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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le vendredi 22 janvier 1971 - Vol. 11 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 70 - Loi favorisant l'accès à la justice et Bill 71 - Loi des cours municipales


Journal des débats

 

Commission permanente de la Justice

Bill 70 — Loi favorisant l'accès à la justice

Bill 71 — Loi des cours municipales

Séance du vendredi 22 janvier 1971

(Dix heures trente et une minute)

M. BIENVENUE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Bienvenue à la commission permanente de la Justice. J'invite tout de suite le ministre de la Justice, le député d'Outremont, à nous adresser la parole.

Projets de la loi nos 70 et 71

M. CHOQUETTE: M. le Président, M. le chef de l'Opposition, chers collègues, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir ce matin à cette première séance de la commission de la Justice pour étudier le projet de loi 70, c'est-à-dire la Loi favorisant l'accès à la justice, projet de loi 71, la Loi des cours Municipales.

Ces deux projets de loi sont nettement reliés l'un à l'autre, puisqu'en vertu du projet 70 il s'agit pour nous d'innover dans le domaine des réclamations allant jusqu'à $300, de permettre que ces causes soient entendues sans formalisme et sans coût excessif, en somme, de rendre la justice tout à fait accessible aux citoyens. Les amendements apportés aux lois qui régissent les cours Municipales, à l'heure actuelle, en vertu du projet 71, ont évidemment pour but de donner à un tribunal en particulier la compétence requise pour que le droit dont il est question dans le projet 70 puisse s'exercer devant ces cours de justice.

Les objectifs des deux lois, je les résume brièvement: rendre la justice accessible aux citoyens; dépouiller la justice du formalisme; procurer un moyen de conciliation de nature à assurer la paix sociale; garantir la sanction du droit; procurer une justice peu coûteuse; assurer une justice expéditive.

Quels sont les moyens mis en oeuvre dans le projet de loi 70, Loi favorisant l'accès à la justice, pour atteindre ces objectifs? Premièrement, quant à l'accès à la justice, le justiciable peut, par lui-même ou par un mandataire, présenter son droit au greffier, conformément à l'article 3 du projet de loi.

Le greffier est la cheville ouvrière de ce système judiciaire, puisqu'il a les devoirs suivants: il dresse la requête introductive d'instance; il prépare la demande de paiement; il la transmet au débiteur; il convoque les parties; il exécute le jugement; il tient les archives de la cour.

Les audiences des cours peuvent être tenues le jour ou le soir, autant que possible à une date qui convienne aux parties, en égard à leurs occupations, en vue de rendre la justice accessible. La cour peut même siéger un jour non juridique.

Quant à l'objectif de l'absence de formalisme, voici les dispositions qui se trouvent au projet de loi. D'abord, la procédure est extrêmement simplifiée. La requête introductive d'instance, conformément à l'article 4, est tout à fait sommaire et simple. L'ordre de paiement, conformément à l'article 6, l'est également, ainsi que toutes les autres procédures qui sont prévues au projet de loi, telles que l'avis de paiement, le mode de règlement, l'intention de contester la demande, la demande de renvoi devant la cour du domicile, c'est-à-dire ce qu'on appelle, en notre langage d'avocats, l'exception déclinatoire. Nous écartons les règles ordinaires de la preuve de façon à permettre que la preuve se fasse par tous les moyens acceptables. Le juge apporte aux parties un secours équitable et impartial. Il laisse, d'abord, les parties exposer leurs prétentions, puis interroge lui-même les témoins.

Evidemment, à ce sujet, je fais une parenthèse. Il ne s'agit pas d'exclure les avocats des cours municipales dans le domaine civil puisque, premièrement, cela serait probablement illégal et même non constitutionnel. Il s'agit, en somme, de ne pas favoriser le formalisme dans le déroulement des procédures. Par conséquent, on peut dire immédiatement qu'il n'y a pas, dans ces projets de loi, d'encouragement aux avocats à venir plaider ces causes devant les cours municipales.

M. BERTRAND: Le mandat est gratuit.

M. CHOQUETTE: Oui, comme l'a dit le chef de l'Opposition.

M. PAUL: Ils sont exposés à le faire pour la gloire.

M. CHOQUETTE: Oui, ils peuvent y aller pour la gloire et pour les bosses, mais, en somme, sur le plan de la rémunération, ce sera assez maigre, puisqu'il n'y a pas de frais judiciaires.

Le troisième objectif visé par ce projet de loi est de procurer un moyen de conciliation aux parties. Alors, le débiteur peut proposer des modalités de paiement et le juge peut les fixer. En second lieu, le juge doit rechercher à concilier les parties. En somme, il s'agit de trouver, pour le juge, avant de rendre jugement, un moyen de réconcilier les parties qui ont des intérêts contradictoires.

Quatrième objectif: Assurer la sanction du droit. Quels sont les moyens mis en oeuvre pour assurer cet objectif? Les parties exposent leurs prétentions, le juge dirige l'interrogatoire avec le souci d'équité et d'impartialité. Il doit prononcer, suivant le droit, où est l'équité. Ceci appert à l'article 17 du projet de loi. Ici, je

m'attends à avoir un échange de vues tant avec nos honorables collègues qu'avec les personnes qui sont à la barre, à savoir, si sur le fond, le juge doit trancher exclusivement en droit, ou si l'on devra tenir compte de l'équité. Est-ce qu'on doit introduire la notion d'équité en ce qui regarde le fond du litige? Evidemment, j'ai dit tout à l'heure que sur la preuve, nous prévoyons des règles beaucoup plus étendues que celles qui sont actuellement prévues au Code civil. Mais, sur le mérite, est-ce qu'on doit permettre au juge de trancher, en équité, si l'équité lui parait être différente du droit?

M. BERTRAND: Est-ce que, par le fait que la preuve que nous permettons est une preuve générale qui ne respecte pas les critères actuels, il ne s'infère pas de cela que le juge pourrait également juger et suivant le droit et suivant l'équité? Si on permet une preuve d'équité, en fait c'est cela, quand on met de côté les lois de la preuve c'est pour faciliter la preuve et on y admet des éléments d'équité. Je pose le problème; je n'ai pas d'opinion définie, en fin de compte, ce projet de loi reprend le principe que nous avions déjà dans nos lois lorsque les cours de commissaires siégeaient, où l'on jugeait suivant l'équité, le droit et la bonne conscience. Et, à ce moment-là, pour la preuve, c'était suivant l'équité. Les règles de la preuve étaient mises de côté.

Le juge pouvait porter son jugement en vertu du droit et en vertu de l'équité. Nous modernisons, par ce projet de loi, ce qui déjà était dans nos lois mais qui avait été aboli, par contre.

M. CHOQUETTE: Qui avait été aboli à cause de certains abus qui ont eu lieu...

M. BERTRAND: Des abus.

M. CHOQUETTE: ... à l'époque parce que ceux qui présidaient ces tribunaux-là, n'avaient souvent, pas de formation juridique.

M. BERTRAND: C'est cela.

M. PAUL: II y avait aussi les bureaux de perception.

M. BERTRAND: Qui s'étaient infiltrés. M. PAUL: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Justement, à ce sujet-là, nos honorables collègues et les personnes présentes auront remarqué que ce nouveau mécanisme judiciaire n'est accessible qu'aux personnes physiques...

M. PAUL: Physiques.

M. CHOQUETTE: ... et, par conséquent, exclut les agences de perception, les compagnies de finance et, en somme, tous ceux qui pourraient utiliser cette procédure...

M. PAUL: Au détriment du faible.

M. CHOQUETTE: ... au détriment des débiteurs. Tandis que celui qui est poursuivi par une compagnie de finance ou une compagnie de perception devant la cour Provinciale peut, par la procédure du référé...

M. PAUL: Soustraire...

M. CHOQUETTE: ... soustraire, sa compétence à la cour Provinciale, et ramener la cause devant la cour.

M. BERTRAND: Pourvu que cela respecte le montant.

M. CHOQUETTE: Pourvu, évidemment, que l'on soit à l'intérieur de la limite de $300. Si vous permettez, je continue brièvement à exposer les moyens qui sont mis en oeuvre pour atteindre les objectifs que j'ai énumérés au début de mon exposé.

Je disais que l'objectif du projet de loi est également d'assurer la sanction du droit. Les moyens qui sont mis en oeuvre sont les suivants: Les parties exposent leur prétention; le juge dirige l'interrogatoire avec le souci d'équité et d'impartialité; le juge prononce selon le droit ou l'équité, suivant que nous déciderons, en définitive, d'adopter une règle ou l'autre; le jugement est motivé, il est homologué par la cour Provinciale; le débiteur condamné par défaut peut obtenir la rétractation du jugement. Quant à l'objectif d'assurer une justice peu coûteuse, on n'exige qu'un dépôt de $5 pour une créance inférieure à $100 et le dépôt d'une somme de $10 pour une créance supérieure à $100. Le jugement adjuge sur le remboursement du dépôt.

Deuxièmement, les frais de témoins et d'experts, suivant adjudication du juge, sont alloués.

Troisièmement, les frais d'exécution sont de $5 si le jugement est inférieur à $100 et de $10 si le jugement est supérieur à $100.

M. CARDINAL: Est-ce que le ministre me permettrait? Il me semble que, par l'expression que le ministre emploie, si c'est inférieur ou supérieur à $100, à $100 on ne sait pas quelle est la réponse. Ce pourrait être plutôt: Si c'est inférieur à $100, c'est un montant de $5 et $100 et plus, c'est $10. Est-ce cela?

M. CHOQUETTE: Le député de Bagot est dans les subtilités du projet de loi, et j'ai beaucoup de difficultés à le suivre.

M. PAUL: Cela prouve son intérêt.

M. CHOQUETTE: Cela prouve son intérêt. Enfin, nous pourrions élucider cette question ultérieurement.

Sixièmement, quant à assurer une justice expéditive, les délais d'assignation sont les délais ordinaires. La procédure étant simplifiée, les affaires devraient être entendues avec moins de retard et le débiteur assigné par une corporation devant les tribunaux ordinaires peut demander de déférer la cause à la cour Municipale.

Dans la préparation de ce projet de loi, je dois dire que nous avons considéré les expériences françaises, britanniques, américaines et on-tarienne où existent des tribunaux qui accordent une justice rapide et peu coûteuse et sans formalisme. Nous avons tenté de tirer des conclusions de l'expérience de ces diverses juridictions pour nous permettre de rédiger notre projet de loi.

Evidemment, l'introduction de ce nouveau type de justice va comporter des conséquences sur le plan du fonctionnement des cours Municipales, et c'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, il y a un projet de loi qui concerne les cours Municipales. Je considère qu'il serait prématuré, à l'heure actuelle, tant que nous n'aurons pas vécu l'expérience de ce nouveau type de justice, d'arrêter d'une façon définitive quelle sorte de cours Municipales nous aurons, où elles seront situées, parce que beaucoup de facteurs pourront intervenir dans notre appréciation du lieu où doivent se situer les cours Municipales, leur juridiction territoriale. Par conséquent, il m'apparaît nécessaire de procéder quelque peu empiriquement, du moins pendant une certaine période, avant d'arrêter définitivement des cours Municipales permanentes à certains endroits. Je n'exclus pas à l'heure actuelle que nous puissions immédiatement juger à bon escient que, dans tel endroit, à cause de la densité de la population, à cause des activités économiques, une cour Municipale permanente s'impose et avec une juridiction déterminée.

M. PAUL: Ou itinérante.

M. CHOQUETTE: Ou itinérante. Le député de Maskinongé a raison, les juges qui seront soit permanents ou à temps partiel pourront être des juges itinérants qui pourront siéger dans diverses cours Municipales.

Nous avons utilisé les cours Municipales pour sanctionner ce type de droit nouveau parce que la cour Municipale, à notre sens, est la cour qui est la plus proche du peuple; c'est la cour la plus accessible dans l'état actuel de notre système judiciaire. Nous avons pensé qu'en conférant une juridiction civile qu'elles ne possédaient pas antérieurement aux cours Municipales, nous utiliserions une cour, une juridiction qui existe déjà et où nous aurions l'avanta- ge de ne pas innover, tout en ayant une juridiction qui est immédiatement accessible au peuple.

A ce sujet, je voudrais signaler à nos honorables collègues qu'il existe dans le Québec, à l'heure actuelle, environ 150 cours Municipales, dont 140 sont actives. Evidemment, il y aura des cours Municipales à supprimer, à la lumière de l'expérience, parce qu'elles devront être réunies avec d'autres cours Municipales, de façon à assurer un flot d'affaires judiciaires normal. Il y aura, par contre, des cours Municipales à créer là où le besoin se fera sentir.

Je voudrais simplement terminer mes observations en disant ceci, c'est qu'on voit par les observations que la vocation des cours Municipales dépasse en quelque sorte le rôle municipal traditionnel qu'elles avaient, c'est-à-dire la perception des taxes municipales. J'entrevois, pour ma part, que les cours Municipales deviendront en quelque sorte des cours régionales avec juridiction civile, tel que conféré par le bill 70, avec une juridiction en matière de perception de taxes municipales sûrement, avec une juridiction pénale pour l'application des règlements municipaux et des lois pénales et également, dans le cas des cours Municipales permanentes, avec une juridiction en vertu de la partie 16 du code criminel telle qu'elle est conférée à la cour Municipale de Montréal.

A ce moment-là, je pense que nous aurons révisé, d'une façon positive, le système judiciaire, tant sur le plan de l'administration de la justice elle-même que sur celui du fonctionnement avantageux de nos institutions judiciaires et en particulier des cours Municipales devenues régionales.

Messieurs, M. le chef de l'Opposition, M. le député de Maskinongé, mes honorables collègues, si vous avez des observations générales à faire, cela serait peut-être le moment; autrement, nous pourrons demander quelles sont les parties qui sont prêtes à nous exposer leur point de vue. On m'a dit qu'il y avait ici, ce matin, des organismes représentatifs qui sont prêts à s'exprimer immédiatement. D'autres organismes représentatifs ont été invités à faire valoir leur point de vue sur la législation proposée.

Ils ne sont pas prêts à exposer leur point de vue aujourd'hui; ainsi, il y a le Barreau de la province de Québec qui n'est pas prêt actuellement. Je crois que nous aurons des représentations de la part de l'Office de révision du code civil, que j'ai invité à se pencher sur les projets de loi; je crois que nous aurons également des représentations du Conseil consultatif de la justice, à qui j'ai demandé de nous faire valoir son point de vue et qui est peut-être représenté ici ce matin, mais il n'est pas prêt à l'heure actuelle, étant donné qu'il s'agit de la première séance de la commission chargée d'étudier cette nouvelle législation. Mais, nous avons des organismes présents et, après que l'honorable chef de l'Opposition et le député de Maskinongé

auront pris la parole, nous pourrons demander aux personnes et aux organismes présents, qui sont prêts, à procéder immédiatement.

M. BERTRAND: M. le Président j'ai écouté les propos du ministre. Tous se rendront compte qu'on est encore loin de ce que j'appelle un système de sécurité judiciaire. On veut rendre les tribunaux plus accessibles à tous en vertu d'un principe élémentaire qui est reconnu, mais qui n'est pas encore appliqué, celui de l'égalité de tous devant la loi. Ce que nous propose le ministre de la Justice, en fait, c'est de ressusciter la cour des Commissaires, qui était chargée de s'occuper de certaines causes inférieures à la somme de $89. Ce système a existé pendant des années au Québec et les gouvernements ont jugé à propos de l'abolir à cause des abus qui s'y étaient glissés.

Donc, le projet de loi ne comporte pas un principe nouveau, c'est un principe qui était déjà accepté. Il confie à la cour Municipale l'exercice d'une juridiction et, en principe, quant à moi, j'y suis favorable. Qu'il y ait un certain nombre de causes inférieures à la somme de $300 — si on calcule la dévaluation de l'argent depuis 20 ou 30 ans — ç'a été de $39 en vertu de l'ancien code pendant au-delà de cinquante ans, que cela devienne $300, je ne crois pas qu'il y ait de péril.

Quant au mécanisme de la loi, le ministre a donné des détails. Je préfère entendre ceux qui ont des mémoires à présenter. Mais le ministre se rend compte — parce que je l'ai déjà entendu en Chambre parler de sécurité judiciaire, et dire que le gouvernement devrait faire davantage dans ce domaine — que quand on gouverne, c'est plus difficile de réaliser des promesses de cette nature. Cela coûte cher. J'espère que ce n'est qu'une première étape. J'aurais aimé qu'il nous parle un peu plus longtemps de ce problème de la sécurité judiciaire lorsqu'il a présenté le projet de loi. Ce n'est qu'une goutte d'eau, il ne faut pas l'oublier. Il y a tout le domaine criminel, tout le domaine pénal. Des accusés qui, à l'heure actuelle, ont recours à des bureaux d'assistance judiciaire. Il conviendra avec moi, malgré les sommes qui sont mises à la disposition de l'assistance judiciaire, tant à Montréal qu'à Québec, Chicoutimi et Hull, je pense, que ces sommes sont absolument insuffisantes pour répondre aux demandes. J'espère que le ministre aura l'occasion de nous préparer un projet de loi plus complet.

Donc, quant au projet de loi actuel -- à moins que mes collègues aient d'autres remarques à faire valoir — je préfère entendre les organismes et les représentations qu'ils peuvent avoir à faire soit à l'encontre du projet de loi, soit pour l'accepter.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissances de ces avant-projets de loi parce qu'ils étaient la résultante d'un travail fait au ministère de la Justice depuis quelques années, alors que nous sommes aujourd'hui en face de législations qui s'imposaient.

J'abonde dans le sens des remarques de l'honorable chef de l'Opposition. Mais je voudrais dès maintenant tout simplement attirer l'attention de l'honorable ministre et de tous ceux qui sont intéressés par cette juridiction éventuelle que l'on donnera à nos cours Municipales sur ce qui a trait surtout à la partie 16 du code criminel.

Je sais qu'il y a actuellement une situation qui peut prêter quelquefois à confusion. C'est lorsqu'un individu comparaît devant une cour Municipale pour une enquête préliminaire et, par la suite, fait son option pour être jugé immédiatement.

Il arrive assez souvent alors, que le ministère ne soit pas présent à cause du défaut de mandat que l'on ne donne pas au procureur des cours Municipales qui représente les intérêts des villes devant les cours Municipales.

C'est un aspect du problème qu'il faudra analyser dans son application pour éviter certaines procédures parfois désagréables, susceptibles d'être soulevées. Donc, nous abondons avec intérêt dans le sens ce projet de loi qui sans doute pourra subir avec avantage quelques modifications, surtout à la lumière des oppositions ou des remarques que nos différents corps intermédiaires, ou intéressés voudront bien présenter à la commission.

M.CHOQUETTE: M. le Président, j'ai noté avec intérêt les observations du député de Maskinongé et il peut être sûr que nous en tirerons profit. Quant à l'intervention du chef de l'Opposition, il va de soi qu'il ne s'agit pas ici de projets de loi qui règlent entièrement le problème de la sécurité judiciaire. C'est un premier pas que nous accomplissons dans cette direction. L'honorable chef de l'Opposition peut être assuré de notre préoccupation constante et intense à l'égard d'un régime de sécurité judiciaire complet qui viendra au moment opportun.

M. PAUL: II faut que votre préoccupation soit en éveil.

M.CHOQUETTE: Elle est très éveillée, je suis toujours,,, pardon?

M. LE PRESIDENT: Le ministre se couche de bonne heure.

M.CHOQUETTE: C'est variable. Mais je dirai que le chef de l'Opposition et le député de

Maskinongé se chargent régulièrement de me rappeler à mes devoirs de ministre de la Justice.

M.BERTRAND: Je pense qu'en fin de semaine, à la maison Montmorency, dans cette retraite très tranquille, vous aurez l'occasion de partager le budget. Alors j'espère que le ministre de la Justice insistera pour que l'on considère comme une "priorité prioritaire" la sécurité judiciaire.

M. CHOQUETTE: L'honorable chef de l'Opposition peut être assuré que le ministre de la Justice est très conscient des besoins dans le domaine de la sécurité judiciaire, en particulier et dans le domaine de la justice en général, et que, par des conversations avec ses collègues, il s'est rendu compte qu'ils étaient sympathiques à augmenter les budgets de la Justice.

M.BERTRAND: Cela représente combien de millions?

M. CHOQUETTE: Nous verrons en temps et lieu.

M. LEDUC Le chef de l'Opposition va trop vite.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président, mes commentaires seront brefs. J'ai remarqué de la part du ministre de la Justice une déclaration entre autres, un objectif qu'il se fixe, tout à fait logique, c'est-à-dire rendre la justice disponible à tous les citoyens. Quand nous voyons que le protecteur du citoyen a, depuis quelques jours, 95 cas qu'il a qualifiés d'une certaine étude à faire très sérieuse, nous nous rendons compte que les citoyens veulent obtenir une plus grande part de cette justice. Enfin, je pense que nous serons en mesure, dans une loi qui deviendra générale pour la justice, que tous ces cas pourront être réglés. Je pense qu'actuellement, par les mémoires qui nous seront présentés tout à l'heure, nous pourrons obtenir le deuxième objectif que j'ai remarqué dans vos déclarations, soit procurer une justice peu coûteuse et nous espérons que les mémoires qui seront présentés seront inspirés de ces déclarations pour permettre à tous et à chacun une justice plus sociale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, il arrive souvent que l'Opposition se fasse blâmer de critiquer le gouvernement. Pour une fois nous sommes très enthousiastes pour appuyer le gouvernement dans ce genre de loi.

UNE VOIX: Cela n'a pas toujours été votre habitude.

M. BURNS: Ah! c'est parce que je ne veux faire de peine à personne.

M. CHOQUETTE: Vers la fin de la session, vous vous êtes améliorés.

M. BURNS: C'est plutôt le gouvernement qui s'est amélioré.

De toute façon, je pense que le fait qu'on titre cette loi "Loi favorisant l'accès à la justice" et qu'on fixe le montant à $300, c'est une sorte d'admission que, passé $300, la justice est moins accessible. Nous pensons, entre autres, que ce montant de $300 devrait être porté à $500. Ce sera l'une des suggestions que nous ferons. Pour le moment, je me contente de dire que nous sommes entièrement d'accord sur le principe et qu'avec beaucoup d'enthousiasme nous appuierons le gouvernement.

M. LE PRESIDENT: II y a des organismes qui sont avec nous ce matin et qui ont des porte-parole pour les représenter. Je pense qu'un mémoire a été déposé ce matin...

M.BERTRAND: La Conférence des juges municipaux.

M. LE PRESIDENT: ... par la Conférence des juges municipaux. Est-ce qu'elle est ici ce matin? Quel est son porte-parole?

M. LASNIER: Bernard Lasnier, vice-président de la conférence.

M. LE PRESIDENT: M. Lasnier, on vous écoute.

Conférence des juges municipaux

M. LASNIER: M. le Président, M. le ministre de la Justice, M. le chef de l'Opposition, Messieurs. Sans répéter mot à mot le mémoire que la Conférence des juges municipaux de la province a déposé, qu'il me soit permis de réitérer que la conférence est favorable aux principes des projets de loi 70 et 71.

Quant au projet de loi 70, il ne fait pas de doute que l'accès facile à la justice remédiera à un malaise sérieux. Nous pensons principalement à la question des frais judiciaires élevés pour la partie qui succombe dans les cas où le montant en jeu est de peu d'importance.

Le projet de loi 71 confie aux cours Municipales l'application de la Loi favorisant l'accès à la justice. Nous sommes d'avis, bien respectueusement, que cette décentralisation de la justice bénéficiera aux justiciables qui s'éviteront ainsi des déplacements coûteux et qui pourront éventuellement être entendus à des heures qui leur seront plus propices.

Nous avons, cependant, dans notre mémoire, soulevé la possibilité de concilier la double fonction de juge municipal à temps partiel et

d'avocat. Nous nous permettons d'insister sur ce point car nous considérons que, sauf pour quelques cas d'exception, cette conciliation sera impossible à toutes fins pratiques, surtout dans les endroits éloignés des grands centres.

Plusieurs raisons nous amènent à penser ainsi, et nous nous permettons d'attirer votre attention sur les plus importantes.

Nous avons à l'esprit les recours qui ne sont pas exercés actuellement en raison des risques pour les justiciables dans les causes de moins de $300. Tous savent que le justiciable qui perd sa cause alors que le montant en jeu est de $150 à $250 est appelé à payer des frais plus élevés que le montant en jeu. Comme avocats, nous conseillons, dans la majorité des cas, à moins que le recours soit sûr et certain, de ne pas prendre ce risque. Il ne fait pas de doute dans notre esprit qu'avec l'avènement de cette loi les gens qui ont des recours à exercer et qui ne les exercent pas dans le moment, en raison des risques, les exerceront, de telle sorte qu'il y aura plus de causes devant les tribunaux pour des montants inférieurs à $300.

Deuxièmement, nous avons à l'esprit le nombre imposant de causes qui sont actuellement devant nos cours pour des montants inférieurs à $300 et qui seront dorénavant entendues devant les cours Municipales.

Troisièmement, nous avons à l'esprit le fait que le projet de loi 70 prévoit que seul le juge rend jugement dans les causes inférieures à $300, alors qu'en cour Provinciale, actuellement, dans les actions sur comptes, par exemple, les actions sur chèques, les actions sur billets où on procède par défaut ou ex parte, le greffier rend jugement.

Quatrièmement, nous avons à l'esprit la conviction que plusieurs créanciers qui ont des comptes d'un peu plus de $300 —$350, par exemple — réduiront leurs créances pour se prévaloir de la loi et s'éviter des frais. En d'autres termes, ils les réduiront à $299 ou $300.

Dans les municipalités importantes, ayant des populations de l'ordre de 50,000 ou de 100,000 âmes, des villes telles que Verdun, Sherbrooke, Trois-Rivières, etc., le juge à temps partiel n'aura sans doute pas suffisamment de temps pour faire les deux, soit pratiquer le droit et occuper la fonction de juge. Si on tient compte de la possibilité de régionalisation des cours Municipales et du pouvoir accordé par le projet de loi 71 au lieutenant-gouverneur en conseil, à l'article 2, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra ordonner que le territoire de toute municipalité soit soumis à la juridiction de la cour municipale d'une autre municipalité. Il ne fait pas de doute alors que les cours municipales existantes verront leur territoire s'agrandir, sans compter la tendance actuelle aux annexions, aux fusions.

Nous pouvons prévoir aussi que les contribuables, justiciables, voudront se prévaloir de la loi favorisant l'accès à la justice, et que ceux qui vivent dans des municipalités où il n'y a pas de cour municipale feront pression pour que leur territoire soit soumis à une cour Municipale d'une municipalité voisine.

En d'autres termes, il est à prévoir, avec ces projets de loi, que les cours Municipales prendront de plus en plus d'importance et que le temps que devra consacrer le juge à temps partiel pour remplir ses devoirs ne lui laissera pas suffisamment de temps pour continuer à exercer sa profession d'avocat.

Les juges municipaux actuels, et principalement ceux qui siègent dans des municipalités éloignées des grands centres, sont fréquemment obligés de se récuser. Ce problème se posera évidemment d'une façon plus aiguë avec l'avènement du projet de loi 70. Plusieurs juges se verront sur le banc et verront arriver devant eux un de leur client, dans une cause de peu d'importance, même parfois deux de leurs clients et les juges à temps partiel devront évidemment se récuser. Avec la possibilité de déférer certaines causes de la cour Provinciale à la cour Municipale, il pourra même arriver, avec un juge à temps partiel, que le juge sur le banc de la cour Municipale soit appelé à décider d'une cause qu'il aurait lui-même instituée, d'où nécessité encore une fois de se récuser.

La fréquence des récusations, ou leur multiplication, ne pourra donc qu'être préjudiciable à la bonne marche de la justice et sera une source de mécontentement pour les justiciables, sans compter les problèmes administratifs que causeraient de telles récusations. En bref, nous, la conférence des juges municipaux, préconisons la nomination de juges municipaux à temps plein.

Si cette suggestion n'est pas acceptée ou adoptée, nous nous permettons de suggérer certains amendements au projet de loi 71. Dans ce projet de loi, on fait une distinction pour la nomination des juges municipaux dans les villes de plus ou de moins de 10,000 âmes.

Cette distinction, qui existe déjà depuis de nombreuses années, peut laisser croire, à tort ou à raison, qu'il y a deux justices; elle peut laisser croire que les résidents d'une municipalité de moins de 10,000 âmes peuvent avoir sur le banc un juge qui a moins d'expérience ou moins de compétence. Cette distinction peut également amener des problèmes administratifs assez importants. Je pense principalement au cas où dans une ville de 8,000 âmes nous aurions comme juge, un avocat de trois ou quatre ans de pratique, et où la ville déciderait de fusionner un territoire. Il faudrait alors dire au juge: Vous n'êtes plus qualifié, ou encore ne pas fusionner.

Nous suggérons également, si la question des juges à temps plein n'est pas acceptée, que l'on facilite la nomination du juge suppléant.

Dans le projet de loi, il faut passer par le ministre de la Justice. Il arrive que le juge

municipal qui pratique le droit, à temps partiel, soit pris devant des tribunaux en dehors de sa région — prenons comme exemple un juge municipal de la région de Montréal qui vient plaider à Québec — sa cause se continue le lendemain, il ne peut pas retourner à Montréal pour aller siéger, il tombe malade à la dernière minute, etc. Alors cela implique des ajournements, des remises de causes. Nous suggérons, toujours sous réserve de notre suggestion, que le juge municipal puisse proprio motu nommer son remplaçant parmi des juges municipaux de l'environnement, soit du district juridicaire où il siège ou, à défaut, du district judiciaire voisin.

Vous nous permettrez, M. le ministre de la Justice, de féliciter le gouvernement quant à la question de rémunération des juges; car la Conférence des juges municipaux demande depuis longtemps que le traitement soit établi par le lieutenant-gouverneur en conseil et cela, qui se trouve actuellement dans le projet de loi, évitera sans doute certaines frictions qui ont pu survenir dans le passé avec certains conseils municipaux.

Votre exposé correspond, jusqu'à un certain point, aux vues de la conférence des juges municipaux. Dans le mémoire que nous avons déposé, nous n'avons pas insisté tellement sur la question de la juridiction de la partie 16, mais nous considérons que lors de la réorganisation des cours Municipales, il est important pour les justiciables et même pour les municipalités, que cette juridiction soit accordée aux juges municipaux. Vous n'ignorez pas qu'actuellement, n'ayant pas cette juridiction, il y a une multitude de délits mineurs qui ne peuvent être entendus par les cours Municipales, de telle sorte que les policiers sont obligés quotidiennement de se rendre au chef-lieu et, à ce moment-là, il y a des dépenses énormes pour les municipalités qui voient une partie de leur personnel policier attendre au chef-lieu, ainsi qu'un véhicule ou deux de la police, les municipalités doivent donc payer des policiers supplémentaires ou payer des gens à temps et demi.

A titre d'exemple, nous avons, ici, tout près de Québec, dans la ville de Sainte-Foy, m'a-t-on dit, énormément de vols à l'étalage parce qu'il y a beaucoup de centres d'achat, et il arrive que le juge municipal de Sainte-Foy n'a pas juridiction et que le policier, apparemment, est fréquemment obligé, toutes les semaines, de venir, ici, à Québec au palais de justice, poursuivre les accusés ou les prévenus, d'où dépenses assez élevées pour ces municipalités-là.

Nous avons mentionné, dans notre mémoire quant au projet de loi 70, que nous n'avions pas l'intention d'en discuter le mot à mot, car nous savons pertinemment que le Barreau doit présenter un mémoire et que certains corps intermédiaires le feront.

Nous nous demandons cependant, à la lecture du bill, si celui-ci ne créera pas certaines injustices. A l'article 1 b), on mentionne que le créancier doit être une personne physique. Je crois et nous croyons que c'est peut-être pénaliser l'individu, qui par exemple, a une épicerie, une bijouterie, qui est incorporé et ne pourra bénéficier de la Loi favorisant l'accès à la justice parce qu'il est incorporé. Nous pensons, par exemple, à certaines compagnies — que ce soient des quincailleries ou autres qui ne pourront tirer avantage de cette loi-là et pourront même se voir obligées de payer des frais qu'elles ne pourront récupérer. Je m'explique. Une compagnie, Quincaillerie Inc, prendra une action de $275; le défendeur fera une requête pour que la cause soit déférée à la cour Municipale et il n'aura à payer que le coût du bref, le rapport et la signification. La compagnie se trouve amenée devant la cour Municipale; elle a évidemment droit d'être représentée dans ces conditions-là par un procureur. Mais il arrive qu'il y ait des frais, honoraires de comparution, honoraires d'action, documents pour la cour. Ils peuvent s'élever à $30, $35, $40 et seront irrécupérables pour la compagnie en question. Nous soulignons ce point. Si on veut éloigner certaines corporations comme des compagnies de finances ou agences de recouvrement, très bien. Mais il y a les marchands incorporés qui sont, à toutes fins utiles, bien souvent, des compagnies familiales et où c'est le père, sa femme et un de ses enfants majeurs qui sont détenteurs des actions. Nous croyons que ces gens-là devraient avoir le droit de bénéficier des avantages de cette loi.

Une lacune que nous voyons également dans ce projet de loi est la question de l'endroit où l'action doit être prise. Si on se réfère au texte de loi, il semble que la cour Municipale est celle de l'endroit où réside le débiteur. De la sorte, on empêche quelqu'un de prendre ces procédures où la cause de l'action a pris naissance. Vous voyez immédiatement le bon citoyen de Québec qui a aujourd'hui un accident avec un type de Percé. Il est stationné ou arrêté à un feu rouge; il se fait heurter par en arrière et le citoyen de Québec est obligé de se rendre poursuivre à Percé. Je me demande si on ne crée pas là justement une injustice pour cette personne. C'est comme le marchand de Sainte-Agathe qui vendrait quelque chose comme une montre à un passant de Sherbrooke, il se fait payer par chèque, on arrête le chèque. Le type de Sainte-Agathe est obligé de poursuive à Saint-François. On ne permet pas, dans le projet de loi, dans le moment, de prendre l'action où la cause de l'action a pris naissance; or, nous considérons qu'il s'agit là d'une lacune.

Nous avons, M. le Président — et je pense que le Barreau en aura plus que nous — énormément de réserves sur le mot "mandataire" qui existe dans la loi. On peut se demander s'il ne se créera pas une profession de mandataires qui, sous la couverte, pourraient percevoir certaines sommes d'argent pour représenter des créanciers devant la cour Municipale.

Vous avez posé, M. le ministre, la question à

savoir si on devait ou non conserver les règles de droit. C'est évidemment une question très importante. La Conférence des juges municipaux ne se prononce pas à ce stade-ci sur cette question, mais qu'il nous soit permis de dire immédiatement que nous verrions mal que la preuve par oui-dire soit acceptée devant les cours Municipales.

A titre de dernière remarque, nous nous posons des questions sur le processus de reconvention. Le code de procédure civile permet à quelqu'un qui est poursuivi de faire une demande reconventionnelle, qui se fait avec la défense aujourd'hui, et de demander également une somme d'argent à la personne qui le poursuit. Ainsi, dans le cas d'un accident d'automobiles, un débiteur poursuivi pour $250 en dommages peut, par défense, recevoir une contre-réclamation pour le montant des dommages de la partie adverse. Le projet de loi ne prévoit rien quant à la reconvention et nous croyons qu'il y a là lacune et qu'il faudrait amender le projet de loi pour permettre cette reconvention.

Nous demandons également s'il n'y aurait pas lieu de prévoir un mécanisme pour qu'une cause inscrite devant la cour Municipale puisse être suspendue à la demande de l'une des parties. Nous avons à l'esprit le cas, par exemple, où quelqu'un poursuivrait en cour Municipale pour $250; cette personne-là aurait causé des dommages à la partie adverse pour $2,000 ou $3,000, disons, encore dans un cas d'accident, et il y aurait un litige en cour Provinciale ou en cour Supérieure. Nous croyons, tel que c'est prévu dans le moment pour les litiges qui sont devant la cour Provinciale, qu'il y aurait lieu de prévoir un mécanisme permettant la suspension, comme cela se fait dans le moment lorsqu'il y a litige en cour Supérieure et en cour Provinciale en même temps.

Comme dernière remarque, la Conférence des juges municipaux a beaucoup de réserve sur l'homologation. Nous nous demandons si ce n'est pas faire un pas en arrière que d'exiger l'homologation. Comment cette homologation se fera-t-elle? Est-ce qu'il faudra procéder par une requête comme cela se fait dans le moment dans les cas de jugement qui doivent être homologués? Ce genre de requête nécessite généralement quelle soit faite par un avocat qui a les qualifications. En plus de cela, cette homologation amènera des délais puisque le jugement ne sera pas exécutoire tant qu'il ne sera pas homologué. On peut se demander si ça n'amènera pas également des frais à la partie qui serait obligée de faire homologuer son jugement.

Dans l'ensemble, M. le ministre, ce sont les remarques que la Conférence des juges municipaux de la province de Québec avait à vous souligner. Permettez-moi de dire, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, que la Conférence des juges municipaux de la province est constituée des juges municipaux des diverses municipalités de la province de Québec à l'exception de ceux des villes de Montréal, Québec et Laval.

M. CHOQUETTE: M. le Président, pour préciser quelque peu le débat, et de façon qu'on puisse, peut-être même régler tacitement certaines questions au fur et à mesure de la discussion, je me permettrai simplement de mentionner trois questions qui ont été relevées dans l'exposé du représentant de la Conférence des juges municipaux. Premièrement, quant à la nomination des juges municipaux permanents, cela va de soi. C'est notre objectif, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne sera peut-être pas possible de le réaliser immédiatement dans tous les cas. La Conférence des juges municipaux peut être assurée que c'est l'objectif visé à moyen terme, dirais-je.

En second lieu, j'ai noté avec beaucoup d'intérêt les observations sur la demande reconventionnelle ou le droit de reconvention. Je reconnais moi-même qu'il y a un problème sous ce rapport, et il faudra préciser dans quelles conditions un débiteur poursuivi peut opposer à son demandeur sa propre réclamation, et comment tout cela s'insérera dans la juridiction, soit de la cour Municipale ou de la cour Provinciale suivant l'importance des montants en question.

Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de donner une réponse à la question posée par M. Lasnier.

Troisièmement, quant à la procédure d'homologation des jugements de la cour Municipale, je veux immédiatement clarifier une impression erronée qui peut exister. C'est que la procédure d'homologation prévue au projet n'a pas pour but de faire vérifier les jugements de la cour Municipale par la cour Provinciale; c'est purement et simplement un mécanisme pour mettre en marche l'exécution du jugement de la cour Municipale. A cause de l'ambiguïté qui peut exister à l'occasion de cette requête en homologation sur le point soulevé par M. Lasnier, il y aura probablement lieu d'abandonner cette requête en homologation et de faire en sorte que l'exécution du jugement puisse être mise en marche simplement par le dépôt du jugement à la demande du greffier et que ceci annonce le début des procédures en exécution du jugement rendu par la cour Municipale.

Je pense que, sur ce point, il sera facile de clarifier la question posée par M. Lasnier.

M. BLANK: J'aurais une question. Je ne sais si je dois la poser au ministre ou au Barreau. C'est au sujet des mandataires. Que pensez-vous du fait de limiter les mandataires à des gens qu'on appelle aux Etats-Unis des "public defenders"? Ce sont des gens nommés par le jeune Barreau ou des stagiaires qui seraient en cour en permanence, pour le soir, et le défendeur ou le demandeur aurait le choix de nommer une de ces personnes pour défendre sa cause.

M. PAUL: Mon collègue me permet-il une question? Qu'arriverait-il, par exemple, dans les centres où il n'y a pas d'avocat et où le système judiciaire n'est pas établi? Je comprends que votre question est soulevée au regard de Montréal, mais il faut envisager aussi que la loi s'appliquera par toute la province. L'excellente suggestion que vous faites pourrait peut-être être très difficile d'application en dehors des grands centres comme Québec et Montréal.

M. BLANK: C'est parce que j'ai peur — comme M. Lasnier l'a dit — au sujet des mandataires... Je cite un exemple. D'après la Loi canadienne de l'Immigration, dans les procédures devant les tribunaux de l'Immigration, c'est-à-dire dans les cas d'enquêtes d'expulsion, et même devant la Régie d'appel de l'Immigration, on a le droit de nommer un conseiller qui n'est pas un avocat.

M. CARDINAL: Et la Commission d'appel de l'impôt.

M. BLANK: Oui. On trouve des personnes qui ne sont pas qualifiées qui ont ouvert des bureaux et qui reçoivent de l'argent de ces gens. Cela devient une profession. J'ai peur que cela puisse peut-être arriver ici. On verra des avocats qui ne sont pas des avocats.

M. CHOQUETTE: Sur la question posée par le député de Saint-Louis, il va de soi que le mandataire que nous avons à l'esprit dans le projet de loi est plutôt un parent du créancier. Par exemple, la femme peut y aller pour son mari. De plus, il faut mentionner que le projet de loi prévoit que le mandat est nécessairement gratuit. En troisième lieu, il ne s'agit pas dans l'esprit du projet de loi d'un mandataire qui ait le droit de représenter à l'audience le créancier ou le débiteur, parce qu'il n'aurait pas la qualité voulue, il ne serait pas avocat. Il s'agit simplement des procédures introductives d'instance où le mandataire peut venir représenter le créancier.

M. CARDINAL: M. le Président, si le ministre me le permet, la Loi du Barreau, actuellement, ne permettrait d'ailleurs pas ce genre de mandataire que craint M. Lasnier.

M. CHOQUETTE: Non. Je crois d'ailleurs que la Loi du Barreau le défendrait d'une façon...

M. CARDINAL: Ces deux projets de loi ne viennent donc pas modifier la Loi du Barreau.

M. CHOQUETTE: Non.

M. BURNS: A ce moment, je crois qu'on aurait intérêt à les clarifier. C'est une question d'interprétation, évidemment. A la lecture, j'ai eu l'impression que des gens pouvaient représenter, à titre de mandataires, le réclamant ou le débiteur au moment du procès. Je pense que le projet de loi aurait intérêt à être précisé à ce niveau...

M. CHOQUETTE: Oui.

M. BURNS: ...si c'est l'intention du projet de loi, intention avec laquelle je serai entièrement d'accord. Parce que le Barreau a de la difficulté à vérifier le caractère gratuit du mandat...

M. CHOQUETTE: Oui. Les observations du député sont bien fondées. Il faudra préciser qu'il ne s'agit pas de créer une nouvelle classe d'avocats devant les cours Municipales. Je pense que c'est le sens de l'intervention du député.

M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais faire suite aux remarques du ministre de la Justice et du procureur de la conférence des juges sur le mode de nomination des juges. Personnellement, j'envisagerais — d'ailleurs, je prierais le ministre de se pencher sur ce problème — qu'il n'y ait qu'une loi concernant la nomination des juges, Loi concernant la magistrature. A l'occasion de la révision constitutionnelle, j'invite le ministre à rapatrier toute la juridiction pour la nomination des juges de la cour d'Appel et de la cour Supérieure, de tous les tribunaux qui exercent une juridiction au Québec.

A ce moment-là, tous les juges seraient nommés et payés par l'autorité du Québec, même les juges municipaux. Un juge, une fois nommé, serait assigné à une juridiction qui pourrait être celle de la cour Municipale, de la cour Provinciale, de la cour Supérieure ou de la cour d'Appel. Mais, il n'y aurait qu'une loi, ce serait la Loi de la magistrature, dans laquelle on retrouverait tous les critères pouvant permettre la nomination des juges; ce seraient des avocats, bien entendu, car c'est la règle. Par contre, il peut y avoir certains autres tribunaux qui seront créés — nous en avons déjà parlé — les tribunaux familiaux où il serait peut-être possible de nommer certaines autres personnes que des avocats. A priori, je n'ai pas d'objection à ce que ça se fasse. Mais le principe serait une loi de la magistrature et la personne nommée serait assignée à une juridiction qui pourrait être celle qui est conférée ici. Autrement, on crée toujours l'impression qu'il y a des tribunaux et des juges de qualité inférieure. Combien j'en ai entendu de ces remarques, même avant d'être ministre de la Justice. De là venait que certains juges voulaient porter le titre d'honorables parce que les juges de la cour Supérieure, en certains cas, ont ce titre. Des juges de la cour Provinciale le demandaient et certains juges de la cour Municipale également. Je pense qu'il faut mettre un peu d'ordre dans ce domaine-là.

Moi et mon collègue, nous envisagions l'élaboration d'un projet de loi de la magistrature.

A ce moment-là, je ne vois pas pourquoi les juges nommés par le Québec, qui a l'autorité dans le domaine de l'administration de la justice, seraient rémunérés par les municipalités. A l'heure actuelle, on étend considérablement la juridiction; c'est une bonne chose. On ira peut-être plus loin dans l'avenir pour faciliter une plus grande accessibilité à la justice. On impose des charges aux municipalités. Si nous examinons le projet de loi, nous voyons qu'il y aura des greffiers qui seront nommés et qui seront payés par le gouvernement du Québec.

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M.BERTRAND: A fortiori, si les greffiers sont rémunérés par le gouvernement du Québec, les juges devraient également l'être. On dira: Mais le juge qui sera assigné à l'exercice de la juridiction des cours Municipales n'aura peut-être pas beaucoup de travail. Au contraire, et c'est là que je vois l'application de l'article 2: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que le territoire de toute municipalité soit soumis à la juridiction de la cour Municipale d'une autre municipalité qu'il détermine."

A l'heure actuelle, il y aurait, au Québec, 150 cours Municipales. Mettons à part la grande ville de Montréal, la ville de Québec et certaines autres villes.

Je crois qu'il est possible, en dehors de Montréal, d'obtenir les statistiques qui permettraient au gouvernement de créer, de délimiter un territoire où la juridiction de la cour Municipale pourrait s'exercer et où une ou deux personnes seraient nommées pour l'administration de la justice dans ce territoire avec des juges itinérants. Ce qui est important, c'est d'éviter que le contribuable soit obligé de franchir des distances très grandes — et là, je parle de la campagne — 20, 30, 50 milles et, en certains cas, beaucoup plus. C'est plus facile de déplacer et le juge et le greffier; quant aux archives elles-mêmes, on peut les conserver à un endroit donné ou à deux endroits dans un district.

A ce moment-là, on rendrait ainsi encore une fois la justice plus accessible et, pour revenir aux propos du procureur de la Conférence des juges municipaux, on éviterait ce conflit très possible entre l'exercice de la profession par l'avocat et son rôle de juge municipal. Il y aura certainement un conflit et, pour l'éviter, j'appuie la demande de la Conférence des juges municipaux de nommer des juges permanents, à temps plein, et, deuxièmement, qu'ils soient rémunérés par le gouvernement du Québec. On déchargerait ainsi les municipalités de sommes assez élevées, et on sait quelle est leur situation financière. Je crois qu'il est bon que le juge sente qu'il relève d'une autorité et non pas de deux, de l'autorité de la ville et de l'autorité du gouvernement. Je pense que, dans ce domaine-là, il est bon d'identifier le responsable de l'administration de la justice, qui est le ministre de la Justice du Québec, quel qu'il soit.

M. CHOQUETTE: M. le Président, seulement quelques observations à propos de l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition.

Dans le but d'implanter ces projets de loi, j'ai constitué au ministère de la Justice une équipe de travail parce que, comme on l'a souligné, ces projets de loi comportent des modifications extrêmement considérables sur le plan administratif. La première tâche qui a été assignée à ce groupe de travail est de recueillir les statistiques qui peuvent nous guider dans la détermination des territoires qui seront assignés à chaque cour Municipale avec juridiction territoriale étendue dans d'autres municipalités.

Il y a tout un travail d'obtention de renseignements, soit sur le plan démographique, soit sur le plan économique. A la lumière de ces statistiques, il nous sera possible de projeter nous-mêmes une carte des cours Municipales à travers le Québec et de déterminer le territoire qui appartiendra à chacune de ces cours.

Quant à l'institution ou la présentation d'une loi de la magistrature qui fixerait et arrêterait les conditions de nomination, les conditions d'exercice de leur juridiction par les juges, le chef de l'Opposition peut être assuré que je l'ai en vue et qu'actuellement l'honorable juge Garon Pratte, ancien juge de la cour d'Appel maintenant à sa retraite, prépare un travail de fond sur ce sujet où il étudie toute la question des juges à travers la législation des autres pays. Je compte qu'il sera possible dans un avenir assez rapproché, à la lumière du rapport du juge Pratte, de présenter une loi arrêtant et fixant le statut et la compétence des juges de toutes les cours du Québec, au moins.

Quant aux amendements constitutionnels que nous suggère le chef de l'Opposition, il s'agit d'une question à débattre avec le gouvernement fédéral. Ce n'est pas à nous de trancher la question unilatéralement, parce qu'on sait qu'en vertu de la constitution les juges de la cour Supérieure et de la cour d'Appel sont nommés par le gouvernement fédéral. Mais, je retiens la suggestion du chef de l'Opposition.

M. PAUL: Si l'honorable ministre permet, des conférences des procureurs généraux, des ministres de la Justice ont déjà été tenues, et sûrement qu'il sera appelé à participer prochainement à une de ces conférences.

Déjà, ce terrain a été déblayé en partie. Il est intéressant de se référer au Rapport McRuer sur cet aspect de la compétence, de la juridiction et de la nomination possible des juges, par les Etats provinciaux, quelles que soient leur compétence et leur juridiction.

Je crois que le ministre, qui est en bonne relation, avec le ministre Turner, sauf, peut-

être, pour la carte d'identité, pourra trouver une oreille assez compréhensive de la pa.rt des autorités fédérales sur ce point, parce que ces discussions ont déjà été entamées et il n'y a pas eu d'obstruction trop forte, trop énergique. On a retenu ces suggestions et ces possibilités comme pouvant un jour se matérialiser.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions , nous remercions la Conférence des juges municipaux. Il y a ici, avec nous, l'Union des municipalités de la province, représentée par Me Hébert que nous allons entendre avec plaisir.

Union des municipalités

M. HEBERT: Voici, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Vous n'avez pas de mémoire écrit, n'est-ce pas?

M. HEBERT: Nous n'avons pas de mémoire, nous avons l'intention d'en produire un dans quelques jours. Evidemment, nous sommes en train de faire un relevé statistique des conséquences administratives de la mise en application de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Veuillez m'excuser, Me Hébert. Est-ce qu'il y a ici, d'autres groupes, d'autres organismes qui ont des mémoires à nous distribuer?

M. THIBODEAU: Au nom des huissiers de la cour Supérieure, j'ai une lettre-mémoire adressée au ministre de la Justice, et j'ai des copies additionnelles.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il serait utile, alors, que nous entendions à une autre séance l'Union des municipalités alors que nous aurons son mémoire; l'étude sera plus facile.

M. HEBERT: Je voudrais faire quelques remarques, si vous permettez, M. le Président. En principe, l'Union des municipalités est favorable à ce projet de loi. Cependant, elle ne croit pas qu'il lui appartienne de discuter des incidences juridiques du projet de loi, le Barreau y verra; les incidences administratives sont nombreuses. Vous avez souligné, ce matin, M. le ministre, qu'il pourrait arriver que les nombreux frais qui découleront de l'application de cette mesure, ne soient supportés, à un moment donné, que par les municipalités elles-mêmes. Nous sommes en train de faire le relevé de tous ces frais, de toutes les incidences administratives, puisque ça prendra, évidemment, du personnel, de la paperasse, des locaux. Ceci apparaîtra dans notre mémoire. Quand même, précisons que nous sommes favorables au principe du bille mais ce sont ces incidences administratives que nous allons discuter.

M. LE PRESIDENT: Un autre organisme, à l'arrière...

M. ROBIDAS: La ville de Longueuil...

M. BERTRAND: M. Thibodeau, je note dans votre lettre du 18 janvier 1971 adressée au ministre: "personnel et urgent". Il y a un caractère personnel...

M. THIBODEAU: J'ai laissé tomber le caractère personnel.

M. LE PRESIDENT: Vous l'avez laissé tomber?

Vous gardez l'urgence?

M. THIBODEAU: Je garde l'urgence.

M. PAUL: C'est une bonne profession de foi à l'endroit des membres de l'Opposition.

M. THIBODEAU: Cela n'a pas été fait dans cet esprit-là.

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez vous faire entendre, M. Robidas, de la ville de Longueuil.

Ville de Longueuil

M. ROBIDAS: M. le Président, M. le ministre de la Justice, M. les ministres du Cabinet, ainsi que M. le chef de l'Opposition, MM. les membres de l'Assemblée Nationale.

C'est la quatrième ville en importance de la province de Québec qui est touchée directement par vos deux lois. Je désire soumettre à votre bonne attention certaines remarques.

Nous avons rédigé un mémoire. Je demanderais au greffier de la cour de Longueuil de vous le présenter afin que vous puissiez en prendre connaissance. Vous me permettrez de résumer, cependant, l'objet de notre mémoire.

Premièrement, nous nous déclarons d'accord avec l'essence de ces deux lois. D'abord, la première, un accès plus facile à la justice pour les personnes du peuple qui ont des petites réclamations.

Deuxièmement, la régionalisation des cours de justice. Nous aimerions cependant que vous ajoutiez, à votre loi définitive, le dépôt volontaire. C'est-à-dire que les personnes désirant déposer sous l'empire de la Loi Lacombe puissent le faire, justement, à cette cour Municipale. Ceci aiderait d'une façon très concluante, très efficace, l'administration du bien-être social.

Actuellement, le service de bien-être, administré par le ministère des Affaires sociales maintenant, a certaines difficultés avec les assistés sociaux, puisque les dépôts volontaires doivent se faire à Montréal et qu'il n'existe pas

de relations très étroites entre les deux services publics. Or, nous croyons, nous de Longueuil, que, si les dépôts volontaires étaient faits à la cour Municipale, devenue cour Régionale, il serait beaucoup plus facile d'établir un service plus efficace et beaucoup moins coûteux pour les assistés sociaux.

D'une façon générale, nous avons écouté attentivement les remarques qui ont été faites ici. Nous sommes d'accord avec le chef de l'Opposition quand il dit que, lorsque la province fait des nominations de juges, elle devrait en acquitter également les frais, car nous ne savons pas exactement le nombre de juges que cela va comporter pour nous. Nous savons que c'est un multiple de $28,000 que cela pourrait vouloir dire pour nos deniers. Par conséquent, si la province juge à propos de nommer deux, trois ou cinq juges, selon le cas — tout dépend du travail à faire — il me semble que c'est tout à fait logique qu'elle défraie le coût des services qu'elle exige de la municipalité.

En ce qui a trait à l'édifice lui-même, on ne sait pas exactement de quelle dimension il devrait être. Nous croyons, vu l'importance de la loi et des sujets qui seront traités à cette cour, qu'il faudrait un édifice suffisamment important et coûteux. Par conséquent, il s'agirait de savoir de quelle manière l'administration municipale peut absorber ce coût sans que ses contribuables soient obligés d'en assumer la totalité. Du moins, nous sommes prêts à aller à la limite de la proportion exigée de notre population. Il en serait de même, je pense, de tous les autres frais qui nous seront imputés.

Notre crainte porte également sur le fait qu'il y a double juridiction. Si nous ne sommes pas satisfaits, par exemple, du greffier que vous allez nommer et si la cour ne fonctionne pas d'une façon efficace, à qui allons-nous nous adresser pour que des correctifs soient apportés en temps opportun? Il en est de même pour la nomination des juges. Je ne veux attaquer d'aucune manière les juges qui seront éventuellement nommés, mais je crois qu'il serait important de définir à quel moment ils vont siéger. Il est évident que les petites gens travaillent toute la journée. Disons que l'expérience des cours Municipales démontre qu'elles doivent siéger le soir.

Or si les juges que vous nommez sont des "neuf à cinq", comme on a l'habitude de le dire, cela ne rend pas le service pour lequel la loi est faite maintenant. Il faudrait s'entendre au départ là-dessus. Nous, de l'administration municipale, nous sommes contraints de travailler le soir, car nos concitoyens travaillent le jour. Lorsque la cour Municipale agrandie, modifiée ou améliorée siégera, il faudra qu'elle accepte ces principes également. Je ne voudrais pas prendre trop de votre temps; vous pourrez voir, dans le détail, nos remarques sur chacun des articles de la loi. Cependant, j'ai résumé en quelques mots notre pensée et je compte bien que, lorsque vous l'étudierez en comité, vous pourrez faire les corrections voulues.

M. CHOQUETTE: M. le maire, je suis heureux que vous et les représentants de votre municipalité ayez eu une réaction sur le plan des coûts qui seraient encourus par les municipalités lors de la mise en vigueur de ces deux lois. J'attendais, avec beaucoup d'intérêt, vos représentations sur le plan des conséquences financières que ces lois peuvent avoir au niveau des administrations municipales.

Evidemment, il faudra que vous considériez cet aspect, également important, de la répartition entre les autorités municipales et provinciales du produit des amendes perçues par les cours Municipales ou par les cours Régionales éventuelles. Je pense que vous devrez considérer l'aspect des revenus, comme l'aspect des dépenses.

M. BERTRAND: Auriez-vous objection à renoncer au revenu des amendes?

M. ROBIDAS: Disons qu'actuellement nous renonçons déjà au revenu des amendes provinciales. Nous considérons que nous devrions les conserver pour mieux équilibrer le budget des cours Municipales.

M. BERTRAND: Oui, mais si la nomination des juges et le paiement du salaire étaient faits par le gouvernement du Québec, auriez-vous objection à renoncer à la portion de l'amende ou à l'amende qui vous est remise?

M. ROBIDAS: Si je considère l'expérience présente — vous me prenez au dépourvu mais je peux certainement répondre à cette question — s'il s'agit de deux juges et plus, il est bien évident qu'il est avantageux pour nous de vous laisser la part des amendes que nous percevons actuellement.

M. BERTRAND: Parfait.

M. CHOQUETTE: Quant à la Loi du dépôt volontaire, c'est sûrement une loi à laquelle nous tenons et qui est éminemment sociale par son résultat. Actuellement, nous sommes en train d'installer un système électronique dans tous les palais de justice, pour la computation de tous les résultats des dépôts volontaires et nous allons voir dans l'avenir, si nous ne pouvons pas étendre la compétence du greffier des cours Municipales pour la réception des dépôts, à la lumière des réformes administratives qui sont en marche à l'heure actuelle.

M. ROBIDAS: Très bien. Au nom de mes collègues du conseil qui sont avec moi et qui m'appuient aujourd'hui, je désire vous remercier de l'accueil que vous nous faites et je souhaite que votre loi soit la plus parfaite

possible, afin qu'elle rende les services pour lesquels elle a été créée.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions M. Robidas. Me Thibodeau, je comprends de la part de Me Méthot un signe indiquant qu'il en a pour deux minutes, parce qu'il m'a montré deux doigts.

M. THIBODEAU: Je suis patient.

Ville de Trois-Rivières

M. METHOT: C'est dans le même sens que mon ami de Longueuil. Je tiens à déclarer que la ville de Trois-Rivières, comme celle de Longueuil, a aussi une réaction très vive sur le coût, et j'aimerais noter qu'il nous semble que cela va charger outre mesure les cours Municipales sans leur procurer les revenus suffisants pour combler les dépenses. Il est clair, en lisant la loi, qu'en vertu de l'article 642, actuellement, une ville ne peut être contrainte d'avoir une cour Municipale, elle a discrétion. Aujourd'hui, d'après l'article 1, on pourra à l'avenir la forcer à en organiser une. Ensuite, les articles 6 et 8, en vertu de l'article 643, notent que c'est le conseil qui fixe le paiement du juge municipal et l'article 6 déclare que la municipalité n'aura qu'à payer le salaire fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Elle sera à la merci du gouvernement. La municipalité devra payer le coût, qu'on nomme les juges à temps plein — comme c'est ce qui arrivera très prochainement — on paiera des salaires de $25,000 à $30,000, alors qu'actuellement nous ne payons que $5,000 ou $6,000 chez nous, à Trois-Rivières.

Pour continuer, la municipalité perdra aussi son pouvoir de nommer le greffier et le greffier adjoint. Alors nous serons administrés, ni plus, ni moins, par la province.

M. CHOQUETTE: Pas le greffier de la ville, le greffier de la cour. Il faut faire la distinction.

M. METHOT: Le greffier de la cour. Le greffier ou le greffier adjoint.

Il me paraît évident que nous ne pouvons mêler le pénal avec le civil. Vous nous répondez : Voulez-vous nous remettre les amendes? Il n'est pas question d'amendes ici, il est question simplement de juridiction civile.

M. CHOQUETTE : Le salaires des juges?

M. METHOT: Quant à la juridiction de la cour Municipale, nous n'avons pas d'amendes. Les amendes provinciales du code de la route appartiennent au complet, à la province, sauf pour les infractions par rapport à la vitesse. Les amendes en vertu du code criminel, où nous avons juridiction lorsque nous procédons sur déclaration sommaire de culpabilité, appartien- nent au complet à la province. Et nous devons faire des dépenses immenses pour faire parvenir cet argent au provincial. Nous ne sommes même pas payés pour les dépenses occasionnées actuellement pour faire parvenir l'argent dans les coffres de la province.

M. CHOQUETTE: Vous percevez les amendes des règlements municipaux.

M. METHOT: Certaines amendes de règlements municipaux, le stationnement ou la circulation, oui. C'est juste et raisonnable que ces amendes demeurent à la municipalité, cela ne sert qu'à payer les déboursés que nous sommes appelés à faire à la cour comme payer notre greffier et notre juge. Actuellement, je crois qu'il sera absolument impossible pour une municipalité...

M. BERTRAND: Si vous ne payez plus le juge, cela ne vous fait rien de renoncer à ces amendes en vertu des règlements municipaux?

M. METHOT: Si nous ne payons plus de juge, nous continuerons à renoncer aux amendes en vertu du code criminel et aux amendes en vertu du code de la route. Nous continuerons à remplir les coffres de la province et à leur faire parvenir l'argent que nous percevons à la cour Municipale.

M. BERTRAND: Les amendes perçues en vertu des règlements municipaux?

M. METHOT: C'est absolument impossible. Vous vous imaginez le palais de justice que la ville serait obligée d'organiser; car la province organise un palais de justice pour administrer sa justice! Les cours Municipales seront aussi obligées d'avoir un local qu'on appellera le palais municipal de justice, et ce palais, on sera obligé de le payer. Je crois que les amendes que nous allons percevoir quant à la circulation ne seront pas suffisantes pour défrayer tous ces coûts, c'est évident. Nous ne pourrions remettre ces...

M. CHOQUETTE: M. Méthot, je crois que vous allez admettre qu'il y a lieu d'analyser cet aspect de la répartition des coûts et des revenus non pas simplement au niveau des grands principes, mais qu'il y a lieu d'avoir des résultats concrets à la lumière de l'expérience vécue dans chaque municipalité quant au coût de sa cour Municipale et quant aux revenus qu'elle en retire.

M. METHOT: Un exemple. Si quelqu'un est arrêté pour des facultés affaiblies, on lui fait aujourd'hui passer un test d'ivressomètre à deux heures du matin. On appelle notre officier qui a suivi un cours là-dessus et qui nous demande $20, en vertu de la convention collective, parce

qu'il s'est déplacé. Il nous compte quatre heures pour faire le test de l'ivressomètre et nous le payons $20. Nous arrivons à la cour et pour l'avoir comme témoin, c'est encore trois heures que nous sommes obligés de lui payer en temps supplémentaire. Le juge le condamne à $50 d'amende. Or, les $50 au complet sont envoyés à la province alors que cela nous a coûté $75.

M. BERTRAND: Vous ne faites pas beaucoup d'argent.

M. SAINDON: M. Méthot a parfaitement raison. Pour les municipalités, il sera extrêmement difficile de remettre les amendes perçues pour contravention, que ce soit stationnement ou autre chose à l'intérieur des limites d'une municipalité. Tous ces frais que M. Méthot a mentionnés sont devenus vraiment onéreux. Directement et indirectement ces frais que nous récupérons remboursent seulement partiellement les déboursés occasionnels.

M. CHOQUETTE: Merci, M. le maire.

M. LE PRESIDENT: Dois-je comprendre que la question ou l'observation porte sur le sujet actuellement en discussion?

Conférence des juges municipaux (suite)

M. CORDEAU: Je suis Marc Cordeau, président de la Conférence des juges municipaux. Je crois que nous avons parlé ce matin d'une loi de la magistrature, de la réorganisation des cours municipales, du statut des juges à temps plein nommés par Québec, etc.

J'ai l'impression qu'éventuellement il faudrait éliminer complètement la contribution des municipalités à une cour Municipale. Je m'explique. Je crois que tant et aussi longtemps qu'une municipalité contribuera au coût de cette cour, elle croira qu'elle a un droit de regard sur la cour, sur le juge, sur le greffier. Je crois qu'éventuellement il faudrait que la province envisage de payer à peu près tous les frais, tous les locaux, une fois les cours réorganisées dans le sens que vous préconisez dans ces lois. Tant et aussi longtemps que les municipalités paieront, je crois qu'il peut y avoir un genre de conflit. Je pense qu'un droit de regard par les municipalités ou les conseils de municipalités sur les juges... Tout à l'heure, on a dit qu'on devrait régler les heures de séance des juges. Je ne crois pas qu'une municipalité devrait pouvoir faire ça. Je ne blâme pas les municipalités qui disent: On paie pour ça, on devrait quand même avoir un droit de regard. Je souligne la chose au ministre de la Justice pour qu'éventuellement, si possible, toutes les amendes, tous les revenus des cours soient envoyés à Québec et que toutes les dépenses soient payées par Québec.

M. CHOQUETTE: Je vais souligner cela au ministre des Finances.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le ministre, je ne pensais pas d'abord que ces deux projets amèneraient prima facie, tant de discussions qui sont d'ailleurs très objectives et qui ont intéressé les membres de la commission jusqu'à présent. Il me semble qu'on se dirige, à la suite des remarques qui ont été faites, vers une espèce d'ambiguïté où, en gardant le nom de cour Municipale, on conserve dans le fond l'apparence d'un ancien système quand on donne à une telle cour une nouvelle juridiction qui dépasse énormément la portée d'une municipalité ou de plusieurs municipalités. Je pense que ces observations qui nous sont faites doivent encourager fortement le gouvernement non pas à réviser profondément ses savants projets de loi, mais à réviser la façon dont l'administration de cette nouvelle espèce de cour Municipale se fera entre la municipalité et le gouvernement du Québec.

Peu importent les modalités, que ce soit tel genre d'amende ou tel autre, mais enfin il y aura trois juridictions qui seront accordées à cette nouvelle cour Municipale; l'une concerne la municipalité, la deuxième concerne ce que lui accordent les deux nouveaux projets de loi et la troisième ce qui lui vient déjà du code criminel.

M. CHOQUETTE: Ce qui pourrait lui être donné en vertu du code criminel.

M. LE PRESIDENT: Alors, oui...

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que ce que vient de dire le député de Bagot et d'autres avant lui ne découle pas ou ne découlera pas nécessairement de la politique de regroupement des municipalités? Les communautés urbaines?

M. CHOQUETTE: Sûrement.

M. LAURIN: Est-ce que ceci ne nous dirige pas nécessairement vers l'institution de cours à différents paliers: cours provinciales, régionales? Ceci n'impliquera-t-il pas un regroupement au niveau juridique, comme on le voit au niveau municipal, au niveau financier, au niveau scolaire?

M. CHOQUETTE: II est sûr que c'est l'orientation du projet de loi. Cela me paraît clair.

M. LAURIN: Si cela va sans dire...

M. CHOQUETTE: Je ne l'ai pas dissimulé dans mon exposé initial. Nous nous orientons vers des cours régionales, mais il s'agit de savoir dans quelle mesure on peut faire la transition rapidement et quelles sont les conséquences

financières, administratives. C'est pour ça que les points de vue exprimés ce matin nous aident à orienter notre action. Même s'il y a une résistance sur le plan des coûts, de la part des municipalités, ce que je comprends très, très bien.

M. LAURIN: Mais, si cela va sans dire, cela irait mieux en le disant.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. LAURIN: Et peut-être que le ministre de la Justice pourrait prendre les devants, pour prévoir...

M. CHOQUETTE: Oui, mais c'est qu'on ne transforme pas instantanément des institutions judiciaires comme les cours Municipales sans avoir le personnel au niveau administratif, sans avoir des juges appropriés pour remplir la fonction. On ne fait pas cela d'un trait de plume. Alors, il faut quand même nénager une période de transition, mais c'est sûrement l'objectif que nous visons.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions des membres de la commission... Est-ce que c'est toujours sur le même sujet? Me Thibodeau est extrêmement patient, mais...

Y a-t-il entente entre vous, messieurs?

M. BROCHU: Oui. Seulement deux mots. La ville de Québec est en train, actuellement, de compiler...

M. LE PRESIDENT: Me Brochu, n'est-ce pas?

M. BROCHU: Oui, Brochu. Elle est en train de compiler ce que représenteront les frais d'administration de la nouvellle loi, et nous avons l'intention de présenter un mémoire dans les prochains jours.

M. LE PRESIDENT: Si vous me permettez, je pense que cela peut s'appliquer à d'autres organismes qui sont devant nous ou qui viendront. Il y a grand avantage à ce que les mémoires nous parviennent à l'avance. On épargnera un temps considérable dans les débats. Alors, j'invite fortement les organismes qui sont ou qui viendront devant nous à nous expédier leur pensée à l'avance.

Alors, Me Thibodeau et les huissiers.

Huissiers de la cour Supérieure

M. THIBODEAU: M. le Président, messieurs les membres de la commission. Mon mandat, ce matin, est limité à inscrire une opposition assez énergique à un seul article du projet de loi no 71, soit l'article 15, le deuxième paragraphe.

J'ai eu l'occasion, dans une lettre que j'adres- sais à l'honorable ministre de la Justice, de formuler les motifs de l'opposition des huissiers de la cour Supérieure de la province de Québec. Et si vous me permettez, je lirai les trois principaux motifs de l'opposition.

Premièrement, les huissiers de la cour Supérieure ont demandé, il y a déjà près de trois ans, d'être constitués en corporation ou association professionnelle, de façon à assurer l'entière exécution de leurs fonctions d'officiers de justice. L'article 15 de votre projet de loi est de nature à diminuer leur prestige et j'ajouterais, également, leur autorité dans le public.

Deuxièmement, l'exécution des fonctions des huissiers par des policiers et cadets municipaux est de nature à provoquer des erreurs et des retards et les services fournis par ces derniers seront plus coûteux que ceux des huissiers.

Enfin, les huissiers de la cour Supérieure ont prouvé, dans le passé, qu'ils étaient prêts en tout temps à collaborer à l'administration de la justice en travaillant gratuitement dans les cas d'assistance judiciaire.

Ils sont disposés à agir comme huissiers de la cour Municipale à un tarif très réduit de façon à favoriser l'accès à la justice qui est l'un des objectifs que vous recherchez par la transformation proposée des cours Municipales.

Je m'explique. Vous vous rappelez sans doute, messieurs les membres de la commission qui siégiez à ce moment-là, qu'il y a trois ans le Barreau, lors de l'étude en profondeur de sa loi, avait demandé comme pouvoir au conseil général, d'établir des règles de discipline sur les huissiers de la cour Supérieure. A ce moment-là, ce groupe a annoncé qu'ils avaient l'intention de déposer un projet de loi pour être tous groupés en corporation. Actuellement, vous avez en effet une Corporation des huissiers à Montréal; à Québec, vous avez l'Association des huissiers. Ils voulaient tous se grouper ensemble et surtout se donner des règles d'éthique et de discipline très sévères pour bien réglementer le travail des huissiers. Je n'ai pas à chercher les motifs qui ont incité les autorités gouvernementales à laisser dormir paisiblement dans cette vénérable enceinte le projet de loi des huissiers, mais il est toujours ici et il attend.

Dans les circonstances, je crois que confier aux policiers et aux cadets le travail de signification des procédures serait de nature à diminuer considérablement le prestige et l'autorité des huissiers dans la province. Comme vous le savez, ces gens-là ont des responsabilités considérables. Ils agissent comme officiers de justice, ils distribuent les procédures judiciaires au grand public et, comme tels, ils ont besoin d'une autorité. Si vous commencez à gruger sur leurs prérogatives et leurs droits en confiant à tous et chacun le travail qui était réservé aux huissiers, j'en tire la conclusion que c'est de nature à les affaiblir considérablement dans l'opinion publique.

Mais il y a plus que cela. Vous n'ignorez pas que les huissiers doivent avoir des connaissances assez approfondies, assez complètes du code de procédure civile. Or, si vous confiez à d'autres ce travail propre aux huissiers, je crois que vous vous exposez à des retards d'abord, à des erreurs qui pourraient être assez coûteuses, et même sur le coup. N'oubliez pas qu'actuellement — et je suis mêlé d'assez près aux négociations des conventions collectives des policiers, des pompiers et des cadets dans plusieurs villes de la province — c'est assez coûteux, vous savez, d'avoir recours aux policiers et aux cadets pour faire des significations de procédures. Les municipalités doivent les payer suivant les taux des conventions collectives. Quand le policier prend deux heures ou deux heures et demie pour faire une signification, cela représente $10 et plus. S'il doit faire la signification en temps supplémentaire, c'est temps et demi. Je pense que si vous avez voulu épargner sur le coût, vous allez avoir des désillusions. Il va vous coûter en effet beaucoup plus cher d'utiliser les policiers et les cadets pour faire des significations de procédures que d'utiliser les personnes reconnues actuellement pour faire ce travail.

Je veux enfin rendre hommage aux huissiers de la cour Supérieure pour leur collaboration dans l'application de l'assistance judiciaire. Je me suis occupé personnellement du Service d'assistance judiciaire de Québec pendant cinq ans, et je peux vous dire que les huissiers ont consenti à travailler gratuitement pour toutes les procédures d'assistance judiciaire. Les huissiers ne chargeaient que les frais de voyage et les honoraires étaient toujours rayés lorsqu'il s'agissait d'une procédure d'assistance judiciaire.

Par conséquent, j'ai mandat de leur part de vous dire, M. le ministre, que si vous voulez reconnaître leurs droits et si vous voulez utiliser les huissiers pour la signification des procédures des cours Municipales — évidemment, vous avez déjà des exceptions: les significations par voie de poste recommandée, c'est déjà dans le code, il n'y a pas d'objection à cela, et il y a aussi d'autres procédés dans le code — vous pourrez négocier avec eux un tarif assez réduit pour tenir compte des vues que vous recherchez par cette loi pour favoriser l'accès à la justice.

Ce sont là les considérations que je désirais vous faire pour demander bien respectueusement de rayer du projet de loi 71 le deuxième paragraphe de l'article 15, de façon que les huissiers de la cour Supérieure soient d'office huissiers de la cour Municipale et, comme tels, fassent les significations qui seront exigées au niveau de ces cours.

Evidemment, au plan pénal, nous reconnaissons que les villes utilisent actuellement les agents de police. On utilise même, au niveau de la province, les agents de la police provinciale pour faire les significations dans le domaine pénal. Là nous ne voulons pas de changements. Mais au civil, nous voulons que les huissiers restent les seuls autorisés à faire des significations à la cour Municipale. Soyez assurés qu'ils sont disposés à négocier un tarif qui vous donnera satisfaction.

M. CHOQUETTE: M. Thibodeau, j'ai été vivement intéressé par vos observations, d'autant plus qu'elles me semblent mettre le doigt sur un problème qui est réel chez les huissiers. On sait que les huissiers sont organisés en une association assez efficace au niveau de la ville de Montréal. Je ne connais pas la situation au niveau de la ville de Québec, mais partout ailleurs dans la province la situation des huissiers est extrêmement confuse. Ils ne sont pas soumis à la discipline d'une association et la qualité des huissiers est très variable suivant les individus.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il faut clarifier la situation au sein de ce groupe. On me dit qu'il y a même un bill privé qui est déposé, dont l'étude est suspendue à cause de l'étude sur la situation de l'ensemble des professions.

M. THIBODEAU: Mais si vous me permettez, M. le ministre...

M. CHOQUETTE: Je note, M. Thibodeau, que ceux que vous représentez sont prêts à être très raisonnables sur le plan du tarif et que, comme vous le dites assez habilement, cela pourrait même représenter un coût inférieur au coût de la signification par le service des policiers.

M. THIBODEAU: C'est possible.

M. CHOQUETTE: C'est sûrement un argument assez puissant à mes yeux.

M. THIBODEAU: Vous me permettrez d'ajouter que, même dans ce que vous appelez une situation confuse — et cela peut être réel — les huissiers, dans cette confusion, restent toujours sous le contrôle des juges de la cour Supérieure en vertu d'une loi publique Ils sont sous le contrôle de la cour Supérieure. Un huissier qui, actuellement, travaille mal dans un district quelconque, peut donc être déféré à un juge de la cour Supérieure qui a autorité sur lui en tout temps. Cette loi est toujours dans les statuts de la province.

Maintenant, permettez-moi une petite observation personnelle. Je laisserai le Barreau parler officiellement. Je n'ai pas mandat, ce matin, de parler au nom du Barreau. Mais, il y a l'article 11 de votre bill 70 que je trouve extrêmement dangereux et je vous prierais de le considérer. On en a parlé tout à l'heure. Je pense que vous devez conserver l'article du code de procédure civile sur le plan juridictionnel.

On devrait laisser: La poursuite peut être

intentée ou au domicile du défendeur ou à l'endroit où toute la cause d'action a pris naissance. Parce que moi, je ne me vois pas frappé sur la route par un citoyen de l'Abitibi et que ce monsieur-là, alors que je suis entièrement dans mon droit, m'oblige à aller avec tous mes témoins en Abitibi pour débattre cette cause.

C'est lui qui est poursuivi,, Alors, j'ai le choix de l'assigner à l'endroit où la cause d'action a pris naissance ou bien à l'endroit où est situé son domicile. Je pense que l'on devrait rétablir cette règle-là, parce qu'autrement c'est onéreux et même injuste.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve avait une question à poser.

M. BURNS: Par rapport à vos remarques sur l'article 15 du bill 71, avez-vous pris connaissance de l'article 7 du bill 70 qui dit que "la signification de la demande de paiement et de la copie de la requête est faite au débiteur par courrier recommandé avec avis de réception"?

M. THIBODEAU: Oui.

M. BURNS: Dans les autres cas, c'est-à-dire quand ce n'est pas possible, ce sont des significations telles que prévues au code de procédure civile.

M. THIBODEAU: D'accord, il y a l'article 7, mais, par contre, il y a l'article 15.

M. BURNS: Oui mais, est-ce que, dans le fond, ça ne voudrait pas dire une très grande réduction du recours aux services des huissiers pour ces actions-là devant la cour Municipale?

M. THIBODEAU: Evidemment, les huissiers n'ont aucune objection à ce qu'on utilise des significations par voie de lettres recommandées, mais ils ont objection, lorsqu'il faudra véritablement utiliser une personne physique, à passer par les policiers ou les cadets. Ils veulent que ça soit réservé aux huissiers. Plusieurs procédures, toutes les procédures d'exécution, entre autres, sont extrêmement importantes et pas toujours faciles, vous savez. Cela prend du doigté et une connaissance du code.

M. BURNS: Maintenant, M. le ministre, en comparant l'article 7 du bill 70 à 15 du bill 71, on se demande s'il y a concordance, parce que les policiers et les cadets ne sont pas prévus au code de procédure civile comme huissiers instrumentaires.

M. CHOQUETTE: II y a sûrement une clarification à faire. Maintenant, l'utilisation des huissiers ou d'un mode de signification par huissier ou par agent de la paix, cela serait aux lieu et place de la signification par lettre recommandée. Ainsi qu'on me l'a fait observer, il y a souvent des cas où la signification par lettre recommandée ne peut pas se faire; elle est un échec, en somme. A ce moment-là, il faut avoir recours à la procédure de la signification ordinaire, c'est-à-dire par huissier ou par agent de la paix, tel que c'est proposé dans le projet de loi. Mais nous allons examiner vos représentations très sérieusement, M. Thibodeau.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Me Bourret du Barreau du Québec nous a laissé entendre qu'il aurait quelques mots à nous dire.

Barreau du Québec

M. BOURRET: M. le Président, messieurs, simplement quelques mots, comme je l'ai demandé au président de la commission. Le Barreau du Québec s'intéresse très étroitement et très activement à ces deux projets de loi et aux divers aspects qu'ils mettent de l'avant, en particulier aux aspects sociaux du bill 70. Nous savions, ce matin, que nous n'étions pas attendus pour faire une présentation de mémoire.

Nous avons tenu quand même à assister au débat et aux informations qui émanent de la commission sur la portée de ces bills-là. Nous produirons, d'ici quelques jours ou quelques semaines au plus tard, le mémoire du Barreau du Québec et nous espérons, à ce moment-là, pouvoir faire nos représentations verbales devant votre commission.

Je vous remercie, M. le Président.

M. CHOQUETTE: Les membres de la commission sont impatients de recevoir le mémoire du Barreau et par conséquent, M. Bourret, le plus rapidement vous pourrez produire votre mémoire, le mieux ce sera pour les membres de la commission, et surtout pour la présentation du projet de loi en deuxième lecture.

M. BOURRET: J'ose espérer, M. le Président, que, d'ici le 5 février au plus tard, le mémoire du Barreau sera rédigé et envoyé à votre commission de façon que, si c'est possible, nous puissions être entendus dans les jours qui suivront, si la commission siège à ce moment-là.

M. BERTRAND: Les parlementaires ont certainement à coeur d'examiner ce projet de loi dès la reprise des travaux parlementaires et de l'adopter le plus rapidement possible. Il ne faudrait pas que la présentation des mémoires nous retarde dans notre action parlementaire. Alors le plus rapidement.

M. BOURRET: Les informations que nous avions étaient que ce matin, certains groupes déjà avaient été demandés, ou avaient demandé de soumettre leur mémoire, et que nous

assisterions à une séance d'information pour suivre le débat, l'évolution de ces projets-là, et que le Barreau serait entendu éventuellement à une date à être fixée. C'est ce que j'ai compris.

M. CHOQUETTE: Pour ce qui est de la prochaine séance de la commission, je partirai moi-même en vacances, alors je pense qu'on pourrait prévoir la prochaine séance au début de la prochaine session. Par conséquent, je crois que si le mémoire du Barreau était déposé à la commission et même transmis aux membres de la commission...

M. BERTRAND: Transmis auparavant.

M. CHOQUETTE: ...auparavant, ceci leur permettrait de l'étudier, par conséquent d'être pleinement renseignés et...

M. BERTRAND: Et, dès l'ouverture...

M. CHOQUETTE: ...dès l'ouverture de la prochaine session, nous aurons une autre séance de la commission et là, nous entendrons le Barreau de vive voix ainsi que les autres organismes qui doivent nous faire des représentations.

M. BOURRET: Ce sera fait.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez, le ministre suggère que ce soit envoyé aux membres de la commission. Nous avons notre dévoué secrétaire. Je pense que, si le Barreau en a les moyens, il pourrait, comme on l'a fait dans le cas d'autres commissions parlementaires, envoyer le nombre suffisant de copies au Secrétaire de l'Assemblée nationale, lequel pourrait les remettre aux membres de la commission, ce qui simplifierait de beaucoup...

M. LE PRESIDENT: On me souligne que le chiffre de cent copies serait un minimum fort acceptable. Vous l'adresserez, messieurs, au Secrétariat des commissions, Assemblée nationale, Hôtel du gouvernement, etc.

Le Comité des assistés sociaux du Québec. M. de Boies est-il présent ce matin?

Comité des assistés sociaux

M. DE BOIES: M. le Président, nous sommes prêts à procéder. Malheureusement, comme toujours, les non-nantis sont toujours informés à la dernière minute. Nous n'avons pas de mémoire de prêt. J'aimerais, M. le Président, que M. le ministre et les membres de cette commission entendent mes remarques, car notre comité n'a pas les moyens de payer à son représentant des voyages de Montréal à Québec et de Québec à Montréal.

M. BERTRAND: Allez-y.

M. DE BOIES: M. le Président, je tiens à vous remercier, ainsi que le ministre de la Justice et les honorables membres de cette commission, de bien vouloir entendre la voix des sans-voix.

Naturellement, avec l'entourage des illustres membres du Barreau, je me sens un peu gêné et, en plus, je ferai remarquer au ministre de la Justice, quoique n'ayant rien préparé, que j'essaierai de ne pas avoir d'écarts de language à cause des mesures d'urgence.

M. le Président, nous, les non-nantis, sommes très déçus plus spécialement du titre du projet de loi 70, Loi favorisant l'accès à la justice. Je me demande, tout comme notre comité, dans le projet 70, quelles sont pour nous, les non-nantis, les chances de l'égalité et les chances de sécurité judiciaire.

Vous me permettrez, M. le Président, de dire ce qui est très courant dans la masse, qu'il existe deux justices: Une justice pour les riches et une justice pour les pauvres. Dans plusieurs cas, nous l'avons remarqué. Que l'on me permette simplement de citer un cas, en comparaison avec un non-nanti. Sans le nommer, un fonctionnaire du gouvernement était arrêté pour fraude. Tenu coupable, il recevait une sentence suspendue et, en plus, le nom de ce même personnage est encore inscrit à la liste de paie du gouvernement. Prenons l'autre cas, un cas de non-nantis: Un jour, son chèque d'allocations sociales s'était égaré. On lui remettait un duplicata et, quelque temps après, il recevait ce chèque égaré. Probablement à cause de son instruction rudimentaire, il a cru qu'il avait le droit d'encaisser ce chèque. Il fut arrêté. N'ayant pas les moyens de se procurer un avocat, il fut condamné à six mois. A vous de faire les commentaires à ce sujet.

M. PAUL: Si vous me permettez une question ici. Est-ce que l'individu dont vous venez de nous raconter la mésaventure, avait retenu les services d'un avocat de la part de l'assistance judiciaire?

M. DE BOIES: Non, pour certaines raisons. L'on me permettra de parler de l'assistance judiciaire pendant quelques secondes.

De plus, nous désirons soumettre au ministre de la Justice ces quelques considérations afin que réellement la justice soit pratiquée dans le vrai sens du mot. A l'assistance judiciaire et aux avocats qui en font partie, le Comité des assistés sociaux du Québec tient à rendre un hommage tout particulier pour le dévouement qu'ils exercent envers les clients qui leur sont assignés. Mais, nous considérons, nous du Comité des assistés sociaux du Québec, que l'assistance judiciaire, actuellement, est inadéquate. Nous suggérons au ministre de la Justice que l'assistance judiciaire soit élargie, qu'elle ait plus de fonds à sa disposition et que, dans les villes où l'assistance judiciaire existe, il y ait au moins un

membre que l'on puisse rejoindre dans la nuit, tout comme on peut rejoindre le médecin.

De plus, nous tenons à suggérer au ministre de la Justice que son ministère devrait donner, sur les différentes lois qui concernent les citoyens, une information beaucoup plus grande. Cette information pourrait être donnée aux citoyens, soit par le moyen de l'éducation dans nos collèges, soit dans les centres communautaires ou soit par les différents comités de citoyens qui existent dans la province de Québec.

Une autre suggestion que nous désirons faire au ministre de la Justice, c'est que, dans les zones grises, dans les quartiers défavorisés, il y ait un bureau judiciaire à la disposition non pas simplement des assistés sociaux, mais aussi des travailleurs à faible revenu. En terminant, M. le ministre, que l'on me permette, au nom du Comité des assistés sociaux, de protester énergiquement contre les mesures d'urgence, parce que nous...

M. LE PRESIDENT: M. de Boies, si vous me permettez. Vous avez, jusqu'à présent, couvert le terrain relevant de l'étude des deux projets qui sont devant nous. Vous l'avez très bien fait et vous êtes resté dans le sujet.

Cependant, en abordant les mesures d'urgence, les mesures de guerre, M. de Boies, nous sortirions définitivement des sujets que nous étudions ce matin.

M. DE BOIES: Je m'incline, M. le Président, devant votre décision.

M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. DE BOIES: Et je remercie les membres de leur bienveillante attention, quoique vous auriez pu peut-être, M. le Président, vu que je n'ai pas parlé du bill 70 ou du bill 71, me déclarer hors d'ordre. Je vous remercie infiniment.

M. CHOQUETTE: M. de Boies, est-ce que je peux tirer la conclusion que vous êtes favorable à ces deux bills?

M. DE BOIES: Je considère que les deux bills sont pour moi un peu ambigus. Malheureusement, je n'ai pas poursuivi les études de certains membres de la commission et de ceux qui m'entourent; je leur laisse donc, en usant naturellement leur bon sens, le soin de juger des deux bills.

M. CHOQUETTE: Mais on peut quand même...

M. DE BOIES: Oui, le bill 70 — que l'on me permette, je le dis non pas seulement en mon nom personnel, mais au nom du Comité des assistés sociaux — est une étape — une petite étape — vers l'accès à la justice et à la sécurité judiciaire.

M. BLANK: M. de Boies, juste un mot en passant. Vous avez parlé l'autre fois des médecins la nuit; je veux simplement vous dire que je devais prendre l'avion ce matin à 7 heures, mais, à 3 heures ce matin, j'ai eu un appel téléphonique pour un avis juridique d'un client pas payant.

M. DE BOIES: Permettez-moi, M. le Président, juste une dernière remarque. Je connais le député de Saint-Louis, je connais son dévouement et je sais que pour ses électeurs, même au point de vue électoral, il peut tout faire.

M. BERTRAND: Etes-vous un de ses organisateurs? Ah! c'est un de ses organisateurs!

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai écouté M. de Boies avec beaucoup d'intérêt. Il disait tout à l'heure qu'il lui était difficile de se prononcer sur le projet de loi parce que ce projet de loi lui semblait ambigu et qu'il n'avait peut-être pas toute l'information technique. J'ajouterais que, pour nous aussi, c'est ambigu et que nous sommes obligés de l'étudier longtemps pour le comprendre.

M. LE PRESIDENT: J'ai ici le nom de M. Trebilcock de l'université McGill; est-il avec nous et l'est-il à titre personnel?

Est-ce que ça va être long ou court?

MR. TREBILCOCK: Pardon!

M. LE PRESIDENT: Is it going to be long or short?

MR. TREBILCOCK: Fifteen minutes.

M. CHOQUETTE: Je pense que c'est le dernier.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous un mémoire, M. Trebilcock?

MR. TREBILCOCK: I sent a memoir to Mr. Choquette several weeks ago, a paper which I can have duplicated and distributed.

M. CHOQUETTE: Je suggère que M. Trebilcock fasse son exposé, que cela prenne dix ou quinze minutes. La commission pourra ajourner à une heure moins quart, tout simplement. Je crois que c'est le dernier opinant.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres organismes qui sont ici, ce matin, et qui n'ont pas été entendus? Allez-y monsieur.

Office de révision du code civil

M. CARON: M. le Président, si M. Trebil-

cock veut bien me permettre de lui voler deux minutes en préliminaire. Je représente l'Office de révision du code civil, et mon nom est Yves Caron. Le ministre de la Justice nous a fait l'honneur de nous inviter à vous transmettre un peu les préoccupations de l'Office de révision du code civil par rapport au bill 70 et au bill 71. Nous n'avons pas encore de texte écrit, mais je voulais prendre cette occasion pour vous indiquer que, lors du bill 45, l'Office de révision du code civil n'avait pas cru bon de présenter des commentaires qui touchaient ce qui n'était pas dans le bill. Cependant, l'introduction de mesures du genre des bills 70 et 71, surtout, leur mise en application tombent dans les préoccupations générales et immédiates de l'office et, principalement, depuis que l'office a été chargé par arrêté en conseil de l'organisation, ou au moins, de l'étude d'un système d'enregistrement central, universel et mécanisé, dans la province de Québec.

L'on peut penser que l'introduction de toute mesure visant à rapprocher le citoyen de l'appareil administratif ou judiciaire gouvernemental doit faire partie d'un système de plus en plus global. L'Office de révision du code civil, par exemple, est en train d'étudier la réforme de l'état civil complet et des procédures. M. le Président, je voulais vous donner avis que le mémoire de l'Office de révision du code civil couvrira non seulement l'aspect juridique du bill, spécialement dans la question du droit, de l'équité et de la procédure, mais touchera aussi l'aspect judiciaire et l'aspect administratif que nous considérons comme essentiel dans l'étude générale d'un tel projet de loi.

J'espère que, dans les plus brefs délais, M. le Président, nous pourrons vous soumettre ce mémoire.

M. LE PRESIDENT: Nous attendrons. Alors, allez-y

MR. TREBILCOCK: A prime abord, je veux m'excuser de parler en anglais. Je suis arrivé d'Australie il y a un an seulement. Quoique j'apprenne le français, je n'ai pas la facilité suffisante pour présenter mes observations avec clarté.

My reasons for wishing to make submissions to this committee are that I teach law at the faculty of Law of McGill, and I have a particular interest in the protection of consumers. My observations stand from that interest.

First of all, I would like, with all humility, to compliment the Government on what seems to me to be generally a very fine bill. The purpose of my submission is to stress the urgent necessity of doing what some people think the bill is designed to do and that is to promote access to the legal system.

Secondly, I want to suggest some minor amendments which seem desirable in the bill and, thirdly, I want to suggest that there are short comings in this legislation, however it is framed which require supplementation by other proposals.

Public alienation from a legal process is too well documented to allow any dispute. A recent survey in Washington, D.C., disclosed that 65 p. c. of a random survey of consumers did not know where they would take a legal program, if they had one. They did not know where, let alone they would not use the Courts. The Prévost Commission in Québec has dramatically documented the public attitude to the legal profession.

I want to stress here that in any question of small claims we are not concerned only with the problem of the poor. Neither you nor me can afford at present to litigate a claim of $50, $100 or $200. The legal over heads render that possibility unpractical.. So the problem assumes major proportions. It is not simply making justice available to the poor, but justice available to all of us.

It is well to stress that a proposal for the concept of a Small Claims Court is not a new-concept. Most of the provinces have such a Court. The history of Small Claims Courts is a distinctly checkered one. It will be a grotesque deception for us to pretend that when we leave this room today that if this statute is passed, justice will be available to all sections of Quebec society.

Failings that have emerged Small Claims Courts and other jurisdictions include the following: First of all, businesses have been allowed into the Court and when businesses are allowed into the Court, it is degenerated into a debt collection agency.

Secondly, in some jurisdictions, lawyers have been allowed into the Court. And that has so bogged down procedure that the possibility of laymen litigating their own complaints disappears.

Thirdly, judges with a traditional legal background find it difficult to avoid applying formal rules of procedure and rules of evidence. And again lay litigants presenting their own case find it difficult to cope with, what to them, are technical rules. Again, problems have arisen in Court offices where Court officials are supposed to assist lay litigants in framing complaints. Without a sympathetic clerical staff, the procedure can bog down at this point. Other problems, are that Courts have not been sufficiently decentralized? Justice has to be taken to the people rather than the people required to come to justice. And finally the procedure is often too slow. To a small man litigating a $100 ou $200 clainv that may be the difference between financial safety and financial disaster.

So evaluating these criticisms that have emerged from past experience in the light of

the provisions of Bill 70, how have these problems been met or have they been met? First of all, the Act very evidently prevents businesses suing in the Court. The only qualification is if a business sues on a small claim in a Provincial Court the debtor can have the claim transferred. One problem that worries me here is how is he told that he can have the claim transferred to the Small Claims Court? How is he told? Is he told in a meaningful way which is intelligible to the man on the street, that he can have that claim transferred.

Secondly, can lawyers appear, we were told, in the opening sections of the Act, that a creditor is not entitled to be represented by advocates? The position, as regards the debtor, to me, does not seem nearly as clear. This could create a disaster's weakness in the Legislation, if businesses when sued by a lay litigant are entitled to be represented by an advocate when the lay litigant is not, in a quality, in the legal system, is simply compounded.

MR. CHOQUETTE: May I interrupt Mr. Trebilcock, on that subject? I believe that the idea that is prevailing right now in that area is that lawyers are not excluded from this Court to represent their clients whether they be plaintiff or defendant. But the conditions of the Court are not susceptible to invite the legal profession to take an active part in the litigation before this Court. Because I think that we are facing the problem of the right of each individual to be represented, if he wants, by an attorney. Therefore, we cannot discard this right. And this is what we had in mind in granting this Legislation.

MR. TREBILCOCK: Well, with all respect, I would have to disagree with that position because a right to hire an attorney for a corporation when sued is a quite different right from the right of the man on welfare to hire an attorney. These are not equal rights, it is not equal justice, and the presence of lawyers inevitably leads to a formalization of procedures. I would wish to see applied an absolute rule, that no lawyers, in any circumstances, are allowed in this Court. It is a people's Court. And experience in America and elsewhere in Canada, I think, base up this observation.

MR CHOQUETTE: Well, we are taking note of your criticism and we will examine it on its merits.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux dire un mot immédiatement, sur ce point? With your permission, Mr. Trebilcock. Il semble y avoir, depuis ce matin, un problème, à savoir: les avocats peuvent-ils ou ne peuvent-ils pas être présents? La définition de "mandataire" est: "Toute personne, autre que celle qui ne peut agir comme créancier en sa qualité officielle, que désigne un crâncier ou un débiteur comme son représentant devant la cour Municipale." Et puis là, dans la définition de "créancier", les avocats en sont spécifiquement exclus.

Vous avez, en plus de cela, une autre disposition — je le dis sous toute réserve — mais sauf erreur, les règlements du Barreau défendent à un avocat de renoncer d'avance à ses honoraires. Alors il y a tout cela. Je partage l'opinion de M. Trebilcock là-dessus. Si on veut vraiment en faire une cour d'équité, il ne faut absolument pas que les avocats se montrent là. C'est aussi simple que cela. Que voulez-vous? Vous allez en faire une cour comme les autres et vous aurez des procès qui dureront trois jours, au sujet d'une créance de $150.

Alors le but de la loi sera complètement raté si vous permettez, si ce n'est pas clair dans la loi que les avocats n'ont pas d'affaire devant ces tribunaux. C'est clair, à mon avis, justement, mais il y a quand même certaines petites contradictions. L'article 14 laisse la possibilité au mandataire de plaider, contrairement à ce que le ministre semblait indiquer ce matin; l'article 14 permet au mandataire de représenter à l'audience le créancier ou le débiteur. Je pense que cela mériterait...

M. CHOQUETTE: Je pense que le député a raison. J'ai peut-être été un peu loin. Evidemment, j'étais assez conscient du droit de chacun d'être représenté par un procureur devant un tribunal, ce qui est un droit normal que l'on reconnaît dans la plupart des tribunaux. Mais il est sûr, comme l'a dit le député, que l'avocat n'a pas le droit de représenter comme mandataire une des parties, excepté au cas de référé.

MR. TREBILCOCK: Section 30, by the way, allows a corporation to be represented by an attorney on a reference.

The other problem which traditionally has arisen with Small Claims Courts is that proceedings are too formal and lay litigants cannot comprehend them or they are intimidated by regal Court setting. This is a real fear and really relates to the administration, I suppose, of the system.

The Act, I think, contains admirable provisions to meet this problem. It allows the evening hearings, it dispenses with the rules of evidence and it allows the Judge to view the scene of the cause of action.

I would wish to suggest here that the Judge is also be entitled to question whitnesses which the parties have not seen appropriate or relevant to bring along.

Recent proposals have in this field suggested that the Judge should be able to telephone, with the consent of the parties, a whitness who is not there. If the question is whether repairs were done properly to a motor car, why adjourn the hearing and call back the parties

later with more expenses? Why should not the Judge, with the consent of the parties telephone a repairman on the spot? I believe this is a perfectly practical suggestion and one which would again avoid fouling the whole proceedings up in a mess of formalities.

I am opposed, in this regard, to the reconciliation provision in the Act section 19, which says that the Judge must attempt a reconciliation. A reconciliation means that the Judge looks at the two parties cases, strikes a point in the middle and tries to move them to it.

That is not justice. That is half justice for each party. There is no other Court proceeding as far as I know, where it is envisaged that the judge would simply try to find a middle way.

MR. BLANK: The lawyer is obliged under the divorce Act to try reconciliation.

MR. TREBILCOCK: It is an entirely different context. One is trying to bring the parties back together in the same house again. In this case, we are trying to do justice, trying to say which party was right, not which party was half right and which party was half wrong.

MR. BLANK: ... half right and half wrong.

MR. TREBILCOCK: On the problem of lack of speed in processing claims, insufficient help, insufficient sympathetic help in the Court office, one can only hope that the Act would be administered imaginatively.

I have one concrete suggestion to make here and it is one that has been made by the U.S. Federal Trade Commission recently. That is that small claims Courts be made very visible to the public so that they know that the places are there. And to that end, to place them in prime shopping streets or prime shopping complexes or in high density tenancy areas. The Court is there where the need is greatest and where the Court can be seen, not down in a quartier square or a church basement or somewhere where it is not conspicuous, where its existence is not quickly appreciated.

I think it is a perfectly practical suggestion and one with a little imagination which could be readily implemented.

However, even assuming we have a perfect small claims Court system, I wish to stress that in my view there would still be serious qualifications to the proposition that justice would then be available to all. II you or I have an iron or a toaster or a television set which goes "bang" and we stand to lose $20 or $30, the prospect of setting down a hearing, paying $10, getting along to the hearing with witnesses, is still a major and formidable overhead in the processing of that claim. In other kinds of consumers problems, for example where a large section of the public may be deceived by misleading advertising campaign, the public may at any given point of time not know that they have been deceived. Problems of illegal overcharging, price fixing, overcharging for eggs or bus fares or whatever, taxi fares, none of these things are suitable for processing in a Small Claims Court.

I wish to suggest two practical expediencies by way of additions to the Act to meet some of the criticism that were voiced immediately prior to myself. I wish to bring to the attention of the committee an expedient adopted with great success in Sweden, the processing consumer complaints, trial by letter, or trial by correspendence.

The consumer does not have to move out of his home. He writes a letter to a central clearing officer, setting out his complaint; the officer forwards that letter to one of a series of specialists committees. If it is a complaint about a television repair, it is forwarded to a committee charged with the duty of processing television repairs. The committee solicits a reply from the trader concerned by forwarding a copy of the consumer's letter. The trader's reply is forwarded to the consumer for a final comment and the committee makes a finding on the basis of these three letters. It is rough justice, according to conventional norms, but it is better than no justice at all.

And I suggest that when I had a toaster, that costs me $15 and when it worked, it is the only kind of justice that is going to be meaning to me.

I think that with imagination, we can easily add a part to this bill and really make it promote access to the legal system.

My final submission, and to my mind the most important one, is a plea for the introduction into the Province of Quebec of the class action, a class or representative action. There is probably no more controversial development in the whole area of citizens' protection in recent years than the rise of the class action.

If I can help line in a minute or two what this action involves, I think it might help. This procedure enables representatives of a class of persons, named or unnamed, to sue, on behalf of that class in respect of some claim in which the class has a common interest. Typically in a class, typically in a concerned context, a class action would involve a suit for an injunction for damages against the named business defendant who, perhaps, through a misleading advertising campaign or the sale of a defective line of articles — for example, 200,000 defective General Motors trucks — to take an example currently before the courts or against a chemical firm, Bristol Myers, who sell Excedrin headache pills by making false advertizing claims. It is not worth me sitting for the $0.07 I have been duped on a pack of Excedrin, but 3 million consumers have been similarly duped. It

is worth my a while sitting on behalf of those 3 million consumers. There have been staggering recoveries in the United States in the last few years under this procedure.

A hundred and twenty million against five drug firms for price fixing; $37 million was handed back to the consumers that were duped.

The remainder was sent to the hospitals that had been involved in this drug purchases for the improvement of their facilities for the benefit of the public at large.

A telephone company illegally over charging was required to remit $18 million by deducting it from future accounts. A bus company that had illegally over charged on bus fares was required to refund the illegal overcharge by deducting fares by that amount in the future. The potential impact of this procedure is staggering and I believe it is the only way that a mass of small claims can be processed. Mrs. Bess Madison-Grant, the Commissioner of Consumer Affairs for the City of New York, a very important personality in consumer matters in the United States, has discribed the Class Action Bill as follows: "The Class Action Bill is one of the most powerful instruments of economic justice which the Senate has ever considered".

The idea of the consumer class action or a citizen's class action is one of the most important proposals for economic reform which has appeared on the nation's legislative Agenda since the New Deal. There is one point I wish to make above all others today; it is that this committee should now seriously consider adding a section to bill 70 to enable a transaction procedure to be taken here in Quebec. Very minor amendments to existing statutes would be called for; article 59 of the Code of Civil Procedure would require trivial amendments.

The President of the United States has cautiously endorsed a bill presently before Senate enlarging this procedure and he is not known for wild law reform measures, I believe that with these three expedients that I have outlined, first of all the procedure reflected in Bill 70, secondly, trial by letter or correspondence in small consumer complaints, and, thirdly and above all, the citizen class action, if these three expedients were adopted, we would be coming much much closer to the ideal of justice for all. In a age where established institutions are coming under increasingly critical public scrutiny, we cannot afford the charge to lay that the law does not stand equal between different economic and social classes.

The late Senator Robert Kennedy once said that many members of the community see the law as an essentially hostile institution and that it only seems ever to take things away from him. I think that if we are serious about making justice accessible to all, these three measures are the least we can do.

If we adopt those, I think we have gone some way to insuring a more preservative faith in the integrety of the legal process.

M. LE PRESIDENT: Thank you. Le député de Maisonneuve.

MR. BURNS: Mr. Trebilcock, I personally want to thank you for your submission, which I found very interesting. I think you are serving a lesson to many Quebecers that have been sitting in homes instead of coming to tell us what they think about it.

I just have one question about the class-action that you suggest. Do you not think that it would be preferable to see that class-action in the Bill 45 that intends to protect the consumer himself?

MR. TREBILCOCK: Except this. Of course that the bill is directed only to consumer's protection. There is a whole matters that might be appropriate for a class-action procedure. The first case that comes to my mind, four million odd-lot buyers of shares in the United States were illegally overcharged commission on the purchases and they are, swing under class-action procedure. An action against a municipality for failing to pay out welfare payments due to perhaps hundred or thousands of people entitled to the welfare payments would not really fit within Bill 45, it is not strictly a consumer claim. I vould say with the example I have just given, as being an ideal candidate for class-action, the public agency is not meeting its welfare commitments on the statute that should be possible for one welfare claimant to say on behalf of all of them, and require the body to make its commitments. So I think that a more general procedure than simply that of concerning the protection, I personally am concerned with the protection, because that happens to be my special field of interest.

MR. BURNS: Thank you very much.

MR. CHOQUETTE: Thank you very much, we will certainly consider your suggestions, Mr. Trebilcock.

M. LE PRESIDENT: L'agenda étant épuisé, messieurs, la séance est levée.

(Fin de la séance: 13 h)

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