L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives

Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 21 janvier 1971 - Vol. 11 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 45 - Loi de la protection du consommateur


Journal des débats

 

Commission permanente des Institutions financières,

Compagnies et Coopératives

Bill 45 — Loi de la protection du consommateur

Séance du jeudi 21 janvier 1971

(Dix heures trente-six minutes)

M. GIASSON (président de la commission permanente des Institutions financières, Compagnies et Coopératives): A l'ordre, messieurs!

Il me fait plaisir, au nom de la commission parlementaire, de souhaiter la bienvenue la plus cordiale à toutes ces personnes qui sont avec nous, en ce jour, soit pour faire des représentations au nom d'organisations qui ont déjà déposé des mémoires ou toute autre personne qui vient assister aux travaux de la commission.

Je pense que, dès le début de cette séance, il serait bon d'établir l'ordre de travail de la journée. Nous avons remarqué, au cours de toutes les séances antérieures, que beaucoup de personnes s'étaient déplacées pour venir représenter des organismes qui voulaient se faire entendre auprès de la commission et, par suite de la longueur des travaux, de l'interrogatoire assez serré des membres de la commission à la suite des commentaires des représentants, il en est résulté que des personnes venant d'assez loin ont passé des journées avec nous et n'ont pas eu l'occasion de se faire entendre.

Je crois, pour une plus grande rapidité des travaux de notre commission et avec l'accord des leaders de chacun des partis autour de cette table, que nous pourrions décider de consacrer la matinée, et continuer la séance dans l'après -midi et même en soirée, si nécessaire, à entendre toutes les personnes qui sont avec nous et qui, j'imagine, voudraient déposer leurs commentaires, suggérer des amendements qu'elles jugent à propos de faire, afin de permettre aux gens de cette commission de les interroger et d'en arriver à un travail encore plus complet et plus positif.

Nous pourrions, si vous me permettez cette opinion, épargner du temps en évitant, dans le cas de la lecture des mémoires, d'entendre le début des mémoires qui sont, somme toute, un indicatif de la représentation des organismes. Si vous étiez d'accord, nous pourrions, lorsque chaque personne se présente au nom de son organisme, passer immédiatement aux commentaires qu'elle apporte au projet de loi, c'est-à-dire passer aux articles sur lesquels elle veut suggérer des modifications.

Est-ce que le ministre aurait des commentaires au début de la séance?

M. TETLEY: Non, je suis parfaitement d'accord, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous commençons donc notre séance de travail en invitant le ou les représentants du Conseil du patronat du Québec à nous livrer leur message. Prière de s'identifier, également.

Conseil du patronat du Québec

M. DUFOUR: M. le Président, messieurs les membres de la commission, mon nom est Ghislain Dufour. Je suis directeur général du Conseil du patronat du Québec.

Je représente ici, ce matin, le président Charles Perreault qui s'excuse; il doit siéger au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je suis accompagné de l'un de nos conseillers juridiques, Me Jean Roger, et de M. Roger Bédard qui pourront participer éventuellement à la discussion.

Je tiens compte de vos remarques, M. le Président. Nous n'avons absolument pas l'intention de vous faire lecture de notre mémoire. Vous l'avez déjà en main. Vous avez reçu, cette semaine, des notes additionnelles. Nous sommes conscients du fait que beaucoup de choses ont déjà été dites devant cette commission et que, de toute façon, les points que nous laisserons tomber, vous aurez l'occasion de les entendre par les porte-parole d'autres associations sectorielles.

Donc, nous ferons simplement un très bref résumé de notre mémoire en nous attardant, si vous le permettez, surtout à trois mécanismes du projet de loi, à savoir: l'office, le conseil et tous les règlements qui sont prévus à l'article 97.

Si vous le permettez, avant même de faire ce résumé, j'aimerais signaler aux membres de cette commission que notre organisme a été très heureux de voir que vous avez modifié la programmation des audiences. Cela permet à beaucoup de nos membres de se faire entendre. Nous considérons que c'est extrêmement important devant un tel projet de loi. Il est sûr que 6 millions de consommateurs seront concernés, mais des dizaines de milliers de commerçants devront aussi vivre cette loi. On peut réaliser que cette loi comporte énormément de technicité avec laquelle on ne pourra vivre tellement facilement si les textes ne sont pas clairs.

Dès le dépôt du projet de loi, le Conseil du patronat a affirmé son accord avec le principe général du projet de loi. Nous tenons, évidemment, à le réaffirmer à nouveau. Mais cet accord général de principe, évidemment, ne nous autorise pas à en accepter toutes les implications. Ce sont quelques-unes de ces implications que nous aimerions relever très rapidement.

Premièrement, il y a toute la question des dispositions de concordance. Il en a été question devant vous; nous rappliquons à nouveau. Ces dispositions de concordance, réfèrent à toutes les autres lois de protection du consom-

mateur qui existent dans d'autres provinces. Vous avez tous les champs d'application d'autres lois qui touchent indirectement les champs d'application couverts ici, soit des lois, fédérales, soit des lois provinciales, et nous aimerions dire simplement un mot sur les règlements.

Dans les règlements, on parle, par exemple, d'étiquetage, d'emballage, etc. Déjà, il y a des lois provinciales — je pense à la Loi des marchés agricoles, à la Loi des produits laitiers, etc., — qui mettent en cause ces problèmes-là, pour lesquelles, évidemment, il faudra faire des concordances. C'est peut-être un sujet difficile, mais on aimerait mentionner aussi la question de la langue dans l'étiquetage. Vous savez que, déjà, des législations existent sur ce sujet ou sont en voie de préparation. Alors, toutes ces concordances nous paraissent absolument essentielles si on veut éviter des conflits de juridiction éventuels.

De toute façon, nous n'en avons pas fait l'étude. Nous considérons que la commission est beaucoup mieux équipée que nous pour le faire et nous considérons que c'est un point clé du projet de loi.

Mise en application de la loi: La mise en application de la loi nécessitera évidemment des changements importants dans les systèmes comptables et la papeterie des commerçants. Nous suggérons que, dans tous les cas, des délais raisonnables soient accordés pour sa mise en application, de même que pour la mise en application des règlements.

Quant aux cartes de crédit, nous appuyons la disposition du projet de loi à l'effet qu'aucune carte de crédit ne soit généralement émise sans que le consommateur en ait fait la demande. Nous recommandons cependant que, dans le cas de toutes celles qui sont actuellement émises et dans le cas de celles qui le seraient après l'adoption de ce projet de loi, le principe de la reconduction tacite s'applique dans tous les cas.

Nous nous opposons évidemment à l'article 14 du projet de loi, qui stipule que le consommateur bénéficie de toute erreur dans le calcul ou renonciation du coût de crédit. Cet article nous paraît injuste, unilatéral et, selon nous, devrait être rayé. Nous nous opposons, de la même façon, au deuxième paragraphe de l'article 31, qui prévoit un paiement initial d'au moins 15 p. c. sur l'achat d'un bien. Il s'agit là d'une recommandation discutable, trop facile à contourner de toute façon et qui, le cas échéant, pourrait faire l'objet de la réglementation, mais ne devrait pas se retrouver dans le projet de loi.

L'article 37 de la loi, tel que rédigé, nous apparaît également injuste pour le commerçant. Nous soumettons que tous les articles qui ont une relation directe avec cet article 37, à savoir les articles 35, 36 et 37, doivent être revus dans toute leur philosophie. Quant aux articles du projet de loi relatifs à l'Office de la protection du consommateur, à ceux du Conseil de la protection du consommateur et à l'article 97 de la loi, nous aimerions les considérer dans un ensemble à partir de l'article 97.

L'article 97 du projet de loi donne au lieutenant-gouverneur en conseil des pouvoirs très vastes et pose, à toutes fins utiles, tout le problème des lois-cadres. Nous avons eu, au conseil du patronat, depuis quelques années, certaines expériences malheureuses avec des lois-cadres. De par sa nature, une loi-cadre définit un grand principe, mais cela laisse au lieutenant-gouverneur en conseil la possibilité de l'appliquer selon la portée des règlements éventuels.

Evidemment, il y a plusieurs désavantages dans un tel mode de procéder dont, notamment, l'impossibilité pratique d'intervention de la part de ceux qui sont concernés par les règlements.

Par une loi-cadre, on signe presque un chèque en blanc au lieutenant-gouverneur en conseil et nous ne sommes pas certains que ce soit la meilleure façon de procéder. Dans le cas du projet de loi no 45, la presque totalité de la portée de la loi dépendra des règlements. Lorsqu'on considère l'article 97 m) par exemple, on dit que "le lieutenant-gouverneur en conseil établira des règlements quant aux normes de qualité et de sécurité pour tout bien ou service", il est difficile pour les commerçants de donner un accord inconditionnel à une telle possibilité de règlement.

Comment s'en sortir? Nous croyons que pour s'en sortir, on pourrait donner des pouvoirs nouveaux au Conseil de la protection du consommateur. Nous sommes entièrement d'accord avec le principe d'un Conseil de la protection du consommateur. Non seulement nous sommes d'accord, mais nous considérons qu'un tel conseil est essentiel. Mais, à condition qu'on le restructure et qu'on lui permette vraiment de fonctionner.

Il y a trois éléments clés qui nous paraissent essentiels pour que ce conseil fonctionne bien. Premièrement, que ce comité conserve des initiatives personnelles d'étude et qu'il ne soit pas tout simplement astreint à étudier des sujets sur lesquels on demanderait son opinion.

Deuxièmement, ce conseil devrait grouper des personnes, nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais à partir des suggestions des corps les plus représentatifs dans le domaine de la consommation. Et, c'est un point clé pour nous, il faudrait que ce conseil assure un équilibre entre les représentants des commerçants et les représentants des consommateurs.

Cela suppose une révision du rôle de l'office. Nous interprétons actuellement le rôle de l'office comme étant celui qui va recommander au lieutenant-gouverneur en conseil ces règlements prévus à l'article 97, alors nous faisons un transfert du rôle actuel de l'office au conseil. Pour nous, cela paraît absolument important, parce qu'il ne faut pas oublier la composition

de l'office. Il est composé de fonctionnaires. Or, ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont directement impliqués par les transactions commerciales, ce sont les commerçants et les consommateurs. C'est aux commerçants et aux consommateurs qu'il importe vraiment de conseiller le lieutenant-gouverneur en conseil, dans toutes les meilleures relations possibles, avec l'Office de protection du consommateur.

Nous allons même plus loin. Même avec ce rôle modifié du conseil, nous suggérons que les règlements, avant d'être promulgués, soient publiés dans la Gazette officielle du travail pour une période — nous suggérons une période de trente jours — afin que tous ceux qui sont concernés puissent vraiment émettre leur point de vue.

Evidemment, cela paraît peut-être vouloir mettre en cause les pouvoirs de décision du lieutenant-gouverneur en conseil. Absolument pas. La seule chose qu'il s'agit d'éviter, c'est que par réglementation on ne rencontre pas toutes les situations de fait qui sont la réalité du commerce. On peut réaliser actuellement que dans la préparation d'un tel projet de loi, la commission, ici, entend des points de vue qu'elle a souvent ignorés.

Finalement, nous disons aussi que dans ce rôle nouveau de l'office on devrait ajouter à la dimension de l'information du consommateur la dimension de l'éducation. Il est excellent d'informer le consommateur, mais nous croyons que bon nombre des griefs actuels qui sont logés à l'endroit des commerçants pourraient s'estomper si le consommateur lui-même était un consommateur plus responsable. Compte tenu de vos remarques originales, M. le Président, j'ai tenté de faire un résumé très bref. Je remercie cette commission de la possibilité qu'elle nous a donnée de faire valoir ce point de vue.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions de la brièveté de votre message, qui se conforme ainsi à ce que nous avions demandé au début de la séance. Maintenant, je donnerais la parole à l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce.

M.TETLEY: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier M. Dufour et le Conseil du patronat du Québec. Leur premier mémoire est très intéressant ainsi que le deuxième mémoire, le 5 A, qui est très important. Nous apprécions le travail que vous avez fait.

Je voudrais faire certaines remarques concernant vos commentaires. L'article 14 est très important. D'accord! L'article 14 est en effet un article qui protège, croyons-nous, le public. C'est-à-dire que le consommateur bénéficie de toute erreur dans le calcul ou l'énonciation du coût de crédit.

Erreur, oui, mais dans quoi? Dans le calcul ou l'énonciation du coût de crédit. Et vous croyez ou votre mémoire est à l'effet que c'est trop rigide. Mais, nous voulons protéger le public et je vais vous donner un exemple: Souvent, vous voyez dans un contrat que l'intérêt est de 20 p. c. par exemple, et que $100 sont prêtés. Les paiements sont au nombre de 12 à $10 par mois, c'est-à-dire $120; l'intérêt apparaissant au contrat est de 20 p. c. Ce taux n'est pas le taux annuel réel. Le taux d'intérêt annuel réel est plutôt de 33 p. c. ou 34 p. c, ou même de 40 p. c, parce que le consommateur doit payer 20 p. c. d'intérêt sur le montant initial ($100) à tous les mois.

Dans un cas comme celui-ci, à l'avenir, lorsque le contrat stipulera que le prêt est de $100 à un taux de 20 p. c, réparti en 12 paiements sur une période de douze mois, 20 p. c. sera le taux réel annuel, qui se traduira dans l'exemple, peut-être par un montant de $10 d'intérêt à payer au lieu de $20. Nous croyons que cela forcera les prêteurs d'argent à suivre l'idée principale de la loi, qui est d'énoncer ouvertement et honnêtement le vrai coût de l'intérêt.

M. DUFOUR: Est-ce que vous me permettez un commentaire très rapide?

M. TETLEY: Bon.

M. DUFOUR: II est évident que cela se réfère purement au coût du crédit quant au calcul, mais aussi quant à l'énonciation. L'énon-ciation, évidemment, suppose un geste écrit, geste qui est de plus en plus mécanisé. Mais l'article ne fait aucune distinction entre une erreur volontaire, si on veut, et une erreur tout à fait involontaire. Cette énonciation, surtout dans le domaine des ordinateurs, maintenant, peut créer des problèmes, même compte tenu de votre exemple, M. Choquette. Je voulais dire M. Tetley. Excusez-moi.

M. TETLEY: Je n'aviserai pas M. Choquette de votre erreur!

C'est une question d'opinion. A notre avis, il faut que le consommateur soit protégé. Notez aussi que vous avez le code civil, l'article 991, etc., les procédures d'annulation du contrat.

Je crois que le prêteur d'argent est assez protégé. Il peut toujours annuler le contrat. Il y a toujours les procédures existantes, le bill 45 n'abroge pas le code civil, du moins pas ces articles.

L'article 37. Cet article existe ailleurs, au Manitoba; c'est le principe "seize or sue", c'est-à-dire vous saisirez ou vous procéderez pour avoir votre argent. Nous avons pris note de votre mémoire et de vos idées, mais je crois aussi qu'il y a certains cas où il faut protéger le consommateur. De toute façon, je prends note de vos remarques.

M. DUFOUR: Je suis très heureux que vous preniez note de la remarque, parce que j'ai l'impression que l'exemple que nous donnons dans le cas de l'automobile, est typique de la difficulté d'application de cet article 37.

M. TETLEY: Nous avons déjà lu vos mémoires et nous avons fait une compilation de tous

les mémoires. Mais, encore une fois, je prends bonne note de vos remarques de ce matin.

A la page six de votre mémoire, vous faites des réserves sur les lois-cadres. En effet, c'est un problème. L'article 97 donne le droit au lieutenant-gouverneur d'adopter des règlements. Il y a un jeu entre l'efficacité et la démocratie.

Vous avez suggéré quelques solutions, et nous les avons notées. L'Opposition a déjà suggéré quelques moyens d'éviter ce problème: publication des règlements dans la Gazette officielle, que les règlements soient étudiés par le conseil et aussi que la commission de l'Assemblée nationale étudie ces règlements avant leur adoption.

Comme je l'ai dit la semaine dernière, je ne suis pas contre, mais je ne suis pas nécessairement pour.

M. BEDARD: Vous avez dit "noui", si je comprends bien.

M. TETLEY: C'est tout ce que j'avais à noter.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander des précisions à M. Dufour au sujet de ses réserves sur les lois-cadres. A la page 7, vous dites: "Depuis l'expérience malheureuse de certaines lois-cadres récentes..." Est-ce que vous pouvez me dire à quelles lois-cadres vous référez en particulier?

M. DUFOUR: Je pourrais vous en donner plusieurs, M. le député. Je vous donne l'exemple de la loi no 49, sanctionnée en juin 1969, sur la formation et la qualification professionnelles, de la main-d'oeuvre. C'est une loi-cadre qui prévoit l'établissement d'un programme pour les études qualitatives et quantitatives de la main-d'oeuvre. C'est une loi-cadre dans le sens qu'elle prévoit, par un tout petit article, qu'éventuellement tout travailleur devra obtenir une carte de compétence du ministère du Travail avant de pouvoir exercer une profession ou un métier dans un établissement industriel du Québec. Mais l'application concrète de cet article 42, l'établissement de ces normes justement de qualifications, nous n'en prenons connaissance que par les règlements. Si, à ce moment-là, il n'y a pas de consultation véritable avec les gens concernés, évidemment, on peut établir n'importe quel certificat de qualification obligatoire. C'est un exemple.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un exemple. J'imagine que vous avez d'autres lois-cadres à l'idée.

M. DUFOUR: La provision concernant les licenciements collectifs. C'est la même chose. Dans les règlements, on définit les licenciements collectifs comme étant des mises à pied. La réglementation, à ce moment-là, est venue changer, en tout cas dans notre esprit, complètement le sens prévu à la loi-cadre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis satisfait, M. le Président, des réponses. Je craignais que M. Dufour ne prenne ses exemples dans le domaine social.

M. Dufour, vous dites également, à la fin de ce paragraphe: Un moyen de pallier, ce serait que les règlements soient étudiés en collaboration avec le Conseil de la protection. Est-ce que vous allez jusqu'à dire que le conseil aurait une voix égale à celle de l'office dans la préparation et l'acceptation des règlements ou si ce serait plutôt une consultation?

M. DUFOUR: A notre avis, non seulement ce serait égal, mais l'opinion du conseil serait sûrement supérieure à l'opinion de l'office.

M. CLOUTIER (Montmagny): A l'opinion de l'office. Un droit de veto, ni plus ni moins.

M. DUFOUR: Non, non, ce n'est pas un droit de veto. C'est que le lieutenant-gouverneur en conseil, évidemment, possède tous les pouvoirs. Il a besoin, à ce moment-là, d'une consultation. Quelle est la meilleure consultation qui puisse lui être donnée? C'est celle des gens qui sont directement impliqués dans les questions qu'on discute. Ces questions-là sont connues, à notre sens, beaucoup plus par les commerçants et par les consommateurs. Alors, nous croyons beaucoup plus valable la consultation par le lieutenant-gouverneur en conseil d'un conseil qui serait composé, évidemment, selon nos suggestions, qu'une pure recommandation de l'office. Parce que l'office est un bureau gouvernemental et que ce sont exclusivement des fonctionnaires qui en font partie.

Un exemple avec le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est dans le domaine social. Vous avez la composition d'un conseil qui représente exclusivement les centrales syndicales et le patronat et qui avise le ministère du Travail sur tous les règlements qu'il va être amené à établir. Par contre, le ministère du Travail dispose d'autres services qui rempliraient à peu près exactement le rôle de l'office ici, qui est un pouvoir de décision sur l'application de la loi.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne sais pas si vous avez entendu le ministre, à la dernière séance de la commission parlementaire.

Le ministre des Institutions financières, en réponse à une des suggestions que nous lui faisions, a dit qu'il n'avait pas d'objection à

soumettre à cette commission parlementaire une ébauche ou les idées maîtresses de la réglementation prévue à l'article 97. Je crois que ce serait là, déjà, une excellente initiative que la commission parlementaire et ceux qui assistent aux délibérations puissent déjà prendre connaissance de la trame de la réglementation. Je pense qu'à la suite des suggestions que vous faites, même si elles ne sont pas retenues entièrement, que s'il y a déjà cette forme de consultation — parce qu'il faut bien comprendre cet argument d'équilibre, d'efficacité administrative, d'équilibre entre la loi, d'une part, et aussi les exigences d'une réglementation — il y aura une certaine garantie quant à l'expression d'opinions que les organismes voudraient voir traduire dans la réglementation.

M.DUFOUR: Nous sommes d'accord, M. Cloutier, parce que nous mentionnons au paragraphe c) "consultations autres sur base ad hoc". La commission parlementaire est un mécanisme de consultation. Quand nous parlons d'un conseil de la protection du consommateur restructuré, nous sommes quand même bien conscients que ce conseil sera composé de quatorze ou quinze personnes. Ces quatorze ou quinze personnes ne peuvent pas saisir l'ensemble des dimensions des transactions économiques qui s'effectuent dans la province. C'est un mécanisme que nous suggérons; il y. en a sûrement d'autres dans le sens de votre suggestion.

M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 6, article 39, deuxième alinéa, vous dites: "Nous recommandons également que l'article 94 soit modifié de façon à radier la disposition à l'effet que la décision du juge est sans appel". Est-ce que vous pourriez citer un exemple d'un cas où vous croyez qu'il pourrait y avoir abus de pouvoirs parce qu'enfin, dans ma pensée, un juge doit juger ou ne pas juger, et vous semblez contester cela.

M. DUFOUR: C'est une question juridique, M. le député, je la laisse à mon honorable collègue.

M. ROGER: M. le député, je crois bien que vous avez demandé un exemple. Je ne crois pas qu'il s'agisse tellement d'un exemple concret que tout simplement du droit des personnes de se pourvoir contre une décision qui peut être erronée. Et le droit d'appel est déjà prévu dans le Code de procédure civile. Je ne vois pas pourquoi, en vertu d'une loi du consommateur, une décision d'un juge deviendrait sans appel. D'autant plus que même s'il s'agit d'articles de consommation il peut arriver assez souvent que les sommes en jeu soient très importantes.

M. DUMONT: Même si c'est un bill du consommateur, vous croyez qu'il ne fallait pas le rédiger ainsi?

M. ROGER: II peut arriver qu'une décision... En fait, les juges seront les premiers à l'admettre, ils sont humains et ils peuvent se tromper. On devrait donc prévoir une procédure par laquelle on puisse en appeler d'une décision parce qu'il peut être fait un tort considérable.

M. LE PRESIDENT: Pour l'avantage des membres de la commission, nous apprécierions connaître le nom du conseiller juridique.

M. ROGER: Jean Roger.

M. LE PRESIDENT: Merci.

Y a-t-il d'autres membres de la commission qui auraient des questions à poser au représentant du conseil? Sinon, je remercie, au nom de la commission, ceux qui ont fait des représentations pour le Conseil du patronat du Québec. J'invite maintenant le ou les représentants de l'Association des manufaturiers canadiens à se faire entendre.

Association des manufacturiers canadiens

M. ROGER: Je reprends la parole. Je vous remercie, M. le Président, ainsi que MM. les membres du comité d'avoir permis à l'association de présenter ses suggestions ou ses observations, aujourd'hui. L'Association des manufacturiers canadiens n'est pas, par essence, un organisme directement axé sur le consommateur, c'est pourquoi le mémoire, dont vous avez déjà pris connaissance, est assez succinct et porte tout simplement sur quelques recommandations d'ordre assez général.

Je crois que vous avez déjà entendu les deux premières recommandations. Ce qui saute aux yeux, à là lecture du projet de loi, c'est qu'il ne contient pas de définition du consommateur. L'association recommande que l'on définisse le consommateur et que cette définition exclut les personnes qui effectuent des achats dans le cours normal de leurs affaires, les sociétés commerciales, les associations de personnes ou de compagnies qui sont dans le commerce. Cela s'inscrit évidemment dans les règles ou les lois générales qui régissent le commerce. Imposer à des commerçants, lors de transactions entre eux, des formalités qui s'appliquent à la protection du consommateur, serait probablement excessif.

La troisième observation porte sur les mots "délai suffisant", que l'on trouve à l'article-5 du projet. Le délai suffisant est un peu vague et peut permettre libre cours à l'appréciation arbitraire. Pour ce qui est de la quatrième recommandation, c'est évidemment, encore une fois, l'article 14 du projet de loi.

Nous sommes conscients que de telles dispo-

sitions sont prévues dans d'autres lois semblables et il y aurait peut-être lieu de préciser qu'une erreur ou une omission commise de bonne foi pourrait être corrigée. L'article, dans sa rédaction actuelle, semble être une règle sans appel, en vertu de laquelle une erreur commise, même de bonne foi, dans le calcul, va bénéficier de toute façon... On ne sait pas de quelle façon cet article serait susceptible d'entrer en conflit avec les dispositions du code civil qui prévoit soit l'annulation du contrat, soit le remboursement de l'indu lorsqu'une personne a payé, par erreur, une chose qu'elle ne devait pas ou inversement, qu'une personne a reçu, par erreur, une somme qui ne lui était pas due.

La cinquième recommandation porte sur le délai de reprise. J'étais présent lors de la première séance de la commission et j'ai entendu les propos véhéments des diverses personnes qui ont des raisons bien sérieuses de s'opposer au délai de 30 jours. La suggestion de l'Association des manufacturiers canadiens est que le vendeur soit admis à reprendre son bien si, par exemple, il estime — pour employer des propos souvent entendus par des juristes — que sa créance risque d'être mise en péril. Dois-je continuer?

M. LE PRESIDENT: Oui, je vous en prie.

M. ROGER: On suggère que le marchand puisse être admis à reprendre son bien et à le conserver pendant une période de trente jours pendant laquelle le consommateur pourra remédier à son défaut et le tout sans pénalité pour le consommateur. Cela est évidemment dans le but de protéger le vendeur contre les pertes qui pourraient être considérables si on pense, en particulier, aux automobiles neuves. Je crois que la commission est suffisamment éclairée sur ces questions.

Pour ce qui est de la sixième recommandation, elle porte sur la définition de l'expression "vendeur itinérant" et également le mot à mot de la section 4 de la loi qui vise les contrats conclus entres les vendeurs itinérants et les consommateurs. Il semble que ces définitions soient assez larges pour comprendre également les établissements qui vendent par correspondance. La recommandation de l'association, c'est que l'on prévoit soit une exception, pour les établissements qui vendent par correspondance, soit un régime de règlements spéciaux qui en fassent des vendeurs ou des marchands bien distincts des vendeurs itinérants comme on l'entend normalement.

La septième recommandation a également déjà été entendue par la commission et faite par d'autres organismes, il s'agit des pouvoirs assez extraordinaires de réglementation qui sont conférés au lieutenant-gouverneur en conseil. On vient tout juste d'en discuter à nouveau et on s'inquiète évidemment de l'usage qui peut être fait des pouvoirs.

Il y a la question de conflit ou de l'aspect pratique d'une loi; on peut choisir entre une loi-cadre, dont la rédaction est assez simple, quitte, par la suite, à prévoir l'application de ses diverses parties par des règlements. D'un autre côté, une loi-cadre qui confère des pouvoirs trop vastes à des organismes de réglementation mènent à des erreurs ou des abus dont on vient de citer quelques exemples, plus particulièrement à l'article 97, l'alinéa k) qui traite des "normes d'emballage, d'étiquetage et de présentation". On sait qu'aujourd'hui il existe déjà, au Québec, un règlement sur les aliments qui prévoit des normes d'emballage des produits alimentaires et leur préparation, leur présentation, leur étiquetage. On sait également qu'il y a une loi fédérale à l'étude portant sur le même sujet. Nous suggérons donc qu'il y ait concordance entre ces dispositions.

La neuvième recommandation porte sur les alinéas m) et o) de l'article 97 et, encore une fois, c'est dans le même esprit que l'on recommande de bien surveiller la façon dont seront mises en vigueur ces dispositions, pour qu'elles concordent avec d'autres dispositions.

La dixième recommandation est peut-être un peu plus nouvelle, il s'agit de l'article 107 qui traite des pénalités qui peuvent être imposées à tout officier, fonctionnaire, etc, d'une compagnie. Or, il se trouve dans le commerce beaucoup de compagnies privées d'un seul actionnaire, d'un seul actionnaire important, et on recommande, en fait, que l'Etat accorde sa clémence à l'entreprise ou au président d'entreprise qui en est le principal actionnaire, si son entreprise a déjà été pénalisée, puisqu'à toutes fins pratiques c'est de la poche même de l'intéressé que la pénalité sera payée.

Enfin, pour ce qui est de l'article 108, l'association n'a que des félicitations à accorder aux auteurs du projet pour avoir prévu les erreurs ou omissions de bonne foi. Cela nous ramène évidemment à nos observations sur l'article 14; il semble y avoir discordance entre ces dispositions.

Je crois qu'au sujet de la douzième et dernière recommandation, celle qui porte sur l'article 113 où l'on traite de l'inexpérience d'un consommateur, il y a déjà eu diverses représentations là-dessus. Elles sont réitérées par l'Association des manufacturiers, en ce sens que l'inexpérience est un terme assez vague et assez subjectif qui demeure toujours soumis à l'appréciation des intéressés et des juges.

Je vous remercie M. le Président, messieurs les membres de la commission, ce sont là les quelques recommandations que l'Association des manufacturiers tenait à formuler.

M. LE PRESIDENT: La parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: Merci Me Roger de votre mémoire, et je voudrais remercier l'Association des

manufacturiers canadiens aussi. Je prends note de vos remarques au sujet de l'article 1, où vous demandez une définition du consommateur. L'article 5 pourrait aussi être modifié. Jusqu'à maintenant, plusieurs mémoires ont noté l'expression peut-être équivoque qui se trouve dans cet article, et je vais suggérer qu'on biffe les mots suivants dans l'article 5. "accorder un délai suffisant pour lui"... Je fais cette suggestion parce que je veux que les membres de l'Opposition l'étudient un peu, y pensent durant la journée qui vient.

Article 14. Je ne veux rien ajouter aux commentaires que j'ai déjà faits. Notez que les consommateurs ont tous trouvé que l'article était très bien. Vous, vos clients et d'autres personnes qui ont présenté des mémoires de l'autre côté ne l'ont pas aimé.

Article 35.

M. ROGER: Si vous me permettez d'intervenir ici encore, M. le ministre, je crois que l'Association des manufacturiers est d'accord avec le principe de l'article 14, à savoir que cet article doive protéger le consommateur. Mais, dans sa rédaction actuelle, il semble assez sévère; il impose une pénalité qui, parfois, peut-être assez onéreuse pour le marchand qui peut avoir commis une erreur de bonne foi, alors que la même loi, à l'article 108, dit: "Une erreur commise de bonne foi ne constitue pas une infraction." On impose ici de toute façon, sur le plan purement civil, une pénalité au marchand qui aurait commis une erreur ou dont la machine pourrait se tromper. Apparemment, même les machines peuvent se tromper aujourd'hui.

M. TETLEY: Article 43, le vendeur itinérant. Je trouve très intéressantes vos remarques au sujet de la vente par correspondance, la vente par téléphone et même le commis voyageur et le vendeur d'automobiles qui invitent quelqu'une manger. En effet, si le contrat est signé au cours du repas, c'est un contrat signé hors du siège social, ou de son bureau de commerce. J'ai pris note de vos remarques.

Article 97. C'est le même problème.

Article 107. Vous n'aimez pas la double pénalité, mais récemment le gouvernement de l'Ontario a adopté le système des "triple damages", ça ne concerne pas directement la protection du consommateur, mais la protection de personnes qui achètent des parts d'un actionnaire d'une compagnie. L'idée de dommages doubles ou triples est, à mon avis, assez intéressante, et il faut parfois arrêter des procédures néfastes. Peut-être que ça va prendre des "triple damages" ou des dommages doubles.

M. ROGER: Concernant le principe, à ma connaissance il existe certaines lois. Enfin, les lois du Revenu prévoient quelquefois qu'une compagnie et tous les administrateurs peuvent être condamnés à des dommages. En pratique assez souvent, je sais également que le ministère du Revenu se contentera d'une poursuite et d'une pénalité soit contre la compagnie soit contre son président. Ici, on prévoit spécifiquement une double pénalité.

M. TETLEY: Très bien!

Article 108. Cet article concerne une erreur ou une omission faite de bonne foi. C'est tout simplement dans le cas d'une poursuite pénale, c'est la section XIII, commençant à la page 22 du projet de loi.

Article 14. Cet article impose une sanction civile dans le cas d'une erreur déterminée. Vous savez qu'en droit pénal la preuve est très difficile, le fardeau de la preuve est lourd; je ne trouve pas que l'article 108 soit trop dur. C'est une opinion.

Article 113. Je note que vous vous opposez à cet article.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. PERREAULT: M. Roger, à l'article 97 m), vous craignez une confusion à propos des normes de qualité et de sécurité. Est-ce à cause des normes édictées par la Canadian Standard Association?

M. ROGER: Je ne crois pas qu'on ait nécessairement fait allusion aux normes de la Canadian Standard Association, mais surtout aux normes qui sont susceptibles d'être établies par la loi fédérale. En somme le but du mémoire, pour ce qui est de l'article 97, est tout simplement d'alerter la commission relativement à la loi fédérale qui est en élaboration dans le moment pour éviter qu'il y ait, en fait, conflit ou discordance entre ces lois.

M. PERREAULT: Est-ce que vous préconisez les mêmes valeurs de qualité et de sécurité pour des produits qui sont interchangés entre les différentes provinces?

M. ROGER: Je sais que l'Association des manufacturiers canadiens, étant un organisme à l'échelle fédérale qui a des divisions partout, a toujours été en faveur d'une certaine uniformisation des normes à travers le Canada.

M. PERREAULT: Merci.

M. LE PRESIDENT: Une question supplémentaire, l'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sur le même sujet, M. Roger, vous représentez l'Association des manufacturiers canadiens. Vous dites que le gouvernement doit être prudent dans la réglementation aux article 97 m) et o) pour "éviter la confusion qui pourrait survenir si les normes établies en vertu de ces dispositions diffèrent de

celles qui seront établies par la loi fédérale". Est-ce que vous avez eu l'occasion, comme groupe, de faire la même réflexion ou la même observation au gouvernement canadien en lui disant que le Québec aussi discute et prépare une loi de la protection du consommateur et que les normes qui seront édictées par la réglementation au Québec seraient intéressantes à consulter pour le gouvernement canadien?

M. ROGER: Je suis seulement avocat et seulement représentant au Québec de l'association. Je présume — et j'en suis moralement certain — qu'au niveau fédéral on a fait des représentations là-dessus précisément et qu'on étudie le projet de loi provincial. Il se peut même qu'on en tire une inspiration pour le fédéral.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce que je voudrais souligner, c'est que la consultation que le Québec fera dans ce domaine puisse se faire dans le sens inverse aussi et que le gouvernement canadien soit attentif aux normes et à la réglementation que le Québec voudrait mettre dans sa réglementation. Il y a certains points de vue, je pense bien, qui retiennent davantage notre attention quant au domaine publicitaire ou quant au domaine de la qualité des produits. C'est pour cela que je mentionne cet aspect. Votre association est l'Association des manufacturiers canadiens. Il est donc normal qu'elle fasse aussi des représentations à d'autres ordres de gouvernement.

M. ROGER: Je n'ai pas mandat pour aller faire des représentations auprès du fédéral au nom du gouvernement provincial, mais je souhaite avec vous qu'il y ait consultation dans les deux sens.

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais tout simplement noter que j'ai des liens assez étroits avec M. Basford, par téléphone et par écrit, et jusqu'à maintenant il n'y a eu aucun problème. Mais je crois que la suggestion de l'honorable député est une bonne suggestion.

M. LE PRESIDENT: Je cède la parole à l'honorable député de Laurier.

M. MARCHAND: M. Roger, dans votre mémoire, vous ne semblez pas — je ne sais pas si c'est voulu — attacher tellement d'importance à la vente par téléphone. Par contre, j'ai reçu hier, une lettre, d'un monsieur Paul-Emile Leclerc, qui s'occupe de la vente pour la compagnie Comtesse Caroline. Je ne sais pas si vous connaissez cette compagnie. Son travail consiste à solliciter par téléphone des dames afin qu'elles donnent une démonstration à la maison en invitant cinq à huit amies à cette démonstration.

A l'occasion de la démonstration, la compa- gnie, en arrivant, offre un cadeau, à la dame. Après la démonstration, on prend les commandes et le tout est payé sur réception de la marchandise.

Je pense que c'est quand même un travail honnête puisqu'il n'y a aucun contrat de signé et je ne vois pas qu'on s'occupe tellement de ce domaine. Je pense qu'un monsieur comme ça, dont le travail serait supprimé après douze ans, se demanderait quoi faire dans la vie puisqu'il n'aurait jamais fait autre chose que ça. Ce serait un autre monsieur que le gouvernement serait probablement obligé de faire vivre. Je me demande si, dans vos revendications, il n'y aurait pas eu lieu de revoir ça puisque ça touche quand même des manufacturiers.

M. ROGER: II se peut que ça touche les manufacturiers, mais je n'ai malheureusement pas participé moi-même à la rédaction du mémoire. J'ai été chargé de le défendre après que diverses personnes eurent collaboré à son élaboration. C'est un problème intéressant. Nul doute que la commission tiendra compte de vos suggestions à défaut de celles qui n'apparaissent pas dans le mémoire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. Roger, à la page 2 de votre mémoire, à la recommandation numéro 3, il est mentionné ceci: "Nous croyons que l'expression "délai suffisant", à l'article 5 du projet, est vague et qu'elle créera beaucoup d'équivoque dans l'esprit des marchands".

Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez suggérer à la place de "délai suffisant"? Avez-vous des suggestions à faire à la commission à ce sujet-là?

M. ROGER: C'est un problème assez difficile et c'est un problème de rédaction législative. Je ne suis malheureusement pas spécialiste dans ce domaine, mais on pourrait prévoir, peut-être, un certain nombre de minutes par page, préciser davantage le sens de "délai suffisant" ou établir certaines normes dans le texte de la loi que devrait respecter le vendeur. C'est vraiment une question difficile. La seule raison pour laquelle nous soulevons la question, c'est que "délai suffisant" est, en somme, assez vague. Comment le marchand qui vend à une personne peut-il savoir s'il lui a accordé un délai suffisant? Si la personne lit 30 mots à la minute, il se peut qu'il doive lui accorder énormément de temps pour lire un contrat. Une autre personne lit peut-être 4,000 mots à la minute. C'est un problème.

M. VINCENT: Sur le même sujet, M. le Président. Le ministre a suggéré tout à l'heure un amendement à l'article 5 pour que nous puissions en prendre connaissance. Le ministre

pourrait-il répéter la suggestion qu'il a faite et voir si ceci n'entre pas dans les suggestions du...

M. TETLEY: Ce n'est pas une décision prise. C'est une suggestion que je vous soumets. Je ne veux pas suggérer tous les amendements ici. Biffer les mots, dans l'article 5, à la page 3 du bill: Accorder un délai suffisant pour lui".

M. VINCENT: "Accorder un délai suffisant pour lui".

M. TETLEY: Ces mots.

M. VINCENT: Donc, l'article se lirait...

M. TETLEY: "Et lui permettre de prendre connaissance", parce que nous voulons garder ce droit au consommateur de prendre connaissance. Si vous trouvez que l'expression est équivoque, il faudrait peut-être biffer ces mots, mais garder le reste. Parce que le principe est important.

M. VINCENT: M. le Président, pourrions-nous avoir l'opinion de M. Roger sur cette suggestion qui n'est pas un amendement proposé, mais qui nous est quand même soumise pour étude? Si l'article se lisait: "... et lui permettre de prendre connaissance de ses termes et de sa portée avant d'y apposer sa signature".

M. ROGER: Je trouve que c'est une excellente suggestion. Même, en écoutant le ministre, il me venait à l'esprit que l'on pourrait imposer aux vendeurs le devoir de recommander et même d'exiger que l'acheteur ou le consommateur prenne connaissance de l'écrit et imposer également à l'acheteur le devoir d'en prendre connaissance ou de déclarer qu'il en a pris connaissance. Evidemment, assez souvent, l'on trouve au bas de certains contrats des termes qui disent que l'acheteur reconnaît avoir lu et bien compris. Cela vaut évidemment ce que ça vaut. Il se pourrait que l'on puisse ici, à l'article 5, prévoir, en somme, un mécanisme quelconque qui assurerait que les parties sont bien d'accord et qu'elles ont bien lu et compris.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres membres de la commission qui ont...

M. ROY (Beauce): Oui. J'aurais une question à poser, s'il vous plaît, à la recommandation no 5: Si un consommateur faillit à ses obligations contractuelles, il nous semble injuste que l'article 35 du projet de loi oblige un marchand à attendre trente jours après réception de l'avis par le consommateur pour exercer son droit de reprise. Alors, vous recommandez plutôt que le marchand soit admis à revendiquer immédiatement sur défaut du consommateur, celui-ci se voyant accorder un délai additionnel de 30 jours pour remédier à son défaut sans pénalité.

Est-ce que vous pourriez donner un peu plus d'explications à la suite de votre recommandation?

M. ROGER: Je sais que lors de la première séance des travaux de la commission, sur ce projet de loi, des représentations ont été faites à propos, par exemple, des automobiles neuves. Il peut se produire beaucoup d'autres cas où le bien qui a été vendu est susceptible de se déprécier rapidement, de sorte que sa valeur de revente sera considérablement réduite si le vendeur est obligé d'attendre 30 jours. Il se peut également que le bien en question soit placé dans un local tel, ou un lieu tel qu'il puisse s'endommager. Si on permet au commerçant, dans le but de protéger sa créance et de protéger, en somme, ce qui serait encore sa propriété, de reprendre le bien et de le conserver pendant 30 jours, on lui accorde la faculté de se protéger, mais à ses propres frais.

Si le commerçant estime qu'il n'y a aucun inconvénient, ou que les inconvénients, ou les risques de perte sont assez faibles, il pourra laisser le bien entre les mains du consommateur et s'éviter les frais de reprise et de conservation.

M. ROY (Beauce): J'aurais peut-être une question à poser au ministre à ce sujet. Relativement à l'article 35, le ministre a-t-il l'intention de proposer des modifications, ou de proposer certaines précisions? Dans le cas d'une automobile, par exemple. C'est un cas particulier. Mais il y a certains biens de consommation à long terme, il y en a de consommation immédiate et d'autres, à moyen terme. Si on prend la même loi et qu'on l'applique à quelqu'un qui a acheté des pneus d'automobile, il est évident qu'une remise après 30 jours change considérablement la responsabilité du consommateur vis-à-vis du marchand. Il est évident que si le marchand, ou le vendeur est dans l'obligation d'attendre 30 jours, cela peut causer des préjudices assez sérieux. Il ne faudrait tout de même pas que la Loi de la protection du consommateur, non plus, nuise à notre commerce. Ma question est peut-être vague, M. le ministre, mais tout de même, j'ai prix un exemple, entre autres, pour expliquer qu'il peut y avoir des biens de consommation immédiate.

M. TETLEY: D'accord. J'ai noté votre remarque. En effet, il faut protéger le consommateur et aussi, en même temps, il est très important que le commerce fonctionne. Il ne faut pas, comme vous dites, arrêter toutes les ventes de pneus ou d'automobiles. J'en prends bonne note.

Je note que bien des mémoires ont signalé une équivoque dans cet article.

M. LE PRESIDENT: La parole à l'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Merci pour l'honorable. J'aurais

une question concernant l'article 10, quand vous dites que vous voudriez qu'une compagnie privée et son principal actionnaire ne soient pas condamnés pour la même offense. Est-ce que, dans votre esprit, une compagnie privée, c'est une compagnie limitée, à actions ou une société?

M. ROGER: Evidemment, une compagnie privée, c'est une notion fédérale. Mais il existe des compagnies privées, en fait, c'est-à-dire des entreprises purement familiales ou le père de famille est président et actionnaire à 98 p. c. et le reste étant détenu par son épouse et son fils, ou qui que ce soit. A toutes fins pratiques, dans ces cas-là, si une amende est imposée à la compagnie, elle est imposée au président lui-même, ou au père de famille. Et ici, l'article en question prévoit que le président et même, théoriquement, les membres de sa famille puissent subir la même pénalité.

M. LEGER: Mais dans votre esprit, quand même, pensez-vous que la loi pourrait prévoir la différence entre une petite compagnie et une autre compagnie?

M. ROGER: Oui. C'est la raison pour laquelle on fait allusion à compagnie privée. Compagnie privée, au strict sens juridique, cela n'existe pas au Québec. Mais il y a des compagnies qui, en fait, sont des entreprises privées.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Si non, nos remerciements à Me Roger, pour les suggestions très positives qu'il a faites, au nom de son groupe.

M. ROGER: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous invitons maintenant le Barreau du Québec à se faire entendre par l'intermédiaire de ses délégués.

Barreau du Québec

M. de GRANDPRE: M. le Président, honorables membres du comité, je me permets d'abord de me présenter: Pierre de Grandpré, Barreau de Montréal. Je représente ce matin le bâtonnier général, Me Cinq-Mars, qui est actuellement retenu en dehors du pays pour les affaires du Barreau, et qui aurait aimé, j'en suis certain, être au moins présent sinon présenter lui-même le mémoire du Barreau à votre comité. Je suis accompagné, ce matin, de Me Jean Moisan, bâtonnier du Barreau d'Arthabaska, et Me Micheline Audet-Fillion, recherchiste au Barreau du Québec.

Si je veux bien être bref, à votre invitation, M. le Président, il est quand même venu à nos oreilles que nous avons été si brefs dans nos recommandations écrites au comité que nous avons, à certains endroits, été mal interprétés.

Et certaines de nos recommandations nécessiteront peut-être des explications qui donneront à la commission les raisons qui motivent les recommandations que nous avons faites.

D'abord, comme nous en faisons état, nous avons accueilli avec satisfaction ce projet de loi de la protection du consommateur. Si nous admettons que tout ne peut pas être traité dans une même loi, nous invitons instamment le gouvernement, non pas à l'amender dans sa teneur actuelle, mais à légiférer le plus tôt possible dans le domaine du commerce des immeubles, dans le domaine de l'alimentation. Nous croyons également que la Loi des agents de recouvrement devrait être modifiée de façon à accorder une plus grande protection au consommateur en assurant de meilleures garanties de solvabilité, en prévoyant les formules de contrat et en imposant des remises à termes fixes à leurs clients.

Nous croyons également que — toujours au niveau du consommateur — la Loi de l'enseignement privé devrait également être amendée au plus tôt de façon que tous les cours qui sont donnés par correspondance puissent être résiliables par le consommateur, à son gré, et qu'il n'ait à payer que pour les cours qu'il a effectivement reçus au moment de la résiliation du contrat.

Le bill 45 ne permet la résiliation de l'achat d'un bien que dans le cas d'un contrat intervenu avec un vendeur itinérant. Nous suggérons que, dans le cas d'un bien d'occasion, le droit de résiliation soit étendu à tous les contrats d'achat. Et nous nous expliquons en ce sens que l'objet que l'on achète neuf porte généralement au moins la garantie du manufacturier, en plus de celle du vendeur, ce qui est loin d'être le cas lorsqu'on achète soit une voiture ou un objet d'occasion où la mécanique a tellement d'importance. Il est facile de tromper un consommateur sur l'état véritable du bien d'occasion que l'on vend.

Le projet de loi 45, et particulièrement l'article 19, qui fait une exception à l'application de la loi pose à notre point de vue, un problème important pour les consommateurs lorsque, au second paragraphe, il exclut les contrats où le crédit peut être garanti par un privilège ou une hypothèque. Les problèmes que cela pose, c'est dans le cas de biens qui deviennent immeubles par destination au moment où on les incorpore à l'immeuble sur lequel les réparations sont faites ou sur lequel les modifications sont effectuées.

Le consommateur, pas plus que le commerçant, ne sait toujours pas s'il s'agit d'un contrat qui peut ou non être protégé par un privilège ou une hypothèque. Je pense qu'il serait plus sage de définir les objets que l'on entend exclure de la loi plutôt que d'avoir le terme général de privilège et hypothèque. Nous pensons à ces vendeurs itinérants qui vendent des adoucisseurs d'eau, par exemple, que l'on raccorde au

système de plomberie, des sytèmes de chauffage, des appareils de climatisation, du revêtement d'aluminium. Je pense qu'il vaudrait mieux exclure une catégorie et dire exactement ce qui tombe ou ne tombe pas sous la loi plutôt que de recourir à un procès pour décider si oui ou non il s'agit d'un bien qui peut être l'objet d'un privilège ou d'une hypothèque.

Dans ce sens, nous faisons la suggestion dans notre mémoire écrit que lorsqu'il peut y avoir lieu à une résiliation — lorsque le contrat intervient à l'heure actuelle selon le texte tel qu'il est présenté avec un vendeur itinérant — que l'on attende après la période de réflexion de cinq jours avant de commencer les travaux. Parce qu'au moment où les travaux sont commencés sur un immeuble, il n'est pas facile de retirer les objets ou les matériaux qui ont été incorporés. Je pense qu'il serait sage, pour éviter des ennuis et des procès, d'énoncer clairement cette disposition législative.

Si nous pensons plus particulièrement au texte de la loi dans nos recommandations, nous suggérons quelques définitions ou quelques corrections à des définitions déjà présentes. Nous avons dit tout à l'heure, au sujet des biens, que si le législateur a l'intention d'intervenir dans la Loi de l'enseignement privé, il faudrait exclure les cours par correspondance de la notion de "biens" dans la présente loi. Il faudrait — c'est assez étrange et je soumets respectueusement que ce n'est pas la première fois que cela vous est soumis — définir au moins ce qu'est un consommateur. On vient ici pour protéger le consommateur mais le législateur ne nous a pas dit qui on doit protéger. C'est assez extraordinaire. Nous sommes tous prêts à protéger quelqu'un, mais nous ne savons pas qui.

Nous suggérons — je ne dis pas que c'est excellent — de nous limiter. Je présume que cela se présente comme une mesure sociale de protéger la personne physique qui achète et non pas deux corporations qui vont conclure une vente entre elles. Nous pensons que c'est l'idée du législateur de protéger une personne physique et nous suggérons cette définition dans notre mémoire.

Il a été question tout à l'heure des vendeurs itinérants qui concluent des contrats durant l'heure du lunch ou en dehors de leur place d'affaires. Nous suggérons d'incorporer dans la définition du vendeur itinérant une exclusion à l'effet que si le vendeur devient itinérant sur mon invitation — parce que je l'invite chez moi soit pour me vendre une voiture, soit pour me poser des fenêtres d'acier, soit pour me faire un revêtement d'aluminium — je crois qu'il serait injuste, si je signe le contrat chez moi parce que je n'ai pas besoin de me déplacer, de faire de cet homme un vendeur itinérant. Je pense que s'il se présente chez un consommateur à l'invitation du consommateur il devrait être exclu des pénalités prévues pour le vendeur itinérant.

Nous croyons également que la loi devrait ne porter que sur des biens. On devrait protéger le consommateur simplement pour l'achat de biens et non pas pour l'achat de services purs et simples.

Je pense qu'il ne faudrait quand même pas croire que la loi se présente dans un vacuum complet de législation, le code civil existe déjà depuis longtemps. Dans le domaine du service pur et simple, que j'engage un jardinier ou un laveur de vitres, je ne pense pas qu'on puisse prétendre à lésion et qu'il y ait lieu d'appliquer des lois différentes de celles qui sont déjà prévues à notre code civil. Par conséquent, le contrat de service pur et simple, lavage de linge ou lavage de vitres, devrait être exclu de la portée de la loi.

Je souligne en passant — c'est dans notre mémoire — qu'on a oublié, en français, la définition du mot commerçant, qui existe en anglais.

Le contrat accessoire n'est non plus nulle part défini dans la loi; nous soumettons qu'il devrait l'être et nous suggérons une définition, à notre mémoire écrit.

Nous attirons également l'attention de la commission sur le fait qu'il existe, à l'heure actuelle, un bill fédéral, le bill C-22, qui se propose de permettre à un consommateur qui a signé une lettre de crédit, un billet promissoire accessoire à un contrat d'avoir une période de reconsidération, qui, à l'heure actuelle, dans la loi fédérale, est, je crois, de 3 jours. Est-ce que l'on pourrait inviter les deux niveaux de gouvernement à se consulter, de façon qu'il y ait au moins identité de période de reconsidération, tant dans une législation fédérale que dans une législation provinciale qui se proposent le même but, protéger le consommateur, de façon qu'au moins le public n'ait pas à se souvenir de 10 ou 15 dispositions différentes?

Le bill, à l'heure actuelle, ne prévoit pas l'obligation d'aviser la partie cocontractante de son changement d'adresse. Je pense qu'on devrait nécessairement imposer cette obligation, si l'on veut que les avis qui sont prévus en vertu de la loi puissent être efficacement donnés.

Nous avons — si nous passons plus précisément à des recommandations de texte — déjà mentionné le problème, à l'article 12, de l'expression "privilège ou hypothèque", nous n'y reviendrons pas. Au risque, cependant, de m'attirer les foudres de M. le ministre, le Barreau s'oppose fortement à la rédaction de l'article 14 du bill. Je pense que, tel que rédigé, cet article 14, qui dit que "le consommateur bénéficie de toute erreur dans le calcul ou l'énonciation du coût de crédit", contient un principe qui est absolument faux en droit et qui est contraire aux dispositions des articles 1047 et suivants du code civil. Si l'on veut ne traiter que de l'ambiguïté, d'accord, cela devra être stipulé, comme nos principes de droit le disent, contre la personne qui a normalement rédigé le contrat, le vendeur. Mais si l'on veut dire par là

qu'une erreur qui est une erreur, est une erreur de bonne foi, puisse emporter le bénéfice au consommateur, je pense que c'est un principe absolument inadmissible.

On sent peut-être que le projet de loi, dans certains articles, est pénétré du concept que le consommateur est nécessairement bon et que le vendeur est nécessairement mauvais. Je pense que ce n'est pas exact et qu'il faut quand même, en toute justice, protéger les droits des uns comme ceux des autres, tout en améliorant la situation. Et le Barreau, M. le ministre, ne peut admettre un principe comme celui-là, s'il va au-delà de corriger un problème d'ambiguïté. Je pense que si c'est ce qu'on se propose de faire, on devrait le faire en termes clairs et précis.

Partout dans le projet de loi, on ajoute ceci: le nom et l'adresse du consommateur, s'ils sont connus ou si on les connaît. Ce sont les articles 22 c), 28 c), etc. Je pense qu'avec le projet de loi tel que conçu les deux parties sont en présence, connaissent bien leurs nom et adresse. Il n'y a aucune raison pour que la loi n'oblige pas que le nom du consommateur et son adresse soient écrits au contrat, au même titre que ceux du vendeur.

Nous avons entendu, ce matin, des représentations — je pense que c'est des manufacturiers ou du Conseil du patronat — concernant les cartes de crédit. Vous verrez que le Barreau endosse le principe qu'ils ont mis de l'avant, à savoir que, pour les crédits existants, il n'y aurait pas lieu de renouveler la demande de crédit. Je pense qu'à l'avenir on n'accorde pas le crédit qui n'est pas sollicité, mais, d'abord, au point de vue économique, ça représente des millions que de refaire toutes les demandes de crédit pour des cartes qui sont en circulation.

M. le Président, je suis convaincu que, vous comme moi ou bien d'autres, vous seriez drôlement dérangé d'avoir à remplir 5, 6, 7 ou 10 formules de crédit quand la loi sera entrée en vigueur, parce que cela fait votre affaire d'avoir les cartes et que vous en faites un usage que vous jugez raisonnable.

Je pense que c'est légiférer un peu rétroactivement que d'imposer une nouvelle demande de crédit à des gens qui s'en trouvent satisfaits.

A l'article 34, nous suggérons, parce que la loi n'est peut-être pas tout à fait claire sur ce point, qu'il devrait être permis au commerçant de cumuler, dans son avis de trente jours, les recours qu'il entend exercer. Le projet de loi lui accorde trois options: exiger le paiement des versements dus; exiger le paiement du solde ou reprendre possession du bien vendu. Si je donne un avis de trente jours, par exemple, pour reprendre possession du bien vendu et qu'au bout de trente jours l'objet est tellement détérioré que cela ne vaut pas la peine de le reprendre, je vais — il y a une certaine ambiguïté — donner un autre avis de trente jours pour exiger le paiement ou du solde ou des versements échus. Je pense qu'au bout de tant de jours le commerçant devrait avoir à son choix, à l'expiration des délais d'avis, le droit d'accepter l'une des trois options qui lui sont données.

Nous endossons également les remarques qui ont déjà été faites, M. le Président, au sujet de l'article 52 à l'effet que, lorsque l'objet ne peut pas être restitué, il ne peut y avoir par le consommateur une demande de résiliation de contrat. Que cela soit sa faute ou non, je crois que c'est créer une injustice monumentale que d'imposer la résiliation d'un contrat alors que le commerçant ne reçoit rien en retour.

Nous attirons l'attention de la commission sur l'article 72 de ce projet de loi, où l'on donne au directeur et à tout inspecteur le pouvoir de prélever des échantillons. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'accorder un délai pendant lequel il pourrait faire l'étude de l'échantillon ou de démommager le commerçant du prélèvement de cet échantillon? On peut fort bien imaginer que le directeur se présente pour examiner une voiture et prenne un échantillon chez un vendeur d'automobiles. Il s'en va avec un objet de $4,000 à $10,000. Quelle indemnité donne-t-on au commerçant? Est-ce qu'on a l'intention de l'indemniser? Est-ce qu'on a l'intention de le payer dans l'intervalle? On lui fait peut-être manquer une vente de cet objet-là. Est-ce qu'il y a un délai? Est-ce qu'on va le garder six mois ou un an, cet échantillon? J'admets que prendre un morceau de gomme chez quelqu'un ne crée pas de problèmes, mais prendre une voiture ou un objet de très grande valeur pose un problème qui est drôlement différent.

Les articles 86 et suivants traitent de l'appel de la décision du directeur de l'office. Nous soumettons ne pas comprendre très bien pourquoi on donne cet appel à un juge désigné plutôt qu'à une cour constituée qui est la cour Provinciale et de déclarer que ce juge a les droits d'un commissaire-enquêteur, etc. Il semble qu'il existe un cadre juridique, une cour qualifiée et compétente. Je ne vois pas pourquoi l'appel ne serait pas fait à la cour comme telle plutôt qu'à un juge désigné de la cour. Le juge en chef fera ce qu'il voudra des demandes, mais l'appel devrait être dirigé à la cour Provinciale, suivant les règles de la procédure et suivant les règles de la preuve.

Il y a, M. le Président, des objections de beaucoup de gens au texte de l'article 97 qui est un principe dangereux: celui de légiférer par arrêtés ministériels. M. le ministre a mentionné tout à l'heure que c'est un problème d'efficacité contre un problème de démocratie. Je pense que cela va beaucoup plus loin que cela. Il ne me ferait peut-être rien — ce n'est peut-être pas l'endroit pour le dire — de laisser tomber la question de la démocratie si l'on m'assure qu'avec une consultation normale et efficace j'obtiendrai une loi juste et éclairée. Il m'impor-

te peu que la loi me soit imposée par un démocrate ou un tyran, si la loi est juste et éclairée. Je pense que la façon, vraiment, d'être éclairé sur les règlements à adopter en vertu de la loi, c'est comme nous le suggérons, de consulter ou de donner au conseil le pouvoir de faire des audiences publiques et d'entendre les mémoires, les revendications et les positions de tout le monde, de façon à ne pas légiférer d'une façon très efficace mais avec une loi qui peut s'avérer très mauvaise.

Il y a quand même, en plus, et nous les appuyons, dans notre mémoire, les sous-articles de cet article 97 qui devraient faire l'objet de consultations publiques, sous l'égide du Conseil de la protection du consommateur. Mais nous allons plus loin parce que nous vous soumettons qu'il y a les sous-articles d) et g) qui sont de droit substantif et qui devraient être décidés dès maintenant par le législateur, en Chambre, plutôt que par arrêté ministériel. Si on veut avoir des mentions obligatoires dans un contrat — c'est du droit substantif — qu'on dise quelles sont les dispositions qui sont nécessaires. Si l'on veut fixer un minimum pour un versement comptant, qu'on le dise dans la loi. C'est le droit substantif. Cela ne devrait pas être de nature à varier d'une journée à l'autre, d'un mois à l'autre et d'une année à l'autre. Je pense que donner un blanc-seing au lieutenant-gouverneur en conseil est, démocratiquement parlant, un mauvais principe.

Nous nous opposons également à l'article 99. Il est tout à fait contraire à l'économie du droit actuel ou de la preuve actuelle de permettre la preuve testimoniale à l'encontre d'un écrit. C'est ce que permettrait l'article 99 du projet de loi. L'on dit: "lorsque la présente loi n'a pas été respectée". A l'heure actuelle, il est permis de faire la preuve testimoniale des circonstances qui ont entouré la signature d'un document. Par conséquent, là-dessus, le projet de loi n'ajouterait rien. Et si, dans son texte même, la loi n'a pas été respectée, on n'a pas besoin de la preuve testimoniale pour en faire la preuve. Par conséquent, nous soumettons respectueusement que l'article 99 n'a pas sa place dans ce projet de loi,,

A l'article 102, on dit: "Tout avis prévu dans la présente loi doit être délivré en personne ou expédié par courrier recommandé ou par télégramme." Pourquoi mettre de côté la signification par huissier ce qui, en matière de droit, est quand même la signification la plus sûre et la plus certaine? Est-ce que ce serait illégal de donner une signification par huissier d'un avis prévu à la loi? Ce n'est pas mentionné. Cela pourrait l'être, dans le texte actuel, et je crois qu'il y aurait lieu de faire les corrections qui s'imposent.

Quant à l'article 103, connaissant les problèmes de la poste, c'est un principe, nous vous le soumettons qui est drôlement dangereux, que ce soit pour une partie ou pour l'autre, parce que la loi prévoit des avis tant au consommateur qu'au commerçant. Confier à la poste ou faire de la poste le mandataire entre les deux parties contractantes, avec le résultat automatique que le fait de déposer ma lettre à la poste constitue un avis à l'autre partie, est un principe drôlement dangereux, en l'imposant, par la loi, aux parties.

Il peut fort bien arriver que l'avis ne soit jamais reçu par l'autre partie contractante.

Je pense que, dans un domaine comme celui-là, si l'on choisit la poste, il faut s'assurer qu'il a été livré au destinataire avant de prétendre que l'avis a été reçu. Autrement, qu'on fasse signifier par huissier ou qu'on aille lui livrer la mise en demeure ou l'avis en question.

Je pense que, pour se délier d'un contrat validement conclu, il faut au moins être au courant d'un changement d'opinion ou d'un changement de consentement chez la partie contractante.

A l'article 113, l'on projette d'instaurer la lésion comme cause de nullité de contrat entre majeurs ou entre toutes personnes, en fait donc entre majeurs. Le Barreau suggère d'aller même plus loin, de faire une présomption de lésion en faveur des mineurs dans le cas d'achat de biens de consommation.

C'est simplement une question de fardeau de preuve, mais je pense que tout le monde a eu connaissance de jeunes et de mineurs qui s'achètent des automobiles et qui se rendent bientôt compte qu'ils n'ont plus les moyens de payer les versements qui sont dus. Il est facile de s'engager et d'acheter des objets dispendieux quand on est jeune; je pense qu'il y a peut-être un avantage d'avoir une présomption de lésion au départ.

Le commerçant pourra prouver que tel n'était pas le cas, qu'il l'a acheté pour les besoins de ses affaires, mais nous suggérons qu'il y a là une innovation valable à faire de ce côté-là.

Finalement, quand nous passons aux dispositions transitoires, nous constatons que tout le chapitre de la Loi de la vente conditionnelle est abrogé par la loi. L'article 31 du projet de loi exige 15 p. c. du prix comme paiement initial pour constituer une vente à tempérament valide. Nous croyons que l'ancien article 1561 — j'oublie le paragraphe — protégeait davantage certains consommateurs parce qu'il excluait de l'obligation de payer 15 p. c. du prix d'achat certaines classes d'acheteurs ou de consommateurs, ce qui favorisait pour eux l'achat de biens dispendieux. Nous pensons à l'achat de machines aratoires, installations industrielles, instruments, bateaux de pêcheurs, barques, instruments artisanats, professionnels, parce que l'on peut, au point de vue économique, se retrouver dans la situation suivante que, si le consommateur n'a pas les moyens, sur une barque de pêche, par exemple, de payer 15 p. c. du prix d'achat au départ, il n'y aura pas de vente

conditionnelle à tempérament. Le vendeur se-ra-t-il prêt à prendre un risque sur le crédit personnel de l'individu sans avoir un titre valable à l'objet qu'il serait autrement prêt à lui vendre; or, autrefois, au code civil, cela était permis. Je pense que c'est rétrograder vis-à-vis de certaines classes de consommateurs que de supprimer carrément ces articles de la vente conditionnelle.

Nous suggérons également que l'article 1561 g) du code civil actuel, qui permet à un créancier d'un consommateur de payer le solde pour faire tomber le bien dans le patrimoine, de façon à exécuter ou réaliser une créance contre lui, devrait être conservé.

Pour des raisons, nous croyons qu'il n'y aurait pas lieu d'abroger en bloc tout le chapitre de la vente conditionnelle du code civil ou d'incorporer des dispositions équivalentes dans le projet de loi.

Je tiens à remercier la commission de l'occasion qu'elle nous a donnée de présenter notre point de vue.

M. LE PRESIDENT: Merci, Me de Grandpré. Je présume que le ministre, député de Notre-Dame-de-Grâce, a des questions à adresser à Me de Grandpré.

M. TETLEY: M. le Président, je remercie Me de Grandpré ainsi que les charmants compagnons et le distingué membre du Barreau qui sont avec lui.

Je trouve que le mémoire est intéressant et important parce qu'il est technique et qu'il n'y a pas de parti pris dans ce mémoire. Je voudrais proposer ici, si vous avez des suggestions concrètes, de nous envoyer un texte, par exemple au sujet de l'article 113.

M. DE GRANDPRE: Pour l'article 113?

M. TETLEY: L'article 113. C'est un exemple. Il y a peut-être d'autres exemple que j'ai notés.

M. DE GRANDPRE: L'article 113 n'a pas fait l'objet de notre mémoire. Est-ce que ce serait un autre numéro?

M. TETLEY: La présomption, dans votre mémoire, à la page 13.

M. DE GRANDPRE: D'accord.

M. TETLEY: En tout cas, c'est une suggestion pour l'avenir. Vous avez noté que le commerce des immeubles fera l'objet d'une autre loi. Très bien. J'ai noté vos suggestions au sujet des matériaux et une description des biens. J'en ai pris bonne note. Il y a aussi la définition du consommateur. Les questions relatives aux vendeurs itinérants sont très intéressantes. Le député de Laurier a déjà fait un commentaire avec référence à une lettre d'un de ses électeurs. Vous voulez exclure de la vente le contrat de services. J'en prends bonne note.

Je note aussi, à l'article 1, que nous avons une définition anglaise mais pas de définition française du mot commerçant ou "merchant". Peut-être que les anglophones ont besoin d'une définition... Je me le demande. Je note aussi la question du changement d'adresse pour le consommateur et les questions relatives aux cartes de crédit. Pour ces dernières, il faut noter que la loi ne préconise pas de rétroactivité. Mais je prends note de vos observations. Au sujet de l'article 14, vous avez référé à l'article 1047 du code civil, mais nous notons l'article 1019 qui est aussi important dans le cas des... Sans en donner lecture, je note que le code parle du cas de doute dans un contrat.

M. DE GRANDPRE: Si vous me permettez, M. le ministre, c'est ce que je vous ai souligné. Si vous n'avez l'intention que de corriger une ambiguïté, dites-le dans la loi; c'est déjà prévu d'ailleurs dans le code civil. Mais s'il s'agit d'interpréter toute erreur, même faite de bonne foi par le commerçant, en faveur du consommateur, je dis que c'est un principe absolument inadmissible.

M. TETLEY: Non. Il faut lire l'article 14. C'est tout simplement toute erreur dans quoi?

M. DE GRANDPRE: Dans le calcul du coût de crédit.

M. TETLEY: Oui, mais pas toute erreur dans le contrat.

M. DE GRANDPRE: Si vous me permettez, vous allez donner à un consommateur le bénéfice d'un crédit pour lequel il n'aura pas payé.

Il n'est pas normal qu'il bénéficie, sur le dos du commerçant, d'une erreur faite de bonne foi. Une erreur est une erreur, elle est vraie des deux côtés.

M. TETLEY: Parfois l'erreur n'est pas une erreur.

M. DE GRANDPRE: C'est l'équivalent de la réception...

M. TETLEY: ...et surtout de la part d'un commerçant, d'une compagnie de finance ou de quelqu'un qui prête de l'argent. Et nous avons peur de ces erreurs-là, qui ne sont pas toujours des erreurs, mais qui sont faites exprès.

M. DE GRANDPRE: Si vous me permettez, M. le ministre, ce que dit votre loi ce n'est pas l'erreur faite par le commerçant dans le choix du taux de crédit qui serait applicable, ce sur quoi le consommateur n'a évidemment aucun contrôle et serait à la merci du commerçant qui

dit: Je vous ai dit que c'était 7 mais ce n'est pas 7. Je me suis trompé dans ma table, c'est 9, dans votre cas.

Vous dites: Une erreur dans le calcul.

M. TETLEY: C'est ça.

M. DE GRANDPRE: Par conséquent, si vous avez une annexe dans le contrat qui dit que c'est 7 p.c. par année, pendant dix ans, — cela me fait penser à une chose que j'ai oublié de souligner devant la commission — et qu'au lieu de dire c'est sept fois 10 p.c, on fait une addition qui ne va donner que 500, par exemple, c'est une erreur dans le calcul. Est-ce que le consommateur va profiter du résultat final parce que le calcul aura été mal fait?

M. TETLEY: Oui, parce que...

M. DE GRANDPRE: C'est la réception de l'indu ça. Le consommateur reçoit une chose pour laquelle il n'a pas payé, qu'il n'a pas le droit de recevoir. Il n'y a pas de raison de traiter plus particulièrement celui-ci que son voisin, en faveur de qui il n'y a pas eu d'erreur de calcul quand il s'est présenté hier, chez le même marchand.

M. TETLEY: Vous avez un tout petit consommateur devant une compagnie qui prête de l'argent et les erreurs qui favorisent le consommateur sont rares. Les erreurs de calcul — n'oubliez pas — tout simplement de calcul et de calcul dans le coût du crédit, pas dans tout le contrat, ces erreurs favorisent la plupart du temps la compagnie et non le consommateur. C'est l'idée maîtresse de la loi, de protéger le consommateur contre ces erreurs-là, parce que le consommateur ne prépare pas le contrat. C'est un autre principe de droit aussi que le contrat est considéré contre celui qui l'a préparé.

M. DE GRANDPRE: Si vous le permettez, M. le ministre, il y a deux concepts qui sont mêlés dans votre énoncé. Celui du commerçant qui stipule, en cas d'ambiguité — parfait, c'est ça le principe — en faveur de celui qui n'a pas stipulé. Mais le concept de l'erreur de calcul, c'est un concept purement mathématique et la loi oblige maintenant à dire qu'il n'y aura qu'un taux de crédit et vous obligez maintenant la compagnie prêteuse — le prêt d'argent — à expliciter clairement sur son contrat comment on en arrive aux chiffres et combien l'individu sera appelé à payer chaque mois. Et si, sur la face même du contrat, dans le calcul, il y a une erreur qui fait que le total n'est pas le total qui serait juste et qui devrait être celui apposé en regard des chiffres qui apparaissent et qui ont servi à faire le calcul, il n'y a rien — on ne trompe personne — c'est simplement parce que l'addition faite n'est pas bonne.

Je me souviens — je m'excuse de donner un exemple comme celui-là — avoir eu un comptable qui m'a fait, dans un état financier, une multiplication que trois crayons à $0.10 donnait $0.25.

Pourquoi aurais-je payé ou pourquoi une personne devrait-elle payer $0.25, théoriquement, pour trois crayons nettement marqués à $0.10 et qui faisaient $0.30? Je pense que votre loi parle d'une erreur de calcul, elle ne parle pas d'une chose qui se passe en coulisse, derrière le dos du consommateur. Elle parle d'une erreur de calcul qui est sur la face du contrat. Je pense que cela est inique et que cela n'a pas sa raison d'être.

M. TETLEY: Ce n'est pas une erreur de prix, on parle du coût du crédit. Toute l'intention de la loi est que le prêteur doit divulguer tous les coûts. S'il fait une erreur, on ne sait pas qu'il y a une erreur, mais s'il en fait, le consommateur va en bénéficier. Je prends note de votre opinion, c'est plutôt une opinion. Nous connaissons tous les deux la loi telle qu'elle est à l'heure actuelle, mais c'est une différence d'opinion. C'est peut-être un changement dans la loi du Québec, mais c'est peut-être aussi un bon changement.

M. DE GRANDPRE: Je m'excuse encore, M. le ministre, mais vous basez votre argument sur l'énonciation du coût de crédit et j'en suis, parce que le consommateur ne le sait pas, mais vous avez également, dans votre article 14, le calcul du crédit. Si le calcul, à sa face même, est inexact et qu'il y a une erreur dans le calcul, je ne vois pas pourquoi le consommateur en profiterait.

Si vous voulez restreindre votre article à l'énonciation du coût de crédit, j'en suis, mais pas à l'erreur de calcul.

M. FOURNIER: M. de Grandpré, au sujet de la Loi de la protection du consommateur, admettons que le chiffre total est le chiffre sur lequel le consommateur s'est basé pour conclure la vente. A ce moment-là, le vendeur prend avantage du manque de connaissances du consommateur.

M. DE GRANDPRE: C'est-à-dire que... Non.

M. FOURNIER: Admettons que l'extension, au lieu d'être de $1,200, soit de $1,000.

M. DE GRANDPRE: Oui.

M. FOURNIER: C'est sur ce chiffre-là que le consommateur s'est basé pour acheter; si on le calcule de nouveau en arrivant à $1,200, il se fait alors jouer de $200.

M. DE GRANDPRE: Le vendeur se fait jouer de $200.

M. FOURNIER: L'acheteur aussi, parce qu'il pensait acheter pour $1,000 et non pas pour $1,200.

M. DE GRANDPRE: II y a peut-être une erreur... Là, vous allez me parler d'un analphabète qui ne pourra pas lire que trois fois dix font trente ou que dix fois cent font mille.

M. FOURNIER: Oui, le consommateur n'a parfois pas toutes les connaissances voulues.

M. DE GRANDPRE: Oui, d'accord, mais s'il y a une erreur au contrat, il est résiliable.

M. FOURNIER: Non, pas dans le calcul. Légalement, comme vous le dites, dix fois cent font mille, mais si le vendeur inscrit que dix fois cent font huit cents et que l'acheteur dise qu'il achète parce que c'est $800 et non pas $1,000, par la suite, par la loi que nous présentons, nous voulons qu'il soit protégé et que le chiffre soit de $800 et non pas $1,000. C'est la protection du consommateur que nous recherchons.

M. DE GRANDPRE: Je veux bien protéger le consommateur, mais à quel prix? Est-ce qu'on doit le protéger en étant iniuste pour d'autres? Le vendeur, lui non plus, ne l'aurait peut-être pas vendu à $1,000, parce que ça peut être sa marge de profit ou que ça peut être plus que sa marge de profit. Par conséquent, que l'on parle de protéger le consommateur, si le coût total du contrat a été pour le consommateur le motif d'acheter et s'il savait qu'il est inexact par une erreur de calcul, le contrat pourrait être résilié. On remettrait alors les parties dans le même état où elles étaient auparavant. Qu'on ne prenne pas avantage d'une erreur pour punir une partie.

M. FOURNIER: Nous partons du principe suivant: les deux parties ne sont pas dans la même situation. Vous avez un vendeur expérimenté qui connaît sa marchandise, ses prix, ses calculs, qui a des vendeurs sur la route, etc., et vous avez le consommateur, d'éducation moyenne, qui peut quelquefois ne pas en avoir du tout et qui ne connaît pas les conséquences de ce qu'il signe.

Cette loi est faite pour ça. Si tout le monde avait un cours de droit, évidemment, nous n'aurions pas besoin de présenter de telles lois, mais le but premier de la loi est de protéger la personne qui n'est pas en mesure de faire face à ces vendeurs et à ces hommes qui ont toute l'expérience.

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, ça, c'est le principe de la loi. Ce n'est pas une question d'expérience, d'inexpérience ou de tromperie; on parle d'une erreur de calcul. Une erreur de calcul, c'est quelque chose que la personne la plus compétente, même vous, M. le député, fera peut-être en rédigeant un texte: oublier un mot dans une phrase ou faire une mauvaise multiplication. On ne prend avantage de personne; il ne s'agit pas de tromper qui que ce soit. Par conséquent, je trouve inique qu'on punisse la personne qui commet cette erreur-là; c'est une erreur faite de bonne foi. Je ne parle pas de l'énonciation du montant de crédit; ça, le consommateur n'en sait rien. Mais, s'il y a une erreur dans un calcul, il me semble inadmissible qu'on en fasse profiter une partie plutôt que l'autre. Une erreur, c'est une erreur et on doit placer les parties sur le même pied.

M. LE PRESIDENT: Une question de concordance du député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous permettez à un comptable d'intervenir dans une discussion de juristes, je retiens les observations de M. de Grandpré; je pense qu'il a raison. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur la différence entre le calcul et le coût du crédit. Une erreur de calcul ne doit pas être imputée à la mauvaise foi; c'est une opération comptable. Le commerçant devra nécessairement, dans le cours normal de ses affaires, faire effectuer une vérification du calcul par des assistants, que ce soient des comptables ou des commis. Mais, même après cette vérification — M. de Grandpré a donné l'exemple tout à l'heure d'un calcul faussé même par un comptable; c'était peut-être 3 pour $0.30, en tout cas, ce n'était pas indiqué — par un de ses assistants, le commerçant peut subir un dommage qu'il n'a pas voulu et qu'on ne peut imputer à sa mauvaise foi.

Je serais porté à souligner au ministre que l'argumentation de M. de Grandpré me parait sérieuse et qu'on doit s'interroger sur le mot "calcul" inscrit à l'article 14. Peut-être qu'il y aura lieu de différencier davantage, de laisser tomber le mot "calcul" et de garder le point sur lequel le ministre veut surtout protéger le consommateur, soit le coût du crédit.

M. TETLEY: J'en prends note. N'oubliez pas qu'un marchand ou un commerçant a le droit d'annuler le contrat, s'il va perdre ses $100,000, etc. Il aurait toujours ce droit-là.

M. DE GRANDPRE: En vertu du code civil.

M. TETLEY: Oui. J'espère que vous n'êtes pas contre le code civil.

Il a ce droit-là. Je prends note de votre suggestion, mais n'oubliez pas que ces erreurs-là — je le répète — parfois, n'en sont pas.

M. DE GRANDPRE: Cela devient une question de fait, M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: Je permets au député de Notre-Dame-de-Grâce de terminer les commentaires qu'il a à faire sur ces articles.

M. TETLEY: Vos commentaires au sujet des articles 34 à 37 et 86 à 88 sont intéressants.

Au sujet de l'article 97, comme vous l'avez noté, c'est un article de grand principe. Est-ce que le gouvernement va préparer les règlements? Qui va les préparer? Qui va les critiquer? Je crois que le gouvernement doit les préparer et que le Parlement, c'est-à-dire l'Opposition et le gouvernement, doit les critiquer. J'ai peur de retirer au Parlement ses droits et ses devoirs. Je ne veux pas donner ces pouvoirs-là à un conseil ou au grand public, retirer à l'Opposition ses devoirs et ses obligations. Je vais vous donner un autre exemple. Au fédéral, tout le monde veut donner à l'auditeur général d'autres pouvoirs, pouvoirs qui sont vraiment les devoirs et pouvoirs de l'Opposition. Au lieu de diminuer les pouvoirs du gouvernement, l'auditeur général, avec ses pouvoirs considérables, va diminuer ceux de l'Opposition qui est ici ce matin ou qui est à Ottawa. Je préfère des conseils de vous, autant que possible, des lettres ou même des commissions, ici, mais je crois que le Parlement c'est-à-dire l'Opposition et le gouvernement ensemble doivent gouverner. C'est encore une fois une opinion.

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, M. le ministre, je suis entièrement d'accord pour dire que le gouvernement doit gouverner. On se plaint de l'inverse trop souvent. Mais, ce que je veux souligner — je me suis peut-être mal exprimé — c'est que, dans un principe de délégation de pouvoirs comme celui-là, qui est un principe extrêmement dangereux, on doit quand même mettre dans la loi des précautions, non pas pour supprimer ou enlever au gouvernement le droit ou l'obligation de gouverner, mais pour imposer au moins qu'avant de l'avoir fait on ait pris les précautions nécessaires et qu'on ait pris connaissance des points de vue les plus répandus sur le point sur lequel on s'apprête à gouverner. Cela, le Conseil des consommateurs, on en dispose en quelques articles. Dans l'article 97 et par référence, également, au niveau des articles traitant du conseil, on devrait avoir l'obligation, avant de légiférer sur des problèmes qui affectent toute l'économie, d'avoir eu au moins des auditions publiques, d'avoir écouté des points de vue. Libre au gouvernement de ne pas les suivre par la suite.

Cela se produit souvent. Mais, au moins, on se donne la chance de légiférer d'une façon éclairée en s'imposant, au départ, dans cette délégation de pouvoirs, l'obligation de consulter quand même les gens qui sont directement intéressés.

M. TETLEY: Très bien. Sur le plan technique, d'accord. Mais c'est à l'Opposition de nous critiquer. Elle est élue pour cela.

M. DE GRANDPRE: Oui, mais, par arrêté en conseil, l'Opposition critique très peu. Ce n'est pas un projet de loi. Les arrêtés en conseil sortent et ils sont là.

M. TETLEY: Le Parlement siège de neuf à dix mois par année et l'Opposition... Peut-être n'avez-vous pas confiance en l'Opposition. Mais moi, j'ai confiance dans le système — je ne dis pas que j'ai confiance en l'Opposition — mais je préfère le système.

A l'article 102, c'est très bien. Je prends bonne note de vos références à l'article 102.

A l'article 115, la fameuse question de 15 p.c, c'est une question de précision, d'opinion. Je note votre opinion. Merci.

M. DE GRANDPRE: Si vous permettez, M. le ministre, il y a un point sur lequel j'ai oublié de soulever l'attention de la commission tout à l'heure. Le projet de loi, contrairement à ce que faisait le code civil, ne met pas de délai à la période de crédit. Je pense que c'est dangereux de tomber dans ce principe de $1 maintenant, $1 tout le temps. Le code civil faisait cela; pour une classe de crédit de tant à tant, on avait tant de mois, de tant à tant, on avait tant de mois. Je pense qu'il est mauvais, pour le consommateur, de le laisser s'embarquer — pour parler canadien — dans un contrat de crédit pour une période que ne limite pas la loi. Elle peut être de dix ans, quinze ans, vingt ans, cinquante ans, si on respecte le taux de crédit, l'énonciation, le calcul, etc.

M. TETLEY: Quelle limite voulez-vous?

M. DE GRANDPRE: Je ne suis pas le législateur. Je vous suggère le danger qu'il y a de ne pas mettre de terme. Je ne m'immisce pas dans les questions sociales.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Mégantic. Suivront le député de Lafontaine, le député de Papineau et le député de Montmagny-

M. DUMONT: Merci, M. le Président.

A la page 6 de votre mémoire, vous indiquez — et c'est une question que vous posez —: Les séries de cours, les cours par correspondance sont-ils inclus dans cette définition? Le Barreau est-il en faveur que ce soit inclus ou non?

M. DE GRANDPRE: C'est-à-dire que le Barreau, comme je l'ai énoncé, serait plutôt en faveur de modifier la loi de l'enseignement privé, et d'imposer à tous les cours par correspondance la pénalité d'être résiliables à la volonté du consommateur en ne payant que pour le nombre de cours qu'il a reçus au moment de la résiliation, ce que la loi ne fait pas à l'heure actuelle. Elle devrait également uniformiser les délais — je pense que c'est dix jours dans l'autre loi — de façon qu'il y ait une certaine concordance, une certaine facilité pour le public de s'y reconnaître.

M. DUMONT: A la page dix, article 37, deuxième alinéa, en confrontant les articles 34, 36, 66 du projet de loi, on se demande si le contrat pourrait stipuler le droit au commerçant de pénétrer dans les lieux où se trouve le bien vendu et d'en reprendre possession de force sans procédures judiciaires. Justement à la page 12, je trouve qu'il y a là contradiction. Vous dites, à l'article 102, "Pourquoi mettre de côté la signification par huissier prévue au code de procédure civile"? N'y a-t-il pas contradiction entre ces deux déclarations?

M. DE GRANDPRE: Je m'excuse, à l'article 102, si vous me permettez, on ne traite que des avis que les parties peuvent se donner entre elles — avis de 30 jours, par exemple — de leur intention de reprendre possession ou d'exiger le paiement. Alors, quand nous demandons si oui ou non il est loisible au commerçant de prendre, sans procédures judiciaires, le bien chez le consommateur, la loi ne se prononce pas là-dessus. Le commerçant doit-il se présenter et reprendre son bien, au bout du délai de 30 jours convenu que la loi impose? S'il le stipulait dans son contrat, est-ce que ce serait légal s'il disait: Au bout des avis prévus à l'article de la loi, il sera loisible au vendeur de se présenter et de reprendre possession, par la force si nécessaire, etc. N'y aurait-il pas lieu de décider si oui ou non il a le droit de le faire ou s'il faut nécessairement qu'il s'adresse aux tribunaux?

M. DUMONT: Ma dernière question s'adresserait au ministre. A la page 9, quatrième ligne, dans l'explication de l'article 23, il est indiqué: "Nul ne peut émettre une carte de crédit à un consommateur qui ne l'a pas sollicitée, sauf en cas de renouvellement d'un crédit préexistant." Est-ce que, en tant que ministre, vous auriez objection à ce qu'en cas de renouvellement d'un crédit préexistant ça ne devienne pas une sollicitation de carte de crédit? Est-ce que ça changerait tellement le texte de la loi et que ça ne serait pas plutôt une accommodation?

M. TETLEY: Oui, nous pouvons peut-être ajouter à la suggestion du Barreau les mots: "Aux mêmes conditions, s'il y a un renouvellement."

M. LE PRESIDENT: Messieurs, la commission suspend ses travaux et elle reprendra cet après midi à deux heures trente.

Reprise de la séance à 14 h 35

M. GIASSON (président de la commission permanente des Institutions financières, Compagnies et Coopératives): A l'ordre, messieurs!

Au moment de suspendre notre séance, ce matin, trois députés, des deux côtés de la table, avaient demandé de prendre la parole, car, semble-t-il, des questions devaient être adressées aux représentants du Barreau.

Je donne donc la parole immédiatement au député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, M. De Grandpré nous parlait, à la page 6, de la définition du vendeur itinérant et nous faisait noter qu'on pourrait le définir ainsi: Celui qui, sans y avoir été préalablement invité, de sa propre initiative, par le consommateur... Est-ce que, dans votre définition, vous ne prévoyez pas une ouverture possible à toutes sortes de prétextes ou de gadgets pour passer à côté de la loi? Je pense à une publicité où le client va appeler la personne, ou même un appel téléphonique dont l'auteur demande à la personne d'être invité et qui, par la suite, sera invité. Est-ce que vous ne pensez pas que ce terme peut amener beaucoup de falsifications?

M. DE GRANDPRE: Evidemment, M. le député, nous ne sommes pas prisonniers du texte que l'on propose. Je pense que l'inclusion, dans la définition, des expressions "sa propre initiative" fait que l'on écarte au départ l'appel téléphonique que le commerçant ou le représentant du commerçant ferait pour faire la première approche. A ce moment-là, ce ne serait plus strictement la propre initiative du consommateur. On pensait surtout à ceci: Vous voulez avoir un représentant chez vous pour acheter quelque chose. Vous préférez discuter de cela dans la tranquilité de votre salon, vous le faites donc venir chez vous. Je pense qu'il serait inique de le traiter comme un vendeur itinérant. Vous êtes heureux de ses explications, heureux de son prix et vous signez chez vous un contrat, que ce soit pour le revêtement de quoi que ce soit, en aluminium, la réfection de votre toiture, ou quelque autre bien que vous désiriez, ou même une automobile. Vous pouvez préférer avoir une démonstration à domicile et vous appelez M. Untel. A la minute où l'initiative du premier contact viendra du commerçant, cela tombera en dehors de la définition. Si l'initiative du premier contact vient du consommateur, je pense que, à ce moment-là, il y a lieu de faire une exception.

M. LEGER: Si, par hasard, l'initiative des deuxième et troisième contacts venait du vendeur, étant donné que le premier contact n'a pas été fructueux, la loi ne protégerait pas ce vendeur?

M. DE GRANDPRE: Evidemment, on peut

toujours imaginer des cas concrets. Je pense que les tribunaux seront encore là et il leur faudrait décider. Il y a bien d'autres cas que nous n'avons pas mentionnés dans le projet de loi qui, pour autant que nous sommes concernés, peuvent facilement dégénérer en chicanes. Quand même, on tente au moins, d'une façon générale, de couvrir le plus de cas possible.

M. LEGER: A la page 8, vous faisiez allusion au fait que le délai de jours de réflexion proposé par la loi provinciale était un peu —peut-être pas contradictoire — mais n'était pas exactement le même que celui de la loi fédérale et vous disiez qu'il faudrait qu'ils s'entendent.

Maintenant, selon vous, est-ce qu'il faut nécessairement qu'ils s'entendent? Si, comme il arrive souvent, on s'aperçoit qu'on ne s'entend pas, est-ce que, quand même, la loi provinciale ne pourrait aller plus loin? C'est celle qui va le plus loin, en réalité, qui fait force de loi.

M. DE GRANDPRE: Non. Si vous me permettez, tout ce que le Barreau mentionne et dont vous faites état, c'est un voeu pieux afin que le consommateur n'ait pas à considérer deux, trois ou quatre dates possibles de reconsidération. Etant donné que les deux projets de loi sont à l'étude, il me semble qu'il ne serait pas difficile d'avoir une concordance de délai de façon qu'on sache que la lettre de commerce est annulable dans les mêmes délais que le contrat lui-même, qu'il y ait une concordance de temps. Et, comme le fédéral était prêt à étudier le bill C-22, ce serait tellement facile, alors qu'on étudie le bill 45, de voir s'il ne serait pas possible de trouver un moyen terme afin que les les gens s'en tiennent à trois ou à quatre ou à cinq, enfin qu'on s'entende de façon qu'il y ait uniformité sur la résiliation des contrats et des accessoires du contrat.

M. LEGER: Maintenant, aux articles 14, 23 et 113 — je mets cela ensemble parce que ce sont trois sujets différents mais qui touchent un même état d'esprit — dans l'article 14, on parle d'une erreur de bonne foi; dans l'article 23, on parle d'une carte de crédit renouvelable; et à l'article 113, on parle d'exploiter l'inexpérience du consommateur. Je ne sais pas mais j'ai l'impression, à la lumière de votre mémoire, surtout la deuxième partie, non la première, que pour vous, cette loi vise à corriger les fraudes venant des deux parties contractantes, alors que, selon moi, cette loi veut protéger particulièrement une des parties contractantes: le consommateur. Je pense qu'il faut tenir compte du fait que le consommateur, souvent, du fait qu'il est isolé, du fait qu'il n'est pas organisé aussi bien — je parle comme individu - que les producteurs, on doit tenir compte de sa difficulté à faire un choix judicieux selon ses besoins personnels et ses moyens, et qu'il ne faut pas uniquement le protéger contre l'exploiteur mais contre lui-même. En ce sens qu'une erreur de bonne foi, suivant l'article 14, comme c'est une loi pour le consommateur, je pense que si le consommateur voit une erreur ou même s'il ne la voit pas, si celui qui a signé le contrat, le commerçant, a fait une erreur, à ce moment-là, le commerçant avait quand même toutes les possibilités, tout le personnel pour établir son contrat.

Je ne vois pas pourquoi dans cette loi, qui a pour but de protéger le consommateur, ce ne serait pas le consommateur qui bénéficierait de cette erreur de bonne foi. Si vous voulez me répondre la-dessus...

M. DE GRANDPRE: Je pense avoir tout dit là-dessus. Je suis d'accord, on veut protéger le consommateur, mais je ne crois pas — c'est une opinion — que l'on doive protéger quelqu'un en créant ce que je considère, à certains égards, une injustice vis-à-vis d'un autre. Ce n'est pas parce qu'on intitule une loi, Loi de la protection du consommateur, qu'on doive en conclure nécessairement qu'il faut punir quelqu'un d'autre. Il s'agit de concilier les points de vue. Il faut le protéger, mais dans la justice pour tout le monde. C'est cela qu'il s'agit de faire.

Vous mentionnez que l'article 14 traite de l'erreur de bonne foi; c'est ajouté au texte. J'ai dit ce matin que si ce sont des erreurs de bonne foi, il n'y a pas lieu que qui que ce soit en bénéficie. Il s'agit de placer les parties dans le même état où elles auraient dû être si l'erreur n'avait pas été commise et si le contrat, par ailleurs, avait respecté toutes les prescriptions de la loi.

M. LEGER: Vous me permettez une parenthèse? Etant donné que le contrat, dans 99p. c. des cas, est préparé par le commerçant lui-même, supposons que vous avez une erreur de calcul indiquant que huit paiements de $100 égalent $700, si $700 sont inscrits dans le contrat — comme le disait tantôt le député qui est maintenant absent — c'est $700 que le client s'attend de payer même s'il y a une erreur de calcul.

Je serais porté à dire peut-être que si c'est marqué huit fois $100 et qu'il reçoit une facture, par la suite, qui n'est pas partie intégrante du contrat de $700, là, d'accord, le contrat sera de huit fois $100. Mais si le calcul précis est marqué sur le contrat, vous ne voyez pas une façon de jouer le consommateur qui s'attendait de payer ce prix-là exactement?

M. DE GRANDPRE: C'est-à-dire, si vous le permettez, il faut, encore une fois, distinguer entre le taux de crédit et le calcul brutal du crédit. Si vous me dites qu'on voit, à la face même du contrat, dans deux blancs, huit avec un signe imprimé préparé par le marchand et 100 qu'on rajoute, cela fait $800 à la multipli-

cation normale; si on écrit, par erreur, à l'autre bout de la ligne $700, il ne peut être question pour qui que ce soit d'en prendre avantage ou de frauder qui que ce soit. On a déclaré exactement quel était le nombre de versements et c'est humain de faire une erreur. On multiplie mal et on écrit $700 au lieu de $800; je ne vois aucune raison pour laquelle le consommateur doive en bénéficier, ou qu'on l'ajoute à la loi.

Si, en raison du total ou du montant qu'il s'attendait de payer, le consommateur a consenti au contrat mais il ne l'aurait pas fait si l'erreur de copiste n'y avait pas été, alors on annulera le contrat.

Il n'y a pas de raison pour que cet individu-là, bénéficie d'une erreur humaine, mathématique aussi simple que celle-là au détriment de l'autre. C'est un principe injuste.

M. LEGER: A l'article 23, on parle de la carte de crédit qui est expirée. Vous savez qu'on connaît, ces mois-ci, une avalanche — précédant la loi qui va être adoptée bientôt - des cartes de crédit envoyées à tout le monde. Plusieurs personnes de mon comté m'ont apporté l'exemple de cartes de crédit de la compagnie Simpsons qui en envoie à tout le monde, sans qu'on l'ait demandée. Ce crédit existe maintenant. Lorsque la loi va être adoptée, ils pourront revouveler leur carte de crédit. Ils en envoient actuellement, sciemment,, en avalanche, parce que, justement, la loi va être adoptée.

Mais, si on reprend le principe de la protection du consommateur, celui qui n'a jamais su — parce qu'il n'avait pas la maturité voulue ou qu'il avait une certaine naiveté — résister aux cartes de crédit précédentes, parce qu'il y voyait une possibilité d'obtenir des biens qu'il n'aurait pas pu avoir autrement, à ce moment-là, le fait de continuer cette habitude, parce que les compagnies n'auraient pas le devoir de redemander le crédit ou d'attendre que le client le fasse, au niveau de la protection du consommateur, vous ne croyez pas que c'est un préjudice pour celui qui n'est pas averti?

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, j'ai deux solutions au problème que vous posez. S'il est facile de modifier, de mettre un terme ou de corriger la situation que vous décrivez, à l'effet qu'on s'empresse d'expédier des cartes de crédit à l'annonce du projet de loi 45, que la législation dise tout simplement: Tout crédit en date du 1er septembre 1970 n'a pas besoin d'être renouvelé.

Deuxièmement, si vous dites qu'il y a des gens qui, par inexpérience, ont déjà un crédit dont ils ne veulent plus, qu'on mette quand même la réserve que ces gens-là, avec la loi, auront le droit de retourner leur carte de crédit et de résilier leur contrat, comme ils ont, d'ailleurs, le droit de le faire à l'heure actuelle. Vous pouvez la retourner, votre carte de crédit.

M. LEGER: Le principe que je veux soumettre, c'est que vous semblez dire que tous les consommateurs ont une certaine maturité, qu'ils ont tous les moyens de réaliser les désavantages et les avantages. Mais le but de la loi de la protection du consommateur, c'est d'aider le consommateur contre lui-même. Il est sur que les deux parties contractantes n'ont pas la même possibilité de réaliser ça. Si on facilite trop ce marchandage de cartes de crédit à des gens qui n'ont pas les moyens de s'en servir, mais qui le font parce qu'ils sont attirés par le besoin de posséder des choses que leur voisin possède, je pense que, dans l'esprit de la loi même, on pèche, à ce moment-là.

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, le crédit qui existe à l'heure actuelle, c'est un fait.

Si une avalanche de crédit s'est greffée sur l'annonce de la loi, je pense avoir donné une solution valable. Qu'on mette rétroactivement, on bloque ces crédits. Mais pensez-vous que le seul fait que vous exigiez une demande écrite de crédit va protéger le consommateur contre sa propre expérience et sa propre envie de faire aussi bien que son voisin? Il va signer sa carte de crédit, il va l'envoyer pour faire comme Jos son voisin et il va la payer. Ce n'est pas le fait d'avoir une formule additionnelle qui va empêcher le bonhomme de s'en procurer une.

M. LEGER: Je m'excuse, mais je crois qu'il y a une grande différence entre une personne qui est sollicitée continuellement... D'ailleurs, c'est la raison de la publicité. La publicité qui arrive régulièrement oblige la personne à prendre une décision qu'elle ne prendrait pas d'elle-même. C'est parce qu'elle est continuellement sollicitée qu'elle la prend. Le fait de mettre quand même une certaine barrière — comme la barrière des 15 p. c.— est pour rendre davantage réaliste la personne, ne pas lui rendre trop facile l'accès à des choses dont elle n'a peut-être pas besoin. Il y a quand même une différence de penser que la personne peut le faire tout simplement parce qu'elle le demande ou parce qu'elle va le recevoir. Il y a une grosse différence, je pense, chez le consommateur.

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, il y a un nombre considérable de cartes de crédit qui existent à l'heure actuelle et qui ont été obtenues à la suite d'une demande. La loi n'existait pas. Il a fallu quand même que vous fassiez une demande à la compagnie pour obtenir de telle compagnie d'essence, de telle banque, de telle compagnie, que ce soit l'American Express, le Diners Club ou la Carte Blanche, le bénéfice de leur carte de crédit. Le bonhomme qui n'a pas les moyens de l'avoir mais qui l'a déjà demandée va être dans la même situation après l'adoption de la loi. S'il veut la ravoir, il va écrire de nouveau et il va la ravoir. Cela ne résout pas le problème. Il y a des limites à

vouloir protéger les gens contre eux-mêmes, vous savez. Il n'y a quand même pas moyen de se mettre dans les culottes de tous les citoyens.

M. LEGER: C'est dans l'esprit de la société qu'on veut créer.

M. DE GRANDPRE: Je comprends, mais il ne faut quand même pas verser dans un socialisme extrême où on va prendre tous les citoyens par la main et les empêcher de vivre. Il faut un juste milieu entre protéger le consommateur et avoir une activité économique qui soit raisonnable.

M. LEGER: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela clôt les questions du député de Lafontaine?

Il y avait une question retenue par le député de Papineau, mais je crois qu'il n'est pas à la commission. Je cède donc la parole au député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse davantage au ministre. Elle a trait à l'article 31. Le Barreau du Québec en parle à la page 13 et exprime des réserves. On dit: "N'y aurait-il pas lieu de conserver certaines exceptions"? Ma question est celle-ci.

Je veux demander au ministre si on a vérifié, dans les prêts consentis par les banques et les caisses populaires aux agriculteurs pour l'achat de machinerie aratoire, installations et instruments qui servent à l'exploitation agricole, si la banque ou la caisse populaire ne prête pas jusqu'à 90 p.c. dans certains cas? C'est une question que je me pose. Il y a longtemps que, personnellement, je n'ai pas vu ces sortes de prêts, mais il me semble que les agriculteurs utilisent largement ce prêt des agriculteurs. Dans ce cas, si les banques et les caisses populaires, les institutions de prêt, vont jusqu'à 90 p.c, évidemment, l'agriculteur ne pourrait pas, étant donné l'article 31, utiliser le maximum du prêt de l'institution prêteuse. Cela existe peut-être aussi dans d'autres législations, dans l'industrie de la pêche et de la navigation là où le prêt va peut-être jusqu'à 90 p.c.

M. TETLEY: L'article 31 concerne tout simplement les ventes à tempérament.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais dans le cas de la machinerie agricole...

M. TETLEY: Mais si c'est une vente à tempérament, qui veut dire que la propriété est retenue par le vendeur jusqu'au moment où le paiement final est fait, ces cas sont très rares. Les légistes ont de toute façon pris note de vos observations...

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour faire vérifier ce point.

M. TETLEY: ...pour vérifier si nous ne nuisons pas au commerce actuel au bon commerce, et aux prêts aux cultivateurs, aux pêcheurs, etc.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, pendant que nous avons l'avantage d'avoir à la fois des représentants du Barreau du Québec et un ministre qui est bilingue, et qu'on fait aux pages 9 et 10 du mémoire du Barreau certaines suggestions concernant le texte, ma question n'est pas du tout une critique à l'égard du rapport du Barreau; je constate qu'il a fait des remarques sur les articles 12 et 14, qu'il conseille de corriger le texte anglais de l'article 37 — je pose la question suivante au ministre et en même temps aux représentants du Barreau: N'y aurait-il pas lieu, pour éviter des difficultés d'interprétation, non pas que je veuille empêcher des procès éventuels, de corriger également le deuxième paragraphe, en anglais, de l'article 13?

Si on lit l'article 13 du deuxième paragraphe français, il me semble que la traduction qu'on en donne en anglais n'a pas tout à fait le même sens: "Only one additionnai credit", ça n'a pas le même sens qu'un "coût de crédit additionnel calculé suivant ce taux." Ne devrait-on pas plutôt dire: "A merchant shall require, on any arrears, an additionnai credit charge calculated according to such rate only,"? C'est une suggestion. Il me semble qu'il y a là une mauvaise traduction anglaise. Comme nous sommes dans un texte juridique, la différence entre la traduction anglaise et le texte français, pourrait porter à confusion.

M. TETLEY: M. le Président, j'en ai pris note, avec mes remerciements.

M. CARDINAL: D'accord. M. TETLEY: With thanks.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions de la part des membres de la commission? Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Oui, M. le Président. Par exemple, l'achat de services par une firme qui ne déclare pas de taux statués selon une échelle donnée lorsque le consommateur, à un moment donné, s'aperçoit qu'il devra payer dix fois à peu près le taux normal pour de tels services. Disons que ça se rattache aux articles 12 et 14 et même 113. Soit à cause du temps que devra prendre la cause en question ou encore d'une foule d'autres menus détails, comme la compa-

rution en cour etc, le consommateur peut-il tout simplement ne pas payer cette firme-là qui vend des services, s'il n'y a pas eu même de contrat?

M. DE GRANDPRE: Si vous me le permettez, je crois comprendre que dans votre exposé, vous semblez vous référer à un avocat: longueur de cause ou services, comparution. Parlez-vous de services professionnels?

M. BELAND: Non, il ne s'agit pas de services professionnels. Je vais aller plus à fond. Disons qu'il y a une certaine quantité de firmes spécialisées dans la détection possible de fautes de matériaux de construction ou encore, par exemple, de défauts de fabrication. Pour l'une, entre autres, de ces firmes-là, pas toutes, c'est un cas qui a été porté à mon attention.

Le consommateur, évidemment, se plaignait en sonme que cela lui avait coûté environ dix fois ce que chargent la moyenne des autres maisons d'affaires semblables.

M. DE GRANDPRE: Si je comprends le problème que vous soulevez et si vous me permettez, ce genre de service n'est vraiment pas rendu en général aux petits consommateurs. Pour ce qui est de vérifier la résistance de matériaux de construction ou de choses semblables, les expériences telles que de béton, les expériences en forêt, les expériences et tests sur quoi que ce soit, si on veut protéger vraiment le consommateur, je ne pense pas qu'on tombe dans la catégorie du consommateur que la loi a en vue. Je peux faire erreur. On traite, en général, dans ce domaine-là, avec des gens avertis, des entrepreneurs ou un industriel. Je pense qu'il est assez exceptionnel de rencontrer ce genre de service au niveau de consommateur qui, comme cela a été mentionné, ne serait pas suffisamment averti pour décider à l'avance, quand il traite du contrat ou de l'entente qu'il fait, à quel taux ce sera payé. Combien me chargez-vous? Quelle est la base horaire? C'est le contrat à forfait? C'est quoi? Je pense donc qu'on s'entend au départ sur cette nature de service.

M. BELAND: Oui, mais j'ai une question supplémentaire. Vous semblez alléguer que ce n'est pas la majorité des consommateurs, d'accord. Par contre, prenons tout simplement le cas de celui qui a une petite maison familiale et qui vend cette maison. L'acheteur éventuel, avant d'accorder les derniers $500 ou $5,000 — je ne sais pas, moi — allègue à ce moment-là toutes sortes de motifs pour ne pas payer. Le vendeur est obligé de recourir à une maison du genre pour tâcher de faire établir que la maison qu'il a vendue avait toutes les qualités stipulées au contrat, etc.

M. DE GRANDPRE: Si vous me permettez, à moins de faire fi totalement du code civil, il y a toujours moyen d'aller devant les tribunaux et de laisser au créancier la tâche de prouver la valeur de ses services. Si c'est vraiment en dehors de la valeur du marché, je ne pense pas que son action pour le plein montant serait reçue. Je pense qu'il existe quand même — je l'ai dit ce matin -- d'autres législations. On n'a pas que ce projet de loi pour protéger le consommateur. On regarde l'ensemble du système juridique. Comme c'est une exception et qu'on traite, en général, avec des gens qui ont quand même une certaine aisance, un certain revenu pour faire ce genre de contrat et que les tribunaux sont toujours là pour faire apprécier la valeur des services, si, par hasard, ils étaient bien au-delà de ce qui est normalement prévisible, je pense que, là encore, on pourra faire arbitrer la chose par un juge, pour décider si la charge est raisonnable en face du service rendu. Evidemment, il est toujours souhaitable et préférable que ces textes d'une législation comme la Loi de la protection du consommateur je comprends, qu'on veuille l'adopter, cela presse un peu pour différents motifs — il serait vraiment préférable, dis-je, qu'éventuellement les textes qui seront adoptés par l'Assemblée nationale soient incorporés dans le code civil, de façon qu'on n'ait pas à regarder le code civil et à se promener des statuts au code pour savoir un peu tout ce dont bénéficie un consommateur dans le cas de vente. On devrait retrouver cela à peu près au même endroit, et ce serait beaucoup plus simple.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.

M. MARCHAND: M. de Grandpré, je voudrais revenir à 1 article 14. Ce matin, vous vouliez, à cet article, faire enlever "dans le calcul' et de laisser tout simplement l'énonciation.

Mais, par contre, la loi prônée actuellement par le gouvernement est, je pense bien, une loi de protection au consommateur qui est absolument nécessaire. Si on se réfère aussi à l'article 108, qui dit: "Une erreur ou une omission faite de bonne foi ne constitue pas une infraction au sens de la présente loi," est-ce que cet article ne permet pas, justement, à celui qui a fait une erreur de bonne foi de pouvoir résilier le contrat? Je pense alors que le mot "calcul" à l'article 14 peut demeurer.

M. DE GRANDPRE: Je m'excuse, mais si vous regardez l'entête de la section où se retrouve l'article 108, vous verrez que cette partie ne traite que des infractions et des sanctions pénales et que je ne serai pas condamné au pénal pour avoir commis une erreur de bonne foi. Mais, en vertu de l'article 13, au civil, je resterai pris avec mon contrat tel qu'il est dans sa rédaction. Ici on parle de notion pénale et de notion civile... C'est pourquoi

Particle 108 auquel vous référez n'apporte pas de solution ni de protection au texte de l'article 14.

M. MARCHAND: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à l'adresse de M. De Grandpré?

Nous remercions bien sincèrement le Barreau du Québec d'avoir voulu déposer un mémoire à notre commission et de s'être fait représenter de façon si brillante. Merci, messieurs; merci, madame.

M. DE GRANDPRE: Merci.

Association canadienne des compagnies de prêts au service des consommateurs

M. LE PRESIDENT: J'inviterais les représentants de l'Association canadienne des compagnies de prêts au service des consommateurs à venir commenter leur mémoire et discuter des amendements proposés.

M. FORGET: Mon nom est Marc Forget.

Je représente l'Association canadienne des compagnies de prêts au service des consommateurs. Je suis accompagné par notre conseiller juridique, Me Parsons, à ma gauche, et MM. Poirier et Girardin; aussi un autre conseiller juridique, M. Kevin Smith, dont pour l'instant — la langue m'a fouché — j'oubliais le nom. Voilà le groupe qui doit faire cette intervention devant vous.

A la suite des remarques du président, je ne lirai pas le mémoire au complet. Par contre, je me permettrai de faire quelques commentaires sur certains des articles. Mais avant de commencer, je crois qu'il serait opportun de ma part de rectifier toute impression de blâme qui pourrait se dégager du premier paragraphe de notre mémoire. Je me réfère à une phrase en particulier. Je cite: "Nous déplorons la rapidité, etc. avec laquelle on nous a demandé de préparer ce mémoire." Il est vrai qu'au tout début les délais qui nous ont été accordés ont été assez faibles; cependant, nous constatons avec plaisir qu'ensuite, tous les intéressés ont eu ou auront l'occasion de se faire entendre. Je remercie le gouvernement et les membres de cette commission de l'occasion qu'il donne à tout le monde d'exposer son point de vue.

Le premier point que je voudrais soulever concerne l'adoption des règlements et la connaissance des règlements. Plusieurs ont fait état de l'ignorance des intéressés au sujet des règlements. Je crois que la consultation avec les intéressés est nécessaire. J'ai été heureux, ce matin, d'apprendre que M. le ministre approuve entièrement cette consultation et il n'est pas question que nous désirions gouverner, ou forcer l'adoption d'un règlement ou d'un autre.

Etant donné la complexité de certaines procédures comptables, par exemple, de l'emploi de certaines formules qu'il va nous falloir ajouter à nos opérations de chaque jour, nous sollicitons respectueusement... Avant d'adopter certains règlements qui peuvent nous occasionner des dépenses considérables, des ajustements dans nos ordinateurs, par exemple, etc. nous croyons que le consommateur, comme le commerçant, aurait grand avantage à être consulté avant l'adoption de ces règlements. Et nous souhaitons que cela se passe de cette façon.

Comme seconde remarque, il s'agit maintenant de voir à ce que les règlements et cette loi touchent tout le monde. J'ai constaté, avec regret, que, par exemple, les banques n'ont pas cru bon, apparemment, sauf erreur, de présenter leurs vues concernant certaines des transactions couvertes par la législation. Nous faisons le voeu et demandons l'assurance que cette loi ne souffrira pas d'exceptions et que toutes les sociétés prêteuses, que ce soit les banques, les caisses populaires, les caisses d'économie, les coopératives, etc., y soient soumises au même titre.

Question de définition, maintenant. Je ne crois pas que qui que ce soit qui m'ait précédé ici ait fait allusion à la définition du mot "période". Nous croyons que le définition, telle que décrite dans le projet de loi, est trop restrictive. Nous suggérons ceci, au lieu de 35 jours: Le nombre de jours entre les dates auxquelles un paiement est requis par contrat. Pourquoi cet amendement? Parce que dans quelques cas, peut-être pas nombreux mais ils existent, le consommateur dont le revenu est saisonnier ne peut ni ne doit être requis de faire des paiements à tous les 35 jours ou dans une période égale.

Il peut arriver bon nombre de contrats où le remboursement peut être fait à tous les trois mois, par exemple, ou à tous les six mois, selon les dates auxquelles le revenu entre. Je crois que ce changement n'enlèvera rien à l'objectif de la loi, qui, je crois, vise à éliminer les paiements-ballons qui ont eu une certaine popularité dans les années passées, lesquels créaient des situations réellement difficiles pour le consommateur. Le groupe de compagnies que je représente est sûrement d'avis que le but que se propose la législation, tel que nous le comprenons, est louable et que ce genre de paiements doit être évité. En ce qui regarde la restriction à 35 jours, je soumets qu'elle est trop restrictive et c'est pourquoi nous avons soumis une nouvelle définition.

Nous nous inquiétons aussi du terme "vendeur itinérant", à la suite de bon nombre de personnes et d'autres qui suivront, j'en suis sûr. Nous vous suggérons simplement d'ajouter un mot à la définition: "habituellement". Comme l'ont fait remarquer d'autres encore, dans le cours normal du commerce, il arrive maintes et maintes fois, et pour une multitude de raisons,

que le commerçant ait à visiter son client à domicile. Cette définition rejoint celle établie dans une autre province. Je crois qu'elle toucherait tous les vendeurs itinérants à pression, pour se servir d'une expression qui les désigne bien, parce qu'eux, habituellement, font du travail de porte à porte.

Je crois qu'il faudrait être bien sûr que dans le cas d'un prêteur, par exemple, qui, pour cause de maladie ou autres, aurait à passer à domicile pour faire signer un contrat qui a déjà été conclu verbalement, il ne soit pas ipso facto condamné ou classifié comme vendeur itinérant, du fait qu'il soit arrêté au domicile pour avoir cette signature.

Je ne ferai pas de commentaire à l'article 5, car je suis absolument de l'avis exprimé par le ministre, ce matin, pour la suggestion qu'il a proposée, laquelle cadre avec nos vues. Nous nous inquiétons un peu du conflit possible entre cette législation et la loi fédérale sur les petits prêts. Il serait bon, cependant, d'ajouter que nous reconnaissons la compétence provinciale dans le domaine contractuel. Mais, nous attirons votre attention sur le fait que l'obligation, pour le commerçant, de n'exiger qu'un seul taux de crédit empêcherait la réduction du taux prévu à l'échéance finale.

Vous savez, j'en suis sûr, que la Loi sur les petits prêts exige que le taux à l'échéance tombe à 12 p.c. par année. Si le texte de l'article 11 du bill actuel est maintenu, il semble qu'il créerait un conflit par la baisse — je dis bien la baisse — du taux d'intérêt pour le consommateur.

L'article 12. Cet article devrait être sûrement amendé, surtout dans son deuxième paragraphe qui se lit comme suit: "Elle ne vise pas non plus le contrat où un crédit consenti à un consommateur pour l'achat, la construction ou l'amélioration d'un immeuble est garanti par un privilège ou une hypothèque." Si un emprunteur hypothécaire affecte une partie de son prêt à rembourser une dette ou, à faire autre chose que la construction ou l'amélioration d'un immeuble, encore une fois d'après le texte, il nous semble que ce prêt deviendrait sujet au bill 45, ce qui, d'après nous, n'est pas souhaitable.

Article 13. Ici aussi je pense —je me répète peut-être — au conflit possible avec la loi fédérale sur les petits prêts, car le taux, à l'échéance, est décroissant. J'ai déjà mentionné les conséquences pour le consommateur qui ne seraient sûrement pas bonnes.

Article 14. Je ne crois pas que je pourrais ajouter beaucoup à ce qui a été dit précédemment, mais je voudrais vous offrir une considération pratique des problèmes qui peuvent se poser si le marchand, ou le prêteur en l'occurrence, était pénalisé par le fait qu'il y avait une erreur de calcul. Nous sommes à l'ère des ordinateurs. La compagnie pour laquelle je travaille est à installer un système d'ordinateurs et vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a souvent des erreurs, du moins au cours des premières années. Si, le cas échéant, quelqu'un pèse sur le mauvais bouton et crée, non seulement un calcul, mais des centaines et des milliers de calculs erronés, il serait très injuste de faire profiter les consommateurs d'une chose à la quelle ils n'ont pas droit, de quelque chose qui n'est pas du tout illégal, et de punir le commerçant qui, par inadvertance, par une erreur très humaine, a causé une erreur de calcul.

Je pense que le sujet a déjà été traité assez en profondeur; tout ce que je pourrais ajouter en plus serait superflu. Ma seule conclusion est que si on ajoutait à l'article 14: "sauf si l'erreur est commise par inadvertance", le problème serait réglé facilement.

A l'article 16, on lit: "Sauf pour le contrat accordant un crédit variable, les paiements différés doivent être consécutifs et égaux, sauf le dernier qui peut être moindre." Evidemment, si un prêt hypothécaire est couvert par la loi et que l'hypothèque est renouvelable tous les cinq ans, il est assez clair que le dernier paiement serait plus élevé que les autres, et il serait impossible de procéder par hypothèque.

Article 17. La méthode de calculer les frais de financement sera couverte — on nous le dit et c'est logique — par des règlements. Je soumets au gouvernement que la méthode de calculer la réduction du coût de crédit en cas de paiement anticipé, soit celle qui est reconnue partout ailleurs et qui est connue sous le nom de règle 78, qui est reconnue comme celle qui est la plus équitable, il n'est rien de mystérieux en ce qui concerne cette méthode et elle est généralement acceptée par tous les responsables de la surveillance des compagnies de finance dans les autres provinces et dans différents Etats américains.

Le principe de base de ce système de calcul est tout simplement l'allocation des frais, chaque mois, dans la proportion du montant de l'obligation. En d'autres termes, plus la dette est élevée, plus les frais sont élevés, et plus l'obligation est faible, plus les frais diminuent. Nous sommes à votre disposition pour vous fournir toute autre explication s'il y a lieu.

Article 21. L'article 21 semble défendre — non seulement semble, mais assez clairement défend — tous les changements et toutes les modifications à apporter à un contrat. Donc, le commerçant est empêché par cet article de donner des délais, de réduire les montants des versements selon la capacité de rembourser du consommateur, à moins de passer un nouveau contrat à chaque occasion. Il semble clair qu'on n'a pas prévu les conséquences que cet article peut avoir.

Premièrement, en rendant les conditions de remboursement beaucoup plus onéreuses pour le consommateur. Donc, on ne le protège plus. On exige de lui qu'il respecte les clauses du contrat, peu importe que son revenu ait diminué dans certains cas.

Deuxièmement, en forçant le marchand d'exercer ses droits de reprise de la marchandise dans le cas d'un contrat de vente conditonnelle, plutôt que d'en perdre la propriété le cas échéant où il modifierait les conditions de remboursement. Si dans le cas d'un contrat de vente conditionnelle le marchand signe un nouveau contrat avec son client, la propriété passe maintenant du marchand à l'acheteur. Donc, les conséquences pourraient, pour le consommateur, être beaucoup plus mauvaises que bonnes. Nous croyons qu'il est essentiel que le marchand puisse accorder certains délais et même s'engager à de nouvelle conditions plus faciles pour l'acheteur sans qu'il soit obligé de lui accorder un nouveau contrat qui lui ferait perdre la propriété de l'article vendu. Nous recommandons donc que la phrase suivante soit insérée à la fin du premier paragraphe: "Nonobstant ce qui précède, le commerçant peut accorder des délais, réduire le montant des versements sans qu'il lui soit nécessaire de conclure un nouveau contrat".

De plus, si le texte actuel n'est pas changé, il faudra décréter que cet article ne s'appliquera pas au contrat de vente conditionnelle car les mots suivants, dans le deuxième alinéa de l'article 21: "Le consommateur est réputé payer avant l'échéance", transférera effectivement à l'acheteur la propriété de la chose vendue. Je crois que tout cet article doit être revu dans ce sens.

Article 22. Le coût de l'assurance. Je crois qu'on n'a pas beaucoup fait état de cette section précédemment. Nous croyons fermement que le coût de l'assurance ne doit pas être inclus dans le coût du crédit. Les frais d'assurance-vie ou d'invalidité couvrent un service particulier qui ne doit pas être confondu avec le coût du crédit. La couverture de l'assurance est disponible et offerte à l'acheteur à crédit, mais n'a rein à voir avec le coût du crédit. Plusieurs prêteurs offrent à leur clientèle non seulement une assurance qui rembourse toute somme due au décès, mais aussi une assurance d'invalidité selon laquelle les versements sont acquittés par la compagnie d'assurance sur présentation d'un certificat du médecin traitant attestant de l'invalidité.

Il est inexact de dire que cette assurance est une partie essentielle du contrat, car l'emprunteur a le choix de prendre l'assurance ou de la refuser. Il me semble donc tout à fait injuste de prétendre que le coût de l'assurance fait partie du coût du crédit. Tout emprunteur peut à sa guise obtenir son prêt sans acheter l'assurance qui lui est offerte et le coût du crédit n'est influencé d'aucune façon par l'achat ou le refus d'acheter de la part du client. On a mentionné, je crois, que c'est l'emprunteur qui bénéficie de cette assurance parce qu'en cas de décès, par exemple, la somme due est remboursée au complet. C'est vrai en partie. Mais je crois — et vous en conviendrez tous — que le grand bénéfi- ciaire est le consommateur. Dans le cas de décès, je dirais que neuf fois sur dix — mes remarques sont basées sur une expérience personnelle — la veuve, ou enfin la succession, a dans la grande majorité des cas suffisamment d'actif pour permettre le remboursement des dettes de ce genre.

Seulement, il est très avantageux pour le consommateur de pouvoir se décharger de cette dette par la compagnie d'assurance et de permettre à la veuve, aux enfants ou à la succession de garder le produit des polices d'assurance.

On a discuté aussi assez souvent, au cours des délibérations, le montant comptant de 15 p. c. Je crois que je vais déroger, si vous me le permettez, à la consigne de ce matin, car je crois que c'est un des passages les plus importants du projet de loi, pour vous lire une page de notre mémoire.

On y dit: II y aurait lieu de faire un long plaidoyer en faveur de l'élimination de cette mesure, basé sur les points suivants:

Le premier: Les sacrifices que cette exigence impose aux économiquement faibles qui n'ont pas le comptant requis. Je pourrais même dire qu'il y a quelquetemps — je ne veux pas parler au nom du gouvernement ou de fonctionnaires — mais il m'a semblé que, dans les journaux, on avait mentionné qu'il était question de rendre le crédit accessible aux nécessiteux, aux gens qui obtiennent des prestations de bien-être social, etc. Ce sont eux qui, en somme, ont le plus besoin de crédit. Les économiquement faibles ont, plus que tout autre, besoin de crédit. Lorsque vient le temps d'acheter une nécessité de la vie, un lit, enfin, je ne sais trop, on demande les 15 p. c. à celui qui a le moins les moyens de les trouver. Je trouve que non seulement cet article n'est pas de nature à aider le consommateur, mais il est de nature à lui nuire.

Deuxièmement: L'impossibilité de contrôler efficacement les exigences de cet article à cause de la grande facilité avec laquelle on peut en contourner les dispositions, soit en majorant le prix de vente ou soit en donnant à un article pris en échange une valeur supérieure à sa valeur réelle.

On a mentionné qu'une loi qui ne pouvait être policée de façon convenable ne devait probablement pas être adoptée. Je crois que celle-ci pourrait facilement être classifiée parmi ce genre de lois.

Autre point: Les restrictions que cette mesure impose à la grande majorité des commerçants soucieux de s'en tenir aux dispositions de la loi. Vous avez un vendeur qui est devant un acheteur, il y a un potentiel et il manque les 15 p. c. Il veut respecter la loi, il veut s'en tenir à ses exigences, mais il sait fort bien que, s'il y tient mordicus, il faut les 15 p. c.; l'acheteur nécessiteux qui a besoin de l'article traversera alors la rue et ira trouver un marchand un peu moins soucieux de respecter la loi. Ce n'est ni

plus ni moins que jeter le consommateur entre les mains de gens qui, sûrement, ne transigeront pas à son avantage.

Autre point: Le détournement vers les commerçants peu scrupuleux des consommateurs moins fortunés qui n'ont pas au moment de leur achat le comptant nécessaire à la transaction.

Etant donné que cette exigence ne fait pas partie de la loi des deux provinces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, les commerçants des villes en bordure de ces provinces seront sérieusement affectés, car le consommateur pourra, à son gré, obtenir de meilleures conditions pour ses achats dans la province voisine.

Nous prions donc le gouvernement d'abolir l'article 31. Si, toutefois, nos demandes n'étaient pas acceptées, il nous semble évident que toute restriction prévue sur le montant du comptant requis devrait faire partie des règlements et non de la loi elle-même.

J'avais oublié un article fort important et je vous assure que je suis placé pour le savoir: Un des premiers actes de celui qui est obligé de verser un paiement comptant pour l'achat d'une marchandise et qui ne l'a pas, est de se tourner vers une société prêteuse. Il ira soit chez nous, à une banque ou à une caisse populaire et il empruntera le montant dont il a besoin pour faire le paiement comptant nécessaire à l'achat de l'article qu'il désire.

Donc, le consommateur qui est placé dans cette circonstance-là finit par avoir deux comptes au lieu d'un. Il fait deux paiements au lieu d'un et assume des obligations qu'il ne devrait pas être obligé d'assumer normalement.

Dans le contexte actuel, tout changement requiert un amendement à la loi, ce qui n'est pas souhaitable à cause de la lourdeur de la procédure à suivre. Cette loi, qui est une loi-cadre comme on le faisait remarquer ce matin, prévoit des règlements pour la plupart sinon pour la totalité des mesures pratiques, mais elle semble faire exception pour la question du montant comptant. Nous recommandons, si nos remarques ne parvenaient pas à obtenir l'assentiment du gouvernement, que cette section fasse partie des règlements et non de la loi elle-même.

Je vous avouerai qu'au cours de nos délibérations nous avons hésité longuement à insérer les deux derniers paragraphes dont je vous faisais mention, de peur de laisser l'impression que notre objection au montant comptant n'était pas sérieuse. Nous vous prions donc d'étudier de très près les conséquences du maintien de cet article. Il serait peut-être utile d'ajouter que la surveillance requise pour faire respecter cette loi demanderait un nombre inouï d investigateurs. Le seul résultat serait de priver ces personnes dont le revenu est faible d'acheter certaines nécessités.

Aux articles 35, 36, 37, il s'agit de la reprise de la marchandise. Nous trouvons que ces articles sont très sévères pour le marchand. Ils favorisent les abus de toutes sortes de la part des consommateurs qui voudraient se soustraire à leurs obligations sans, en échange, obtenir pour l'acheteur, qui est soucieux de maintenir de bonnes relations avec son marchand, une protection dont il ne jouit pas actuellement.

Nous n'avons aucune objection à l'extension de l'avis de 30 jours. Actuellement, après la reprise, le marchand doit garder la marchandise 21 jours; nous ne voyons aucun inconvénient à ce que ce soit 30 jours. Nous croyons que cet article va trop loin parce que l'avis de 30 jours qui est donné au consommateur dont la probité est en doute ne peut qu'encourager le recel et la détérioration de la marchandise, soit par négligence ou par vandalisme. Nous soumettons que les nouvelles restrictions n'accordent que très peu de protection additionnelle au consommateur honnête et qu'elles auront comme effet d'encourager la spoliation des biens par les moins honnêtes.

Vous voyez d ici le cas d'un acheteur qui, ayant pris la clef des champs avec l'article acheté, automobile ou autre, est finalement localisé. A ce moment-là, le marchand doit lui envoyer un avis de 30 jours avant de reprendre sa marchandise, soit plus de temps qu'il ne lui en faut pour lui permettre de disparaître de nouveau ou de procéder à un acte de vandalisme ce qui n'est pas rare.

Si, toutefois, on jugerait à propos de maintenir ces restrictions que nous trouvons excessives, les modalités pour la reprise du bien vendu devraient prévoir que la cour puisse accorder, par exception, une reprise avant jugement. Du point de vue juridique, ce ne serait rien de nouveau. Lorsqu'il y a présomption que le débiteur puisse se sauver du pays ou cacher un article quelconque, la cour peut donner, aujourd'hui, un ordre de saisie avant jugement.

Alors, pourquoi ne pas donner, si vous choisissez de maintenir les restrictions actuelles, le même privilège à un marchand? Il pourrait aller en cour et demander au juge, étant donné les circonstances actuelles, étant donné l'expérience passée et les faits, la permission de prendre la marchandise immédiatement, quitte à protéger le consommateur, en lui donnant, après les 30 jours requis actuellement par le projet de loi. En plus, si, le cas échéant, il est impossible de rejoindre le client, ne pourrait-on pas lui accorder 90 jours pour s'opposer à la vente de la marchandise?

Voilà le sens de notre intervention dans notre mémoire.

L'article 37, si nous en comprenons bien le sens, dit ceci: "Au cas de remise volontaire ou de reprise forcée du bien, l'obligation contractuelle du consommateur est éteinte..." Il nous semble assez injuste d'éteindre l'obligation contractuelle d'un consommateur qui remettrait volontairement au marchand le bien acheté, sans tenir compte de sa valeur marchande et de

sa condition au moment de la remise. Il nous semble que cet article devrait être amendé comme suit: "Au cas de remise volontaire à laquelle le marchand consent." Le marchand devrait sûrement avoir la possibilité de dire: Non! Vous avez abusé de la marchandise. La marchandise est dans un état pitoyable. Gardez-la. Nous nous réservons les droits accordés dans la législation pour les paiements, mais tout consommateur ne devrait pas avoir la permission de se décharger facilement en jetant un article qui n'a à peu près aucune valeur dans la cour du marchand, et dire: Je ne te dois plus rien.

Il faudrait se souvenir peut-être aussi que, si cet article est maintenu, il aura comme effet un raidissement des exigences du marchand ou de la compagnie de finance envers le débiteur. Car il encouragera une reprise hâtive à la moindre indication de difficultés financières, afin d'éviter une détérioration plus rapide de l'article acheté. Aujourd'hui, je ne voudrais pas répondre pour toutes les compagnies, mais je crois que la pratique générale permet que le contrat puisse être en retard jusqu'à 90 jours, avant qu'un marchand reprenne la marchandise. Tandis que si l'article est maintenu, pour se-protéger, il est fort probable que certains marchands verront à reprendre la marchandise dans les 30 jours, au lieu de 90 jours.

A l'article 39, en supposant le rejet de la requête, nous posons une question au ministre, à savoir si le refus de la cour confère à l'acheteur la propriété de la chose vendue. Il me semble, au contraire, que le commerçant devrait conserver cette propriété et, le cas échéant, advenant un changement des circonstances affectant le consommateur, est-il prévu que le commerçant puisse faire une seconde requête à la cour? Je me réfère ici au cas où il y a plus que les deux tiers du montant versés et une requête est faite à la cour pour reprendre la marchandise. Cette requête, supposons-le, est refusée. Est-ce qu'il y aurait une modalité qui nous permettrait, advenant un changement des circonstances du consommateur, de retourner une seconde fois, le cas échéant?

L'article 58, tel qu'écrit, rend impossible toute publicité concernant le crédit sans en indiquer les coûts affectant toute la gamme des contrats offerts par un commerçant, du moins à ce qu'il nous semble. Je lis: "Un commerçant ne peut faire de publicité concernant le crédit qu'il accorde — les mots sont très larges — à moins que cette publicité n'indique le coût total de crédit..." Je comprends par ces mots que je ne puis pas annoncer que je consens des prêts, ou que je fais du crédit, sans donner toute l'explication des charges qui peuvent être bien différentes, selon les cas, dans mon annonce publicitaire.

Nous recommandons qu'il soit récrit de la façon suivante: "Un commerçant ne peut faire de publicité concernant le coût du crédit qu'il accorde... — il me semble que ce serait plus clair — à moins que cette publicité n'indique le coût total du crédit, calculé et énoncé conformément aux règlements."

Nous sommes à 100 p. c. d'accord pour que cesse toute publicité qui fait état du montant d'un versement mensuel mais oublie, par hasard, de mentionner le nombre de paiements. C'est un genre de publicité qui est réellement regrettable. Mais tel que rédigé, cet article interprété de façon stricte, peut défendre, à toutes fins pratiques, toute publicité par qui que ce soit en matière de crédit, car il est évidemment impossible d'inclure le coût total de toutes les transactions possibles.

A larticle 79, il y a une autre question que nous adressons à M. le ministre. Un commerçant - dans le cas qui nous occupe une compagnie de financement — qui, dans l'exercice normal de son commerce, reprend une voiture et subséquemment la revend, seul ou avec d'autres, au détail ou en gros, devient-il par le fait même sujet à la nécessité d'obtenir un permis tel que prévu à l'article 79? En d'autres termes, la vente très occasionnelle d'une voiture classifie-t-elle le marchand ou la compagnie de finance comme étant un marchand de voitures usagées? Nous recommandons que cette vente occasionnelle soit permise sans qu'il soit nécessaire pour le marchand d'être détenteur d'un permis.

L'article 94 a été discuté à fond. Je crois que je ne peux rien ajouter à ce qui a été dit précédemment.

A l'article 111, il nous semble inacceptable qu'un contrat qui ne respecte pas les exigences prescrites par la présente loi soit déclaré nul. La perte du coût du crédit nous semble suffisamment sévère sans entraîner la nullité du contrat. Si la loi est acceptée dans des termes actuels et que le contrat devient nul, comment peut-on réclamer le montant du principal avec un contrat qui est nul? Au point de vue légal — je soumets la question aux juristes — si un contrat est déclaré nul, je vois difficilement comment on pourra obtenir un jugement sur un contrat nul, étant donné que tout ce que nous rechercherions à ce moment serait de retrouver le principal.

Nous croyons aussi qu'il devrait être stipulé que, dans le cas où le consommateur demande la suppression du coût de crédit et qu'effectivement il a gain de cause, le montant du principal devienne immédiatement exigible.

Une dernière remarque sur l'article 113, au sujet de l'inexpérience. On a mentionné déjà, au sujet de cet article, que l'inexpérience n'est en cause que dans le cas où les obligations du consommateur sont considérablement disproportionnées par rapport à celles du marchand. C'est un fait. Mais alors, pourquoi parler d'inexpérience? Un acheteur de première instance sera-t-il toujours considéré comme inexpérimenté? Combien d'automobiles un homme doit-il

acheter avant d'être considéré comme expérimenté? Il nous apparaît que la possibilité de se soustraire à ses obligations en prétextant l'inexpérience, qui est un facteur très imprécis, devrait être corrigée.

Je crois que ce sont toutes les remarques que j'avais à faire et il me fera plaisir de répondre aux questions.

M. LE PRESIDENT: Merci bien, M. Forget. On vient d'avoir un petit caucus sur la liberté. Je donne la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: Je demande, M. le Président, que le député de Bagot pose ses deux questions.

M. CARDINAL: Ce ne sont pas deux questions; ce sera plus court. Ce sont seulement deux commentaires.

M. Forget a commencé son exposé en parlant des règlements et il y est revenu à plusieurs reprises. C'est l'article 97 de la loi qui donne à l'Exécutif, c'est-à-dire au lieutenant-gouverneur en conseil, le pouvoir d'adopter des règlements.

Lorsqu'il s'agit de moyens techniques qui se réfèrent à la loi, nous, de l'Opposition n'y voyons aucune objection, mais plusieurs des pouvoirs de réglementation peuvent affecter la loi elle-même. Par exemple, si l'article 31 où il est question de ces fameux 15 p.c. était reporté dans les règlements, je pense que ce serait dangereux. Nous maintenons qu'il doit toujours y avoir une différence très nette entre l'exécutif et le législatif, sans quoi c'est donner un blanc-seing au gouvernement, de quelque parti qu'il soit.

En d'autres mots, les citoyens, devant cette loi qui sera complétée par des règlements, doivent se rendre compte que les règlements ne peuvent pas, d'une façon importante, modifier, du jour au lendemain, les modes d'applications de cette loi, sans quoi il pourrait arriver que certaines transactions permises, suivant certaines modalités, par la loi, puissent être, demain, rendues difficiles, sinon impossibles, par des règlements.

Cependant, j'ai compris — ici, je pense que le ministre va m'appuyer — que la semaine dernière, à la réunion de la commission, il a été convenu qu'il y aurait une rencontre de la commission sur un document de travail des règlements proposés par le gouvernement.

M. TETLEY: Ce matin encore.

M. CARDINAL: Je n'insite donc pas sur ce premier point. Le deuxième commentaire que je voulais faire, c'est que les membres du gouvernement comme les membres de l'Opposition prennent très au sérieux toutes vos remarques. Cependant, une chose me frappe: il me parait difficile d'accepter certains amendements que vous proposez, si l'on veut maintenir, entre le projet de loi 45 et le code civil du Québec, certaines concordances qui paraissent absolument nécessaires, sans quoi nous allons, par une loi spéciale, tout défaire ce que j'appellerais l'économie du code civil qui, déjà, traite des prêts, des ventes à tempérament, des obligations hypothécaires, etc.

Ce sont les deux seules remarques, M. le Président, M. le ministre et M. Forget, que je voulais faire et j'espère ne pas avoir pris trop de votre temps.

M. TETLEY: Merci, M. Forget, ainsi qu'à vos conseillers juridiques. Je note que vous avez suggéré et insisté sur le fait que les questions bancaires, concernant le crédit, sont régies par le projet de loi 45. Vous avez noté que les banques n'ont pas, jusqu'à présent, présenté de mémoire. A la page 4 de votre mémoire, vous avez mentionné les vendeurs itinérants et vous avez suggéré une formule ajoutant le mot "habituellement". Qu'est-ce que cela veut dire? J'ai deux commentaires. Comment le consommateur peut-il savoir que le vendeur itinérant, qui lui offre un lunch, est habituellement un vendeur itinérant? C'est presque impossible. "Habituellement", cela veut dire quoi? Est-ce que cela aide vraiment? Nous préférons que la loi soit claire et que la loi comprenne tout le monde.

A la page 6 de votre mémoire — j'ai pris note des autres articles, mais je veux tout simplement faire des commentaires au sujet de certains articles; cela ne veut pas dire que je ne trouve pas vos suggestions valables — vous avez fait des commentaires au sujet de l'article 13. D est malchanceux, cet article 13, c'est certain. J'ai pris note, ce matin, que d'autres personnes ont fait des commentaires, mais je crois quand même que le principe est très valable; ce sont plutôt les modalités qu'il faut peut-être modifier.

Vous avez parlé, à la page 7, de la règle des 78 qui se trouve dans d'autres provinces et dans plusieurs Etats américains. Nous voulons aussi une loi générale et universelle et j'apprécie votre commentaire. A la page 9, sur la question des 15 p. c., ce problème-là est très important. Je note qu'on peut écarter cette exigence par un marché noir qui existe aujourd'hui; nous connaissons le problème. A la page 11, vous avez mentionné les article 35, 36 et 37.

Vous dites qu'il n'y a pas de protection pour le marchand. Mais le code de procédure et le code civil existent et vont exister. Il y a des mesures provisionnelles dans le code de procédure civile. Par exemple, l'article 733 au sujet des saisies avant jugement. C'est un droit qui existe. Le code a été amendé, il y a trois ans. "Le demandeur peut, avec l'autorisation d'un juge, faire saisir avant jugement les biens du défendeur." C'est une mesure qui existe dans la loi actuelle. Vous avez l'article 742, séquestre judiciaire; vous avez même l'injonction dans les cas très importants.

M. FORGET: M. le ministre, est-ce qu'il n'y aurait pas une contradiction évidente entre les deux? Il semble que le projet de loi 45 exige cet avis de 30 jours et le code civil, effectivement, donne le droit à certains créanciers d'obtenir saisie avant jugement. Alors, il n'y a aucune référence aux 30 jours. Si la cour vous accorde le droit de reprendre la marchandise immédiatement, l'avis de 30 jours est annulé. Est-ce que le code civil passerait avant cette loi-ci? Je me réfère aux juristes.

M. TETLEY: On peut faire les deux ensemble. Ici, c'est le marchand qui fait la demande. Vous pouvez attendre 30 jours et saisir ou procéder par séquestre. Je crois qu'il n'y a pas de contradiction. S'il y en a, nous allons modifier la loi, mais je ne le crois pas.

M. CARDINAL: Je pense que c'est le point général que je soulignais tout à l'heure, M. Forget. Vos suggestions, il faut les étudier, comme la loi, en corcordance avec ce qui existe dans le code civil et dans le code de procédure civile. C'est un point important. Je pense que le comité de législation du gouvernement aura à se pencher longuement sur la question.

M. TETLEY: A la page 14, vous avez posé des questions au sujet de l'article 39, le rejet de la requête, etc. La réponse est non et, pour le même article 39, la deuxième réponse est non.

M. FORGET: La propriété demeurerait entre les mains du commerçant?

M. TETLEY: C'est ça. A la page 16 de votre mémoire, vous avez posé une question. La réponse est la suivante: si une compagnie de finance fait le commerce de vendre des automobiles usagées à un consommateur, il lui faut un permis. Nous voulons contrôler les personnes qui vendent des automobiles neuves et usagées, mais pas un simple individu qui vend son automobile tous les deux ans. Il n'est pas commerçant d'automobiles usagées. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: Merci. Je cède la parole au député de Lafontaine.

M. LEGER: M. Forget, le mémoire est présenté par la Canadian Consumers Loan Association. Votre association a été incorposée en 1944. Je présume qu'elle a été aussi incorporée sous le nom d'Association canadienne des compagnies de prêts au service des consommateurs.

M. FORGET: Malheureusement, elle ne l'a pas été encore; elle le sera très bientôt.

M. LEGER: Très bientôt, je l'espère.

A l'article 22, vous parlez du coût de l'assurance qui ne devrait pas être inclus, parce que, parfois, il y a des personnes qui ne veulent pas en avoir. Est-ce qu'en général la compagnie elle-même prête, même si la personne ne veut pas d'assurance? Cela ne fait pas partie intégrante du contrat?

M. FORGET: Pas du tout, je vous l'assure.

M. LEGER: Vous avez affirmé, tout à l'heure, que cette assurance-là était presque exclusivement à l'avantage du consommateur ou, du moins, à son avantage.

Il faut quand même admettre que c'est une prime qui est payée par le consommateur et dont le bénéficiaire serait la compagnie qui n'aura pas de frais à encourir pour avoir son argent. Est-ce que ce n'est pas aussi à l'avantage...?

M. FORGET: Je ne crois pas que j'aie dit que c'était exclusivement à l'avantage du consommateur, mais vous avez parfaitement raison, c'est le consommateur qui paie les frais, cependant, pour autant que les bénéfices sont concernés, par expérience, je ne peux pas dire que c'est le consommateur qui en bénéficie le plus, parce que la perception de certains de ces comptes n'est pas tellement difficile. Normalement, dans un règlement de succession — même aujourd'hui — il y avait plusieurs polices d'assurance et la perception ne posait pas de problème. Je ne prétends pas qu'on percevait tous ces soldes, mais, à mon avis et par expérience, je pense qu'à 60-40 le consommateur y retirait son avantage.

M. LEGER: A l'article 31, vous dites que vous trouvez que c'est inutile de mettre 15 p. c. comme montant comptant à débourser. Je pense qu'il y a toute une philosophie différente derrière cela. Si on se place dans notre échelle de valeurs, en disant qu'idéalement tous les gens devraient avoir la possibilité d'acheter tout ce qu'il y a sur le marché, c'est sûr que c'est un obstacle; mais, si on veut, par une loi de protection du consommateur, le protéger contre lui-même, ne pensez-vous pas que, plus on rendra difficile l'accès au crédit pour une personne qui n'en a pas les moyens, mieux ce sera?

M. FORGET: Vous supposez le cas où une personne n'a pas les moyens. Je crois que les préposés au crédit portent ce jugement. Je crois qu'ils le portent assez bien. Une personne qui n'a pas les moyens d'acheter à crédit, à l'étude, elle devient un risque pas tellement bon. Je le dis par expérience acquise à la compagnie où je travaille, nous refusons à peu près 50 p. c. des demandes. C'est donc qu'il s'exerce un contrôle. Les gens qui, apparemment, n'ont pas les moyens de s'engager se font dire non. Nos employés de même que les préposés au crédit des grands magasins n'auraient pas avantage à consentir un crédit à des gens qui n'auraient pas les moyens de rembourser. Il se fait un contre-

le. Le contrôle est-il parfait? Non, j'en conviens. Mais, le consommateur ne peut être brimé même s'il a été imprudent. Qui d'entre nous peut dire qu'il n'a pas été imprudent à un certain moment. Un consommateur peut avoir été imprudent, il a trop dépensé, mais il arrive une nécessité; même dans un cas où il n'a pas été imprudent, par exemple, il n'a pas fait de temps supplémentaire ou son revenu est diminué ou quelque chose, et les exigences de sa famille ont voulu que le peu d'argent qu'il avait de côté pour ces 15 p. c, il ne l'a plus et il doit s'acheter un réfrigérateur. C'est l'été et ça va lui coûter beaucoup plus cher pour sa nourriture; il va en perdre, et il ne les a pas, les 15 p. c, Par contre, son crédit est bon, il travaille, son revenu est stable; il n'y a aucune raison pour laquelle le vendeur refuserait de vendre le réfrigérateur en question. Le consommateur placé devant ces faits serait obligé d'aller à sa caisse populaire ou à sa banque ou à une compagnie de finance emprunter les $150, retourner au magasin et donner les $150 comptant ou les $100, enfin le montant dont il s'agira. Faire cela n'aide pas le consommateur. Je crois qu'il faut qu'on laisse aux préposés au crédit le jugement qu'ils exercent assez bien. Des abus, il y en aura toujours. Il y a des abus de la route, il y a des abus dans tout.

M. LEGER: II faut quand même admettre que laisser le jugement à la personne qui veut prêter, cela peut être un peu suggestif quand même; elle peut déterminer que tel client n'a absolument pas les moyens de rembourser. Mais il y a d'autres cas où le client aurait peut-être les moyens de rembourser, mais il se prive d'un paquet d'autres choses plus nécessaires que l'objet de luxe qu'il désire avoir. A ce moment-là, la raison de ces 15 p. c. est justement pour rendre cela le plus difficile possible.

M. FORGET: Si on pouvait restreindre les 15 p. c. à des situations où le consommateur n'est réellement pas obligé d'avoir l'article qu'il veut acheter, cela serait merveilleux. Je reviens à mon cas de réfrigérateur — il pourrait y en avoir bien d'autres — où c'est réellement une nécessité; la personne crèverait peut-être pas de faim, mais c'est une nécessité, le moteur de son autre ne fonctionne plus et sa nourriture ne peut pas se conserver. Il en a besoin et il n'a pas les $50 comptant ou les $30, $40. On peut lui dire: Monsieur, vous avez été imprudent, vous auriez dû prévoir que le moteur se briserait, et il va falloir que vous attendiez trois paies encore pour acheter votre réfrigérateur.

C'est dans ce sens que je trouve que c'est injuste pour le consommateur. Cela ne l'aide réellement pas. S'il a suffisamment besoin de l'avoir, s'il le désire suffisamment, il a je ne sais pas combien d'avenues, aujourd'hui, pour se le procurer de toute façon. La restriction ne donne donc rien, au point de vue pratique.

C'est pour cela que nous nous y opposons, en plus du fait que c'est impossible de l'appliquer parce que cela prendrait je ne sais pas combien de surveillance.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. M. Forget, j'aurais quelques questions à vous poser mais j'aimerais auparavant, connaître davantage votre association. Il est dit au début, à la page 1, qu'elle groupe 31 compagnies membres. Pourriez-vous me donner quelques détails, par exemple, sur les 31 compagnies qui sont membres? Est-ce que cela comprend également de grosses compagnies de finance reconnues? Ou s'agit-il de petites compagnies de prêts, qui peuvent oeuvrer surtout à un niveau régional, dans certaines régions comme dans les grands centres? Ou encore, y a-t-il des compagnies qui sont plutôt québécoises que fédérales?

M. FORGET: Nos membres comprennent presque toutes les compagnies, à quelques exceptions près. Je serais bien embêté de vous nommer une compagnie de finance — sauf quelques petites compagnies locales — qui ne soit pas membre de notre association.

M. ROY (Beauce): Vous représentez en quelque sorte toutes les compagnies de finance,

M. FORGET: Je peux vous en nommer; en fait, ce sont celles qui sont connues: Household, Niagara...

M. ROY (Beauce): De grandes compagnies.

M. FORGET: ...Avco, Laurentide, Beneficial, enfin toutes ces compagnies sont membres de notre association.

M. ROY (Beauce): Vous pouvez nous en fournir une liste.

M. FORGET: Sûrement, avec plaisir.

M. ROY (Beauce): Nous aimerions également connaître la liste.

Il y a un point qui a attiré particulièrement mon attention. C'est à la page 6, section III, article 12. Vous dites ceci: "Le deuxième paragraphe de cet article devrait être amendé de façon qu'il soit clairement dit que tout prêt garanti par une hypothèque ne soit pas visé par cette loi. Si on s'en tient au langage actuel, tout prêt hypothécaire qui servirait en tout ou en partie à d'autres fins que l'achat, la construction ou l'amélioration d'un immeuble serait assujetti à la loi, ce qui n'est sûrement pas souhaitable et causerait des ennuis inutiles au consommateur".

J'aimerais avoir des explications là-dessus, lorsque vous dites, par exemple, "causerait des

ennuis inutiles au consommateur et que ce ne serait pas souhaitable".

M. FORGET: Premièrement — et j'en parle un peu plus loin dans le mémoire — il serait impossible, dans le cas d'un prêt hypothécaire, d'avoir des paiements égaux, parce qu'un grand nombre des prêts hypothécaires sont renouvelables après cinq ans et le paiement après cinq ans serait un paiement de ballon, si vous voulez, ce qui est expressément défendu par le bill 45. Voici un inconvénient auquel je ne vois pas comment on pourrait remédier dans le texte actuel de la loi.

M. ROY (Beauce): N'y aurait-il pas lieu, croyez-vous, d'ajouter, par exemple, à la loi "sauf en ce qui concerne les remboursements de prêts hypothécaires", de façon à ne pas les inclure dans la loi, pour ce qui a trait aux paiements égaux?

M. FORGET: Sûrement que...

M. ROY (Beauce): Plutôt que de condamner en bloc le prêt hypothécaire. A ce moment-là, je songe surtout — je suis convaincu que toutes les compagnies de finance sont au courant — qu'il existe des contrats de garantie hypothécaire sur lesquels des compagnies chargeront, par exemple, 10 p. c. du prêt hypothécaire, ce qui constitue, en quelque sorte, comme un endossement au prêt; or, ces compagnies sont également des courtiers en prêts hypothécaires. Or, il y a des milliers de petits propriétaires au Québec qui ont été victimes — je dirai bien victimes — de ces compagnies. Dans certains cas, cela a rendu d'immenses services — je suis d'accord — mais, dans d'autres cas, il y a de petits propriétaires qui en ont été victimes. Je crois que, justement, la Loi de la protection du consommateur devrait légiférer de ce côté pour prévenir les abus et, autrement dit, les éliminer, en quelque sorte. Je pense en effet que tous ceux qui ont travaillé dans les caisses populaires, dans des compagnies de prêts ou autres sont en mesure de se rendre compte des abus qui ont été causés.

C'est pour cela que je suis un peu surpris de voir que vous dites que ce n'est pas souhaitable et que cela causerait des ennuis inutiles au consommateur.

M. FORGET: Je déplore certains des abus dont vous faites mention, parce qu'il y en a eu, mais je suggère que vous obteniez des informations d'un notaire. Je ne crois pas en effet que le commerce courant des hypothèques puisse cadrer avec les implications du bill 45. Il y a par exemple ce qu'on appelle communément en anglais le "finder's fees" et il y a toutes sortes de frais qui, je crois, cadreraient difficilement avec certains articles du bill 45. A mon sens, je ne vois pas ce que donnerait l'inclusion des hypothèques dans le bill 45, quelle protection additionnelle cela donnerait au consommateur.

Lorsque c'est une garantie hypothécaire additionnelle rattachée à un autre contrat, d'accord mais là, le consommateur est protégé par le fait que le contrat principal est couvert par cette loi. Au point de vue de l'hypothèque, je ne suis pas un expert, mais je ne crois pas que ce serait avantageux, je ne vois pas personnellement les avantages qu'il y aurait.

M. ROY (Beauce): Mais ça permettrait tout de même au gouvernement de pouvoir établir certaines normes, certaines exigences en vue d'éviter l'exploitation, comme je l'ai dit tout à l'heure et comme vous l'avez admis vous-même.

Vous parlez, un peu plus loin, de conflit possible entre la loi fédérale et la loi provinciale en ce qui a trait aux petits prêts. Sur quel point particulier croyez-vous qu'il pourrait y avoir un conflit de ce côté-là?

M. FORGET: Sur le taux, tout simplement. D'après le bill 45, on dit qu'un seul taux doit entrer en ligne de compte; il n'y a pas de changement de taux, un seul taux et c'est toujours le même, tandis que la loi fédérale, actuellement, prévoit un changement de taux non pas au désavantage du consommateur mais à son avantage parce qu'à l'échéance le taux baisse. Alors, ce serait brimer les droits du consommateur... non pas brimer car je pense bien qu'il n'y aura pas de conflit, je crois bien que la chose s'arrangera, mais en ce moment, si nous comprenons bien, le texte empêcherait de faire bénéficier le consommateur de la baisse du taux à l'échéance de son contrat, dans le cas où le compte n'est pas entièrement payé, et le taux, tel que prévu par la Loi sur les petits prêts, la loi fédérale, baisse à 12 p.c. Le contexte de cette loi-là semblerait indiquer qu'on ne peut pas le baisser, il semblerait y avoir conflit.

M. ROY (Beauce): II y a peut-être un autre côté de la médaille par exemple, qui pourrait peut-être amener le gouvernement provincial à obliger, en quelque sorte, les compagnies de finance à publier leurs taux réels, car vous savez qu'il y a une différence entre le coût du crédit et le taux. Le coût du crédit s'établit en quelque sorte en montants et en "signes de piastre", alors que le taux du crédit s'établit en pourcentages.

Maintenant, il y a différentes façons de calculer le taux de crédit. Vous pouvez établir un taux de crédit global pour une période de 30 mois, et vous pouvez calculer un taux de crédit global sur le montant total emprunté, et vous pouvez calculer un taux de crédit réel fixe sur le solde. En quelque sorte, de la même façon que les caisses et les banques le calculent. Je sais que les compagnies de finance n'ont pas la même façon de calculer le taux d'intérêt.

M. FORGET: Le taux réel auquel vous faites allusion est inscrit dans nos contrats depuis cinq

ans, dans les contrats de presque toutes les compagnies qui font partie de notre association. Je reviens maintenant au conflit possible. J'avais oublié de mentionner que, d'après la loi fédérale, actuellement, il y a trois taux d'intérêt qui jouent, qui entrent en cause. Sur la première tranche de $300, le taux permis est de 2 p. c. par mois ou 24 p.c. par année, mais seulement sur les premiers $300 de toute dette. Sur la tranche entre $300 et $1,000, le taux permis est de 1 p.c. par mois, 12 p.c. par année. Sur la dernière tranche de $500 — et la loi fédérale ne couvre que les prêts de $1,500 en moins — c'est 6 p.c. par année ou 1/2 par mois. Donc, le taux varie selon le montant emprunté. Alors, étant donné que c'est un taux qui change à mesure que le prêt augmente ou diminue, on s'inquiète de savoir si le conflit, qu'on trouve assez évident, ne viendra pas de l'acceptation du texte du bill tel qu'il est proposé. Si on ajoute, soit dans les règlements ou autrement, que les prêts, dont le taux est déjà contrôlé par la Loi fédérale sur les petits prêts, ne sont pas visés par ce règlement, alors il n'y a plus de problème. Ou si on accepte dans les règlements que ce taux-là est conforme au taux prévu dans l'article en question, là encore, tout est bien. Nous voulons éviter les conflits entre deux lois , c'est tout.

M. TETLEY: M. le Président, qu'il me soit permis de noter qu'au fédéral, la loi prévoit que, jusqu'à $500, le taux peut être disons de 10 p.c; jusqu'à $1,000, de 8 p.c; jusqu'à $1,500, de 6 p.c. Mais, ici au Québec, en vertu de l'article 13, premier paragraphe, dans le contrat, il faut qu'il y ait un seul taux.

Donc, il n'y a pas de conflit. Il peut y avoir un contrat de $1,500 avec les trois taux différents au fédéral et que le taux final soit par exemple, de 9 p. c. H faut annoncer dans nos contrats, suivant notre loi, que le taux actuel qui nous intéresse, qui intéresse le consommateur et qui intéresse le marchand, c'est le taux final, le vrai taux. Nous ne voulons pas un contrat où une dame arrive et voit trois taux différents. Nous voulons un taux et que le calcul soit fait par le marchand.

M. FORGET: M. le ministre, le taux réel est déjà inscrit à tous nos contrats. Mais le seul point que je voulais apporter, c'est que, à l'échéance, il baisse. Alors, on peut difficilement, dans le contrat, sans mettre deux taux, dire que le taux réel est 16 p. c. et, à l'échéance, 12 p. c. Donc, cela semblerait être contraire aux prévisions de l'article 13. C'est le seul point qu'on veut apporter.

M. CARDINAL: Ecoutez, M. Forget, il y a quelque chose qui me paraît peu clair, c'est peut-être parce que je ne comprends pas. Que voulez-vous dire, quand vous dites que, à l'échéance, le taux est de 12 p. c. au lieu de 16 p. c.? Est-ce que vous voulez dire s'il y a un remboursement avant échéance?

M. FORGET: Non, non.

M. CARDINAL: Ou bien, si vous voulez dire qu'à échéance...

M. FORGET: L'échéance finale. Si vous prêtez $1,000, remboursables sur une période de 24 mois. Alors, au bout de deux ans, pour une raison ou pour une autre, le compte n'est pas entièrement payé. Il y a un solde.

M. CARDINAL: Ah bon! C'est ce qu'on appelle le ballon qui peut rester sur un compte ou un...

M. FORGET: Non, non, pas du tout.

M. CARDINAL: ... ou un solde impayé parce que les versements n'ont pas été faits à échéance.

M. FORGET: Oui, c'est ça. Simplement lorsqu'il y a un solde à cause des retards dans les versements.

M. CARDINAL: Bien, justement, l'article 13, mal rédigé, je l'avoue, dans son deuxième paragraphe — on en a déjà parlé — prévoit justement que, s'il y a des arrérages de taux, ces arrérages ne pouvant pas être supérieurs...

M. FORGET: Bien oui, cela semble demander un taux plus élevé que ce qui est reconnu actuellement.

M. CARDINAL: Disons que ce que je pourrais conclure de cela, c'est que le deuxième paragraphe de l'article 13 devrait être rédigé à nouveau, mais que ce qui est désiré par le gouvernement — et je pense que l'Opposition est d'accord là-dessus — c'est que le client sache, qu'il y ait ou non des retards, quel va être le taux effectif.

M. FORGET: Nous sommes absolument d'accord avec ce point de vue.

M. CARDINAL: Et ça, ce sera un taux, même s'il y avait 25 taux dans un contrat, le commerçant les calculera et il dira le montant total. Par conséquent, c'est ça, effectivement, le taux réel.

M. FORGET: Le taux réel est indiqué. Maintenant, nous sommes absolument d'accord avec la proposition du gouvernement d'indiquer clairement ce taux.

M. CARDINAL: Très bien. Là, je pense que c'est compris. Cela va, merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Nous remercions M. Forget de ses commentaires au nom de son organisme et j'invite immédiatement les représentants de Gulf Oil Canada limitée, à s'adresser à la commission.

Gulf Oil Canada limitée

M. PARADIS: M. le Président, MM. les membres de la commission, nom nom est Jean Paradis, avocat, et je représente la compagnie Gulf Oil Canada limitée. Je suis accompagné, à mon extrême droite, de M. Jean-Paul Godin, directeur adjoint au service du crédit; à ma droite, de M. Bill Habkirk, directeur général du crédit et à ma gauche, de M. André Corneille, gérant de la division du Québec.

Nous apprécions de comparaître devant la commission parlementaire pour exprimer notre opinion sur le projet de loi de la protection du consommateur. Gulf Canada est d'accord avec les objectifs de cette législation proposée et tient à assurer le gouvernement du Québec de son entière coopération.

Nous avons eu l'occasion de travailler avec d'autres gouvernements provinciaux au sujet des lois sur la protection du consommateur et nous nous sommes toujours conformés à leurs exigences.

De façon générale, après étude du projet de loi 45, nous avons conclu que, dans sa forme actuelle, le texte de loi proposé semblait aller au-delà de ce que nous croyons être l'intention du législateur. Nous avons aussi conclu que, si le projet de loi 45 était adopté tel quel, ce serait le consommateur québécois qui en définitive supporterait le poids de certaines ambiguïtés et de certaines dispositions exorbitantes qu'il contient.

Enfin, le projet de loi nous causerait, sans raisons apparentes, de nombreux problèmes si certaines définitions ne sont pas ajoutées ou modifiées, si les articles 3, 13, 14 et 48 demeurent tels quels et si les articles 23 à 27 ne sont pas révisés tout en respectant l'intention du législateur.

En faisant l'analyse détaillée du projet de loi article par article, nous avons cherché à découvrir si, tout en respectant l'esprit de la loi, le texte de loi ne pouvait pas être amélioré en vue d'en faciliter l'application éventuelle.

Les résultats de notre analyse se retrouvent aux pages 3 à 14 de notre mémoire. Depuis la préparation du mémoire, nous avons eu l'occasion de considérer d'autres implications dont j'aimerais également vous faire part.

Notre mémoire suit l'ordre du projet de loi et porte sur les sections I, II, III, IV et VIII.

A la section I, le terme "consommateur" n'est pas défini. Il nous semble essentiel que la loi protégeant le consommateur définisse ce qu'elle entend par consommateur. Nous comprenons que le gouvernement a l'intention de proposer la définition suivante du mot "consommateur": "toute personne physique partie à un contrat visé par la présente loi en une qualité autre que celle de commerçant". Cette définition nous semble acceptable. Le seul commentaire que nous pourrions faire serait de vous suggérer d'exclure non seulement les commerçants de la notion de consommateur, mais aussi les professionnels qui en fait font des affaires alors qu'en droit ils ne sont pas considérés comme des commerçants.

Toujours au chapitre des définitions, nous avons certaines représentations à faire au sujet de la définition de "vendeur itinérant". Les dispositions du projet de loi concernant le vendeur itinérant ont, il faut bien le dire, un caractère exorbitant. Il semble que les mesures proposées aient pour but d'enrayer les abus causés par les colporteurs ou les vendeurs itinérants faisant des ventes sous pression. On comprend dès lors la difficulté à définir l'expression "vendeur itinérant" dans un texte de loi.

Je voudrais cependant ici vous mettre en garde contre une définition trop libérale de l'expression. En effet, il ne faudrait pas chercher à remplacer un abus par un inconvénient encore plus grand pour le consommateur. Dans sa forme actuelle, il semble que le législateur veuille soumettre, même dans les cas d'urgence, l'installateur de "fournaises" aux dispositions de la loi visant le vendeur itinérant, soit au délai de réflexion de cinq jours accordé au consommateur par l'article 48.

L'inconvénient que nous voulons ici éviter au consommateur est la décision que pourrait prendre le commerçant d'attendre l'expiration du délai de cinq jours pour commencer ou même terminer les travaux. Aussi, nous avons proposé un amendement qui serait de nature à protéger le consommateur. Cet amendement rejoint d'ailleurs la proposition qui a été formulée plus tôt devant vous par le Barreau du Québec.

Par contre, il est fait dans une forme différente. Nous suggérerions d'ajouter, à la première ligne de l'article 1 o), les mots "non sollicité au préalable par le consommateur". Autrement dit, si le consommateur, de son propre choix, invite le vendeur de fournaises, à faire une inspection et s'il y a une vente qui s'ensuit, il semble que, là, le vendeur ne serait plus soumis aux dispositions de la loi.

Un deuxième inconvénient que le législateur devrait épargner au consommateur peut être illustré par l'exemple qui suit. Prenez le cas d'un vendeur d'huile à chauffage qui sollicite ou contracte avec le consommateur en dehors de son établissement. Si la définition du terme "vendeur itinérant" est adoptée telle quelle, le vendeur d'huile à chauffage pourrait obliger le consommateur à venir signer à son adresse ou à son bureau d'affaires le contrat de vente d'huile à chauffage. Ceci entraînerait des inconvénients

considérables pour le consommateur. Aussi, il semble évident que le législateur a oublié dans son projet de loi, comme exclusion à la définition de "vendeur itinérant", le vendeur de matières combustibles qui, au même titre que le vendeur de denrées alimentaires, vend des biens que l'on peut qualifier non seulement de fongibles en droit, mais aussi de biens nécessaires à la vie d'un foyer.

Nous avons proposé dans notre mémoire, un amendement spécifique à l'effet d'exclure de la notion de "vendeur itinérant" le vendeur de produits utilisés pour l'éclairage ou le chauffage. Nous n'avons pas fait de recommandation spécifique, dans notre mémoire, au sujet de l'article 5 qui a trait à l'obligation, entre autres, pour le commerçant d'accorder un délai suffisant au consommateur avant que ce dernier signe un contrat assorti d'un crédit. Nous sommes d'accord avec l'amendement proposé plus tôt par le ministre des Institutions financières.

Passons maintenant à la section III, concernant les contrats assortis d'un crédit. Les articles, en particulier, qui risquent de causer certains problèmes sont les articles 13 et 14. Dans notre mémoire, nous avons noté, comme l'a fait tout à l'heure le député de Bagot, une erreur de traduction au deuxième paragraphe de l'article 13. Nous avons suggéré une traduction qui semble être plus conforme au texte français. Cette traduction pourrait se lire: "A merchant may charge, on any arrears, an additional credit charge calculated only according to such rate."

Cependant — nous n'avons pas mentionné ceci dans notre rapport — ce qui nous semble être plus important à l'article 13, c'est qu'il stipule que le contrat assorti d'un crédit doit contenir un seul taux de crédit. Il pourrait ne pas être à l'avantage de nos clients d'avoir un seul taux de crédit. La pratique, dans notre industrie, est de faire payer un taux uniforme de crédit par mois, disons 1 1/2 p. c. Par contre, pour certaines catégories de clients, soit les consommateurs au sens de cette loi, le taux de crédit devient inférieur pour des achats de crédit qui sont au-delà de la somme de $500.

Le texte de loi proposé nous empêcherait de favoriser ainsi nos clients.

Quant à l'article 14, ce dernier stipule que "le consommateur bénéficie de toute erreur dans le calcul de l'énonciation du coût de crédit". Nous suggérerions ici, comme d'autres l'ont fait, que le mot "erreur" soit remplacé par le mot "ambiguïté". En effet, nous avons tous présent à l'esprit la situation d'un consommateur recevant un état de compte avec un crédit de plusieurs milliers de dollars au lieu d'un débit pour frais de service, résultat d'une erreur d'ordinateur. Nous croyons que, si le consommateur devait profiter d'une telle erreur cela provoquerait une injustice considérable. Si le consommateur doit bénéficier d'une erreur du commerçant, ce ne devrait être qu'après que ce dernier aura eu l'occasion de rectifier son erreur.

L'amendement suggéré aurait pour effet de donner la chance au commerçant d'expliquer le calcul ou l'énonciation du coût du crédit au consommateur; si ce dernier demeure dans le doute, le directeur pourrait toujours arbitrer le différend. Aussi, avec l'amendement proposé, le commerçant ne serait pas empêché de rectifier une erreur faite par lui de bonne foi.

J'ai noté ce matin que l'intention de ce texte de loi est, pour le commerçant, d'énoncer correctement le coût de crédit. Ceci est une obligation qui est déjà imposée par d'autres sections du texte de loi et les recours sont déjà prévus à l'article 111 dans le cas où le coût de crédit n'est pas indiqué correctement. Aussi, je crois que l'article 14 devrait être révisé dans le sens que nous vous avons suggéré.

Toujours à la section III, j'en viens à la partie traitant des contrats accordant un crédit variable, soit les articles 23 à 27. Ce sont sans doute les dispositions du projet de loi qui affectent le plus directement notre compagnie. Un problème auquel nous avons à faire face est le 3e paragraphe de l'article 23, à savoir le sens qui doit être donné au mot "émettre". En effet, ce 3e paragraphe se lit comme suit: "Nul ne peut émettre une carte de crédit à un consommateur qui ne l'a pas sollicitée."

Lorsque notre compagnie renouvelle une carte de crédit qui vient à échéance, faut-il conclure qu'elle émet de nouveau une autre carte de crédit et qu'alors elle serait empêchée de le faire si le consommateur ne l'a pas sollicitée? Dans le but d'éviter ce problème pratique pour le consommateur et pour notre compagnie, nous proposons que le 3e paragraphe de l'article 23 se lise comme suit: "Sauf s'il s'agit d'un renouvellement de carte de crédit, nul ne peut émettre une carte de crédit à un consommateur qui ne l'a pas sollicitée". Cette recommandation rejoint d'ailleurs celle qui a été faite par le Barreau de Montréal ce matin.

Passant maintenant à l'article 24, nous aimerions toucher en particulier aux paragraphes d), e) et g). Le paragraphe d) obligerait le commerçant à indiquer sur l'écrit de base "le montant jusqu'à concurrence duquel le crédit variable est consenti ou, le cas échéant, l'absence de limitation à ce montant." Pratiquement parlant, pour l'industrie pétrolière et pour tous nos clients se servant de cartes de crédit, cette exigence soulèverait de graves problèmes d'ordre administratif.

Nous ne pouvons qu'endosser les arguments présentés dans les mémoires d'Imperial Oil et de Shell Canada et faire nôtres les recommandations qui y sont contenues.

Au sujet du paragraphe e), ce paragraphe obligerait le commerçant à indiquer la durée de la période. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, pour notre compagnie de stipuler en jours la durée de chaque période. En effet, la

date d'échéance elle-même varie de mois en mois pour tomber un jour ouvrable. En plus de cette difficulté pratique, le nombre de jours qu'il peut y avoir dans une période n'a aucune importance pour le consommateur, car ce dernier, s'il a un coût de crédit à payer en vertu d'un contrat à crédit variable, ce coût de crédit est calculé à la fin de la période sur une base mensuelle et non pas sur une base journalière. Aussi, nous suggérons que le paragraphe 24 e) se lise: "La date d'échéance de chaque période".

Au paragraphe g), nous aurions une recommandation de concordance avec la recommandation que nous avons faite au sujet de l'article 13, et ce paragraphe devrait se lire: "Le ou les taux de crédit exigibles à la fin de chaque période sur le solde impayé".

Passons maintenant à l'article 25. Cet article semble impliquer que le consommateur doive signer un écrit, si l'on regarde en particulier les derniers mots de cet article. Nous ne comprenons pas le sens de cet article, car le consommateur bénéficiant d'un crédit variable ne serait pas selon nous obligé de signer l'écrit de base. Aussi, nous recommandons que les derniers mots de cet article "lorsqu'il signe l'écrit" soient remplacés par les mots "en même temps que l'écrit de base".

Un problème important pour notre industrie est celui que nous poseraient les exigences de l'article 26 dans sa forme actuelle. Tout d'abord, le début de cet article suggère qu'à la fin de chaque période le commerçant doit fournir au consommateur un document énonçant certaines informations. Dans notre cas, il peut arriver que l'un de nos clients possédant une carte de crédit ne l'utilise pas pendant plusieurs mois. S'il fallait alors lui envoyer un état de compte mensuel, ceci impliquerait des frais inutiles pour le commerçant et une source d'inconvénients pour le consommateur. Il nous semble que l'état de compte mensuel ne devrait être exigé du commerçant que si le consommateur a un montant à payer au commerçant.

Au sujet des inscriptions que l'on doit retrouver à l'état de compte mensuel, nous avons certaines représentations à faire au sujet des paragraphes a), c), d) et e). Comme je le disais précédemment, l'énoncé de la date du début de la période n'a aucune signification pour le consommateur dont le coût de crédit est calculé sur une base mensuelle, disons 11/2 p.c. par mois.

Aussi, l'exigence de la loi entraînerait des dépenses considérables pour notre compagnie. Nous proposons donc un amendement à l'article 26 a), lequel pourrait se lire comme suit: "Les dates du début et de la fin de la période lorsque le coût de crédit est calculé par jour et la date de la fin de la période lorsque le coût de crédit est calculé par mois."

Les paragraphes c) et d) ont trait tous les deux au montant et à la date des avances. Il nous semble que ces paragraphes devraient être alternatifs et non pas cumulatifs. La pratique dans l'industrie pétrolière en Amérique du Nord est de faire parvenir une copie des pièces justificatives de chacune des avances accordées au consommateur et de ne pas indiquer sur l'état de compte mensuel le montant et la date de chacune de ces avances. Le consommateur québécois ne subit aucun préjudice du fait de cette pratique.

Si notre compagnie devait indiquer la date et le montant de chaque avance accordée au consommateur dans ses états de compte mensuels, des changements considérables devraient être apportés à nos relevés de compte et à nos programmes d'ordinateurs. De tels changements seraient très coûteux et prendraient un temps considérable à être mis en application.

De plus, l'utilisation de deux systèmes de relevés mensuels au Canada par notre compagnie serait plus coûteuse que l'utilisation d'un seul système. Nous estimons que ce changement impliquerait une dépense additionnelle de $200,000 par année, ce qui éventuellement se refléterait dans le coût des biens et des services dispensés par nous au public.

Quant au paragraphe c) lui-même, il semble que les mots "au cours de la période" devraient être éliminés. En effet, il arrive fréquemment qu'un de nos clients achète de l'essence ou d'autres produits dans les autres provinces ou même aux Etats-Unis avec sa carte de crédit et que le coupon de crédit ne nous parvienne pour facturation que deux ou trois mois après la date de l'achat.

Le paragraphe e) de l'article 26 concerne la date et le montant des paiements par le consommateur. Présentement, le système utilisé par les compagnies pétrolières est d'indiquer le total des paiements effectués par le consommateur au cours de chaque période sans indiquer les montants de chaque paiement, s'il y en a plusieurs — ce qui est plutôt rare — et sans indiquer les dates respectives de ces paiements.

Nous n'avons jamais reçu de plaintes de consommateurs au sujet de cette pratique. Aussi, nous ne croyons pas que le système proposé apporterait plus de protection au consommateur qui paie un coût de crédit calculé sur une base mensuelle. Enfin, le coût de transformation de nos opérations pour répondre à l'exigence de l'article 26 e) serait d'un minimum de $100,000. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 26 e) soit rédigé comme suit: "La date et le montant de chaque paiement effectué par le consommateur au cours de la période si son coût de crédit est calculé par jour et le total de ses paiements au cours de la période si son coût de crédit est calculé par mois."

Comme vous le voyez, les problèmes que causerait l'application des articles 23 à 27 sont très sérieux. C'est pourquoi nous avons tenu à y consacrer plus de temps.

Au sujet de l'article 28 qui a trait aux contrats assortis d'un crédit accessoire, nous constatons que le terme "contrat assorti d'un crédit accessoire", qui n'est pas défini dans le projet de loi, risque de provoquer certains conflits d'interprétation en ce qu'il peut englober le contrat de vente à tempérament ou un contrat accordant un crédit variable. Aussi, pour éviter tout malentendu, il nous semble que cette notion devrait être précisée.

Je passe maintenant à la section IV qui a trait aux vendeurs itinérants et, en particulier, à l'article 48.

Cet article prévoit le droit, pour le consommateur, de résoudre un contrat dans une période de cinq jours à compter de la date d'exécution partielle ou totale par le commerçant.

Le but de cet article, semble-t-il, est d'accorder au consommateur une période de réflexion avant de s'engager définitivement dans un contrat avec un vendeur itinérant.

La mesure proposée par l'article 48 semble aller au-delà de l'intention du législateur en ce qu'elle fait de chaque contrat passé par un consommateur avec un vendeur itinérant un contrat de vente à l'essai. Le préjudice qui peut être causé au consommateur par l'imposition d'une telle exigence semble être plus grand que les maux auxquels il entend remédier. La raison de ce préjudice réside dans la façon dont serait calculé le délai de résolution qui commencerait à courir non pas à partir de la date où le consommateur signe l'écrit mais à partir de la date de l'exécution partielle ou totale de l'obligation du vendeur. Si chaque vendeur d'installations d'huile à chauffage qui sollicite ses clients en dehors de son établissement commercial devait se conformer à l'article 48 tel que rédigé, il est probable que les effets de cet article seraient de décourager un bon nombre de ces vendeurs d'installations à continuer ce genre de commerce. Ceci aurait un effet défavorable sur l'économie et sur le bien-être du consommateur.

Gulf Canada recommande donc que l'article 48 se lise comme suit: "Le consommateur peut résoudre le contrat au plus tard le cinquième jour de la date à laquelle il a signé le contrat."

Au sujet de la section VIII, qui concerne le Conseil de la protection du consommateur, il nous semble important, dans l'intérêt de tous, que les commerçants soient adéquatement représentés au sein du Conseil de la protection du consommateur. Et bien qu'aucune disposition ne soit établie dans le projet de loi sur la méthode utilisée par le lieutenant-gouverneur en conseil pour choisir les membres du conseil, il serait souhaitable, selon nous, que non moins de la moitié des membres du conseil soient choisis parmi les différents groupes de commerçants affectés par la présente législation.

Deux remarques sur l'application de la loi et des règlements. D'abord, à cause des change- ments importants qui devront être apportés à nos modes d'opération et à nos contrats pour se conformer à la loi et aux règlements, il y aurait lieu que le gouvernement accorde un délai raisonnable aux commerçants avant de mettre les dispositions de la loi et des règlements en vigueur.

Au sujet des règlements eux-mêmes, en tant que partie intéressée, nous serions heureux d'apporter notre coopération lors de leur élaboration.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Paradis. Y a-t-il des questions à poser?

Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: Merci, M. Paradis, ainsi qu'à vos conseillers. A la page trois de votre mémoire, concernant les vendeurs itinérants, nous notons que nous pouvons en exclure par l'article 97 p), par règlement, et nous avons l'intention d'exclure plusieurs vendeurs itinérants. Pour le reste, je trouve que votre mémoire est d'une grande valeur, surtout d'une grande valeur technique et je vous remercie au nom du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres question? Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Juste une question d'information. Sans aviser le client, parce que ça ne serait peut-être pas nécessaire là, est-ce que vous fixez un maximum de crédit, est-ce que vous limitez le crédit d'une personne qui a une carte de crédit chez vous? Sans l'aviser?

M. PARADIS: II existe, en fait, une limite de crédit dont le client, s'il paie régulièrement ses comptes, n'aura jamais connaissance. Cette limite de crédit varie d'un client à l'autre. Ce n'est pas la même limite pour un simple journalier qui utilise sa carte de crédit seulement pour acheter de l'essence que pour un exécutif qui s'en sert pour louer des automobiles ou pour fins d'hôtellerie, en plus d'acheter de l'essence. Alors, il existe des limites. Ces limites sont différentes de ce qu'on appelle la limite de vente. La limite de vente, en fait, ne concerne pas le consommateur; c'est une obligation qui est imposée aux détaillants, dans le but de contrôler la fraude sur les cartes de crédit.

Autrement dit, au-delà d'un certain montant donné sur la facture, le détaillant a l'obligation maintenant, avec le nouveau système qui a été installé pour essayer d'enrayer ces fraudes, de téléphonner par code. Alors, on lui révèle si la carte de crédit est valide ou si elle a été annulée. En général, lorsque la carte de crédit a été rapportée volée, automatiquement l'information est transférée dans nos ordinateurs, et c'est ainsi qu'on peut, très rapidement maintenant, prévenir la fraude par les cartes de crédit volées.

M. LEGER: D'après votre expérience, est-ce que la majorité des achats ou des crédits offerts aux clients dépasse souvent les $50 prévus à l'article 12?

M. PARADIS: Cette limite de vente que je viens de vous mentionner n'empêche pas du tout nos clients de faire des achats de $50, $100 ou même $150. Vous dire exactement jusqu'à quelle limite ça va, c'est difficile, parce que cela dépend de chaque client donné.

M. LEGER: Ce n'est pas tout à fait la question que je posais. Ce que je vous ai demandé, c'est quand on achète de l'essence ou de l'huile, les factures, la plupart du temps, sont inférieures à $50. C'est seulement quand il y a des réparations que cela peut peut-être dépasser $50. A l'article 12, on dit: La présente section ne vise pas le contrat où le montant de crédit accordé n'excède pas $50. Alors, je voudrais savoir quel pourcentage de vos crédits aux clients dépasse $50? Est-ce que ce sont plutôt des petites factures de $5, $7, $8, $10 qui sont pour de l'essence ou s'il y a une bonne proportion qui dépasse $50?

M. PARADIS: La plupart des achats individuels sont des petits montants. Mais, comme vous le savez, vous pouvez faire plusieurs achats au cours d'un mois. Eventuellement, vous pouvez avoir un solde à votre compte qui peut être supérieur à $50. Cela peut être très fréquent. A ce moment-là, si vous ne payez pas votre compte sur réception et que vous attendiez trop longtemps, à partir d'un certain moment, vous aurez à payer un coût de crédit ou des frais de service.

Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. LEGER: Oui. Maintenant, à la page 4 de votre mémoire, vous dites "tout vendeur non sollicité par un consommateur", et vous apportez l'exemple du vendeur d'huile. Le vendeur d'huile peut avoir été invité par la personne, mais une fois rendu dans la maison, selon l'amendement que vous voulez proposer, il peut offrir de vendre des appareils connexes à la fournaise. Parce qu'il y a plusieurs vendeurs d'huile qui ont aussi la possibilité de placer des purificateurs d'air ou différents appareils sur une fournaise. Ce sont des appareils qui ne seraient pas sujets, selon votre amendement, à la clause résolutoire s'ils ne conviennent pas à l'acheteur.

M. PARADIS: Est-ce que vous pouvez donner un exemple? Vous avez peut-être des exemples précis parce qu'à ma connaissance je n'en connais pas.

M. LEGER: Je prends un distributeur d'huile qui a aussi un service de réparation de fournaise, qui installe l'appareil et qui va distribuer votre huile à chauffage. Selon l'amendement, vous ne vouliez pas que le vendeur soit considéré comme un vendeur itinérant du fait qu'il aurait été sollicité par le consommateur pour venir lui vendre de l'huile. Mais, une fois rendu à la maison, le vendeur peut lui dire: Ecoutez, pour votre fournaise, vous devez avoir telle ou telle chose en surplus. Selon la loi, le vendeur itinérant doit accepter la clause résolutoire, mais vous passez à côté en disant qu'il a été sollicité. Mais, il a été sollicité pour l'huile et non pas pour les appareils à ajouter à la fournaise.

M. PARADIS: Je prends l'exemple que vous me donnez. Si ce cas précis était soumis au directeur ou même à un tribunal quelconque, je suis certain qu'il serait capable de faire la distinction entre le contrat de vente d'huile à chauffage et le contrat pour d'autres produits. Je pense que le texte que nous proposons n'empêcherait pas une interprétation favorable au consommateur.

M. LEGER: Une dernière question. Vous terminez votre mémoire en disant que vous aimeriez avoir un délai raisonnable avant de mettre les dispositions de la loi en vigueur. Qu'entendez-vous par délai raisonnable?

M. PARADIS: C'est assez difficile de répondre à cette question. Tout dépend des dispositions de la loi et des règlements qui seront éventuellement adoptés. Certains ont fait des représentations pour un délai de six mois; j'ai vu des mémoires à cet effet. Je ne voudrais pas vous donner un délai fixe. Il me semble que tout dépendra des dispositions de la loi.

M. LEGER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. A la page 9 de votre mémoire, M. Paradis, vous mentionnez, à l'article 26 "date et montant des paiements par le consommateur". Vous dites, au deuxième alinéa: "Nous n'avons jamais reçu de plaintes de consommateurs au sujet de cette pratique". Peut-être que les citoyens ne sont pas au courant, par exemple, qu'au lieu d'acheter à crédit de votre compagnie ils peuvent aller à une caisse populaire, emprunter $1,000, rembourser à raison de $100 par mois. Si je rembourse le 25ème jour, par exemple, on va me faire payer des intérêts sur 25 jours et non pas les versements mensuels que votre compagnie semble exiger. C'est cela que nous avons voulu atteindre par ces règlements. Vous dites, un peu plus loin, que, même si vous n'avez pas eu de plaintes, si on vous obligeait à effectuer cette transformation, ça coûterait $100,000. Si ça coûte $100,000, est-ce que vous pourriez aussi avoir prévu ce que ça épargnerait aux

consommateurs? Est-ce que ça ne leur épargnerait pas $500,000? Alors, si Gulf, qui est vendeur d'huile et non pas vendeur de crédit, veut rendre service aux consommateurs, elle doit être prête à dépenser $100,000 pour épargner $500,000 aux consommateurs canadiens. Ne croyez-vous pas?

M. PARADIS: C'est votre opinion. Au sujet, par contre, du premier point, il me semble que vous ne faites pas tellement la distinction entre le cas où le coût de crédit est calculé par jour et le cas où le coût de crédit est calculé par mois. En général, avec une carte de crédit, toujours, dans notre industrie, le coût de crédit est calculé sur une base mensuelle; 11/2 p.c, disons, du so.de impayé.

M. DUMONT: Même s'il y a eu des montants de payés dans l'intervalle.

M. PARADIS: Non, ici il faut faire une distinction. S'il y a eu des paiements de faits au cours de la période, avant la date d'échéance indiquée sur l'état de compte mensuel, ces montants sont déduits du solde et automatiquement le solde impayé est réduit. Le consommateur a un bénéfice pour une certaine période donnée. Disons qu'il n'a pas à payer de coût de crédit jusqu'à la fin de la période.

M. DUMONT: Plutôt que de transformer votre méthode d'action —j'imagine qu'un cerveau électronique vient à votre secours — seriez-vous prêts à engager cette somme de $100,000 dans l'éducation du consommateur, parce que nous considérons que vous vendez des services et de l'huile, et non du crédit?

M. PARADIS: Nous avons de nombreux clients dans la province de Québec, nous sommes une compagnie respectable...

M. DUMONT: Nous n'en doutons pas.

M. PARADIS: ... et nous croyons qu'il est important, et pour le consommateur et pour nous, de renseigner le consommateur sur son coût de crédit. L'intention du projet de loi ici n'est pas quelque chose de nouveau pour nous. Nous renseignons déjà le consommateur sur son coût de crédit. Disons que notre travail d'éducation a déjà été fait.

M. DUMONT: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci. Y a-t-il d'autres questions? Je vous remercie, M. Paradis, de votre brillant exposé et soyez assuré que la commission parlementaire va certainement tenir compte des recommandations que vous avez formulées.

J'invite maintenant les délégués de la compa- gnies Québec Propane Inc. à se présenter devant la commission.

Québec Propane Inc.

M. MORRIS: M. le ministre, MM. les membres de la commission, tout d'abord je désire exprimer notre appréciation non seulement pour l'occasion que nous avons d'exprimer nos vues sur ce très important projet de loi, mais sutout peut-être pour l'atmosphère de compréhension et de dialogue qui prévaut aujourd'hui et qui va certainement nous aider beaucoup dans notre courte présentation.

Nous vous avouons que ce n'est pas sans une certaine trépidation que nous nous présentons devant vous, peu habitués que nous sommes de présenter des mémoires devant une commission de l'Assemblée souveraine de la province de Québec, Nous demandons votre indulgence. J'insiste sur le fait que le président de Québec Propane Inc., M. Joseph Moreau, a insisté pour être présent avec moi afin d'aider, au maximum, la commission à comprendre peut-être certains aspects techniques relatifs à l'industrie du pétrole et du gaz propane en particulier.

We particularly appreciate, Mr. Minister and Mr. Chairman, the athmosphere of dialogue and understanding which prévales today and which will certainly help us greatly in making our few brief remards to you this afternoon.

Dans le sens indiqué par le président de la commission, nous allons insister sur les quelques idées maîtresses de notre court mémoire, quitte, par la suite, à essayer de répondre, au meilleur de nos connaissances, aux questions que vous pourriez poser.

Il est d'abord important d'insister sur les quatre idées suivantes. La première, il nous fait plaisir de le souligner, a déjà été indiquée par l'honorable ministre et les membres de la commission, comme étant un domaine où un amendement serait noté; il s'agit de l'idée que le projet de loi en question ne devrait pas s'appliquer au consommateur commerçant pour diverses raisons qui ont déjà été moult fois exposées ici et sur lesquelles je n'insisterai pas cet après-midi, vu l'heure tardive.

Mais je me permets de souligner l'aspect encourageant de la chose. Grâce à des remarques qui ont été soumises à la commission, il y a déjà une preuve que le dialogue se traduit par quelque chose de concret et il y a là un exemple d'amendement qui semble acceptable à la commission et au ministre. C'est très encourageant pour nous.

Nous désirons aussi souligner qu'à notre avis, ce bill ne devrait pas s'appliquer à une industrie ou un commerce qui est déjà contrôlé, d'une façon ou d'une autre, soit par une loi spécifique, soit par une régie. Il existe, comme vous le savez, un certain nombre de lois spécifiques qui régissent certaines industries; il existe aussi des corps semi-gouvernementaux comme, dans le

cas qui nous intéresse, la Régie de l'électricité et du gaz qui contrôle l'industrie d'une façon fort efficace et dans l'intérêt du consommateur, en définitive. Nous croyons que c'est là un aspect extrêmement important et, plutôt que de vous réciter un tas d'amendements suggérés tout à l'heure, nous voulons accentuer cet aspect parce que nous pensons que ce n'est peut-être pas l'intention du législateur d'avoir une double réglementation d'une industrie qui va déjà très bien et qui ne nécessite pas une surabondance de dispositions législatives qui ne pourraient peut-être qu'aboutir à créer la confusion et chez le consommateur et chez les tribunaux qui sont appelés de temps à autre à interpréter ces lois.

Une troisième idée qui nous semble très importante et que nous voulons souligner à la commission est qu'il nous semble que ce bill ne devrait pas s'appliquer à des produits qui se consomment déjà par l'usage. Le bill en question prévoit déjà un respect de ce concept, en ce sens que, sans référer trop précisément à la loi, il est prévu au début de la loi qu'il est excepté de l'orbite de cette loi les aliments qui sont achetés à un marché. La raison est bien simple: il s'agit d'une chose qu'on consomme. Forcément, une fois qu'on l'a consommée, il est bien difficile de faire toute une histoire et de vous retourner la chose achetée. Evidemment, ce n'est pas pratique, ce n'est pas possible. Nous soumettons que l'industrie du gaz propane est dans le même ordre d'idée. C'est une chose nécessaire. Ce n'est pas un luxe que le gaz propane. Ce n'est pas comme une Cadillac ou un avion à réaction. C'est une chose nécessaire, comme le logis, comme la nourriture. On a besoin de carburant, soit pour une maison, soit pour une industrie. J'appliquerais le même principe que si on admet que les aliments sont exceptés — et ils font l'objet d'une exception précise — on devrait peut-être étendre le même raisonnement et admettre que cela devrait s'appliquer à une gamme de produits qui sont consommés par l'usage.

Nous soumettons respectueusement que le véritable but de la loi est avant tout de protéger le consommateur dans le domaine de l'achat au sens défini d'un objet durable, comme une pièce d'équipement, une automobile; des choses de ce genre, mais qui sont durables. De sorte que si ce n'est pas satisfaisant la garantie s'applique; on retourne l'objet, les parties s'entendent ou ne s'entendent pas, mais enfin la loi peut agir d'une façon efficace. Si l'objet a été consommé, cela devient une question purement académique.

Etant donné que ce projet de loi — comme tous les projets de loi — représente de la part du législateur un effort de communication avec la population pour régir et régler certains problèmes, nous croyons qu'il est utile de souligner la porte de sortie que présente l'article 97 p) qui permet au cas où il serait vraiment trop compliqué de faire toute une série d'amende- ments à ce projet de loi, d'excepter, soit une industrie, soit une partie d'une industrie de l'orbite de cette loi. Nous tenons pour acquis que les membres de la commission et M. le ministre ont lu les différentes suggestions de détail que nous faisons dans la deuxième partie de notre mémoire quant à des amendements possibles.

Vu que nous tenons cela pour acquis, il n'y a pas lieu d'insister et de lire dans les détails de nouveau ce que vous avez déjà lu et dont vous avez pris connaissance. Nous croyons qu'avec la meilleure volonté du monde, il pourrait s'avérer difficile pour les membres de la commission, pour les légistes du ministère approprié, d'inclure tous ou même une partie substantielle des amendements que nous, ou d'autres industries, avons l'honneur de vous soumettre. Dans ce cas-là, il serait plus simple — puisque la perfection n'est pas de ce monde, et que la politique c'est l'art du possible, cela demeure toujours vrai — de vous servir tout simplement de l'article 97 p) et par arrêté ministériel de dire que telle industrie, à cause de sa nature, est exemptée, si vous voulez, de l'orbite de cette loi. ce qui peut simplifier beaucoup les choses et, en somme, arriver au même résultat, jusqu'à un certain point.

Nous ne voulons pas diminuer l'importance de nos quelques remarques maîtresses, en particulier sur la question de l'objet qui se consomme par l'usage. Cela est assez important, c'est une idée de base et je pense que, si vous ne l'approuvez pas, même si vous tirez profit de l'article 97 p) le problème va demeurer pour d'autres industries, même si vous accédez à notre suggestion d'être exemptés en vertu de l'article 97 p). Nous ne faisons pas de représentations uniquement pour nous; nous croyons que l'industrie du gaz propane étant tellement proche du consommateur, sa prospérité c'est notre prospérité. Si le consommateur est prospère, il achètera davantage d'équipement de camping, il se servira davantage de propane chez lui, il ira plus souvent au restaurant qui se sert d'équipement de propane. Nous sommes donc près du consommateur et nous sommes en faveur de tout ce qui peut lui permettre d'être plus prospère.

Ceci dit, nous sommes à votre disposition au cas où vous auriez des questions, parce que nous ne voulons pas vous lire toutes les suggestions de détail que nous avons. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: J'ai une question. A la page 3, paragraphe c), vous parlez de l'injustice qui pourrait être causée par le fait que, si vous êtes inclus dans cette catégorie de commerçants, il se pourrait qu'une compagnie d'huile ou de chauffage électrique puisse faire résilier le con-

trat déjà passé et avoir elle-même un autre contrat. Est-ce que cela ne relève pas plutôt de l'éthique professionnelle? Même si c'était le contraire, disons que Québec Propane pourrait aussi faire la même chose, pour un contrat avec une autre compagnie. N'est-il pas plutôt question d'éthique professionnelle plutôt que de mettre cela dans une loi?

M. MORRIS: Je vous avoue que je ne comprends pas entièrement le sens de votre question. Naturellement, de notre côté, je crois que nous pouvons, sans faire l'apologie nous-mêmes de notre industrie, dire que l'industrie du gaz propane, en toute sincérité, est un domaine où il n'y a pas vraiment de problèmes pour le consommateur. Nous croyons que quant au prix, le consommateur reçoit une valeur à un prix concurrentiel, c'est reconnu; nous sommes en concurrence avec le pétrole, avec l'électricité. Quant à la qualité, le consommateur ne souffre jamais de la qualité du gaz propane, la qualité est constante, cela est reconnu. Quant à la sécurité, nous sommes surveillés, donc, il n'y a pas de problèmes.

M. LEGER: Excusez-moi. Ce n'est pas tout à fait ma question. Au paragraphe c) vous dites: "Vu le caractère tellement compétitif de notre industrie..."

M. MORRIS: Oui.

M. LEGER: J'en passe. Et vous dites: "Le consommateur, en effet, pourrait exhiber à nos concurrents notre contrat, obtenir un léger escompte et résoudre son contrat avec nous." Vous voulez dire par là qu'il y aurait un danger pour vous de perdre des clients qui ont déjà signé avec vous...

M. MORRIS: Oui.

M. LEGER: ... du fait qu'un concurrent pourrait vous les enlever.

M. MORRIS: Oui, nous le croyons.

M. LEGER: La même chose de l'autre côté. Un contrat signé par une compagnie d'huile pourrait aussi avoir été mis de côté par vos vendeurs pour avoir le contrat. Alors, je ne vois pas comment vous pouvez dire que, dans la loi, il devrait y avoir une particularité à cause de cet argument. Peut-être pour d'autres, mais je ne vois pas par l'argument que vous invoquez que vous devriez être exclus de ce groupe de vendeurs itinérants, ce qui vous oblige à subir, peut-être, la résolution d'un contrat.

M. MORRIS: Voici, ce n'est pas original, ce que je vais vous dire. Cela a déjà été dit, notamment, dans le mémoire du Board of Trade, où j'ai eu quelque chose à faire. Peut-être que la difficulté serait résolue si, au lieu de dire "le cinquième jour après l'exécution", on disait "le cinquième jour après la signature du contrat". Si quelqu'un signe avec nous, nous laissons les cinq jours passer et, si nous n'avons pas de nouvelles, eh bien, tout marche. Cela pourrait très bien marcher.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. A la page 8, vous dites: "Dans l'industrie du pétrole et l'industrie du gaz propane, nous achetons le produit chez différents fabricants. Le pétrole, par exemple, peut provenir de l'Amérique du Sud, du Moyen-Orient ou d'Europe." Est-ce que vos sources d'approvisionnement sont québécoises et canadiennes ou si vous achetez le gaz propane et les sous-produits du pétrole à l'extérieur du pays?

M. MORRIS: C'est une excellent question. Je vous remercie de l'avoir posée. En ce qui concerne le pétrole, disons, comme nous l'avons mentionné au début, que ce n'est pas notre principale activité, parce que nous avons loué à une autre compagnie de pétrole nos stations-service. Donc, ce sont les produits d'une autre compagnie de pétrole qui passent par là. Voici, tout de même, un mot sur le pétrole avant d'insister sur le propane.

Comme vous le savez, il y a une politique nationale sur le pétrole qui a fait la manchette ces dernier mois. C'est la vallée de l'Outaouais qui forme la ligne magique, si on peut dire. Le pétrole de l'Ouest ne traverse pas cette ligne et le pétrole de l'Est... C'est comme: "The East and West, and never the train shall meet". Alors, c'est comme cela. Cela répond assez à votre question, je crois, sur le pétrole.

Mais cela ne s'applique pas au propane. Par exemple, nous pouvons vendre, dans la région de Montréal ou dans toute la province de Québec, du propane qui vient directement de l'Ouest. Evidemment, il est question de quantités, n'est-ce pas, d'offres, si vous voulez, qui ne suffisent pas à nos besoins, comme compagnie. Nous achetons donc du gaz propane qui est raffiné par des compagnies de pétrole. Nous achetons de l'une ou de l'autre, n'est-ce pas. C'est une question de concurrence, d'offre et de demande, de prix. Nous avons donc deux sources essentielles pour le gaz propane.

M. DUMONT: Je n'ai pas remarqué, dans votre mémoire, la question de la pollution. Est-ce que le gaz propane peut réellement, à la différence des autres pétroles, apporter une solution au problème de la pollution de l'air?

M. MORRIS: Vous nous rendez très heureux en posant cette question, parce que nous payons très cher pour la publicité dans ce domaine et voici que nous avons l'occasion, devant un auditoire de cette qualité, de dire et

de confirmer qu'en effet un des grands points de notre produit, c'est qu'il est d'une propreté exemplaire au point de vue de la pollution. Il n'y a pas de résidus. Donc, certainement que cela aiderait beaucoup.

J'ai d'ailleurs vu dans les journaux, tout récemment, que, dans l'Ouest canadien, on s'était appliqué à installer, dans certaines automobiles, un dispositif qui permet, par une manette, de se servir, soit d'essence conventionnelle, soit de gaz propane.

Donc, il se pourrait qu'il y ait dans ce domaine-là comme dans d'autres une solution à la pollution. Le propane est là pour vous servir.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions des membres de la commission?

Merci, M. Morris. Nous continuons en invitant les représentants de la maison Grolier limitée.

Grolier limitée

M. TALBOT: Je me présente, je suis Normand Talbot, représentant de la compagnie Grolier. Je suis accompagné de M. Gaston Lavoie, qui est directeur de la compagnie.

Nous sommes d'accord avec le principe du bill 45 et nous pensons que certainement le consommateur peut être victime de commerçants peu scrupuleux; par conséquent, il doit être protégé. Cependant, nous ne croyons pas que ça doive aller jusqu'à nuire à des commerçants honnêtes, qui par ailleurs ne nuisent pas aux consommateurs.

Notre principale préoccupation à nous, pour en venir aux faits le plus tôt possible, est l'abolition des exceptions qui étaient prévues à l'article 1561 j) du code civil, qui au paragraphe d), entre autres, prévoyaient que les livres de référence, les encyclopédies, tout le matériel éducationnel ne tombaient pas sous le coup des règles prévues dans les articles 1561 a) à g) exigeant entre autres — et c'est ça qui nous fait le plus mal, disons — 15 p. c. de paiement de base sur l'achat de ces articles.

Cette exemption reconnaissait, à notre avis, l'importance très grande du livre de référence en l'exemptant des limitations qui pouvaient être posées à son achat.

Or, et c'est notre avis, nous allons essayer de vous le prouver: le livre de référence est loin d'avoir perdu l'importance qu'il avait au moment où ces lois ont été adoptées. C'est ce qui, nous le croyons, nuirait le plus au consommateur dans les articles que la loi prévoit là-dessus.

Grolier limitée est établie au Québec depuis 1923 et a ses quartiers généraux à Montréal. Nous avons publié plusieurs encyclopédies écrites en collaboration avec nos universitaires et notre intelligentsia canadienne-française et qui servent nommément la cause canadienne-française. C'est à peu près les seules encyclopédies proprement québécoises, qui ne sont pas impor- tées de France, et c'est important de les préserver et surtout de les répandre le plus possible.

L'importance de ces publications est facilement prouvée par trois choses, entre autres: le volume des ventes, qui est assez grand, et qui prouve qu'elles ont été importantes dans le passé et qu'elles le demeureront; les nombreuses lettres de reconnaissance que nous avons reçues et que je pourrais mettre à la disposition de la commission; la place qu'occupent nos volumes de référence dans les bibliothèques.

De plus, le volume de référence est essentiel et ça se prouve par l'intérêt que le ministère de l'Education a montré en développant les bibliothèques et en les garnissant de livres de référence du même type que les nôtres. C'est ce que le ministère de l'Education tend à faire, actuellement; il développe de plus en plus de bibliothèques régionales pour permettre l'accès aux références. Cela prouve l'importance des références.

La pédagogie nouvelle, par ailleurs, met l'accent sur les travaux personnels, et cela crée aussi un besoin de références encore plus grand. De plus en plus, nos étudiants sont obligés de faire des travaux à la maison et cherchent frénétiquement du matériel pour y arriver. Or, ils le trouvent dans les volumes de référence et dans le matériel éducationnel que la compagnie met à la disposition des étudiants.

Nous avons, par exemple, un service, le service d'information qui sert de complément à notre matériel éducationnel et qui fournira, sur demande, à tous nos souscripteurs, de la documentation sur n'importe quel sujet encyclopédique qui pourrait être demandé. C'est très important et cela permet de garder le savoir à jour et de compléter ce qui est impossible d'inclure dans une encyclopédie, mais qui est quand même du savoir important à posséder.

Un tel service...

M. TETLEY: Pardon, monsieur... M. TALBOT: Excusez-moi.

M. TETLEY: Je comprends très bien l'importance de Grolier. En effet, j'ai été autrefois l'avocat de la compagnie, mais est-ce que cela veut dire qu'il faut éviter les exigences de la Loi de la protection du consommateur?

M. TALBOT: Non, non, pas du tout. Nous ne demandons pas d'être exemptés de toute la loi, non plus. Ce que nous voulons dire, c'est qu'il ne faut pas créer de limitation à l'achat du livre, du type de celle, par exemple, qui impose 15 p. c. à l'achat. C'est là-dessus que je veux en venir. Je cherche à faire valoir ici l'importance du livre pour qu'ensuite je puisse faire valoir qu'en mettant des restrictions telles que 15 p.c. à l'achat, on pourrait créer un empêchement majeur, surtout pour les familles à faible reve-

nu, qui. éventuellement, ne pourront pas se procurer les volumes nécessaires.

Bien au contraire, nous croyons justement — c'est souvent le cas dans l'encyclopédie — qu'il y a toutes sortes de gens et qu'il faut les contrôler. Il faut empêcher les gens peu scrupuleux — c'est ce que je disais au début — de s'immiscer dans le commerce et de faire de mauvaises affaires. Sur ce point, je suis parfaitement d'accord avec vous. Mais je ne crois pas que ce soit en imposant, par exemple, les fameux 15 p. c. qui étaient exemptés autrefois par le code civil. Je ne crois pas que ce soit en faisant un tel règlement que l'on arrive à clarifier la situation dans le domaine de l'encyclopédie.

Pour maintenir un haut standard de qualité, justement, il faut un gros volume de vente. C'est pourquoi, dans un domaine aussi vital que celui des volumes de référence, on a deux bonnes raisons d'éviter, autant que possible, les empêchements à la vente. Ce sont les empêchements à la vente qu'on veut multiplier, non pas les empêchements à la fraude, les empêchements à la vente comme telle, à la vente honnête et pour ça, il faut... Pour quelle raison faut-il les empêcher? C'est que premièrement, la population a un besoin très grand de livres de référence de qualité. Deuxièmement, pour que ces volumes aient de la qualité, il faut que la vente soit large. Parce que sans ça, nous n'aurons pas les moyens de garder nos volumes à jour. Récrire les encyclopédies coûte très cher et il faut justement que ce soit très répandu.

Or, si on soumettait le commerce du livre à toutes les mesures contenues dans le bill, on pense que la distribution en serait restreinte et que ce ne serait pas dans le meilleur intérêt des consommateurs.

Alors, je vais me permettre de vous suggérer —cela ne sera pas tellement long — un certain nombre de recommandations que l'on fait à cet effet. L'article 5 ne contient pas de définition du mot "délai suffisant". Cela a été dit par tout le monde et je pense que la commission a l'intention de voir à cela. Seulement, j'ai remarqué que, de plus, elle pouvait faire double emploi dans le cas des ventes à domicile où, justement, l'individu jouit d'une période de cinq jours pour réfléchir; il a donc amplement le temps de lire son contrat. Alors, il n'y aurait pas nécessité, au moins dans les cas de vente à domicile, de créer un article supplémentaire où l'on parle d'un délai suffisant, puisqu'il y a cinq jours, au moins à la base, pour lire.

Deuxièmement, à l'article 31, —c'est justement l'article en question, les 15 p. c. — on parait affecter le plus gravement le commerce du livre de référence. Notre recommandation serait qu'on élimine tout règlement quant au paiement initial sur l'achat des volumes de référence, tout au moins. C'est un pourcentage prohibitif pour des choses aussi essentielles que le volume de référence. On peut l'imposer pour des objets de luxe, cela ne nous dérange pas, mais on ne devrait pas mettre de barrière à l'achat du matériel éducatif dont la province a tellement besoin.

Si cet article devait être adopté, je pense que plusieurs familles à faible revenu en souffriraient, je l'ai dit tantôt. C'est surtout cela qui est le point essentiel de notre intervention ici: Ne pas réduire les achats honnêtes et en bonne et due forme de volumes qui pourraient être faits par une limite qui, finalement, n'est pas une garantie d'honnêteté des contrats mais tout simplement une limitation à la diffusion du savoir et des références dans la province.

A l'article 35, le délai de 30 jours nous parait trop long, comme pour plusieurs d'ailleurs, y compris le Barreau qui en a parlé. Dans notre cas, entre autres, je sais que l'on fait la reprise seulement dans les cas où il y a vraiment mauvaise foi de la part du client. Or, ce sont justement ces gens-là, qui ont mauvaise foi, qui sont les plus susceptibles de ruiner notre marchandise, ou encore de s'en débarrasser, de la receler, d'en faire quoi que ce soit, de telle façon que l'on ne puisse plus la reprendre. Trente jours, c'est beaucoup trop long et il faudrait que ce soit ramené à des proportions plus raisonnables de telle sorte que l'on puisse justement ne pas se faire rouler par les fraudeurs. Dans le commerce d'encyclopédies, on accorde des conditions de crédit très faciles et on ne charge rien pour le crédit; de fait, les gens achètent nos volumes et parce qu'ils sont mal pris, ou je ne sais quoi, les revendent pour $100 ou n'importe quel montant, juste pour se déprendre, et ensuite, si nous n'avons pas la faculté de les reprendre rapidement, nous ne pouvons jamais retrouver nos volumes. C'est important que le délai ne soit pas trop long.

A l'article 48, on dit: "Cinq jours après l'exécution totale ou partielle du contrat." On dit, dans notre mémoire, que c'est vague et trop long. C'est vague, parce que ça contient les mots "totale ou partielle". Qu'est-ce qu'une exécution partielle? Je suis vendeur d'encyclopédies, je viens vendre pour $300 d'encyclopédies à un individu et, entre autres, là-dedans, il y a un dictionnaire de $5. Je dis: Vous pouvez avoir cela. C'est déjà livré, je l'ai dans mon auto, dans ma valise, j'en ai une cinquantaine et je lui laisse. Je m'en vais chez moi. Le client ne sait pas que c'est une exécution partielle. Il ne peut pas présumer que c'est une exécution partielle et il laisse passer les cinq jours. Il attend pour avoir sa livraison et puis, la livraison arriverait et il n'y aurait pas moyen à ce moment-là d'annuler puisqu'il y aurait déjà livraison partielle depuis cinq jours. Ce sont des imprécisions qu'il faut éviter.

Nous sommes parfaitement d'accord avec un délai de cinq jours, justement pour empêcher les poteaux, ces choses-là et les mauvaises ventes, pour empêcher aussi surtout les ventes sous pression. Cinq jours après la date de la

signature du contrat, ça me semblerait plus raisonnable parce que ça élimine la pression. Mais, par contre, si on fait des ventes à l'essai, on peut contourner ça très facilement de toute façon et ça devient très onéreux pour une compagnie qui doit livrer sa marchandise et la reprendre à ses frais ensuite.

A l'article 52, la rédaction de cet article nous laisse perplexe. Cela rejoint un peu ce que le Barreau disait, ce matin. Il semble laisser reposer le risque de la chose sur le commerçant, s'il n'y a pas la faute du consommateur. Je vais lire l'article 52, de la façon dont on le comprend, du moins: "Le consommateur ne peut demander la résolution du contrat si l'objet qu'il a reçu du commerçant ne peut être restitué à ce dernier par suite d'un fait ou d'un d'une faute dont le consommateur est responsable." Donc, si le tonnerre tombe sur ma maison et que la marchandise est détruite, c'est le commerçant qui devrait supporter le risque de la chose. Ce n'est pas normal. En bon droit, ce devrait être le possesseur de la chose qui doive en subir les conséquences. C'est comme cela dans le code civil actuellement et ça devrait, à notre avis, rester comme cela. Evidemment, s'il y va de la faute du consommateur... qu'il y ait faute du consommateur ou non, si l'objet est en sa possession et qu'il est détruit, ça devrait être au consommateur à en subir les conséquences.

A l'article 70, le bureau, à notre avis, devrait assumer un rôle de médiateur dans certaines disputes, commerçant-consommateur. D'ailleurs, ça se fait dans d'autres provinces. Ce rôle pourrait être extrêmement utile parce que, dans ces cas-là, il y a souvent des consommateurs qui ne connaissent pas très bien la loi et qui font des réclamations qui ne sont pas fondées, ou des commerçants aussi, qui peuvent ne pas être au courant de la loi et qui pourraient entreprendre des procédures inutiles, parce que la loi ne leur a pas été expliquée.

Si le bureau avait un rôle de médiateur et de conseiller, il pourrait éviter beaucoup de chicanes inutiles. Je pense que cela pourrait être utile aussi.

L'article 99 — le Barreau a parlé là-dessus aussi ce matin — risque, selon sa rédaction actuelle, de bouleverser notre droit contractuel et, par là, de rendre le contrat commercial très incertain. En fait, cet article ne semble même pas prévoir que le commerçant pourrait présenter lui aussi une preuve testimoniale à l'encon-tre du témoin de l'autre partie. Je pense ici — c'est une suggestion que je veux faire — qu'on pourrait ajouter à la fin de cet article quelque chose comme ce que prévoit l'article 569 du code civil au sujet des maîtres commettants, je pense, et qui se termine comme ceci: "Mais ce serment peut être contredit comme tout autre témoignage." On pourrait ajouter cela à l'article 99 afin qu'il se lise comme ceci: "Tout consommateur peut administrer une preuve testimoniale même pour contredire ou changer les termes d'un écrit lorsque la présente loi n'a pas été respectée, mais ce témoignage pourrait être contredit comme tout autre témoignage." Je pense qu'il est important, si l'on permet à une partie de présenter un témoignage en dehors de l'écrit, de permettre aussi à l'autre partie de présenter un témoignage pour contredire ce témoignage-là. Sinon, on pourrait s'acheter n'importe quel chauffeur de taxi pour jurer n'importe quoi.

A l'article 111, — cela n'est pas tellement important, mais ce serait peut-être quelque chose de valable à noter — il semble y avoir une erreur de traduction dans la partie anglaise du texte. On dit: "Any consumer" à la place de "the consumer". Cela voudrait dire, selon la version anglaise, que n'importe quel consommateur pourrait s'immiscer dans les affaires d'un tiers consommateur et demander la résolution. Je pense que l'on devrait dire "the consumer", celui-là même qui est concerné par le contrat. Parce que "any consumer" veut dire n'importe que! consommateur, en français. C'est tout.

M. Lavoie me fait remarquer que nous vérifions chaque commande. Dans le commerce du livre, étant donné que nous avons des vendeurs itinérants, nous avons trouvé très important de faire la vérification de chaque commande. Ceci s'inscrit dans l'article 48: "Cinq jours après exécution totale ou partielle." Nous pensons que le fait de vérifier les commandes devrait nous permettre d'éviter de tomber sous le coup des articles comme celui-là, les article 48 et 35, qui sont justement là pour protéger le consommateur. Or, le fait de vérifier la commande et de vérifier si tout ce qui était écrit et dit dans la commande est conforme à ce que le client désirait, crée justement pour le consommateur une sécurité qui remplacerait les sérurités prévues par les article 48 et 52. C'est tout, je vous remercie.

M. TETLEY: Je vous remercie, M. Talbot. Nous avons pris des notes. Je crois qu'il y a de bonnes suggestions dans votre mémoire. Je regrette, mais je ne l'ai pas eu avant cet après-midi.

M. TALBOT: Oui, nous sommes arrivés un peu à la dernière minute.

M. TETLEY: II est de grande valeur et je vous en remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. Talbot affirmait quelque chose au début de son exposé et j'ai remarqué que certaines autres personnes qui sont venues devant nous ont dit la même chose. Il semblait, à la suite de plusieurs représentations qu'un consensus se formait au sein de la commission pour accepter certains amendements qu'on pro-

posait, entre autres, sur la question du délai suffisant, sur le paiement initial de 15 p. c, sur la reprise d'un bien, sur la résolution, sur l'erreur de bonne foi, sur le coût de crédit, choses qui sont venues régulièrement. Je fais remarquer qu'il ne faudrait pas tenir pour acquis que, parce que beaucoup de gens ont amené ça, c'est la solution idéale. Jusqu'à maintenant, si on regarde, comme je le disais à la première réunion, la quantité d'organismes qui ont demandé de se faire entendre à la commission parlementaire, on voit qu'il y en a 32 qui représentent le point de vue du producteur ou du commerçant. C'est sûr que les producteurs se sentent visés par cette loi et qu'ils vont en arriver — on le voit — à un certain consensus, alors que nous n'aurons à peu près que cinq personnes représentant des organismes qui s'occupent de protection du consommateur et qui, eux, semblent avoir un consensus de l'autre côté.

M. TETLEY: Mais, le gouvernement veut protéger le consommateur.

M. LEGER: C'est justement pourquoi je vous disais ça. Nous sommes en face de deux philosophies: la philosophie du producteur qui doit voir à écouler son produit et la philosophie du consommateur qui demande au gouvernement de mettre dans cette loi une dimension sociale que, très souvent, le producteur peut oublier dans son désir d'accroître sa production. Même s'il y a plusieurs personnes qui en parlent, cela ne veut pas dire que le consensus se fait de ce côté-là. Il faut équilibrer les chances.

M. TALBOT: II reste que chacun des producteurs — nous pouvons parler pour nous, parce que nous n'avons que notre expérience — connaît assez bien ses consommateurs et est assez bien placé pour parler en leur nom. On sait que des gens désirent ardemment posséder des volumes. On leur impose un coût initial minime et c'est déjà beaucoup; il semble déjà que ça les force, mais cela ne les empêche pas de désirer vraiment posséder nos volumes et d'en avoir besoin.

Il est certain qu'on ne doit pas leur vendre des choses sous pression. C'est pour ça que nous sommes d'accord avec les cinq jours de réflexion. Cela leur donne toute la chance de peser le pour et le contre. Nous sommes tellement certains que les volumes de référence sont nécessaires que nous sommes persuadés qu'au bout de ces cinq jours-là la plupart des gens qui signeraient nos contrats seraient encore d'accord pour les acheter. Même après cinq jours, la nécessité des volumes ne disparaîtrait pas pour autant. Nous sommes d'accord là-dessus, mais les 15 p. c., eux, sont prohibitifs, à la base. Qu'on soit d'accord ou non, qu'on ait les moyens ou non, si on n'a pas les 15 p. c. sur soi à un moment donné, on ne pourra pas devenir propriétaire de volumes qui seraient nécessaires. C'est là-dessus surtout qu'on insite.

Il faudrait, au moins, pour les volumes — c'était le cas, d'ailleurs, autrefois dans le code civil — qu'on mette ça au rang des instruments aratoires, des barques de pêche, des choses essentielles à l'épanouissement des gens et à leur progrès social. On a besoin d'une barque pour travailler; bien, on a besoin de volumes pour s'instruire et pour avancer. On ne devrait donc pas mettre de limites aussi strictes que 15 p. c. sur le prix de base à l'achat. C'est surtout ça qu'on veut dire. Nous sommes d'accord avec les autres limitations, parce que, justement, ça protège le consommateur, mais je ne pense pas que les 15 p. c. imposés à l'achat d'un volume protègent le client. C'est plutôt justement limitatif. C'est une limitation économique et non pas sociale. Le bill devrait surtout être social, chercher à protéger l'économiquement faible et non pas l'empêcher, justement, de s'en sortir, en s'instruisant et en lisant des choses qui l'aideraient ou en achetant des barques s'il est pêcheur. S'il ne peut pas se l'acheter, il ne gagnera pas beaucoup d'argent à tendre sa ligne du quai.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Ne croyez-vous pas que, peut-être ça peut protéger certains clients de ne pas pouvoir acheter quelque chose qu'il ne veut pas acheter, si les 15 p. c. lui sont imposés?

Je crois réellement que pour quelqu'un qui n'a pas beaucoup de défense... Il y a bien des clients qui n'ont pas de défense devant un bon vendeur, et si réellement il n'a pas les 15 p. c. à débourser, il s'agirait certainement d'un moyen de défense s'il pouvait dire que la principale raison...

M. TALBOT: Ce ne serait pas un moyen de défense contre le vendeur, ce serait un moyen d'autodéfense contre lui-même parce que, justement, il a cinq jours de réflexion. Le vendeur, après avoir vendu son produit, il part, et le client a quand même cinq jours de réflexion pour se sortir de cette pression. Normalement, dans toutes les provinces et partout aux Etats-Unis on a conclu que cinq jours c'était plus que suffisant pour apprécier convenablement la démarche qu'on a faite en signant tel contrat. Par ailleurs, on vérifie le contrat, comme je vous dis, et on s'assure que c'était bien ce que le client voulait acheter. Les gens qui font la vérification ne reçoivent pas de commission, ils n'ont pas intérêt à pousser la vente du tout, eux; ils cherchent exactement à savoir dans quel sens le consommateur a compris son engagement et ça se termine là. Les 15 p. c. viennent, au contraire, poser une limitation, même malgré

la volonté de l'individu d'acheter le produit, malgré la nécessité qu'il peut en éprouver.

M. AUDET: Le bill le prévoit peut-être, mais pour la protection du consommateur, en ce sens que, si le client n'a pas les 15 p. c, c'est que, peut-être, il n'a pas les moyens de s'acheter une telle chose. Il devrait au moins pouvoir payer une partie de cette chose assez dispendieuse.

M. TALBOT: J'admets qu'il y a des choses qui ne sont pas essentielles, mais on voudrait se procurer les choses essentielles à n'importe quel prix. A notre avis, le livre de référence, et c'était d'ailleurs dans le code civil avant, est une chose très essentielle parce que, justement, cela peut être un instrument, un investissement pour l'avenir qui va permettre ultérieurement de mieux vivre et de mieux être. Par exemple, j'en reviens encore à mes instruments aratoires: le cultivateur qui n'a absolument rien pour cultiver sa terre et qui n'a pas les 15 p. c, il va rester pauvre toute sa vie. Si vous lui donnez la chance d'emprunter, même s'il n'a que 5 p. c. ou 2 p. c. du montant initial, si vous lui donnez la chance d'acheter les instruments nécessaires à son épanouissement, après, il va pouvoir s'en sortir. Si, à la base, vous lui coupez l'herbe sous le pied, et si vous dites: Vous n'avez pas les 15 p. c, restez pauvre toute votre vie, ne vous instruisez pas, vous n'avancez pas sa cause du tout, à notre avis.

M. AUDET: Vous êtes bon vendeur! M. TALBOT: Je ne suis pas vendeur!

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: En ce qui concerne le droit de reprise, vous avez dit que trente jours c'était trop long. Vous avez parlé de proportion plus raisonnable sans spécifier exactement le nombre de jours que vous considérez comme un nombre raisonnable. Qu'est-ce que c'est pour vous une proportion raisonnable?

M. TALBOT: Déjà il existait un délai de 21 jours pendant lesquels on était obligé de garder la marchandise sans la revendre. Cela revenait exactement au même que de donner un avis de trente jours à l'individu. Que la marchandise soit chez lui ou à nos bureaux, cela ne fait pas de différence. Dans les 21 jours ou dans les 30 jours — ça pourrait être allongé à 30 jours ça ne nous dérange pas qu'il puisse, justement, réclamer sa marchandise. On ne veut pas l'égorger. Seulement si on lui donne trente jours en possession de la marchandise, on lui donne une occasion inespérée de nous rouler, de vendre la marchandise, de la mutiler hors de service et puis de nous faire un préjudice qui n'est pas normal en bonne pratique commerciale. Un délai de trois jours pour une reprise serait suffisant ou cinq jours, quelque chose de court, et on peut ensuite obliger le producteur, le vendeur à conserver la marchandise au magasin au moins 30 jours avant de la revendre.

Cela irait très bien parce qu'elle serait en notre possession; nous aurions une garantie qu'elle ne serait pas mutilée ou vendue ensuite. Il n'y a pas de problème. Et si le client paie dans les trente jours subséquents, pendant que nous sommes en possession de la marchandise mais que nous n'avons pas le droit de la vendre, nous la retournons au client qui n'a souffert d'aucun préjudice. Tout cela s'est fait à nos frais. Mais si on la laisse en sa possession et qu'on lui permet d'aller vendre notre marchandise, c'est nous qui devrons courir après et nous exposer à des frais judiciaires qui sont beaucoup trop élevés en comparaison avec la protection supplémentaire que cela peut accorder et qui est infime. Est-ce que je réponds à votre question?

M. LATULIPPE: Cela veut donc dire que vous voulez avoir cinq jours de plus que les cinq jours qui sont alloués?

M. TALBOT: Oui. Je n'aurais pas d'objection. Cela pourrait être soixante jours, même soixante jours où la marchandise serait gardée à nos entrepôts pour permettre à quelqu'un de s'en sortir et ensuite nous aurions le droit de la vendre. Mais à la condition que le client, personnellement, ne soit pas en possession de volumes dont il peut faire ce qu'il veut durant ce temps. C'est là qu'est le problème. C'est que nous la laissons à quelqu'un qui, généralement, a fait preuve de mauvaise foi. Si c'était quelqu'un en qui nous pourrions avoir confiance, cela irait bien. Mais en général, le gars qui n'a pas payé et pour lequel nous nous sommes décidés, finalement, après maints et maints essais, après lui avoir accordé toutes les chances: La plupart des industries, c'est ce qu'elles font; elles attendent à la dernière minute et, finalement, elles se décident à reprendre la marchandise parce que le gars fait vraiment preuve de mauvaise foi. Eh bien, celui-là a toutes les chances, justement, de chercher à profiter d'un délai qui serait trop long, par ailleurs. Un délai de trente jours, cela donne un trop grande occasion à quelqu'un de prendre la poudre d'escampette avec ce qui nous appartient.

M. LATULIPPE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Nous vous remercions, M. Talbot...

M. TALBOT: Je remercie la commission.

M. LE PRESIDENT: ... du savant exposé que vous avez fait. Comme il n'y a pas d'autres organismes représentés ici, nous ajournons les travaux de la commission au mardi 26 janvier à 10 h 30.

(Fin de la séance: 17 h 34)

Document(s) associé(s) à la séance