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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mardi 6 mai 1975 - Vol. 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

75 - 23.htm

journal des Débats

Commission permanente de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Le 6 mai 1975 — No 72

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

Séance du mardi 6 mai 1975

(Vingt heures vingt minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de-la pèche): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche étudie les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce pour l'année 1975/76.

Les membres de la commission sont les suivants: M. Bellemare (Johnson); M. Cadieux (Beauharnois); M. Côté (Matane); M. Déom (Laporte); M. Denis (Berthier); M. Boutin (Abitibi-Ouest) remplace M. Dufour (Vanier); M. Lachance (Mille-Iles); M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Lessard (Saguenay); M. Malouin (Drummond); M.Tremblay (Iberville) remplace M. Marchand (Laurier); M. Morin (Sauvé); M. Samson (Rouyn-Norande) et M. Saint-Pierre (Chambly).

M. Morin: M. le Président, avant que nous ne procédions, puis-je inviter le ministre à nous présenter ses principaux collaborateurs. Il y en a plusieurs qui étaient déjà là l'année dernière, mais d'autres figures, nous sont moins connues et sont moins connues des membres de la commission. Je pense qu'il serait dans l'intérêt de tout le monde que nous les connaissions.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre.

M. Saint-Pierre: J'étais pour le faire avant la présentation de l'article 1 et je peux le bousculer un peu avant. Alors, à ma droite...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Avant de continuer, j'aimerais que le rapporteur de la commission soit désigné. Quel est le nom suggéré? Le député de Drummond est suggéré comme rapporteur de la commission. Agréé.

Le ministre.

Activités du ministère

M. Saint-Pierre: M. le Président, peut-être que la meilleure façon, en nommant leurs noms, les gens pourraient se lever. Alors, à ma droite, le sous-ministre en titre, M. Robert De Coster; après, à ma gauche, le sous-ministre adjoint, responsable de l'administration et de la recherche, M. Marcel Bergeron; derrière moi, M. Jean Labonté, sous-ministre adjoint, responsable de la promotion industrielle; M. Charles Plamondon, directeur général de l'expansion industrielle — c'est un nouveau venu au ministère — M. Gilles Chatelle, direction des services internationaux; M. Jacques Girard, adjoint au directeur général à la direction de l'expansion industrielle; M. Richard Pouliot, directeur des communications, sous M. Dinsmore; le directeur général de l'industrie, M. Paul Brisset; le directeur général de la recherche et de la planification, M. Denis Bédard; son adjoint, M. Michel Gauthier; le directeur de l'analyse de la prévision économique, M. Denis Baribeau; le directeur des services des études sur les relations économiques internationales, M. Yvon Pomerleau; M. Michel Gagnon, directeur de l'organisation administrative et M. Christian Latortue — je m'excuse — directeur général de l'administration.

M. Le Président, vous me permettrez de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont réunis aujourd'hui dans cette salle pour procéder à l'exercice annuel de l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Si vous le voulez bien, dans ces remarques d'introduction, nous tenterons, bien sûr, sans éviter la discussion sur les questions de fond, ni escamoter de détails, d'effectuer cet exercice avec une certaine rigueur et une certaine rapidité. Afin d'accélérer la marche des travaux, je demanderais la collaboration de tous afin que cette étude se poursuive selon l'ordre exact des programmes.

A cette fin, nous avons convoqué pour chaque étape, les principales personnes-ressources disponibles au ministère, mais, comme il y a un grand nombre de cadres impliqués, nous souhaitons qu'ils puissent participer à l'étape prévue et soient ensuite capables de retourner aux fonctions qui les attendent.

Cette année, M. le Président, je voudrais limiter mes remarques à de grands traits d'orientation et situer les commentaires supplémentaires à l'intérieur de chaque section budgétaire. A cette fin et pour faciliter la bonne compréhension de l'ensemble des parlementaires, j'ai fait préparer un document qui me paraît très complet sur les grandes données de mon ministère. Il me fait plaisir d'en transmettre une copie au chef de l'Opposition officielle. Je pense que les autres membres de la commission ont tous reçu également, récemment, leur copie. Le document contient plusieurs renseignements plus détaillés qui pourraient ne pas faire l'objet de questions, mais qui permettraient quand même d'alimenter et de donner le plus d'informations possible sur les activités du ministère dans chacun de ses programmes.

Dans l'ensemble, le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce passe cette année à près de $71 millions et augmente ainsi de 20% sur le budget précédent. Je signale au passage que l'augmentation budgétaire de cette année correspond à la moyenne de 19.9% de toute croissance que nous avons enregistrée depuis 1970. Le nombre de postes, fonctionnaires, cadres professionnels, attribués cette année au ministère, est de 1,296, soit une croissance de 2.4% des effectifs. Nous envisageons, principalement, de recruter de nouveaux professionnels en vue de répondre à nos programmes de promotion et d'expansion industrielle. En 1974/75, nos objectifs, vous les connaissez, étaient de poursuivre le développe-

ment économique de l'ensemble du Québec, mais, principalement, de favoriser le développement du secteur autochtone, l'intégration des entreprises multinationales dans nos institutions proprement québécoise et, dans une large mesure, continuer la transformation déjà amorcée de la structure industrielle du Québec.

Je ne rappellerai pas ici tous les chiffres qui marquaient la croissance du Québec au plan industriel pour l'année 1974, mais je mentionnerai, simplement, que les chiffres révisés indiquent une croissance du PNB, en dollars courants, supérieure aux chiffres de l'ensemble canadien qui, pourtant, étaient presque au tout premier rang sur le plan de la croissance dans l'ensemble des pays industrialisés.

Vous me permettrez, M. le Président, de mentionner que, pour la quatrième année consécutive, le Québec, au niveau des immobilisations manufacturières, a dépassé toutes les autres régions du pays en 1974, sa croissance étant de l'ordre de 46% comparativement à 35.3% au Canada. Je le dis avec une certaine satisfaction puisque le secteur manufacturier est essentiellement le secteur qui préoccupe le ministère de l'Industrie et du Commerce et je pense, avec un certain recul, que nous avons accompli un bon bout de chemin, nous avons parcouru un bon bout de chemin depuis 1970. Il est peut-être bon de souligner que les rapports des investissements et des immobilisations per capita se sont considérablement améliorés en faveur du Québec depuis cinq ans.

Je rappelle qu'en 1970 les investissements totaux per capita au Québec valaient 65% de ceux de l'Ontario alors qu'en 1974 ils avaient atteint le chiffre de 82%; de même, au niveau des immobilisations manufacturières, nous devions nous contenter d'un per capita égal à 68.6% du per capita canadien en 1970 alors qu'en 1974, notre per capita dans ce secteur dépasse la moyenne nationale pour s'établir à 101.3% du per capita canadien. Voilà les statistiques qui recouvrent plusieurs réalités qui ont touché chacune des régions de la province.

L'année 1974 marquait probablement la fin d'un cycle très favorable à l'économie du Québec, mais je crois que nous avons profité de ce cycle pour entreprendre véritablement la transformation de notre structure industrielle.

La productivité en 1974 a été assez faible par rapport à d'autres années, mais elle demeurait supérieure à la croissance de la productivité de l'ensemble canadien par 0.03 point et par plus de 1% par rapport à la croissance de productivité des Etats-Unis. En même temps, on constatait en 1974 un accroissement substantiel des investissements dans les secteurs de pointe où le Québec avait été si longtemps absent, des secteurs comme la machinerie, la pétrochimie, les produits métalliques, de même que les produits chimiques où, dans nombre de cas, le Québec a pu dépasser de beaucoup les moyennes que nous avions eues au cours de la dernière décennie. En 1974/75, le ministère a contribué à des centaines de mouvements dans les industries. On note, par exemple, qu'il a offert plusieurs centaines de consultations aux petites et moyennes entreprises, contribué à la mise en place de ce nouvel outil de développement qu'est le Groupement québécois d'entreprises, organisé de nombreuses missions à l'étranger; les exportations découlant directement de ces participations ont totalisé plus de $38 millions, amenant la création estimée de 2,300 emplois au Québec.

Au niveau de la Société de développement industriel, activité de nouveau accrue qui a permis, dans plus de régions, de voir une présence accrue des Québécois francophones dans l'activité économique, le ministère a poursuivi de même des activités dans la promotion industrielle plus sophistiquée comme l'opération Fantus à la suite de laquelle nous avons endossé plus de 50 projets sérieux d'investissements dans des secteurs intéressants pour notre transformation industrielle. La Société de développement industriel a fourni des prêts à 87 entreprises, a accepté des prises en charge d'intérêts pour 81 entreprises et pris du capital-actions dans 18 entreprises.

Sur le plan de l'infrastructure d'accueil, nous avons contribué à la mise en place de 48 commissariats industriels et effectué plus d'une vingtaine d'études de planification de parcs industriels.

Dans le secteur des pêches maritimes, nous avons maintenu nos programmes, notamment pour le développement de parcs de pêche et l'aide à l'utilisation de la ressource elle-même. Nous avons également complété divers programmes de recherche, tant d'études globales sur l'économie que d'études sectorielles ou d'études ponctuelles sur des dossiers importants.

Brièvement, je souligne aussi que la direction du commerce a continué à favoriser les regroupements et fusions du secteur commercial, tout en offrant divers conseils et une aide spéciale à certaines entreprises et en poursuivant l'administration de diverses lois sur les pratiques commerciales.

Enfin, le Bureau de la statistique a poursuivi ses travaux afin de multiplier et de préciser les informations sur les principales données de base qui intéressent le Québec et s'apprête à publier un annuaire du Québec considérablement amélioré.

La direction des communications du ministère a été aussi au centre de nos activités en cette année où nous avons tenté de multiplier les rencontres avec la presse, non pas dans une perspective de propagande, mais pour ouvrir vraiment les portes du ministère à ceux qui ont pour mission de donner aux citoyens l'information qui leur est vitale.

Je note également que cette direction, en plus de multiplier ses activités de promotion industrielle dans des média étrangers ou canadiens, a aussi conçu un important programme d'éducation économique.

Si vous le permettez, M. le Président, je résumerai maintenant les activités et les orientations du ministère pour l'année écoulée et l'année qui vient, et je situerai ces activités en cinq strates différentes qui correspondent chacune à un secteur où nous exerçons une activité gouvernementale

susceptible d'améliorer notre situation économique.

Premièrement: Education économique. Comme je viens de le dire, nous avons mis au point un important proramme d'éducation économique. Ce programme, auquel sont alloués cette année des fonds de plus de $700,000 démarrera vraiment à l'automne avec l'entrée en action de divers moyens élaborés dans un document d'orientation.

L'éducation économique est pour nous la base de notre développement. C'est elle qui permet de sensibiliser la population aux grandes données de notre vie économique et de favoriser des choix réalistes. C'est par elle que nous pourrons un jour compter non seulement sur une population consciente des réalités économiques et en mesure de prendre position sur notre développement, mais aussi sur la naissance d'une nouvelle génération d'hommes bien formés aux réalités économiques et industrielles. C'est le substrat de notre développement et de la prise en main de notre avenir économique.

Deuxièmement: L'infrastructure d'accueil. Pour accueillir le développement industriel et favoriser la transformation de notre structure, nous avons besoin de pôles de développement, de travailleurs du développement et de services matériels.

Sous le vocable général d'infrastructure, nous désignons aussi bien les uns que les autres. Sans parcs industriels dotés de services, il y a moins de chances que l'industrie se développe. Sans commissaires industriels certaines régions sont défavorisées, faute de pouvoir transmettre les renseignements importants sur leurs possibilités et leurs aspirations.

Enfin, sans une planification d'ensemble, notre action visant un équilibre régional est faible et diluée. Nous avons intensifié nos programmes dans ce secteur et nous conserverons l'accent que nous y avons placé, au moins pour l'année budgétaire qui s'annonce. Troisièmement, l'aide aux petites et moyennes entreprises. Le premier jalon du développement industriel et aussi le fondement des activités économiques régionales, c'est la petite et la moyenne entreprise; par divers programmes et des mesures distinctes, comme l'aide aux groupements québécois, nous entendons fortifier ce secteur économique qui, dans une large proportion, est le produit immédiat du dynamisme économique intérieur.

Quatrièmement, les grands ensembles industriels. Ici, nous touchons plus précisément à la dualité de l'économie québécoise. Tous nos programmes prévoient une participation accrue des Québécois et leur pénétration dans les grands réseaux d'information industrielle qui forment la structure fondamentale des échanges technologiques et industriels à l'échelle internationale. Tout en spécifiant, dans nos programmes, nos exigences de participation francophone à l'entreprise nationale et multinationale, nous tentons de favoriser un mouvement inverse, la création de grandes entreprises intégrées et, au besoin, dans l'avenir, multinationales émanant de l'économie québécoise. Sans limiter l'accès des capitaux étrangers, au Québec, nous tentons d'éviter la prise de contrôle par des intérêts étrangers d'entreprises leaders de notre industrie autochtone.

D'autre part, nous tentons — nous le démontrerons encore plus en pratique durant le prochain exercice — d'associer les capitaux autochtones à tous les grands projets moteurs touchant nos ressources et impliquant des capitaux et une technologie venus de l'extérieur.

Cinquièmement, exportation et innovation. Enfin, à la pointe de la croissance économique, nous situons les facultés d'exportabilité aussi bien de produits que de services émanant du Québec. La Société de développement industriel met en marche, cette année, avec la collaboration des services internationaux du ministère, un nouveau programme d'aide à l'exportation. Nous avons toujours été conscients de la motricité de l'exportation internationale de biens et de services et nous tenterons de développer un dynamisme accru dans ce domaine.

Je pense, notamment, à des projets comme celui du centre de commerce mondial ou à l'ensemble Mirabel PICA qui me paraissent des éléments types du genre de développement que nous recherchons pour accentuer aussi bien l'exportation de biens que l'exportation de certains services tertiaires où le Québec possède une force encore mal exploitée.

Enfin, nombre de programmes visent à stimuler l'innovation à tous les niveaux de la production et non seulement dans une perspective de percée technologique. Nous comptons les accentuer, en 1975/76. Voilà comment le ministère de l'Industrie et du Commerce, dans les grandes lignes, considère sa présence et son action à tous les paliers du développement économique du Québec. Cette nomenclature est loin d'être complète et je souhaite que nous corrigions rapidement ces ombres par une étude détaillée des crédits et des programmes du ministère pour 1975/76.

Je crois, cependant, que nous avons saisi certaines dimensions de notre croissance, de notre progrès et que nous pourrons, dans l'avenir qui vient, déployer une activité encore plus pertinente à la transformation de la structure industrielle et économique du Québec et à l'éveil de ses citoyens face à la dimension économique essentielle, dans un second temps, à la promotion sociale et collective.

M. le Président, après les mots d'ouverture, j'imagine, que le chef de l'Opposition voudra nous adresser, je suggère que nous passions à l'étude du programme 1, élément 1.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition.

Commentaires de l'Opposition

M. Morin: Merci, M. le Président. J'ai l'impression que nous sommes à répéter l'exercice que nous avons déjà effectué l'année dernière. Une

fois de plus, le ministre s'en tient à des mesures traditionnelles qui ne sont pas inutiles — bien sûr, il n'y a rien d'inutile dans ce dont il nous a fait part — mais à des mesures qui ne vont pas au fond des problèmes du développement et de la structure industriels du Québec.

Il nous décrit, bien sûr, de grands objectifs, ce qu'il appelle de grands traits d'orientation: Développons le secteur autochtone, intégrons les multinationales, transformons la structure industrielle, mais quels moyens concrets propose-t-il pour réaliser ces objectifs? Quand des situations concrètes se présentent de transformer la structure industrielle du Québec, de développer le secteur autochtone, des cas concrets comme celui de la société Price, le tableau devient différent. Au lieu des phrases ronflantes, des grands objectifs ronflants, on aboutit à des culs-de-sac.

Bien sûr, nous aussi, nous sommes pour la vertu. Je voudrais bien que le ministre comprenne que nous ne sommes pas contre les grands objectifs qu'il a décrits. Nous vivons, cependant, à une époque où la vertu affronte de grands défis et des obstacles terribles. Il ne suffit pas de dire qu'on est pour la vertu dans le domaine économique, comme dans d'autres domaines, pour que cela se réalise d'emblée. La question importante dans l'étude des crédits du ministère est celle-ci: Comment entend-on favoriser la "vertu économique"?

Voilà où les réponses, à mon sens, se font très générales, pour ne pas dire évasives. On nous parle d'éducation économique, d'infrastructures d'accueil, d'aide aux PME, de participation des francophones aux grandes entreprises multinationales, d'exportation, d'innovation, de dynamisme accru. Très bien! Vive la vertu! Mais comment mettre en oeuvre ces objectifs, qui sont valables? Pour le faire, il faut, de toute évidence, à notre avis, aller à rencontre du laisser-faire économique ambiant. Il faut, pour ce faire, affronter de bien grands intérêts privés.

Or, sur ce plan, je ne crois pas que le ministre soit prêt à franchir les pas qui doivent être franchis. On se souviendra de la profession de foi du ministre, l'année dernière, à pareille époque, dans l'entreprise privée, alors que j'essayais de lui tirer quelques bribes de politiques dans le domaine de la coopération et de l'entreprise publique. Pourtant, il existe, au sein de son ministère, une multitude de rapports et d'études sur la structure industrielle. Tout récemment encore, le rapport Descoteaux, que je mentionne parmi d'autres, est certainement l'un des documents de travail les plus importants qui soit sorti — je dis bien qui soit "sorti", parce qu'il n'a pas vraiment été rendu public — du ministère, a souligné l'importance d'actions sectorielles appuyées sur des interventions directes du gouvernement dans l'activité productive, tant industrielle que commerciale.

Peut-être convient-il de m'étendre quelques instants sur les conclusions de ce rapport, qui proposait, vous le savez, M. le Président, une politique économique québécoise, la promotion économique des Québécois. Le rapport nous appre- nait ce que nous savions déjà, c'est-à-dire que ce ne sont pas les ressources financières qui manquent au Québec. Ce ne sont pas les ressources financières qui expliquent les problèmes structurels de l'économie québécoise; il nous disait que ce sont ce qu'il appelle les "opportunités", le savoir-faire, les entrepreneurs, les innovateurs.

Les problèmes structurels de l'économie québécoise nous viennent de l'inertie devant le changement, du manque d'adaptation à l'évolution, de la demande des agents économiques. Je tire cette idée du rapport Descoteaux et je la fais mienne.

Jusqu'ici, nous dit ce rapport, le développement du Québec s'est fait surtout en fonction et grâce à des initiatives étrangères. La conséquence du développement du Québec par d'autres — et nécessairement aussi pour d'autres puisque personne ne vient ici pour nos beaux yeux— a été un sous-développement — je tire le mot, qui n'est pas trop fort, du rapport Descôteaux — qui ne peut que s'accentuer dans l'avenir, nous dit-on.

En effet, dans le passé, les décisions d'investir ont reposé, essentiellement, sur la maximisation des profits. Elles ont été prises en fonction du marché et non en fonction d'une certaine conception de l'économie au service des Québécois. Naturellement, lorsqu'il s'agit de marché, de profit, déjà le Québec se trouve à un certain désavantage par rapport à l'Ontario, mais ce n'est pas là le plus grave.

Le plus grave, quand on fait appel à l'initiative étrangère pour développer le Québec, est qu'on a affaire, la plupart du temps, à de grandes sociétés américaines ou multinationales, lesquelles ne sont pas ici, particulièrement, pour développer le Québec, mais pour s'approvisionner au meilleur coût. Si, par hasard, à un moment quelconque, il y a moyen de trouver dans quelque pays, plus mal pris que le Québec, des matières premières à meilleur coût ou la transformation des matières premières à meilleur coût, elles n'hésiteront pas à abandonner le Québec pour aller s'installer ailleurs, de sorte que le développement risque de devenir cahotique et n'est jamais assuré d'une année à l'autre.

Ces initiatives étrangères, nous dit le rapport Descoteaux, visent souvent d'ailleurs à s'emparer des entreprises autochtones, autre épine au pied du Québec.

Après avoir diagnostiqué de la sorte le développement des problèmes structurels de l'économie québécoise, le rapport Descoteaux nous dit que l'économie de l'avenir dépendra du degré de dynamisme des Québécois. La première préoccupation, nous dit-il, doit être de privilégier les autochtones, de favoriser la présence des "Canadiens français" — expression désuète certes, mais qui sans doute signifie les Québécois francophones — dans tous les secteurs. Sans cela, nous dit-on, nous serons les témoins de la détérioration de l'économie québécoise car, même à l'heure actuelle, les entreprises étrangères demeurent insuffisantes pour développer le Québec. Cela ne peut être accompli ce défi de favoriser le dynamisme des Québécois, d'accroître leurs initiatives, de

mieux intégrer les investissements étrangers aux institutions québécoises, sans une action concertée des principaux agents économiques et de l'Etat.

M. Descoteaux — du moins le comité constitué par M. Descoteaux et ceux qui ont rédigé le rapport — nous dit que le secteur privé a fait la preuve qu'il n'arrivait pas à utiliser pleinement les ressources disponibles, et il ajoute: "Le gouvernement du Québec représente, pour l'ensemble des Québécois francophones, le principal instrument qui puisse leur permettre d'atteindre leurs aspirations et de réaliser leurs objectifs." M. le Président, voilà qui est très clair.

Le gouvernement du Québec et les organismes qui en dépendent sont le principal instrument dont nous disposions. C'est effectivement le seul ou en tout cas le principal instrument qui puisse créer, au sein de la population québécoise, un dynamisme qui permette d'assurer l'avenir du Québec. Certes, des mesures traditionnelles comme celles dont nous parlait le ministre, il y a un instant, peuvent contribuer marginalement, au développement du Québec. La mise en place des infrastructures industrielles, ce n'est pas inutile, bien sûr, quoique, dans certains cas, ces infrastructures demeurent vides comme certains parcs que nous connaissons. L'aménagement du territoire, c'est certainement aussi une mesure excellente, mais à condition que cela s'inscrive dans un plan global de développement. Il est illusoire d'attendre des mesures comme celles-là des résultats spécifiques, en raison de leur portée trop générale. C'est le rapport Descoteaux qui nous le dit encore une fois. Il faut également, nous dit-on, des actions sectorielles appuyées, lorsqu'il le fait, par des interventions directes du gouvernement dans l'activité productive tant industrielle que commerciale.

Or, quelle est la réalité? Nous sommes devant une série d'interventions non coordonnées que nous allons d'ailleurs étudier en profondeur, je l'espère, au cours de ces crédits. Nous sommes devant des interventions sectorielles des entreprises publiques qui vont se multiplaint, mais qui ne sont pas coordonnées.

Le rapport Descoteaux nous indique que l'une des premières conditions de la mise en oeuvre d'une politique économique québécoise, c'est la coordination structurée et constante des interventions sectorielles. Malheureusement, nous sommes devant un cloisonnement entre chaque entreprise publique, devant le morcellement des actions entreprises par chacune d'elles, comme d'ailleurs devant le morcellement des actions des divers ministères, qu'on essaie de coordonnerdepuis quelque temps, grâce à un théorique comité ministériel des affaires économiques.

On nous apprend aussi, dans ce rapport, qu'il y a eu une étude sur la réorganisation administrative des entreprises publiques, étude ou rapport qui a été déposé au ministère en juillet 1972 et qui proposait ce qu'on appelait la SOGEPIQ; on tentait de la sorte de réunir les entreprises publiques au sein d'un organisme d'orientation, et le rapport

Descoteaux allait jusqu'à suggérer que cette société ait le pouvoir exclusif d'émettre des obligations de développement industriel pour subvenir aux besoins des entreprises tout en respectant, bien sûr, leur autonomie.

Qu'est-il advenu de tout cela, M. le Président, qu'est-il advenu de toutes ces études, de tous ces rapports et documents de travail? Je dois constater que, dans son exposé de cette année, comme d'ailleurs dans celui de l'année dernière, le ministre n'en tient à peu près pas compte, sauf sur certains détails. Nous avons une dizaine d'entreprises publiques avec des objectifs d'envergure, du moins sur le papier, mais qui ne sont pas coordonnées et qui n'ont pas de plan d'ensemble.

Nous avons, dira le professeur Vézina dans une entrevue, des outils, mais aucune politique industrielle. J'ai cru déceler l'année dernière, et je crois encore déceler chez le ministre, tant dans ce qu'il ne dit pas dans son exposé que dans ce qu'il peut laisser percer à l'occasion dans ses réponses en Chambre, une certaine méfiance à l'endroit de l'entreprise publique. Je note, par exemple, que, dans le grand débat sur l'amiante, le ministre a été à peu près absent. Je ne l'ai pas entendu y mettre son grain de sel qui pourtant, eût pu accommoder un peu la sauce, dans ce grand débat. Pourtant, s'il y a un ministère qui est intéressé, ça devrait bien être le sien.

Ce ministère, M. le Président, pourrait jouer un très grand rôle sur le plan de la politique industrielle. Mais il se confine volontairement, dirait-on, dans des fonctions traditionnelles, refusant d'affronter le défi qui consiste à doter le Québec d'une stratégie économique et industrielle nouvelle. C'est un ministère qui — et je l'avoue, c'est vraiment triste de le constater — se contente d'une signification réduite alors qu'il pourrait jouer un rôle déterminant dans le développement du Québec. Aussi, n'y a-t-il pas lieu de s'étonner outre mesure que l'étude sur l'image du ministère de l'Industrie et du Commerce demandée à la société Reco-masse par le ministère, ait conclu à l'existence de ce qu'on a appelée dans la presse une image peu reluisante. On nous y apprend que l'image que les industriels se font du ministère, de son personnel et de ses services, est moins favorable que celle de la Chambre de commerce.

Je suis sûr que ce n'est pas dû au personnel du ministère, d'ailleurs. Le ministre est bien entouré. Je crois que c'est dû au manque de politiques qui correspondent aux problèmes réels du développement du Québec.

On nous dit, à la suite de ce sondage, que les industriels confondent souvent le ministère de l'Industrie et du Commerce provincial et le ministère fédéral dans le partage de leurs responsabilités. Voilà qui peut paraître bien étonnant. Voilà qui serait étonnant si le ministère faisait vraiment preuve de dynamisme, s'il faisait sentir sa présence dans le développement du Québec. Mais son rôle étant, hélas! plutôt secondaire, il ne faut pas s'étonner que l'on confonde le ministère québécois avec le ministère fédéral. D'ailleurs, celui-ci, souvent, dans le passé, a été plus présent, en

raison des moyens dont il dispose, que le ministère québécois.

On nous dit également, à la suite de ce sondage, que les petites entreprises associent principalement le ministère de l'Industrie et du Commerce aux grosses entreprises, alors que, dans les grosses entreprises, on pense que le ministère se préoccupe surtout de la petite et de la moyenne entreprise.

Voilà encore qui témoigne, à mon sens, du peu de présence réelle du ministère. Il y a des reproches qui sont encore plus percutants, que je mentionnerai simplement au passage. On nous parle de manque de coordination, de faibles contacts avec le monde des affaires, d'une mauvaise perception des problèmes de la petite et de la moyenne entreprise, d'un manque d'efficacité, d'une faible capacité d'adaptation au changement, de la lenteur des services. Je n'insiste pas.

M. le Président, nous avons, je crois, un ministère, un ministre bien aimables, bien gentils — des "gars aimables", comme on dit — mais qui, contrairement à ceux de la publicité, ne sont guère efficaces. J'entends "efficaces" par rapport au problème pour lequel le ministère existe: le développement du Québec. Pourquoi? C'est sans doute parce que ce ministère — je devrais dire ce ministre — refuse de mettre en oeuvre la seule stratégie qui puisse transformer le Québec, sur le plan économique aussi bien que socialement et culturellement, c'est-à-dire une politique qui consiste, de façon résolue, acharnée, lente au besoin, mais acharnée, à développer le Québec, par les Québécois et pour les Québécois.

M. le Président, je voudrais dire quelques mots, avant de terminer, de la conjoncture. J'ai l'impression que, sur ce plan, le ministre se livre, depuis plusieurs mois, en Chambre, et encore ce soir dans certaines parties de son exposé, à une sorte d'opération de camouflage. La réalité nous était livrée de façon brutale, récemment, dans le message du président directeur général de SIDBEC. Je voudrais par manière d'exergue, en citer un passage: "En effet, pendant le premier trimestre de 1975, le début de la régression économique la plus prononcée que le monde ait connue depuis la dernière grande guerre et dont personne ne peut prévoir la durée s'est manifesté par une réduction sensible de nos livraisons au Québec et à l'extérieur".

Voilà, dans la bouche du président de l'une de nos sociétés d'Etat, la réalité toute nue, qui rejoint d'ailleurs le verdict qu'on a pu entendre de la bouche du président de la Conference Board, il n'y a pas si longtemps: "We are in an outright recession". J'ai eu l'occasion de mentionner cela, en Chambre, au ministre. Le verdict du président de SIDBEC est tout aussi dru et cru: Nous sommes au début de la régression économique la plus prononcée que le monde ait connue depuis la dernière grande guerre.

Je pense que c'est la responsabilité du ministre de mettre les Québécois devant ces réalités et de ne pas s'en remettre uniquement aux fonctionnaires ou aux grands commis de l'Etat pour ap- prendre aux Québécois la situation réelle dans laquelle ils se trouvent plongés ou risquent de se trouver plongés, non seulement en 1975, mais peut-être au cours des années suivantes.

Le ministre, ce soir, n'a pas contribué à éclairer les Québécois sur le conjoncture réelle du Québec, pas plus qu'il ne l'a fait en Chambre.

En effet, M. le Président, considérons peut-être quelques prévisions d'investissements pour l'année 1975. Laissons de côté l'année 1974, sur laquelle le ministre aimait à s'étendre tout à l'heure et voyons la réalité de 1975, bien en face.

Pour ce qui est des investissements totaux, la croissance, au Québec, en 1975 par rapport à l'année 1974, sera de plus 13.8%. Ce sont, évidemment, des chiffres exprimés en termes pécuniaires. Je ne tiens même pas compte de l'inflation. Au Canada, elle sera de 13.7%, mais, dans l'Ontario, elle sera de 15.6%. Donc, il ne faudrait pas nous raconter que le Québec se tire si bien d'affaires. En termes réels, j'ai l'impression que les investissements, si on tient compte, notamment, de l'inflation et de l'augmentation du coût des matériaux de construction, des investissements totaux, pour l'année 1975, seront bien près de la croissance zéro, s'ils ne tombent pas en dessous.

Un autre chiffre révélateur, c'est la part du Québec dans l'ensemble canadien. En 1973, cette part était de 21.9%; en 1974, de 22.7% et, en 1975, de 22.7%. On voit bien là que cette part, finalement, reste très égale à elle-même et qu'il n'y a pas de grands pas en avant.

M. Saint-Pierre: Combien, en 1970?

M. Morin: Je n'ai pas interrompu le ministre. Nous pourrons, tout à l'heure, dialoguer longuement...

M. Saint-Pierre: Je voulais préciser votre pensée.

M. Morin: ...sur tous ces chiffres.

Pour ce qui est des investissements manufacturiers prévus, la croissance, en 1975 par rapport à 1974, sera de 7.2%. Ce chiffre — le ministre le sait — est nettement inférieur au chiffre qu'on trouve au Canada ou dans l'Ontario: pour le Canada, 22.3% et, pour l'Ontario, 45.9%. Ce sont des chiffres dont le ministre devra tenir compte dans ses futures envolées verbales sur la conjoncture au Québec.

La part du Québec, maintenant, dans l'ensemble canadien, la part des investissements manufacturiers, plus précisément, tend, elle, à retomber. En 1973, elle était de 25.6%; en 1974, de 27.7% et, en 1975, on prévoit qu'elle sera de 24.3%. C'est-à-dire qu'après avoir connu une légère hausse, en 1974, elle est en train de retomber plus bas qu'elle ne l'était auparavant.

M. le Président, je pourrais m'étendre longuement sur d'autres aspects de la conjoncture, mais il n'est pas utile, ce soir, de revenir, une fois de plus, sur le chômage, sur la situation dans l'emploi, sur le ralentissement de la création

d'emplois, depuis le début 1975. Je me contenterai de constater que le ministère voit son importance réduite. Elle demeure secondaire, qu'il s'agisse du redressement de la conjoncture ou des objectifs à long terme. Bien sûr, M. le Président, je ne vais pas tirer, de cette analyse de la situation, la conclusion qu'il faille s'opposer aux crédits du ministère, ni à l'augmentation du nombre de fonctionnaires, du nombre de postes.

Nous nous réjouissons que le nombre de postes augmente, que le budget du ministère augmente, ne serait-ce que pour tenir compte de l'inflation.

Le ministre rend des services, bien sûr, il ne fait pas de tort. C'est déjà quelque chose quand on le compare à certains autres ministères. Toutefois, je dois constater qu'il n'exerce pas le rôle vital qui pourrait être le sien dans la transformation en profondeur de l'économie québécoise. Je suis sûr que si le gouvernement, parce que c'est en fin de compte de la philosophie de développement du gouvernement que dépendent toutes les politiques ou l'absence de politique dont le ministre nous fait part, je suis sûr, dis-je, que si le gouvernement voulait demain se donner une véritable politique de développement, une véritable stratégie de développement industriel, le ministre n'aurait pas de difficulté à trouver autour de lui — il les a déjà — des hommes qui ne demanderaient pas mieux que de travailler à des objectifs comme ceux-là.

La critique que j'ai à faire des politiques du gouvernement n'est pas adressée aux hommes qui font de leur mieux à l'intérieur de ce ministère, avec les moyens qu'on leur donne et avec les objectifs qu'on leur fixe. Cela doit être bien clair. Le ministère ne peut pas, bien sûr, être plus dynamique que le gouvernement dont il fait partie, ni faire plus confiance à l'entreprise publique ou à la coopération que le gouvernement lui-même. Je ne saurais donc blâmer la fonction publique, les fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce qui doivent littéralement fonctionner avec des béquilles.

M. le Président, certains propos du ministre au cours de l'année écoulée, notamment au sujet de l'ITT, auraient pu nous faire croire que sa politique pourrait prendre une orientation nouvelle. Nous avons cru, un moment, qu'il allait amorcer un virage; peut-être même y a-t-il songé sur le plan personnel. A-t-il rencontré plus de résistance qu'il ne s'y attendait de la part de ses collègues du gouvernement? Nous attendions une politique nouvelle. Malheureusement, ce changement n'est pas venu. L'exposé que le ministre nous a lu ce soir ne laisse, hélas! présager aucun changement fondamental dans l'orientation du ministère.

Je me permets modestement de le regretter, mais, bien entendu, nous n'allons pas moins procéder à l'étude des crédits. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Saint-Pierre: Très brièvement, M. le Prési- dent, j'aurais beaucoup à dire sur ce qui a été soulevé par le chef de l'Opposition. Je respecte ses opinions. Fondamentalement, je me demande s'il y a bien une différence entre les objectifs qu'il peut avoir à l'esprit et ceux que j'ai, même les moyens qu'il serait prêt à mettre en oeuvre et que d'autres ont pu proposer par rapport à ceux que nous mettons en oeuvre.

Fondamentalement, je pense que les divergences sont plutôt au niveau de certaines hypothèses de travail. Le chef de l'Opposition tient pour acquis que là où le secteur privé n'a pas donné de résultats, un secteur public québécois, c'est-à-dire si le gouvernement se met dans la production, entre dans les scieries, dans les pâtes et papiers, dans toute l'activité économique, tout va aller comme dans le meilleur des mondes. Même plus que cela, vous nous avez dit: II ne faut pas s'occuper de l'économie de marché, il ne faut pas s'occuper de rentabilité, il faudrait que les Québécois se lancent dans cela.

M. Morin: II y a peut-être des...

M. Saint-Pierre: M. le Président, est-ce que cela ne serait pas justement de donner des béquilles, de forcer les Québécois à avoir des béquilles? Je pense que la conjoncture dans laquelle nous vivons situe à son vrai niveau l'interdépendance de toutes les économies mondiales. Je ne prétends pas qu'en 1975 cela va aller aussi bien qu'en 1974. Je note seulement que le Canada, et quant à cela la province de Québec, se retrouve en tête de peloton sur le plan économique, dans la lutte à l'inflation. Le seul pays qui a des performances meilleures que nous à cet égard est l'Allemagne de l'Ouest. Je connais nombre de pays qui n'ont pas un gouvernement fédéral, mais qui ont une seule unité de gouvernement, qui tentent de contrôler leur économie, qui sont socialistes, capitalistes, à économie mixte, tout ce qu'on voudra, et qui, sur la lutte à l'inflation, n'ont pas les performances du Canada et du Québec.

Les mêmes pays, lorsqu'on applique la croissance du PNB réel, n'ont pas les performances du Canada ou du Québec. Dans le journal Le Jour, on disait que nous n'avions pas de politique industrielle. Pourtant, on n'a qu'à regarder les statistiques. Je vous en ai cité quelques-unes ce soir. De toute façon, ce sont des faits, la croissance des investissements, la croissance des emplois, la croissance du produit national brut.

Il me semble qu'avec des chiffres semblables, lorsque le Canada, qui est un des pays industrialisés qui a eu la plus forte croissance... Je vous en ai donné un ce soir. On devait se contenter, en 1970, de 68% du per capita canadien et, en 1974, nous avons dépassé la moyenne nationale. On a fait tout cela sans politique industrielle. Imaginez-vous, si on avait eu une politique industrielle, quelles seraient les performances qu'on aurait eues? Mais, enfin, on a une politique industrielle, M. le Président, et, nous aussi, on en a une qui est pour les Québécois, par les Québécois et avec les Québécois, sauf que c'en est une qui

tente de voir la différence entre les choses qu'on peut changer et qu'on doit changer, et les choses qu'on ne peut pas changer et auxquelles il faut s'adapter. Un de ces paramètres — il y en a plusieurs — c'est qu'il y a des économies de marché, c'est qu'il y a des fluctuations dans la demande, c'est qu'il y a des produits nouveaux qui apparaissent.

Le chef de l'Opposition nous a cité, dans le rapport Descoteaux... Non pas le rapport Descoteaux, je tiens à le corriger, parce que M. Descoteaux a participé à la rédaction des 34 premières pages. Il est très clairement indiqué dans l'introduction que, par après, le travail n'a pas été fait par le comité, mais effectivement par un seul homme. Même à cela, lorsqu'on regarde dans le rapport, qu'est-ce qu'on y voit? Est-ce qu'on y voit des choses de... Nécessairement, on parle, M. le Président, dans le rapport... Le chef de l'Opposition nous dit: C'est beau, la vertu, mais par quel moyen? Mais avez-vous l'impression que, depuis cinq ans, on est là et on prie le ciel comme moyen, pour être en faveur de la vertu, que ce soit, M. le Président, au niveau de la prospection industrielle, que ce soit au niveau de l'infrastructure, que ce soit au niveau de l'aide de la SDI, voilà des moyens dont on s'est doté. Il y en a d'autres, que ce soit au niveau de l'expansion des marchés, de nos services internationaux, de l'aide à la petite et à la moyenne entreprises, des groupements d'achat que nous avons faits, de toute cette animation; l'éducation économique n'est qu'un moyen qu'on ajoute à tout ceci. D'ailleurs, il s'agissait simplement de revoir dans le rapport Descoteaux... De quoi parle-t-on lorsqu'on parle d'innovation, lorsqu'on parle d'accroissement des exportations? Toutes les différentes étapes qui sont mentionnées dans cela font l'objet de révision, font l'objet... La recherche et l'innovation, les investissements étrangers, dans les documents que je vous ai remis, nous donnons une politique dans tout cela.

Je pense, M. le Président, que dire que nous n'avons pas eu une politique industrielle, c'est complètement faux. La politique industrielle est différente de l'encyclopédie Larousse et de l'encyclopédie Britannica. Ce n'est pas une brique qui s'achète et qui permet de dire comment on fait tous les jours. C'est plutôt beaucoup plus un état d'esprit qui, d'une part, permet de mieux cerner les problèmes et qui, d'autre part, constamment, alimente l'action du gouvernement, au niveau des objectifs qui sont bien connus, pour nous permettre de les atteindre le plus rapidement possible.

M. le Président, l'hypothèse fondamentale — et Dieu sait que nous en avons plusieurs sur le plan économique — c'est beaucoup plus cela qui peut expliquer les divergences que simplement des difficultés au niveau de l'analyse des actions qui sont prises par le gouvernement. Ma foi dans le secteur privé — je l'ai répété encore aujourd'hui à la Chambre de commerce de Montréal, M. le Président — est aussi grande qu'avant, mais ce n'est pas une foi aveugle et ce n'est pas une foi qui va lui pardonner tous ses abus. Je pense que le gouvernement, dans le secteur économique, a un rôle à jouer. Mais, ceci dit, je ne peux pas accepter ce principe qu'en créant de nouvelles structures, on sera plus efficace, parce que le gouvernement se lance dans tous les produits dans lesquels les Québécois eux-mêmes sont lancés dans le moment, on va faire mieux qu'eux. On peut les aider. On peut les stimuler à l'occasion. Lorsque le secteur privé fait le vide, on doit le combler, et on le fait. Dieu sait qu'on a eu des exemples concrets. Mais on n'a tenté de leurrer personne en pensant que deux plus deux peut égaler cinq dans certaines conditions. On n'a pas tenté de leurrer personne en disant: Vous savez, à Québec, le père Noël est là, s'il voulait vraiment, s'il n'était pas lié aux compagnies internationales, il pourrait vous donner les salaires les plus importants au monde, avec des productivités qui ne le seraient pas moins.

Le chef de l'Opposition a fait écho au fléchissement dans la croissance de nos investissements manufacturiers. Il connaît suffisamment ce que nous avons eu dans l'industrie de la construction et les mesures que le gouvernement s'apprête à prendre pour voir, dans cela, un des premiers problèmes de notre fléchissement manufacturier. D'ailleurs, il s'agirait de citer d'autres déclarations de M. Gignac pour dire que lui-même hésite à investir au Québec, lui qui est président d'une société d'Etat au Québec, compte tenu du climat que nous avons dans la construction. Est-ce que le gouvernement n'a rien fait dans cela? Non, M. le Président, il a fait quelque chose, il s'apprête avec fermeté à passer à l'action pour corriger ce qui, justement, apparaît comme un poids mort, comme une lacune au progrès de l'ensemble des Québécois.

Dans nombre de secteurs, on dit qu'il n'y a personne qui a le droit de kidnapper l'ensemble de la population et, en particulier, notre vie économique. Je pense qu'on a passé à l'action pour et par les Québécois et que l'étude attentive de chacun des programmes que nous avons faits, tant ce que nous avons fait l'an dernier que ce que nous allons faire cette année, montre que, nous aussi, nous sommes en faveur d'un programme économique qui est basé sur les Québécois, pour les Québécois et avec les Québécois, sauf que nous, on tenterait, dans tout cela, d'avoir les deux pieds à terre et de voir la différence entre les choses qui peuvent être changées et doivent être changées, et celles qui ne peuvent pas être changées et auxquelles toutes les structures, toutes les législations possibles et impossibles ne sauraient modifier un seul iota.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 1 : Gestion interne et soutien.

M. Morin: Pourrais-je demander au ministre, dans la perspective de ce qu'il vient de nous dire, quelle est son attitude à l'endroit du document intitulé: Une politique économique québécoise et qui lui a été soumis par le comité qui au début, était présidé, par M. Descoteaux? Le ministre

donne-t-il tort à cette étude qui lui proposait des solutions, des moyens concrets de transformer la structure industrielle du Québec? Est-ce cela qu'il a voulu dire? Ce rapport avait-il les deux pieds à terre ou le ministre nous dira-t-il qu'il était dans les nuages?

M. Saint-Pierre: Les 39 premières pages du rapport m'apparaissent une des meilleures synthèses que j'ai jamais vues pour tenter de cerner révolution économique au Québec, avec cette seule réserve que le rapport allant essentiellement de l'année 1962 à 1972 englobe la période 1967 à 1970 et chaque fois qu'on analyse les performances en englobant cette période de 1967 à 1970 — vous savez que ce n'est pas le gouvernement actuel qui était là — nos performances ont été tellement piètres au niveau des investissements, de l'emploi, de la faiblesse sur le plan démographique q u'il y a comme un poids lourd qui fait qu'on a un projet très pessimiste.

Si dans cette perspective, le rapport avait décomposé la période en trois, c'est-à-dire 1962 à 1966 ou 1967 et 1967 à 1970 et après 1970 avec les chiffres d'aujourd'hui, 1975, on verrait qu'il y a certaines des conclusions valables dans le rapport dans son ensemble, mais qui ne le seraient plus, prises en particulier.

Deuxièmement, après la page 39, je pense qu'il y a d'excellentes idées qui animent certains de nos programmes. Lorsqu'on dit que c'est moins vrai qu'auparavant, que les richesses naturelles ne sont pas le premier facteur de localisation industrielle, c'était peut-être vrai avant la crise de l'énergie; maintenant, je pense que dans le monde entier, les richesses naturelles ont plus d'importance qu'elles pouvaient en avoir au moment où les auteurs ont pu rédiger le rapport.

Mais même à cela, il y a sûrement un élément: le dynamisme des gens est un facteur très important dans la croissance, tant des entreprises, des communautés que des pays actuellement. Mais ce dynamisme ne consiste Das en des structures, des législations et c'est encore moins le gouvernement qui peut donner cela et un programme d'éducation économique que nous lançons cette année va justement dans cette perspective d'éveiller les Québécois à la réalité économique. Tous les efforts que nous faisons vis-à-vis du côté des étudiants pour qu'un plus grand nombre d'entre eux se préparent avec compétence à assumer des postes de commande dans la vie économique, c'est autant d'efforts dans ce sens.

Maintenant, il y a des parties du rapport que je ne peux accepter. Je ne crois pas que comme le suggère le rapport qu'on peut diviser HydroQuébec en trois et, nécessairement, faire un progrès.

Je ne crois pas que parce qu'on établit une structure par-dessus celle de toutes nos sociétés d'Etat, nécessairement la coordination s'établira du jour au lendemain.

D'ailleurs, je pense que cela serait un peu avoir une attitude simpliste de penser que dans le moment il n'y a aucune communication, comme on l'a laissé entendre, entre la SDI, la SGF, la Caisse de dépôt et placement du Québec, non seulement parce que des gens qui ont des postes de commande au sein de mon ministère participent au conseil d'administration de plusieurs de ces organismes, mais également parce que nous avons actuellement au ministère des discussions sur le dossier d'une aciérie. Cela serait ridicule de penser que Sidbec n'est pas dans le coup, que SIDBEC n'est pas au courant de ce que nous tentons de faire et que nous ne sollicitons pas son point de vue.

Alors, il y a des parties du rapport qui ne me font ni chaud ni froid au coeur. Il y a des parties du rapport que je ne peux pas accepter et, en partie, une espèce de structurite que donne le rapport qui ne m'apparaît pas l'équation fondamentale pour résoudre les problèmes qui avaient été très bien identifiés dans la première partie du rapport.

M. Morin: ...qui découlent...

M. Saint-Pierre: Ceci dit, cela n'empêche pas, on le verra au niveau de l'étude du programme 2 sur la recherche économique, qu'on poursuit des analyses, des recherches, qu'on tente constamment... On sait qu'en 1975, même si les gens étaient parfaits on n'atteindrait pas la perfection dans cela. Il faudrait continuer à scruter la vie économique, continuer à déceler des faiblesses et tenter de mettre sur pied des instruments, des moyens qui permettent de les corriger.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elément 1 : Direction et soutien administratif du ministère.

M. Morin: M. le Président...

M. Saint-Pierre: Sans vouloir forcer le chef de l'Opposition, cela ne serait pas mon... mais le document que je lui ai remis répond peut-être à plusieurs des questions qu'il peut avoir. Je peux vous en donner une autre copie s'il en manque.

M. Morin: Mais vous venez de me le remettre. Forcément, je vais essayer d'y jeter un coup d'oeil cette nuit.

M. Saint-Pierre: C'est parce qu'il est avec le... Il donne le budget, les taux de croissance, l'explication des plus et des moins, mais enfin.

M. Morin: Mais, M. le Président, je ne voudrais pas éterniser le débat de fond qui vient d'être esquissé, parce que nous n'avons guère fait que l'esquisser. J'ai le sentiment que, comme l'année dernière, le ministre, le gouvernement et l'Opposition s'inspirent de philosophies de développement économique qui ne sont pas les mêmes. Je pense donc qu'il faut tout simplement être d'accord pour constater que ces deux philosophies divergent, et qu'il vaut mieux, effectivement, passer à l'analyse de problèmes concrets qui vont toutefois nous permettre peut-être de mettre en lumière, une fois de plus, les divergences du même ordre, les divergences fondamentales.

Peut-être conviendrait-il de commencer par la situation dramatique qui prévaut dans l'industrie du textile à l'heure actuelle.

Procédure

M. Saint-Pierre: M. le Président, je n'ai pas d'objection à prendre le textile, mais peut-être, pour avoir le minimum de rigueur, il me semble qu'il faudrait procéder par programmes et par éléments de programmes. Le textile, nous allons le frapper dans la direction générale de l'industrie, c'est un des secteurs clairement identifiés. Sans cela, on ne se comprendra pas.

Le Président (M. Houde, Limoilou): II est préférable de procéder...

M. Morin: C'est préférable, mais ce n'est pas la tradition, M. le Président. La tradition veut, dans les commissions parlementaires, et c'est celle que nous avons suivie l'année dernière, lors de l'étude des crédits, qu'au programme 1, élément 1, nous puissions faire état d'une série de problèmes soit généraux, soit plus particuliers, et que, par la suite on s'en tienne, une fois qu'on a abordé carrément l'étude des crédits de l'élément 1, au contenu de chaque élément. Mais, avant l'analyse de l'ensemble des crédits, c'est la tradition que l'Opposition puisse poser des questions sur tous les aspects des crédits du ministère qui l'intéressent.

M. Saint-Pierre: M. le Président, le ministère que nous étudions touche quand même un nombre très divers d'activités économiques. Je n'ai pas d'objection à avoir quelques questions générales sur le fonctionnement du ministère, mais l'expérience de l'an dernier, il me semble, a été assez décevante en ce sens que nous avons parlé des heures et des heures sans avoir devant nous ce qui avait pu être fait et ce qui devait être fait. Je préférerais, sans vouloir être difficile, qu'on s'en tienne non pas à la tradition, mais au règlement lui-même et que nous passions programme par programme et élément par élément. Et là, je serai heureux de répondre à toutes les questions que le chef de l'Opposition pourrait avoir, parce que, si on commence par parler de l'industrie, on va en parler après cela par région, par les services internationaux, on va parler de tout sans avoir une suite logique.

M. Morin: M. le Président, si nous adoptions ce cheminement, je crois que ce serait encore plus long. Vous vous souviendrez que, les années précédentes, on passait au travers effectivement d'un groupe de problèmes au départ et qu'ensuite l'acceptation des crédits se faisait assez rapidement.

M. Saint-Pierre: Donnez-moi donc les têtes de chapitre de vos programmes. Je voudrais bien collaborer, mais si c'est pour...

M. Morin: J'en ai une bonne dizaine sur laquelle j'aimerais interroger le ministre.

M. Saint-Pierre: Nommez-les donc. Les textiles; en deuxième...

M. Morin: II y a bien sûr le textile, il y a le projet d'aluminerie, le projet d'aciérie, la politique d'achat du gouvernement, la politique d'investissements relative aux investissements étrangers, le gaz naturel et le pétrole, l'industrie de la construction navale, l'industrie du meuble, l'uranium enrichi, les négociations du GATT, la Société générale de financement et Valcartier, Saint-Félicien. Enfin, vous voyez qu'il y a...

M. Saint-Pierre: Oui, M. le Président...

M. Morin: Ce ne sera pas plus court, M. le Président, de procéder autrement.

M. Saint-Pierre: Mais ce sera plus ordonné, il me semble, M. le Président.

M. Morin: Non.

M. Saint-Pierre: Est-ce que je pourrais avoir la parole sur un point de règlement? M. le Président, je n'ai absolument pas d'objection à donner des réponses à cela, mais il me semble que c'est beaucoup plus ordonné d'aller programme par programme, élément par élément. Tous les points qu'a mentionnés le chef de l'Opposition se retrouvent dans un programme donné. Si c'était un cré-ditiste, je comprendrais qu'on ait de la difficulté à mettre les choses...

M. Morin: Pas tous.

M. Saint-Pierre: ...en place, mais je suis certain que le chef de l'Opposition est capable d'ordonner cela pour trouver... Oui, tous. Vous parlez de la politique d'achat, de la construction navale, on va les retrouver dans les secteurs industriels, on va les trouver dans les sections des programmes du ministère...

M. Morin: M. le Président, j'estime que, d'abord, c'est la tradition, nous avons toujours procédé comme cela dans le passé et, deuxièmement...

M. Saint-Pierre: M. le Président, je n'accepte pas que ce soit la tradition. On a pu permettre à l'occasion qu'on aborde un point plus général, mais mon expérience, pour avoir défendu des crédits pendant cinq ans, et ma connnaissance du règlement me disent qu'on ne peut pas commencer à aborder 50 sujets au programme 1, et, après cela, faire les crédits très rapidement. Je pense que c'est plus ordonné d'aller programme par programme.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Habituellement, dans les commissions parlementaires, pour la discussion des crédits, le ministre fait son exposé, l'Opposition également, il y a une petite réplique qui vient du ministre et, à la suite de ça,

on étudie programme par programme. Vous avez des questions à poser, c'est évident. A ce moment-là, je préférerais que toutes les questions que vous avez à poser soient intégrées dans des programmes.

Si vous voulez bien, on va débuter par le programme I et vous poserez toutes les questions nécessaires.

M. Morin: Mais, M. le Président, le problème est que certaines de ces questions n'entrent pas à l'intérieur des divers éléments ou programmes. Je pense, par exemple, aux négociations du GATT...

M. Saint-Pierre: M. le Président, nous avons un service international dont M. Pomerleau est responsable. Quand on va arriver aux crédits de M. Pomerleau, il faudra toujours lui demander ce qu'il fait dans la vie et il va vous répondre qu'il travaille pour le GATT. On a déposé un document que je vous ai remis, qui fait le point sur les négociations sur le GATT.

M. Morin: Oui, mais je voudrais bien que le ministre comprenne que tous ces problèmes forment un tout et que ce tout peut se trouver passablement écartelé entre les divers programmes et éléments, de sorte que l'exposé d'ensemble que j'attendrais du ministre, avant l'étude des crédits, va se trouver réparti, atomisé à travers l'ensemble des crédits.

M. le Président, je suis d'autant plus, il me semble, dans mon droit d'exiger le respect des façons de procéder du passé qu'on doit avoir égard au fait que, devant l'imposant aréopage qui se trouve devant nous, l'Opposition est sous-représentée à l'heure actuelle. Mes collègues de l'Union Nationale et du Parti créditiste ne sont pas là, nous sommes seuls pour faire l'étude, une étude sérieuse et systématique, des crédits et je me serais attendu à ce que le ministre nous facilite la tâche plutôt que de nous la compliquer.

M. Saint-Pierre: M. le Président, je voudrais faciliter la tâche de l'Opposition, je lui suggère, bien modestement, que la nature même de nos estimés budgétaires, par programme, c'est justement pour avoir un certain ordre dans la Taçon d'aborder les choses. Quel est le sens des programmes? C'est que ça correspond à des objectifs , à des moyens mis en place. Il me semble que c'est un ensemble cohérent, nous avons dix programmes, et qu'en allant à chacune des étapes, je suis prêt même à aider le chef de l'Opposition. S'il veut faire parvenir la liste de ses têtes de chapitre, je lui dirai à l'intérieur de quel programme ce sujet se trouve.

M. Morin: M. le Président, le problème...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauharnois.

M. Cadieux: Sur le même sujet, je dis qu'il est faux de prétendre que la tradition veut qu'on dis- cute de tout et de rien avant d'arriver aux programmes. C'est complètement le contraire. Cela s'est fait peut-être l'an dernier, un ministre a pu accepter cette façon d'agir, mais ce n'est pas la tradition. C'est faux de dire que c'est la tradition lorsqu'on dit que l'an dernier on a procédé comme ça. Mais, depuis quatorze ans que je suis ici, cela a toujours été le contraire, il y a beaucoup plus de tradition en étudiant programme par programme que de dire qu'on va aux généralités au début.

Le Président (M. Houde, Limoilou): J'appelle le programme I, élément I.

M. Morin: M. le Président, la difficulté vient de ce que plusieurs de ces sujets touchent à de nombreux éléments et à de nombreux programmes. J'ai l'impression que ça va éterniser les débats à n'en plus finir. Parce que le GATT peut revenir sous plusieurs têtes de chapitre. J'aurais préféré — je le répète, je ne comprends pas que le ministre ne veuille pas nous faciliter la tâche — que nous passions, rapidement, sur un ensemble de problèmes et que, par la suite, on puisse expédier les crédits beaucoup plus rapidement.

M. Malouin: M. le Président, on pourrait peut-être suspendre pour dix minutes pour permettre de classer ces dossiers suivant les différents programmes et on reviendra après.

M. Morin: Cela n'est guère possible, M. le Président, j'apprécie l'aide que voudrait me fournir le député, mais cela n'est guère possible parce que chacun de ces problèmes touche à plusieurs programmes et à plusieurs éléments, c'est pour ça qu'on veut en traiter au début. Parce que, par la suite, on pourra naturellement expédier les éléments et les programmes plus rapidement.

M. Malouin: Si vous parlez du textile, cela touche un programme précis. D'ailleurs, le ministre vous a offert à les classer si vous voulez.

M. Morin: Je ne voudrais pas entrer dans un débat à n'en plus finir, M. le Président, mais les textiles touchent au GATT aussi.

M. Saint-Pierre: Ils touchent à Drummondville, ils touchent à... Comment voulez-vous qu'on prenne ça, il me semble que par programme, c'est la façon logique d'aborder les dépenses que nous allons faire sur le plan budgétaire.

Si, à la fin, le chef de l'Opposition, sur les douze ou treize articles, à l'article 10, il y en deux qu'on n'a pas touchés, peut-être parce que cela ne regarde pas les crédits de mon ministère... Vous m'avez parlé de la SGF; on sait qu'il n'y a pas de montant prévu pour la SGF, c'est un article extrabudgétaire. Je vous dirai avec plaisir qu'on fait une commission parlementaire vers la fin de mai, que vous aurez une soirée entière, deux ou trois jours pour parler à la SGF et pour toutes les questions sur toutes les transactions.

On vient de vous donner le rapport de la SGF, je pensais être généreux en vous donnant quelques semaines pour vous permettre d'étudier ce rapport.

Vous me parlez du gaz et du pétrole; je pense que la discussion sur cela doit revenir au ministère des Richesses naturelles. Je veux bien coopérer mais je ne suis pas prêt à entrer dans un système où, finalement, on ne suit pas, ce qui m'apparaît très logique, le programme, les éléments.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. Morin: Cela a toujours été le cas dans le passé, et dans toutes les commissions qui se penchent sur les crédits. Vous le savez très bien, M. le Président, ce n'est pas comme si je demandais quelque chose d'extraordinaire au ministre.

Dans toutes les autres études de crédits auxquelles j'ai participé — et Dieu sait que j'ai un nombre de ministères assez considérable, j'en ai quatre que je dois surveiller — dans tous ces autres ministères, le ministre nous a obligés, conformément à la tradition, en nous permettant de lui poser, au début, dès que le programme I fut appelé, un ensemble de questions d'ordre général, quelquefois un peu plus particulières.

C'est le cas dans tous les ministères. Je trouve navrant que le ministre ne veuille pas nous obliger, comme l'ont fait ses autres collègues.

Le Président (M. Houde, Limoilou): J'appelle le programme I, élément I.

M. Morin: M. le Président, avec votre permission, si le ministre ne veut pas procéder comme je l'ai suggéré, je vous proposerais une suspension pour que nous puissions consulter le président de la Chambre, parce que je crois que cela va à l'en-contre de la façon dont on a procédé dans le passé.

J'estime que mes droits, en tant que représentant de l'Opposition, sont brimés.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux pour une dizaine de minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 33)

Reprise de la séance à 21 h 38

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

M. Morin: Je voudrais que vous compreniez, M. le Président, que ce n'est pas seulement un caprice de notre part de vouloir procéder comme nous l'avons fait dans le passé. Notre façon d'aborder les problèmes est conçue de façon à chevaucher plusieurs éléments de plusieurs programmes. Ce que vous mettez en cause et ce que le ministre met en cause, en refusant de procéder, comme nous l'avons fait, dans le passé, c'est, en fait, toute notre technique de travail. Ce n'est pas seulement l'ordre dans lequel nous allons procéder. C'est la façon dont nous abordons les crédits qui essaie d'être une façon synthétique.

Je prends un exemple pour me faire comprendre des membres de cette commission. Le textile, cela touche à plusieurs programmes. Cela touche, par exemple, au programme 3, élément 2; au programme 3, élément 3; au programme 2, au programme 5 et ainsi de suite, parce que le textile, cela touche à l'expansion des marchés, au développement de l'industrie secondaire, à la recherche, à la SDI. Cela touche à plusieurs éléments, à plusieurs programmes et à plusieurs éléments. L'aluminerie, cela touche au programme 3, élément 2, l'expansion des marchés; cela touche au programme 3, élément 3, développement de l'industrie; cela touche à la SGF et ainsi de suite. ,

C'est toute notre méthode de travail que vous remettez en cause, M. le Président, du moins que le ministre remet en cause. J'en appelle à sa bonne volonté. Je ne voudrais pas que nous fassions un débat de procédure qui durerait, Dieu sait combien de temps, qui pourrait même nous amener à suspendre la séance jusqu'à ce qu'on puisse consulter le président de la Chambre. J'estime qu'il y aurait davantage à gagner, en procédant, tout de suite, à l'examen d'un certain nombre de problèmes concrets.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. Saint-Pierre: M. le Président, il y a, d'une part, les techniques de travail de l'Opposition et la façon dont les dossiers ont été montés; mais il y a, d'autre part, les règlements de cette Chambre. Je n'ai pas, devant moi, les règlements. Le chef de l'Opposition les connaît autant que moi. Il me semble que, ce qui a été toléré, dans le passé... Particulièrement, moi-même, d'ailleurs, dans mon texte, on verrait que j'ai reproché un peu, l'an dernier, cette absence de rigueur que nous avons eue pour amorcer, pour bien poursuivre les programmes, voir où l'argent des contribuables était dépensé, quels étaient les moyens qui étaient mis en place; or, cette absence de rigueur a fait que, nous nous retrouvons au programme 1, élément 1, nous

en parlons trois jours de temps et, par après, on se voir forcé de passer à travers tous les crédits budgétaires, dans les choses qui, à l'occasion, ont été couvertes, antérieurement, d'autres fois, elles n'ont pas été couvertes, elles peuvent être escamotées et, nous nous retrouvons tentés de les bousculer.

Il me semble que l'esprit des règlements de notre Chambre, M. le Président, vous l'avez vous-même très bien défini. D'une part, il permet, au départ, un énoncé de principes, d'une façon générale, du représentant du parti ministériel. Il permet une réaction du parti de l'Opposition sur ses politiques générales.

Par après, il s'attend que les parlementaires vont passer la majeure partie de leur temps en commission parlementaire à l'étude des crédits, élément par élément, programme par programme, sujet par sujet.

Il me semble que la définition même des efforts que nous avons faits dans la programmation budgétaire s'applique justement à apporter une cohérence à plusieurs actions du gouvernement sous le vocable d'un programme distinct ou d'un élément distinct. Je ne vois pas moi-même comment procéder autrement qu'en y allant d'une façon rigoureuse comme ceci, parce qu'il n'y a pas un cheminement de travail beaucoup plus logique, beaucoup plus conforme à la réalité des dépenses budgétaires, à la réalité des structures, avec une approche qui permettrait à l'unique représentant d'un parti... Encore une fois, loin de moi de vouloir brimer les droits de l'Opposition; je pense qu'à l'examen du document que j'ai donné à l'Opposition, on trouvera une mine d'informations que, partradition, on ne donnait pas aux partisd'Op-position, justement parce que je veux bien aider l'Opposition dans son travail. Il me semble qu'en tentant de répondre un peu au gré du hasard, aux documents qui ont pu être préparés sur des sujets qui touchent les crédits, d'autres fois qui ne les touchent pas, on n'aide pas un travail dans cet ordre.

M. le Président, il aurait pu être intéressant de consulter le président de la Chambre; à l'avance, je sais la décision qu'il aurait rendue, pour l'avoir connu dans le passé, dans des circonstances semblables, mais il me semble que la commission ici a tous les pouvoirs pour dire comment elle travaillera. Elle a reçu un mandat d'étudier non pas des problèmes que pourrait nous soumettre l'Opposition, mais d'étudier les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce. La façon de les étudier est bien décrite dans nos règlements. On étudie le programme 1, élément 1. On suit programme par programme, élément par élément. Je suis bien prêt à collaborer, mais je ne suis pas prêt à suivre n'importe quelle démarche intellectuelle pour analyser la dépense de $70 millions. Notre volume nous donne une façon très logique de le faire. Je suggère à cette commission de la suivre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, ce que vient de dire le ministre va à l'encontre de la méthode qui a été suivie uniformément dans toutes les études de crédits auxquelles j'ai participé et auxquelles ont participé mes collègues de l'Opposition officielle. Je tiens, avant d'aller plus avant, à avoir une déclaration formelle de votre part disant que l'Opposition ne peut, à l'occasion du programme 1, élément 1, poser au ministre l'ensemble des questions qu'elle choisit de poser elle-même sur l'ensemble des programmes, sur l'ensemble des politiques du ministère. Je tiens à avoir une déclaration formelle de votre part m'interdisant de procéder de la sorte, de sorte que je puisse demain en faire état devant le président et prendre les mesures qui s'imposeront.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'habitude, lorsque je préside les commissions parlementaires, surtout pour l'étude des crédits, c'est avoir un exposé du ministre, l'exposé de l'Opposition, et, par la suite, étudier les crédits programme par programme.

M. Morin: C'est exact, mais ce n'est pas cela que je vous demande.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez à l'étude des éléments. Pour ce faire, j'appelle immédiatement l'élément 1 du programme 1.

M. Morin: M. le Président, si je comprends bien, et que ce soit clair, parce que, demain, j'aurai peut-être à mettre votre responsabilité en cause, je veux que cela soit clair, ce que vous faites, c'est de m'interdire de poser au ministre, à l'occasion du programme 1, élément 1, des questions sur l'ensemble des politiques et des problèmes du ministère. C'est bien cela que vous faites.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je n'interdis absolument rien. J'appelle l'élément I du programme I.

M. Morin: Bon! Alors, M. le Président, j'ai une série de questions à poser au ministre qui portent sur des problèmes généraux et sur les politiques générales de son ministère. Le ministre n'est pas obligé de répondre. S'il ne veut pas répondre, il ne répondra pas. Ce sont les questions que moi, j'ai à poser, en tant que membre de l'Opposition, sur le programme I, élément I.

Je voudrais l'entretenir brièvement du problème qui prévaut dans l'industrie du textile.

M. Saint-Pierre: Point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Point de règlement, l'honorable ministre.

M. Saint-Pierre: M. le Président, je regarde le programme I, élément I, je ne vois aucune somme d'argent qui est demandée aux contribuables et qui touche directement l'industrie du textile. Ces

programmes se retrouvent soit au programme P-2, soit au programme 3.

M. Morin: M. le Président...

M. Saint-Pierre: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Au programme I, il est dit ceci: Elément I: Direction et soutien administratif du ministère, et je voudrais que les questions viennent dans ce sens.

M. Morin: M. le Président, il est évident que, quel que soit l'élément dont nous parlions, que ce soit l'élément I ou l'élément 2, de quelque programme que ce soit, l'argent qui est dépensé pour le cabinet du ministre, on ne me fera pas croire que cela n'aura pas, tôt ou tard, quelques répercussions sur la politique dans le domaine du textile. C'est évident que cela tombe sous cet élément, comme sous d'autres éléments qui vont suivre ou sous d'autres programmes.

Est-ce que j'ai une déclaration bien formelle de votre part, M. le Président? C'est quand même important. Nous sommes en train d'aller à l'encon-tre d'une politique établie des commissions parlementaires, et je tiens à ce que ce soit clair.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je ne fais aucune déclaration formelle. J'ai appelé le programme I, élément I, et je m'en tiens à cela. Je n'ai aucune déclaration à faire en tant que président.

M. Morin: Bon! Très bien!

Le Président (M. Houde, Limoilou): J'ai à faire respecter la marche de la commission parlementaire, et lors de l'étude des crédits, je procède programme par programme. Au programme I, élément I, vous avez fait votre exposé, le ministre a fait son exposé. Alors, il faut étudier, programme par programme, et élément par élément. Je rappelle le programme I, élément I.

M. Morin: Bon! Alors, M. le Président, je vais poser la question d'une façon précise, parce que je ne veux pas que ce soit ambigu quand on va arriver devant le président demain. Je pose la question concrète de la situation dans l'industrie du textile. Est-ce que vous déclarez ma question irrégulière?

Le Président (M. Houde, Limoilou): La question ne relève pas de l'élément I du programme I.

M. Morin: Donc, vous n'acceptez pas ma question?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elle ne fait pas partie de l'élément I.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): J'ai appelé l'élément I...

M. Morin: ... je vous ai rappelé qu'à l'occasion du programme I, élément I, nous avons toujours pu poser l'ensemble des questions que nous voulions poser. Je crois que c'est fort important. Je pense qu'on brime les droits de l'Opposition...

Une Voix: Pas du tout! M. Saint-Pierre: Jamais!

M. Morin: II n'en a jamais été ainsi dans les autres commissions, M. le Président, et je suis vraiment navré que... Oui, justement, j'ai l'impression que c'est ça qui est derrière l'affaire. C'est qu'au lieu de permettre à l'Opposition de faire son travail proprement et de poser au ministre les questions qui lui paraissent valables, comme l'a dit le député, qui semble, je pense, parler pour l'ensemble de ses collègues ministériels, il s'agit de serrer la vis, d'essayer de nous empêcher de faire notre travail.

Une Voix: On n'a aucune intention de serrer la vis à qui que ce soit.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. Saint-Pierre: M. le Président, je ne peux admettre les dernières paroles qui ont été prononcées. On tente de nous... C'est la même chose, M. le Président. On tente de nous attribuer des motifs qui n'ont jamais été mentionnés. Je veux faciliter le travail du parti de l'Opposition officielle. Les documents que j'ai remis et les informations que nous sommes prêts à remettre vont pouvoir répondre à toutes les questions, mais je veux le faire dans un ordre logique, M. le Président, et il me semble que nous avons dix programmes, nous avons plusieurs éléments dans chacun de ces programmes, et l'essence même de l'approche budgétaire par programme, c'est justement d'apporter une approche cohérente dans certaines des actions du gouvernement, et de répondre à toutes les questions qui nous sont suggérées.

Puis-je rappeler au chef de l'Opposition une parole d'un ancien premier ministre, M. Duplessis, qui disait: Avant de prêter de mauvaises intentions aux autres, c'est un peu comme l'argent; il faut en avoir soi-même?

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. Morin: ...je repose la question que je posais il y a un instant, à propos du programme 1, élément 1, comme j'estime que c'est mon droit de le faire, parce que j'estime que plusieurs des questions que j'ai à poser touchent l'ensemble des programmes ou, à tout le moins, plusieurs programmes et plusieurs éléments.

Alors, je demande au ministre, à nouveau, s'il veut bien m'éclairer sur la situation qui prévaut dans l'industrie textile. Je demande au ministre s'il

a rencontré le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce à la suite du télégramme d'urgence qu'il lui faisait parvenir le 2 avril au sujet des importations de textile.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je regrette, mais la question est irrecevable à ce moment-ci. C'est le programme: Direction et soutien administratif.

M. Malouin: Cela peut entrer dans le cadre de l'élément 2.

M. Morin: Je veux que cela soit clair. Vous allez me permettre d'en poser encore quelques-unes que vous déclarerez, sans doute, irrecevables, de la même façon, et demain, nous aviserons de ce qu'il conviendra de faire.

Je regrette que cela ne soit vraiment pas de nature à expédier notre travail. C'est ridicule comme attitude.

M. Saint-Pierre: C'est ridicule de votre part. Dieu sait toute la collaboration que je peux donner à l'Opposition, mais vous nous donnez quatorze sujets qui couvrent à peu près tout le ministère. Pendant trois jours, on va se promener d'une chose à l'autre. On va garder ici 26 personnes, sans trop savoirsi on a les bonnes personnes. Vous allez nous parler de la SDI dans cinq minutes. Je vais faire venir de Montréal M. Saulnier pour dire: Vous savez, le chef de l'Opposition peut parler de la SDI.

M. Morin: Ne réduisez pas la situation à l'absurde. Je n ;ai pas de question sur la SDI et je ne vous en poserai pas...

M. Saint-Pierre: Dans le textile, on parle de la SDI parce que la SDI — je vais vous le montrer dans le programme 5 ou 6 — aide l'industrie du textile.

M. Morin: Je ne vous poserai pas de question sur la SDI en l'absence de M. Saulnier pas plus que l'année dernière. Je ne vois pas pourquoi...

M. Saint-Pierre: II y a d'autres fonctionnaires ici dans d'autres... Va-t-on se promener pendant trois jours? Je tente de retrouver l'esprit dans le règlement. C'est après une déclaration courte... Je me rappelle l'ancien règlement que nous avions. Et dans le nouveau, je vais retrouver les articles. Après une présentation courte des politiques générales, la commission s'attarde élément par élément, programme par programme, à parcourir l'ensemble des crédits d'une façon logique.

M. Morin: Je comprends que le ministre n'aime pas beaucoup qu'on commence par l'industrie du textile, mais c'est quand même une de celles dont il faudrait s'occuper tout de suite.

M. Cadieux: On le dira en temps et lieu.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je vais rendre une décision immédiatement. Selon les habitudes, je sais fort bien que j'ai l'autorité du pré- sident en commission parlementaire et je sais aussi que le chef de l'Opposition peut contester la décision rendue en Chambre. C'est son droit. Je vais le lui laisser. Mais quant à moi, étant donné l'exposé du ministre et l'exposé du chef de l'Opposition, je dis à nouveau que j'appelle le programme I, élément I qui se lit comme suit: Direction et soutien administratif du ministère. C'est seulement sur cela que je vais entendre les remarques.

M. Morin: M. le Président, je serai obligé de contester votre décision, mais au moins elle est claire. Je voulais qu'elle soit claire parce que je pense qu'elle aboutit à léser les droits de l'Opposition.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Pas du tout.

Gestion interne

M. Morin: Nous allons donc procéder avec le programme I, élément I, mais si par la suite, votre décision est renversée, il faudra revenir à l'ensemble des problèmes généraux auxquels j'ai fait allusion, que j'ai énumérés, d'ailleurs, au ministre et qui portent sur plusieurs programmes.

A la gestion interne et au soutien, j'aimerais demander combien il y a de personnes dans le cabinet du ministre.

M. Saint-Pierre: Nous allons retrouver le chiffre, M. le Président. Il y en a 42 au total, dans le programme I, élément I. Elle touche le cabinet du ministre, le cabinet des sous-ministres, le conseil général de l'industrie. C'est une réduction de dix par rapport à l'an dernier, mais tel qu'indiqué dans le volume, il y a eu un transfert à l'élément 2 par un réaménagement budgétaire. Dans le cabinet du ministre, je vous donne... Nous n'avons pas ici, M. le Président, dans nos dossiers, le partage exact entre les trois. Nous allons l'obtenir dans la nuit. Demain nous pourrons le donner, à moins qu'il y ait des questions... Pour l'avoir avec précision, on a des chiffres approximatifs, mais on va l'apporter demain.

M. Morin: Voulez-vous me dire exactement ce sur quoi je peux compter demain?

M. Saint-Pierre: Le nombre de personnes. La réponse à votre question, le nombre de personnes dans le cabinet du ministre.

M. Morin: Est-ce que vous pourriez, par la même occasion, m'indiquer les salaires annuels payés à ces personnes?

M. Saint-Pierre: Ils sont dans les comptes publics, mais je pourrai le faire avec plaisir.

M. Morin: Oui, je sais, bien sûr, que cela doit se trouver dans les comptes publics pour les années précédentes, mais je veux dire les salaires courants. Pourriez-vous m'indiquer aussi la date d'en-

gagement, pendant que vous y êtes, ce ne serait pas tellement plus compliqué?

M. Saint-Pierre: Avec plaisir.

M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait m'expliquer la diminution? Vous m'avez dit qu'il y avait eu un transfet à l'élément 2, ou est-ce au programme 2, qui explique la diminution...

M. Saint-Pierre: A l'élément 2.

M. Morin: ... du budget de 1975/76 par rapport à celui de l'année précédente.

M. Saint-Pierre: Oui, il y a eu, suite à des discussions avec le Conseil du trésor, un réaménagement budgétaire au profit de l'élément 2 du même programme, où se regroupent désormais administration générale et budget. Ce sont des articles que nous avions l'an dernier à l'élément I. On le retrouvera d'ailleurs à l'élément 2 dans ce même programme, M. le Président.

M. Morin: Et ce montant qu'on retrouve à l'élément 2 correspond-il à la différence entre $729 millions et $767 millions?

M. Saint-Pierre: II n'y a pas de $727 millions. Je ne comprends pas ce que sont les $727 millions.

M. Morin: Les $729 millions... Pardon. $729,000. Qu'est-ce que je raconte? $729,000 par rapport à $767,000.

M. Cadieux: C'est une bagatelle... comme différence.

M. Saint-Pierre: M. le Président, il y a une réduction de $71,000. Le réaménagement, si on se comprend bien, c'est un transfert de $71,000. Alors, l'an dernier, au programme I, nous avions $767,000 à fonctionnement 01 traitement, dont $71,000. Cette année — si on faisait la différence, on obtiendrait $696,000 — c'est monté à $729,000 pour 1975. Si on regarde maintenant l'élément 2, il y a eu un accroissement de $575,000 sur le plan traitement seulement passant de $1,206 l'an dernier et étant cette année à $1,781 dont, évidemment, les $71,000 qui impliquent un réaménagement budgétaire.

M. Morin: M. le Président, si le ministre veut me fournir demain les réponses aux questions que j'ai posées, je n'ai pas d'autres questions sur le programme 1, élément 1.

M. Saint-Pierre: Avec plaisir, M. le Président, j'apporterai ça demain.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elément 1, adopté, sous réserve des réponses aux questions posées.

Elément 2, Soutien technique du ministère.

M. Saint-Pierre: M. le Président, vous me permettrez de signaler les points les plus importants de cet élément, une croissance de 63%, donc fort importante en termes absolus, représentant près de $1,500,000. Cette augmentation groupe essentiellement d'une part un montant de $700,000, qui touche notre programme d'éducation économique, à la fois dans des dépenses de transfert pour la subvention de recherches de $100,000 et, au niveau des dépenses de fonctionnement, pour $600,000, publications, honoraires, publicité et autres, en ce qui touche le programme d'éducation économique.

Je tiens à préciser qu'avec le Conseil du trésor, il était convenu qu'il n'y avait aucun poste d'accordé pour l'éducation économique, mais qu'on nous demandait, après l'approbation budgétaire, de faire avec la fonction publique des propositions pour de nouveaux postes, ce que nous avons fait au cours des derniers jours. Il y a également dans ce programme un montant de $517,000 qui, à la suite des demandes du ministère des Travaux publics — et j'imagine que les mêmes choses ont dû se retrouver dans d'autres ministères — groupe les dépenses de messagerie, d'achat, d'entrepôt, du service général des achats en un seul chapitre, au lieu comme par les années passées, de se retrouver dans plusieurs programmes et éléments de programme.

M. le Président, essentiellement, la direction des communications à cause du programme d'éducation économique, voit donc son budget augmenté de 52%; l'administration générale, pour une bonne part à cause du transfert que j'ai mentionné et de la question du service général des achats, la concentration des dépenses de messagerie, de frais d'achats, voit son budget augmenté de 39%.

Le directeur du personnel est M. Jolin, qui n'a pas été mentionné avant. L'administration générale relève de M. Latortue.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question à l'élément 2?

Missions techniques

M. Morin: M. le Président, l'une des missions techniques qui ont été, je le tiens pour acquis, financées à même cet élément: Soutien technique du ministère de l'Industrie et du Commerce, est une mission technique du Québec en Europe concernant la technologie européenne en matière de production de l'acier. Est-ce que le ministre pourrait nous décrire cette mission, nous dire combien il y avait de membres — un instant, je n'ai pas terminé — de cette mission, combien il y en aura, peut-être, parce que... non, elle a dû déjà avoir lieu, cette mission, et quels ont été les résultats?

M. Saint-Pierre: Nous aurions besoin de plus de précisions sur la mission, mais, essentiellement, on verrait que, dans le programme 3, on donne la liste complète de toutes les 23 missions

que nous avons eues l'an dernier, où elles se sont rendues et, là, s'il y a plus de précisions, ça me fera plaisir de donner la réponse. Pouvez-vous préciser cette mission davantage?

M. Morin: C'est une mission, je lis un extrait de la Gazette du 10 mai 1974, The Quebec Department of Industry and Commerce is sending a technical mission to Europe, as part of a program that will put increased emphasis on ferrous and nonferrous metal foundries. The main purpose of the trip is one of learning. Charles Gabbour said yesterday he will head the mission for the department's industrial agreements division...

Je ne pense pas qu'il soit utile que j'aille plus avant dans les détails... c'était le 10 mai 1974. Cette mission devait aller d'abord à Dusseldorf, en Allemagne fédérale, et ensuite, dans un congrès à Liège.

M. Saint-Pierre: C'est dans le programme 3, qu'on trouve tout cela, avec d'autres missions semblables.

M. Morin: Je veux bien attendre au programme 3, M. le Président. On nous dit qu'il y a 23 missions.

M. Saint-Pierre: Oui, nous avons... C'est cela. C'est ce qu'on appelait le GIFA à Dusseldorf, Bruxelles, Londres, dans les fonderies, au mois de juin I974. C'étaient les Services internationaux de développement des accords industriels. Il y a une partie qui est dans le document que vous verrez à l'article 3

M. Morin: J'aurais apprécié que M. le ministre me remette ce document de travail qui a l'air très bien fait, avant le début de la séance. Il semble que d'autres membres de l'assemblée l'aient eu auparavant.

M. Saint-Pierre: Ils l'ont eu une heure avant. Il faut le faire. Le leader du gouvernement m'avait parlé de crédits budgétaires, plutôt vers le 20 mai. Nous avons été un peu bousculés par un changement d'horaire. Normalement, nous l'aurions fait.

Investissements étrangers

M. Morin: Alors, toujours dans le cadre du programme I, élément 2, je voudrais demander au ministre ce qu'il est advenu de l'étude sur les investissements étrangers. L'an dernier, nous avions déjà posé la question au ministre et il nous l'avait promise dans deux mois.

Pourquoi ne l'a-t-il pas rendue publique, puisqu'elle doit être terminée maintenant depuis longtemps?

M. Saint-Pierre: Je voulais la déposer pour le programme 2; je vais vous montrer jusqu'à quel point je veux collaborer. Vous avez déjà reçu un document qui est, essentiellement, le mémoire au conseil des ministres sur la politique vis-à-vis des investissements étrangers et qui est déposé officiellement, jusqu'ici, qui a servi de guide dans l'articulation de positions québécoises, à l'intérieur de la loi fédérale des investissements étrangers, où nous devons donner des avis.

Ce n'est pas dans le volume, c'est dans la pochette.

M. Morin: C'est un document qui a été déposé en Chambre.

M. Saint-Pierre: Non, c'est un document que je dépose.

M. Morin: Que vous nous communiquez ce soir-même? Et cette étude est complète, maintenant?

M. Saint-Pierre: Les investissements étran-gersje pense que dans 25 ans on va encore les étudier, mais, dans le moment, c'est le document officiel qui sert de cadre de référence et qui articule les principes, les modalités d'action, les objectifs que tente de rechercher le gouvernement du Québec, en matière d'investissements étrangers.

M. Morin: Je vois que ce document étudie la façon dont le Québec s'insère à l'intérieur du mécanisme fédéral.

M. Saint-Pierre: C'était le premier problème, puisque vous savez qu'à la suite des demandes du Québec, la loi fédérale sur les investissements étrangers a été modifiée dans deux de ses aspects importants.

Un premier aspect, c'est que nous avons réussi à faire rajouter, dans les critères retenus par le gouvernement fédéral, la pertinence des plans des régions, des plans des provinces, pour leur développement économique.

Le deuxième point, c'est que nous avons réussi à faire insérer dans la législation fédérale, l'obligation, pour le gouvernement fédéral, de consulter les provinces.

Face à ce mécanisme de consultation que nous avions réclamé nous-mêmes, il nous fallait un document qui puisse dire comment réagissons-nous face à des demandes concrètes qui nous sont faites? C'est l'essence de ce document que je vous remets actuellement.

M. Morin: Mais ce document est intitulé "Mémoire au conseil des ministres, en provenance de M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Industrie et du Commerce". Je ne suis pas sûr que ce soit le document auquel j'ai fait allusion dans ma question.

M. Saint-Pierre: Vous vous référez au rapport Tetley?

M. Morin: Ce que j'ai demandé, c'est l'étude, le rapport sur les investissements étrangers, dont peut-être ce mémoire du ministre a été tiré, je ne le sais pas.

Ce qu'il y a dans le document que vous venez de nous remettre, ce sont les vues, les opinions du ministre sur la question des investissements étrangers, ou est-ce autre chose?

M. Saint-Pierre: Le mémoire au conseil des ministres, comme son nom le dit, est un document de politique, accepté par le conseil des ministres, à sa réunion du 13 novembre 1974.

Vous avez ici le sommaire. Il y a l'étude plus détaillée, vous l'avez en deux parties. Cela a été ratifié par le conseil des ministres et sert donc de cadre de référence à des fonctionnaires qui sont chargés de donner la consultation en ce qui touche les investissements étrangers.

En ce qui touche le rapport Tetley, je pense que la position du gouvernement—M. Bourassa l'a indiqué, le document est fort volumineux — nous allons tenter, le plus rapidement possible, à la lumière d'expériences, d'approuver au cabinet une prise de position sur les investissements étrangers dont chaque ligne serait adoptée par le cabinet et de rendre public, par la même occasion, le document de travail qui a été le fruit de ceux qui ont travaillé dans ce qui est appelé le comité Tetley, puisque, là, un peu, comme pour le rapport Descoteaux, il nous semblait impossible au pouvoir exécutif, comme d'ailleurs dans nombre d'autres gouvernements, d'accepter chacune des lignes qui sont mentionnées dans le rapport Tetley, car il y a des choses que nous acceptons moins que d'autres. Mais, l'ensemble du document nous apparaît un effort de recherche valable pour être rendu public.

M. Morin: Est-ce que je vous ai bien compris, M. le ministre? Le rapport Tetley lui-même ne sera pas rendu public ou...

M. Saint-Pierre: II sera rendu public, mais accompagné d'une prise de position du gouvernement en matière d'investissements étrangers. Cette prise de position peut être, je ne sais pas, un document d'une dizaine de pages dont chacun des mots et chacune des phrases ont été acceptés par le conseil des ministres.

M. Morin: Ce rapport Tetley est entre les mains du gouvernement et du ministère de l'Industrie et du Commerce, en ce moment?

M. Saint-Pierre: Oui, en ce moment, il est au niveau du cabinet.

M. Morin: Peut-on s'attendre que la prise de position du cabinet soit rendue publique bientôt?

M. Saint-Pierre: Oui, M. le Président. Je pense que, dans les prochains mois tout au plus, le document et la prise de position seront à la fois rendus publics.

M. Morin: Est-ce que cette prise de position doit s'inspirer également du mémoire que le ministre a soumis au conseil des ministres et qui a été accepté en novembre 1974?

M. Saint-Pierre: Essentiellement, je pense que oui.

M. Morin: Donc, quand vous nous dites, M. le ministre, que ce document est accepté par le conseil des ministres, vous voulez dire simplement accepté comme document de travail pour servir de fondement à d'autres études ou voulez-vous dire entériné?

M. Saint-Pierre: II est entériné. Si on va à la fin du document, il y a un mécanisme qui est prévu, il y a des principes qui sont des mécanismes d'opération dans le cheminement des dossiers, dans la détermination de qui peut avoir un pouvoir ou peut rendre une décision dans la position du Québec. Apporte-t-on au cabinet tous les dossiers d'investissements étrangers? Dans certains cas, les fonctionnaires sont-ils autorisés à donner immédiatement la réponse? Dans d'autres cas, le ministre de l'Industrie est chargé de l'application, de réagir à la position québécoise... Le document a aussi donné des positions générales, des objectifs prioritaires. C'est ce document qui a été entériné par le conseil des ministres.

M. Morin: Est-ce que je puis vous demander, M. le ministre, pour quelle raison ce mémoire, qui est certainement important, que je n'ai pas eu le loisir de parcourir, parce qu'il vient de m'ètre remis, pourquoi ce document entériné, en novembre 1974, nous est communiqué seulement maintenant, au début de l'étude des crédits, ce qui, vous l'avouerez, rend l'étude du document plutôt difficile?

M. Saint-Pierre: M. le Président, peut-être, parce que, pendant un bon laps de temps, on a pensé mettre cela conjoint avec le rapport Tetley, mais, comme le rapport Tetley, à cause de son caractère très volumineux, semble occasionner des délais, je n'ai pas voulu retarder plus longtemps pour indiquer quel était notre cadre de référence, face au problème de la consultation à laquelle le gouvernement provincial participe, dans la Loi fédérale des investissements étrangers.

Nous avons déjà rendu des décisions et je pensais que, à l'étude des crédits, les parlementaires sont en droit de demander quel était le cadre de référence sur les décisions que nous avions rendues. Cela ne présuppose pas que nous avons répondu à toutes les questions sur l'investissement étranger. Il y a des questions additionnelles que le rapport Tetley couvrira. Mais cela vous donne au moins les principes qui ont retenu notre attention jusqu'ici.

M. Morin: M. le Président, je ne me sens pas prêt immédiatement, étant donné que j'ai le document entre les mains depuis quelques minutes

et qu'il comporte 32 pages, à dialoguer avec le ministre sur ce document ce soir. Il faudra que nous puissions revenir sur la question au cours des prochaines séances, si le ministre veut bien en convenir.

M. Saint-Pierre: Sûrement.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions à l'élément 2?

M. Morin: A moins que mes collègues en aient, j'en ai d'autres effectivement mais je veux laisser une chance à mes collègues, parce que je monopolise le dialogue depuis le début.

M. Saint-Pierre: On voulait collaborer avec l'Opposition pour être bien certain qu'elle n'était pas brimée dans ses droits.

M. Morin: A mon tour, je ne voudrais pas brimer qui que ce soit. S'il y a des questions, j'imagine que les députés ministériels doivent bien avoir quelques petites questions à l'esprit.

M. Cadieux: Cela nous convient.

M. Morin: Pas de question? M. Cadieux: Pas sur ce sujet.

M. Morin: M. le Président, je veux bien passer à une autre question dans ce cas. On a entrepris, il y a quelque temps, une étude sur les sources d'épargne au Québec. Je crois me souvenir que l'an dernier, le ministre avait...

M. Saint-Pierre: Je voulais vous inviter peut-être, je ne sais pas, tantôt, voyez-vous... M. le Président, je vois que dans ma générosité, j'ai fait une mauvaise tradition. Toutes les questions que soulève actuellement le chef de l'Opposition, sont immédiatement l'élément suivant, c'est-à-dire le programme 2, élément I. Est-ce qu'il y a moyen, peut-être que dans le soutien technique, on peut passer? Parce que toutes les questions dont vous parlez, sont évidemment de la recherche économique, et c'est le prochain programme. Je ne sais pas si je peux vous le suggérer.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, autres questions à l'élément 2, soutien technique du ministère?

M. Morin: Un instant, M. le Président. Je suis toujours à l'élément 2.

Mutations

M. Saint-Pierre: Pendant que vous le regardez, j'attire seulement votre attention à titre indicatif sur le fait que, puisque c'est à la fin de ce mois que nous allons donner les grands détails... Nous avons donné la table des matières d'un rapport sur l'éducation économique. Nous le rendrons public une fois que les crédits auront été acceptés par cette commission et d'ici la fin de mai. Un peu plus loin dans le manuel, j'ai donné des mutations et les déplacements de personnel, les postes autorisés et comblés. J'ai donné la liste complète des employés par direction qui ont pu avoir, au niveau des cadres, soit des promotions internes, soit l'objet de recrutement externe ou de départs. S'il y avait des questions, cela me ferait plaisir pour chacun de ces cas.

Il y a certains tableaux qui montrent également les statistiques sur les départs des professionnels du ministère. On y voit en particulier que la moyenne générale de ceux qui sont partis, étaient restés au ministère, au niveau des professionnels, près de 40 mois, c'est donc trois ans et demi. Les seuls points qui semblent un peu faibles se trouvent particulièrement à la division des pêches maritimes, où la vie moyenne active au ministère n'avait été que de sept mois. Finalement, il y a d'autres statistiques qui indiquent le mouvement général du personnel, tant au niveau des cadres, les professionnels, les fonctionnaires et autres, au cours des différents mois de l'année et tout au long de la dernière année écoulée.

M. Morin: Le ministère a perdu effectivement un nombre assez impressionnant de membres de son personnel, dont certains occupaient des postes particulièrement importants.

M. Saint-Pierre: Vous parlez de qui en particulier? Dans tous les cas, je peux passer les noms et il ne me semble pas qu'on puisse dire que véritablement... Parce que dans les départs, il y en a qui sont des mutations; parmi les neuf cas, il y en a plusieurs qui sont des mutations à l'intérieur de la fonction publique québécoise. J'ai les plans, brièvement: M. Marc Boissonneault est maintenant secrétaire de la Régie des services publics; M. Jacquelin Harvey est maintenant au ministère des Transports; M. Marcel Marion est commissaire industriel à la communauté urbaine, donc c'est dans des secteurs analogues; M. Claude Lafrance, de l'autre côté, est au Centre de recherches industrielles, donc à l'intérieur du gouvernement; M. Marcel Pelletier, à l'autre page, est à l'OPDQ; M. Gaston Barrette est au ministère de l'Education; M. François Trottier avait des problèmes d'ajustement comme agent, il est au Barreau de Montréal; M. Oneil Roy est au Centre de recherches industrielles du Québec; M. Jean-Paul Vézina est professeur aux hautes études commerciales. On voit que ce sont tous des Québécois qui continuent d'oeuvrer essentiellement dans le même secteur et que la mobilité m'apparaît bien normale.

M. Morin: II s'agit donc de mutations dans la plupart des cas et...

M. Saint-Pierre: Oui. C'est la même chose avec le recrutement externe, M. le Président. Peut-être une petite nuance. Le recrutement externe inclut également des gens qui sont venus d'autres ministères. Je peux les mentionner. M.

Denis Bédard est venu du ministère des Affaires sociales; M. Jacques Plourde était auparavant au ministère de l'Education. Voulez-vous les écrire? Non?

Education économique

M. Morin: Non, je ne le veux pas. Je ne tiens pas à ce que nous énumérions chaque nom; cela durerait indéfiniment. Je m'interrogeais au sujet des dépenses. Je me rends compte que ce sont surtout des mutations. Cela répond à ma question.

Je voudrais m'attarder un peu plus sur le programme d'éducation économique qui est prévu à l'élément 2 du programme 1. Un montant de $600,000 a été prévu, et j'aimerais que le ministre, étant donné que nous devons approuver ce crédit, nous donne quelques éclaircissements sur sa conception de l'éducation économique. En quoi consiste exactement ce programme? Quels sont les moyens pédagogiques utilisés? Allez-vous organiser des cours télévisés? Allez-vous faire appel à la maternelle, au primaire, au secondaire, au niveau universitaire?

Une Voix: Chinelle.

M. Lachance: Prématernelle.

M. Morin: Est-ce que c'est un programme destiné à combattre les infiltrations "chinelliennes "?

M. Saint-Pierre: M. le Président, si je peux me permettre...

M. Morin: Est-ce que c'est un nouveau "manuel du 1er mai"?

M. Malouin: De la fin de mai!

M. Saint-Pierre: Nous commençons le programme le 1er septembre, mais il n'y a aucune analogie avec la fête du travail.

M. le Président, peut-être par une tradition qui est permise et bien implantée, avec la permission du chef de l'Opposition, je demanderais à M. Richard Pouliot, qui a essentiellement conçu le programme, directeur de nos communications, de peut-être tenter de répondre brièvement, en mon nom, à la question soulevée par le chef de l'Opposition.

M. le Président, je crois que, si j'avais à résumer en une phrase ce que nous avons proposé à la direction du ministère comme programme d'éducation économique, je dirais qu'il y a essentiellement trois volets.

Le premier volet vise à compléter, dans une certaine mesure, l'action qui est entreprise par le ministère de l'Education en matière de formation économique traditionnelle, surtout en ce qui concerne la mise au point d'un certain nombre d'instruments et d'outils de travail de caractère pédagogique et qui serviront, en particulier, à soutenir l'effort d'enseignement au niveau de la fin du secondaire et du collégial.

Le deuxième volet concerne la formation plus permanente en milieu de travail et vise essentiellement à sensibiliser les travailleurs et les cadres à la nécessité d'un effort continu en matière de formation économique générale, dans la mesure où nous concevons, ou enfin, notre hypothèse prétend que, pour développer le sens de l'innovation, du leadership en matière économique, il y a lieu de maintenir un certain niveau de formation économique générale et d'ouvrir, dans la mesure du possible, les horizons en matière de connaissances de l'économie générale, que ce soit celle du Québec ou celle du monde entier.

Il y a aussi un volet qui concerne la formation de la population en général ou des milieux socio-économiques en particulier où le programme est nettement plus modeste et vise à sensibiliser, c'est-à-dire, en très grande partie, à fournir, à la population en général, les informations économiques de base, surtout celles que, très souvent, nous possédons à l'intérieur d'un ministère comme celui-ci, mais que nous possédons, disons, selon une approche très technique, et que nous allons essayer de vulgariser dans la mesure du possible, de telle façon que la population du Québec soit mieux renseignée sur le plan économique, tant en ce qui concerne les coordonnées de l'économie du Québec qu'en un certain nombre d'informations qui circulent généralement. Je pourrais prendre des exemples. Nous avons suggéré à un certain nombre de journalistes, dans le domaine économique, un certain nombre de mesures qui visent à améliorer la qualité de l'information économique générale.

Bien sûr, il faut entrer dans les détails. Depuis un an et demi, nous travaillons à l'ébauche d'un programme du genre qui, en fait, vise, comme je le disais au départ, à sensibiliser, mais, essentiellement, à mieux informer et à donner les instruments nécessaires à une meilleure information sur le plan économique.

Je crois que le terme "éducation économique" est un peu prétentieux. Je ne crois pas que cela soit, nécessairement, la vocation d'un ministère comme celui-ci de faire de la formation, mais il est bien évident qu'à l'heure actuelle il y a un besoin et des besoins considérables en matière de vulgarisation de données économiques. C'est peut-être à ces besoins que nous voulons répondre.

M. Morin: Alors, si j'ai bien compris, les trois volets sont de compléter l'action du ministère de l'Education, ensuite, la formation permanente destinée aux cadres et aux travailleurs et, troisièmement, un programme de formation de vulgarisation à l'intention de la population en général. Ce sont les trois volets.

Pourriez-vous nous décrire, au moins dans ses grandes lignes, les techniques, les méthodes pédagogiques que vous avez utilisées pour chacun de ces trois volets? J'imagine que ce n'est pas la même chose, selon que vous vous adressez à des étudiants du secondaire ou du collégial ou à des cadres ou à des travailleurs ou encore à la po-

pulation en général. Pourriez-vous nous faire part des techniques que vous comptez utiliser?

M. Saint-Pierre: Pour ce qui est du premier cas, en première de technique, évidemment, l'étape ou nous sommes rendus, l'étape que nous avons franchie à l'heure actuellle ne touche pas tellement l'approche technique de la question. Ce que nous avons fait et ce que nous avons proposé dans une première étape, c'est d'abord de faire une recherche au niveau, à la fois, de la perception des problèmes économiques et des niveaux des connaissances économiques générales.

Les $600,000 dont il est question en matière de budget consacré à l'éducation économique cette année, visent, essentiellement à faire une étude, une recherche en milieu scolaire pour obtenir des réponses à trois questions principales: Premièrement, quelles sont les perceptions des étudiants sur les problèmes de l'économie; deu-, xièmement, quelle est l'étendue des connaissances économiques des étudiants à un certain niveau et, troisièmement, quels sont leurs besoins en matière de formation économique et de débouchés économiques?

C'est un aspect du travail que nous faisons à l'heure actuelle. Le deuxième aspect vise aussi à faire une recherche en matière de besoin économique général, en ce qui concerne la population et j'inclus là-dedans, à la fois, les travailleurs et les cadres dirigeants d'entreprise.

Dans le même esprit, sauf que là, ce que nous visons à cerner davantage se situe plus au niveau des besoins que des perceptions, ou des attitudes générales.

Le troisième aspect de ce travail qui, encore une fois, est un travail préliminaire vise à cerner, avec le ministère de l'Education, les problèmes de l'approche en matière de formation économique de base. Cela se rapproche de plus près à votre question, M. le chef de l'Opposition, dans la mesure où à l'intérieur de ce travail, nous visons, essentiellement, à mettre au point des instruments pédagogiques. Mais je considère que l'aspect purement technique est un aspect qui relève avant tout du ministère de l'Education dans la mesure où c'est lui qui est compétent en matière de pédagogie.

Ce que nous faisons est de collaborer, dans toute la mesure du possible, avec ce ministère pour ce qui est de l'approche purement pédagogique ou technique du problème.

Cependant, nous avons fait une chose qui... En fait, les recommandations que nous avons faites visent, au moins dans le secteur socio-économique et en milieu de travail, à identifier un certain nombre d'approches qui ont été utilisées à l'étranger et qui visent à créer un encadrement propice à l'étude et à la réflexion sur les questions économiques.

Il y a, comme vous le savez, un certain nombre d'expériences qui ont été tentées aux Etats-Unis, en Europe, en Suède en particulier, qui nous ont amenés, d'abord, à réfléchir sur la question en ce qui concerne le Québec et à faire un certain nombre de recommandations.

Pour l'instant, c'est encore à l'étape préliminaire. Je crois qu'on pourra difficilement, cette année, dépasser cette étape, mais nous visons, très certainement, à proposer quelque chose de très concret en ce qui concerne la création d'un encadrement possible de l'activité d'éducation économique sur un plan général en milieu extrascolaire.

Je pourrais aller plus loin et vous dire que nous avons, dans une première étape, songé à la possibilité de la création de groupes régionaux qui réuniraient sur une base volontaire les représentants des milieux d'éducation, les représentants des milieux socio-économiques, que ce soient des syndicats ou des entreprises, pour la mise au point de programmes généraux au niveau régional pour sensibiliser la population aux questions économiques. Dans une deuxième étape, nous songeons à proposer la constitution au Québec d'un organisme qui aurait pour mission de faire de l'éducation économique en milieu d'adultes et en milieu de travail en particulier et qui, à l'instar d'organismes européens comme le Centre national d'information et de progrès économique en France, réunirait sur une base paritaire des représentants des travailleurs, des entreprises et de l'Etat. Cela s'est fait ailleurs qu'au Québec avec beaucoup de succès et je crois qu'il y aurait peut-être possibilité de l'adapter ici.

M. Morin: Donc, ces $600,000, cette année, sont consacrés presque entièrement à des recherches d'ordre préliminaire.

M. Saint-Pierre: Essentiellement, plus, évidemment, un certain nombre de documents que nous allons produire. Nous avons déjà commencé, comme vous le savez, en matière de conjoncture économique, à rendre disponibles, dans la mesure où on pouvait le faire, des données un peu plus synthétiques sur l'évolution de la conjoncture. Nous avons l'intention de produire un certain nombre de documents sur l'économie du Québec, dont un qui est en production actuellement et qui va s'appeler: Réalités économiques sur le Québec. Nous avons imaginé un certain nombre de choses qui vont d'une série d'ouvrages sur les concepts économiques, y compris la bande dessinée de caractère économique. Alors, il y a un travail de production qui va se faire, mais c'est vraiment une année où nous essayons de cerner davantage les besoins avant de proposer des mesures plus considérables.

M. Morin: J'imagine qu'éventuellement, quand vous aurez dépassé le stade initial, vous allez proposer, dans le cadre de cette éducation économique, des modèles de développement. Est-ce que vous allez vous contenter de décrire la situation telle qu'elle est? Est-ce que vous allez avoir des techniques tendant à amener soit dans le milieu de l'éducation, soit dans le milieu de la formation permanente des cadres des travailleurs, ou encore de la population en général, les personnes qui s'intéresseront à cela? Est-ce que vous allez tenter de les amener à réfléchir sur la situation de l'éco-

nomie? J'essaie de voir la pédagogie que vous comptez utiliser. Est-ce que vous soumettez un modèle tout fait et que vous leur dites: Voilà la réalité, c'est comme cela, et c'est à prendre ou à laisser, ou si vous essayez d'aller un peu plus loin et d'amener les gens à s'interroger sur l'état de l'économie du Québec, sur les raisons qui font que son économie est dans l'état où elle se trouve?

M. Saint-Pierre: Je crois qu'à ce niveau il ne faudrait peut-être pas... Je pense qu'en toute modestie ce programme a quand même un certain nombre de limites. Je ne pense pas qu'il s'agisse de présenter un modèle quelconque. Je pense qu'il s'agit de mettre à la disposition de ceux qui font de la formation des instruments pour travailler. A partir du moment où ce n'est pas défendu de réfléchir ou de penser, il est bien évident que ce n'est pas à nous d'indiquer une orientation sur le plan de la réflexion. Ce qui nous intéresse, par contre, c'est de mettre à la disposition de ceux qui veulent faire du travail de recherche personnelle ou collective en matière d'éoonomie, les instruments pour travailler. En un mot, l'approche que nous avons suggérée, c'est beaucoup moins une approche d'intervention dans le processus de réflexion qu'une approche de soutien technique à un certain nombre de groupes, et ils sont extrêmement nombreux au Québec, qui veulent faire de la réflexion économique, mais qui n'ont pas toujours ni les moyens financiers ni les moyens techniques pour le faire.

M. Morin: Si je comprends bien, alors, pour illustrer votre démarche, il s'agit de donner des instruments de travail.

M. Saint-Pierre: Si vous le permettez, M. le Président, le chef de l'Opposition a dit: Est-ce qu'on vise à faire réfléchir les gens? M. Pouliot a parlé d'informer les gens.

Je pense que ce qu'on essaie de donner, c'est peut-être plus, non pas un modèle qu'on tente d'imposer à l'ensemble de la population, mais on tente de donner des balises, des phares qui permettent à chacun de prendre un jugement personnel ensuite. La question qu'on peut poser dans le moment, c'est que les gens pourraient tenter de faire un choix personnel et qu'en dehors de toute idéologie, peut-être les balises, les phares, les points de référence sont difficiles à percevoir dans l'ensemble de la population l'ignorance assez répandue qu'on rencontre même chez des diplômés universitaires, c'est assez surprenant. Si on demandait à tous ceux qui ont quitté l'université, les diplômés de l'Université de Montréal cette année, quelle est la définition du produit national brut, des indicateurs si primaires, peut-être que la grande majorité des universitaires s'y perdraient complètement. Je pense qu'on essaie d'amorcer un processus de réflexion mais la première étape d'un vrai processus de réflexion, c'est de donner de l'information, c'est de donner des points de répère qui permettent à chacun de porter un jugement par la suite.

Sûrement, c'est un point que je vais surveiller dans le programme, je ne voudrais pas que le programme soit interprété, ni d'une façon ni de l'autre, en tentant de vendre un système plus que l'autre. On tente de donner des renseignements, des informations, on est prêt, peut-être pas ceux qui sont responsables de l'éducation économique, mais par après, les groupes dans la société pourront dire, face à des faits, face à des statistiques, des analyses, voici nos choix, voici nos perceptions, voici nos solutions. C'est un plan peut-être plus politique pour décider les gens à dire: Nous, on opte pour ça ou pour ça.

M. Morin: Si je comprends bien...

M. Saint-Pierre: On ne sera pas dans le sillage du manuel du 1er mai, je l'espère sincèrement.

M. Morin: Si je comprends bien...

M. Saint-Pierre: Dans ce sens ou dans un autre sens.

M. Morin: Si je comprends bien, ce seraient plutôt des outils qui tendront à décrire la situation, à donner les indicateurs économiques, à expliquer ce que sont les indicateurs économiques, par exemple. C'est de cet ordre.

M. Saint-Pierre: Oui, mais décrire la situation actuelle peut être le mécanisme qui porte à la réflexion et au changement, je pense que c'est inscrit. Je pense qu'il faut être assez modeste pour voir que, même dans le moment, sauf chez les experts et même, je vais presque citer M. Vézina, même dans les facultés de commerce, c'est assez décevant — on ne parlera pas d'aujourd'hui — de voir le niveau de connaissance, encore moins la prise de décision ou l'intérêt de choisir, c'est assez restreint. Il y a peut-être ce pas qu'on peut franchir.

M. Morin: Encore quelques questions pour mieux comprendre les objectifs qui sont visés par ce programme d'éducation économique. Au niveau de l'enseignement, il s'agit donc au départ d'identifier les perceptions des étudiants, perceptions qui se font de l'économie et des problèmes que ça peut présenter pour eux. Lorsque nous parlons de formation permanente des cadres et des travailleurs, vous nous avez parlé de la possibilité de créer des groupes régionaux qui pourraient s'intéresser, j'imagine, à l'économie régionale, notamment, au développement régional.

Lorsque vous vous adresserez à la population en général pour faire de la vulgarisation, comment procéderez-vous, est-ce que cet aspect, ce volet de votre travail est déjà avancé?

M. Saint-Pierre: II n'est pas très avancé, mais je crois qu'encore là, la même approche prévaut dans un certain sens. Je pourrais donner ici toute une série d'exemples, nous parlons très souvent de carrières économiques, or, il est absolument effarant de constater à quel point les gens sont dé-

semparés en matière d'information sur les carrières économiques. Il n'y a pas d'information valable sur les débouchés économiques au Québec, qui soient remis entre les mains de qui que ce soit, ni les éducateurs, ni les étudiants, ni même les entreprises.

Si bien que nous avons entrepris avec le ministère de l'Education, une réflexion sur la façon, éventuellement, de mieux cerner le problème et arriver à fournir des instruments valables en matière de connaissance, de débouchés dans le secteur économique.

Parallèlement à ceci, nous avons contacté un certain nombre de media y compris les media de masse, pour voir dans quelle mesure on pourrait utiliser ce media pour aussi travailler avec nous sur le plan d'une meilleure connaissance des carrières économiques, des débouchés économiques. C'est un exemple d'une action qu'on peut mener et quand on parle de sensibilisation de la population en général, je ne pense pas qu'on puisse dire que la population en général est un monde en soi parce que ça regroupe tout le monde, les travailleurs, les étudiants, les professeurs, etc.

Je peux vous donner un autre exemple de la façon dont nous souhaitons fonctionner dans le cadre de ce programme. Je pourrai prendre un exemple très précis. Dans le cadre de son programme, la téléuniversité de l'Université du Québec veut offrir, cette année, un cours sur l'initiation à l'économie du Québec. De ce point de vue-là, ils nous ont demandé, à la fois, des ressources financières et des ressources techniques, pour permettre de mettre au point ce cours sur l'économie du Québec.

Dans ce cas-ci, nous essayons, dans un certain sens, de combler un besoin qui nous semble absolument essentiel, indispensable, dans l'état actuel de la situation économique au Québec.

Par contre, la réflexion que nous entreprenons vise éventuellement à créer un organisme qui, de façon permanente, reprendra ce travail et qui, sur une base paritaire, pourra assumer le travail ou reprendre l'initiative que nous essayons de lancer à l'heure actuelle, sur le modèle d'organismes qui existent à l'heure actuelle à l'étranger, soit aux Etats-Unis, mais surtout en Europe.

M. Morin: M. le Président, j'aimerais demander au ministre quand il compte rendre public le rapport ou l'ouvrage dont la table des matières apparaît sous l'élément 2.

M. Saint-Pierre: Avant la fin de mai.

M. Morin: Avant la fin du mois? Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Ma curiosité est piquée par le titre des annexes 9 et 10. Je crois qu'on y a fait allusion, brièvement d'ailleurs, à la création d'un centre d'éducation économique.

Est-ce que le ministre pourrait nous donner un aperçu de ce qu'il entend proposer?

M. Saint-Pierre: L'idée de création d'un centre, pour être plus juste, d'information et de forma- tion économique, est une idée, une recommandation que nous faisons, à la lumière d'expériences que nous avons pu observer en Europe, en particulier, où des organismes comme celui que je mentionnais tout à l'heure, le CNIPE, le Centre national d'information et de progrès économique, sont des organismes qui visent à réunir les travailleurs, les cadres et l'Etat, sur une base paritaire et à mener, avec les entreprises, avec les syndicats, des actions d'animation économique. Dans le cas du CNIPE, il est financé à 60% par l'Etat, le reste étant des contributions qui viennent à la fois de l'entreprise privée et des travailleurs eux-mêmes.

L'idée du CNIPE est uniquement de créer des conditions pour permettre, à la fois, aux travailleurs, aux cadres, aux étudiants, aux professeurs, à ceux qui font l'éducation économique, d'avoir un cadre dans lequel ils puissent mener des actions, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, sur le plan économique.

En un mot, le CNIPE n'est pas un organisme de formation, c'est un encadrement physique, matériel et, dans un certain sens, intellectuel, parce qu'il y a un certain nombre d'animateurs qui y oeuvrent, pour les organismes qui, eux, sont les véritables maîtres en matière de formation économique.

Le fonctionnement du CNIPE assure la crédibilité, dans la mesure où toutes les décisions au sein du conseil d'administration du CNIPE sont prises à l'unanimité, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune action du CNIPE qui ne soit pas entérinée par les représentants de l'Etat, des travailleurs et des entreprises.

Bien sûr, dans le cas de la France, cela s'inscrit dans le cadre d'une législation, de formation continue, mais, en l'absence de ceci, que ce soit la Suède, que ce soit la Suisse, que ce soit les Etats-Unis, il existe des organismes du genre qui sont, dans la plupart des cas des organismes privés.

Ce que nous avons fait, comme recommandation, c'est que ce soit un organisme de caractère mixte. Ce sont des organismes dont l'objectif principal est de créer un encadrement et de faire de l'animation sur le plan économique.

Ce n'est pas à ces organismes de décider quelles seront les questions, quelle sera la nature de l'éducation économique qui s'y fera, c'est aux gens qui viennent bénéficier ou utiliser les services à déterminer eux-mêmes quel type d'éducation économique ils veulent avoir.

Il s'agit tout simplement de créer un cadre fonctionnel pour permettre, au fond, la réflexion et la formation économiques de base.

M. Morin: Quand vous parlez d'un organisme de caractère mixte, vous voulez dire qu'il serait un peu à l'image du CNIPE. Les travailleurs et les syndicats y seraient associés, les cadres également, et probablement que des associations patronales y seraient associées.

M. Saint-Pierre: C'est-à-dire tout ce qui touche, je dirais, les groupes socio-économiques, au Québec... Enfin, dans le cas du CNIPE on re-

trouve, à peu près, tout ce qu'il y a comme groupes structurés dans le secteur économique. Je vous dirais même qu'il y a des représentants des centrales syndicales, que ce soient le CFDT ou la CGT, qui siègent au conseil d'administration du CNIPE. C'est le cas, bien sûr, des associations patronales, sauf que, en France, elles sont tellement nombreuses qu'elles ont dû se regrouper pour y déléguer des représentants.

C'est le cas aussi de l'Etat qui délègue un certain nombre de membres. Mais on y trouve des représentants des fédérations de journalistes. Le CNIPE mène une action d'envergure dans toute la France et à l'égard de tous les groupes socio-économiques, y compris, dans l'entreprise, avec le travail de la Caisse de dépôts et de consignations, qui a créé un organisme d'intervention. Il y a du travail de formation économique qui se fait, dans l'entreprise, avec les cadres et les travailleurs de l'entreprise, sous l'égide du CNIPE ou, très souvent même, sans le CNIPE.

Il s'agit, au fond, d'assurer une certaine permanence dans ce domaine qui, à l'heure actuelle, au Québec, n'est assumée par personne, parce qu'il ne s'en fait pas d'éducation économique. Même au niveau scolaire, enfin, connaissant assez bien la situation maintenant, il y a un certain enseignement économique qui se fait, mais celui-ci est très difficile, compte tenu de la grille horaire. Ce que nous essayons de faire, c'est de compléter l'action par d'autres types d'action, à ce point de vue.

M. Morin: II s'en fait, mais, enfin, de façon rudimentaire. Je pense, par exemple, au Conseil d'expansion économique et à ses publications. C'est quand même un effort, étant donné que, par ailleurs, il ne se fait rien, il ne s'est jamais rien fait. Un petit journal comme La Prospérité, par exemple, véhicule quand même une certaine quantité d'informations économiques et de points de vue sur le développement du Québec.

M. Saint-Pierre: Bien sûr.

M. Morin: Donc, il n'y a pas une absence totale. Mais, ce que vous voulez, c'est systématiser l'affaire, systématiser la formation. Si j'ai bien compris le style de ce centre d'éducation économique, ce serait un organisme qui mettrait des animateurs, des personnes ressources, comme on les appelle quelquefois dans le nouveau vocabulaire, à la disposition des organismes qui en feraient la demande: syndicats, organismes patronaux, chambres de commerce, etc.

Autrement dit, le centre lui-même n'organiserait pas des cours télévisés d'économie ou encore n'organiserait pas des colloques ou des congrès pour réunir les gens et les amener à réfléchir sur des problèmes économiques?

M. Saint-Pierre: Le CNIPE le fait, mais dans la mesure, encore une fois, où il y a un concensus au niveau des principaux participants pour mener l'action en question. Si, par exemple, le CNIPE prend beaucoup d'initiatives, en matière de ses- sions de formation, cela ne va pas jusqu'à la télévision encore, puisque l'éducation nationale le fait en France. Mais, il pourrait le faire dans la mesure où le consensus s'établit autour de la table sur l'action à mener. Cependant, il fait énormément de choses.

M. Morin: Est-ce qu'à votre avis le consensus sera aussi facile et aussi aisé à établir ici qu'il a pu l'être en France?

M. Saint-Pierre: La France est un pays de luttes ouvrières. Je crois honnêtement qu'il ne serait pas plus difficile. Les mêmes contraintes existent ou à peu près. Je ne crois pas qu'on puisse, nécessairement sur tous les points, arriver à un consensus. L'essentiel, c'est d'avoir au moins un consensus sur l'objectif. Au niveau des moyens, bien sûr, même s'il y a un CNIPE, les gens qui ne sont pas d'accord sur la philosophie ou les actions du CNIPE peuvent toujours mener des actions par eux-mêmes. Cela se fait couramment. Il y a bien sûr des domaines et des points d'entente sur bien des questions. C'est assez surprenant.

Je peux rappeler un incident qui permet peut-être d'avoir un consensus. En 1971, au ministère de l'Education, tentant de justifier une orientation nouvelle de ma part pour augmenter substantiellement les bourses de perfectionnement dans le secteur de l'administration, nous avions fait une espèce de relevé pas tellement scientifique, mais les demandes à peu près à 200 organismes au Québec, à partir des professeurs d'université en allant aux centrales syndicales et au patronat. Ce qui nous avait surpris à l'époque, c'est qu'à l'unanimité, tous les groupes intéressés avaient mis l'administration comme devant être le secteur qui devait être privilégié par l'Etat. Ce secteur no I, dès qu'on tombait au choix no 2, il y avait des divergences entre l'enfance exceptionnelle et la géophysique ou je ne sais pas quoi. Au secteur no I, tout le monde, incluant les centrales syndicales, enfin tous les groupes consultés mettaient l'administration comme étant un champ qui devait être privilégié.

M. Morin: M. le Président, sur cet article de l'éducation économique, j'attendrai pour poser davantage de questions d'avoir le document entre les mains, puisque j'imagine, d'après ce que je vois dans la table des matières, que plusieurs des questions que je serais enclin à poser ce soir, j'avoue, piquent énormément ma curiosité. Plusieurs de ces questions vont trouver leurs réponses dans le document que vous allez rendre public. Alors, je n'insisterai pas davantage. J'aurais souhaité que nous l'ayons devant nous, parce que je crois que cela aurait pu faire l'objet d'un examen sérieux, beaucoup plus approfondi si on avait eu le document devant nous.

Pour ce qui est de l'élément 2, je pense qu'il ne me reste plus que quelques petites questions à poser. Jusqu'à quelle heure avons-nous ce soir?

Le Président (M. Houde, Limoilou): 23 heures. M. Morin: Jusqu'à 23 heures seulement.

M. le Président, j'aimerais demander pourquoi l'augmentation draconienne de $716,000 en 1974/75, je me trouve dans la ventilation...

M. Saint-Pierre: D'accord, ça va! A $1,128,000? M. Morin: Oui, à $1,128,000.

M. Saint-Pierre: II y a le fait de l'augmentation de 30 postes, et, sous le vocable "communications", il y a les frais de rodage, la publicité, les publications, les honoraires et les choses semblables. Il y a 30 nouveaux postes, plus, bien sûr, presque l'ensemble du programme d'éducation économique, en termes de publications, publicité, qui se retrouvent sous cet élément de $600,000 dont nous parlons, à droite, sauf pour les $100,000, qui sont un transfert que vous voyez en bas, lorsque cela passe de $25,000 à $100,000 dans les dépenses de transferts, en bas, à gauche. Il y a $100,000 dans les transferts qui seraient...

M. Morin: Oui, je vois.

M. Saint-Pierre: ... pour l'éducation économique, et il y a $600,000 qui sont dans les dépenses de fonctionnement, sous le vocable essentiellement "communications", un petit peu "services" également.

M. Morin: Bon! Je vois. Cela explique pourquoi il y a une augmentation, sous les services.de $112,000 à $392,000 également.

M. Saint-Pierre: C'est le cas aussi. Un petit point, M. le Président, simplement pour l'explication. Sur la deuxième ligne, dans l'augmentation des effectifs, c'est qu'antérieurement les employés de Montréal, qui s'occupaient d'administration, occupaient des postes qu'on retrouvait à la direction générale de l'expansion industrielle. Ces postes ont maintenant été détachés pour être amenés, comme il se devait, sous l'administration, c'est-à-dire que ce sont des employés qui sont en poste à Montréal, mais qui sont sous contrôle de l'administration à Québec. Cela fait une augmentation de quatorze des trente postes.

M. Morin: M. le Président, je vois qu'à la fin des documents concernant le programme I, il y a une note concernant les 127 postes vacants. Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi il y a tant de postes vacants, et nous dire, également, ce qu'il adviendra des postes qui demeureront vacants après que le concours de recrutement aura permis d'en combler 72? Qu'est-ce que cet excédent d'une cinquantaine de postes qui demeureront vacants après le recrutement?

M. Saint-Pierre: Compte tenu que le ministère a près de 1,300 postes, il est toujours normal qu'il y ait une certaine rotation, particulièrement lors- qu'on va aux postes plus inférieurs, fonctionnaires, secrétaires, sténodactylos et autres. Il y a toujours un roulis. Il y en a également au niveau des professionnels. Après que les 72 postes auront été comblés, bien sûr, d'autres, entre-temps, auront fait l'objet de concours, d'annonces de concours et c'est comme le prix de la démocratie. C'est le prix qu'il faut payer pour annoncer des postes, donner suffisamment de temps aux gens pour poser leur candidature, recevoir toutes les candidatures, les analyser, passer l'interview devant les jurys, le jury délibère, fait ses choix, transmet des recommandations à la fonction publique. C'est le prix qu'il faut payer pour avoir un tel système.

M. Morin: Et, d'ici la fin de l'année budgétaire, combien pensez-vous combler de ces postes vacants?

M. Saint-Pierre: II y a toujours environ 30 ou 40 postes, à cause...

M. Morin: A cause de la rotation.

M. Saint-Pierre: ... de la rotation, qui sont vacants, mais qu'on tente constamment de remplir. Mais la rotation est là.

M. Morin: Je serais prêt à adopter l'élément 2 du programme I.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, élément 2, programme I. Adopté. Comme il est près de 23 heures...

M. Saint-Pierre: Peut-être sur le programme 2, je ne voudrais pas anticiper votre décision... Comme il est 23 heures, on va ajourner les travaux, mais je voudrais déposer, pour ce soir, un document. Comme vous voyez, je ne cache pas les documents, c'est une lettre du 6 mai 1975 qui explique et qui donne... Attaché à la lettre se retrouve un compte-rendu des problèmes, de l'état des travaux sur la comptabilité économique provinciale et qui tente de faire le point sur des questions qui avaient été soulevées l'an dernier et qui, demain, pourraient faire l'objet de discussions. Alors, je pense que j'en ai remis une copie au chef de l'Opposition.

M. Morin: Je ne pense pas l'avoir eue.

M. Saint-Pierre: Pourriez-vous m'en donner une copie et je vous en donnerai une autre? Je croyais en avoir fait circuler une par là. C'est un sujet au programme 2, dans la recherche économique.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 58)

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