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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 11 décembre 1981 - Vol. 26 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition d'organismes et étude du projet de loi no 40 - Loi sur les sociétés d'entraide économique et modifiant diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt trois minutes)

Le Président (M. Boucher): La commission des institutions financières et coopératives est réunie, dans un premier temps, pour entendre les organismes intéressés par le projet de loi no 40 et par la suite, pour étudier, article par article, ledit projet de loi no 40, sur les sociétés d'entraide économique et modifiant diverses dispositions législatives.

Les membres de la commission sont: M. Ryan (Argenteuil) qui remplace Mme Bacon (Chomedey), M. Blais (Terrebonne), M. de Belleval (Charlesbourg), M. French (Westmount), M. Marquis (Matapédia) remplace M. Gravel (Limoilou), M. Guay (Taschereau), M. Lafrenière (Ungava), M. Mailloux (Charlevoix) remplace M. Lincoln (Nelligan), M. Dubois (Huntingdon) remplace M. Maciocia (Viger), M. Parizeau (L'Assomption), M. Tremblay (Chambly).

Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Houde (Berthier) remplace M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Martel (Richelieu), M. Pagé (Portneuf) remplace M. Rocheleau (Hull), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Blais (Terrebonne)?

Une voix: Très bon.

M. Blais: C'est une lourde tâche.

Le Président (M. Boucher): Les organismes qui ont été invités à venir faire des représentations, sont, dans un premier temps: Le Comité provincial de protection des entraidistes, représenté par M. Davis Forrest, président et porte-parole, et M. Paul Harvey; deuxièmement, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, représentée par M. Raymond Blais, président et porte-parole; troisièmement, la Fédération des caisses d'entraide économique, représentée par M. Justin Dugal, président et porte-parole.

J'inviterais immédiatement, s'il n'y a pas de commentaire inaugural, le Comité provincial de protection des entraidistes, représenté par M. Davis Forrest.

M. Parizeau: M. le Président, avant que nous commencions...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: ... est-ce que je pourrais suggérer que dans la mesure où on a besoin de ces lampes aux fins de la télévision, on s'en serve pendant que la télévision s'en sert, mais qu'on n'ait pas ça pendant trois heures dans les yeux? Si on n'y voit pas d'objection. Est-ce qu'il y a une mécanique par laquelle...

Le Président (M. Boucher): Cinq minutes...

M. Parizeau: C'est tout et ensuite, on éteindrait.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Parizeau: Merci infiniment. M. Pagé: On fait motion.

Le Président (M. Boucher): M. Forrest, si vous voulez y aller de votre mémoire.

Comité provincial de protection des entraidistes

M. Forrest (Davis): MM. les membres de la commission, nous sommes ici aujourd'hui parce que vous nous avez invités à venir porter à votre attention la position de notre comité et également la position de plusieurs sociétaires que nous représentons. Je dois d'abord vous informer que nous avons été formés comme comité provincial le 14 novembre dernier, et qu'à ce moment, nous réunissions 14 comités locaux qui s'étaient formés pour la défense des entraidistes. Aujourd'hui, nous en représentons maintenant 21.

Nous nous sommes formés dans le but d'essayer de voir s'il n'y aurait pas eu possibilité de trouver d'autres options au plan Dugal qu'on connaît actuellement. En fait, c'est à la suite de rencontres, de discussions et de démarches que l'on a vu à se former en comité provincial, parce qu'on s'est aperçu au fil du temps, que les gens étaient vraiment mal pris avec le problème des

caisses d'entraide. On a senti non seulement un besoin mais une nécessité aussi de se former en comité dans le but d'essayer de coordonner nos actions à travers la province, dans le but de ne pas épivarder nos actions et nos pensées. On s'est dit aussi que le seul choix qui restait face au plan Dugal était celui de la liquidation, qui était un choix de dernier ressort, bien sûr. On s'est dit qu'il y avait sûrement d'autres moyens de régler le problème des caisses d'entraide. Dans ce but, on s'est dit qu'on allait devoir forcer et s'impliquer dans le milieu afin de voir ce que les sociétaires comme tels désirent qu'on leur présente comme choix ou alternative.

En fait, un des principes qui nous motivaient, c'était de voir une espèce d'opposition entre le fait de pouvoir, soit sauver l'institution ou soit sauver l'épargne des gens. Idéalement, ce serait de sauver les deux, mais on s'aperçoit que cela devient de plus en plus difficile également. C'était d'ailleurs le seul objectif qui devait nous animer, sauver l'épargne des gens. Sous le sceau du développement économique des régions et ce, par le biais de la création et de la multiplication des PME, on a mis bas cette presque nouvelle religion, soit les caisses d'entraide économique, institution qui devait à ses premiers balbutiements, s'avérer l'outil idéal pour atteindre l'objectif premier, soit le développement économique dans les régions. On a dû, de ce fait, vendre un produit à plus de 300 000 citoyens qui ont mis une grande part de leur confiance dans le commerce, dans les commerces et industries régionales.

La connaissance de l'état précaire de certaines caisses, ainsi que le dévoilement public d'un rapport présenté en mars 1978 à la Commission des valeurs mobilières du Québec a créé une situation d'incertitude, voire même de panique chez les sociétaires. Aux premières assemblées d'information qui ont suivi ces événements, les sociétaires ont rapidement compris l'importance du problème et se sont mis à s'interroger. De là, nous est apparue la nécessité de se regrouper pour voir clair dans ce dossier dont l'ampleur et la complexité en désarmaient plus d'un. Nous avons donc, dans chacune des caisses où se trouvent aujourd'hui les comités de défense des membres de la caisse d'entraide économique, interrogé les sociétaires afin de déceler avec la plus grande clairvoyance possible quelle était la solution désirée par l'épine dorsale des caisses d'entraide, soit les membres. À la suite de ces consultations, nous avons pu établir des principes fondamentaux qui devaient animer notre action. (15 h 30)

En premier lieu, les gens nous informaient que ce qu'ils désiraient c'était tout simplement d'avoir 100% de leur mise de fonds et immédiatement. Chose certaine, ce principe n'est absolument pas applicable aujourd'hui, et tous le savent. Étant donné le moratoire imposé et la presque certitude qu'ils auront à supporter les frais de cette crise, les membres ont émis les principes subsidiaires suivants: 1) Que les pertes, s'il en est, soient des plus minimes possible; 2) que leur argent soit disponible pour utilisation libre et volontaire le plus rapidement possible.

C'est dans le but de cette recherche et dans le but d'atteindre ces objectifs que nous sommes ici aujourd'hui.

Il nous apparaît que la sagesse financière universelle aurait commandé la mise en application des recommandations du rapport de la Commission des valeurs mobilières du Québec. À notre avis, la responsabilité première de ce dossier va au gouvernement du Québec. Lorsqu'un gouvernement reçoit un rapport comme celui-là, aussi clair, aussi précis, et quand on le lit encore aujourd'hui, on s'aperçoit, on dirait que ces lignes sont écrites en même temps qu'on vit cette situation de crise; on se dit: II y a certainement quelque chose qui n'a pas été fait dans ce dossier.

Si vous me permettez, je vais uniquement rappeler quelques passages du rapport qui nous apparaissent très importants et qui auraient pu éviter la situation dans laquelle on est présentement: "Emportés par l'enthousiasme général du secteur, les administrateurs des caisses et de leur fédération comprennent mal les exigences légales et administratives qui leur sont imposées, se soucient peu de les respecter et font preuve de myopie financière. "Un examen plus approfondi de ce mode particulier de fonctionnement démontre que le succès actuel des caisses d'entraide économique ne peut se perpétuer que dans un contexte de croissance et que de graves dangers menacent le mouvement lorsqu'il se sera stabilisé."

Des mesures correctives urgentes qui risquent d'être mal interprétées dans ce milieu, mais qui n'en demeurent pas moins nécessaires, font l'objet de recommandations de la présente étude en vue d'assurer que les caisses soient administrées selon des pratiques financières et commerciales saines. On croit que, bien que l'administration de ces institutions ait été remise entre les mains de régionaux, la faute ne leur revient pas en premier lieu mais revient bien au gouvernement du Québec qui aurait dû, par une loi appropriée à ce moment-là, voir à corriger immédiatement la situation.

Si vous me permettez, je vais poursuivre en vous citant quelques parties du passage de ce rapport. On nous dit, à la page 25 du rapport, que la conception erronée que se fait la direction de la fédération sur la planification et l'évaluation de la rentabilité ou de la viabilité d'une

caisse doit être soulignée, car elle contredit tous les principes d'administration selon des pratiques financières saines. On continue comme suit: "En effet, on lit à la page 9 du rapport annuel de 1976-1977 de la fédération que le service de l'administration des caisses a mis l'emphase sur l'établissement de normes administratives afin de permettre aux caisses de mieux s'administrer. "Au cours de la prochaine année, son objectif est d'aider chaque caisse à s'administrer complètement avec les frais d'acquisition. Ceci est appuyé par les rapports d'inspection des caisses par la fédération où l'on réitère, chiffres à l'appui, que les revenus de l'intérêt sur les prêts et placements doivent couvrir les dépenses financières, c'est-à-dire les intérêts sur le capital social, sur les dépôts à terme et sur les emprunts et les créances douteuses, et que les revenus des charges administratives, c'est-à-dire les frais d'acquisition du capital social et les frais d'administration sur les prêts, doivent couvrir toutes les dépenses commerciales, c'est-à-dire de recrutement, et administratives. Toute lacune à ce dernier égard est fustigée par une exhortation à intensifier le recrutement."

Encore une fois, qu'il me soit permis de vous rappeler que, si on était intervenu au moment où ce rapport a été présenté, on n'aurait pas actuellement plus de sociétaires qu'il n'y en avait en 1978 aux prises avec le problème qu'on connaît.

Je continue encore avec la page 26 du rapport où on mentionne - qu'ayant remarqué que la population investissait souvent à l'étranger à cause de rendements plus élevés, l'entraide économique avait simplement réglé le problème en donnant à ses membres un taux supérieur à celui déjà offert tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région. - Le principe de base était valable à ce moment-là et il l'est toujours, mais le moyen de l'appliquer l'était peut-être moins. - Le seul ennui réside dans le fait que le mouvement va à l'encontre du processus habituel qui consiste, pour une entreprise, à d'abord tenter de réaliser le rendement le plus élevé possible et, ensuite, à distribuer ses bénéfices dans la mesure de ses moyens. En termes clairs, on appelle ça vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Enfin, qu'il me soit permis de vous mentionner d'autres passages qui nous apparaissent très importants. En particulier, il y a certains passages qui parlent des méthodes de recrutement, des méthodes de publicité. J'en ai une à l'idée. Un feuillet nous a été distribué par la fédération qui nous disait: "Achetez un REER pour aujourd'hui pour sourire demain." Moi, M. le ministre, je vous demande d'aller vérifier si les sociétaires ont encore envie de sourire aujourd'hui.

On est allé demander aux sociétaires qui ont acheté ces REER s'ils avaient encore le sourire aujourd'hui. C'est loin d'être la situation, bien loin d'être la situation. Ces gens-là sont frustrés, brimés dans leur liberté d'action parce que tous et chacun ont gagné ces mises de fonds qui ont été placées à la fédération et dans les caisses locales par un dur labeur. Je pense que ce n'est pas croire beaucoup en l'espèce humaine et en l'entité humaine que de pouvoir permettre une telle action.

Enfin, j'aimerais vous rappeler l'élément de confiance qui est la base du système économique. À notre avis, il reste deux éléments de solution à ce problème, deux portes de sortie. La première, c'est le plan Dugal, dont les assises juridiques se retrouvent dans le projet de loi 40, dont je parlerai plus précisément tout à l'heure. La deuxième, c'est que le gouvernement du Québec assume sa responsabilité première, qu'il n'a d'ailleurs pas assumée en 1978, et qu'il offre au Mouvement Desjardins la possibilité d'offrir aux membres des caisses d'entraide économique une alternative viable, parce que cette institution bénéficie toujours de la confiance des gens.

Maintenant, on va en venir au projet de loi no 40 immédiatement. D'abord, je voudrais mentionner une chose. On a appris ce matin qu'il y aurait déjà 32 amendements de présentés au projet de loi no 40. On se demande, d'une part, si c'est vrai, parce qu'il nous a été impossible d'obtenir copie de ces amendements, et on se demande aussi dans quelle mesure et de quelle teneur sont ces amendements? Est-ce que ce sont des amendements qui vont changer au fond le projet de loi no 40 ou s'ils vont changer uniquement la forme, c'est-à-dire des détails techniques? Je dois immédiatement vous mettre en garde à l'effet que l'opinion qu'on émet aujourd'hui est face au projet de loi no 40 tel qu'on l'a eu au moment de son émission.

La première chose qui nous a un peu surpris lorsqu'on a fait la lecture du projet de loi no 40, c'est l'article 6, qu'on a pris la peine de lire en relation avec les articles 100 et 102. Nous sommes restés stupéfaits de voir de quelle façon on avait contourné l'essence même du plan Dugal, qui était à la base même du moins de ce qu'on a pu en entendre et de ce qu'on pouvait lire, le fait que 25% du capital social serait transformé en capital-actions et le reste, soit 75%, en dépôts à terme. Il nous apparaît qu'à partir de l'article 6, le gouvernement, n'ayant aucune assurance que seulement 25% suffisaient pour transformer les caisses et les rendre rentables, n'a pas voulu s'impliquer jusqu'à ce point et laisser la porte ouverte de façon à permettre ce qui pourrait être possible, d'avoir 30% et peut-être 35% de transféré en capital-actions.

Un autre élément nous est apparu très

important. Il s'agit de l'article 21, qui est pour nous un des principes fondamentaux, c'est-à-dire le fait que l'on empêche, que l'on brime toute liberté possible aux gens qui ne croient pas dans le plan Dugal.

D'après l'article 21, la minorité qui aura voté contre le plan Dugal devra se soumettre à l'adoption de ce plan et nous vous soumettons que le système économique dans lequel on vit aujourd'hui étant celui de la libre entreprise et de la liberté de placement et d'investissement, c'est aller à ['encontre de ce système que de croire qu'en forçant des gens à agir de la sorte, on pourra relancer l'entraide économique.

Qu'il me soit permis à ce moment-ci de vous mentionner un texte dont on a eu connaissance et publié par un professeur de l'Université Laval. Ce professeur mentionnait que, face à l'article 21, il y aurait eu moyen d'amener l'élément liberté fondamentale auquel on croit à exister dans un plan de relance comme celui-là.

Je vais vous faire lecture du résumé du plan ou de l'aspect liberté qu'il proposait: Le plan de relance des caisses d'entraide économique tel que présenté par l'équipe Dugal laisse trop peu de choix aux sociétaires. On les contraint à la liquidation ou à la prise en charge de risques non désirés. En effet, plusieurs petits épargnants croyaient, à tort cependant, que leurs investissements en capital social étaient sans risque et garantis par le gouvernement. On veut maintenant rendre officiel le risque déjà supporté et ceci à 25% du capital social. On veut transformer 25% du capital social détenu par chaque sociétaire en capital action. Bien qu'il soit vrai que les sociétaires détenaient déjà du capital de risque, il nous semble exagéré de lier 100% des sociétaires par un vote des 75% présents à l'assemblée. Si ces 75% ont des attentes positives face à leur caisse locale, pourquoi certains ne seraient-ils pas intéressés à un investissement de plus grande importance surtout ceux pouvant bénéficier des mesures fiscales proposées. Une telle procédure conforme aux lois d'un libre marché permettrait à chaque sociétaire de choisir le niveau de risque désiré. Si cette approche ne suffisait pas à amasser les capitaux propres nécessaires à la relance de l'entreprise, les sociétaires auraient au moins le signal qu'une telle relance est jugée trop risquée par les investisseurs potentiels.

À cette fin, nous, on s'était demandé de quelle façon cet argument pourrait être articulé techniquement. On s'est demandé de quelle façon aussi on pourrait l'appliquer. D'après nous, un bulletin de vote personnalisé serait suffisant pour appliquer la théorie de la liberté dans ce principe-là. C'est-à-dire que les personnes qui y croient réellement en votant avec la valeur des investissements qu'ils ont dans l'institution comme telle, pourraient à même ce bulletin de vote s'imbriquer dans le système, croire dans la relance et réinvestir dans celle-ci, de façon à créer une liquidité immédiate pour ceux qui ne désirent pas la relance telle que proposée par le plan Dugal. Par voie de conséquence, ceux qui ne croient pas au plan Dugal pourraient recouvrer plus rapidement leur argent et en toute quiétude et à 100% surtout.

Ensuite, un autre point qui nous apparaît fondamental dans cette loi-là, c'est le pouvoir de législation déléguée qu'on confie au gouvernement. Trop important, ce pouvoir qui met le contrôle et l'administration entre les mains d'un fonctionnaire au lieu de le laisser à l'Assemblée nationale. Je crois que s'il s'était exercé en 197B, on n'en serait sûrement pas au point où on en est aujourd'hui.

Le projet de loi no 40 ne semble pas protéger l'épargnant, mais plutôt l'institution. En somme, le projet de loi no 40 nous apparaît inacceptable, parce qu'il fausse les règles du jeu économique sur le plan de la liberté. Il nous apparaît également, que non seulement la liberté économique est brimée, mais également et surtout la liberté de choix dans la façon dont les problèmes des caisses devraient être solutionnés.

Enfin, pour terminer, pour les sociétaires que nous représentons, le Mouvement Desjardins est l'allié le plus naturel qui bénéficie de la confiance des gens. Avec Desjardins, le passé est garant de l'avenir. Ce que nous privilégions, ce n'est pas un achat à rabais des caisses d'entraide, parce que nous y avons cru et nous y croirons toujours, mais l'entraide pourrait se transformer d'une façon autre que celle proposée par le plan Dugal. Ce que nous désirons, c'est que les frais de cette opération coûtent le moins cher possible aux membres des deux institutions. De ce fait, nous nous interrogeons sur les coûts réels d'une fusion des caisses d'entraide économique avec le Mouvement Desjardins. On nous parle de 90 000 000 $; ce matin, je lisais dans la Presse, 200 000 000 $; quand aura-t-on le droit de connaître avec certitude l'ampleur de ce coût? (15 h 45)

Pour notre groupement, la solution Desjardins semble être l'élément clé qui pourrait apporter le choix du plan le plus approprié pour le petit investisseur. Desjardins pourra aussi, par sa structure interne, maintenir le principe de régionalisme économique en fournissant et en apportant aux PME toute l'assistance financière et humaine nécessaire au développement de celles-ci.

Pour terminer, j'aimerais faire une espèce de mise en garde, autant face au gouvernement du Québec que face à l'Opposition officielle: qu'il nous soit permis

de vous mentionner qu'il serait dangereux d'aller trop rapidement de l'avant avec le projet de loi no 40, parce que ce seront les 300 000 sociétaires qui décideront et qui jugeront des effets de cette loi sur leur portefeuille. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Forrest. M. le ministre.

M. Parizeau: Je vais laisser le chef de l'Opposition poser des questions.

Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition?

M. Parizeau: Je pense que c'est assez clair, M. le Président. Je n'ai...

M. Ryan: On a sûrement quelques questions à poser à M. Forrest et à M. Harvey qui l'accompagne. Tout d'abord, pourriez-vous nous donner des précisions sur la représentativité de votre comité des entraidistes? Pourriez-vous nous dire dans combien de caisses vous recrutez des sociétaires, quelle est l'ampleur des appuis qu'on vous a témoignés jusqu'à maintenant? À votre point de vue, quel est le nombre de caisses où on entretient des doutes ou des interrogations, des inquiétudes au sujet du plan proposé dans le projet de loi no 40?

M. Forrest: Je dois vous mentionner immédiatement, M. Ryan, que notre comité regroupe actuellement plus de 21 caisses, c'est-à-dire plus de 21 regroupements locaux, qui se sont formés à l'intérieur de chacune des caisses. Je dois également vous mentionner qu'on ne peut pas dire que ces comités représentent la majorité de tous les sociétaires; mais, ils représentent sûrement une partie importante de ceux-ci et même cette infime partie, si c'était le cas, devrait être entendue et protégée par le projet de loi no 40.

D'un autre côté, les informations que nous possédons, pour avoir lu les relevés de journaux et la conférence de presse de M. Blais la semaine dernière, nous apprennent qu'il y aurait plus de 30 caisses actuellement qui auraient fait des demandes au Mouvement Desjardins. Si même les dirigeants de 30 caisses ont cru bon de faire la demande au Mouvement Desjardins et d'autant plus si les sociétaires y croient et que leurs dirigeants y croient également, je pense que c'est d'une importance telle qu'on ne peut le retourner du revers de la main.

M. Ryan: Vous autres...

M. Parizeau: À titre de complément à la question, est-ce que vous allez continuer dans la même voie?

M. Ryan: Oui.

M. Parizeau: Comme prévu. Sur ce plan justement de la question posée par M. Ryan, comment devient-on membre de vos comités? Est-ce qu'il y a une façon un peu formelle de le devenir?

M. Forrest: Absolument pas. Voici la façon dont plusieurs des comités comme ceux-là se sont regroupés. Les gens ont assisté à une première assemblée d'information qui a eu lieu à la suite des événements du mois de juin dernier. Plusieurs en sont sortis de très mauvaise humeur, d'autres de moins mauvaise humeur. À la suite de cela, des groupes de gens à l'intérieur des caisses - on connaissait d'autres gens qui étaient à l'intérieur de la caisse - se sont réunis et ont dit: Écoute, c'est la majorité qui n'était pas satisfaite ce soir à la rencontre; donc, il y a un besoin de s'impliquer dans le dossier. L'implication était non seulement au niveau personnel et financier, mais aussi social, parce que plusieurs personnes, vous connaissez les problèmes d'organisation et de structuration d'espèce de comités comme ceux-là... On s'est dit, pour notre part, à Jonquière: II faut se structurer, il faut s'organiser de façon à donner une voie aux gens qui n'ont pas cette chance. C'est dans ce sens que les comités se sont formés un peu partout dans la province, pour ce qui est des 21 comités qui sont du regroupement provincial actuellement.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Argenteuil et chef de l'Opposition.

M. Ryan: II y a une question que je voulais vous poser. Vous dites qu'il faudrait que tous les sociétaires aient la chance de recouvrer leur capital au moment du passage de la formule actuelle à une autre formule. Il y a une question qui se pose ici. Je ne sais pas comment vous la résolvez. Ils sont entrés tous ensemble dans cette expérience. Il y a une passe difficile qui se présente. Si on allait ériger en règle que chacun peut sortir du bateau au moment de son choix, dans quelles conditions cela peut-il se faire sans créer d'injustice pour les autres, pour l'ensemble? Parce que si on érige votre solution, en principe, cela veut dire qu'idéalement, chacun peut sortir individuellement. Même s'il y avait une majorité qui s'était prononcée à l'assemblée, le paradoxe serait le suivant: Chacun pourrait décider individuellement le lendemain de demander le retrait de son capital. Il pourrait arriver qu'une décision ait été prise à l'assemblée et qu'elle soit complètement vide de sens ensuite. Généralement, dans une entreprise collective comme celle-là, on est entré ensemble, et si

une décision est prise par une solide majorité des membres - on demande les trois quarts des membres présents; on pourra discuter de l'assemblée tantôt si vous voulez - comment pouvez-vous justifier cela? Cela ne vous semble-t-il pas un peu paradoxal?

M. Forrest: Oui, c'est certain. Il y a une chose qu'on tient pour acquis. Actuellement, on sait qu'il y aura des pertes. Je pense que tous les sociétaires savent qu'ils devront, à un moment donné, dans ce dossier, absorber une perte personnelle. Ce fait, on le connaît et on le comprend très bien, sauf qu'on se dit: Pour quelle raison ce seraient ceux qui ne veulent pas la relance qui en feraient les frais? Je retourne la question d'un autre sens. Si on dit qu'on ne veut pas que ce soit celui qui y croit, qui investisse à nouveau dans cette relance, pourquoi serait-ce le petit, parce qu'il n'a pas la chance d'en mettre plus aujourd'hui, parce qu'il a de petits moyens, pourquoi serait-ce lui qui ferait les frais de la relance des autres?

M. Ryan: Vous introduisez une notion un peu différente. Si je comprends bien, vous dites: Pourquoi ne serait-ce pas le plus petit? Hier, je soumettais à l'attention du ministre, dans le débat que nous avons eu en deuxième lecture, le problème des sociétaires qui peuvent avoir des besoins particulièrement aigus au point de vue humanitaire, des personnes rendues, par exemple, à l'âge de la retraite, qui avaient mis des avoirs dans les caisses, dans le but d'avoir un revenu, quand ils arriveraient à l'âge de la retraite. Si on ampute leur calcul de 25%, c'est énorme, par exemple. Mais est-ce que vous voulez que le législateur tienne compte de ces cas qui pourraient se présenter ou que ce soit une espèce de "free for all" et que n'importe qui puisse se retirer après être entré comme sociétaire dans une institution, et puisse dire: Maintenant que cela va mal, je me retire je ne veux plus avoir affaire à cela. Est-ce que vous pouvez préciser votre pensée?

M. Forrest: Oui, le principe qu'on avance sur le fait de la liberté de choisir ou non la relance, c'est dans le sens que, s'il n'y a pas suffisamment de gens qui y croient, en appliquant ce principe, la relance, à ce niveau, il n'y en a pas, parce qu'on n'aura pas respecté les normes nécessaires pour faire la relance ou le redressement. À partir de là, on saura que l'aléatoire qu'on connaît aujourd'hui sera certain, parce qu'on ne sera pas capable de faire la relance, car, déjà, à cette étape, à une première étape pour faire avancer ce dossier, tout de suite les gens vont avoir dit: Aussitôt que la porte s'est ouverte, ils ne veulent plus.

Nous disons: Comme c'est basé sur la confiance, faites un test de confiance immédiatement et on verra pour l'avenir. Si le test de confiance passe, c'est merveilleux, l'entraide va continuer de vivre et va continuer de progresser, mais, si le premier test ne passe pas, comment va-t-elle faire pour continuer après?

M. Parizeau: À cet égard, il y a une question que j'aimerais vous poser et qui est la suivante: S'il n'y avait pas de problème de confiance, nous ne serions pas ici aujourd'hui. L'origine de la crise, c'est cela; c'est une question de confiance.

Je m'interroge un peu pour essayer de comprendre la distinction que vous établissez entre le petit qui, aujourd'hui, si on faisait un test, n'aurait pas confiance et le gros qui l'aurait. Cela ne me paraît pas évident. Quand on parle d'un problème de confiance, celui qui a 30 000 $ dans une caisse d'entraide peut fort bien avoir davantage confiance ou moins confiance que celui qui a 500 $ dans une caisse d'entraide. D'ailleurs, le fait d'avoir 500 $ dans une caisse d'entraide ne veut pas dire qu'on est petit ou gros. Il peut y avoir quelqu'un qui a placé 500 $ dans une caisse d'entraide, parce qu'il ne peut pas y mettre plus, et cela peut être un professionnel qui, au contraire, a mis 500 $ dans une caisse d'entraide pour se débarrasser du vendeur. C'est très difficile d'établir une distinction entre l'intérêt du petit et l'intérêt du gros et la confiance du petit et la confiance du gros. C'est dans ce sens qu'on se dit: Comptons les têtes. S'il y en a 75% qui sont d'accord, cela indique, sans qu'on ait à porter de jugement sur petit, gros ou participation importante ou pas, qu'effectivement, les trois quarts des gens ont confiance dans le plan de relance. C'est cela l'origine de la proportion qu'on met dans la loi.

Et là, j'essaie de saisir ce que vous impliquez par cette question de laisser chacun décider du montant qu'il voudrait laisser dans la caisse. Cela ne me paraît pas être une question de petit par opposition à gros, mais d'individus l'un après l'autre ou est-ce que je me trompe?

M. Forrest: Oui, effectivement. J'ai donné comme exemple le fait qu'un petit pourrait avoir moins confiance que celui qui a un peu plus dans sa mise de fonds. Ce que je dis, c'est qu'à l'aide du principe qu'on avance; on pourrait faire un test immédiat pour savoir si les gens vont croire encore, demain matin, à cette histoire, parce que, relancer quelque chose alors que les gens n'y croient plus, moi, je me dis: Où ça va aller? Si c'est deux ans pour le redressement et deux ans pour la relance, là ça fait quatre ans et, si on revient dans quatre ans encore, je pense qu'on n'aura pas accompli notre travail comme il faut cette fois-ci.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. Forrest, est-ce que je comprendrais bien votre suggestion si j'essayais de la résumer comme suit? Vous aimeriez qu'avant même qu'il soit question d'une assemblée où on prendrait une décision officielle il y ait une consultation de faite auprès de chaque sociétaire pour l'inviter à dire si lui est prêt à entrer dans le plan Dugal ou non et dans quelle mesure. Vous voudriez qu'une consultation d'un autre type que l'assemblée prévue dans le projet de loi ait lieu avant ou à la place de cette assemblée. Est-ce que c'est ça, votre idée?

M. Forrest: C'est une forme de test comme celui-là pour voir si demain matin, c'est viable. On y croit encore, mais comment faire pour dire: Tu vas voter pour le plan et demain tu sais très bien que tu ne pourras pas rentabiliser à nouveau ton institution? Tu n'as pas pu prendre ta décision de façon claire avec tous les éléments en main. C'est dans ce sens-là qu'on le mentionne.

M. Ryan: Si je comprends bien, vous n'avez pas confiance à l'assemblée extraordinaire qui doit avoir lieu au mois de janvier comme seul moyen pour faire la lumière sur la volonté réelle des sociétaires.

M. Forrest: Effectivement, parce que le seul problème qui se présente, c'est qu'à l'assemblée qui aura lieu on aura un plan présenté devant nous et ce sera le seul. Donc, les gens n'auront pas eu l'opportunité de voir autre chose. C'est sur ce plan-là seulement qu'ils se prononceront.

M. Parizeau: II est possible, M. le Président, cependant, que M. Forrest préjuge un peu de ce qui serait présenté aux sociétaires le 30 janvier. Mais, pour poursuivre ce que disait le chef de l'Opposition officielle, si on voulait faire un sondage, une sorte de test préliminaire au 30 janvier, pour qu'il soit significatif, il faudrait que tous les renseignements financiers soient présentés aux membres, exactement comme ils devront l'être le 30 janvier. J'ai de la difficulté à voir la différence de démarche entre une assemblée préliminaire et une assemblée du 30, puisque, de toute façon, pour que le test se fasse, il faut quand même que les renseignements pertinents soient présentés aux membres. On ne peut pas faire une sorte de test préliminaire juste sur une sorte de première réaction.

M. Forrest: M. le ministre, moi, je pense qu'avant de pouvoir porter un jugement...

M. Ryan: Juste une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Question de règlement.

M. Ryan: J'espère que le ministre des Institutions financières n'a pas interprété mon intervention comme voulant suggérer moi-même une telle chose.

M. Parizeau: Pas le moins du monde; j'étais seulement dans le prolongement de la question que vous posiez.

M. Forrest: Dans le sens de ce que vous disiez tout à l'heure, si on s'aperçoit qu'avant le 30 janvier le délai est trop court, alors, ne précipitons pas les choses; prenons le temps de voir comme il faut avant de prendre une décision.

M. Parizeau: Mais est-ce que les caisses d'entraide n'ont pas tenu depuis pas mal de semaines une série de réunions d'information à l'égard de leurs membres?

M. Forrest: Oui, plusieurs, faisant connaître uniquement la position de celui qui présente le projet de loi aujourd'hui, parce que c'est le plan Dugal qu'on nous a présenté dans toutes les assemblées d'information, chaque fois. Alors, comment pouvons-nous dire que les gens sont bien informés, alors qu'ils n'ont qu'un côté de la médaille? Quand la médaille va se mettre à tourner, on va voir l'autre côté et peut-être qu'il y en a qui vont être drôlement déçus quand ils vont voir l'autre côté. Parce qu'il y avait peut-être quelque chose d'aussi beau de l'autre côté et peut-être même de mieux. (16 heures)

M. Parizeau: Ce qui nous amène au Mouvement Desjardins dont nous allons discuter tout à l'heure.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II y a encore quelques questions que je veux adresser à M. Forrest et à M. Harvey. Vous dites que vous avez des adhérents dans à peu près 25 caisses d'entraide, si j'ai bien compris tantôt. Vous avez sans doute suivi de près les assemblées d'information tenues au cours de l'automne en relation avec le plan de redressement et de relance; pourriez-vous nous donner un peu les observations que vous avez faites à l'occasion de ces assemblées? D'après vous autres, est-ce que l'information a été communiquée de manière complète, véridique et objective ou si les conditions se prêtaient mal à un tel examen? Avez-vous été satisfaits, dans l'ensemble, de ces assemblées-là ou si vous en êtes ressortis

avec une impression de frustration, de doute ou d'incertitude? Avez-vous des choses qui pourraient nous être utiles à communiquer là-dessus?

M. Harvey (Paul): Si vous me permettez de répondre à la question de M. Ryan. Voici, lors de la tenue de ces réunions d'information qui, d'ailleurs avaient déjà été très bien préparées les membres avaient été avisés qu'il y aurait des spécialistes en marketing pour faire tomber tous les arguments qui pourraient venir à l'encontre du plan Dugal. Je crois, pour y avoir assisté, qu'on aurait pu se laisser laver l'esprit, passez-moi le terme, de cette manière-là si nous n'avions pas eu les informations nous permettant d'insister pour avoir d'autres choix, des fusions avec d'autres mouvements, des études sur les liquidations à court ou à long terme, par la voie de la réalisation des actifs, et également de fortement appuyer sur le Mouvement Desjardins, qui est l'allié naturel, croyons-nous, et le véhicule pour pouvoir régler le problème que l'on vit présentement. Dans le Mouvement Desjardins - et preuves à l'appui avec le règlement de la Caisse Laurier, qui a été des plus heureux - on retrouve deux choses: une structure tant financière qu'humaine pouvant répondre à différents types de problèmes. Il est bien sûr que ce n'est pas, au premier coup d'oeil, la solution à tous les maux qu'une caisse en particulier pourrait avoir, mais je pense qu'avec l'effort, plus que l'effort, la bonne foi et vraiment l'esprit de coopératisme qui a été véhiculé par la fusion de la Caisse Laurier ici à Québec, on retrouve de grands espoirs. C'est dans ce sens-là qu'on voudrait voir cette alternative également dans le projet de loi que l'on discute aujourd'hui.

Le Président (M. Boucher): Avez-vous terminé, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Vous avez dit que vous trouviez que le projet de loi accorde des pouvoirs de contrôle abusifs ou excessifs au gouvernement. Pourriez-vous expliquer un peu votre pensée là-dessus?

M. Forrest: En fait, ce qu'on dit c'est que, d'une part, on croit que si les représentants de la fédération ou de la nouvelle fédération doivent revenir devant l'Assemblée nationale par le biais du gouvernement, soit pour réaménager le projet de loi 40, soit pour réaménager la situation qui prévaudra à ce moment-là, on se dit: Pourquoi ne pas offrir directement aux parlementaires le pouvoir de contrôle sur ces institutions, plutôt que de remettre ces pouvoirs aux mains de fonctionnaires, bien qu'ils puissent être de bonne foi et de bons administrateurs, ce qui constitue, à mon avis, un accroc au régime parlementaire dans lequel on vit. Je crois qu'il est fondamental que tous les parlementaires - parce que ce sont eux qui nous représentent au niveau de chacun des comtés - doivent avoir le contrôle et voir ce qui se passe à l'intérieur de ces institutions-là, parce que c'est le manque qu'il y a eu, à venir jusqu'à maintenant. La preuve, c'est qu'on n'a jamais eu ou on n'a jamais entendu parler ou ça n'a jamais fait vraiment beaucoup de bruit lorsque le rapport à la Commission des valeurs mobilières du Québec a été publié. Aujourd'hui, on s'aperçoit que si, soit l'Opposition soit le gouvernement avait amené ce document à la Chambre, il y aurait peut-être eu des positions autres que celles qu'on voit aujourd'hui.

M. Ryan: Je ne sais pas si le ministre a des commentaires à faire là-dessus.

M. Parizeau: Dans le sens...

M. Ryan: Une autre question, et ça va être tout.

M. Parizeau: Vous avez terminé les questions?

M. Ryan: Cette question-ci, mais j'en ai une autre.

M. Parizeau: Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire en Chambre, il est évident que les pouvoirs réglementaires inclus dans la loi no 40, sont considérables. D'un autre côté, il faut voir d'où nous partons et où nous voulons arriver. Il est clair que si on cherchait à imposer demain matin par une loi comportant de très grandes précisions, comme loi, à l'égard des positions en liquidité et de toute une série de tests qu'on applique normalement à des sociétés financières, la relance deviendrait impensable.

Il faut donc des pouvoirs réglementaires assez importants pour partir d'où nous sommes et amener les caisses d'entraide à un niveau qui peut être considéré comme celui de la prudence générale de ce type d'institution. Et c'est la raison pour laquelle la loi en est une de transition à cet égard. Dans la mesure où la relance se fait bien, là après et très normalement devrait apparaître dans la loi - et à ce moment-là, cela a des chances d'être une loi plus large - des précisions qui, à l'heure actuelle relèvent plutôt de la réglementation. En somme ce que je veux dire, c'est que, on ne peut pas dans une loi, définir le point d'arrivée seulement et l'imposer au point de départ. Il faut des pouvoirs réglementaires qui permettent de partir d'où nous sommes pour arriver où nous voulons aller, et à ce moment-là incorporer cela dans les lois.

Je pense que compte tenu des

circonstances c'est un peu inévitable et je reconnais volontiers que dans les circonstances présentes ces pouvoirs réglementaires sont considérables par rapport à ce qu'ils devraient être dans d'autres circonstances.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Une dernière question.

Il est évident qu'en écoutant ce que vous avez dit, nous allons éprouver encore plus le besoin d'entendre les deux organismes qui vont témoigner après vous autres, c'est-à-dire la Confédération du mouvement Desjardins et les dirigeants des caisses d'entraide, c'est là que nous saurons s'il y a une possibilité dans le sens de ce que vous dites.

Je voudrais vous poser une dernière question pour être bien certain qu'on a fait le tour de ce que vous avez examiné, vous. Vous avez dit qu'en cours de route, vous avez examiné différentes possibilités. Tout à l'heure j'ai entendu parler des possibilités de démembrement, vous vous êtes posé cette question-là à un moment donné à propos des caisses avec lesquelles vous étiez en rapport. Est-ce que les questions que vous vous êtes posées là-dessus vous ont conduits à des réflexions ou à des conclusions particulières?

M. Forrest: Malheureusement, sur ces points-là, la seule démarche qui nous était possible, c'était de demander à nos conseils d'administration respectifs dans chacune des caisses locales de voir à étudier cette question parce que vous comprendrez sans doute très facilement qu'on n'a ni les moyens financiers ni les ressources humaines pour faire ce type d'étude et on ne prétend pas être capables de le faire non plus. Mais la prétention qu'on a, c'est que si on prend au moins la peine d'examiner toutes les alternatives possibles, en bout de ligne, si le plan Dugal est le seul qui est acceptable, on peut vous mentionner dès maintenant qu'on sera capable également de se lever pour dire: C'est le seul qui est acceptable et c'est celui qu'on acceptera, mais pour l'instant, tant et aussi longtemps que toutes les options et en particulier celles d'une liquidation par voie de réalisation des actifs n'auront pas été étudiées, on ne peut pas recommander aux membres d'accepter le plan Dugal, ce serait se faire aveugler par de la poudre aux yeux.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Chambly.

M. Tremblay (Chambly): M. le Président, j'aimerais demander aux intervenants si dans leur esprit les gens qui ont adhéré aux caisses d'entraide étaient conscients que ce faisant, ils adhéraient à une coopérative avec en même temps les responsabilités que ça comporte.

M. Forrest: La majorité de ceux qui ont investi dans le mouvement des caisses d'entraide savaient bel et bien qu'ils investissaient dans le mouvement coopératif, c'est tout à fait évident que les gens le connaissaient, sauf que je pense que ce qui était moins connu, c'était une institution financière qui était dans le mouvement coopératif et je pense que cela ne s'est pas vu tellement souvent, une débâcle comme celle-là dans une institution financière de type coopératif. Et je pense que c'est là la plus grande crainte des gens. C'est que pour eux le système des institutions financières et bancaires est fondé sur un élément de confiance. Ils étaient sûrs, et c'était plus moral que légal ou vérifiable, dans leur tête à eux que c'était impossible que cela tombe, c'était impossible. Je suis certain que tous les gens étaient conscients que c'était un système coopératif, sauf que de là à voir la démarcation qu'il y a entre un système coopératif et le fait qu'une institution financière fonctionne avec ce système-là, c'était autre chose.

M. Parizeau: M. le Président, avant qu'on passe à une autre question, je pense qu'il serait important à l'égard des intervenants de faire état de l'entente qui est intervenue entre les deux partis tout à l'heure, compte tenu du fait que nous avons commencé en retard, de façon à donner à chacun au moins une heure. Si nous avions à dépasser 18 heures, pour aller jusqu'à 18 h 15 ou 18 h 20, cela se ferait sans difficulté. Simplement pour...

Le Président (M. Boucher): Avez-vous le consentement pour un dépassement...

M. Parizeau: Je pense, c'est important, que les autres intervenants le sachent.

Le Président (M. Boucher): ... de l'heure d'ajournement?

D'accord, M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: D'ailleurs, malgré qu'on aurait certaines questions à poser aux intervenants, il ressort que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas entendu les deux autres parties, qui éclaireront peut-être une partie de notre lanterne, cela nous amènera à répondre à certains faits qui ont été avancés par ceux-ci. Mais j'aimerais bien qu'on passe le plus tôt possible aux deux groupes qui évidemment peuvent éclairer un peu les députés.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Charlevoix.

Alors, comme il n'y a plus d'intervenant, au nom des membres de la commission, je remercie M. Forrest et M.

Harvey pour leur contribution à cette commission.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins

J'appelle maintenant les représentants de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. M. Raymond Blais, porte-parole.

M. Blais (Raymond): M. le Président, messieurs les membres de la commission. Avant de débuter, vous me permettrez de présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Yvon Daneau, secrétaire général; M. René Croteau, adjoint au président aux relations institutionnelles; et Mme Rita Bédard, vice-présidente aux affaires juridiques à la confédération.

Un autre petit point, M. le Président, si c'était votre volonté, j'ai un petit texte qui n'est pas très long qu'on pourrait vous remettre à vous et aux membres de la commission, si vous en manifestez l'intérêt, ou préférez-vous qu'on vous le remette à la fin?

Le Président (M. Boucher): Je crois que ce serait possible de le faire distribuer immédiatement.

M. Blais (Raymond): Avant de vous faire connaître nos réactions sur le projet de loi 40 spécifiquement, vous nous permettrez de vous faire part de certaines observations qui méritent selon nous d'être portées à votre attention. Premièrement, convoqués hier pour participer à une séance de votre commission parlementaire aujourd'hui, vous comprendrez qu'un si court délai ne nous a pas permis de procéder à une analyse exhaustive du projet de loi. Deuxièmement, la crise que connaissent les caisses d'entraide économique depuis juin ne pouvait nous laisser indifférents, puisque ces institutions se sont depuis leur origine identifiées comme des institutions coopératives. Cet élément à lui seul aura été suffisant pour que nous ne restions plus insensibles aux problèmes rencontrés par cette institution financière québécoise. De plus, en juin dernier le ministère des Institutions financières et Coopératives sollicitait notre collaboration pour tenter de trouver ensemble des solutions en vue de dénouer la crise où se trouvaient plongées les caisses d'entraide économique. (16 h 15)

À la suite de cette demande et dans le cours du même mois, nous faisions parvenir une proposition au ministère des Institutions financières et Coopératives. Cette proposition mettait en évidence un certain nombre de principes et de procédés susceptibles d'apporter, selon nous, une solution au problème avec lequel le gouvernement était confronté. Notre proposition n'a pas alors été retenue par le ministre.

Depuis, les dirigeants de la Fédération des caisses d'entraide ont amené un plan de relance. Malgré cette annonce, un climat d'inquiétude a persisté chez les caisses d'entraide et chez bon nombre de leurs membres. Plusieurs d'entre elles, ainsi que leurs membres, sans aucune intervention de notre part, et j'aimerais, si vous permettez, me répéter, sans aucune intervention de notre part, ont souhaité l'implication du Mouvement Desjardins dans ce dossier.

Nous ne sommes pas demeurés insensibles à ces réactions et nous avons formulé une nouvelle proposition au ministre en octobre dernier. Sans renier les principes qu'il avait formulés en juin, le Mouvement Desjardins proposait une nouvelle solution autre que celle de la liquidation ou du plan de relance déjà connu. Dans cette proposition, le Mouvement Desjardins précisait le rôle que chacun des intervenants dans ce dossier serait appelé à jouer dans la solution de ce problème. Ces intervenants étaient les membres des caisses d'entraide, le gouvernement et le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins.

Troisièmement, nous tenons à affirmer que notre intérêt dans ce dossier, contrairement à ce que d'aucuns ont pu laisser entendre récemment, n'avait et n'a d'autre objectif que de sauvegarder, autant que possible, l'épargne des membres des caisses d'entraide, de protéger l'image des institutions coopératives au Québec et de restreindre, dans toute la mesure du possible, l'impact de cette crise sur l'économie québécoise. À nos yeux, il paraît clair qu'il existe, au plan économique et politique, une responsabilité partagée dans ce dossier, mais cette responsabilité se limite aux caisses d'entraide comme telles et au gouvernement.

Quatrièmement, malgré que nous ne soyons pas les premiers concernés dans ce dossier et que l'on ne peut imputer au Mouvement Desjardins des responsabilités pour les difficultés rencontrées par les caisses d'entraide, nous tenons à préciser que nous y avons, au cours des six derniers mois, consacré beaucoup de temps, abusant ainsi lourdement d'un grand nombre de nos ressources humaines.

Les efforts déployés dans ce dossier ont été consentis au moment où le Mouvement Desjardins était lui-même engagé dans d'importants travaux nécessaires à son propre développement. Vous me permettrez de faire ici un commentaire de 30 secondes, parce qu'il y a eu toutes sortes de choses dites ou écrites. Je voudrais bien revoir les journées, les soirées et les fins de semaine que le Mouvement Desjardins a consacrées à ce

dossier. Évidemment, nous n'avons pas fait de déclaration publique chaque jour; évidemment, le temps qu'on a consacré n'était pas toujours nécessairement avec les dirigeants des caisses d'entraide économique, parce que nous avions indiqué, dès le début, que notre interlocuteur était le ministère. Évidemment, ce n'est pas toujours non plus avec les gens du ministère, parce qu'à la suite des rencontres avec le ministère, nous allions chez nous travailler et voir les implications de toute approche, parce que nous ne pouvions pas nous lancer dans une aventure sans vérifier l'état de ce dossier et l'impact qu'il avait sur notre propre Mouvement Desjardins.

Cela dit, M. le Président, nous vous formulerons maintenant nos commentaires, réactions et interrogations sur le projet de loi 40. La lecture des notes explicatives de ce projet de loi nous indique qu'il a non seulement pour objet, la transformation des caisses d'entraide en sociétés d'entraide économique, mais surtout qu'il vise à en assurer le contrôle et la surveillance. À cet égard, nous soulèverons certains points qui nous apparaissent s'inscrire dans une démarche d'une centralisation très forte au niveau gouvernemental.

En ce qui concerne la transformation des caisses d'entraide en sociétés d'entraide, le caractère hybride qu'on veut donner à ces institutions doit être souligné. Tout au long de ce projet de loi, nous trouvons en effet des notions qui, en s'appuyant sur des aspects du droit des compagnies, tentent de sauvegarder des valeurs coopératives. Ainsi, l'article 44 précise que sous réserve du projet de loi no 40, la partie I de la Loi sur les compagnies s'applique à une société d'entraide.

En ce qui concerne le droit de vote, cependant, on remplace la notion connue en droit des compagnies, du vote des deux tiers en valeur des actions, représenté par les actionnaires présents, par celle des deux tiers des voix exprimées par les personnes présentes. Cependant, on limite la capacité d'un actionnaire à ne pas détenir plus de 5% des actions émises du capital-actions d'une société, ainsi qu'on lui interdit d'exercer un droit de vote supérieur à 5% de l'ensemble de ceux conférés par les actions émises du capital-actions d'une société.

La difficulté d'opter entre la notion un membre, un vote et celle d'une action, un vote semble accorder des droits égaux aux actionnaires, tout en les limitant dans leur pouvoir de contrôle de leur société.

Transformation du capital actuel. En ce qui concerne, d'autre part, une partie du capital-actions de ces sociétés, il faut s'arrêter aux articles 52 et 53 de ce projet de loi. On sait que les projets de transformation des caisses d'entraide en sociétés d'entraide devront prévoir, entre autres, le nombre de parts sociales pour chaque titulaire, qui seront converties en actions et le nombre de parts sociales qui seront converties en dépôts.

Concernant le remboursement de ces actions ainsi acquises lors de la continuation d'une caisse en société, l'article 52 précise "qu'au décès d'un actionnaire qui a acquis des actions lors de la continuation ou au décès d'un actionnaire qui a acquis des actions de celui qui les a acquises lors de la continuation, la société doit acquérir ces actions si les ayants droit de cet actionnaire lui en font la demande". Cette restriction de rembourser au décès seulement, qui en soi est déjà exorbitante, est accompagnée d'une autre atténuation qu'il faut aussi souligner. À l'article 53, on lit qu'une société ne peut toutefois payer de telles actions que si, après ce paiement, "elle peut acquitter son passif à échéance; la valeur comptable de son actif est supérieure au total de son passif et des sommes représentant la contrepartie des actions émises de son capital-actions et son endettement en dépôts est dans la limite applicable prévue à la loi." On semble ici être très loin de la liberté d'entrée et de sortie qui est la base de la coopération.

Compte tenu des principes en cause et des montants que peuvent affecter de telles restrictions, il nous paraît essentiel que ces aspects soient clairement expliqués et surtout mesurés et quantifiés, particulièrement dans l'hypothèse où les membres des caisses d'entraide auront à se prononcer sur des projets de transformation. Malgré la possibilité que ce capital soit remboursé au décès de ces actionnaires, il faut aussi clairement mettre en évidence devant les membres que même leur succession devra peut-être attendre avant d'obtenir remboursement.

Conseil d'administration et commission de crédit. Par rapport à l'objectif annoncé du contrôle et de la surveillance des sociétés d'entraide, les dispositions concernant le conseil d'administration et la commission de crédit méritent d'être soulignées. Quels sont, en effet, les véritables pouvoirs du conseil puisque le projet de loi dit que le conseil d'administration doit, notamment, respecter et faire respecter les normes établies par la fédération? Quant à la fédération, l'article 168 indique qu'elle doit établir des normes non contraires à la loi et aux règlements. Nous traiterons plus loin des sujets qui peuvent être touchés par le gouvernement lors de l'adoption de ces règlements. Force nous sera, alors, de conclure que les administrateurs, à toutes fins utiles, n'ont plus à rendre compte à l'assemblée générale; ils deviennent en quelque sorte des mandataires du gouvernement.

Quant à la commission de crédit, le projet de loi prévoit que, sujet à un

règlement, "elle est chargée de donner son avis sur les demandes de prêts que détermine ce règlement." Que signifie ce pouvoir par rapport à celui exercé par les commissions de crédit dans le cadre de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, laquelle affirme que seule la commission de crédit peut autoriser des prêts aux membres? Surtout, que signifie ce pouvoir face à l'article 107 du projet de loi, lequel indique, notamment, que "le gouvernement peut, par règlement, déterminer des catégories de prêts et établir pour l'ensemble ou l'une ou plusieurs de ces catégories ou l'un ou plusieurs des prêts de l'une de ces catégories: la limite ou proportion d'actif ou d'autre élément que la société peut y consacrer; le terme ou la période d'amortissement maximum de ces prêts; la nature des garanties qui pourront ou devront, selon le cas, être exigées à l'occasion de ces prêts et le niveau des garanties; les conditions et restrictions auxquelles ces prêts sont soumis"?

Le gouvernement ne prend-il pas en quelque sorte la place de la commission de crédit? Cette commission, par son simple rôle consultatif, n'est-elle plus qu'un simulacre d'un corps dirigeant qui autrement joue un rôle efficace dans nos caisses populaires?

Dans le même ordre d'idées, soulignons l'article 104 du projet de loi, lequel limite le pouvoir de prêter d'une société d'entraide si ses propres emprunts excèdent un certain pourcentage, sauf avec l'autorisation du surintendant et aux conditions que celui-ci détermine.

En plus du pouvoir de réglementation qui peut les limiter considérablement, les sociétés d'entraide font donc face au pouvoir d'un surintendant et à des conditions unilatérales qu'il peut imposer. Il convient, d'autre part, de rappeler que ce dernier est chargé de l'administration quasi totale de la loi. Nous constatons que, pour ce faire, il agit sous l'autorité du sous-ministre, mais nous constatons également que le sous-ministre du ministère des Institutions financières et Coopératives peut lui-même agir à titre de surintendant. Assisté d'adjoints et d'autres fonctionnaires jugés nécessaires, il peut leur déléguer les fonctions qui lui sont confiées par la loi. Face aux pouvoirs qu'on lui confie, nous nous interrogeons sur les pouvoirs discrétionnaires que peut ainsi exercer ce surintendant.

Pouvoir de recevoir des dépôts. Quant aux pouvoirs de ces sociétés, ce projet de loi prévoit qu'en plus de faire des prêts, elles ont pour objet de recevoir des dépôts. On ne parle plus, comme dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, des pouvoirs d'une caisse de recevoir les dépôts de ses membres, mais on traite d'une façon générale de la capacité de recevoir des dépôts. La seule restriction quant aux déposants est prévue à l'article 98 où on lit que "La société ne peut recevoir des dépôts d'une autre société d'entraide économique ou de la fédération." Toute autre catégorie de personnes peut donc déposer dans une société.

D'autre part, l'article 99 prévoit la possibilité, pour les sociétés d'entraide, de recevoir des dépôts transférables par ordre à des tiers, si les règlements le permettent.

De nouveau, il faut souligner que, par simple pouvoir de réglementation, le gouvernement pourra modifier les règles de fonctionnement actuelles. En ce sens, faut-il comprendre que les sociétés d'entraide recevront de tels pouvoirs?

La fédération maintenant. Quant à la Fédération des sociétés d'entraide économique du Québec, dont la constitution est prévue dans ce projet de loi, nous nous interrogeons également sur sa nature et son rôle, sur ses objectifs réels. Comme pour les sociétés et sous réserve de certains articles, la partie I de la Loi sur les compagnies s'applique. Ses premiers administrateurs, nous dit l'article 165, seront nommés par le gouvernement.

Parmi ses pouvoirs et devoirs, nous avons déjà dit que la fédération doit établir des normes non contraires à la loi et aux règlements. Cela concerne notamment les matières suivantes: les provisions pour créances douteuses, le mode de comptabilité, tout sujet en matière financière et administrative. Ce même article ajoute que "ces normes n'ont d'effet qu'après leur approbation par le gouvernement". Encore là, le gouvernement ne prend-il pas la place des dirigeants de cet organisme?

Dans ce même ordre d'idées, soulignons l'obligation, prévue à l'article 184, faite à la fédération de "placer, sous forme de dépôt à vue auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec, un montant qui est établi en fonction d'un pourcentage et en fonction d'actifs que le gouvernement détermine par règlement."

Pouvoir de réglementation. Enfin, si on s'attarde à l'étude des 24 paragraphes de l'article 190 qui établit les pouvoirs de réglementation du gouvernement, nous ne pouvons que constater une centralisation très forte au niveau gouvernemental au détriment des autres intervenants. Citons seulement, dans cet article, le pouvoir "d'établir des règles concernant la nature et la quotité des frais et honoraires qui peuvent être imposés aux déposants ou emprunteurs;" le pouvoir de "déterminer le moment où les déposants de la société doivent être informés des frais afférents à leurs dépôts et les modalités suivant lesquelles ils doivent l'être", de même que le mode de calcul des intérêts payés.

De toutes ces interrogations, en émerge

une qui nous paraît fondamentale. Ce projet de loi, par le biais de sociétés d'entraide économique et d'une fédération, ne permet-il pas, en quelque sorte, la création de sociétés d'État sous le contrôle absolu, pour ne pas dire la tutelle du gouvernement? Les pouvoirs de ces organismes sont restreints et subordonnés à des autorisations, à des normes précises. Quoique demeurant juridiquement des entités séparées et autonomes, les sociétés d'entraide économique et leur fédération deviennent, dans les faits, de simples exécutants de politiques et de décisions qui se refléteront, d'une part, dans les règlements du gouvernement et, d'autre part, dans les décisions du surintendant.

Enfin, quoique l'application de la loi soit prévue initialement pour une durée de trois ans après son entrée en vigueur, elle n'en demeure pas moins très restrictive. Après ce délai, rien ne garantit que ces sociétés seront plus autonomes, puisque le ministre pourra alors faire un rapport à la commission des institutions financières et coopératives sur l'application de la loi et faire des recommandations sur l'opportunité d'en maintenir l'application ou d'en modifier les dispositions.

M. le Président, pour résumer, nous comprenons que le gouvernement doit intervenir dans ce dossier. Nous acceptons que le rôle du gouvernement soit très grand vis-à-vis de la protection de l'épargne, mais nous soumettons humblement qu'il y a moyen de faire des contrôles, tout en continuant de faire confiance à des gens dans les régions, de façon décentralisée, qui ont décidé de prendre leur affaire en main et je pense que le mouvement Desjardins en est un exemple. (16 h 30)

En badinant, je voudrais vous soumettre qu'il semble que ça évolue dans des dossiers plus rapidement que dans d'autres parce qu'au mois de juin, lorsqu'on a fait une première proposition au gouvernement, nous avons timidement demandé que soit prise une espèce de contrôle sur la Fédération des caisses d'entraide économique.

Article no 1 du refus du gouvernement: les caisses populaires me demandent de prendre le contrôle de la fédération; je ne peux absolument pas poser ce geste à ce moment-là. Nous avons devant nous un projet de loi qui, à mon avis, va beaucoup plus loin que ce geste qui nous a été refusé au mois de juin.

Je n'ai qu'un seul commentaire à faire avant de terminer. Dans un autre dossier, je pense que M. le ministre en est au courant, nous avons continué à travailler de notre côté pour trouver une solution alternative, mais comme on nous demandait ici, pour le projet de loi no 40, nous n'avons pas jugé bon d'en traiter. Nous serions bien sûr disposés à répondre à vos questions, mais ce n'est pas parce que nous ne croyons pas à l'autre, c'est que nous avons cru, avec raison je l'espère, que notre présence ici était fondamentalement pour avoir notre réaction sur le projet de loi no 40. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Blais. M. le ministre

M. Parizeau: M. Blais, effectivement, nous sommes en face, comme vous dites, de deux dossiers qui peuvent être des choix, mais de deux dossiers. Commençons par la loi no 40, ensuite on passera à l'autre chose.

Je suis un peu surpris - j'ai l'impression qu'on va en discuter encore longtemps - du fait que vous ne sembliez pas, dans votre mémoire, établir une distinction entre ces pouvoirs réglementaires, ou alors ces contrôles, qui semblent indiquer, compte tenu de la situation des caisses d'entraide à l'heure actuelle et compte tenu de leur plan de relance, qui sont donc propres non seulement aux caisses d'entraide mais à leur situation actuelle, d'autres modes de contrôle ou de surveillance qui ont graduellement émergé un peu partout, comme étant une responsabilité qu'un gouvernement doit assumer. Évidemment, ça se retrouve dans la loi no 40; ça se trouve superposé. Il y a des choses qui ont été directement déterminées par la situation des caisses d'entraide que d'autre part des pouvoirs de surveillance et de contrôle qu'on retrouve maintenant à peu près partout, quand il s'agit d'institution de dépôt, qu'elle soit coopérative ou de type capitaliste, et dont on peut difficilement se passer.

J'entendais M. Forrest tout à l'heure nous dire que c'est le gouvernement qui porte une bonne partie de la responsabilité de ce qui s'est passé. Une des raisons pour lesquelles il porte la responsabilité inévitablement, c'est que les lois dont il disposait, fournissaient sur le plan des contrôles ou de la surveillance relativement peu de choses. Alors la question que je voudrais vous poser est la suivante. Je vais prendre des cas spécifiques. Dans le cas que vous mentionnez, du surintendant - on va le prendre pour cet exemple-là, mais on pourrait en prendre d'autres - est-ce qu'il y a des pouvoirs qu'on donne, mettons au surintendant, que vous trouvez abusifs en tant que tels? Il y a un surintendant des assurances, et à Ottawa et à Québec, il y a un inspecteur général des banques à Ottawa. Un surintendant des sociétés d'entraide et éventuellement, parce que les lois vont évoluer, un surintendant, par exemple, des sociétés de fiducie et de prêts au Québec, ayant des pouvoirs analogues à ceux qui apparaissent dans cette loi, est-ce que ça vous paraît abusif?

M. Blais (Raymond): Ce n'est pas le fait en soi d'avoir un surintendant. Je

comprends que souvent la marge n'est pas très large entre exercer certains contrôles et faire à la place de. Toute l'économie de ce projet de loi nous apparaît, et j'admets que la tentation est grande, lorsqu'on est dans une situation comme dans les caisses d'entraide, de dire: Ils ne pourront pas faire ça. Je pense que le gouvernement devrait abandonner toute tolérance à des lois existantes, je pense que ça m'apparaît clairement, c'est une des raisons du problème pour lequel on est ici aujourd'hui. Il y a moyen d'avoir un surintendant. Ce n'est pas le fait d'avoir un surintendant en soi qui est mauvais, ce sont ses pouvoirs de réglementation. Lorsque j'ai lu les pouvoirs de réglementation, celui qui m'a frappé le plus, je vous le concède, c'est le pouvoir du moment où le rendement sera annoncé aux membres. Où je ne comprends pas, où ça m'apparaît très excessif, c'est qu'en théorie, c'est le surintendant qui décidera à quel moment on va annoncer aux membres quel sera le rendement de leur épargne.

M. Parizeau: Donc, vous trouvez que certains de ces pouvoirs réglementaires vont trop loin ou sont inappropriés.

M. Blais (Raymond): Les deux.

M. Parizeau: Je passerai tout de suite au deuxième dossier, c'est-à-dire la possibilité que le Mouvement Desjardins en arrive à une proposition à l'égard des membres des caisses d'entraide et je vais essayer de résumer où je pense que nous en sommes rendus, vous et nous, dans cette discussion. Corrigez-moi, forcément au besoin. Ensuite, on pourrait essayer de déterminer le chemin qui reste à parcourir.

Il y a une grande constance dans certains des principes que vous avez présentés et que nous avons eu l'occasion de discuter ensemble. Le premier de ces principes, je pense, c'est que, dans l'optique d'une fusion, d'une absorption des caisses d'entraide par le Mouvement Desjardins, les membres du Mouvement Desjardins ne devraient pas, comment dire, payer le coût de l'opération; ils ne devraient pas subir le coût financier de cette opération. Le Mouvement Desjardins est d'accord pour fournir des services techniques ou des choses comme ça mais, sur le plan financier, les membres du Mouvement Desjardins ne doivent pas subir le coût de ça. Je pense que nous nous entendons là-dessus, je pense que c'est un principe qui a toujours été exprimé depuis plusieurs mois.

Deuxième principe qui a été avancé. Les sociétaires, les membres des caisses d'entraide doivent, en terme de rendement sur leur placement, sur leur part sociale, absorber les pertes qui apparaîtraient à l'occasion dans les mois ou dans les années qui suivraient leur intégration dans le Mouvement Desjardins. Ce sont donc les détenteurs de capital social qui doivent absorber ces pertes s'il y en a, parce que, évidemment, les caisses d'entraide sont dans des situations très différentes l'une de l'autre.

Troisièmement, advenant que dans le processus de fusion il y aurait un appariement entre des parts sociales, les ex-parts sociales des membres converties en dépôts, et les prêts qui sont faits par les caisses d'entraide... Ce qu'on veut dire par un appariement, c'est que ceux qui ont des parts sociales actuellement recevraient des dépôts dans les caisses populaires dont le terme de remboursement et le rendement dépendraient essentiellement du terme des prêts qui ont été faits par les caisses d'entraide et du rendement net de ces placements. Donc, ça implique que les gens des caisses d'entraide ne peuvent pas retirer leur argent demain matin. Ils transforment cela en dépôts, les dépôts ont un terme, il y a des prêts qui ont été faits par les caisses d'entraide qui viennent à échéance dans un an, deux ans ou trois ans, et ces dépôts d'un genre assez particulier qui ne sont pas des dépôts à terme habituels, sont remboursés au fur et à mesure que les prêts faits par les caisses d'entraide viennent à échéance et leur rendement est le rendement net qu'on peut attendre de ces prêts qui ont été faits, défalqués bien sûr des mauvaises créances.

Quatrième principe. Advenant que dans telle ou telle caisse, dans telle ou telle région, pour certaines caisses ou pour toutes les caisses, on n'est pas encore rendu là, même le rendement prévu sur les prêts qui ont été faits, ne soit pas suffisant pour compenser certaines pertes, alors le gouvernement fournirait une sorte d'assurance, une sorte de garantie au Mouvement Desjardins.

Si je ne me trompe pas ça, c'est à peu près le genre de principes fondamentaux qui nous ont été présentés. Le gouvernement, lui, a amené une chose face à cela. Nous sommes assez impressionnés par le fait que surtout en région, pas nécessairement à Montréal ou à Québec, les caisses d'entraide ont souvent un rôle dans le crédit industriel et commercial qui, de façon absolue, en termes de masse, représente quelque chose d'assez considérable. Il serait important, au fur et à mesure que les prêts industriels et commerciaux d'une caisse d'entraide viendront à échéance, il ne faudrait pas ramener l'ex-caisse d'entraide au niveau des prêts industriels et commerciaux des caisses populaires environnantes. En somme, si dans une région il y a six ou sept caisses populaires qui ont 10% de leur actif en prêts industriels et commerciaux, les caisses d'entraide en ont 66%, nous soutenons depuis déjà un certain temps que ce serait

dommage, sur le plan du prêt industriel et commercial dans cette région, d'essayer de ramener l'ex-caisse d'entraide aux proportions et au niveau des autres. On serait mieux de la laisser fonctionner au niveau des prêts industriels et commerciaux qu'elle avait atteint. Ce à quoi le Mouvement Desjardins nous répond: Nous avons déjà une importance certaine dans les prêts industriels et commerciaux et un rôle croissant, ce dont nous ne disconvenons pas d'ailleurs.

C'est donc face à ces conditions que j'ai cherché à esquisser d'un côté, telles que présentées par le Mouvement Desjardins, et face d'autre part à cette insistance que met le gouvernement à essayer de maintenir cette fonction industrielle et commerciale que nos discussions se sont amorcées et, je dois dire, se sont accélérées depuis quelques jours.

Est-ce que la façon dont je résume cela vous convient?

M. Blais (Raymond): M. le Président, oui. Je voudrais faire quelques commentaires pour dire que globalement on se comprend très bien. Je voudrais ajouter une couple de principes. C'est clair que nous sommes partis en disant que les membres des caisses ne devraient pas faire les frais et lorsqu'on parle - on se comprend bien - de coûts directs, il y a énormément de coûts indirects qui ont déjà été encourus par le Mouvement Desjardins. On n'a pas encore envoyé de facture. Deuxièmement... (16 h 45)

Une voix: ...

M. Blais (Raymond): Ce n'est pas dans le...

M. Parizeau: ... par les services techniques.

M. Blais (Raymond): Oui.

Deuxièmement, notre première approche disait idéalement que les membres des caisses ne devraient pas faire les frais de l'opération et même, les caisses d'entraide. Voici un point où nous avons évolué. À constater le dossier, selon ce qu'on en sait actuellement, ce n'est pas réaliste. Alors, on a dit: II semblerait qu'il y ait deux faiblesses majeures, le problème du désappariement et le problème des prêts qui pourraient être moins bons, pour ne pas dire mauvais. On a dit: Est-ce que les membres ne pourraient pas avoir la responsabilité de ce désappariement? Je voudrais ajouter, à ce que j'avais dit: Si on n'a pas fixé d'échéance, c'est que ces échéances-là, vous l'avez dit, seraient différentes d'une caisse à l'autre. Mais, un des avantages, permettez-moi de le souligner, c'est que dans chaque caisse, dès le 30 janvier, si on conserve cette date, les membres le sauraient. Il n'y aurait pas de point d'interrogation. Dans une caisse, cela pourrait être 4 mois, dans une autre caisse, cela pourrait être 18 mois mais, au moins, la ligne serait tirée. Et, vous aviez raison en disant que nous demandions au gouvernement, au ministère, mais "as a going concern", je pense qu'on se comprend bien, non pas dans une opportunité de liquidation... Nous ne disions pas: Nous allons faire en sorte qu'on liquide, en essayant de récupérer le maximum, mais avoir une espèce de garantie, quand je dis une espèce de garantie, non, c'est une garantie certaine pour ces montants-là... Si ces garanties sont celles que vous venez de mentionner ou à peu près, il n'y aura pas de problème. C'est parce qu'on est encore dans le noir et on ne connaît pas la facture.

Ce que je voudrais ajouter, c'est qu'on avait dès le début ajouté un autre principe qui disait: On veut faire cela si les membres des caisses d'entraide le veulent bien. On ne se donnait pas le mandat de sauver des gens qui ne voulaient pas être sauvés.

M. Parizeau: Je tenais cela pour acquis.

M. Blais (Raymond): D'accord.

Je voudrais faire un dernier commentaire en disant: Effectivement, vous nous avez soumis, en tout cas le ministère l'a soumis, qu'il était important pour vous que la fonction demeure en région. Notre déception a été d'être obligés de vous donner un engagement là-dessus; on pensait que cela allait de soi. Mais, c'est très facile pour nous de donner la forme d'engagement que le ministère voudrait bien qu'on donne dans ce domaine-là, convaincus que nous sommes que, si dans d'autres domaines nous sommes prudents, parce que nous ne voulons pas nous embarquer dans une aventure, dans ce domaine-là, nous avons les ressources financières, nous avons les ressources humaines. Nous n'avons absolument pas de problème à donner l'engagement, à la satisfaction du ministère, que tous les prêts acceptables seraient renouvelés à l'échéance et qu'on pourrait en avoir d'autres, s'il y en avait d'autres.

M. de Belleval: Est-ce que je pourrais savoir si ces principes ont été appliqués intégralement lors de la fusion de la caisse d'entraide de Québec avec la caisse Laurier?

M. Blais (Raymond): Absolument.

M. de Belleval: Et, quelle est l'échéance des dépôts en question?

M. Blais (Raymond): C'est-à-dire... Je m'excuse, je reprends. La caisse fusionnée avait une caractéristique, elle n'était pas affiliée à une fédération. Donc, elle n'avait pas une portion de son argent qui était pour

le moment gelée.

Deuxièmement. Les membres de cette caisse d'entraide avaient eu la sagesse de ne pas déclarer le dernier boni sur la masse des capitaux. Alors, dans ce cas-là, il n'y a pas eu d'attente, il y a eu un dégel immédiat et vous me permettrez de glisser le mot du commanditaire quant à y être, le 1er novembre, les portes ont été ouvertes et l'argent qui est sorti de cette caisse est très marginal. Les gens ont laissé leur argent à la caisse Laurier, alors qu'ils auraient pu le sortir et aller ailleurs.

M. de Belleval: Est-ce que l'établissement continue à fonctionner sur le plan physique?

M. Blais (Raymond): Non. M. de Belleval: Non.

M. Blais (Raymond): C'est-à-dire qu'il y a un endroit physique qui demeure, qui pourrait être conservé ou fermé, selon l'analyse qu'on en ferait, non pas parce que c'était une ancienne caisse d'entraide économique, mais avec les mêmes principes de gestion que lorsqu'on décide d'ouvrir un comptoir ou non.

Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais d'abord souligner que nous sommes très heureux, du côté de l'Opposition, de la présence des représentants du Mouvement Desjardins à cette rencontre préalable à l'adoption du projet de loi. Nous avons insisté, tout au cours des échanges de vues qui ont eu lieu là-dessus entre le gouvernement et l'Opposition, pour que l'hypothèse Desjardins soit examinée de la manière la plus complète et la plus impartiale possible et que l'accès en soit surtout ouvert aux sociétaires des caisses d'entraide. La raison qui a motivé notre insistance, ce n'est pas du tout le moindre souci de transférer le contrôle des caisses d'entraide économique aux caisses populaires. Nous connaissons bien certaines rivalités qui ont pu exister au cours des années, nous connaissons bien les différences d'esprit qui ont pu se manifester entre les deux mouvements. La raison qui a motivé notre insistance est la suivante: nous avons constaté, avec le gouvernement, que le Mouvement des caisses d'entraide était aux prises avec une situation très difficile et que la seule façon d'en sortir, dans l'immédiat, l'été dernier, a été, pour le gouvernement, de garantir les obligations des caisses d'entraide devant la situation très aiguë à laquelle elle faisait face. Maintenant, on nous propose une solution qui entraîne, de manière indirecte, par voies fiscales, une contribution de presque 100 000 000 $ du gouvernement. C'est énorme pour un mouvement, 100 000 000 $, et c'est pour ça qu'avant d'embarquer, tête baissée, dans une seule solution, nous voulons bien que toutes les possibilités soient examinées.

Nous le voulons d'autant plus qu'en retour des sommes considérables que le ministre des Institutions financières et le ministre des Finances, réunis dans une même personne, ce n'est pas encore la Trinité, il manque encore un élément, mais il y en a deux...

M. Parizeau: Le Saint-Esprit.

M. Ryan: Ce n'est pas ce que j'avais à l'esprit.

Le prix qui est demandé par le ministre en échange de cette considération presque royale qu'il accorde aux caisses d'entraide, c'est évidemment un contrôle extraordinairement étendu dont le président du Mouvement Desjardins a souligné certains exemples et dont on mesure davantage l'ampleur à mesure qu'on scrute les articles du projet de loi, un par un, surtout les sous-paragraphes, ils sont encore plus importants que les entrées en matière.

Il y a une autre raison qui justifie notre intérêt à la présence des caisses populaires Desjardins aujourd'hui, c'est évidemment le rôle important que le Mouvement Desjardins joue déjà dans le secteur du prêt industriel et commercial. J'ai eu l'occasion de le signaler hier à la Chambre, à l'occasion du débat de deuxième lecture, et plusieurs de mes collègues l'ont fait également, le Mouvement Desjardins n'est pas novice en matière de prêt industriel et commercial. Il y est entré plus tardivement, il l'a fait d'une manière plus conservatrice, au début. Mais justement à cause de ces réserves très fortes qu'il a accumulées, à cause de ce réseau unique de relations financières, administratives, humaines et sociales que constitue le Mouvement Desjardins, c'est sûrement une force dont on doit tenir compte dans l'examen d'un problème comme celui qui fait l'objet du projet de loi no 40, toujours en acceptant le postulat qui a été émis tantôt par M. Blais et repris à son compte par le ministre des Institutions financières voulant que la décision appartienne aux sociétaires. Je pense que nous sommes tous d'accord pour affirmer que le premier principe est la protection des épargnants, et celui qui va avec, c'est la décision par les sociétaires en dernière analyse, dans la mesure, évidemment, où les ressources nécessaires pour assurer l'exécution de cette décision sont disponibles.

Je voudrais maintenant passer à quelques questions à l'intention de M. Blais

et de l'équipe qui l'accompagne. Le 3 décembre dernier... je ne veux pas rester trop longtemps dans le passé, parce que nous devons regarder vers l'avenir d'une manière assez pressée, il reste à peine deux ou trois semaines avant que toute cette machine prévue par le bill 40 doive se mettre en marche, mais il y a quand même certains points à préciser. Dans la conférence de presse que vous faisiez le 3 décembre dernier, M. Blais, et qui semblait une sorte de "farewell", une sorte d'adieu du Mouvement Desjardins aux possibilités qui avaient été entrevues de ce côté, vous disiez qu'à travers les pourparlers que vous aviez eus avec le gouvernement jusque-là vous aviez eu l'impression qu'on voulait que le Mouvement Desjardins assume la responsabilité de fautes d'omission ou d'exagération qui ont été commises par d'autres.

Deuxièmement, vous disiez, et je vous cite: "Nous n'avons pas vraiment senti l'affirmation ferme d'une volonté politique de régler ce dossier avec nous." Je ne veux pas revenir là-dessus, mais avez-vous senti des améliorations de ce point de vue depuis le 3 décembre dernier ou si, à votre jugement, nous en sommes encore au même stade?

M. Blais (Raymond): Je voudrais, d'abord, faire quelques commentaires sur cette conférence de presse. Il y a des choses qui étaient écrites et qui demeurent. Dans notre esprit, c'était moins le fait que le Mouvement Desjardins avait le goût de se retirer du dossier. Nous avons effectivement dit: S'il n'y a pas de développements, ce sera la seule voie qui nous restera. Cette absence de volonté politique de régler le dossier avec le Mouvement Desjardins, si nous l'avons écrit, si nous l'avons dit en conférence de presse, c'est qu'au meilleur de notre connaissance et en toute honnêteté, nous l'avions senti de cette façon. Comme on parle de volonté politique de régler un dossier qui n'est pas avec nous, malheureusement, cela ne se répercute pas uniquement par un paragraphe ou un mot, mais c'est un esprit global. À tort ou à raison, c'était notre jugement. On l'a dit parce que beaucoup de gens commençaient à penser que le Mouvement Desjardins se désintéressait du dossier. Par la suite, on a senti, de part et d'autre, une volonté que le Mouvement Desjardins pouvait faire une alternative ou un choix valable. Nous sommes à travailler - je ne peux anticiper les résultats - et le travail qu'on a de fait actuellement me semble bien fait. Il nous reste globalement à préciser le sens des garanties, parce qu'il semble que notre premier principe, que les membres des caisses ne doivent pas faire les frais de la facture, je n'ai encore rencontré personne qui me dise que c'est farfelu. Si on accepte ce principe, il faut être conséquent et il faut que quelqu'un garantisse ou que les membres des caisses d'entraide absorbent la perte totale.

Deuxièmement, nous sommes aussi préoccupés, au moment où on se parle -j'écoutais M. Forrest qui en a fait mention et ce n'est pas en termes de blâme de qui que ce soit - du fait que, si le Mouvement Desjardins devait avoir une proposition finale et ferme, il faudra trouver un mécanisme pour la présenter dans tous ses aspects, parce que, pour le moment, le Mouvement Desjardins n'est pas intéressé à s'embarquer dans une assemblée contradictoire dans 77 caisses au Québec. Il n'est peut-être pas plus intéressé à faire présenter par des tierces parties qui n'ont pas nécessairement le même intérêt, la proposition du Mouvement Desjardins. M. le ministre nous demandait tout à l'heure: Qu'est-ce qu'il nous reste à faire? Ce n'est pas en termes de blâme, parce qu'on n'a pas eu de refus de ce côté. Je ne dis pas qu'on nous a refusé des choses. Je dis: II va falloir trouver des mécanismes, ce qui nous préoccupe beaucoup au moment où on se parle.

M. Ryan: Très bien. J'aurais deux séries de questions à vous adresser, M. Blais. Cela me satisfera si vous pouvez répondre à ces questions. Une première série porte sur la nature du projet de solution que pourrait présenter le Mouvement Desjardins. Il y a une série de questions qui se posent. Tout d'abord, il y a la mécanique de cela, comme vous l'avez dit: comment cela se ferait. Cela va être dans la deuxième série de questions, la mécanique pour présenter cela aux sociétaires, pour faire entrer cela dans la machine consultative avant les prises de décision. (17 heures)

Discutons un peu le plan de solutions que travaille à mettre en oeuvre le Mouvement Desjardins. Le ministre nous disait une chose hier. Vous parliez des garanties qui sont peut-être le gros sujet de recherche actuellement. Le ministre nous disait: Je n'ai pas d'objection, dans la mesure où la valeur des garanties demandées ne serait pas supérieure à ce que je suis prêt à consentir au plan Dugal, quelque chose de l'ordre de 90 000 000 $. Je ne serais pas opposé à l'idée de le mettre également à la disposition du Mouvement Desjardins. La question que je me pose est la suivante: Est-ce que - vous aviez dit, le 3 décembre dernier: II nous a été impossible jusqu'à maintenant d'obtenir les informations nécessaires qui nous auraient permis d'apprécier la situation financière actuelle des caisses - depuis ce temps, vous auriez eu des renseignements qui vous permettraient de l'apprécier d'une manière plus précise, si le

ministre vous disait: Je suis prêt à marcher avec vous autres, que vous soyez sur un pied d'égalité avec l'autre formule, à condition que votre solution ne me coûte pas plus de 90 000 000 $ directement ou indirectement? Est-ce que c'est quelque chose de sérieux, à votre point de vue, et est-ce que cela répond à la connaissance que vous avez de l'état financier actuel des caisses et des problèmes dont vous pourriez hériter? On veut savoir, nous autres, où on s'en va avec cela.

M. Blais (Raymond): Malheureusement, au moment où on se parle - c'était cela, ma première réaction aux 90 000 000 $ - nous ne pouvons pas évaluer si ces 90 000 000 $ représentent 95% de la perte possible ou 35% de la perte possible. Pour nous, c'est une contrainte importante, parce que, en toute simplicité, si les membres des caisses ne font pas les frais de la facture et s'il y a une perte de 250 000 000 $, la différence devra être supportée par les membres. Je ne suis pas capable de déclarer aujourd'hui que ce serait la fin de tout le dossier, au contraire. Mais, quand même, pour nous, si c'était, par hypothèse ou par scénario optimiste, 95% de la perte, cela deviendrait très facile. Si c'était, par une autre hypothèse plus pessimiste, 30% de la perte, il faudrait trouver des mécanismes. Si les membres, malgré cela, décidaient de prendre une solution - à définir, finalement Desjardins, il faudrait que ce soit très clair et que ce ne soit pas le Mouvement Desjardins qui ait fait perdre un montant d'argent à des gens qui n'étaient pas là avant. C'est sur tous ces mécanismes qu'il faudrait bien se comprendre.

Vous comprendrez que ce n'est pas de l'arrogance. C'est de la sagesse pour la protection d'un empire de 15 000 000 000 $ qui, actuellement, a encore la confiance totale, mais c'est fragile, et on n'a pas le droit de jouer avec cela.

M. Ryan: Avez-vous une idée, M. Blais, de la période de temps sur laquelle pourrait s'échelonner cette garantie? Est-ce que cela couvrirait, par exemple, les pertes vérifiables au moment où se ferait l'intégration? Est-ce que cela couvrirait les pertes pouvant se présenter, parce que des prêts vont continuer de courir après l'intégration, pendant une période X? J'espère que vous ne voulez pas une police à vie, parce qu'on va vous nommer fonctionnaire du ministre des Institutions financières et Coopératives. On va proposer cela. On est sûr qu'on n'aura pas de difficulté là-dessus, d'après l'esprit du projet de loi.

M. Blais (Raymond): M. le Président, il faut déterminer ce qu'on appelle en latin un quota pour dire qu'après une période de temps, c'est notre problème et notre responsabilité, parce que c'est, à ce moment-là, sous la gouverne de nos normes, de notre surveillance et, dans le fond, cela ne peut pas continuer indéfiniment. Il s'agit de trouver une période raisonnable de dispositions transitoires, si je peux m'exprimer comme ceci.

M. Ryan: Est-ce que vous êtes avancés dans la discussion de cet aspect-ci avec le ministre?

M. Blais (Raymond): On n'a pas commencé à travailler cet aspect de la question.

M. Ryan: Autre question, toujours dans la première série. Vous disiez, dans un document que vous avez rendu public le 3 décembre, à l'occasion de votre conférence de presse, que parmi les choses qui incomberaient au Mouvement Desjardins, il faudrait que soit assurée la prise en charge de la gestion et du contrôle de la Fédération des caisses d'entraide économique en tant que telles. Cela m'a fait me poser la question suivante: Ce sur quoi vous travaillez, c'est une sorte de solution globale, qui comprendrait à la fois les caisses individuelles qui le voudraient et l'ensemble du mouvement. Est-ce que vous trouvez que la prise en charge de la fédération par le Mouvement Desjardins, dans l'hypothèse où votre solution serait retenue, pourrait venir après qu'auraient été faites les consultations auprès des membres? Cela serait un des éléments qui leur seraient communiqués, comme une des constituantes de votre projet de solution.

M. Blais (Raymond): Je m'excuse, ce document-là, M. le Président, était déposé lors de notre conférence de presse parce que nous voulions rendre publique l'offre que nous avions faite au mois d'octobre. Mais dans des pourparlers que nous avions eus avec le ministère après, nous avions dit qu'à la demande du ministère, nous étions prêts à laisser tomber la fédération. Ce que le ministère trouvait le plus acceptable, c'était acceptable pour nous. Alors on ne pouvait fonctionner et, en aucun temps nous n'avions demandé l'ensemble et la totalité des caisses d'entraide. Ce que nous voulions, c'est un modèle global le même modèle partout, pour être juste et équitable, mais il n'y avait nul besoin d'avoir l'exclusivité du dossier. En théorie si dix caisses disaient que le modèle Desjardins nous agrée, on ne demande pas de régler le problème seul, nous sommes disposés à être au dossier pour donner un support au ministère, si c'est agréable.

M. Ryan: Très bien, je pense que c'est très important. Une autre question. Vous

avez dit lors de cette même conférence de presse, le 3 décembre, que 25 à 30 caisses d'entraide économique avaient communiqué avec le Mouvement Desjardins pour obtenir des informations quant à la possibilité d'une solution de ce côté-là. Est-ce qu'il y a d'autres caisses qui se seraient manifestées depuis ce temps-là? Et de quelle manière ces caisses-là se seraient-elles manifestées? Est-ce que ce serait par voie de résolutions adoptées en bonne et due forme par leur conseil d'administration, ou par une assemblée générale ou si ce serait simplement des démarches informelles de la part d'individus qui voulaient établir des ponts ou explorer des avenues? Où en est-on avec cette question?

M. Blais (Raymond): Vous pourriez peut-être me permettre, M. Croteau me souligne un élément additionnel sur votre question précédente. C'est toujours vrai que notre approche vis-à-vis de la fédération est la même, sous réserve que chacune des caisses a des fonds gelés à la fédération, alors il faudrait dénouer ce problème si on procédait sans la fédération.

Concernant l'approche des caisses d'entraide. Quand je lis tout ce qui se publie sur le sujet, je réalise que je ne rencontre pas les mêmes personnes que d'autres, parce qu'il semble y avoir des sons discordants. Nous avons au moins 30 caisses d'entraide qui ont eu des contacts formels, il y en a qui vont jusqu'à des résolutions. J'ai eu une demande ce matin de dire... on sent chez ces gens-là, c'est le moins qu'on puisse dire, qu'ils veulent savoir ce que Desjardins peut apporter dans le portrait. Je répète, je l'ai dit dans mon texte écrit, en aucun temps, nous n'avons fait de sollicitation ni directe, ni indirecte. Ce sont des gens qui sont venus nous voir; notre interlocuteur jusqu'à maintenant a été le ministère. Si on a finalement convenu de faire une conférence de presse le 3 décembre, c'était principalement parce que des gens de nos régions nous disaient: On fait quoi quand les gens nous demandent? On a dit aux caisses d'entraide individuelles ce qu'on avait dit publiquement, à savoir on travaille, on ne sait pas si on sera encore au dossier, si on était au dossier, ça pourrait avoir le modèle à peu près suivant.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais passer à la deuxième série de questions que j'avais à l'esprit. Dans l'hypothèse où vous en arrivez avec le ministre des Institutions financières à mettre au point une formule de solution susceptible d'être présentée aux membres, moi, je postule - le ministre me corrigera si je lui accorde trop d'importance - qu'il ne sera pas raisonnable d'envisager qu'une solution sera présentée par Desjardins qui ne soit pas avalisée en quelque sorte par le ministre des Finances, sans qu'il exprime une préférence pour l'une ou l'autre. C'est ce qu'il nous a dit jusqu'à maintenant, mais j'accepte que ça doive au moins être accepté comme raisonnable par le ministre des Finances, étant donné les fonds publics qui sont impliqués là-dedans. Il n'y a pas de débat entre nous là-dessus. Mais ce que je voudrais savoir par exemple c'est comment, vous autres, du mouvement Desjardins, envisageriez le cheminement de votre proposition de manière à assurer qu'elle sera communiquée avec toute l'information nécessaire dans les meilleures garanties et dans les meilleures conditions d'impartialité et d'objectivité nécessaires. La loi est conçue, M. le ministre, d'une manière que vous privilégiez une solution. Vous nous disiez en Chambre hier que vous vouliez donner une sorte de substratum juridique à la formule mise de l'avant par M. Dugal et son équipe; c'est très bien. Mais, je voudrais demander au Mouvement Desjardins si lui, dans l'hypothèse où il en vient à une entente avec vous sur une autre formule possible, il demanderait que des changements soient faits à la loi, de manière à assurer que votre proposition soit présentée aux sociétaires dans des conditions de traitement égal par rapport à ce qui serait accordé à la solution Dugal? Comment verriez-vous ça? Verriez-vous, par exemple, que votre document ou votre proposition serait contenue dans les documents d'information qui seraient adressés aux membres, en préparation des assemblées qui devront avoir lieu au début de 1982? Verriez-vous que le Mouvement Desjardins devrait être représenté par un porte-parole autorisé aux assemblées où les sociétaires seront appelés à prendre connaissance des propositions qui leur seront soumises, etc.?

M. Blais (Raymond): À première vue, M. le Président, nous n'avions pas vu d'implication de ce genre dans le bill 40. Il nous fait un peu peur, le bill 40. Nous n'avions pas vu, via le bill 40, d'implications de notre solution, mais c'est discutable et, en tout cas, je vous donne notre première réaction. M. le ministre mentionnait tout à l'heure qu'il serait intéressant de savoir ce qu'il nous reste à faire; là, je dis que ça, pour moi, ça reste à faire. Nous n'avons pas été très loin dans ça, même à ma connaissance, je n'ai pas assisté complètement à la dernière réunion, je ne pense pas qu'il ait été question de ces détails, à savoir de quelle façon cette proposition pourrait être acheminée.

M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président. Je me permets, de porter ça à votre attention parce que nous autres, nous avons été obligés, par devoir d'état, de l'examiner de plus près. J'ai l'impression que c'est un aspect que vous devriez regarder en même

temps que vous progressez dans la recherche d'une solution avec le ministre parce que, autrement, je pense que l'égalité de présentation des deux propositions... Le ministre en a évoqué deux autres l'autre jour, je pense qu'il avait mentionné la possibilité de fusion de certaines caisses avec d'autres institutions financières et la possibilité de liquidation; je pense que c'est très bien. Il me semble que vous devriez examiner ça, c'est une suggestion que je vous adresse, il me semble que ça donnerait à tout le monde, surtout au grand public, la certitude que toutes les avenues possibles auront été examinées dans les conditions les plus équitables.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Charlevoix, vous avez demandé la parole. Alors, M. le ministre ou M. le député de Charlesbourg?

M. Mailloux: Moi? C'est correct.

M. Parizeau: Moi, je n'avais qu'une question à poser à M. Blais, au point où nous en sommes; c'est ceci: Une des choses qui... Évidemment, les délais commencent à devenir finalement très courts. Un des problèmes majeurs, je pense, que le Mouvement Desjardins éprouve à l'heure actuelle à préciser une proposition vient de ce qu'il n'a manifestement pas suffisamment de renseignements sur l'état financier de chacune des caisses.

Il est, évidemment, assez difficile pour le ministère de communiquer comme ça motu proprio les états financiers de chacune des caisses sans l'autorisation des caisses d'entraide elles-mêmes. Ce sont des choses qui ne peuvent pas se faire. Je comprends cependant que la Fédération des caisses d'entraide a suggéré, à quelques reprises, au Mouvement Desjardins de lui fournir les états financiers nécessaires. Nous aurons l'occasion d'en parler à M. Dugal tout à l'heure, mais y-a-t-il une raison pour laquelle, à l'heure actuelle, le Mouvement Desjardins ne peut pas s'entendre avec les caisses d'entraide pour se faire communiquer les papiers nécessaires? Parce que évidemment, compte tenu des délais dont nous disposons, ce serait une démarche qui me semblerait importante.

M. de Belleval: Avez-vous demandé ces états financiers? Est-ce que les caisses qui vous ont approchés vous les ont fournis? (17 h 15)

M. Blais (Raymond): C'est-à-dire que dans certaines caisses, dans les 30 caisses qui nous ont approchés, on n'est pas tous au même palier, dans certaines caisses il y a eu des études, mais très peu nombreuses, pas assez pour porter un jugement; mais nous n'avons pas fait de demande à la Fédération des caisses d'entraide, notre interlocuteur a toujours été le ministère.

M. Parizeau: La Fédération des caisses d'entraide ne vous a pas suggéré de vous fournir ses états financiers?

M. Blais (Raymond): Dans le cadre de deux rencontres que nous avons eues, c'est une autre chose que j'ai mentionnée à la conférence de presse, nous n'avons malheureusement pas trouvé de terrain d'entente suffisamment précis pour que ce soit valable de s'échanger des états financiers. Ce qui m'a semblé être non discutable, c'est la formule, et je dois dire que nous proposions une seule possibilité, c'était l'intégration. C'est clair et précis. Ce ne sont pas les structures qui sont importantes et ce n'est pas la structure de la fédération qui ne nous agrée pas, au contraire. C'est la demande qu'on avait de procéder à l'aide d'une de nos entreprises, qui est une corporation qui s'appelle le Crédit industriel Desjardins, et cela signifiait l'abandon de la formule coopérative; cela aurait pu être une douzième fédération. Peut-être que si nous avions avancé... mais pour le Mouvement Desjardins c'était à l'intérieur d'une intégration dès le début, et c'est pour cela qu'il n'y a pas eu d'échange des états financiers.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais faire quelques observations à la suite des propos tenus par M. Blais et son équipe. Si je fais cette intervention, c'est que je viens d'une région où l'action des caisses d'entraide a quand même généré chez nous 1500 ou 2000 jobs qu'il n'aurait probablement jamais été possible de créer sans les risques qui ont été pris par la caisse d'entraide économique. Il est indiscutable, je l'ai dit en Chambre récemment, qu'on n'a pas toujours la même réaction que ceux qui vivent dans des milieux plus favorisés. J'ai même été plus large que vous, M. Blais, parce qu'en Chambre, malgré que je fais partie de l'Opposition, j'ai dit que la responsabilité appartient, oui, à l'ensemble des sociétaires des caisses d'entraide économique, mais elle appartient davantage au gouvernement. J'ai été dans un sens assez large puisque j'ai dit que depuis 1971 on connaissait assez bien la situation. Il est vrai qu'à ce moment-là le Parti libéral avait gelé le nombre de caisses qui était en existence, une quarantaine. Il est également vrai que les sommes à ce moment-là étaient d'environ 300 000 000 $; ce n'était pas le milliard quelque cent millions dont on parle aujourd'hui.

Par contre, j'approuve le fait qu'actuellement ce soit l'ensemble de la

société québécoise, par ses gouvernements, ceux qui se sont succédé, celui qui est en place actuellement, qui doive prendre la grande responsabilité de ce qui se produit présentement. Vous avez l'obligation, M. Blais, comme directeur ou président du Mouvement Desjardins, de ne pas prendre de risques qui ne soient pas des risques calculés. Vous avez l'épargne de vos membres à sauvegarder et je vous verrais mal embarquer dans une situation aussi embrouillée que celle que l'on connaît dans certaines caisses sans avoir l'état valable de l'ensemble des prêts qui sont consentis et des risques afférents.

Si je vous ai bien compris, des demandes vous sont venues de 20 ou 25 caisses. J'imagine, je ne veux pas vous mettre ces paroles-là dans la bouche, j'imagine que ça vient principalement des caisses qui sont le moins en difficulté, celles qui sont les plus saines. Cela ne provient sûrement pas des caisses qui sont en difficulté, des caisses qui sont en détresse parce que celles-là, dans l'ensemble du portefeuille avant qu'il soit bien étudié, j'imagine que peu d'organismes sont intéressés à prendre la relève.

M. le Président, l'autre jour j'ai fait deux suggestions et c'est pour cela que la date du 31 janvier je la trouve très prochaine. Ce ne sont pas des solutions qui peuvent être envisagées à court terme. C'est un peu court, évidemment, pour permettre aux gens de porter un jugement éclairé et savoir ce qu'ils pensent, malgré les erreurs de parcours qu'on a connues dans les caisses d'entraide économique. On a vu l'absence de surveillance des gouvernements. Si on était devant une administration mieux surveillée, respectant les critères de saine gestion et de saine administration, les gens pourraient choisir s'ils veulent garder la caisse d'entraide économique mieux gérée ou s'ils veulent aller vers une caisse populaire ou ailleurs.

J'ai dit au ministre des Institutions financières, l'autre jour, que je comprenais mal, vu la responsabilité qu'on a comme citoyens québécois, de ne pas avoir, avant, tâché d'aérer le dossier un peu et d'amoindrir l'état actuel que rencontre l'ensemble des caisses d'entraide économique. J'avais apporté deux suggestions, que je rappellerai à la mémoire de chacun. Il y en a une autre dont je n'ai pas parlé: je n'ai jamais compris, comme législateur, que le gouvernement actuel ne soit pas responsable, d'abord, premièrement, de la partie qui concerne les réserves qui devaient être placées en toute sécurité et qui ont été prêtées dans du capital de risque. Il appartiendrait, je pense, d'abord au gouvernement de prendre la relève de ces risques-là, étant donné que le ministère des Institutions financières n'a pas pris les précautions qui s'imposaient, en laissant cette réserve placée, en partie - je ne connais pas le chiffre exact - dans du capital de risque. Je pense que c'est une chose qui est inadmissible.

J'avais dit également, l'autre jour, alors qu'on va faire l'étude de chaque cas en particulier, de chaque caisse en particulier, que les caisses les plus en détresse sont dans des milieux marginaux, comme chez nous. Ce sont des prêts qui sont dans le domaine touristique, principalement. Et quand on a voté 250 000 000 $, l'an passé, qui sont loin d'être tous épuisés, je pense, il aurait appartenu d'abord au gouvernement, par la SDI, de prendre la relève d'une partie de ces prêts-là pour dégager certaines liquidités dans chacune des caisses en question. On devrait non pas aller appuyer d'autres institutions hôtelières ou dans le domaine de la restauration ou quoi que ce soit, on devrait d'abord regarder quels sont les prêts pour lesquels, par le biais de la SDI, on devrait aller prendre la relève un peu partout dans la province de Québec. Cela apporterait certaines liquidités et éliminerait certains risques dangereux pour les caisses d'entraide économique.

Et je mentionnerai seulement un exemple. On a fait des griefs considérables à la façon, l'amateurisme des caisses d'entraide économique dans des prêts qui ont été consentis. Je donnerai un seul exemple. C'est bien bon de jeter le blâme, dans ces régions marginales là, sur une société qui a développé les régions. Le premier prêt qui a été consenti chez nous par la SDI, après qu'on eut voté cet argent en Chambre l'an passé, c'est un prêt qui a été refusé par toutes les institutions financières du coin. Le gouvernement nous a mis sur la "black list", parce qu'on a fait perdre quelque 100 000 000 $. Je dirais que cela a été fait avec un amateurisme tel que c'est quasiment insensé qu'un prêt semblable ait été consenti, où il y a eu une faillite considérable après. Je pense, en premier lieu, que le gouvernement devrait - cela coûtera peut-être 30 000 000 $ à 40 000 000 $ -dégager une partie de ces créances hypothécaires. Il lui appartiendrait de prendre la relève.

Je disais que du côté fédéral, le ministre des Institutions financières m'en a dit quelques mots après, la Banque fédérale de développement aurait pu également soulager une partie des prêts industriels et commerciaux, dont la responsabilité a été assumée par plusieurs caisses d'entraide économique. Je pense bien que s'il y a peut-être 75 000 000 $ ou 100 000 000 $ de prêts qui ont été consentis de la façon qu'on sait, qui sont des risques dangereux, on ferait partager non pas seulement aux 350 000 sociétaires des caisses d'entraide économique, la responsabilité, parce qu'ils n'ont pas tous la responsabilité du geste

qu'on aura à poser, des pertes qu'on aura à subir. Moi-même j'ai vu des gens, des personnes âgées qui se sont fait vendre du capital social en rentes de retraite ou autrement et qui pensaient que c'était du capital, évidemment, c'étaient des dépôts à terme couverts par l'assurance-dépôts jusqu'à 20 000 $.

Je pense qu'il appartient à l'ensemble de la société québécoise, par ses gouvernements, d'abord de voir toutes les options qui sont devant nous. Cela dépasserait forcément le 31 janvier, mais cela donnerait peut-être un meilleur éclairage, par la suite, à l'ensemble des sociétaires et à des caisses d'entraide économique, qui veulent les conserver, si leur portefeuille était soulagé de certains risques, ou cela leur permettrait de se diriger vers les caisses populaires, si on prétend que c'est vers ces institutions-là qu'on devrait aller par la suite. Quand le ministre des Finances et des Institutions financières m'a dit que c'était une somme d'environ 100 000 000 $, qu'il est prêt à consentir, comme responsabilité gouvernementale, j'ai l'impression que si on envisageait toutes ces solutions, toutes ces avenues, si on les explorait, avec plus de temps que d'ici au 31 janvier, peut-être qu'à ce moment-là, tous ceux qui auraient décidé de continuer dans le mouvement auquel ils ont appartenu, ou choisir un autre mouvement, autant les caisses populaires seraient en mesure de mieux analyser les risques qui resteraient pas la suite, autant tout le monde aurait un meilleur éclairage que celui qu'on a maintenant. Je vois mal que les caisses populaires, quel que soit le désir concertant de les voir prendre la relève, puissent aller prendre des risques qui ne seront pas bien calculés, avec le moins de pertes possible.

Ce n'est pas là votre rôle, vous avez l'obligation peut-être de prendre la relève, mais pour autant que vous avez l'assurance que ce ne sont pas vos membres qui sont responsables de la situation, qui prendront le risque par la suite. Il appartient à la société de prendre le risque, par le biais d'avenues comme celles que j'ai avancées.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: Juste une chose rapide que je voudrais dire au sujet de l'intervention du député de Charlevoix, de la première partie de son intervention en particulier. Quant au fond, nous aurons l'occasion de discuter de ça en commission. Je voudrais faire remarquer au député de Charlevoix que, bien sûr, il est invraisemblable qu'on ait permis d'investir une partie des réserves dans du capital de risque. Ce qu'il faut bien comprendre cependant, c'est que c'était autorisé dans nos lois et quand on voit qu'à l'heure actuelle, à l'occasion de loi comme la loi 40, on donne un coup de barre pour essayer de contrôler ça un peu mieux, je ne veux plus jamais voir de réserves d'institutions de dépôt investies dans des magasins ou dans des centres de ski.

Seulement, il faut bien comprendre que ce n'était pas illégal. Nos lois prévoyaient ça. Je regardais tout à l'heure les pouvoirs de placement, pendant que le député de Charlevoix parlait, établis dans les caisses d'épargne et de crédit; mais ce sont des lois de 1964, des années 1970 jusqu'à maintenant. Cela a été un long cheminement, un long processus, par lequel les réserves, les disponibilités, les liquidités, les placements, tout ça a été à ce point élargi qu'on retrouve tout à coup la liquidité dans les magasins Paquet. Il est inévitable qu'il faut reprendre la législation à cet égard.

Je rappelle seulement au député de Charlevoix que le gouvernement ne pouvait empêcher ce genre de choses que dans la mesure où la loi était corrigée. Parce que ce qui a été fait l'a été légalement. Cela ne change pas la nature de la crise devant laquelle nous sommes placés, ou les solutions que nous devons trouver. C'était, je pense, une explication qu'il fallait donner.

M. Mailloux: La mise au point du ministre me permet de faire mon mea culpa et d'ajouter que depuis que les caisses d'entraide économique existent, je n'ai pas connu un seul politicien qui n'a pas vanté ce mouvement sur toutes les tribunes. J'ai voulu faire comprendre qu'aujourd'hui, on a une responsabilité collective, tout le monde.

M. Parizeau: ...volontiers.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, à l'égard d'une remarque que le ministre vient de faire, on peut dire que les placements ont été faits parce que la loi n'en prévoyait pas l'interdiction. J'aimerais, dans ce cadre, demander comment, à titre d'exemple, à moins qu'on attende la présentation des gens qui viendront plus tard, les caisses d'entraide ont investi dans un centre de ski qui est le Mont Tremblant? Est-ce que c'est parce que les lois ne l'interdisaient pas ou c'est parce qu'il y a eu des demandes faites par des instances gouvernementales? À l'époque, ce sont les histoires qui ont couru.

M. Parizeau: Non, ce n'est pas sous la pression du gouvernement que cela a été fait. Cela a été longuement discuté au gouvernement, puisque le gouvernement devait donner des autorisations, Écoutez, le

dossier remonte à trop loin, sur des dispositions de terrain ou sur des droits des terrains qu'il y avait là. Forcément, il y avait des autorisations à demander. On pourra discuter de tout ça en commission, quand on sera entre nous. Mais je n'en suis pas sur le fait qu'une fédération ou qu'un organisme financier, quel qu'il soit, ne puisse pas investir dans des magasins ou dans des centres de ski. J'en suis au fait qu'il ne faut pas mélanger les placements là-dedans, les réserves, les liquidités, ce sont des concepts distincts. (17 h 30)

II faut que les lois reflètent ces concepts distincts, qu'on sache enfin que de la liquidité, c'est de l'argent investi sous forme d'encaisses, de bons du trésor, de titres à court terme, de titres facilement liquidables, puisqu'on appelle cela dans la loi "liquidité". Si un mouvement est intéressé à acheter un centre de ski, que cela apparaisse dans une autre section de la loi et qu'on ait une idée qu'on connaît depuis longtemps dans les compagnies d'assurances de ce qu'est une "basket clause". Il n'y a rien de tout cela dans nos lois. C'est tout mêlé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Oui, M. le Président. J'aimerais revenir à l'examen d'un certain nombre de solutions de rechange qui ont déjà été évoquées mais pour lesquelles il me manque un certain nombre de renseignements. Vous avez évoqué tantôt la possibilité de la création d'une douzième fédération, entre autres, à l'intérieur de votre mouvement. Pourquoi avez-vous rejeté cette possibilité?

M. Blais (Raymond): Les caisses populaires, il y a déjà plusieurs années, avaient à prendre une direction concernant le crédit industriel et commercial. Je ne dis pas qu'à ce moment, il y a dix ans, il y avait une solution. On pense qu'on a pris la bonne, soit de dire: Les caisses populaires vont s'impliquer dans le crédit industriel et commercial à leur palier et en plus, elles vont se donner des unités de support qui s'appellent le Crédit industriel Desjardins, qui s'appelle la Caisse centrale, lorsque des prêts trop importants seront faits au niveau local. Cela nous semblait pas mal en relation avec ce que tous les législateurs au Canada, au Québec et au même au monde, contrairement à il y a plusieurs années où la loi donnait presque des petits gâteaux à chacun... Les fiducies avaient le droit de faire une série d'opérations, les banques en faisaient une autre, les caisses d'épargne et de crédit. Il semble que les législateurs aient décidé que le marché financier, c'était un immense gâteau et que le meilleur gagne.

Alors, il ne nous a pas semblé logique de faire marche arrière de dix ans, si je peux caricaturer un peu, pour dire aux caisses populaires: II ne faut plus faire de crédit industriel et commercial maintenant. Nous allons acquérir des gens qui sont spécialistes dans ce domaine et qui vont en faire. Ce n'était pas réalisable et cela ne pouvait pas être maintenu.

C'est un peu le commentaire de M. Mailloux et la réponse de M. le ministre. On a tous dit, au moment où on se parle, quand on fait des retours en arrière, qu'il fallait qu'il se fasse des choses en région. Les caisses populaires dans un autre domaine, peut-être un peu plus tard dans le crédit industriel et commercial, mais dans d'autres domaines sont venues au monde, parce que les banques ne voulaient pas aller dans les milieux ruraux. Après avoir dit cela, il s'agit de savoir, au moment où on se parle, quelle est la meilleure façon de conserver, je le répète, non pas des structures, mais une fonction. On peut avoir la nostalgie des structures, mais ce qui est important pour l'avenir, c'est la fonction de développement économique dans les régions.

M. de Belleval: Dans ce contexte, est-ce qu'il y a eu une proposition précise pour associer la Fédération des caisses d'entraide au Crédit industriel Desjardins?

M. Blais (Raymond): II y a eu de leur part présentation d'un dossier que nous avons rejeté pour cette même raison.

M. de Belleval: C'est-à-dire que le dossier soumis prévoyait que non seulement la fédération, comme fédération, serait associée au Crédit industriel Desjardins... parce que là-dessus je ne vois pas pourquoi vous auriez une objection, mais peut-être que vous en avez au niveau de la fédération. Après tout, le Crédit industriel Desjardins, comme vous venez de le dire, joue une espèce de rôle de support central pour chacune des caisses populaires. Est-ce que la proposition qui vous était soumise voulait que non seulement la fédération soit associée au Crédit industriel Desjardins, mais que chacune des caisses d'entraide constitue ni plus moins des points de vente de la caisse industrielle Desjardins?

M. Blais (Raymond): Chacune des caisses d'entraide, si je me rappelle bien, aurait pu être une succursale, par exemple, du Crédit industriel Desjardins.

M. de Belleval: C'est cela qui vous apparaît inacceptable?

M. Blais (Raymond): C'était inacceptable dans le plan de développement global des caisses impliquées depuis dix ans.

M. de Belleval: Est-ce que vous en avez discuté au niveau de votre conseil d'administration à ce moment-là?

M. Blais (Raymond): Ah oui!

M. de Belleval: Cela a été rejeté au niveau du conseil d'administration.

M. Blais (Raymond): Absolument.

M. de Belleval: Le Crédit industriel Desjardins, comme tel, qu'est-ce qu'il disait de cela?

M. Blais (Raymond): Le Crédit industriel Desjardins, c'est une corporation qui appartient au Mouvement Desjardins; ses administrateurs sont les mêmes.

M. Ryan: L'unité complète; ce sont les mêmes partout.

M. de Belleval: Ceci étant dit, j'aurais probablement une dernière question. En vertu du projet de loi que nous avons devant nous, il n'y a rien qui interdirait quand même à une caisse d'entraide, individuellement, via son conseil d'administration, de proposer à ses membres, lors de l'assemblée générale qui est prévue, une troisième voie, c'est-à-dire entre la liquidation et l'acceptation du plan Dugal, une proposition discutée avec une caisse populaire locale ou la fédération. C'est possible en vertu du projet de loi. Est-ce que vous envisagez que cela se produise effectivement?

M. Blais (Raymond): II y a un élément important qu'on discute depuis tout à l'heure, c'est l'élément garantie. Si vous voulez conserver le principe que les membres des caisses ne doivent pas en faire les frais, sous réserve de cela, tout est possible, selon la volonté des gens en place.

M. de Belleval: Tout tourne finalement autour de la garantie. Pour reprendre la question de mon collègue de Charlevoix qui disait, le 30 janvier: Est-ce que vous avez l'impression que, compte tenu du stade des pourparlers que vous continuez, semble-t-il, à avoir, c'est une date réaliste ou si vous pensez que c'est trop tôt, compte tenu des problèmes qu'il vous reste à régler?

M. Blais (Raymond): Compte tenu de la période des fêtes qui arrive, cela nous paraît une date très serrée, mais nous n'allons rien négliger; nous avons dégagé une équipe pour ne rien négliger pour que, du côté du Mouvement Desjardins, en tout cas, il n'y ait pas de délais.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Westmount.

M. French: Je regrette d'avoir été appelé ailleurs. Si je reprends un sujet qui a été touché par quelqu'un, on pourra m'arrêter. Je voudrais parler de la fameuse question de spécificité. J'aimerais savoir ce qu'il en est. Ma question est assez fondamentale; elle est assez simple. Est-ce faisable pour une institution d'épargne de fournir le capital de risques en région pour protéger suffisamment l'avoir des épargnants? C'est une question, je pense, assez fondamentale dans le contexte actuel; c'est une question que je me pose sur l'histoire des caisses d'entraide économique. Est-ce un manque de professionnalisme qui a créé des conflits d'intérêt et tous les autres problèmes plus ou moins rattachés aux ressources humaines en question et les individus en question ou, économiquement, est-ce que ce n'est pas faisable? L'animal a-t-il été impossible dès le début à cause non seulement de la qualité de gestion mais aussi des autres problèmes phénoménaux, si vous voulez? Économiquement, est-ce qu'il a été impossible de poursuivre les objectifs que les caisses d'entraide se sont donnés?

Dans un contexte où quelques caisses fusionneraient peut-être avec les caisses populaires, quelle attitude avez-vous sur la possibilité de continuer la vocation du développement économique régional?

M. Blais (Raymond): En théorie en tout cas et sur papier, on pourrait donner des exemples où on a déjà réussi. Si vous voulez faire du crédit industriel et commercial dans une caisse populaire, vous avez à prendre les mêmes méthodes que n'importe quelle des institutions financières. Vous devez avoir des spécialistes, du suivi et vous devez avoir de l'argent pour l'avoir. Le Mouvement Desjardins, avec ses caisses décentralisées qui possèdent déjà des spécialistes avec leur fédération, parce qu'on sait qu'aucun prêt industriel ne peut être accepté au niveau local, sans avoir l'autorisation de la fédération, où on retrouve d'autres spécialistes et, sur papier, au moins, j'ai cru découvrir ça dans le livre sur l'épargne du gouvernement du Québec, sur papier et si c'est bien fait, en plus de toutes les méthodes que n'importe laquelle des banques peut prendre, vous avez l'implication du milieu qui devrait augmenter les sécurités, parce que c'est sûr qu'un crédit commercial peut évoluer plus rapidement qu'un crédit à la consommation. Mais, si vous avez une caisse qui est dans le milieu, qui connaît son milieu, qui a les outils, pour répondre à votre question, la faisabilité est là et je pense que les caisses l'ont prouvé depuis cinq ou dix ans. Je pense que les caisses veulent continuer là-dedans.

M. French: Certaines mauvaises langues voulaient que vous n'ayez pas été

suffisamment à l'écoute ou attentifs envers les besoins régionaux. Je me demande si dans l'avenir... Ce que j'ai entendu tantôt, c'est que vous vous engageriez à poursuivre dans toute la mesure du possible, la vocation qu'ont les caisses d'entraide économique actuelles, mais tout simplement en améliorant les ressources humaines et la gestion des institutions. Est-ce qu'on ne verra pas une certaine diversion des avoirs, des placements envers une série de placements de risque beaucoup plus modérés ou modestes que ceux qui sont impliqués dans les investissements touristiques, par exemple?

M. Blais (Raymond): Depuis le début, j'ai essayé de ne pas porter de jugement de valeur sur ce qui s'était fait avant. Pour qui le Mouvement Desjardins peut-il se prendre pour juger? Mais si vous faites référence aux mauvaises langues, je vous demande seulement de vérifier, d'étudier le portefeuille existant, de mettre sur les bonnes tablettes les prêts véritables industriels et commerciaux à distraire des prêts hypothécaires. Vous allez peut-être trouver qu'il y avait plus que du conservatisme du Mouvement Desjardins, il y avait peut-être un peu de sagesse. Alors, le Mouvement Desjardins ne peut pas s'engager à prêter à toutes les demandes qui vont venir... Mais ça, je ne suis pas sûr que ça s'appelle rendre service au développement économique et régional. Alors, je pense qu'on se comprend bien, on est prêt à livrer la marchandise, mais on n'est pas prêt à changer l'approche du Mouvement Desjardins qui a été caractérisée, peut-être, par ce que certains ont voulu appeler du conservatisme mais qui, sur une période d'années a été, je pense, avantageux pour les Québécois.

M. French: J'ai un autre petit sujet; alors, allez-y.

M. Parizeau: Seulement une intervention rapide. Je pense qu'une des difficultés importantes de la situation actuelle, c'est que dans certains... Je devrais dire que la situation est très variable entre les caisses populaires et les caisses d'entraide d'une région à l'autre; elle est très diverse, il n'y a pas l'ombre d'un doute que, par exemple, dans certaines régions, les caisses populaires ont développé leurs prêts industriels et commerciaux très rapidement et en font un bon volume. Ils représentent maintenant, sur le plan du prêt à la petite entreprise, quelque chose d'extrêmement actif, important, se développant très bien. Il y a d'autres régions où c'est moins commencé, cela est allé moins loin, le volume est beaucoup plus faible. Un exemple ici, l'Abitibi. Vous noterez, dans un des rapports, que nous avons tous, du Mouvement

Desjardins, qu'en Abitibi, les caisses populaires ont seulement environ 12 000 000 $ dans le prêt aux entreprises alors que les caisses d'entraide ont un actif total d'à peu près 85 000 000 $ dans la même région; mettez peut-être 60% de ça en prêt industriel et commercial, je vous donne un chiffre approximatif, mais ça voudrait donc dire que, dans cette région-là, le prêt industriel et commercial des caisses d'entraide est quatre fois plus important que celui des caisses populaires, ce qui n'est pas du tout typique d'autres régions, ça peut être largement le contraire. On a ici un problème, celui de ne pas travailler seulement avec des abstractions, des principes généraux, il faut faire attention. Dans certaines régions, ça pourrait être, dans un certain sens, dramatique que des caisses d'entraide se transforment en caisses populaires et se mettent à faire à peu près exclusivement, ou en majorité en tout cas, du prêt résidentiel, du prêt sur automobile, du prêt personnel ou des choses comme ça, cela laisserait un trou. C'est là un problème que nous discutons depuis longtemps et sur lequel d'ailleurs, il faut le dire, on a fait pas mal de progrès de chaque côté.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Westmount.

M. French: Je pense que je viens de vous entendre dire que ce ne serait pas l'intention des caisses populaires de se retourner directement du côté de l'hypothèque résidentielle exclusivement.

M. Parizeau: C'est pourquoi je disais qu'il y a du progrès de fait dans notre perception des choses de part et d'autre.

M. French: Mais, ce qui est le plus important, je pense, c'est que les chiffres crus risquent d'être extrêmement trompeurs, à mon sens, parce qu'un volume de prêts, c'est souhaitable, mais ça me fait penser un peu à un député péquiste qui participait au débat de l'autre soir et qui mentionnait une couple d'investissements assez considérables des caisses d'entraide. Je ne les spécifierai pas mais, par la suite, je suis allé le voir et je lui ai dit: Vous savez que ces deux-là sont les grands perdants. Il m'a dit; Cela ne fait rien, les gens locaux aiment l'investissement chez eux. C'est beau mais, dans le fond, ça ne donne pas grand-chose aux épargnants, et c'est pourquoi, envers les chiffres crus comme tels, il faut exercer une certaine méfiance.

Je voudrais donc, poser une question très courte. Le délai de l'échéancier devant nous est-il suffisant? Est-ce que votre proposition est réalisable d'ici là?

M. Daneau (Yvon): Dans les discussions

que nous menons présentement avec le ministère, il serait peut-être difficile pour nous de situer les membres de chacune des caisses devant le portrait tel qu'estimé par nous. Il a été fait mention de la possibilité que si le Mouvement Desjardins présente une alternative, ce soit plus spécifiquement au niveau des principes. C'est une approche qui peut être valable, mais c'est ce qui implique, d'autre part, que nous soyons prudents et que, sur le plan de la garantie, nous soyons insistants. Parce que, selon les dossiers que nous rencontrons dans chacune des caisses, la situation pour le membre pourrait varier considérablement d'une caisse à l'autre et, notre président l'exprimait tantôt il ne faudrait pas évidemment que ce soit le Mouvement Desjardins qui souffre, sur le plan de son image, d'une situation qui, elle, est détériorée et qu'il nous est difficile d'évaluer à ce moment-ci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, vous avez demandé la parole?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non, ça va.

Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Doit-on ou peut-on conclure de ce que vous venez de dire, M. Daneau, que ce que vous mettriez de l'avant au niveau des principes n'exclurait pas la possibilité d'un dénouement ultime qui pourra aussi bien se chiffrer à des obligations pour le gouvernement de 70 000 000 $ ou de 200 000 000 $, en somme et que personne n'est capable d'accoler un chiffre précis à ce que vous posez comme condition dans l'état actuel des connaissances qu'on a du dossier?

M. Daneau: M. le Président, il serait très difficile pour nous et, je pense, hasardeux de vouloir ici donner des chiffres, mais, lorsque nous tenons nous-mêmes le projet du gouvernement et que ce projet du gouvernement suggère qu'au moins 25% du capital social soit transformé en capital de risque, on peut interpréter qu'il s'agit là d'un montant requis pour protéger les avoirs des membres.

M. Ryan: Pour autant qu'il pourrait être éventuellement acceptable comme vous le dites, si le ministre des institutions financières fixait une limite, s'il disait: Nous autres, nous sommes prêts à accepter des engagements à votre endroit en échange du plan que vous proposez, mais ces changements ne pourront en aucune hypothèse dépasser 90 000 000 $. Est-ce qu'il y a des négociations possibles à ce moment-là ou s'il n'y en a pas?

M. Blais (Raymond): II y a certainement des négociations possibles, mais, le plus vite, je le répète, on pourrait savoir ce que cela représente par rapport à la perte réelle, il s'agit de faire par la suite certaines simulations avec les chiffres les plus précis possible de ce que donnerait dans une caisse donnée cette situation pour M. Untel ou Mme Unetelle, et ce que M. Untel, le sacrifice de M. Untel est prêt à faire pour avoir une situation je dirais claire au 30 janvier, à savoir qu'il y a une perte donnée, mais, par la suite, c'est le mouvement Desjardins et ce sont les membres qui vont avoir à répondre à cette chose-là. J'aimerais cependant mieux attendre qu'on puisse connaître la facture globale, disons-le, et s'il y a un montant qu'on dit depuis le début être de 90 000 000 $, si ça représente uniquement 30% de la perte globale, peut-être que c'est plus difficile, mais je ne peux pas à ce moment-ci fermer la porte aux négociations, loin de là; il va falloir retravailler pour dire comment ça va se comporter.

M. Ryan: Est-ce que je vous ai bien compris tantôt? J'ai cru comprendre que vous disiez, en supposant que le responsabilité gouvernementale soit limitée là dans l'ordre de grandeur dont nous parlons, qu'à ce moment-là, il faudrait ouvrir la possibilité qu'une certaine partie des pertes soit mise à la charge des sociétaires au bout du compte?

M. Blais (Raymond): Absolument.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. de Belleval: Seulement un mot, dans une hypothèse comme dans l'autre, il y a risque, il est même certain qu'il va y avoir des pertes; que ce soit le plan Dugal ou votre plan, il y aura des pertes, mais, dans un cas comme dans l'autre aussi, pour les déposants, c'est ce que j'essaie de comprendre, est-ce que c'est le cas? Oui? Dans un cas comme dans l'autre aussi, un déposant ne pourra pas retrouver la pleine disponibilité de ses fonds avant une certaine période de temps qui pourra varier, dans un cas comme dans l'autre, d'ailleurs. C'est parce qu'on disait essentiel tantôt que les faits soient exposés. Si j'ai bien compris le point de vue de certaines personnes que je rencontre et qui sont membres d'une caisse d'entraide chez moi, on a peut-être fait croire à quelques-uns qu'avec le plan des caisses populaires, ils pourraient mettre la main sur leur épargne immédiatement. Peut-être est-ce à cause du cas de la caisse populaire Laurier, qui est un cas à part oui, enfin, si l'on veut, de la caisse d'entraide de Québec, plutôt qui est un cas à part, mais

cela ne sera pas le cas des autres caisses vraisemblablement, les membres ne pourront pas obtenir leur argent immédiatement.

M. Blais (Raymond): Écoutez, cela dépend d'où on pose les questions, il y a peut-être des gens qui ont laissé entendre que, dans le Mouvement Desjardins, il n'y avait pas de perte du tout. Il y en a d'autres qui ont dit: Si le plan Desjardins arrive, vous allez avoir 50% dans la piastre. Alors, il y a beaucoup de confusion là-dedans.

Pour nous, ce n'est pas un problème de liquidité. On peut ouvrir la machine le lendemain. C'est uniquement un problème de rentabilité et, avec la garantie nécessaire, on peut ouvrir demain matin. Et, la façon... Écoutez, oublions les pertes sur prêt. L'autre faiblesse, c'est le désappariement. Si on demandait dans une caisse à des gens de laisser leur capital social à 13% pendant 9 mois, parce qu'il y a des prêts qui ne viennent pas à échéance, ce n'est pas parce qu'on n'a pas l'argent pour les rembourser, c'est parce qu'on ne peut pas financer avec de l'argent qui coûte 19% des prêts qui rapportent 13%. On ne le fait pas dans notre propre caisse. Ce n'est donc pas un problème, mais, d'un autre côté...

M. de Belleval: Le résultat est le même pour l'individu.

M. Blais (Raymond): Oui, le résultat est le même pour l'individu, mais on pourrait même dire à l'individu qui voudrait de l'argent immédiatement, qu'on va lui donner l'équivalent. Ce n'est pas un problème de liquidité et votre commentaire m'amène à dire qu'à toutes fins utiles, et vous l'avez suggéré vous-même, la facture globale, je ne la connais pas, mais il me semble qu'elle est la même soit avec le plan Dugal, soit avec tout plan qui viendrait de Desjardins. Ce n'est pas cela qui change. Le ministère est prêt, nous dit-on, à donner les mêmes garanties. Le membre aura donc une perte, d'une façon ou d'une autre, à moins de trouver une solution magique.

M. de Belleval: Et, à votre avis, elle va être la même dans un cas comme dans l'autre?

M. Blais (Raymond): La même.

M. de Belleval: La perte pour le membre.

M. Blais (Raymond): Oui, je veux dire, je pense qu'il faut qu'elle soit équitable.

M. de Belleval: Au fond, les deux plans pour le membre sont à votre avis équivalents?

M. Blais (Raymond): Oh non. Il y a tout un autre pas à dire ça. C'est que dans un cas, d'abord, le nôtre n'est pas finalisé et je ne veux pas porter de jugement de valeur sur l'autre plan.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais faire une proposition...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: ... comme nous sommes à quelques minutes de 18 heures, je pense qu'il ne serait pas correct pour le Mouvement des caisses d'entraide qu'on travaille en prolongation avec eux. Pour quelques minutes, on pourrait suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et ensuite, consacrer le temps nécessaire au plan Dugal et ensuite, nous pourrions continuer en commission.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement à cette proposition?

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 561

(Reprise de la séance à 20 h 07)

Le Président (M. Boucher): À la suspension, nous avions terminé avec la Confédération des caisses populaires et maintenant nous avons devant nous la Fédération des caisses d'entraide économique représentée par M. Justin Dugal, porte-parole, que je prierais de présenter le mémoire dont, je crois, tout le monde a reçu une copie.

M. Dugal, vous avez la parole.

Fédération des caisses d'entraide économique

M. Dugal (Justin): M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, M. Blais. Je regrette de ne pas pouvoir vous distribuer une copie des réflexions que nous allons faire à tour de rôle parce que nous n'avons été convoqués qu'hier à cette commission parlementaire; par conséquent nous n'avons pas de texte, seulement des notes. Cependant, on vous a remis une copie d'un dossier que nous avons remis le 8 octobre dernier à M. Blais.

J'aimerais, avant de faire part de quelques réflexions, vous présenter ceux qui sont ici avec moi ce soir. À ma droite, c'est M. Mario Georgiev, actuaire à la fédération; M. Gérald Tremblay, MBA et spécialiste en redressement; M. Lacoste, ex-président de la Commission des valeurs mobilières et, à ma gauche, M. Ronald Savoie, qui est responsable des communications à la

fédération.

M. le Président, en juillet dernier, lorsque nous avons hérité du dossier des caisses d'entraide, l'équipe que je dirige se devait de trouver une solution aux problèmes qui étaient dans le dossier des caisses d'entraide et cette solution se voulait globale, c'est-à-dire qu'il fallait que cela soit une solution qui s'adresse à toutes les caisses d'entraide sans exception. Cette solution, nous avions 40 jours pour la rédiger et le 22 août, lors d'une assemblée convoquée à cette fin, nous avons déposé pour approbation devant nos membres deux plans: le plan de relance et le plan de redressement, redressement qui est déjà amorcé depuis le mois de juillet; c'est-à-dire que nous avons fait depuis le 22 août dernier une meilleure gestion des ressources humaines et financières de la fédération.

Cette solution globale qui est contenue dans le plan de relance repose sur deux préoccupations majeures que nous avions en tête lorsque nous avons rédigé ce plan. Ces deux priorités sont d'abord de protéger l'épargne de nos membres, d'assurer la mission des caisses d'entraide et, en même temps, d'assurer une saine concurrence aux autres institutions financières au Québec. Ce plan de relance, en plus de reposer sur deux priorités, repose sur un principe que nous considérons fondamental, un principe qui dit que la première responsabilité repose d'abord sur les épaules des propriétaires ou des membres, et dans notre cas puisqu'il s'agit d'une institution financière, des membres. La première responsabilité repose d'abord sur les membres des caisses d'entraide et c'est pourquoi nous n'avons pas analysé la possibilité ou fait l'hypothèse de demander au gouvernement une subvention.

Il fallait donc trouver une façon de pouvoir réaliser notre relance. L'instrument dont on avait besoin pour assurer cette relance s'appelait un projet de loi qui nous permettrait de transformer les caisses d'entraide en sociétés d'entraide à capital-actions pour d'abord corriger une faiblesse des caisses d'entraide, c'est-à-dire le capital social à demande, et le transformer en capital-actions stable.

Il fallait donc une loi et c'est pourquoi nous avons eu la promesse du ministre des Finances, une lettre signée le 20 août, à l'effet que le ministre s'engageait à déposer pour approbation un projet de loi avant le 1er décembre. Or, ce projet de loi, comme vous le savez, a été déposé le 30 novembre dernier et c'est ce qui fait l'objet de notre présence ici ce soir.

Nous avons donc un plan de relance; nous avons aussi l'instrument qui est la loi qui sera adoptée sous peu, nous l'espérons. On nous a demandé souvent si nous avions aussi étudié d'autres hypothèses. Oui, nous avons étudié d'autres hypothèses et comme nos membres nous demandaient d'approcher le mouvement Desjardins et de savoir s'il n'y avait pas une possibilité d'affiliation avec le mouvement Desjardins, nous l'avons fait. J'ai rencontré M. Blais à deux reprises, le 11 septembre et le 19 septembre; durant ces deux rencontres, je lui ai fait mention de notre désir de nous asseoir avec eux et d'examiner d'autres solutions que celles que nous avions proposées. Tout cela s'est passé au mois de septembre. Le 11 décembre, aujourd'hui, nous n'avons rien encore, aucune proposition n'a été déposée entre nos mains.

Il est bien certain que nous n'avons pas l'intention de fermer la porte à toute négociation avec le Mouvement Desjardins ou d'autres institutions financières. Cependant, s'il y avait une solution qui était présentée par le Mouvement Desjardins, nous exprimons le désir que nous aimerions être consultés.

Alors, si vous le permettez, afin de vous donner une plus longue période de temps pour que vous puissiez nous poser des questions, je vais demander brièvement à chacun de ceux qui sont avec moi, M. Savoie par exemple, de nous faire un bilan de la tournée de consultations que nous avons faites au Québec. Deuxièmement, je vais demander à M. Lacoste de vous parler de la structure du capital-actions des nouvelles sociétés d'entraide et enfin, je demanderai à M. Tremblay de nous parler des aspects financiers et de les comparer; comparer les aspects financiers et avantages du plan de relance à la proposition du Mouvement Desjardins tel que décrite dans la lettre de M. Parizeau, lettre qui a été rendue publique.

Alors, je termine ici mes réflexions pour demander à M. Savoie de vous faire un bilan de la tournée.

Le Président (M. Boucher): M. Savoie. (20 h 15)

M. Savoie (Ronald): M. le Président, très rapidement, le 22 août dernier, 76 présidents et directeurs généraux de tout le réseau des caisses d'entraide du Québec, étaient convoqués à Aima pour une assemblée générale au cours de laquelle on a soumis le projet de plan de redressement et de plan de relance. Et les présidents présents et les directeurs généraux ont voté - avec deux votes contre - l'approbation des principes généraux contenus dans le plan de redressement et dans le plan de relance.

À la suite de cela, afin d'informer les membres aux quatre coins du Québec, nous avons entrepris une tournée qui a débuté le 14 septembre dernier pour se terminer le 1er décembre. Au cours de cette tournée, nous avons effectué, M. le président ou les membres de son conseil d'administration, la visite de 75 villes où sont situées les caisses d'entraide au Québec moins une, la ville de

Sherbrooke. Comme on le sait, chaque caisse est autonome et il fallait, avec chacune des caisses, déterminer des dates et des ordres de soirée et chaque caisse avait la liberté de convoquer une assemblée générale au cours de laquelle on donnait de l'information sur le plan de redressement et le plan de relance ou encore, on constituait une soirée uniquement afin d'informer les membres du plan de relance.

Au cours de cette soirée, on a produit un diaporama qui expliquait en 14 minutes à peu près, ce qu'était le plan de relance. Dans ce diaporama, on rappelait que les spécialistes au service de la Fédération des caisses d'entraide avaient étudié différentes solutions: le statu quo, la liquidation et ces choses-là, et également le plan de relance. Étant donné que les gens avaient voté pour qu'on explique le plan de relance, c'est ce qu'on allait un peu démontrer dans chacune de ces soirées.

Également au cours de ces soirées, tous les orateurs disaient - c'était une phrase... C'est un leitmotiv qu'on répétait de ville en ville, que quiconque aurait une meilleure solution que la nôtre, qu'il l'apporte, qu'il la mette sur la table, et on l'étudierait et si elle était meilleure, on laisserait tomber le plan de relance et on l'étudierait. Au cours de ces soirées, également, on invitait les membres à faire du "shopping" s'il y avait lieu, à aller voir ailleurs et à revenir, si possible, avec des meilleures solutions que la nôtre. Et, au moment où on se parle, personne, je pense, ne nous a apporté de meilleure solution. Également au même moment, nous avons fait distribuer aux 300 000 membres, en plus du bulletin régulier de la Fédération des caisses d'entraide, un tiré à part du journal des Affaires dans lequel on proposait trois scénarios possibles, c'est-à-dire le plan de relance, qui présente des avantages et des inconvénients pour l'épargnant, les caisses populaires, une bouée de sauvetage compliquée à manier et la liquidation, option de dernier recours. On a décidé d'envoyer ce tiré à part, afin de faire réfléchir les gens et de leur donner, peut-être, des avenues nouvelles à exploiter, de leur permettre de faire des demandes à leurs conseils d'administration locaux.

Au cours de ces tournées, nous avons regroupé, nous avons informé plus de 40 000 personnes qui ont assisté à ces 75 assemblées, c'est-à-dire une moyenne de 500 personnes, à peu près, par assemblée d'information. Et on doit dire que, dans la majorité des endroits, je pense, les soirées se sont déroulées tout à fait normalement; cela roulait même dans l'huile. À d'autres endroits, évidemment, on a eu des groupes de contestation, on a eu des gens qui sont venus dire qu'ils souffraient du gel des épargnes. Et nous avons également, à la suite de certaines convocations spéciales, refait deux assemblées d'information, une à L'Assomption, notamment, et une à Rimouski. Au cours de ces assemblées spéciales convoquées à la demande d'au moins 100 personnes, on a décidé de former des comités spéciaux qui étudieraient d'autres solutions que celle du plan de relance. Mais tout s'est fait dans les normes, selon les lois et selon les règlements.

Les soirées d'information et la tournée d'information se résument à ce petit exposé.

M. Dugal: Alors, nous allons passer à l'exposé de M. Lacoste.

M. Lacoste (Gérald): M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés. Lorsque nous sommes arrivés aux caisses d'entraide économique à la fin du mois de juin, évidemment, il s'agissait d'une situation de crise. C'est le genre de crise que personne au Québec n'avait eu l'occasion de manipuler, c'est-à-dire une crise financière. Les spécialistes qui étaient présents à la dernière crise financière connue étaient ceux qui étaient là vers la fin des années vingt-neuf et ils n'étaient pas disponibles pour donner des conseils sur la façon de la résoudre. On a donc dû s'attaquer à un problème, particulier à une crise, celui d'une institution financière où le principal problème est celui de la confiance dans l'institution. Après avoir analysé plusieurs scénarios possibles, il avait été décidé qu'une solution serait proposée qui aurait pour effet d'amener les gens de l'institution, les membres à assumer la solution de leur crise. Lorsque, au début du mois d'août, l'équipe qui est devant vous est allée voir le ministre des Institutions financières, nous avons proposé le plan qui se reflète dans le titre I de la loi qui est devant vous. Tout ce qui est dans ce titre, c'est ce que nous avons demandé. Vous aurez l'occasion d'en discuter plus en détail tantôt.

Notre suggestion est basée sur les deux objectifs dont parlait M. Dugal tantôt: sécurité de l'épargne et maintien du développement économique régional.

Comment atteindre cet objectif? Nous avons procédé sur une base globale. Nous avons pris le mouvement dans son ensemble avec un capital social de 800 000 000 $. Pour atteindre la sécurité de l'épargne, nous prenons d'abord les trois quarts de ce capital social et nous l'envoyons en dépôt garanti par la Régie de l'assurance-dépôts. On offre donc à nos membres dans un premier temps la mise à l'abri de 75% sur une base globale toujours; cela peut varier d'une caisse à l'autre, lors de la conversion. Donc 75% de l'épargne sont protégés. C'est d'ailleurs une constatation qui avait été faite, que la plupart de nos membres, en achetant des parts sociales, avaient cette notion de prêt

ou de dépôt. On atteint donc cette fin pour immédiatement, 75% de l'épargne.

Quant aux 25%, c'est-à-dire 200 000 000 $ de ce capital social, nous proposons de le transformer en capital permanent, parce que nous sommes convaincus par l'expérience des caisses, par l'expérience d'autres institutions financières, que le prêt à terme à l'entreprise doit se faire avec du capital permanent. C'était une des carences majeures du mouvement et on l'a bien vu en période de crise, qu'on ne peut prêter à terme sur du capital volatile à demande. Il était clair que si on voulait maintenir la mission de prêt industriel et commercial, il fallait avoir de la permanence du capital. Ce faisant, nous réalisions que nous demandions à nos membres d'investir une portion de leur épargne en capital permanent comme on demande à des investisseurs d'investir dans des entreprises. Les lois du Québec favorisaient déjà cet investissement par des crédits d'impôt dans certains cas et par le régime d'épargne-actions dans d'autres cas. Nous ne sommes pas allés, comme institution financière, demander une subvention au gouvernement pour appuyer les risques de l'institution. Nous avons tout simplement réclamé - le projet de loi les donne - les mêmes avantages fiscaux que d'autres investisseurs ont.

Pour réaliser ce plan, il fallait avoir du temps et immobiliser ce capital pour ne pas que l'institution s'effondre. C'est pour cela que nous avons demandé à toutes nos caisses, et elles ont toutes accepté, de déclarer un moratoire sur les retraits de capital pendant la période nécessaire pour que nous mettions de l'avant une proposition étayée et même que d'autres personnes puissent proposer des solutions. Le moratoire - un jugement de la Cour supérieure dans la région de Matane l'a confirmé récemment - est une mesure d'équité et de justice pour tous les membres de la caisse.

Le 22 août, nous proposions à nos membres de voter le 30 janvier, cinq mois et plus avant qu'une solution au problème puisse être définie. Vous réalisez aujourd'hui qu'on manque de temps, mais le 22 août, quand on disait à nos membres et à tout le monde: Ce n'est qu'au mois de janvier 1982 que vous déciderez, on nous reprochait de mettre très loin la date à laquelle une solution pourrait être prise. Ce qui est difficile aujourd'hui pour nos membres, c'est non seulement le moratoire, mais la période de temps qui s'écoule, pendant laquelle il n'y a aucune solution qui est acceptée ou refusée.

Lorsque nous avons proposé à nos membres la sécurité de l'épargne, nous leur disions: II est normal que votre épargne soit protégée par les autorités gouvernementales, et ce, de trois façons: en ce qui concerne le développement de votre institution, par le ministère des Institutions financières, dont c'est la première responsabilité. Vous aurez, messieurs, l'occasion de discuter de cet aspect ce soir. Également, tout ce qui a trait à votre capital-actions, la Commission des valeurs mobilières, par ses lois, régira l'émission et la vente de ces actions. Troisièmement, votre épargne sera également protégée en ce qui concerne les dépôts par la Régie de l'assurance-dépôts du Québec. Il y a donc trois instances gouvernementales qui auront à coordonner leurs efforts, mais qui seront là pour protéger votre épargne.

Quant au maintien de l'entraide économique ou de sa mission, le développement économique régional, nous pensions et nous pensons encore que la meilleure protection de l'épargne, c'est le maintien de l'institution. Sur une base de "going concern", il est évident que les pertes seront minimisées parce que les mêmes personnes qui ont consenti les prêts seront encore là pour les suivre et le même degré de fiabilité du remboursement qu'on a vu pendant vingt ans dépend de la relation personnelle entre ceux qui ont prêté l'argent et ceux qui l'ont emprunté. Il faut faire bien attention quand on parle de sécurité d'épargne de se rappeler que le tissu socio-économique des caisses d'entraide, emprunteurs et prêteurs, est un facteur important. Toute personne en dehors de l'entraide qui regarde un portefeuille de près ne peut pas avoir le même jugement sur la qualité du prêt que ceux qui l'ont consenti, sachant très bien qu'ils prêtaient l'épargne des gens du milieu.

Les sociétés que cette loi crée sont ce que nous avons demandé qu'elles soient, des sociétés à l'intérieur desquelles il existera une démocratie financière. Je dois vous dire que lorsque j'entends parler de l'opposition que l'on fait entre le système coopératif et le système capitaliste, je trouve que l'on prend les mots pour les mettre sur les mauvais concepts. Les coopératives financières sont des corporations capitalistes, il ne faut pas oublier cela. Quand on annonce à tout le monde: Parlons d'argent, je me demande si on ne fait pas du capitalisme quand on dit cela. Je pense que c'est fausser le débat que de mettre en opposition deux modes de fonctionnement de deux corporations. La loi qui est là fait de ces sociétés des entités où la démocratie financière pourra s'exercer de la façon suivante: D'abord, 5% de détention, c'est pour mettre à l'abri d'une prise de contrôle par un ou très peu d'individus une institution financière qui représente une entité quasi publique.

Deuxièmement, les conseils d'administration dans cette loi pourront être composés d'administrateurs qui ne sont pas des actionnaires, c'est-à-dire qu'on pourra impliquer les gens du milieu dans la corporation.

Troisièmement, le conseil de surveillance, qui a le même nom que celui de la coopérative, est une excellente institution que les coopératives ont mise sur pied il y a longtemps. C'est drôle qu'aujourd'hui, depuis quelques années, on retrouve dans les lois aux États-Unis pour les corporations publiques des "audit committees" qui ont exactement les mêmes fonctions que le conseil de surveillance. Si nos coopératives ont été plus précoces, tant mieux, mais il est important d'avoir dans des compagnies publiques aujourd'hui de ces comités qui protègent l'actionnaire ou le membre.

Quant à la commission de crédit, ce qui est le plus important dans le projet de loi, c'est qu'elle doit donner son avis et que le conseil de surveillance doit faire rapport aux actionnaires dans tous les cas où le conseil d'administration n'a pas suivi l'avis de cette commission de crédit. Il est donc bien clair que la société, comme on la voit aujourd'hui, emprunte ce qu'il y a de mieux, non seulement au système coopératif, mais dans les autres lois où on a voulu assurer de la démocratie financière et de la protection aux actionnaires.

Enfin, la décision que nos membres auront à prendre le 30 janvier se veut une décision démocratique. Nous l'avons soumise dès le début au ministre des Institutions financières. Si on veut que la décision soit démocratique, elle doit l'être sous plusieurs aspects. Je pense qu'il est important que tous ceux qui auront à offrir les solutions aux membres des caisses d'entraide soient pour le moins assujettis à ce que je pourrais appeler une réglementation ou un coût égal, ou à tout le moins équitable, quant à la soumission des propositions. (20 h 30)

Je dois vous dire aujourd'hui qu'on évalue, au moment où on se parle, à au moins 500 000 $ le coût de la relance au niveau des caisses d'entraide économique. Lorsque nous nous alignons sur le 30 janvier, on a des coûts énormes d'impression de circulaires pour se conformer à la Loi des valeurs mobilières et être bien certains, lorsque nos membres se prononceront, que l'institution qui proposera aux membres la transformation se sera conformée à toutes les lois. Je m'attends personnellement que tous ceux qui feront des offres soient soumis à la même obligation de divulgation complète, claire et précise, laquelle nous est imposée par les lois de la province.

Enfin, il faut se demander quel genre de décision auront à prendre nos membres le 30 janvier prochain. S'agit-il d'une décision financière d'abord? Si oui, s'il s'agit d'une décision financière, ils doivent être en mesure d'évaluer les solutions avec les mêmes critères; ils doivent pouvoir quantifier et comparer chacune des offres qui leur seront faites. Il ne s'agit pas de voter sur des concepts, il s'agit de prendre une décision financière.

Si, par ailleurs, ce n'est pas l'unique but de la décision, on doit se demander si on propose à nos membres qui sont en crise un choix entre institutions ou non. Il faut faire bien attention parce que l'institution dans laquelle ils sont et qui, nous croyons, doit être maintenue est une institution en crise. Je me demande si c'est poser la bonne question aux membres que de leur demander de choisir: Préférez-vous être dans une institution en crise ou dans une institution non en crise? Cela peut fausser grandement le débat, suivant la façon dont la question est posée à nos membres.

Pour l'instant, d'après ce qui paraît du projet de loi et des directives que nous avons reçues de la Commission des valeurs mobilières, il n'y a qu'une seule question à poser le 30 janvier: Acceptez-vous ou non de transformer votre institution en corporation à capital-actions? Par ailleurs, les autres solutions doivent être déposées pour pouvoir soupeser les conséquences de l'acceptation ou du refus de la proposition de transformation. C'est un processus très complexe que la préparation de cette transformation et je dois vous dire, pour ceux qui sont ici, que depuis le mois de septembre, nous avons, à la fédération, avec une collaboration incroyable de la part des fonctionnaires du ministère des Institutions financières, accompli un travail que je qualifie de gigantesque.

Ce sera possible, le 30 janvier, de soumettre aux membres une proposition claire quant à l'échéance des dépôts, quant au rendement des dépôts résultant de la conversion et chaque membre sera en mesure de calculer l'impact des crédits d'impôt et du régime d'épargne-actions sur sa décision. Notre proposition, il pourra la quantifier. J'espère qu'il pourra faire également les autres propositions. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Tremblay, je crois.

M. Tremblay (Gérald): Lorsque j'assume la responsabilité d'essayer de trouver une solution pour assurer la protection de l'épargne de 300 000 Québécois, je ne peux pas faire autrement que d'avoir des serrements au coeur et de me poser sérieusement la question à savoir si on ne peut pas, tous ensemble, oublier nos préjugés et essayer de trouver une solution aux problèmes des caisses d'entraide économique.

Je me permets d'être le plus objectif possible parce que j'ai été très critique au sujet des caisses d'entraide économique et je n'étais pas là lorsque les problèmes des caisses d'entraide économique sont arrivés. Alors, j'aimerais, dans cette optique, faire

abstraction de la deuxième condition qu'on s'est fixée, nous, c'est-à-dire d'essayer de maintenir la mission des caisses d'entraide économique pour uniquement s'attarder à la protection de l'épargne de 300 000 Québécois. Je pense qu'on a cela à coeur et que le Mouvement Desjardins a également cela à coeur. Vous ne m'en voudrez donc pas de parler de cents et de piastres, d'autant plus qu'on discute de la survie d'une institution financière.

Comparons donc les deux possibilités qui s'offrent à nos membres, c'est-à-dire celle des caisses d'entraide économique et celle du Mouvement Desjardins car le membre, le petit épargnant, a le droit de choisir entre deux solutions pour autant qu'il soit en possession de toutes les données financières et de toutes les données qualitatives pertinentes pour le faire, et ceci au moment où il est appelé à faire son choix. C'est dans cette optique que nous, aux caisses d'entraide économique - la nouvelle équipe a fonctionné sous le signe de la transparence - avons offert à Desjardins et aux deux partis politiques, à plusieurs reprises, personnellement et par personnes interposées, de leur donner tous les renseignements qu'ils désiraient, premièrement, pour les informer et, deuxièmement, parce que nous considérions l'enjeu des plus importants, c'est-à-dire, premièrement, l'épargne de 300 000 Québécois et, deuxièmement, la crédibilité des institutions financières québécoises. On ne nous a jamais demandé de données financières.

Alors, qu'est-ce que cela veut dire, au point de vue pratique, la protection de l'épargne? Pour les caisses d'entraide économique, cela veut dire, tout d'abord, la protection du capital. Deuxièmement, cela veut dire du rendement. Troisièmement, cela veut dire des avantages fiscaux jusqu'à concurrence d'un maximum de 90 000 000 $. Pour le Mouvement Desjardins, si on veut comparer des pommes avec des pommes, cela veut dire, premièrement, la protection de l'épargne, la même chose que nous autres. Deuxièmement, nous, c'est du rendement; eux autres, peut-être du rendement.

Troisièmement, nous, des avantages fiscaux jusqu'à concurrence de 90 000 000 $; le Mouvement Desjardins, aucun avantage fiscal. Je m'explique.

Protection du capital. La question importante, c'est de savoir comment notre membre va récupérer son argent. Puis, je pense qu'on a convenu, cet après-midi, le Mouvement Desjardins est d'accord avec cela, personne ne va pouvoir arriver, demain matin, et donner 1 000 000 000 $ aux 300 000 Québécois qui ont leur argent dans les caisses d'entraide économique; pas parce que l'argent n'est pas là, mais parce que l'argent a été prêté à terme à des institutions et à des PME au Québec. Donc, il faut trouver une solution.

Je fais volontairement abstraction de la confiance - c'est très important - que les caisses d'entraide économique doivent regagner à l'avenir. Je fais abstraction de cela pour me limiter aux choses importantes. Alors, la meilleure façon - vous en conviendrez - de protéger l'épargne des Québécois, c'est de continuer à administrer les caisses d'entraide économique "as a going concern", d'une part. Deuxièmement, c'est de se servir des ressources humaines en place pour réaliser ces actifs, évidemment, en encadrant ces ressources humaines de gestionnaires qui ont une certaine expérience dans la réalisation d'actifs de cette importance. Finalement, de procéder de façon ordonnée à l'appariement du portefeuille de prêts avec les dépôts d'épargne qui seront donnés aux membres pour leur permettre de récupérer leur argent.

Alors, nous, les caisses d'entraide économique, dans le but de protéger le capital, parce qu'on parle uniquement du capital, on offre d'administrer "as a going concern". Si je lis la lettre de M. Parizeau, à la page 2, qui réitère la position du mouvement Desjardins, M. Parizeau dit pour le Mouvement Desjardins: "Les caisses d'entraide économique seraient intégrées au Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins. Ces intégrations se feraient soit par conversion des caisses d'entraide en caisses populaires ou soit par absorption des actifs et passifs des caisses d'entraide par des caisses populaires existantes."

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais demander la date de cette lettre de M. Parizeau?

M. Tremblay (Gérald): Oui, le 2 décembre 1981.

Une voix: On doit l'avoir.

M. Parizeau: Elle a été rendue publique, je pense. Il doit y en avoir des copies un peu partout.

Une voix: Oui, nous avons les copies.

M. Tremblay (Gérald): Pour moi, cela est bien beau, mais je sais très bien que si je vais acquérir les actifs d'une caisse d'entraide, c'est évident que si la caisse ne fonctionne plus et que j'achète les actifs, je vais les escompter. Je dois faire cela parce que si ce sont des actifs qui rapportent 12% - le taux du marché, c'est 16%, 17% ou 18%, parce qu'on parle de PME - alors, je vais les escompter et je vais avoir une perte. C'est évident qu'à ce moment-là, j'ai une perte.

Deuxièmement, si en plus d'assumer cette perte, je dois me servir de personnes autres que les personnes en place des caisses d'entraide économique pour continuer à percevoir ces actifs, c'est évident que je vais avoir une perte additionnelle. C'est ce qu'on a dit noir sur blanc au Mouvement Desjardins dans notre projet d'association avec le Mouvement Desjardins, à la page 13, où on explique pourquoi il faudrait éviter une fusion caisses d'entraide, caisses populaires.

Je pense que ce n'est pas long, c'est à peu près cinq ou six paragraphes et je vais vous les lire: "II faut connaître les modes de fonctionnement et le portefeuille de l'entraide économique pour réaliser l'importance de ne pas simplement fusionner les caisses d'entraide avec les caisses populaires locales. Aucune institution financière - ce n'est pas seulement le Mouvement Desjardins - ne pourrait, en effet, faire l'acquisition d'une caisse d'entraide économique sans escompter de façon importante les actifs de la caisse d'entraide et ceci, pour les raisons suivantes: 9% des actifs d'une caisse sont détenus par la fédération. Or, sur une base de réalisation, ces actifs rapporteraient entre 0,60 $ et 0,70 $ pour une valeur aux livres de 1,00 $."

C'est évident. Si vous prenez seulement notre portefeuille d'obligations qui est en actions municipales au niveau de la fédération, cela vaut aux livres 66 000 000 $. Au 30 septembre 1981, cela vaut 40 000 000 $, parce que les échéances moyennes, c'est 4,8% et cela rapporte 12%. Si on l'escompte à la valeur du marché, je vais avoir une perte énorme, mais une perte qu'aucune institution financière sérieuse ne doit prendre. Tout le monde... Il y en a qui, dans leur portefeuille, ont des obligations qui rapportent 9% ou 10%. Il y en a qui ont des fonds de pension dans les sociétés de fiducie qui rapportent 9% ou 10%. Ils ont pris cela avant l'escalade des taux d'intérêt. Je pense qu'il faut être réaliste et nous, quand on dit: II ne faut pas fusionner demain matin avec une caisse populaire, c'est évident, parce que la caisse populaire en tant que financier ne peut pas faire autrement qu'escompter cela. Mais qui va payer pour l'escompte? Premièrement, je vais vous l'expliquer tout à l'heure, cela va être le petit épargnant sur le rendement et je vais vous démontrer clairement qu'il n'y aura plus de rendement. Deuxièmement, c'est évident qu'à ce moment-là, le gouvernement va être obligé de sortir son carnet de chèques et de faire des chèques. C'est totalement impensable et je vais vous le montrer tout à l'heure.

Je continue. Dans la plupart des cas, le portefeuille de prêts d'une caisse reflète une entente entre personnes. C'était cela, l'entraide économique. Quand on faisait affaires dans une région, on venait voir quelqu'un à la caisse d'entraide économique qui nous prêtait, pas parce qu'on avait des garanties, parce qu'il avait confiance en nous et qu'on le connaissait. On admet qu'il va falloir être moins amateur et devenir professionnel, sauf que si on n'avait pas fait cela pendant 20 ans, ce serait quoi, les PME, aujourd'hui? Moi, je me pose de sérieuses questions à ce niveau, par opposition à une relation entreprise, institution financière. En conséquence, tout acquéreur devrait anticiper et donc, escompter des pertes importantes si une liquidation de la caisse d'entraide intervenait avant une réalisation rationnelle du portefeuille de prêts. Nous, on prétend que cela va prendre deux ans.

Enfin, de nombreux dossiers s'avèrent incomplets, d'où la nécessité de colliger les documents ou sinon, de prendre un escompte additionnel. C'est évident que dans certains cas, au niveau des caisses d'entraide économique, on n'avait pas les meilleurs gestionnaires. Vous le savez, on n'a pas des problèmes pour rien. Alors, il y a des dossiers incomplets. Pensez-vous qu'une institution financière sérieuse va prendre le dossier? On a essayé avec le Montreal Trust. On a essayé avec la Banque d'épargne. On a essayé avec Avco. On a essayé avec Laurentides Finances. On a essayé avec la Banque fédérale de développement. Ils sont entrés et ils ont dit: Voyons donc! Que voulez-vous qu'on fasse avec cela? Il faut toujours bien commencer à faire des études et faire des analyses et seulement le coût pour commencer à faire ces études pour évaluer le risque financier, c'était énorme. Finalement, toutes les provisions qu'on doit prendre auraient évidemment pour conséquence des risques de pertes considérables de capital pour les membres des caisses d'entraide. C'est pourquoi, seul le plan de relance permettrait d'éviter une telle situation pour eux, parce que nous, tout ce qu'on dit, c'est qu'il faut passer par la relance, parce qu'on va assurer une transition qui va permettre de faire faire notre propre ménage par les gens qui sont en place et qui ont la relation de personne à personne avec l'emprunteur et le membre. (20 h 45)

Dans la perspective où le Mouvement Desjardins veut protéger l'épargne des membres des caisses d'entraide économique, il faut être conscient que tous les gestes posés en vue de fusionner une caisse d'entraide à une caisse populaire sont contraires à ce but ultime. Je pense que c'est ce qu'on veut. On veut protéger l'épargne des Québécois. Nous ne saurions évidemment, nous, de l'entraide, souscrire et nous associer à une telle perspective non plus qu'encourager et conseiller une telle solution où à la fois les membres des caisses d'entraide auraient à subir des pertes de capital et où le Mouvement Desjardins

pourrait lui-même nuire à sa crédibilité et éventuellement à sa santé financière. Cela, on a été assez responsable pour le leur dire.

Quand cela a été le problème des caisses d'économie, j'étais administrateur provisoire d'une caisse d'économie à ce moment-là. J'ai participé à l'étude de la Ligue des caisses d'économie et je me suis aperçu qu'au niveau des caisses d'économie les ressources humaines n'étaient pas là, les ressources financières n'étaient pas là et j'ai fortement recommandé dans ce cas-là la fusion, l'intégration pure et simple de la Ligue des caisses d'économie avec la Fédération des caisses d'économie pour former une nouvelle fédération. Alors, soyez bien à l'aise. Si cela avait été le cas dans des caisses d'entraide économique, je serais arrivé à la même conclusion. Mais j'ai pris le temps de la quantifier avant de dire: Oui, je vais m'impliquer et je vais assumer des responsabilités dans les caisses d'entraide économique. Partant de là, je dis, "as a going concern", qu'il y a seulement le plan de relance qui offre cela.

Deuxièmement, les ressources humaines ne sont pas si mauvaises que cela. On en avait 140 à la fédération. On est maintenant 68, mais je peux vous assurer, et vous le demanderez aux gens du ministère, de la qualité des ressources humaines qu'on a au niveau de la Fédération des caisses d'entraide économique. Vous pouvez être assurés également qu'ils ont été agréablement surpris quand on a fait l'évaluation de notre portefeuille de prêts, parce que c'est la première chose que je leur ai demandé. J'ai dit: Moi, j'ai entendu dire depuis trois ans que les prêts, c'était tout croche, qu'il y avait des pertes importantes là-dedans, mais je ne me suis pas arrêté, je n'ai pas été traumatisé à m'empêcher de dormir. J'ai dit: On va aller voir et on va faire une étude. On a fait une étude. Elle n'a pas été satisfaisante. Le ministère nous a demandé d'en faire une autre. On l'a faite et en moins de deux semaines, on a rempli des documents de cette épaisseur qui ont été remis par nos 76 directeurs généraux. Moi, je prétends que, jusqu'à preuve du contraire, ils sont capables de faire le travail. Finalement, si on veut le faire de façon ordonnée, il faut faire l'appariement.

J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer ce que cela veut dire, en pratique, l'appariement. Pour faire de l'appariement, au départ, il faut avoir des états financiers vérifiés au 30 septembre 1981. On les a fait sortir et, en plus de cela, on a fait l'analyse du portefeuille de prêts. C'est ce qui explique pourquoi au 31 mai 1981 le rendement global combiné du mouvement, on a donné à nos membres 10%. On a dû prendre, à cause de l'évaluation du portefeuille de prêts qu'on a faite, 8 000 000 $ de provisions additionnelles. Malgré cela, au 30 septembre 1981, on avait 4,75% de rendement et le pro forma qu'on a fait au 28 février 1982 démontre qu'on va avoir 6,5% de rendement. N'oubliez pas ces chiffres, parce que je vais y revenir dans quelques minutes. Alors, on fait les états financiers vérifiés au 30 septembre et on analyse notre portefeuille de prêts, premièrement. Ensuite, on parle d'appariement. L'appariement, c'est ce qui va arriver à l'avenir pour autant qu'on doit donner du rendement. Je pense que les épargnants, s'ils ont investi dans une institution financière, c'est parce qu'ils doivent avoir du rendement. Pour faire l'appariement, il faut faire, premièrement, un budget d'opération, pas un budget d'opération pour les quatre prochains mois, il faut le faire jusqu'au 28 février 1982 et, ensuite, il faut le faire jusqu'au 28 février 1983. Je vous montrerai cela tout à l'heure. Deuxièmement, il faut faire un budget de liquidité, parce que nous autres on a des problèmes de liquidité. C'est drôle, on n'a pas de problèmes de rentabilité, les caisses d'entraide économique, on a des problèmes de liquidité. C'est exactement le contraire du Mouvement Desjardins. C'est pour cela que ce serait si intéressant si on pouvait s'asseoir ensemble et se parler. Eux autres, ils n'ont pas de problèmes de liquidité. On pourrait les régler. On pourrait régler tous nos problèmes en même temps.

Alors, il faut faire des problèmes de liquidité. Cela implique un mouvement de trésorerie pour les seize prochains mois et finalement il faut faire des pro forma au 28 février 1982 et des pro forma au 28 février 1983. Ensuite, on prend tout cela et on met cela sur informatique. J'essaie de vous simplifier cela. On met cela sur informatique. Là, on arrive à des résultats au point de vue, premièrement, de notre liquidité, parce que ce qui est important, c'est de ne pas emprunter pour prêter de l'argent. Quand on dit: Le Mouvement Desjardins critique un article du projet de loi et dit, oui, mais cela va être dur, la liquidité, nous autres on tient pour acquis, aux caisses d'entraide économique, que si on est obligé d'aller emprunter à la Banque de Montréal pour prêter à des PME, on n'est pas en affaires. Il va falloir payer tous nos banquiers. Après cela, il va falloir payer la Régie de l'assurance-dépôts du Québec et après cela il va falloir commencer à payer nos membres. Il faut mettre cela dans un programme et savoir comment cela va sortir.

Deuxièmement, il faut avoir de la rentabilité. Si on n'est pas capable de donner de la rentabilité à nos membres, pensez-vous qu'on serait assis devant vous autres aujourd'hui en essayant de vous dire que c'est une bonne affaire, la relance? On serait assez intelligent pour dire: Cela ne

vaut rien, nos membres sont bien mieux de liquider leur caisse demain matin. On a fait, notre travail.

Finalement, il faut regarder l'échéance de notre portefeuille de prêts. On est passé à travers notre portefeuille de prêts sur informatique et on est arrivé à des échéances. Quand on a trouvé cela, il faut prendre le projet de loi et dire: On s'est entendu sur une conversion, cela devrait être sensiblement 75-25. Il s'agit de voir si on répond à ces normes. Cela, c'est le ratio de conversion; il y a un ratio d'endettement cinq pour un qui dit que si on a 100 $, on ne pourra pas aller chercher des dépôts de plus de 500 $. C'est évident qu'il y a des ajustements à faire, qu'il faut parfois avoir plus de capital, ce qui fait que ça ne sera peut-être pas 75-25 dans toutes les caisses, peut-être que dans une autre caisse, ce sera 30%, peut-être que dans une autre caisse ce sera moins mais, globalement, c'est 75-25.

Alors, quel jeu joue-t-on? On a deux jeux. On a des trop-perçus. Au 28 février, il y a des trop-perçus, parce qu'on est rentable. On est rentable, donc on a des trop-perçus. Et il y a des surplus. Alors, on prend ces trop-perçus et ces surplus, on remet cela dans le modèle, on appuie sur un bouton et, encore là, cela sort et on l'analyse. Cela fait six mois qu'on le fait, qu'on se prépare à cela. Ce n'est pas simple, ce qu'on fait. Moi, cela me fait très peur quand le Mouvement Desjardins me dit: Je vais faire cela, mais avant de faire toute intégration, je vais m'assurer de la situation financière. Vous savez très bien que quand un mouvement a des problèmes financiers, c'est l'urgence de la situation qui fait qu'on le règle. Si on attend six mois et qu'on crée des attentes chez nos membres, il y a de grosses chances qu'on perde nos membres pour très longtemps.

J'espère que vous réalisez que tout est dans l'appariement. Si c'est bien fait, l'appariement, une perte de capital pour un membre est presque inexistante. C'est là qu'est la clé et c'est ce que je ne comprends pas du Mouvement Desjardins parce que tout ce qu'on a à faire, c'est s'assurer qu'on élimine le rendement tranquillement et qu'on pousse l'échéance. Si cela rapporte 10% sur 800 000 000 $, cela fait 80 000 000 $; c'est impossible qu'on perde de l'argent. Les membres vont perdre du rendement, mais ils ne perdront jamais de capital.

Quand le mouvement Desjardins dit: Oui, mais qu'est-ce qui va arriver? On va perdre 200 000 000 $. Je dis que cela pourrait arriver qu'il y ait une perte dans une caisse ou deux caisses, des caisses isolées, mais globalement, les 90 000 000 $, les 100 000 000 $ ou les 200 000 000 $ dont on parle - dans la presse, on dit qu'il se peut que ce soit 500 000 000 $ - c'est de la belle théorie parce que ça ne peut pas arriver.

Notre prétention est qu'il n'y a pas de perte de capital, premièrement.

Deuxièmement, il y a du rendement et, troisièmement, il y a des avantages fiscaux. Pourquoi y a-t-il des avantages fiscaux? Je pense que c'est un point important. Pourquoi M. Parizeau, avec son ministère, a-t-il accepté de nous donner 90 000 000 $? Je pense que c'est important. On ne lui a jamais dit que le mouvement va avoir des pertes, que c'est tout à l'envers et qu'on risque de perdre beaucoup d'argent, qu'il faut compenser nos membres. On n'a pas dit cela. On a dit: On veut avoir du capital permanent. C'est un sacrifice qu'on a demandé à nos membres, du capital permanent, on devait leur donner quelque chose en retour.

Nous pensons que pour faire du développement économique régional, cela prend un capital permanent, un coussin qui fait que, s'il y a encore des hausses de taux d'intérêt, s'ils montent et descendent comme cela, on sera protégé. Si, parce qu'on veut faire du développement régional, on assume un risque qui est plus grand que celui qu'une institution financière normale prendrait, je pense que les membres, dans une région, ont le droit de vouloir prendre ce risque. Si vous allez à Sept-Îles, par exemple, personne n'est capable de vendre sa maison, personne n'est capable d'emprunter, mais notre caisse d'entraide économique à Sept-Îles se tient debout parce que les membres le veulent.

C'est important et le gouvernement a dit: Oui, je vais vous donner les 90 000 000 $. Pourquoi? C'est très simple. Il y a deux lois qui existent, il y a un crédit d'impôt offert; on n'a rien inventé, on a pris ce qui existait. Deuxièmement, il y a un régime d'épargne-actions. Le régime d'épargne-actions, on le donne à Bombardier, on le donne à Provigo, on le donne à tout le monde; pourquoi le petit Québécois n'aurait-il pas le droit d'en profiter? Parce qu'il ne le connaît pas? Il va l'apprendre et il va savoir ce que c'est, un régime d'épargne-actions.

Quand on prend tout cela en considération et qu'on le quantifie, si on veut réellement résumer les deux positions, il n'y a pas de perte de capital chez nous et il n'y a pas de perte de capital chez Desjardins. La comparaison s'arrête là. En plus, nous donnons du rendement et, deuxièmement, nous donnons des avantages fiscaux. Si on s'arrête et qu'on fait des petits calculs très simples, on s'aperçoit que les deux positions ne se comparent même pas. J'aimerais dire que l'appréhension du Mouvement Desjardins vient de son ignorance volontaire du dossier. Et même s'il protège le capital, il n'y a pas de rendement et il n'y a pas d'avantages fiscaux.

J'aimerais, en terminant, vous faire

certaines réflexions personnelles. On n'a plus le droit, à compter de ce soir, minuit, de jouer au yo-yo avec les caisses d'entraide économique et 300 000 Québécois. On n'a plus le droit de faire cela. On n'a plus le droit de blâmer les gouvernements qui n'ont pas assumé leurs responsabilités de 1970 à 1981. On n'a plus le droit de blâmer le gouvernement qui fait des efforts pour adopter un projet de loi qui va assurer la sécurité de l'épargne de 300 000 Québécois: on n'en a plus le droit. Parce que le gouvernement décide aujourd'hui de faire quelque chose, on va critiquer encore. C'est cela, on va critiquer et on va se ramasser ici encore dans trois ans et on va dire: On aurait bien dû... On a une chance aujourd'hui et on est aussi bien de la prendre pendant qu'elle passe. On n'a pas le droit, parce qu'un mouvement a de la crédibilité financière, de pénaliser 300 000 Québécois, parce que si on s'arrête et on calcule, on s'aperçoit très bien que les deux solutions ne se comparent même pas.

Finalement, si on permet à Desjardins de continuer de créer des attentes chez nos membres, sans quantifier sa proposition dans les plus brefs délais, on risque d'être complice de la disparition des caisses d'entraide économique et également d'un projet de loi essentiel pour assurer que ce qui s'est passé dans le passé ne pourra plus jamais se reproduire. Messieurs, le temps est venu d'assumer nos responsabilités, sinon nous aurons tous un jour à répondre à ceux qui nous ont confié la sécurité de leurs épargnes. À Desjardins, je dis: Messieurs, Madame, il n'est peut-être pas trop tard pour trouver ensemble une solution globale au problème des caisses d'entraide économique, qui dotera le Québec d'une institution financière capable d'assumer la concurrence des années 1980. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Tremblay.

M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, on comprendra que j'ai passé passablement de temps dans ce projet de loi. J'ai eu, évidemment, des contacts assez fréquents avec les gens de la Fédération des caisses d'entraide. Je les vois depuis quelques mois, d'abord dans un premier temps chercher à se débattre dans une situation qui n'est pas facile, puis, petit à petit, sortir ce programme de relance auquel la loi que nous avons devant nous prête son appui. Alors, dans ce sens, j'ai passablement de renseignements de mon côté. Je serais plutôt tenté de laisser le chef de l'Opposition et ses collègues poser les questions qui leur semblent utiles, quitte à intervenir dans le débat de temps à autre. J'ai déjà eu de la part du chef de l'Opposition des demandes, quant à des renseignements d'ordre financier, sur la situation des caisses d'entraide. Il serait probablement utile, je pense, que le chef de l'Opposition puisse obtenir des caisses d'entraide tout renseignement utile à cet égard. Moi, j'ai ce qu'il faut de mon côté pour compléter. Dans ces conditions, je m'arrêterai là pour le moment. Je pense qu'il est important qu'on puisse sonder un certain nombre de choses qui nous ont été faites et retournées, pour les examiner. Je me réserverai seulement, peut-être, le rôle d'intervenir de temps à autre dans le débat, soit pour faire préciser quelque chose ou appuyer quelque chose, le cas échéant.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je vais parler brièvement à ce stade-ci; mon collègue, le député de Westmount, posera les premières questions tantôt, puis mes collègues et moi-même nous reviendrons ensuite, parce qu'il y a un bon nombre de questions que nous voulons adresser aux représentants des caisses d'entraide. Je voudrais leur dire tout d'abord que nous sommes bien contents de les rencontrer autour de cette table, que nous nous intéressons depuis le début au dossier des caisses d'entraide économique. Moi-même, M. le Président, je dois confesser mon conflit d'intérêts, je suis membre d'une caisse, comme plusieurs d'entre nous, d'ailleurs, ici autour de la table. Par conséquent, nous nous parlons...

Le Président (M. Boucher): ...

(21 heures)

M. Ryan: Très bien, très bien.

M. de Belleval: Cela prouve qu'on est une grande famille.

M. Ryan: II ne faut pas trouver trop de facteurs qui nous unissent, parce que ça peut inquiéter, d'un côté comme de l'autre. Je reviens. Par conséquent, nous sommes très heureux de vous rencontrer. Nous avons suivi le travail que vous avez accompli au cours des derniers mois.

Je voudrais simplement faire une correction à la suite de ce qu'a dit M. Tremblay tantôt. Il a dit que les responsables actuels du mouvement avaient offert au Mouvement Desjardins, ainsi qu'aux deux principaux partis politiques, tous les renseignements qu'ils pouvaient désirer. C'est vrai dans un certain sens, je me souviens d'avoir eu une rencontre avec vous-même et M. Lacoste au cours de l'été, au cours de laquelle vous m'avez donné certains renseignements; je vous en avais demandé d'autres, vous me les avez communiqués par téléphone.

Vous m'aviez dit vous-même que les facteurs principaux, c'était un travail de plusieurs mois avant de les recueillir: renseignements principaux sur l'état de chacune des caisses, sur la situation des prêts, etc. J'avais cru comprendre que quand ces renseignements auraient été colligés, ils seraient mis à notre disposition. Je faisais un reproche au ministre des Finances, hier, au cours du débat. Je lui disais: Vous nous invitez à un immense acte de foi. Vous devez convenir que nous n'avons aucun dossier devant nous, aucun dossier de faits, aucun dossier de statistiques les plus récentes, les plus solidement vérifiées.

Le ministre m'a dit: Moi, je les ai, mais je ne m'estime pas autorisé à vous les donner; vous les demanderez à ces gens quand ils viendront demain. Nous vous les demandons à nouveau. Je suis content de vous entendre répéter votre disposition à le faire. Si vous pensez que c'aurait été mieux qu'on les eût obtenues avant, si, même, vous pouviez en mettre à notre disposition au cours de la fin de semaine, parce que je crois comprendre que l'étude article par article serait faite lundi...

M. Parizeau: Nous commencerons probablement ce soir, et nous continuerons la semaine prochaine.

M. Ryan: À ce moment-là, ça pourrait nous être très utile pour le jugement que nous devons nous former, dans la mesure limitée de notre influence sur les décisions du gouvernement.

Je laisse la parole au député de Westmount, et il me fera plaisir de revenir tantôt pour poser une série de questions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais ajouter ma voix à celle du ministre des Institutions financières et Coopératives et à celle du chef de l'Opposition pour dire que nous sommes tous, je pense, remplis d'admiration pour le travail qu'a accompli l'équipe Dugal dans des circonstances extrêmement difficiles. Je pense que tout le monde en convient.

Je voudrais profiter de cette expérience qui est la vôtre quant aux activités des caisses d'entraide économique pour vous inviter, dans un premier temps, à nous faire une espèce de diagnostic de la faiblesse essentielle. Je dis la faiblesse essentielle parce que je vais essayer de vous décrire les options quant au choix de cette faiblesse. Ou bien il y avait un problème intrinsèque à une institution prêteuse auprès des PME en région, ou bien il y avait toutes sortes de problèmes qu'on peut appeler des problèmes de gestion auprès des caisses d'entraide.

Si le premier problème, le problème des risques intrinsèques à l'entreprise - bonne gestion, mauvaise gestion - était le seul problème, je présume qu'on n'aurait pas un plan de transformation qui vise essentiellement la même mission. Je présume que cela a dû être un problème d'administration et de gestion. Si oui, je voudrais entendre parler un peu plus de la question de l'encadrement, dont vous avez parlé, l'encadrement des ressources humaines que vous avez évité, en quelque sorte.

Je pose cette question parce que la seule analyse soutenue que nous ayons de la situation actuellement, c'est le rapport de 1978, avec lequel M. Lacoste est très familier. Mis à part ce rapport, nous n'avons pas vraiment de données historiques, une analyse en deux ou trois pages du noyau du problème. Nous savons qu'il y avait énormément de problèmes, mais c'est très difficile de juger lequel de ces problèmes était l'essentiel.

M. Dugal: II y avait, évidemment, comme dans toute institution financière, des faiblesses, c'est bien évident, dans le Mouvement des caisses d'entraide. En juin, si on veut cerner le problème, il faut dire que c'était un problème de confiance. Évidemment, ce qui a entraîné un déficit de liquidité, c'est le manque de confiance de nos membres à la suite de ce que vous savez. Toutes les faiblesses que nous connaissions déjà auraient fort bien pu être corrigées dans une situation normale et non pas de crise comme celle que nous connaissions.

M. French: Sans crise pas de correctifs. M. Dugal: Probablement.

M. French: Je suis un peu déçu. Recommençons! Vous prétendez essentiellement que nous vivons, par les temps qui courent, d'une politique monétaire qui n'était pas convenable aux caisses d'entraide économique, mais il faut dire qu'il y a beaucoup d'autres institutions qui souffrent de la même chose; avec les "savings and loans" aux États-Unis, on a vu cela. D'accord. Mais ce qui me préoccupe, je le répète, c'est que les institutions qui se consacrent à l'hypothèque résidentielle, au "short term paper", etc., n'ont pas subi le même genre de problèmes. Donc, est-ce que ce sont des problèmes intrinsèques pour fournir du financement aux PME? Est-ce faisable pour cette entreprise de fournir du financement aux PME en région avec une administration de meilleure qualité que celle qui a géré la boîte jusqu'ici?

M. Dugal: Pour faire le financement de la PME, il est évident que le mouvement des

caisses d'entraide avait une faiblesse au niveau de la structure de capital et c'est ce que nous corrigeons. Pour continuer à faire du placement du genre de celui que nous avons fait jusqu'à présent, il y a plusieurs mois que nous sommes convaincus que nous devons avoir une autre structure de capital. Il faut une structure de capital stable. C'est ce que nous avons dans le projet de loi. C'est ce que nous avons demandé.

M. Tremblay manifeste le désir d'ajouter quelque chose à cette question.

M. Tremblay (Gérald): Je pense qu'il y avait un problème administratif sérieux aux caisses d'entraide économique. Si, au niveau de la fédération, on n'avait pas investi une partie importante du portefeuille d'obligations et le dépôt statutaire dans des placements non liquides, par exemple, le mont Tremblant, pour en citer un que vous connaissez très bien, on aurait pu passer à travers la crise parce qu'on a 151 000 000 $ d'actifs au niveau de la fédération. Si cela avait été investi dans les normes que le ministère recommande dans son projet de loi, c'est évident qu'on aurait pu payer tous nos membres sans exception.

Toutefois, cela n'aurait pas réglé le problème important des ressources humaines au niveau de la fédération, c'est certain. C'est bien beau d'avoir de l'argent, mais cela doit être géré. Le problème des ressources humaines, on n'a jamais prétendu qu'on le réglerait du jour au lendemain. Sauf qu'il y avait assez de ressources humaines au niveau de la fédération pour nous permettre, dans un premier temps, de consolider les problèmes des caisses d'entraide économique, deuxièmement, de faire le ménage et, troisièmement, d'avoir les ressources nécessaires pour procéder, dans un premier temps, à la formation de nos ressources humaines et, dans un deuxième temps, à l'établissement des mécanismes essentiels en crédit industriel et commercial. Alors, j'espère que cela répond à votre question.

M. French: Cela répond certainement à ma question. C'est vrai que vous ne pouvez pas améliorer vos ressources humaines du jour au lendemain, mais, malheureusement, les épargnants, vos membres, sont obligés de prendre une décision du jour au lendemain. J'ai bien compris quand vous avez expliqué leur impatience à prendre une décision et votre opinion selon laquelle c'est essentiel d'ailleurs de prendre la décision dans les délais envisagés dans le projet de loi. Je l'ai bien entendu.

Mais il me semble qu'une des choses essentielles pour un épargnant, pour un membre, dans une région quelconque, c'est sûrement la confiance qu'il a dans les gens en place. Je vous ferai remarquer respectueusement que ce n'est pas la structure de capital qui va faire en sorte qu'un épargnant, dans une ville que je ne vais pas nommer mais dont le député de la région m'a dit qu'il ne voulait rien savoir de cette "gang"... Ce n'est pas un surplus de capital qui va régler le problème de confiance de cette personne. Comme vous l'avez dit au commencement, c'est une question psychologique, c'est une question de confiance. Cela va être partie intégrante de votre entreprise de faire valoir vos efforts afin de convaincre certains de nos gérants que l'appariement, c'est important et comment on fait cela, avec cette entreprise. C'est important pour votre plan de relance.

Passons aux structures de capital. On parle de structures de capital permanent; cela nous amène, comme hommes politiques, inévitablement à la question - comment l'exprimer, sans en préjuger? - de la participation continue d'un membre d'une caisse là où la majorité opte, avec les règlements fournis par la loi, pour continuer la caisse en société d'entraide. Quelle est la situation de l'épargnant qui a voté non, qui ne veut pas continuer? Pouvez-vous faire le tour de cette question? C'est extrêmement important pour nous, la question de la conception, si vous voulez.

M. Tremblay (Gérald): On est très très conscients de ce problème. Il y a un article du projet de loi - je ne me rappelle pas exactement lequel, au début, près de 34 ou 35 - qui permet la transférabilité. Nous sommes en ce moment en train d'établir des mécanismes qui vont, entre le 1er février et le 28 février, immédiatement après le vote, permettre à des épargnants qui ont réellement besoin de leur argent, qui vont atteindre l'âge de 71 ans, à ceux qui, en réalité, doivent avoir leur argent, de sortir de l'entraide économique.

Comment va-t-on faire cela? Ce qu'on nous dit et ce qu'on vit, c'est qu'il y en a qui croient encore à l'entraide économique. Simplement pour votre information, une statistique. Au début, on avait 150 000 membres, avant la crise, qui, à tous les mois, nous donnaient 100 $, 150 $ ou 200 $. Après la crise, après le gel, après tout ce qu'on peut avoir lu dans les journaux, on a encore 83 000 membres qui continuent régulièrement à verser ce qu'on appelle les PPA, les paiements préautorisés. Partant de là, on a énormément de gens dans les caisses d'entraide économique qui sont prêts à racheter, parce que c'est cela le but de la transférabilité, la partie du capital-actions d'une personne qui voudrait en sortir.

Mais, vous comprendrez que c'est assez complexe et on est à travailler à un plan qui va être gérable. C'est bien beau de dire: On va faire cela, mais on ne veut pas se ramasser du jour au lendemain avec une file à la porte. Les gens vont dire: On veut

notre argent, on veut notre argent, on veut notre argent. On est en train de faire ça d'une façon qui va, premièrement, s'intégrer à l'informatique pour ne pas perdre le contrôle de ça. Deuxièmement, on parle d'un registre pour intégrer ces gens-là et on veut garder le contrôle de la façon dont ça va se faire. Mais on est très conscient qu'il faut faire quelque chose.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le Président, pour votre information d'abord, je suis membre de la caisse de Berthier depuis au-delà de six ans. Ma question s'adresse à M. Lacoste. Je n'ai pas pensé de retirer mon argent. J'ai dit: C'est un bon Québécois, j'ai confiance et il faut le laisser là.

Vous étiez employé de la caisse d'entraide et vous l'êtes encore, je pense. Oui, vous êtes encore aux caisses d'entraide, M. Lacoste?

M. Lacoste: Non, je suis conseiller du président depuis la fin juin.

M. Houde: Je voudrais savoir combien il y a d'argent de prêté...

M. Parizeau: Cela n'a pas été perçu tout à l'heure. M. Lacoste a été jusqu'à récemment président de la Commission des valeurs mobilières du Québec et il est maintenant conseiller du président.

M. Houde: Ah bon! Je pensais qu'il était employé de la caisse d'entraide.

Combien y a-t-il d'argent - peut-être qu'un autre pourrait me répondre - prêté aux petites et moyennes entreprises et à quel taux d'intérêt en moyenne? Et aussi, j'aimerais connaître la durée des prêts aux petites et moyennes entreprises. Est-ce que vous pouvez me répondre là-dessus, s'il vous plaît?

M. Georgiev (Mario): Approximativement, le chiffre avancé par M.

Le Président (M. Bordeleau): On devrait lui prêter un micro, pour le journal des Débats.

M. Georgiev: Approximativement, il y a un milliard et quelques millions de prêts au solde aux livres et le chiffre avancé par M. Parizeau de 60% étant carrément du prêt industriel et commercial, est un chiffre conservateur, ça peut même aller à 70% dans certaines caisses, 60% étant à peu près le minimum. (21 h 15)

M. Tremblay (Gérald): On va vous le donner selon les états financiers vérifiés au 31 mai 1981. Sur 1 227 968 000 $ de prêt, si vous voulez vous limiter au prêt commercial et industriel - on oublie les hypothèques conventionnelles - c'est 859 040 000 $; on a des nantissements, des actes de fiducie au nombre de 133. Supposons qu'on enlève à peu près 1 000 000 000 $.

M. Houde: D'accord, environ 1 000 000 000 $. Et le taux d'intérêt pour ces petites et moyennes entreprises se chiffre à combien? 8%, 9%?

M. Georgiev: Ah, non!

M. Tremblay (Gérald): Non, voyons donc, on serait en faillite, à 8% ou 9%.

M. Georgiev: Actuellement, il est supérieur à 14,5%...

M. Houde: De 14,5%.

M. Georgiev: ... le rendement moyen pondéré du portefeuille.

M. Houde: Et la durée des prêts est de combien de temps, environ?

M. Georgiev: L'échéance moyenne d'un prêt commercial et la durée d'amortissement, si on parle de cela...

M. Houde: Oui.

M. Georgiev: ... est d'une quinzaine d'années. La clause de rappel, au moment où les conditions du prêt sont renégociées, était de trois ans jusqu'au début de 1980; depuis ce temps, les politiques sont de renouveler les prêts avec des clauses de rappel d'un an. Ce qui veut dire que l'échéance moyenne doit se situer actuellement aux alentours de seize mois.

M. Houde: Seize ans? M. Georgiev: Seize mois.

M. Houde: Combien avez-vous perdu d'argent dans des faillites jusqu'à présent dans les caisses d'entraide? Avez-vous la somme exacte des montants perdus dans des faillites à ce jour?

M. Georgiev: À titre de comparaison, sur une base courante, on a passé 8 000 000 $ en allocations aux créances douteuses durant l'année et la provision globale aux états vérifiés était de 14 000 000 $, ce qui veut dire qu'il nous restait encore 6 000 000 $ de provisions accumulées depuis les dernières années, non

utilisées, plus les 8 000 000 $ courants. Les pertes, sur une base courante, ne couvrent même pas les provisions comptables qu'on doit avoir en fonction des dispositions de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et de la Loi sur les caisses d'entraide.

M. Houde: Merci beaucoup.

M. Tremblay (Gérald): Au point de vue combiné, on a une réserve générale qui était de l'ordre de 16 000 000 $.

M. Houde: Merci beaucoup, j'ai fini.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Chambly ou M. le ministre.

M. Parizeau: Seulement des renseignements. J'avais indiqué au chef de l'Opposition officielle que je lui remettrais une répartition des prêts des caisses d'entraide selon différents types d'emprunteurs (crédit commercial, résidentiel, à quel groupe, etc.) et j'ai fait préparer un certain nombre de tableaux à cet égard dont je lui remettrai quelques copies ce soir.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Chambly. M. Lacoste.

M. Lacoste: Quand on parle du montant de prêts que nous faisons à l'entraide économique, il faut bien comprendre que ce sont tous des prêts à terme. Lorsqu'on parle de l'implication du mouvement de l'entraide en crédit commercial et industriel, nos chiffres ne couvrent que le prêt à terme. Je ne sais pas, lorsqu'on entend les statistiques du Mouvement Desjardins ou lorsqu'on lit certaines statistiques d'autres institutions financières, si leur implication, en crédit commercial et industriel, est également uniquement composée de prêts à terme ou si on inclut dans ces chiffres des marges de crédit ou du prêt à très court terme.

Quand on compare l'impact dans les régions des différentes institutions financières, il faut être bien certain que les chiffres qu'on a se comparent à ceux que l'entraide fournit. Je voulais faire cette mise au point pour être bien certain qu'on compare toujours la même chose.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lacoste.

M. le député de Chambly.

M. Tremblay (Chambly): Seriez-vous d'accord pour dire que la structure de placement maintenant proposée dans le projet de loi no 40 aura pour effet de baisser votre pourcentage de rendement, compte tenu du fait qu'il y aura nécessairement des prêts qui seront moins de risque que ce que vous avez fait jusqu'à maintenant?

M. Dugal: Je pense que c'est difficile de répondre à cette hypothèse. Cela aura sûrement une influence, j'imagine, puisqu'il y va y avoir un contrôle plus serré de la part du ministère sur la ventilation des prêts que nous allons faire. Il se peut que cela se traduise par une réduction de rendement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Parizeau: ... commentaire rapide là-dessus. Cela dépend essentiellement de la forme théorique de la courbe des taux de rendement. À l'heure actuelle, par exemple, et depuis déjà un bon bout de temps, le court terme rapporte beaucoup plus que le long terme. Pendant cette phase, dans la mesure où on exige une réserve de liquidités en court terme, le mouvement aurait fait plus d'argent. Dans la mesure où au contraire la courbe des taux est plus normale et que le court terme rapporte moins que le long terme, là, il est évident que sur la part de liquidités qui doit être vraiment maintenue en liquidités, ça rapporte moins. C'est la raison, je pense, pour laquelle c'est un peu difficile pour les caisses d'entraide. Cela dépend essentiellement de l'état du marché monétaire par rapport à l'état du marché financier. À certains moments, cela peut être plus, à d'autres moments, cela peut être moins.

M. Tremblay (Chambly): Autre question. Est-ce que vous avez tenté d'évaluer le temps approximatif que vous mettrez à regagner la confiance des épargnants chez vous, compte tenu du fait que c'est quand même amoché? Je suis heureux d'entendre qu'il y en a 82 000 qui ne l'ont pas perdue. Il y a quand même une couple de 100 000 qui sont plus réticents. Je me demande jusqu'à quel point vous allez être en mesure de reprendre cette confiance qui vous est nécessaire pour pouvoir fonctionner.

M. Dugal: Ce ne sera sûrement pas facile, mais, au moment où on se parle, il y a plus de 50% de ceux qui déposaient qui continuent à déposer. On peut pour le moins compter sur 52% de nos membres qui continuent de déposer. Avec la nouvelle équipe, avec le plan de redressement, avec une meilleure utilisation des ressources humaines et financières, je pense que c'est possible de regagner cette confiance au cours des deux prochaines années.

M. Tremblay (Chambly): Une dernière question rapide. Compte tenu du plan ainsi que de la loi 40, il reste quand même des risques que les caisses d'entraide ne passent pas au travers. Est-ce que vous seriez

d'accord avec ça?

Une voix: C'est vous qui le dites.

M. Dugal: Nous, on n'est pas d'accord avec ça. Depuis le mois d'août, vous savez, l'équipe qui est ici et celle qui est derrière nous, on a consacré des milliers d'heures à présenter un plan de relance; on y croit à ce plan de relance et on est convaincu qu'on va passer au travers. Pour ça, il faut gagner la confiance, il faut regagner la confiance de nos membres et, je viens de le dire, on en a déjà 52% de gagnés. On va essayer de gagner les 48% qui nous manquent.

M. Tremblay (Gérald): On est assez réalistes pour savoir qu'il va y avoir une contraction d'actifs. Après les transformations et dans les deux années à venir, on ne s'attend pas à avoir encore 1 200 000 000 $ d'actifs. Il va y avoir une contraction d'actifs qui va faire qu'il y a certains membres qui vont s'en aller. Mais nous pensons qu'avec la mission des caisses d'entraide économique et avec ce qu'on a l'intention de faire, si vous lisez l'article 47 du projet de loi, de l'éducation économique, on a absolument confiance.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, étant le plus vieux parmi vous, je vais me permettre de donner un conseil, faire une observation et poser une couple de questions. Vivant dans une région comme celle dont a parlé cet après-midi le ministre des Finances, quand il parlait de l'Abitibi, il est indiscutable que l'on constate que les sociétés prêteuses ne sont pas légion qui s'occupent de capital de risque dans nos régions. Quand je conteste l'idée de liquidation possible de certaines caisses, je vais vous donner un seul exemple qu'a peut-être confirmé davantage mon appréhension pour ces régions. Les sociétés prêteuses deviennent très nerveuses actuellement. Pas seulement chez vous, il y en a d'autres qui sont très nerveuses actuellement devant la flambée des taux d'intérêt et je voyais la semaine passée le rappel d'un prêt, qui était en défaut de la part d'une autre institution prêteuse, d'un actif assez bien quantifié, un très gros producteur de porc, un actif de 550 000 $, qui a été liquidé par la société prêteuse comme c'était son droit, par encan. Si cela avait été en faillite, cela aurait peut-être été pire, mais cela ne pouvait pas être une faillite. Et cela a donné comme résultat, que la créance de 200 000 $ a été récupérée, mais tout y a passé. Alors c'était pour vous dire un peu ce qui arrive lors de liquidation, quand cela arrive de façon pressée. C'est un peu le problème dans lequel on se serait placés, nous autres, dans des régions comme l'Abitibi et chez nous.

Vous avez parlé tantôt, que vous aviez gardé les meilleurs éléments humains, que vous aviez à la fédération, tant mieux. Un conseil que je voulais donner était le suivant. Vous avez dans les régions également, depuis quelques mois, attaché des personnes de valeur à l'administration. Et le conseil que je donne c'est que dans les mois qui vont suivre, si le plan de relance va de l'avant, vous devriez faire un effort qui ne va pas tout à fait dans le sens de ce qu'on a dit tantôt, quand on dit, je pense que c'est M. Tremblay qui disait cela: II faudrait assurer la continuité de ceux qui ont consenti les prêts, qui doivent les suivre. Et j'hésite à penser, que si c'est ce à quoi on doit s'attendre dans les mois qui vont suivre, la confiance pourrait revenir dans certaines caisses, si les mêmes personnes qui ont consenti certains prêts et qui sont responsables en très grande partie d'erreurs inacceptables continuent à y être, comme ce que j'ai vu lors de la dernière assemblée, chez nous.

Quant à vos assemblées, l'autre point de divergence que j'ai c'est l'information qui a été donnée à mes commettants. On a eu une diapositive et certaines indications du plan de relance mais il aurait été difficile aux gens, de se faire une idée de valeur, alors qu'aucun chiffre de l'ensemble du portefeuille n'était à la disposition de ceux qui étaient là.

Les deux questions que j'ai à vous poser sont les suivantes. Vous avez parlé tantôt, et cela m'a laissé perplexe un peu. On parle d'un plan de relance par lequel 25% du capital social serait gelé à vie, et 75% transférés à l'assurance-dépôts, ce qui garantirait au moins, que cette partie du capital, elle, soit sauvegardée. Et vous avez dit, il me semble, que ce ne sera peut-être pas partout 25-75. Je voudrais bien qu'on me dise, si dans l'ensemble des caisses, c'est 25-75 partout, pour tout le monde, ou si dans une caisse cela peut être 50-50. Là, je commencerais à me poser certaines questions. Est-ce qu'on peut d'abord répondre à cette question-là?

M. Dugal: 75-25 c'est une solution globale, et ce ne sera sûrement pas, dans toutes les caisses, les même normes de 25-75. Je pense que Mario pourrait le dire, parce qu'il a travaillé beaucoup au cours des derniers jours là-dessus, et cela pourrait être dans certaines caisses un pourcentage supérieur à celui-là.

M. Georgiev: En fait, le ratio de conversion 75-25 devra être établi, de façon à rencontrer les normes qui sont proposées dans la loi 40 quant à la distribution des actifs, avoir trois des actionnaires, face au

passif dépôt. Donc, il y aura peut-être, dans certaines caisses, et là on ne parle pas d'un cas généralisé, obligation de générer un peu plus de capital-actions, pour nous permettre de rencontrer un ratio dépôt versus capital qui entre à l'intérieur des normes qui sont fixées alentour de 5 pour 1.

M. Mailloux: Mais c'est un peu le point d'interrogation que j'ai à l'esprit. On a devant nous autres un projet de loi, évidemment qui dit, 75-25. C'est cela qui est écrit dans le projet de loi que la Chambre va étudier. Si l'Abitibi ou ma région ou une autre se retrouve devant une proposition par laquelle c'est 45 qui est gelé et c'est 55 dont il faudra attendre l'appariement pour six ans, de quelle façon envisage-t-on que ces caisses-là pourront résister à une telle obligation? Et pourquoi, s'il y a un problème qui concerne l'ensemble du Québec, n'est-on pas en mesure de faire en sorte que tout le monde soit traité sur le même pied? (21 h 30)

M. Parizeau: J'aimerais intervenir à ce point parce que j'ai l'impression que...

M. Mailloux: Je voudrais savoir vers où on se dirige.

M. Parizeau: Le 75-25 n'est pas dans la loi, il a toujours été dans le plan de la fédération. Chaque plan applicable à chaque caisse doit être approuvé par le ministère et c'est à ce moment-là que l'on déterminera autour de cette moyenne, 75-25, les ajustements nécessaires. Je voulais seulement corriger ceci, c'est que le partage 75-25 n'est pas dans la loi que nous avons devant nous. Il apparaît dans les plans de chaque caisse qui doivent être approuvés par le ministère.

M. Mailloux: M. le Président, avant l'assemblée du 31 janvier, si la date reste celle qui est indiquée dans le projet de loi, au moment où les sociétaires auront à se prononcer dans chaque caisse en particulier, il leur sera dit qu'elle est la partie de leurs épargnes qui devra être convertie à vie.

M. Lacoste: Le projet de loi prévoit qu'au plus tard le 15 janvier - et c'est une date que vous aurez à confirmer aussi - la fédération fera parvenir à chacun des sociétaires un document approuvé par la Commission des valeurs mobilières qui va déterminer précisément pour chacune des caisses quel est le nombre, le pourcentage de parts sociales transformées en actions et le nombre de parts sociales transformées en dépôt. Donc, pour chaque caisse, ce sera le même pourcentage mais cela variera d'une caisse à l'autre et les gens seront avertis avant l'assemblée. Chacun des membres recevra par la poste la précision quant à sa conversion, le pourcentage et, quant aux dépôts, la durée des dépôts et le taux payé.

M. Mailloux: M. le Président, s'il arrivait que dans une caisse donnée qu'on dise aux sociétaires que 45% de leurs épargnes seront gelés à vie, de quelle façon peut-on espérer qu'il y aurait une acceptation du plan de relance et qu'on ne serait pas placé face à une liquidation de certaines caisses? Je pense que c'est quand même la situation qu'on nous décrit actuellement. Cela m'amène à poser une autre question. Je pense que c'est ça la vérité.

M. Lacoste: Juste la première question, avec votre permission. Quand vous dites une partie gelée à vie, c'est toute la notion de ce qu'est une action. Ce qui est permanent, c'est le capital de la société, mais chacun des membres détiendra une action qui représentera ce pourcentage en capital-actions. Cette action pourra être échangée. Ce qu'on ne sait pas au lendemain de la transformation, c'est quel sera le prix qu'un membre pourra obtenir s'il veut vendre ses actions. Si une caisse est rentable, il y aura un prix à cette action. Alors, toute la notion de gelé à vie, ce n'est pas parce que le capital de la caisse est permanent que cela veut dire que chaque membre devra garder pour toujours ses actions.

M. Mailloux: Ce que j'ai voulu avancer, c'est que si un sociétaire s'aperçoit que 50% de ses actions sont gelées à vie, il va être prêt à accepter quasiment n'importe quoi à ce moment-là. Je vois mal la réaction qu'il doit avoir.

La question que je voulais vous poser est la suivante. Vous avez dit tantôt, M. Tremblay, qu'au 31 mai 1981 vous aviez déclaré 10% de rendement, au 30 septembre 1981, 4,75%...

M. Tremblay (Gérald): 31 mai 1981. M. Mailloux: 31 mai 1981, 10%. M. Tremblay (Gérald): C'est ça...

M. Mailloux: Au 30 septembre 1981, 4,75%.

M. Tremblay (Gérald): Et le 28 février 1982, 6,05%

M. Mailloux: Vous déclareriez dans votre prospectus un rendement de 6,05% au 28 février 1982.

M. Tremblay (Gérald): Non, jamais.

M. Mailloux: Ce n'est pas ça que vous avez dit tantôt? C'était quoi, le rendement,

pour le 28 février 1982?

M. Tremblay (Gérald): Non, j'ai voulu donner un exemple. Si on est capable de déclarer 6,05%, je n'ai pas dit qu'on le déclarerait. Lorsqu'on va faire l'appariement entre les ratios de conversion et d'endettement, on va peut-être devoir se servir du trop-perçu, ces 6,05%, pour créer une réserve additionnelle pour satisfaire aux exigences du ministère. J'ai dit que si, au 28 février 1982, on peut déclarer 6,05% sur 800 000 000 $ de capital-actions, si vous multipliez, cela fait 52 000 000 $ de protection, de rendement pour le Mouvement Desjardins. J'ai voulu faire le point. On dit que la police catastrophe dont on parle, cela peut coûter 90 000 000 $, mais la première année on a déjà 52 000 000 $ pour protéger cela, la deuxième année on va avoir de 60 000 000 $ à 70 000 000 $. Alors, c'est théorique de parler d'une police catastrophe qui va coûter au gouvernement 90 000 000 $.

M. Mailloux: M. Tremblay, les 4 075 000 $ que vous avez déclarés au 30 septembre 1981, ce n'était pas un pourcentage uniforme à travers les caisses.

M. Tremblay (Gérald): C'est cela.

M. Mailloux: C'était suivant le rendement de chaque caisse. Incidemment, dans le prospectus qui pourra parler de la possibilité d'intérêts que pourraient retirer des membres de caisses en détresse, il pourra être indiqué que le rendement est zéro aussi.

M. Tremblay (Gérald): C'est cela.

M. Mailloux: Celles à qui on demanderait peut-être 40% ou 45% de capital retenu à vie, cela pourrait être à zéro également.

M. Tremblay (Gérald): Certainement, il y a des caisses qui, à la suite des provisions additionnelles qu'elles ont prises, vont peut-être arriver avec un déficit. Alors, ce sera aux membres de décider s'ils acceptent le plan de relance ou non. S'ils considèrent, par exemple, que 50% c'est trop élevé, le choix qu'ils auront pourra être double: aller voir quelqu'un d'autre et lui dire: Écoutez, on veut s'associer avec vous, ou encore liquider leur caisse. Mais on est en train, parallèlement au travail qu'on fait pour chacune des caisses, de prévoir des plans de réorganisation dans des régions. M. Dugal a dit lors de son dîner à la chambre de commerce qu'on est assez réaliste pour réaliser qu'on n'aura pas 75 caisses d'entraide économique dans les cinq prochaines années. Peut-être qu'on n'aura que 30 caisses d'entraide économique qui représenteront plusieurs régions, avec un capital-actions de l'ordre de 100 000 000 1 Si on veut être rentable et pouvoir former les ressources humaines nécessaires pour réaliser la mission des caisses d'entraide économique, il va falloir en arriver là.

M. Mailloux: Cela répond à mes questions, mais cela augmente mes appréhensions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À moins qu'il y ait alternance ou que le ministre...

M. Parizeau: Parce que cela découle de certaines choses dont vient de parler le député de Charlevoix. J'aurais un commentaire, une question véritable et une question plantée, enfin que je me plante à moi.

Une voix: Pas pour la première fois.

M. Parizeau: Là je me la plante moi-même.

M. Guay: On peut toujours compter sur l'Opposition libérale pour faire cela aussi, on va gagner du temps.

M. Parizeau: Sur la question de l'état de certaines caisses actuellement, je pense que le député de Charlevoix doit bien se rendre compte, comme on s'en est tous rendu compte, je pense, tous les intervenants là-dedans, qu'il y a certaines caisses qui devront être liquidées. En tout état de cause, que ce soit au niveau du plan Dugal, des caisses pop, de n'importe quelle circonstance qu'on puisse imaginer, il y a quelques caisses dont on sait, depuis déjà assez longtemps, qu'elles ne peuvent pas continuer comme cela. Alors, bien sûr, un plan de redressement de ces caisses peut leur être présenté, dont on sait très bien que les conditions seront telles qu'il vaut mieux liquider. Il y a dans certains cas des prêts qui ont été faits dans des circonstances telles ou qui ont tourné de façon telle qu'à moins de vraiment croire au miracle de Fatima... Mais cela, c'est en tout état de cause et cela fait déjà assez longtemps. Il y a évidemment des possibilités de ne pas liquider, dans quelques-uns de ces cas-là, et procéder par fusion. Mais même dans un cas de fusion comme celui-là, je vois très mal ceux avec qui on fusionnerait, accepter n'importe quelles circonstances de fusion.

La question que j'aurais à poser est la suivante...

M. Tremblay (Gérald): M. Parizeau... M. Parizeau: Oui.

M. Tremblay (Gérald): Pourrais-je demander à M. Mailloux de ne pas, sur votre point, prendre le cas de la caisse de Charlevoix? Je comprends que cela peut vous préoccuper, mais c'est malheureusement une caisse qui a un problème sérieux de liquidité et de rendement; elle a un rendement négatif. On essaie de trouver une solution, mais on ne fera certainement pas de miracle dans le cas de la caisse de Charlevoix.

M. Mailloux: Je peux vous dire que je ne m'en sens pas responsable, parce que je n'ai jamais été un administrateur de la caisse dont vous parlez.

M. Tremblay (Gérald): Je comprends.

M. Parizeau: La question véritable, c'est ceci. J'ai appris ce soir quelque chose que je ne savais pas et je l'ai appris rapidement, alors, j'aimerais que vous explicitiez cela davantage. Vous disiez qu'avant que la crise commence, il y avait 120 000 membres qui, chaque mois, payaient leur tranche du plan d'épargne auquel ils avaient souscrit et qu'à l'heure actuelle, il y en aurait encore 83 000 qui feraient ça. Quand vous dites à l'heure actuelle, vous parlez de quoi? De la période où nous nous trouvons ou...

M. Tremblay (Gérald): Au 30 octobre 1981.

M. Parizeau: C'est-à-dire que les deux tiers des gens qui souscrivaient continuent de souscrire au 30 octobre.

M. Tremblay (Gérald): Vous dites 120 000, il y en avait 150 000.

M. Parizeau: Excusez-moi, 150 000. M. Tremblay (Gérald): 52,7%.

M. Parizeau: II y a encore 52,7% des membres qui souscrivent.

M. Lacoste: M. le ministre... M. Parizeau: Oui.

M. Lacoste: ... sur ces plans, jusqu'au 30 septembre, les contributions étaient versées pour l'acquisition de capital social. À partir du 1er octobre, ces contributions sont des dépôts à demande.

M. Parizeau: Est-ce qu'il y a une différence nette entre les régions urbaines et les autres régions, quant à ce genre de comportement? Ce que je veux dire, c'est que quand la crise a éclaté, beaucoup pensaient que ce serait en région qu'elle aurait ses effets les plus dramatiques et, en fait, c'est le contraire qui s'est produit, c'est dans un bon nombre de caisses urbaines autour de Montréal, dans Québec ou aux environs de Québec que l'impact a été le plus fort alors que dans des régions périphériques, au contraire, cela a très bien pris.

Dans votre idée, chez ces 53% de gens qui continuent de souscrire, est-ce que le phénomène est surtout en dehors de Montréal et Québec ou si c'est réparti à peu près également?

Une voix: Je n'ai pas les noms des caisses, j'ai seulement les numéros. Je ne les sais pas par coeur.

M. Dugal: II faudrait peut-être mentionner que le pourcentage serait probablement encore plus fort, car, au 22 août, lorsqu'on a déclaré le moratoire, il y a beaucoup de nos membres qui ont cru qu'ils ne pouvaient plus continuer à déposer à cause du gel. Il y en aurait encore beaucoup plus que ça. Cela a même augmenté de 53 $, comme moyenne mensuelle, à 61 $ entre juin et octobre.

M. Parizeau: Remarquez qu'implicitement, je ne considérais pas que 53%, c'était bas, je considère ça très élevé, compte tenu des circonstances. C'est assez extraordinaire.

M. Dugal: Ce n'est pas 53% mais 53 $ de dépôt. La moyenne de dépôt de 53 $ est passé à 61 $, de juin à septembre.

M. French: C'est impressionnant.

M. Parizeau: C'est très impressionnant, sauf que...

M. Ryan: Ce sont des plans à long terme. Ils ont droit de payer des frais d'entrée et de dire qu'ils aimeraient rester jusqu'à la fin.

M. Parizeau: Enfin, 4,5%, quand il y a un problème de confiance, vous savez... "Which do you prefer, keep your 4,5% or lose it?" J'attends la réponse, parce que j'aurais une nouvelle question.

M. Tremblay (Gérald): Sur nos feuilles d'informatique, on procède par numéro. On n'a pas la table de concordance, mais on peut vous dire qu'un numéro, Longueuil, par exemple, au mois d'octobre, a été renouvelé à 85,77%. C'est une caisse qu'on considère urbaine.

M. Parizeau: Écoutez, de toute façon comme on a des contacts de temps à autre, si vous pouviez me ramasser le renseignement et me le fournir...

M. Tremblay (Gérald): On l'a...

M. Parizeau: ... je trouverais ça très utile.

M. Tremblay (Gérald): ... si vous voulez prendre une caisse, laquelle?

M. Parizeau: Donnez-moi une espèce de résultat global, quand vous l'aurez, ce n'est pas nécessaire que ce soit ce soir.

La question plantée est la suivante. Maintenant, j'aimerais que vous indiquiez à la commission précisément ce que vous allez remettre aux membres d'une caisse comme renseignements sur le plan de relance de la caisse elle-même, pour l'assemblée du 30 janvier. Quel genre de renseignements financiers ces gens vont-ils avoir? (21 h 45)

M. Dugal: Voici l'expert et la brique.

M. Tremblay (Gérald): ... plantée?

M. Lacoste: On parle de ce qui, d'après la loi, doit être remis à chaque membre et de ce qui, d'après la Commission des valeurs mobilières, doit également être remis à chaque membre. Il y aura pour chaque caisse un document particulier et pour toutes les caisses un document commun. Dans le document commun, il y aura un exposé, une espèce d'historique factuel de ce qui se passe dans les caisses actuellement. Il y aura un exposé de ce qu'est le plan de relance, pourquoi, ainsi que ce que sera la société une fois transformée. Chacun des membres recevra en plus, en vertu de la loi, un document spécifique tel que mentionné dans le projet de loi qui donne les éléments de ce qu'on appelle le résumé du projet de transformation. C'est à l'article 6 du projet. Chaque membre saura exactement le nombre de parts sociales dans la caisse affectée par la transformation; il aura la description par caisse des caractéristiques de ces actions et des dépôts résultant de la transformation, la proportion des trop-perçus qui, pour l'exercice financier en cours, pourront être affectés au paiement de l'intérêt sur les sommes versées sur les parts sociales ou aux paiements de ristourne aux déposants ou emprunteurs.

Donc, chaque membre aura cette partie d'information sur la transformation de sa caisse. Il aura également les états financiers vérifiés de sa caisse au 30 septembre 1981 et un état financier pro forma basé sur les états au 30 septembre, mais illustrant l'effet de la transformation sur sa caisse d'après les données du 30 septembre 1981. Donc, concernant les documents financiers, les parts sociales, la partie qui s'en va en actions, la partie qui s'en va en dépôts, une idée des trop-perçus et des surplus et les états financiers de sa caisse, ainsi qu'un pro forma. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je remercie le ministre d'avoir posé cette question parce que c'est dans ce sens que je m'en allais précisément et cela aurait eu l'air que la question plantée venait de moi. Cela aurait été exceptionnel.

M. Lacoste, à la lumière de tous ces documents, à mon sens, surtout les états financiers, les termes et échéances de la portion dépôts, en faisant jouer le jeu des crédits d'impôt qui s'appliquent à la portion du capital-actions et qui résulteraient de la transformation pour chaque sociétaire, quel pourcentage croyez-vous, des quelque 300 000 membres des caisses d'entraide, seront à même, ce jour-là, à la lumière de ce renseignement, de calculer la valeur réelle du placement dont ils deviennent les heureux propriétaires? Ou comptez-vous... Je vais compléter pendant que vous y pensez.

M. Lacoste: Je ne peux pas répondre à cela. Je ne peux pas donner quel pourcentage.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ou comptez-vous, dans ce cas, indiquer aux membres des différentes caisses, à la lumière des états financiers et évidemment de la composition du nouveau capital-actions et de dépôts qui en résulteraient, fournir une façon, des indications à ces gens pour calculer la valeur réelle du placement qu'ils auront à ce moment?

M. Lacoste: La Commission des valeurs mobilières nous a déjà manifesté qu'il serait important d'avoir quelques exemples, dans la circulaire, pour que ce soit commun à tout le monde, de l'impact des avantages fiscaux. Il y aura probablement deux ou trois exemples; sûrement un exemple de quelqu'un qui a du capital social, mais qui n'est enregistré dans aucun régime; un autre exemple de quelqu'un qui a une portion de son capital social ou tout son capital social dans un régime enregistré.

Depuis que nous avons annoncé le plan de relance, nous avons organisé en plus des assemblées d'information dont on a parlé tantôt, ce qu'on peut appeler des assemblées d'information par petits groupes; certains diraient des assemblées de cuisine, où nous avons expliqué à nos membres, sur la base de notre projet, de notre plan - mais la loi

y donne effet - comment calculer pour chacune des personnes avec un petit tableau très simple l'impact de ce que nous appelons la contribution nette au régime, c'est-à-dire en enlevant la portion qui est remboursée par les crédits d'impôt, combien effectivement la personne peut calculer pour elle-même ce qu'elle laisse en capital permanent dans les actions de la nouvelle société.

On a déjà des modèles et nous prévoyons envoyer, dès que la la loi sera adoptée, à différentes corporations professionnelles, les comptables, les CGA, les avocats et autres, des modèles, pour que tous les gens puissent, dans toutes les régions, avoir accès à des gens qui peuvent le leur expliquer. Non seulement il y aura nos permanents des caisses, nos administrateurs, mais on va diffuser dans le milieu comment calculer cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord, je ne voulais pas évidemment faire d'ironie, ou vous attacher au mûr avec un pourcentage. Je vois que vous avez pris des dispositions pour que ce pourcentage des membres qui pourront calculer la valeur réelle de leur placement se rapproche de 100%. Si je comprends bien, dans le fond, c'est l'objectif.

La question reste de savoir si, à la lumière d'autres options, y compris celle de la liquidation, parce qu'il y a une valeur de liquidation également à ces placements, les informations que ces gens auront leur permettront de porter un jugement pour savoir s'ils veulent un peu d'argent tout de suite ou peut-être tout leur argent plus tard. C'est dans ce sens que je crois que, si on pense laisser l'occasion à ces gens de prendre une décision éclairée, il faut qu'ils puissent évaluer la valeur réelle de chaque option.

À l'heure actuelle, la documentation que vous préparez et les renseignements d'appoint, si je peux m'exprimer ainsi, que vous distribuez ne permettent que d'évaluer le plan Dugal pour ces gens, en l'absence de toute autre possibilité. Est-ce que vous prévoyez faire quelque chose dans ce sens?

M. Lacoste: Lorsque le plan a été déposé à l'assemblée du 22 août, nous avons demandé à chacune des caisses de nous envoyer, pour confirmer cela au niveau des conseils d'administration, des résolutions s'engageant à déposer le plan devant chacun des membres. Nous avons offert un modèle de résolution à tout le monde où il est clairement indiqué que chacune des caisses aura à se prononcer sur le plan de relance et sur toute autre solution.

Depuis les assemblées d'information et par toutes sortes d'autres contacts, on nous pose souvent la question: Que vaut ma caisse, si je la liquide demain? Vous comprendrez que, par le strict fait que nous puissions dire qu'il y a une liquidation, la première des choses, on se fait accuser de chantage. Nous n'avons pas le droit d'en parler, mais, quand on nous pose la question, le plus loin qu'on peut aller, c'est de dire aux gens: Essayez de vous trouver quelqu'un d'autre que nous pour vous dire quelle serait la méthode pour calculer la valeur des actifs en cas de liquidation et, à l'impondérable, s'il y a une caisse qui se liquide dans le Québec, ce n'est pas tellement grave, il y aura des preneurs pour ces actifs, mais s'il y a 75 caisses qui se liquident en même temps, le marché aura à absorber 1 200 000 000 $ de prêts et je n'oserais pas vous décrire l'histoire d'horreur que cela représente pour nos membres.

Il n'y a personne aujourd'hui qui peut dire avec certitude ce qu'est la valeur de liquidation. Ce qu'on sait, par ailleurs, c'est que nous n'avons pas le droit de le mettre dans la circulaire, parce que la Commission des valeurs mobilières, en vertu de ses normes, défend de faire des projections dans des documents comme ceux-là, sur ce qui peut arriver. Tout ce qui est permis, c'est de faire des hypothèses sur le passé, mais on n'a pas le droit de faire des projections et on n'a pas le droit, en vertu des règles de la commission, d'inscrire dans un document comme celui qu'on va soumettre à nos membres quelle serait cette valeur. C'est au conseil d'administration de chacune des caisses de voir soit à engager quelqu'un ou à prendre un spécialiste pour dire: Je l'évaluerais comme ceci ou comme cela, mais nous ne pouvons pas donner ce chiffre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je veux bien croire que, dans le cours normal des choses et des émissions de prospectus ou autres documents approuvés par la Commission des valeurs mobilières, il n'est pas question d'indiquer quelle est la valeur de liquidation de l'entreprise qui tente de se procurer du financement. C'est à titre d'exemple, je ne pense pas qu'on soit devant un cas semblable de toute façon, mais on peut passer là-dessus.

Quant à la valeur plus proprement dite de la portion capital-actions qui résulterait de la transformation, on emploie toutes sortes de termes, y compris "gelé à vie", ce à quoi vous avez répondu: "Bien non, la nature même d'une action ne doit pas être assimilée à un placement qui est gelé à vie. J'ai eu beau feuilleter - peut-être pas assez attentivement, on verra - le projet de loi, je n'y trouve que deux occasions pour un actionnaire éventuel de réaliser son placement, soit dans les 30 jours qui suivent la transformation... Alors, ça, c'est une fenêtre de 30 jours.

M. Lacoste: Les 30 jours suivant le vote, mais avant la transformation.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mais avant la transformation, je m'excuse. De toute façon, il y a un délai de 30 jours dans lequel il peut réaliser, à cinq dollars, la valeur nominale sur son placement ou, alors, après son décès. C'est-à-dire que la succession pourra demander que la caisse rachète. Et la caisse ne rachètera pas nécessairement, à moins qu'elle ne rencontre certains tests objectifs des ratios qui sont relativement courants dans le cas des compagnies à capital-actions qui ont le droit de racheter leur capital-actions émis et en cours.

Si ce n'est pas gelé à vie, mais qu'on peut simplement avoir 30 jours pour les vendre après le vote et, simplement ensuite pour l'éternité, lorsqu'on a trépassé, j'essaie de voir où se trouve, entre ces deux dates, le 28 février 1982 et la date du décès, les occasions de constituer un marché secondaire, les occasions, pardon, de réaliser ce placement-là sur un marché secondaire. J'aimerais simplement entendre vos commentaires sur les perspectives d'un tel marché dans un avenir quand même prévisible.

M. Lacoste: Vous comprendrez que nous avons clairement indiqué dans le plan de relance qu'au lendemain de la transformation il n'existe aucun marché secondaire. Il faut que ce soit bien clair; que les gens ne pensent pas que, le 2 mars au matin, ils seront capables de trouver preneur. Mais, si on regarde la vision à un peu plus long terme, on a parlé tantôt d'une trentaine de caisses dans les régions du Québec. Il est évident que ces 30 caisses-là, ce n'est parce qu'il y en a en 45 qui ont refusé le plan de relance; c'est qu'après la transformation il faut regrouper les caisses pour en faire des institutions avec une quantité d'actifs telle, qu'on peut justifier des coûts d'administration avec les meilleures expertises et avoir un réservoir d'actifs sur lequel travailler.

Moi, je vois très bien - et là, c'est une question qui pourra être adressée au ministre des Institutions financières - dans un avenir qui n'est pas si loin, qu'on puisse retrouver dans des régions du Québec des places de marché où les gens qui ont des titres dans les entreprises de ces régions-là puissent se rencontrer, ne serait-ce qu'une fois par semaine ou une fois par mois. On devra innover en vue de décentraliser nos places de marché parce que moi, je ne me vois pas personnellement d'envoyer les gens de la région d'Abitibi transiger leurs actions à une Bourse à Montréal; ça ne voudra rien dire à ce marché-là. Il faudra innover, il faudra proposer des places de marché où non seulement les titres des sociétés d'entraide, mais peut-être des titres de SODEQ, des titres d'entreprises qui ne sont pas inscrites à la Bourse, mais qui sont des compagnies publiques pourraient se transiger au niveau régional. Je pense qu'avec le temps on trouvera des solutions à ça.

M. Parizeau: II y a, d'ailleurs, plusieurs courtiers qui s'intéressent à ça.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'allais suggérer qu'on ne décentraliserait pas le marché, mais peut-être les maisons de courtage et que l'expertise est que ces transactions-là se déroulent beaucoup plus au téléphone que sur l'autobus entre Rouyn et Montréal. Ce n'est pas la question. Alors, quant au marché, on va voir; autrement dit, il y a des espèces de prévisions ou d'espoirs que se constituera un marché qui pourrait permettre à des gens d'échanger ces titres-là. C'est tout ce qu'on peut dire à ce moment-ci. C'est entendu, c'est évident. M. Dugal.

M. Dugal: J'aimerais peut-être ajouter que, étant donné que 43,7% de nos membres ont moins de 1000 $, à 25%, ça fait 250 $; 25% de réduction d'impôt - je parle de quelqu'un qui paie de l'impôt - en supposant un taux moyen de 22%, ça fait 47%, ça fait à peu près 50%, ça veut dire un investissement de 125 $. Il ne faut pas dramatiser, non plus. Pour 43,7% de nos membres, ça représente 125 $ d'investissement dans sa région, pour son développement régional. On ne peut pas appeler ça... C'est moins que la quête du dimanche, pour un an! Ce n'est pas beaucoup. (22 heures}

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aurais une troisième et dernière question, M. le Président, à l'adresse de M. Tremblay qui a indiqué tout à l'heure que le plan que vous proposez contenait les germes d'une moins grande perte, si je comprends bien, pour les membres que la solution Desjardins, et c'est là que je voulais en venir, avec l'établissement des valeurs qui demeure en suspens à bien des égards. Vous affirmez que vous pourrez assurer du rendement et protéger le capital, mais qu'il y aurait un sacrifice de rendement, si je comprends bien, alors qu'une autre solution tendrait par le mécanisme d'escompte à éroder le capital tout en garantissant un rendement supérieur sur un capital moindre. À mon sens, dans les deux cas, il y a une perte et si la perte qu'on chiffre éventuellement par quoi que ce soit existe dans les faits, - elle existe quelque part dans l'abstrait, on ne la mesurera que lorsqu'elle se sera produite - il y a quelqu'un qui va payer pour cela, de toute façon. J'aimerais que vous m'expliquiez comment, dans votre plan, par opposition à

d'autres choix, la perte réalisée, parce qu'elle le sera un jour sur certains mauvais prêts de toute façon, serait moindre en vertu de ce plan qu'en vertu d'autres solutions.

M. Tremblay (Gérald): Ce que je prétends, c'est qu'il est vrai qu'il va y avoir une perte des deux côtés, mais pas une perte de capital, une perte de rendement. Je prétends que la perte de rendement va être de beaucoup inférieure dans le plan Dugal par opposition au plan Desjardins et je vous ai expliqué pourquoi.

Si on fonctionne "as a going concern", si ce sont les mêmes personnes qui réalisent les investissements à cause de la relation personne à personne, il est évident que la perte de rendement sera inférieure avec les caisses d'entraide. Finalement, en plus de cela, même si vous aviez raison à l'effet que la perte de rendement est la même, il demeure un fait qu'il y a un crédit d'impôt jusqu'à concurrence de 90 000 000 $ qui s'ajoute à la troisième variable qui est importante, que le Mouvement Desjardins n'offre pas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Évidemment, le crédit d'impôt à l'égard de 43,7% des membres est relativement insignifiant, alors que, je pense, pour une société comme le Mouvement Desjardins, c'est substantiel, 90 000 000 $ de crédit d'impôt. Si on regarde comment ces sommes peuvent être utilisées dans le développement économique, déjà, on ne parle plus de la même chose, je pense bien, de la même ampleur.

Ce que je relève déjà dans votre réponse, j'ai l'impression qu'on tourne en rond à certains égards. L'insistance que vous mettez, afin de protéger le capital, sur le maintien en place des gens qui sont aujourd'hui dans les caisses, tout en déplorant que ces mêmes gens, effectivement, dans de nombreux cas, ne devraient pas rester là parce qu'ils sont à la racine même de la crise et du problème que nous avons vécu l'été dernier et qui s'est accumulé sur plusieurs années, j'aimerais que vous m'expliquiez bien honnêtement ce paradoxe, cette contradiction dans les exposés que vous m'avez faits.

M. Tremblay (Gérald): Cela dépend de quels gens on parle. Ce que j'ai mentionné concernait les 76 directeurs généraux.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous voulez qu'ils restent ou qu'ils partent, ces 76 directeurs généraux?

M. Tremblay (Gérald): Non, moi je prétends que ceux qui ont livré la marchandise pour nous permettre de préparer les données financières ce sont nos directeurs généraux, ce ne sont pas nos administrateurs. Je prétends que la structure passée favorisait une prise de décision non pas au niveau des directeurs généraux, mais au niveau des conseils d'administration et le nouveau projet de loi prévoit clairement que, premièrement, le mandat des nouveaux administrateurs sera d'un an. Deuxièmement, les administrateurs ne devront pas nécessairement être des actionnaires; donc, on pourra avoir des personnes de l'extérieur. Troisièmement, on aura une commission de crédit qui ne sera plus composée de membres élus; elle permettra d'avoir des personnes de l'extérieur donnant des garanties additionnelles pour le contrôle. Un exemple précis: Dans le cas du centre commercial La Tuque, le directeur général de la caisse savait très bien qu'il devait prendre une provision pour le prêt sauf que des administrateurs de La Tuque - je parle de quelque chose qui a passé à la télévision alors, je n'invente rien - ... Au conseil d'administration, il y avait des gens qui étaient propriétaires du centre commercial. Donc, ils n'étaient pas intéressés à prendre une provision, parce que ces gens-là devaient se présenter devant leurs membres et dire: On vient de perdre 300 000 $ ou 400 000 $. Moi, je fais confiance à mon directeur général parce que dans le fond c'est lui qui fait le quotidien. Alors, lorsque j'ai mentionné les ressources humaines en place, moi, j'ai parlé de mes 76 directeurs généraux; par ceci je ne veux pas que vous teniez pour acquis que tous les administrateurs n'étaient pas bons, moi je dis qu'il y en avait. Ceux-là sont déjà partis ou ils vont partir.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais être bref compte tenu que plusieurs de mes collègues ont eu l'occasion de poser des questions et aussi compte tenu de l'heure, vu que nous sommes conviés à étudier le projet de loi article par article ce soir.

Alors, M. Dugal, M. Lacoste, messieurs, j'ai une caisse d'entraide dans mon comté qui est bien active, qui a joué un rôle important au chapitre du développement économique dans le comté de Portneuf. J'aurais eu des commentaires peut-être un peu plus longs à faire et j'aurais à formuler certaines appréhensions, certaines satisfactions aussi, mais je crois que le député de Charlevoix, M. Mailloux, a bien résumé la situation et le rôle que peuvent jouer les caisses d'entraide dans des comtés ruraux comme ceux de Portneuf et de Charlevoix, dans les comtés où plus particulièrement les institutions financières comme les grandes banques n'ont pas toujours pignon sur rue, ne sont pas toujours

là.

Dans Portneuf, notre caisse, en 1981, avait 20 000 000 $ d'actifs, avec plus de 6000 membres; 860 prêts ont été faits. Les montants qui ont été prêtés depuis la fondation de la caisse chez nous c'est quand même important, c'est 50 000 000 $ qui ont été prêtés à des entreprises du comté; les pertes, ça je tiens à le dire, sur les prêts depuis la fondation représentent 183 000 $, ce qui fait 0,003%.

Depuis deux ans la caisse d'entraide économique de Portneuf a crée ou maintenu au moins 420 emplois et c'est ce pourquoi non seulement le député mais la très grande majorité des citoyens considèrent l'importance de notre caisse locale.

Je dois vous dire la solidarité exprimée depuis les événements du mois de mai. Avant le 30 mai dernier, les dépôts mensuels à la caisse d'entraide chez nous étaient de 150 000 $ et sont maintenant aujourd'hui, malgré la tempête qu'on a traversée, de 100 000 $ par mois, ce qui témoigne assez clairement de la volonté des gens du comté de garder notre caisse bien vivante, bien à nous et bien rentable.

Par contre, il y a des inquiétudes qui ont été formulées de la part de membres qui avaient de l'argent chez nous, et j'ai deux questions bien spécifiques à vous poser qui sont les suivantes: Ceux qui ont placé de l'argent, la très grande majorité ce sont des gens qui avaient des sous à placer, mais parmi ceux-là plusieurs ont placé de l'argent sous l'égide de programmes tels que épargne-retraite et épargne-logement. Le problème particulier qu'on vit chez nous c'est l'inquiétude chez les gens qui avaient des sommes de placées dans une perspective d'épargne-retraite.

L'article no 207 du projet de loi prévoit certaines dispositions relatives à la possibilité pour une personne qui a placé de l'argent dans l'épargne-retraite de ravoir son argent à un certain âge; je comprends que 75% de cet argent sera en dépôts à termes à l'avenir et 25%, en capital social. On a dit à l'assemblée qu'on a eue dans mon comté qu'en ce qui concerne le 25% ce serait possible que celui qui l'a déposé puisse en bénéficier seulement une fois qu'il soit devenu un de cujus, c'est-à-dire au lendemain de son décès. Ce serait sa succession qui pourrait le toucher, et pas nécessairement au moment du décès, mais peut-être un an, deux ans, trois ans après.

Avez-vous envisagé la possibilité peut-être que le ministre des Finances pourra ajouter aussi - que dans les cas particuliers d'épargne-retraite le 25% qui sera converti en capital social puisse être distribué jusqu'à concurrence de 5% par année à partir de 60 ans? J'aimerais vous entendre là-dessus et voir ce que ça pourrait impliquer.

M. Lacoste: Est-ce que vous voulez dire par le rachat par la caisse des actions, 5% par année?

M. Pagé: Oui.

M. Lacoste: Nous n'avons pas fait cette proposition, si ça répond à votre question.

M. Pagé: Si vous aviez à la considérer, ça pourrait impliquer quoi?

M. Lacoste: II y a une décision au niveau des institutions financières qui a été prise dès le début de nos tractations, soit que le genre de capital que l'on veut voir dans les institutions que seront les sociétés d'entraide et du capital non rachetable par la caisse. Et le volet du rachat en cas de décès vise une situation bien précise des gens qui ont ce capital lors de la transformation et le premier acquéreur subséquent. C'est une question de politique d'institutions financières.

M. Pagé: Si une mesure de rachat était permise par le ministère, que c'était prévu dans la loi, cela pourrait représenter combien au Québec?

M. Dugal: Je pense qu'on les a... Mario... c'est facile à répondre.

M. Georgiev: Si on englobe l'ensemble de nos régimes enregistrés d'épargne-retraite, on peut penser à un montant d'environ 80 000 000 $ de capital-actions qui sera généré à l'intérieur de ces régimes-là. À 5% par année.

M. Pagé: 16 000 000 $. L'épargne-logement. Je dois vous...

M. Georgiev: L'épargne-logement, c'est...

M. Pagé: ... dire que plusieurs jeunes couples de mon comté sont inquiets dans le sens qu'ils avaient prévu se construire une maison à l'automne 1981 ou au printemps 1982. Malgré - comme je vous le disais -qu'il y a beaucoup de solidarité, que les gens soient conscients qu'on peut, et on l'espère, passer à travers, selon un plan ou l'autre, peu importe, mais que cela puisse continuer à servir à la communauté du comté. L'inquiétude se manifeste surtout chez les jeunes couples, notamment qui ont prêté de l'argent dans la perspective de construire leur résidence et que là, ils se voient confrontés à une fin de non-recevoir, tout au moins une fin assez difficile à prévoir. Y a-t-il quelque chose à faire?

M. Dugal: Moi, je peux dire, qu'on s'interroge sur cette question depuis le tout

début, c'est une des contraintes, peut-être, du plan de relance la plus difficile et on n'a pas de solution encore, au moment où l'on se parle.

M. Pagé: Cela pourrait représenter combien si l'épargne retraite pouvait représenter 80 000 000 $?

M. Georgiev: L'épargne-logement à 8 000 000 $ environ.

M. Pagé: 8 000 000 $, par année?

M. Georgiev: Non, 8 000 000 $ au global. On a des fonds d'épargne-logement pour environ 35 000 000 $ actuellement. Un rapport de 4 pour un, 8 000 000 $, 8 500 000 $ de 25% de capital-actions généré.

M. Pagé: D'accord, pas plus que cela. Merci.

M. Tremblay (Gérald): Mais, on l'a demandé, on est très conscient de cela...

M. Pagé: Puisque vous avez demandé, vous l'avez formulé comment?

M. Tremblay (Gérald): Pas verbalement, par écrit...

M. Pagé: Non, je suis d'accord, mais vous avez demandé quoi exactement? Que la possibilité de...

M. Dugal: De libérer entièrement.

M. Pagé: Entièrement.

M. Dugal: Partiellement, entièrement...

M. Tremblay (Gérald): Les régimes d'épargne-logement, les personnes qui vont atteindre l'âge de 71 ans lors de la... Il y a 18 personnes alors, on voulait faire des exceptions pour ces personnes-là. Alors la seule possibilité de réaliser ce que vous demandez, c'est par le biais de la transférabilité; alors, entre le 1er février et le 28 février 1982, c'est cela qu'on étudie mais on ne veut pas, surtout pas, créer des attentes chez les gens...

M. Pagé: D'accord.

M. Tremblay (Gérald): ... parce que cela prend un acheteur.

M. Dugal: On va vous dire pourquoi, il y a une raison plus profonde.

M. Lacoste: Dans la période du 22 août à aujourd'hui, vous savez que le moratoire était imposé en vertu de l'article no 31 de la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Il n'était pas possible de faire des exceptions à cause de la nature même de l'article no 31. La seule façon qui est possible de sortir d'une caisse qui invoque l'article no 31, c'est de prendre le no 1 sur la liste, le premier qui l'a demandé, le deuxième, le troisième. Or, on ne pouvait pas - à moins d'amender rétroactivement cette loi - permettre d'aller chercher un couple qui a 70 ans, qui a le numéro 200 sur la liste. Cela est très pénible pour nous. On pense que la transférabilité sera la solution dans la mesure où les gens du milieu voudront s'entraider pour ceux qui en ont le plus besoin - dans la période après le vote et avant la transformation - aller chercher cette partie en capital-actions et payer ces gens.

Le Président (M. Bordeleau): Merci Alors, étant donné qu'il n'y a plus d'intervenants...

M. Ryan: Ici.

Le Président (M. Bordeleau): ...excusez, M. le chef de l'Opposition.

(22 h 15)

M. Ryan: D'abord, je voudrais vous interroger sur le Mouvement Desjardins. Vous nous avez dit tantôt, je ne sais pas si c'est M. Dugal ou M. Tremblay, qu'au mois d'octobre, je pense que c'est le 5 octobre, vous aviez soumis un projet au Mouvement Desjardins, auquel projet vous n'auriez pas reçu de réponse et qui n'aurait entraîné aucune réaction de la part du Mouvement Desjardins. Si je comprends bien, dans ce projet que vous aviez soumis - j'en ai fait une lecture rapide, parce que vous me l'avez remis après la séance de cet après-midi -vous proposiez au Mouvement Desjardins de devenir actionnaire à 20%. Vous lui demandiez de mettre 40 000 000 $ dans l'affaire et vous lui offriez en retour une participation à 20% dans le capital-actions, autant au niveau des caisses individuelles que de la fédération. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Tremblay (Gérald): II prenait une participation au niveau des caisses individuelles.

M. Ryan: Au niveau de la fédération, est-ce qu'il y avait quelque chose de prévu dans votre plan?

M. Lacoste: Non, parce que la fédération... On prévoyait une présence des membres du Mouvement Desjardins au conseil d'administration de la fédération.

M. Ryan: Une présence, ce n'était pas plus précis que ça.

M. Tremblay (Gérald): La fédération, c'est la propriété des caisses, ce sont toutes les caisses, individuellement, qui détiennent la fédération; donc, en étant actionnaire d'une caisse, le Mouvement Desjardins est propriétaire, en partie, de la fédération.

M. Ryan: Et la prise de participation du Mouvement Desjardins se serait faite par l'intermédiaire du Crédit industriel Desjardins, si j'ai bien compris?

M. Tremblay (Gérald): C'est ça.

M. Ryan: Vous autres, vous envisagiez deux réseaux parallèles qui continuaient à se faire concurrence, si je comprends bien, entre lesquels il n'y avait aucune intégration au niveau des unités locales ou régionales.

M. Tremblay (Gérald): On prévoyait, c'est dans le document, une réorganisation complète des caisses d'entraide économique. Ceci voulait dire, dans une période de transition, qu'il y a sûrement certaines caisses d'entraide économique qui devaient être liquidées, premièrement; deuxièmement, il y a d'autres caisses d'entraide économique, à vocation principale de prêts personnels et de prêts à l'habitation, qui auraient été fusionnées avec les caisses populaires locales. C'est dans cette optique qu'on dit qu'il serait resté une quarantaine de caisses d'entraide économique et principalement, à ce moment-là, lorsqu'on parlait, on savait très bien que le Crédit industriel Desjardins avait ses placements, principalement, dans des régions urbaines. Alors, on se disait que le Crédit industriel Desjardins allait continuer à jouer un rôle primordial au niveau des zones urbaines et nous, les caisses d'entraide, on allait jouer ce rôle dans les régions économiques où nous sommes déjà très bien implantées. C'est ça le plan.

Le plan allait plus loin que ça dans le sens que l'hypothèse qu'on faisait, c'était que le Mouvement Desjardins, dans le crédit industriel et commercial, au niveau régional, va faire surtout des marges de crédit, du financement à court terme et les caisses d'entraide économique vont se spécialiser dans le financement à terme. C'est au niveau de l'actif. Au niveau du passif, on se disait: On va concurrencer le Mouvement Desjardins au niveau de la cueillette de l'épargne, mais notre cueillette de l'épargne va demeurer de l'épargne méthodique. En d'autres mots, une épargne où on va aller voir le petit épargnant, on va faire de l'éducation économique avec lui et . on va percevoir son épargne. C'était à ce niveau que le projet d'association devait se faire.

M. Ryan: Je signale justement, pour mémoire, qu'en regardant les chiffres de vos placements que vous avez communiqués tantôt par l'intermédiaire du ministre des Finances, parce qu'on a eu un petit débat à l'Assemblée nationale là-dessus hier, d'après les statistiques prima facie, le Mouvement Desjardins a deux fois plus d'argent investi dans le prêt industriel et commercial que les caisses d'entraide économique. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ça.

M. Tremblay (Gérald): J'aimerais avoir le détail de ça au même titre qu'on vous donne...

M. Ryan: D'après les chiffres qu'on m'a fournis, au Mouvement Desjardins, actuellement, il doit être à peu près à 1 200 000 000 $ ou 1 300 000 000 $. Vous autres, à la fin de 1980, dans le prêt industriel et commercial, c'était 620 000 000 $. Il faut arrêter de répandre des légendes selon lesquelles le Mouvement Desjardins ne serait pas présent dans ce secteur. Je pense qu'il l'est de manière considérable. C'est seulement une parenthèse que je faisais pour introduire une autre question. Si je comprends bien, jusqu'à maintenant, depuis que vous avez fait une proposition au Mouvement Desjardins, en date du 5 octobre, il n'y a plus eu de contact entre les deux mouvements. Avez-vous eu une réponse à cela? Je voudrais savoir cela bien clairement.

M. Tremblay (Gérald): Non, il n'y a jamais' eu...

M. Dugal: Non, il y a eu trois rencontres, les 11, 19 et 21 septembre. J'ai toujours dit à M. Blais que j'étais prêt. On a même proposé, M. Ryan, à M. Blais un communiqué de presse conjoint dans lequel on s'engageait à négocier ensemble, à s'asseoir, à essayer de trouver une solution ensemble et pendant le temps qu'on négocierait on convenait, dans ce communiqué de presse, qu'il n'y aurait aucune déclaration de faite. J'avais demandé à M. Blais s'il serait consentant à faire un communiqué de presse conjointement. La réponse a été non. J'ai dit à M. Blais: Si la proposition qu'on vous a faite le 19 septembre lorsqu'on est allé vous voir, concernant le sigle, si on ne peut pas faire de communiqué de presse ensemble, la prochaine fois, si vous voulez qu'on se rencontre, c'est vous qui allez m'appeler, parce que la réponse que vous me donnez, c'est toujours non. C'est cela, l'état de nos relations.

M. Ryan: Si vous me permettez de continuer. M. Tremblay tantôt a fait un certain nombre d'affirmations qui demandent des explications, je pense bien. Il a dit: Nous autres, nous proposons un plan pour la protection du capital. Nous sommes en

mesure de le quantifier. Nous pouvons garantir qu'il n'y aura pas de perte là-dessus, qu'il va y avoir un certain rendement, qu'il va y avoir en plus accès à des avantages fiscaux. Le Mouvement Desjardins est obligé de dire qu'il va y avoir des pertes. Je ne sais pas, je trouve que c'est un petit peu simple comme présentation des deux points de vue. Je vous avoue que, personnellement, je n'accepte pas cette présentation. Si le Mouvement Desjardins n'a pas les mêmes données que vous, s'il n'en a pas plus que moi, il ne peut évidemment pas présenter un plan quantifié, je pense que cela saute aux yeux. Est-ce que vous êtes prêts à mettre à la disposition du Mouvement Desjardins les données objectives et complètes dont ce mouvement aurait évidemment besoin pour présenter une proposition qui serait plus précise que les principes auxquels il a apparemment voulu s'en tenir jusqu'à maintenant.

M. Dugal: Ce n'est pas facile de répondre à cette question. M. Tremblay a laissé entendre clairement tout à l'heure que pour pouvoir donner les données à nos membres pour le 15 janvier prochain, nous avons dû consacrer plusieurs semaines, plus de six semaines de travail pour pouvoir... Il faut avoir accès à nos données qui sont dans l'ordinateur et tout cela. On se demande si c'est humainement possible, même s'ils possédaient tous nos états financiers, d'arriver à cette date. Cela nous paraît impossible.

M. Ryan: Cela nous pose le problème de l'échéance du 31 janvier 1982. Pour vous autres, d'après ce que décrit le projet de loi, toutes les assemblées de prise de décisions doivent avoir lieu avant le 31 janvier 1982.

M. Dugal: C'est cela.

M. Ryan: C'est une affaire arrêtée de manière fatidique, j'imagine, M. le ministre.

M. Parizeau: Non, il y a l'article 36 dans la loi qui prévoit que les dates peuvent être changées par le ministre.

M. Ryan: II y a tellement de choses qui peuvent être décidées par le ministre que celle-là m'avait échappé!

M. Parizeau: Vous voyez que certaines des choses décidées par le ministre peuvent être commodes!

M. Ryan: Oui, très bien. Je n'irai pas plus loin dans cette voie, parce que je m'aperçois que c'est délicat et que les facteurs humains me semblent occuper une place considérable. Il me reste à dire, sur cette question du mouvement Desjardins, qu'on va se fier sur le ministre qui, à toutes fins utiles, prend le contrôle du mouvement des caisses d'entraide économique. Cela m'étonne ce point de vue, je vous le dis bien simplement, que vous avez semblé éprouver énormément de scrupules à voir le Mouvement Desjardins prendre un contrôle d'une manière ou de l'autre, mais pour l'instant je pense que le ministre va prendre un contrôle complet. C'est lui-même qui va vous nommer, dès que la loi sera adoptée, si je comprends bien, pour une période dont on ne connaît pas la durée, ce n'est pas indiqué clairement dans le projet de loi.

M. Parizeau: C'est très peu de temps.

M. Ryan: Je ne sais pas, ce n'est pas si clair que cela.

M. Parizeau: C'est juste pour que des élections aient lieu.

M. Ryan: II y a une chose qui me frappe à propos de la fédération - je continue - ce sont les sociétés d'entraide économique qui seront membres de la fédération, si je comprends bien. Est-ce qu'il va y en avoir d'autres qui peuvent être membres de la fédération que des sociétés d'entraide, les quelque 30 ou 35 qui vont rester? Vous nous parlez d'une fédération et on essaie de voir ce que cela va donner exactement, comment cela va fonctionner, sur quelle base les sociétés d'entraide vont être représentées à l'assemblée générale, comment cela va se faire. On nous dit: II va y avoir des règlements pour cela, mais dans le projet de loi, on ne le sait pas, à moins que je ne l'aie mal lu.

M. Lacoste: La question sur le projet de loi, je ne me sens pas habilité à répondre à cela, mais ce que nous avons proposé, par la réglementation qui pourra suivre, c'est que chacune des sociétés soit membre de la fédération, que cette fédération soit financée par des cotisations et qu'il y ait un conseil d'administration élu par chacune de ces caisses réunies en assemblée.

M. Ryan: Mais comment la pondération de la représentation se fera-t-elle à l'assemblée générale? Est-ce que ce sera un représentant par société ou est-ce que l'ampleur du capital va avoir un rôle à jouer là-dedans ou le nombre des membres?

M. Lacoste: Non, c'est une société, un vote à l'assemblée. C'est ce que nous avons proposé. Je m'attends que les règlements qui donnent effet à cela le confirment.

M. Ryan: C'est curieux. Il y a une chose qui m'intrigue à propos du rôle de la fédération. Je continue. On va pouvoir

vérifier cela, en tout cas, quand on passera à l'étude article par article. Il y a une chose qui m'intrigue. Je regarde les pouvoirs et les responsabilités de la fédération.

Je me souviens, quand je vous avais rencontrés, l'été dernier, M. Tremblay et M. Lacoste, je vous avais interrogés sur le rôle éventuel de la fédération. J'avais compris, quand nous en avons discuté, que la fédération serait appelée à jouer un rôle de service, un rôle normatif au sens large du terme, c'est-à-dire qu'avec la participation des sociétés affiliées, elle établirait certaines normes pour la liquidité, par exemple, pour la tenue des livres, des choses comme celles-là, le genre de rapport à présenter aux sociétaires, à la fédération, etc., mais j'avais cru comprendre que cela n'était pas beaucoup un rôle de fiduciaire également pour les liquidités, si mes souvenirs sont bons.

En regardant les pouvoirs que vous donnez à la fédération, il y en a un qui me fatigue un peu, c'est celui à l'article 168. Je ne sais pas, je vous demande votre opinion là-dessus. Est-ce que c'est vous autres qui avez demandé cela? Est-ce que c'est cela que vous voulez? "La fédération doit établir des normes applicables aux sociétés et concernant les matières suivantes: 3 , tout sujet en matière financière et administrative qu'elle détermine." Vous savez que cela va loin, s'il vous plaît, cela. C'est aussi loin que les pouvoirs que s'attribue le ministre avec la loi. D'ailleurs, c'est une expression qu'on retrouve dans les pouvoirs qui sont conférés au ministre. Le ministre va exercer ces pouvoirs; il va vous les transmettre à vous autres pour les exercer.

Cela veut dire que vous pouvez déterminer l'engagement des gérants, des directeurs généraux de chaque caisse locale, que vous pouvez déterminer les politiques de personnel, les politiques de rémunération et que d'autres choses. II me semble que cela ouvre la porte d'une manière fantastique.

Moi-même, ayant une certaine expérience de ce type d'organisme fédératif, je n'en connais pas qui aillent aussi loin dans la voie d'une centralisation potentielle. Si c'est cela, la conception que vous vous faites, ce ne sera plus un mouvement, ce sera une sorte de regroupement. Je ne sais pas comment cela s'appellera, comment cela pourra se définir, dans quelle catégorie cela se retrouvera, mais il me semble qu'avec cela, on peut arriver à une affaire énormément centralisée, qui aura des filiales ici ou là, et sur laquelle les organismes affiliés n'auront pas énormément de contrôle avec des choses comme celles-là et surtout avec l'espèce de pouvoir continuel, un vrai pouvoir de plomb qui pèsera sur les caisses en provenance du gouvernement.

M. Lacoste: Mais les dirigeants de cette fédération, sauf les premiers pour créer la fédération, seront élus par les sociétés membres. Ils seront élus par les sociétés membres.

M. Ryan: Mais cela ne change pas le problème, M. Lacoste.

M. Tremblay (Gérald): Au point de vue pratique, de la façon que cela va se passer, la fédération va devoir se présenter devant les représentants des caisses et leur soumettre un budget, un budget qui va définir clairement quels services seront offerts à ces caisses. Ces caisses vont décider si, oui ou non, elles veulent avoir ces services et si elles sont prêtes à payer pour ces services. Le projet de loi prévoit que si les caisses sont d'accord avec ça, on a un pouvoir de cotisation pour les fonds. (22 h 30)

Ce que je trouve difficile à concilier dans ce que vous dites, c'est ce que M. Johnson dit et ce que M. Mailloux dit. M. Johnson a dit tout à l'heure: Oui, mais il y a des administrateurs, il faut faire attention, on ne sait pas exactement; s'il y a eu des problèmes, c'est peut-être à cause de nos ressources humaines.

M. Mailloux nous dit que sa caisse a eu des problèmes, il n'en était pas un administrateur mais, peut-être que c'était à cause des administrateurs qui étaient là qu'il y a eu des problèmes. Mais il ne faut pas blâmer le gouvernement et la fédération de vouloir avoir certains pouvoirs pour pouvoir décider premièrement quel genre de prêts, d'encadrement des prêts, quel genre de garanties on va devoir demander et, deuxièmement, quelles ressources humaines on va avoir dans les caisses.

C'est joliment important, c'est la base de ce qu'on essaie de faire. On n'est pas pour perpétuer les erreurs du passé en permettant aux caisses - je sais que vous tenez à l'autonomie des caisses et moi aussi j'y tiens à l'autonomie des caisses, mais dans un certain encadrement - on doit faire en sorte de ne plus jamais permettre à une caisse de mettre en péril le mouvement des caisses d'entraide économique. C'est ça que le projet de loi permet, et ça je pense que c'est important.

M. Ryan: Là-dessus, mon interrogation demeure évidemment; vous m'avez donné votre explication, ça me suffit. Mais la fédération, est-ce que vous avez une idée de l'ampleur que ça devrait revêtir, une fois que vous aurez trouvé un rythme de fonctionnement au sortir de la période de transition? Vous disiez tantôt que vous aviez réduit les effectifs du personnel de 135 à 68, quelque chose comme ça. Est-ce que ça va être réduit encore ou si ça va être augmenté un petit peu, ou si ça dépend des décisions

qui seront prises par les sociétaires au cours du mois de janvier? D'après les projections que vous avez faites, quel genre de fédération ça prend? Je voudrais que vous me disiez aussi, à propos des placements de la fédération actuellement, ce que vous avez trouvé là-dedans, ce que ça vaut comme valeur de liquidation, peut-être que, sur ceux-là, vous pouvez nous renseigner? Est-ce que vous allez disposer de plusieurs d'entre eux?

M. Tremblay (Gérald): Au niveau du premier volet de votre question, ça va dépendre des services que les caisses vont vouloir avoir et également des services qu'on va devoir rendre. Par exemple, si les caisses ne veulent pas avoir d'inspection, l'inspection, je pense que c'est important, le ministère va s'en charger et il va nous envoyer la note. C'est clairement prévu dans le projet de loi. Il se réserve le pouvoir d'inspection. Si nous, nous ne sommes pas assez intelligents pour nous organiser et faire l'inspection de nos caisses, il va venir la faire. Cela, c'est la protection de l'épargne des membres quant à l'informatique, il me semble - on est en 1980 - que c'est important. II va falloir offrir des services informatiques à nos membres. Il va falloir aussi offrir des services de formation à nos membres. Quant aux services de mise en marché, on est sur un marché concurrentiel où il va falloir établir des politiques de cueillette de l'épargne qui sont assez importantes. Nous présentons ça aux membres. On va dire. On conçoit que l'encadrement normal d'une fédération pour les caisses, les services que vous devez avoir sont les suivants, et ils devraient normalement accepter ça.

Quant à la deuxième partie de votre question, j'ai les états financiers vérifiés de la fédération au 30 septembre 1981. Sur une base de "going concern", il n'y a pas de perte. Sur une base de réalisation rapide des actifs, c'est facile, je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, si vous voulez liquider la fédération demain matin, liquidez-la, et nos membres vont perdre 50 000 000 $ à 60 000 000 $. Mais on n'a aucune raison de faire ça; si vous êtes capables de l'évaluer, les vérificateurs, c'est Samson & Bélair, ce n'est pas nous. On a bien joué avec les chiffres, mais la firme Samson & Bélair ne prévoit aucune perte, tout ce qu'elle dit, c'est que la valeur économique est moindre sur une base de liquidation, demain, que notre portefeuille de prêts rapporte 7,6%, que notre portefeuille d'obligations rapporte pour les obligations hypothécaires, 7,80%; que notre portefeuille d'obligations et d'avances rapporte 14,28%. Il faudra alors prendre une calculatrice et escompter ça à un chiffre qu'on considère équitable, et vous allez arriver à la perte.

M. Ryan: Est-ce que je vous ai bien compris? J'ai cru que vous aviez dit à un moment donné, tout en disant que vous ne vouliez pas répondre à cette question, que si on devait liquider la fédération demain, il y aurait une perte de 50 000 000 $ à 60 000 000 $ pour les membres.

M. Tremblay (Gérald): C'est évident.

M. Ryan: C'est la réponse que je voulais avoir.

M. Tremblay (Gérald): C'est évident, c'est bien facile, vous allez sur le marché et vous vendez les obligations municipales. Vous avez automatiquement une perte de 26 000 000 $. Après ça, vous vendez le Complexe Desjardins, puis, après ça, vous vendez le Mont-Tremblant au premier venu...

M. Ryan: Non, pas le Complexe Desjardins, le Complexe d'Alma...

Une voix: ... Un complexe aussi.

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais intervenir un instant juste sur cette question-là, en réponse, si l'Opposition me le permet?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: Là, il faudrait quand même revenir à des données un peu réalistes là-dessus. Il est évident qu'avec les taux d'intérêt qu'on connaît à l'heure actuelle, n'importe quelle institution financière... J'imagine que même la compagnie d'assurance la plus solide, si on lui demandait de réaliser son portefeuille d'obligations demain matin, prendrait une perte épouvantable. Il s'agit de savoir de quoi on parle quand on parle de perte. Est-ce que c'est simplement le fait des obligations municipales ou scolaires de dix ans achetées il y a quatre ans qui doivent avoir une valeur, si on les vend demain matin, inévitablement, beaucoup plus faible, qui n'apparaît pas si on les garde jusqu'à échéance?

Je pense qu'il faudrait s'entendre sur le sens qu'on donne au mot "perte".

M. Ryan: M. le Président, dernière intervention, si vous permettez.

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Ryan: Tantôt, j'entendais M. Tremblay nous dire qu'on n'a plus le droit, à compter de ce soir, de jouer au yo-yo avec les caisses d'entraide économique, qu'on n'a plus le droit de critiquer le gouvernement pour ce qui ne s'est pas fait avant 1981. Je vais vous dire que c'est peut-être un voeu

que vous avez vous-même fait, mais que moi je ne fais pas, parce que c'est ma responsabilité de faire ça. Je crois qu'on est capable de l'exercer de manière constructive; je ne voudrais pas que vous m'emprisonniez dans ce genre de langage parce que moi, je ne marche pas là-dedans.

M. Tremblay (Gérald): Non, ce n'est pas ça. Je ne vous ai pas empêché de critiquer le gouvernement. Je pense que c'est votre droit, mais quand je parlais de jouer au yo-yo avec les caisses d'entraide économique, je ne faisais aucunement allusion aux personnes qui sont en face de moi.

M. Ryan: On se comprend très bien. Je voudrais finir. Vous avez dit une autre chose qui m'a intéressé. Vous avez dit qu'il n'est peut-être pas trop tard pour trouver, ensemble, une solution qui permettrait de doter le Québec d'une institution financière capable de servir le Québec et ses besoins des années 80. Ceci est une parole que vous adressiez au Mouvement Desjardins. Est-ce qu'on peut vous demander, ce soir, si vous êtes disposé - moi, c'est une question d'information que je pose, pas davantage, je n'ai pas d'autre rôle que celui-là à jouer dans la discussion, pour l'instant - à reprendre les pourparlers avec le Mouvement Desjardins sur la base - je crois que la base que vous aviez proposée est une base qui n'est pas réaliste; c'est mon opinion, on en pensera ce qu'on voudra, remarquez bien -des principes qu'avaient énoncés les responsables du Mouvement Desjardins ou si, de votre côté, c'est une porte qu'il faut fermer, quitte à ce que le ministre l'explore dans la limite de ses attributions? Si une deuxième hypothèse était mise au point à la suite des consultations qui se poursuivent, nous a-t-on dit, entre le ministre et le Mouvement Desjardins, auriez-vous objection à ce que cette deuxième hypothèse soit présentée d'une manière équitable, d'une manière objective, avec une importance égale au cours des assemblées - en vue, d'abord, des assemblées - dans la documentation qui sera envoyée aux sociétaires avant, et, deuxièmement, auriez-vous objection ou est-ce que ça vous répugnerait que, lors des assemblées qui auront lieu, des dispositions soient prises pour que chaque hypothèse soit présentée par un porte-parole compétent et intéressé à la défendre? À ce moment-là, vous autres, vous seriez un peu en conflit d'intérêts, vu que vous mettez une solution de l'avant. C'est d'autant plus sérieux que vous serez des gens nommés par le gouvernement pour administrer un plan qui comporte quand même l'engagement de fonds publics importants. Comment verriez-vous la présentation impartiale dans l'hypothèse où un autre plan surgirait? Ce serait encore mieux qu'il y ait un plan commun.

En fait, voici ma première question. Êtes-vous disposés à rouvrir les conversations une dernière fois avec eux pour voir si c'est possible? Deuxièmement, dans l'hypothèse où il n'est pas possible de trouver un plan commun, êtes-vous prêts à chercher avec le gouvernement des conditions de présentation équitables d'une autre option qui permettrait à vos sociétaires de faire un choix en toute lucidité et en toute connaissance de cause, avec le maximum d'information?

M. Dugal: M. Ryan, le 22 août, lorsque nous avons présenté notre plan de relance, nous avons invité tout le monde à présenter une autre solution que la nôtre. Or, aujourd'hui, au moment où on se parle, il n'y en a pas d'autre et le temps nous presse. Le 30 janvier est, pour nous, la date limite où on peut retenir nos forces, notre monde. S'il doit y avoir un rapprochement, parce qu'on pense qu'il devrait y en avoir un, je crois que, d'abord, on devrait passer par la relance, parce que si vous avez jeté un coup d'oeil sur la proposition que nous avons faite le 8 octobre, on parle d'une affiliation, d'une possibilité d'affiliation à long terme, pas immédiatement, nous croyons sincèrement que nous devons d'abord passer par la relance et en même temps peut-être commencer déjà le rapprochement pour une solution qui viendrait se greffer à cette première...

M. de Belleval: Vous voulez dire exactement que vous avez fait une proposition d'affiliation ou d'intégration au crédit industriel Desjardins entre autres?

M. Dugal: Association.

M. de Belleval: Oui, c'est une bonne affaire, c'est une bonne idée.

M. Ryan: Association.

M. de Belleval: M. Dugal, j'essaie de comprendre et de suivre le chef de l'Opposition en même temps que de vous suivre. Vous dites une association avec le crédit industriel Desjardins comme une première étape quoi?

M. Dugal: Non. D'abord, la première étape, la relance.

M. de Belleval: C'est-à-dire le plan. M. Dugal: Le plan, oui. Transformation.

M. de Belleval: Transformation des caisses en sociétés, etc., selon le plan que vous proposez.

M. Dugal: Oui.

M. de Belleval: Et, en même temps affiliation au crédit industriel Desjardins.

M. Dugal: On pourrait par la suite passer parce que là on deviendrait...

M. de Belleval: Par la suite, ça veut dire combien de temps cela?

M. Dugal: Après le 30 janvier.

M. de Belleval: Après le 30 janvier, d'accord.

M. Dugal: Pas en même temps. M. de Belleval: En même temps?

M. Dugal: II y aurait un choix à faire, et je me demande comment on peut présenter ce choix-là à nos membres.

M. de Belleval: Non, mais c'est parce que j'essaie de comprendre lorsque vous dites après le 30 janvier, ça veut dire quoi? Le 31 janvier?

M. Dugal: Quand nos membres se sont prononcés sur le plan de relance. On pourrait en même temps leur dire qu'il y a un projet d'affiliation ou une négociation qui pourrait amener après la relance à la proposition qui est là ou amendée, corrigée.

M. de Belleval: Lorsque vous dites après la relance, ça veut dire après un an, après deux ans, après que la relance ait donné tous ses fruits ou dans les semaines qui suivent?

M. Dugal: Dans le document qu'on a présenté...

M. de Belleval: Je ne l'ai pas lu votre document, je regrette, je l'ai eu cet après-midi.

M. Dugal: Parfait, mais je vais juste vous dire ce qu'on dit là-dedans; c'est dans le document qui a été présenté au Mouvement Desjardins, c'était certain qu'on se rencontrait lorsqu'il a été présenté le 5, le 6 ou le 7 octobre pour mettre en application immédiatement la transition, comment ça se ferait tout cela, alors dans mon esprit à moi, c'était qu'on considérait que c'est important pour faire du développement économique régional d'avoir du capital permanent. La preuve que c'est important, c'est que le Mouvement Desjardins lorsqu'il a voulu en faire a formé le crédit industriel Desjardins.

Alors, on sentait, nous, que s'il y avait une possibilité d'association, c'était de ce côté-là. Alors, il y en a peut-être une autre et pour répondre à M. Ryan bien précisément, si les gens du Mouvement Desjardins sont prêts à s'asseoir avec nous, ce qu'ils nous ont refusé jusqu'à maintenant, moi, je pense qu'on est prêt à le faire pour protéger l'épargne des Québécois et trouver une solution globale au problème de l'entraide économique. Je n'ai aucun problème avec ça, moi, au contraire, je le souhaite depuis six mois.

M. de Belleval: Vous voulez dire que ça pourrait être sur la base d'une association avec le crédit industriel ou sur une autre base.

M. Dugal: Oui.

M. de Belleval: II pourrait y avoir d'autres formules à votre avis...

M. Dugal: Oui.

M. de Belleval: ... possibles.

M. Dugal: Oui, il y en a d'autres.

M. de Belleval: Cela répond à votre question?

M. Ryan: Mais non parce que M. Dugal a répondu différemment.

M. de Belleval: Vous répondez M. Dugal et M. Tremblay la même chose une fois que vous avez clarifié vos...

M. Dugal: II me semble que c'est difficile de présenter deux choix le 30 janvier prochain; ça je pense que ce n'est pas possible de présenter deux choix.

M. de Belleval: Y compris la question du chef de l'Opposition, ça c'est une partie de sa question, mais il avait l'air à ouvrir, peut-être que je l'ai mal interprété il me corrigera, il avait l'air à ouvrir au-delà de cette possibilité pour le 30 janvier date à laquelle vous répondez quelque chose de très définitif, mais je pense que M. Tremblay ne répond pas à la même chose...

M. Tremblay (Gérald): ... question, moi.

M. de Belleval: C'est cela, oui, je croyais que le chef de l'Opposition se trouvait à poser deux questions...

M. Tremblay (Gérald): C'est cela.

M. de Belleval: Une question qui a trait à l'échéance du 30 janvier et une question plus large sur des possibilités de coopération entre hypothèses, est-ce que j'ai bien compris le chef de l'Opposition, là-dessus?

M. Tremblay (Gérald): Vous me

permettez, M. Ryan?

M. Ryan: J'avais posé seulement une question, s'ils étaient prêts à reprendre les conversations maintenant.

M. de Belleval: Oui.

M. Ryan: Maintenant, pas après que le dépôt va avoir été fait, maintenant.

M. Tremblay (Gérald): La réponse c'est oui.

Vous aviez une deuxième partie de la question et M. Dugal ne voudrait pas que vous pensiez que nous sommes en contradiction parce que ce n'est pas le cas. Sur la première partie, si on veut protéger l'épargne de 300 000 Québécois on n'est certainement pas pour se mettre des oeillères et penser qu'on est en possession de la vérité. On a toujours dit que s'il y avait une meilleure solution, on l'accepterait. Alors, en réponse à votre première question, oui; si le Mouvement Desjardins est également prêt à nous dire oui ce soir, on va se rencontrer dans les plus brefs délais. (22 h 45)

Deuxième partie de votre question. Si on ne s'entend pas - c'est ce que vous demandez - est-ce qu'on est prêt, dans notre circulaire d'information, à inclure la proposition du Mouvement Desjardins? À ceci, je réponds que si la position du Mouvement Desjardins est comparable à la nôtre, si elle est quantifiée, je pense qu'en toute honnêteté pour nos membres, on doit pouvoir leur présenter les deux solutions. Je suis d'accord sur ça. Il va falloir le faire.

M. Ryan: Avec un porte-parole attitré pour chacune?

M. Tremblay (Gérald): D'après moi, il n'y aura même pas besoin de porte-parole attitré, parce que si les deux solutions sont identiques et que le gouvernement donne 100 000 000 $ au Mouvement Desjardins, avec sa crédibilité, vous connaissez les résultats à l'avance et on va tirer notre révérence, M. Ryan. C'est clair. Si c'est ça...

M. Dugal: Si c'est ça que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est ce que cela veut dire.

M. Tremblay (Gérald): Ce n'est pas compliqué. Si, dans le meilleur intérêt des 300 000 membres, ça conserve une certaine spécificité aux caisses d'entraide économique, je n'ai aucun problème. Je n'attendrai pas que le gouvernement me nomme, pour employer vos mots, administrateur des caisses d'entraide économique, voyons! Je ne suis pas là pour ça.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges. Vous avez une dernière question?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, une dernière question. Étrangement, M. Tremblay vient justement d'évoquer ce qui est le noeud du problème. Il avait, à l'origine, indiqué comme avantage du plan Dugal, sur la proposition des caisses, qu'il y avait un abri fiscal dans votre cas et qu'il n'y en avait pas dans l'autre. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, ce sont deux choses, il me semble, que l'abri fiscal est imposé à des sociétaires, alors que dans la loi qu'on connaît, il est à leur option, c'est-à-dire que quelqu'un peut acheter une action qui se qualifie au REA, que ce soit Bombardier, CP, ou autre chose; en l'occurrence, c'est un abri fiscal que le contribuable doit souscrire, prendre ou accepter, dans les sociétés d'entraide. C'est la première chose; alors, il me semble que dire que c'est un abri fiscal et que les autres n'en ont pas, ça passe très rapidement par-dessus les choix d'investissement que les gens ont le droit de faire, dans tous les cas.

Le deuxième aspect, c'est quant au montant que le gouvernement est prêt à contribuer dans la résolution du problème des caisses d'entraide. Ce qu'on a clairement établi, ce n'est pas qu'on est en faveur, au gouvernement du Québec, d'un plan qui comprend un abri fiscal, ainsi de suite, et des déductions, tout ce que vous voudrez, qui résulterait en un manque à gagner de 90 000 000 $ pour le gouvernement. II me semble que le raisonnement est inverse, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec, à titre de participant à la solution de la crise, si on veut, est prêt à se lier, à engager les fonds publics, jusqu'à concurrence de 90 000 000 $, auquel cas... C'est vrai pour vous autres, c'est vrai pour les caisses, ainsi de suite. Alors, utiliser la façon technique dont le gouvernement compte s'engager jusqu'à concurrence de 90 000 000 $, pour dire: Nous autres, c'est un abri fiscal, c'est formidable, c'est attrayant, alors que le Mouvement Desjardins ne procure pas cette occasion, quand, dans les deux cas, c'est simplement une façon de protéger l'épargne des Québécois, c'est un peu un faux raisonnement.

J'aimerais savoir, parce qu'il faut formuler une question, quels sont vos commentaires sur les distinctions que vous prétendez apporter concernant l'avantage fiscal - on y reviendra - de ces 90 000 000 $, s'ils sont investis chez vous ou chez vos membres, en réalité, par opposition à l'autre proposition.

M. Tremblay (Gérald): Oublions les 90 000 000 $, parce que dans mon esprit, c'était un bénéfice additionnel qui était

donné à nos membres. Quand on a comparé, on a comparé la protection du capital identique, Mouvement Desjardins et caisses d'entraide économique, rendement différent. Le rendement va être meilleur avec la proposition des caisses d'entraide économique qu'avec celle du Mouvement Desjardins. C'est le point qui est là. C'est dans ce sens qu'il va toujours y avoir un rendement qui va faire qu'on n'aura jamais besoin des 90 000 000 $ du gouvernement, le Mouvement Desjardins n'en aura jamais besoin.

Vous ne comprenez pas? Bon, je vais recommencer.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On est en train d'oublier ce qui est absolument central à tout l'exercice, c'est-à-dire l'obligation et l'engagement du gouvernement d'aller mettre jusqu'à 90 000 000 $ dans cette histoire, et vous dites: Oublions-le.

M. Tremblay (Gérald): Je vous dis de l'oublier parce que, en pratique, le gouvernement n'aura pas à débourser un sou si c'est bien fait. Avant de débourser, il va éliminer le rendement aux membres. Quand on parle de protection de l'épargne des membres, ce n'est pas cela que le Mouvement Desjardins veut, parce qu'il n'y aura pas de protection de l'épargne des membres, il va y avoir protection du capital du membre. Il va éliminer le rendement pour couvrir les pertes éventuelles, pour couvrir le fait que ce ne sont pas les mêmes personnes. Quand il va avoir éliminé cela et s'il fait son appariement de la façon que cela doit être fait, il n'aura pas besoin d'aller voir le gouvernement avec la police catastrophe et dire: Vous me devez 30 000 000 $ ou 40 000 000 $, alors que, nous, de l'autre côté, on protège le capital au même titre que le Mouvement Desjardins. Deuxièmement, on offre du rendement, un rendement sûrement supérieur à ce que le Mouvement Desjardins va offrir, et, troisièmement, on donne un avantage fiscal à nos membres.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est sûr qu'ils vont payer moins d'impôt.

M. Tremblay (Gérald): Je pense que c'est important.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils ne paieront pas l'impôt qu'ils auraient dû payer autrement.

M. Tremblay (Gérald): C'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela vous coûte quelque chose. C'est clair.

M. Tremblay (Gérald): C'est cela.

M. Parizeau: C'est clair.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est clair que cela coûte quelque chose au gouvernement.

M. de Belleval: En vertu des lois existantes.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je comprends cela.

M. Tremblay (Gérald): Cela n'a rien coûté au gouvernement depuis vingt ans les caisses d'entraide économique, il ne faut pas oublier cela, pas un sou.

M. Parizeau: Est-ce qu'il y a d'autres...

Le Président (M. Boucher): Messieurs, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour la présentation. Vous avez une question?

M. Lacoste: Je reviens sur la question des chiffres.

M. Parizeau: Je m'excuse, avant que nous n'allions plus loin, je voudrais simplement remercier tous les participants, parce que je vois qu'il y en a qui se déplacent vers la sortie, aussi bien M. Forrest et M. Harvey qui ont commencé, ensuite M. Blais, des caisses populaires et ceux qui sont venus avec lui, et M. Dugal qui est encore à notre table avec ses acolytes.

Le Président (M. Boucher): M. Lacoste.

M. Lacoste: Quand on parle de s'asseoir avec Desjardins pour trouver une solution, nous sommes prêts à le faire dans les plus brefs délais jusqu'à ce qu'on se soit mis d'accord sur les principes d'une association ou d'une participation ensemble. Les chiffres dont vous parlez, vous comprendrez que ce sont des chiffres qui sont dans nos caisses. C'est l'élément de concurrence qui existe encore et qui devra continuer si la transformation se fait. Avant de donner tous les chiffres à ce qui est jusqu'à aujourd'hui un concurrent, on veut être bien d'accord qu'on s'entend sur les principes. On peut donner certains états financiers - ce sont des documents publics - et l'analyse de nos prêts, notre clientèle et toutes les données financières qu'on a, mais si on ne s'entend pas sur certains principes d'une collaboration pour régler le problème, je veux juste exprimer qu'il n'est pas question dans ma tête qu'on donne tous nos chiffres et le détail de nos actifs. On peut donner certains chiffres pour aider à préparer une solution.

Le Président (M. Boucher): Cela va"'

Messieurs, je vous remercie. Pour continuer le mandat de la commission, nous devons commencer l'étude du projet de loi no 40, Loi sur les sociétés d'entraide économique et modifiant diverses dispositions législatives.

Je crois bien, MM. les députés et M. le ministre, que les commentaires préliminaires sont déjà faits. J'appelle...

M. Ryan: Je ne crois pas qu'on puisse dépasser minuit ce soir, d'après nos règlements?

Le Président (M. Boucher): Exact. M. Parizeau: D'après nos règlements.

M. Ryan: Est-ce que c'est tellement utile qu'on commence l'étude article par article à cette heure tardive? Est-ce que ce ne serait pas mieux de donner un coup la semaine prochaine quand on aura eu le temps de réfléchir à tout cela?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Ryan: On vous promet notre collaboration la semaine prochaine.

Le Président (M. Boucher): La commission est maîtresse de ses travaux.

M. Ryan: Je ne crois pas que dans l'heure qui nous reste on va pouvoir progresser beaucoup, parce que cela nous fait de gros problèmes à absorber et il y a de gros inconnus qui vont peut-être connaître des clarifications au cours des prochains jours. Il me semble qu'on sera beaucoup plus alertes pour collaborer avec le ministre des Institutions financières et vous-même, M. le Président, quand on va reprendre le travail la semaine prochaine. Il est 23 heures, vendredi soir, au terme d'une semaine extrêmement exténuante.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, dans la mesure où l'Opposition fait une suggestion comme celle-là, je n'ai pas d'objection particulière, sauf peut-être pour dire que, comme il y a énormément de mécanismes dans ce texte de loi, nous pourrions peut-être prendre le temps, dans les jours qui viennent, pour, de part et d'autre, nous familiariser avec toute cette mécanique, de façon que cela puisse aller assez vite quand nous aborderons tout cela. Parce qu'il faut bien se rendre compte que, dans un projet de loi comme celui-là, il y a un certain nombre d'articles charnières qui posent des questions importantes et il y a bien des articles de concordance ou des machins techniques à travers lesquels on peut aller rapidement, dans la mesure où, de part et d'autre, on connaît la portée de chacun de ces articles, moyennant quoi on pourrait, je pense, avec cette offre de collaboration de l'Opposition, ajourner nos travaux et les reprendre la semaine prochaine.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Westmount.

Discussion générale

M. French: Je proposerais qu'on continue encore cinq ou dix minutes pour échanger des propos sur les termes généraux avant de se quitter ce soir. Est-ce possible? Je voudrais poser quelques questions et je ne sais pas si c'est la même chose pour vous.

M. Parizeau: Bien sûr.

Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. le député de Westmount.

M. French: On a échangé quelques mots - je voudrais le faire enregistrer, si vous voulez - au sujet des directives qui seraient parvenues à l'équipe Dugal de la Commission des valeurs mobilières du Québec, quant aux renseignements qui devaient être contenus dans le projet de transformation ainsi que dans le résumé du projet.

On a parlé des formules types ou des échantillons pour que le membre en question puisse calculer sa situation après la transformation. Serait-il possible d'en avoir une idée pour la prochaine séance, d'avoir une lettre du président de la Commission des valeurs mobilières nous informant de ce que cela veut dire précisément? Cela nous permettrait de mieux comprendre les articles du début du projet de loi qui touchent justement cette question des renseignements pour les membres.

M. Parizeau: M. le Président, je comprends que la Commission des valeurs mobilières, à partir de ses propres directives, de ses formules standards, a rencontré, pendant une journée, à la fois les gens des caisses d'entraide et les fonctionnaires du ministère des Institutions financières, ceci, en somme, traduit concrètement ce que ses directives impliquent comme formules, comme préparation de papiers.

J'essaie seulement de comprendre ce que veut exactement le député de Westmount; une sorte de résumé de cela?

M. French: Dans la mesure où le membre, qui a une décision importante à prendre, n'a qu'un certain minimum de documents et de données à sa portée pour prendre la décision, il y a un certain exercice de vulgarisation qui s'impose. Cet

exercice de vulgarisation n'est nulle part dans le projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé. Si les 25 membres des caisses d'entraide économique qui ont des MBA et si les quelques centaines de membres qui ont des BAA sont capables, d'après les renseignements exigés par la loi, de faire le calcul nécessaire, à savoir quels sont leurs intérêts en cause, il en est tout autrement pour la plupart des membres qui sont de petits épargnants et des gens qui ne sont pas plus renseignés qu'il ne faut en matière financière.

M. Parizeau: Juste un instant, M. le Président! Je regarde certains des...

M. le Président, il y a déjà une sorte de premier projet qui a été préparé. Je passe rapidement à la page frontispice, à la table des matières portant sur chacun des renseignements qui doivent être fournis à chacun des sociétaires. Si je comprends bien, c'est ce premier projet qui a été discuté avec la Commission des valeurs mobilières. On pourrait peut-être envoyer cela au député de Westmount.

M. French: Je pense qu'on apprécierait cela. Est-ce possible qu'il y ait eu d'autres ententes entre l'équipe Dugal et la commission et qu'on ignore pour le moment? Je ne veux pas que le sous-ministre...

M. Parizeau: Mais quel genre d'entente?

M. French: Quant aux renseignements pour les sociétaires, pour les entraidistes.

Une voix: Non. (23 heures)

M. Parizeau: Mais de quel type? Parce que, encore une fois, il faut bien comprendre. La circulaire de renseignements est préparée dans une première étape; c'est soumis à la Commission des valeurs mobilières qui regarde ça et qui dit: Changez-moi ça ou faites ceci ou modifiez ça. Et, là une deuxième formule est préparée, toujours sous la juridiction de la Commission des valeurs mobilières. Alors, on peut, d'étape en étape, au fur et à mesure où le texte évolue, le communiquer au député de Westmount mais je ne vois pas quel genre d'entente il pourrait y avoir entre la Commission des valeurs mobilières et les caisses d'entraide si ce n'est qu'à un moment donné, la Commission des valeurs mobilières dise, bon, votre document est ...

M. French: Elle donne une approbation finale, je comprends. Donc, je voudrais tout simplement proposer des amendements à certains articles tels qu'ils sont actuellement rédigés parce que je crois qu'il n'y a pas suffisamment d'incitation à la vulgarisation du problème pour les membres. Donc, si la

Commission des valeurs mobilières avait pris des dispositions en ce sens, nous serions épargnés de tous ces efforts et c'est ça qui est ma préoccupation. Si d'ici là, on pouvait en conséquence de cette compréhension de mes intérêts et besoins faire en sorte que les documents soient maintenant disponibles et si nécessaire...

M. Parizeau: Bien sûr, et on fournira les dernières versions disponibles au député responsable.

M. de Belleval: Sauf qu'on recommence nos travaux lundi matin à 10 heures.

M. French: Non, pas du tout au contraire.

M. de Belleval: Bien, c'est un ordre de la Chambre, M. le Président, qu'en est-il?

Le Président (M. Bordeleau): J'ai fait vérifier si l'ordre avait été donné en Chambre ce matin et j'attends des nouvelles.

M. French: Est-ce que le ministre sera ici oui ou non, lundi?

M. Parizeau: Non, je serai à Toronto.

M. de Belleval: Effectivement, M. le ministre des Finances est à Toronto et moi aussi, d'ailleurs...

Une voix: C'est le ministre des Institutions financières qu'on veut.

M. de Belleval: Et celui des Institutions financières ne serait pas capable de les utiliser.

M. Parizeau: On n'a pas encore trouvé le moyen de faire en sorte qu'un ministre soit à Toronto et l'autre à Québec.

M. de Belleval: Mais la question n'est pas là, s'il y a un ordre de la Chambre, je ne sais pas trop, il faut s'assurer.

Une voix: Je pense que l'on peut trouver...

M. French: Deuxièmement, dans le but encore une fois, d'épargner notre temps la semaine prochaine, le problème du ratio 75-25 me met toujours un peu dans la brume. Peut-être ce soir pourrait-on clarifier ou peut-être y aurait-il d'autres documents qu'on pourrait nous faire parvenir pour ne pas se faire blâmer de ne pas avoir demandé suffisamment de documents. Donc, je veux être absolument certain que je demande tous les renseignements possibles sur cette question-là.

Il n'y a pas de plafond sur le

pourcentage de parts sociales qui seraient, après la transformation dans une caisse donnée, consacrées au capital-actions. C'est-à-dire que, si la caisse est extrêmement faible, si elle a besoin de liquidités mais si le projet de transformation est quand même accepté, il est possible que 35%, 38%, je ne sais pas 40% des parts sociales soient transformées en capital-actions. Est-ce vrai?

M. Parizeau: Est-ce que ça peut monter? Oui, ça peut aller jusque là.

M. French: Alors, serait-il possible d'avoir une idée? Est-ce vrai de dire que c'est strictement une question de liquidités qui gouvernerait le calcul de cette proportion? M. le ministre m'indique que non. Quels seraient les autres facteurs? On serait intéressé, pas nécessairement ce soir, de savoir s'il y avait un calcul type ou des idées, comment se réglerait cela? Les deux questions que je pose sont, quant à moi, de l'optique du membre d'une caisse d'entraide donnée extrêmement significative? Si nous ne sommes pas en mesure de les saisir relativement facilement et de comprendre comment va se dérouler cette décision-là dans l'esprit d'un membre, moi je soumets que ce sera extrêmement difficile pour eux surtout avec la courte échéance avec laquelle on travaille.

M. Parizeau: Moi, je suggérerais, dans ces conditions, qu'une sorte de calcul type soit communiqué lundi matin.

M. French: On trouverait ça très utile, excellent.

M. Parizeau: Et même si je suis à Toronto, le travail peut se faire pendant ce temps-là.

M. French: D'accord.

Je ne sais pas s'il y a d'autres... Je veux juste rapidement réviser mes notes. Je pense que c'est complet. Tout ça encore une fois dans le but de nous sauver du temps plus tard.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Oui, M. le ministre.

M. Parizeau: Bon, bref. De mon côté, je ferai quelques commentaires rapides.

Dans tout ce que nous avons discuté dans le courant de la journée, il y a une chose qui est revenue à plusieurs reprises et que je voudrais clarifier ici. On a, à plusieurs reprises, soulevé la question de la date et je sens très bien, par certaines des interventions qui se présentent, qu'on trouve cela serré. Il est vrai que nous avons dans la loi la possibilité, pour ce qui a trait à toutes les dates indiquées au titre i, c'est-à-dire la transformation, de déplacer ces dates. Il fallait le faire pour des raisons de prudence; imaginons trois jours de tempête de neige, n'importe quoi de ce genre-là. Il faut se donner une possibilité de déplacer certaines dates pour des raisons de force majeure.

Mais j'aimerais aussi qu'on repense à cette question quand nous aurons l'occasion d'en discuter. Il reste une chose dans ce qui nous a été dit qui est très importante, je pense, et qui domine tout le portrait, c'est que ces gens-là qui, à l'heure actuelle, sont membres des caisses d'entraide sont placés dans cette situation depuis déjà un très grand nombre de mois; c'est très long. Donc, avant de modifier quelque date que ce soit pour ajouter des délais pour des raisons d'opportunité en termes de délais, je me sens forcé d'y penser à plusieurs reprises, simplement, encore une fois, à cause du temps qui s'est écoulé. Je tenais à préciser cela puisque c'est revenu six ou sept fois dans le courant de l'après-midi et de la soirée. Je comprends très bien l'utilité que cet article peut avoir, mais, d'un autre côté, je pense qu'il va falloir penser à s'en servir avec beaucoup de discrétion.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le ministre. C'était à la lumière des espèces d'ouvertures - ça devient encore plus pertinent d'en parler - qui ont été faites, à un certain moment, de la part du groupe de M. Dugal. Il n'en reste pas moins que, si on regarde cela froidement, on est en train de décider aujourd'hui que le 30 janvier les membres, les sociétaires décideront s'ils décident ce jour-là, plutôt qu'un mois plus tard ou deux mois plus tard, de geler leurs épargnes pour un certain temps et pour une période qui dépasse largement plusieurs semaines dans tous les cas. Il s'agit de voir si on peut, en trente jours de plus, explorer de façon ouverte des façons de pallier ce désavantage très net pour les petits épargnants quant à leurs épargnes en actions, d'une part, et en dépôts à échéance lointaine, d'autre part, et saisir une opportunité, comme vous le dites, d'en arriver à un résultat meilleur pour eux. C'est dans cet esprit que vous sentiez de notre part cette requête-là.

M. Parizeau: Tout ce que je nous incite à faire ce soir, c'est de penser à toutes les facettes de la question sans nous engager sur le fond pour le moment.

M. de Belleval: II y a des questions de principes fondamentaux qui sont en cause. Cela ne prend pas un mois à régler des questions de principes fondamentaux: les gens veulent ou ils ne veulent pas, puis ils s'entendent sur des principes ou ils ne s'entendent pas. Si c'était juste une question de mécanique, c'est une chose, mais si, d'ici

un mois, ils n'ont même pas réussi à s'entendre sur un certain nombre de principes fondamentaux, je pense que ça devrait changer notre attitude. Même, on devrait le savoir d'ici les prochains jours, j'ai l'impression, et, au fond, peut-être même avant qu'on se rencontre de nouveau; on pourrait toujours se tenir aux aguets. Mais il me semble que ça ne devrait pas être si difficile. Dans les transactions financières, il y a deux phases. Il y a une phase où des gens décident s'ils veulent, oui ou non, se marier; une fois qu'ils ont décidé cela, ça peut être très long de faire un "closing" parce qu'il faut mettre du monde ensemble pour évaluer des actifs, etc. Il y a toutes sortes de mécanismes qu'on connaît très bien pour faire des arbitrages, mais c'est la première phase qui est cruciale, au fond, dans tout cela, et cela ne prend pas tellement de temps après tout le temps qui est déjà écoulé. En tout cas, c'est comme cela que je le vois.

M. Parizeau: M. le Président, nous commençons à plaider quant au fond; nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 10)

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