve, s'il me permet. Je demandais tout à l'heure au député de Saguenay s'il voulait retarder de quelques instants sa motion.

Voici la raison, advenant — et ceci est possible théoriquement — que la motion soit votée, cela signifie qu'on termine les travaux et il n'y a plus de questions que nous pouvons poser ou que nous pourrions poser à l'Hydro-Québec.

M. BURNS: M. le Président, après avoir consulté mon collègue de Saguenay, parce que c'est lui qui a toute la sagesse de la motion derrière lui.

M. GOLDBLOOM: Oui, oui, oui! ne charriez pas trop!

M. HOUDE (Fabre): Cela a l'air "coaching" un peu !

M. VINCENT: Je pense que c'est juste un point...

M. BURNS: Après l'avoir consulté, je veux dire que le député de Saguenay et moi-même — en tout cas, je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi je dirais moi-même — nous n'avons pas d'objection à ce qu'une fois que la motion aura été déclarée recevable, on pose toutes les questions pertinentes à l'Hydro-Québec pour nous éclairer sur la motion, si nécessaire.

Nous n'avons pas d'objection.

M. VINCENT: On pourrait prendre le vote tout de suite.

M. BURNS: Non, non. On ne sera pas...

M. VINCENT: A ce moment-là, théoriquement...

M. BURNS: Non, non, soyez sans crainte là-dessus, comme le Président nous dira que la motion est recevable, dans quelques secondes, à ce moment-là on est prêt à dire, nous autres: S'il y a des gens qui ne sont pas, tout à fait éclairés, je serais bien mal venu de venir vous dire le contraire. On a passé la journée entière à essayer de convaincre le ministre du Travail, dans son bill 9, d'inviter du monde à venir témoigner sur des motions et sur un projet de loi. Alors, je n'ai pas d'objection à ce que l'Hydro-Québec, voyant maintenant cette recommandation, puisse répondre à des questions que les députés auraient ou se sentiraient en droit de poser avant de donner leur jugement sur la motion. Que ce soit bien établi, en ce qui nous concerne, ce n'est pas dans l'intention de bloquer la commission, loin de là, c'est dans l'intention de faire avancer les travaux de la commission.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Pour autant que je suis concerné, je pense que la motion n'est pas recevable. D'abord, la première des choses, c'est que le projet Champigny n'est pas encore une réalité. C'est simplement une étude. Je ne partage pas...

M. LESSARD: M. le Président, nous avons eu deux séances de la commission parlementaire sur cela.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Deuxièmement, je ne partage pas l'idée du député de Maisonneuve, à l'effet que ce n'est pas un "money bill".

M. LESSARD: M. le Président, le projet Champigny n'est pas une réalité. Est-ce qu'on va attendre, avant de faire des recommandations, que le barrage de la réserve pompée soit fait?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): On peut quand même attendre que l'Hydro-Québec réponde quelque peu.

M.LESSARD: M. le Président, j'ai dit au député de Nicolet, c'est-à-dire par l'intermédiaire de mon collègue, le député de Maisonneuve, que j'étais prêt, à un moment donné, à permettre que des questions soient posées en ce qui concerne les incidences de la motion, incidences économiques et autres.

Cependant, M. le Président, c'est que lorsque vous justifiez le fait... Vous dites que la motion n'est pas recevable parce que le projet Champi-

gny n'est pas une réalité. Je regrette, M. le Président, à ce moment-là, je me demande pourquoi on siège en commission parlementaire. On aurait dû arrêter depuis quelque temps.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Vous demandez l'abandon du projet Champigny. Je comprends qu'il y a eu une étude qui a été faite qui s'appelle — on l'a ici — "Projet Champigny", mais il reste quand même que c'est au stade des études, c'est encore théorique, jusqu'à maintenant. Alors, il est à savoir si cette théorie va se transposer ou non dans la réalité. C'est pour cela que je vous dis que je crois que la motion est irrecevable.

Deuxièmement, je ne partage pas l'idée du député de Maisonneuve quant au "money bill", comme on l'appelle, parce que l'on ne peut pas aménager d'une façon accélérée la vallée de la Jacques-Cartier pour fins touristiques et des loisirs, sans que l'on n'implique des sommes d'argent publiques.

M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président, il n'appartient pas à un député de l'Opposition de proposer la dépense de l'argent public. Cependant, au niveau de la commission parlementaire, étant donné que nous sommes des personnes qui avons discuté de ce projet pendant deux séances de la commission parlementaire, il est, je crois, possible, non pas d'engager des fonds publics mais de recommander au gouvernement, par exemple, l'aménagement de la Jacques-Cartier. Il faut quand même être sérieux.

M. PILOTE: M. le Président, vous avez pris une décision et votre décision doit être respectée.

Je demande au député de Saguenay de respecter votre décision.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je la maintiens.

M. LESSARD: Ecoutez, sauvez votre gouvernement, c'est votre problème. C'est incroyable.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Je crois que M. DeGuise a demandé la parole.

UNE VOIX: L'effort aura été valable.

M. DEGUISE: Ce n'est pas que je demande la parole, mais je crois que l'on m'a posé un certain nombre de questions et si c'est le désir de cette commission que j'y réponde...

M. HOUDE (Fabre): Askatara-Scotoro. Nous ne sommes pas couchés!

M. DEGUISE: Je m'excuse auprès du député du Saguenay, il se peut que j'en passe, il y a déjà vingt minutes que ses questions ont été posées mais je vais essayer, de mémoire, de répondre aux principales.

Je crois que dans le premier point, on a mis en cause la compétence de l'Hydro-Québec dans les aménagements de parcs. Je dois vous dire que je confesse humblement au nom de l'Hydro-Québec que nous ne prétendons à aucune compétence dans ce domaine et c'est exactement pourquoi nous avons engagé un bureau de consultants.

Maintenant, si c'est le désir de la Chambre, je demanderais à M. Pelletier de nous donner les qualifications de son bureau et de nous dire s'il a déjà fait des parcs ailleurs.

M. PELLETIER: Oui. Pour répondre à ce que disait M. Lessard tout à l'heure, qu'il se fiait beaucoup plus aux experts du ministère du Tourisme qu'à nous, je dois lui dire que nous sommes les consultants réguliers du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche depuis sept ans.

Nous avons aménagé plusieurs parcs ici, au Québec. Nous en avons aménagé au moins quatre et il y en a quelques-uns qui sont en plan actuellement. Nous avons aussi aménagé environ à 90 p.c. le parc national de Forillon et, actuellement, nous procédons à des études écologiques à l'intérieur du parc de la Mauricie où nous mesurons l'impact des aménagements récréatifs sur les divers écosystèmes.

M.LESSARD: Est-ce que je pourrais vous faire remarquer que, lorsque vous travaillez pour le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, les objectifs ne sont pas du tout les mêmes que lorsque vous travaillez pour l'Hydro-Québec?

M. PELLETIER: Alors, si vous voulez...

M. DEGUISE : Est-ce que je peux répondre à cette question, M. le Président? Je dois dire ici qu'en ce qui nous concerne nous avons fait et fait faire une proposition d'aménagement que nous croyons la meilleure. Si le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a d'autres suggestions ou d'autres vues, vous pouvez être certain qu'elles seront bienvenues.

M.GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que je peux cependant demander à M. DeGuise, quand il dit que si le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a d'autres suggestions quant à l'aménagement, est-ce que c'est dans le cadre de l'hypothèse d'un réservoir?

M. DEGUISE: Evidemment.

M. GOLDBLOOM: Bon, j'aimerais donc poser la question à M. Pelletier qui a indiqué sa feuille de route, qui a indiqué son expérience dans le domaine de ce genre d'aménagement. Est-ce qu'il a pu examiner l'hypothèse d'aménagement avancée par la Corporation des ingénieurs forestiers? Est-ce qu'il trouve une différence quelconque entre l'hypothèse d'aménagement mise de l'avant par l'Hydro-Québec et

celle mise de l'avant par les ingénieurs forestiers? Et est-ce qu'il a envisagé un aménagement sans réservoir?

M. PELLETIER: A votre question, je dois répondre que j'ai vu pour la première fois aujourd'hui l'aménagement proposé par la Corporation des ingénieurs forestiers et, évidemment, je n'ai eu aucun temps pour réfléchir à ce problème. D'autre part, notre mandat, de la part de l'Hydro-Québec, était assez clair, nous devions simplement faire l'étude des possibilités d'aménagement récréatif dans les conditions que j'ai décrites, c'est-à-dire après que le barrage aurait été construit ou enfin durant cette période-là. Alors, nous n'avons pas du tout examiné d'autres solutions que celle-là.

M.SIMARD (Richelieu): M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Pelletier. Pour ce qui a été de la préparation des maquettes ou enfin de tout le plan général d'aménagement touristique qui est le plein air, enfin tout, est-ce que son bureau a travaillé en collaboration avec des fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche?

M. PELLETIER: Dans l'élaboration des maquettes.

M. SIMARD (Richelieu): Enfin, du plan en général, si vous parlez de...

M. PELLETIER: Non.

M. TETRAULT: J'aurais une question à poser à M. DeGuise.

M. DEGUISE: Je ne sais pas mais il y aurait encore, d'après ce que je peux me rappeler, quatre ou cinq points qui ont été mentionnés par M. Lessard qui aimerait avoir des réponses. Préférez-vous que je finisse avec les questions posées?

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Oui. Je préférerais que vous finissiez avec les questions du député de Saguenay.

M. DEGUISE: On a demandé s'il y avait d'autres sites d'étudiés. L'Hydro-Québec a déposé les documents, indiquant qu'il y avait eu des études absolument préliminaires mais qu'il y avait eu d'autres sites de considérés à partir de cartes existantes, de données assez minces puisque nous avons toujours dit que, pour faire une évaluation que j'appellerais budgétaire, une évaluation sur laquelle on peut planifier une construction et planifier des dépenses, cela peut demander d'un an à un an et demi d'études au minimum. Alors, évidemment que les chiffres qui ont été déposés ne comportent pas ce degré de précision mais disons qu'ils présentent une image relativement raisonnable.

Il y avait une question de posée? Pardon?

Que représentaient les turbines à gaz comparativement à un aménagement à réserve pompée, comme Champigny? J'ai pris bien garde de dire qu'au sujet des chiffres qui ont été lancés sur l'aménagement de Champigny, les études sont à peine terminées à 60 p.c. et que nous avons simplement examiné le coût d'études ou de projets réalisés ailleurs, dans les conditions les plus semblables possible, et que nous avons mis un prix unitaire qui pouvait être de $160 à $175 le kilowatt. Une turbine à gaz? Nous croyons, d'après les renseignements obtenus actuellement — et ce n'est pas à la suite d'études exhaustives puisque ce n'était pas dans notre mandat et je vais dire pourquoi dans un instant — que cela peut s'installer pour un ordre de grandeur de $125 le kilowatt. Donc, en frais d'investissement, en coût de premier investissement, il est évident que les turbines à gaz coûtent moins cher. Seulement interviennent d'autres facteurs qu'il est plus difficile d'évaluer et qui nous portent à croire que les coûts ne sont peut-être pas tellement différents ou en dedans des degrés de précision des évaluations. Je m'explique.

Une turbine à gaz est dépréciée sur une période de 20 ou de 25 ans. Un aménagement hydro-électrique est déprécié sur 50 ans au minimum. Les turbines à gaz, nous le savons, ont des frais d'entretien élevés. Elles consomment du combustible dont le prix est à la hausse d'une manière très marquée.

On peut dire que la décision de l'Hydro-Québec de recommander une centrale à réserve pompée plutôt que des turbines à gaz est basée beaucoup plus sur deux autres éléments que l'élément coût.

Nous savons et plus nous nous renseignons, plus il semble y avoir d'objections au point de vue de l'environnement — et par environnement, je qualifie bruit et pollution de l'air — aux centrales à turbine à gaz. Depuis que les journaux ont fait allusion à des possibilités de centrales à turbine à gaz, nous avons reçu des appels téléphoniques d'utilités américaines qui en ont acheté pour 400,000 kilowatts et qui ont tellement d'objections de la population environnante qu'elles veulent nous les vendre.

Nous nous basons sur le témoignage d'autres. Il y a un autre élément qui n'est pas négligeable non plus. Nous avons pensé que, dans le contexte du Québec, étant donné qu'une centrale à réserve pompée a un pourcentage de retombées économiques locales beaucoup plus grand que des centrales de turbine à gaz où l'appareillage est américain, où le combustible vient de l'extérieur et où les spécialistes viennent de l'extérieur, nous avons cru que cela était un deuxième argument qui militait à des prix à peu près comparables en faveur d'une centrale à réserve pompée.

On nous a parlé d'autres sites. On nous a posé la question: Pourquoi n'allez-vous pas à d'autres sites? Ceux qui ont participé à certaines réunions d'information, M. Laurent peut

en témoigner, dès qu'on a parlé, par exemple, de la rivière Sainte-Anne-du-Nord, il y a tout de suite quelqu'un qui s'est levé et qui a dit: Je serai en tête du comité de protection de la rivière Sainte-Anne-du-Nord. Vous pouvez être certains... C'est un peu comme M. Giroux au sujet des poteaux: Quand on veut placer un poteau quelque part, le propriétaire impliqué nous suggère toujours les deux voisins.

M. LESSARD: Est-ce que Sainte-Anne-du-Nord est à l'intérieur d'un parc?

M. DEGUISE: A première vue, je ne le crois pas.

M. HOUDE (Fabre): Je crois que nous avons discuté de toutes ces questions la semaine passée. Nous reprenons le débat.

M. DEGUISE: Si la question est vidée, je suis bien content.

M. LESSARD: Je pense bien que j'ai été assez éclairé pour prendre une décision. Je n'ai pas besoin des...

M. SIMARD (Richelieu): Je comprends que le député de Saguenay est un député extrêmement intelligent étant donné qu'il peut ingurgiter dans l'espace de cinq minutes tout ce qui a été discuté pendant toute une journée, pour faire une proposition aussi sérieuse...

M. LESSARD: Vous dites que nous avons discuté toutes ces questions. Je suis complètement d'accord avec le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Nous en avons discuté et nous sommes assez éclairés, je crois, pour prendre une décision. Vous avez refusé ma motion. Personnellement, je n'ai pas...

M. GOLDBLOOM: M. le Président, le député de Saguenay insiste sur le fait qu'il est suffisamment éclairé et, parce qu'il est suffisamment éclairé, la commission est suffisamment éclairée pour prendre une décision. Je voudrais souligner tout simplement que j'ai fait l'historique de la séance du 3 mai et de celle d'aujourd'hui. Nous avons décidé d'entendre, aujourd'hui, ceux qui voulaient se faire entendre. Il aurait été impensable pour le conseil des ministres de prendre une décision avant la fin de la journée d'aujourd'hui. Et en ce moment, il y a trois ministres qui ont participé à cette séance; deux autres ont siégé de temps en temps à la table; le conseil des ministres n'est pas ici; le conseil des ministres n'est pas en session, donc ne peut prendre la décision qui lui revient. C'est la seule raison pour laquelle la commission peut exprimer des avis individuellement autour de la table, mais puisque la décision revient au conseil des ministres, il faudra attendre que le conseil des ministres siège pour prendre cette décision.

M. LESSARD: M. le Président, je suis complètement d'accord avec le ministre des Affaires municipales.

M. GOLDBLOOM: Merci.

M. LESSARD: La seule chose que j'ai faite, M. le Président — il est certain et je suis complètement d'accord qu'il appartient au conseil des ministres de prendre sa décision — et ça corrobore ce que disait tout à l'heure le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, c'est que personnellement j'ai relu aussi ce qui avait été discuté lors de la commission du 3 mai; j'ai écouté aujourd'hui un certain nombre de spécialistes et personnellement je me sentais tout simplement assez informé pour demander à la commission de recommander que le projet Champigny soit arrêté.

M. le Président, je suis complètement d'accord ; ces discussions ont été faites ' et les réponses de l'Hydro-Québec ont toujours été les mêmes, c'est-à-dire imprécises, incomplètes, etc.

M. SIMARD (Richelieu): Je pense, M. le Président, que le député de Saguenay ferait un drôle de ministre. La question serait..

M. LESSARD: Je vous remplacerais assez vite, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs les membres de la commission, à l'heure avancée à laquelle on est rendu, j'aimerais bien qu'on s'en tienne à des questions pertinentes à l'Hydro-Québec et qu'on cesse des "avocasse-ries" entre les membres de la commission. Cela n'avance ni les travaux et cela n'éclaire personne, surtout que cela n'éclaire personne. Nous sommes ici, en commission parlementaire, dans le but de se faire éclairer et d'entendre tous les sons de cloche.

M.GAUTHIER: Je suis M. Gauthier de Gauthier, Poulin & Thériault. Tout à l'heure, M. Simard a posé une question à M. Pelletier, à savoir s'il y avait eu collaboration dans la préparation des plans avec les ingénieurs ou le personnel de son ministère.

Dès le mois de décembre, quand l'Hydro-Québec a pris contact avec nous, j'ai personnellement téléphoné à M. Bernard Lavergne, de votre ministère, lui demandant sa collaboration et lui disant qu'autant que possible on aimerait, à la demande de l'Hydro-Québec, que chaque fois qu'il y aurait des avant-projets, des projets préliminaires, des données, de le rencontrer et que la discussion se fasse tant avec le ministère du Tourisme qu'avec celui des Terres et Forêts. Aux Terres et Forêts, j'ai fait exactement la même chose et j'ai communiqué avec M. Pierre-Paul Légaré pour avoir la même assurance de collaboration.

M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez eue...

M. GAUTHIER: Le mandat verbal nous est arrivé au début de janvier après... Je ne me souviens pas des dates exactes, mais on ne pouvait pas présenter de document tant que les engagements écrits de l'Hydro-Québec envers notre firme... Il nous arrive très souvent de commencer des travaux quand on a l'assurance d'un client de les faire.

M. LESSARD: Mais, est-ce que vous avez eu des recommandations, à la fois du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et à la fois du ministère des Terres et Forêts? Il semble que, même si vous l'avez proposé, cela semblait...

M.GAUTHIER: Non, dans les deux cas la collaboration était assurée.

M. LESSARD: Cela veut dire quoi?

M.GAUTHIER: Quand il a été décidé de cesser les travaux sur la Jacques-Cartier, nous n'avons fait que faire part visuellement de l'état des recherches.

M. LAURENT: Sur la même question, M. le Président. Lors d'une réunion du comité interministériel...

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Voulez-vous vous identifier, pour commencer?

M. LAURENT: Paul Laurent, président du comité d'information sur le projet Champigny. Lors d'une réunion du comité interministériel et du comité de l'Hydro-Québec sur cette question précise du projet Champigny, il a été mentionné que l'Hydro-Québec avait l'intention de faire faire une étude préliminaire d'aménagement qui irait avec son aménagement hydroélectrique et la question a été bien reçue, discutée et il avait même été entendu que, lorsque tout serait prêt, ces mêmes propositions seraient ramenées à ce comité conjoint de l'Hydro-Québec et du comité interministériel. A ce moment-là aussi, on était tous d'accord sur cette question et M. Corbeil siégeait à ce comité interministériel.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, si je comprends bien, il pourrait y avoir une dépense de $8 millions à $10 millions pour le projet ou le programme ou l'aménagement récréatif. C'est 5 p.c? Pardon? C'est $5 millions, c'est 5 p.c. du montant total qui serait dépensé?

M. DEGUISE: II y a eu beaucoup de chiffres d'avancés, mais le sujet n'est jamais venu à une séance de la commission et n'a jamais eu l'approbation à la commission, à l'Hydro-Québec.

Il y a eu des comparaisons faites avec des aménagements ailleurs et je crois que, dans tout ce qu'il y a eu de plus officiel, l'Hydro-Québec a déclaré qu'elle était prête à engager plusieurs millions.

M. VINCENT: Mais ce serait de l'ordre de... M. DEGUISE: On pense à $5 millions.

M. VINCENT: On peut penser autour de $5 millions.

M. DEGUISE: Ces chiffres ne peuvent pas être autrement que préliminaires, parce qu'on nous arrête au milieu des études. A moins de vouloir être des devins, il faut donner des chiffres préliminaires.

M. VINCENT: Advenant, je le dis avec un gros point d'interrogation, qu'il y aurait un projet ou un programme récréatif aménagé par l'Hydro-Québec, toujours advenant que le gouvernement prenne une décision, une fois l'aménagement récréatif terminé, est-ce que l'Hydro-Québec a l'intention d'administrer ce parc ou ce site récréatif, et sinon, de le remettre à qui?

M. DEGUISE: Je crois qu'il y a un précédent là-dedans, parce que je crois que nous avons déjà engagé des millions dans le parc Carillon, dans le parc au ciel des chutes Montmorency et ailleurs. A chaque occasion, l'Hydro-Québec est toujours désireuse d'en laisser l'administration à des spécialistes en matière, en l'occurrence le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): S'il n'y a pas d'autres questions...

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, sur le plan de l'information au public, on sait que certaines informations ont pu être, au cours des derniers temps, unilatérales. Maintenant, le comité d'information de la Jacques-Cartier, du projet Champigny a-t-il l'intention d'intensifier son travail au niveau du public, parce qu'on sent, dans le public, enfin chez nous, je peux le dire, une acceptation de ce projet comme tel? Quelle est votre plan d'avenir à court terme ou à moyen terme? On doit en avoir une idée.

M. VINCENT: Je pense que le projet d'avenir le plus près du comité, c'est la décision du gouvernement. Après ça...

M. LAURENT: M. le Président, justement, en deux mots, si vous le permettez, nous avons pris une décision pour laisser libres ces débats publics. Avant les séances de la commission parlementaire, nous avons décidé de ne pas faire de débat public, d'information intensive supplémentaire. Nous avons l'intention d'attendre une

décision avant de prendre quelque décision que ce soit dans ce domaine.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Messieurs, nous remercions tous ceux qui se sont donné la peine aujourd'hui de nous présenter des mé- moires. Vous pouvez être assurés qu'ils seront soigneusement étudiés et j'espère que la décision la plus sage sera rendue.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 42)

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