Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de la Justice
Bill 70 Loi favorisant l'accès de la
justice
Bill 71 Loi des cours municipales
Séance du lundi 5 avril 1971
(Neuf heures cinquante trois minutes)
M. BIENVENUE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs!
Je déclare la séance de la commission permanente de la
Justice ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont venus se
faire entendre ce matin. J'invite, tout de suite, la Chambre de commerce de la
province de Québec, représentée par M. Létourneau
et peut-être Me Byers je ne sais pas s'il est ici à
adresser la parole grâce à l'aimable collaboration du Barreau de
la province qui voulait se faire entendre en premier et qui a gracieusement
cédé son tour à la Chambre de commerce.
M. BURNS: M. le Président, je voudrais tout simplement
mentionner, maintenant que le ministre est arrivé, que nous avons
déposé des commentaires sur le bill 70 et 71. Je vous ferai
grâce de la lecture de ce commentaire. Nous l'avons déposé
à l'intention des membres de la commission et de tous ceux qui seront
appelés à venir présenter leur propre commentaire à
ce sujet. Cela représente en gros notre approche à ce
bill-là. Les commentaires seront plus élaborés
éventuellement, probablement à la deuxième lecture. C'est
un peu ce que nous pensons de ces bills et, soit dit en passant, nous sommes
bien d'accord sur le principe.
M. CHOQUETTE: Je ne vous reproche pas d'avoir déposé vos
commentaires parce que c'est sûrement votre droit de les déposer
au moment que vous choisissez. Je crois que vous auriez été mieux
avisé d'attendre que nous ayons reçu toutes les
représentations. Enfin, comme vous le dites, peut-être aurez-vous
des commentaires additionnels...
M. BURNS: On aura peut-être à rajuster ces commentaires
à la lumière de commentaires déjà faits, sauf que
le travail était effectué durant la période de
l'intersession. On a donc pensé de vous livrer ça
immédiatement. Quitte à se rajuster, comme vous dites, s'il y a
des commentaires archibrillants qui nous sont donnés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On lira ça comme un ouvrage ancien.
M. CHOQUETTE: Je crois que dans le travail que nous faisons à la
commission, personne n'a de position inflexible. Ils favorisent tous, en somme,
la bonne administration de la justice, une meilleure administration de la
justice. C'est pour ça que tous les points de vue doivent être
débattus. Je suis sûr qu'ils seront débattus en toute
objectivité.
M. PAUL: C'est justement dans ce contexte-là que M. Burns a
déposé son mémoire pour ne pas avoir
d'élément de surprise ou d'obstruction de sa part.
M. CHOQUETTE: Vous savez bien qu'il est au-dessus d'intentions
obstructionnistes.
M. PAUL: Jusqu'à preuve du contraire, oui.
M. BURNS: On s'arrange nous, au moins, pour finir avant minuit. Mercredi
dernier du moins.
M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres commentaires messieurs, je
remets la parole à M. Létourneau.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. LETOURNEAU: M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire de la Justice, je veux tout d'abord remercier, comme
l'a signalé le Président, la courtoisie du Barreau de la province
qui nous a permis de nous faire entendre d'abord, de même que les autres
témoins ce matin.
Afin de ne pas abuser de ce privilège, je vais essayer de
présenter ce mémoire de la façon la plus succincte
possible. Je pense que chacun des membres a déjà une copie de ce
texte devant lui.
Je vais tout de suite à la question du principe de la loi que la
Chambre de commerce de la province de Québec appuie entièrement.
Nous prônons depuis fort longtemps l'application de mesures qui rendent
la justice plus expéditive et qui ne briment pas le droit des parties.
Toutefois, évidemment, puisque nous devons exercer un certain sens
critique, nous aurions préféré une réforme du
système judiciaire qui aurait éliminé les délais
inexcusables des tribunaux, et les remises d'enquêtes qui
entraînent, à notre avis, des injustices beaucoup plus grandes et
beaucoup plus coûteuses pour la population.
Depuis trop longtemps, les parties doivent attendre souvent
jusqu'à trois ans pour comparaître devant la cour
Supérieure, et de très longs délais sont aussi
enrégistrés, dans certains districts, devant la cour Provinciale.
Le titre de la loi favorisant l'accès à la justice nous
était apparu comme devant justifier une plus grande révision que
simplement aborder la question des créances de moins de $300.
Concernant la juridiction du tribunal qui pourra entendre ces causes,
nous ne sommes pas convaincus, M. le Président et messieurs les membres,
que l'augmentation des pouvoirs des cours Municipales soit la meilleure mesure
pour atteindre les buts visés par la législation. Nous
croyons plutôt qu'on pourrait créer une division des
petites réclamations, à la cour Provinciale, ce qui permettrait
de maintenir une unité dans l'administration de la justice. En effet,
les jugements de la cour Municipale projetés devaient être
homologués par la cour Provinciale. De nombreuses relations devaient
exister entre ces deux cours, puisque la cour Municipale ne peut autoriser des
procédures qui appartiennent à la cour Provinciale. Concernant
l'accessibilité à ce tribunal, c'est pour nous, M. le
Président, messieurs les membres, un point très important. "Toute
personne physique" dit le projet de loi "réclamant le paiement d'une
petite créance à l'exclusion des avocats, syndics, etc.".
De plus, les notes explicatives du bill 70 indiquent clairement que les
corporations ne peuvent se présenter directement devant ce tribunal, de
petites réclamations, à moins d'y être
entraînées par voie de référé comme le
prévoit l'article 30.
Nous comprenons difficilement que les corporations ne soient pas
autorisées à aller devant cette juridiction. Si l'un des buts du
projet de loi est d'éviter des frais judiciaires, il y a là une
discrimination difficilement explicable entre les personnes physiques et les
personnes morales.
En songeant aux effets d'une telle discrimination, nous pensons surtout
aux nombreuses petites et moyennes entreprises qui accordent couramment du
crédit à leurs clients. Dans ces cas, les créances de
moins de $300 sont très fréquentes et nous ne voyons pas pourquoi
ces corporations, qui ne sont constituées en fait que pour la protection
des individus bien souvent, se verraient, elles, dans l'obligation d'être
représentées par un procureur et d'encourir des frais souvent
onéreux pour récupérer leurs créances. Je dis
onéreux, évidemment, en proportion de l'importance de la
créance.
En conséquence, nous croyons que, pour être
équitable, cette loi devrait permettre aux personnes morales comme aux
personnes physiques de se présenter devant ce tribunal pour obtenir
justice. Comme c'est d'ailleurs le cas, je crois, M. le Président, en
Ontario actuellement.
Concernant le mandataire, la définition de mandataire à
notre avis devrait être plus explicite que celle contenue à
l'article 1 d) du projet de loi. D nous semble que le mandataire devrait
être une personne très près du demandeur ou du
défendeur et que, de toute façon, la définition de ce
terme, dans le projet de loi, devrait préciser plus clairement les
conditions préalables pour obtenir le droit de représenter une
personne. Nous désirons éviter par ce moyen que des personnes,
qui ne sont pas des avocats, se spécialisent dans ce genre de
réclamations et deviennent en quelque sorte des mandataires
professionnels.
Pour concorder avec la recommandation qui veut que ce soit une division
de la cour Provinciale qui administre la Loi des petites créances, si on
peut dire, nous recommandons une décentralisation de l'administration de
la justice, c'est-à-dire l'ouverture de greffes supplé- mentaires
ou ambulants, si vous voulez, de sorte que le tribunal des petites
réclamations se rapproche le plus possible des parties. Nous avons cru
comprendre que c'était l'intention du législateur d'essayer
d'amener la justice le plus près possible des parties et c'est pour
cette raison que nous recommandons cette décentralisation qui est une
concordance avec notre recommandation qui veut que ce soit une division de la
cour Provinciale.
Je résume, M. le Président, nos recommandations.
Premièrement, au lieu de confier le règlement des petites
réclamations aux cours Municipales, créer plutôt une
division des petites créances au niveau de la cour Provinciale;
Deuxièmement, permettre à toute personne physique ou
morale d'agir devant cette juridiction;
Troisièmement, autoriser un officier d'une corporation à
représenter celle-ci devant le tribunal des petites
réclamations;
Quatrièmement, mieux définir, le mot mandataire à
l'article 1 b) afin d'éliminer la possibilité pour toute personne
qui n'est pas un avocat de se spécialiser dans des
représentations auprès de ce tribunal;
Cinquièmement, établir un nombre de greffes suffisant qui
permettrait au tribunal des petites réclamations de se déplacer
pour aller vers les parties impliquées.
M. le Président, ceci résume notre mémoire. Je suis
prêt à répondre aux questions des membres de la
commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le mémoire qui
nous est présenté par la Chambre de commerce est concis, clair et
objectif. Je voudrais, cependant, M. le Président, poser peut-être
deux questions à M. Létourneau.
Vous êtes disposé à prôner une division
spéciale de nos cours Provinciales pour l'administration de ce principe
de droit nouveau que l'on introduit dans nos statuts. Est-ce que vous
êtes au courant que le Barreau a la même option que la Chambre de
commerce? Est-ce que vous étiez au courant?
M. LETOURNEAU: Nous avons été mis au courant des
intentions du Barreau récemment. Nous sommes heureux de voir que nos
objectifs sont concordants.
M. PAUL: Est-ce que vous reconnaissez, M. Létourneau, que depuis
qu'une juridiction plus étendue a été donnée
à nos cours Provinciales il y a décongestion d'une façon
marquée de nos tribunaux de la cour Supérieure et qu'il n'y a pas
eu encombrement de nos cours Provinciales au même niveau que nos cours
étaient encombrées devant la juridiction supérieure?
M. LETOURNEAU: Nous reconnaissons
qu'il y a eu amélioration. Toutefois, nous constatons qu'à
la cour Supérieure il y a encore beaucoup de retards. Je crois que le
dernier rapport du juge en chef de la cour Supérieure à
Montréal, indiquait, qu'il y avait encore des retards
jusqu'au-delà de trois ans pour des causes à être entendues
devant la cour Supérieure dans le district de Montréal. Il semble
que ce soit un peu moins, devant cette cour, dans le reste de la province de
Québec.
Devant la cour Provinciale, il y a aussi des retards, mais ils ne sont
pas égaux d'un district judiciaire à l'autre. Il y a là
aussi une amélioration mais, malgré cette amélioration,
nous croyons qu'il y a encore place pour beaucoup d'amélioration.
M. PAUL: Une dernière question, M. Létour-neau. Si je me
réfère à la page 3 de votre mémoire, j'y lis, sous
le titre: Juridiction des tribunaux, vers le milieu du paragraphe: "En effet
les jugements de la cour Municipale projetés devraient être
homologués par la cour Provinciale" est-ce que vous pourriez expliciter
davantage cette idée que vous énoncez dans votre
mémoire?
M. LETOURNEAU: Cette idée réfère à un
article de la législation, je crois que c'est la...
M. PAUL: C'est pour l'exécution du jugement?
M. LETOURNEAU: Je crois que c'est l'article 25. Un instant je vais
vérifier. Je m'excuse, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'article 25. L'exécution, ça va
être sous le contrôle des greffes de la cour Provinciale.
M. LETOURNEAU: C'est tout simplement. C'est une constatation qui
réfère à un article de la loi et...
M. PAUL: Je crois que c'est l'article 25, M. Létourneau.
M. LETOURNEAU: Excusez-moi, j'avais le mauvais bill. J'avais le bill 71.
C'est bien l'article 25 qui dit, M. le Président: "Le jugement de la
cour Municipale est homologué par la cour Provinciale du district
où se trouve la municipalité, etc."
M. PAUL: Merci, M. Létourneau.
M. CHOQUETTE: M. Létourneau, j'avais déjà
indiqué, je crois, à une séance précédente
de la commission que cet article relatif à l'homologation serait
probablement modifié parce que l'idée de l'homologation
n'était pas de donner un contrôle à la cour Provinciale sur
les jugements de la cour Municipale mais simplement d'introduire à la
cour Provinciale le mécanisme d'exécution s'il y avait
nécessité. Par conséquent, il ne faudrait pas voir, dans
le texte de l'article 25, une intention de notre part de soumettre la cour
Municipale ou les jugements de la cour Municipale au contrôle de la cour
Provinciale.
Je ne sais pas si ceci peut dissiper une impression. Je suis un peu au
fait du sens des représentations qui vont nous être faites ce
matin par d'autres organismes comme par vous-mêmes. Je voudrais, en
somme, pour que le débat soit bien clair, dire qu'en confiant cette
responsabilité à la cour Municipale plutôt qu'à une
division de la cour Provinciale, notre intention était, en somme, de
sortir de l'ornière, disons donc de l'excès de procédures,
de l'excès de juridisme qui a, je crois, fait en sorte que
l'administration de la justice est devenue extrêmement lourde. Nous avons
cherché un tribunal qui serait près des gens, qui serait
suffisamment décentralisé et ceci s'inscrivait en même
temps dans une réforme générale des cours Municipales.
C'est la raison pour laquelle nous sommes allés vers les cours
Municipales pour leur confier cette nouvelle compétence. Je comprends
qu'on puisse avoir des idées différentes, que l'on puisse vouloir
créer une division de la cour Provinciale, parce que la cour Provinciale
est la cour civile de première instance, puis-je dire, dans la province
de Québec à l'heure actuelle. Je tiens à vous signaler que
les expériences dans ce domaine-là sont très variables. En
Californie, par exemple, ce sont les cours Municipales qui ont la
compétence que nous désirons lui confier et on me dit que le
système fonctionne très bien. Par contre, je sais, comme vous
l'avez signalé, qu'en Ontario c'est une division, "Division Court", qui
a la compétence sur les créances du moins de $300 ou les petites
créances.
M. LETOURNEAU: $400.
M. CHOQUETTE: ... $400. Sur cette question, nous sommes
évidemment prêts à discuter et à entendre les points
de vue, dont le vôtre, parce que nous recherchons évidemment
l'unité de notre système judiciaire. C'est sûrement une
préoccupation du législateur. D'un autre côté,
étant donné cette nouvelle tradition que nous voulons voir
s'instaurer dans le domaine des petites réclamations, là
où le formalisme serait réduit au minimum, là où la
justice serait très accessible et très expéditive, c'est
la raison pour laquelle nous avons été vers un tribunal nouveau
qui serait la cour Municipale, mais une cour Municipale modifiée qui, en
somme, deviendrait une cour régionale.
C'est simplement pour vous expliquer dans quel esprit notre loi a
été rédigée.
Vous avez signalé que vous désireriez avoir
l'accessibilité de ces cours ou de cette division de la cour
Provinciale. L'accessibilité serait offerte aux corporations, mais
l'expérience a démontré dans certaines juridictions que,
lorsque l'on permet aux corporations de se prévaloir de cette
procédure extrêmement simplifiée, à ce mo-
ment-là la cour devient une cour de perception, qu'elle devient
une cour à l'usage des compagnies de finance et des agences de
perception, et qu'au bout d'un certain temps la Justice, avec un grand J, n'y
trouve pas son compte.
C'est la raison pour laquelle nous avons exclu les corporations, en
principe, excepté aux cas d'évocation, de cette cour.
M. PAUL: Par le débiteur.
M. BURNS: Qui est une personne physique.
M. CHOQUETTE: Excepté aux cas d'évocation par le
débiteur, qui est une personne physique, oui. C'est pour faire en somme
que la justice ne soit pas simplement un moyen de perception des
créances, mais que ça offre aux citoyens un tribunal très
accessible, où la procédure est très
simplifiée.
C'est dans cet esprit que nous avons présenté ces projets
de loi, mais comme je le dis, la question est ouverte et nous sommes
prêts à entendre les points de vue de ceux qui sont
derrière la barre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre je ne poserai pas la
question à M. Létour-neau mais il y a à la page 4
du mémoire un paragraphe sur le problème du mandataire. Est-ce
que vous croyez faire...
M. CHOQUETTE: Le problème du mandataire est
intéressant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... des commentaires là-dessus?
M. CHOQUETTE: Je peux en faire. Je vois le risque que se crée une
classe d'avocats de seconde zone, de grands parleurs de village, qui en somme
assument au lieu du Barreau la fonction normale de représenter des
personnes devant le tribunal. J'admets le danger qu'il y a et je suis
très ouvert à la discussion sur ce plan.
Nous pourrions concevoir que, dans le domaine de la compétence
des petites réclamations, l'avocat puisse être admis devant le
tribunal, mais que ses honoraires lui soient payables par son client, s'il
désire être représenté. Disons qu'au départ,
dans notre projet de loi, nous avons voulu faire un effort pour
déformaliser l'administration de la justice sous tous ses aspects.
C'est la raison pour laquelle nous avions exclu les avocats dans notre
projet originaire. Je conçois très bien les dangers qu'il y a en
somme, à ce que se crée une certaine classe d'avocats qui soient
simplement de beaux parleurs et que cela ne rende pas service à la
justice et aux justiciables en définitive.
M. BURNS: Personnellement, je ne vois pas tellement le danger,
étant donné que le mandat est essentiellement à titre
gratuit. Je comprends difficilement à la page 4 du mémoire de M.
Létourneau la dernière phrase qui dit: "Par ce moyen, vous
désirez éviter que des personnes, qui ne sont pas des avocats, se
spécialisent dans ce genre de réclamations et deviennent, en
quelque sorte, des mandataires professionnels". Le mandat étant à
titre gratuit, essentiellement, je me demande comment on peut avoir cette
classe de mandataires professionnels qui feraient ça, à toutes
fins pratiques, pour la gloire et les prunes. J'ai de la difficulté
à voir des gens dont ce serait la profession de représenter des
gens devant ces cours-là, à titre gratuit.
M. LETOURNEAU: M. le Président, il y a des gens qui remplissent
des formules d'impôts à titre gratuit. On peut se
spécialiser là-dedans à titre gratuit pour toutes sortes
de fins.
M. BURNS: Sauf, qu'à ce moment-là ce n'est sûrement
pas le métier principal de la personne qui fait des rapports
d'impôts à titre gratuit. Vous vous référez sans
doute aux étudiants et à un certain nombre de gens qui, à
Montréal, ont lancé cette opération. C'est d'abord quelque
chose de très temporaire, de très limité dans le temps et
aussi fait par des gens, qui, en principe, ne gagnent pas leur vie avec
ça.
M. LETOURNEAU: Cet article de la loi pourrait être facilement
contourné et l'histoire du titre gratuit quand il s'agit de tractations
entre individus. M. le Président, si vous me le permettez, je reviendrai
aux remarques du ministre. Nous avons reconnu l'intention du législateur
et nous l'avons appuyé. Nous avons même dit que nous sommes
parfaitement d'accord sur le principe de la législation,
c'est-à-dire une plus grande facilité de la justice, et nous
avons, dans nos recommandations, reconnu ce principe également. En
proposant une division spécialisée de la cour Provinciale, nous
proposons en même temps que cette cour agisse exactement de la même
façon qu'on prévoyait que la cour Municipale pourrait agir au
point de vue des formalités, au point de vue de l'absence du procureur,
etc. Il s'agissait tout simplement de conserver une unité
d'administration de la justice.
Il semble que la création des cours Municipales serait un grand
chambardement. Ce serait apporter un fardeau assez considérable aux
cours Municipales, un fardeau nouveau. Ce serait peut-être un moyen de
créer plusieurs emplois dans les cours Municipales parce qu'il
faudrait...
M. CHOQUETTE: Tous les moyens sont bons dans ce domaine.
M. LETOURNEAU: Pour l'unité de l'administration de la justice,
nous croyons que ce serait peut-être préférable au niveau
de la cour Provinciale qui agirait exactement de la même façon
qu'on a prévu de faire agir la cour Municipale.
M. le ministre a fait remarquer qu'en donnant l'accès aux
corporations à ces cours, il pouvait arriver qu'il y ait abus ou qu'on
en vienne à considérer que des réclamations provenant des
corporations qui sont des agences de perception ou des organismes du genre.
Si pour éliminer les agences de perception ou les compagnies de
finance, on enlève le droit aux autres petites corporations, aux autres
personnes qui font beaucoup de petit crédit, qui, comme je l'ai
mentionné dans le mémoire, ne sont incorporées souvent que
pour la protection de l'individu, ces gens-là vont se trouver, à
mon sens, brimés dans leurs droits; ils subissent une
discrimination.
A toutes fins pratiques, j'imagine le petit garagiste, l'épicier
ou enfin des gens qui font régulièrement du crédit, le
marchand de matériaux de construction etc. Nous croyons que ces
gens-là devraient, comme les autres, avoir accès à cette
cour et, si on veut éliminer certaines catégories de
réclamants, que le législateur le mentionne, nous ne sommes pas
favorables à une telle discrimination, de toute façon, mais si
c'est une catégorie en particulier, si on veut les stigmatiser, qu'on le
dise ouvertement.
M. CHOQUETTE: Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit, M.
Létourneau.
M. PAUL: II y a peut-être un danger, M. le ministre: il y a de
nombreuses cessions de créances de compagnies à des directeurs de
compagnies. A ce moment-là, l'individu se présentera en son nom
personnel, alors que préalablement il y aura eu une cession de
créance. Il ne faudrait pas faire indirectement ce que la loi ne
prévoit pas qu'il soit permis de faire directement. Il y aurait
peut-être nécessité d'examiner de près cette
suggestion qui d'ailleurs nous a déjà été faite. Ce
n'est pas la première fois que des représentations nous sont
faites par la Chambre de commerce.
Comme vous le disiez tout à l'heure, la commission est
très ouverte à toute recommandation pour rendre la loi la plus
saine possible, la plus efficace possible pour sauvegarder le principe. Les
remarques de M. Létourneau doivent être retenues pour envisager
possiblement des amendements et tâcher de ne pas priver non plus, comme
le dit M. Létourneau, certaines petites industries, petites compagnies,
des entreprises familiales qui se verraient incapables d'être
traitées sur le même pied qu'un simple individu. Je comprends
qu'il y a une distinction à faire entre des compagnies qui font un
commerce de faire de la perception et les compagnies qui, par accident,
seraient dans l'obligation de se présenter devant nos cours
Municipales.
M. BLANK: Ce n'est pas une compagnie de finance, mais il y a des
perceptions en masse.
M. BURNS: C'est ça, dès que vous entrez l'idée des
corporations dans ça, où allez-vous mettre la marge des petites
corporations et des grosses corporations? Ce n'est pas nécessairement
que je partage entièrement l'expression d'opinion faite par le ministre
tantôt à l'effet que tôt ou tard, si vous permettez aux
corporations d'aller devant ces cours à titre de demandeurs, vous allez
vous retrouver à manquer complètement le but de cette
loi-là; vous allez faire de ces cours de "Small Claims Courts", des
bureaux de perception. Ce n'est pas l'intention du législateur à
l'origine:c'est de tenter, dans le cas de petites créances, de faire des
tribunaux qui seraient près du citoyen, qui seraient près du
peuple, et ça va tout simplement faire une cour comme les autres qui
éloignent le citoyen.
M. BLANK: Je pense que l'intention de ces lois-là, c'est une
autre forme de protection des consommateurs. Ici, le consommateur, c'est le
petit citoyen qui va avoir un problème devant un tribunal. On lui donne
une chance de se présenter devant un tribunal comme demandeur ou comme
défendeur; il peut se défendre ou faire sa demande
lui-même. Même les petites corporations, celles dont vous parlez,
sont des commerçants.
Elles ne sont pas le petit citoyen; elles ne sont pas le consommateur.
Ces compagnies peuvent se présenter devant les tribunaux normaux. Et, le
petit consommateur, s'il le veut, peut révoquer à ce tribunal
aussi. Cette loi-ci est pour la protection du non-commerçant. C'est le
but du projet de loi.
M. LETOURNEAU: M. le Président, j'aimerais expliquer
comment...
M. CHOQUETTE: Permettez-moi d'interrompre. Le député de
Saint-Louis a tout à fait raison, en ce sens que nous avons
présenté ce projet de loi au moment où nous
étudiions la Loi de protection du consommateur. Nous avons
constaté que la Loi de protection du consommateur créait une
foule de nouveaux recours pour les consommateurs. Nous nous sommes dit : Quel
consommateur va exercer ces recours quand on le met face à toute la
complexité du système judiciaire traditionnel? Alors, nous avons
cherché à lui donner un moyen de faire valoir ses droits
judiciairement, devant un tribunal expéditif. Cette observation du
député de Saint-Louis est très bien fondée.
M. LETOURNEAU: Si je comprends bien, M. le Président, le
cheminement d'une cause devant cette cour, s'il s'agit d'une corporation, elle
doit poursuivre devant la cour Provinciale et doit y aller avec son procureur.
Le débiteur poursuivi devant cette cour il s'agit d'une
créance de moins de $300 peut alors demander de
référer de cette cause devant la cour Municipale selon le projet
de loi. Alors, la corporation doit se présenter devant la cour
Municipale encore en compagnie de son procu-
reur, toujours en compagnie de son procureur. Et elle doit être
représentée par son procureur selon le projet de loi. Quand il
s'agit de petites créances, même si dans notre esprit la petite
corporation, le garagiste, le marchand de matériaux se présente
pour une créance de $200 devant cette cour, gagne sa poursuite, obtient
jugement, c'est-à-dire obtient que cette créance lui soit
remboursée. Alors le maximum de frais qu'il peut charger à la
partie adverse est de $15 $10 en bas de $100 et $15 au-delà de
$100 jusqu'à $300 . Si ses frais ont été ce
qui est fort possible rendu à cette étape d'une centaine
de dollars, sa créance ne représente plus grand chose. A ce
moment-là, nous voyons vraiment une discrimination entre la
qualité des créances. Si c'est un individu qui réclame,
très bien, et il n'y a pas plus de tant de frais qui lui seront
chargés, qu'il perde ou gagne. Si c'est une corporation, elle peut
perdre pratiquement 50 p. c. ou plus, ou même la totalité de sa
créance, selon les délais ou les démarches qui ont
été entreprises, les procédures.
A ce moment-là, nous trouvons inacceptable la discrimination
qu'on fait entre la personne physique et la personne morale devant ces cours.
Etant donné que cette situation n'existe pas en Ontario et nous
ne croyons pas qu'en Ontario cela crée une situation où la
justice n'ait pas son compte nous ne voyons pas pourquoi on fait la
discrimination entre la nature des créances. Vraiment, nous croyons que
tout le monde devrait y avoir accès.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Létour-neau, selon vous, où
se situerait le seuil qui sépare la petite corporation de la grande
corporation dans le contexte de ce projet de loi?
M. LETOURNEAU: C'est une question que se posent depuis longtemps
plusieurs législateurs à Ottawa et Québec.
Il est extrêmement difficile d'y répondre parce que cela
dépend de la nature de l'entreprise, du contexte et de
l'évolution de l'économie. C'est une chose qui est
continuellement en fluctuation. Je suis embêté de répondre
à cette question, M. le Président. Je n'ai pas la réponse,
il faudrait, sans doute, poursuivre... Je sais que des recherches
considérables ont été entreprises sur cette question par
le comité du Sénat qui a examiné le livre blanc du
ministre des Finances fédéral. On est arrivé à
certaines définitions, à ce niveau, que malheureusement je ne
connais pas, mais je sais qu'on a fait de grandes recherches et que
c'était nécessaire de les faire pour essayer de cerner cette
question et d'en établir la limite. Même là on a convenu
que c'était une chose qui pouvait fluctuer avec le temps et fluctuer
aussi selon la nature de l'entreprise, c'est-à-dire son genre
d'activité.
M. LE PRESIDENT: Pour fins de compréhension, faites-vous une
distinction entre la petite et la grande entreprise ou corporation pour les
fins de votre suggestion?
M. LETOURNEAU: Non, M. le Président. Nous ne faisons pas de
distinction. Nous rappelons, cependant, que celles qui seront le plus
affectées seront justement les petites et moyennes entreprises. Nous ne
faisons pas de distinction pour les fins de notre représentation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, à propos de cette
distinction entre petites et grandes corporations, quels seraient
personnellement vos commentaires?
M. CHOQUETTE: J'aimerais pouvoir répondre au député
de Chicoutimi, mais il est très difficile de faire une distinction entre
petites et grandes corporations à moins qu'on la fasse sur le plan de
l'activité même de la corporation, de la nature de ses objets.
Personnellement, de prime abord, je ne vois pas de possibilité de tracer
une ligne de partage entre la compagnie d'un épicier, d'un garagiste et
celle d'une grande corporation. Je ne la vois pas de prime abord.
Peut-être que quelqu'un pourrait faire une suggestion?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela rend, à notre avis, difficile
l'agrément de la demande que fait ici la Chambre de commerce à
cause de cette distinction qu'il faudrait faire entre petites et grandes
corporations.
M. CHOQUETTE: Oui. A moins, évidemment qu'on introduirait une
notion de corporation personnelle où on dirait: La corporation qui, en
somme, n'est que l'émanation d'un seul individu de sa famille. Mais
là encore...
M. PAUL: Jugée par qui?
M. CHOQUETTE: Jugée par qui, comme dit le député de
Maskinongé?
M. LETOURNEAU: De toute façon, M. le Président, nous ne
faisons pas de discrimination. Nous parlons des corporations et nous soulignons
tout simplement un cas en particulier.
Est-ce qu'on me permettrait, M. le Président, de demander un
renseignement au législateur concernant sa situation vis-à-vis de
cette loi. Nous avons entendu une rumeur disant que le montant de $300 pourrait
être changé avant l'adoption de cette loi. Est-ce qu'on pourrait
savoir si c'est bien l'intention du législateur ou si c'est simplement
une rumeur?
M. CHOQUETTE: II n'y a pas d'intention du législateur dans ce
domaine-là à l'heure actuelle. Les projets de loi ont
plutôt été déposés comme documents de
travail. Actuellement, cela peut faire l'objet de représentations de la
part de qui que ce soit si on pense que le montant devrait être
haussé ou baissé. A l'heure actuelle, je n'ai pas l'intention de
changer le montant de $300 qui est suggéré dans le projet.
M. LETOURNEAU: M. le Président, si vous
me permettez une autre question, simplement pour essayer de clarifier
dans notre esprit le fonctionnement de cette nouvelle cour que propose le
législateur. Emettons l'hypothèse d'un accident d'automobile
où il y aurait trois genres de réclamations dans un même
accident : une réclamation de $100,000, une réclamation de $3,000
et une réclamation de $225.
Si la justice fonctionne d'une manière expé-ditive comme
on l'espère dans les petites cours, la dernière
réclamation pourra être présentée devant la cour
Municipale, comme on le suggère dans la loi et il y aura sans doute
jugement de la part du juge qui est là. Est-ce que ce jugement pourra
influencer ceux qui viendront sans doute plus tard devant une autre
juridiction, devant d'autres cours, et où il y a, à ce
moment-là, des dommages très considérables en cause et
peut-être, étant donné qu'il y aura eu un jugement...
M. CHOQUETTE: Vous savez que le problème n'est pas nouveau, il
s'est posé fréquemment, par exemple autrefois, quand la
compétence de la cour Provinciale ou de l'ancienne cour de Magistrat
était de $500 et je pense, après cela, environ $1,000. On a alors
vu des causes où, en somme, la première action jugée en
cour de Magistrat ne se prêtait pas à un appel, où le
jugement ne justifiait pas un appel; par conséquent, le jugement en cour
Provinciale pouvait avoir l'autorité de la chose jugée par
rapport à une réclamation beaucoup plus importante qui
était venue devant la cour Supérieure, qui était
susceptible d'aller à la cour d'Appel et même susceptible d'aller
à la cour Suprême du Canada. Mais dans le cas actuel, étant
donné la nature du tribunal que nous avons l'intention de créer,
ce ne serait sûrement pas notre intention que les jugements de cette cour
aient l'autorité de la chose jugée sur des réclamations
beaucoup plus considérables qui pourraient être prises devant la
cour Supérieure.
M. LETOURNEAU: Autrement dit, on ne pourrait invoquer dans l'autre
juridiction le jugement rendu dans cette cour inférieure?
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. LETOURNEAU: On ne pourrait pas invoquer devant la cour
Supérieure ou la cour Suprême ou enfin devant une cour
supérieure le jugement qui aurait été rendu dans
cette cour inférieure comme représentation?
M. CHOQUETTE: Mais non. A mon sens, on ne pourrait pas le faire parce
que je le crois ce sont deux ordres de choses complètement
différents que le...
M. LETOURNEAU: Le tort aurait été...
M. CHOQUETTE: Non, le tort n'aurait pas été donné,
parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a un principe de droit qui veut et qui
est inscrit dans le code civil, qui est celui de l'autorité de la chose
jugée. L'autorité de la chose jugée, c'est quand il s'agit
d'une action entre les mêmes parties, ayant la même qualité,
qu'il s'agit du même litige. Je crois qu'il y a deux autres choses qui
sont requises pour qu'il y ait autorité de la chose jugée,
c'est-à-dire qu'un jugement rendu dans une cause constitue un jugement
définitif sur le litige en question. Dans le cas actuel, si cela n'est
pas dissipé dans le projet de loi, nous aurions l'intention de faire en
sorte qu'il n'y ait pas d'autorité de la chose jugée pour ce qui
est des jugements rendus par cette cour.
M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président.
M. PAUL: M. le ministre, il arrive que, dans le code de la route,
quelqu'un va plaider coupable, par exemple, sur une plainte portée
contre lui; l'article 73 spécifie bien qu'un plaidoyer de
culpabilité ne peut en aucune façon être invoqué
contre lui devant une action civile; alors on pourrait peut-être mettre
la même disposition pour dissiper tout doute.
M. CHOQUETTE: L'article 24 le dit ici: "Le jugement n'a pas
l'autorité de la chose jugée à l'égard de la partie
d'une créance supérieure à $300 portant sur le même
objet, qui aurait été cédée à un tiers".
M. PAUL: Alors, qui aurait été cédée
à un tiers.
M. LETOURNEAU: Je m'excuse. Merci beaucoup, M. le Président.
M. BURNS : Tout simplement sur le point de tiers qui a été
soulevé par M. Létourneau relativement à la corporation
qui verrait sa cause évoquée devant ce tribunal de petites
créances, dans notre mémoire, nous faisons une suggestion
à cet égard. Je comprends le problème et je pense qu'il
est réel. Je verrais difficilement une corporation obligée de
continuer à être représentée par un avocat devant
ces petites cours-là. Il y aurait peut-être lieu d'examiner la
possibilité dans la loi de permettre à ces corporations
d'être représentées soit par leur actionnaire majoritaire,
par un directeur, ou quelque chose comme cela, par un directeur de la
compagnie. Sur ce point-là, je comprends très bien le point de
vue de M. Létourneau, où il est placé. Il y a
peut-être lieu de réexaminer la situation, lorsque la corporation
est demanderesse et qu'elle voit sa cause évoquée devant la
petite cour.
M. LETOURNEAU: Alors, M. le Président, j'espère que la
commission recevra favorablement nos propositions d'amendement. Nous le
souhaitons ardemment, particulièrement du côté de la
représentation, de la possibilité d'accès à cette
cour par des corporations, des personnes
morales et en ce qui concerne la subdivision ou la division de la cour
Provinciale.
M. LE PRESIDENT: Vous aviez dit que vous seriez bref. Vous l'avez
été, M. Létourneau.
M. LETOURNEAU: II m'arrive d'être moins long que j'en ai l'air,
c'est tout. Merci beaucoup, M. le Président. Merci aux membres.
M. LE PRESIDENT: Le Barreau du Québec.
Barreau du Québec
M. VIAU: M. le Président, messieurs les membres. Lorsque les
projets de loi 70 et 71 ont été déposés, le conseil
général du Barreau a demandé au comité
d'administration de la justice, dont je suis le président, de faire une
étude en profondeur de ces deux projets, vu l'importance et les
répercussions tant au point de vue juridique qu'au point de vue social.
Le travail a été fait. Il y a une réflexion collective et
un sondage à travers la province. Aujourd'hui, M. le Président,
le Barreau du Québec vous présente ses commentaires et
propositions sur ces deux projets de loi. Je vous proposerais, M. le
Président, la formule suivante: le bâtonnier du Québec, Me
Marcel Cinq-Mars, présentera les objectifs et la philosophie que le
Barreau s'est faite autour de ces projets de loi. Il sera suivi, par une
explication d'un projet de loi soumis également avec le mémoire.
En troisième partie, il est possible qu'il y ait des questions ici ce
matin. Il y a une équipe d'avocats qui sont prêts à
répondre aux questions qui pourraient être posées. Si vous
me le permettez, je désirerais vous présenter le bâtonnier
Marcel Cinq-Mars, Me Rolland Bourret, qui était président du
comité ad hoc, Me Damase Brissette, Me Jean Guilbault et non la moindre,
Me Micheline Audet-Filion, recherchiste du Barreau. Alors avec votre
permission, M. le Président, je demanderais au bâtonnier du
Québec de faire la présentation.
M. CINQ-MARS: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, il me fait plaisir ce matin, au nom du Barreau du Québec, de
vous faire part au début, des commentaires du Barreau relativement
à ces projets de loi 70 et 71. Tout d'abord, messieurs, le Barreau se
déclare parfaitement d'accord avec les principes qui ont animé la
préparation de ces projets de loi. Ces principes ont été
exposés par le ministre de la Justice lors de la réunion du 22
janvier dernier à savoir et je crois qu'il est important de les
répéter rendre la justice plus accessible aux citoyens,
dépouiller la justice du formalisme, procurer un moyen de conciliation
de nature à assurer la paix sociale, garantir la sanction du droit,
procurer une justice peu coûteuse et assurer une justice
expéditive.
Tout en étant d'accord avec ces objectifs, nous nous sommes
posé certaines questions à savoir si les modalités
prévues dans la loi atteignaient, et atteignaient partout ces buts ou
ces objectifs. Nous nous sommes posé principalement trois questions. La
première question concerne le domaine de la juridiction, la
deuxième, la procédure et la troisième le droit. Pour ce
qui est de la juridiction, nous avons actuellement au Québec une cour,
qui n'est peut-être pas la cour de droit commun parce que c'est la cour
Supérieure, mais c'est la cour Provinciale, qui a actuellement
juridiction sur les matières de moins de $300 et même
jusqu'à $3,000. D'après les statistiques que nous avons eues, 60
p. c. des causes intentées non pas des jugements rendus en
cour Provinciale actuellement concernent des matières de moins de
$300.
Ceci veut dire, à notre avis et c'est là une
implication très importante que si on enlève à la
cour Provinciale 60 p. c. du travail qu'elle a à l'heure actuelle, vous
allez avoir des juges à temps partiel et peut-être du personnel
juridique à temps partiel.
Une deuxième considération, nous sommes d'avis que le
droit civil ou l'administration de la justice civile devrait
demeurer la responsabilité de l'Etat provincial, au lieu des
municipalités. Je reviens à la cour Provinciale, nous
considérons cette cour comme bien structurée. A l'heure actuelle,
il y a d'après les informations que nous avons 60 greffes
de la cour Provinciale au Québec. Il serait facile, si l'on veut
et nous sommes d'accord sur cet esprit de décentralisation de la justice
de multiplier les greffes de la cour Provinciale là où il
n'en existe pas.
D'autre part, si on confie à la cour Municipale ou aux cours
Municipales la juridiction dans les matières de $300, nous croyons que
l'Etat aura à faire face tout d'abord à toute une nouvelle
structuration de la cour avec aussi toutes les implications financières.
Et nous pourrions citer beaucoup d'exemples.
Je prends par exemple mon coin de pays, l'Abitibi
Témiscamingue, où, je pense, il n'y a pas à l'heure
actuelle une seule cour Municipale, alors qu'actuellement vous avez six greffes
de la cour Provinciale déjà structurés avec personnel,
etc., qui ne sont pas surchargés de travail.
Ce qui revient à dire que vous aurez des structures
parallèles avec possibilité d'un coût doublé. Nous
considérons qu'au point de vue strictement de coût
d'opération de ces cours municipales, nous nous engageons
peut-être dans des dépenses assez considérables qui,
à notre avis, ne sont pas justifiées à cause de la
structuration actuelle des cours Provinciales.
Il est possible, évidemment, qu'on soit obligé d'augmenter
le personnel, soit juridique les juges ou parajuridique, mais
nous croyons que nous devrions nous servir au départ de ce que nous
avons structuré.
A notre sens, les objectifs recherchés n'impliquent qu'une
question de procédure et de coût. Il faut simplifier la
procédure, non seulement
dans les causes de moins de $300, mais la simplifier partout, pour
rendre la justice plus expéditive et, par voie de conséquence,
moins coûteuse. De toute façon, nous apprécions le premier
pas qui est fait dans ce sens de simplification de la procédure au
niveau des causes de moins de $300.
Mais au lieu de créer une procédure parallèle
c'est l'expression que nous employons dans notre mémoire, nous
avons déjà un code de procédure civile nous
suggérons que le code soit tout simplement modifié en
conséquence, en y ajoutant tout simplement un livre ou un titre, pour
voir ou pour régler les cas qu'on veut régler par ce projet de
loi.
Quant aux coûts vous le verrez tantôt et je pense que
cela a fait le sujet de débats, de questions, de discussions vous
allez remarquer que nous suggérons que même les corporations aient
accès directement devant ces tribunaux, que nous appellerons "tribunaux
de petites réclamations" ou "la division des petites réclamations
de la cour Provinciale". Incidemment, permettez-moi d'apporter une information
pour corriger une autre information qui a été donnée tout
à l'heure. En Ontario, maintenant, "The Division Court" s'appelle "The
Small Claims Court" depuis le 1er janvier 1971.
Je reviens à la question des coûts. Nous disons que les
corporations auront accès directement à ces cours de petites
réclamations. Voici pourquoi. Toujours dans l'esprit de protéger
le consommateur. Ici je pourrais peut-être ajouter que l'argument que
nous employons n'est pas un argument favorable aux avocats.
Si, suivant les renseignements que nous avons, il est vrai qu'environ 75
p. c. à 80 p. c. des réclamations en bas de $300 ne sont pas
contestées, et, donc jugement est rendu, on peut, je crois, tirer la
conclusion que le débiteur, qui est le consommateur, ne demandera pas de
référer. En conséquence, vous allez avoir un
débiteur qui aura jugement rendu contre lui avec les frais, actuellement
prévus dans le tarif et il n'aura pas l'avantage de frais
diminués tel que prévu dans votre projet ou dans le projet que
nous avons l'intention de vous soumettre.
Nous disons que les débiteurs ne demanderont pas le
référé. Ils laisseront les jugements se rendre par
défaut comme ils le font à l'heure actuelle dans une proportion
de 75 p. c. à 80 p. c. Justement là, nous allons manquer le but
ou un des buts que vous visez, à savoir que ça coûte moins
cher au débiteur qui, encore une fois, est le consommateur. En d'autres
termes, le consommateur peut être demandeur devant cette cour si, par
exemple, il s'est fait vendre un réfrigérateur qui n'était
pas bon, etc. Mais, il est le plus souvent défendeur. Il est
peut-être, selon ses expériences, immobile devant les poursuites
qu'on lui intente. Le jugement sera rendu contre lui par défaut.
Je pense qu'il faut prévoir cet aspect. C'est dans cet esprit que
nous suggérons que la corporation ait directement accès aux cours
de petites réclamations.
Au niveau du droit, nous voulons établir une distinction assez
importante entre le droit et la procédure. Qu'on fasse appel à
une procédure simplifiée, nous sommes totalement d'accord. Mais
mettre de côté les principes de droit, la preuve, la prescription,
etc., nous croyons qu'il est à peu près impensable d'agir dans ce
sens, de cette façon-là.
Nous préconisons que ce soit les règles de droit, les
règles de la preuve ordinaire qui s'appliquent, mais dans une
procédure très élargie. Un autre aspect, et on y a fait
allusion tout à l'heure: Qu'est-ce qu'il arrive de l'avocat dans tout
ça? On a parlé de mandataire. Nous proposons que la personne
physique puisse être représentée par un parent, par un
allié. A ce moment-là, elle aura le qualificatif de mandataire
suivant la définition que nous suggérons. Nous croyons que toute
personne physique ou morale devrait avoir le droit d'être
représentée par un procureur, alors que dans le projet qui est
sur la table actuellement, on écarte tout simplement le procureur ou
l'avocat.
Nous sommes d'accord que le mandat confié à l'avocat ne
puisse entraîner de frais ou d'honoraires de la part de la partie
adverse, mais si un client, personne physique ou personne morale, veut
être représenté par un procureur, je pense qu'en
éliminant ce droit-là, vous éliminez un droit qui est
fondamental, et qui, à notre avis, est primordial.
En d'autres termes, par ce principe que l'avocat ne peut pas
représenter la personne qui a un droit ou une réclamation de
$300, à ce moment-là, vous dites à ces gens-là:
Messieurs, vous n'avez pas le droit de voir un avocat ou de consulter un avocat
dans les causes de moins de $300. Nous considérons que ce droit devrait
être maintenu, mais sans effet au point de vue du coût contre la
partie adverse. Quant aux corporations, nous insistons pour qu'elles soient
représentées par procureur.
Tout à l'heure, j'entendais une suggestion à l'effet que
ce pourrait être un directeur ou le plus gros actionnaire de la
compagnie, etc. C'est là qu'on risque de former ou de créer une
profession juridique parallèle avec des mandataires qui, même si
dans le texte de la loi le mandat est gratuit, pourront toujours, par un moyen
détourné ou autre, se faire rémunérer. Alors, nous
devons maintenir la représentation des corporations par avocat. Des
avocats, il y en a actuellement dans la province de Québec: il y en aura
encore plus en juin, en janvier prochain, il y en aura d'autres en juin
prochain.
Ces jeunes avocats, il faut considérer qu'ils ont droit au
travail; je puis vous faire part que dans certaines facultés de droit il
y a des étudiants qui sont nerveux. Ils se demandent quel est l'avenir
de la profession juridique devant certains projets de loi, devant certaines
rumeurs. Tout ça pour vous dire, messieurs, que la corporation, à
notre avis, devrait obligatoire-
ment être représentée par procureur, qu'elle soit
petite, moyenne ou grande. Il reste évidemment le bill 71...
M. CHOQUETTE: Dites-vous, M. Cinq-Mars, que tous les jeunes avocats ne
sont pas contestataires?
M. CINQ-MARS: Ils ne sont pas contestataires. Parce qu'ils contestent
certaines choses, je ne peux pas dire qu'ils ont tort. A cause de la suggestion
que nous vous faisons, que la juridiction des petites réclamations de
$300 soit confiée à une division de la cour Provinciale, nous ne
voyons évidemment pas l'utilité ni la nécessité
d'un bill modifiant les cours Municipales. Messieurs, c'est brièvement
la position que prend le Barreau; nous sommes évidemment, moi-même
et mes collègues, principalement ceux qui ont travaillé d'une
façon plus approfondie sur ce projet, nous sommes disposés
à répondre à toutes vos questions.
M. BLANK: Vous nous parliez de la possibilité de discrimination
contre les consommateurs avec le jugement par défaut devant la cour
Provinciale. Je suis d'accord avec vous, mais on peut régler cette
affaire en changeant le code de procédure. Quant à la question
des tarifs, maintenant dans tous les cas d'au moins $25, il y a seulement des
déboursés. On peut augmenter ces $25 à $300,
c'est-à-dire tous les cas par défaut. Même devant la cour
Provinciale, les avocats ont seulement droit à des
déboursés, ça va mettre les consommateurs devant les deux
cours à la même égalité.
M. CINQ-MARS: C'est un moyen.
M. CHOQUETTE: On a dit, M. Cinq-Mars, qu'il n'y a que 20 p. c. des
causes de moins de $300 qui sont contestées à la cour
Provinciale. C'est-à-dire que dans 80 p. c. des causes, un jugement est
rendu par défaut ou enfin le règlement intervient. Par
conséquent, la juridiction qui pourrait être
conférée aux cours Municipales n'affecterait pas tellement le
travail qui a lieu actuellement à la cour Provinciale.
Je relève un argument que vous avez donné. Vous avez dit
enfin je ne me souviens plus de la proportion que 60 p. c. des
causes qui sont logées en cour Provinciale le sont pour des montants de
moins de $300.
M. CINQ-MARS: C'est ça.
M. CHOQUETTE: Mais moi, je vous dis que, sur ces 60 p. c, il n'y en a
que 20 p. c. en somme qui vont jusqu'au procès.
M. CINQ-MARS: C'est ça.
M. CHOQUETTE: Par conséquent, on ne peut pas dire que la
quantité de travail ou le volume de travail des juges de la cour
Provincia- le serait modifié sensiblement par l'effet de cette loi.
M. PAUL: Pour les employés des greffes.
M. CHOQUETTE: Les employés des greffes, oui.
M. CINQ-MARS: II y a peut-être ceci, si vous permettez, M. le
ministre, c'est que évidemment il est assez difficile de prévoir
quelle proportion des demandeurs va aller à la cour Municipale, en
supposant que ce sera bien à la cour Municipale. Il y a certains
facteurs... Est-ce que le demandeur sera une corporation? Est-ce qu'il y aura
référé? Cela, on ne le sait pas. Est-ce qu'il aura une
demande de référé, on ne le sait pas.
M. CHOQUETTE: M. Cinq-Mars, au point de vue de l'objet principal des
projets de loi qui sont devant nous actuellement, est-ce que vous pensez que
les juges de la cour Provinciale qui siègent habituellement dans des
causes contestées, qui sont habitués à administrer une
justice qui est bonne, je crois, mais qui est quand même formaliste,
est-ce que vous pensez que nous pouvons leur demander de se transformer
aussitôt qu'on va les assigner à la division
d'équité je retire le mot équité, ce n'est
pas exact parce qu'il peut quand même y avoir discussion sur la question
de l'introduction du principe d'équité à la
division des petites réclamations, qu'ils vont être capables de se
transformer, de s'habituer à une nouvelle façon d'administrer la
justice. C'est une question qui me préoccupe.
M. CINQ-MARS: Quand j'ai entendu cet argument, M. le ministre, j'ai fait
la réflexion suivante, ou plutôt j'ai fait l'analogie suivante: Je
plaide le matin comme procureur devant une cour, disons en cour
Supérieure, avec un certain formalisme: avec toge, règles de
preuve, de procédure, etc. et l'après-midi, je m'assois à
une table et je fais de la conciliation, de la négociation.
Je me dis: Si, moi, comme tous les autres avocats, peuvent le faire et
que les juges qui ont été avocats peuvent partir d'un terrain
formaliste et, à une demi-heure d'avis, s'en aller sur un autre terrain
qui n'est pas du tout formaliste, pourquoi ne pourraient-ils pas le faire dans
le cadre des petites réclamations? C'est l'analogie que j'ai faite
à ce moment-là.
M. BURNS: Etes-vous certain que vous ne siégez pas avec autant de
formalisme l'après-midi que le matin, M. Cinq-Mars?
M. CINQ-MARS: Je vous invite à négocier avec moi, M. le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Par mon expérience dans le domaine des relations
patronales-ouvrières, j'ai remarqué que, chez les avocats, on a
de la
difficulté à se départir de ce formalisme
même dans des domaines qui ne le sont pas comme la conciliation ou la
négociation ou l'arbitrage.
M. CINQ-MARS: Je n'en ferais pas une généralité,
toutefois.
M. BURNS: Je n'en ferais pas une généralité. Mais
il y en aurait une bonne proportion chez les avocats.
Personnellement, en tout cas, le point soulevé par le ministre de
la Justice est un point qui m'inquiète aussi parce que je vois
difficilement un juge tantôt être formaliste et tantôt ne pas
l'être. C'est bien difficile. C'est peut-être beaucoup demander
à quelqu'un qui...
M. CHOQUETTE: C'est la raison fondamentale pour laquelle on s'est
dirigé vers les cours Municipales.
M. BURNS: Maintenant...
M. PAUL: La plupart du temps ces cours sont présidées par
des avocats, dans tous les cas. L'avocat qui est habitué à
plaider devant les tribunaux devrait réussir à se départir
de toutes ces règles de procédure. Je pense bien que l'argument
que vous soulevez, M. le ministre, n'est pas très fort, à mon
humble point de vue, si l'on tient compte que nos juges municipaux sont des
avocats obligés de se soumettre, devant les tribunaux de juridiction
supérieure à des formalismes et à des règles de
procédure.
M. BURNS: A la longue et avec le style de causes qui sont entendues
devant les cours Municipales je parle des juges municipaux permanents
qui viennent à s'adapter à ce genre de choses et qui n'ont
pas constamment à faire le transfert d'un type de juridiction formaliste
à un type de juridiction non formaliste, c'est cela qu'il est difficile
de demander à quelqu'un. Cet aspect me préoccupe.
Maintenant, concernant le problème de man-dateur, M. le
bâtonnier, est-ce que vous verriez d'un mauvais oeil que les
étudiants en droit, soit en troisième année ou en
quatrième année, puissent agir comme mandataires à titre
gratuit?
Je crois que cela serait une très bonne pratique pour eux.
M. CINQ-MARS: Si vous me le permettez. Actuellement, en vertu de la loi
du Barreau et des règlements, les élèves de
quatrième année peuvent poser des actes judiciaires devant les
tribunaux.
M. BURNS: Dans les causes contestées?
M. CINQ-MARS: Pas dans les causes contestées. Je verrais d'un bon
oeil les étudiants agir devant ces cours de petites réclamations.
Dernièrement, nous avons donné avis de modifica- tion à ce
règlement, qui est le règlement 27, pour permettre aux
stagiaires, même dans les causes contestées, d'agir, par exemple,
devant la Régie des loyers. Le règlement dans ce sens est en voie
de modification. Je serais parfaitement d'accord sur cela.
M. CHOQUETTE: Abstraction faite de la compétence qui pourrait
être donnée aux cours Municipales en matière civile, tel
que proposé dans les deux projets de loi, auriez-vous des idées
à énoncer à la commission sur la réforme des cours
Municipales? Est-ce que vous êtes satisfait du fonctionnement des cours
Municipales? Quelle devrait être l'action de l'Etat afin
d'améliorer le régime des cours Municipales, des 140 cours
Municipales, qui existent dans le Québec et qui fonctionnent?
M. CINQ-MARS: Pour répondre à votre question, M. le
ministre, je vais vous lire brièvement des recommandations faites par le
Barreau, en 1968. Je ne les lis pas toutes.
Les juges municipaux devraient, donc, dorénavant être
nommés: a) après consultation avec le Barreau; b) sur une base
permanente et à temps complet et c) se voir confier la juridiction d'un
territoire couvrant au besoin plusieurs municipalités dans lesquelles
ils siégeraient à tour de rôle.
Les mesures, ici, proposées ont pour but d'assurer l'instruction
des enquêtes préliminaires, les procès par des juges
indépendants et permanents et d'éliminer ainsi les injustices
résultant d'enquêtes préliminaires et procès par des
juges à temps partiel qui ne possèdent pas toujours une
connaissance adéquate de la loi criminelle et qui, à l'occasion,
peuvent imposer leur propre pratique et créer une jurisprudence
particulière.
Nous sommes conscients des problèmes qui existent au niveau des
cours Municipales. Nous sommes favorables à une révision de la
structure des cours Municipales, à une régionalisation des cours
Municipales, surtout à cause des pouvoirs dans le domaine pénal
et criminel, par la partie 16, par exemple.
Messieurs, avec votre permission, je suggérerais qu'on entende Me
Bourret vous donner le projet de loi que nous suggérons, avec certains
commentaires. Peut-être qu'après il y aura des questions
posées de la part des membres de la commission. Nous serions
peut-être mieux renseignés, à ce moment-là, sur le
tout que vous présente le Barreau.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. BELAND: II y aurait peut-être ici, je relèverais une
chose qui a été dite par l'honorable ministre, suite à ce
qui a été dit évidemment par M. Cinq-Mars concernant les
60 p. c. des causes de moins de $300. Quel est le pourcentage des gens qui,
dans les petites causes comme cela, qui vont jusqu'à ces $300,
étant
donné qu'ils sont mal équipés où ils
habitent, laissent en suspens, laissent faire ou tolèrent de perdre ces
montants d'argent...
M. CHOQUETTE: Qui n'ont pas de recours?
M. BELAND: C'est cela.
M. CHOQUETTE: Je crois que c'est assez difficile à
évaluer. Je pense que le sens commun et l'expérience vécue
par les avocats qui exercent dans leurs bureaux on me donne une
réponse nous indiquent qu'une grande proportion des gens qui ont
une petite réclamation à faire valoir vont l'abandonner
plutôt que de se soumettre au système judiciaire que nous avons
actuellement parce que le jeu n'en vaut pas la chandelle sur le plan
économique. N'importe quel avocat consciencieux, et la grande
majorité le sont, quand un client lui présente une
réclamation de $100, $150 ou $200 et qu'il y a moindrement, en somme, de
difficultés dans la cause, il va conseiller à son client
d'oublier son recours parce qu'il sait que le client va s'exposer à des
frais considérables pour obtenir un résultat qui, en somme, ne
représente pas beaucoup d'avantages pour lui-même s'il gagne sa
cause.
Alors, on me fournit un chiffre, actuellement, d'après les
études qui ont été faites au ministère de la
Justice, c'est que 80 p.c. des gens laisseraient tomber leur réclamation
de moins de $300. Ceci en dit long sur l'inefficacité de notre
système actuel à régler des cas qui ont de l'importance
pour les citoyens même s'il ne s'agit pas de montants très
élevés.
M. BELAND: C'est réel et de toute façon je remercie le
ministre de cette réponse. Maintenant, étant donné que de
plus en plus on parle d'humaniser mille et une choses, je pense qu'il est temps
dans ce domaine de faire en sorte que le petit, la petite industrie, le petit
employeur, ces petites gens qui justement ont besoin énormément
de cette possibilité d'accessibilité de la justice, il est temps
de faire quelque chose dans ce sens-là.
M. CINQ-MARS: Alors, M. le Président, avec votre permission, je
vais demander à Me Bourret de vous présenter une modification au
code de procédure qui, à notre avis, atteint les buts
visés par les proposeurs du bill.
M. BOURRET: Messieurs, M. le Président, le bâtonnier vous a
donné l'essence contenue dans les six premières pages du
mémoire. Vous avez là, regroupées à la page 6, les
principales recommandations que le Barreau fait à la commission, ici, ce
matin. Comme vous verrez, au bas de cette page, nous disons que nous avons
regroupé nos suggestions dans une formule de bill qui est
déposée devant vous. Evidemment il y a cinq ou six points
fondamentaux qui diffèrent d'un projet à l'autre; plutôt
que d'amener des coupures d'amendement ou quoi que ce soit, nous avons tout
regroupé ou reformulé nos suggestions dans un texte complet qui,
à la page 7 et suivantes, se présente comme ceci; il y aurait
quatre articles. A la première page, vous avez l'amendement même
au code de procédure civile, l'article 1, et à la dernière
page de notre projet, à la page 16, vous avez les articles 2, 3 et 4 qui
complètent. L'article 1, évidemment, regroupe tous les articles,
soit 36 ou 37, qui se comparent, dans l'ensemble, à la formulation que
nous retrouvons dans le bill 70. Le bill 70 tel que présenté
devant nous, tel que déposé, a quelque 45 articles. Nous en avons
36 ou 37. Tout de suite je pourrais dire que, parce que certains chapitres, vu
la position que nous suggérons, disparaissent à notre point de
vue, étant donné que, par exemple, l'on parlait d'un
référé avec quatre ou cinq articles, un
procédé de référé de la cour Provinciale
à la cour Municipale, alors cela on le fait disparaftre; l'on
regrouperait plutôt, suivant nos suggestions, toutes les
procédures devant la seule cour Provinciale, mais dans une juridiction
particulière, une section particulière.
Alors, si on prend le texte, évidemment le titre est
modifié en accord avec nos suggestions. C'est le code de
procédure civile qui contiendrait toute la substance ou le
mécanisme qui permettrait à un individu d'être demandeur ou
défendeur devant la petite cour, ou devant la cour des petites
réclamations de la cour Provinciale. Nos définitions, vu nos
recommandations, sont un peu différentes; comme par exemple la
définition du mot cour, c'est la division des petites
réclamations de la cour Provinciale. Quant à la définition
même de ce qu'était "petite créance" dans le projet 70,
elle est sensiblement la même; mais la définition du demandeur est
beaucoup plus vaste puisque nous recommandons qu'il n'y ait pas de classe
différente et que toute personne, qu'elle soit demandeur ou
défendeur, qui a une réclamation de $300 ou moins, puisse avoir
accès à cette juridiction de la cour Provinciale. La
définition du mandataire aussi varie entre le bill 70 et le projet qui
est devant vous, parce que l'une de nos recommandations a pour but de favoriser
dans le plus grand nombre de cas possible, la rencontre directe d'un demandeur
ou défendeur devant une cour sans l'intermédiaire d'un mandataire
ou procureur. On veut quand même préserver la possibilité
à un individu physiquement inapte à se présenter, d'avoir
un mandataire qui sera un parent ou un allié pour faire pour lui les
procédures ou faire la demande nécessaire, ou encore dans les cas
où un citoyen ou une corporation le désire, qu'elle puisse avoir
un procureur pour la représenter. Alors, vous avez là les
principaux points que regroupe notre projet; la procédure est à
peu près la même, au lieu de la faire à la cour Municipale,
nous la suggérons à la cour Provinciale.
Tout de suite, il me vient à l'idée le pourquoi de
l'amendement au code de procédu-
re civile. Il y a de très nombreux articles dans ce code qui ne
joueraient pas nécessairement mais qui seraient là, parce qu'on
ne peut pas prévoir et le bill 70 ne pouvait pas le
prévoir toutes les possibilités que va avoir un demandeur
ou un défendeur. Tout de suite j'attire l'attention, par exemple, sur la
rétractation d'un jugement. Nous référons purement et
simplement aux dispositions actuelles du code civil qui s'appliquent mutatis
mutandis au cas d'un individu qui aurait besoin de voir réviser une
décision rendue par ce juge dans une petite réclamation. Autre
point où j'attire votre attention: le projet de bill 70 ne
prévoyait pas la demande reconventionnelle. Nous croyons que toute
personne devrait avoir accès là et que toute personne qui
réclamerait $300 ou moins et où la partie adverse aurait une
contre-réclamation découlant de la même source devrait
pouvoir elle aussi, pour vider le litige rapidement et sans frais ou à
frais peu élevés, soumettre également sa propre
contre-réclamation de façon que le débat se vide
rapidement devant cette juridiction.
Dans la section des procédures, à l'article 960 qui
correspond à l'article 8 du bill 70, nous nous sommes étendus
davantage sur le sujet justement pour rendre encore là le
mécanisme plus facile. Si, comme dit l'article 960, le défendeur
doit, lorsqu'il reçoit cette demande de paiement émise par le
greffe, prendre l'une ou l'autre des positions qu'il y a là, il peut
régler instanter ou dans les quelques jours qui suivent avec la personne
qui le poursuit. Il envoie tout simplement un avis à la cour comme quoi
le tout a été réglé. Il peut tout simplement
demander le renvoi de sa cause devant son domicile parce que, encore là,
nous avons noté que, dans le projet de loi 70, on limitait la poursuite
devant le domicile du débiteur seulement et cela peut créer
d'énormes difficultés. On a soulevé des exemples
d'individus qui auraient maille à partir, dans Chicoutimi, avec un
citoyen qui demeure à Montréal. Il peut être poursuivi
à Chicoutimi et amener des témoins. Là, ça peut
représenter des difficultés assez nombreuses. A tout
événement, je vous fais grâce de la lecture de tous les
articles. Vous retrouvez à peu près 75 p. c. des articles du
projet de loi 70, mais là où ça diffère, c'est en
regard des recommandations que nous faisons au Barreau.
M. CHOQUETTE: M. Bourret, puis-je vous poser une question? En vertu de
la Loi de la preuve actuellement, la preuve testimoniale est admissible
lorsqu'il s'agit d'une réclamation qui va jusqu'à $50. Est-ce que
le Barreau considère que, étant donné l'ancienneté
de cette disposition et l'inflation qui a eu lieu depuis ce temps-là,
nous aurions avantage à amender le code civil pour faire en sorte que la
preuve testimoniale soit admissible jusqu'à $300?
M. BOURRET: Je pense que ce serait une recommandation que, moi en tout
cas, j'endos- serais et je pense que le Barreau aussi est d'accord
là-dessus, parce que le temps a changé et l'on devrait
réviser les $25 ou $50 dont parle le code civil.
M. CHOQUETTE: Je présumerais que le Barreau est d'avis qu'on
devrait maintenir même en matière de petites réclamations,
la Loi de la preuve, quitte à faire cet amendement-là...
M. BOURRET: Voici...
M. CHOQUETTE: ... la Loi de la preuve générale, telle
qu'elle se trouve au code civil.
M. BOURRET: A l'article 968, nous soumettons que le juge doit suivre les
règles ordinaires de la preuve, en instruire sommairement les parties et
procéder suivant la procédure qui lui paraît la mieux
appropriée dans les circonstances. Il y a de la flexibilité. Il
n'est pas lié comme celui qui procéderait en vertu des tribunaux
de droit commun où peut-être le formalisme ou les règles de
la preuve sont beaucoup plus sévères, beaucoup plus strictes.
Ici, on permettrait à ce juge, tout en s'inspirant des règles de
la preuve, de procéder après avoir informé les parties de
la façon dont il va procéder. Mais il faut quand même, je
pense nous le soumettons qu'il garde certaines normes comme, par
exemple, la prescription, les normes du code civil sur la... A ce
moment-là, en effet, un individu pourrait venir devant le tribunal et
réclamer un billet qui serait dû depuis 25 ans. Or, le juge ne
pourrait pas à ce moment-là dire que ce n'est pas dû, c'est
dû. Mais il peut aussi faire face à la position du
défendeur qui dit: C'est prescrit. S'il juge en équité, il
va dire: C'est dû, payez, monsieur. Je pense que ce serait aller trop
loin de tout chambarder le sens de notre droit commun, de notre droit civil,
que d'aller si loin que de permettre à un juge de juger en
équité seulement, parce que la définition de
l'équité est assez difficile à circonscrire.
Messieurs, je pense que, comme M. le bâtonnier, vous avez le texte
devant vous, si on peut vous donner quelques réponses à des
questions qui viendraient parce que nous avons avancé tel ou tel point,
nous sommes à votre disposition.
M. CHOQUETTE: Merci, M. Bourret. Je pense que les membres de la
commission sont suffisamment éclairés. Le bâtonnier, Me
Viau et vous-même, avez exposé votre point de vue avec beaucoup de
clarté et vous pouvez être sûr que nous allons
étudier vos suggestions avec beaucoup de sérieux et
d'objectivité.
M. BURNS: Me Cinq-Mars aussi a été très clair.
M. CHOQUETTE: Le bâtonnier.
M. PAUL: Vous ne connaissez pas votre grand chef.
M. CHOQUETTE: J'ai mentionné le nom du bâtonnier.
M. BURNS: Je pensais que vous ne l'aviez pas mentionné. Je
voulais protéger mon chef.
M. CINQ-MARS: Le député de Maisonneuve est plus connu que
le bâtonnier.
M. BURNS: Peut-être mieux connu. M. CHOQUETTE: Plus
controversé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela dépend du milieu.
M. LE PRESIDENT: II n'y a pas d'autres questions de la part des membres
de la commission?
Messieurs du Barreau, nous vous remercions pour votre travail
très constructif.
M. PAUL: Cela arrive assez peu souvent que nous sommes critiqués,
quand bien même nous nous flatterions un peu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une sorte de connivence.
M. CHOQUETTE: C'est vrai que le député de Chicoutimi est
un habitué de la connivence.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez raison.
M. CINQ-MARS: Merci, M. le Président. Merci, messieurs de la
commission de votre hospitalité et de votre attention.
M. LE PRESIDENT: Messieurs de l'Union des municipalités de la
province de Québec.
M. HEBERT: M. le Président, messieurs les membres de la
commission...
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez prendre place au centre, si vous
préférez.
Union des municipalités.
M. HEBERT: Mon nom est Gilles Hébert. Je représente
l'Union des municipalités. Comme vous le savez l'Union des
municipalités de la province groupe 255 municipalités qui
représentent 4,700,000 personnes, c'est-à-dire à peu
près 75 p. c. de la population du Québec.
D'abord, comme premier principe, l'union approuve, évidemment, le
principe des bills 70 et 71 pour favoriser l'accès à la justice
et ces bills peuvent remédier à certaines lacunes dans le
système judiciaire actuel et procurer une justice peu coûteuse,
expéditive et surtout dépouillée de formalisme.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, Me Hé- bert, auriez-vous
l'amabilité de nous présenter vos...
M. HEBERT: Nos principales recommandations?
M. LE PRESIDENT: Non, ceux qui vous accompagnent.
M. HEBERT: D'abord, le président de l'Union des
municipalités M. J.-Réal Desrosiers, qui est le maire du
Cap-de-la-Madeleine; M. Marc-A. Brisson...
M. VEZINA: M. Bisson.
M. HEBERT: M. Bisson, pardon, qui est maire de Saint-Romuald; et M.
Robert Boiteau, qui est secrétaire général, à ma
droite.
Les incidences administratives que laissent entrevoir les bills 70 et 71
sont considérables pour les corporations municipales. Nous avons retenu,
entre autres, les exposés du bâtonnier et les chiffres qui ont
été soumis sont assez révélateurs.
Par exemple, on nous indique que 60 p. c. du travail des cours
Municipales sera, avec ces nouveaux bills, remis aux cours Municipales.
Autrefois c'étaient les cours Provinciales qui faisaient ce travail. Et
de plus, on nous mentionne que 80 p. c. des réclamations en bas de $300
sont présentement abandonnées. l est à prévoir
qu'avec l'adoption de ces nouveaux bills, que ces réclamations seront
reportées devant les cours Municipales.
On a parlé aussi beaucoup de la question de formalisme devant ces
cours.
Je dois souligner ceci, nous en avons discuté tantôt : que
ce soit devant la cour Provinciale ou devant la cour Municipale, la question de
formalisme pourra s'exercer à un endroit ou à un autre puisque le
juge cela dépendra de la personne qui siégera de la
cour Municipale, il faut se le rappeler, entend des causes qui ne sont pas
seulement civiles; il entend des causes qui relèvent du code criminel. D
doit appliquer à ce moment-là la Loi de la preuve du Canada et il
devra enlever son chapeau quand viendra le temps d'entendre les petites
réclamations. Il doit entendre aussi les preuves qui sont faites au
sujet des règlements municipaux; il doit utiliser beaucoup de
formalisme, et doit suivre la Loi de la preuve. Il devra lui aussi que
ce soit un juge municipal ou un juge provincial enlever son chapeau pour
essayer de mettre de côté la question de formalisme dans le cas
des petites réclamations.
Les incidences administratives, si les nouvelles réclamations
sont soumises à la cour Municipale, seront évidemment
considérables. On a vu qu'il existait le bâtonnier l'a
mentionné tantôt des cours Municipales dans certains
districts qui ne fonctionnaient pratiquement pas. Mais les cours Municipales
seront appelées à jouer un plus grand rôle si on leur
confie l'administration de ces deux lois. Il faudra augmenter les
ressources physiques et humaines et avoir un logement adéquat pour la
cour. De plus, pour avoir des greffes fonctionnels, il faudra des
sténographes-greffiers: même si le greffier est payé par
Québec, cela n'empêchera pas d'avoir quatre ou cinq
secrétaires qui devront rédiger toutes ces procédures qui
sont soumises à la cour.
M. VEZINA: Mais pourquoi un sténographe?
M. HEBERT: II faudra tout de même avoir des sténographes,
des dactylographes si on veut, pour rédiger toutes ces choses. Je ne
vois pas un greffier qui va recevoir une avalanche de réclamations se
mettre à rédiger lui-même dans un district prenons
la ville de Longueuil par exemple où...
M. VEZINA: Vous voulez dire un sténodactylo.
M. HEBERT: Un sténo-dactylo qui devra lui-même
rédiger toutes ces choses-là. Il faudra absolument du personnel
de bureau pour rédiger ces choses. Une première incidence est
qu'il faudra, comme je l'ai mentionné, un personnel compétent,
des comptables. Il faudra un greffier. Cela prendra, comme je l'ai dit, des
secrétaires.
Nous croyons quand même ce sont nos recommandations que
vous retrouvez à la page 4 que le gouvernement du Québec
devrait assumer seul l'administration de la Justice sur tout son territoire.
Par ces bills, vous introduisez un nouveau palier de gouvernement dans
l'administration actuelle. Nous croyons que la justice devant être
égale pour tous, elle ne devrait relever ne serait-ce que pour
une plus grande efficacité que d'une seule autorité, le
gouvernement du Québec.
Donc, la création, l'organisation et le fonctionnement des
tribunaux provinciaux, régionaux ou municipaux comme on voudra
les appeler, tant civils que de juridiction criminelle devraient relever
exclusivement du ministère de la Justice. Vous aurez à ce
moment-là, l'uniformité des procédures et des jugements et
il sera plus facile de contrôler l'ensemble. Cependant, pour favoriser
l'accès à la justice, cette centralisation sous un seul titre de
toutes les cours devrait être suivie d'une décentralisation de
l'appareil administratif vers chacune des régions où des
sous-régions. Il est possible; à ce moment-là de
créer de nouveaux greffes ou de décentraliser les greffes
que ce soit la cour Provinciale pour aller vers le citoyen entendre les
causes. Il n'est pas impossible non plus qu'un juge puisse se déplacer
à l'intérieur d'un même territoire pour entendre, dans
certaines municipalités importantes, les causes elles-mêmes.
Cependant, ces nouvelles cours que ce soient les cours
Provinciales ou régionales devront encore avoir la juridiction
pour entendre les infractions aux règlements des municipalités.
Il faudra garder une juridiction dans ce sens.
Troisièmement, nous croyons et ceci est peut-être le
grand problème actuellement que le chef-lieu du greffe n'a pas
été modifié depuis de très nombreuses
années. Alors il est possible, pour rendre encore une fois la justice
plus accessible, de décentraliser les greffes et de les placer aux
endroits où ils seront le plus accessibles à la population.
Prenez par exemple toute la rive sud de Montréal, qui groupe à
peu près 350,000 personnes, tous ces gens-là doivent se rendre
soit à Saint-Jean ou à Montréal directement. Il n'y a pas,
présentement, de greffes à Longueuil, par exemple, qui est la
principale agglomération.
Quatrième recommandation, nous croyons que, vu la nouvelle
juridiction qui est confiée aux juges de ces nouvelles cours en vertu
des bills 70 et 71, ces juges doivent être des juges à plein
temps. Quant aux amendes et aux frais imposés par les tribunaux, quels
qu'ils soient, nous croyons qu'il y a lieu de tenir compte dans leur
répartition du fait que le service de la police de chacune des
municipalités n'est pas subventionné. Le travail fait par les
corps de police des différentes municipalités, a pour but de
mettre en application des lois fédérales, provinciales, et
même municipales, mais les municipalités ne reçoivent
directement aucune subvention ou octroi pour la mise en application et la
surveillance de ces lois.
Le propriétaire et le locataire de chacune des villes doit donc,
lui-même, à même ses taxes, voir au paiement de tous ces
services de police, ce qui grève considérablement le budget. Nous
croyons que dans la répartition des amendes, on doit toujours en tenir
compte. Une partie de ces amendes doit être versée aux
municipalités. A cet effet, vous trouverez à la page 11 un
tableau des amendes et des frais, et leur différente répartition.
Vous remarquerez que lorsque les plaintes sont portées devant la cour
Municipale, les amendes et les frais sont versés à la province,
en général.
Dans l'article 1, par exemple: infraction aux règlements
municipaux, évidemment c'est sans l'assignation. Vous avez par exemple
les billets de $5 pour la circulation. Ce sera évidemment versé
à la municipalité puisqu'on ne va pas devant les tribunaux. Nous
avons tenté, dans l'élaboration de ce tableau, de garder le statu
quo, c'est-à-dire que les amendes qui sont actuellement versées
à la municipalité le demeurent. Sont versées au
provincial, les amendes qui découlent des poursuites à la suite
d'infractions au code de la route. On a tenté de garder la même
distinction.
M. CHOQUETTE: M. Hébert, que faites-vous dans les cas de
municipalités qui édictent un code secondaire de la route qui ne
fait que
répéter le code provincial de la route? Il comporte des
accusations ou des plaintes contre les citoyens, les automobilistes en vertu de
leur règlement municipal, justement pour empocher des amendes. Avez-vous
une solution à cela?
M. HEBERT: Vous avez actuellement deux législations
parallèles. Il appartient au législateur de prendre ses propres
décisions et de régler le problème, il n'appartient pas
aux municipalités de le faire. Maintenant, les amendes qui sont
perçues à la suite de ces infractions sont très minimes.
J'ai des statistiques de police. On m'a mentionné, lors de la
dernière audition, que les sommes perçues par les corps de police
payaient en grande partie tout le budget de la ville. C'est totalement
faux.
Prenez une ville comme Longueuil, par exemple, la cour Municipale en
elle-même rapporte environ $100,000 à $125,000. Le
déboursé qu'elle doit faire pour maintenir un corps de police est
de $1.5 million. Quand on me dira que ça paie complètement le
corps de police, c'est totalement faux.
Je ne sais pas où on prend ces statistiques, mais je ne crois pas
que ce soit la vérité.
Prenons une ville comme Verdun où c'est à peu près
la même situation aussi. Le corps de police coûte à peu
près $1.3 millions; c'est-à-dire que la cour Municipale y
rapporte à peu près $100,000 à $125,000 et le corps de
police coûte $1 million et cent quelque mille dollars. Je ne crois pas
qu'on puisse dire que les amendes ou les revenus de la cour Municipale aient
beaucoup de poids dans le budget de la ville.
M. BURNS: On a dit non pas que le corps de police lui-même
était payé par cela mais peut-être l'administration de la
cour Municipale. Est-ce que vous avez des chiffres...
M. HEBERT: Oui.
M. BURNS: ... par rapport à l'administration de la cour
Municipale?
M. HEBERT: Vous avez $125,000 par exemple que rapporte la cour
Municipale prenons Longueuil et vous avez comme dépenses
$81,790, ce qui comprend le greffier, l'assignation des policiers, le juge
municipal, etc.
M. BURNS: Dans ce cas-là, cela peut être...
M. HEBERT: Cela rapporte $43,000, mais sur un budget de $1.5 millions
pour la police qui, en soi, fait la surveillance et également la mise en
application des lois ou des règlements provinciaux. C'est très
minime, quand on voit cela.
Evidemment, ces $81,000 de dépenses ne tiennent pas compte des
locaux et du personnel connexe qui est relié à la cour. Il
apparaît une espèce de revenu de $43,000, mais ce n'est pas
réaliste. Il faudrait voir exactement... Pour les locaux de la cour, on
ne met rien là-dedans, par exemple. On ne met rien aux dépenses
pour les locaux de la cour.
Je crois qu'il faut démythifier cela un peu. Je ne crois pas que
ce soit réaliste ce qu'on a dit déjà, que les cours
Municipales payaient d'abord le corps de police et, en plus de cela, dans
certains cas, on l'a déjà mentionné, le budget total de la
ville.
M. CHOQUETTE: D'après votre expérience, M. Hébert,
quelle est l'incitation qui existe chez les policiers à porter des
plaintes parce qu'il y a des revenus qui en dérivent sur le plan
municipal? Pouvez-vous répondre à cette question?
M. HEBERT: Je ne crois pas personnellement je représente
plusieurs municipalités que ce soit le but principal d'obtenir du
policier qu'il donne suffisamment de billets pour payer son salaire. Je ne
crois pas que ce soit le cas. D'ailleurs, quand on voit les revenus que
rapportent les cours Municipales et les billets, etc. comparativement au budget
total, c'est minime.
Evidemment, il n'est pas facile pour le citoyen de recevoir un billet et
de payer une amende. Nous en avons tous eu. A ce moment-là, on croit
qu'en faisant ce geste on remplit considérablement les coffres de la
ville, mais ce n'est pas le cas. Toutes les statistiques l'établissent.
On pourra vous en fournir, dans toutes les villes que nous représentons,
pour vous donner une plus juste idée.
C'est en tout cas la seule taxe volontaire qu'on impose aux citoyens et
nous n'avons pas de difficulté à la percevoir mais elle est quand
même minime à côté de l'ensemble du budget des
municipalités.
Messieurs, ce sont nos représentations. Le but principal, en
fait, est-il de créer de nouvelles cours ou surtout de
décentraliser l'appareil actuel? Nous croyons qu'il s'agit surtout,
actuellement, de décentraliser l'appareil vers le citoyen. C'est la
meilleure façon. Il est possible de le faire avec les outils que nous
avons en main présentement. Si on veut absolument le confier aux cours
Municipales, il faudra leur donner d'immenses moyens puisqu'on leur
transfère une nouvelle juridiction sans leur donner d'autre part un
revenu suffisant. Or, vous savez que les municipalités ont
déjà des problèmes financiers importants actuellement.
M. CHOQUETTE: En somme, votre suggestion c'est que les
municipalités abandonnent leurs cours Municipales.
M. HEBERT: Oui.
M. CHOQUETTE: Et que les cours Municipales s'intègrent dans un
système général...
M. HEBERT: Exactement et que ce soit établi...
M. CHOQUETTE: ... et que ce soit établi sur une base
régionale.
M. HEBERT: ... et que ce soient des cours régionales.
Principalement, il faut que la Loi des cours Municipales soit revue. Il n'y a
pas de doute que cela date beaucoup...
Est-ce que ce sont des cours régionales pour entendre les cours
Municipales de chacune des régions? Il est possible que ce soit cela. Il
faut que ce soit revu complètement de toute façon parce que la
procédure n'est pas uniforme. Plusieurs n'ont pas de cour Municipale. La
création d'une cour Municipale est tout un problème. Le
mécanisme est très long. Le fait de soumettre sa juridiction
à une autre cour Municipale, etc... c'est très long. Nous
suggérons que toute l'administration de la cour Municipale relève
directement du ministère de la Justice, qu'il crée la cour, qu'il
nomme les juges, et que ces juges aient juridiction pour entendre les causes
venant des municipalités et préférablement des cours
régionales. Il n'est pas impossible non plus que ce soit les juges de la
cour Provinciale qui aient cette juridiction. On parle de formalisme, j'y
reviens encore une fois. Le juge de la cour Municipale, évidemment, dans
certains cas, siège à plein temps. Il doit entendre la preuve, en
vertu de la Loi du code criminel ou des règlements municipaux, il doit
suivre une preuve. Si on lui remet l'administration, la juridiction de juger
toutes ces causes de $300 et moins, est-ce qu'il sera moins formaliste ou plus
formaliste que le juge de la cour Provinciale? Je crois que cela
dépendra des hommes tout simplement parce que les deux ont à
juger suivant la règle de la preuve dans d'autres domaines.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des questions?
M.PAUL: M. Hébert, au tout début est-ce que l'Union des
municipalités était favorable au projet?
M. HEBERT: Au tout début, quand?
M.PAUL: Quand les projets de loi ont été
présentés.
M. HEBERT: Comme principe, c'est excellent. Nous sommes
complètement d'accord que ce soit remis aux cours Municipales. Nous
croyons que ce n'est pas le rôle de la cour Municipale, qui a
été créée pour entendre des infractions
municipales.
M. PAUL: Vous êtes pour le principe, mais non dans ses
modalités...
M. HEBERT: Les modalités doivent être changées. On
croit à une décentralisation surtout à cause de ses
implications financières. Seulement les statistiques que nous avons en-
tendues, ce matin, nous prouvent que le coût sera effarant pour la
municipalité puisqu'on dégrèvera encore une fois des juges
provinciaux d'un certain travail et on ajoutera en plus de cela les causes
où les gens ne veulent pas réclamer à cause du montant
minime. Cela sera un double fardeau pour la municipalité.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: C'est une remarque que j'adresse au ministre de la Justice. Il
y a peut-être un autre problème à ajouter à celui
que Me Hébert mentionne. C'est le fait que les juges des cours
Municipales entendent ce genre de causes. Est-ce que cela n'effraiera pas,
j'utilise le mot à son sens le plus large, le citoyen plutôt que
de le porter à utiliser ce genre de cour, étant donné que
d'avance dans l'esprit de tout le monde, la cour Municipale est d'abord une
cour punitive de juridiction pénale. Cela pose un problème si on
veut rendre la justice accessible. On doit la rendre aussi passez-moi le
mot attrayante.
M. CHOQUETTE: Elle n'est pas seulement punitive. Je dirais que le mot
employé par M. Burns... La réputation des cours Municipales,
d'après les enquêtes que nous avons faites au ministère de
la Justice, est inégale.
M. BURNS: Je suis parfaitement d'accord.
M. CHOQUETTE: Par conséquent, nous étions conscients du
besoin d'évoluer vers un système régional. Nous pensions
d'une part que c'était peut-être l'occasion avec ces deux projets
de loi d'assurer une justice expéditive dans le domaine des causes
jusqu'à $300 et d'autre part d'évoluer vers une réforme de
l'ensemble des cours Municipales pour en faire des cours régionales,
avec des juges permanents, comme on l'a mentionné tout à l'heure.
Par conséquent, les deux objectifs, à mon sens, peuvent
être menés de front. Est-ce que la formule proposée est
vraiment la meilleure formule? C'est un sujet qui reste à
débattre entre nous et sur lequel on peut diverger d'opinions. On peut
faire toutes sortes de suggestions.
Ce dont je suis heureux, ce matin, c'est d'entendre le porte-parole de
l'Union des municipalités reconnaître quand même
implicitement qu'il faut évoluer de la cour Municipale vers une cour
régionale. Nous avons eu exactement le même point de vue de la
part du Barreau tout à l'heure. Je crois qu'il y a consensus, à
savoir que nos cours Municipales telles qu'organisées, telles que
structurées ne donnent pas satisfaction et qu'il faut peut-être
aller plus loin que ce que nous avons proposé dans notre projet.
M. HEBERT: Dans la situation actuelle, ce sont des cours
régionales et elles devraient relever directement du gouvernement
provincial
parce qu'actuellement il n'existe pas de communauté urbaine dans
toutes les régions... Alors, si c'est une cour régionale, je
présume qu'elle sera attachée à une région
spécifique comme, par exemple, la communauté urbaine de
l'Outaouais, et elle entendra toutes les causes relevant des
municipalités de l'Outaouais. Cela va bien lorsque la communauté
urbaine existe, mais lorsque cela n'existe pas, ça devrait être
créé directement par le gouvernement provincial et relever au
point de vue paiement, des déboursés du gouvernement provincial
également.
M. CHOQUETTE: A part cela, pour préciser la réponse que je
donnais au député de Maisonneuve, c'est que si l'on donne une
juridiction civile aux cours Municipales, il est sûr que cela va
créer des problèmes pour un certain nombre de juges municipaux
à temps partiel, qui sont juges municipaux dans l'endroit où ils
partiquent et qui, par conséquent, pourraient avoir des problèmes
assez fréquents de conflits d'intérêt soit avec des clients
ou la partie adverse, c'est la raison pour laquelle il faut viser à
avoir des juges permanents, qui auraient la compétence dans le domaine
des règlements municipaux, dans le domaine pénal, dans le domaine
criminel la partie 16 du code criminel et peut-être aussi
dans le domaine civil jusqu'à $300. Maintenant, je crois que la grosse
question, c'est comment allons-nous intégrer ce système de cours
régionales avec notre structure déjà en place de cours
Provinciales? Je crois que c'est aux membres de la commission à
débattte ce point ultérieurement.
M. PAUL: Le danger est probablement un empêchement constitutionnel
de créer une nouvelle juridiction. On pourrait créer, à
l'intérieur de la cour Provinciale, une nouvelle division; mais de
là à créer une nouvelle juridiction en vertu de l'article
96, si ma mémoire est bonne, je pense bien qu'il y a
impossibilité de le faire.
M. CHOQUETTE: Je n'irais peut-être pas aussi loin que le
député de Maskinongé, parce qu'il y a la cause de la ville
de Chicoutimi, sur la validité de l'existence de la cour Provinciale
comme telle.
M. LE PRESIDENT: M. Béland.
M. BELAND: Etant donné la suggestion d'une façon assez
prononcée de l'Union des municipalités concernant la nomination
de juges permanents, relatifs à cette élaboration, est-ce que les
municipalités auraient fait un travail suggestif quant à la
division des régions à travers la province?
M. HEBERT: Non, nous n'avons pas fait d'études en ce
sens-là.
M. BELAND: Nous n'avons pas fait d'études spécifiques
à ce sujet.
M. HEBERT: C'est pour régler le problème des
communautés urbaines etc.
M. CHOQUETTE: Est-ce que Montréal est inclus dans l'Union des
municipalités? Alors, par conséquent, est-ce que la ville de
Montréal a le même point de vue que celui que vous explicitiez ce
matin?
M. HEBERT: Elle a reçu tous les documents de l'Union et elle n'a
pas formulé d'opposition, alors nous présumons que tout le monde
est d'accord.
M. VEZINA: C'est de la consultation par implication.
M. HEBERT: Evidemment les résolutions telles que
préparées pour appuyer le mémoire ont été
envoyées il y a déjà très longtemps et aucune
opposition ne s'est formulée.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Hébert, vous avez entendu tout
à l'heure le témoignage des représentants du Barreau,
est-ce que vous accepteriez leur proposition de la création d'une
division de petites réclamations pour régler le
problème?
M. HEBERT: Je suis absolument d'accord, à condition que ces
nouveaux juges ou ces juges de la cour Provinciale avec nouvelle juridiction
aient également la juridiction pour entendre nos causes relevant de
l'administration municipale.
M. BISSON: Les amendes perçues en raison des règlements
municipaux reviennent aux municipalités.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions, MM. de la commission?
M. BELAND: Je ne sais si je suis hors d'ordre, mais, de toute
façon, est-ce que, M. le ministre, vous avez pour 1969 ou 1970 le
montant provincial recueilli par les municipalités justement en
amendes?
M. CHOQUETTE: La question pratique est très importante dans une
discussion comme celle-ci. Il y a une équipe au ministère de la
Justice qui fait un relevé de toutes les amendes, les frais qui sont
perçus par les cours Municipales, de façon à avoir des
données précises sur les montants perçus, les coûts
des cours Municipales. Actuellement je ne suis pas en mesure de donner des
chiffres très précis dans ce domaine, mais je crois que d'ici un
mois nous serons en mesure d'éclairer la commission sur tout l'aspect
financier qui est intéressé à cette question.
M. HEBERT: Parce que ça pourrait constituer une espèce de
barème, quant aux choses à agencer, à travers la
province.
M. CHOQUETTE: Certainement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On pourrait parler des reçus qu'on
reçoit des municipalités quand on a payé des amendes, dans
les petites villes surtout.
M. LE PRESIDENT: II n'y a pas autre chose? Nous vous remercions, Me
Hébert et les gens de l'Union des municipalités.
M. HEBERT: M. le Président, messieurs, je vous remercie
beaucoup.
M. LE PRESIDENT: La ville de Québec. Me Jean-Charles Brochu.
Ville de Québec
M. BROCHU: Je ne veux pas évidemment, M. le Président,
prendre beaucoup de temps. Je crois que ce ne sera qu'une
répétition de tout ce qui a été dit avant. Alors,
je me dis très satisfait du mémoire présenté par le
Barreau du Québec. Je crois qu'après cela, il ne reste plus
grand-chose à dire.
M. LE PRESIDENT: Me Brochu, nous avons à nos dossiers un
mémoire de la ville de Québec.
M. BROCHU: Alors, je ne veux pas répéter tout ce qui a
été déposé sur la table. Je ne veux pas retenir le
temps de la commission inutilement.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes ici comme endosseur?
M. BROCHU: Actuellement, oui.
M. VEZINA: Celui qui endosse paie toujours.
M. BROCHU: C'est ce qu'on fait depuis un bout de temps.
M. LE PRESIDENT: Parfait. Est-ce que la ville de Longueuil est ici ce
matin? Si je comprends bien, messieurs, vous êtes venu déjà
devant la commission avec ou sans mémoire, la première fois?
Ville de Longueuil
M. ROBIDAS: Avec un mémoire préliminaire, et nous
déposons aujourd'hui un mémoire plus complet.
M. LE PRESIDENT: M. Robidas, avez-vous des représentations
verbales à faire en sus de votre mémoire?
M. ROBIDAS: Certainement.
M. LE PRESIDENT: Alors, nous vous écoutons.
M. ROBIDAS: M. le Président, M. le ministre de la Justice,
messieurs les membres de l'Assemblée nationale, nous avons ce matin
reçu certainement beaucoup de lumière sur l'application de la
justice. Disons que notre préoccupation est tout aussi grande que celle
de nos avocats, de ceux qui nous représentent à l'Union des
municipalités et la Chambre de Commerce, etc. Cependant, en tant que
maire d'une ville, nous recherchons quand même de pourvoir aux besoins
d'une population qui est très grande. Les besoins sont de plus en plus
grands car la population est située dans une région urbaine.
Comme on l'a mentionné tantôt, on a dit qu'il y avait six greffes
dans une région éloignée de la province, greffes de la
cour Provinciale et que dans notre région, il y en a zéro. C'est
donc dire que le problème est assez vaste. Je vous fais bien confiance,
messieurs, que lorsque vous aurez étudié tous ces
mémoires, vous pourrez améliorer un tant soit peu notre
situation. Je voudrais tout de même en tant que maire de Longueuil, quand
même l'une des grandes villes de la province de Québec, vous dire
qu'il ne faudrait pas, pour le souci de l'efficacité, laisser pour
compte les municipalités. Si on étudie un peu la fiscalité
municipale, on se rend bien compte qu'il y a huit, dix, douze ou quinze ans, la
municipalité comptait pour beaucoup dans la fiscalité totale
perçue par le citoyen. De plus en plus, on se rend bien compte que la
municipalité ne perçoit qu'une partie infime des taxes
payées par les individus et se voit graduellement ravir des pouvoirs
qu'elle détenait. Ce n'est pas que je n'abonde pas dans le sens de
l'Union des municipalités ou du Barreau, mais je déplore quand
même le fait que la municipalité en tant que gouvernement doit
laisser aller continuellement sa juridiction et par le fait même, finir
par disparaître presque totalement.
On dit actuellement que la municipalité perçoit en moyenne
par foyer $200 par année et les gouvernements supérieurs
perçoivent plus de $1,500 par année. Alors, c'est donc dire que
lorsqu'un phénomène comme celui-là se produit et que les
taxes municipales doivent être stabilisées parce que les citoyens
croient, à bon droit ou non que les taxes sont trop
élevées, la municipalité, elle, va se réfugier dans
une situation qui va être bien près de la disparition. C'est
pourquoi je vous demande, messieurs. Lorsque vous étudierez votre projet
de loi tout en considérant l'efficacité que j'endosse totalement
de la part du Barreau et celle aussi de l'union, quand même laisser une
place à la municipalité, fût-il régional, pour que
nos cours Municipales, nos cours régionales puissent être
démocratisées.
J'entends démocratisées dans le sens suivant, c'est que la
démocratie municipale veut que les citoyens puissent dialoguer avec
leurs administrateurs. Par conséquent, si nous n'avons plus rien
à dire dans tous les pouvoirs auxquels sont soumis nos citoyens, je ne
vois pas très bien de quelle manière la démocratie
municipale peut se manifester.
Tout en vous laissant un problème très
sérieux, messieurs, je vous demande tout simplement de laisser un
rôle à la municipalité, même s'il s'agit de
décentraliser la cour Provinciale au sein même de la rive sud,
à savoir par exemple que nous sommes certainement consentants à
contribuer financièrement pour avoir un droit de regard sur le greffe de
la cour Provinciale qui serait établi dans notre ville.
Non pas que la ville de Longueuil désire prendre en charge un
véritable gouvernement concurrent ou une cour concurrente ce
n'est pas l'idée c'est qu'administrativement parlant, s'il y a
des problèmes humains, les municipalités ou la
municipalité importante peuvent jouer leur rôle. Je ne veux
pas pour cela vous ouvrir la porte à des questions qui seraient
embarrassantes pour les maires des villes, mais je vous dis mon sentiment en
tant que maire d'une ville importante et celui du conseil. C'est facile pour
les membres d'un conseil ou les maires de dire: Nous laissons tout à la
province de Québec et nous envoyons toutes les juridictions de ce
côté-là. Mais, pendant ce temps-là, ça ne
veut pas dire que l'action que la province peut jouer dans ces domaines est
plus efficace, parce qu'elle est plus loin. Elle pourrait être
améliorée des deux côtés, à savoir que, d'un
côté, la province peut coordonner, normaliser et que d'autre part,
la ville peut jouer un rôle beaucoup plus actif. En d'autres mots, les
citoyens peuvent dialoguer et obtenir des services plus adéquats plus
rapidement.
C'est ça que je voulais vous mentionner. Quant au mémoire
que nous vous présentons, ce sont surtout les statistiques qui
répondront certainement aux questions que vous avez posées
tantôt, à savoir quels sont les montants d'argent que nous
percevons et ceux que nous dépensons. Il est vrai que nous
dépensons actuellement plus de $1.5 million pour administrer notre corps
de police. Il est vrai que le corps est inadéquat, en nombre, nous
l'avons dit; la raison pour laquelle il est inadéquat, c'est qu'il a un
rôle supérieur à celui d'une municipalité de cette
importance, vu sa situation.
Il faudrait dépenser $2.25 millions à $2.5 millions pour
administrer notre corps de police. Et les revenus doivent provenir encore une
fois de la taxe foncière générale qui, selon les moyennes
provinciales est quand même assez élevée.
Par conséquent, je réitère ce que j'avais dit
devant la Commission de la police dernièrement, que lorsque la province
veut nous imposer des charges additionnelles, par la force des choses nous
devons les prendre, mais il me semble qu'il devrait y avoir des contributions
comparables, de sorte que le fardeau du citoyen ne soit pas trop lourd et que,
par ailleurs, il y ait un minimum de service policier ou de service de la
justice dans la ville.
Quant au mémoire lui-même, je vous fais grâce de le
lire, je pense que vous pouvez en tirer les conclusions qui s'imposent. Si vous
avez des questions, je suis bien prêt à tenter d'y
répondre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui ont
des questions à poser?
Vous ne vouliez pas avoir trop de questions, M. le maire, vous n'en avez
pas.
M. ROBIDAS: Cela dépend naturellement de la nature des
questions.
M. BURNS: Vous avez réussi, M. le maire.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Nous nous reprendrons à l'examen
écrit, pas à l'oral.
M. LE PRESIDENT: M. le maire, messieurs de Longueuil, nous vous
remercions.
Je comprends que la cité de Shawinigan et la cité de
Lachute ont déposé des mémoires et qu'il n'y a personne
ici ce matin pour faire des représentations. Les mémoires
resteront au dossier pour l'étude de la commission.
La ville de Trois-Rivières, Me Méthot.
Ville de Trois-Rivières
M. METHOT: La ville de Trois-Rivières n'a pas beaucoup à
ajouter à la suite du Barreau, de l'Union des municipalités et de
son mémoire. Toutefois, je tiens à attirer l'attention, M. le
Président, M. le ministre et messieurs les membres de la commission, sur
un point où il me semble y avoir un peu imbroglio, à l'effet que
l'Union des municipalités favorise l'établissement de cours
régionales et que le Barreau favorise l'amendement de la loi
provinciale, c'est-à-dire au code de procédure civile.
J'abonde dans le sens du Barreau à savoir qu'il doit y avoir
amendement et qu'un livre doit être créé afin
d'établir une juridiction spéciale à la cour Provinciale
et de ne pas accorder aux cours régionales qui pourront être par
la suite formées pour voir à la juridiction des règlements
municipaux et autres règlements sur lesquels elles pourraient avoir
juridiction simplement en juridiction pénale.
Je ne crois pas qu'on puisse accorder à une cour régionale
une juridiction civile. Je vous invite respectueusement à bien prendre
garde à cet article qui me semble un peu différer du contexte. Je
suis absolument contre l'Union des municipalités qui préconise
qu'une juridiction civile pourrait être accordée à une cour
de juridiction régionale.
M. CHOQUETTE: M. Méthot pourquoi pou-vez-vous dire ça? La
cour Provinciale, telle qu'on l'a actuellement, a la juridiction au civil et au
criminel.
M. METHOT: Oui. Nous avons, nous, la cour Municipale qui n'a que la
juridiction pénale. La cour régionale qu'il faudrait former, ne
serait
que pour couvrir les cours Municipales. Je ne crois pas qu'on puisse
accorder aux cours Municipales une juridiction civile. Actuellement, aux
Trois-Rivières, nous avons cinq employés qui s'occupent de la
cour en plus du juge. D nous en coûte $60,000 pour administrer notre cour
Municipale. Nous retirons environ $60,000 d'amendes et autres choses. Alors,
nous arrivons à peu près égal. Nous n'avons aucun profit
à faire à cet endroit. Nous administrons tant bien que mal cette
cour Municipale. Je puis vous dire que depuis que nous avons eu notre fameuse
enquête de la police, cette cour Municipale opère très
bien. Nous sommes obligés d'être là de huit heures
jusqu'à onze heures du matin. Il y a trois heures de travail assidu et
par la suite, les cinq employés continuent à travailler à
plein temps toute la journée. Mais, l'avocat doit être là
environ de huit heures du matin jusqu'à onze heures et le juge de la
cour Municipale doit être là environ de neuf heures jusqu'à
onze heures.
Maintenant, je soumets respectueusement que je ne vois pas la
possibilité d'accorder à cette cour juridiction civile alors que
le Barreau vient de présenter un rapport, il vient de proposer un projet
de loi qui me paraît très adéquat. Je sors du
problème des municipalités en attaquant le problème
strictement légal. Je pense que ce projet de loi vu que nous avons
actuellement des greffes de la cour Provinciale existants, je pense qu'on doit
se limiter à ça et accorder à nos cours provinciales une
juridiction accrue, la juridiction de la loi des petites créances.
Maintenant, je pense que le projet de loi tel qu'il est actuellement
décharge le gouvernement d'une partie des dépenses de
l'administration de la justice pour en charger les municipalités en
référant à la cour Municipale une partie du travail de la
cour Provinciale tout en se gardant bien le pouvoir de nommer les juges qui
seront aussi payés par les municipalités. Il faut
considérer que ce sont les employés de la cour Municipale qui se
trouveront à faire le travail que font actuellement les avocats, car ce
sont les greffiers qui verront à rédiger les procédures et
ce sont eux aussi qui devront faire le travail que font actuellement les
employés du greffe de la cour Provinciale.
Cela sera un surcroît de travail. Cette formation coûterait
davantage à la cité et triplerait le montant prévu. Il n'y
a aucun doute qu'au lieu d'en coûter $50,000 pour opérer notre
cour Municipale, si on nous donnait cette juridiction, le coût
s'élèverait à au moins $125,000 à $150,000. Cela ne
fait aucun doute. Comme le bâtonnier vous l'a dit tout à l'heure,
quand on voit que 60 p. c. des causes en cour Provinciale sont de moins de
$300, messieurs, vous allez voir qu'un juge actuellement doit prendre beaucoup
de son temps pour décider des problèmes pénaux, des
infractions et même des infractions en code criminel, partie 16. Ce juge
doit sûrement prendre en délibéré des causes de
facultés affaiblies, de délits de fuite et autres causes. H a des
causes à étudier. Il faudra donc nommer un juge pour la
cité de Trois-Rivières, un juge de juridiction strictement civile
pour la cour Municipale ou pour la cour régionale.
Ce serait un non-sens, alors que nous avons des juges de la cour
Provinciale qui doivent faire ce travail. Je soumets le tout
respectueusement.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que des membres de la commission ont des
questions?
M. PAUL: M. Méthot, dans l'édifice même de
l'hôtel de ville de Trois-Rivières, est-ce que vous disposeriez
des locaux nécessaires pour que la cour Municipale s'occupe de là
juridiction civile qui pourrait lui être éventuellement
confiée?
M. METHOT: Nous ne disposons pas actuellement de locaux à cet
effet. Il faudrait...
M. PAUL: Transformés...
M. METHOT: II ne faudrait non seulement transformer, il faudrait acheter
un immeuble et bâtir une cour civile, surtout lorsqu'on entend Me
Cinq-Mars nous expliquer que 60 p. c. des causes en cour Provinciale sont
actuellement de $300 et moins.
M. LE PRESIDENT: Merci, Me Méthot. Il y avait deux autres groupes
mentionnés à l'ordre du jour, l'Office de révision du code
civil et IAC Limitée, dont le conseiller juridique Me Paul Brown,
était présent ce matin mais il n'y est plus. Il n'y a pas de
mémoire non plus, ça dispose de l'ordre du jour pour ce
matin.
M. PAUL: M. le Président, si par hasard l'Office de
révision du code civil et IAC...
M. CHOQUETTE: J'ai un mémoire.
M. PAUL: Vous avez un mémoire? Je m'excuse, je n'ai pas...
M. LE PRESIDENT: Si les membres n'ont pas reçu le mémoire
de l'Office de révision, je ferai en sorte qu'ils le
reçoivent.
UNE VOIX: Je pense qu'on n'en a pas.
M. CHOQUETTE: Je vais obtenir des copies et je vous les ferai
distribuer. Je suggère que nous remettions la prochaine séance de
la commission après la reprise des travaux parlementaires. A ce
moment-là, j'aurai pas mal de données précises, de
chiffres sur la situation dans l'ensemble du Québec. Je crois que ce
sera une réunion strictement pour les membres de la commission.
M. BURNS: Est-ce que le ministre a l'inten-
tion de proposer à nouveau ces deux projets de loi au cours de la
présente session?
M. CHOQUETTE: Oui, j'aimerais bien qu'on puisse passer la ou les lois
qui résulteront de nos discussions au cours de la session actuelle. Je
pense que si on prévoit faire une réunion au début de mai,
on aura plus de renseignements et on pourra prendre position.
M. PAUL: Est-ce qu'on pourrait proposer un ajournement pour la forme
maintenant?
M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est nécessaire?
M. PAUL: Non, pas tellement nécessaire.
M. CHOQUETTE: C'est ajourné sine die. Je pense qu'on est aussi
bien de ne pas s'astreindre à une date précise et je vous
communiquerai le moment où j'aurai les renseignements voulus.
(Fin de la séance: 12 h 3)