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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 2 juin 1982 - Vol. 26 N° 120

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministère des Institutions financières et Coopératives


Journal des débats

 

(Vingt heures dix minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs, madame!

La commission élue permanente des institutions financières et coopératives est réunie pour l'étude des crédits budgétaires du ministère pour l'année 1982-1983. Les membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Charron (Saint-Jacques), de Belleval (Charlesbourg), French (Westmount), Gravel (Limoilou), Lafrenière (Ungava), Lincoln (Nelligan); Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) à la place de M. Maciocia (Viger); MM. Parizeau (L'Assomption), Tremblay (Chambly); Marquis (Matapédia) à la place de M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Les intervenants sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blais (Terrebonne), Bordeleau (Abitibi-Est), Cusano (Viau), Dean (Prévost), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Leduc (Saint-Laurent), Martel (Richelieu) et Rocheleau (Hull).

Est-que qu'il y a une proposition pour un rapporteur, s'il vous plaît? M. le député de Limoilou.

M. Gravel: Je propose le député d'Ungava.

Le Président (M. Desbiens): Vous proposez le député d'Ungava? Est-ce qu'il y a consentement? Le député d'Ungava, M. Lafrenière, agira comme rapporteur de la commission. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

Exposés généraux M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Oui, M. le Président, des remarques assez rapides mais destinées essentiellement à indiquer ce qui a été fait depuis quelques mois dans ce ministère et les perspectives qui s'annoncent pour les mois qui viennent. Je pense qu'il faut établir ici une distinction entre trois plans qui représentent certaines activités essentielles du ministère: d'abord, la législation; ensuite, l'inspection et le contrôle; troisièmement, le développement coopératif.

En ce qui a trait à la législation, je ne vous surprendrai pas en vous disant que l'année qui se termine aura été largement marquée par deux législations essentielles au redressement du mouvement des caisses d'entraide et à leur transformation en sociétés d'entraide. Cela a occupé une partie très importante du temps d'activité du ministère et dans la mesure où la question semble réglée, je pense que cette année n'aura pas été inutile, au contraire. Nous étions en face d'une situation financière extraordinairement difficile pour ce genre d'institutions et les moyens appropriés ont été pris, je pense, pour faire en sorte que la situation soit corrigée. D'autre part, une législation en préparation depuis déjà un certain temps quant aux coopératives et coopératives agricoles a été déposée à l'Assemblée nationale et devrait donner lieu à un examen par l'Assemblée dans les jours ou les semaines qui viennent.

En troisième lieu, nous avons été amenés à apporter un certain nombre de modifications à la Régie de l'assurance-dépôts et, dans ce sens, de la législation a été adoptée par l'Assemblée nationale.

Quatrièmement, nous sommes à préparer de la législation sur trois plans, l'un d'entre eux étant plus avancé que les deux autres. Le premier de ces plans a trait à la loi sur la commission des valeurs mobilières. Je pense qu'il sera possible de déposer, avant le 21 juin, cette loi qui est en préparation depuis longtemps, qui est demandée par les gens du milieu depuis fort longtemps aussi. On devrait être en mesure de l'adopter assez rapidement à l'automne.

Les deux autres plans ont trait, d'une part, à une refonte de la législation à l'égard des coopératives d'épargne et de crédit qui va demander un certain temps, qui ne sera pas déposée avant le 21 juin, mais qui sera déposée cet automne. En troisième lieu, il nous faut préparer une législation sur les sociétés de fiducie au Québec, qui, à bien des égards, est très en retard par rapport à ce qu'on trouve ailleurs au Canada. Quant à ce dernier plan, je ne mettrais pas de date précise, vous comprendrez que le menu législatif à la fois passé, présent, et futur est relativement copieux. (20 h 15)

Pour ce qui a trait à l'inspection et au contrôle des institutions financières, il me paraît important de réorganiser ces services de façon, d'une part, à les doter des ressources nécessaires pour que l'inspection des institutions financières soit aussi efficace que possible, et, d'autre part, de donner à ces services d'inspection une place probablement plus importante que ç'a été le

cas jusqu'à maintenant, étant entendu que ces règles de prudence élémentaires dans la gestion des institutions financières, compte tenu des expériences récentes que nous avons connues, ne peuvent pas être surestimées. Il y a là des opérations qui ne sont pas nécessairement spectaculaires, mais qui sont essentielles à la confiance que le public doit avoir dans les institutions financières du milieu.

Pour ce qui a trait aux coopératives, il est clair que l'année écoulée a amené le développement d'assez nombreuses coopératives dans le domaine de l'habitation, en particulier, et même dans le développement de certaines coopératives de production.

La Société de développement coopératif, de son côté, nous a soumis un programme d'expansion et de développement de ses activités qui est en train d'être examiné et qui pourrait entraîner, à la suite de cet examen, des modifications de caractère juridique dans les mois qui viennent. Mais je dois dire que l'effort de réflexion, quant au rôle de la Société de développement coopératif et ses perspectives d'avenir et d'expansion, se poursuit, se continue.

M. le Président, voilà à peu près ce que je voulais dire, encore une fois, quant à ce passé récent et aux perspectives immédiates. J'en resterai là avec mes commentaires, en laissant nos amis d'en face toute possibilité, dans les heures qui viennent, d'explorer avec moi chacun des programmes et des éléments de programme.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. Les dépenses du ministère des Institutions financières et des Coopératives, en 1982-1983, devraient s'élever, selon les projections du gouvernement, à 20 248 600 $. Si on enlève de ce total les crédits permanents de 1 109 000 $, c'est un montant de 19 139 600 $ qu'on nous demande d'étudier ce soir. Cela représente moins de 0,1% de l'ensemble des dépenses prévues par le gouvernement. Quant aux effectifs du ministère, il y aurait 603 postes autorisés, soit moins de 1% de tous les effectifs des ministères, en 1982-1983.

Dans ses dépenses de 20 200 000 $, une somme de 2 232 000 $ prendra la forme de transferts aux entreprises coopératives, 6,1% du total d'ailleurs. On a prévu une somme de 600 000 $ pour des prêts et avances aux coopératives également. Les dépenses en capital du ministère seront minimes de sorte que l'essentiel des crédits sera consacré aux dépenses de fonctionnement du ministère et aux salaires des 603 employés, 90% du total. Il s'agit donc d'un petit ministère par rapport au reste de la fonction publique investi d'une mission de planification, de réglementation et de surveillance du secteur des institutions financières de juridiction provinciale. C'est donc un ministère dont le rôle est critique par rapport à l'économie du Québec.

On pense ici à toutes les institutions qui ont, dans une économie comme celle du Québec, à jouer un rôle dont l'intermédiation financière, c'est-à-dire la transformation de l'épargne en investissement. Si on considère seulement le secteur des ménages, par exemple, il s'agit de plus de 6 000 000 000 $ annuellement qui transitent ainsi par des institutions qui tombent en partie du moins sous la surveillance du ministère des Institutions financières et Coopératives.

L'Opposition officielle se préoccupe beaucoup, compte tenu de l'importance du dossier, du fait que son titulaire actuel soit un ministre à temps partiel qui tient de lourdes responsabilités ailleurs. Le ministre des Finances n'a, finalement, pas suffisamment de temps à sa disposition pour être en même temps ministre des Institutions financières et Coopératives. Le dossier des caisses d'entraide économique est l'exemple parfait de l'inefficacité du ministre accaparé par d'autres responsabilités.

Le 23 février, pendant le débat d'urgence sur cette question, le ministre a dévoilé sa politique face à une quarantaine de caisses d'entraide encore perdues dans les limbes après le vote de la mi-février. Mais ce n'est que le 30 mars, plus d'un mois plus tard, que le projet de loi a vu le jour. Le débat sur la question ayant été à toutes fins utiles suspendu pendant plus d'un mois, le législateur et les intervenants se trouvaient par la suite forcés à disposer du projet de loi dans les quelques jours qu'il leur restait avant le congé pascal. Cette longue attente n'a pas servi à améliorer le projet de loi qui reste sensiblement pareil à ce que le ministre a décrit le 23 février. Il n'est pas possible de tenir un débat ouvert et raisonné dans des circonstances pareilles. On a vu véritablement un débat et une étude à la hâte. C'était juste pour les membres des caisses d'entraide et ultimement, pour tous les Québécois. C'est pourquoi l'Opposition officielle demande un ministre à temps plein pour s'occuper du portefeuille des institutions financières et coopératives. Il va sans dire, M. le Président, que le titulaire actuel ferait un candidat excellent. Cela réglerait bien de nos problèmes des deux côtés, d'ailleurs. Si l'activité présente, dans le domaine des insitutions financières au Québec, est largement dominée par la question brûlante des caisses d'entraide économique, c'est, bien sûr, le gouvernement du Parti québécois qui

en est largement responsable. C'est lui qui, à l'occasion du débat sur la loi no 40, la première loi sur les caisses d'entraide économique, déplorait qu'il n'avait pas bénéficié de sonnettes d'alarmes pour voir venir les coûts.

On sait maintenant qu'il a négligé, en mars 1978, de prêter l'oreille au gong retentissant du rapport de la Commission des valeurs mobilières qui prophétisait pourtant exactement ce qui s'est produit en juin 1981. Pour ceux qui doutent encore de la négligence gouvernementale dans ce dossier, nous portons à leur attention le passage suivant du rapport du Vérificateur général, à la page 128, sous le titre Régie de l'assurance-dépôts du Québec, sous-titre, Règles et normes relatives aux opérations des caisses d'épargne et de crédit: "La régie ne s'est pas prévalu du pouvoir qui lui est conféré par le premier alinéa de l'article 44 de la Loi sur l'assurance-dépôts qui se lit comme suit: "La Régie peut aussi faire des règlements pour déterminer les règles et normes relatives à la composition et à la ventilation de l'actif et du passif des caisses d'épargne et de crédit, à la liquidité de leur actif, y compris les catégories de prêts, placements et endettements permis et les normes quantitatives et qualitatives applicables à chaque catégorie." "De tels règlements édictant les règles et normes relatives aux opérations des caisses d'épargne et de crédit pourraient contribuer à la diminution des risques assurés par la régie." "Les gestionnaires de la régie, d'accord avec l'opportunité de pareilles règles et normes, comptent remédier à cette lacune en recommandant même des modifications à certaines lois, notamment la Loi sur l'assurance-dépôts et la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit." Fin de la citation du rapport du Vérificateur général.

Nous n'acceptons pas le discours du ministre à l'effet qu'il manquait des outils réglementaires nécessaires dans le dossier des caisses d'entraide. L'essentiel, c'était le manque de volonté politique. Nous comptons bien examiner attentivement les mesures administratives qu'entend prendre le ministre pour surveiller plus efficacement les caisses d'entraide et pour éviter la répétition des tristes événements des derniers mois.

Nous demandons également au ministre de nous éclairer sur le programme législatif que le gouvernement a laissé entrevoir dans son rapport de 1979 sur l'épargne.

Le ministre a déjà déposé un gros projet de loi, le projet de loi no 56, sur les coopératives. Celui-ci reste au feuilleton sans qu'on sache encore quand il sera appelé et si les intéressés seront invités à témoigner devant une commission parlementaire.

Un projet de loi couvrant l'ensemble des coopératives d'épargne et de crédit dont le mouvement Desjardins est également attendu. Ce dernier semble craindre que ce projet de loi contienne des dispositions aussi détaillées voire tatillonnes que la loi 40. Nous comptons poser des questions au ministre à ce sujet.

Le rapport sur l'épargne laissait entrevoir des dispositions législatives sur les compagnies d'assurances, les compagnies de fidéicommis, le commerce des valeurs mobilières, etc. Nous demanderons au ministre de nous éclairer à ce sujet.

Nous voulons également savoir quand le gouvernement procédera à la troisième étape de la révision de la Loi des compagnies. Il devient de plus en plus urgent que le ministre se prononce sur la question de l'hémorragie des institutions financières et des institutions d'intermédiation en dehors du Québec.

Récemment le ministre a reçu du Surintendant des assurances un rapport sur la tarification en assurance automobile au Québec, rapport qui soulève des questions importantes pour les automobilistes et les assureurs privés. Nous avons l'intention d'interroger le ministre sur cela afin de mieux comprendre l'attitude gouvernementale dans le dossier.

Enfin, nous nous retrouvons aujourd'hui devant une situation économique périlleuse pour toute institution financière et coopérative, situation qui exige du gouvernement non pas des règlements à profusion mais plutôt l'attention politique et la concertation, non pas de la moralité mais plutôt du réalisme, non pas des discours mais plutôt de la disponibilité de la part du ministre à rencontrer les gens du milieu.

Voilà un défi de taille pour un ministre qui est mesure de donner toute son énergie à ce domaine critique.

M. Parizeau: Est-ce que le député de Westmount accepterait que je lui pose une question?

M. French: Absolument, M. le Président.

M. Parizeau: Deux questions.

Considère-t-il le Bureau du Surintendant des assurances à Ottawa comme étant relativement efficace?

M. French: M. le Président, vu que ma principale source de renseignements sur ce bureau est le ministre lui-même, je dois lui dire que j'accepte volontiers son opinion sur cette institution.

M. Parizeau: Je pense que mon prédécesseur comme ministre des Institutions financières et Coopératives, qui siège avec nous, serait d'accord que ce n'est pas un bureau considéré comme inefficace. De qui

relève-t-il à Ottawa, de quel ministre?

M. French: C'est la question qu'on a posée. Il relève du ministre des Finances du gouvernement du Canada.

M. Parizeau: Fin de mes questions, M. le Président, et de mon intervention. J'attends maintenant les autres questions de la part de l'Opposition.

M. French: La deuxième question que je voudrais poser au ministre, enfin, la première question que je voudrais poser...

Mme Bacon: II veut terminer tôt.

M. French: Oui, je comprends qu'il veuille terminer tôt. L'ex-ministre des Institutions financières...

M. Parizeau: Comme on dit en Anglais: The defense rests.

M. French: Si le ministre veut faire un échange de style Perry Mason là-dessus, on veut bien le faire. Je pourrais toujours dire que c'est "irrelevant and immaterial", etc., mais je ne dirai pas cela parce que ce n'est pas vrai. Par contre, je ferai remarquer au ministre que, dans une situation où les finances publiques du Québec sont dans un état très dangereux, dans une situation où l'on sait que le ministre est obligé de consacrer la très grande majorité de son temps au problème des finances publiques, on ne peut que regretter que les institutions financières et coopératives passent en deuxième et deviennent, en quelque sorte, une espèce de "advocation", une espèce de hobby du ministre dans son temps de loisir, qu'il a de moins en moins, plutôt qu'une occupation à temps plein. (20 h 30)

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: Je ne sais pas exactement si le député de Westmount parle de moi ou si peut-être, en même temps, il ne parle pas de mon collègue à Ottawa. Mon collègue à Ottawa a effectivement à s'occuper d'un déficit qui, à tous égards et par rapport à n'importe quel critère, est beaucoup plus élevé que le mien; deux fois, et depuis certaines choses qui se sont passées récemment à Ottawa, peut-être trois fois plus élevé que le mien en termes relatifs. Mon collègue à Ottawa a des problèmes majeurs avec le taux de change du dollar canadien et j'imagine que cela doit l'occuper un peu. Parmi ses autres activités parascolaires, il doit aussi s'occuper de modifications majeures - c'est ce qu'il annonce, en tout cas - dans les politiques économiques canadiennes. Est-ce que cela rend moins efficaces la surveillance et le contrôle des institutions financières à

Ottawa, qui relèvent de lui par le truchement du surintendant.

M. French: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, le premier ministre, dans sa sagesse, a enlevé la responsabilité du Conseil du trésor au ministre des Finances; ça doit être parce que le fardeau était trop lourd. Je pense que ce qui s'est passé avec, par exemple, une loi sur les caisses d'entraide économique démontre également que les responsabilités conjuguées des institutions financières et coopératives et celle du ministère des Finances sont évidemment trop lourdes pour un seul homme quel qu'il soit.

Je ne voudrais pas mordre à la mouche qui m'a été offerte par le ministre de discuter les politiques économiques fédérales, mais souligner tout simplement la frustration de beaucoup d'intervenants dans le dossier des caisses d'entraide, entre autres de sa non-disponibilité dans le sens que les choses ont été réglées tout à fait en dehors de leur propre pouvoir et leurs propres responsabilités, et que c'est impossible de faire valoir des optiques qui auraient pu différer la politique du gouvernement dans ce dossier-là. C'est pour avoir vécu l'expérience de frustration avec ces gens-là, depuis quelques mois, qui a fait valoir la critique de l'Opposition envers les institutions financières et coopératives, et à son caucus de demander qu'un ministre à temps plein soit nommé pour s'occuper des institutions financières et coopératives.

Si le ministre veut dire que, sur le plan de la réglementation des institutions financières, le fédéral a des problèmes aussi graves, aussi sérieux que les problèmes des caisses d'entraide économique, on peut peut-être parler d'un fardeau pareil, mais, le ministre n'arrête pas de me dire comme ça fonctionne bien au fédéral. Je dois présumer que le ministre des Finances, au gouvernement fédéral, n'a pas les mêmes responsabilités et n'a pas les mêmes demandes, en fait, même s'il a lui-même une responsabilité de jure, de s'occuper de ce côté du dossier que le ministre québécois des Finances, Institutions financières et Coopératives.

M. Jacques Parizeau (réplique)

M. Parizeau: M. le Président, je suis persuadé que le ministre des Finances à Ottawa a beaucoup de temps d'oisiveté, mais on reconnaîtra que cela n'a rien à voir. La responsabilité d'un ministre s'exerce d'autant

plus facilement que le personnel des ministères impliqués est efficace. Ce que le député de Westmount est en train de dire ou en train de suggérer, c'est que dans des pays le moindrement importants, beaucoup plus important que nous, je ne sais pas moi, l'Angleterre ou les États-Unis, il faudrait 200 ministres. On n'a pas besoin de 200 ministres, dans un gouvernement, mais on a besoin de sous-ministres et de cadres qui sont efficaces. À cet égard, je ne peux pas me plaindre, ils le sont. Et dans ce sens, il n'y a aucune espèce de raison que l'on veuille fractionner comme un melon les responsabilités ministérielles.

M. French: ...

M. Parizeau: Non, je n'ai pas tout à fait fini, monsieur.

Prenons la question des caisses d'entraide. Que le député de Westmount ait éprouvé un certain nombre de frustrations, je le regrette vivement, mais enfin. La question des caisses d'entraide, du point de vue de ceux qui sont impliqués, la question est maintenant réglée. C'était quelque chose de majeur l'affaire des caisses d'entraide. On peut bien remonter aux responsabilités jusqu'où on voudra, mais je pense qu'on n'aura jamais vu au Québec, jamais, un problème financier de cette ampleur, touchant 300 000 personnes, c'est-à-dire pas loin de 8% de tous les adultes au Québec. C'est rare qu'une situation financière touche autant de monde. Je n'ai pas besoin de vous dire ce que cela donnerait aux États-Unis, si on prenait 8% de la population adulte en disant qu'il y a une crise financière qui les affecte.

Deuxièmement, c'était une crise financière qui mettait en péril le financement d'un très grand nombre de petites entreprises en région, dans une situation de récession économique assez dramatique.

Troisièmement, cela mettait en cause une sorte de concurrence d'institutions entre des gens qui, à un moment donné, auraient pu devenir des frères ennemis. Et alors! Cela a maintenant été approuvé dans des proportions remarquables par les intéressés. De leur point de vue, leur mouvement est relancé.

Quatrièmement, est-ce qu'on connaît beaucoup, M. le Président, d'émissions d'actions ordinaires de 160 000 000 $ dans notre milieu? À part certaines émissions de sièges sociaux, enfin, d'entreprises dont le siège social se trouve à Montréal mais qui ont une envergure pancanadienne, comme Canadian Pacific Investment, par exemple, est-ce qu'on peut me donner beaucoup d'exemples d'émissions d'actions de 160 000 000 $? Dans le milieu canadien-français, je vous le signale, c'est la plus grosse émission d'actions ordinaires qu'on n'a jamais eue.

Donc, on part d'une crise financière, on aboutit à une consolidation remarquable du mouvement et à des votes d'appui qui, à tous égards, sont étonnants. Je rappellerai, par exemple, qu'à l'occasion du dernier vote 21 caisses ont voté à plus de 75%. Il y en avait déjà 26 qui avaient voté à plus de 75%. On viendra dire que le ministre ou le ministère n'a pas fait son travail, que, au point où nous en sommes à l'heure actuelle, le résultat ne valait pas l'énergie qu'on y a mise. On viendra faire état des frustrations de l'Opposition officielle. Je suis navré des frustrations de l'Opposition officielle.

M. French: Question de privilège, M. le Président.

M. Parizeau: Mais, à tous égards...

M. French: Question de privilège, M. le Président. Vous parlez des frustrations des membres...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount, il n'y a pas de question de privilège... M. le député de Westmount, s'il vous plaît!

M. French: Oui, c'est vrai, je m'excuse.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas de question de privilège en commission...

M. French: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): ... cela doit être une question de règlement.

M. French: Je voulais apporter une correction aux impressions fausses du ministre. J'ai dit qu'il y avait des frustrations de la part des épargnants des caisses d'entraide, des frustrations qui restent pour les raisons que j'invoquerai à la fin de son intervention.

M. Parizeau: Alors, des frustrations de la part des épargnants. Lors du premier vote, les membres des caisses d'entraide se sont exprimés à 25%. Au deuxième vote, ce n'était pas 25%, c'était 36%. Donc, il y a eu davantage de gens. Contrairement à ce qu'on a dit dans bien des journaux, on sait qu'à l'heure actuelle la vallée du Saint-Laurent est considérée comme la vallée des larmes, chérie par l'ancienne liturgie. Ce n'est pas vrai qu'il y a moins de gens qui ont voté: 36% ont voté au deuxième vote et 25% au premier.

Deuxièmement, au fur et à mesure qu'on approchait de ce vote, disons, les trois dernières semaines, a-t-on vu des

réclamations? A-t-on vu beaucoup de déclarations de ces mouvements qui se disaient frustrés? Cela s'est fait dans un calme papal. Les dernières semaines ont été magnifiques sur ce plan, on gazouillait. De quelles frustrations parle-t-on? Où sont, au cours des semaines qui ont précédé, quand la deuxième législation a été passée par l'Assemblée nationale, où sont les protestations? Moi, je ne les ai pas entendues.

En fait, notre problème, ce soir, est-ce que ce serait, par hasard, qu'on serait embêté que quelque chose ait été réglé et bien réglé? Est-ce que ce serait cela? Je vous pose la question.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Discussion générale

Mme Bacon: Je veux bien que le ministre s'amuse à nos dépens, mais je pense qu'on va le ramener dans la réalité. On n'est pas venu ici pour qu'on se moque royalement de nous. Royalement, vous aimez bien employer ce mot de l'autre côté de la Chambre.

J'aimerais bien lui rappeler que, quand même, les obligations à 14%, ce n'est pas à Ottawa, c'est à Québec qu'on a fait cela. Que, évidemment, le gouvernement fédéral a sûrement moins emprunté que le gouvernement provincial. Ce n'est pas au fédéral que Moody's a donné presque des ordres et non des instructions ou, en tout cas, l'un ou l'autre, d'augmenter les taxes pour garder sa cote, c'est au gouvernement du Québec qu'il l'a fait.

C'est le ministre du Québec qui a donné des ordres ou des instructions, je pense que cela ça plaît beaucoup au ministre, pour augmenter les primes de l'assurance automobile. Je pense qu'il va falloir prendre un ton un petit peu plus sérieux et qu'on étudie vraiment les estimations budgétaires du ministère. Sérieusement, comme l'Opposition et je le pense bien mes collègues et moi avons envie de le faire. On veut bien que le ministre s'amuse, mais il ne faudrait quand même pas exagérer.

Si on me permet, M. le Président, à ce moment-ci, de peut-être nous le ramener à la raison un peu pour qu'on le fasse d'une façon le plus rationnel possible, et qu'on regarde de très près ce qui se fait au ministère. Mon collègue de Westmount a déploré le fait que le ministre est occupé avec le ministre des Finances et qu'il a plus de difficulté à s'occuper du ministère des Institutions financières, le ministre répond en disant qu'il a des fonctionnaires très efficaces. Je ne doute pas de l'efficacité des fonctionnaires, j'en ai d'ailleurs profité pendant quelques années, mais cela me surprend de voir qu'il y a eu autant de changements au niveau des sous-ministres. S'ils étaient efficaces, je ne comprends pas pourquoi on ne les a pas gardés.

Est-ce parce que les ministres, évidemment, se sont succédé, cela je n'en parle pas, mais quand même au niveau de l'efficacité des sous-ministres, enfin moi je m'interroge là-dessus et comment se fait-il qu'il y a quand même une espèce de tripotage dans la Caisse de dépôt? Il faut regarder ce qui se passe. Il y a de sérieux problèmes, j'aimerais, ce soir, qu'on en discute sérieusement et qu'on ne s'amuse pas aux dépends des membres de l'Opposition qui se posent des questions à propos du ministère. Je pense que c'est le rôle de l'Opposition et le ministre connaît trop le parlementarisme pour ridiculiser l'Opposition à ce point-là. Je pense qu'il aura à répondre aux questions qu'on lui posera et j'aimerais qu'il le fasse sérieusement, qu'il ne s'amuse pas à nos dépens, ce soir.

On a des questions à poser, on a quand même fait l'étude d'une façon sérieuse des estimations budgétaires du ministère et c'est à des réponses sérieuses qu'on s'attend de lui ce soir.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je peux, oui, M. le ministre.

M. Parizeau: Je suis tout à fait disposé à examiner toutes ces questions sérieuses, M. le Président. Sauf que là les obligations à 14%, je ne sais pas, je ne sais pas à quoi on se réfère. Si on peut m'expliquer davantage, je saurais de quoi il s'agit. Qu'est-ce que c'est...

Mme Bacon: Je parle en 1981.

M. Parizeau: Pardon?

Mme Bacon: En 1981.

M. Parizeau: C'est quoi cela?

Mme Bacon: N'est-ce pas à ce moment-là, en 1981, que vous êtes allé chercher un montant de 500 000 000 $ à 14%?

M. Parizeau: M. le Président, nous avons été obligés. On parle du taux des obligations d'épargne? Le taux des obligations d'épargne, j'ai été obligé de le hausser...

Mme Bacon: Vous n'avez pas fait un refinancement à 14%?

M. Parizeau: J'ai été obligé de le remonter à 19,5% parce que le fédéral payait 19,5%. Ce n'est pas à 14%, ce n'est pas à 15%, ce n'est pas à 16%, ce n'est pas à 17%. On dit: On ne veut pas. Ce n'est pas

une question de ridiculiser. Que voulez-vous? Si j'avais pu emprunter à 14% en 1981, je gazouillerais, je serais en Floride, je n'aurais pas eu besoin d'augmenter les taxes comme je les ai augmentées en novembre. C'est 19,5% que j'ai payé parce que le fédéral payait 19,5% sur ses obligations d'épargne. C'est 5,5 points de plus sur un encours de 1 000 000 000 $. Je ne me moque pas, mais si on veut discuter de ces choses-là, on va en discuter très précisément. (20 h 45)

Comme je pensais que la question de la dette du gouvernement fédéral relevait plutôt des Finances que des Institutions financières, j'ai demandé à un de mes adjoints d'aller chercher les papiers idoines, mais je peux assurer le député que sur ce plan, quant à ce qui est inscrit dans nos livres, le fardeau relatif du service de la dette fédérale est deux fois celui du Québec. Un instant, M. le Président, on m'a suggéré de discuter d'obligations à 14%, de la dette fédérale, de Moody's, des primes d'assurance automobile, des fonctionnaires qui ont changé et du tripotage dans la Caisse de dépôt. Je vais passer ces points-là un par un.

J'aurai l'occasion tout à l'heure quand j'aurai les chiffres, de comparer très précisément les deux dettes - et je prends un "rain check" là-dessus - le service de la dette du gouvernement fédéral avec celui du Québec. Vous verrez ce que cela représente, vous verrez le contraste remarquable entre nous et un gouvernement fédéral bien plus mal pris que le gouvernement de Québec, sur le plan de la dette publique. Ce que je citerai à ce moment, ce ne sont pas des chiffres du gouvernement de Québec, parce que quand on en présente tout le monde s'imagine que c'est suspect, mais des chiffres d'un bureau de courtage qui s'appelle Ames-Dominion Securities, dont les chiffres sont tout à fait remarquables à cet égard.

Passons à la question des cotes de Moody's.

M. French: C'est le ministre qui a soulevé la question du gouvernement fédéral.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez une question de règlement?

M. French: Oui, j'ai une question de règlement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: C'est le ministre qui a soulevé la question du gouvernement fédéral. Je pense qu'il aura tout le loisir nécessaire pour discuter toutes ces questions en détail lors de l'étude des crédits du ministère des Finances. Il n'a pas été invité à discuter ces choses. S'il veut apporter des soi-disant corrections à ce que la députée de Chomedey a dit, qu'il le fasse lorsqu'il aura les renseignements nécessaires. Entre-temps, il a été invité à discuter de questions concernant le Québec et, surtout, les crédits de son ministère.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la question de règlement.

M. Parizeau: On a soulevé la question d'obligations à 14%, de la dette du gouvernement fédéral par rapport à la nôtre. Ce n'est pas moi qui ai évoqué cela, les cotes de Moody's, les primes d'assurance automobile, des fonctionnaires qui ont changé et du tripotage à la Caisse de dépôt. Oui ou non?

Mme Bacon: Je vous rappelle à la réalité.

M. Parizeau: Alors, je parle de cela et si, ensuite, on veut parler d'autre chose, on parlera d'autre chose.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre ne veut pas discuter de ses crédits ce soir? Il est trop pressé.

M. Parizeau: Je suis tout à fait disposé à discuter des crédits du ministère tant qu'on voudra. Mais est-ce qu'on pense un instant qu'on va me lancer une série d'affirmations comme cela sur la table, en disant: Nous savons que cela n'appartient pas à vos crédits et, quand vous chercherez à répondre, on vous arrêtera. Allons doncl

Mme Bacon: II s'amuse, M. le Président.

M. Parizeau: Je ne m'amuse pas. Je les prends dans l'ordre. Il faut quand même être sérieux. C'est moi qui suis sérieux là-dessus.

Mme Bacon: Si vous êtes pressé de quitter, il faudrait peut-être commencer à étudier vos estimations budgétaires.

M. Parizeau: Oui, mais alors, madame, est-ce que la députée retire ce qu'elle a dit sur ces choses?

Mme Bacon: Pas du tout. C'est le ministre lui-même qui a déjà avoué qu'il s'était trompé dans certains pourcentages, alors je le ramène à l'ordre.

M. Parizeau: Trompé dans certains pourcentages, j'ajoute cela à la liste.

Mme Bacon: II ne veut pas discuter ses estimations budgétaires.

M. Parizeau: Ce n'est pas cela. Bien

voyons. Est-ce que la députée de l'Opposition va dire: II a déjà dit qu'il s'était trompé dans ses pourcentages et surtout qu'il n'en parle pas? Je n'ai pas d'objections, je vais tenir la liste. C'est un score pour moi, cela, si on veut me faire sortir, si on me demande un rapport quelconque sur les crédits des Institutions financières. Je sais bien que cela n'a aucun rapport avec les crédits des Institutions financières, mais si on me lance des tas de choses, vous pensez que je vais prendre cela en disant: Mais certainement, je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus. Comment?

Mme Bacon: On peut parler de la température, si vous voulez.

M. Parizeau: Mais non. On va parler du troisième point, c'est-à-dire de Moody's. Sur ce plan, le Québec n'est pas dans une situation différente de celle de toute une série d'emprunteurs qui, à l'heure actuelle, voient leur cote réexaminée par les agences de rating. J'aimerais, puisqu'on soulève cette question, indiquer que toute une série de sociétés financières ou de corporations ont été décotées depuis quelque temps à cause de la situation économique ambiante. C'est le cas de compagnies aussi peu connues que Noranda, Cominco, B.C. Forest Product etc. Plusieurs États américains ont été décotés par les mêmes agences. Par exemple, l'État de Michigan. Au Québec, en dépit d'une campagne publicitaire remarquable qui a fait que l'arrivée des agences de rating était photographiée par les appareils de télévision - ce que je n'ai jamais vu ailleurs - la cote a été maintenue. Que veut-on de plus?

Passons maintenant à la question des primes d'assurance automobile qu'a soulevée le député de Chomedey.

M. French: Je me demande si le ministre serait d'accord qu'on la laisse dans l'ordre des crédits. Est-ce qu'il serait d'accord sur cela?

M. Parizeau: Volontiers. M. French: Merci.

M. Parizeau: Passons maintenant au point suivant: Les fonctionnaires qui ont changé. Je ne sais pas dans quelle mesure les fonctionnaires ont changé par rapport à l'époque où la députée de Chomedey était ministre. Tout ce que je peux dire, c'est que depuis que je suis ministre dans ce ministère, j'ai hérité de ceux qui y étaient et ils y sont toujours. Dans ce sens, je ne peux pas me prononcer sur ce qui s'est passé avant moi, mais simplement noter que ceux que j'ai trouvés quand je suis arrivé au ministère sont là, et singulièrement à l'occasion de l'affaire des caisses d'entraide, ils se sont révélés être d'une remarquable efficacité. Quant à ce qui s'est passé avant moi, je n'en sais rien.

Tripotage à la caisse de dépôt. Si je comprends bien, cette accusation revient à l'heure actuelle dans les "bons" milieux, -bons étant entre guillemets, - depuis déjà quelque temps. Lorsque la Caisse de dépôt, à la demande de Domtar, achète 25% des actions pour éviter à Domtar un sort pire que la mort, c'est-à-dire le contrôle par MacMillan Bloedel, dans les "bons" milieux, ce n'est pas du tripotage. Lorsque la Caisse de dépôt et la SGF disent: Mais pour être capable d'orienter les investissements de Domtar, ce ne serait peut-être pas mauvais qu'on achète le contrôle de Domtar. Ah! bien là, dans les "bons" milieux - toujours entre guillemets, - c'est mauvais. Il y a des choses qui doivent être dites, quant à ce tripotage. Il y a des tripotages utiles en certains milieux, par exemple empêcher Campeau de prendre le contrôle de Trustco.

M. French: M. le Président, une question de règlement.

M. Parizeau: On me parle de tripotage à la Caisse de dépôt.

M. French: J'ai entendu le discours du ministre au sujet de Campeau souvent.

M. Parizeau: Oui, oui bien sûr.

M. French: C'est toujours amusant, mais on a tout de même des crédits à passer ce soir. D'ailleurs je m'engage à le laisser parler de la Caisse de dépôt plus tard dans la soirée. Je m'engage à lui donner l'occasion de...

M. Parizeau: Mais c'est une accusation très grave. M. le Président, on ne se rend pas compte. Je suis le ministre responsable devant l'Assemblée nationale non pas des opérations de la Caisse de dépôt, puisqu'elle est parfaitement autonome sur ce plan, mais c'est moi qui dois répondre à l'Assemblée nationale du fonctionnement de la caisse. On utilise l'expression "tripotage" de la Caisse de dépôt. C'est assez sérieux, un tripotage. Je dois laisser passer cela? Parce que le ministre des Finances, c'est un bon gars, il se laisse dire n'importe quoi, comme accusation. Tripotage, c'est assez sérieux comme expression. Oui, oui, c'est le mot qui a été utilisé.

Mme Bacon: Vous dites: Le ministre des Finances, c'est un bon gars. Ce n'est pas ce que dit la population, en ce moment.

M. Parizeau: Mais si, mais si. Elle s'attendait à bien pire, madame. Elle trouve le gars bon parce qu'elle s'attendait à bien

pire que cela. S'il y a une façon de résumer le budget, c'est de dire "ouf".

Mme Bacon: C'est parce qu'il avait tout fait avant.

M. Parizeau: Alors là, on m'accuse de tripotage. Je ne peux pas prendre cela autrement que comme une accusation. Le mot "tripotage" a un sens bien précis. Tripotage, cela veut dire que le ministre viole la loi de la caisse qui indique, à l'article 44, qu'à part de donner des renseignements, il n'a pas le pouvoir de directives à l'égard de la caisse et il ne doit pas diriger ses activités. On dit: II a tripoté la caisse et il n'en parle surtout pas. On peut l'accuser de cela, mais il ne faut pas qu'il réponde. J'emploie le mot "tripotage" comme assez sérieux. Je n'aime pas cela. Je ne pense pas jamais avoir accusé quelqu'un de tripoter. Je ne vois pas le diable pourquoi on m'accuserait de cela.

Ce que je suis en train de dire essentiellement, c'est qu'il y a des activités de la caisse qui, quand elles sont faites sur le plan de l'intérêt public du Québec mais sans l'accord des bons milieux, sont considérées comme du tripotage, mais, lorsque des activités analogues sont faites par les bons milieux, là, ce n'est pas du tripotage. Je remercie la députée de Chomedey de me donner enfin l'occasion de dire cela quand même ce ne serait que pour l'enregistrement de nos débats. Je n'accepterai jamais qu'une activité de prise de contrôle par la Caisse de dépôt avec des intérêts publics comme la SGF ou des intérêts privés comme Brascan, soit considérée comme des manoeuvres de tripotage lorsque d'autres acitvités du même genre faites dans les milieux dits "bons" sont considérées comme des manoeuvres comment dire - correspondant éminemment à l'idéal capitaliste. Il faut qu'à un moment donné on démystifie ces choses.

S'il s'agit, dans cette accusation de tripotage, du fait que le gouvernement du Québec emprunte à la Caisse de dépôt aux mêmes conditions que le Heritage Fund de l'Alberta prête au Québec - je l'ai entendu aussi assez souvent - je dirais vraiment que dans la mesure où le Heritage Fund de l'Alberta est prêt à nous prêter des fonds à un certain taux, il serait quand même un peu ridicule de penser qu'un organisme public du gouvernement du Québec prête plus cher au gouvernement du Québec ou à Hydro-Québec. Est-ce qu'on va se tremper dans certains pourcentages? J'aurais besoin que la députée de Chomedey m'en dise davantage avant de répondre à cela. Voilà ce que j'avais à dire quant à l'intervention de la députée de Chomedey.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je peux appeler le programme 1? M. Parizeau: Volontiers.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous voulez discuter de l'ensemble des éléments?

Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'aime tellement entendre parler le ministre que je vais continuer à lui poser des questions.

M. Parizeau: Je les note, M. le Président.

Mme Bacon:Si vous répondez pendant longtemps, cela va durer longtemps et vous allez manquer vos rendez-vous.

Concernant les coopératives forestières...

M. French: M. le Président, une question de procédure. On va discuter des éléments dans l'ordre que les députés les soulèvent et on va adopter le programme 1 entièrement à la fin.

Mme Bacon: II prend bonne note des questions. Il pourrait répondre à mesure si...

M. French: C'est-à-dire que si l'on commence à l'élément 3, on ne s'engage pas à poser des questions, si elles sont plus pertinentes, à l'élément 1 ou 2, au point de vue des éléments du programme 1.

Le Président (M. Desbiens): Le programme globalement?

M. Parizeau: On prend le programme globalement et on l'étudie, ensuite on... D'accord.

Contrôle, surveillance et développement des entreprises

Mme Bacon: Le ministre est tellement volubile, M. le Président, qu'il va répondre quand même. On sait qu'il y a eu le sommet économique sur la coopération. Évidemment, on y a discuté de différents sujets. A la dernière commission parlementaire sur les estimations budgétaires, on avait posé certaines questions concernant ce sommet économique sur les coopératives. Au niveau des coopératives forestières, j'aimerais qu'on discute de l'administration des forêts domaniales. On n'a pas l'impression qu'il y a eu des suites à l'engagement de l'ancien ministre Joron de discuter avec les autres ministres pour faire valoir le sens coopératif en ce qui touche ce domaine. Est-ce que le ministre peut me donner davantage d'informations à ce sujet? Est-ce qu'il y a

des choses qui ont été faites récemment? Est-ce qu'il a discuté avec d'autres ministres? Est-ce qu'il a pris la relève de son ancien collègue?

M. Parizeau: M. le Président, mon collègue, M. Marois, constatant qu'effectivement il fallait essayer de développer cela davantage dans le sens de ce que dit la députée de Chomedey, vient de mettre sur pied un comité interministériel pour essayer de faire avancer les choses. Mais je reconnaîtrais avec la députée de Chomedey que, jusqu'à maintenant, enfin depuis le sommet, il n'y a pas eu sur ce plan d'avancement particulièrement spectaculaire. Là, il est possible que, grâce à ce comité-là, on puisse avancer davantage. (21 heures)

Mme Bacon: Est-ce qu'il siège présentement ce comité?

M. Parizeau: Oui.

Mme Bacon: Si on s'en va du côté de l'agriculture, j'aimerais demander au ministre s'il est d'accord avec le ministre de l'Agriculture lorsque celui-ci traite les coopératives fédérées de monopolisateur quand on pense à une intégration verticale, par exemple, en ce qui touche la mise en marché du porc.

M. Parizeau: Le problème du ministre de l'Agriculture, à cet égard, est un arbitrage extrêmement compliqué. Oui, c'est vrai que la coopérative fédérée, à certains égards, est un intégrateur et il est vrai que le ministère de l'Agriculture cherche à mettre en valeur la production des indépendants. Pour lui, comme pour moi d'ailleurs, je suis tout à fait... D'une part, je me rends compte de la difficulté de la manoeuvre qu'il cherche à faire et, d'autre part, le genre d'arbitrage qu'il fait me paraît être approprié. Il faut, d'une part, éviter de défaire ce qu'une très grande coopérative, comme la coopérative fédérée a fait, puis d'autre part ne pas laisser l'indépendant aller à vau-l'eau. Cela représente des arbitrages compliqués, délicats, mais effectivement, moi, je suis assez d'accord avec l'orientation et l'arbitrage auxquels M. Garon s'est adonné jusqu'à maintenant à ce sujet.

Mme Bacon: Est-ce qu'au niveau des deux ministères, que ce soit au niveau des ministres ou au niveau des sous-ministres, à ce sujet-là, est-ce que ce sont des rencontres qui pourraient amener des discussions pour trouver certaines solutions ou si, quand on parle d'arbitrage, je comprends que le ministre peut être d'accord avec son collègue, est-ce que ça se fait au niveau de la rencontre ou c'est tout simplement une opinion qu'il émet ici, ce soir?

M. Parizeau: Ah non! il y a eu plusieurs rapports sur le ministère de l'Agriculture là-dessus qui, d'une part, ont été discutés entre le ministre de l'Agriculture et moi, mais, d'autre part, sont allés à plusieurs reprises au Conseil des ministres; c'est une chose qui s'est discutée à ma connaissance au moins trois fois au Conseil des ministres.

Mme Bacon: J'aimerais qu'on s'en aille maintenant dans le domaine de l'alimentation. Est-ce qu'on a l'intention de venir en aide à la Fédération des magasins Coop qui accuse de grands déficits. On parle de 6 000 000 $, 7 000 000 $, ce qui amènerait des faillites de magasins Cooprix? Est-ce que le ministre a été saisi de ce problème-là?

M. Parizeau: M. le Président, non seulement j'ai été saisi de cela, mais j'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises, d'une part avec, bien sûr, les gens du ministère, d'autre part avec les banquiers, et j'ai eu l'occasion de suivre d'assez près ce que fait, à l'heure actuelle, dans ce domaine, M. Desmeules qui, comme associé senior de Martin Chabot, joue maintenant, dans le programme de rectifications de la Fédération des magasins Coop, un rôle important. J'ai personnellement la plus grande confiance dans les capacités de M. Desmeules. Je l'ai vu à l'oeuvre lorsqu'il était président de la Société des alcools lorsque la Société des alcools relevait de moi, et effectivement je pense que la Fédération des magasins Coop a besoin d'un redressement n'excluant pas d'ailleurs des opérations de chirurgie majeures.

Il est clair que beaucoup de gens sont inquiets. Il est clair, d'autre part, qu'il est embêtant - c'est plus qu'embêtant c'est un euphémisme que je fais là - de penser que certains magasins qui sont bien gérés, qui se débrouillent fort bien, qui font de l'argent, voient leur rentabilité et leur expansion mises en péril par les acquisitions des expansions récentes qui, elles, sont beaucoup moins rentables quand elles ne sont pas carrément déficitaires. Sur ce plan, il y a une opération de remise en ordre de la Fédération des magasins Coop, non seulement nécessaire, mais très urgente.

Dans la mesure où M. Desmeules prépare l'opération de redressement à l'heure actuelle, cela ne sert à rien de hâter ceux qui, comme lui, travaillent, mais il est évident que, d'ici à relativement peu de temps - je pense que le temps se mesure en termes de semaines - il va falloir qu'un projet très précis de rectification soit non seulement accepté par la Fédération des magasins

Coop, mais discuté aussi par ceux qui les financent. Je pense en particulier aux banques.

Quant à savoir jusqu'où le gouvernement s'impliquerait là-dedans, là, c'est davantage comme ministre des Finances que comme ministre des Institutions financières que je réagis. Comme ministre des Finances, je suis toujours appelé, en dernier, en fin de piste et quand tout va très mal, à voir si je dois intervenir et je me garde effectivement ce rôle simplement en bout de course. Il faut d'abord voir ce qui peut être rectifié avec les moyens du bord avant qu'on voie comment une institution comme celle-là passe à la caisse.

Mme Bacon: Quelle est l'intervention que le ministre des Institutions financières peut faire? Surveiller seulement? Il a un rôle de surveillance?

M. Parizeau: Oui, là-dedans, c'est essentiellement un rôle de surveillance. Le ministre des Institutions financières doit, à ce moment-là, si le rôle de surveillance révèle qu'il faut absolument faire quelque chose, en parler à son collègue le ministre des Finances, comme dirait le député de Westmount.

Mme Bacon: Est-ce que cela va aller aussi loin...

M. Parizeau: Le fait que ce soit la même personne qui occupe les deux postes dans ce cas, cela aide.

Mme Bacon: Le dialogue est plus facile. M. Parizeau: Oui, c'est plus facile.

Mme Bacon: Est-ce que cela va aller aussi loin...

M. French: Vous ne parlez pas du Conseil du trésor, par exemple?

Mme Bacon: Ah non! Le ministre parle de chirurgie majeure. Je pense que ce sont les termes qu'il a employés. Est-ce qu'on va aussi loin que de laisser aller les magasins Cooprix? Est-ce que c'est là qu'on fait la chirurgie majeure?

M. Parizeau: Je n'en serais pas surpris, mais cela ne pourrait n'être qu'une partie de l'opération. Cela m'embête un peu de commencer à faire état publiquement de certaines idées qui sont en train d'être explorées, mais qui ne sont pas testées complètement, mais cela peut aller assez loin.

Mme Bacon: Le ministre a parlé tantôt, M. le Président, de la Société de développement coopératif. Je m'inquiète quant à son avenir. On parle de définition de rôles. J'ai l'impression qu'on fait une remise en question en ce moment de la Société de développement coopératif. Cela m'inquiète un peu quant à l'avenir et au rôle qu'on veut faire jouer à la Société de développement coopératif.

Le ministre considérerait-il comme acceptable le fameux plan de refinancement - on a parlé tantôt de plans qui ont été soumis au ministre - qui lui a été soumis ou s'il remet cela aussi en question? A-t-il refusé ce plan - je pense que cela concerne des fonds supplémentaires à la société - ou l'a-t-il accepté?

M. Parizeau: Non, M. le Président, j'ai remis cela en cause. Pour poursuivre une idée qui en un certain sens m'intéresse davantage à cet égard et qui est celle d'essayer de transformer la Société de développement coopératif sur le plan de son financement central et sur le plan de la nature de ses interventions, de la transformer dans le sens de la Société de développement industriel, de faire en sorte que la Société de développement coopératif joue à l'égard des coopératives un peu le rôle de la SDI à l'égard d'entreprises non coopératives, c'est-à-dire qu'elle devrait être en mesure d'emprunter ses fonds prêtables et non pas de s'accrocher au fonds consolidé du revenu pour la majeure partie de ses besoins, étant entendu cependant qu'elle devrait être aussi en mesure de concéder, par exemple -tout cela reste encore probablement un peu hypothétique, mais cela indique le genre d'intérêt que je peux avoir - de fournir ce genre de rabais de taux d'intérêt ou d'équité, encore que le mot "équité", quand on parle de coopératives, a un sens bien spécial, que la SID est en mesure de fournir, cela aurait, je pense, l'avantage, d'une part, d'accroître la possibilité d'intervention de la Société de développement coopératif et, d'autre part, d'en réduire ses appels au fonds consolidé du revenu.

Alors, cette idée, j'ai eu l'occasion de l'exprimer à quelques reprises et j'ai demandé qu'on l'examine davantage non pas parce que, dans mon esprit, la Société de développement coopératif doit jouer un rôle moins grand dans l'avenir, au contraire, cela pourrait l'amener à jouer un rôle plus grand, si on parle d'interventions financières véritables, mais peut-être dans un cadre assez différent du rôle qu'elle a joué jusqu'à maintenant. Alors, j'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec les autorités de la Société de développement coopératif. Le dossier est loin d'être fermé. Je ne suis d'aucune façon engagé dans une voie plutôt qu'une autre, mais celle que je viens d'exprimer m'apparaît être suffisamment intéressante pour qu'on en poursuive l'examen

et pour qu'on voie dans quelle mesure on pourrait s'orienter dans cette voie.

Mme Bacon: La société a quand même soumis des plans au ministre, je pense, c'est ce qu'il a dit tout à l'heure. Est-ce que ces plans-là ne lui étaient pas acceptables? Le ministre veut-il aller plus loin dans la façon de trouver un plan de refinancement? Est-ce ce qu'il me dit?

M. Parizeau: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est qu'il est tout à fait normal que les sociétés d'État, ou les sociétés qui sont analogues aux sociétés d'État, même si elles ont un conseil d'administration qui, comme la SDC, représente tout le mouvement coopératif, il est tout à fait normal que pour des besoins additionnels de fonds ces institutions d'État ou assimilées s'adressent au fonds consolidé du revenu et disent: Nous avons besoin de 100 000 000 $ pour les trois prochaines années, crachez.

C'est le rôle du ministre des Finances, à cet égard, qui est actionnaire de la plupart des sociétés d'État et qui, s'il n'est pas actionnaire, comme dans le cas de la Société de développement coopératif, y fait des avances, de trouver des moyens qui permettent d'aller aussi loin ou plus loin et qui, sur le plan du trésor public, coûtent moins cher.

C'est un autre des avantages, contrairement à ce que disait le député de Westmount, d'avoir les deux postes dans les mêmes mains. Cela permet, d'une part, de chercher à réaliser les objectifs qu'on veut aux institutions financières et, d'autre part, de faire cela au moindre coût possible pour les contribuables. Ce qui est l'objectif normal du ministre des Finances.

Mme Bacon: À ce que je vois, le ministre des Institutions Financières tient le ministre des Finances fort occupé.

M. Parizeau: Et vice versa.

Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais que nous discutions, dans le cadre de la Société de développement coopératif, de l'habitation. On en a parlé un peu tout à l'heure, est-ce que le ministre envisage, soit dans l'avenir immédiat ou à longue échéance, de nouvelles coopératives d'habitation?

M. Parizeau: Je pense que c'est tout à fait inévitable qu'il y en ait de plus en plus, dans la mesure où les gens découvrent un peu d'eux-mêmes, en un certain sens, et à cause de beaucoup d'efforts d'éducation dans le milieu, non pas seulement de l'utilité de très grandes coopératives d'habitation, mais de la coopérative d'habitation pour un petit nombre de gens qui occupent le même immeuble. Ce qu'on voit apparaître à l'heure actuelle, ce sont, et de plus en plus, des coopératives d'habitation avec un tout petit nombre de membres, 6, 8, 10, 12. L'impression que j'ai, c'est qu'on verra beaucoup plus de cela avant qu'on en voie moins. C'est manifestement une formule qui se répand dans le public et qui est très bonne, à maints égards.

Mme Bacon: Vous ne mettrez pas de limite?

M. Parizeau: Ah! bien non, pourquoi?

Mme Bacon: Est-ce qu'on a prévu aussi des fédérations de coopératives, de nouvelles fédérations de coopératives?

M. Parizeau: Je ne crois pas. J'essaie de me souvenir, je ne pense pas qu'il y ait eu de demandes récentes...

Mme Bacon: Au niveau de l'habitation.

M. Parizeau: ... de fédérations. Pas que je sache. Ah! un instant. Je vais aller vérifier, M. le Président, mais il ne me semble pas qu'on ait eu des demandes récentes de fédérations.

Je m'excuse, M. le Président, il me semblait que j'avais de vagues souvenirs là-dessus, on me dit qu'il y a deux demandes de fédérations. L'une sur l'île de Montréal, l'autre sur la rive sud actuellement. (21 h 15)

Mme Bacon: D'accord. On pense à un contrôle financier de coopératives. Est-ce que le ministre envisage une certaine aide que son ministère pourrait apporter, disons, à de nouvelles fédérations ou à de nouvelles coopératives? Est-ce qu'on s'arrête à cela? Est-ce qu'il y a des préoccupations majeures ou mineures chez le ministre concernant ces nouvelles coopératives?

M. Parizeau: II est clair que le service des coopératives... C'est dans l'habitation à l'heure actuelle, c'est tellement populaire. Mais cela a été une préoccupation de ceux qui, au ministère, cherchent à développer des coopératives de mettre l'accent - et je crois qu'ils ont fondamentalement raison - non pas seulement sur les ressources financières de la Société de développement coopératif, mais sur un certain effort d'éducation du public qui veut s'engager dans des coopératives et bien sûr, éventuellement, dans la mise sur pied de fédérations. Constamment, on me remet sous le nez cette nécessité, à savoir que ce n'est pas seulement une question d'aide financière, mais une question de préparation des esprits, d'éducation, d'aide technique et, à cet égard, je dois dire que le service des coopératives du ministère a été remarquablement actif depuis un certain

nombre d'années. Mais je tiens à reconnaître cet accent que, constamment, ils mettent, à savoir qu'une coopérative, c'est plus que simplement des gens qui à un moment donné décident de mettre de l'argent ensemble et qui viennent chercher possiblement une aide financière à la Société de développement coopératif. Il y a toute une question d'éducation; si elle n'est pas faite, la coopérative risque de tomber au bout d'un certain temps ou de mal s'orienter ou de se casser la figure.

Mme Bacon: II y a des problèmes au niveau de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Il y a des problèmes importants avec les coopératives. Je ne sais pas si c'est dans les relations entre les deux ou au niveau d'une vision des choses. Est-ce que le ministre est conscient que ces problèmes existent?

M. Parizeau: Je m'excuse, de quels problèmes parle-t-on spécifiquement?

Mme Bacon: II y a des problèmes importants avec les coopératives et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL.

M. Parizeau: Ah! la société centrale!

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des problèmes qui ont été portés à la connaissance du ministre? Est-ce que le ministre a eu à trancher peut-être dans certaines décisions entre les coopératives et la Société canadienne d'hypothèques et de logement?

M. Parizeau: Les problèmes sont de deux ordres, au fond. Il y a une société centrale qui veut se débarrasser de logements et cela, c'est un problème pour la Société d'habitation du Québec ou la Société de développement coopératif. La société centrale met en vente, parfois à des prix très avantageux, des logements en disant: On s'en débarrasse. Ils en vendent dans le privé, bien sûr. La Société d'habitation du Québec en a acheté un certain nombre; la Société de développement coopératif aussi. Il arrive un moment, cependant, où non pas le ministre des Institutions financières, comme dirait le député de Westmount, mais le ministre des Finances doit se poser la question à savoir jusqu'où on sort la Société canadienne d'hypothèques et de logement des investissements qu'elle a déjà faits.

Je comprends que certaines ventes sont très avantageuses, indiscutablement, sur le plan du prix, mais il y a quand même une limite. C'est beau, c'est grand, c'est généreux, le fonds consolidé du revenu, mais où va-t-on? C'est le plan financier.

Il y a, d'autre part, le plan de l'occupation de cela, de l'utilisation qu'on fait des locaux, des gens qui vont occuper ces locaux, des nouvelles conditions qui leur sont faites, de la constitution de coopératives à l'intérieur de ces logements, parce que ce n'est pas tout d'hériter d'un logement, de l'acheter mais, une fois qu'on l'a acheté et qu'il y a des gens dedans, cela n'en fait pas des coopérateurs.

Mme Bacon: Est-ce que vous parlez du droit d'occupation?

M. Parizeau: Non, non. Du processus, comment dit-on?

Mme Bacon: D'accord.

M. Parizeau: II y a un barbarisme sur cela: la coopératisation. Vous acquérez un immeuble de la Société centrale d'hypothèques et de logement et peut-être à des conditions extraordinairement favorables où ils vont s'occuper du financement, des rénovations, tout ce qu'on voudra. Il y a des gens dans cet immeuble. Comment fait-on pour faire d'eux des coopérateurs? Ce n'est pas évident. Il y en a qui acceptent et il y en a d'autres qui n'acceptent pas. À un moment donné, on se trouve pris. J'allais dire: On remplace un tôlier par un autre pour utiliser une expression vulgaire. Ce n'est plus la Société canadienne d'hypothèques et de logement qui est en charge, c'est nous, mais on n'a pas plus de coopératives à cause de cela. Effectivement, cela crée un certain nombre de problèmes pour lesquels, je dois dire, on n'a pas encore trouvé de solution. C'est très joli, si vous héritez de 40 personnes dans un logement, vous pouvez les exciter pour les amener à devenir des coopérateurs, mais s'ils ne veulent pas ils ne veulent pas. On ne va tout de même pas les expulser parce qu'ils n'ont pas la fibre coopérative. Je sais bien, il y a des problèmes sur ce plan.

Mme Bacon: Ma dernière question concerne la Loi sur l'épargne et le crédit. Je sais qu'on peut en discuter tantôt, mais cela concerne les coopératives. Je vais l'ajouter tout de suite.

Le ministre a-t-il l'intention d'amender cette loi pour élargir le pouvoir de placement des coopératives?

M. Parizeau: Non. Je pense que je peux dire une chose. La phase de l'élargissement continuel des pouvoirs de placement des coopératives d'épargne ou de crédit au Québec, comme si c'était une vertu en soi, je pense qu'elle est terminée.

Avec les caisses d'entraide, on est arrivé à peu près au bout de l'élargissement qui faisait que dans les réserves, le plus légalement du monde, on pouvait mettre les

magasins Paquet ou bien le mont Tremblant. Ce n'est plus du tout comme cela que ceci doit se situer. Il va falloir... Cela existe déjà pour les sociétés d'entraide, grâce aux lois un peu frustrantes que nous avons adoptées, il y a maintenant quelque chose qui va s'appeler un coefficient de liquidité. Effectivement, il faudra bien que dans nos institutions financières comme dans toutes celles de pays qui ne sont pas des républiques de bananes, il y ait une définition précise de ce qu'est un coefficient de liquidité.

On pourrait discuter du pourcentage, mais cela n'est pas un élargissement dont je parle. Il faut bien se comprendre, c'est une restructuration des actifs. On ne peut pas parler d'élargissement des pouvoirs de placement quand on dit à une institution financière: Vous aurez X pour cent de vos dépôts ou de votre passif en prêts au jour le jour, monnaie dans les tiroirs, compte en banque, bons du trésor de moins de 180 jours. Cela, ce n'est pas un élargissement de pouvoir, mais il est temps que cela se fasse. L'idée d'élargir les pouvoirs de placement dans le sens d'un laxisme constamment de plus en plus grand, je m'excuse, mais je ne peux plus le prendre. Cela me paraît, au point où nous en sommes, rendu contraire à l'intérêt public.

Évidemment, on part de loin. Je reconnais volontiers que dans les années 1960 quand le Mouvement des caisses populaires Desjardins, par exemple, n'avait pas du tout le droit d'acheter des actions et a dû acheter le contrôle de Fiducie du Québec en dépit de cette interdiction par des moyens que quinze ans plus tard je ne jugerai pas. Il était normal de penser, à cette époque, qu'on élargisse les pouvoirs de placement. On reconnaîtra que depuis quinze ans - on me passera une expression vulgaire - les pouvoirs de placement on les a élargis sur un joyeux temps. Là, c'est bien plus une restructuration des postes du bilan qu'un élargissement des pouvoirs de placement.

Néanmoins, il y a une aide qu'il faut apporter à certains types de placement par les coopératives d'épargne et de crédit. Par exemple, dans la mesure où elles s'engagent comme elles le font depuis quelques années de plus en plus dans le prêt industriel et commercial il est absurde de ne pas leur donner l'équivalent de l'article 88 de la Loi sur les banques pour garantir certains types de prêts à même les inventaires des entreprises. Il y a un projet de loi qui a été déposé avant hier, à l'Assemblée nationale, qui va régler cette question. Je ne prends pas cela comme un élargissement des pouvoirs de placement des coopératives d'épargne et de crédit, mais comme des garanties normales qu'on doit leur octroyer, et que, finalement, on va leur octroyer. Ce n'est pas là un élargissement de pouvoirs, ils font déjà du crédit industriel et commercial, sauf qu'ils sont moins garantis que les banques à charte et cela, il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas. Donc, en résumé, je ne prends plus la question de l'élargissement systématique comme la vertu et la maternité. À un moment donné, on peut bien constater qu'il faut élargir certains pouvoirs, mais ce sera traité ad hoc, un par un, au mérite. Ce qui s'en vient bien plus que cela, c'est une sorte de restructuration des actifs où l'on dit: Voici quelles devraient être les normes qui régissent l'actif et le passif. Dans ce sens, c'est très différent de l'esprit qu'on a connu depuis 15 ans.

Mme Bacon: Quand le ministre mentionne la restructuration des actifs, est-ce qu'il a l'intention de demander qu'on ait des montants supplémentaires au niveau des réserves, par exemple, ou capital social ou...?

M. Parizeau: Non, je ne voudrais surtout pas...

Mme Bacon: II ne va pas jusque-là.

M. Parizeau: Non, ce que je voudrais surtout, c'est que les mots aient un sens plus précis. "Réserve" ne veut rien dire si l'on peut mettre dans les réserves les magasins Paquet. Ce ne sont pas des réserves, c'est se moquer des gens, d'ailleurs. J'aime mieux avoir, dans ce sens, des expressions plus précises où l'on parlera peut-être de coefficient de liquidité et de réserve secondaire et de choses comme celles-là, mais qui auront, sur le plan juridique, un sens très précis. Cela est un très gros travail. Je ne me fais aucune espèce d'illusion. Cela fait déjà pas mal de temps que le ministère est en train d'examiner cela. J'aurais voulu, si la question des caisses d'entraide avait pu avancer plus rapidement, être en mesure, avant le 21 juin, de déposer un projet de loi et de laisser pendant quelques mois tous les intéressés en discuter quitte à avoir des commissions parlementaires. Cela va être reporté de quelques mois, mais cela va venir à un moment donné, sauf qu'il va falloir prendre tout le temps nécessaire pour que non seulement les consultations se fassent, mais que toutes les représentations puissent être entendues. Quand on prend un virage comme celui-là, l'important c'est de savoir ce qu'on veut faire mais, d'autre part, d'être quand même en mesure d'écouter les représentations qui sont faites par tous les intéressés et d'avoir à trancher à un moment donné. Je ne suis pas pressé en termes de semaines ou en termes de trois mois, mais il est important que cela se fasse, je pense, pour la santé simplement du système financier québécois.

Mme Bacon: Vous parlez d'un terme de trois mois, est-ce qu'on peut penser que cela peut être fait à l'automne?

M. Parizeau: Oui.

M. French: II pourrait y avoir une commission parlementaire à l'automne?

M. Parizeau: Ah oui! bien sûr. Mme Bacon: Tout le bazar.

M. Parizeau: Non, non, le grand show, ce sera le...

Mme Bacon: Avec le ministre, je ne suis pas inquiète.

M. Parizeau: Je ne suis pas le seul à appartenir au show-business.

Mme Bacon: Tous les politiciens d'ailleurs.

M. Parizeau: II y a beaucoup de gens qui ne le sont pas.

Mme Bacon: D'accord, cela va.

M. French: M. le Président, pour revenir brièvement aux coopératives, le ministre a déposé le projet de loi no 56. Pourrait-il parler dans les mêmes termes qu'il a utilisés quant au projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, de ses plans pour le projet de loi no 56? Commission parlementaire, échéancier, lequel a la priorité entre les deux? La coopérative, je dois présumer.

M. Parizeau: Non, simplement, parce que le projet de loi sur les coopératives est prêt et a été déposé et, maintenant, c'est bien plus une question de chronologie que d'ordre de...

M. French: Je ne voudrais dire plus que cela, priorité dans le temps.

M. Parizeau: Non, je voudrais aller un peu plus loin. Dans le cas de la Loi sur les coopératives et les coopératives agricoles, cela fait quand même pas mal de temps qu'il est en préparation; cela a été préparé avant que je devienne ministre quant à l'essentiel. D'autre part, il y a eu beaucoup de conversations avec tous les groupes intéressés - je pense ici, en particulier, à certains pouvoirs des coopératives agricoles. Cela a donné lieu en collaboration aussi bien avec tous les intéressés, y compris la coopérative fédérée et le ministère de l'Agriculture, à des arbitrages, dans certains cas, un peu délicats, mais qui, finalement, ont été faits et qui ne créent pas, je pense, à l'heure actuelle, compte tenu des échos que nous avons eus depuis que nous avons déposé le projet de loi, parmi les principaux groupes intéressés, des difficultés particulières. Sauf erreur, aucun de ces groupes importants n'a demandé d'être entendu en commission parlementaire. Là où j'ai demandé au leader du gouvernement d'examiner cela d'un peu plus près, c'est que nous avons reçu quelques demandes de groupes, essentiellement je pense, de consommateurs, de petites coopératives de consommation et de quelques groupes d'habitation qui aimeraient faire des représentations. Le problème consiste essentiellement à savoir si on leur ouvre, à ceux qui se sont manifestés, une demi-journée ou une journée de commission parlementaire, pour ensuite passer à l'examen du projet de loi. Une chose est claire, je pense, depuis qu'elle a été déposée, c'est que les associations coopératives substantielles sont d'accord avec ce qu'il y a là, elles n'ont pas demandé de commission parlementaire, les députés voudront peut-être voter la loi le plus rapidement possible. (21 h 30)

M. French: Alors, possibilité de commission parlementaire ou de mini-commission parlementaire?

M. Parizeau: Selon les demandes. M. French: Pas de gros show.

M. Parizeau: Ah non! ce n'est pas nécessaire, c'est déjà fait.

M. French: Toujours dans le programme 1, la troisième phase de la Loi sur les compagnies devient une espèce de "perennial" ici en commission parlementaire, est-ce qu'on en parle toujours?

M. Parizeau: Le travail est en voie de préparation pour l'automne, mais, mon problème, c'est que le menu dont j'ai parlé au début de cette séance est lourd; enfin, l'important, ce serait qu'à l'automne et à l'interne on soit prêt, mais je ne donnerai aucune espèce d'assurance que ce serait déposé ou discuté à l'automne; compte tenu de ce que j'ai déjà dit, on se rendra compte que ça fait déjà un menu assez substantiel.

M. French: M. le Président, avec le fichier central des entreprises et l'administration de la création et la modification des personnes morales, le ministère doit être en mesure d'évaluer les allées et venues des compagnies de Québec à l'extérieur et vice versa, dans la mesure où arrivent les nouveaux investissements. Le ministre a-t-il des chiffres là-dessus qui nous permettraient d'évaluer la situation? Je s.ais que, dans cette question-là, il y a toujours la question de la signification d'un chiffre,

parce que, avec une compagnie comme la Prudentielle ou la Sun Life, et il y en a des centaines d'autres, ils n'ont aucune espèce de signification. Mais le ministre est-il en mesure de vérifier ce que beaucoup de personnes croient être une situation désastreuse face à l'hémorragie vers l'extérieur du Québec des institutions financières et des compagnies importantes?

M. Parizeau: Non, M. le Président, à partir du fichier central, il n'y a aucun moyen de se faire une idée. Je rappellerai à cet égard - je ne me souviens plus si c'était à l'occasion de la campagne électorale de 1976 ou de la campagne référendaire, ça remonte un peu loin - qu'il y avait eu une déclaration faite par je ne sais plus quel ministre fédéral annonçant qu'une centaine d'entreprises avaient quitté le Québec. Un journaliste de je ne sais plus quel quotidien était parti à la chasse pour vérifier les faits auprès de ces 100 compagnies et il avait découvert que peut-être plus de 80 d'entre elles n'avaient même pas un numéro de téléphone dans l'annuaire que c'étaient des cases postales qui servaient à les identifiés.

À partir du fichier central des compagnies, il n'y a aucun moyen de se faire une idée ou bien d'une situation possiblement désastreuse, comme dit le député de Westmount, ou bien d'une situation tout à fait inverse. Le fichier central des compagnies ne nous dit pas si telle compagnie a déplacé 30 personnes en Ontario, mais il ne dit pas non plus si une compagnie indigène n'a pas embauché 200 personnes de plus. Alors, non, le fichier central n'est pas un instrument pour cela.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Dans la même veine, M. le Président, j'aimerais quand même demander au ministre s'il n'est pas possible pour lui de connaître davantage certaines intentions des compagnies. On parle de La Prudentielle en ce moment, est-ce que le ministre n'avait pas eu certaines indications qui permettaient de soupçonner que La Prudentielle pouvait quitter ou quittait par morceaux le Québec pour aller s'installer à Kitchener? Il y a quand même des indices, à un moment donné, au service de l'assurance, qui doivent avoir un son de cloche et peuvent donner l'alerte?

M. Parizeau: Non, M. le Président, dans le cas d'une compagnie comme La Prudentielle, c'est une compagnie à charte fédérale, inspectée par le gouvernement fédéral, sur laquelle nous avons, bien sûr, un certain nombre de renseignements, mais non pas des renseignements de cet ordre. De la même façon qu'à l'occasion de l'annonce du départ du siège social de la Sun Life -j'avais lu cela dans les journaux - dans le cas de La Prudentielle, elle ne se sent pas forcée, chaque fois qu'elle déplace un département d'informatique à Toronto ou à Kitchener, de nous le dire.

Remarquez que, en soi, cela ne me choque pas nécessairement. De la même façon, encore une fois qu'une compagnie indigène qui décide d'embaucher 200 personnes de plus ne nous le dit pas nécessairement, on ne peut pas, d'une part, vouloir que le gouvernement déréglemente le plus possible et, d'autre part, qu'il commence à suivre ce genre d'opérations une à une.

La Prudentielle fait 2% des affaires d'assurance-vie au Québec, 3,5% des affaires d'assurance générale, 50% de ses affaires d'assurance générale au Canada sont faites au Québec. Elle a décidé de se déplacer graduellement. Sur une période de quatre ans, si je comprends bien - j'essaie de faire vérifier; on fait des appels téléphoniques pour essayer de préciser cela - elle aura déplacé quelques dizaines de personnes. Elle se met dans la situation de se faire, à un moment donné, découvrir par un journaliste, comme ce fut le cas ce matin et, là, cela amène un certain nombre de Québécois à dire: Ils sont fous ces Romains, comme disait Astérix. Si elle fait 50% de ses affaires au Québec, qu'elle garde son siège social à Montréal et qu'elle le transforme en coquille vide, et qu'elle déplace du monde à Toronto, qu'est-ce que cela peut faire pour elle? Perdre des affaires? Perdre des affaires aux dépens de qui? D'entreprises indigènes qui disent merci? Dans un domaine comme celui de l'assurance, s'il y en a qui veulent perdre des affaires, d'autres les rattrapent. Ce n'est quand même pas un métier à ce point spécialisé que les entreprises indigènes ne peuvent pas prendre ce que d'autres abandonnent. Dans ce sens, cela n'a pas vraiment de conséquence majeure. Je n'ai pas d'objection particulière à ce qu'un certain nombre d'entreprises, surtout francophones - parce que c'est de plus en plus le cas - recrutent de nouveaux cadres et qu'une entreprise anglophone décide de mettre des cadres à Kitchener et prenne le risque que la clientèle ici dise: Puisqu'elle pose des gestes comme ceux-là, il n'y a pas de raison que je ne transporte pas mes affaires d'assurance chez quelqu'un d'autre.

La concurrence a beaucoup de vertus et, sur le plan des affaires, c'est le service qui est important. Je ne vois pas pourquoi on pleurerait sur le fait que telle ou telle compagnie, pour des raisons hypothétiques, décide de se mettre dans une situation vulnérable sur le plan de la concurrence. Encore une fois, cela ne me dérange pas le moins du monde. Une usine, cela peut être différent, parce qu'il n'est pas inscrit dans le firmament qu'une usine doit être quelque

part plutôt qu'ailleurs, mais des entreprises de services comme l'assurance, vous donnez le service à la clientèle, de toute façon. Que le Québécois soit fédéraliste, Américain, Papou ou indépendant, de toute façon il va assurer sa maison.

Mme Bacon: Dois-je comprendre que le ministre n'est pas d'accord avec son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui cherche par tous les moyens à convaincre le président de La Prudentielle, compagnie d'assurances, de ne pas déménager tout son personnel à Kitchener? Vous dites: Je m'en fous. Mais le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme n'a pas l'air de s'en foutre, puisqu'il veut rencontrer le président, s'il ne l'a pas déjà fait, et qu'il a l'intention de faire des pressions pour qu'il reste.

M. Parizeau: Mais, c'est en réponse à une question en Chambre, ce n'est pas du tout comme cela que cela se présente, M. le Président. C'est en réponse à une question en Chambre: Allez-vous téléphoner au président? qu'il a répondu: Oui, je vais téléphoner au président. Ce n'est pas une question de retenir le personnel coûte que coûte. Si je comprends bien l'article de ce matin, il est déjà parti. Mes services aussi ont cherché à rejoindre le président aujourd'hui au moins pour vérifier les chiffres qu'il y avait dans l'article. Jusqu'à ce soir, il ne rendait pas les appels. Mais il n'y a rien là-dedans, il faut bien le comprendre, quand on parle de services, qui soit particulièrement dramatique. S'il y a des gens qui veulent prendre un risque avec leur clientèle, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On ne peut pas les empêcher de prendre un risque avec leur clientèle. Encore une fois, les services dont nous parlons, ce sont des services d'assurance-vie et des services d'assurances générales qui sont essentiellement non spécialisés. Si c'était le siège social d'une entreprise mondiale spécialisée dans l'assurance nucléaire, ce serait une autre paire de manches. Cela me dérangerait plus, s'il quittait Montréal, parce que cela ne pleut pas, les gens spécialisés dans l'assurance sur le risque nucléaire. Mais, entre nous, l'assurance de "bumper", l'assurance sur la vie, s'il y en a qui veulent prendre un risque avec l'assurance de "bumper", il y en a d'autres qui vont le prendre. Je m'excuse, entre nous, il n'y a rien là.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, je voudrais vous dire que je trouve votre attitude très cynique par rapport à toute cette question de sièges sociaux qui s'en vont comme, qui dirait, si cela n'existait pas. Vous avez fait une référence à 100 entreprises, vous avez dit qu'il n'y avait même pas d'adresse, mais, moi, je vais vous envoyer la liste de 78 entreprises avec leur adresse, le nombre d'employés des sièges sociaux qui nous ont quittés, le nombre des divisions d'usines. Cela, c'est encore 28 autres entreprises qu'on a classifiées, un total de plus de 10 000 employés. La Prudentielle, on peut dire que cela ne représente rien. On fait le "dot" sur l'assurance automobile, le "dot" sur une autre sorte d'assurance. Mais, qu'on le veuille ou non, c'est une des plus grosses compagnies internationales d'assurances du monde. C'est un siège social qui en fait a ici un chiffre d'affaires en primes qui a beaucoup de conséquences, cela représente quelque chose comme une des vingt plus grosses compagnies d'assurances au Canada. En fait, on ne peut parler de cela purement comme d'une question de services qui font de l'assurance automobile, de l'assurance-vie, que ce soit 2% ou 3% du coût des investissements que cette compagnie fait dans cette province, par rapport à ses obligations, au chiffre de réserve qu'elle a à investir.

D'accord, vous me direz que c'est une compagnie fédérale mais, tout de même, toutes les compagnies, ses succursales aux impressions, tous les services qui sont rattachés à une compagnie pareille, les employés que l'on va perdre, moi, on me dit que des employés ont déjà quitté, mais je suis sûr que tous n'ont pas déjà quitté, il y en a beaucoup qui vont quitter, parce que le siège social est encore ici aujourd'hui. Le journal parlait de 500 employés, si c'est vraiment 500 employés, si c'est vraiment ce nombre que nous avons perdu, en fait. Et puisqu'on parle des institutions financières et coopératives, si on parle des banques, par exemple la Banque de Montréal, qui a un siège social, vous le disiez vous-mêmes, c'est purement une affiche sur un bâtiment aujourd'hui. On sait très bien qu'on ne maintient pas un bâtiment de 70 étages à Toronto et 45 étages de plus à Calgary, tandis qu'ici on a un vieux bâtiment à la Place d'Armes et que tous les services sont disséminés à travers le... et tout le "guts" de l'opération, le service d'informatique, le service des finances internationales. Quant à la Banque Royale, je peux vous dire, par mes connaissances personnelles, qu'il y a toute une section des finances internationales qui a déménagé, qui est partie pour Toronto ou ailleurs.

En fait, c'est un problème qui affecte quelque chose. Moi, j'ai fait une liste de ces 98 sociétés qui nous ont quittés depuis cinq ans, y incluant certaines compagnies d'assurances, des compagnies de finance comme le Royal Trust, des compagnies, des banques, et cela représente un actif

immense, quand vous pensez aux investissements qui se font, quand vous pensez à toutes les industries satellites qui se branchent là-dessus, par exemple, la publicité, les impressions et tout ce qui s'ensuit. On pourrait en faire une liste interminable, en plus de quoi, si on ajoute même une affaire de 10 000 employés, on peut encore ajouter des chiffres, c'est plus de 10 000 employés qui touchent par exemple en moyenne 20 000 $ par an, si vous voulez. Et c'est là une moyenne faible, si on y ajoute des cadres qui touchent 70 000 $ ou 80 000 $, tous les cadres qui font partie de sièges sociaux, c'est un chiffre phénoménal, comme base des salaires, comme base des taxes que nous avons perdus ici. Donc, dire que cela ne compte pas et que ce n'est qu'un service d'assurances qu'on va remplacer, moi, je crois que cela va beaucoup plus loin que cela et je me demande si, avec ce genre d'attitude où on dit: Bon, ça part, ça part, peut-être qu'on n'est pas en train d'espérer qu'ils partent. Il me semblerait que le ministre de l'Industrie et du Commerce - c'est un secret de polichinelle que cette compagnie-là a déménagé son service d'informatique déjà -aurait peut-être pu essayer d'organiser une rencontre avec la Banque de Montréal et avec le Montreal Trust avant qu'elle ne s'en aille complètement, ou une autre avec La Prudentielle pour essayer de garder au moins des employés ici pour qu'on n'ait pas cette perte de base fiscale qui nous affecte. On est obligé de taxer les gens qui restent ici. (21 h 45)

M. Parizeau: M. le Président, d'abord commençons par la question que La Prudentielle et ensuite on prendra cela dans un sens un peu plus large que le député de Nelligan ne l'abordait.

Pour les chiffres de ce matin de 500 employés, j'ai cru comprendre que c'est la totalité des employés à Montréal, mais non pas du siège social. Je serais vraiment étonné qu'elle ait un siège social de 500 personnes pour administrer 362 000 000 $ de primes par année; cela me paraît exorbitant.

M. Lincoln: Je ne dis pas que c'est le siège social qui part, mais, avec le siège social, ils vont déménager toutes sortes de services qui seront alors affectés. On donne une liste de services qui vont partir avec le siège social.

M. Parizeau: Je veux bien. Tout ce que je dis simplement, c'est que je ne crois pas que ce soient 500 personnes qu'on déplace. Cela va être probablement comme pour l'histoire de la Sun Life où, à un moment donné, les journaux annonçaient que 1800 personnes seraient déplacées; finalement, c'était énormément moins que cela.

Deuxièmement, sur la question des investissements. Vous savez, si seulement La Prudentielle britannique pouvait investir relativement à ce qu'elle ramasse ici, quelque chose d'analogue en termes de pourcentage à ce que La Prudentielle d'Amérique investit, je verserais peut-être plus de larmes. Je suis en train de faire examiner... Bien sûr, je dis tout de suite que ce n'est pas fini et que, selon le résultat, je laisserai filer ou je ne laisserai pas filer l'indice de réinvestissement au Québec de cette compagnie. La Prudentielle d'Amérique est une compagnie tout à fait différente qui a toujours investi énormément au Québec. Je n'ai pas besoin de vous dire, d'ailleurs, qu'avec La Prudentielle d'Amérique ou avec La Metropolitan ou avec un certain nombre d'entreprises comme cela, on a des conversations, évidemment.

Sur les gens comme ceux de La Prudentielle britannique, ce que j'ai jusqu'à maintenant comme renseignements c'est gentil, c'est coquet. Je ne suis pas certain que ce ne soit pas déficitaire; on verra d'ici 24 heures. Si, effectivement, ils sont très nettement déficitaires relativement à d'autres compagnies, ils vont en entendre parler d'ailleurs. Je me hâterai de signaler cela au public, ce n'est pas mauvais qu'il le sache. À l'occasion d'un déménagement comme celui-là, ce n'est pas mauvais. Je l'ai fait dans le cas de la Sun Life et la part du marché de la Sun Life n'a jamais remonté au niveau où il était avant. Parce qu'il n'y a pas de raison, dans des conditions comme celles-là, que le marché ne se déplace pas, comme je le disais, vers des entreprises autochtones.

Prenons cela maintenant dans un sens un peu plus large. Je dirai au député de Nelligan que ce phénomène, je le suis non pas depuis que je suis ministre ou depuis que je suis fonctionnaire, mais je le suis depuis ce qui a été, à mon sens, le véritable démarrage de centres sociaux de Montréal vers Toronto, c'est-à-dire la fermeture du siège social de la Phoenix de Londres en 1954, à Montréal. Sur le plan des institutions financières, si on veut partir de là, on peut partir de là. Sur le plan des institutions manufacturières, c'est le déplacement dans les années 1950 aussi - je ne me souviens plus de la date exacte - de la Canadian Coin and Foundry à Ville-Saint-Pierre, une fermeture d'usine qui a enlevé 3000 emplois à Montréal. Soit dit en passant, l'usine est encore pour l'essentiel à peu près vide, à Ville-Saint-Pierre: il n'y a qu'une usine de sucre qui soit là et, pour le reste, c'est tout vide. C'est là que cela a commencé, c'est dans les années 1950. Restons-en pour le moment aux institutions financières. Qu'est-ce qui a amené les sièges sociaux d'institutions financières à se déplacer depuis maintenant 27 ans vers Toronto? J'imagine que la première cause qu'on peut y voir,

c'est le fait que la Bourse de Toronto s'est développée, à un moment donné, beaucoup plus rapidement que la Bourse de Montréal, à la fin des années 1940 et au début des années 1950, et que l'essentiel du développement de l'industrie pétrolière au Canada a amené toute l'industrie pétrolière à inscrire ses titres à Toronto. Les historiens détermineront pourquoi la Bourse de Toronto s'est développée tellement plus vite.

À partir du moment où la Bourse de Toronto fut tellement plus grosse, pour les institutions financières, pour les "managers" de portefeuille s'installer à Toronto devenait la chose évidente à faire et cela avait un effet de boule de neige. Les premiers qui sont sortis de Montréal pour se rapprocher de la Bourse de Toronto, ont fait figure un peu d'aventuriers, mais cela a fait boule de neige et cela se poursuit. D'ailleurs, c'est arrivé à peu près au bout. C'est parfaitement normal. Remarquez que le fait que le développement de la Bourse de Toronto ait amené cela, a produit un déséquilibre encore plus grand entre la Bourse de Montréal et la Bourse de Toronto et on voit bien ce que cela donne maintenant.

Pour ceux qui ont suivi cela depuis 25 ans - et là je me définis, à partir de cela, comme un vieux dans notre société, sans doute - qu'est-ce qu'il y a eu comme réactions contre cela? Pas de conversations avec le président de la Phoenix de Londres: Restez donc à Montréal, ne soyez pas cochons, restez ici, voyonsl Ce n'est pas comme cela qu'on a réussi quoi que ce soit. On a réussi à faire en sorte qu'un milieu financier réapparaisse graduellement au Québec, par le développement d'un certain nombre de sociétés d'État, comme la Caisse de dépôt, non tripotée, par le développement des institutions financières coopératives qui ont pris une ampleur bien plus grande il n'y a pas de commune mesure entre les caisses pop un peu folkloriques d'il y a 25 ou 26 ans et ce qu'elles représentent maintenant sur le plan du développement financier - et, d'autre part, par le développement d'un certain nombre d'entreprises capitalistes financières francophones, comme La Laurentienne, par exemple, qui, là encore sur une période de 25 ans, ont pris une ampleur considérable, il y a aussi l'Alliance, on peut en donner toute une suite d'exemples. Il s'est recréé au Québec un milieu financier qui n'est pas encore complet, qui n'a peut-être pas l'activité qu'il devrait avoir, qui garde cependant un cadre d'innovation assez remarquable - je pense, en particulier, à ce que vient de faire la Bourse de Montréal sur les options sur l'or - différent de ce qu'il était il y a 25 ans, ayant des possibilités d'avenir indiscutables et qui est en train de transformer la façon dont le Québec fonctionne financièrement. Pensez-vous qu'encore une fois, sur les derniers ajustements, on va commencer à pleurer? Je suis bien plus intéressé au développement des milieux financiers autochtones et indigènes au Québec que de pourchasser quelqu'un qui fait 2% de l'assurance-vie et qui dit: Vous savez, je vais déplacer 30 cadres à Kitchener, parce que j'ai déjà implanté mon informatique là, il y a quatre ans. S'il veut y aller, qu'il y aille. Le développement des institutions indigènes au Québec, depuis 20 ans, est bien plus intéressant que la consécration du fait que la Bourse de Toronto soit devenue plusieurs fois plus rose que la Bourse de Montréal, sur une période d'un quart de siècle. Il y a au Québec dans ce domaine, comme dans tous les domaines manufacturiers ou commerciaux, un changement de la garde. Il y a des gens, habituellement sortis du milieu, qui montent très rapidement et il y a un certain nombre de nostalgiques qui trouvent que le Québec n'est plus le Québec à papa et qui vont s'installer en Ontario. Qu'est-ce que vous voulez? Dans n'importe quelle situation, il y a toujours une garde montante et une garde descendante. Je ne vois pas pourquoi la garde montante serait moins bonne que la garde descendante.

M. Lincoln: M. le ministre, il est bon de savoir que c'est une affaire de garde montante et de garde descendante, mais, quand vous regardez le nombre et le nom des industries, des sociétés, des banques et des compagnies financières qui ont quitté, eh bien! c'est peut-être la garde montante et la garde descendante, c'est peut-être le fait de la baisse de la Bourse de Montréal, mais peut-être qu'il faut aussi se demander si ce n'est pas le "chicken on the egg situation", parce qu'il est certain que cela a commencé avec les compagnies d'assurances, il y a quelque temps - sur cela, nous sommes entièrement d'accord - mais l'accélération qui s'est faite depuis cinq ans, représente quelque chose de cataclysmique. Si on regarde le nombre des sociétés, le prestige de ces sociétés, surtout les sociétés du monde financier, on peut dire que c'est la Bourse de Toronto qui a tout remporté. C'est une théorie peut-être, mais je ne peux pas croire que ce soit la seule raison pour laquelle toutes ces sociétés ont un mouvement tellement rapide. Alors, si on dit: La Prudentielle, cela ne fait que 3%, cela ne fait rien, mais il s'agit de tout le mouvement satellite que toutes ces corporations représentent. Je ne pense pas que ce soit dire qu'on regrette la situation de mon père et de mon oncle que de penser à toutes les industries du Québec, à toutes les PME dont votre collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce parle tellement souvent. Je peux vous assurer, en tant que quelqu'un qui a travaillé assez longtemps et

dans le milieu où j'ai eu affaire avec des gens dans la publicité, l'imprimerie, avec des comptables, des avocats, que de jour en jour, il y a beaucoup de ces gens qui souffrent d'une façon, quand une de ces sociétés-là quitte, parce qu'ils perdent des contrats.

On parle de la Sun Life qui est partie, peut-être que cela va être 1800 employés, que cela a été 1200, 500 ou 600, personne ne le sait.

M. Parizeau: 300.

M. Lincoln: Enfin, peut-être que c'est 300. Combien de sociétés satellites ont perdu des contrats aux mains de firmes de Toronto, seulement parce que la Sun Life est partie? C'est cela qu'il faut essayer de mesurer. Enfin, j'espère, M. le ministre, que vous épaulerez votre politique, parce que c'est aussi une question symbolique. Je pense qu'il serait bon de garder certaines de ces compagnies internationales qui nous donnent un certain prestige, si vous voulez, parce qu'à un moment donné quand ces compagnies sont parties, c'est dire qu'on a perdu, peut-être, le centre de l'assurance, qui l'était peut-être déjà, mais il faut essayer de garder ce que nous avons et s'appuyer sur les compagnies indigènes. Nous sommes tout à fait d'accord, mais je pense que cette affaire de dire compagnie indigène et compagnie étrangère, c'est quand même placer un problème qui, peut-être, n'est pas là, parce qu'en Ontario, je pense, toutes les compagnies sont les bienvenues qu'elles soient indigènes ou pas indigènes, puis qu'elles contribuent à l'économie générale.

M. Parizeau: M. le Président, il y a une ambiguïté ici que j'ai de la difficulté à laisser passer. Je ne vois pas en vertu de quoi les contrats dont parle le député de Nelligan, soient moins assurés par une entreprise qui se développe rapidement. DuPont, Groupe Commerce et la Laurentienne ne donnent pas moins de contrats, sous prétexte qu'elles se développent très vite et qu'elles ne sont pas très vieilles relativement à certaines des compagnies dont on parle, que des compagnies un peu plus mûrissantes et qui donneraient plus de contrats à des PME.

Encore une fois, le député de Nelligan faisait une analogie avec la poule et l'oeuf, mais je dois reconnaître avec lui qu'il y a certaines vieilles poules qui se déplacent, qui s'en vont et qu'il y a des oeufs qui sont en train d'éclore. Très bien, que les oeufs éclosent ici et que les vieilles poules... Ce n'est pas le problème de savoir si de la poule ou de l'oeuf, lequel des deux suit, c'est simplement de se rendre compte, encore une fois, que le développement des affaires se fait ici, au Québec, à partir d'entreprises nouvelles. Au fond, le seul reproche qu'on peut leur faire, c'est qu'elles soient nouvelles. Ce n'est pas qu'elles soient nécessairement absentes du marché international. SNC ou Lavallin sont des entreprises internationales, à l'heure actuelle, indiscutablement internationales. Qu'est-ce qui leur manque au fond, par rapport au bon milieu dont je parlais tout à l'heure, d'avoir trois générations? Ce n'est même pas une question d'être indigène ou pas indigène. C'est qu'à l'heure actuelle, on a l'impression dans certains milieux, de vivre une discussion entre vieux bourgeois et parvenus: les vieux bourgeois disant: non mais, qu'est-ce que c'est que ces parvenus, et les parvenus disant: si les vieux bourgeois veulent s'en aller, eh bien, qu'ils s'en aillent. Mais en terme de contrats pour la PME, un vieux bourgeois ou un parvenu, cela offre le même genre de contrats, le même genre de contrats et cela achète autant. En fait, le parvenu, des fois, achète plus et plus vite; des fois, c'est un tort d'ailleurs. Mais, fondamentalement, c'est une question pour des gens qui ont vécu longtemps dans le milieu des affaires. On sait très bien qu'à Montréal, ce qui est en train de se produire, c'est essentiellement un remplacement. Je vais aller assez loin, M. le Président, ce qui est en train de se produire à Montréal, c'est un remplacement de classe, bien plus que de n'importe quoi. On est en train d'assister à l'apparition comme hommes d'affaires majeurs, dans l'establishment de Montréal, de francophones qu'il y a quinze ans auraient été considérés, si vous me passez l'expression comme des pignoufs et qui maintenant, développent leurs affaires très rapidement, dans un milieu de nostalgiques qui disent: Mais qu'est-ce que c'est que ces gens-là? C'est comme cela: la vie change, la société change et les nostalgiques, qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas faire autrement que les laisser nostalgiques. (22 heures)

M. Lincoln: M. le ministre, je pense que, si l'on traduit vos remarques, s'il y a quelqu'un qui est peut-être dans l'émotivité plus que dans la réalité, c'est peut-être vous. Lorsque vous parlez de nostalgie, tout ce que l'on dit, nous, c'est qu'on n'est pas contre l'implantation de nouvelles sociétés comme La Laurentienne ou le Commerce général. Je n'ai jamais dit, une seule minute, qu'elles n'assuraient pas des contrats qui soient aussi bons et aussi parfaits, peut-être meilleurs, que La Prudentielle. Tout ce que je dis, c'est qu'on peut les avoir, eux, et en plus avoir La Prudentielle. Rien n'empêche l'une et l'autre de vivre ensemble, comme elles l'ont fait depuis des années.

Tout ce que je veux vous dire, c'est que chaque siège social qui quitte le Québec, pas l'exploitation, pas l'opération elle-même, mais le siège social représente un actif, une présence, un certain nombre d'actifs qu'on ne

peut pas mesurer par la dimension et les conséquences qu'elle apporte au point de vue fiscal, etc., mais tous les gens que cela emploie, tous les cadres que cela emploie, toutes les taxes que cela apporte au Québec, toutes les ventes additionnelles, indirectes et directes que cela apporte au Québec. C'est cela que je veux dire. Je crois que votre philosophie c'est de dire que c'est un remplacement, mais il aurait été bon d'avoir, au lieu d'un remplacement, une complémentarité. C'est cela qu'on demande. Ce qui arrive là-bas, ce que je voulais vous souligner, ce qu'on entend dans l'Ontario et les provinces où ces sociétés, les vieilles sociétés bourgeoises dont vous parlez, quand elles vont là-bas, cela n'empêche pas les compagnies ontariennes ou albertaines de s'implanter aussi ou de rester là et de prendre leur essor. Seulement, elles vont s'ajouter à elles. Vous venez de me dire que, lorsqu'on perd des actifs de la Banque de Montréal, qu'on perd des actifs de la Banque Royale, qu'on perd des actifs du Royal Trust, qu'on perd des actifs du Montreal Trust, qu'on perd les actifs de toutes ces sociétés qui ont quitté depuis cinq ans: Ah non! cela se remplace, mais on ne les remplace pas.

Est-ce qu'on remplace Monsanto? Est-ce qu'on remplace CIL? Est-ce qu'on remplace DuPont of Canada? Est-ce qu'on remplace tous ces sièges sociaux qui ont quitté? Je ne sais pas qui est dans la réalité ou qui est dans la nostalgie, mais, en tous les cas, je peux vous dire que, peut-être, vous auriez pu, à la SNC et à Lavallin, demander aux cadres ce qu'ils pensent de ces sociétés qui nous quittent et leur demander s'ils sont contents de voir le remplacement se faire, et qui va remplacer Monsanto, CIL et toutes ces grosses compagnies et toutes les grosses banques qui quittent. Je ne pense pas que de dire qu'il est chagrinant de voir La Prudentielle partir, ce soit admettre qu'on vit dans la nostalgie.

Je crois que La Prudentielle peut exister au Québec aussi bien que La Laurentienne, La Commerce Générale et toutes les grosses compagnies nouvelles dont nous sommes aussi fiers que vous, je vous l'assure.

M. Parizeau: M. le Président, encore une fois, si au nom de la concurrence, un siège social d'une compagnie qui reste, s'accroît très rapidement alors qu'un siège social d'une compagnie s'amenuise, ce que vous avez essentiellement, c'est une sorte de transfert. On l'a très bien vu à l'occasion de l'affaire de la Sun Life. On a très bien vu ce qui s'est produit. C'est un certain nombre d'entreprises québécoises qui ont acquis du personnel, acquis des cadres, développé leur siège social, parce qu'il y avait un vide qui s'était créé. Je l'ai dit tout à l'heure. J'insiste là-dessus, parce que ce n'est pas nécessairement vrai sur le plan de l'industrie, des usines. Ce qu'il faut surveiller, et là je suis d'accord avec le député de Nelligan, c'est l'implantation d'usines, parce que cela n'est écrit nulle part qu'une usine doive être au Québec; elle peut être n'importe où.

Le développement des services, le développement d'expertises professionnelles sur le plan internationnal, cela vient essentiellement des gens du cru. Ou bien sur le plan bancaire, sur le plan des opérations financières, sur le plan des opérations de marketing, sur le plan des opérations d'ingeneering, ou bien on a des gens qui ont le dynamisme nécessaire pour déborder leur frontière - il y a un facteur humain qui est inévitable - ou bien on ne les a pas. Cela se développe vite ou cela ne se développe pas.

Quand on parle d'usines manufacturières, c'est une autre paire de manches. C'est là qu'il faut essayer de juger de la performance du Québec, sur le plan de chercher à attirer des entreprises. Je suis toujours un peu étonné qu'on ne souligne pas que, sur ce plan, de nouvelles usines appartenant à des intérêts étrangers, s'implantent au Québec. Il y en a qui s'implantent régulièrement. Évidemment, il y en a qui ferme, et cela va de soi. Cela, c'est important, parce qu'il y aura une partie d'industries manufacturières qui sera autochtone, mais quand on parle de certaines implantations très spécialisées ou bien encore d'implantations qui demandent des capitaux massifs ou qui représentent des risques particuliers, là c'est important de tenir en un sens, de se dire: Est-ce qu'on fait les efforts nécessaires, pas seulement pour favoriser les PME locales, pas seulement pour favoriser les grandes entreprises locales, mais pour aller chercher des usines appartenant à des intérêts étrangers? Cela, c'est important.

Il est évident qu'un gouvernement a sur ce plan un rôle majeur, mais pour les industries de services professionnels, singulièrement dans une métropole, on ne peut pas légiférer sur l'intelligence et le dynamisme. On ne peut pas subventionner l'intelligence ou le dynamisme et dans ce sens, sur ce plan, Montréal s'est bien développé depuis quelques années. Dans le domaine des services d'ingénierie, qu'est-ce que vous voulez, on ne sort pas du fait que des dix plus grandes entreprises mondiales d'ingénierie-conseil, trois sont à Montréal, et cela, c'est nouveau. Cela n'existait pas il y a dix ans. Il y a quinze ans, elles n'étaient pas dans les dix premières. Dans beaucoup de domaines de services professionnels à Montréal, à l'heure actuelle, on doit constater qu'il y a un dynamisme assez étonnant. II n'est pas fait par les mêmes personnes qu'autrefois. J'admets que ceux qui manifestent ce dynamisme-là, ne sortent pas ni du St.James Club ni du Mount Stephen ou

alors, s'ils en sont membres, ce n'est que depuis quelques années seulement. Cela, on le reconnaît et c'est pour cela que c'est bien plus un remplacement de classe qui est en train de se produire que n'importe quoi d'autre. Non madame, ce n'est pas de la propagande. J'entends dire par la députée de Chomedey, que c'est de la propagande et que non, la plupart de ces gens-là étaient membres... Je m'excuse, mais moi, je sors de ce milieu-là et cela fait cinquante ans que j'y vis. J'ai vu évoluer ce milieu-là et je sais bien que les gens dont je parle étaient au Club Canadien il y a trente ans, et le Club Canadien ce n'était pas considéré comme très respectable dans les bons milieux. Ces gens-là, à l'heure actuelle, sont des millionnaires et ils embauchent des tas de gens. Ils sont dynamiques comme le diable et, évidemment, ils appartiennent au bon club, depuis qu'ils sont devenus respectables.

C'est très bien et reconnaissons-le et cessons pour l'amour du saint ciel de dire: Y a-t-il une des anciennes entreprises qui a décidé de déménager en Ontario? Je vous dirai à côté de ce qui se passe à Montréal et du dynamisme des hommes d'affaires de Montréal depuis quelques années, que je trouve que c'est relativement peu important.

Je regrette que cela se soit fait comme ça, il y a vingt ans, parce qu'il y a vingt ans que le virage a été pris. Quand la Bourse de Toronto s'est développée à ce point-là, le Québec a manqué un virage. Seulement, ça ne sert à rien de pleurer sur un chat mort, le virage vers Toronto s'est fait de façon dramatique il y a au-delà de vingt ans et cela a eu un certain nombre de conséquences. C'est tout à l'avantage des Montréalais d'avoir réussi à reprendre cela.

Ce qui a été perdu il y a vingt-cinq ans, cela ne sert à rien de pleurer sur un chat mort maintenant, c'est fait. Dans ce sens-là, j'aime mieux fonctionner avec les gens qui se disent: Qu'est-ce qu'on va faire dans dix ans, qu'avec ceux qui se disent: Ah! si Montréal pouvait retourner à l'époque où on était il y a vingt-cinq ans, comme cela serait mieux!

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 1 est adopté?

M. French: Non, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: II y a plusieurs façons de s'enrouler dans le drapeau. C'est le recours inévitable lorsque le gouvernement actuel du Québec se trouve menacé avec sa pitoyable performance dans le domaine du développement économique. Je regrette beaucoup d'entendre le ministre parler de la façon élégante qu'il le fait ce soir et d'avoir recours à cette tactique politique qui, enfin, ne lui est pas habituelle, en ce sens qu'il est souvent amené à parler sérieusement des choses plutôt que de faire des discours qui ont, finalement, pour effet d'amuser les personnes aux alentours et de diffuser en quelque sorte une discussion qui se veut sérieuse. J'ai été dans le milieu dont le ministre parle. Je ne me qualifierais pas de membre de la garde montante, mais je me qualifierais de l'ex-associé des gens qui constituent, sans aucun doute, la garde montante d'après la définition du ministre, parce que je sais qu'on a parlé à mes associés et il a été en admiration pour certains d'entre eux, du moins. Je ne pense pas qu'ils se réjouissent de voir le départ d'une industrie, d'une institution financière, d'une compagnie d'assurances de Montréal. Je ne pense pas qu'ils voient cela comme tant de portes ouvertes. Je ne pense pas qu'ils célèbrent le départ des sièges sociaux qui, enfin, amènent des postes à Montréal, non seulement pour servir le marché québécois, mais aussi pour servir un marché plus grand.

J'aurais voulu voir d'ailleurs ces portes-là rester ouvertes à Montréal pour la garde montante. Ils auraient pu prendre la relève de ces institutions déjà existantes, les améliorer et faire en sorte que Montréal continue à jouer un rôle national et international.

Je veux bien que les entreprises québécoises indigènes qui montent actuellement, prennent la relève, mais je suis obligé de constater quand même, que, pour ce qui est du marché des compagnies dont les sièges sociaux se sont déplacés de Montréal vers l'extérieur, ces marchés à l'extérieur du Québec vont continuer de se faire servir non pas par Montréal, mais par Kitchener, Toronto, Calgary. Cela, je le regrette beaucoup, parce qu'il y a beaucoup de postes impliqués, il y a beaucoup d'occasions perdues pour les Québécois.

Je voudrais bien que le ministre me dise s'il pense que la majorité des associés de SNC ou Lavallin sont contents, lorsqu'ils voient le départ de La Prudentielle. Je les connais, je fais affaires avec eux et je voudrais bien qu'il me dise honnêtement s'il croit que la plupart des gens de Lavallin sont bien contents de voir le départ de La Prudentielle.

Je serai le dernier à dire que le tout est de la responsabilité du gouvernement actuel. Ce n'est pas cela que je leur reproche. Je leur reproche énormément de ne rien faire face à ce phénomène-là. J'aurais pensé qu'un deuxième mandat vous aurait sécurisé suffisamment pour que vous alliez les voir, leur parler, leur expliquer votre projet, pour que ce projet ne soit pas fait sur le dos, non pas de votre clientèle d'employés publics, mais du Québécois ordinaire qui a besoin d'un emploi et qui se

fout de la source ultime de son emploi. Ce sont eux que vous faites payer.

Ce qui me déçoit, c'est quand j'entends le genre de discours du ministre de l'Industrie et du Commerce, disant qu'on va miser sur la valeur des Québécois, des Québécoises, etc., mais ce n'est pas important, parce que lui, il ne compte pas dans le Conseil des ministres. Mais ici, c'est le seul gars qui sait compter dans le conseil des ministres et je me demande où est-ce qu'on en est rendu?

Le ministre a évolué comme il l'a dit dans ce milieu. Il me fait penser à un cas classique qu'on utilise lorsqu'on enseigne aux jeunes en sciences administratives, surtout en marketing. C'est un entrepreneur qui ignore totalement une partie de son marché, parce que, pour des raisons tout à fait extrinsèques, il n'aime pas ces gens-là et ne veut pas leur vendre. Je ne dis pas que le ministre n'aime pas les gens, mais je dis que lorsqu'il célèbre le départ des sièges sociaux et tous les postes bonis - je dis postes bonis, pour ce qui est des postes qui ne sont pas basés uniquement sur le marché québécois, mais basés sur tout le reste du marché qui est servi par ces sièges sociaux - lorsqu'on le voit célébrer le départ de ces postes, il me fait penser à cet entrepreneur qui ignore une partie de son marché.

Je le dis encore une fois, M. le Président, parce que je pense que c'est important. Si le ministre était capable de nous dire, en quelque sorte, s'il a un projet à l'esprit qu'il veuille bien expliquer à ces gens. Ils peuvent bien être bornés, mais ils partent avec les emplois des Québécois. Ils peuvent bien être anglophones, ils partent avec les emplois des gars ordinaires, francophones et anglophones. Il faudrait faire une espèce de prévention plutôt qu'une espèce de truquage politique, à la suite des départs.

La nostalgie et les jeux de mots sur les clubs de Montréal n'apportent pas de beurre sur la table du gars qui a fait fonctionner la Xerox dans le sous-sol de l'édifice où logeait La Prudentielle. Je sais que c'est un jeu facile pour le député de Nelligan et moi-même d'évoquer d'une façon subtile tous les thèmes que le ministre a évoqués, mais enfin le député de Nelligan et moi-même croyons sincèrement que ce n'est pas dans l'intérêt des Québécois, quel que soit leur statut social, linguistique, etc., de constater le départ de quelque entreprise que ce soit. (22 h 15)

Dans la mesure où l'on croit que certaines de ces entreprises seraient, de toute façon, parties quel que soit le gouvernement, d'accord, on accepte qu'il y a une sorte d'évolution dans ce sens, mais nous croyons qu'il y a une partie importante des entreprises québécoises, avec siège social à Montréal, qui sont parties à cause de l'indifférence du gouvernement à leur égard. Ce qui est le plus important - parce que le passé, c'est le passé, et nous ne sommes pas en période électorale et il n'y a pas un chat ici qui va rapporter mes paroles - c'est que nous savons, par nos contacts - et le ministre peut avoir les mêmes contacts -qu'il y a une foule de raisons qui sont éminemment dans la juridiction dans l'approche du gouvernement, que le gouvernement peut facilement changer et qui fait en sorte qu'il y a beaucoup d'autres entreprises qui songent à partir.

Si je n'étais pas en politique, je pourrais continuer à faire une bonne vie et aller analyser pour le compte des entreprises à l'extérieur du Québec pour leur expliquer ce qui se passe au Québec et d'aller évaluer les possibilités et les scénarios politiques pour l'avenir du Québec, face à son gouvernement, justement parce que tous les investisseurs potentiels sont inquiets et beaucoup de gérants actuels, de directeurs actuels songent à partir. Je ne peux pas croire honnêtement qu'au fond de lui-même, le ministre ne soit pas profondément inquiet de voir Montréal devenir un centre régional.

M. Parizeau: M. le Président, je suis désolé de voir que le député de Westmount ne se rend pas compte que Montréal n'est plus la métropole du Canada depuis quasiment un quart de siècle. Il y a une sorte d'inaptitude, et pas seulement chez lui, chez bien des gens dans la politique, de reconnaître qu'il est arrivé à Montréal à peu près ce qui est arrivé à Boston. C'est-à-dire que ce qui était indiscutablement la métropole d'un assez grand arrière-pays a cessé de l'être il y a un bon bout de temps. Dans ces conditions, il faut savoir où on va à partir de là, plutôt que de chercher à nier la réalité.

Les gens de Boston, à cet égard, se sont très bien débrouillés d'ailleurs. Je dois dire que leur relèvement depuis dix ans est tout à fait remarquable. Ils ont accepté une bonne fois qu'ils avaient perdu la concurrence avec New York. Ils ont pris un certain nombre de moyens pour se relever et ces moyens n'ont pas consisté à s'accrocher à des restes du passé.

Le problème ne consiste pas à dire qu'on aime ou qu'on n'aime pas ces gens. Des contacts avec ceux que le député de Westmount appelle ces gens-là, j'en ai continuellement. J'en avais avant d'être ministre et j'en aurai après avoir été ministre.

Je ne célèbre pas le départ de La Prudentielle. Pourquoi célébrer le départ? La seule chose, c'est que je ne vais pas commencer à me battre les flancs s'ils décident de le faire. Surtout que pendant quatre ans, ils font cela petit à petit en se disant: Peut-être ne s'en rendront-ils pas

compte? et qu'à un moment donné un journaliste a dit: Mais dites donc, depuis 1977, ils ont laissé filer leurs services, un après l'autre. Ce n'est pas une question de célébrer. C'est une question simplement de se dire que l'avenir de Montréal n'est pas de chercher à retenir des gens qui, de toute façon, ont décidé de filer, mais de faire en sorte que ceux qui veulent développer leurs affaires, puissent les développer le mieux possible.

Il est clair que sur le plan des opérations de banque, on n'a évidemment pas réussi à en attraper autant que Toronto - je parle des banques nouvelles, étrangères -mais on a quand même réussi à développer à Montréal les affaires d'un bon nombre de nouvelles banques, qu'elles soient européennes ou japonaises. Cela s'est fait récemment. Encore une fois, je dis que cela n'a pas du tout les dimensions que cela a pris à Toronto, mais ces gens sont entrés. Pourquoi n'en fait-on jamais état?

Le siège social de la Banque Nationale de Paris, c'est quelque chose qui est entré à Montréal, mais c'est curieux, on n'en fait jamais état. On regarde celles qui partent et on se dit: Comment pourrait-on trouver un élastique pour les retenir? Je suis bien plus intéressé à cet égard, de faire en sorte que dans le marché financier international très avancé qui est en train de prendre place, que Montréal se taille, le plus vite possible, une place relativement importante; cela me paraît bien plus important. Certains des projets de la Bourse de Montréal - je pense, ici, au centre bancaire international - sont bien plus intéressants que la nostalgie des vieux poulets.

M. French: Est-ce que le ministre pense que le président de la Bourse de Montréal est content du départ des industries et des commerces?

M. Parizeau: II ne s'agit pas de savoir si on est content ou pas, c'est de s'imaginer qu'en se battant les flancs on va empêcher cela. Le président de la Bourse de Montréal a ceci de caractéristique depuis que je le vois évoluer et Dieu sait si, d'origine, lui et moi nous ne sommes pas exactement de la même religion politique. Je le vois évoluer essentiellement depuis qu'il a ce poste, dans le sens de: Qu'est-ce qu'on peut faire? Qu'est-ce qu'on peut faire avancer? Où est-ce qu'on peut aller? Qu'est-ce qu'on peut trouver de neuf? Dans ce sens, il est épatant, et son projet de centre bancaire international m'intéresse hautement et, soit dit en passant, on l'a appuyé dès que ce projet est apparu en lui disant, sur le plan fiscal, si on peut faire quelque chose avec Ottawa, on va le faire et on va se débrouiller, les deux gouvernements ensemble, pour faire apparaître cela à Montréal.

Cette orientation me paraît beaucoup plus importante, encore une fois, que de chercher à retenir par des élastiques des gens qui ont décidé de partir. Cela devient une question d'approche différente. Je suis désolé sur le plan de la liquidation d'un certain passé, je ne peux pas avoir de nostalgie.

Sur le développement de nouvelles affaires à Montréal, cela m'intéresse vivement et en gros, ma position c'est cela, ce n'est rien d'autre. Il n'y a pas de mépris pour l'un ou envers des gens que je n'aime pas, c'est simplement que, comme beaucoup d'autres, je suis bien plus tourné sur ce qu'on peut apporter à Montréal que de pleurer sur un chat mort.

M. French: M. le Président, je suis content que le ministre ait évoqué Boston parce qu'effectivement c'est un cas très intéressant. Le ministre sait que Boston a réussi à se sauver, du moins partiellement, à cause de son virage technologique qu'il a fait il y a quinze ans et qui a amené la route 128 qui contourne la ville à alimenter toute une série d'industries technologiques qui connaissent un essor assez important. Je crois, enfin, et je ne vois rien, par exemple, à part une brique que vient de nous livrer le ministre qui vise cette direction sans, à mon sens, vraiment venir aux prises avec.

Je voudrais dire au ministre que New York n'est pas un mauvais parallèle dans notre situation actuelle non plus. Fiscalité élevée, départs d'entreprises, etc., et la ville de New York elle aussi a eu ses batailles contre les courants est-ouest. Elle a assez bien réussi à garder les entreprises. Ce n'était pas pour elle l'histoire de regarder les entreprises établies comme une version de nostalgie économique. Elle est allée voir ces gens et leur a demandé ce qu'ils cherchaient, ce qu'ils voulaient et elle a réussi, non seulement, à en garder quelques unes, mais à attirer certaines entreprises déjà établies qui sont parties à revenir aux alentours de New York.

Je ne pense pas que ce soit le moment de faire le débat, mais je dis au ministre très clairement qu'enfin les mesures que le gouvernement du Québec pourrait prendre en ce sens sont immédiates, découlent des politiques déjà existantes qui répondraient à une très grande partie des soucis des gens qui songent à partir.

Le ministre croit-il vraiment que cette espèce d'hémorragie est finie, parce qu'il a dit qu'on assistait à la fin de cette vague? Sinon, à quelles mesures songe-t-il pour essayer de garder la capacité de réagir à la menace économique qui nous cerne actuellement?

M. Parizeau: Je ne suis pas particulièrement intéressé à garder, je suis

plutôt intéresser à développer, et c'est cela essentiellement qui nous distingue dans notre discussion de ce soir. Par définition, le milieu des affaires change et il y a des cas où on doit garder, pour des raisons comment dire, flagrantes, par exemple peut-être plus de secteurs mous qu'il en faudrait dans un monde où la technologie change. On n'a pas le choix, cela embauche une telle proportion des Québécois qu'on est obligé quelquefois de prendre des positions peut-être plus protectionnistes à l'égard de ces entreprises qu'on le devrait.

Normalement, on doit accepter des changements très rapides dans le milieu des affaires, et le député de Westmount a glissé vite sur l'exemple de Boston. Je n'ai jamais entendu dire que Boston ait commencé à se battre les flancs comme des fois on se les bat au Québec en disant que telle entreprise part, etc. Ils ont complètement changé la nature de leurs activités économiques du tout au tout, dans le sens de ce qu'ils disaient, c'est-à-dire d'un virage technologique important. Ce n'est pas par hasard qu'à l'heure actuelle on se pose la même question au Québec. Il est évident que sur le plan du développement d'industries technologiques nouvelles, il est bien plus important de regarder de ce côté que de chercher simplement à garder ce qu'on a.

Quand je disais que le glissement des sociétés vers l'Ontario s'achevait, c'était dans le contexte, je pense l'avoir dit très explicitement tout à l'heure, je pense que c'est essentiellement dans le domaine financier. Ailleurs, il n'y a pas vraiment de glissement, c'est une question de saisir ou de se faire saisir, selon les négociations que l'on peut mener, selon les régimes de subventions qu'on peut avoir, selon l'aide que l'on apporte à certaines entreprises. Il est évident que, là-dessus, on a des poignées d'importance différente. L'Ontario aurait eu de la difficulté, par exemple, à signer le contrat qu'on a signé avec Reynolds, très difficile, compte tenu de ses approvisionnements en électricité. On a sur ce plan-là une poignée, sur d'autres, c'est elle qui l'a. C'est une question de se servir des instruments dont on dispose le mieux possible avec autant d'énergie. Je ne sais pas et on ne saura jamais et on ne pourra jamais prévoir dans ces luttes pour l'industrie qui, à un moment donné, va avoir les instruments les plus puissants et va s'en servir le mieux. Il n'y a pas de glissement vraiment, dans le sens où il n'y a rien d'inévitable.

Ce que je voulais dire, c'est que, dans le domaine financier, effectivement, par rapport à tout ce qui s'est déplacé vers Toronto, cela achève, bien sûr, et c'est remplacé par une structure financière à Montréal, très différente, tout à fait différente de celle qu'on connaissait il y a vingt ou vingt-cinq ans, le remplacement, dans une bonne mesure, c'est fait à l'heure actuelle et c'est dans ce sens que je l'indiquais.

Par un certain nombre d'idées claires et par de projets précis d'aide technique et d'aide financière, ce virage technique, il faut le faire. Peut-être en un certain sens avons-nous trop tardé au Québec depuis vingt ans à le faire? On ne pourra toujours pas reprocher à un gouvernement de chercher à corriger quelque chose qui ne s'est pas fait et c'est intéressant sur ce plan que le député de Westmount, pour caractériser la situation de Boston, utilise exactement les mêmes termes que le titre de ce document qui vient d'être publié par le ministre d'État au Développement économique.

Il faut qu'on le prenne, au Québec, ce virage technologique, on n'a pas le choix. Encore une fois, qu'on dise que c'est trop tard, cela a peut-être pris bien du temps pour le faire, oui, peut-être cela a-t-il pris bien du temps, mais, au moins, il se fait, sur le plan, pour le moment, des idées claires et, pour le moment, de la mise en place d'un certain nombre d'instruments pour le réaliser et puis là on va bien voir. Il y a une question de volonté politique et une question d'approvisionnement en main-d'oeuvre spécialisée et une question d'entrepreneurship là-dessus. On va bien voir combien cela se combine. (22 h 30)

Sur le plan industriel, il n'y a jamais de glissement inévitable. La partie se joue tous les jours, tous les mois, usine par usine, compagnie par compagnie. J'entends le député de Westmount, M. le Président, qui dit: On perd. Eh bien, non, on ne perd pas nécessairement. On ne perd pas nécessairement. Il y a des choses qu'on perd, évidemment. Je suis désolé que les retombées de la construction d'un chasseur pour les forces armées canadiennes se fassent à ce point à l'égard de l'Ontario. On reconnaîtra que ce n'est pas exactement notre faute. Je suis désolé que dans le cadre de l'entente canado-américaine sur l'automobile, une des conditions pour l'implantation de Wolkswagen n'a pas été une désignation géographique. Enfin, disons qu'on peut difficilement nous le reprocher.

Les grandes pertes sur ce plan depuis quelques années, on sait très bien d'où elles viennent. On pourra difficilement reprocher au gouvernement du Québec de ne pas s'être battu avec énergie pour faire changer ces décisions, mais ce n'est pas lui qui pouvait les prendre. Mais est-ce que le contrat de Reynolds dont on parlait, c'est un échec? Il y a actuellement trois endroits dans le monde pour ce développement de l'aluminium, qui est probablement un des développements les plus intéressants qu'on ait devant nous à l'heure actuelle. Or le gouvernement allemand a décidé de bloquer

toute expansion de la production de l'aluminium. Le gouvernement japonais force les compagnies productrices d'aluminium à baisser leur production. Il n'y a plus d'endroit aux États-Unis où l'on peut avoir 200 mégawatts garantis pour quarante ans.

Le marché de l'aluminium n'est pas bon actuellement, mais ce ne sera pas ainsi continuellement. Où ces compagnies peuvent-elles trouver des endroits pour implanter des usines? Il y en a trois: le Brésil, l'Australie et le Québec. Nous sommes en contact constamment... On est parfaitement conscient de la lutte qu'il y a entre ces trois endroits pour avoir le maximum d'implantation d'aluminium et, dans ce sens-là, il ne faut pas s'étonner à la fois du contrat de Reynolds, du contrat qui vient d'être signé avec Pechiney, et des démarches qu'on fait avec au moins trois autres compagnies. Cela va aboutir, bien sûr, mais en sachant que la concurrence est prise dans trois endroits du monde. On est parfaitement conscient de ces choses-là, comme le serait d'ailleurs, si je peux me permettre, n'importe quel gouvernement au Québec parce que cela crève les yeux. Ce n'est pas une question de partisanerie politique. À partir du moment où l'on sait qu'il y a trois endroits dans le monde où une industrie de cette ampleur peut se développer, cela crève les yeux qu'il faut embarquer dans la bataille et prendre les moyens nécessaires pour en avoir au maximum. Jusqu'à maintenant, on ne s'est pas trop mal débrouillé par rapport à ces deux endroits-là. C'est bien joli de parler d'échec, mais on ne peut pas dire qu'on a échoué par rapport aux deux autres. Au contraire! Je ne sais pas ce qui va aboutir des trois autres projets, mais on verra bien.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 1 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 1 est adopté. Programme 2. On a déjà eu beaucoup de questions là-dessus. Excusez-moi. Si vous me permettez, on va procéder élément par élément. Je reviens au programme 1. Élément 1, adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Élément 2.

M. French: Adopté.

Le Président (M. Destiens): Élément 2, adopté. Élément 3?

M. French: Adopté.

Le Président, (M. Desbiens): Elément 3, adopté. Élément 4?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Élément 4, adopté. Le programme 1 est adopté. Programme 2. Est-ce qu'il y a d'autres questions au programme 2? M. le député de Westmount.

Contrôle, surveillance et développement des institutions financières

M. French: Je ne veux pas décevoir le Président mais il y a beaucoup de questions. On commencerait avec le député de Nelligan.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Est-ce que j'aurais pu poser des questions sur le service des assurances pour en finir avec cette section? J'aurais voulu parler, par exemple, du prélèvement de taxe sur les assurances. Si mes chiffres sont exacts - je pense qu'ils le sont - en 1978, les assureurs incendie-accident ont versé la somme totale d'environ 32 000 000 $ en taxe. C'était à ce moment-là une taxe de 2%. Ensuite la taxe a monté à 3% et ce chiffre est monté à environ 46 000 000 $. Le dernier chiffre que nous avons sur le prélèvement de taxe est d'environ 50 000 000 $.

Les chiffres de 1978 à 1981 augmentent relativement à ce qu'ils étaient en 1978, sur 2% taxe, de 18 000 000 $ ou d'environ 56%. Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi servent ces montants? À quel fonds gouvernemental sont-ils versés? Est-ce que cela va au fonds consolidé de la province? Projetez-vous, par exemple, d'affecter ces montants à la sécurité routière qui, maintenant, est une des phases les plus importantes du programme du ministère des Transports? En fait, c'est l'évolution qui semble se faire ailleurs, où beaucoup de ces montants, les prélèvements de taxe sur les primes d'assurance automobile vont au fonds de la sécurité routière pour toutes sortes de programmes ayant trait à la sécurité. Ce sont des programmes préventifs pour, justement, faire croire que les primes d'assurance sont réduites par le fait même de cet investissement dans la sécurité routière. Est-ce qu'il y a un tel objectif ou une telle idée en jeu au ministère ou au Conseil des ministres?

M. Parizeau: Non, M. le Président. À l'heure actuelle, les montants perçus par le truchement de cette taxe sont versés directement au fonds consolidé du Revenu. En tout cas, ni chez moi ni au Conseil des ministres, jusqu'à maintenant on n'a vu

apparaître une idée d'affectation d'une partie de cette taxe ou toute cette taxe à des fins spécifiques.

Je dois dire d'ailleurs qu'à une exception près - et cela n'a peut-être pas été la trouvaille du siècle - les fonds perçus sous forme de taxe et d'impôt ne sont pas affectés à une fin en particulier. Il n'y a pas dans le budget de Québec traditionnellement ce qu'on appelle en anglais "the year-mark tax". La seule exception dont je parlais tout à l'heure, c'est la taxe sur la publicité électronique dont on avait dit que la majeure partie irait à la contre-publicité. Je pense qu'on peut remonter loin en arrière au Québec et on ne trouvera pas de "year-mark tax", d'impôt ou de taxe spécifiquement affectée à une fin.

Il est plus courant que l'on se serve de permis à des fins spécifiques. Cela, c'est plus fréquent, pour des montants beaucoup moindres, à ce moment. Dans l'ensemble, ce n'est pas quelque chose d'usuel dans notre façon de procéder. Je ne veux pas dire par là que cela ne pourrait pas se faire, qu'on ne pourrait pas affecter certains impôts à certaines fins. Il faut dire que, lorsqu'on commence à procéder de cette façon, il est clair que cela enlève beaucoup de flexibilité à l'administration budgétaire parce que cela consolide certains types de dépenses puisque l'impôt doit aller à une fin définie. Lorsqu'on veut, par exemple, passer par les phases de compressions budgétaires qu'on connaît depuis deux ans, cela devient extrêmement malaisé, on se trouve très encastré, on manque beaucoup de flexibilité. C'est pour cette raison qu'au Québec on n'a jamais pratiqué vraiment ce genre de choses, à quelques exceptions près, comme la publicité électronique. À part cela, je ne me souviens pas d'autres cas. J'essaie de remonter en arrière, non pas tellement depuis que nous sommes au pouvoir, je peux me tromper mais je ne me souviens pas de d'autres cas dans l'époque récente.

M. Lincoln: Je demande ceci à titre d'information parce que je ne suis pas sûr du fait, mais n'est-il pas vrai que pour les primes d'incendie, contrairement aux primes d'automobile, il y a un prélèvement de taxe quelconque spécifique à la prime d'incendie qui va au service d'incendie des municipalités ou est-ce que je suis complètement dans l'erreur?

M. Parizeau: Je suis certain que cela n'y va pas.

M. Lincoln: II n'y a aucune taxe qui s'applique aux primes d'incendie ou à l'assurance-incendie comme telle?

M. Parizeau: Non.

M. Lincoln: Vous avez toujours le...

M. Parizeau: Je viens de faire une erreur. Il y a une autre "year-mark tax" dans notre système. C'est la taxe sur le pari mutuel qui va à l'amélioration de la race chevaline. Là encore, c'est pour un tout petit montant.

M. Lincoln: Est-ce que vous n'avez pas certaines taxes dans le département de santé des affaires sociales? Tout cela va au fonds consolidé, je pense...

M. Parizeau: Par exemple, à la Régie de l'assurance-maladie, les 3% des contributions d'employeurs au service de santé ne va pas à un fonds spécifique. Il est versé au fonds consolidé du revenu. D'autre part, on assure par crédits, qui apparaissent d'ailleurs dans ce livre de crédits, les dépenses de la Régie de l'assurance-santé.

M. Lincoln: Vous confirmez qu'il n'y a pas de taxe spécifique pour ce qui est des primes d'incendie.

M. Parizeau: Non.

M. Lincoln: Est-ce que nous aurions pu, par exemple, considérer qu'une approximation du total des taxes perçues pour ce qui est des taxes sur les primes d'assurance automobile puisse avoir une équivalence quelconque avec le ministère des Transports, pour que ce fonds aille vers la sécurité routière ou augmente le fonds de sécurité routière, comme cela semble être l'évolution ailleurs, pour essayer de faire de la prévention pour réduire les primes? Je dis cela à titre de suggestion. Peut-être cela serait-il quelque chose à considérer?

M. Parizeau: Effectivement, M. le Président, je pense que le député de Nelligan fait allusion à un geste qu'on pourrait peut-être poser. Mais la décision n'est pas prise -elle ne porte pas sur les primes d'assurance d'augmenter, par le truchement de contributions additionnelles, l'argent qui sera mis dans la prévention de la sécurité routière. Cela n'a rien à voir avec les primes de compagnies d'assurances. C'est une idée avec laquelle on jongle à l'heure actuelle de façon à augmenter ce qu'on mettrait dans la prévention routière, mais ce n'est pas tout à fait au point et la décision n'est pas prise encore à ce sujet. Cela n'a rien à voir avec les primes d'assurance.

M. Lincoln: Je ne suggérais pas que vous augmentiez les taxes sur les primes - je ne veux surtout pas qu'il y ait de malentendu.

M. Parizeau: Je n'y tiens pas, non plus.

M. Lincoln: Dans le rapport du Surintendant des assurances, page 24, on parle des frais d'exploitation des assureurs sur les primes souscrites au Québec. Auriez-vous les chiffres pour 1981? Est-ce que ces chiffres sont disponibles maintenant ou non?

M. Parizeau: Les chiffres?

M. Lincoln: Les chiffres des frais d'exploitation des sociétés d'assurance au Québec. A la page 24, on va jusqu'en 1980. On montre des frais d'exploitation, en 1980, de 29,3%. Cela m'intéressait de savoir quels étaient les chiffres pour 1981. J'aimerais faire la comparaison entre 1980 et 1981.

M. Parizeau: M. le Président, on me dit que ces chiffres ne seront pas disponibles avant l'automne. C'est normalement l'automne de l'année suivante qu'on les...

M. Lincoln: Donc, vous n'avez aucune idée sur ce qui se passe avec les frais d'exploitation de ces compagnies de 1981 par rapport à 1982. Vous n'avez pas d'approximation? Est-ce que ce chiffre se maintient? Est-ce que ce chiffre est augmenté?

M. Parizeau: On me dit qu'au début juin on ne peut pas vraiment avoir d'idée de ces chiffres de 1981. C'est vraiment à l'automne qu'on aura cela.

M. Lincoln: Si on parle des chiffres de 1979 et 1980 où l'on voit des frais d'exploitation qui sont montés, en fait, d'à peu près 1%, soit de 28,4% à 29,3%, on peut dire effectivement, que l'augmentation des frais d'exploitation est à peu près 1%.

M. Parizeau: Oui, jusqu'à concurrence de probablement 0,7%, M. le Président.

M. Lincoln: 0,7%, c'est cela. Ce qui m'intéressait, c'était de savoir si les frais d'exploitation - parce que les frais d'exploitation entre 1978-1979, c'est à peu près statique - en 1979-1980, ce serait resté statique. Bref, s'il n'y avait pas eu d'augmentation de taxes, ce serait resté statique et je voulais savoir si, en 1980, ce serait resté statique aussi? (22 h 45)

M. Parizeau: La difficulté, M. le Président, si on examine ce tableau 3, auquel fait référence le député de Nelligan, c'est qu'en pourcentage, le poste qui aurait le plus contribué à cette hausse générale des frais d'exploitation - non, on ne peut pas dire cela - au moins un facteur égal, ce sont les commissions.

M. Lincoln: Non, je ne pense pas que ce soit un facteur plus parce que...

M. Parizeau: Non, c'est du même ordre, c'est 0,7%.

M. Lincoln: 0,7%, je pense que c'est 0,7%.

M. Parizeau: Les taxes et permis, c'est 0,7%, mais là on voit qu'il y a eu une amélioration relative sur le plan des frais d'administration qui compense pour une part. Effectivement, il a raison. L'augmentation de la taxe et des commissions ont été deux facteurs.

M. Lincoln: En fait, j'avais une question parce que je voyais - je suis d'accord avec vos chiffres - à la page 25 du rapport du surintendant, au paragraphe 4, il dit: "L'augmentation est attribuable à une hausse de commissions et de taxes qui ont plus qu'annulé la baisse notée à la rubrique des frais d'administration." En fait, les frais d'administration, c'est un peu plus. Si on compare, par exemple, les frais d'administration ont décrû par rapport aux commissions. Si on ne prend pas la taxe dedans, il me semble que s'il fallait que les taxes et les commissions soient plus que les frais d'administration... Il y a une nette baisse des frais d'administration, c'est sûr, de 9,4% à 8,9%.

M. Parizeau: C'est une baisse relative. C'est exact que commissions et taxes font augmenter le pourcentage de 1,4% au total et que les frais d'administration baissent de 0,5%. Il y a donc une hausse de la proportion de 0,9% au net pour les frais d'exploitation.

M. Lincoln: Le ministre me dit qu'il n'a aucune intention de hausser encore une fois le chiffre des taxes qui ont augmenté de 50%, c'est-à-dire de 2% à 3%. Est-ce qu'on peut penser que 3%, pour l'avenir, est prévisible? J'espère demander au ministre si c'est pour le mandat du Parti québécois ou peut-être que c'est une question un peu osée pour quatre ans, qu'on va rester à 3%. Est-ce qu'on peut dire que nous sommes arrivés à un plafond au point de vue des taxes à 3%?

M. Parizeau: M. le Président, on n'annonce jamais les augmentations de taxes ou les baisses de taxes à l'avance. Cela va être un peu difficile de répondre à cela, surtout si je suivais le conseil du député de Westmount et que je distinguais les deux postes de ministre des Finances et de ministre des Institutions financières et Coopératives, auquel cas, je serais absolument incapable de répondre. Il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle beaucoup de provinces nous ont imités sur ce plan et que les 3% semblent être maintenant

une taxe assez répandue au Canada. Est-ce qu'on montera plus haut que cela? Vous savez, je ne tiens pas nécessairement à augmenter les taxes quand je peux l'éviter. Cela dépendra de bien des choses. Cela dépendra des équilibres budgétaires. Je ne peux pas m'engager à l'avance, pas plus que je pourrais m'engager à l'égard de n'importe quel impôt. D'un autre côté, je ne m'engage pas, non plus, à ne pas les baisser. Ayant dit cela, je suis parfaitement conscient que je n'ai rien dit du tout.

M. Lincoln: Ce sera la première fois, parce que cela a sûrement un effet direct sur les primes d'assurance automobile. C'est sûr que 1% de taxes sur les chiffres de primes, cela doit représenter quelque chose, surtout si on parle de groupes qui paient des primes, par exemple, chauffeurs de taxi; vous vous souvenez, cela représente sûrement un chiffre qui est assez conséquent. Ce serait une bonne idée de penser à cela. La question des frais d'administration et des frais d'exploitation... J'aurais voulu qu'on parle de la comparaison entre... En lisant le rapport du Surintendant des assurances, je voudrais dire très clairement - je parle de cela tout à fait objectivement, je n'ai pas envie de me faire le porte-parole d'aucune société ou d'un groupe par rapport à un autre, mais d'une façon purement objective - je vois que toute cette question de frais d'exploitation et de frais d'administration...

J'aurais voulu faire une comparaison, par exemple, entre les compagnies existantes du secteur privé et le service d'assurance public que nous avons. La seule chose qu'on puisse comparer, ce sont les frais d'administration qui sont, dans le secteur privé, si vous avez remarqué, de 8,9% en 1980. Cela m'intéresserait de savoir quel est le pourcentage de 1981. Je pense que les derniers chiffres que nous avions pour l'assurance publique sont environ 6,5% ou 6,9%, quelque chose comme cela, de frais d'administration. Mais, est-ce qu'on pourrait avoir un relevé de ce que sont au total les frais d'exploitation de l'assurance automobile du Québec, l'assurance publique, par rapport aux frais d'exploitation des sociétés privées, pour pouvoir faire une comparaison?

M. Parizeau: M. le Président, on me dit qu'effectivement sur une base à peu près comparable, les frais d'exploitation de la Régie de l'assurance automobile sont de l'ordre de 6%.

M. Lincoln: ... d'exploitation et non d'administration?

M. Parizeau: Cela implique la somme des deux dernières colonnes, c'est-à-dire administration et règlement des sinistres. Bien sûr, la régie n'a pas de taxe...

M. Lincoln: Pas de taxe...

M. Parizeau: ... et n'a pas de commission...

M. Lincoln: ... pas de commission.

M. Parizeau: Donc, les 6% se comparent aux deux dernières colonnes du tableau, règlement des sinistres et administration. C'est de l'ordre de 6%. On peut le faire calculer d'une façon un petit peu plus précise et le faire parvenir au député de Nelligan, bien sûr.

M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu parler, par exemple, de comparer les deux, pour savoir vraiment ce que nous coûte exactement le service public par rapport au service privé? Est-ce que le service privé coûte trop cher? Est-ce que le service public entre dans les normes? Par exemple, je sais que le service public n'est pas taxé, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui empêcherait - vous allez me dire que cela va sortir d'une poche pour aller à l'autre -de traiter le service public comme une société d'État? Comme vous l'avez fait, par exemple, avec Hydro-Québec. Dire: On va imposer 3% de taxe. Pourquoi pas? Si vous dites que c'est valable dans le cas d'Hydro-Québec, pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? À ce moment-là, on pourrait, à la longue dire: On va avoir une compagnie publique, on va avoir un système privé, on va imposer les taxes aux deux, on va faire de la compagnie publique un objet de contrôle, exactement comme sous la Direction générale des assurances, envoyer des renseignements divers à la direction générale, rendre des comptes sur les placements, imposer des taxes, exactement comme ce sera le cas pour Hydro-Québec.

Est-ce que c'est dans les possibilités, est-ce que c'est une considération que vous seriez prêt à envisager?

M. Parizeau: M. le Président, d'abord je voudrais indiquer, avant d'aller plus loin, que la Régie de l'assurance automobile relève de mon collègue des Transports. Ce que je vais dire, c'est sous toutes réserves. Je n'avais pas d'idée dans ce sens, mais le député de Nelligan vient de me faire penser à quelque chose. Effectivement, nous cherchons à l'heure actuelle, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, à faire en sorte que les sociétés d'État soient le plus possible sur le plan fiscal - ce n'est pas toujours parfait, ce ne peut pas toujours être absolument le cas - traitées comme des entreprises privées. Je note avec intérêt - je ne m'engage à rien - que dans le cas de la RAAQ ce n'est pas tout à fait exact et que ma politique n'a pas encore rejoint ce secteur. Je ne m'engage à rien, mais disons

que l'idée exprimée par le député de Nelligan, pour le moment, m'intrigue et m'intéresse.

M. Tremblay: C'est parce qu'ils veulent faire un autre filibuster.

M. Lincoln: Je vois que vos collègues sourient beaucoup. Ils pensent que le député de Nelligan va dire en Chambre que c'est lui qui a proposé la taxe pour l'assurance automobile publique. Afin qu'il y ait aucun malentendu et pour les fins du journal des Débats, c'est tout à fait clair. Ce que je veux qu'on institue, si possible, c'est un système où on pourrait contrôler justement le coût des assurances au Québec. Ce qui arrive maintenant, avec le coût de l'assurance automobile privée, c'est qu'on n'a pas mal de chiffres qui sont tout à fait détaillés par le Surintendant des assurances. Je sais que vous dites que, dans le cas de l'assurance publique, naturellement, il n'y a pas de commission, il n'y a pas de taxe pour le moment, il y a le règlement des sinistres et il y a l'administration.

Mais, quand on arrive à comparer les chiffres que les contribuables paient pour l'assurance en général, donc, l'assurance-responsabilité personnelle qui est faite par le secteur public et l'autre qui est faite par le secteur privé, on n'a pas de barème de comparaison du tout; alors on se base sur quelque chose... Quant à moi, j'aurais voulu voir quelque chose où l'on n'a pas, par exemple, des taxes indirectes dans l'assurance automobile publique, comme c'est le cas aujourd'hui, alors qu'on nous impose des taxes sur les permis de conduire, qu'on nous impose des taxes indirectes sur l'immatriculation; qu'on fasse cela par un service d'assurances où l'on a une base comparable. Alors, que vous mettiez vos 3% sur... C'est cela que je voulais dire. Ce n'est pas que vous fassiez tout le reste et que vous appliquiez encore 3%.

Vraiment, on va dire que le député de Nelligan a dit que 3%, c'était formidable et, après cela, je vais être le bouc émissaire dans les journaux; enfin, je l'ai dit avec toute la clarification possible que j'aurais voulu y voir. Par exemple, qu'une comparaison tout à fait constructive ou objective se fasse pour qu'on puisse savoir quels sont vraiment les coûts de ces assurances. Maintenant, ce qui arrive, c'est que le coût de l'assurance privée qui est détaillée au possible dans le livre du Surintendant des assurances n'est pas du tout comparable parce que, dans l'autre, on a une espèce d'éléphant à 20 têtes, où on a des petites primes qui sont exigées sous toutes sortes de formes. On ne le sait pas; alors on dit: Bon, voilà, c'est cela, le coût, mais on ne sait pas vraiment quel est le coût. C'est cela que je voulais faire ressortir parce que ce serait bien intéressant de comparer "apples with apples".

Alors, si vous pouvez suggérer cela à la RAAQ en disant: Bon, retirez tout ce que vous demandez dans les permis de conduire et dans les plaques d'immatriculation pour l'assurance; ce serait bien intéressant de savoir quels sont les vrais coûts et quels sont les barèmes exacts de leurs primes et tous les relevé de sinistres, etc., que fournissent les autres compagnies dans le livre du Surintendant des assurances. C'était cela vraiment l'idée de ma question.

Le Service des assurances a subi, en 1981, des modifications structurelles; on a changé le nom, on appelle cela la Direction générale des assurances. Je pense que ma collègue, Mme Bacon, vous avait questionné à ce sujet en 1980 et l'année dernière, en 1981. Alors, vous disiez, M. le ministre, à Mme Bacon, que, dans le cas des assurances, j'imagine que c'est probablement moins susceptible de donner lieu à des changements majeurs. Les compagnies d'assurances n'ont pas à être surveillées de semaine en semaine, de quinze jours en quinze jours, mais imaginons, par exemple, un mécanisme de surveillance hebdomadaire où, toutes les deux semaines, des liquidités dans un certain nombre d'institutions financières...

Je voulais savoir, pour les années 1981- 1982, sur quelle base les modifications ont été apportées. Est-ce que cela a été majeur? Est-ce qu'on pourrait avoir un nouvel organigramme des changements de structures, le nom des principaux cadres, le nombre d'employés par catégorie d'emplois? Enfin, j'aurais pu vous donner une liste des choses que j'aurais voulu avoir, peut-être que cela aurait été intéressant d'avoir les budgets.

M. Parizeau: M. le Président, il s'agit essentiellement d'une réorganisation administrative à des fins, essentiellement, d'efficacité interne. Cela semblait plus approprié, mais ce n'est pas du tout une réorientation fondamentale. Quant aux renseignements précis, comme ceux qu'on demande, je pense qu'on est en mesure de les fournir.

M. Lincoln: Est-ce que le nombre de cadres a changé? Est-ce que, par exemple, du point de vue du nombre d'employés, du nombre de contractuels, etc., il y a eu des changements significatifs d'une année à l'autre? (23 heures)

M. Parizeau: J'ai la répartition financière du coût du Service des assurances, mais, sur le plan des effectifs répartis par catégories de personnel, si on me donne 30 secondes on va voir si nous les avons. Alors, en cadres, si le député de Nelligan veut bien noter, il y a six postes; chez les professionnels, il y en a 32; chez les

techniciens, 5, et chez les employés de bureau, 40.

M. Lincoln: Combien de professionnels, pardon?

M. Parizeau: 32 postes.

M. Lincoln: Et après, pardon?

M. Parizeau: Techniciens, 5; employés de bureau, 40. Alors, effectif total, 83, dont, au 31 mars 1982, 5 postes vacants. Les chiffres que je viens de donner c'est au 31 mars 1982.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner une idée des salaires de ces effectifs?

M. Parizeau: Vous voulez dire au total? M. Lincoln: Au total on les a.

M. Parizeau: Alors, traitements proprement dits: 2 540 000 $. Le chiffre que je viens de donner de 2 540 000 $ c'est pour les crédits 1982-1983, donc l'année qui est en cours.

M. Lincoln: Les chiffres que nous avions montrent 2 638 000 $...

M. Parizeau: Oui, cela inclut ce qu'on appelle "autres rémunérations".

M. Lincoln: Pour les contractuels?

M. Parizeau: II y en a pour 98 000 000 $ et alors, au total, ça fait 2 638 000 $.

M. Lincoln: II y avait combien de contractuels? Est-ce que vous pouvez me le dire?

M. Parizeau: II y a cinq personnes-année occasionnelles, contractuelles.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner des explications sur les cotisations en vertu de la Loi sur les assurances pour les frais engagés, les cotisations de la part des compagnies d'assurances? Les chiffres que nous avons pour 1977, c'est environ 1 400 000 $; pour 1978, 2 147 000 $ et pour 1979, 2 700 000 $ environ. Il y a une augmentation de 52% en 1978-1978 et ensuite une autre augmentation de 24% en 1978-1979. Entre 1977 et 1979, il y a une augmentation, si on ajoute les deux années d'environ 1 250 000 $. Est-ce que vous avez les chiffres pour 1980-1981?

M. Parizeau: Oui, pour ce qui a trait au revenu perçu par la Direction générale des assurances à l'égard des compagnies d'assurances, n'est-ce pas?

M. Lincoln: Oui.

M. Parizeau: En 1981-1982, c'est 4 213 000 $. Cela comprend les cotisations, les honoraires, les certificats d'agents, en somme l'ensemble de ce qu'on perçoit dans le secteur des assurances.

M. Lincoln: Est-ce que c'est par des augmentations tout à fait significatives...

M. Parizeau: Non, cela se présente de la façon suivante. Ce Service des assurances fonctionne sur la base d'une répartition des coûts entre les compagnies. On ajuste, on détermine en un an combien cela a coûté et on répartit cela au prorata entre les compagnies.

M. Lincoln: Oui, nous sommes d'accord. Mais tout cela dépend de ce que vous coûtent vos services. Les services de surveillance...

M. Parizeau: Oui.

M. Lincoln: Oui, d'accord, mais c'est cela que je veux établir. Est-ce que, en fonction des coûts de surveillance, quand cela monte, par exemple, si vous voyez l'augmentation, en 1977-1978, il y avait 52% ensuite 24%, là, vous me dites qu'en 1981-1982 c'est monté à 4 000 000 $ et, en l'espace de quatre ans, que c'est monté de 1 400 000 $ à 4 213 000 $? Alors, est-ce que cela n'indique pas, par exemple, que vos services de surveillance sont très coûteux relativement à une base de départ? Est-ce qu'ils ne sont pas augmentés, est-ce que vous avez plus d'inspecteurs? Tout cela se rajoute aux chiffres des primes, en fait, qu'on charge aux contribuables.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai un petit problème ici dans le sens que je n'arrive pas à concilier, quand on remonte dans le passé, mes chiffres et ceux du député de Nelligan. Il y a des augmentations, effectivement, assez fortes, mais pas de l'ampleur qu'il indiquerait, enfin, compte tenu des chiffres que j'ai ici.

En 1978-1979, comme revenus de la Direction générale des assurances, j'ai 2 477 000 $. Est-ce que cela correspond aux chiffres du député de Nelligan?

M. Lincoln: Oui.

M. Parizeau: C'est cela?

M. Lincoln: Vous avez combien en 1978-1979?

M. Parizeau: En 1978-1979, j'ai 2 477 000 $.

M. Lincoln: Oui, moi, j'avais 2 147 000 $.

M. Parizeau: Là, c'est possible que ce soit la cotisation...

M. Lincoln: Oui.

M. Parizeau: ... sans tenir compte des honoraires et...

M. Lincoln: Oui, je crois que c'est la cotisation sans les honoraires.

M. Parizeau: L'année suivante, j'ai 3 149 000 $.

M. Lincoln: Oui, c'est cela, la cotisation, c'était 2 600 000 $. D'accord.

M. Parizeau: Cela représente une augmentation qui est, évidemment, en pourcentage, assez substantielle. L'année suivante, on passe à 3 435 000 $, cela ne fait pas tout à fait 10% d'augmentation. Puis, l'année suivante, on passe, comme je disais tout à l'heure, à 4 213 000 $, cela fait quelque chose d'assez substantiel, 800 000 000 $ sur une base de 3 400 000 $.

M. Lincoln: Ce sera d'environ 3 300 000 $ à 4 213 000 $?

M. Parizeau: 3 435 000 $, oui, à 4 213 000 $ de 1980-1981 à 1981-1982.

M. Lincoln: C'était cela le point que je voulais établir, M. le ministre. Je réalise que vous divisez vos coûts de surveillance entre les compagnies d'assurances, cela, je le comprends très bien, mais les augmentations sont telles que vos services de surveillance, les cotisations qui se font, cela à l'air d'augmentations; par exemple, en 1980-1981 et 1981-1982, si vous parlez de 3 435 000 $, vous parlez de presque un tiers d'augmentation, 30% ou plus. Est-ce que ce n'est pas...

M. Parizeau: M. le Président, il y a deux raisons qui expliquent cela, au moins pendant quelques années, ce sont, d'une part, effectivement, des augmentations de personnel à un certain moment et puis, en cours de route, pendant les années que nous examinons, la décision d'imputer les services de soutien généraux du ministère aux divers services, pas seulement la Direction générale des assurances mais chacun des autres services ou chacune des autres directions, le soutien général du ministère a été imputé entre les diverses directions.

M. Lincoln: Ah bon!

M. Parizeau: On remarquera que, cette opération étant faite, cette année, on calcule que les cotisations vont augmenter seulement de 7%. Au moment où cela a été fait, évidemment, cela représente une hausse assez importante. L'idée...

M. Lincoln: Peut-on savoir quand c'est arrivé?

M. Parizeau: Ce doit être en 1981. On me dit que cela s'est fait dans le courant de l'année 1981 ou à la fin de 1980.

M. Lincoln: Alors, cette année, M. le ministre, cela va être...

M. Parizeau: Ce qui est imputé est déjà imputé. Les dépenses...

M. Lincoln: Non, non. Mais ce qui va être imputé, cela va continuer...

M. Parizeau: De 7%, parce que les dépenses de ce ministère dans sa totalité augmentent cette année de 7%, ce qui est très faible.

M. Lincoln: Quelle partie, par exemple, des 4 213 000 $ représentent les services de soutien?

M. Parizeau: De l'imputation? Approximativement, dans les 4 213 000 $ que vous avez, il y a 3 500 000 $ de cotisations. Le reste est pour les honoraires, permis, etc. Sur ces 3 500 000 $, il y a à peu près 500 000 $ d'imputés à des frais de soutien généraux du ministère.

L'idée était la suivante et, bien que je n'aie pas été là quand ça s'est fait, je suis tout à fait d'accord avec cette façon de procéder. Il me paraît tout à fait normal qu'autant que possible ce ministère s'approche d'une forme d'autofinancement. On n'en est pas encore là. Certains services y sont déjà. Mais cela me paraîtrait tout à fait normal qu'éventuellement chacune des activités de ce ministère s'autofinance. C'est une des choses par exemple que nous avons à examiner dans un domaine où l'autofinancement n'existe pas, par exemple, à la Commission des valeurs mobilières. C'est une question qu'on doit valablement se poser parce que la Commission des valeurs mobilières ne doit pas s'autofinancée. Actuellement, c'est évident qu'elle coûte plus cher que les 520 000 $ de revenus qu'elle a reçus. Il s'agit d'une question qu'on se pose. Au contraire, dans le cas des compagnies de fiducie, des compagnies d'assurances, elles s'autofinancent et je pense que c'est un principe très simple.

Pour l'année dans laquelle nous sommes,

1982-1983, l'augmentation des dépenses est prévue à 7% pour l'ensemble du ministère. Donc, il va y avoir un ralentissement de l'augmentation des cotisations par rapport à ce qu'on a connu dans le passé. Je dois dire qu'il me paraît tout à fait conforme à la politique de compressions budgétaires du gouvernement qu'on puisse se limiter à une augmentation aussi faible que celle-là.

M. Lincoln: M. le ministre, je dois dire que vous dites de si beaux mots que, parfois, vous vous engouez - je ne sais pas si c'est le bon mot en français mais enfin - et on vous écoute comme dans un rêve. Je me dis: Mais il n'y a pas eu d'augmentation; en 1977-1978, c'était 1 400 000 $, en 1981-1982, c'est 4 213 000 $ et il y a 500 000 $ pour les services de soutien. Vous me dites que c'est une augmentation tout à fait raisonnable.

En fait, cette augmentation, ça se traduit en primes d'assurance, en fin de compte. On distribue cela à tant de compagnies. Je pense que le Service des assurances a parlé de 19, je ne sais si j'ai le même chiffre, à savoir à combien de compagnies cela serait distribué. Là aussi, il faudrait voir. Si, par exemple, la compagnie publique se tenait sur ses deux pieds comme une compagnie privée, avait à justifier tous ses coûts, avait à justifier ses primes, avait à justifier toutes ses pertes, ce serait intéressant de lui passer aussi une partie des 500 000 $, une partie des frais de surveillance, si elle se surveillait comme les autres. À ce moment, on verrait si elle fait de l'argent ou si elle en perd; on pourrait la contrôler du point de vue du public. Je ne sais pas moi, enfin, c'est quelque chose qui mérite d'être surveillé parce qu'on arrive encore une fois à un plafond. Si on regarde les augmentations de 1977-1978 jusqu'à maintenant, c'est presque un dédoublement. En 1978, les cotisations que j'ai, moi, c'est 2 147 000 $ et là on arrive, en 1981-1982, à quelque chose de près de 4 000 000 $ de cotisations, c'est une augmentation fantastique, c'est presque 100%.

M. Parizeau: Non, je m'excuse. Il faut comparer des choses égales, M. le Président. En 1978-1979, nous avons 2 477 000 $ de cotisations, d'honoraires et de licences. Donc, quand on dit...

M. Lincoln: 2 477 000 $, bon, excusez-moi, on devrait comparer 2 477 000 $ à 4 213 000 $.

M. Parizeau: Voilà, c'est cela qu'il faut comparer.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Parizeau: C'est cela qu'il faut comparer. Ce sont des choses comparables.

M. Lincoln: Mais enfin, oui, d'accord, qu'on compare ces deux-là. Même 2 477 000 $ à 4 213 000 $, c'est pas de la petite bière, hein! C'est pratiquement 100% d'augmentation.

M. Parizeau: Encore une fois, j'explique cette augmentation. Elle est attribuable, d'une part, à l'expansion de personnel et, d'autre part, au fait qu'on a imputé à cette direction, comme à d'autres d'ailleurs, une partie des services de soutien du ministère en disant: C'est un ministère de services, il est normal qu'il puisse en arriver le plus rapidement possible à son autofinancement. (23 h 15)

D'autre part, cette forme d'imputation étant faite, les effectifs ayant été augmentés, là, on constate que ce qu'on envisage pour 1982-1983, ce sont des augmentations des cotisations de l'ordre de 7%, mais ça me paraît très sain que l'autofinancement puisse être réalisé. Cela étant dit, je comprends cependant le point de vue du député de Nelligan. Si je le comprends bien, il dit que des services d'assurances publiques reçoivent une imputation de certains frais de soutien. Le problème c'est qu'ils ne reçoivent pas de services du ministère en question. La RAAQ relève du ministère des Transports. Il y a une autre forme d'assurance, qui est la Commission des accidents du travail, ce qu'on appelle le CSST maintenant. Cela n'a jamais été inspecté et cela relève du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le ministère des Institutions financières et Coopératives ne contrôle et ne surveille à cet égard que les assurances privées et part du principe que la surveillance, l'inspection qu'il doit faire doit s'autofinancer et que les entreprises doivent payer pour ces services d'inspection ou de surveillance qu'elles reçoivent. Cela me paraît un principe très sain. There is no such thing as a free lunch.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Tout ce que je veux vous dire, M. le ministre, c'est que de mon point de vue, je trouve qu'il y a autant d'obligations pour une compagnie publique qui est en fait financée par les taxes des contribuables de se justifier et de s'autofinancer. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ici, on n'a aucun barème, aucun critère pour pouvoir réellement situer le coût de l'assurance publique. On dit qu'on va surveiller les assurances privées, on va leur charger les quelque 4 000 000 $ ou 3 000 000 $ de cotisations pour la surveillance, les honoraires, etc., mais, notre assurance publique, on la laisse travailler comme cela. Ce serait bon de se servir des mêmes barèmes.

Je vais passer à autre chose.

Le Président (M. Desbiens): À un autre sujet?

M. Lincoln: Non, pas à un autre sujet. C'est sur la même chose.

Le Président (M. Desbiens): Bon! d'accord.

M. Lincoln: Je sors du sujet où j'étais.

M. Parizeau: Est-ce que le député me permettrait seulement, avant de changer de sujet...

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Parizeau: C'est juste une précision. Je pense que je comprends ce qu'il veut dire. Il ne faut pas oublier cependant que les organismes d'assurances publiques dont on parle sont vérifiés par le Vérificateur général. Cela ne le satisfait pas, quant à ce qu'il suggérait, mais il ne faut pas oublier cela.

M. Lincoln: M. le ministre je pense que nous serions d'accord, je crois que vous n'allez pas me contredire, si nous disions que si, par exemple la société d'assurances publiques, appelez cela ce que vous voulez, la RAMQ, la RAAQ ou n'importe quoi, le nom m'importe peu, mais que si c'était sous le système de vérification que votre ministère a sur les services d'assurances, cela serait une vérification beaucoup plus spécialisée et qui entrerait dans les cadres du même système, qui serait beaucoup plus logique et où le public pourrait savoir où va son argent et quel serait le coût réel. C'est cela qu'on veut dire, il y aurait une distribution beaucoup plus équitable. En fait, c'est peut-être un autre compliment qu'on va faire à tort.

M. Parizeau: C'est involontaire.

M. Lincoln: Je continue sur les assurances. Je ne change pas de sujet. C'est une autre page du dossier.

Je vois en page 8, et vous m'excuserez, M. le ministre, si nous avons ici, de ce côté de la Chambre, une espèce de préjugé pour le système privé, parce que nous avons pensé que le système privé, c'est un système où on peut contrôler un peu les coûts par le truchement de la concurrence. La question de la concurrence est pour moi primordiale. Je trouve que, sans la concurrence, tout système économique dépérit. À la page 8 du rapport du Surintendant des assurances, par contre, étant donné le faible nombre d'assureurs, environ 18 qui perçoivent la majeure partie des primes, on peut être porté à penser qu'il existe un oligopole - il parle de monopole - qui a permis de conclure qu'il n'existe pas présentement au Québec tout à fait un monopole, parce que le nombre de compagnies est tellement restreint qu'il y a un oligopole possible.

En d'autres mots, les gros vendeurs ne se font pas concurrence. Un petit peu plus loin, au quatrième paragraphe, il conclut: "Le marché n'est donc pas oligopolistique et les assureurs importants se font véritablement concurrence". J'ai là une sorte de problème à le suivre parce qu'au paragraphe d'avant, il dit: "En d'autres mots, les gros vendeurs ne se font pas concurrence". Après cela, il dit: "Le marché n'est donc pas oligopolistique et les assureurs importants se font véritablement concurrence". Là, j'étais un peu perdu dans son affaire. Quand j'ai continué à lire et que je suis arrivé à la page, 76 ou 77, je pense, j'ai une petite référence, il y a un tableau quelque part, où il donne des chiffres comparatifs. Il fait même une remarque. C'est ainsi que l'assureur no 19 au tableau 13 exige une prime moyenne, pour une couverture complète, qui est inférieure de 28% au coût estimé. Par contre, l'assureur no 31 exige une prime moyenne qui est supérieure de 19% au coût estimé. Là, il fait des chiffres, des tableaux qui montrent que tous ces assureurs ont des primes "all over the place". Il y en a qui demandent 97 $, pendant qu'il y en a qui demandent 147 $, pendant qu'il y en a qui demandent 106 $, d'autres 115 $, etc. J'aurais voulu savoir du Surintendant des assurances s'il considère - en parlant au ministre - qu'il y a vraiment un oligopole, un monopole; est-ce que ces 18 assureurs ne se font pas concurrence? Il semblerait, d'après les chiffres donnés, qu'il y a une concurrence effective, que même les marchés importants et les marchés moins importants se font concurrence. J'ai été un peu embrouillé par les remarques, surtout aux paragraphes 3 et 4 de la page 8, en comparant surtout avec les pages 76 et 77, où on dit exactement le contraire.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que c'est peut-être simplement une question d'interprétation. Tel que je lis la page 8, le troisième paragraphe, je l'interprète de la façon suivante: Le surintendant se dit: Si un oligopole existe, comment cela fonctionne-t-il, quelles sont les caractéristiques de cet oligopole. Il conclut son paragraphe en disant: En d'autres mots, les gros vendeurs ne se font pas concurrence. C'est la façon de définir un oligopole. Ensuite, au quatrième paragraphe, il dit: Maintenant, on a regardé comment cela fonctionnait. On constate que cela n'en est pas un. Il n'y a pas vraiment de contradiction entre le troisième et le quatrième paragraphe. Le paragraphe 3 définit une situation et le paragraphe 4

conclut: Nous avons constaté que cette situation n'existait pas.

M. Lincoln: C'était purement une hypothèse. Il y a peut-être un oligopole, mais, après considération, il n'y en a pas. C'est un traité de philosophie. Nous sommes arrivés à la page 77 et on dit...

M. Parizeau: M. le Président, quatre lignes de philosophie dans un document aride, cela repose parfois.

M. Lincoln: Non, on ne discute pas de cela. Nous sommes d'accord. Ce que je voulais savoir, c'est si vous êtes d'accord avec le surintendant. C'est ce que je comprends de son rapport. Je voulais être sûr de ce que j'avais compris, que, vraiment, il y a une concurrence qui se fait, que les primes sont "all over the place", peut-être même trop, qu'il y a des barèmes, par exemple, si on parle d'un assureur, qui passent à 28% au-dessus de la norme et l'autre, 19% au-dessous. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part; ou bien il y a une concurrence intense ou bien -excusez l'expression - c'est un peu le bordel. C'est ce que j'aurais voulu savoir, comment cela se situe, ce genre de concurrence. Est-ce une concurrence normale? Est-ce une concurrence qui est un peu mal fichue par le fait des fluctuations immenses ou quoi?

M. Parizeau: La concurrence, en un certain sens, dans n'importe quel marché, c'est toujours un peu le bordel. Quelqu'un entre dans un marché, il voit déjà des gens en place et établis; qu'est-ce qu'il peut faire pour entrer? Baisser ses primes jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment de clients. Maintenant, s'il les baisse trop, il se fait attraper dans une situation intenable et, l'année suivante, il est obligé d'augmenter ses primes pour rattraper ce qu'il a perdu. Cette industrie a toujours fonctionné comme cela.

M. Lincoln: ... pas du tout augmenter... On est d'accord.

M. Parizeau: Au contraire, si vraiment la liste de la page 76 indiquait 19 assureurs qui ont à peu près le même niveau de primes à 1 $ près pour le même risque, je dirais: Ah! Ils se parlent au téléphone. Il n'y a pas de concurrence.

M. Lincoln: Là, tout le monde se comprend. D'accord. Je vais laisser cela, puisque qu'on se comprend. J'ai compris ce que vous disiez. Peut-être qu'il peut poser sa question, j'ai besoin ...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: On a reçu à nos bureaux, grâce à la demande de l'Opposition, une pile de rapports qui sont publiés par le Surintendant des assurances. Là-dedans, il y en a deux, un en français, un en anglais; c'est une brique que je n'ai pas eu le courage de descendre, cela a un pouce et demi ou deux pouces. On dit que c'est un tirage de 1500 exemplaires, soit 1000 en français et 500 en anglais, au coût de 60 000 $. C'est celle qui est là, c'est une belle brique. Est-ce qu'on les vend, ces choses-là?

M. Parizeau: Etant donné qu'il s'agit du rapport du surintendant sur chacune des compagnies, en vertu de la loi, chaque assureur en reçoit une copie gratuitement. Les autres sont vendues.

M. Tremblay: Si je comprends bien, les coûts de l'impression et tout cela rentrent dans les coûts répartis entre les compagnies. Donc, ce sont les compagnies qui les paient.

M. Parizeau: Bien sûr!

M. Tremblay: Sur les 60 000 $ pour publier ces 1500 copies, j'imagine que le coût doit être plus élevé pour imprimer 500 copies que pour en imprimer 1000 copies.

M. Parizeau: Non! À l'unité, oui. Mais la facture pour 500 sera inférieure à la facture pour 1000. Le coût à l'unité sera inférieur si on en imprime 1000 copies.

M. Tremblay: D'accord. On ne pourrait pas les faire uniquement en chinois?

M. Parizeau: Uniquement en chinois, non! Il est évident que des documents comme ceux-là sont, à certains égards, la seule source d'information qu'un public spécialisé, bien sûr, puisse avoir. On ne pense pas seulement aux assureurs. Il serait, par exemple, impensable de faire travailler des étudiants dans une faculté d'administration sur des compagnies d'assurances s'il n'y avait pas des documents comme ceux-là de disponibles. On n'a pas le choix. Cela paraît extraordinaire d'avoir des documents à ce point épais, à ce point détaillé et, en un certain sens, à ce point écrit en chinois. Il faut bien comprendre que, pour un public spécialisé, c'est sa seule source d'information. On ne peut pas enlever cela. Maintenant, que les gens ne se battent pas dans les autobus pour lire ce document, j'en conviens volontiers.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu reprendre la question dans le rapport du surintendant - à

la page 88, s'il vous plaît - qui a trait à la tarification. Cela est une question clef, naturellement, parce que les primes que nous allons tous payer dépendent de cela.

D'après ce que je peux lire, le surintendant semble penser qu'il faudrait une réforme en profondeur de tout le système de classification des risques. Il semble, indiquer que les assureurs ou le regroupement des assureurs d'automobiles seraient un peu réfractaires à toute réforme possible.

Par exemple, il parle de kilométrage et du dossier des infractions d'un chauffeur ou d'un automobiliste au Code de la sécurité routière. Est-ce qu'il n'y a pas un problème d'ordre pratique à cet effet? Les dossiers sur les infractions au Code de la sécurité routière ne sont pas disponibles, la Régie de l'assurance automobile et le Bureau des véhicules automobiles ne rendent pas disponibles ces informations. Est-ce que c'est réellement une considération d'ordre pratique ou est-ce que ces dossiers seront accessibles? Pour le moment, ce sont des dossiers confidentiels.

M. Parizeau: La Régie de l'assurance automobile a le droit d'ouvrir les dossiers pour des raisons d'intérêt public. Jusqu'à maintenant, cependant, sa décision a été de ne pas ouvrir ses livres. Elle en a le droit. Quant à la classification elle-même, je pense qu'on peut rapporter progrès. Déjà, le surintendant indique que le groupement des assureurs d'automobiles a formé un comité, à la fin de 1981, à cette fin. Cela venait peut-être un peu tard par rapport au rapport qu'il avait suggéré. (23 h 30)

M. Lincoln: II disait que le comité était un petit peu négatif. C'est cela que je voulais savoir. Mes renseignements sont que le comité a un sens de la réforme. Seulement, c'est une question... Par exemple, je pense qu'il y a eu la réunion des surintendants américains d'assurance, qui ont décidé de maintenir ou de revenir - pour certaines compagnies qui avaient abandonné le système de classification par sexe, occupation, etc., - à ce système, parce qu'en enlevant, on crée plus de problèmes qu'on en résout. Je crois que, sur la question des mémoires qui ont été présentés pour la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, il y a eu cette constatation. On a été obligé d'arriver à la conclusion que sur certaines questions, une discrimination, c'était parfois positif, parce qu'autrement les femmes vont payer 30% à 35% en plus de ce qu'elles paient actuellement. Les statistiques démontrent très clairement que le pourcentage d'accidents est moindre. Ne faudrait-il pas peut-être faire plus de "more haste slowly" et d'approcher cela avec beaucoup plus de prudence et de laisser ce comité? Le surintendant sait cela mieux que moi, mais mes renseignements sont que ce comité est un comité sérieux. Peut-être faudrait-il se pencher sur cette question avec beaucoup de temps et de prudence pour ne pas créer plus de problèmes qu'on va en résoudre en disant: Bon, il n'y a plus de discrimination. Je pense qu'en Amérique, d'après nos renseignements, on revient au système antécédent à cause des problèmes qui ont été créés justement.

M. Parizeau: L'interprétation que nous avons de tout ce qui s'est passé aux États-Unis, ce serait plutôt que les 50 ont eu beaucoup de difficulté à s'entendre sur quoi que ce soit et ont fini par abandonner l'exercice parce qu'ils ne s'entendaient pas. Ici, à l'occasion des discussions que nous avons eues avec les compagnies d'assurances à l'égard des taxis - on s'en souviendra, il n'y a pas tellement longtemps, de l'assurance-taxi - j'ai été assez agréablement surpris de voir qu'à l'occasion d'apartés, si l'on veut, ou d'incidents dans nos discussions, l'idée d'activer un peu ce comité avait gagné du terrain. Effectivement, on me confirme que le comité s'active à l'heure actuelle. On verra le chemin qu'ils peuvent faire. Il est évident que cela pose un certain nombre d'interrogations. Enfin, ce n'est pas parce que cela en pose qu'il ne faut pas chercher à progresser un peu là-dedans.

M. Lincoln: Nous sommes tout à fait d'accord. Ce que je voulais demander, par exemple, vous parlez de kilométrage comme un barème. Nous sommes d'accord que dans un monde idéaliste, c'est formidable, mais même en 1980, le surintendant, dans son rapport, je pense qu'on avait fait une note, les assurés ne doivent pas avoir la possibilité de faire aisément de fausses déclarations entraînant une réduction de primes. Cela a été le cas pour la question de millage, du travail jusqu'à chez soi, où les gens disent "10 milles" quand c'est 15 milles. Comment peut-on contrôler tout cela? Si on avait un système de sécurité routière d'infraction, il faudrait d'abord avoir un contact avec le bureau de la Régie de l'assurance automobile pour que ces dossiers soient disponibles. Et là, cela entraîne toute une question sur la confidentialité. C'est un problème. Le kilométrage, c'est un autre problème. Tout ce que je voulais amener devant le ministre, c'est peut-être qu'on devrait se pencher sur cette question pas trop hâtivement pour voir un petit peu toutes les coordonnées et toutes les conséquences que cela peut avoir d'un côté ou de l'autre, sans dire que cela ne devrait pas changer. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Une dernière question avant de passer la parole à ma collègue, qui en a peut-être une à poser, sur les taxis. Je vois un article de la Presse du 24 février 1982, qui disait -

je ne sais pas si on a cité le surintendant exactement -: "Le Surintendant des assurances rencontrera les représentants des chauffeurs d'ici une semaine pour discuter avec eux des conditions de la mise sur pied d'une compagnie d'assurance pour les taxis, sans doute de type coopératif." Auriez-vous pu me dire, M. le ministre, où on se situe par rapport au dossier des taxis? Vous aviez parlé aussi en Chambre d'une possibilité d'un arrangement avec les chauffeurs de taxi pour permettre la subrogation, comme un autre choix. Sans doute que le système des compagnies d'assurance coopérative serait une autre possibilité. Est-ce que vous pourriez nous donner les derniers développements dans ce dossier et ce que vous envisagez comme solution à ce problème?

M. Parizeau: C'est un vaste dossier. Je peux peut-être le résumer de la façon suivante. On avait prévu, avec les diverses ligues de taxis, qu'il y aurait une série de rencontres avec le Surintendant des assurances et avec la direction du ministère, à deux fins distinctes.

D'abord, indiquer au groupe de chauffeurs de taxi qui semblent être intéressés par la création d'une société d'assurance-taxi, mutuelle coopérative, les conditions nécessaires pour en créer une. Il est évident qu'on ne peut pas commencer cela sans réserve, sans capital, sans quoi que ce soit. Il était très important qu'on leur dise: Voici ce que cela demande, pour lancer une compagnie viable dans ce domaine.

Les rencontres ont eu lieu avec le Service des assurances et le surintendant qui leur ont simplement expliqué ce que cela impliquait, sur le plan financier, que de lancer une compagnie comme celle-là. Je pense qu'après avoir examiné la chose, on a cessé d'en entendre parler.

Deuxièmement, on a abordé le dossier de la non-subrogation. Certains chauffeurs de taxi nous disaient que l'augmentation des primes qui vient d'avoir lieu et qui, dans certains cas, est très importante, serait causée essentiellement par le fait qu'il n'y a plus de subrogation dans le fonctionnement des compagnies d'assurances.

On leur a dit: On va examiner cela et on vous montrera l'analyse qu'on a faite, et on verra bien. Il est apparu clairement, à cette occasion, qu'il ne leur fallait pas seulement une réponse sur ce plan. Certains d'entre eux avaient eu des augmentations considérables de primes et ils voulaient quand même savoir pourquoi. Ce n'est pas tout de leur dire: Voilà, sur le plan de la subrogation, comment cela se présente.

Ce qui nous est apparu le plus utile, cela a été de demander au plus grand nombre de chauffeurs de taxi possible de nous envoyer l'évolution de leurs primes et de tout changement apporté à leur police depuis trois ans. Nous avons eu environ 1200 chauffeurs de taxi qui ont accepté volontairement de remplir un formulaire, qui avait été d'abord visé par le Surintendant des assurances, qui nous ont envoyé cela et qu'on a examiné.

D'autre part, les compagnies d'assurances à qui nous avions demandé un coup de main et de rencontrer d'ailleurs les chauffeurs de taxi ont examiné cela et les chauffeurs de taxi aussi, bien sûr. Ce que cela a révélé et qui donc a été discuté avec les compagnies, avec les chauffeurs, séparément puis ensemble, c'est que la non-subrogation ne semble pas être un facteur majeur.

D'autre part, les augmentations de primes ont été extraordinairement variables d'un chauffeur à l'autre, et surtout d'une ville à l'autre ou d'une région à l'autre. Il y a vraiment des variations considérables.

Cela a révélé aussi, sur le plan de la concurrence entre les compagnies, un certain nombre de carences. C'est évident qu'il y a, en particulier dans certains coins au Québec, très peu de compagnies qui, en pratique, font de l'assurance-taxi. Même, pour le petit nombre qui en font, certaines pratiques paraissaient restreindre encore le peu de concurrence qu'il y avait.

Les compagnies ont accepté de modifier certaines pratiques et nous avons demandé aux chauffeurs de taxi de suivre cela, pour nous indiquer dans quelle mesure, dans la réalité des faits, ces changements de pratique auraient des résultats. Jusqu'à maintenant, les échos que nous avons eus, semble-t-il, indiquent en tout cas que les engagements qu'avaient pris les compagnies d'assurances auraient été tenus. Si bien que, finalement, je pense qu'à peu près à la satisfaction de tout le monde, de toutes les parties, on a eu une bonne explication, on a trouvé un certain nombre de causes, on a apporté un certain nombre de correctifs.

Il me reste un problème qui n'est pas, je pense, tout à fait réglé: c'est le fonctionnement de l'assurance-taxi dans la ville de Québec. Manifestement, il y a là un problème spécifique et beaucoup plus aigu qu'ailleurs au Québec ou dans Montréal. Il viendrait des compagnies semble-t-il, et c'est la dernière chose que nous sommes en train d'examiner avec les chauffeurs de taxi. Il viendrait, semble-t-il, de ce que, dans la ville de Québec, la concurrence est vraiment limitée à très peu de choses, à un point tel que cela devient très difficile pour un chauffeur de taxi d'avoir quelque choix que ce soit. Certaines compagnies qui en faisaient dans la ville de Québec n'en font plus, certaines compagnies qui avaient, pour ramasser les affaires dans la ville de Québec, baissé considérablement leurs primes, les ont augmentées ou sont sorties du

marché complètement, si bien que, là, il y a un problème de concurrence, semble-t-il, spécifique à Québec et qu'il nous reste à définir un peu mieux.

Je pense que, pour le reste, l'essentiel des études qu'on voulait faire ensemble ont été faites et, je pense, ont apporté les réponses que tout le monde cherchait. Je pense que c'est à peu près là où nous en sommes.

M. Lincoln: Sans prolonger, parce que je sais que je n'ai plus beaucoup de temps, est-ce que vous voulez me dire que si, par exemple, vous pouvez régler le problème de Québec par rapport aux compagnies d'assurances qui ont accepté de coopérer sur l'extension de la concurrence, la possibilité d'une compagnie coopérative dont parlait le surintendant tombe à l'eau ou bien si c'est toujours à l'étude, ou qu'est-ce qui se passe là?

M. Parizeau: Non, les études de ce point de vue chez nous sont terminées. Je reviens à la question de la compagnie, d'une mutuelle. Les chauffeurs de taxi qui étaient intéressés par cela sont venus me voir, avec la Direction des assurances et le surintendant leur a dit: Voici ce qu'il faut pour lancer une compagnie comme celle que vous avez en tête.

Les gens ont regardé cela, sont retournés chez eux, ont examiné la chose et, depuis ce temps, on n'en a plus entendu parler. Je tiens pour acquis que probablement ils ont décidé que c'était trop onéreux pour eux de lancer cela.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Une dernière question au niveau des assurances. Le groupe des assureurs d'automobile avait lancé en janvier 1981 ce qu'ils appellent l'opération qualité, qui a permis de contrôler les coûts des sinistres, par exemple, ou d'améliorer la qualité des estimations. On sait que le surintendant suggérait l'an dernier d'augmenter les primes, ce que les assureurs ont fait, et que, cette année, il leur suggère encore de les augmenter d'un peu plus de 10%, si mes chiffres sont exacts. Par contre, dans son rapport, à la page 83, il nous dit que l'avenir n'est pas des plus reluisants et qu'il faut s'attendre que le niveau des primes continue à évoluer au même rythme que celui des coûts. Est-ce que l'on sait que le groupe des assureurs d'automobile ont quand même eu l'impression, dans le coût ou dans l'opération qualité, de faire économiser de l'argent à la population, aux assurés. Eux disent qu'ils leur ont fait épargner 18 000 000 $. C'est à se demander qui a tort et qui a raison. Je n'oserais pas poser cette question au ministre, mais c'est cela que j'aurais voulu lui demander. Au cours de cette année, tout au long de l'année 1981, le ministre ou le surintendant ont-ils adressé aux assureurs un message à propos de certaines mesures qu'ils ont mises de l'avant avec les assureurs pour pouvoir contrôler les coûts? Est-ce qu'il y a eu des choses qui ont été faites soit par le ministère, des mesures spéciales, pour contrôler les coûts?

M. Parizeau: Non, le surintendant ou le ministère n'ont pas suggéré de mesures précises pour contrôler les coûts. Des observations sont faites dans le rapport du surintendant, mais il n'y a pas eu, comment dire, d'interventions directes du ministère auprès des compagnies pour leur dire: Voici comment vous devriez réduire les coûts.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'élément 1 est adopté?

M. French: Non, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: Dans le peu de temps qu'il nous reste, je voudrais poser une question au ministre. D'abord, je ne me rappelle pas s'il a traité de ce projet de loi, je crois que oui, dans ses remarques préliminaires, mais le projet de loi sur la Commission des valeurs mobilières, la réglementation des valeurs mobilières, savez-vous où cela se trouve dans le fil des lois que prépare le ministre? (23 h 45)

M. Parizeau: J'espère beaucoup, je vais faire tout ce que je peux pour que ce soit déposé avant que nous terminions nos travaux, donc avant le 23 juin, parce que je souhaiterais beaucoup que cela puisse être examiné. Cela l'a été beaucoup par toutes sortes de participants, mais j'aimerais que ça puisse décanter dans le courant de l'été et qu'on puisse l'adopter le plus vite possible à l'automne. Il faut dire que le projet a été examiné par tellement - pas le projet lui-même, mais les principes qui le sous-tendent ont été discutés - de groupes qu'on a l'impression que, vraiment, il y a un déblayage considérable de fait. Ce ne serait peut-être pas mauvais que, pendant quelque temps, le projet étant déposé, chacun puisse le voir dans son texte précis et qu'à l'automne, le plus vite possible, on puisse l'adopter.

M. French: M. le Président, est-ce que le ministre, dans ce projet de loi ou en général, songe à suivre la politique ontarienne quant à l'autofinancement de la Commission des valeurs mobilières?

M. Parizeau: C'est ce que nous avons

commencé à aborder dans nos discussions. Il me semble qu'effectivement on devrait s'en approcher. Ce ne sont jamais des choses qu'on fait d'un seul coup, mais je trouve le principe assez sain en soi. Il s'agit de savoir comment et, encore une fois, il ne faut pas avoir des augmentations trop fortes trop vite. Mais comme principe, moi, ça me paraît très sain qu'un organisme comme celui-là puisse s'autofinancer.

M. French: Encore une fois, M. le Président, cette question extrêmement importante se pose, quand même: Comment contrôler ce genre de "overhead" qui vient s'ajouter, surtout dans le contexte québécois actuel où le ministre lui-même a assez clairement exprimé l'importance, la prédominance d'autres bourses par rapport à la nôtre? Comment éviter la possibilité que ce fardeau additionnel vienne créer encore une contre-incitation à toutes ces transactions, pour qu'elles se fassent à Québec ou à Montréal?

M. Parizeau: Bien, M. le Président, je n'ai jamais pensé que quelque chose est très actif à cause d'une pluie de petits avantages et de petites décharges de coûts. Si on veut aider la bourse, il vaut mieux le faire par des mesures un peu plus musclées. L'épargne-actions, par exemple, a fait passablement plus au Québec pour faire en sorte que bien plus de gens achètent des premières émissions d'actions et, dans la mesure où ils achètent des premières émissions d'actions, ça se transige. Des choses comme celles-là activent bien plus une bourse que de dire: Nous allons demander à l'ensemble de la société de donner une subvention à l'ensemble des opérations en valeurs mobilières au Québec d'à peu près 2 000 000 $ par année pour toutes les valeurs mobilières, ce qui représente quelque chose d'infime.

Au contraire, sur le plan de l'administration interne d'un gouvernement, il y a un avantage considérable à faire autofinancer par la clientèle un certain nombre de choses. Je ne veux pas reprendre ici cette discussion sur les tickets modérateurs parce que, là, il ne s'agit pas de tickets modérateurs, il s'agit d'une imputation de coûts des services. On ne peut pas dire, d'une part: Les dépenses du gouvernement augmentent trop vite, les impôts sont trop lourds et le déficit est trop grand et, d'autre part, s'opposer à des mesures qui consistent à contrôler les dépenses, à les faire autofinancer chaque fois que c'est possible, donc, à avoir un effet suffisamment restreignant sur l'ensemble des opérations gouvernementales. Je ne vois pas, ce sont des montants qui, après tout, pour l'ensemble d'une industrie comme celle des valeurs mobilières, sont relativement minimes. Si on veut vraiment aider le commerce des valeurs mobilières au Québec, il y a des instruments bien plus musclés qu'on doit utiliser. Les petites pluies de subventions, on distribue cela mince, mince, mince partout. Je n'ai jamais dit que, comme instrument de développement économique, c'était particulièrement utile. Cela finit par coûter très cher quand on accumule toutes ces choses. Finalement, ça n'a pas d'impact.

M. French: M. le Président, il faut absolument que je profite de l'occasion parce que je rencontre le ministre des Institutions financières et des Coopératives qui est en même temps le ministre des Finances. Je trouve cela fascinant d'entendre dire par un ministre des Finances que les petits avantages ici et là ne comptent pas à la fin pour grand-chose, c'est-à-dire que l'impact psychologique n'est pas important. Or, le ministre sait fort bien que dans la politique de taxation, s'il fallait que les avantages fiscaux réels quant aux opérations réelles d'une compagnie fassent en soi le poids des échappatoires créées dans un système de taxation, les trois quarts des échappatoires n'existeraient pas. Justement il y a une espèce d'incitation essentiellement psychologique qui se fait en ce qui concerne les petits avantages, dans le contexte de la taxation au moins, qui fait en sorte qu'on a une espèce de système de taxation comme un fromage suisse. Encore une fois, ce n'est pas l'importance fiscale de chacun, c'est l'importance comme incitation psychologique.

Je ne voudrais pas retarder le débat plus longtemps que cela parce que je pense que le ministre a eu l'occasion de dire ce qu'il avait à dire là-dessus. Je voudrais lui demander tout simplement, à la fin, s'il a l'intention de consulter non seulement la bourse et la commission - celle-ci n'est peut-être pas de sa responsabilité directe -mais de consulter les membres de la bourse qui auraient à prendre ultimement ce fardeau, même si le fardeau, d'après le discours du ministre, est assez minime?

M. Parizeau: Mais bien sûr. Comme on le fait chaque fois qu'on change, même simplement un peu, certaines orientations. Il faut avoir ce genre de consultation. On ne peut pas fonctionner sans cela.

M. French: Je signale au ministre que je pose cette question pour une raison bien simple. C'est qu'il aurait pu mettre cela dans le projet de loi et il aurait pu dire en même temps que ce projet de loi, on en a discuté longuement, ce qui est vrai, sauf que cette question n'était pas là-dedans. C'est seulement dans ce contexte que je lui pose la question.

M. Parizeau: Bien sûr. D'autant plus qu'il peut y avoir des choses qu'on ne voit pas, il peut y avoir des choses qui nous paraissent minimes mais qui, néanmoins, ont un impact.

Je voudrais juste dire deux mots brièvement sur le principe général que le député de Westmount vient d'exprimer. C'est vrai que notre système est une sorte de fromage suisse. Dans ce sens je reste persuadé fondamentalement que dans l'ensemble Carter avait raison, à savoir qu'il faut avoir des taxes d'application aussi générales que possible plutôt que toute une série d'exemptions. Les meilleurs impôts à cet égard c'est: grandes assiettes, petits taux. Bien plus qu'un fromage de Gruyère avec des trous partout où on n'arrive plus à suivre les trous et à savoir qui en profite. Parce que lorsqu'on multiplie les exemptions fiscales, à un moment donné on se perd. Le public d'abord n'est pas capable de contrôler cela. Il n'y a aucun moyen pour lui de savoir qui profite de tel avantage. D'autre part, même a l'intérieur d'un gouvernement, il ne faut pas se faire d'illusion, le suivi de ces avantages fiscaux compliqués que l'on donne à toute une série de petits groupes fait qu'on se trouve une petite poignée de spécialistes dans un gouvernement qui comprennent vraiment ce qui se passe.

Dans ce sens il ne faut pas me demander si je simplifierais la Loi sur les impôts. Si ce n'était pas de mes projets de loi d'harmonisation chaque annnée, la première chose que je demanderais c'est qu'on enlève un tiers des lignes agates dans la Loi sur les impôts, et bêtement comme cela. Enlevez-moi le tiers de la loi et on va commencer à s'y retrouver un peu plus facilement. Tous les "loopholes" qu'on met dans les lois, toutes les petites exemptions, toute cette pluie de choses ont un gros effet financier sur les avocats et les comptables. Ils deviennent absolument essentiels, même pour une petite entreprise, parce que personne n'est capable de s'y retrouver. Je ne suis pas certain que ce soit tellement efficace sur le plan du développement économique, au contraire. Grandes assiettes, petits taux.

M. French: M. le Président, je savais que je déclencherais un débat intéressant sur cela. Ce ne sera pas un débat parce que je suis tout à fait d'accord avec ce que le ministre vient de dire. Mon point était un peu différent. C'était que la grandeur des trous dans le fromage suisse, c'était moins important que leur existence en tant qu'incitation psychologique en ce qui concerne le comportement des individus qu'on essaie d'influencer.

Est-ce que le ministre pourrait nous parler un peu de ce qu'il pense de la question dans le cas des "take over"? Songe- t-il à suivre encore une fois l'exemple ontarien qui semble le tenter pour l'autofinancement quant aux offres de "follow-up", ou est-ce qu'il pense plutôt à un régime prorata comme celui des Américains?

M. Parizeau: M. le Président, j'ai demain, à cet égard, une dernière réunion à ce sujet. Alors, cela me gêne un peu d'en discuter au point où nous en sommes, parce que, effectivement, il y a deux orientations possibles et il faut vraiment qu'on tranche cela; j'ai un dernier point à trancher demain avec les intéressés. Je m'excuse auprès du député; dans quelques jours, je pourrais le lui dire, mais je voudrais d'abord entendre les arguments de part et d'autre avant de trancher cela.

M. French: Avec qui sera tenue la réunion? Est-ce qu'on peut le savoir?

M. Parizeau: À l'interne, essentiellement, avec le président de la Commission des valeurs mobilières et le sous-ministre des Institutions financières.

M. French: M. le Président, j'avais d'autres questions, mais je vais les garder pour vendredi ou pour l'année prochaine. Je vais poser une dernière question au sujet de l'assurance-dépôts. Je voudrais savoir du ministre... J'ai eu les curriculum vitae de tous les membres de la Commission des valeurs mobilières du Québec; cela a été très utile. Les mêmes curriculum vitae me manquent pour le conseil de direction de la Régie de l'assurance-dépôts. J'ai essayé de regarder cela; la plupart des gens m'étaient familiers d'une façon ou d'une autre. Je voudrais demander au ministre quelles sont les qualifications de M. Léo Filion pour siéger à la Régie de l'assurance-dépôts.

M. Parizeau: II a été longtemps administrateur des caisses populaires.

M. French: Quelles caisses populaires?

M. Parizeau: C'est dans la région de Montréal. Remarquez que la chose la plus simple là-dessus, ce serait de faire faire les curriculum vitae et de les envoyer au député de Westmount. Je regrette; d'ailleurs, je dois m'excuser dans le sens qu'il ne les a pas reçus. J'avais tenu pour acquis qu'il les avait.

M. French: Parfait, M. le Président. Je n'irai pas plus loin là-dessus, avec l'entente de recevoir les curriculum vitae en question, si vous voulez.

M. Parizeau: Bien sûr.

M. French: Je ne pense pas ouvrir un

autre sujet. M. le Président, je sais que cela fait longtemps que vous attendez...

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'élément 1 est adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 2 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 3 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 4 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que l'élément 5 est adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Alors, le programme 2 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Gestion interne et soutien

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le programme 3, gestion interne et soutien, est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 1 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 2?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. L'élément 3?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le programme 3 est-il adopté?

M. French: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté.

Alors, la commission permanente des institutions financières et coopératives a adopté les crédits du ministère des Institutions financières et Coopératives pour l'année 1982-1983 dans son entier. Est-ce que vous avez des remarques?

M. Parizeau: Non, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les participants et participantes et je demanderai au rapporteur de présenter son rapport à l'Assemblée nationale. J'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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