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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 1 juin 1976 - Vol. 17 N° 71

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

Séance du mardi 1er juin 1976 (Dix heures trente six minutes)

M. Pilote (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche est réunie ce matin pour continuer l'étude des crédits.

Sont membres de cette commission, M. Bellemare (Johnson); M. Cadieux (Beauharnois); M. Côté (Matane): M. Déom (Laporte); M. Denis (Berthier); M. Lachance (Mille-Iles); M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine); M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Lessard (Saguenay); M. Malouin (Drummond); M. Marchand (Laurier); M. Morin (Sauvé); M. Saint-Pierre (Chambly) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

La parole est au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Pêches maritimes

M. Saint-Pierre: M. le Président, pour la bonne marche de nos travaux, et comme M. La-bonté, le président de la SDI, sera ici cet après-midi, peut-être puis-je suggérer qu'on entame la question des pêches maritimes, immédiatement.

Cela nous permettrait, peut-être cet après-midi ou ce soir, de nettoyer certains de ces dossiers. Sur les pêches maritimes, à ma droite, bien sûr, le chef de l'Opposition a reconnu le député des Iles-de-la-Madeleine, qui a eu un mandat particulier du premier ministre, soit la responsabilité de regarder de près, sous ma juridiction, tout ce qui touche les pêches maritimes au ministère de l'Industrie et du Commerce.

A ma gauche, on a M. Viateur Bernard, qui est le sous-ministre adjoint aux pêches maritimes.

Je ne voudrais pas repasser tout ce qu'il y a dans le cahier qui a été remis, la semaine dernière, aux membres de la commission. Qu'il suffise de mentionner que les budgets des pêches maritimes sont divisés en trois éléments: Un premier qui touche l'inventaire, la recherche et la gestion interne du secteur, donc, tout ce qui touche l'administration et la recherche; où nous avions pour l'année passée un budget de $1 964 000; nous avons sensiblement le même budget pour 1976/77. Les variations sont expliquées.

Un des grands points porte, bien sûr, à la fois sur les augmentations dues aux nouvelles conventions collectives et certaines diminutions, par des virements au programme 8, élément 2, de $60 000, et des compressions budgétaires, demandées par le Conseil du trésor, de $70 000.

On a en annexe tout ce qui touche la direction de la recherche de même que le sommaire des activités de 1975/76 et celles qu'on vise pour 1976/77.

Un deuxième élément touche la contribution à l'exploitation de la recherche où, en 1975/76, nous avions un budget de $4 millions. Vous avez dans le cahier une rétrospective des activités, des mesures d'aide financière dans ce secteur qui touche à la fois plusieurs projets, les bateaux de pêche en construction et également des programmes de transport du poisson, de compensation pour boîtes, de compensation pour avaries et d'autres types d'arrêtés en conseil qui ont pu être votés en cours de route pour aider à l'exploitation de la ressource.

Troisièmement, une contribution à la transformation de la ressource qui touche surtout, dans cet élément 3, avec un budget cette année de $5 548 000, les complexes industriels de pêche, le service de la réfrigération, les parcs industriels de pêche et également certains des moulins, certaines des usines de transformation du poisson. Il y a bien sûr des sommes obtenues en vertu de l'entente de l'Est du Québec et des ententes auxiliaires sur les infrastructures industrielles dont on retrouvera le détail dans le cahier. Je ne sais pas si on peut demander au député des Iles-de-la Madeleine s'il aurait quelques points à ajouter au départ pour compléter cette présentation et répondre par la suite aux questions des parlementaires sur les pêches maritimes.

M. Lacroix: M. le Président, je suis heureux, d'abord, de signaler à l'honorable chef de l'Opposition que, l'année dernière, à la toute dernière minute de l'étude des crédits des pêcheries, il avait fait ses adieux à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce puisqu'il lui disait que c'était la dernière fois qu'il défendait les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce et des pêcheries en particulier. Cela ne s'est pas matérialisé et j'en suis fort heureux parce que le ministre de l'Industrie et du Commerce, malgré ses nombreuses occupations et ses responsabilités, a toujours apporté, lorsque c'était requis, une attention particulière aux problèmes des pêcheries et des pêcheurs

En septembre 1975, le premier ministre, avec la collaboration du ministre responsable, me nommait responsable des pêcheries maritimes et commerciales de la province de Québec.

Dans les statuts de la province, cela place un peu tout le monde dans une situation difficile, puisque le poste de responsable d'un domaine particulier dans un ministère dévolu à un député n'existe pas légalement et ça place le député en question et les fonctionnaires dans une situation difficile étant donné qu'ils ne savent pas exactement quelles doivent être leurs relations avec la personne qui est choisie responsable, le ministre et les autres ministères. Naturellement, malgré tout, j'ai essayé d'être le plus amical possible et d'y aller avec le plus de doigté possible afin de ne pas mettre en difficulté ni les fonctionnaires, ni le ministre, ni le gouvernement.

Je tiens à signaler, en premier lieu, que la direction générale des pêcheries a, à son service, des fonctionnaires de grande valeur, d'expérience, qui ont beaucoup de sens de responsabilité et je veux leur rendre un hommage très particulier. Naturellement, si je lis le Radar du jeudi 27 mai, qu'a dû certainement consulter mon honorable ami, le chef de l'Opposition, je devrai faire des commentaires fort courts concernant les pêcheries, puisque la page 3, c'est naturellement du vicaire de Lévesque, des Iles-de-la-Madeleine, le révérend père Achille Hubert: "Au niveau des pêcheries, nous sommes présentement dans un vide incroyable du côté du Québec. L'incompétence, l'ignorance et le laissez-faire règnent en maître dans cette galère de M. Lacroix. Celui-ci ne connaît absolument rien au domaine de la pêche et, chaque fois qu'il ouvre la bouche pour parler de la pêche ou qu'il pose un geste quelconque, il se met toujours le doigt dans l'oeil ou ailleurs." Ailleurs, le révérend père doit connaître ça. "Lacroix est à la pêche ce qu'est un chien dans une allée de quilles, c'est-à-dire vraiment pas à sa place". Je crois que le révérend père Achille Hubert n'était pas à sa place chez les Dominicains, pas plus qu'il est à sa place chez les journalistes.

De toute façon, pour revenir aux choses sérieuses, aux choses de valeur, aux hommes de valeur, je dois dire que, depuis que j'ai accepté de travailler en étroite collaboration avec le ministre, peut-être que j'ai accepté un défi que je n'aurais pas dû relever, étant donné la situation particulière dans laquelle je me trouvais, en étant le représentant d'un comté dont la population vit presque exclusivement de la pêche.

Naturellement les pêcheurs et ceux qui vivent de la pêche, s'imaginent qu'étant responsable des pêches, rien n'est impossible et que les miracles sont à la portée de "Lacroix ".

Ce n'est pas tout à fait la situation, mais tout de même, j'ai essayé, avec les modestes moyens dont la Providence m'adoté, de travailler à améliorer la situation des pêcheurs, des aides-pêcheurs, des employés d'usines, des entreprises, qu'elles soient privées ou coopératives, soit de la Gaspésie, des Iles-de-la-Madeleine, ou de la Basse et de la Moyenne-Côte- Nord.

Depuis octobre 1975, nous nous sommes attachés particulièrement à essayer de trouver une solution au problème des employés d'usines qui, à cause d'arrivages irréguliers de matières premières aux usines, ne travaillaient qu'un certain nombre d'heures par semaine.

Il ne s'agissait pas du salaire annuel garanti, mais d'un supplément de revenu pour compenser les heures non travaillées. Il s'agissait, en somme, de compenser à un taux horaire X les heures non travaillées, pour que ceux qui oeuvrent dans ce domaine puissent bénéficier d'un revenu suffisant pour faire face à leurs obligations et puissent bénéficier également de prestations d'assurance-chômage plus généreuses et plus substantielles.

Nous avons eu, à ce sujet, de nombreuses rencontres, de nombreuses discussions. M. Gauthier, de la Direction générale des pêcheries, a fait un excellent travail pour présenter un rapport au comité interministériel des ressources humaines. Par la suite, le ministère des Affaires sociales a présenté un projet, également, qui tendait à complémenter, à remplacer ou à améliorer le système qui avait été proposé par celui qui vous parle, après consultation avec les députés et les gens du milieu, soit à Gaspé, à Tabatière et aux Iles-de-la-Madeleine mêmes.

Jusqu'à maintenant, le travail n'est pas encore complété, mais nous espérons bien être en mesure de soumettre au Conseil des ministres et d'obtenir une approbation d'ici le début de juillet, concernant ce supplément de revenus aux employés d'usines, pour autant que les usines pourront fonctionner, s'il y a approvisionnement raisonnable de poisson pour fournir ces différentes usines situées sur la Moyenne-Côte-Nord, la Basse-Côte-Nord, aux Iles-de-la-Madeleine ou en Gaspésie.

Par la suite, nous nous sommes attaqués à aider plus généreusement les pêcheurs par des subventions, soit pour la construction de nouvelles embarcations, soit pour l'achat de moteurs, soit pour le renouvellement, l'amélioration des embarcations déjà en opération.

Cela a nécessité l'adoption de trois arrêtés en conseil, soit les arrêtés en conseil 377-76, 4269-75 et 4765-75.

Je crois que ces subventions, plus généreuses et nouvelles dans certains cas, permettront certainement aux pêcheurs de compenser le coût plus élevé d'exploitation qu'ils doivent assumer également dans l'exercice de leur métier, comme tous les autres, alors que leurs revenus sont plafonnés.

Il reste un domaine qui n'est pas couvert par nos arrêtés en conseil, c'est la perte des casiers à homard. En 1973, aux Iles-de-la-Madeleine, à la suite d'une tempête, le gouvernement, grâce à la compréhension du ministre et à son intervention auprès du Conseil des ministres, avait versé environ $210 000 en compensation pour les pertes subies par les pêcheurs propriétaires aux Iles-de-la-Madeleine.

Malheureusement, la même chose s'est produite ou, à peu près, en 1975. Mais le gouvernement fédéral a suggéré une nouvelle façon de remplacer ou de compenser les pertes pour tous les pêcheurs de homard de la région de l'Est du Canada. Selon cette proposition, le pêcheur versait 25% d'une prime établie, le gouvernement provincial 25% et le gouvernement fédéral 50%.

Il y avait compensation lorsque dans un secteur donné, il y avait des pertes supérieures à 40% des casiers mis à la mer. Cette proposition n'a pas été acceptée par les pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine et a été acceptée, sans enthousiasme, par ceux de la Gaspésie. Etant donné que les pêcheurs de homard voient la vente de leurs produits plafonnée, parce que la vente au comptoir du homard en boîte de cinq onces ou du "cold packed est à un prix aujourd'hui excessif — cela devient un produit réellement de luxe qui n'est pas à la portée de tout le monde — étant donné que les pêcheurs ne peuvent espérer recevoir une

augmentation appréciable de leur revenu, étant donné que les pêcheurs doivent remplacer leur gréement, leurs agrès de pêche, leurs casiers, les filets, les bouées, tous les cinq ans, j'ai proposé que le gouvernement compense, lors de l'émission des permis de pêche, chaque pêcheur, pour un montant de $5 par casier, représentant 20% des casiers qui sont mis à la mer; ce qui devient une prime directe, une subvention directe aux pêcheurs. Cette proposition est actuellement à l'étude. Elle a été soumise aux pêcheurs de la Gaspésie la semaine dernière, lors du congrès de la Chambre de commerce à Grande-Rivière. Elle a été acceptée et elle le sera également aux Iles-de-la-Madeleine, puisque la proposition vient d'un très grand nombre de pêcheurs de homard de la Gaspésie. Quant à ceux de la Côte-Nord, ils sont prêts à accepter cette compensation.

Espérons que le gouvernement fédéral pourra participer à cette compensation, comme il nous l'offrait dans son régime d'assurance qui nous semble inacceptable à cause aes difficultés techniques d'application et surtout d'évaluation des pertes en cas de tempête.

Maintenant, la situation actuelle des pêches dans le golfe est assez dramatique, assez difficile.

M. Morin: Je m'excuse auprès du député des Iles. Ce qu'il dit est fort important, mais malheureusement il nous manque le quorum pour l'écouter. Je pense qu'il serait opportun d'aller chercher les membres qui manquent.

M. Lacroix: Naturellement, on pensait comme le révérend père Achille Hubert. On savait que je connaissais assez bien le problème pour parler pour deux.

M. Morin: Je pense que vos insinuations à l'endroit de M. Hubert — je vous le dis en passant et en toute amitié — sont grossières, et vous pourriez, si vous aviez le moindrement de dignité, vous dispenser de répandre du fiel sur vos adversaires politiques, Je crois que cela ne vous avantage pas.

M. Lacroix: J'accepte votre remarque et j'espère que celui dont nous parlons, tous les deux, en tiendra également compte, parce que lui, ce n'est pas seulement du fiel, c'est du venin qu'il déverse chaque semaine.

M. Morin: Je suis sûr qu'il ne s'en prend pas à votre vie privée, ni à vous personnellement. M s'en prend peut-être à vos idées, à vos réalisations ou à votre manque de réalisations, mais je serais étonné qu'il s'en prenne à votre personne.

M. Lacroix: De toute façon, il est d'une malhonnêteté que vous n'êtes peut-être pas en mesure de juger, mais, de toute façon, nous l'oublierons totalement, et je pense que vous avez raison, c'est la meilleure façon de le tuer.

(Suspension de la séance à 10 h 57)

Reprise de la séance à 11 h 3

Le Président (M. Pilote): Nous avons quorum, messieurs.

M. Lacroix: M. le Président, la situation actuelle dans le golfe Saint-Laurent, la situation des pêcheries maritimes et commerciales n'est pas très reluisante.

La situation est même très difficile et, à cause des stocks de poisson qui ont diminué considérablement, nous ne savons pas exactement ce qui va se passer au cours de la présente saison.

Naturellement, nous devons nous en tenir à la politique canadienne des pêches.

Le chef de l'Opposition a certainement dû obtenir une copie de "La Politique canadienne pour la pêche commerciale" qui a été publié en mai 1976 par Environnement Canada et, le 10 mai 1976, le ministre d'Etat aux Pêches, M. Roméo Leblanc, écrivait au ministre Guy Saint-Pierre et lui disait ceci: "Lors d'une récente rencontre avec M. Lacroix, nous avons effleuré la question de l'émission de permis de pêche par le Québec aux pêcheurs qui résident dans les autres provinces. "Je comprends bien que l'intérêt de la province de Québec est de protéger et de conserver les ressources aquatiques situées dans les eaux côtières. En même temps, ces mesures ont contribué à donner un avantage aux pêcheurs québécois face aux autres pêcheurs. "Tout en comprenant les raisons d'une telle politique, je ne peux, en tant que ministre fédéral, responsable des pêches, ignorer les plaintes qui ont été portées à mon attention par les pécheurs des autres provinces. "J'ai même appris que quelques accusations ont été portées par la province de Québec contre certains de ces pêcheurs. Ces pêcheurs prétendent que les ressources aquatiques dans lesdites eaux appartiennent également à tous les Canadiens et, comme ils sont résidents d'une autre province, ils n'acceptent pas de discrimination fondée sur leur résidence ailleurs qu'au Québec dans le domaine de la pêche. "Mes conseillers juridiques m'ont assuré de la validité légale de ce point de vue. Par conséquent, je dois vous exprimer mon profond désaccord face à votre présente politique. "J'espère que vous serez de mon avis sur cette question et qu'il vous sera possible de prendre les mesures pour corriger cette situation".

Naturellement, la politique canadienne des pêches a imposé, comme le Canada fait partie de la CIPANO... Il y a des quotas qui ont été établis pour le Canada sur la côte Est.

Vous avez, par exemple, des quotas de 30 000 tonnes de sébaste et 19 000 tonnes de morue. Mais, au cours de l'hiver, les pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse ont capturé 24 000 tonnes des 30 000 du quota de sébaste et 15 000 tonnes des 19 000 tonnes de morue, sur les quotas établis. Vous comprendrez qu'il reste 6000 tonnes de sébaste à capturer sur les quotas et 4000 de

morue, plus 4000 tonnes pour les pêcheurs cô-tiers, mais, tout de même, ce n'est pas suffisant pour les opérations des usines et plusieurs usines voient leur situation compromise, telles l'usine de La Tabatière, de St. Lawrence Sea Products, celle de Gorton, à Cap-aux-Meules, et les usines des Pêcheurs unis ou des autres, soit Newport, Grande-Rivière, Paspébiac, Rivière-au-Renard, Saint-Maurice, Cloridorme et bien d'autres qui sont établis dans ces différents centres de pêche.

M. Morin: M. le député, auriez-vous objection à répéter, par rapport aux contingents de CIPANO, les prises des pêcheurs qui ne sont pas québécois?

M. Lacroix: De Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse, 24 000 tonnes sur 30 000 tonnes de sébaste et 15 000 tonnes de morue sur un quota établi à 19 000 tonnes.

M. Morin: C'est le contingent de 1975 ou le contingent de 1976?

M. Lacroix: De 1976.

M. Morin: Evidemment, ces zones 4-S, 4-T et 4-R, c'est dans le golfe, si je comprends bien.

M. Lacroix: C'est dans les zones qui nous sont allouées par CIPANO. Vous les trouvez à 4-T, 4-S, 4-R et aussi 4-VN et 3-PS où on peut aller pêcher également. Mais on reviendra sur ce point, si vous permettez.

M. Morin: Oui.

M. Lacroix: J'ai répondu en date du 17 mai 1976 à la lettre de M. Leblanc. Je répondais donc à l'honorable Leblanc: "Je reçois copie de la lettre que vous adressiez à l'honorable Guy Saint-Pierre, ministre de l'Industrie et du Commerce, concernant certains litiges entre le Québec et les autres provinces de l'Est du Canada au sujet des ressources aquatiques. "Je crois qu'il serait urgent que les responsables des pêcheries des provinces maritimes et vous-même vous réunissiez dans les plus bref délais afin que l'on puisse s'entendre amicalement sur les problèmes que nous avons à résoudre. Il est indéniable que les ressources aquatiques dans le secteur en question appartiennent aux Canadiens, mais il est inconcevable que votre ministère accepte que les pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse capturent l'hiver la presque totalité des quotas établis pour les provinces maritimes. "A priori, votre position peut sembler raisonnable, mais, dans les faits, elle est tout à fait discriminatoire et inacceptable pour les provinces de Québec et de l'Ile-du-Prince-Edouard, et il n'y a aucun doute que ceux de votre province ne l'accepteront pas davantage. Personnellement, je n'accepterai jamais que le partage 50/50 soit un cheval pour Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse et un lapin pour le Québec, l'Ile-du-Prince-Edouard et le Nouveau-Brunswick. '

Je crois que, dimanche, j'aurai l'occasion d'en rediscuter avec l'honorable ministre des Pêches d'Ottawa, le ministre d'Etat, l'honorable Leblanc, qui sera aux Iles-de-la-Madeleine, et j'y serai moi-même à l'occasion de la réunion annuelle de la Chambre de commerce. M. Leblanc a convoqué également une réunion de tous les pêcheurs. Il est certain que nous ne pouvons pas, avec le quota qui est établi, et également ce qu'il reste à capturer, qui se trouve particulièrement dans les zones 4-S et 4-R, où il y a l'été, premièrement, peu de concentration de poisson et ou l'on trouve les fonds les plus difficiles pour les chalutiers, puisque les fonds sont rocailleux et que l'on risque de perdre assez fréquemment des chaluts qui sont fort dispendieux.

D'un autre côté, on veut empêcher les bateaux de 100 pieds et plus qui pêchent par l'arrière, de participer à la pêche dans le golfe, ce qui veut dire qu'au Québec, ça nous touche d'une façon tout à fait particulière étant donné que les cinq bateaux qui alimentent l'usine de Cap-aux-Meules sont des bateaux de pêche arrière, des bateaux récents. Il y en a un également attaché à l'usine des produits de pêche du golfe à Paspébiac qui se trouve effacé de la carte également.

Quant aux autres bateaux de pêche par le côté, naturellement, avec les quotas qui restent, ils ne pourront pas faire une saison de pêche rentable et l'avenir de ces usines est fort compromis.

Récemment, le gouvernement canadien, par l'entremise de M. Roméo Leblanc, a accepté de signer un accord avec le gouvernement de la Russie pour qu'elle diminue sa capture de sébaste sur la côte est du Canada contre un quota plus élevé de capelan. Nous n'avons pas d'objection à ce que la Russie capture une plus grande quantité de capelan parce que ce poisson nous intéresse plus ou moins, puisque nous n'en faisons pas une pêche importante, et que ce n'est pas un poisson qui a la valeur du hareng ou des autres sortes de poisson que l'on trouve, particulièrement la sébaste.

Quant au gouvernement du Canada, dans sa politique de pêche, il devra, dans un avenir très prochain, s'il veut corriger la situation que les pêcheurs connaissent dans le golfe,— il n'y a pas seulement la province de Québec qui est intéressée, il y a également l'Ile-du-Prince-Edouard et le Nouveau-Brunswick— pousser la juridiction canadienne sur la gestion des pêches à au moins 200 milles des côtes, ce qui donnera accès à des ressources beaucoup plus considérables aux pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. Ce qui devrait permettre de nous entendre avec ces deux provinces pour que du 1er janvier au 31 mai, on empêche les pêcheurs de ces deux provinces de pêcher dans les zones 4-VN et 3-PS puisque nous retrouvons dans ces zones le même poisson, que dans la zone 4-T. Le poisson de la zone 4-T sort vers l'extérieur et s'en va dans les zones 4-VN et 3-PS et revient. Naturellement, lorsqu'on le capture lorsqu'il sort du golfe et que l'on reprend le reste lorsqu'il veut revenir à l'intérieur

du golfe, il est certain que jamais les ressources du golfe ne pourront se renouveler de façon satisfaisante pour permettre l'augmentation des stocks pour suffire à la pêche que nous avons au Québec avec les améliorations qui ont été apportées depuis quelques années aux méthodes de pêche et aussi aux embarcations de pêche plus grandes, de rayon d'action plus considérable ou qui sont organisées avec de meilleurs agrès de pêche.

Naturellement, il faudra intervenir très fermement auprès du gouvernement du Canada pour que des décisions soient prises dans les plus brefs délais parce qu'il est fort possible que l'an prochain, il n'y ait même pas de quota pour la sé-baste. Nous avons des usines qui sont organisées pour traiter particulièrement cette sorte de poisson. Nous avons des équipements qui ont coûté énormément cher, des bateaux qui ont coûté cher et qui n'ont pas une autonomie, un rayon d'action assez considérable pour leur permettre d'aller pêcher à l'extérieur du golfe et de rapporter à nos usines les matières premières à des prix qui leur permettent de travailler avec profit.

De ce côté-là, il va falloir en venir à une entente avec le gouvernement du Canada et avec les gouvernements des provinces maritimes, particulièrement le gouvernement terre-neuvien et celui de la Nouvelle-Ecosse, pour que tout le monde ait une chance égale et ait accès également aux ressources aquatiques qui sont la propriété des Canadiens, comme le mentionne M. Leblanc dans sa lettre. Je considère que les pêcheurs de la province de Québec, comme les pêcheurs de l'Ile-du-Prince-Edouard et ceux du Nouveau-Brunswick, sont également des pêcheurs canadiens et qu'ils ont droit, à leur juste part des captures.

Si l'on ne veut pas changer les quotas— premièrement, il faut toujours en évaluer la possibilité— mais, s'il n'y a pas possibilité d'augmenter les quotas à cause des stocks de poissons qui seront diminués, à ce moment-là, qu'on nous réserve au moins notre part juste et raisonnable.

Si vous voulez certains exemples sur la différence qu'il peut y avoir avec les débarquements de poisson aux Iles-de-la-Madeleine au cours des quatre dernières années, je n'ai pas les chiffres pour la Gaspésie, la Moyenne et la Basse-Côte-Nord, mais je crois que les moyennes peuvent s'établir à peu près de la même façon.

En 1972, par exemple, il s'est débarqué, aux Iles-de-la-Madeleine, 28 600 000 livres de sébaste; en 1973, 49 035 000 livres-, en 1974, 26 359 000 livres; en 1975, 23 194 000 livres et cette année, le contingentement pour les trois provinces, le Québec, l'Ile-du-Prince-Edouard et le Nouveau-Brunswick, est de 6000 tonnes, ce qui veut dire 12 millions de livres. Cela signifie qu'il n'y a pas suffisamment de matières premières pour opérer les usines que nous possédons actuellement.

M. Morin: C'est dramatique!

M. Lacroix: Certainement que la situation est très difficile et nous en sommes fort conscients. Je pense que je ne fais pas de politique partisane en disant que la situation doit être redressée dans les plus brefs délais et que l'on doive tous se donner la main, non seulement la province de Québec, mais également les autres gouvernements intéressés, pour trouver une solution au problème des pêcheries, puisque la très grande majorité des personnes impliquées ne peut pas s'intégrer dans un autre secteur d'activité, soit à cause de leur formation, soit à cause de leur âge. Il reste toujours le milieu dans lequel elles ont évolué.

Le 10 mai, j'avais adressé à l'honorable Roméo Leblanc, un télégramme qui se lisait comme suit: "Votre télégramme du 5 mai, concernant la morue, nous apparaît de nature à décourager toute initiative de pêche par le Québec, dans le golfe Saint-Laurent, pour la présente saison de pêche, et nous laisse entendre que vous nous demandez d'en terminer avec la pêche.

Nous indiquer, qu'il ne restera pas plus de 4000 tonnes métriques de morue à capturer dans la zone 4-T, signifie un mois d'opération pour nos usines de la Gaspésie qui sont alimentées par des bateaux de moins de 100 pieds de longueur.

Vos télégrammes précédents avaient déjà si-ginfié l'arrêt de l'opération des bateaux de plus de 100 pieds et des usines qui en dépendent. Vous et vos fonctionnaires devez être au courant que, comme par le passé, nous avons planifié notre opération 1976 et que déjà, nos bateaux et nos usines sont en opération ou prêts à opérer et que des dépenses très appréciables ont déjà été engagées.

Vos propositions auraient, à notre avis, des conséquences dramatiques au niveau des pêcheurs, des travailleurs d'usine et des nombreuses collectivités locales qui dépendent exclusivement de la pêche. C'est pourquoi nous ne pouvons pas donner suite à votre télégramme avant d'avoir plus de détails sur la stratégie que vous attendez promouvoir pour solutionner les problèmes qui résultent des diverses propositions que vous avez faites concernant la morue et le sébaste.

Conséquemment, en vertu de ma qualité de responsable des pêches du Québec, j'envisage, pour l'immédiat, la continuation de l'administration de nos pêches, comme par le passé sans toutefois fermer la porte à toute stratégie de gestion qui se montrerait propice à une distribution équitable de la ressource de la faune aquatique de l'Est canadien."

J'ai bien l'impression que M. Leblanc ne vient pas aux îles pour nous annoncer qu'il va restreindre davantage les opérations de pêche dans le golfe. Cela me place dans une position un peu difficile, aujourd'hui, pour discuter du problème que nous connaissons, puisque nous ne connaissons pas... D'ailleurs, M. le sous-ministre pourra vous donner d'autres explications tantôt, au point de vue des communications et des techniques. Il en connaît beaucoup plus que moi. Je lui ai demandé, hier, de communiquer avec Ottawa pour obtenir des informations supplémentaires, concernant les intentions du gouvernement fédéral quant aux quotas de pêche.

M. Barras est aujourd'hui à Ottawa. Il est directeur à la direction générale des pêcheries. Il discutera de cette question en plus de celle de l'impact des nouvelles réglementations de l'assurance-chômage qui ont été annoncées dans le dernier discours du budget.

Il y a aussi le problème du hareng, M. le Président. Aux Iles-de-la-Madeleine, nous avons plusieurs fumoirs qui emploient beaucoup de gens, soit à la pêche, pour capturer le hareng, soit aussi pour travailler à la préparation du hareng dans les fumoirs. Par la suite, il y a encore un plus grand nombre de personnes qui sont engagées pour faire la mise en caisse, la préparation pour la mise en marché du hareng fumé.

Cette année, c'est un désastre, puisque nous n'avons pas pu capturer de hareng. Le hareng ne s'est pas approché des côtes des Iles-de-la-Madeleine. Là aussi, il faudrait intervenir auprès du gouvernement fédéral, avec fermeté, pour demander que la pêche au hareng, par les grands chalutiers, soit défendue pendant la période du frai. Le frai du hareng se fait dans la période, approximativement, du 15 avril au 15 mai.

A ce moment, les grands chalutiers, les sei-neurs, comme on les appelle, travaillent à pleine capacité, en dehors d'une certaine zone qui est limitée à l'est des Iles-de-la-Madeleine, mais, autour du Rocher-aux-Oiseaux, les seineurs capturent des quantités très considérables de hareng. Apparemment, cela aurait pour effet de changer la course du hareng qui se dirige davantage vers le Nouveau-Brunswick. Cette année — je ne sais pas si c'est un hasard ou si cela confirme ce que les pêcheurs me disent — les quotas de hareng sont déjà pris et les seineurs sont attachés au Nouveau-Brunswick où il y a encore des quantités très considérables de hareng.

Je crois que, si l'on empêchait les seineurs de pêcher le hareng pendant la période de frai, cela aurait pour avantage de permettre à ce poisson pélagique de se reproduire davantage et d'avoir une continuité. Ces seineurs pourraient très facilement, après la période de frai, aller capturer les quotas qui leur sont alloués, sans nuire aux autres utilisateurs, à ceux qui ont besoin du hareng. Nous en avons besoin pour nos fumoirs à hareng, mais nous en avons également besoin pour la bouette, pour les pêcheurs de homard.

Pour vous donner une petite idée de l'ordre de grandeur, chaque jour de pêche au homard, seulement pour les Iles-de-la-Madeleine, cela demande 135 000 livres de hareng pour la bouette. Quand nous avions du poisson rouge, nous pouvions toujours utiliser les déchets de la sébaste, mais comme nous n'en avons pas et qu'il était défendu de le pêcher avant le 1er juin, c'est-à-dire aujourd'hui, cela plaçait les pêcheurs dans une situation très difficile.

Comme je le mentionnais, nous n'avons pas d'objection au quota tel qu'établi actuellement. Nous avons des objections très grandes quant aux dates qui sont déterminées pour la pêche à l'intérieur du golfe par les bateaux seineurs.

Les producteurs qui ont engagé des dépenses considérables en vue de la préparation de leur campagne de pêche pour remplir leur fumoir sont dans une situation difficile. Nous adresserons certainement une demande d'assistance que nous devrons étudier avec une attention très grande, parce que ces gens se trouvent réellement dans une situation très difficile. Je n'ai pas eu le temps d'en discuter avec les gens du ministère qui sont beaucoup plus connaisseurs que moi à ce sujet, particulièrement M. Bernard, M. Barras, M. La-chance, M. Boulanger et d'autres dont les noms m'échappent, mais il y aurait peut-être possibilité de louer des seineurs actuellement, même si la saison commence à être tardive, si le gouvernement fédéral consentait à nous allouer un quota supplémentaire de 3000 tonnes approximativement de capture de hareng pour remplir les fumoirs, ce qui aiderait grandement à l'amélioration de la situation économique que nous allons connaître si nous ne faisons pas quelque chose en vue d'améliorer la situation.

Si nous allons voir, par exemple, l'usine de Gorton aux Iles-de-la-Madeleine à Cap-aux-Meules, l'année dernière, elle a produit, en produits congelés, plus de 5,5 millions de livres. Cette année, elle ne prévoit pas en produire, même en étant très généreux, très optimiste, beaucoup plus de 3,5 millions de livres, ce qui descendra la moyenne de jours travaillés de 186 à environ 129 jours; ce qui diminuera, même si le salaire horaire des employés d'usine qui était en moyenne de $3.21 l'an dernier, il sera cette année de $3.92, la liste de paye des employés d'usine d'environ $300 000. Le nombre des employés sera diminué également. Le salaire moyen par employé, d'environ $6000, descendra à $5500. Je ne crois pas que ce soit le temps idéal pour diminuer le revenu des employés de ces usines.

L'an dernier, aux Iles-de-la-Madeleine, dans la même usine, on a débarqué 21 millions de livres de poisson. Cette année, on ne prévoit pas en débarquer plus que 13 millions. La valeur au débarquement sera diminuée de près de 30%. La valeur payée aux membres d'équipage sera diminuée dans la même proportion; ce qui fait que les membres d'équipage, au lieu d'avoir un revenu moyen qui était l'an dernier de près de $13 000, se contentent cette année d'environ $8500, en étant optimiste. Ce fait n'est pas de nature à encourager les gens à rester dans le milieu. Je crois que le gouvernement, comme je l'ai dit au ministre au mois de septembre l'an dernier, s'il croit aux pêcheries, il devra investir les montants nécessaires pour les maintenir pendant une période qui peut s'étendre de trois à quatre ans en attendant que les stocks se reproduisent...

M. Morin: C'est Ottawa qui décide cela, M. le député.

M. Lacroix: Oui, mais il n'y a pas seulement Ottawa, nous faisons partie de CIPANO, ou l'ICNAF. Les quotas sont établis par la Commission internationale des pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest. Naturellement, tant et aussi longtemps que le Canada fait partie de l'ICNAF, ou

de CIPANO, il doit se soumettre aux réglementations de cet organisme.

C'est pourquoi je mentionnais tantôt que le gouvernement canadien devrait, dans les plus brefs délais, ramener ses limites de pêche et la gestion de ses pêcheries aux limites de 200 milles des côtes.

Naturellement, il y a eu mauvaise gestion des pêcheries. C'est indéniable. On a cru pendant longtemps que les ressources de la mer étaient inépuisables. Aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a eu surpêche — il n'est jamais trop tard pour admettre une erreur — et le gouvernement canadien devra agir unilatéralement, s'il le faut, mais il faudra qu'il agisse dans les plus brefs délais, si on veut que les stocks se reconstituent à l'intérieur du golfe.

Quant à nous, nous devrons peut-être prévoir la transformation de nos unités de pêche pour leur donner une autonomie d'opération plus grande. Il faudra aider l'industrie à faire ces transformations, parce qu'il y a des études assez complexes. Si nous ajoutons des réservoirs plus grands pour qu'on puisse mettre à bord d'un chalutier plus de carburant, il faudra également prévoir des moyens techniques pour pouvoir emmagasiner plus de glace pour que le bateau reste en pêche plus longtemps pour rapporter du poisson à l'usine, de la matière première.

Il faudra peut-être prévoir un pont additionnel pour faciliter les opérations. Tout cela ne va pas, on peut le dire, comme cela, mais il y a un problème de stabilité des bateaux. Il y a un problème de protection pour les équipages et pour les embarcations elles-mêmes. Il est certain que le gouvernement du Québec devra investir des sommes pour aider les industries qui travaillent dans ce domaine et qui veulent y rester, y demeurer, et participer à l'économie du Québec et du Canada.

Les pêcheries sont une industrie qui peut être d'un apport considérable à l'économie du Québec. Elles font vivre, à l'heure actuelle, plusieurs centaines et plusieurs milliers d'individus, de façon plus ou moins stable, avec des revenus plus ou moins réguliers. C'est une question qu'il faudra étudier, évaluer, et il faudra certainement aider ces gens à demeurer dans le milieu pour éviter que l'exode de la population se continue et pour permettre, si on veut que ces gens demeurent dans le milieu, de fonctionner lorsqu'il y aura reprise, parce que, d'après notre personnel, il devrait y avoir une reprise des pêches, normalement, toujours, naturellement, avec la grande collaboration de la Providence, dans les trois ou quatre prochaines années; les stocks seront reformés, et nous suivons continuellement avec nos biologistes, nos scientifiques, les travaux entrepris sur le renouvellement des stocks de poisson, sa localisation, son genre de vie et, en fait, son milieu de vie.

Il y a bien des choses qui échappent à l'homme dans ce domaine, mais, tout de même, je crois que nous possédons le personnel nécessaire pour faire un excellent travail, si nous lui fournissons les outils requis pour pouvoir le faire, pour que le personnel puisse s'acquitter de son travail.

Nous n'avons pas de bateau océanographi- que. Le coût en est actuellement prohibitif, mais il y aurait peut-être possibilité d'en louer un pour faire des travaux de recherche, pour aider les scientifiques dans leurs travaux de recherche pour qu'ils soient plus avancés.

Etant donné le problème qui existe dans la pêche au sébaste et à la morue, il y a un danger que les bateaux de pêche, lorsque les quotas auront été atteints, se dirigent vers d'autres pêches et, particulièrement, la pêche à la crevette, qui est une pêche assez rentable, actuellement.

L'année dernière, il s'est capturé environ cinq millions de livres de crevette au Québec — cinq à six millions — et les possibilités sont de l'ordre de dix millions, mais, s'il faut que tous les bateaux du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'lle-du-Prince-Edouard, ne pouvant plus servir à la pêche à la morue, servent à la pêche à la crevette, il y a danger que l'on épuise l'espèce comme nous l'avons fait chez nous avec le pétoncle et c'est une chose qu'il faudrait éviter à tout prix, si nous ne voulons pas que nos pêcheries s'en aillent chez le diable directement.

Il y a également un problème que nous avons résolu cette année, c'est celui de la pêche au saumon. Depuis cinq ans, il y a un ban sur la pêche commerciale au saumon en Gaspésie, dans la baie des Chaleurs, à partir de la côte de la Gaspésie, du comté de mon collègue de Matane, jusqu'à l'intérieur de la baie des Chaleurs.

La pêche au saumon est contrôlée, actuellement, par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, par le Conseil du saumon.

Le ban sur la pêche commerciale n'a ralenti, en aucune façon, la capture du saumon dans la province de Québec, excepté qu'autrefois, nous avions des pêcheurs qui vivaient de cette pêche commerciale, tandis qu'aujourd'hui, nous avons des braconniers qui en vivent grassement également et qui font vivre également certains hôtels, motels et certains restaurants.

Alors que nous, nous privons, nous empêchons nos pêcheurs commerciaux de capturer du saumon, nous permettons, par exemple, à la province de Terre-Neuve qui, il y a quelques années... le nombre des permis est passé... En 1972, il y avait 4984 permis de pêche commerciale au saumon. En 1973, il y en avait 5029. En 1974, il y en avait 6298. En 1975, il y en avait 7129. Et on ne se prive pas pour capturer, naturellement, le saumoneau ainsi que le saumon.

Quant à nous, au Québec, même si nous n'en avons pas la responsabilité, nous empêchons la pêche et nous essayons de respecter les règlements. En 1972, il y a eu, au Québec, 280 infractions alors qu'à Terre-Neuve, il y en a eu 141, alors qu'il y avait 4984 permis, presque 5000 permis. En 1973, alors qu'il y avait 5029 permis, il y a eu 101 infractions. Au Québec, il y en a eu 400. En 1974, 6298 permis, 143 infractions au Nouveau-Brunswick... à Terre-Neuve, au Labrador et 500 au Québec. En 1975, alors qu'il y avait 7129 permis, il y avait 218 infractions rapportées à Terre-Neuve et 675 au Québec. Soit que nous soyons plus honnêtes que le Pape ou que les autres le soient un peu moins que nous, de toute façon il reste un fait. Les

prises commerciales annuelles moyennes pour trois années en Gaspésie ont été de 192 900 livres, pour les années précédant le ban, soit 1969, 1970 et 1971, alors que les captures annuelles moyennes pour la pêche sportive durant les mêmes années étaient de 34 690 livres, pour un total annuel moyen de 227 000 livres. C'est une estimation très généreuse parce que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ne calcule pas en livre, mais en nombre.

A la direction générale des pêches, on a été généreux en établissant un poids moyen de dix livres par saumon. Pour les pêches commerciales et sportives, pour l'ensemble du Québec, en 1966, il y avait 716 000 livres alors qu'en 1974 il y en avait 475 800 livres. Cela fait que dans les années glorieuses du ban, lorsqu'on s'exprime en statistiques, on constate une baisse de capture fort révélatrice puisque les chiffres ont toujours leur valeur. Deux et deux font toujours quatre.

Nous ne sommes pas contre le Conseil consultatif du saumon, mais nous croyons que le ministère de l'Industrie et du Commerce, par la Direction générale des pêches, doit prendre une partie plus active dans l'administration de la pêche commerciale au saumon. Comme cette entente est renouvelable cette année, j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec l'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Nous n'avons pas l'intention de faire renouveler ce ban de la pêche commerciale dans la région mentionnée aux mêmes conditions qu'il y a cinq ans. Le ministère de l'Industrie et du Commerce va voir à protéger les pêcheurs commerciaux du saumon puisque depuis cinq ans le gouvernement fédéral a dépensé plus de $9 millions pour tous les pêcheurs qui sont affectés par ce ban de la pêche au saumon, pour leur permettre de se chauffer les deux pieds sur la bavette du poêle alors que l'on braconnait et que cela n'a rien changé à la situation et que, de toute façon, le ministère de l'Industrie et du Commerce est mieux organisé pour faire l'inspection, pour faire la protection de l'espèce.

Le ministère de l'Industrie et du Commerce donc, quant à moi, prendra des mesures afin de reprendre la gestion de la pêche au saumon dans les eaux à marées. Il n'est pas de l'intention de la Direction générale des pêches d'aller s'occuper de la pêche sportive, de la pêche dans les rivières, mais dans les eaux à marées, la responsabilité des pêcheries commerciales et maritimes relève du ministère de l'Industrie et du Commerce qui entend bien reprendre son entière responsabilité dans ce domaine. Nous espérons pouvoir en venir à une entente avec le Conseil consultatif de la pêche au saumon, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et la Direction générale des pêcheries par le ministère de l'Industrie et du Commerce afin de préserver les intérêts de toutes les personnes qui vivent de cette pêche.

Il y a maintenant le problème des phoques, le problème des loups-marins. C'est un problème qui me préoccupe grandement et qui préoccupe également les biologistes. Les biologistes du ministère ont soumis un rapport démontrant que les phoques de baie, ou les phoques gris, ne sont pas les dépradateurs de nos pêcheries que nous croyons. D'un autre côté, les pêcheurs, les gens du milieu, nous assurent que le phoque gris ou le phoque d'intérieur, de baie, en cause beaucoup plus que ce que l'étude Roy et Bergeron nous démontre. J'ai reçu des Iles-de-la-Madeleine, de pêcheurs expérimentés, des informations révélant qu'ils ont constaté à plusieurs reprises et ont vu les loups-marins manger du homard. Un loup-marin va attraper un homard, revient à la surface, le lance en l'air et le rattrape pour l'avaler le "bataillon" en premier. Je comprends qu'il n'y a pas d'intérêt à prendre les pinces en premier. Je ne doute aucunement des expériences des biologistes. Ils constatent aussi que les loups-marins mangent du homard à l'occasion. Nous sommes aussi d'avis qu'il n'y a pas de saumon, crevette, etc., dans la lagune intérieure. Les loups-marins ne peuvent trouver autre chose que du homard pour s'alimenter à l'intérieur de la lagune.

Comme la lagune sert de refuge pour le homard, il serait de très grand intérêt d'exterminer le loup-marin de cette région. Cela, naturellement, c'est un avis.

Maintenant, il y a les primes qui sont payées pour détruire, pour tuer ce loup-marin. Sur la côté de l'Atlantique en général, à Terre-Neuve et Québec, pour le phoque de baie, on donne en prime $10 pour les adultes et $5 pour les jeunes, sur la côte de l'Atlantique, y compris les eaux côtières de Terre-Neuve, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile-du-Prince-Edouard, mais en excluant l'île de Sable. Pour le phoque gris, il est donné $25 en prime pour la destruction du loup-marin qui a au-dessus d'un an. On me fait remarquer que ça n'existait pas, c'est la prime pour la saison 1976/77.

Je reçois d'un fonctionnaire d'Environnement Canada une note qui dit ceci: "J'ai pris connaissance des rapports des biologistes Jean-Marie Roy et Julien Bergeron sur le peu de dommages causé au homard par les phoques de baie et les phoques gris autour des Iles-de-la-Madeleine. Comme eux, je ne pense pas que ces deux espèces de loup-marin mangent une grande quantité de homard au point de s'en alarmer, même si plusieurs pêcheurs nous affirment qu'ils en mangent passablement dans les lagunes ou baies intérieures. Mais, comme tu le sais sans doute, notre ministère a décidé de payer des primes sur ces deux espèces en 1976/77. La raison du paiement de ces primes n'est sûrement pas la seule destruction du homard mais plutôt les carnages causés aux agrès de pêche. De plus, ces loups-marins étant les hôtes du stade adulte du ver parasite de la morue, ils sont en partie responsables des troubles rencontrés à la mise en marché des produits de la morue."

Je dois vous dire en passant qu'aux Iles-de-la-Madeleine, il en coûte deux fois plus cher pour traiter la morue que partout ailleurs à cause des parasites que l'on trouve dans la morue, ce qui est dû, d'après les biologistes, aux loups-marins. Chez nous, ça prend une mireuse pour deux trancheurs de morue, ce qui veut dire que ça augmente considérablement les frais d'exploitation d'une usine.

Je continue à citer la lettre reçue: "En Gaspésie, certains prétendent que ces phoques détruisent les filets et le saumon qui s'y prend. Par contre, on nous affirme qu'actuellement aucun filet ni aucune trappe à saumon ne sont tendus à l'embouchure des rivières de la Gaspésie. Par ailleurs, sur la côte nord du Saint-Laurent, les pêcheurs et les officiers de pêche ont la preuve que ces phoques endommagent les filets maillants, mangent le saumon en laissant la tète seulement, se nourissent également du saumon des trappes tendues sans toutefois endommager ces dernières. Aux Iles-de-la-Madeleine, le seul moyen de vérifier l'assertion des pêcheurs serait d'étudier pendant la saison du homard le contenu stomacal des phoques abattus en vue de l'obtention de la prime. Nous saurions alors à quoi nous en tenir."

J'ai reçu cette lettre ce matin; je la transmettrai aux biologistes en question que je connais, qui sont fort compétents et qui pourront faire les études requises pour savoir ce qui en est exactement.

M. Morin: M. le Président, le député accepterait-il de déposer un exemplaire de cette lettre devant la commission?

M. Lacroix: C'est la seule copie que j'ai présentement, j'en remettrai une au chef de l'Opposition.

M. Morin: Merci.

M. Lacroix: II faudra examiner cette situation. J'ai rencontré il y a quelques mois aux Iles-de-la-Madeleine M. Farley Mowatt, qui a une certaine expérience et une expérience certaine de la biologie et de la vie aquatique, qui s'oppose farouchement à la destruction des loups-marins de baie ou des loups-marins gris, disant qu'ils ne sont pas responsables des dommages qu'on leur impute. Par contre, j'ai un grand nombre de pêcheurs qui nous demandent d'agir avec fermeté et avec diligence afin de corriger la situation. Il faudra assurément que dans les plus brefs délais nos fonctionnaires et les pêcheurs s'entendent et fassent les recherches requises pour trouver une solution qui soit la plus valable possible concernant ce problème particulier.

M. le Président, je ne voudrais pas retarder inutilement les travaux de la commission.

Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire concernant la pêche dans le golfe Saint-Laurent, autant dans la baie des Chaleurs, sur la côte nord de la Gaspésie, sur la Moyenne et la Basse-Côte-Nord, aux îles et aux alentours des Iles-de-la-Madeleine, mais je crois qu'il s'agit de questions fort techniques, de problèmes de renouvellement des stocks, d'ententes à intervenir entre les gouvernements provinciaux concernés et le gouvernement fédéral. Avec le personnel compétent, un personnel pourvu du sens des responsabilités que je leur reconnais, avec la volonté du ministre, je crois qu'il y a lieu d'espérer en venir à des ententes qui permettront la reconstitution des stocks de poisson dans le golfe, qui permettront l'activité à plein rendement de nos usines, qui permettront à nos pêcheurs de gagner leur vie raisonnablement, qui permettront à nos employés d'usine d'avoir un emploi qui leur assure un revenu valable et stable.

Mais, d'ici là, le gouvernement provincial — si le gouvernement fédéral ne veut pas y participer — devra puiser dans ses goussets et devra aider les gens qui vivent de l'industrie de la pêche.

Nous connaissons, dans le domaine de l'Agriculture, un problème à peu près semblable...

M. Morin: En effet, c'est la présence d'Ottawa.

M. Lacroix: Ce sont des responsabilités concurrentielles. Mais, même si nous étions séparés du reste du Canada, je ne crois pas que cela augmenterait le nombre des poissons dans le golfe. Cela ne nous donnerait pas un accès exclusif aux ressources aquatiques du golfe et je ne crois pas que ce serait de nature à améliorer la situation.

Il faut voir la situation bien en face, voir dans quelle situation géographique nous nous trouvons; il faut utiliser notre pouvoir de négociation au maximum. Je crois que, dans les années passées, nous nous sommes trop fiés à l'aspect que les ressources de la mer étaient inépuisables.

Si nous voulons tous oublier de faire de la politique partisane — parce que, sur ce sujet, quel que soit le gouvernement, conservateur à Terre-Neuve, conservateur au Nouveau-Brunswick, libéral à l'Ile-du-Prince-Edouard, en Nouvelle-Ecosse, au Québec ou à Ottawa — je pense qu'il va falloir un jour s'asseoir autour de la table et en venir à un consensus qui permettra de répartir les ressources du golfe et les eaux de la côte Est canadienne de façon qu'il y en ait pour tout le monde. Je crois qu'il y a possibilité, cela existait avant aujourd'hui et cela peut exister encore dans l'avenir.

Mais pour les années que nous entrevoyons difficiles, les prochaines années, il faudra définitivement venir au secours de l'industrie, de l'employé d'usine, du pêcheur côtier et de tous ceux qui vivent directement ou indirectement de l'industrie de la pêche.

Certaines personnes prétendent que la pêche hauturière n'aurait jamais dû exister, que l'on a délaissé la pêche côtière. Nous n'avons jamais délaissé la pêche côtière. Personnellement, j'ai toujours cru que 100 bateaux de pêche côtière, qui travaillent quatre ou cinq mois, peuvent apporter à l'usine autant de poissons que deux gros chalutiers qui ont la même valeur. Mais les 100 bateaux côtiers peuvent fournir du travail à dix fois plus de personnes en mer que les deux gros chalutiers et apporter la même quantité de poisson à l'usine.

Mais la pêche hauturière est nécessaire et essentielle pour assurer un approvisionnement permanent aux usines de transformation de poissons, puisque, pendant de nombreuses journées, il est impossible pour les bateaux de pêche côtière d'aller en mer à cause de la température et, à ce mcment-là, les bateaux de plus fort tonnage, les bateaux qui ont un plus grand rayon d'action, peuvent assurer l'approvisionnement régulier de matière première aux usines, pour permettre aux

employés d'usines d'avoir un emploi qui soit plus permanent et plus stable.

Les montants d'argent qui seront nécessaires... J'avais commencé à en parler tantôt, lorsque le chef de l'Opposition m'a signalé le cas de l'agriculture, où nous avions également le problème d'Ottawa. Nous avons le régime d'assurance-récolte au Québec pour les cultivateurs, mais tous les cultivateurs ne s'en prévalent pas. S'il pleut trop, ils viennent ici, devant le parlement, avec leurs tracteurs, sur les terrains des députés ou des ministres et ils finissent par obtenir les sommes qu'ils réclament; s'il ne pleut pas assez, s'il y a sécheresse, ils agissent de la même façon et le gouvernement trouve toujours les budgets supplémentaires nécessaires pour aller combler leurs besoins, répondre à leurs demandes.

Il serait fort difficile pour les pêcheurs de la Gaspésie comme pour ceux des Iles-de-la-Madeleine, de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord, de venir se promener ici devant le parlement avec leurs embarcations de pêche ou d'apporter la récolte de leur travail pour la faire sentir au gouvernement et à l'Opposition.

M. Morin: Ils n'ont pas encore pensé à la faire sentir au député des îles?

M. Lacroix: Je l'ai sentie, j'y ai goûté, j'ai eu beaucoup de problèmes que j'ai partagés avec eux et j'ai essayé, de mon mieux, de travailler afin de trouver les solutions les plus permanentes possible à une industrie qui n'a aucune permanence, parce qu'une journée il fait beau, il n'y a pas de poisson; le lendemain, il y a du poisson et le mauvais temps ne permet pas d'aller le chercher. Je ne crois pas qu'il y ait un métier qui soit plus aléatoire que celui de pêcheur.

Mais, il faudra intervenir dans le domaine des pêcheries comme on le fait pour les agriculteurs. Il faudrait également penser — je l'ai déjà mentionné — aux jeunes parce que, dans l'industrie de l'agriculture, les jeunes reçoivent une aide considérable de la part du gouvernement lorsqu'ils veulent acquérir le bien paternel ou lorsqu'ils veulent s'établir sur un autre bien.

Dans le domaine de la pêche, il n'existe pas de mesures d'assistance pour le fils du pêcheur qui veut s'établir. Il faudra penser à de nouvelles politiques. Je crois sincèrement que, dans le domaine de la pêche, on s'est laissé aller un peu, espérant toujours que le problème se réglerait de lui-même. Peut-être les pêcheurs eux-mêmes avaient-ils une trop grande confiance en la Providence et ne se sont-ils pas assez plaints à leur gouvernement respectif, mais il n'en demeure pas moins qu'ils se trouvent actuellement dans une situation difficile et que le gouvernement devra venir suppléer à la Providence. Espérons que la Providence répondra et qu'elle viendra également aider le gouvernement dans un avenir prochain, afin que les pêcheurs, qui sont des travailleurs ayant une responsabilité très grande, parce qu'il faut savoir ce que c'est que d'aller à la pêche à 20 ou 25 milles de la côte, à des températures qui ne sont pas toujours favorables...

Il est rare que nous ne connaissions pas une saison où nous avons à déplorer des pertes de vie à cause de la difficulté du travail. M. le Président, je vais terminer sur ces quelques considérations. J'espère pouvoir contribuer, de mes modestes moyens, avec la bienveillante collaboration de l'honorable ministre et de l'équipe de la direction générale des pêches, à l'amélioration de la situation qui prévaut actuellement, dans le domaine des pêcheries commerciales et maritimes.

Le Président (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: M. le Président, il n'est qu'une seule façon de décrire la situation dans laquelle se trouvent les pêcheries du Québec à l'heure actuelle. Elle est dramatique.

Comme l'a constaté le député des îles, après bien d'autres, les pêcheries périclitent de plus en plus chez nous. Si des mesures de redressement extrêmement fermes ne sont prises au cours des semaines qui viennent, si le gouvernement du Québec ne se décide pas à prendre toutes ses responsabilités dans ce domaine et à ne plus se laisser guider, comme il l'a toujours fait dans ce domaine, par le gouvernement fédéral, je crains que nous ne soyons à la veille d'un effondrement.

Nous sommes — les Québécois n'en sont pas toujours conscients malheureusement, j'entends l'ensemble de la population — devant une série de facteurs négatifs qui vont se multipliant les uns les autres et qui font que la pêche côtière diminue constamment au Québec. Le premier facteur, c'est la surexploitation des "stocks " depuis plusieurs années, particulièrement par les étrangers; le second facteur, ce sont les contingents ICNAF ou CIPANO; enfin, le troisième facteur, c'est l'absence de contrôle des prises et des quotas par le gouvernement fédéral. Je voudrais m'attarder sur chacun de ces facteurs négatifs afin de montrer pourquoi il n'a guère été possible au cours des dernières années de renverser cette tendance désastreuse pour les pêcheries québécoises.

Il y a d'abord la diminution draconienne de la pêche côtière. Elle a été soulignée encore récemment, il y a à peine deux mois, par les chiffres publiés au cours de l'assemblée générale annuelle des Pêcheurs unis du Québec. Cette assemblée a permis de confirmer les craintes qui se faisaient jour depuis plusieurs années déjà, selon lesquelles les pêcheries du Québec sont sérieusement menacées, de plus en plus menacées. Par exemple, en ce qui concerne la morue — on connaît son importance, en particulier dans le golfe — laquelle constitue la principale espèce pêchée dans l'est du Québec on y a révélé — les chiffres ont été d'ailleurs confirmés tout à l'heure — que les prises sont passées de 24 millions de livres en 1971 à 12 millions de livres en 1975, et cela en dépit d'un effort de pêche de plus en plus considérable.

Pendant la même période, les prises de sé-baste sont passées de 20 millions à 8 millions de livres et, pour la plupart des espèces, on pourrait faire la même analyse. Je vais d'ailleurs tenter de

le faire pour démontrer à quel point les pêcheurs du Québec sont devant une véritable impasse.

Encore une fois, la population québécoise, dans son ensemble, n'a pas vraiment été saisie du sérieux de cette situation. Quand on dépouille la presse pour y trouver des nouvelles sur ce qui se passe dans les pêcheries côtières, on constate qu'il n'est guère qu'un ou deux journaux qui y font allusion de façon régulière. Les grands journaux de Montréal y font allusion de façon rarissime. On dirait que cela n'intéresse que les gens de la Gaspésie et du bas du fleuve, alors que c'est tout le Québec qui est concerné par l'effondrement qui menace les pêcheries québécoises à l'heure actuelle. Ce sont tous les Québécois qui vont payer un jour ou l'autre pour faire face à cette situation.

Je voyais les chiffres publiés par le bureau de la statistique du Québec, qui ont été rendus publics au début de l'année 1976, lesquels nous apprenaient que, pour les dix premiers mois de 1975, les débarquements totaux de poisson dans les ports québécois représentaient 108 millions de livres, grosso modo, par rapport à 110 millions, presque 111 millions pour la même période en 1974, c'est-à-dire une diminution d'un peu plus de 2 millions de livres de poisson. Ces chiffres ne sont valables que pour la pêche maritime québécoise, c'est-à-dire celle qui est pratiquée dans les eaux salées du fleuve et du golfe Saint-Laurent, de même qu'au large des côtes canadiennes, sur le plateau continental.

La publication du Bureau de la statistique ne donne que la quantité et la valeur des espèces de poisson débarquées, mais cela suffit à nous donner une idée de la diminution dramatique de la pèche côtière. Pour la morue, par exemple, comme on l'a fait remarquer, les débarquements ont continué de baisser. En 1974, les pêcheurs en avaient ramené 30 millions de livres en dix mois et en 1975, 28 millions pour la même période; une baisse, donc, de 2 millions de livres.

Si c'était le cas seulement de la morue, on pourrait évidemment se dire qu'il existe d'autres espèces, le sébaste, le flétan, le maquereau, le hareng, mais la situation n'est guère plus brillante dans ces domaines. Prenons le sébaste — le poisson rouge — avec 37 millions de livres en 1974, contre 34 millions de livres en 1975, c'est-à-dire là encore une diminution de près de 3 millions de livres. Quant au flétan, avec 256 000 livres en 1974 et seulement 177 000 livres en 1975, on voit que la diminution en pourcentage est encore plus dramatique que dans les autres cas.

Je ne m'étendrai pas sur le maquereau et le hareng, qui connaissent aussi une situation très difficile. Il y a eu une remontée, une certaine hausse pour d'autres espèces, mais elle est insuffisante pour renverser la tendance globale des prises pour 1975, tendance qui est au déclin.

M. Lacroix: Le chef de...

M. Morin: Si le ministre a des chiffres plus récents, j'espère qu'il nous les donnera en détail. D'ailleurs, j'ai l'intention de l'interroger longue- ment sur chaque espèce, afin qu'on puisse faire le point, espèce par espèce.

M. Lacroix: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une seule remarque?

M. Saint-Pierre: Je pense que je vais vous engager pour la compagnie Sico dans la peinture noire, parce qu'en fait, l'année 1975 a été l'année record pour la valeur des prises des pêcheurs...

M. Morin: Une seconde! Vous me parlez de la valeur. Pour l'instant, je ne vous ai parlé que des quantités. Voulez-vous, nous parlerons de la valeur tout à l'heure?

M. Saint-Pierre: Je vais vous donner les quantités, simplement pour ne pas trop dramatiser, je vais vous donner les chiffres pour...

M. Morin: M. le ministre, je m'excuse, j'ai la parole. Vous pourrez, tout de suite après, intervenir et donner vos chiffres. Nous pourrons alors les examiner.

M. Saint-Pierre: ... pour vous donner les douze mois de l'année 1975, c'est un chiffre que je vais vous donner...

M. Morin: Je suis très heureux que vous ayez ces chiffres-là.

M. Saint-Pierre: C'est ça, alors...

M. Morin: On pourra y revenir tout à l'heure, si vous le voulez bien.

M. Saint-Pierre: En 1974, c'était 117 millions; en 1975, c'était 116 848 000 livres...

M. Morin: Vous me parlez de quoi, des prises totales?

M. Saint-Pierre: L'ensemble des prises pour les douze mois de l'année. Vous me donnez les neuf mois, je vais vous les donner: 117 386 000 livres en 1974; 116 848 000 livres en 1975; diminution alors de 538 000 livres, ce qui représente 1/4%, et l'explication qui en est donnée, cela aurait pu dépasser les chiffres de 1974, c'est évidemment trois navires ou, enfin, un arrêt de pêche de quelque trois semaines par les cinq navires de la compagnie Gorton au cours du mois d'août.

M. Morin: Bien! Nous allons...

M. Saint-Pierre: J'ajoute également qu'en valeur, cela a été l'année record, mais continuez le portrait en noir que vous vouliez nous donner.

M. Morin: ... revenir aux prises tout à l'heure, espèce par espèce, et j'ai hâte que nous puissions examiner, justement, ce qui se passe pour la morue, pour le sébaste, etc.

Il y a eu, donc, ce premier facteur négatif qui

est dû à la négligence du passé, à la surexploitation des stocks, surtout par les étrangers.

Il y a un second facteur négatif qui, au fond, est largement lié au premier, qui en découle: La diminution des contingents. Je jetais un coup d'oeil, récemment, sur la comparaison qui a été faite entre les contingents de 1975 et ceux de 1976 pour le Canada. Je ne sais si le ministre sera en mesure, tout à l'heure, de nous donner des chiffres plus récents. Ceux que j'ai datent de quelques mois à peine et ils ont été publiés à l'époque où justement on débattait de ces questions au sein de la CIPANO.

Pour la morue et la morue dans le golfe, en particulier, c'est-à-dire dans la zone 4-T, le contingent de 1976 par rapport à 1975 a été diminué de 48%. ce qui constitue évidemment pour les pêcheurs, surtout ceux qui ne peuvent pas s'éloigner beaucoup, une catastrophe majeure.

M. Lacroix: Quels sont vos chiffres pour 1976?

M. Morin: Ne les avez-vous pas vous-même donnés tout à l'heure? Avez-vous les chiffres récents?

M. Lacroix: J'ai ceux de 1975. Je n'ai pas apporté ceux de 1976.

M. Morin: J'ai ceux de 1976 qui ont été publiés: 14 000 tonnes par rapport à 27 000 en 1975.

M. Lacroix: Pour la région 4-TVN en 1975, c'était 37 730.

M. Morin: 27 000. Je vous parle de la zone 4-T.

M. Lacroix: 4-TVN, c'est le même stock de poisson.

M. Morin: Non. VN, c'est à l'extérieur du golfe. M. Lacroix: C'est le même stock de poisson.

M. Morin: C'est au large du Cap-Breton. Je vous parle du golfe.

M. Lacroix: C'est le même stock de poisson quand même.

M. Morin: Oui. Je suis prêt à reconnaître que c'est la même morue qui se déplace d'une zone à l'autre, c'est reconnu. Mais je vous parle des zones telles qu'elles ont été fixées par l'ICNAP, par la CIPANO et dans la zone 4-T, cette différence de moins 48% est vraiment dramatique pour les pêcheurs du Québec.

Si, encore, ces contingents étaient distribués, partagés de façon équitable entre les pêcheurs québécois et les autres pêcheurs canadiens, cela serait peut-être un moindre mal, mais la concurrence que le député des Iles-de-la-Madeleine a soulignée tout à l'heure, la concurrence des non-Québécois et l'absence de contrôle en particulier, par le gouvernement fédéral, fait que les pê- cheurs québécois se voient réduits à la portion congrue.

Si on met ensemble les trois facteurs négatifs que j'ai mentionnés, la surexploitation des stocks, les contingents et la mauvaise application des contingents, il ne faut évidemment pas se surprendre qu'au bout de la ligne, le pêcheur québécois soit littéralement coincé.

Bien sûr, on parle depuis des années maintenant de la nécessité d'aménager les pêcheries, qui est une source de richesse non négligeable et qui est, en fait, la grande source de richesse pour les populations circonvoisines du golfe, en particulier.

Ce n'est pas d'hier qu'il y a des problèmes de pêcheries en Gaspésie. Si le député des Iles-de-la-Madeleine s'est jamais documenté sur l'aspect historique des pêcheries, il saura que. depuis 1650, les pêcheries sont un problème pour le gouvernement de Québec. Depuis les tout débuts de la colonie française, il en a été ainsi, sauf qu'évidemment, au début, c'étaient des problèmes de planification et d'organisation de l'effort de pêche; le poisson ne manquait pas comme il est venu à manquer aujourd'hui.

Le malheur est qu'il est très difficile d'aménager de telles pêcheries quand on n'a pas la compétence constitutionnelle exclusive pour le faire.

Je reconnais — je suis le premier à reconnaître — que le gouvernement fédéral n'est pas seul dans le tableau, il y a la CIPANO et que c'est un problème international, de portée internationale, puisque de nombreux pays ont des droits historiques de pêche dans le golfe et encore davantage sur les grands bancs. Je reconnais que...

M. Lacroix: II y a aussi d'autres provinces.

M. Morin: ... je reconnais également que d autres provinces, comme la Nouvelle-Ecosse, Terre-Neuve, ont également un immense intérêt dans les pêcheries parce que leur économie dépend encore plus des pêcheries que la nôtre même, quoiqu'on ne puisse pas dire que leur économie dépende plus des pêcheries que celle de la Gaspésie, par exemple. De sorte que je n'ai pas la prétention d'affirmer que, si le Québec, les Québécois avaient la compétence exclusive en matière de pêcherie, cela réglerait le problème du jour au lendemain, mais du moins aurions-nous un gouvernement qui pourrait prendre des décisions. Le ministre ne serait pas réduit, année après année, et maintenant le député responsable, à nous dire, comme il l'a fait encore il y a un instant: II va falloir intervenir auprès d'Ottawa.

M. Lacroix: Et auprès des autres gouvernements provinciaux également.

M. Morin: Sans doute. Mais surtout auprès d'Ottawa, comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure puisque c'est là que se prennent les décisions. Malheureusement...

M. Lacroix: Je n'irai pas...

M. Morin: Ne m'interrompez pas, M. le député. J'ai tenté, tout à l'heure, et je vous assure que j'ai fait un gros effort, de vous laisser faire votre exposé en toute tranquillité.

M. Lacroix: Je vais faire le même effort.

M. Morin: Merci. Le malheur, c'est que le gouvernement fédéral n'est peut-être pas le meilleur interlocuteur que le Québec puisse avoir dans les circonstances. On peut voir, par exemple, toute la différence que cela ferait si le Québec avait accès directement, était représenté, avec voix au chapitre, au sein de la CIPANO, au sein de l'ICNAF. Je suis sûr que cela ferait déjà une différence. Quelle différence cela ferait également si le Québec était en mesure de mieux défendre les zones 4-S et 4-T, de sorte qu'il pourrait peut-être faire des compromis avec les pays étrangers, avec les autres provinces, portant non seulement sur 4-S et 4-T, mais 4-R, 4-VN, 3-PS, 4-VS et les autres régions auxquelles les pêcheurs québécois ont normalement accès.

Le malheur, c'est que ie gouvernement fédéral a mal géré les pêcheries côtières dans le passé. Il n'a pas vu venir le drame. Il ne s'est pas montré ferme dans ses politiques. Il a fallu la croix et la bannière pour l'amener à passer d'une zone de pêche de trois milles à celle de douze milles, en dépit des pressions de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Ecosse, des autres provinces dont l'économie dépend, dans une large mesure, des pêcheries. La croix et la bannière pour obtenir cette extension à douze milles alors qu'aujourd'hui, on nous parle d'une zone économique de 200 milles, dont nous pourrons d'ailleurs nous entretenir plus tard.

J'ai l'impression, M. le Président, que, comme disaient les pêcheurs de Gaspésie au XVIIIe siècle, le gouvernement fédéral a "couru le marigot" depuis qu'il a la compétence constitutionnelle dans le domaine des pêcheries. Il s'est montré paresseux et il n'a pas surveillé les choses de près comme il aurait dû le faire. En ce qui me concerne, je pense que la faiblesse des fédéraux, en particulier depuis l'après-guerre, est à l'origine d'une bonne pari de la surexploitation des stocks, aussi bien dans le golfe que sur les grands bancs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. S'il y avait eu plus de fermeté, notamment devant les Etats-Unis, notamment devant certains pays européens, qui venaient littéralement piller les stocks, j'estime qu'aujourd'hui, nous ne serions peut-être pas devant le drame qui se prépare.

De sorte que je suis amené à répéter ce que je disais l'année dernière.

Tant que le Québec n'aura pas la pleine responsabilité de ses pêcheries, il sera évidemment très difficile de redresser la situation. Je pense d'ailleurs que le député des Iles-de-la-Madeleine, qui est responsable de ce dossier, a eu suffisamment l'occasion de se frotter aux fédéraux pour savoir que tant qu'il n'y aura pas un ministre des pêcheries au Québec, quel que soit le parti au pouvoir, les difficultés vont s'accumuler. Que voulez-vous; le gouvernement canadien ne peut pas avoir le même point de vue sur ces questions que le gouvernement du Québec. Celui-ci veut protéger ses pêcheurs, il est obligé d'ailleurs de faire des déboursés considérables.

Le député nous disait tout à l'heure qu'il fallait s'attendre à un effort, à une aide encore plus considérable pour faire face à la situation. Je dis au député que ce ne sont que cataplasmes sur une jambe de bois. D'ailleurs, je pense qu'il en est conscient. Ce n'est pas une aide, alors que l'industrie de la pêche s'effondre, qui va sauver les pêcheurs. Ce sont des politiques qui vont leur permettre d'exercer leur métier pleinement, de faire un effort de pêche soutenu et d'obtenir des prix et débarquements qui soient en conséquence. Tant que vous vous ferez répondre par le ministre fédéral que les ressources appartiennent à tous les Canadiens, par exemple, il est clair que vous ne pourrez pas faire grand-chose. Effectivement, les autres provinces ont fait depuis quelques années, de gros efforts pour équiper leur flotte et tant que le territoire est ouvert à tout le monde, Québec ne peut ni réglementer, ni se comporter de façon à protéger efficacement les pêcheurs québécois.

Bien sûr, vous allez toujours vous faire répondre que la ressource appartient à tous les Canadiens; du point de vue juridique, le ministre Leblanc aura raison tant que le Québec n'aura pas la pleine compétence dans ce domaine. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le gouvernement fédéral risque de perdre des votes en Nouvelle-Ecosse ou à Terre-Neuve pour faire plaisir aux pêcheurs québécois ou au gouvernement du Québec. Il ne le fera pas, de sorte que nous sommes devant une impasse croissante.

Je n'hésite pas à dire qu'à moins qu'il n'y ait pas des mesures draconiennes qui soient prises pour redresser la situation et à moins que le Québec ne devienne pleinement responsable de ses pêcheries et ne soit en mesure de négocier d'égal à égal non seulement avec le gouvernement fédéral, mais avec les autres provinces et même jusqu'au sein de l'ICNAF, on ne pourra résoudre ces problèmes et nous allons nous trouver au cours des mois et des années qui viennent devant un véritable effondrement; je crois qu'il ne faut pas craindre d'utiliser ce mot-là. D'ailleurs les pêcheurs en sont pleinement conscients.

M. le Président, j'aimerais commencer, avec le député responsable de ce dossier, à étudier un certain nombre de chiffres, de statistiques se rapportant aux pêcheurs et aux pêcheries. Puis-je demander tout d'abord des indications sur le nombre d'embarcations régulièrement employées à la pêche depuis 1970? Si vous avez des chiffres pour les années antérieures, je serais également intéressé à en prendre connaissance, mais si on se contentait de 1970, ça nous donnerait déjà une idée suffisante.

M. Saint-Pierre: Divisé en catégories, en bois, en acier, les longueurs ou globalement le nombre d'embarcations.

M. Morin: Le nombre d'embarcations comme

tel ne nous donne pas une idée exacte. Je pense qu'il faudrait...

M. Saint-Pierre: C'est ça que je demandais.

M. Morin: ... qu'il y ait également au moins de grandes catégories...

M. Saint-Pierre: Redivisées entre les Iles-de-la-Madeleine, la Gaspésie, la Côte-Nord ou globalement?

M. Morin: Commençons par des chiffres globaux qui regroupent aussi bien les Iles-de-la-Madeleine que la Gaspésie et la Côté-Nord, depuis 1970.

M. Saint-Pierre: Vous voulez avoir la variation par année ou le nombre total?

M. Morin: Si vous avez le nombre total, je vais pouvoir calculer la variation.

M. Lacroix: En 1961, le nombre de pêcheurs était de 3771. En 1973, il était de 5451. Il y a eu une augmentation de 1680 pêcheurs.

M. Morin: J'aimerais commencer par les embarcations. Ensuite, on pourra prendre les pêcheurs, si vous voulez, depuis 1961 ou depuis 1970, peu importe. Je suis intéressé surtout à la tendance des cinq ou six dernières années.

M. Lacroix: J'ai le nombre de pêcheurs, mais je n'ai pas le nombre de bateaux.

M. Saint-Pierre: On en prend bonne note et, cet après-midi, on pourra peut-être vous le déposer. Spécifiquement, encore une fois, c'est le nombre de bateaux...

M. Morin: Régulièrement employés.

M. Saint-Pierre: Qu'est-ce que vous définissez par "régulièrement" dans votre vocabulaire?

M. Morin: C'est-à-dire des bateaux qui sont affectés à la pêche...

M. Saint-Pierre: A la pêche au homard.

M. Morin: ... et qui y vont effectivement, n'est-ce pas? Les bateaux affectés à la pêche et qui y vont effectivement.

M. Saint-Pierre: On prend avis de la question. Vous ne voulez pas la démarcation par région? C'est globalement, par type de navire?

M. Morin: Si vous l'avez par région. Je ne veux pas compliquer votre travail à l'infini, mais si vous l'avez par région, ce serait également intéressant de le savoir, quoique ma question, pour l'instant, porte sur le nombre global, y compris les grandes catégories de tonnage. Autrement, on ne peut pas se faire une idée. Peut-être aussi pourriez-vous le faire par tonnage, ce serait encore plus révélateur.

M. Saint-Pierre: On a ici les chiffres de tout ce qui touche nos prêts pour la construction des navires. Mais, à partir de ce document, ce ne serait pas un décompte complet, puisque cela ne tient pas compte de navires qui ont été complètement acquittés, qui ont été complètement payés. Mais on va obtenir les autres chiffres et on va tenter de vous les donner cet après-midi.

M. Morin: Bien. Est-ce que, pour le nombre de pêcheurs, vous avez les chiffres? Est-ce que vous pourriez également nous les donner à une séance subséquente?

M. Lacroix: Le nombre de pêcheurs, vous l'avez ici. En 1961, il y avait 3771 pêcheurs. Si vous le voulez, on va le prendre par périodes de cinq ans. En 1966, il y en avait 3703; en 1971, il y en avait 5252 et en 1973, dernière date dont j'ai les chiffres, nous en comptions 5451.

M. Morin: Oui. Maintenant...

M. Lacroix: C'était sur les embarcations de 18 pieds jusqu'à 125 ou 130 pieds. La valeur de la flotte, pour les cinq dernières années, si vous voulez. En 1970, la valeur de la flotte était de $12 263 000 et en 1973, elle était de $17 803 000.

M. Morin: Oui, mais cela ne nous donne pas une...

M. Lacroix: Non, à ce moment-là...

M. Morin: ... valeur en dollars constante. Je trouve que le tonnage est un critère qui éclaire de-vantage la situation.

M. Saint-Pierre: On va vous le donner.

M. Lacroix: On a les investissements pour les bateaux de moins de dix tonnes et pour les bateaux de plus de dix tonnes.

M. Morin: Oui.

M. Lacroix: Cela ne nous donne pas le nombre. Cet après-midi, je pense que M. Bernard et les autres...

M. Morin: Puisque vous avez le nombre de pêcheurs, lavez-vous d'année en année, depuis 1970?

M. Lacroix: 1970? Oui. En 1970, vous aviez 5092 pêcheurs; en 1971, 5252 pêcheurs; en 1972, 5277 pêcheurs et en 1973, 5451 pêcheurs.

M. Morin: Avez-vous les chiffres pour 1974 et 1975?

M. Lacroix: Malheureusement non.

M. Morin: Serait-il possible de les faire établir? Cela ne doit pas être impossible?

M. Lacroix: Certainement, je crois bien que c'est possible.

M. Saint-Pierre: Quand même, vous remarquerez que c'est une augmentation de 400 emplois dans le secteur de la pêche, alors que cela fait quatre ans que vous nous dites que c'est dans le marasme. Votre député de Saguenay dit la même chose.

M. Morin: Puis-je avoir les chiffres de 1974 et 1975? J'aimerais connaître vos prévisions pour 1976 également. Est-ce qu'il y a des prévisions pour 1976, quant au nombre d'emplois?

M. Lacroix: C'est facile de le savoir par les permis qui sont émis. Il n'y a pas un bateau de pêche commerciale qui n'a pas un permis qui est émis, qui donne la longueur du bateau, le nombre de pêcheurs, de même que l'aide-pêcheur. Prenez par exemple la pêche au homard, l'aide du propriétaire du bateau doit détenir également un permis. C'est ainsi qu'on peut dénombrer qu'au Québec, nous avons un contrôle absolu sur le nombre des pêcheurs, sur la longueur des bateaux, parce qu'il y a également des subventions qui sont données.

Tous les bateaux sont enregistrés. Il est facile d'avoir le nombre, par exemple, la quantité de ceux de 18 pieds à 24 pieds 9 pouces; de 25 pieds à 34 pieds 9 pouces...

M. Morin: C'est cela.

M. Lacroix: ... de 34 pieds 9 pouces à 44 pieds 9 pouces.

M. Morin: D'accord. Les permis pour la saison 1976 doivent être distribués maintenant?

M. Lacroix: La très grande majorité, oui.

M. Morin: C'est pour cela que je crois que vous pourriez me donner quelques prévisions pour l'année 1976.

M. Lacroix: C'est qu'il y a des restrictions sur les pêcheurs à l'anguille.

M. Morin: A l'île?

M. Lacroix: A l'anguille.

M. Morin: Oui, à l'île d'Orléans en particulier.

M. Lacroix: Oui, à partir du pont de Trois-Rivières en descendant.

M. Morin: Bon. Puis-je vous demander également, lorsque vous me donnerez les chiffres, de distinguer non seulement la Côte-Nord de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine, mais aussi le fleuve?

M. Saint-Pierre: Autour de Trois-Rivières.

M. Morin: Oui, à partir de l'endroit où vous donnez des permis en descendant, puisque...

M. Saint-Pierre: Sûrement.

M. Morin: ... s'il y a un certain nombre de permis qui se donnent dans le fleuve, j'aimerais bien qu'on distingue par rapport aux autres régions.

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Bien. Puis-je compter que nous consacrerons au moins une autre séance aux pêcheries, M. le Président?

M. Saint-Pierre: Sûrement. On va consacrer tout le temps dont vous avez besoin pour...

M. Morin: Bon. Parce que, cet après-midi, vous aviez peut-être l'intention de faire appel à M. Labonté de la SDI. Je me demandais comment nous allons programmer l'étude des crédits des pêcheries.

M. Saint-Pierre: On peut terminer à 13 heure et reprendre, ce soir, les pêcheries. Cet après-midi, on tenterait de liquider la SDI.

M. Morin: Oui, quant à moi, cela me conviendrait.

M. Saint-Pierre: Vous avez combien de questions encore sur la SDI? Est-ce long? Cela dépend. Si vous avez seulement quelques questions à M. Labonté, on peut passer la SDI de 16 heures à 16 h 30 et continuer après sur...

M. Morin: Je ne peux savoir quelle sera la longueur des réponses de M. Labonté.

M. Lacroix: Cela dépend de la longueur des questions.

M. Morin: J'ai au moins deux ou trois questions assez complexes à lui poser.

M. Saint-Pierre: On posera des questions à M. Labonté et les pêches, on pourra continuer cela...

M. Lacroix: Cet après-midi, on pourrait...

M. Saint-Pierre: Vous avez des questions sur les débarquements selon ce que vous aviez indiqué tantôt?

M. Morin: J'aimerais que nous parlions maintenant des débarquements par espèce.

M. Saint-Pierre: Je donne, comme je l'ai fait, les débarquements totaux.

M. Morin: Avez-vous une statistique qui pour-

rait être déposée devant la commission? Ce serait beaucoup plus simple.

M. Saint-Pierre: Malheureusement, elle n'est pas dans une forme qui nous permettrait de la déposer, mais je pourrais tenter de la faire copier. Je peux l'indiquer aujourd'hui. Vous me direz les sta-tisques que vous voulez dans tout ce que je vous donne et cela me fera plaisir de les déposer.

Les débarquements totaux, en 1974, comme je l'ai mentionné, étaient de 117 millions.

M. Morin: ... tout à l'heure. Je m'excuse, M. le ministre.

M. Saint-Pierre: Non, ce sont des millions de livres, ce ne sont pas des millions de dollars.

M. Morin: Ah bon! D'accord.

M. Saint-Pierre: En millions de dollars, on aurait des millionnaires.

M. Morin: Cela fait tout de même quelques millions de dollars.

M. Saint-Pierre: C'est 117 millions de livres qui représentaient, en 1974, $13 473 000. En 1975, c'est l'année dont vous parliez, qui fut un désastre et qui était très noire, les débarquements étaient de 116 848 000, pour une valeur de $14 487 000. A ce montant, d'ailleurs, s'ajoute la part québécoise d'un programme spécial du gouvernement fédéral à l'endroit du poisson de fond. Celle-ci se chiffre par $1 702 000, montant qui s'ajoute au surplus de $1 014 000, pour un total de $16 190 000 en 1975, soit $2 717 000 de plus en 1975 qu'en 1974.

Enfin, malgré un titre que vous avez sûrement vu dans le Soleil, qui parlait d'une diminution dramatique de la pêche côtière au Québec, dans l'édition du 21 janvier 1976, et qui contenait l'erreur, bien sûr, que les chiffres qu'on donnait touchaient à la fois la pêche côtière et la pêche hau-turière, donc, la pêche globale, celle que je vous ai donnée...

M. Morin: Maintenant...

M. Saint-Pierre: Je ne sais pas si vous voulez passer par espèce.

M. Morin: Ce que vous me donnez, ce sont les débarquements totaux?

M. Saint-Pierre: Oui. C'est cela.

M. Morin: Aussi bien côtiers que hauturiers?

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Existe-t-il des statistiques distinguant entre côtier et hauturier? Existe-t-il des statistiques qui puissent nous donner une idée de l'effort de pêche que cela représente, parce que je note qu'aux Pêcheurs unis, le nombre de livres est effectivement passé de 30 millions à 34 millions, mais le nombre de navires est passé de 83 à 156, c'est-à-dire qu'il a presque doublé. Il faut tenir compte de cela aussi.

M. Saint-Pierre: Je ne comprends pas que vous me parliez d'une année de marasme quand le nombre de pêcheurs augmente plus que le nombre d'emplois au Québec, le nombre de navires augmente. Cela ne doit pas être si pire que cela.

M. Morin: Qu'est-ce que vous faites de l'effort de pêche?

M. Saint-Pierre: Non, je vous donne simplement...

M. Morin: Si vous êtes obligé de mettre deux fois plus de navires pour prendre la même quantité de poisson, c'est là qu'est le marasme économique, c'est alors que cela ne paie plus d'être pêcheur.

M. Lacroix: Si le chef de l'Opposition me permet, les Pêcheurs unis l'an dernier se sont adjoints les pêcheurs de la Coopérative centrale des Iles-de-la-Madeleine, qui était auparavant une coopérative complètement autonome. Les Pêcheurs unis se sont portés acquéreurs et ont pu assumer la responsabilité de tous les actifs et tout le passif de la Coopérative centrale des pêcheurs. C'est ce qui fait que vous trouvez des différences considérables dans le nombre d'embarcations qui travaillaient pour le compte des Pêcheurs unis.

M. Morin: Oui, mais j'imagine que les prises des Pêcheurs unis tiennent également compte des prises qui se trouvaient dans l'ancienne coopérative des îles.

M. Lacroix: Quant à l'ancienne coopérative des îles, la pêche côtière, par exemple, 347 pêcheurs, si ma mémoire est exacte, pèchent le homard. De ce nombre, environ 225 à 230 ne font que la pêche au homard. Ils ne font pas la pêche côtière. Il y a deux ans, on avait fait la pêche au maquereau, parce que le maquereau était de qualité commerciale. Depuis sept ou huit ans, il y avait du maquereau en quantité considérable, mais il n'était pas de taille commerciale. Il y a deux ans, le maquereau était de taille commerciale, mais l'an passé, on ne sait pas ce qui s'est produit, mais le maquereau est redevenu subitement de taille inférieure à la taille commerciale, c'est-à-dire que quand vous prenez 250 filets pour un baril, vous recevez un prix appréciable pour le maquereau. Quand vous avez 400 filets par baril, alors le prix est très inférieur. Il n'est pas rentable...

M. Morin: II n'est pas rentable.

M. Lacroix: ...et il ne sert à rien de le pêcher, de le capturer. Nous espérons toujours qu'il va grandir. Les biologistes font un travail très considérable là-dessus. C'est une chose que l'on ne peut pas expliquer, savoir que le maquereau puisse, dans l'espace d'un an ou deux ans, dimi-

nuer ainsi de taille. On dirait qu'il est passé par Montréal et qu'il est revenu fatigué.

M. Morin: II est passé par les Jeux olympiques. Avez-vous des prévisions pour 1976?

M. Saint-Pierre: Les prévisions pour 1976?

M. Morin: Dans les débarquements, oui? Je veux dire, avez-vous des objectifs, est-ce qu'il y a des...

M. Lacroix: Le plus haut possible.

M. Saint-Pierre: C'est la même question que si le chef de l'Opposition et moi-même allions pêcher dans un lac des Laurentides et que l'on demande quelles sont nos prévisions. On espère bien avoir comme prévision nos vingt truites...

M. Morin: Oui, mais écoutez...

M. Saint-Pierre: Oui, mais écoutez, vous me demandez...

M. Morin: II y a des contingentements, vous le savez bien. Je vous demande, par rapport à ce que vous connaissez des contingentements. Vous savez bien qu'il y a des limites. Alors, je vous pose la question par rapport aux contingents.

M. Lacroix: Je vous ai donné tantôt l'exemple d'une usine aux Iles-de-la-Madeleine. En 1975/76, on a produit, en produits finis, plus que cinq millions et demi de produits congelés, et l'estimation, très optimiste, pour 1976/77, est de l'ordre de 3 800 000 livres, c'est-à-dire qu'il y a un décroissement de 30%

M. Morin: Oui.

M. Lacroix: Cela n'est pas dû à l'incapacité de capture, mais aux contingents qui sont alloués et qui sont épuisés.

M. Morin: Non seulement aux contingents, mais au fait qu'une bonne partie du contingent est déjà pêchée. C'est pour cela que je vous pose la question: Qu'est-ce que vous prévoyez pour 1976?

M. Lacroix: On espère le mieux. Comme je vous l'ai dit au début des remarques que j'ai faites tantôt, le ministre d'Etat aux Pêches à Ottawa, M. Roméo Leblanc, sera aux îles dimanche. Nous avons fait des représentations pour que les quotas soient augmentés, et j'ai bien l'impression que, si, personnellement, j'étais ministre d'Etat responsable des pêcheries canadiennes, je ne viendrais pas annoncer à la population des îles que les quotas vont être diminués.

M. Morin: II risque de recevoir des poissons par la tête.

M. Lacroix: II n'y en a pas dans le moment. Il n'y a pas de problème.

M. Morin: C'est peut-être pour cela qu'il y vient en cette saison.

M. Lacroix: Non, c'est la meilleure saison. D'ailleurs, ordinairement, à ce moment-ci, la pire saison... Il y a toujours, depuis quatorze ans que je vis avec les gens des îles — vous pouvez voir comme ils sont patients — entre le 15 juillet et les 15 et 20 août, une période creuse où les rendements sont beaucoup moindres, probablement que la température de l'eau y joue un grand rôle. Je pense que M. Lachance ou M. Bergeron pourrait vous expliquer facilement, par exemple, que vous ne trouverez pas de morue à une température inférieure à 33°. Je peux me tromper. Est-ce que c'est ça? Vous n'en trouverez pas non plus à une température supérieure à 35°. A ce moment, la température de l'eau est un facteur important. Il y a toujours eu une période creuse, et je ne crois pas qu'un changement de gouvernement ou un changement de député pourrait apporter une amélioration à la condition que j'ai connue depuis quatorze ans et que M. Langlais, avant moi, a connue pendant 27 ans.

M. Morin: Vous ne pouvez nier, tout de même, que, si le Québec avait la pleine compétence en matière de pêcheries, vous seriez mieux placés pour résoudre les problèmes, beaucoup mieux placés.

M. Lacroix: Du tout! De quelle façon, par exemple... Premièrement, pensez-vous que le Québec peut avoir l'exclusivité des pêcheries dans le golfe Saint-Laurent, alors que vous avez le Nouveau-Brunswick, l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse, l'Ile du Cap-Breton, qui fait partie de la Nouvelle-Ecosse, qui est à 55 milles des Iles-de-la-Madeleine. Vous avez Terre-Neuve. Vous avez Saint-Pierre et Miquelon, qui ont des droits historiques, que vous connaissez très bien, parce que vous nous avez fait une leçon d'histoire l'année dernière, nous ramenant jusqu'au traité d'Utrecht. Vous savez qu'ils ont des droits historiques jusqu'en 1985.

M. Morin: Qui s'appliquent toujours. M. Lacroix: Cela s'applique toujours.

M. Saint-Pierre: A l'époque, vous travailliez pour le gouvernement fédéral?

M. Morin: Comment cela donc?

M. Saint-Pierre: Vous n'étiez pas en consultation pour le gouvernement fédéral?

M. Morin: Non. C'étaient tout simplement des articles sur les aspects internationaux du droit des pêcheries qui auraient voulu, justement, constituer des recommandations pour le gouvernement fédéral. Il a tenu compte de certains aspects, mais pas des autres. Il en a tenu compte dans le domaine des droits historiques, mais pas dans celui des droits définis par traité, ce qu'on appelle les droits conventionnels.

M. Lacroix: Le chef de l'Opposition admettra avec moi que pour les pêcheries, une année, nous espérons avoir une bonne saison et la saison s'avère désastreuse pour différentes raisons, soit les conditions climatiques, les tempêtes, etc. Les journées de travail ne sont pas les mêmes d'une année à l'autre. Par exemple, durant la saison de pêche au homard qui, chez nous, s'étend du 10 mai au 10 juillet, une année, nous pouvons pêcher 40 jours; une autre année, nous pouvons pêcher 23 jours. La même chose s'est produite en Gaspésie alors que pour le homard, la saison s'est ouverte le 1er mai pour se terminer le 30 juin. Dans les 21 premiers jours, les gens ont pêché seulement neuf jours.

Vous savez que les pêcheries sont un domaine... C'est comme le cultivateur qui met du grain en terre et il espère que cela rapportera à l'automne, mais cela n'est jamais assuré. C'est la même chose pour les pêcheries. Nous espérons toujours.

M. Morin: Pourriez-vous nous dire exactement les contingents que vous avez exigés, au nom des pêcheurs québécois auprès du gouvernement fédéral, pour chaque espèce? J'imagine que vous avez dû faire des représentations sur les contingents.

M. Lacroix: C'est 15 000 tonnes pour le sé-baste?

M. Saint-Pierre: Le contingent...

M. Lacroix: M. Bernard va vous... parce qu'il est allé à Halifax rencontrer les...

M. Saint-Pierre: ... à l'intérieur du golfe a été déterminé par le gouvernement fédéral. C'est en dehors des conventions de la CIPANO. Le sébaste fédéral, 30 000 tonnes. Lorsque nous nous sommes rendu compte que le stock avait baissé à un point tel qu'on avait fait de la surpêche en Nouvelle-Ecosse et à Terre-Neuve, immédiatement, le ministre fédéral s'est rendu à notre requête, en somme, de fermer cette pêche. Alors, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve ont cessé la pêche du sébaste. En un deuxième temps, elles ont fait porter leur effort sur la morue, dans le secteur 4-T, le seul sous convention de la CIPANO. C'était 19 000 tonnes. On s'est laissé dire, plus ou moins, que les quelques tonnes, elles en avaient pêché 15 000. Alors, il resterait 4000 tonnes de morue à pêcher dans 4-T.

Du côté fédéral, voici notre façon d'aborder la question. D'ailleurs, les autres provinces nous ont rejoints. Il ne reste, officiellement, que 6800 tonnes de sébaste à prendre à partir de ce matin.

Voici le régime des limitations fédérales. Quant à la Nouvelle-Ecosse et à Terre-Neuve, leurs bateaux de pêche, leurs chalutiers par arrière, c'est prohibé dans ce secteur. Il reste le secteur 3-P, les secteurs 4-V, 4-W et 4-X où on a réservé aux pêcheurs du Nouveau-Brunswick et aux pêcheurs québécois quelques milliers de tonnes de sébaste.

Le fédéral a exclu les chalutiers par arrière dans ces quatre secteurs: 3-P, 4-V, 4-W et 4-X. Il y aurait quelque chose comme 9500 tonnes de sébaste à capturer dans ces quatre zones.

Le problème est le suivant: Les pêcheurs québécois tout autant que ceux du Nouveau-Brunswick ne connaissent pas ces lieux de pêche. Alors, ils sont obligés d'aller faire un peu de "scouting " comme on dit, un peu de taxi dans ces coins-là, et il y a un phénomène de dispersion du poisson actuellement. Les concentrations se font l'hiver et tôt le printemps. Ce ne sera pas avant le mois de juillet que cela pourra être rentable pour nos pêcheurs d'y aller. Il y a cette distinction, et je le répète, Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse n'ont pas le droit d'utiliser des chalutiers par arrière, la plage arrière, le "stern troller" comme dirait Bos-suet. Nous avons droit d'y aller, mais il n'y a pas d'avantage à y aller actuellement.

Nous avons demandé, pour l'intérieur du golfe, une addition de 10 000 tonnes au contingent établi, en somme, qui s'ajouterait...

M. Morin: Voulez-vous dire pour le Québec ou pour l'ensemble?

M. Saint-Pierre: Pour l'ensemble. Nécessairement, il faut tenir compte de certains facteurs. Nous sommes conscients, chez nous, nos biologistes, d'ailleurs cela saute aux yeux, qu'à l'intérieur du golfe, la ressource a diminué sensiblement, continuellement. C'est parce qu'on pêche encore des classes d'âge des années 1956 et 1957. C'est du vieux poisson, du poisson âgé, si vous voulez, qui est très bon, délicieux, mais il n'y a pas eu de renouvellement. C'est-à-dire, que chaque année, il y a de la ponte de poisson, mais il y a eu de la destruction à un niveau très élevé. Nous pouvons dire actuellement que l'espoir des pêches dans le golfe, pour le sébaste, c'est à peu près le recrutement de 1971. C'est là que nous retrouvons du fretin en surabondance. Cela veut dire que cela sera pêchable vers 1980 en quantité parce que la femelle devient adulte à onze ans, le mâle à dix ans. Alors, on peut le pêcher avant qu'il devienne mature, il restera toujours suffisamment de reproducteurs, mais, d'ici 1980, la tendance...

M. Morin: Oui, mais le sens de ma question était celui-ci. Je sais que le gouvernement fédéral prohibe certains types de pêche, notamment la pêche par l'arrière, mais je vous demandais si vous avez demandé au gouvernement fédéral un contingent québécois?

M. Saint-Pierre: Non. Je l'ai demandé pour l'ensemble et cela recoupe un peu ce qu'ont fait les autres provinces. Nous demandions une addition de 10 000 tonnes métriques à ce qui subsiste...

M. Morin: Aux 30 000, voulez-vous dire, ou à ce qui en reste?

M. Saint-Pierre: Aux 30 000 ou ce qui en reste.

M. Morin: Ou ce qui en reste, oui. M. Saint-Pierre: Après cela faire... M. Morin: Parce qu'il en reste 6800 tonnes.

M. Saint-Pierre: Oui. ...et faire intervenir le jeu de la pêche historique, c'est-à-dire les pourcentages de capture qui oqt été effectués au niveau des provinces intéressées. Le Québec, là-dedans, y gagnait, parce que le Québec a une moyenne de 30% des captures, alors que le Nouveau-Brunswick en a à peu près 8% ou 9% et que l'Ile-du-Prince-Edouard en a quelque chose comme 2%.

M. Morin: Mais pouvez-vous nous dire si cela a été accepté, ces 30% que vous avez proposés? C'est cela, on y est, c'est cela que je vous demandais exactement. Avez-vous proposé 30% du contingent total, augmenté de 10 000 tonnes, c'est-à-dire 40 000 tonnes en tout pour les pêcheurs québécois? Si je ne m'abuse, cela ferait 30% de 40 000 tonnes, cela commence à compter. Cela ferait...

M. Saint-Pierre: Avant de compter, il vous faut soustraire ce qui a déjà été capturé.

M. Morin: D'accord. Mais, justement, si vous aviez fait un accord avant que cela ne commence, avant que le contingent ne soit complètement "défloré" par les pêcheurs des autres provinces, vous n'auriez pas ce problème aujourd'hui. C'est pour cela que je vous pose la question. C'est évident qu'aujourd'hui il ne reste plus que 6800 tonnes.

M. Saint-Pierre: Oui, mais regardons le contexte. Le contingent de 30 000 tonnes a été établi pour l'année civile 1976. Au 31 décembre, les flottes québécoises étaient à quai, à cause de l'envahissement par la glace, on ne pouvait pas pêcher. Les 30 000 tonnes, ça nous était connu ce chiffre, nous l'avons appris bien après les pêcheurs et bien après les autres. C'est que la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve ont pêché à l'entrée, dans 4-T...

M. Morin: Non...

M. Saint-Pierre: ... 4-R, c'est au sud.

M. Morin: 4-R.

M. Saint-Pierre: ... autour de 4-R et à l'intérieur du golfe et dans 4-V et 3-P.

M. Morin: A l'entrée du golfe.

M. Saint-Pierre: C'est 4-T sud qui rejoint 4-VN, nord.

M. Morin: A l'entrée du golfe.

M. Saint-Pierre: A l'entrée du golfe. Les pêches ont été très plantureuses en janvier et février, il s'est trouvé qu'il y avait une grosse concentration de poisson. Cela a été une orgie et, avant que nous le sachions, le mal était fait. Ottawa est arrivé, s'est fait prendre les culottes à mi-mât, comme on dit, on a mis un ban sur la pêche, mais...

M. Morin: Mais si Ottawa s'est fait prendre de cette façon, de quoi a l'air le Québec?

M. Saint-Pierre: De quoi a l'air... Ecoutez, nous avons...

M. Morin: C'est vous qui l'avez à l'air à l'heure actuelle, pas Ottawa.

M. Saint-Pierre: C'est sûr que nous avons demandé un relèvement du contingent et je persiste. J'ai appelé encore hier en disant qu'on ne serait pas plus catholique que les autres. A un moment donné, nous donner un solde de contingent à pêcher et mettre des limitations sur la qualité de la flotte qui sera autorisée à le faire, je trouve qu'on déchante et drôlement.

M. Morin: Est-ce qu'on s'entend pour dire que la technique du contingent québécois serait quand même utile? Si on savait d'avance... Vous avez mentionné le chiffre de 30%, il me semble qu'on est plus près d'une solution concrète.

M. Saint-Pierre: C'est peut-être trop logique pour que ce soit acceptable, parce que nous avons des braillardes par le côté. Encore là, c'est le phénomène de cinq provinces. Chacune veut avoir son petit morceau.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Retenez qu'il y a deux provinces qui sont exclues dans l'immédiat.

M. Morin: Ma question est la suivante: Quand vous avez suggéré votre contingent de 30% qui correspond aux prises traditionnelles, quelle a été la réaction d'Ottawa? C'est là qu'on va voir ce que c'est que d'avoir un gouvernement ou de ne pas en avoir, de prendre des décisions soi-même ou de ne pas les prendre.

M. Saint-Pierre: La réaction d'Ottawa, écoutez, il faudrait faire un petit détour, si vous voulez, pour qu'on puisse se comprendre un peu. On va faire un détour par Montréal. La CIPANO devait tenir une rencontre à compter du 9 juin à La Havane. Pour des raisons politiques et toutes sortes de choses, vous comprenez qu'il y a une élection aux Etats-Unis et même les Etats-Unis avaient donné une procuration au gouvernement canadien pour les représenter... Cette...

M. Morin: Le député des îles aurait aimé ça, c'est une île plus méridionale que la sienne.

M. Lacroix: Je serais allé fumer le cigare chez vos amis.

M. Morin: Je suis sûr qu'ils vous auraient bien reçu; ils ne sont pas plus nos amis que les vôtres.

M. Lacroix: Sur votre recommandation oui.

M. Saint-Pierre: Si vous le permettez, j'ai assisté à la conférence sur le droit de la mer à New York et j'ai tourné un petit papier déshydraté dont je prendrais quelques extraits.

Voici les notes — c'est ce que j'ai perçu et cela nous a passé entre les deux oreilles — La délégation canadienne représentant le Canada à la CIPANO, forte de l'intention fédérale de déclarer unilatéralement une zone économique de 200 milles à l'instar des Etats-Unis, veut tenir un rôle prépondérant et déterminer d'autorité les besoins canadiens pour l'année 1977 et les années à venir.— C'est le Canada qui a le gros bout du bâton.

M. Morin: A l'intérieur des 200 milles.

M. Saint-Pierre: Tous les pays membres de la CIPANO, au nombre de dix-sept, connaissent bien la position canadienne et s'attendent de devoir plier l'échine devant les exigences qui leur seront posées.

Par une tactique très habile — je laisse le mot — le Canada négocie déjà des ententes bilatérales avec certains pays membres de la CIPANO, dont la Russie, la Pologne, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne de l'Est et la Norvège. La Russie indiquait, à la date du 19 mai, son accord aux propositions canadiennes.

Si de telles ententes sont entérinées avant 1977, le Canada aura publié, aux risques inhérents, une déclaration unilatérale que les pays visés seraient fortement tentés de ne pas reconnaître. Il ne faut pas perdre de vue l'impact de déclarations unilatérales d'une zone économique de 200 milles par les Etats-Unis et la possibilité d'un transfert d'efforts de pêche du côté canadien par les pays évincés.

Le Canada s'est couvert à protéger un peu ses flancs en négociant des ententes, surtout avec la Russie, qui est le pays le plus gros pêcheur, dans la zone de la CIPANO.

M. Morin: Je sais que le Canada a négocié bilatéralement avec un très grand nombre de pays pêcheurs et qu'il négocie multilatéralement au sein de la CIPANO.

Mais ce qui m'intéresse, c'est la part du Québec dans tout cela; c'est la part des pêcheries québécoises.

M. Saint-Pierre: La part du Québec, ce détour me permet de le cerner un peu. Le Canada se trouve, pour une première fois, en situation de-devenir le gestionnaire de ses pêches. Nous avons reconnu qu'il ne l'a jamais fait. On s'est fié à la Providence, à l'abondance des stocks.

Quelle est la position du Québec dans ceci? J'ai demandé ceci, je l'ai répété encore hier, étant donné que Terre- Neuve et la Nouvelle-Ecosse vont pouvoir partager le contingent russe et, l'an prochain, pouvoir se l'approprier quasi en totalité, étant donné les résultats attendus de la réunion du CIPANO.

En somme, le Canada va chercher ses besoins dans la zone du CIPANO. Les surplus, s'il y en a... Cela veut dire que, du côté canadien, Terre-Neuve et Nouvelle-Ecosse sont en situation d'aller pêcher à l'extérieur.

Je demande, au nom du Québec, qu'on exclut de la pêche du poisson de fard, dans le golfe, ces deux provinces qui peuvent désormais s'alimenter à l'extérieur.

M. Morin: Oui, toujours en tenant pour acquis, si je puis vous interrompre une seconde, qu'au sein de CIPANO, on puisse se mettre d'accord sur la zone exclusive économique de 200 milles.

M. Saint-Pierre: La Russie, l'accord biiatéral avec la Russie. On a parlé des stocks de la Russie.

M. Morin: Oui, mais il n'y a pas que la Russie.

M. Saint-Pierre: Oui, mais on parle des stocks de la Russie...

M. Morin: II y a...

M. Saint-Pierre: ... lorsqu'on dit que la Nouvelle-Ecosse pourrait aller...

M. Morin: Oui, je sais, mais il n'y a pas que la Russie. Il se pourrait très bien que, si la Russie consent à se retirer, d'autres pays disent: L'aubaine est là; nous allons peut-être, nous aussi, demander qu'on augmente notre contingentement. Je pense aux Portugais qui, vous le savez, sont présents...

M. Saint-Pierre: Ce n'est pas la philosophie canadienne d'aller à Montréal. On devait se rendre à La Havane. Nous établissons nos besoins et, s'il y a surplus, nous le partagerons avec les pays amis.

M. Morin: C'est cela.

M. Lacroix: II y a déjà eu la proposition des efforts de pêche.

M. Saint-Pierre: Assurément.

M. Lacroix: Parce que, dans l'entente CIPANO, il y a eu une réduction des jours de pêche accordés aux pays qui viennent pêcher sur les côtes.

M. Morin: C'est exact, oui.

M. Lacroix: II y a déjà un début.

M. Morin: Oui, parce que, forcément, CIPANO est obligée de prendre en considération le fait que du poisson, il y en a de moins en moins.

Le Président (M. Pilote): Messieurs, il est 13 heures. Je pense que nous continuerons...

M. Saint-Pierre: Pourrais-je poser une question au chef de l'Opposition, pour la bonne marche des travaux et non pas pour... Vous nous avez posé des questions un peu particulières. Est-ce qu'on pourrait s'entendre que, cet après-midi, on tenterait de passer la Société de développement industriel et la Société du parc de Bécancour dont les représentants sont ici?

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Ce soir, on reviendrait aux pêches maritimes.

M. Morin: Volontiers, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, après la période des questions.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

Reprise de la séance à 16 h 22

M. Brisson (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

La commission continue l'étude des crédits de l'Industrie et du Commerce. Maintenant, avant de débuter, j'aimerais faire remarquer que M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Déom (Laporte); M. Quenneville (Joliette) remplace M. Denis (Berthier); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine). La parole est au ministre.

M. Saint-Pierre: M. le Président, tel qu'on l'a mentionné, on commencerait avec la SDI pour ensuite passer au parc industriel de Bécancour. A ma droite, se trouve M. Jean Labonté qui était, l'an dernier, sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie et du Commerce et qui est, depuis le 24 septembre 1975, président et directeur général de la Société de développement industriel. Je pense que le chef de l'Opposition avait quelques questions à poser à M. Labonté.

Le Président (M. Brisson): Le député de Sauvé.

Société de développement industriel

M. Morin: M. le Président, je me réjouis que M. Labonté ait pu participer à la séance de cet après-midi. J'aurais quelques questions à lui poser tout d'abord sur ce qu'on pourrait appeler l'orientation générale qu'il entend donner à la SDI au cours des mois et des années qui viennent. Entend-il appliquer, par exemple, les mêmes grands principes que son prédécesseur, M. Saul-nier, avait définis vers le mois de septembre 1975 quant à l'intégration des entreprises subventionnées à l'économie du Québec, à la francisation, à la préférence pour l'entreprise autochtone? Ce serait ma première question. Elle est de portée tout à fait générale. C'est ma façon de donner à M. Labonté l'occasion de nous faire part de sa philosophie à la barre de la Société de développement industriel?

M. Saint-Pierre: C'est trop gentil de me permettre de dire ce que j'ai dit dans une vingtaine de conférences depuis six mois que l'orientation de la SDI n'a pas changé comme telle. Les grands principes inculqués par M. Saulnier à la SDI dans les trois dernières années, qui ont été rodés et changés au fur et à mesure que nous nous pliions, en fait, aux données que le gouvernement et le ministère de l'Industrie et du Commerce nous fournissaient pour la politique à suivre, en fait, dans le cadre des investissements étrangers, pour la politique à suivre dans l'intégration des entreprises étrangères aux tissus économiques québécois, nous entendons les poursuivre.

Vous pourriez constater, à même la lecture de tous les mémoires de recommandations au conseil d'administration de la société, que nous mettons

de plus en plus de conditions sévères à l'intégration des entreprises, en fait, au contexte économique québécois. Nous pourrions vous lire... Je suis conscient que le ministre vous a déjà donné lecture de quelques-unes des recommandations qu'on fait ou des objectifs qu'on pose aux entreprises étrangères qui s'établissent au Québec. Chacune des interventions de la société au niveau du capital-actions, du prêt ou de la prise en charge est toujours assortie des conditions d'intégration, aussi bien de types de conditions où on leur demande, par exemple, de payer des primes d'assurance à des sociétés dont la principale place d'activités est au Québec, d'acheter des équipements, des matériaux québécois, d'acheter des services d'ingénierie, d'avocats, de comptables québécois, d'acheter les matières premières dans le domaine du possible au Québec et des composantes quand c'est possible au Québec, d'intégrer ensuite et d'avoir un certain nombre de cadres francophones au sein de l'administration...

M. Morin: Vous ne leur fournissez pas les listes d'avocats et de notaires habituelles?

M. Saint-Pierre: Non. C'est un objectif, en fait, et, sans fournir de noms, aussi bien pour les ingénieurs-conseils et les notaires, que les avocats on fait quand même un travail avec eux dans le cas de la fourniture des équipements, des composantes et des matières premières pour déceler, au Québec, le plus possible de fournisseurs pour une société qui s'établit au Québec. Ces conditions, bien entendu, font partie d'un certain nombre d'objectifs qui sont établis avec les sociétés avec lesquelles on négocie, des objectifs qui sont réalistes, que nous croyons réalistes et que l'entreprise croit réaliste. A partir du moment où les objectifs ne sont pas atteints et que la prise en charge est quand même déboursée sur une période de trois à cinq ans, nous nous réservons le droit de réduire la subvention promise. Nous nous réservons le droit, dans certains cas, d'annuler totalement la subvention promise si on ne peut pas atteindre les objectifs ou si les objectifs seraient atteignables dans le sens que le produit est là, le service est là, et ies entreprises étrangères ne s'en prévalent pas, à ce moment on se réserve le droit de retirer quand même une partie de la subvention que la SDI a promise.

La philosophie de la SDI ne change pas. L'objectif primordial de la SDI, qui est la transformation de la structure industrielle, ne change pas. Les clauses 2 a), 2 b) et 2 c) de la loi n'ont pas été amendées. On y a ajouté, pour aider les petites et moyennes entreprises québécoises, la clause qu'on appelle 2 e) chez nous ou le paragraphe 2, qui est l'aide à l'exportation, et dans laquelle nous avons fait un certain nombre de bons mouvements ou de bonnes interventions dans les derniers douze mois, et le nombre de dossiers augmente continuellement là-dedans. La tâche de la SDI n'a pas changé.

Le volume d'activité de la SDI a très peu baissé en 1975/76 comparativement à 1974/75, peut-être seulement à cause d'un dossier majeur qui était celui de SIDBEC, qui avait quand même affecté nos chiffres en 1974/75 à la hausse, et nous prévoyons pour 1976/77 un volume d'affaires un peu plus élevé parce que nous avions quand même des engagements, en termes de dépenses de transfert, qui retombent maintenant sur I année 1976/77.

Alors, vous pouvez être rassuré. La SDI va bien et nous sommes de plus en plus confiants que l'impact de la SDI se fait sentir au Québec. Nous commençons quand même à sentir des retombées intéressantes, en fait, de l'action de la SDI.

M. Morin: J'ai déjà posé au ministre un certain nombre de questions au sujet de la SDI. Il devait déposer des documents. Peut-être la présence de M. Labonté va-t-elle nous permettre de commenter ces documents et, en particulier, en ce qui concerne les principales entreprises dans laquelle la SDI détient une partie du capital-actions.

M. Saint-Pierre: Le document s'en vient, à ce qu'on me dit, dans quelques minutes.

M. Morin: On peut suspendre cette question. J'en aurais une autre du même ordre qui est la suivante: Pourriez-vous nous dire si, dans les faits, la valeur de l'aide financière pour l'année 1975/76 s'est faite majoritairement à des entreprises autochtones ou quelle proportion a été apportée à des entreprises non québécoises? Je vous rappellerai peut-être, M. Labonté, avant que vous ne répondiez, que M. Saulnier avait fortement souligné la nécessité de venir en aide en particulier à l'entreprise autochtone.

J'ai sous les yeux certains extraits d'une conférence qu'il prononçait à la fin de 1975 et dans laquelle il disait: "On aurait pu en venir à nous démontrer, si nous ne nous étions pas interrogés, que l'aide financière provenant des impôts d'une population francophone à 80% profitait à des entreprises qui ne partagaient aucune des préoccupations d'ordre économique et social de la population du Québec et de son gouvernement." Et il ajoutait: "J'estime qu'aucun pays évolué ne peut tolérer qu'un tel déséquilibre économique se perpétue. J'estime qu'aucun gouvernement conscient de ses responsabilités ne peut rester indifférent devant un tel état de choses. "

Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont l'aide a été répartie entre l'entreprise autochtone et l'entreprise non autochtone?

M. Saint-Pierre: L'aide en dollars a été répartie à 60,7% en nombre, à des entreprises dont les actionnaires ultimes sont des Canadiens français, je dis bien des Canadiens français et non des Québécois, parce que si on prend le terme de Québécois, on va quand même à 80%. L'aide en dollars est majoritaire dans le sens que c'est tout près de 55%, à comparer à l'an passé, où c'était 70%. Mais, encore là, un seul dossier, qui est la prise en charge de $18 millions à SIDBEC, affectait énormément la statistique, et si on retourne en 1974, on était aussi à 55%.

II faut penser que la SDI répond quand même à la demande et, dans une année de conjoncture un peu moins bonne, il est possible qu'un certain nombre de petites entreprises ne fassent pas les expansions, les projets qui avaient été prévus. Il faut aussi penser qu'il ne faut pas se fier aux noms qu'on voit dans les journaux, parce que, malheureusement encore, tant que la loi 22 ne sera pas totalement appliquée en termes de noms de société, vous savez que beaucoup de nos petites entreprises dont les actionnaires majoritaires sont des Canadiens français ont quand même gardé le nom anglais de leurs usines. Je lisais certains articles. Si on va assez loin, quand même, on voit que Draco Limited appartient à des Canadiens français, que Sept-lles Metal Works appartient quand même à des Canadiens français. Eventuellement cette correction sera faite et, bien entendu, toutes les compagnies du Québec auront un nom corporatif français. A ce moment-là, peut-être que les articles de journaux qui décrivent le volume d'activité de la SDI auront une meilleure saveur aux yeux de quelques-uns, mais je peux vous dire qu'en termes de statistiques, la majorité est encore du côté francophone. Nous répondons à la demande mais, malheureusement, en termes de dollars, ce qui arrive, c'est qu'un certain nombre de très gros projets affectent nos statistiques de façon peut-être un peu vers la baisse en termes de subvention ou d'aide à des entreprises francophones.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Saint-Pierre: II y a trois points que j'aimerais ajouter, que j'avais déjà mentionnés, mais je pense que, pour donner une réponse très complète, il ne faut jamais rien perdre de vue. Dans les autres 30% ou un peu plus qui touchent les entreprises non québécoises, souvent la SDI ou d'autres Québécois se retrouvent minoritaires dans un secteur complètement nouveau pour le Québec. On a donné des cas. D'ailleurs, vous en avez soulevé comme l'entreprise allemande Didier, où la SDI est présente. Je pense que ce sont des entreprises qui nous aident à poursuivre des objectifs d'intégration. C'est un premier point.

Le deuxième point que j'aimerais soulever, je n'ai pas les statistiques devant moi, mais le chef de l'Opposition les connaît dans l'ordre de grandeur, c'est qu'il faut se rappeler que le programme de la SDI vise justement à attirer au Québec les genres d'entreprise où les Québécois francophones sont, à toutes fins pratiques, très absents. En d'autres termes, si le programme de la SDI visait à répéter notre structure industrielle, on aurait beaucoup de cas qui toucheraient le textile, le meuble, le cuir la chaussure et on aurait peut-être un plus grand nombre de cas qui toucheraient les francophones. Mais comme l'objectif premier est de changer la structure industrielle, l'objectif second est une participation accrue des Québécois francophones à la vie économique. On comprend en termes de critères que vous avez utilisés, une espèce de contradiction. Parce que c'est bien certain que lorsqu'on va dans la pétrochimie, dans l'électronique, dans nombre de secteurs très modernes comme ça, où les Québécois sont actuellement absents, ce n'est pas facile de trouver des dossiers où on va les retrouver immédiatement majoritaires, surtout qu'on veut avoir quand même des projets d'une certaine ampleur qui peuvent, sur le plan international, exporter et qui, au niveau de la productivité de la technologie peuvent...

M. Morin: II n'en reste pas moins que 55%, c'est tout juste majoritaire. J'imagine que vous avez des objectifs plus élevés que ceux-là, étant donné que la proportion de la population francophone au Québec dépasse quand même 80%. J'imagine aussi que ce pourcentage inférieur à la norme démographique découle probablement du fait que vous ne sollicitez pas les entreprises à vous faire des prêts, vous répondez aux besoins exprimés par les entreprises. Mais je veux attirer...

M. Saint-Pierre: Non, là, je regrette...

M. Morin: Laissez-moi finir ma phrase, vous pourrez...

M. Saint-Pierre: Je n'accepte pas le constat que vous avez fait.

M. Morin: Vous pourrez toujours dire le contraire, laissez-moi finir ma question.

M. Saint-Pierre: Je vais sûrement le faire. M. Morin: Ce que je voulais dire...

M. Saint-Pierre: Avant de poser une question, vous faites une affirmation qui est fausse.

M. Morin: Je m'excuse. Vous aurez tout le loisir de me répondre par la suite. Laissez-moi terminer ma question. Ce que j'allais dire, c'est que le fait que vous soyez souvent obligé d'attendre que les gens viennent vers vous, cela met des limites à votre capacité de transformer la structure industrielle du Québec. Ce n'est pas comme si vous aviez un rôle d'intervenant de votre propre initiative. Vous êtes forcément, en très grande majorité des cas, obligé d'attendre qu'on vous présente des projets et, forcément, j'imagine que les 55% s'explique un peu de cette façon.

M. Saint-Pierre: Je conteste l'affirmation dans laquelle vous dites qu'on est dans une position passive; on attend de recevoir des cas, lorsque les gens nous appellent, on donne un formulaire et on dit: Remplissez ça et venez nous voir. Il me semble d'ailleurs qu'au cours des dernières semaines, je vous ai donné tous les travaux en matière de recherche économique qui sont faits par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Vous vous rappelez toute la série d'études que nous avons dans la bicyclette, la motocyclette, la machinerie, l'appareil scientifique dans les hôpitaux, la table d'opération.

On tente d'identifier des projets et après, la di-

rection de l'industrie du ministère de l'Industrie et du Commerce tente de trouver des partenaires possibles pour ces projets, tente de les implanter.

Lorsqu'un étranger vient ici faire une implantation, que ce soit un Japonais ou un Allemand, on tente de lui trouver un partenaire — on n'est pas passif — d'après nos connaissances du milieu, les possibilités d'expansion. Et le ministère et la SDI jouent un rôle de catalyseur pour tenter d'augmenter le nombre d'entreprises intéressées par l'expansion. Tous les cours que nous donnons pour l'aide à l'exportation, les colloques que nous faisons pour améliorer la gestion des entreprises, tout cela vise à stimuler le désir de croissance chez les entreprises.

On ne reviendra pas à La Fontaine. On peut amener le cheval à la rivière, mais on ne peut pas le forcer à boire. Si telle entreprise ne veut pas construire parce qu'il y a mille et un facteurs qui peuvent l'expliquer, on ne peut pas la forcer dans les règles du jeu qu'on a actuellement. Ni la SDI, ni le ministère ne peuvent forcer une entreprise à investir si elle trouve que ses relations de travail sont épouvantables, qu'elle a de la difficulté à écouler ses produits, que le niveau des taxes est trop élevé par rapport à ses concurrents ou autres.

M. Morin: Ne nous faites pas dire des sottises. C'est évident qu'on ne peut pas forcer quelqu'un à investir s'il ne veut pas investir. Ce n'est pas de cela que je vous parlais.

M. Saint-Pierre: Non, mais vous avez affirmé...

M. Morin: Je vous parlais de prendre l'iniative des investissements. Vous me dites que vous le faites, mais je vous rétorque que la SDI est toujours dans l'attente des projets.

Alors, si vous me dites le contraire, on va éplucher la liste pour voir quels sont tes projets qui sont dus à l'initiative du ministère et quels sont ceux qui viennent spontanément du milieu de l'entreprise. Il ne faut pas jouer sur les mots. A moins que je ne m'abuse et à moins que vous ne me détrompiez, et de façon méthodique, précise, le principe, c'est que la SDI doit attendre que des projets lui soient apportés. Qu'elle les encourage par la suite, que vous cherchiez des partenaires, je le veux bien. M. Labonté, vous pouvez peut-être ajouter quelque chose à cela.

M. Saint-Pierre: La SDI n'a pas, comme telle, une équipe de vendeurs qui fait du porte-à-porte pour dire: On a des subventions à vous donner ou on a des sous à vous prêter. L'action de la SDI repose essentiellement sur les équipes de vendeurs que le ministère a mis sur pied lui-même, en termes de délégués régionaux, de commissaires industriels, de conseillers économiques à l'étranger, de sectoriels au sein de la SGI et de conseillers au sein de la direction générale des services aux entreprises.

Il y a quand même toute une équipe qui repose sur ce que j'appelle le bras financier du ministère, qui est la SDI, et qui amène réellement de l'eau au moulin. La SDI, comme telle, ne sent pas encore le besoin d'avoir une équipe de vendeurs, quand tout ce monde-là lui amène... On a quand même des limites en termes d'effectifs et de budget.

Si je vous disais qu'on a quand même 300 dossiers à l'étude dans le moment et qu'on aura traité quelque 600 dossiers, cette année, ce n'est pas le travail qui nous manque.

Ce que M. le ministre vous disait, c'est que nous avons quand même des secteurs étudiés dans le moment, où nous pensons que l'action de la SDI vient, à un certain moment, dans le cheminement du dossier, intervenir de façon appréciable, de façon à faire démarrer le dossier, de façon à assurer que le dossier se développe.

M. Morin: Souhaiteriez-vous que la SDI, si des moyens idoines étaient mis à sa disposition, puisse prendre l'initiative de certains projets de développement?

M. Saint-Pierre: Prendre l'initiative comme telle, en fait, nous nous en tiendrions aux priorités du ministère. Il y a quand même d'autres organismes qui peuvent, comme la SGF, par exemple, servir à initier un projet de développement, à créer de toute pièce un projet de développement. Je ne pense pas que ce soit le rôle de la SDI de partir, de créer de toutes pièces des entreprises au Québec.

Nous aimerions, dans une orientation future, en tout cas, attaquer un projet au moment où, au moins, le produit est commercialement prêt à être mis en marché et, à partir de ce moment, l'apport de la SDI est réellement un apport financier, au niveau du capital-actions, au niveau du prêt ou au niveau de la subvention.

C'est là que je conteste le problème... Je ne vous en fais pas un reproche, mais, par rapport à l'année 1971 que j'ai vécue avec une autre opposition officielle, souvent nos études de crédits tournent autour de discussions d'articles de journaux qui ont paru il y a six mois, un an, neuf mois et des déclarations de Pierre, Jean, Jacques. Finalement, on ne sait pas ce qu'on a adopté.

Il y a deux ou trois jours, on a adopté l'élément 1 du programme 3. On a quand même adopté $3 160 millions sur la prospection de l'investissement. Les feuilles que je vous ai moi-même données montrent, par exemple, dans le programme de prospection industrielle lancé en novembre 1973, que le ministère a envoyé 8645 lettres, 1480 remises d'études et de dossiers, 370 rencontres d'affaires. Tout cela mène à quelque chose. A un moment donné, lorsqu'on pense qu'on a un client sérieux, un projet qui se tient debout, un partenaire ici, on va avec la SDI et on fait progresser le dossier.

Mais, de nous dire que nous sommes passifs et que nous attendons que les gens viennent frapper à notre porte, nous téléphoner, c'est, une fois de plus, être très injuste avec la réalité.

M. Morin: Nous sommes en train d'étudier le dossier de la SDI. Je veux savoir exactement comment fonctionne la SDI.

M. Saint-Pierre: Je vous demande un effort de mémoire...

M. Morin: Oui, mais...

M. Saint-Pierre: ...de savoir ce qu'on a adopté, il y a deux jours. Quand je vous dis qu'il y a deux jours, au ministère, on a voté $3 millions de dépenses, qu'on a envoyé 9000 lettres, qu'on a eu 500 rencontres d'affaires, et c'est simplement d'un programme. Allez au programme suivant, je vous ai fait part des études qui étaient faites pour définir des projets industriels qu'on pourrait susciter au Québec... C'est rempli de cela dans le programme 3.

M. Morin: Oui, mais nous sommes à l'étude du programme 5.

M. Saint-Pierre: C'est en retard. Ecoutez, si on était séparé, vous nous accuseriez d'être incohérents...

M. Morin: J'ai bien saisi cela. Nous avons approuvé ce programme. Le ministre doit bien admettre que nous l'avons approuvé. Je ne l'ai pas approuvé à l'aveuglette.

M. Saint-Pierre: Dois-je comprendre que vous nous avez...

M. Morin: Je voulais comprendre comment la SDI fonctionne et si elle a l'intention de prendre elle-même l'initiative dans certains dossiers. Je constate qu'elle attend que l'impulsion vienne d'autres services du ministère. J'ai bien interprété ce que M. Labonté m'a dit, je pense.

Au niveau du français et de l'anglais dans l'entreprise, M. Saulnier avait été très catégorique. La SDI, disait-il, fait de l'usage du français à tous les niveaux d'emploi, une condition obligatoire des subventions offertes aux entreprises. Pourriez-vous nous dire comment les choses se sont passées depuis que vous êtes à la direction de la SDI? Est-ce que ce critère de la francophonisation a été appliqué? Quels résultats, à tout le moins préliminaires avez-vous obtenus?

M. Saint-Pierre: Dans chacune des lettres d'offres, en fait, de subventions, de prêts, la SDI recommande fortement l'emploi du français à tous les niveaux de l'entreprise. Il n'est pas question pour nous, et il n'était pas question non plus dans le temps de M. Saulnier, d'en faire une condition à un prêt dans le sens que c'est le genre de choses qu'on ne peut pas vérifier. C'est quand même avant-gardiste au bill 22 jusqu'à un certain point; mais en fait, nous leur laissons savoir dans chacune des lettres d'offres que le français est la langue de travail au Québec, le français est la langue qu'il faut employer à tous les niveaux de l'organisation.

M. Morin: M. le Président, je suis obligé de m'attarder un peu sur cette question, parce que ce que vous venez de dire là, montre que les objectifs définis par M. Saulnier se sont quelque peu transformés. Je vous relis le passage de M. Saulnier...

M. Saint-Pierre: Qu'est-ce que c'est? Pouvez-vous nous le donner encore?

M. Morin: C'était le texte de M. Saulnier reproduit dans Le Devoir, lundi, le 22 septembre 1975.

M. Saint-Pierre: C'est la conférence sur le bill 22?

M. Morin: Dans lequel il a été question du bill 22, mais pas seulement du bill 22, il a été question de la nouvelle politique de la SDI, de la fin de l'ère des subventions, cadeaux, et, enfin, dans le dernier paragraphe, du français et de l'anglais dans l'entreprise. C'était devant les membres du Centre linguistique de l'entreprise de Montréal. M. Saulnier a été tout à fait catégorique. Il semble que l'esprit qui l'animait se soit transformé quelque peu. Il disait, je répète: "La SDI fait de l'usage du français à tous les niveaux d'emploi une condition obligatoire des subventions offertes aux entreprises." Vous me dites, M. Labonté, que maintenant, c'est devenu une recommandation qu on leur fait. Est-ce qu'il y a eu une modification dans votre attitude? Avez-vous le moindre espoir qu'une telle recommandation, qui n'est pas un critère de sélection, puisse être suivie par des entreprises qui, on le sait, ne sont pas toujours très pressées de faire de la place aux francophones. On l'a vu encore lors du colloque qui a eu lieu aux Hautes Etudes Commerciales, il n'y a pas si longtemps.

M. Saint-Pierre: La lettre d'offres, qui est en fait une formule, jusqu'à un certain point, stéréotypée, savoir qu'il y a un certain nombre de paragraphes qui se répètent toujours, n'a pas été changée depuis février 1975 et est encore la même. Entre la causerie de M. Saulnier et la condition sine qua non pour en faire un prêt, il y a peut-être une marge, parce que, dans les lettres qui ont été signées par M. Saulnier, de février 1975 à son départ en août 1975, c'était sous forme de recommandations et non pas sous forme de conditions attachées au déboursement du prêt.

M. Morin: II y a un moment où on a, disons, doré la pilule, peut-être. Pensez-vous que M. Saulnier ait doré la pilule dans son texte? J'en ai l'impression alors, parce que je vous l'ai lu textuellement. Il n'est pas question de faire des recommandations ou de faire confiance à l'entreprise, comme dit souvent le premier ministre. Une condition obligatoire des subventions offertes aux entreprises.

M. Saint-Pierre: Elle le sera automatiquement à partir de l'application du bill 22.

M. Morin: Ah!...

M. Saint-Pierre: M. le Président...

M. Morin: ... c'est une autre affaire. Expliquez-moi comment vous aller...

M. Saint-Pierre: ... évidemment...

M. Morin: ... procéder pour vous assurer que ce soit une condition obligatoire.

M. Saint-Pierre: J'aimerais bien, si le chef de l'Opposition veut à l'avance mettre en opposition M. Labonté et M. Saulnier, qu'il nous donne au moins une heure d'avis. On va faire venir M. Saulnier ici. Evidemment, je me sens mal à l'aise de tenter d'assister à un débat qui implique quelqu'un qui n'est pas présent ici.

Je profite de l'occasion, parce que je pense que M. Labonté est dans une position délicate, pour reprocher un peu un manque de rigueur aux partis de l'Opposition et également à certains membres des media d'information vis-à-vis... à la fois, à l'occasion, ce sont des institutions et, d'autres fois, ce sont des hommes, où on semble véhiculer constamment une espèce de préjugé favorable ou défavorable qui n'est pas appuyé par les faits. Je voyais, encore récemment, un rapport de presse de la SDI dans lequel, mentionnant le nombre d'offres aux entreprises, un journal, qui n'a pas été publié aujourd'hui, mais qui publie, à l'occasion, des nouvelles erronées, mentionnait que le beau temps de M. Saulnier était disparu parce qu'on avait accordé une aide à je ne sais quelle entreprise avec un nom anglo-saxon. Cela m'apparaît extrêmement injuste de faire ceci parce qu'on recule dans le temps, quand M. Saulnier était président, il y avait, bien sûr, des entreprises qui pouvaient avoir un nom anglo-saxon et qui ont également eu de l'aide.

Je pense qu'il ne faut voir aucune modification de la politique, de l'élan, de l'esprit qui l'ont animé; il ne faut pas tenter de faire des divisions entre M. Saulnier et M. Labonté et tenter de les mettre en contradiction, parce qu'on ne fera jamais de division entre ces deux hommes et moi-même. Je ne sais pas quel intérêt on sert. Ce que j'en suis, c'est qu'il faut se rappeler que. lorsque M. Saulnier était président-directeur général de la SDI, M. Labonté siégeait au conseil d'administration. Aujourd'hui que M. Labonté est président-directeur général, M. Saulnier siège au conseil d'administration et, à ma connaissance, sur les politiques générales et sur les cas d'espèces, il n'y a aucune mesure de divergence entre les cas donnés.

Rétablissons maintenant le point que vous voulez soulever. Je pense que, ratifiée par le gouvernement... Il faut bien voir... Il n'y a pas une politique de M. Saulnier comme telle. Il y a des institutions paragouvernementales qui soumettent au gouvernement des éléments de politiques qui sont ratifiés par des arrêtés en conseil, parce que les règlements de la SDI sont quand même ratifiés par arrêté en conseil; donc, éléments de politiques du gouvernement. Il y a déjà quelques années, pour tenter d'augmenter les effets secondaires, c'est-à-dire tenter que, par le biais de la SDI, on ne change pas uniquement la structure industrielle, mais que ça nous permette de maximiser les retombées, on avait accepté un règlement qui, essentiellement, sur l'article 2 a, tentait de quantifier en termes de pointage la nature de l'aide qui pouvait être consentie, comment généreux on pouvait être, et certains des facteurs qui étaient mentionnés — je vous les donne ici — étaient divisés en trois: les effets d'entraînement structurel, ce qui touchait à la fois l'achat de matières premières et de produits fabriqués au Québec, l'achat de machines ou outillages fabriqués au Québec et les pourcentages de dépenses, de recherche et de développement au Québec par rapport aux ventes, où un total maximum de quinze points est accordé.

Un deuxième groupe de facteurs était l'effet sur la participation des Québécois francophones à l'activité économique, et on avait là, deux sous-groupes: Le pourcentage des Québécois francophones parmi le personnel de cadre et, le pourcentage des Québécois francophones au conseil d'administration, on accordait cinq points pour ceci, et, finalement, un effet sur les autres secteurs d'activité, c'est-à-dire des effets d'entraînement qui étaient divisés en trois: Les travaux de génie confiés à des firmes contrôlées par des citoyens canadiens domiciliés au Québec; des travaux de construction confiés à des firmes contrôlées par des citoyens canadiens domiciliés au Québec et des primes d'assurance payées dans une proportion supérieure à 50% à des firmes dont le siège social opérationnel est au Québec.

Ces trois derniers critères méritaient quatre points pour un total de 24 points.

Comment se qualifiait chaque projet individuel vis-à-vis de ces critères et déterminait l'ampleur des sommes qu'on accordait. Je tiens à dire au chef de l'Opposition que cette méthodologie existait avant M. Saulnier et existe après M. Saulnier. Dans des cas particuliers, elle a donné lieu à une série de jugements qui — entre avant M. Saulnier et après M. Saulnier — n'ont pas changé.

M. Morin: M. le Président, je tiens à rassurer le ministre et le président de la SDI. Nous ne tentons nullement de mettre les présidents en contradiction. Ce n'est pas du tout le but de mes questions, c'est de m'assurer qu'un certain nombre d'objectifs définis à l'époque de M. Saulnier demeurent actuellement, des objectifs à la société.

Le ministre parle d'un manque de rigueur. Je me demandais justement qui manque de rigueur et je veux m'en assurer. Je veux savoir ce que vous avez l'intention de faire pour corriger, par la suite, les lacunes, s'il y en avait, et j'ai lu un extrait de la conférence de M. Saulnier — cela ne fait pas tout à fait un an qu'il a dit cela — et je ne peux faire autrement que de vous citer ce fait qu'il parle d'une condition obligatoire des subventions offertes aux entreprises. Je voulais m'assurer de ce que cela signifiait exactement.

Vous me dites que c'est une simple recommandation. Je suis obligé de constater qu'il y a effectivement, quelque part, un manque de rigueur dans l'emploi du vocabulaire et je ne sais pas qui en est responsable.

M. Labonté nous dit qu'avec l'application de la loi 22, cela va changer. J'aimerais qu'il nous explique de quelle façon, et j'aimerais aussi qu'il nous donne une idée des résultats déjà obtenus à la suite du processus de recommandations que vous faites aux entreprises lorsque vous leur accordez un prêt ou une subvention.

Etes-vous en mesure de mesurer l'impact que vous avez eu sur le plan linguistique? Si vous me dites: Je ne sais pas. peut-être que cela a aidé, peut-être que cela n'a pas aidé, on n'a pas de statistiques, on n'a pas de résultats sur la participation des francophones à la gestion des entreprises, je serai obligé de conclure qu'on manque encore plus de rigueur.

M. Saint-Pierre: Quand vous me parlez de la participation des francophones au sein de l'entreprise, il s'agit de conditions quantifiables, en fait, et que nous posons à l'entreprise dans la lettre d'offres. C'est-à-dire que lorsque nous lui disons que 50% des cadres devront être de langue française, en fait, on obtient un certificat de l'auditeur de l'entreprise et une liste des employés avant d'accorder la subvention.

Quand vous me demandez si le français est employé couramment dans l'entreprise, ce n'est pas le genre d'enquêtes que nous avons faites jusqu'à maintenant. Comme je vous le dis, sur cette recommandation, nous n'avons pas, à ce moment-ci, à la SDI, les moyens de contrôler, d'aller nous promener dans l'entreprise pour savoir si réellement on parle français à tous les niveaux d'activité de cette entreprise.

Quand il s'agit de primes d'assurance, je peux vous dire, en fait, que presque toutes les sociétés d'assurance dont le siège social est en dehors du Québec et qui ont perdu des contrats d'assurance, à des entreprises dont le siège social et opérationnel est au Québec, nous avons eu des réactions à partir de Toronto, des Etats-Unis, où les associations d'assureurs et les fédérations de compagnies d'assurance ont fait des représentations pour nous dire: Vous allez un peu trop loin dans votre intégration. Mais cela n'a quand même pas arrêté notre mouvement et, dans les dernières lettres d'offres qui ont été publiées cette semaine, nous remettons ces mêmes conditions. Nous établissons de façon très réaliste le niveau de primes d'assurance qui peuvent être payées au Québec et nous avons déjà vu, en termes de retombées économiques, plusieurs millions de dollars de primes qui sont passés à des entreprises québécoises dans le courant de l'année 1975/76 et qui continuent à être déplacés aux mêmes conditions, en fait de qualité, de service, de conditions de paiement, parce que les entreprises québécoises, dans le domaine de l'assurance, surtout de l'assurance-vie et de l'assurance-maladie, sont très capables de concurrencer les entreprises d'autres provinces ou de l'étranger.

Dans le domaine de l'assurance générale, de l'assurance-feu et responsabilité, on a un peu plus de difficulté parce que le marché est assez restreint au Québec et il est difficile de réassurer au Québec de grosses primes d'assurance, de gros- ses polices d'assurance dans le domaine de la responsabilité.

Au niveau des francophones, pour les sociétés étrangères qui s'établissent au Québec, nous travaillons avec elles au recrutement des francophones. Nous leur apportons de l'aide, au niveau des cadres et au niveau de la main-d'oeuvre locale. A ce moment-là, nous sommes réellement un stimulant et, jusqu'à un certain point, un catalyseur pour assurer que les compagnies étrangères qui s'établissent au Québec deviennent réellement des compagnies québécoises francophones, de bons citoyens corporatifs.

M. Morin: Depuis combien de temps avez-vous mis dans vos lettres d'intention ce critère que la moitié des cadres d'une société doivent être francophones?

M. Saint-Pierre: Dans certains cas, c'est même 70% ou 75%. Cela existe à la SDI depuis déjà 18 bons mois. Nous continuons à !e mettre. Dans certains cas, la compagnie existe déjà au Québec, a un programme d'expansion. Bien entendu, nous ne pouvons pas la forcer en 24 heures ou en 48 heures à déplacer un certain nombre de cadres qui ne seraient pas francophones pour les remplacer par des francophones, mais nous mettons l'objectif à la deuxième ou à la troisième année. Même à des compagnies existantes dont la plupart des cadres sont anglophones, on impose cet objectif, mais on leur donne cela comme l'objectif de troisième année pour obtenir la troisième tranche de la subvention.

M. Morin: Est-ce que vous êtes en mesure de la sorte d'établir une sorte de progression dans la francisation des cadres des entreprises? Avez-vous des chiffres, des résultats dont vous puissiez faire état déjà?

M. Saint-Pierre: Pas à ce stade encore, parce qu'en fait c'est une chose qui existe au maximum depuis un an et demi en fait et dont les objectifs seront atteints peut-être la deuxième ou la troisième année d'opération de l'entreprise. Je n'ai pas de statistique comme telle vous disant: C'est vrai qu'elles ont 50% aujourd'hui. Dans les cas où les compagnies sont déjà existantes, on constate au départ qu'il y a 50% des cadres qui sont déjà francophones et on leur met l'objectif à 75% pour la troisième année d'opération. Et, en troisième année d'opération, avant de débourser la subvention, on vérifiera, on fera le contrôle. Mais c'est prématuré, après un an et demi d'animation d'un programme, de demander le résultat tout de suite, ou l'impact que cela a eu.

M. Morin: A ce moment-là, est-ce que c'est vraiment une exigence? C'est plus qu'une recommandation dans ce cas-là?

M. Saint-Pierre: C'est un objectif qu'on fixe avec la société et c'est une condition au déboursé de la subvention au moment où la subvention sera à débourser. C'est réellement une condition. Si

elle n'a pas atteint ce niveau, on réduit la subvention, soit proportionnellement, soit au point de la faire disparaître totalement pour cette année où cette condition...

M. Morin: Est-ce que cela s'est déjà produit dans les faits?

M. Saint-Pierre: Oui. Cela s'est produit. Pas dans le cas de cadres francophones comme tels, mais cela s'est produit dans le cas de deux entreprises, à ma connaissance, où nous avons réduit la subvention. Dans un cas, ce fut des trois-quarts et, dans l'autre cas, ce fut de la moitié, parce que les composantes et les machineries pouvaient être disponibles au Québec au même prix et à la même qualité et la compagnie a préféré acheter d'ailleurs. A ce moment-là, nous avons réduit la subvention de 75% en proportion.

M. Morin: Est-ce que cela s'est produit pour des motifs linguistiques?

M. Saint-Pierre: Pas encore, comme je vous le dis. Non. On n'en n'est pas à l'étape de contrôle encore dans le domaine des subventions.

M. Morin: Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que, dans la liste des aides financières consenties en 1975/76, il ne se trouve pas de sociétés qui n'aient soit déjà atteint le seuil de 50% auquel vous vous êtes référé ou qui ne soient en route pour l'obtenir?

M. Saint-Pierre: Les sociétés ne sont pas tenues de nous faire des rapports d'étapes, si vous voulez, à savoir si elles arrivent au 50% qu'on leur a demandé, le rapport se ferait au moment du déboursement de la subvention, au moment où l'objectif leur était donné et je peux vous dire que, dans le cas de certaines sociétés étrangères, tous les cadres employés au Québec, jusqu'à maintenant, sont des francophones. Elles ont dépassé l'objectif qu'on leur avait donné même avant qu'on le leur demande, jusqu'à un certain point.

Mais elles ne sont pas tenues de me le dévoiler tant et aussi longtemps que je n'aurai pas besoin du certificat pour faire le déboursé. Mais, comme je vous dis, nous travaillons avec elles au recrutement des cadres et nous les aidons à recruter des cadres par les moyens du bord.

M. Morin: Quand vous dites cadres francophones, voulez-vous dire cadres francophones d'origine québécoise ou des étrangers qui parleraient le français?

M. Saint-Pierre: On ne peut pas faire de racisme.

M. Morin: Ce n'est pas une question de racisme, la francophonisation n'est pas une question de racisme; il s'agit de savoir si vraiment ça aide les Québécois, oui ou non, c'est tout.

M. Saint-Pierre: Non...

Vous me demandez une définition de francophone et je ne voudrais pas me mêler à ça.

M. Morin: Je vais vous la poser de façon plus précise. Quand vous tentez de vous assurer que les objectifs de la loi sont réalisés, qu'on vous communique une liste de cadres, est-ce que vous avez le souci qu'il y ait là des Québécois ou bien si vous acceptez comme francophones des personnes qui parlent français tout simplement, mais qui peuvent être d'origine américaine ou même simplement des cadres américains qui sont en rotation au Québec?

M. Saint-Pierre: Non, en fait, dans une des définitions, il y a deux ans, de francophone, au sein des directives de la SDI, on le donnait comme citoyen canadien résidant au Québec et qui parle habituellement le français.

M. Morin: Cela répond à ma question.

M. Saint-Pierre: Mais ce n'est pas une définition que je voudrais être celle du bill 22 ou du gouvernement du Québec; c'est celle que la SDI s'est donnée, de façon...

M. Morin: C'est ce que je voulais savoir. Ce n'est pas, comme le ministre l'a insinué tout à l'heure, une question de racisme ou alors vous feriez du racisme en ce moment. Il faut faire attention aux mots qu'on utilise, M. le ministre.

M. Saint-Pierre: Quelle est votre définition de francophone? Vous avez...

M. Morin: Elle correspond assez bien à celle que la SDI essaie de mettre en oeuvre, à ce que je vois. C'est pour ça que je suis satisfait de cette réponse.

M. Marchand: M. le Président, je me demande, à ce moment-ci, en écoutant les questions du chef de l'Opposition, s'il considère qu'un francophone qui n'est pas de descendance française n'est pas un Québécois.

Est-ce qu'il veut dire qu'un Italien qui parle parfaitement le français et même ne parle pas italien n'est pas un francophone?

M. Morin: Je vois que le député n'a pas suivi le débat.

M. Marchand: Je l'ai très bien suivi.

M. Morin: Parce que, s'il l'avait suivi, il aurait compris ce qu'est un francophone.

M. Marchand: Je l'ai très bien suivi et vous n'osez pas répondre à ma question. Mais vous avez dit assez clairement qu'un Québécois qui n'est pas d'origine française et qui est un francophone n'est pas un Québécois.

M. Morin: Je n'ai jamais dit ça...

M. Marchand: C'est ce que j'ai compris dans ce que vous avez dit.

M. Morin: ... et je ne me donnerai même pas la peine d'y répondre.

M. Marchand: Répondez à ma question. Si elle vous embête, vous n'êtes pas obligé d'y répondre, mais c'est ce que vous avez quand même affirmé.

M. Morin: M. le Président, le député relira les débats et il trouvera la réponse à sa question.

J'étais en train de m'entretenir avec M. La-bonté et j'ai encore une ou deux questions à lui poser sur les orientations générales. Avez-vous reçu maintenant les renseignements sur la participation de la SDI au capital-actions?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Nous pourrions peut-être nous pencher là-dessus.

M. Saint-Pierre: On va faire tirer des copies' M. le Président.

M. Morin: Oui, ce serait utile que j'aie une copie devant moi pour qu'on puisse...

M. Saint-Pierre: Cinq copies ou six copies.

Aide à l'exportation

M. Morin: M. le Président, je voudrais maintenant jeter un coup d'oeil sur les programmes d'aide à l'exportation de la SDI. Est-ce que je pourrais vous demander d'abord quel est le montant des engagements pour 1975/76?

M. Saint-Pierre: A ma gauche se trouve le président M. Revenko, de la SDI, qui est particulièrement responsable du dossier des programmes d'exportation.

Les engagements de l'année, entre le 1er avril 1975 et le 31 mars 1976 sont de l'ordre de $2 621 800.

M. Morin: $2 600 000?

M. Saint-Pierre: $2 621 800.

M. Morin: Bien. Est-ce qu'il serait possible de comparer ce montant avec les prévisions que vous aviez? Je pense en particulier à vos directives.

M. Saint-Pierre: En fait, il n'y avait jamais eu de prévisions comme telles. On avait simplement indiqué dans un rapport interne que...

M. Morin: C'est à cela que je fais allusion.

M. Saint-Pierre: C'est impossible. C'est un peu comme votre question de ce matin. Combien de poissons obtient-on quand on va à la pêche?

M. Morin: Pardon.

M. Saint-Pierre: Dans le domaine des exportations, M. le Président...

M. Morin: Vous voulez nous amener vraiment à la pêche cette fois-ci. Vous aviez, d'après un mémoire interne, des prévisions ou des objectifs — je ne sais trop comment on doit les qualifier exactement — de l'ordre de $50 millions au cours des deux ou trois premières années. C'est pour cela que je vous pose la question. Il semble qu'on soit assez loin du compte.

M. Saint-Pierre: Ce chiffre avait été cité à la suite d'une visite d'étude qu'on avait faite auprès de l'Ontario Development Corporation. A ce moment-là, on ne savait pas exactement, à la SDI, quelle forme l'aide à l'exportation allait prendre. On se disait que, globalement, si on appliquait exactement la même façon de travailler que le faisait l'Ontario Development Corporation, il se pourrait que l'aide puisse atteindre $50 millions dans les trois prochaines années.

Mais c'était une estimation qui avait été faite d'une façon globale. A ce moment-là, on ne savait pas quel genre de programme on allait appliquer dans l'aide à l'exportation.

M. Morin: Oui. Effectivement, vous vous étiez fondés sur des chiffres qui avaient cours à l'Ontario Development Corporation?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Et dans ce mémoire interne, on nous disait que vous pouviez estimer à $50 millions environ la somme totale que la SDI pourrait avoir à débourser pour son nouveau programme — il s'agit toujours de l'aide à l'exportation — au cours d'une période de deux à trois ans, en dollars de 1974.

Au cours des années qui ont suivi ce mémoire, est-ce que vous pourriez— ce sont les directives de 1974— nous dire quel a été la montant total des engagements de 1974 à 1976?

M. Saint-Pierre: En fait, en 1974/75, il n'y a eu qu'un dossier; le projet d'aide à l'exportation a démarré en fin d'année. Il y a eu treize dossiers en 1975/76, pour le montant total de $2 millions. C'est ce que je vous ai donné tantôt.

M. Morin: Nous sommes loin du compte. Comptez-vous activer ce secteur au cours des mois, des années qui viennent? Ce n'était pas une si mauvaise méthode de vous inspirer de ce qui se passait à l'Ontario Development Corporation. Cela vous donnait au moins un ordre de grandeur. Il semble qu'avec $2 621 000 on soit bien loin de ce qu'on avait prévu, en tout cas.

M. Saint-Pierre: Ce que faisait l'Ontario Development Corporation, c'était d'offrir des prêts à court terme, aux entreprises qui exportent, à un

taux d'intérêt qui avait alors été fixé à 6 1/2%. Le taux d'intérêt n'avait pas varié lorsque l'intérêt des banques a augmenté graduellement.

L'Ontario Development Corporation est restée à 6 1/2% et offrait des prêts directs pour financer les exportations. Nous, à la SDI, nous nous sommes dit: Pourquoi faire double emploi avec les fonds que les banques peuvent offrir aux exportateurs québécois? Et on s'est dit: Plutôt que de faire directement des crédits que les banques sont prêtes à offrir, ce qu'on pourrait proposer, c'est d'offrir des prises en charge, sur les crédits que font les banques.

Mais l'Ontario fait directement les prêts, si bien que ses chiffres sont beaucoup plus élevés.

M. Morin: Je comprends, oui.

M. Saint-Pierre: Mais l'effet pour l'entreprise est le même. Cela ne change absolument rien, puisque nous disons: Nous allons réduire le taux d'intérêt aux entreprises, à certaines conditions.

M. Morin: Oui. Etes-vous en mesure alors de nous dire le montant des prêts qui auraient été consentis par des organismes privés, pour des fins d'exportation, où vous auriez pris en charge une partie de l'intérêt?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Vous pourriez établir cela?

M. Saint-Pierre: On pourrait...

M. Morin: Je ne veux pas vous bousculer, parce que...

M. Saint-Pierre: On peut l'additionner en fait, il y a treize dossiers.

M. Morin: Bien. S'agit-il parmi ces treize dossiers dont vous me parlez, M. le Président de la SDI, de petites et moyennes entreprises? Parce que, si je me réfère à votre mémoire interne, qui avait été rendu public en 1974, à la fin de 1974, je constate qu'on donnait la priorité aux PME, pour ce qui est toujours de l'aide à l'exportation. Pouvez-vous nous dire si, effectivement, les bénéficiaires ont été de petites et moyennes entreprises?

M. Saint-Pierre: Toutes, en fait, les treize dossiers, petites et moyennes... Je peux vous citer les chiffres d'objectifs d'exportation qui leurs sont fixés. Cela vous donne une idée, en fait, quand même.

M. Morin: J'aimerais beaucoup que vous le fassiez.

M. Saint-Pierre: Dans le premier cas, on parle de... On parle toujours d'augmenter les exportations d'une entreprise d'un point, d'un niveau zéro, pour nous, en fait, ce qui peut être les exportations de 1975, par exemple. C'est notre niveau zéro. On parle de les augmenter, on leur donne les objectifs d'augmentation tous les ans.

Dans le premier dossier, les exportations actuelles étaient de $1,8 million. Je peux vous donner des noms, si vous voulez, ce sont des subventions. C'est Atlas Hoist and Body Inc., à Montréal. Les exportations, en 1974, étaient de $1,8 million, notre niveau zéro. On lui met comme objectif $5 millions, en 1979. On prend à notre charge une partie du coût des montants d'argent, pendant les cinq années, selon qu'ils atteignent 12%, c'est-à-dire le taux d'inflation, plus 12%. Le deuxième, B et R Choinière Ltée, en fait, les exportations passeraient de $450 000, en 1975, à $1 180 000 en 1980. Le troisième, Cimon Ltée, pour l'exportation, $275 000 en 1975, à $780 000 en 1980. Ces objectifs sont toujours fixés conjointement avec l'entreprise, de façon assez réaliste. La Confiserie Comète Ltée, à Saint-Hyacinthe, exportation de $4 millions en 1974/75, à $11 millions en 1980; Institut de Bio-Endocrinologie Inc., exportation de $600 000 en 1975, à $1,6 million en 1981; Mulco Inc., $500 000 en 1975, à $1 265 000 en 1980; Produits Aqua-Sport Canada Ltée, $70 000 en 1975, $400 000 en 1980; Rapidpac Inc., malheureusement, en fait, je ne peux pas vous donner les chiffres; l'entreprise a fait faillite entre le moment où on a accordé la prise en charge et... Cette entreprise a dû fermer ses portes. Safeway (Québec) Inc., c'est un dossier précis d'une exportation, un contrat de $6,5 millions, en Algérie. Il s'agit, à ce moment, non pas d'une prise en charge, mais d'une garantie d'un emprunt fait par Safeway à la banque, de l'ordre de $900 000. Tobago Meubles Ltée, à Sainte-Thérèse, exportation de $3,5 millions en 1975, à $9 millions en 1980; Techmire Ltée, à Montréal, $286 000 en 1975, $722 000 en 1980; Xception Design, à Laval, réalise l'exportation, de $970 000 en 1981, à partir de Zéro. Ce sont les treize cas, entre moyennes entreprises et petites entreprises, très petites.

Total des prêts que la SDI aurait pu faire, la question que vous avez posée tantôt: $3 565 000.

M. Morin: En plus des $2 621 000 dont vous nous avez entretenu?

M. Saint-Pierre: Qui sont déjà les engagements, exactement, pour un total de $6 millions.

M. Morin: De sorte que cela représente à peu près $6 millions?

M. Saint-Pierre: $6 millions et quelques centaines de mille, oui.

M. Morin: Bon. J'aimerais examiner avec vous, brièvement, la complémentarité de ce que vous faites, toujours dans le domaine de l'aide à l'exportation, avec l'aide fédérale.

Vous savez qu'on s'est beaucoup plaint dans l'entreprise qu'Ottawa néglige de financer les petits exportateurs. C'est une complainte qu'on entend assez souvent et à laquelle les journaux font

écho à l'occasion, notamment la Presse du 14 juin 1975, sous la signature de M. Desjardins. Il signalait ceci: "Le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la Société pour l'expansion des exportations, met l'accent essentiellement sur le fonctionnement à long terme, c'est-à-dire plus de cinq ans, qui ne représente que 1% du financement des exportations canadiennes. Une telle politique ne favorise en fin de compte que les grandes entreprises qui s'engagent dans de vastes projets." Il donnait des chiffres: "Ainsi, parmi les 44 accords de financement d'une valeur totale de $502 millions signés l'an dernier par la SEE, les entreprises les plus avantagées sont: Douglas Aircraft, de Ha-villand; MLW-Worthington dont nous avons parlé ces jours-ci; Davie Shipbuilding; Hawker Siddeley" et ainsi de suite. Cela revient d'année en année comme une complainte, que la petite entreprise n'y trouve pas son compte. Est-ce que vous avez ce souci de compléter l'absence, j'allais dire l'aide fédérale, mais c'est plutôt l'absence d'aide fédérale?

M. Saint-Pierre: C'est justement ce qui a amené la création, en fait, de ce programme. Jusqu'au moment où nous avons étudié la possibilité d'ajouter aux programmes de la SDI un programme d'aide à l'exportation, la SEE, la Société pour l'expansion des exportations du gouvernement fédéral, n'intervenait pas dans des dossiers de moins de $1 million ou dans des commandes ou des ventes de moins de $1 million. A ce moment, bien entendu, il n'y avait aucune aide disponible pour les petites et les moyennes entreprises, qu'elles soient du Québec ou d'ailleurs au Canada. Notre souci, à ce moment, a été plutôt, en fait, d'aider financièrement lés entreprises qui avaient des commandes quand même intéressantes au Québec, mais de $0 à $1 million, parce que, dans les cas où la vente est plus de $1 million, nous pouvons aussi intervenir de façon complémentaire au programme fédéral. Nous exigeons, à ce moment, d'une manière ou d'une autre, la garantie de paiement de la Société de l'expansion des exportations qui est additionnelle, en fait, à ce que la SDI exige déjà. Dans un des treize cas que je vous ai cités, qui est la garantie d'un prêt à une compagnie qui s'appelle Safeway, bien entendu, nous avons exigé de la SEE, en fait, une garantie de paiement de la part de l'Algérie avant de donner une garantie sur prêt fait à la banque. C'est complémentaire à ce point. Nous sommes en très bonne communication avec les gens de la SEE. Il faut vous dire que, depuis ce moment, c'est peut-être qu'elle a senti un peu de pression, mais elle accepte des dossiers de moins de $1 million.

M. Morin: La SEE?

M. Saint-Pierre: Oui. Elle a changé un peu sa politique interne quand même à ce sujet. On n'a pas de directive écrite comme telle, mais certains de nos clients nous ont fait savoir que la SEE acceptait maintenant des dossiers de plus petite envergure, en tout cas.

M. Morin: De sorte qu'il s'établit une certaine concurrence, pour ne pas parler de "subvention shopping."

M. Saint-Pierre: Jamais de "slacking" et jamais de concurrence, M. Morin, s'il vous plaît. Nous travaillons de façon très complémentaire à tous les programmes.

M. Morin: Oui, mais ces clients qui ont attiré votre attention sur le fait qu'il y a des subventions disponibles au niveau fédéral pour les cas de moins de $1 million, est-ce que c'était pour vous faire sentir qu'au fond, ils ont peut-être moins besoin de vous?

M. Saint-Pierre: Pas nécessairement, parce que notre prise en charge est un instrument que la Société de l'expansion des exportations ne possède pas.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: La Société de l'expansion garantit le paiement. Nous, il s'agit d'une prise en charge qui est réellement une incitation, un stimulant à l'exportation à ce moment et qui est reçu dans les années qui viennent, en fait, selon les objectifs qu'on fixe avec l'entreprise.

M. Morin: Avez-vous des rapports assez étroits avec la SEE, avec les services de la SEE sur certains dossiers pour vous assurer que... J'imagine qu'il y a des gens qui présentent leurs dossiers aux deux endroits.

M. Saint-Pierre: Certainement. On leur suggère même de le présenter au même moment aux deux endroits pour éviter des délais.

M. Morin: Donc, il y a une certaine coopération entre les deux services.

M. Saint-Pierre: Oui, c'est la même chose avec le ministère de l'Expansion économique.

M. Morin: Oui, j'imagine. Donc, il n'y a pas de confidentialité des dossiers entre les deux organismes?

M. Saint-Pierre: C'est-à-dire que les dossiers sont aussi confidentiels à la SEE qu'ils le sont à la SDI. C'est l'entreprise qui décide de les présenter aux deux endroits. On ne se passera pas le dossier de la SEE à SDI ou l'inverse. Cela ne se fait pas au MEER non plus. L'entreprise nous donne théoriquement les mêmes informations. Dans certains cas, nous attendons, bien entendu, la décision de la SEE, non pas pour calculer les générosités de notre prise en charge, mais pour s'assurer, en fait, que l'entreprise réussira son marché à l'exportation.

M. Morin: Mais est-ce que vous avez quand même des contacts directs avec la SEE...

M. Saint-Pierre: Certainement...

M. Morin: ... pour vous entretenir...

M. Saint-Pierre: ... des visites entre M. Re-venko et moi à Ottawa et à l'inverse.

M. Morin: Pour discuter de certains projets...

M. Saint-Pierre: Certainement.

M. Morin: ... pour vous assurer de leur sérieux et ainsi de suite?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Donc, les dossiers peuvent peut-être être strictement confidentiels, mais vous pouvez tout de même vous en parler...

M. Saint-Pierre: Certainement.

M. Morin: ... et vous le faites.

M. Saint-Pierre: Oui, avec plaisir!

M. Morin: Bon! Il me reste simplement une chose à souhaiter, c'est que les $6 millions dont il a été question, si on fait le total de vos engagements directs et des engagements de prise en charge que vous avez assumés pour l'année 1975/76, soient un départ et seulement un départ, parce que je suis obligé de constater avec vous que par rapport aux prévisions, aux objectifs, en tout cas, que vous vous étiez fixés de $50 millions, nous ne sommes pas prêts du compte encore.

Puis-je demander au président de la SDI de nous dire si, dans le conseil d'administration de la SDI, on s'est fixé des objectifs plus modestes, mais précis, pour les deux ou trois années qui viennent au chapitre de l'aide à l'exportation?

M. Saint-Pierre: On a déjà donné officiellement au Conseil du trésor, une orientation de l'expansion du programme d'aide à l'exportation. Bien entendu, les budgets qui nous seront alloués pourront jusqu'à un certain point décider de l'expansion plus ou moins rapide de notre programme. Il est bien entendu que nous espérons voir cette année des prêts de l'ordre de $10 millions être accordés à des entreprises québécoises à l'exportation, à cause de l'aide qui est accordée par la SDI au niveau des prises en charge. Nous avons même fait des projections qui couvrent trois ans et qui nous amènent en 1977/78, à $13 millions, en termes de besoins pour la SDI pour des prises en charge et du crédit à court terme ou à moyen terme, et aussi, en ce qui nous amène à 1978-/79, à $22 millions et à $30 millions en 1979/80, prévisions ou extrapolations que nous considérons quand même réalistes. Nous sommes en train de raffiner l'instrument de travail. Nous nous apercevons que le domaine international du commerce est un domaine quand même compliqué, et nous y travaillons. Nos gens — l'équipe compte quatre personnes — reçoivent un nombre de dossiers assez intéressant pour les tenir occupés. Nous publierons dans la semaine qui s'en vient, un petit feuillet qui décrit justement les programmes d'aide à l'exportation. J'en ai la maquette ici, et à ce moment, notre publicité nous apportera des clients additionnels, malgré qu'il y a déjà de la matière pour nous tenir occupés très sérieusement.

M. Morin: M. Labonté...

M. Saint-Pierre: Nous rejetons un certain nombre de dossiers aussi.

M. Morin: ... je ne vous demanderai certainement pas de déposer la maquette, puisque...

M. Saint-Pierre: Je ne peux pas.

M. Morin: ... je m'imagine que c'est un projet, mais...

M. Saint-Pierre: Mais je l'ai quand même.

M. Morin: ... vous feriez-vous un devoir de me l'envoyer quand elle paraîtra?

M. Saint-Pierre: Avec plaisir! M. Morin: Bien!

M. Saint-Pierre: Excusez-moi! Elle est déjà ici: Aide à l'exportation. Il y a encore des corrections à y apporter.

M. Morin: Bon! Puisque ce n'est pas définitif, je ne vous demanderai pas de la déposer, mais j'aimerais beaucoup la recevoir éventuellement.

Le Président (M. Brisson ): Autres questions? M. Morin: Oui, j'ai d'autres questions.

M. Saint-Pierre: Sans être malin, on pensait peut-être que Le Jour aurait voulu se présenter pour de l'aide à l'exportation.

M. Morin: Ce n'est pas le même type de problème, M. le Président. Non. D'après ce qui se passe devant le Conseil de presse, j'ai l'impression que c'est un problème de toute autre envergure.

M. Lachance: Cela ne changera rien.

M. Morin: M. le Président, je ne voudrais pas que le débat porte là-dessus, parce que je sais qu'il y a beaucoup de monde autour de cette table qui se réjouirait de la disparition du Jour, d'un journal, parmi d'autres, d'un instrument démocratique, d'information démocratique.

Je sais que ça ferait l'affaire de beaucoup de monde.

M. Marchand: Est-ce qu'il existe encore?

M. Morin: Je suis sûr que le ministre se joint à moi...

M. Lachance: C'est de la propagande.

M. Morin: ... pour souhaiter que nous n'en venions pas à une telle extrémité.

M. Marchand: Avec Michaud, il ne peut pas aller loin.

M. Lachance: C'est un journal de propagande.

M. Morin: Devant l'appui unanime de la commission pour Le Jour, M. le Président, nous allons passer à autre chose.

M. Saint-Pierre: M. le Président, j'avais des points à ajouter. Avez-vous d'autres points pour M. Labonté?

M. Morin: Oui, j'ai d'autres points sur la SDI. Il y avait d'abord les entreprises dans lesquelles la SDI a pris une partie du capital-actions.

M. Saint-Pierre: On vient de vous remettre la copie.

M. Morin: Bon! Je ne l'ai pas vue. J'aurais aimé l'examiner avant que nous revenions. Est-ce que M. Labonté pourrait être des nôtres ce soir?

M. Saint-Pierre: Avec plaisir.

M. Morin: Je ne sais pas si on peut terminer...

M. Saint-Pierre: Si vous insistez. Je vais vous donner d'autres documents. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, dans le dossier de la Johns-Manville et de Cobra...

M. Morin: Oui, vous m'avez communiqué une lettre que je n'ai pas encore eu le temps de lire.

M. Saint-Pierre: Oui, c'est simplement. Je vous laisse cela... C'est parce que la liste que nous avons donnée touche des... Le titre est: Liste alphabétique des aides financières consenties en 1975/76.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Sous les articles 9-23...

M. Morin: A quelle page?

M. Saint-Pierre: A Cobra, sous la lettre c.

M. Morin: Ah oui!

M. Saint-Pierre: A la page 4...

M. Morin: A la troisième page.

M. Saint-Pierre: Cela touchait, bien sûr, le projet de garnitures de freins en amiante qui avait été reçu le 29 avril 1975 et qui impliquait $547 000 d'achat de machines... Je confirme que la compagnie, non seulement refuse l'aide, mais peut-être serait-il plus juste de dire que la compagnie a décidé de procéder à la location d'équipement et que, comme la loi parle d'investissements, elle devenait alors inadmissible et que le montant n'a pas été versé.

La lettre que je dépose fait état d'un autre projet de la Johns-Manville qu'on ne retrouve pas ici, puisque l'aide n'a pas été acheminée mais avait été recommandé par le conseil d'administration de ia SDI; il touchait une usine d'isolants en fibre de verre à Brossard.

Je pense que la lettre établit la fin de ce dossier et je ne voulais pas qu'il y ait de confusion entre deux dossiers complètement différents.

M. Morin: Puis-je vous demander ce que signifie exactement le dernier paragraphe de votre lettre où vous dites à M. Labonté: "D'une façon plus générale, je serais disposé à ce que la SDI raffermisse d'une façon toute particulière ses critères d'analyse lorsqu'il s'agit de projets originant d'entreprises oeuvrant dans l'exploitation des richesses naturelles québécoises."

A quels critères faisiez-vous allusion, en particulier, M. le ministre?

M. Saint-Pierre: Ce sont les critères quantitatifs d'aide financière à des entreprises qui sont impliquées, comme je le mentionne, dans l'exploitation des richesses naturelles du Québec. Il me semble qu'il y a là un objectif de transformation de la richesse qui, les conditions de marché le permettant, devrait être partagé par l'entreprise sans que l'Etat soit nécessairement obligé d'y ajouter une aide financière. Je veux donc dire qu'une entreprise qui pourrait soumettre le même projet que la Johns-Manville dans une usine de fibre de verre, mais qui n'est pas impliquée elle-même dans la transformation de richesses naturelles, pourrait peut-être, dans l'esprit de nos lois, justifier une aide financière de l'Etat, ce qui ne serait pas le cas d'une entreprise qui oeuvre dans le secteur des richesses naturelles.

M. Morin: Nous pouvons passer à l'examen d'encore un ou deux dossiers, avec l'espoir de terminer pour 18 heures.

Tricofil

Le dossier sur iesquel je voudrais me pencher maintenant est celui de Tricofil, et comme la SDI y a été associée, j'aimerais bien que M. Labonté demeure avec nous, rnais c'est surtout au ministre, à vrai dire, que j'ai des questions à poser. J'ai des commentaires à lui faire.

Vous savez que Tricofil constituait une expérience tout à fait nouvelle, tout à fait particulière, très non conformiste par rapport à la structure habituelle de l'entreprise au Québec, mais elle est d'autant plus intéressante qu'elle permettra, dans la mesure où elle réussira, d'associer les Québé-

cois de façon très étroite, puisqu'il s'agit d'autogestion, au développement d'une entreprise québécoise.

C'est en raison de cet aspect nouveau que nous pensions pouvoir attendre du ministre de l'Industrie et du Commerce une attitude de très grande ouverture, une attitude d'intérêt non seulement soutenu, mais je dirais presque passionné, quoique le ministre ne me paraît pas être, à première vue, le type de personne qui puisse se passionner.

Mais il me semble qu'une telle expérience aurait pu attirer son attention de façon tout à fait particulière et mériter à l'entreprise une aide qui tienne compte du fait qu'il s'agissait de la première expérience d'autogestion dans le secteur manufacturier.

Or, je le dis avec toute déférence, mais en toute critique aussi, l'attitude du ministre nous a profondément déçus. Il semble qu'il ait témoigné, devant cette expérience nouvelle, d'une sorte d'opposition idéologique, eût-on dit. Il s'est braqué devant cette expérience et qu'au lieu de faire preuve d'ouverture, de se montrer accueillant, il a au contraire tenté de tenir la porte le plus fermée possible, avec le résultat que cela a causé évidemment beaucoup de retard dans la mise en marche de l'entreprise et beaucoup de soucis à ceux qui tentaient, très vaillamment, de réaliser cette nouveauté. Je suis sûr que si cela avait été une entreprise ordinaire, et si le ministre n'y avait pas mêlé cette attitude idéologique, que le résultat aurait été très probablement tout à fait différent.

L'usine a véritablement commencé à produire en septembre 1975 et, le 17 février, quelques mois à peine après, le ministre non seulement abandonnait Tricofil, mais, à toutes fins pratiques, la dénonçait. C'est ce que j'ai trouvé particulièrement pénible, je vous l'avouerai, M. le Président, dans l'attitude du ministre. Il l'a dénoncée comme une entreprise non rentable et, de la sorte, il lui a compliqué infiniment la tâche. Il la mettait dans une position presque intenable devant les banques et devant ses propres actionnaires. J'estime que le ministre a fait beaucoup de tort à l'entreprise par l'attitude qu'il a adoptée. Ou bien le ministre a financé au départ un projet qu'il jugeait non rentable, alors que je lui rappelle que les tout premiers rapports, au contraire, concluaient la possibilité de la rentabilité et il a fait preuve d'irresponsabilité en la subventionnant alors qu'il savait qu'elle ne serait pas rentable, ou bien il s'est montré tout à fait mesquin en ne laissant à l'entreprise que six mois pour faire ses preuves, pour fonctionner normalement, alors qu'on sait qu'une usine de ce genre peut très bien mettre des mois avant d'atteindre son seuil de rentabilité. Ce que le ministre a semblé faire— j'espère qu'il nous donnera toutes les explications pour nous détromper—c'est de poser une sorte de geste de condamnation a priori. Je note que, depuis lors, il y a eu une amélioration sensible. Les ventes de mars ont été de $135 000, soit 90% de l'objectif révisé, et j'ose espérer que l'attitude du ministre sera désormais plus ouverte à l'égard de cette entreprise nouvelle, de ce nouveau type d'entreprise.

Je sais que ce n'est pas commun au Québec. Je sais que c'est un peu inattendu, mais le ministre ne pense-t-il pas qu'il s'agit là de quelque chose qui doit être appuyé jusqu'au bout pour le progrès que cela pourrait signifier éventuellement dans l'entreprise québécoise? Le ministre ne souhaite-t-il pas que se multiplie ce type d'entreprise autogérée, qui pourrait être un complément extrêmement dynamique à toute politique d'industrialisation du Québec?

Ne souhaite pas qu'elles se multiplient? C'est peut-être ça le fond de l'affaire. Depuis le début, ce soupçon me travaille; craint-on justement que cela ne réussisse? Evidemment, s'il fallait que chaque fois qu'une entreprise menace de fermer ses portes, on la transforme en entreprise autogérée, cela signifierait un tournant dans l'histoire économique du Québec.

Je pose la question au ministre de façon très générale. J'ai fait moi-même un exposé général sur Tricofil, il peut y répondre de la même façon. L'expérience de Tricofil n'était-elle pas digne d'être appuyée pleinement? Je lui pose cette question générale pour l'instant. Je voudrais qu'il développe sa philosophie de l'entreprise à l'égard de ce concept nouveau de Tricofil. Après cela nous pourrons parler de la situation financière exacte de l'entreprise s'il le veut.

M. Saint-Pierre: M. le Président, je pense que dans le dossier Tricofil, j'ai rendu publics nombre de rapports, même des rapports internes du ministère sur l'évaluation du dossier. J'aurais préféré, quant à moi, qu'on ne s'attarde pas indûment à tenter de justifier chacun des gestes posés. Je pense qu'à l'époque, ils l'ont été suffisamment. On m'y invite et je ne voudrais pas me dérober à mes responsabilités et, en le faisant, je serais obligé de rectifier tellement de faits un peu faux sur lesquels s'appuie toute l'argumentation du chef de l'Opposition. Je rappelle que je n'ai aucune crainte, je n'ai aucune indisposition idéologique vis-à-vis de toute forme d'autogestion, à la condition bien sûr, que ses mécanismes puissent atteindre les objectifs que se donnent l'ensemble de ceux qui participent à l'entreprise, que ce soient les actionnaires, ies bailleurs de fonds, les consommateurs, les clients, les gouvernements en particulier.

La journée est très bien placée puisqu'il semble que ce matin, dans une entreprise qui est assez près de vous, on a cru voir que l'autogestion n'est pas une façon facile de mettre en commun des ressources. Même au Jour, on dit que les employés vont former un syndicat et laisser la direction seule dans son coin, prendre ses propres orientations.

Je le fais sans malice parce que dans les journaux...

M. Morin: Ce ne sont pas des vases communiquants dont nous parlons, M. le ministre.

M. Saint-Pierre: Non, mais dans les journaux de ce matin, il semblait même, de la bouche de M. Keable et de M. Michaud, que l'autogestion avait

été plus complexe qu'on le pensait. Cela dit, je rappelle simplement dans le dossier...

M. Morin: Vous ne trouvez pas qu'il y a eu un certain blocage dans le dossier?

M. Saint-Pierre: Non, je n'en ai pas, je dis simplement que je n'en ai pas, absolument pas. Mais je vais vous donner des exemples et je le fais sans méchanceté. Je n'ai absolument rien contre une coopérative de Manseau, je suis bien prêt à aller y acheter des tomates. Mais je ne veux pas des tomates qui soient de moins bonne qualité que celles qu'un fermier ou qu'une entreprise capitaliste va produire. Il me semble qu'à Manseau il y a eu des problèmes et on a perdu toute une récolte parce qu'à l'intérieur des serres il s'était développé un germe quelconque.

Ce que je veux dire, c'est que toutes les entreprises, tous les mécanismes qu'on emploie pour mettre ensemble ce qui fait essentiellement toujours les mêmes éléments, des capitaux, des ressources humaines, de la technologie, un système de mise en marché, peu importe la structure porteuse de cela, elle doit obéir aux mêmes principes de bonne gestion, de bonne mise en marché et de bonnes ressources financières, de bonnes qualifications.

Je reviens à Tricofil...

M. Morin: Personne ne conteste ça.

M. Saint-Pierre: Laissez-moi parler, et après, vous me direz ce que vous pensez.

Je reviens à Tricofil. Bien sûr, si j'avais eu un blocus idéologique, on n'aurait pas consenti avec le gouvernement fédéral, plus de $300 000 ou $400 000 qui ont été donnés pour étude lorsque c'étaient les anciens propriétaires et lorsque, avec les travailleurs, l'abbé Grand'Maison a été impliqué dans ça, d'autres experts, pour tenter de trouver une solution à ces problèmes. Par la suite, fait assez inusité, on a versé une subvention de démarrage, soit trois mois de loyer de l'usine, $17 000 par mois, $51 000. Il n'y a aucune entreprise au Québec — c'est tellement un cas d'exception depuis la confédération — qui a reçu du gouvernement trois mois de loyer. Vous me faites un reproche qu'il y a eu des retards de mise en marché. Je vous rappelle que c'était une des conditions posée par M. Saulnier, posée aussi par moi-même et acceptée complètement par les gens de Tricofil qui — en passant, ils font beaucoup moins de politique que ceux qui tournent autour de ce sujet — acceptaient qu'il serait irresponsable pour le gouvernement de verser de grosses sommes d'argent avant qu'on ait un minimum de structure administrative, c'est-à-dire avant qu'on ait pu recruter un contrôleur, un gérant de production, le minimum de ces personnes.

Parce que sans ça, comment peut-on imaginer développer une production sur une grande échelle si on n'a pas de contrôleur, si on n'a pas de directeur de production, si les cadres minimaux de l'entreprise sont en place. Il ne s'agissait pas pour nous d'avoir 25 personnes, mais d'en avoir au moins trois ou quatre. Dès que ces personnes ont été recrutées — cela ne se trouve pas sur le coin de la rue, ce n'est pas un hot-dog qu'on achète, ce sont les services d'une personne qui va se joindre à une équipe — dès que ces choses-là ont été mises en place, nous avons respectés tous nos engagements.

En février, ce qu'on a donné — et je pense finalement que cela a peut-être été une douche d'eau froide, j'espère que les événements des prochains mois nous montreront que cela était peut-être une douche nécessaire — ce que j'ai voulu apporter dans le dossier — et ce n'était pas un concours de popularité, Dieu le sait — c'était un minimum de rigueur dans les choses qu'on regardait. C'était inutile de dire aux gens que les commandes étaient très élevées et qu'on avait un grand carnet de commandes et de dire que les rentrées de fonds de la souscription populaire avaient dépassé les objectifs si, fondamentalement, on avait une entreprise qui avait quand même perdu $500 000 en pertes d'opération, dans l'espace de six mois, une entreprise dont l'actif était négatif, une entreprise qui, sur le plan de la gestion financière, ne pouvait plus aller plus loin.

Ce que j'ai dit, c'est qu'en donnant $100 000 des fonds publics, ce n'était même pas une panacée, ce n'était même pas un problème. Un mois après, on se serait retrouvé devant le même problème.

Ce que je dis aujourd'hui, c'est qu'à la lumière d'efforts à faire — et je tiens à souligner quand même le dévouement du mouvement coopératif, de Mgr Hubert et d'autres personnes, qui ont tenté de nous présenter un dossier entièrement différent, ce qu'on nous présente dans le moment, auquel on a consenti et auquel d'ailleurs, en février dernier, on avait consenti — j'avais bien dit: Si cela peut aider votre situation financière et si on a des éléments nouveaux, on est quand même prêt à convertir notre prêt en actions privilégiées.

Il faut bien admettre que cela représente quand même une autre subvention de l'ordre de $150 000, à peu près, en perte d'intérêts, que nous avons versée. On peut également se dire qu'en perte de garanties, un prêt, c'est un prêt, et que des actions privilégiées, c'est repayé je ne sais pas quand. Cela n'a pas la même valeur en termes de garantie.

De là à dire, comme certains du Parti québécois l'ont fait, que j'étais le Judas de Tricofil, je laisse juger les gens qui sont intimement mêlés à l'histoire... Je me soumettrai au verdict des travailleurs eux-mêmes dans ce dossier-là, dans deux ou trois ans. Je pense que je n'ai peut-être pas toujours dit oui, lorsque ceux-ci auraient aimé que je dise oui. Mais mon rôle n'est pas toujours de dire oui pour faire plaisir à des gens. C'est de regarder des éléments de dossier, avoir des rapports de mes spécialistes et, lorsqu'il semble que l'entreprise ne passera pas au travers — pour employer l'expression — ne pourra pas traverser certaines périodes, avoir le courange de dire non.

Nous avons plusieurs refus à la SDI. Quel est l'ordre de refus que nous avons, à la SDI?

Trois sur cinq.

Trois sur cinq, à la SDI. Nous disons non parce qu'on pense que l'entreprise n'a pas les éléments pour réussir. Inutile de prendre les fonds publics et de les dilapider. Inutile de faire croire à des gens qu'on peut survivre parce qu'il y a des fonds publics qui s'ajoutent.

Je répète également qu'en février, un élément important était quand même la révision constamment à la baisse des prévisions de planification de l'entreprise. Mois après mois, on révisait à la baisse et les chiffres et le point mort de vente, on les révisait constamment à la baisse. Il y avait un manque de crédibilité qui pouvait s'expliquer.

Avec les efforts du mouvement coopératif, avec la nouvelle souscription populaire qui ramène, même si l'objectif est atteint, $450 000 dans le capital-actions de l'entreprise, on espère toujours qu'avec beaucoup de bonne volonté — et je tiens à le dire, il y en a de la bonne volonté de la part des travailleurs — on sera capable d'avoir quelque chose qui va survivre. Dieu sait que, moi, je suis prêt à faire tout ce qu'il est humainement possible de faire.

Encore une fois, je répète que je n'ai pas de blocus idéologique sur l'autogestion, mais une entreprise autogérée doit faire de la planification financière. Elle doit payer ses impôts, elle doit payer la taxe de vente, elle doit payer ses employés, elle doit publier des rapports financiers vérifiés.

La dernière des petites entreprises au Québec, dans le système privé, le fait. Il faut que ces entreprises apprennent aussi à le faire. Je pense que c'est le prix du succès. Sans cela, on va tourner en rond et on va illusionner des gens pendant un certain temps.

M. Morin: Je veux bien accepter l'assertion du ministre qu'il n'a pas de blocage, mais je constate quand même, à la lumière de ses petites remarques acides à l'endroit du Jour, qu'à tout le moins il se méfie de l'autogestion.

M. Saint-Pierre: C'est parce qu'il y a une coïncidence.

M. Morin: II y a une certaine méfiance.

M. Saint-Pierre: Non, j'ai lu ce matin qu'il semblait que, de la part de M. Parizeau et de M. Michaud, l'autogestion, ce n'était pas aussi simple qu'on pensait que c'était. On a dit: Puisons à même cette expérience pour penser que l'autogestion n'est pas la panacée à tous nos problèmes au Québec.

M. Morin: Faisons bien une distinction entre l'autogestion dans une entreprise et l'existence d'une société de rédacteurs autonome dans un journal. Elles ont peu de choses en commun.

M. Saint-Pierre: Quel problème additionnel est-ce que cela pose?

M. Morin: Ce n'est pas du tout le même genre de problème administratif.

M. Saint-Pierre: Mais, que! problème est-ce que cela peut poser? Je ne vois pas la différence, parce que l'autogestion, ce sont les travailleurs de...

M. Morin: De toute façon, je crois qu'il faut être favorable dans les deux cas. Le ministre n'est-il pas de mon avis?

M. Saint-Pierre: A condition, bien sûr, que cela ne mène pas à la faillite de l'entreprise et de votre journal. Je ne le sais pas. Cela dépend du point de vue où on se place.

M. Morin: Je ne crois pas que ce soit cela qui puisse mener à la faillite du journal. S'il y a quelque chose qui y mène, c'est le refus des gouvernements libéraux de donner sa juste part d'annonces au journal. D'ailleurs, nous attendrons, là-dessus, le jugement du Conseil de presse, qui ne devrait pas tarder, maintenant, n'est-ce pas? C'est là qu'on connaîtra les vrais motifs des difficultés rencontrées par le journal sur le plan financier.

M. Marchand: Si vous voulez tricoter, M. le Président, on pourrait peut-être faire des tricots à l'armée du Québec.

M. Morin: Est-ce que le député... M. Côté: Et volontaires.

M. Morin: ... veut aider Tricofil avec ce genre de remarques ou est-ce qu'ii est en train de saborder l'affaire?

M. Marchand: Je ne saborde pas, je fais une suggestion. Vous, comme "batman" du général, vous pourriez le lui suggérer.

M. Saint-Pierre: C'est pour dire que c'est un marché hypothétique.

M. Morin: M. le Président, le gouvernement fédéral a fait fabriquer, il y a quelque temps, des chaussettes pour l'armée. Il en a une réserve pour 99 ans. Tout le monde connaît cette fameuse façon de procéder, si objective et si efficace, des fédéraux. Ils ont apparemment, également, des caleçons pour 60 ans. J'ai donc l'impression que Tricofil ne devrait pas jeter son dévolu de ce côté. Ce marché a déjà été confié à des entrepreneurs libéraux fédéraux.

M. Marchand: Je pourrais vous en passer une couple.

M. Morin: En tout cas!

M. Marchand: Je trouve que vous ne seriez pas mal pris avec cela.

M. Morin: M. le Président, je voudrais qu'on revienne aux choses sérieuses, si vous le permet-

tez. Je constate que les ventes réelles de Tricofil, ont doublé entre janvier et février. Elles sont passées à $77 000. En mars, elles ont de nouveau quasiment doublé, pour passer à $135 000, l'objectif pour le mois de mars étant de $150 000.

M. Saint-Pierre: Je ne voudrais pas être méchant et je ne voudrais pas qu'on me le reproche là-dedans, parce que je souhaite que l'expérience soit un succès. Mais, il faut un minimum, quand on cite des chiffres comme cela. Demandons, quel était dans les prévisions de Tricofil, le point mort, au mois de septembre 1975. C'étaient des ventes de $489 000 par mois.

Vous comprenez que c'est un peu ce changement. J'espère, avec tous les changements qu'il y a eu récemment, avec la diminution des frais financiers, des frais de location et avec une bonne publicité, qu'on n'est plus près d'un point mort.

Mais je dis, qu'on ne peut pas se réjouir de dire: On a doublé l'objectif et on a atteint 95% de notre objectif si, en fait, ce montant représente à peine un quart de ce qui était considéré, en octobre dernier, comme le point mort.

M. Marchand: Est-ce qu'on a diminué la grandeur de plancher loué au début?

M. Saint-Pierre: Parce que c'est une partie du projet, peut-être éventuellement, de démolir une partie des édifices, parce qu'on n'a pas besoin de l'ensemble de ces édifices, et, évidemment, de diminuer peut-être l'impôt foncier municipal à payer, de diminuer les frais de chauffage, d'éclairage qui ont...

M. Morin: Je pense que la bâtisse transforme passablement la situation. Les frais fixes peuvent être étalés d'une façon différente.

M. Saint-Pierre: Je m'excuse. Plus le succès de la souscription populaire, parce que les $450 000 deviennent presque un surplus d'apport ou une...

M. Marchand: Pourquoi pas? ... $450 000.

M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais constater avec le ministre qu'il y a, à ses yeux, une amélioration de la situation de Tricofil, qui peut justifier une confiance plus grande de sa part dans le succès de l'entreprise?

M. Saint-Pierre: Oui, je le pense, parce qu'il y a un ensemble d'éléments nouveaux que nous n'avions pas en décembre, à partir d'emprunts bancaires, de marge de crédit bancaire qui n'existaient pas en décembre, à partir de la transformation du prêt de la SDI, à partir de la possibilité d'un prêt, d'une souscription populaire qui injecte un nouveau montant de $450 000, à partir d'une plus grande expérience en marketing et en production. Enfin, il y a toute une foule de facteurs qui me portent à être optimiste.

M. Morin: Bon. Vous refaites notre image de la Société tricofil. Je me réjouis énormément de penser que cela va peut-être compenser, au moins en partie, pour le dénigrement d'il y a quelques mois. Je me réjouis — je le dis au ministre — de cette attitude beaucoup plus ouverte à l'égard d'une expérience qui doit réussir, à mon avis, qu'on doit encourager de toutes nos forces. Je voudrais attirer votre attention, au sujet du déficit dont on parle très souvent, sur le fait que, dans son rapport du 3 novembre 1975, M. Marcelin Labrecque, qui est un analyste de la SDI, avait estimé le déficit de la manière suivante: Pour la période allant jusqu'au 30 septembre, du moins d'avril au 30 septembre, un chiffre de $285 550 de déficit, au titre de l'opération et de l'organisation, et un déficit prévisible, pour octobre, novembre et décembre, de $180 000. Or, dans son rapport du 16 février 1976, le déficit, pour les opérations, était évalué à $177 600 pour toute la période d'avril à la fin de janvier. Il semble qu'on avait surévalué le déficit anticipé. Je souligne cela en passant, si mes chiffres sont erronés, vous pourriez les corriger, mais j'aimerais souligner cela, parce que dans ce dossier, une attitude, une approche strictement bêtement comptable ne rend pas justice à l'entreprise et aux travailleurs qui ont tenté de la mettre sur pied.

M. Saint-Pierre: II faudrait être conscient, en fait, qu'à partir du moment où on a réellement commencé la production, les administrateurs, qui avaient été recrutés entre avril et septembre, ont commencé à se mettre réellement au travail et ont accepté, quand même, de M. Marcelin Labrecque, qui était l'observateur au conseil depuis le début, et de la part, ensuite, d'un certain nombre d'autres personnes qui ont entouré le groupe de Tricofil a ce moment, ont accepté certains conseils. Ils ont changé aussi leurs prix de vente. Ils ont augmenté leurs prix de vente. Ils ont augmenté leurs prix de vente. Ils ont changé certains articles. Ils ont réduit, par exemple, la production d'un certain nombre de vêtement pour s'en tenir à de la production de textiles primaires qui semblait plus rentable à de moment.

Il est bien entendu que, devant toutes les dépenses prévues au mois d'avril 1975 et la réduction d'un certain nombre de dépenses en septembre, octobre et novembre et l'augmentation de certains prix de vente, le déficit a été réduit.

Nous n'avons pas quand même de bilan certifié qui nous donnerait exactement le chiffre d'affaires après un an. Nous verrons ce qui sera amorti. Il y a de l'amortissement, par exemple, qui n'a pas été compris parce qu'à ce moment, on était dans une bâtisse à location; alors, il y a certains facteurs qui changeront probablement le bilan après la première année de fonctionnement. Mais il y a des facteurs qui, moi aussi, me donnent confiance jusqu'à un certain point, dans le sens qu'il faut quand même constater que ces gens ont obtenu une publicité extraordinaire. M y a une demande pour le produit.

M. Morin: II y a un marché aussi...

M. Saint-Pierre: Oui, un peu irrégulière, mais on dit: Toute publicité est bonne.

M. Morin: Irrégulière, non; ils ont fait le tapage publicitaire que suppose une entreprise de type nouveau, qui secoue les vieilles habitudes, qui vous a forcés, peut-être, vous aussi, à examiner les comportements traditionnels de la SDI.

Est-ce que M. Labrecque est toujours au conseil de Tricofil?

M. Saint-Pierre: M. Labrecque est toujours observateur au conseil de Tricofil.

M. Morin: Et vous suivez donc ce dossier de très près?

M. Saint-Pierre: A toutes les assemblées et de très près.

M. Morin: Y a-t-il eu un nouvel apport, outre les $51 000 du début et les $300 000 de la SDI convertis en capital-actions? Y a-t-il un nouvel apport envisagé au cours des mois qui viennent?

M. Saint-Pierre: De la part de la SDI?

M. Morin: De la part du gouvernement ou de la SDI; je vous pose la question à tous les deux, messieurs puisque vous êtes tous les deux dans le dossier.

M. Saint-Pierre: Je ne crois pas.

M. Morin: Est-ce que vous avez été pressentis par la société Tricofil pour de nouvelles possibilités de subventions ou de crédit?

M. Saint-Pierre: Non, strictement au niveau technique.

M. Morin: L'ancienne société propriétaire, la société Grovers, exportait une large part de sa production aux Etats-Unis. La SDI s'est-elle penchée sur cette possibilité d'une aide à l'exportation qui pourrait mettre la société Tricofil sur le même sentier de l'exportation?

M. Saint-Pierre: L'aide de la SDI à l'exportation est disponible à toutes les petites et moyennes entreprises du Québec et elle le serait à Tricofil aussi.

M. Morin: Les intéressés ne vous ont pas approché dans ce sens jusqu'ici. Une dernière question avant de quitter ce dossier, toujours au sujet de l'attitude de la SDI à l'endroit de Tricofil.

On se souviendra que l'une des difficultés de l'entreprise, c'était les frais fixes élevés et, en partie, à cause du loyer extrêmement élevé qu'elle devait verser à la famille Grovers, au propriétaire. Je me suis demandé comment il se faisait que les caisses populaires aient eu à travailler à la solution de ce problème de locaux à prix raisonnable.

Pourquoi la SDI n'a-t-elle rien fait, du moins qui soit connu, sur cet aspect du dossier alors que pourtant, elle dispose du pouvoir de louer des locaux aux industriels?

M. Saint-Pierre: La SDI possède, en fait, le pouvoir d'acheter, d'acquérir des usines pour les relouer à des industriels, mais à un prix courant, sans subvention comme telle, parce que la subvention vient par un autre processus que la SDI.

Dans le cas de la location par Tricofil des usines qui appartenaient aux Grovers, la SDI n'a jamais été impliquée au niveau de la gestion comme telle et nous n'avons pas encore aucun pouvoir de décision.

Les interventions de la SDI étaient au niveau du conseil et les conseils étaient acceptés ou refusés ou rejetés par l'administration de Tricofil. La direction de Tricofil avait toute autorité et a encore toute autorité pour les décisions majeures, à l'exception de certaines conditions qui ont été posées par la SDI dans son prêt de $250 000 qui a été fait récemment.

Alors, nous sommes encore observateurs au conseil d'administration. Nous n'avons pas droit de parole. Nous n'avons aucune directive comme telle à donner à l'entreprise. Nous avons conseillé l'entreprise. Le ministère a conseillé l'entreprise. Les consultants ont conseillé l'entreprise, mais la direction de Tricofil est absolument autonome et décisionnelle comme telle. A ce moment, il est bien entendu que s'il y avait un tas de choses autres que la location d'usines qui, dans notre esprit, faisait défaut dans la gestion de Tricofil, nous avons fait des commentaires, mais c'est quand même à la direction de Tricofil de décider.

Un point qu'il m'apparaît important de soulever, c'est que lorsqu'on parle actuellement de frais fixes élevés, ceci n'est survenu que lorsque les ventes étaient beaucoup plus faibles que prévu. C'est peut-être ce qui explique qu'au départ, cet élément n'est pas ressorti. Compte tenu des objectifs que la direction de Tricofil s'était fixés pour ses ventes, ses frais fixes étaient raisonnables. C'est lorsque les ventes atteignaient à peine le quart ou enfin un montant très faible de l'objectif. Comme les frais fixes ne diminuaient pas par rapport aux frais variables, là ils sont apparus comme extrêmement grands, alors on aurait eu le choix d'augmenter les ventes ou de se concentrer sur la diminution des frais fixes. On va diminuer les frais fixes et je pense qu'il est possible, avec des frais fixes plus faibles, de remonter les ventes et donc, d'augmenter les profits.

M. Morin: M. le Président, je suis heureux de l'attitude nouvelle du ministre dans ce dossier.

M. Saint-Pierre: Elle est la même. Elle n'a pas changé.

M. Morin: Je ne suis pas si sûr qu'elle aurait été la même s'il n'y avait eu toute la publicité dont parlait M. Labonté il y a un instant, et la fureur qui a suivi les commentaires de dénigrement du ministre.

M. Saint-Pierre: La publicité, je la trouvais excellente pour la vente des produits de Tricofil.

M. Morin: Et excellente aussi, je crois, pour obtenir l'appui gouvernemental. Je crois que cela...

M. Saint-Pierre: Vous me connaissez mal.

M. Morin: ... peut avoir le même effet. De toute façon, je m'en réjouis et j'espère que l'attitude du ministre sera ouverte lorsque se présenteront de nouveaux exemples, de nouvelles tentatives d'autogestion par des Québécois. Je constate que...

M. Saint-Pierre: M. Morin, est-ce que je pourrais intervenir pour vous rappeler votre réserve de tantôt? Il ne faut quand même pas que cela devienne des précédents qui nous arrivent chaque fois que quelque chose va mal dans une usine.

M. Morin: Je saisis mal ce que vous voulez dire.

M. Saint-Pierre: Vous nous avez dit tantôt que si chaque fois qu'une usine fermait on pouvait régler le problème par un mécanisme d'autogestion, cela deviendrait difficile, peut-être dans le contexte de...

M. Morin: Tout dépend de la raison pour laquelle l'usine est en difficulté; mais je crois que dans ce cas-là, il était dans l'intérêt des travailleurs et dans l'intérêt aussi de la population de Saint-Jérôme de faire cette expérience. Je suis sûr qu'il se présentera d'autres cas favorables comme celui-là.

M. Saint-Pierre: Oui. Mais dans ce cas, il faut bien se rappeler — et je le dis et vous verrez que je suis assez fidèle aux faits — une des raisons qui nous ont porté à nous intéresser, à donner des études de $300 000 ou $400 000, la subvention de $51 000 et le prêt de $300 000, c'est que l'autogestion nous permettait d'enlever ce qui avait été, quant à nous, le poids le plus dur à supporter de Regent Knitting à Saint-Jérôme, c'est-à-dire des relations de travail extrêmement difficiles et nous, on disait: dans le système d'autogestion, au moins, les relations de travail ne devraient plus être aussi difficiles et il y aurait peut-être une possibilité de passer à travers.

Je rappelle que, dans d'autres dossiers... Ceci est important parce que, souvent, je rappelle des mots de Kennedy. Autant comme parlementaire que comme législateur, on a une responsabilité totale vis-à-vis du bien commun; on a également une responsabilité très sérieuse de contrer l'opinion populaire lorsqu'on a l'impression que la pression de l'opinion populaire n'est pas conforme au bien commun, Je rappelle, dans le dossier de Cabano, M. Labonté le connaît bien, que, si nous avions dit oui à la pression populaire lorsqu'elle s'est exprimée la première fois, et le gouvernement et la population et bien du monde, on serait dans un fourbi épouvantable actuellement. Parce qu'on a dit non pendant un certain temps, qu'on a réussi à ménager des conditions optimales de succès, je pense que nous allons connaître le succès avec Cabano. Cela a été la même chose avec Tembec; si on avait dit oui à la première proposition qui nous avait été soumise, je pense que la population n'aurait pas été aussi bien protégée et n'aurait pas partagé dans le profit comme elle l'a fait au cours des dernières années pour Tembec.

M. Morin: Je souhaite simplement que le ministre fasse preuve d'ouverture d'esprit lorsque des dossiers comme celui-là lui seront soumis et qu'il ne leur cause pas au contraire des difficultés, comme cela a été le cas dans le dossier.

Une dernière question d'ordre technique. Je n'ai pas d'objection à ce que nous continuions après 18 heures. Nous avons dépassé le montant. Cela nous permettrait de libérer M. Labonté et de passer à autre chose ce soir.

M. Saint-Pierre: D'accord. Une dernière question, vous n'avez pas...

M. Morin: Encore peut-être quelques dernières questions. J'en ai une toute dernière dans le dossier Tricofil. Pourriez-vous nous dire si le capital-actions que vous allez prendre dans Tricofil ou que vous avez pris dans Tricofil sera sous forme d'actions privilégiées ou d'actions ordinaires?

M. Saint-Pierre: Privilégiés.

Nous avons converti !a totalité du prêt de $300 000 et $8 400 d'intérêts dus par Tricofil à la SDI ont été aussi convertis en capital privilégié.

M. Morin: De sorte que vous n'avez pas de droit de vote...

M. Saint-Pierre: Nous n'avons pas de droit de vote et nous avons donné... comment on appelle ça... nous avons subrogé les dividendes pour cinq ans.

M. Morin: Auriez-vous souhaité obtenir des actions ordinaires; donc, voix au chapitre dans les décisions?

M. Saint-Pierre: On était bien ouvert aux désirs des gens de Tricofil. On a cru comprendre que ceux-ci préféraient que le gouvernement ne soit pas au capital-actions. Tous les autres détenteurs d'actions privilégiées... Seulement les travailleurs possèdent des actions ordinaires.

M. Morin: Toujours sur la SDI, mais quittant le dossier Tricofil, j'aimerais aborder un ou deux autres points, ce qui nous permettra de fermer le dossier. Essentiellement, le budget d'administration de la SDI est le même. Il n'y a à peu près aucune augmentation, sauf peut-être à la super catégorie 10, au transfert.

J'aimerais demander s'il s'agit essentiellement des sommes requises pour les fins de subvention du taux d'intérêt sur les prêts concédés au cours des années antérieures et pour l'année courante?

M. Saint-Pierre: II s'agit totalement des prises à charge sur les emprunts des sociétés que nous subventionnons.

M. Morin: Bon!

M. Saint-Pierre: Ce sont des engagements qui ont été pris dans les années précédentes, pour la plupart. Il y a une partie de ce montant de $21 millions qui est un manque à gagner sur des prêts à taux préférentiel que la SDI faisait au cours des années 1971 à 1974. Notre formule comptable a changé tout simplement. Maintenant, nous faisons un prêt à 13% et nous ouvrons un autre dossier pour faire la prise à charge, au lieu de faire un prêt à un taux réduit où le calcul d'intérêt était beaucoup plus compliqué en fait et le manque à gagner nous était remboursé par le gouvernement.

M. Morin: Bien. Une autre question. Comment peut-on prévoir une diminution à la catégorie des traitements, tout en maintenant les mêmes effectifs qui sont, je crois, de 82, à ce qu'on nous dit au bas de la page consacrée au programme 5?

M. Saint-Pierre: II y a une diminution des provisions à l'égard des postes vacants... .

Vous l'avez à la page de droite. A la page de droite, c'est expliqué.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Une augmentation à la catégorie "autres rémunérations". Ce serait occasionnel...

M. Morin: Cela répond à nos questions, M. le Président. Nous sommes disposés à adopter le programme 5.

Le Président (M. Brisson): Programme 5, adopté?

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à 8 h 15?

M. Saint-Pierre: 8 h 15, M. le Président?

M. Morin: Pourrait-on dire 8 h 30, pour diverses raisons?

Le Président (M. Brisson): A 8 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

Reprise de la séance à 20 h 35

M. Brisson (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

M. Gallienne (Duplessis) remplace M. Cadieux (Beauharnois); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Déom (Laporte). Messieurs, nous en étions au programme 6. Est-il adopté?

M. Saint-Pierre: Programme 6?

M. Morin: M. le Président, j'ai des questions.

Le Président (M. Brisson): Administration de la Société du parc industriel du centre du Québec.

Société du parc industriel du centre du Québec

M. Saint-Pierre: M. le Président, au programme 6, on remarque un budget qui était de $2,5 millions, en 1975/76, et qui passe cette année à $2,832 millions. Au niveau des effectifs, la Société du parc industriel du centre du Québec qui s'occupe du parc de Bécancour passe de 15 personnes à 19 personnes. Il s'agit essentiellement de certaines fonctions au niveau des traitements des eaux ou de certains appareils que la société administre.

Dans le document que je vous ai fait parvenir, on fait un peu une rétrospective des activités au cours de l'année qui s'est terminée. Je les passe rapidement pour vous.

Au niveau des infrastructures, deux nouveaux projets ont été mis à exécution, c'est-à-dire la 3e Avenue, vers l'ouest, à partir de la 8e Rue et la 10e Rue, de même que la rue du dépôt du liquide en vrac. Nous avons également l'eau potable et les égouts, c'est-à-dire qu'un réseau d'eau potable et d'égouts a été construit pour desservir les nouvelles rues de la 3e Avenue et de la 10e Rue, à un contrat de $508 000. Le premier était de l'ordre de $201 000. Il y a tout le réseau d'eau industrielle, en particulier pour desservir les nouvelles entreprises de SKW et de CIL où nous avons eu des dépenses de $140 000 dans un premier cas et, finalement, d'autres installations qui ont été faites.

Le dépôt de vrac liquides. Poursuivant les travaux d'installation portuaire, la société du parc a entrepris l'aménagement des terrains du dépôt de vrac liquide, pour donner suite en particulier à la demande de deux compagnies de navigation spécialisées dans le transport des liquides en vrac et au projet de la CIL pour l'expédition d'acide sulfu-rique par bateau ainsi qu'au projet de l'usine thermique auxiliaire, de l'usine d'eau lourde Laprade. La société du parc a procédé à l'exhaussement de certains terrains au bord du fleuve.

Il y a également eu l'entrepôt portuaire. C'est un contrat au montant de $117 000 qui servira en particulier à l'expédition des produits de SKW, à partir de juillet 1976. L'édifice administratif a été terminé au cours de l'automne. En plus de loger les bureaux de la société, il met des bureaux à la

disposition de certains locataires. Déjà, le Centre de main-d'oeuvre du Canada a aménagé ses bureaux dans l'édifice. Le Centre de main-d oeuvre du Québec doit emménager le 1er avril 1976. Une banque a réservé des locaux pour le 1er mai 1976.

Le projet Falconbridge Nickel Mine. On dit que la compagnie a dû renoncer à son projet d'af-finerie de cuivre et de nickel à Bécancour. On donne des détails sur les échanges de terrains qui ont eu lieu en cours de route. On indique ce qu'il en a résulté pour la société.

Au niveau de la réalisation, je pense que, si pendant un certain temps, on a parlé de Bécancour comme d'un éléphant blanc, ceux qui ont visité l'emplacement, au cours des derniers mois, se rendent compte que c'est quand même un chantier fébrile d'activités. La construction de l'usine de chlore et de soude caustique du groupe CIL a été terminée. La production a débuté en septembre 1975. Il y a 120 personnes qui travaillent à l'endroit. Ce sont des investissements de $60 millions. La société allemande SKW qui fera du féro-silicium et di silicium pur, les travaux de construction se sont poursuivis tout au cours de l'année. L'usine doit entrer en production le 15 juiri 1976. Des investissements de $53 millions, 250 emplois sont créés à cet endroit.

A l'usine de CERAMCO qui se spécialise dans des carreaux de céramique, les travaux se sont également poursuivis au cours de l'année. L'usine doit entrer en production en septembre 1976. Ce sont des investissements de $20 millions, 300 emplois. Biraghi Entrepose, en production depuis près de trois ans, a agrandi ses installations et a acheté deux nouvelles machines à ailettes, créant ainsi huit nouveaux emplois. Finalement, un autre projet important dont nous avons discuté hier, Didier, dans les produits réfractaires; c'est une compagnie allemande qui, conjointement avec des intérêts canadiens, fabriquera des briques réfractaires. Les travaux ont commencé en février 1976. L'usine entrera en production vers avril 1977, $22 millions d'investissement et 250 emplois créés.

Il faut noter que les projets réalisés ou en voie de réalisation avancée donnent depuis trois ans un montant total de plus de $145 millions investis dans le secteur manufacturier à Bécancour. Au cours de l'exercice dernier, la société a accordé trois options couvrant des projets actuellement a l'étude pour un montant total de près de $280 millions d'investissement. Je mentionne également les travaux au port de Bécancour, de même que la vente d'eau industrielle qui ont débuté avec le démarrage de l'usine CIL.

M. le Président, j'ai à ma gauche, M. Legasse, directeur général de la société. On sait que cette société a un conseil d'administration dont le président est M. André Rousseau, qui fut un de mes prédécesseurs au ministère de l'Industrie et du Commerce dans le début des années soixante.

Vous avez dans votre cahier d'autres projets pour l'exercice financier 1976/77, mais je pense qu'à ce titre, le chef de l'Opposition ou d'autres membres de la commission pourraient avoir des questions à poser à M. Legasse qui se fera un plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, ce projet semble enfin sortir de l'enfance après plusieurs années. Ce n'est pas encore "l'axe du Saint-Laurent" dont on parlait au début du projet, mais enfin, il semble, à tout le moins, que le projet soit entré dans une phase d'expansion. Aussi, j'aimerais faire le point brièvement. Le ministre a décrit un certain nombre de projets qui se sont réalisés récemment. Puis-je vous demander de faire le point sur le nombre d'usines déjà installées et l'emploi que cela procure actuellement?

M. Saint-Pierre: J'en ai déjà mentionné, M. le Président. Bien sûr, on parle strictement du parc de Bécancour. On ne fait aucune mention de Gen-tilly ou des projets industriels dans le secteur nucléaire qui sont très voisins du parc, dans des terrains adjacents. Actuellement, il y a cinq usines. Je les ai mentionnées avec le nombre d'emplois. Vous avez Ceramco. Vous avez Biraghi Entrepose. Vous avez CIL, les deux autres sont...

M. Morin: Dans le cas de CIL—je m'excuse, si je puis vous interrompre un moment— l'entreprise a-t-elle remis son projet? J'ai lu que l'entreprise avait remis la deuxième phase de son projet à plus tard.

M. Saint-Pierre: Non. La deuxième phase n'a jamais été annoncée.

M. Morin: N'était-il pas question qu'il y en ait une?

M. Saint-Pierre: Non. Cela n'a jamais été annoncé. Des discussions se sont poursuivies. Si on est capable d'avoir un bon climat en matière de relations de travail et en matière d'industrie de la construction, peut-être aurait-on de bonnes chances d'avoir une expansion, mais la deuxième phase n'a jamais été annoncée par l'entreprise.

M. Morin: Bon! Vous en aviez nommé deux déjà.

M. Saint-Pierre: Dans le moment, il y en a deux qui sont en opération, CIL et Biraghi: Chez CIL, il y a 120 employés, et chez Biraghi, 45.

Cela fait 165. Maintenant, SKW entre à la mi-juin avec 250 et CERAMCO entre en production en septembre 1976 avec 300 additionnels.

Maintenant, Didier produira en avril prochain avec 250 additionnels.

M. Morin: Et le projet Inventa s'en vient-il là également?

M. Saint-Pierre: Tel qu'on l'a mentionné au cours des derniers jours, c'est un projet qui est au stade des études seulement.

M. Morin: C'est pour plus tard? A l'heure actuelle, donc, il y a trois usines en construction, dont l'une est sur le point d'ouvrir. Y a-t-il d'autres projets?

M. Saint-Pierre: On a mentionné que trois options ont été accordées l'an passé. J'imagine que ceux qui prennent des options sur les terrains n'ont pas l'intention de laisser péricliter le capital investi. Alors, derrière ces trois options, il y a bien sûr, trois projets industriels sérieux.

M. Morin: Ces nouvelles sociétés ont-elles fait face à des difficultés liées au personne! ou ont-elles fait face à des difficultés de recruter des travailleurs? Je songeais que vous avez là un parc industriel implanté dans une municipalité qui, si je ne m'abuse, est la plus vaste du Québec, mais qui n'est habitée que par 8000 personnes.

Cela entraîne-t-il des difficultés sur le plan du recrutement de la main-d'oeuvre?

M. Saint-Pierre: Actuellement, Bécancour n'est qu'un village, une petite ville de 8000 habitants, mais le recrutement se fait dans toute la région, dans toute la périphérie et également du côté de Trois-Rivières, Shawinigan, Grand-Mère, etc. et jusqu'ici, les cinq compagnies en question...

Enfin, Didier n'a pas encore commencé à recruter. SKW a presque terminé son recrutement et n'a pas eu de difficultés. Il y a de plus un programme avec les CEGEP qui permet aux étudiants de choisir des options en fonction des positions qui peuvent les attendre dans les usines. Nous avons fait une certaine synchronisation avec les CEGEP, avec les centres de main-d'oeuvre et avec les industries aussi.

M. Morin: Et du point de vue de la main-d'oeuvre qualifiée, ces entreprises ont-elles également trouvé tout le personnel requis?

M. Saint-Pierre: Elles ont dû le trouver parce que chaque fois que nous en avons discuté, il n'y a eu aucun problème, aucune plainte, aucune demande d'aide supplémentaire au point de vue du recrutement.

M. Morin: Certaines de ces usines sont hautement spécialisées. Cela demande une main-d'oeuvre qualifiée.

M. Saint-Pierre: Oui et non. Il suffit de prendre un bon manoeuvre et de lui donner la formation nécessaire en quelques mois; le recrutement a déjà commencé il y a quelque temps et l'entraînement aussi, comme on sait. Par exemple, il y a déjà une quinzaine de techniciens qui sont en Allemagne aux frais de SKW pour étudier le procédé.

M. Morin: Oui, je pense à SKW, par exemple.

Cela doit demander une main-d'oeuvre hautement spécialisée.

M. Saint-Pierre: Ce sont des fours électriques, des fours à arc; par ailleurs, ce sont des convoyeurs, des charriots, enfin des choses assez ordinaires quand même, à part le côté laboratoire, évidemment, le côté procédé métallurgique.

M. Morin: A-t-on trouvé sur place le personnel dont on avait besoin pour les laboratoires?

M. Saint-Pierre: Sur place, je pense près de 90%, et peut-être quelques techniciens de Montréal ou d'ailleurs, mais tout le personnel est québécois.

M. Morin: Très bien. Je voudrais vous demander si National South Wire, qui avait songé pour un temps, je crois, du moins le ministère avait songé, semble-t-il, pendant un certain temps, à établir le projet d'aluminerie de ce côté, était d'accord. En tout cas, c'est ce qu'on a rapporté, National South Wire n'était pas d'accord. Est-ce exact?

M. Saint-Pierre: Je ne sais pas. Pourriez-vous déposer... Qui est-ce qui a dit cela?

M. Morin: J'ai vu quelque part que l'absence de main-d'oeuvre qualifiée aurait été une difficulté pour NSW.

M. Saint-Pierre: Non. NSW était prête à aller là, et I Hydro-Québec en particulier aurait... NSW aurait préféré aller là, compte tenu que. sur le plan de l'approvisionnement en électricité, Bécancour offre la particularité d'être à l'intersection de deux réseaux ayant leur propre... Cela a des avantages considérables pour une industrie qui ne peut tolérer des bris de courant électrique pendant des périodes prolongées. L'Hydro-Québec aurait peut-être aussi préféré Bécancour à d'autres sites justement à cause de la facilité de planification de son réseau. Nous avons calculé, au ministère, que la région du Québec métropolitain avait un plus grand besoin du projet que celle de Bécancour qui a déjà — et on n'a qu'à constater les projets déjà réalisés — une certaine surchauffe, compte tenu de la capacité de la population de la Mauricie et d'autres projets à Trois-Rivières, pour ne pas drainer inutilement d'autres régions des travailleurs devant une demande très prononcée. La compagnie et I Hydro-Québec auraient donc préféré Bécancour; le ministère de l'Industrie et du Commerce a préféré la ville de Québec.

M. Morin: La décision demeure-t-elle la même quant à l'implantation future d'une aluminerie quelconque?

M. Saint-Pierre: Toujours dans la région administrative du Québec métropolitain.

M. Morin: Donc, Bécancour est écarté pour ce type d'industrie.

M. Saint-Pierre: C'est ça. Pour ce projet-là.

M. Morin: Pourriez-vous nous dire combien a été dépensé jusqu'à maintenant pour le parc?

M. Saint-Pierre: A ce jour.

M. Morin: Pour le parc. Oui, à ce jour.

M. Saint-Pierre: A ce jour, une seconde. En immobilisation, c'est à peu près $19 millions.

M. Morin: $19 millions.

M. Saint-Pierre: Vous parlez d'immobilisation. Quand vous parlez de dépenser, ce sont les budgets...

M. Morin: J'imagine que les immobilisations constituent le gros des investissements qui ont pu être faits dans le parc de Bécancour, mais il y a peut-être d'autres dépenses aussi d'ordre administratif.

M. Saint-Pierre: Les frais capitalisés sont de $19 729 977.

Cela, c'est au 31 mars 1975, c'est le dernier rapport. J'imagine que les vérificateurs sont à vérifier pour l'année. $3 millions en immobilisation pour la dernière année, cela voudrait dire à peu près $22 millions.

M. Morin: A peu près $22 millions, oui. Est-ce qu'il y a d'autres dépenses, hormis les immobilisations?

M. Saint-Pierre: Oui, les dépenses d'administration qui sont capitalisées, elles sont comptées...

M. Morin: Elles sont capitalisées, d'accord. Avec ces immobilisations, jusqu'à maintenant, vous avez maintenant constitué quel pourcentage de l'infrastructure totale du parc? J'imagine que vous n'avez pas fait encore toutes les canalisations, ni toutes les voies d'accès; où en êtes-vous?

M. Saint-Pierre: Les immobilisations, à ce jour, représentent à peu près 70% des infrastructures prévues pour le développement de 2800 acres sur une possibilité maximum de 4800 environ.

M. Morin: Je voudrais bien vous comprendre, M. le ministre.

M. Saint-Pierre: C'est que le...

M. Morin: Vous me dites que 70% de l'infrastructure...

M. Saint-Pierre: A Bécancour, il y a toujours possibilité d'agrandir les limites, mais le plan est d'environ 4800 acres. Jusqu'ici, nous avons toutes les infrastructures en place, pour l'utilisation complète de 2800 acres.

M. Morin: C'est cela.

M. Saint-Pierre: A ce jour, les dépenses d'immobilisation représentent 70% des dépenses totales prévues. Il faut comprendre qu'il y a une partie des immobilisations qui débordent le 2800 acres.

M. Morin: Bien sûr, des installations que vous n'aurez à construire qu'une fois.

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Même une fois que le parc aura atteint sa plus grande expansion. Et combien d'acres sont occupées, à l'heure actuelle, par les cinq entreprises?

M. Saint-Pierre: Environ 350 acres.

M. Morin: Environ 350 acres. Alors, vous avez donc...

M. Saint-Pierre: Beaucoup de...

M. Morin: ... en attente, et déjà installées, vous avez presque 2500 acres qui attendent les investissements. Est-ce que vous avez un certain nombre d'objectifs que vous vous serez donnés pour tenter d'étoffer peu à peu cet immense espace dont une portion bien infime est occupée à l'heure actuelle?

M. Saint-Pierre: Je pense que si, au cours des prochaines années, on pouvait maintenir le rythme des investissements qu'on a eus au cours des deux ou trois dernières années, cela serait entièrement satisfaisant. Il y a plusieurs critères dont il faut tenir compte. On ne peut pas songer un instant que tous les investissements manufacturiers au Québec vont se diriger vers le parc de Bécancour. Cela va créer une surchauffe et un déséquilibre régional prononcé.

Pour la région de la Mauricie, il faut bien comprendre que Bécancour ne peut pas accaparer 100% de ce qui va en Mauricie. Contrairement à ce qui a pu être mentionné dans des media, s'il y a quelque chose, plus souvent le ministère a empêché les gens de venir à Bécancour, plutôt que de les obliger à venir à Bécancour. On laisse courir assez allègrement la rumeur que nous utilisons presque la torture pour amener les industriels à Bécancour. Souvent, c'est l'inverse.

Les gens voudraient aller à Bécancour, soit à cause des aménagements portuaires, des infrastructures en place, de la capacité portante des sols, enfin de toute une série de facteurs positifs, de la limite de la navigation, douze mois par an, et d'autres. Souvent, c'est nous-mêmes qui tentons quand même d'envoyer des industries qui n'ont pas à aller à Bécancour, des types d'industries légères qui pourraient mieux assurer l'emploi dans des villes qui sont plus en difficulté. Vous prenez les cas de Louiseville.

S'il y a quelqu'un qui veut aller à Bécancour pour une usine dont le ministère pense qu'elle irait

mieux à Louiseville, on n'hésitera pas à lui dire d'aller à Louiseville. Ce n'est pas parce qu'on a des terrains à vendre, qu'on va mettre toutes les ressources du gouvernement pour...

M. Morin: Je ne sais pas si le ministre choisit Louiseville pour encourager les gens de cette pauvre ville qui en ont bien besoin à l'heure actuelle. J'espère que cela correspond à des projets et qu'inconsciemment peut-être, il faisait entendre que Louiseville va sortir de son marasme d'ici quelque temps.

Donc, ce parc de Bécancour est conçu essentiellement pour l'industrie lourde.

M. Saint-Pierre: En fait, plus lourde, je pense. Il faut quand même, compte tenu des coûts et de la nature des projets déjà en place là-bas, s'attendre qu'a occasion, des projets impliqués peuvent en attirer d'autres. Je pense qu'on peut mentionner que Bécancour, actuellement, produit des surplus d'hydrogène. Une entreprise qui serait intéressée et dont le procédé de fabrication demande beaucoup d'hydrogène, va être intéressée à Bécancour et ne sera pas intéressée à Louise-ville. Nous avons une vue assez concrète de la réalité économique pour bien savoir qu'à l'occasion, il n'y a pas d'autres choix. C'est le choix le plus intéressant qui s'avère.

M. Morin: Avez-vous définitivement acheté les locaux abandonnés par Falconbridge?

M. Saint-Pierre: Oui. L'acte de vente doit être signé à la fin de la semaine.

M. Morin: De cette présente semaine?

M. Saint-Pierre: Tout est terminé au point de vue de l'étude des titres et ainsi de suite.

Dans le document que je vous ai remis, on explique en détail les transactions de terrains, les acres, les montants d'argent impliqués.

M. Morin: Puis-je vous demander, tout de même, à quel prix cette entente a été conclue?

M. Saint-Pierre: $1 324 000, ce qui veut dire que nous avons racheté le terrain au prix de vente original à $0.03 le pied carré, alors que nous le vendons actuellement $0.16. Nous avons racheté toutes les installations, c'est-à-dire trois bâtiments dont deux terminés à 90% et un à 30%.

Le réseau des rues, aqueduc et égouts, d'après les évaluateurs, représentait environ $1 189 000. Nous avons payé un prix forfaitaire de $325 000.

M. Morin: Combien avait coûté à la société la construction de l'usine en question à peu près?

M. Saint-Pierre: Rien. A la Société? A la société Falconbridge...

M. Morin: A la société, oui.

M. Saint-Pierre: La société Falconbridge avait dépensé environ $1 million.

M. Morin: $1 million. Est-ce que vous avez une idée de l'utilisation future?

M. Saint-Pierre: Oui. Les plans sont déjà terminés.

D'ailleurs, nous sommes en appel d'offres pour construire deux rues de la 3e Avenue, qui est la rue principale du parc, vers le fleuve, à proximité du quai, de façon à rentabiliser les terrains les plus près du quai. Les deux constructions en acier qui sont l'usine, une de 28 000 pieds carrés, l'autre un peu plus, sont l'objet de négociations avec un quatrième projet qui n'a pas encore pris d'option, mais qui étudie d'acheter ou simplement de louer ces usines pour un nouveau projet. Quant à l'édifice à bureaux de Falconbridge, nous le terminerons nous-mêmes...

M. Morin: C'est celui qui est terminé à 30%?

M. Saint-Pierre: Celui-là, en effet. Nous avons déjà un locataire qui a pris une option pour environ 25% de la superficie disponible. Nous sommes en négociation avec un deuxième locataire pour environ 30% de la superficie.

M. Morin: Cela représente un actif de l'ordre de combien pour le parc, de l'ordre de $3 millions ou $4 millions en tout et partout?

M. Saint-Pierre: L'actif même? M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Au moins. Parce que, quand nous finirons de vendre la propriété de Falconbridge, le terrain se vendra plus cher que $0.16 ou $0.15, parce que nous révisons les prix de vente chaque année, en fonction des investissements que nous avons faits, ensuite de la valeur du marché, ce qui est normal.

M. Morin: Oui, bien sûr. En examinant les crédits, je constatais que la quasi-totalité des crédits accordés sont inscrits sous la catégorie autres dépenses. Pourriez-vous m'indiquer quelles sont ces dépenses?

M. Saint-Pierre: Uniquement l'intérêt sur le service de la dette.

M. Morin: Je vois. Cela répond à ma question. Pour ce qui est de la Société du parc industriel du centre du Québec, nous sommes prêts à adopter les crédits.

Le Président (M. Brisson): Programme 6, adopté. Programme 7, services aux établissements commerciaux.

M. Saint-Pierre: M. le Président, tel que convenu et tenant compte de la disponibilité et de la présence ici du responsable des pêches maritimes et des fonctionnaires, je suggérerais qu'on revienne à ce qu'on avait laissé ce midi, c'est-à-dire les pêches maritimes. Pardon?

Le Président (M. Brisson): Peut-être qu'il n'y a pas de question au programme 7. On pourrait l'adopter immédiatement.

M. Morin: M. le Président, je pense que vous allez un peu vite en besogne. J'ai effectivement des questions.

Le Président (M. Brisson): Alors, programme 8, développement des pêches maritimes.

M. Lacroix: Vous êtes un peu lent.

Le Président (M. Brisson): Le ministre.

M. Morin: D'ailleurs, le député des îles serait profondément frustré si nous avions abordé le débat sur ce programme 7.

Le Président (M. Brisson): Le chef de l'Opposition a-t-il des questions ou commentaires?

Pêches maritimes (suite)

M. Morin: Oui, nous avions commencé ce matin à parler de la possibilité pour le Québec d'obtenir des contingents, de revendiquer, à tout le moins, un contingent pour certaines espèces. On nous a dit que, de fait, le Québec avait songé à un contingent de l'ordre de 30% pour le sébaste; du moins, c'est ce que j'ai compris. Voulez-vous me confirmer la chose? Je crois que c'était effectivement le sébaste.

M. Saint-Pierre: Pour le sébaste, si on reprend où nous nous sommes laissés ce midi, il subsiste un inventaire, si vous voulez, du contingent, de l'ordre de 6800 tonnes. Alors, le Québec a demandé 20 000 tonnes au total, c'est-à-dire que nous pouvons les ajouter aux 30 000 tonnes initiales ou ajouter les 20 000 à ce qui subsistait. On voulait faire la distinction suivante: Nous avons recommandé 10 000 tonnes à ajouter au programme de mai et de juin parce qu'à ce moment, il était un peu convenu que la pêche du sébaste reprendrait le 1er mai et, par décision ultérieure, cela a été reporté au 1er juin. Alors, 10 000 tonnes qui auraient été à l'usage exclusif des pêcheurs du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'lle-du-Prince-Edouard, puis, au mois de juillet, ajouter un deuxième contingent additionnel de 10 000 tonnes. A ce moment, les cinq provinces auraient pu partager dans ce contingent révisé, là où le jeu proportionnel serait entré, c'est-à-dire la pêche historique, le pourcentage québécois qui était de 30%, etc. Malheureusement, jusqu'à maintenant, le fédéral n'a pas révisé à la hausse le contingent. C'est encore une question à débattre. Nous ne leur permettrons pas d'oublier les besoins du Québec pour la présente année.

M. Morin: Les Pêcheurs unis du Québec sont très inquiets de la situation pour ce qui est de la pêche au sébaste dans le golfe. Ils ont fait parvenir au ministère des Pêcheries — je me demande si c'était le ministère fédéral ou le ministère québécois ou les deux — une résolution dans laquelle ils demandaient que la pêche au sébaste soit fermée jusqu'au 1er juin 1976 et, par la suite, durant les quatre premiers mois de chaque année.

D après ce que vous nous avez dit ce matin, vous sembliez d'accord avec la première proposition de fermeture jusqu'au 1er juin. Est-ce exact? Le ministère est-il également d'accord pour que la pêche soit fermée de janvier à avril?

M. Saint-Pierre: De janvier à avril, ça nous va très bien, parce que nous allons éviter la répétition de ce qui s'est produit, en somme, le carnage, l'orgie de l'hiver dernier, alors que nous sommes pris dans les glaces et qu'il y a un dégagement du côté sud et que les flottes de Terre-Neuve et néoécossaises pèchent à qui mieux mieux. Pour les quatre mois de fermeture, ça nous va intégralement. Maintenant...

M. Morin: Existe-t-il des chances de faire prévaloir ce point de vue?

M. Saint-Pierre: Je crois que ça semble acquis.

M. Morin: Cela semble acquis?

M. Saint-Pierre: Cela semble acquis.

M. Morin: ... jusqu'au 1er mai ou quoi?

M. Saint-Pierre: Bien, le 1er mai... Les quatre premiers mois de l'année. Les Pêcheurs unis ont fait valoir, nous nous sommes accomodés de la suggestion des Pêcheurs unis. D'ailleurs, elle a été reprise, au niveau des provinces où il se fait de la pêche côtière, qui ont proposé le 1er juin comme date d'ouverture du golfe. Moi, j'avais proposé un compromis, allons-y donc! du 15 mai. Dans la perspective, il faut tenir compte de la demande de ceux qui font une pêche diversifiée comme les Pêcheurs unis, en somme, où il y a de petits pêcheurs, mais il fallait tenir compte également du contexte créé par ce ban qu'on avait sur les bateaux de grande dimension. Il faut les envoyer à la pêche.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Alors, la résolution des Pêcheurs unis était nettement défavorable à la société Gorton, les Pêcheries du golfe et autres qui ont des unités d'assez fort tonnage. Mais; tout de même, comme accommodation, parce que là, il faut se dire une chose: Le sébaste est en période de frai à partir du mois de mars jusqu'au mois de juin, et c'est un vivipare, alors c'est une petite bête minuscule qui naît vivante, on peut laisser la femelle le libérer à la mer avant de le pêcher ou de l'écraser dans les cales des navires. On s'est dit: Cela va, vu le contexte.

M. Morin: Alors, vous avez proposé, comme vous le demandaient d'ailleurs les Pêcheurs unis, vous avez songé à ajouter 20 000 tonnes métriques pour le golfe.

M. Saint-Pierre: Pour le golfe. Cela a été... M. Morin: Et finalement, si je vous ai bien

compris, à l'heure actuelle, ce que vous proposez, c'est d'ajouter 10 000 tonnes aux 6800 qui n'ont pas encore été prises sur le quota.

M. Saint-Pierre: Ecoutez! Il faut y aller de toutes sortes de compromis. En somme, le fédéral tient le raisonnement suivant: II s'est produit un phénomène, vous savez, qui est humain. Lorsqu'on s'est rendu compte que les 30 000 tonnes avaient été pêchées à 22 milles et qu'il n'en restait presque plus, à un moment donné, le fédéral semble avoir, par le biais de ses biologistes, une science infuse. Il semble posséder la biomasse, le poids, l'âge et le nombre de poissons qui subsistent. Il s'en tient à ça mordicus. C'est là que je me dis, moi, qu'il y a de l'interprétation. C'est pour ça que je continue à demander un relèvement du contingent de la présente année, quitte à le baisser proportionnellement l'an prochain. Cela créerait moins de dislocation, parce que les pêcheurs pourraient s'en aller vers d'autres espèces. Cela nous est tombé dessus, un petit peu en cyclone.

M. Morin: Oui.

M. Lacroix: Vous voyez qu'on n'est pas si loin d'Ottawa que ça, vous savez, parce que ces gens sont sûrs d'avoir la science infuse et vous aussi.

M. Morin: Moi, je pose des questions pour l'instant. Je veux que vous m'éclairiez sur vos politiques. J'écoutais le député des Iles-de-la-Madeleine ce matin. Effectivement, il n'avait pas l'air d'avoir la science infuse dans son cas.

M. Lacroix: Je ne le crois pas.

M. Morin: Non, et il y a des pêcheurs qui en pâtissent.

M. Lacroix: Je n'ai pas de diplôme, moi. J'ai seulement le jugement.

M. Morin: Le malheur, c'est qu'un jugement qui n'est pas informé, peut mener à des erreurs. Justement, je crois qu'en ce moment...

M. Lacroix: C'est moins grave que de l'autre côté.

M. Morin: ... vous payez pour des erreurs du passé. Le député va y goûter cet été, aux problèmes des pêcheries, tant aux îles qu'en Gaspésie. Il m'en donnera des nouvelles à l'automne. Je pense qu'il ferait mieux de suivre, d'écouter et d'essayer de se renseigner.

M. Lacroix: ... le nez de Cyrano. M. Morin: Oui, justement. M. Marchand: ...

M. Saint-Pierre: Vous ne vous êtes pas informé du homard. Les prix sont 30%...

M. Morin: Ah, mais ça va venir!

M. Saint-Pierre: Cela va venir, ça? Bon!

M. Morin: Surtout qu'étant un adepte du homard, je suis très intéressé à y venir éventuellement. Mais, pour l'instant, nous parlons du sé-baste. Evidemment...

M. Lacroix: Si vous êtes gentil, je vais vous en envoyer un demain, mais, si vous ne l'êtes pas, je ne vous en donnerai pas.

M. Morin: Je me méfierais des...

M. Lacroix: De toute façon, vous êtes mieux de vous en procurer un.

M. Morin: ... homards que m'enverrait le député.

Si on revenait aux choses sérieuses. Evidemment, c'est une situation un peu exceptionnelle dans le sébaste cette année. C'est peut-être dû au fait que les glaces, selon ce que vous m'avez expliqué, avaient libéré l'entrée du golfe plus tôt que prévu, ce qui a permis aux pêcheurs de la Nouvelle-Ecosse et des autres provinces d'être plus rapidement rendus sur les lieux.

M. Saint-Pierre: II y a aussi un détail que je dois ajouter. Ce qui a fourvoyé Ottawa énormément, c'est le fait que les pêcheurs néo-écossais et terreneuviens ont retardé délibérément, la production de leurs statistiques de pêche. Alors, .au moment où Ottawa pensait qu'il y avait 9000 tonnes ou 10 000 tonnes métriques de poisson de pris, par notre service de contre-espionnage, nous savions déjà que cela dépassait les 15 000 tonnes.

M. Lacroix: II est aussi bon que le vôtre, vous savez!

M. Morin: Je vois que vous bénéficiez également de fuites! Méfiez-vous! Le député des Iles-de-la-Madeleine va vous prendre à partie!

Pour les années qui viennent maintenant, avez-vous une attitude, des revendications précises à faire valoir au gouvernement fédéral? Cela peut se produire à nouveau, une telle situation.

M. Saint-Pierre: Notre attitude —- on la croit logique et souvent on est porté à partager nos opinions et c'est toujours... La logique est toujours inversement proportionnelle à certains avantages politiques! De toute façon... Excusez! J'ai une tendance aux pitreries.

On a dit, ce matin, que Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse auraient désormais l'avantage de partager dans le contingent que rétrocède la Russie.

Nous demandons que pour l'an prochain, la pêche du sébaste dans le golfe soit réservée aux trois provinces limitrophes du golfe, soit le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'Ile-du-Prince-Edouard et que cela soit exclusif au Québec et

qu'en plus, pour l'an prochain et pour une période donnée, il nous soit accordé un contingent nettement déterminé au profit du Québec et des deux autres provinces dans les secteurs 3-P et 4-VN.

C'est une répartition. C'est ce que nous désirons. L'an prochain, le contingent dans le golfe, sera peut-être inférieur et très probablement inférieur, au départ, à celui de cette année.

M. Morin: Dans quelles zones du golfe?

M. Saint-Pierre: Lorsqu'on parle de 30 000 tonnes, il y a possibilité, l'an prochain, qu'on dise que le contingent est de 15 000. Alors, cela serait de la rendre exclusif aux trois provinces, plus un contingent déterminé, c'est-à-dire une répartition dans 3-P et 3-VN, et l'idée fait son chemin. Il y a affolement, et on ne peut se le cacher, il est très difficile de tirer des réponses. On médite et on mijote.

M. Morin: Le retrait des Soviétiques représente combien de milliers de tonnes?

M. Saint-Pierre: C'est un retrait partiel. Je l'ignore. Je n'ai pas les données exactes. Je crois qu'ils avaient un contingent de 55 000 tonnes de sébaste dans les secteurs 3-LMNOP.

M. Morin: Devant la Nouvelle-Ecosse?

M. Saint-Pierre: C'est du côté est. Le sud-est de la Nouvelle-Ecosse.

M. Morin: C'est cela.

M. Saint-Pierre: Alors, ce qu'ils ont cédé au Canada cette année, je ne le sais pas, je ne connais pas la proportion. Je pourrais citer ce que j'ai entendu dire et je trouve que c'est sans proportion. Je crois qu'ils auraient libéré peut-être quelque chose de l'ordre de 25 000 tonnes et échange de 15 000 tonnes ou de 20 000 tonnes de capelan.

Cela prend la proportion du cheval et du lapin parce que ce n'est pas la même valeur.

M. Morin: Oui. Une autre recommandation — je voudrais faire le tour de ces recommandations brièvement — c'était qu'une proportion majeure de ce contingent, dans leur esprit, le contingent de 20 000 tonnes métriques, soit réservé aux bateaux de moins de 100 pieds. Etiez-vous d'accord avec cette demande?

M. Saint-Pierre: Nous ne sommes nullement d'accord et c'est impossible, parce que la flotte de la Gorton, la flotte des Pêcheries du golfe et la flotte de St. Lawrence Sea Products ne peuvent en pratique pêcher de façon rentable qu'à l'intérieur du golfe.

Alors, si on les exclut, ce sont des bateaux qui dépassent les 100 pieds de longueur. Encore là, j'ai protesté — j'ai encore protesté hier — et je sais pertinemment qu'il y a des pêcheurs du

Nouveau-Brunswick qui, par des nuits sans lune, faussent les règles du jeu, et je dis que je ne m'exposerai pas à la noyade et à me faire jeter au bout d'un quai pour aller protéger les intérêts du sébaste.

Alors, il y a un danger à un moment donné que des gens aient des distractions, aillent pêcher dans le golfe et je ne m'en confesserai pas.

M. Morin: Oui, vous y avez déjà fait allusion. Mais cela met en cause, au fond, la surveillance des eaux du golfe par les autorités fédérales. Cette surveillance est-elle suffisante, à votre avis?

M. Saint-Pierre: La surveillance, c'est relatif. Le golfe est une grosse grenouillère, il ne faut pas l'oublier; c'est grand.

M. Morin: Cela prend un gros ouaouaron pour surveiller tout cela.

M. Saint-Pierre: Cela en prend plusieurs.

M. Morin: Mais compte tenu du fait que c'est une grenouillère — nous en connaissons des grenouillères au Québec dans toutes sortes de domaines et nous faisons des efforts pour les policer — les efforts des fédéraux sont-ils suffisants?

M. Saint-Pierre: Je ne pourrais pas porter de jugement là-dessus. On y va toujours par comparaison. Le Québec a son service de protection. Alors, il fait appliquer la réglementation québécoise et on en a plein notre dé. Franchement, les amis du fédéral, je me suis laissé dire qu'ils ont le régime du fonctionnaire, c'est-à-dire qu'à 4 h 30 de l'après-midi, le bateau s'attache à quai, le vendredi soir il s'attache à quai, le lundi matin... Alors, quelqu'un qui sait se servir de sa jugeote...

M. Morin: Je me suis laissé dire cela aussi.

M. Saint-Pierre: Alors, si cela se passe ainsi che2 nous, en période de pointe, nos employés travaillent sept jours et sept nuits par semaine. Il y a une relève, il y a une continuité. Notre effort de protection relativement est infiniment supérieur. On ne voit pas de leurs vedettes chez nous et on ne fait pas d'efforts pour les cerner.

M. Morin: On vous recommandait également que l'on ne tienne pas compte des captures occasionnelles de sébaste par les crevettiers en considération du faible volume impliqué, lequel serait, de toute façon, perdu. La non-récupération de cette espèce entrainerait du gaspillage. Est-ce une recommandation avec laquelle vous êtes d'accord?

M. Saint-Pierre: Oui, nous sommes d'accord. D'ailleurs, c'est acquis. Ottawa l'a concédé. C'est ce qu'on appelle le "by catch", la prise accidentelle, si on veut, et c'est très difficile. Ce sont deux espèces qui cohabitent et c'est surtout le fretin, de jeunes sébastes. Apparemment, ce n'est pas un

gaspillage éhonté. Nous sommes à mettre au point un chalut sélectif qui pourrait peut-être les isoler, mais ce n'est pas encore très...

M. Morin: D'appoint.

M. Lacroix: Pas nécessairement, parce que quand les pêcheurs vont pêcher les crevettes dans le fond, les crevettes ne se tiennent pas à la surface et le poisson rouge non plus. C'est à cause de cela qu'actuellement le bateau était aux Iles-de-la-Madeleine la semaine dernière, un bateau qui a été loué de Techno Maritime pour faire les essais sur le chalutier sélectif afin de pouvoir permettre au poisson rouge de s'échapper du chalut. Parce que, quand il quitte ses fonds et qu'il arrive à la surface, de toute façon, qu'il ait deux, cinq, ou huit pouces, on ne peut pas le retourner dans le fond parce qu'on n'a pas pris les mesures nécessaires, et c'est impossible de le faire pour le décompresser en cours de route.

M. Morin: II est fichu de toute façon. Supposons maintenant que le gouvernement fédéral n'accepte pas d'augmenter le contingent comme vous le proposez. Comptez-vous appuyer la recommandation des Pêcheurs unis à l'effet que le gouvernement fédéral fasse connaître, dans les meilleurs délais, les modalités de compensation pour la perte de revenu encourue par les pêcheurs et les producteurs à la suite des événements du printemps?

M. Saint-Pierre: Je l'ai déjà fait valoir. C'est une question qui s'amène tout naturellement. Le fédéral a eu un programme de dépannage. Vous savez que les pêches sont en difficulté depuis deux ans déjà, c'est la troisième année dun cycle. Le fédéral disposait d'un budget de $130 millions pour fins de dépannage. Dans l'application de cet argent, on a subventionné le pêcheur pour la capture de certaines espèces, tenant compte d'une qualité supérieure du produit. Disons sébaste et morue, en autant que je me souvienne, $0.025 la livre comme appoint et $0.08 à la transformation jusqu'à l'an dernier. Cette année, on a modifié un peu les règles du jeu. Je crois que c'est $0.06 à l'usine et $0.02 au pêcheur, pour certaines espèces. De $130 millions au 1er avril cette année, il subsistait $44 millions dans le budget fédéral et j'ai dit: Ecoutez, si on ferme les usines, il va y avoir de la compensation quelque part.

Ce n'est pas la faute du Québec si on fait de la gestion post mortem. Vous avez voulu l'affaire, vous êtes pris avec le problème. J'ai eu comme réponse: Eliminons d'abord toute possibilité que le budget soit augmenté et, deuxièmement, si la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve pêchent selon leur bon vouloir, douze mois l'an, à ce régime, les $44 millions vont fondre assez rapidement.

M. Morin: Surtout s'ils ne révèlent pas leurs prises au moment où ils devraient le faire.

M. Saint-Pierre: Là, je crois qu'ils ont eu leur leçon. A partir de maintenant, je l'ai obtenu de la bouche du ministre que, chaque soir, ils auraient des gens en poste qui auraient une statistique à fournir et qu'elle devrait être rendue à Ottawa le lendemain matin.

M. Morin: Bien.

M. Lacroix: Me permettez-vous une simple observation?

M. Morin: Mais oui.

M. Lacroix: Je suis allé aux Iles-de-la-Madeleine avec tous les membres du bureau de direction des Pêcheurs unis. Je suis allé les rencontrer au siège social à Montréal. J'ai des rencontres fréquentes avec M. Bernier, M. Rioux et d'autres directeurs des Pêcheurs unis. Mais il ne faut pas oublier que les Pêcheurs unis ne sont pas les seuls industriels intéressés dans le domaine de la pêche. Il y a leurs intérêts qu'ils doivent protéger, je suis bien d'accord. Quant à moi, je demeure favorable à la libre concurrence, mais ce qui est bon pour l'association coopérative est également bon pour l'entreprise privée et ce qui est bon pour l'entreprise privée est également bon pour l'entreprise coopérative.

Il y a en Gaspésie d'autres industries...

M. Morin: Ce serait un principe d'application générale, mais continuez.

M. Lacroix: Mais, dans les pêcheries, en général, je suis d'accord. Si vous avez seulement des coopératives, c'est un autre monopole qui ne sera peut-être pas meilleur que d'autres que nous avons connus. Je pense que la concurrence est toujours valable et je verrais mal des coopératives faire concurrence à d'autres coopératives. En Gaspésie, nous avons d'autres producteurs qui font également vivre d'autres pêcheurs et qui permettent l'obtention de meilleurs prix aux pêcheurs eux-mêmes.

Quant à chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine, nous espérons que les Pêcheurs unis pourront reconstruire, réorganiser leur entreprise pour faire suite à la coopérative centrale, dont l'entreprise principale a été détruite par le feu et dont les autres installations sont périmées et tolérées actuellement par le gouvernement fédéral, par Environnement Canada, parce qu'elles ne répondent plus aux exigences du ministère fédéral qui a le contrôle sur la qualité des produits.

Nous avons aussi National Sea Products et nous avons la compagnie Gorton. Sur la Côte-Nord, vous avez St. Lawrence Sea Products; en Gaspésie, vous avez Curadeau, vous avez Hyacinthe Boulay, vous avez Nicolas, vous avez plusieurs autres entreprises qui sont importantes. Les rapports que vous avez des Pêcheurs unis, je les ai moi aussi et le ministère les a également. Soyez assurés que toutes les demandes qui nous sont transmises par l'entreprise privée et par l'entreprise coopérative sont prises en très sérieuse

considération mais en essayant d'éviter toute discrimination à l'endroit de l'un ou de l'autre. Personnellement, dans ma jeunesse, j'ai été élevé dans une entreprise privée, un magasin, qui avait à faire concurrence à l'entreprise coopérative. A ce moment-là, peut-être que ma formation était un peu anticoopérative...

M. Morin: On sait enfin d'où ça venait.

M. Lacroix: ... mais, depuis, vous savez, je me suis amélioré. J'ai considéré que les deux formules valaient la peine d'être vécues et que la concurrence était valable. Mais il est inacceptable que le gouvernement subventionne la maladministration de certaines entreprises coopératives en allant chercher dans les poches de l'entreprise privée qui administre bien son entreprise les taxes voulues pour renflouer la coopérative qui a été mal administrée.

Ce n'est pas le cas des Pêcheurs unis qui ont progressé, depuis de nombreuses années, mais ils ont reçu l'assistance du gouvernement de la même façon que l'entreprise privée a pu en bénéficier et pourra en bénéficier dans l'avenir. Mais il ne faudrait pas, quand on parle des pêcheries ou du développement des pêcheries, parler uniquement en fonction d'un genre d'entreprise. Je pense qu'il faut parler des pêcheries en général, ce qui comprend et l'entreprise privée et l'entreprise coopérative.

M. Morin: M. le Président, j'aimerais revenir une seconde sur la question des contingents et demander à M. Bernard si le Québec a proposé des contingents au gouvernement fédéral ou a songé en tout cas à des contingents pour les autres espèces qui sont prises par les pêcheurs québécois.

M. Saint-Pierre: II y a la morue. Pour contingenter la morue à l'intérieur du golfe, on est obligé d'y aller par le biais d'une autre suggestion. Je crois qu'elle a été recueillie par Ottawa et sera discutée cette année. '

Sur la côte ouest de Terre-Neuve, il y a un beau stock de morue qui se pêche l'hiver et cela n'a jamais été contingenté jusqu'à maintenant. La France est à peu près le seul pays qui pêche là durant trois mois d'hiver. H y a peut-être 30,000 tonnes de morue dans ce coin-là.

Nous avons fait un effort, au Québec. Nous songions à y aller l'automne dernier. Il y avait un début. Nous avons même péché au début de janvier. Il s'est pris à peu près 1 590 000 livres de poisson un peu de morue et surtout du sébaste, et on pensait faire un essai de pêche d'hiver, un prolongement de pêche, si l'on veut. Et on a été bloqué par les glaces.

Ce qui est demandé, ce qui va être demandé cette année à l'ICNAF, c'est que la pêche à la morue soit contingentée par la France dès 1977, pour ne pas appauvrir ses stocks. Sans limite, il arrive que Saint-Pierre et Miquelon possèdent trois chalutiers de grande pêche et que, à l'intérieur de l'entente avec la France, qui va filer jusqu'en 1985, la France métropolitaine est autorisée à aller jusqu'à la construction de dix unités, de dix grands chalutiers.

Moi, j'ai été le commensal d'amis français a New York et je leur ai dit: Les gars, on peut épargner des millions à la mère patrie, si vous voulez vous occuper de vos affaires. Ne songez pas à réaliser des chalutiers, vous allez vous faire donner un croc-en-jambe dès cette année par un contingentement. C'est une mesure qui est positive. En contingentant du côté français, cela laisse le poisson, il est là. Le Québec pourra partager. C'est un élément de solution.

Maintenant, au niveau du sébaste, il faut attendre que les stocks se reconstituent un peu. On peut en rêver, on peut en parler, cela ne fait rien, mais la nature seule ne pardonne pas, comme on dit; on lui a fait de la misère, elle va se venger.

Il y a le hareng, chez nous, contingentement canadien. Pour le hareng, je ne demanderais pas de gros contingents. S'il arrive en quantité, c'est un gaspillage, c'est la nourriture de la morue, c'est la nourriture d'autres poissons, c'est un gaspillage. La grande pêche du hareng, cela veut dire que cela se convertit en farine, cela veut dire qu'on prend 59 livres de protéines de poisson pour faire une livre de protéines animales, pour faire une livre de suif sur un boeuf. C'est sans proportion. Favoriser l'éclosion, la multiplication ou le maintien de moulins à farine, transformer le hareng, c'est du dernier ridicule, cela ne paie même pas. Les prix sont avilis à un point tel qu'au Nouveau-Brunswick, on se demande si on doit rouvrir. Alors, forcer le contingent de ce côté-là, non.

Mais il reste après cela des zones de pêche. Nous autres, le Québec, on contrôle la pêche du homard, on contrôle assez bien ce qui reste de la pêche du pétoncle. Nous connaissons les stocks et nous les contrôlons un peu. La crevette, c'est une demande qui a été faite à Ottawa, avec l'assurance qu'on va attendre notre coup de téléphone.

Je crois que l'allusion y a été faite ce matin. Lorsque les stocks de morue et de sébaste seront à terre, il est possible qu'il se concentre un effort de pêche du côté de nos bancs de crevettes de Sept-lles et de Natashquan.

On a demandé tout de suite d'imposer des restrictions et de limiter le nombre de bateaux. Le Québec s'est déjà servi de ce côté-là. On peut tolérer la présence de trois ou quatre bateaux, mais pas une invasion.

M. Morin: Vous faites allusion aux crustacés de la Côte-Nord. Je sais qu'il y a des dizaines de petits pêcheurs sur la Côte-Nord qui ont réagi très mal à la nouvelle politique du ministère, quant à la réglementation très stricte de la pêche aux crustacés.

M. Saint-Pierre: Vous voulez probablement dire la pêche du pétoncle.

M. Morin: Oui, du pétoncle, en particulier.

M. Saint-Pierre: Les bancs de pétoncles sont très disséminés. La connaissance que nous avons des stocks permet une pêche commerciale. Nous avons six bateaux de pêche actuellement. Par contre, je crois que les gens de la Basse-Côte-Nord avaient mal saisi. Nous avons corrigé cette mauvaise impression. C'est parce qu'il se fait de la pêche au pétoncle. C'est le petit pétoncle, le chlamys islandicus. On le trouve là-bas, beaucoup dans des rigolets. Ce qu'on appelle rigolets, vous savez ce que cela veut dire. Dans le langage des gens de la Basse-Côte-Nord, les fjords en somme, à la basse marée, il se dessine des ravins, en somme, de petits bouts de rivière mal bâtis.

Il y a des pêcheurs qui font une pêche artisanale au pétoncle. Ils se croyaient visés et ils ne le sont pas.

M. Morin: Ah! ils ne le sont pas?

M. Saint-Pierre: Non, la correction a été faite.

M. Morin: On se plaignait du fait que le nombre des permis commerciaux était de plus en plus réduit. Je pense que ces pêcheurs comprenaient la nécessité de contingenter les prix, jusqu'à un certain point, puisque c'est un fait que les réserves s'épuisent et que ce genre de crustacé se renouvelle fort lentement, puisqu'il faut des années pour faire un pétoncle.

M. Saint-Pierre: C'est une population qui est très disséminée.

M. Morin: Ce qu'ils comprenaient mal, à ce qu'ils nous ont fait savoir, c'est la politique d'émission des permis et, en particulier, le peu d'attention et de priorité accordé aux pêcheurs qui vendent frais.

M. Saint-Pierre: Le petit pêcheur artisanal, cela ne le touche pas.

M. Lacroix: D'après le secteur de la Côte-Nord, voulez-vous parler du secteur de Havre-Saint-Pierre, d'Anticosti ou de Natashquan?

M. Morin: C'est plutôt Havre-Saint-Pierre. M. Lacroix: II y a eu une...

M. Morin: La correspondance que nous avons eu là-dessus...

M. Lacroix: Oui, une réponse a été transmise le 18 mai, je pense, qui est assez précise, concernant tout ce problème, à M. Lucien Lessard, le député de Saguenay, concernant les permis de pétoncle par M. Jules Barras, directeur général; une lettre très élaborée, de quelques pages...

M. Morin: J'ai la lettre devant moi.

M. Lacroix: ... qui donne les renseignements. Je crois que c'est très complet.

M. Morin: Je vais mettre fin au débat par une question très précise. Est-ce que ceux qui pêchent pour vendre des pétoncles à l'état frais sont considérés comme des pêcheurs sportifs qui n'ont pas à obtenir le permis qu'ils croyaient devoir obtenir jusqu'ici? Pour la pêche sportive, il n'y a pas d'obligation d'obtenir un permis, si j'ai bien compris. C'est la pêche commerciale qui exige un permis.

M. Saint-Pierre: C'est la pêche commerciale. C'est-à-dire que nous émettons des permis de pêche à six propriétaires de navire. Actuellement, il y a six navires autorisés à faire la pêche avec le chalut, le râteau et tout cela. C'est considéré, peu importe l'expression, comme une pêche artisanale ou pêche pour besoins particuliers; ces petits pêcheurs vont chercher cela un peu à la mitaine. Ils sont exclus de notre réglementation, en général.

M. Morin: Bon.

M. Saint-Pierre: C'est très clair, il me semble, dans la lettre, au paragraphe 2 de la page 2.

M. Morin: "Exclure, pour 1976, les pêcheurs occasionnels de pétoncles au nombre de détenteurs de permis commerciaux à l'exception de la pêche sportive, faite à l'aide d'un râteau manuel, non en vue du commerce. "Pour 1976, la pêche sportive pourra se dérouler comme à l'habitude, aucun permis devant en réglementer la pratique." Voici ce qui n'était pas clair, dans notre esprit, c'était que ces gens sont identifiés à la pêche sportive, si je comprends bien, à toutes fins pratiques.

M. Lacroix: Le râteau manuel. Quand vous allez faire la pêche commerciale, vous n'y allez pas avec un râteau manuel. Vous y allez avec des gréements, des agrès de pêche qui sont plus compliqués, plus sophistiqués. Cette forme de pêche demande un permis spécial.

M. Morin: Oui, mais la difficulté, c'est que vous dites "non en vue du commerce." Non seulement ils doivent le faire au râteau manuel, mais non en vue du commerce.

Le cas sur lequel j'attire votre attention, c'est celui des petits pêcheurs qui vont effectivement, au râteau manuel, chercher ces pétoncles, mais qui veulent les vendre à l'état frais. Vous me faites signe qu'il n'y a pas de différence...

M. Lacroix: C'est un peu comme...

M. Morin: ... mais je voudrais en être sûr.

M. Lacroix: Que voulez-vous. C'est un peu comme chez nous. Les gens qui vont aller chercher les "clams" ou les coques' qui vont aller les bêcher; on ne les considère pas comme des pêcheurs commerciaux, même s'ils en vendent deux ou trois seaux le long de la route.

M. Morin: Oui, mais...

M. Lacroix: S'ils en vendent 5000 livres par jour, s'ils engagent 3000 personnes avec un râteau, cela ne devient pas la même chose.

M. Morin: Attendez un peu.

M. Lacroix: Non, mais mettons qu'on va aux deux extrémités...

M. Morin: Oui, mais entre 3000 personnes et quelques individus...

M. Lacroix: On parle d'un individu qui va y aller avec sa femme ou un de ses fils, il va en ramasser un ou deux seaux, là, ce n'est pas de la pêche commerciale. Si, définitivement, le gars fait de la pêche commerciale et qu'il intervient dans le commerce, c'est certain que ceux qui détiennent un permis pour faire ce genre de pêche, vont le rapporter au service de protection du ministère. Une enquête sera faite.

M. Morin: C'est le point sur lequel je veux des éclaircissements. Je m'excuse, M. Beaupré, de vous interrompre une seconde et je vous laisse tout le loisir...

M. Lacroix: M. Bernard.

M. Morin: M. Bernard, je m'excuse.

M. Côté: Viateur.

M. Morin: M. Viateur Bernard. Si un petit pêcheur au râteau se rend dans les régolets et vend le produit de sa pêche, peut-être quelques seaux, peut-être quelques caisses, je ne sais trop, s'il vend le produit de sa pêche à un hôtel ou à un restaurant, est-il visé par votre système de permis?

M. Saint-Pierre: M. le Président, c'est une chose que je vais contrôler. Apparemment, d'après le nombre de permis émis, si le mouvement du nombre de permis laisse sous-entendre qu'ils sont assujettis à la délivrance d'un permis, alors je vais le contrôler, s'il y a une correction à faire, elle sera faite incessamment.

M. Morin: Allez-vous faire la correction dans un sens favorable aux petits pêcheurs au râteau?

M. Saint-Pierre: A partir de la lettre où on dit, le régime qui prévalait, vaudra pour cette année. Cela veut dire une autorisation tacite de pêcher avec un ou deux râteaux. Seulement, s'ils sont assujettis à un permis — sans m'en rendre compte, vous avez même copie de la correspondance, s'il y a lieu.

M. Morin: Bien.

M. Saint-Pierre: ... puisque c'est un dossier que vous possédez déjà.

M. Morin: M. le Président, je crois que cela dispose de la question. Un instant, je fais le tour du dossier pour être bien sûr... Ah! Nous allons parler d'un autre sujet qui intéresse fort le député, des îles et où je crains que les résultats...

M. Lacroix: Vous savez bien que tout m'intéresse.

M. Morin: ... obtenus n'aient pas été brillants. Ce n'est pas au ministre que je m'adresse, c'est au député responsable des pêcheries.

M. Lachance: Des pêcheries.

M. Lacroix: Les casiers à homards.

M. Morin: Oui, les compensations pour les cages à homards détruites en 1975. Il y a eu correspondance. Ce matin, le député responsable de la pêche — ou des déboires de la pêche...

M. Lacroix: Notre fière saison, l'année dernière.

M. Morin: ... le député nous a dit qu'il y avait eu des difficultés à indemniser les pertes de 1975. On se souviendra que les pertes de 1973 avaient fait l'objet d'une indemnisation au printemps 1974 à la suite des interventions du député de Saguenay.

M. Lacroix: C'est drôle qu'il n'ait pas été capable de l'obtenir en 1975.

M. Morin: Je me demande justement s'il ne va pas être obligé d'intervenir dans le dossier, puisque le député des îles ne semble pas avoir obtenu le même succès pour cette année. Les dommages sont quand même sérieux. On parle — je ne sais pas si vous pourriez me confirmer le chiffre — de 17 800 cages détruites. Ce serait ma première question: Est-ce le chiffre exact?

M. Lacroix: M. Bernard va vous répondre, et après cela, j'irai.

M. Saint-Pierre: Ecoutez, ces chiffres, je n'ai pas le dossier ici... Ce qui arrive habituellement chez nous, lorsqu'il se produit une tempête et qu'on sait qu'il y a des pertes, je demande à nos agents de pêcheries de faire une première vérification dès le lendemain de la tempête, si possible.

On accepte la déclaration sans poser de question. Tu as perdu combien de casiers? Le bonhomme va dire: 150. Cela arrive toujours à des chiffres justes. Cela se divise toujours par cinq. J'ai été témoin, lorsque nous avons fait des ajustements, lors du versement de $203 000, précisément en 1973, pour les pertes subies qu'il y a eu beaucoup d'ajustements. J'ai été très édifié par des déclarations assermentées. Ainsi, quelqu'un dit: J'avais fait une première déclaration de 160 et, effectivement, j'en ai perdu 88. C'est difficile à contrôler. C'est pour ça que le chiffre de 17 000

est vraisemblable, parce que le monsieur qui a 300 casiers à homard et qui va lever ses casiers le lendemain pour les visiter, constate qu'il lui en manque. Il peut se faire qu'une bouée soit immergée et il ne l'identifie pas. Ce serait peut-être bon de réviser les déclarations au bout d'une semaine, au bout de quinze jours. Il y a beaucoup de casiers qui refont surface avec le temps. Tout ça est un phénomène. Avec 17 000, on peut partir d'un ordre de grandeur. Disons que c'est vraisemblable.

M. Lacroix: En 1963, la tempête a duré deux jours...

M. Saint-Pierre: En 1973...

M. Lacroix: En 1973, excusez. Le gérant de Cape Lobsters m'a téléphoné pour me dire qu'il y avait des dommages considérables dans la partie septentrionale des Iles-de-la-Madeleine où il y a le plus grand nombre de casiers qui seront également mis à l'eau.

J'ai appelé tous les producteurs. C'est facile, parce que les pêcheurs livrent tous à une usine déterminée. Une personne livre son homard à Cape Lobsters. L'autre livre à Maritime Packers. L'autre livre à la Coopérative du Gros-Cap. L'autre est client de la Coopérative centrale. L'autre est client de J. W. Delaney. Ce sont les seules personnes qui font le commerce du homard aux Iles-de-la-Madeleine. J'ai pris sur moi d'appeler chacun des producteurs pour vérifier auprès de leurs pêcheurs le nombre de casiers qui avaient réellement été endommagés. Le lendemain, ou dans les deux ou trois jours qui ont suivi, par l'entremise de M. Viateur Bernard et de M. Gérald Bourque qui, à ce moment, étaient responsables du service de protection au ministère, j'ai demandé qu'on fasse la même enquête auprès des pêcheurs.

Les déclarations se sont avérées à peu près identiques. Par la suite, on a demandé à nos gardes-pêche du service de la protection de faire signer une déclaration assermentée par toutes les personnes qui avaient subi des dommages. A ce moment, il y avait 22 000 casiers... En tout cas, il était censé y avoir environ 22 000 casiers. En fait, on en a payé 27 000. Cela a coûté $210 000, alors qu'on avait prévu $200 000.

En 1975, il est arrivé une tempête, il est vrai, avec des vents à peu près semblables, mais pas dans les mêmes secteurs. Il y en a qui nous avaient dit, par exemple, qu'ils avaient réclamé 17 casiers. Ils ont dit: La prochaine fois, on va en réclamer 170. Il y en a un, à la Grande-Entrée qui a sa spécialité... Il y en a qui pêchent à la grande eau et d'autres qui pêchent à la petite eau, c'est-à-dire qu'il y en a qui pêchent au large et il y en a qui pêchent sur les caps. Ceux, naturellement, qui pèchent sur les caps sont plus exposés à subir des dommages par les tempêtes, parce qu'il y a moins profond d'eau et c'est sur des fonds rocailleux, et, à ce moment, les dommages sont plus grands.

Un, en particulier, en 1973, a réclamé 190 casiers qu'on lui a payés $7.50 l'unité. En 1975, il en a réclamé 282. La tempête est survenue vers le 28 mai. Chose curieuse, malgré qu'il ait perdu la presque totalité de ses casiers, il a réussi à capturer 1000 livres de homard de plus que l'année précédente.

Sa spécialité est d'acheter les vieux casiers des autres qu'il paie $0.75 et $1 parce qu'il pêche à la petite eau sur les caps et qu'il sait qu'il va perdre ses gréements à tous les deux ans. Vous savez, il est plus apte à les perdre, mais, aux Iles-de-la-Madeleine comme ailleurs dans la province, les gens sont d'une honnêteté proverbiale. Ils ne voleront jamais un cent à leur voisin. On n'a pas besoin de barrer nos portes aux Iles parce qu'on sait que les gens sont d'une honnêteté extraordinaire, mais, comme partout ailleurs, dans la province, lorsqu'il s'agit de voler le gouvernement ou de tromper le gouvernement...

M. Morin: Ce n'est pas pour cela qu'ils vous ont élu. C'est pour les représenter.

M. Lacroix: ... ce n'est pas un péché, c'est une vertu et, dans le nombre de 17 000 casiers, on s'est rendu compte qu'il y avait des exagérations très grandes. En 1973, les délais qui se sont écoulés, pour le paiement du dédommagement... Premièrement, il a fallu faire accepter le principe que cela ne s'était jamais fait dans le passé, ni les pêcheurs actuels qui pêchent depuis 20 ans, 25 ans ou 30 ans, ni leur père, ni leur grand-père, ni leur arrière grand-père, ni leur arrière-arrière grand-père n'auraient été dédommagés pour des pertes subies à cause de tempêtes.

A la suite d'interventions que j'ai faites, étant donné les circonstances, la compréhension du ministre qui est encore là, on a obtenu un remboursement de $200 000, mais le temps qui s'écoule entre toutes les vérifications, les demandes sont transmises pour approbation au Conseil du trésor, au Conseil des ministres et que cela se promène d'un département à l'autre, il s'écoule toujours certains délais.

Par la suite, quand le paiement est arrivé, on venait de passer au système automatique, l'IBM et on a eu de légers problèmes avec l'émission des chèques. Il a fallu recommencer à deux reprises. A la fin, il a fallu se fâcher et M. Bernard, le ministre et moi-même avons dit: Vous allez faire les chèques à la mitaine. Vous allez payer.

Entre-temps, le député de Saguenay a écrit une lettre et les chèques ont été émis, en 1973, dans la même semaine. Naturellement, à ce moment, M. Lessard, le Parti québécois et M. Achille Hubert, que vous connaissez aussi, ont dit que c'était grâce au Parti québécois que les pêcheurs avaient été dédommagés.

Je suis allé les rencontrer l'année dernière et j'ai dit: On ne peut pas jouer ce jeu de fous chaque année parce que la fraude possible... Il y avait une proposition du gouvernement fédéral, un système d'assurance qui était proposé et qui n'a pas été accepté par les gens des Iles. Il faut bien comprendre que les désastres qui sont compen-sables en partie, par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial, dans notre cas,

aux Iles-de-la-Madeleine, si vous perdez 20 000 casiers, si vous les estimez à $10 chacun, cela représente $200 000.

Il faut enlever $1 par tête de population de la province. Alors, à ce moment, on doit de l'argent au gouvernement fédéral. On n'a pas droit à l'aide du gouvernement fédéral, alors qu'à l'lle-du-Prince-Edouard, si les pêcheurs subissent la même perte, alors que le contrôle des casiers mis à l'eau n'est pas le même que chez nous, aujourd'hui, on en arrive, parce qu'ils ont trouvé que les réclamations ont été trop considérables... S'ils perdent 20 000 casiers à $10 chacun, soit un montant de $200 000, moins $1 par tête de population, ils ont $100 000 de subvention du gouvernement fédéral.

M. Morin: Ils ont déjà reçu leur compensation.

M. Lacroix: C'est à cause de la population de la province qui est très peu nombreuse. Vous avez à Terre-Neuve un très grand nombre de casiers. Il y a 650 000 casiers à Terre-Neuve qui sont mis à la mer, mais vous avez une population qui n'atteint pas un million. S'il se perd, supposons, la moitié, 200 000 casiers ou 250 000 casiers, cela fait 2 500 000. Si vous enlevez un million, ils ont droit à une compensation de $1 500 000, mais, pour nous, la pilule est arrivée en retard.

La population étant trop considérable; vis-à-vis des casiers de homards, cela ne marche pas. En 1975, ils m'ont dit: M. Lessard l'ayant obtenu... J'ai dit: S'il a été assez fort pour l'obtenir en 1973, qu'il vous l'obtienne en 1975, je ne suis pas capable. Ce système-là, je ne l'accepte pas.

M. Morin: II va falloir qu'il essaie.

M. Lacroix: Essayez. J'ai bien hâte de vous voir arriver. Je vous ai mentionné ce matin que j'avais proposé un système qui, à la demande des pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine, accepte que... Leur gréement de pêche doit être remplacé régulièrement, tous les cinq ans; il se perd 20% de l'équipement par année, soit par l'usure, soit par les tempêtes. Etant donné le plafonnement des prix payés aux pêcheurs, étant donné l'augmentation de leurs coûts de production également, les casiers coûtent plus cher et leurs frais d'exploitation étant plus élevés, on dit: Pour compenser l'augmentation du coût, on va payer $5 pour 20% des casiers mis à l'eau. Chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine, il ne peut pas se mettre moins de 300 casiers à l'eau et il ne peut pas s'en mettre plus de 300. Ce qui veut dire que, lorsque le pêcheur va prendre son permis, à ce moment-là, il a 300 casiers; cela veut dire qu'on contribuerait à 60 casiers à $5 par casier, ce qui ferait une subvention de $300 directement, qu'il y ait tempête ou pas tempête.

M. Morin: Bon an mal an?

M. Lacroix: Bon an mal an. Mais, s'il arrivait un désastre réel, une tempête extraordinaire où il y aurait réellement un perte très considéralbe, cela n'empêcherait pas le gouvernement d'intervenir d'une façon supplémentaire, mais, bon an mal an, nous contribuerions une somme; si la personne veut l'utiliser pour réparer ou remplacer ses gréements de pêche, elle le fera, mais elle n'a droit à subvention qu'au moment où il a été prouvé qu'elle avait les casiers, au moment où le permis a été émis. Les gens de la Gaspésie, à qui j'ai expliqué le cas, ont accepté le principe et je crois qu'à ce moment-là, on sait exactement où nous allons, parce qu'il y a 110 000 casiers à peu près aux Iles-de-la-Madeleine qui sont mis à la mer et, en Gaspésie et sur la Côte-Nord, à peu près 40 000. Mettons 150 000 casiers. Si vous prenez 20% de cela, c'est 30 000 casiers qu'on subventionnerait à $5, quite à réviser selon l'augmentation des coûts.

M. Morin: $150 000.

M. Lacroix: On sait que cela coûterait $150 000 par année, ce qui serait une subvention directe aux pêcheurs.

M. Morin: Quelle réception avez-vous eue auprès du ministre lorsque vous avez proposé cela?

M. Lacroix: Le ministre est prêt à étudier attentivement la proposition dès que je vais la lui soumettre parce que je l'ai soumise aux Iles-de-la-Madeleine et en Gaspésie la semaine dernière; je lui en ai parlé brièvement avant le début, mais je ne lui ai pas fait un rapport écrit sur la proposition.

M. Morin: J'espère que le ministre est un adepte du homard. Cela faciliterait les choses, sûrement.

M. Lacroix: Le ministre est un adepte de toutes les choses qui ont du bon sens et qui ont bon goût.

M. Morin: Mais ça semble avoir des pinces en l'occurrence.

M. Lacroix: Oui, mais seulement ce sont de bonnes pinces. Surtout, il a une pince sur le budget de son ministère. Il est toujours prêt à desserrer les pinces lorsque nous lui prouvons que l'argent qui sortira de la bourse que nous lui demandons de délier servira à de bonnes fins. C'est ainsi que le ministre, j'en suis convaincu, desserrera les pinces pour me permettre d'aller puiser dans la bourse du gouvernement les sommes nécessaires pour permettre à nos pêcheurs de recevoir une compensation qui soit valable.

Pour cette année, la liste de requérants, on va essayer de vous donner cela, le chiffre exact des réclamations qui ont été faites. Voici.

M. Morin: Mais, pendant que vous cherchez le nombre...

M. Lacroix: Voici, voici, voici.

M. Morin: ... de requérants, puis-je demander au ministre son attitude sur votre suggestion, bon an mal an, est-il prêt à desserrer les pinces?

M. Saint-Pierre: N'ayant pas eu le rapport complet, il y a un ensemble de critères dans cela pour savoir quels pourraient être les revenus l'an dernier et cette année des pêcheurs de homard. Deuxièmement, les restrictions budgétaires pour l'ensemble du gouvernement, ce sont quand même des éléments. La distinction entre ce qu'il est raisonnable de demander au gouvernement et ce qui est moins raisonnable a aussi des cycles conjoncturels. Je remarque que, cette année, quand même les pêcheurs de homard, peut-être que le député des îles est mieux placé que moi pour les donner, aux Iles-de-la-Madeleine, l'an dernier, ont fait un revenu brut moyen qui a sûrement excédé $7000. Est-ce que j'ai raison, pour le revenu brut des pêcheurs de homard pour 8 semaines de pêche? Est-ce que ce serait à peu près ça?

M. Lacroix: Oui.

M. Saint-Pierre: II y en a certains qui sont allés jusqu'à $12 000.

M. Lacroix: Le meilleur pêcheur a capturé environ 11 500 homards. Quand on calcule un homard, c'est à peu près une livre. Il peut y avoir des homards de deux livres ou trois livres, mais aussi de trois quarts de livre, parce que, pour nous, le homard, c'est trois pouces d'encéphalogramme, c'est-à-dire à partir de l'orbite de l'oeil jusqu'au "bataillon".

Naturellement, M. le ministre, vous comprendrez que le revenu brut, le prix payé au pêcheur ne change pas beaucoup et il a atteint un montant maximum. Pour la vente du homard de la Gaspésie, par exemple, sur les marchés de Montréal et de Québec, le homard vivant, les pêcheurs gaspé-siens peuvent recevoir un prix supérieur à celui que les pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine reçoivent à cause des conditions de transport. Il ne faut pas oublier que quasiment 90% des captures totales du homard de la province de Québec se font aux Iles-de-la-Madeleine.

M. Morin: Je sais cela.

M. Lacroix: Maintenant, il y a d'autres...

M. Morin: Mais le ministre a l'air hésitant devant vos suggestions.

M. Lacroix: II y a le homard qui doit être mis en conserve. Celui-là, c'est le homard qui est faible ou infirme. Le homard, c'est un peu comme dans votre parti il se détruit entre lui, il se coupe des pattes parfois et des ailes. Naturellement...

M. Morin: J'avoue que nous n'avons pas des pinces aussi efficaces que celles qu'on trouve dans le Parti libéral.

M. Lacroix: Mais chez nous, on ne se coupe pas les pattes, ni les pinces, on continue à mordre.

Quand un homard a seulement une pince, lorsqu'il se détruit, à la fin de la saison, si on arrête la saison de pêche le 10 juillet, c'est parce que le homard approche du moment de la mue et change de coquille. Lorsque le homard change de coquille, il n'est pas de qualité commerciale pour la vente pour consommation à l'état de coquilie c'est clair, mais il est bon pour la consommation en boîte. Pour la boîte, quand vous allez vous ou moi chez Steinberg, chez Dominion ou au Coo-prix, dans votre cas, naturellement...

M. Morin: C'est bien deviné.

M. Lacroix: ... et que vous payez une boîte de homard de 5 onces $4.79, vous savez que ça devient un produit de luxe. A ce moment, le producteur n'est pas capable de faire mieux parce que, avec 100 livres de homard, vous faites à peu près 25 livres de produit en boîte. S'il a été payé $1.10 ou $1.15 la livre au pêcheur, ça veut dire que, dans la boîte, il coûte $4.60, plus le transport, la manutention, la cuisson, l'emballage. A ce moment-là, ce n'est certainement pas payant. Il faut un équilibre.

M.Morin: Mais si nous revenions à nos casiers...

M. Lacroix: C'est à cause de cela que le pêcheur doit être aidé indirectement, ne pouvant pas espérer davantage de son produit, ses frais de production augmentant, alors qu'il payait son aide-pêcheur $800 il y a trois ou quatre ans, aujourd'hui, il doit le payer $1200 ou $1500, qu'il y ait du poisson ou qu'il n'y en ait pas, qu'il prenne 8000 homards ou qu'il en prenne 5000... S'il s'est engagé un aide-pêcheur le 10 mai, pour la saison, s'il l'a engagé à $1200 ou à $1500, l'aide-pêcheur ne lui demande pas s'il va capturer du poisson ou s'il n'en capturera pas.

C'est à cause de cela que l'aide indirecte doit être... C'est une aide indirecte qui serait une aide au pêcheur propriétaire du bateau. Mais, pour en revenir aux casiers qui ont été déclarés perdus l'année dernière...

M. Morin: Oui, ce serait une bonne idée de revenir à nos casiers.

M. Lacroix: C'est 17 396 casiers.

M. Morin: Oui, c'est le chiffre que le député de Saguenay avait dans son dossier, dix-sept mille quelques cents.

J'étais très heureux que le député des îles souligne la coïncidence entre la lettre du député de Saguenay, adressée le 20 février 1974, à la direction générale des pêcheries dudit ministère, lettre qui avait entraîné des résultats presque immédiats...

M. Saint-Pierre: ... le chef de l'Opposition,

pour ne pas l'induire en erreur, que c'était une coïncidence fortuite, que...

M. Morin: Et je me demandais si c'est une coïncidence fortuite que, depuis que le député des îles est dans le tableau, c'est-à-dire, en gros, depuis septembre 1975, le problème des pertes ne semble pas vouloir se régler. Est-ce là une autre coïncidence fortuite? En tout cas...

M. Lacroix: On essaie de faire intervenir Ottawa. Ottawa était prêt à intervenir dans le régime d'assurance qu'il avait proposé aux pêcheurs, 20% payé par le pêcheur, 30% payé par la province et 50% par le gouvernement canadien.

Les pêcheurs ont refusé catégoriquement, parce que, pour être considéré désastre, il fallait que, dans un territoire délimité — ce n'était pas sur l'ensemble du territoire des îles, pas plus que sur l'ensemble du territoire de la Gaspésie — où l'ouragan, le cyclone ou la tempête aurait été plus fort, du côté est, du côté nord ou du côté sud, il fallait que dans un territoire délimité, il y ait au moins 40% de perte pour qu'ils aient droit à un dédommagement.

Depuis de nombreuses années nous avons regardé les statistiques et nous nous sommes rendu compte que, de mémoire d'homme et de mémoire de pêcheur et...

M. Morin: De homard?

M. Lacroix: ... de pêcheur de homard, oui, cela ne s'était pas produit. Alors, ce n'était pas avantageux. Ce système-là, ils ne l'acceptaient pas. Naturellement, comme le gouvernement fédéral aurait eu une contribution à verser, nous allons essayer d'obtenir, de la part du gouvernement fédéral — et je vais le demander à M. Leblanc dimanche prochain — de contribuer à ce système qui est très facile de contrôle, parce que tous les casiers qui sont mis à la mer sont contrôlés et nous savons exactement le nombre de casiers...

M. Morin: C'est le système bon an mal an? M. Lacroix: Oui.

M. Morin: Tout cela, c'est bien beau, ce système d'assurance...

M. Lacroix: Ce n'est pas une assurance.

M. Morin: Non, je comprends. C'est bien beau, votre système. Je serais d'accord avec un système qui tendrait à aider les pêcheurs de homard et à tenir compte des pertes quasi inévitables qu'ils font chaque année...

M. Lacroix: L'usure normale.

M. Morin: L'usure normale. C'est bien beau également le système d'assurance qui a d'ailleurs été refusé par les gens des îles, à ce que je vois, pour des raisons très valables, mais qu'allez-vous faire de concret pour les pertes de 1975? Elles sont là.

M. Lacroix: Rien. M. Morin: Rien. M. Lacroix: Non.

M. Morin: Le gouvernement québécois ne fera rien, en l'absence d'Ottawa?

M. Lacroix: Non.

M. Morin: Puisque Ottawa refuse, le Québec dit la même chose?

M. Lacroix: Là n'est pas la question. Il s'agit d'établir... Je me suis rendu compte que plus on en donne sans réglementation, sur la base de la sentimentalité, plus on en exige, par la suite, sans raison réellement valable. C'est non valable uniquement pour les pécheurs. C'est dans tous les domaines.

En 1973, lors de la tempête, si je n'avais pas agi personnellement et demandé au gouvernement de compenser, jamais les pêcheurs ne l'auraient demandé. Parce que nous avons ouvert la porte une fois, maintenant, pour toutes sortes de raisons, pour la moindre petite tempête, la personne qui n'ira pas lever ses cages au moment où elle devrait le faire, va faire des réclamations.

Il faut en arriver à un consensus afin de marcher sur une base d'affaires, dans ce domaine comme dans d'autres.

M. Morin: Vous semblez avoir très peu confiance dans les gens des îles.

M. Lacroix: Ce n'est pas la question. On a été trompé, la première fois... Je pourrais vous dire le nom d'une personne qui en avait réclamé 17. Elle a dit: La prochaine fois, je vais en réclamer 170. Si vous vous imaginez vous autres qu'il y a des déclarations assermentées... Vous savez, les avocats, ce que cela vaut les déclarations assermentées. Je n'ai pas plus confiance plus qu'il ne le faut. Ce que j'ai dit tantôt reste toujours valable. Quand il s'agit d'aller chercher de l'argent au gouvernement, il n'y a pas de péché, c'est une vertu.

M. Morin: M. le Président...

M. Lacroix: Premièrement, ce n'est pas dans la loi; ce n'est pas prévu par la loi. Nous l'avons fait une fois pour rendre service aux pêcheurs. Ils savaient que ce n'était pas renouvelable, chaque année.

L'an dernier, il y a eu la tempête, l'ouragan Blanche. Nous avons dédommagé les pêcheurs qui ont perdu ou subi des dommages à leurs embarcations. Nous avons compensé également un grand nombre de jardiniers, de cultivateurs, pour les pertes maraîchères. Cet hiver, en mars, quand les chèques leur sont parvenus, il y en a 45 ou 50

qui ont découvert qu'ils avaient subi des pertes. Il n'avait pas su que, l'année dernière, l'employé du ministère de l'Agriculture a fait ie tour pour savoir s'il y avait des pertes, que des employés du ministère de l'Agriculture, du service de l'assurance-récolte sont allés vérifier et estimer les pertes.

Là, au mois de février, quand les personnes qui avaient subi des pertes et les avaient déclarées ont reçu leur chèque, les autres se sont réveillés et avaient subi des pertes. Mais, il était assez difficile, au mois de février, d'aller vérifier l'état des pertes réellement subies par les jardiniers ou les cultivateurs.

Naturellement, il a fallu leur dire non. J'ai expliqué aux pêcheurs eux-mêmes, lors d'une réunion de l'Association des pêcheurs, que, dans l'avenir, s'il y avait des pertes, à moins qu'on en vienne à un consensus, à une façon de procéder qui serait établie pour toutes les années à venir, que ce soit un régime de compensation ou un régime d'assurance, tant et aussi longtemps que ce ne serait pas établi de façon efficace, réelle et valable, ils ne devaient pas compter sur l'assistance du gouvernement.

Je leur ai dit: Est-ce que, il y a cinq ans, i! y a dix ans, il y a quinze ans, il y a cinquante ans, il y a soixante-quinze ans, déjà un gouvernement est venu compenser pour les pertes que vous avez subies? Ils ont accepté cela. Mes pêcheurs, je les connais. Je leur parle. Je leur dis la vérité.

Il y a des étrangers qui viennent, naturellement, qui leur font accroire, qui tentent de leur faire croire certaines choses, mais cela me réussit bien, parce que, ma majorité de 192 est passée à 1900 et, la dernière fois, malgré la campagne très violente que l'on m'a faite, j'ai réussi à me faire réélire avec 1875 de majorité, alors que j'ai été malade plus de la moitié... Je sortais de l'hôpital. J'ai fait la campagne électorale dans trois jours et j'ai prononcé trois discours.

M. Morin: Je regrette que le député juge ces choses par la majorité qu'il obtient, parce que ce n'est évidemment pas le critère, il en conviendra.

M. Lacroix: Cela prouve toujours que la population me croit et me suit dans certains domaines. Je pense que la population... Le député de Sauvé, s'il était élu une fois dans un comté rural se rendrait peut-être compte qu'il y a une légère différence entre l'électorat d'un comté rural et l'électo-rat d'un comté urbain.

Une fois, une personne arrive chez moi et me demande une chose. C'était absolument impensable et inimaginable que cela puisse être possible. Je lui ai dit: Viens donc t'asseoir à ma place, et je vais m'asseoir à la tienne. Je lui ai posé la même question, j'ai dit: Qu'est-ce que tu réponds? Elle a dit: Oui, c'est vrai, cela n'a pas grand bon sens. J'ai dit: Pourquoi as-tu posé la question? Elle a dit: Si on ne demande rien, on n'aura jamais rien. Cela se résume à cela.

M. Morin: M. le Président, je ne veux pas faire durer indéfiniment l'étude de ce programme, parce qu'il y en a d'autres. Il nous en reste quelques-uns à couvrir encore. Autant je suis d'accord avec l'idée de trouver un système pour l'avenir, un système d'indemnisation ou un système d'assurance, autant je trouve qu'on peut difficilement priver les pêcheurs de homards pour le passé, s'ils ont effectivement subi des pertes importantes. On dit que les dommages sont sérieux, peut-être même plus graves que lors des pertes de 1973.

M. Lacroix: Certainement, non. D'ailleurs, 17 396 casiers, cela ne représente même pas 16% des casiers mis à l'eau.

M. Morin: Non.

M. Lacroix: Là, on parle de compenser pour 20%. On ne peut pas considérer comme un désastre, alors qu'il y a une usure normale de 20% par année de l'équipement des gréements des casiers mis à la mer, alors qu'il n'y a même pas le minimum de l'usure normale. On ne peut pas considérer cela comme un désastre. Cessez de faire croire aux gens qu'ils sont dans la misère. Ce n'est pas le cas.

M. Morin: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Je n'ai pas parlé de misère...

M. Lacroix: ... laissez-moi vous dire...

M. Morin: ... j'ai parlé de pertes sérieuses, ce n'est pas la même chose.

M. Lacroix: C'est toujours dommageable.

M. Morin: Bien sûr, les 20% d'usure normale s'appliquent à l'ensemble des casiers, donc une perte de quelque 17 000 casiers qui sont détruits par un événement fortuit, c'est en plus des 20% d'usure normale; cela vient s'ajouter à l'usure. C'est pour cela que, pour ma part, je pense que le député aurait pu obtenir l'indemnité cette année encore, quitte à établir un système différent pour l'avenir, quitte à rechercher un système permanent qui soit plus équitable et surtout sur lequel les pêcheurs puissent compter. Je pense qu'il y aurait eu lieu quand même de prévoir une indemnisation pour les pertes de 1975. Si c'était bon la première fois, si c'était rendre service aux pêcheurs la première fois, cela l'aurait certainement été la deuxième fois également. Sur cette conclusion, je suis néanmoins disposé à ce que nous adoptions le programme 8.

Le Président (M. Brisson): Programme 8, adopté. Programme 7, des questions?

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Je voudrais prendre le programme 9, les services statistiques centraux.

Le Président (M. Brisson): Programme 9: Services statistiques centraux.

M. Morin: Oui, M. le Président.

M. Saint-Pierre: M. le Président, avant d'aborder le programme 9, je m'excuse, j'avais un document à déposer qui a été demandé ce matin et qui fournira aux parlementaires le nombre de pêcheurs commerciaux depuis 1970 à 1975, suivant les régions et les comtés de la province, de même que le nombre d'embarcations affectées à la pêche maritime, selon la jauge brute, de 1970 à 1975, divisé par le nombre de comté de la province, de même que subdivisé en embarcations qui ont moins de dix tonnes et qui ont plus de dix tonnes. Finalement, un troisième tableau qui donne, par une description détaillée des fins du permis, le nombre de permis de pêche commerciale qui ont été octroyés de 1970 à 1975. J'espère que ces renseignements sont de nature à satisfaire.

M. Morin: Ils seront certainement utiles. Je remercie le ministre.

Le Président (M. Brisson): Vous avez d'autres copies pour les membres?

M. Saint-Pierre: Oui, il y a une autre copie. Egalement, il y a un tableau pour savoir les régions de l'ICNAF. Y tenez-vous?

M. Morin: Nous les connaissons les régions de l'ICNAF. Les régions sont décrites dans la publication internationale.

M. Saint-Pierre: J'avais un tableau, mais vous l'avez.

M. Morin: Oui, je crois l'avoir, celui-là. Services statistiques

M. Saint-Pierre: M. le Président, à ma gauche, nous avons M. Maurice Turgeon, qui est responsable du bureau de la statistique du Québec, un organisme à l'intérieur du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais qui a des responsabilités horizontales, c'est-à-dire desservant l'ensemble des besoins de statistiques du gouvernement du Québec.

Nous avons ici un rapport annuel 1975/76 qui sort des presses et que j'ai le plaisir de vous remettre immédiatement, ainsi qu'aux autres parlementaires.

On remarquera qu'au budget...

M. Morin: Je souligne en passant que nous aurions aimé l'avoir peut-être un petit peu plus tôt. Cela aurait été utile pour l'étude des crédits.

Une Voix: C'est parce qu'il n'était pas encore sec.

M. Saint-Pierre: Evidemment, pour 1975/76, vous savez, c'est comme les rapports annuels de tous les organismes, ça finit le 31 mars et par le temps que vous... Sans ça, vous allez peut-être nous reprocher de préparer d'avance les rapports annuels avant que les événements arrivent.

M. Morin: Non, bien sûr, mais si nous avions pu l'avoir seulement une journée ou deux d'avance, cela aurait été utile.

M. Saint-Pierre: M. le Président, à l'élément 1, qui touche la production statistique, on voit un personnel, en 1976/77, de 119 employés et un budget total de $1 706 000. La page droite explique les variations qui ont pu être enregistrées par rapport à l'an dernier pour les différents éléments de ce programme. En fait, l'ensemble du Bureau de la statistique, on le comprendra, de par sa nature, veille simplement à répondre aux besoins d'information statistique de la part de différents ministères gouvernementaux. On le voit à l'élément 2, il fait également l'analyse statistique de toute une série de données. Finalement, à l'élément 3, il s'agit de la gestion interne et du soutien technique requis pour l'ensemble des activités statistiques.

Je ne sais pas si le chef de l'Opposition avait quelques questions particulières à peser à M. Turgeon.

M. Morin: Oui. Chaque année, vous entreprenez un certain nombre d'études dites spéciales, n'est-ce pas, au sein du bureau? Quelles sont les principales études en cours en ce moment?

M. Saint-Pierre: Je pense que vous les avez ici. Dans le rapport, on parle de ces projets spéciaux. Ceux qui sont en cours actuellement et qui font encore l'objet de travaux sont le redécoupage des concessions de Loto-Québec qui vient d'être terminé: financement des commissions scolaires...

M. Morin: Est-ce que c'est déterminé d'après le vote libéral aux dernières élections, ce redécoupage?

M. Saint-Pierre: Cela n'a rien à voir. Je n'ai pas vérifié, mais je n'ai pas le sentiment que c'est...

Financement des commissions scolaires, ce qui est une demande du ministère de l'Education, qui est en démarrage. La méthodologie a été faite au cours de la dernière année financière et les travaux ont débuté récemment.

Il y a aussi actuellement une demande de la Société d'habitation du Québec, qui peut-être, n'est pas encore ici, et qui est une étude spéciale pour l'année en cours. La méthodologie doit être terminée au mois de septembre.

Ce sont les dossiers les plus actifs actuellement comme études spéciales.

M. Morin: Je vois. Pourriez-vous nous dire où en est rendue la compilation des questionnaires qui ont été envoyés aux municipalités au sujet de leur budget 1976?

M. Côté: ... par le député de Chicoutimi? Ce n'est pas la même enquête? Non?

M. Morin: Je ne crois pas que le député de Chicoutimi ait posé de question, en tout cas, pas aux crédits, sur cette question.

M. Saint-Pierre: II s'agit du questionnaire se rapportant à leurs prévisions budgétaires?

M. Morin: Oui, et dans le cas de certaines municipalités, c'était pour 1976/77.

M. Saint-Pierre: ...

M. Morin: Bien, d'après ce que j'en sais, en tout cas, c'était c'était pour leur budget 1976 et, dans certains cas, 1976/77.

M. Saint-Pierre: Peut-être certaines pour lesquelles l'année finissait...

M. Morin: L'année financière est différente.

M. Saint-Pierre: Je ne peux pas vous dire exactement où en est la compilation, mais je pourrais fort bien vous le faire savoir. Je peux m'informer.

M. Morin: Est-ce possible, oui? M. Saint-Pierre: Certainement.

M. Morin: Cela me serait fort utile, parce que c'est un sujet qui nous intéresse très fortement.

Cette compilation vous permettra-t-elle d'établir l'augmentation des impôts fonciers municipaux en 1976 par rapport à 1975?

M. Saint-Pierre: Cela m'étonnerait beaucoup, parce qu'il y a plusieurs sujets qui seront financés par d'autres modes de financement que l'impôt foncier.

M. Morin: Oui, c'est exact, et il y a toujours les taxes spéciales aussi, d'accord, et il y a l'augmentation de la taxe de vente. D'accord?

M. Saint-Pierre: II y a aussi l'augmentation de l'aide du gouvernement aux municipalités qui a atteint près de $1 milliard, cette année, en 1976, par rapport à $300 millions...

M. Morin: Je ne tiens pas à ouvrir un débat là-dessus avec le ministre. Je vais attendre l'étude des crédits du ministère des Finances, la semaine prochaine, mais il est évident que les municipalités font face à une situation extrêmement pénible. C'est justement dans ce cadre que je désirais obtenir des renseignements à tout le moins sur leur budget. Ce projet, si je comprends bien, ne porte que sur le budget, ne fait pas allusion aux revenus, autrement dit. Ce sont seulement...

M. Saint-Pierre: ... les prévisions budgétaires telles qu'elles sont faites pour...

M. Morin: Vous êtes sûr que l'étude ne comprendra pas les revenus aussi bien que les dépenses et les revenus par catégories de taxes?

M. Saint-Pierre: En ce qui concerne les prévisions, je pense qu'il y a les deux. Il y a prévisions-revenus, prévisions-dépenses.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Mais pour revenir à votre question en ce qui concerne l'impôt foncier comme tel, il y a beaucoup de municipalités qui, préalablement, doivent avoir des informations supplémentaires sur beaucoup d'autres modes de financement, soit par l'intermédiaire du gouvernement, etc., pour fixer par la suite... Le ministère des Affaires municipales utilise ces données aussi pour les fins dont vous parlez, nous, assez peu. Je reconnais que ce n'est pas une de nos préoccupations de définir ce que sera l'impôt foncier, entre autres, des municipalités.

M. Morin: Non. Ce n'est pas à vous que cela revient. Vous faites la recherche et vous transmettez les résultats.

M. Saint-Pierre: On transmet les résultats au ministère des Affaires municipales, en l'occurrence.

M. Morin: Oui, j'ai compris cela, mais je me demandais quand vous pensez que la compilation des questionnaires sera terminée. Est-ce que cela sera pour bientôt?

M. Saint-Pierre: Je pense qu'on procède avec les villes, actuellement. Il y a des...

C'est le point que je voulais soulever. Dans votre projet 11, on parle évidemment des données recueillies auprès des 149 localités dont la taille dépasse le seuil de 5000 habitants. Je me demandais si...

M. Morin: A quel projet?

M. Saint-Pierre: C'est cela. Je vous posais la question.

M. Morin: Je ne pense pas que ce soit celui-là.

M. Saint-Pierre- Non? C'est sur la population, mais ce n'est pas dans le même ordre. C'est parce qu'on dit au début: "La saisie des données brutes s'est faite dans le courant de l'été 1975 à l'aide d'une enquête adressée à toutes les municipalités du Québec, et, après cela, on divise le traitement qui semble s'appliquer à 149 d'entre elles."

M. Morin: Non. Ce n'est pas cela. M. Saint-Pierre: Ce n'est pas cela?

M. Morin: II s'agit d'une sorte de sondage qui est pratiqué annuellement par...

M. Saint-Pierre: Les analyses budgétaires. On publie les données dans une publication qui s'appelle: Analyses budgétaires, et qui concerne effectivement les cités et villes. Je pense que c'est plus de 5000 habitants, mais cela porte vraiment sur les prévisions de dépenses et les prévisions de revenus, et cela s'appelle Prévisions budgétaires.

M. Morin: D'habitude, c'est publié à l'automne, si ma mémoire est bonne.

M. Saint-Pierre: C'est exact.

M. Morin: J'aimerais savoir où en est rendue la compilation et s'il serait possible d'avoir des données le plus tôt possible, même si elles ne sont pas parfaitement imprimées comme le superbe rapport que vous venez de rendre public. Même si c'était seulement sous forme de photocopie, cela nous intéresserait d'avoir ces chiffres le plus tôt possible.

M. Saint-Pierre: Certainement. Je peux vérifier où en est l'état de la compilation.

M. Morin: Et le ministre peut-il s'engager à me faire parvenir les résultats de la compilation dès qu'elle sera terminée?

M. Saint-Pierre: Comme toujours, ma collaboration vous est acquise.

M. Morin: Je remercie le ministre. M. le Président, je pense que c'est à peu près tout ce que nous avons dans ce programme no 9.

Le Président (M. Brisson): Programme 9, adopté. Nous revenons au programme 4.

M. Saint-Pierre: Le programme 10, M. le Président, si c'est possible.

Le Président (M. Brisson): Le programme 10, d'accord.

M. Saint-Pierre: On reviendra après cela à...

Normalisation et spécifications

Le Président (M. Brisson): Programme 10: Normalisation et spécifications. $650 500.

M. Saint-Pierre: $650 500.

Le Président (M. Brisson): C'est cela.

M. Morin: Combien y a-t-il de nouvelles normes en 1975/76?

M. Saint-Pierre: Si vous permettez, je vais vous présenter M. Lapalme, qui est toujours directeur du bureau de la normalisation. Dans le document que je vous ai remis, on retrouve un résumé de la réponse. On a, en particulier, un tableau comparatif, si vous l'avez, en date du 26 mars 1976, où on montre qu'en 1975/76, le nombre de nouvelles normes a été de 41, le nombre de normes annulées a été de 16, le nombre de normes revisées a été de 56, le nombre de copies expédiées est passé à 273 000 et notre liste d'envoi est de 5200. C'est la dernière page de ce tableau. Les pages précédentes vous donnaient, M. le Président, certains des faits saillants en 1975/76, non seulement au niveau des normes, mais au niveau des contrôles de la conformité à certaines de nos normes par rapport au produit, la codification de même que le système de normes nationales. Il y a un bulletin d'information souhaité depuis longtemps qui a été rendu nécessaire, Norme Info, qui tire à 6000 exemplaires, l'implantation du système international, le système métrique, où le BNQ joue un double rôle au sein du gouvernement. En premier lieu, il agit à titre de secrétariat du Comité Métri-Québec, qui regroupe différents ministères intéressés par l'implantation du système métrique à l'intérieur des organismes publics et parapublics. En second lieu, le BNQ, avec d'autres sections du ministère, coordonne l'implantation du système métrique au sein du ministère et en particulier des entreprises. Il y a également une participation avec le gouvernement fédéral pour certaines activités reliées au système métrique, certaines discussions concernant l'échéancier et la méthodologie retenue pour ceci.

Je ne sais pas, M. le Président, si on avait des questions à poser à M. Lapalme.

M. Morin: Je ne sais pas si c'est à M. Lapalme ou au ministre qu'elles s'adressent. Elles ont surtout trait à la politique d'achat. On se souviendra que, lors de la campagne de 1970, cela avait fait l'objet d'une promesse électorale précise. Par la suite, nous avons eu le rapport Paquin, qui a été gardé confidentiel. En mai 1974, pendant de nombreux mois, on nous disait, et je m'en souviens; cette politique sera connue d'ici deux mois.

Dans le discours inaugural de 1975, on nous parle d'une politique d'achat vigoureuse. Enfin, lors de l'étude des crédits de 1975/76, il y avait un avant-projet, et on aboutit, au discours inaugural de 1976 avec rien. Il semble, d'après ce qu'il a été déclaré en Chambre par l'un de vos collègues, que, de politique d'achat, il n'y en aura pas.

M. Saint-Pierre: Qui a dit cela?

M. Morin: C'était, je crois, votre collègue le ministreTetley.

M. Saint-Pierre: II n'a pas dit cela.

M. Morin: C'est à vous de corriger l'impression qu'il nous avait laissée lorsqu'il avait répondu à nos questions. Ce que j'aimerais demander au ministre c'est où en est ce dossier. La masse des capitaux dépensés par le gouvernement du Québec, par les entreprises publiques, les institutions subventionnées, est de l'ordre de $2 milliards par année. A l'époque, vous aviez reconnu que fixer une politique d'achat, c'était évidemment s'en

prendre à de nombreuses petites chapelles qui possédaient des réseaux particuliers. Vous aviez ajouté d'ailleurs que cela allait déranger du monde. Ce que nous nous demandons c'est si cela a dérangé tellement de monde qu'il a fallu renoncer la mettre en oeuvre cette politique.

M. le Président, est-ce que je pourrais deman: der au whip du Parti libéral, qui est de retour, d'aller chercher quelques collègues pour que nous ayons quorum? Est-ce que ce serait possible?

M. Saint-Pierre: Nous pensions ajourner nos travaux bientôt, à moins que...

M. Lacroix: M. Lachance est là, trois, quatre, cinq, six, sept.

M. Morin: S'il y avait moyen d'en trouver un autre? Nous allons continuer néanmoins.

M. Saint-Pierre: ... Opposition. M. Brown: Toujours là.

M. Saint-Pierre: M. le Président, à moins d'avoir une vocation littéraire, ce qui compte, ce ne sont pas les déclarations comme ce qui s'est fait au cours des douze derniers mois, il s'en est fait beaucoup sur les politiques d'achat. Je laisserais, par délicatesse, parce que c'est lui qui a la responsabilité du dossier, à mon collègue M. Tetley, le soin d'en annoncer, au moment opportun, les grandes lignes. Je peux peut-être rassurer le chef de l'Opposition, en disant qu'entre les deux ministères, en particulier celui de l'Approvisionnement et celui de l'Industrie et Commerce, il y a plusieurs documents, avant-projets, quatrièmes projets, mémoires au Conseil des ministres, préparés tant chez l'un que chez l'autre et combinés ensemble... on s'est entendu sur toute une série d'initiatives que je pourrais déposer d'ailleurs, que nous allons entreprendre chez nous dans ce secteur.

Cela va peut-être surprendre le chef de l'Opposition, mais chaque semaine, il y a une réunion qui regroupe — il y a une réunion demain je pense, sous la présidence de M. Tetley — huit ou neuf représentants de différents ministères qui analysent des cas spécifiques d'interventions. Je pense que... je ne le dirai pas, mais après ça, vous me demandez finalement quels seront les éléments de cette politique d'achat. M. Tetley va l'annoncer à un moment opportun. Je n'en dirai pas plus. Simplement pour dire que, toutes les semaines, il y a des réunions, en ce qui nous concerne, il y a des initiatives qui ont été mises de l'avant mais qui font partie d'un tout.

M. Morin: Vous avez un représentant?

M. Saint-Pierre: J'ai un représentant qui siège constamment. D'ailleurs, ce matin on discutait encore de certains cas, des dossiers très actifs. Il n'y a pas eu de grands énoncés de principe parce que souvent dans ça, les grandes déclarations peuvent servir plus mal notre cause qu'autre chose.

M. Morin: J'ai l'impression qu'il y a eu une de ces déclarations du ministre Tetley qui était effectivement assez mai venue récemment et qui intéresse votre ministère puisqu'il s'agissait du GATT. En réponse à une question que l'Opposition lui a posée, le ministre a laissé entendre qu'il ne pouvait pas y avoir la moindre préférence, parce que, a-t-il déclaré, cela serait contraire aux obligations encourues par le Canada sous l'empire de General Agreement on Tarifys and Trade. Est-ce que je pourrais demander au ministre de nous éclairer parce que quand nous avons demandé à M. Tetley de le faire, il a été incapable de préciser exactement à quelle disposition de l'accord général il se référait?

Comme vous êtes compétent dans ce domaine, j'imagine que vous allez pouvoir me donner satisfaction.

M. Saint-Pierre: Sûrement, je vais essayer du moins. Je pense que ce que M. Tetley voulait mentionner, le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est le fait que l'ensemble des négociations qui se poursuivent depuis déjà quelques années sur le renouvellement de l'accord du GATT, le Tokyo Round et des choses semblables, contrairement à ce qui avait été fait dans le Kennedy Round, ne porte pas uniquement sur des barrières tarifaires. Mais dès le départ, on avait identifié que non seulement l'objectif était de réduire les barrières tarifaires le plus possible, suivant des conceptions différentes entre les Etats-Unis et la communauté européenne, mais également de s'attaquer à des barrières non tarifaires.

Or, à l'intérieur de ces barrières non tarifaires, pas moins d'une vingtaine de sections différentes ont été identifiées, dont une touche justement les politiques d'achat des pays qui vont signer la chose.

M. Pomerleau est responsable de nos discussions en ce qui touche les négociations du GATT. C'est un des dossiers sur lesquels nous pouvons avoir à nous engager, mais évidemment tous les gouvernements auront à s'y engager de telle sorte que s'il y avait dans les accords du GATT des modifications qui n'existent pas actuellement, mais des modifications qui rendraient plus difficiles, un peu comme la politique du textile qui pourrait rendre un caractère plus exceptionnel les politiques d'achat, ça voudrait également dire l'ouverture de nos entreprises vis-à-vis des marchés qui peuvent être fermés à cause des politiques d'achat.

Entre-temps, cependant, encore une fois, je n'ai pas la liberté de le donner, parce que je voudrais que ce soit M. Tetley qui le donne, puisqu'il en est responsable, mais il y a des réunions chaque semaine, il y a des éléments qui se précisent de plus en plus, il y a des initiatives qui ont été retenues, préparation de catalogues, revérification des clauses générales des devis, des choses semblables qui sont faites.

M. Morin: Je trouve bien admirable votre souci de vous conformer à l'avance à des obligations qui pourraient être définies par le GATT. Mais il n'en reste pas moins que nous sommes à peu près les

seuls à ne pas avoir de politique d'achat. L'Ontario en a une, le gouvernement fédéral en pratique une, enfin, tout le monde en a une. Même ici, au Québec, l'Hydro en a une.

M. Saint-Pierre: Vous exagérez un peu quand vous dites que tous les autres en ont et que nous, on n'en a pas. Je peux vous donner bien des cas. Dieu le sait, à la Législature de l'Ontario, on s'est fait blâmer assez sévèrement, le COJO s'est fait blâmer très sévèrement concernant un document d'appel d'offres, pour avoir restreint les participants aux fabricants de meubles du Québec. C'était à la suite de subventions que nous avions accordées nous-mêmes. Cela n'a pas fait beaucoup d'écho là-bas, mais je vous prie de me croire que cela a fait beaucoup d'écho à Toronto, que les manufacturiers...

M. Morin: Ah! ça. A Toronto, les gens surveillent leurs intérêts, mais ils n'en ont pas moins, eux, une politique d'achat, même s'ils protestent contre les politiques d'achat des autres. C'est de bonne guerre.

M. Saint-Pierre: Elle n'est pas publique, leur politique, d'ailleurs.

M. Morin: Je trouverais très bien que le gouvernement du Québec ait une politique d'achat et proteste également contre les politiques d'achat des autres, surtout lorsqu'elles sont peut-être indûment discriminatoires.

M. Saint-Pierre: Est-ce que je dois comprendre que vous favorisez un certain pourcentage qui serait donné à tous les fabricants québécois lorsqu'ils soumissionnent?

M. Morin: Laissez-moi vous retourner la question. Que fait l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle?

M. Saint-Pierre: Elle ne le fait pas, elle le fait d'une façon très... J'ai déjà eu des statistiques, je ne voudrais pas vous induire... Je peux aller les chercher, cela touche à peine un dixième pour cent des achats de l'Hydro-Québec, la fameuse politique de 10%. C'est-à-dire qu'elle est utilisée exceptionnellement, elle n'est pas utilisée pour tous les achats.

M. Morin: Elle est tout de même utilisée. Et de plus, moi, avant de dire 10% comme à l'Hydro, ou 5%, ou 15%, j'aimerais savoir de quel produit il s'agit, de quelle industrie il s'agit et j'imagine qu'on peut nuancer, selon les cas. Mais il faut en avoir une.

Pouvons-nous compter qu'au cours de l'année qui vient, il y aura enfin une politique d'achat québécoise? Ou est-ce que, dans votre esprit, c'est quelque chose qui est destiné à aboutir dans deux ans, trois ans?

M. Saint-Pierre: C'est destiné à aboutir au cours de l'année.

M. Morin: Bon. Et quel sera le rôle du service dont nous parlions il y a un instant, du Bureau de normalisation, dans le cadre de cette nouvelle politique d'achat? Est-ce qu'on a prévu un certain rôle?

M. Saint-Pierre: Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance des normes qui pourraient délimiter ou agir comme tamisage dans le choix des produits. A ce titre, le bureau des normes pourrait réagir à des priorités qui auraient pu être indiquées par le gouvernement, dans des secteurs qui l'intéressent particulièrement.

Je pense qu'alors, en plus des tarifs et des approches particulières, les normes peuvent servir puissamment à rejeter des produits étrangers ou à permettre des produits de qualité, mais qui sont fabriqués ici.

Le meilleur exemple qu'on pourrait prendre — j'en tire un qui me vient à l'esprit, parce que je le connais assez bien — c'est le cas des draps dans les hôpitaux. Je pense que, si on établit une norme et que le drap, dans les lits d'hôpitaux, correspond à la production que font la plupart de nos manufacturiers québécois, que ce soit dans des entreprises près de Québec ou dans des entreprises de la région de Magog et autres, et qu'on traduit ces normes dans des termes très concrets, d'une façon assez élégante, on peut peut-être éliminer...

M. Morin: Ce n'est pas contraire au GATT, cela?

M. Saint-Pierre: Pardon?

M. Morin: Vous êtes sûr que ce n'est pas contraire au GATT?

M. Saint-Pierre: Non, je ne pense pas. Justement, les difficultés qu'on a pu avoir...

Je fais un peu d'histoire, vous êtes au courant que pendant quatre ou cinq ans, les pommes du Canada ne sont plus entrées dans le marché du Japon, parce qu'on prétendait qu'il y avait un organisme quelconque dont j'ai oublié le nom qui, suivant les Japonais, pouvait amener la mort à certaines personnes, bien qu'ici, les gens mangent des pommes depuis vingt siècles. Même que cela est supposé être recommandé par les médecins. Mais, pour les Japonais, c'était leur façon de s'assurer que les pommes n'entraient pas dans le marché japonais. Cela a pris des interventions assez énergiques de M. Pépin pour dénoncer cela comme des façons empêchant le commerce.

M. Morin: Effectivement, le système des normes peut être extrêmement efficace, mais je ne suis pas sûr qu'à la limite, il ne soit pas contraire aux obligations du GATT. Tout le monde sait à quel point cela a été utile aux Etats-Unis pour éliminer la voiture européenne...

M. Saint-Pierre: Je le sais.

M. Morin: ... du marché américain. Cela a été

fatal à la voiture européenne. Pourtant, dans bien des cas, la voiture européenne était supérieure au point de vue de la sécurité.

M. Saint-Pierre: Je pense que ce n'était pas contraire au GATT. Un pays peut décider, à cause de principes de sécurité ou à cause de principes de pollution, de fixer des exigences que, il le sait, le concurrent ne sera pas intéressé à satisfaire.

M. Morin: Ah oui!

M. Saint-Pierre: La voiture européenne, la Renault, je la connais bien. Ce que vous évoquez est intimement relié à la fermeture de SOMA, il y a quelques années. C'était l'introduction très rapide...

M. Morin: Quoique, là aussi, votre politique d'achat était en cause.

M. Saint-Pierre: Non, je ne penserais pas. C'était négligeable dans ce cas. Réellement, vous...

M. Morin: II n'y en avait pas de politique d'achat.

M. Saint-Pierre: On ne pouvait sûrement pas acheter 30 000 Renault, parce que c'était cela, le seuil minimum par année.

M. Morin: Cela aurait pu être...

M. Saint-Pierre: Revenons à des choses sérieuses. Je vous disais alors que... Prenons encore un exemple. Vous m'avez un peu coupé la parole sur les draps. Je sais qu'il semble, par expérience, que le drap japonais peut être moins cher lorsqu'on l'achète, mais, après six lavages, il se déchire et n'est plus utilisable, alors que le drap fabriqué au Québec peut faire 24 ou 25 lavages.

Vous comprenez que vous pouvez avoir une norme qui traduise le nombre de fois qu'un drap peut être immergé dans un détergent, brassé et que, finalement, c'est une façon élégante de dire aux Japonais qu'il ne se qualifie pas. A ce titre-là, il me semble que cela peut être un élément qui pourrait être versé au Bureau de la normalisation. On ne peut pas tout tenter de viser, du jour au lendemain, mais on peut identifier une série de produits qui nous apparaissent importants dans le réseau public et parapublic et, par le biais des normes, avoir un élément qui nous permet à la fois de standardiser la demande et de mieux la planifier.

M. Morin: Donc, le bureau est déjà actif au sein de ce comité qui prépare la politique d'achat.

M. Saint-Pierre: Pas nécessairement. Le ministère est actif. Le bureau le sera lorsque la démarche impliquera l'établissement de normes.

M. Morin: Bon. Pour être bien spécifique, parmi les mesures que vous envisagez, comme pour en arriver à une politique d'achat, il y a l'utilisation des normes?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: M. le Président, nous sommes prêts à adopter ce programme.

Le Président (M. Brisson): Programme 10, adopté. Programme...

M. Saint-Pierre: M. le Président, il reste un tout petit programme. Je ne sais pas si on pourrait dire qu'on finit les crédits ce soir. C'est la division du commerce.

Le Président (M. Brisson): Services aux établissements commerciaux.

M. Saint-Pierre: Je pense que c'était le programme...

M. Morin: Mais, est-ce que nous avons quorum?... Je pense que oui.

M. Saint-Pierre: Oui, nous avons quorum. M. Morin: C'est bien.

Services aux établissements commerciaux

M. Saint-Pierre: C'est le programme 7, M. le Président, services aux établissements commerciaux. On y voit une augmentation quand même substantielle du budget qui passe de $582 000 à $730 000.

On a déjà, dans les discussions préliminaires, parlé du projet d'étude assez important que nous allons faire au sujet de la direction de l'ensemble du commerce. J'ai mentionné que dans quelques semaines, il serait en mesure d'annoncer le nom du président de cette commission d'étude. Dans le cahier, on retrouve tout un ensemble d'activités de la direction commerce de l'année 1975, problèmes qui sont mentionnés ici brièvement, je ne les reprendrai pas tous un par un. Enfin, c'est toute une série d'études très détaillées. Le chef de l'Opposition va aimer voir l'étude des politiques d'achat d'imprimés des grands magasins à rayons, étude de l'implication commerciale de l'entrée en vigueur de la Loi sur les cimetières d'automobiles, les études ou tentatives pour expliquer la différence de prix des voitures entre les Etats-Unis et le Canada ne sont pas terminées. Les études et analyses de l'évolution des magasins à rayons autochtones au Québec par rapport à l'ensemble, études des groupes d'achat pour en établir un inventaire et analyser les diverses formules de regroupement. Ce sont les groupes d'achat qu'on avait tenté de favoriser dans nombre de secteurs commerciaux.

Au niveau de la promotion, il y a eu, bien sûr, expo-profits, avec la compagnie General Motors de Saint-Laurent. Il y avait la publication du livre

Facteurs humains de la croissance des PME, écrit par M. Pierre Laurin, le directeur de l'Ecole des hautes études commerciales, finalement, plusieurs conférences devant des clubs et hommes d'affaires. Il y a eu des cas ponctuels qui sont très... études et commentaires sur les dossiers d'investissements étrangers, enfin, collaboration avec certains organismes, des études régionales, le centre-ville commercial de Saint-Jérôme, le centre-ville de Victoriaville, la publicité de la promotion du mail Saint-Roch de Québec, finalement, un autre secteur, étude d'organisation et de régie interne.

Alors, on tourne, en particulier, autour de la formation des commissions d'étude sur le commerce au Québec. L'application des lois; alors la Loi des heures d'affaires, avec toute une série de sondages, des inspections effectuées, des lettres écrites, des appels téléphoniques, des copies de la loi distribuées; la Loi sur le rembourrage, les articles rembourrés, et la Loi sur le commerce du pain; finalement, des informations générales, des implantations de nouveaux commerces, de l'aide technique, approvisionnement, le financement pour l'expansion, la gestion, la commercialisation. On détaille tous ces cas, d'ailleurs.

Je suis certain que le chef de l'Opposition officielle serait content d'apprendre que là, ce n'est pas exagéré de dire que 97,9% de nos efforts au moins sont consacrés à l'entreprise autochtone.

Au 1er mars 1976, 61 dossiers actifs et 37 autres qui devaient démarrer. On retrouve, ensuite un programme d'activités de la direction pour l'année 1976/77, tant au niveau de la recherche, orientation que l'aide aux entreprises commerciales, que la promotion, la commercialisation, l'administration des lois. Cela m'apparaît... Je ne sais pas. Malheureusement, le directeur de la division commerce, M. Jean-Guy Rivest, sera notre nouveau représentant en poste à Milan, dans quelques mois. Comme je l'ai mentionné, comme on n'a pu le consulter l'autre soir, il est actuellement en Italie. Je pense que mes collaborateurs ici même pourraient répondre à des questions que le député de Sauvé voudrait bien soulever.

Le Président (M. Brisson): Le député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, dans un discours qu'il prononçait devant l'Association des détaillants en alimentation, le 6 octobre 1975, le ministre avait déclaré un certain nombre de choses fort intéressantes quant aux habitudes d'achat des grands réseaux de distribution commerciaux, et il se promettait, si j'ai bien compris son discours— je vais lui en citer quelques extraits, d'ailleurs— de donner un bon coup de barre. Je lui signale, en particulier, qu'il promettait de donner un appui complet aux fonctionnaires qui oeuvrent depuis longtemps dans ce secteur, en mettant à leur disposition les moyens nécessaires à l'expansion, à l'accroissement de l'efficacité de leur secteur trop longtemps peut-être traité en parent pauvre.

Il voulait, disait-il, se pencher d'une manière active et déterminée sur le secteur tertiaire et, plus précisément, dans ce vaste ensemble sur le commerce et les pratiques commerciales qui font partie d'un tout, la prise en main de notre économie et l'accélération de son processus de développement.

Il souhaitait entreprendre, dans l'intérêt de la collectivité québécoise, une action vigoureuse, de caractère exceptionnel, et il déclarait qu'il n'entendait pas se dérober à son devoir.

Bref, tout cela était fort sympathique, et j'aimerais lui demander comment il entend réaliser son coup de barre avec des effectifs permanents qui passent de 25 à 27?

M. Saint-Pierre: M. le Président, je pense bien qu'on peut donner des coups de barre lorsqu'on pilote un navire en improvisant et en montrant qu'on a changé de direction sans savoir trop où on s'en va. Je pense que le coup de barre qu'on a donné, c'est la décision de ne pas rester sur le statu quo et de reconnaître que le secteur tertiaire — je vais déborder celui du commerce et parler du secteur tertiaire — est un secteur extrêmement important qui a eu, dans les années soixante-dix, encore plus d'importance qu'il pouvait en avoir au cours des dernières décennies, et qu'il mériterait alors du gouvernement beaucoup d'attention.

Le coup de barre est donné, si on prend simplement, en termes de croissance du budget, passant de $582 000 à $730 000, il s'agit là quand même, en pourcentage d'augmentation, de l'augmentation la plus forte, de 25%, que le ministère a dans tous ses programmes. Mais ce n'est pas l'essence de notre coup de barre. L'essence de notre coup de barre, comme je l'ai mentionné, c'est cette détermination d'une commission d'étude sur le commerce, dans un premier volet, quand même de plus de $500 000, avec des gens un peu de l'extérieur et des gens de l'intérieur, qui devraient... Là, je pense que, si le chef de l'Opposition se rappelle le deuxième volet du mandat de cette commission d'étude, il touche justement les pratiques commerciales à l'intérieur des centres commerciaux. Deuxièmement, toutes les politiques d'approvisionnement des réseaux de distribution établis au Québec. C'est un premier aspect du dossier.

Un deuxième aspect du dossier — et je pense que cela aurait été improvisé en 1976/77 — c'est de demander au Conseil du trésor: Nous voulons $2 millions ou $3 millions. Mais il se fait beaucoup de travail à différents niveaux du ministère dans le moment pour tenter d'identifier, dans le secteur tertiaire, comment nous pourrions mieux remplir nos responsabilités.

Avec ia SDI, on a évoqué toute la question des compagnies d'assurance. On peut parler des courtiers en valeurs mobilières. On pourrait parler de tous les groupes conseils sur les projets d'exportation.

En fait, il y a toute une série de secteurs qui ont jusqu'ici eu des relations plutôt de contrôle entre eux-mêmes et le gouvernement. Si on prend les courtiers en valeurs mobilières, leur rapport

avec le gouvernement a été surtout avec le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières qui a quand même une fonction de contrôle et non une fonction de développement.

Nous pensons que, conformément à la responsabilité du ministère de l'Industrie et du Commerce qui touche le secteur manufacturier, mais également le secteur commercial, dans son terme très large, le secteur tertiaire, il nous faudrait articuler au cours des prochaines années des programmes précis pour ces groupes. J'indique simplement que je pense qu'on a abandonné l'idée que nous étions uniquement un ministère voué à l'industrie secondaire et que nous tentons, en donnant le coup de barre, avant d'engager le navire, de savoir où on veut aller exactement avec cela.

J'ai mentionné que le premier volet nous sera donné par les réponses de la commission d'étude, le deuxième volet par ce processus de sensibilisation à un nombre très grand — il n'y a presque pas de limite — de fonctions de développement qu'on pourrait faire avec le secteur tertiaire québécois.

Le Président (M. Brisson): Le député des Mille-Iles avait une question.

M. Lachance: Oui. J'ai une question. Cela concerne l'Association des services à l'automobile, qui regroupe près d'un millier de petits propriétaires de garages dans tout le Québec. Ils poursuivent depuis quelque temps des pourparlers avec le ministère des Richesses naturelles afin qu'un bail type préparé par le gouvernement serve dans les contrats intervenus entre les compagnies pétrolières et les petits détaillants d'essence.

Les petits garagistes n'ont le choix que de signer des contrats d'adhésion. Je veux en savoir plus. Cette association a appris que le ministère des Richesses naturelles a transmis le dossier à la direction de votre ministère. Quel est l'état du dossier actuellement?

M. Saint-Pierre: J'ai déjà personnellement rencontré les gens de l'ASA et cela s'inscrit d'ailleurs dans un contexte global où nous tentons de favoriser des regroupements d'entreprises québécoises qui oeuvrent dans ces secteurs. Nous avons financé, je pense, il y a deux ans, l'ASA alors qu'elle était dans une situation de crise. Il y avait un déficit accumulé très important. Nous l'avons financée et je sais que c'était un des secteurs dont on s'occupait, le bail type entre les compagnies pétrolières et les petits détaillants.

Malheureusement, je ne pourrais pas dire si le travail est terminé, mais je pense qu'il y a eu des avocats retenus et qu'il y a eu du travail de fait pour tenter de mieux protéger l'ASA. On l'a fait d'ailleurs nous-mêmes avec les compagnies pétrolières en leur montrant que finalement elles-mêmes perdaient beaucoup d'argent lorsqu'il y avait une rotation si forte chez les détaillants qui, au bout de six mois, font faillite et doivent recom- mencer à zéro. La même chose avec certains cours de gestion qui étaient prévus pour ceux qui exploitent des garages, un cours particulier, comment faire le maintien des stocks, comment faire les inventaires, les prix de revient et des choses semblables. D'ailleurs à ce sujet, peut-être que le meilleur exemple qu'on pourrait mentionner c'est le groupe PEBEC, dans l'huile à chauffage où, là encore, après avoir favorisé un regroupement de toute une série de distributeurs d'huile à chauffage, nous avons eu des relations suivies avec eux pour leur permettre non seulement de survivre, mais de se développer et d'être un élément important dans le réseau de distribution québécois.

M. Lachance: Quelle est l'échéance que le ministère envisage pour la mise en vigueur du bail type?

M. Saint-Pierre: J'imagine que, sûrement, durant l'année 1976, ce bail-type devrait être terminé. Evidemment, il s'agit de quelque chose qui est soumis aux membres, dont l'approbation est discutée par après avec les compagnies, mais j'imagine qu'en 1976 il devrait être possible d'atteindre la fin de ce projet.

Le Président (M. Brisson): Le député de Sauvé.

M. Morin: Oui, M. le Président. On a entrepris certainement des études fort intéressantes. A la page 15 du discours, je voyais justement qu'on se propose de faire l'inventaire des commerces et services, des entreprises manufacturières, que les recherches porteront également sur la participation du commerce au développement de l'industrie, sur la législation, le capital, etc. Mais je me demande, dans le concret, comment vous prévoyez ralentir la poussée extrêmement envahissante à l'heure actuelle et sans cesse croissante du secteur étranger dans le commerce de détail et surtout comment vous comptez enrayer cette perte à gagner extrêmement nuisible du secteur amont de production. Est-ce que vous envisagez déjà des mesures concrètes?

M. Saint-Pierre: Je pense qu'on peut en parler des mesures concrètes. Vous étiez, je pense, distrait tantôt quand je parlais. Je prenais le cas des marchands d'huile à chauffage. Cela vous dit quelque chose. Les marchands d'huile à chauffage, voilà un groupe qui, il y a deux ou trois ans, était presque voué à l'extinction. Regardons les progrès remarquables du marché qui était accaparé de plus en plus par les grandes compagnies internationales de pétrole.

M. Morin: Effectivement, il y en a beaucoup qui ont disparu et il y en a surtout beaucoup qui ont été satellisées par les grandes entreprises.

M. Saint-Pierre: Vous êtes au courant de la formation de PEBEC, vous êtes au courant de ça.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: PEBEC est quand même le résultat d'efforts concrets, quand vous voulez voir des efforts concrets, d'initiatives concrètes que le ministère a entreprises dans le passé et qui ont tenté de regrouper l'ensemble des marchands d'huile à chauffage. Je pense que si vous parliez à ces dirigeants, ils vous diraient que le ministère de l'Industrie et du Commerce et, dans certains cas, le ministre lui-même n'ont pas hésité à intervenir pour tenter non seulement de protéger leurs droits, mais assurer leur croissance. Effectivement, PEBEC, aujourd'hui, représente quand même un pouvoir d'achat, si ma mémoire est bonne, de $60 millions ou de $80 millions d'huile à chauffage au Québec. On tente par des mesures concrètes dans d'autres secteurs... on espère que les études de la DGRT, comme l'étude sur la division commerce, vont quand même nous donner un éclairage sur ce qui se passe exactement et mettre de l'avant des mesures.

Il faut être prudent, mais ça pourrait être des mesures semblables à la SDI pour le secteur manufacturier. Cela peut être à la fois des mesures financières, des mesures de conseil à la gestion, ça peut être des mesures protectionnistes, de nouvelles réglementations sur le développement des centres commerciaux qui laisseraient une plus large place à l'entreprise autonome en rapport avec celle qui se trouve reliée dans une grande chaîne.

M. Morin: Dans le secteur alimentaire justement, qu'est-ce que vous entrevoyez vous comme moyen de tenir tête à la poussée des grandes chaînes?

M. Saint-Pierre: Dans la distribution et la fabrication?

M. Morin: Je pense en particulier à la distribution?

M. Saint-Pierre: Je pense qu'il y a quand même un équilibre qui est maintenu depuis... je n'ai pas les chiffres devant moi, mais on ne peut pas parler de progrès remarquable au cours des dernières années. Les grandes chaînes, Dominion, Steinberg, IGA et je ne sais pas quelles autres, Provigo, s'il faut parler de grandes chaînes, maintiennent leur part du marché, le magasin indépendant maintient également sa part.

M. Morin: Je vous avais signalé justement le cas très concret qui était celui de M. Houle.

M. Saint-Pierre: Je connais bien M. Houle, vous tombez dans un cas que je connais bien parce que le ministre a dépensé au moins 24 appels téléphoniques, 43 visites et bientôt je vais acheter son commerce pour régler son problème.

M. Morin: Est-ce une offre formelle que vous lui faites? Je puis la lui transmettre.

M. Saint-Pierre: Non, ce n'est pas une offre formelle. Si le ministère de l'Industrie et du Commerce pouvait donner à toutes les entreprises commerciales du Québec le même service qu'on a donné à M. Houle, je pense que vous nous décerneriez le Coq d'or parce que...

M. Morin: N'empêche que c'est le cas d'une petite épicerie qui a énormément de difficulté à obtenir le financement nécessaire à son expansion.

Nous avons même échangé une correspondance à ce sujet...

M. Saint-Pierre: Le haut de la deuxième page de ma lettre vous fournit au moins huit ou neuf... Je vous avais donné un rapport de mes services, je vous avais envoyé cela une fois, ce qui montre qu'il ne s'agit pas simplement d'une difficulté financière. Il y a treize ou quatorze autres raisons qui expliquaient les difficultés de M. Houle...

M. Morin: Je me souviens de cela, c'était dans votre lettre du 10 février 1976. Mais peut-on s'attendre que, dans un avenir rapproché, vous tentiez de faire, pour ces gens-là, ce que la SDI fait, par exemple, dans le domaine industriel?

M. Saint-Pierre: Encore une fois, vous me connaissez, je ne voudrais pas improviser dans ce secteur-là, d'autant plus que le nombre d'établissements dans le secteur tertiaire est évidemment très grand. Si j'écoutais M. Houle, chaque personne qui désire partir un commerce devrait être capable de recevoir $10 000 du gouvernement et ne plus poser de questions par la suite. Vous compreniez qu'on ne peut pas faire cela.

M. Morin: Mais, sans aller jusque-là, il y a quand même des choses que vous pourriez faire.

M. Saint-Pierre: Comme?

M. Morin: Par exemple, vous parliez tout à l'heure d'offrir des services techniques.

M. Saint-Pierre: Cela, on offre cela. Je ne voudrais pas que ie ministère ait envoyé à M. Houle la facture de ce que cela a coûté. Pendant une période de temps, on avait un homme à temps plein qui était chez M. Houle, pour lui montrer un peu comment faire un commerce.

Sur ce point-là, si vous communiquiez avec M. Houle aussi souvent que moi, je l'ai fait, il va vous parler avec énormément de bien et avec beaucoup d'éloges de — j'ai mauvaise mémoire — M... J'avais un monsieur qui était là et M. Houle en parlait. J'ai rarement vu un citoyen du Québec avoir autant d'éloges et autant d'appréciation pour le travail d'un fonctionnaire que dans ce cas-là.

M. Morin: Oui, mais est-il sorti de ses difficultés?

M. Saint-Pierre: Non, je vais vous apprendre une mauvaise nouvelle...

M. Morin: Une mauvaise nouvelle? Vous étiez sur le point d'acheter son commerce si je comprends bien?

M. Saint-Pierre: M. Houle a fait faillite.

M. Morin: Je pense que le ministre est à même de juger ce qu'entraîne l'absence de politique.

M. Lacroix:... de préparer le bilan de l'an III du Parti québécois.

M. Morin: Je ne crois pas que ce soit vraiment l'occasion d'en rire, parce que, pour lui, c'était certainement très grave. Pour nous, cela paraît lointain, cela peut paraître peu important, mais pour lui, je suis sûr que c'est un échec important et qui souligne— c'est pour cela que j'évoque le cas— la nécessité de mettre en place des mécanismes qui puissent vraiment aider.

Vous dites que vous voulez être également le ministre du Commerce et pas seulement celui de l'Industrie. Voilà un bel exemple d'intervention nécessaire.

M. Saint-Pierre: On ne l'appliquera pas à M. Houle spécifiquement et je ne le voudrais pas. D'ailleurs, je tiens à dire jusqu'à quel point M. Houle — je le connais très bien — ne voulait pas être à la remorque du bien-être social et a tenté tous les efforts pour gagner sa vie. Je sais qu'il y a eu beaucoup d'efforts de lui-même et de sa famille pour réussir.

Si vous prenez dans la lettre, qui donnait suite à un rapport interne, les motifs invoqués, malheureusement, on peut appliquer les mêmes motifs, souvent, à tous ceux qui sont en difficulté dans le secteur du commerce. Si vous aviez l'amabilité de me les lire, je pense que, pour le journal des Débats, ce serait...

M. Morin: Effectivement...

M. Saint-Pierre: Cela s'applique à M. Houde, mais cela s'applique aussi à tous les commerces, souvent, qui sont en difficulté.

M. Morin: Cela n'est pas une bien grande découverte. Cela s'applique à beaucoup de commerces en difficulté.

M. Saint-Pierre: Oui, mais...

M. Morin: Seulement, ce n'est pas tout d'identifier le bobo, c'est de savoir ce que vous pouvez faire pour aider ces gens. "Faible capacité de gestion des individus en place..."

M. Saint-Pierre: Continuez.

M. Morin: Je m'excuse, M. le Président. Mais les résultats dont me faisait part le ministre me font penser que les causes qui ont été identifiées là, effectivement, doivent être fort répandues: "manque de planification, mise de fonds insuffi- sante, etc., coût du loyer trop dispendieux..." Décidément, M. Houle n'avait pas tous les facteurs objectifs en sa faveur.

M. Lacroix: ... a passé proche d'avaler sa pipe.

M. Morin: Néanmoins, est-ce que je puis demander au ministre, à la lumière de ce cas, à la lumière d'un cas qu'il a connu personnellement, qui doit donc le toucher, s'il a l'intention de faire quelque chose pour venir en aide même à ces petits commerces?

M. Saint-Pierre: M. le Président, c'est notre intention, dans un premier temps, par le biais des associations qui regroupent ces petits commerces. C'est dommage qu'on n'ait pas nos collègues créditistes, non pas qu'il y ait une pensée commune ou des problèmes communs, mais, il faut dire que, la réglementation devenant de plus en plus complexe, non seulement au gouvernement provincial, au gouvernement fédéral, mais même dans les règlements municipaux, les petits commerces ont souvent de la difficulté à avoir les ressources pour simplement, en reprenant tous ces points, bien planifier leurs opérations.

On espère, peut-être que ce sera une des conclusions qui se dégagera des études: avoir des programmes que nous n'avons pas dans le moment, demandant beaucoup plus de crédits budgétaires pour nous permettre au niveau du support technique ou du support financier. Théoriquement, on pourrait peut-être envisager une aide au support financier. La seule chose, c'est, à moins de vouloir improviser, qu'il faut être prudent, parce que le nombre de commerces au Québec est très considérable. Si on le fait pour les épiciers, on va le faire pour le marchand de chaussures, le marchand de meubles, on va le faire pour tout le monde.

M. Morin: Je souhaite que vous aboutissiez rapidement, mais je crains qu'en tout état de cause, ce soit trop tard pour aider M. Houle.

M. Saint-Pierre: Oui.

Le Président (M. Brisson): Adopté?

M. Morin: Hélas!

Le Président (M. Brisson): Adopté?

M. Morin: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Programme 7, adopté.'Donc, les crédits budgétaires du ministère de l'Industrie et du Commerce sont adoptés en entier.

M. Saint-Pierre: Vous me permettrez très brièvement de remercier tous les parlementaires qui ont participé cette année de nouveau à l'étude de ces crédits et également les fonctionnaires qui avaient préparé des documents. Je déplore, je ne

sais pas si on a trouvé l'explication, que le chef de l'Opposition officielle n'ait pas reçu quelques jours avant le document que j'avais préparé. Il me semble bien qu'il a été envoyé, mais, enfin, il se trouve qu'on a des problèmes de poste, même quand on ne va pas au bureau de poste.

M. Lacroix: On se retrouve l'an prochain pour discuter des mêmes problèmes.

M. Morin: Hélas oui! Je crains que certains ne soient pas réglés. Je remercie tout de même le mi- nistre de sa patience. Je tiens à dire que j'estime qu'il est fort bien entouré par ses adjoints, par les fonctionnaires qui travaillent dans son ministère. Je souhaite simplement que la qualité de ces personnes amène rapidement les résultats que nous escomptons tous, mais qui tardent quelquefois à venir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 9)

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