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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 17 juin 1971 - Vol. 11 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 70 - Loi favorisant l'accès à la justice et Bill 71 - Loi des cours municipales


Journal des débats

 

Commission permanente de la Justice

Bill 70 — Loi favorisant l'accès à la Justice

Bill 71 — Loi des cours municipales

Séance du jeudi 17 juin 1971

(Dix heures treize)

M. BLANK (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Réforme de la justice

M. CHOQUETTE: Merci, M. le Président. Ainsi que je l'ai laissé entendre hier, l'objet de mon intervention initiale, au début de cette séance de la commission de la Justice, est de préciser les intentions du gouvernement en rapport avec une réforme d'ensemble des tribunaux du Québec et de la justice. Il s'agit également d'indiquer avec précision la politique du gouvernement en ce qui concerne les bills 70 et 71 qui avaient été envoyés à la commission de la Justice pour examen et recevoir les représentations des organismes intéressés. Tout cela a été fait.

Je pense que nous sommes arrivés au moment où il faut que le gouvernement précise son action future à la fois dans le domaine particulier des bills 70 et 71 et en ce qui concerne l'ensemble de la réforme judiciaire. A la faveur des bills 70 et 71, il nous a été permis d'envisager une réforme d'ensemble des tribunaux.

Quel était le contenu des bills 70 et 71? Ces deux projets de loi visaient à apporter des modifications sensibles au régime judiciaire applicable aux petites créances, c'est-à-dire jusqu'à la somme de $300, en permettant à un juge de trancher tout litige pour une somme inférieure à cette somme par une procédure dénuée de formalisme, sans la présence d'avocats, sans déboursés judiciaires, excepté une somme forfaitaire minime sur la base du droit et de l'équité. La compétence dans le domaine des petites créances devait être confiée aux cours Municipales. A la suite du dépôt de ces projets de loi, des séances de la commission parlementaire de la Justice ont été tenues et des représentations y ont été faites par divers groupes et par diverses personnes.

Deuxièmement, modifications aux bills 70 et 71. A la suite de ces auditions, il apparaît que les orientations de base qui étaient celles des bills 70 et 71 étaient valables, mais que les réformes envisagées doivent être modifiées et élargies pour tenir compte d'une réorganisation souhaitable de l'ensemble de notre système judiciaire.

Il appert qu'il est opportun de nous orienter comme suit: premièrement, conférer à une division de la cour Provinciale la compétence pour juger des litiges inférieurs à la somme de $300 sans le formalisme judiciaire actuel et sans avocat.

Maintenir un tarif de déboursés extrêmement réduit. Ne permettre l'accès à cette cour qu'aux particuliers, excepté le cas où une corporation est poursuivie comme défenderesse par un particulier et excepté le cas où une corporation ayant poursuivi comme demanderesse devant la cour Provinciale serait amenée par le défendeur devant la division des petites créances de la cour Provinciale par voie d'évocation. Permettre au juge qui préside le tribunal de procéder d'abord à une tentative de conciliation puis, s'il y a lieu, de diriger les débats et d'interroger les témoins, et finalement de trancher le litige. 2) Modifier le projet de loi pour faire en sorte que le juge siégeant comme juge des petites créances juge en droit et non pas en équité. En effet, la notion d'équité est trop variable. Il faut permettre aux citoyens de se fonder sur le droit. Quant aux règles de la preuve, elles s'appliqueraient, mais le juge aura la plus grande latitude possible dans la procédure. De plus, en raison de la création de cette nouvelle division de la cour Provinciale et de l'institution d'une procédure simplifiée, il faut amender le code civil pour accroître de $50 à $300 la limite où la preuve testimoniale est admissible en matière civile. Ceci comporte un amendement à apporter au code civil au chapitre de la preuve. 3) Les études faites par le ministère de la Justice et les représentations qui nous ont été faites en particulier par le Barreau et l'union des municipalités nous font conclure qu'il existe 140 cours Municipales dont 125 sont actives dans le Québec à l'heure actuelle. Celles-ci sont inégalement réparties sur le territoire et la justice y est administrée d'une façon fort inégale. Dans la plupart des cas, il s'agit de cours qui siègent le soir, qui sont présidées par des avocats-juges à temps partiel qui ne servent qu'à appliquer les règlements de circulation ou des règlements municipaux et ainsi procurer certains revenus aux municipalités.

En somme, il s'agit d'un ensemble de cours qui ne représentent ni le vrai visage de la justice, ni un avantage très concret pour les municipalités. D'ailleurs, celles-ci nous demandent d'en prendre la responsabilité au niveau provincial. D'autre part, le Barreau nous a suggéré de confier la juridiction sur les créances allant jusqu'à $300 à une division de la cour Provinciale. Par conséquent, à la lumière des renseignements et des représentations que nous avons reçus, il nous semble qu'il y a lieu d'abandonner le projet de loi no 71, Loi amendant la loi des cours Municipales et de procéder par voie d'amendement au code de procédure civile en ce qui concerne le bill 70 en instituant une division de la cour Provinciale qui sera chargée dorénavant de la compétence en matière de petites créances allant jusqu'à $300.

Avenir des cours Municipales

Le ministère de la Justice a fait faire une étude complète du fonctionnement des diverses

cours Municipales dans la province. Un nombre limité des cours Municipales sont présidées par des juges permanents, soit les cours Municipales de Montréal, de Québec et de Laval.

Les autres cours Municipales sont présidées par des juges-avocats à temps partiel. La compétence des cours Municipales, excepté celles de Montréal, de Québec et de Laval et quelques autres, se limite aux règlements municipaux, aux infractions à la circulation et à la perception des taxes municipales. Elles ont également une compétence civile dans de petites causes de moins de $25. Il apparaît évident que les cours Municipales à temps partiel ont souvent une réputation peu impressionnante. Les services qu'elles rendent sont fort limités et la qualité de la justice qui est dispensée est loin de l'idéal.

Il résulte de l'enquête du ministère de la Justice qu'il y a lieu de supprimer ces cours qui sont rattachées aux diverses municipalités et de conférer leur juridiction à un tribunal à caractère provincial dans le but d'y améliorer l'administration de la justice, d'en rationaliser le nombre, le fonctionnement et la compétence.

Comme la juridiction des cours Municipales est principalement d'ordre pénal, il nous semble que la compétence actuelle des cours Municipales devrait appartenir à une cour qui a responsabilité en matière criminelle et pénale, excepté leur compétence civile qui devrait être confiée à la cour Provinciale, chambre civile. Nous suggérons plus loin que la juridiction des cours Municipales, pour autant qu'elle est pénale et réglementaire, soit conférée à la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale, qui remplacerait la cour Provinciale de comté siégeant au criminel et la cour des Sessions de la paix.

Réforme d'ensemble des tribunaux du Québec

Dans la réforme des tribunaux du Québec, il importe tout d'abord de tenir compte de certains principes qui ont été dégagés, soit dans le rapport de la Commission d'enquête de l'administration de la justice criminelle et pénale (rapport Prévost), soit dans certaines études faites par le ministère de la Justice et le Barreau, et soit également dans des études faites aux Etats-Unis sur la question de la réforme des tribunaux qui concordent avec les principes que je vais énoncer: 1)Il faut distinguer d'une part entre le civil et d'autre part entre le criminel et le pénal ; 2)il y a avantage à viser à l'unité du système judiciaire et à réunir en une seule cour des chambres distinctes comportant une spécialisation appropriée, soit dans le droit civil, soit dans le droit criminel et pénal, ou soit encore dans le domaine des relations familiales.

C'est conformément à ces principes que nous avons déjà suggéré que la cour Provinciale en droit civil comporte une division pour les petites créances. En ce faisant, nous avons maintenu l'idée de l'unité de la compétence en matière civile.

Dans le domaine criminel et pénal, cependant, la compétence est éparpillée entre plusieurs tribunaux, soit les cours Provinciales de comté siégeant au criminel et au pénal, la cour des Sessions de la paix qui existe à Montréal, Québec, Sherbrooke, Saint-Jérôme, etc., les cours Municipales de Montréal, Québec et Laval, qui ont la compétence des cours Municipales ordinaires, c'est-à-dire en matière de règlements municipaux, de circulation et de taxes municipales, mais aussi une compétence additionnelle en vertu de la partie XXIV du code criminel, et finalement les cours Municipales ordinaires qui ont une compétence en matière pénale et d'application des règlements municipaux. Afin d'uniformiser notre système judiciaire, je considère qu'il y aurait lieu d'abolir les cours des Sessions de la paix et les cours Municipales et de les remplacer toutes par la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale.

Les études faites au ministère de la Justice en fonction des facteurs démographiques, économiques et judiciaires nous amènent à la conclusion que l'on peut rejoindre l'ensemble de la population du Québec en créant 92 centres judiciaires dans le territoire. La cour Provinciale et la cour des Sessions de la paix existent déjà dans 60 de ces endroits. L'addition de 40 autres centres judiciaires — 8 cours Provinciales sont appelées à disparaître — et l'abolition des 140 cours Municipales existantes assureraient à l'ensemble de la population du Québec un service judiciaire approprié, c'est-à-dire civil, criminel et pénal, auraient l'avantage de la simplicité et offriraient des garanties d'une meilleure administration de la justice que le système actuel. A ce propos, l'établissement de la cour Provinciale, comportant des chambres civiles, criminelles et pénales, dans 92 endroits les plus populeux et les plus actifs du Québec, permettrait à tout citoyen du Québec de se trouver en général à moins de 25 milles d'un centre judiciaire.

De plus, avec les amendements appropriés à la Constitution, on pourrait également réunir à l'intérieur de la cour Provinciale, la cour du Bien-Etre social, qui en constituerait la chambre des affaires familiales. Cependant, comme les travaux relatifs à la future cour des Affaires familiales ne sont pas encore au point, il serait prématuré pour le moment de procéder à la création de cette chambre familiale.

Nomination des juges

Il va de soi qu'en abolissant les cours Municipales et en conférant leur juridiction à une future chambre criminelle et pénale de la cour Provinciale ainsi qu'en adoptant la Loi favorisant l'accès à la justice, qui aura pour effet de créer une section des petites créances au sein de la cour Provinciale, en droit civil, l'on

réduit le nombre des juges-avocats à temps partiel dans les cours Municipales et l'on accroît la quantité d'affaires judiciaires civiles.

Il en résultera la nécessité de désigner un certain nombre de juges permanents additionnels. La nomination d'un certain nombre de nouveaux magistrats pose tout le problème de mode de nomination de nos juges. A mon sens, compte tenu de cette situation et du besoin très actuel de ne permettre l'accès à la magistrature qu'aux meilleurs candidats, il est nécessaire de donner suite à un certain nombre de suggestions, toutes concordantes, vers la création d'un conseil de la magistrature qui aurait pour responsabilité de faire le tri des meilleurs candidats et laisserait la responsabilité ultime du choix au gouvernement qui, finalement, en est le responsable et qui en répond devant la Chambre. En effet, le gouvernement ne peut se départir de cette responsabilité envers un organisme qui ne soit pas responsable devant la Chambre ou devant le peuple. Cependant, le temps est venu d'instituer un mode de nomination des juges qui offre les meilleures garanties possibles de compétence et d'intégrité. A ce sujet, j'attends incessamment un rapport du juge Garon Pratte. Le juge Pratte a également été chargé d'examiner la question des pouvoirs des juges en chef en vue d'assurer le fonctionnement efficace de nos cours ainsi que diverses autres questions relatives au statut de la magistrature.

Mise en oeuvre des réformes proposées

La mise en oeuvre des réformes proposées comporte plusieurs actions sur le plan législatif, à savoir : 1)adoption du bill 70, Loi favorisant l'accès à la justice ; 2)amendement au code civil pour permettre la preuve testimoniale en matière civile dans les causes de $300 et moins; 3)adoption d'une loi amendant la Loi des tribunaux judiciaires et une loi amendant la Loi des cités et villes avec comme objet d'abolir les cours Municipales et conférer leur compétence à la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale, et d'abolir la cour des Sessions de la paix pour conférer sa compétence à la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale; 4) institution par voie législative d'un conseil de la magistrature.

Sur le plan administratif et de l'organisation, la politique proposée requiert l'extension du système des palais de justice et des cours et l'ouverture de 40 nouveaux centres judiciaires. Cela requiert également l'engagement et l'entraînement de personnel additionnel pour agir dans ces divers centres et pour s'occuper spécialement de l'administration de la Loi favorisant l'accès à la justice (petites créances).

Evidemment, dans l'organisation des 40 centres de justice additionnels requis, nous pourrons profiter en partie de l'existence de certaines cours Municipales qui pourront être converties en cours Provinciales ainsi que du personnel affecté à certaines cours Municipales qui s'offre déjà comme personnel auxiliaire de la justice dans le système que je propose.

La mise en oeuvre de l'ensemble ne peut être réalisée avant le 1er septembre 1972, c'est-à-dire qu'une période de quinze mois parait un délai minimum pour la mise en oeuvre de l'ensemble du nouveau système judiciaire. Notre ministère prépare actuellement le cheminement critique pour la mise en place de l'ensemble.

Tout à l'heure, un officier du ministère donnera des explications sur les diverses étapes à franchir jusqu'au 1er septembre 1972.

Cependant, il paraît nécessaire de nous fixer comme objectif le 1er septembre 1972, car le mois de septembre est le début de l'année judiciaire et, par conséquent, il serait beaucoup plus avantageux de commencer le 1er septembre d'une année plutôt qu'à toute autre date. D'autre part, remettre la réforme au 1er septembre 1973 serait, à mon sens, accepter un délai indu.

Quant aux mesures législatives à être adoptées pour donner suite à cet ensemble de mesures, nous proposons l'adoption du bill 70 avant l'ajournement d'été de la session actuelle avec une disposition à l'effet que la loi entrera en vigueur sur proclamation. Je propose également de modifier immédiatement le code civil relativement à la preuve testimoniale en matière civile pour les causes de $300 et moins.

Je suggère de remettre à la prochaine session l'adoption d'une loi amendant la Loi des tribunaux judiciaires et d'une loi instituant un conseil supérieur de la magistrature. Il faut noter que si la loi amendant la Loi des tribunaux judiciaires et la loi créant le conseil supérieur de la magistrature ne devaient pas être adoptées pour une raison quelconque, la Loi favorisant l'accès à la justice (bill 70) et la Loi amendant le code civil relativement à la preuve seraient complètes par elles-mêmes.

Nous considérons qu'il est important de procéder avec la Loi favorisant l'accès à la justice et la Loi amendant le code civil parce que ces deux lois ont un rapport certain avec la Loi de la protection du consommateur qui introduit une série de nouveaux recours en faveur des consommateurs.

Centres judiciaires existants et proposés

Ci-après sont énumérés les centres judiciaires qui existent à l'heure actuelle et ceux proposés et les députés ont...

M. LE PRESIDENT: Je demande au journal des Débats d'inscrire cette liste (voir annexe).

M. BERTRAND: Oui.

M. CHOQUETTE: Je fournirai la liste au journal des Débats.

M. BERTRAND: Pour faire suite aux propos que le ministre tient à l'heure actuelle, pour que ce soit complet.

M. CHOQUETTE: Exactement. Evidemment, les décisions ne sont pas prises d'une façon définitive; les études que nous avons faites à l'heure actuelle nous indiquent que ces centres-là seraient probablement les plus propices, je parle des nouveaux centres. Mais je ne peux pas dire que le travail soit tout à fait complété.

Des vérifications seront faites, même des discussions pourront avoir lieu ici à la commission parlementaire si la représentation était jugée opportune par des honorables députés de quelque région du Québec que ce soit.

Conclusion. La réforme proposée paraît avantageuse au point de vue de la qualité de la justice et du point de vue de l'efficacité du système judiciaire. Le système proposé nous paraît également plus avantageux du point de vue de l'uniformié, simplicité et compréhension par les citoyens du système judiciaire. Egalement, il laisse la porte ouverte à l'adjonction éventuelle d'une chambre familiale à la cour Provinciale ainsi que de diverses autres chambres à déterminer.

Le système paraît également permettre une utilisation plus intensive des locaux et du personnel de la Justice, puisque les centres judiciaires proposés posséderaient les compétences des anciennes cours Provinciales, des Sessions Municipales, sauf un certain nombre de centres de moindre importance qui pourraient ne posséder que la compétence en matière de petites créances de moins de $300 au pénal et en matière de réglementation, c'est-à-dire la juridiction des actuelles cours Municipales.

Finalement, la déconcentration de l'administration de la justice en 92 centres judiciaires accessibles aux citoyens apporterait un avantage certain aux justiciables.

M. le Président, j'ai ici le nouveau projet de bill 70 que je soumets aux honorables députés. C'est l'intention du gouvernement de déposer un projet de loi qui serait conforme à celui-ci.

Commentaires

M. BERTRAND: M. le Président, mon collègue le leader parlementaire, ancien ministre de la Justice, pourra faire tantôt ses commentaires. Ma première réaction à la lecture de l'exposé du ministre de la Justice sur la réforme qu'il entend proposer à la Chambre est excellente.

Je suis heureux de son attitude sur une réforme passablement complexe dans le domaine judiciaire. Je Crois qu'il répond là à des voeux qui ont été souventesfois exprimés par les avocats, par le Barreau, par nos associations, le Barreau de province, d'une certaine unité et, par ailleurs, d'une spécialisation dans le domaine de l'administration de la justice.

Je crois que nous sommes sur la bonne voie pour que la population du Québec obtienne une justice que je qualifierai de décentralisée, c'est-à-dire plus facilement accessible à tous les citoyens. Le principe, qui était à la base des deux projets de loi qui nous avaient été antérieurement soumis, est encore respecté quant à ce que l'on appelle les petites créances, je dirais à peu près les créances les plus nombreuses que nous retrouvons dans la pratique légale du moins en campagne.

C'est avec infiniment de plaisir que j'appuie la substance et les principes qui sont à la base de la réforme de la justice au Québec. Il est heureux que cette initiative ait été prise. Je n'entends pas faire de longs commentaires, nous avons eu d'ailleurs l'occasion d'être entendus à ce sujet lors de l'examen des projets de loi 70 et 71. Le ministre a tenu compte des représentations qui avaient été faites. Il est sage que de ne pas étendre la juridiction des cours Municipales. Malgré tout le respect que j'ai pour tous les confrères qui ont joué ce rôle dans les différentes municipalités de la province, mon expérience m'indique que ces avocats nommés par les différents gouvernements pouvaient rendre une justice acceptable. Je ne crois pas cependant qu'il eût été sage de donner une permanence à un tel système. Plusieurs de nos confrères ont rempli ce rôle avec beaucoup de jugement, beaucoup de compétence. Ce n'est pas porter atteinte à leur prestige, ni à leur réputation que de favoriser la disparition des cours Municipales.

Jadis, nous avons eu au Québec les cours de commissaires qui, à une époque donnée, ont joué un rôle bienfaisant. D'autre part, nous avons tous jugé à propos, il y a quelques années, d'en proclamer l'abolition à cause d'abus qui avaient été décelés et du rôle plus ou moins prestigieux que ces tribunaux populaires jouaient.

M. le Président, j'abonde dans le sens des remarques du ministre. Je n'ai pas à les commenter plus longuement. J'ai été heureux tantôt de l'entendre parler du conseil de la magistrature. Le qualificatif supérieur — d'habitude je mettais de côté ces mots qui donnent une idée de suprématie, de contrôle — le ministre d'ailleurs l'a omis dans ses propos au sujet du conseil de la magistrature. Le principe est également agréé que l'on donne aux juges en chef des pouvoirs. Il est temps. Mon expérience et mes relations avec les juges en chef, à l'époque, m'indiquent que les juges en chef, qui parfois auraient voulu appliquer plus d'autorité au sein du tribunal qu'ils présidaient, étaient fortement ébranlés.

Dans la loi, ils avaient le titre de juge en chef et aucun des pouvoirs qui devraient être rattachés à l'exercice de ces importantes fonctions.

Que ce juge en chef soit assisté à l'intérieur de chacun des tribunaux spécialisés par un vice-juge en chef. On l'appelera comme on voudra, je crois que c'est également à propos, et cela sera de nature à aider considérablement l'administration de la justice. Sur le principe des nominations de juges, comme mon collègue le député de Maskinongé et comme le ministre actuel le fait, j'ai fait de mon mieux pour assurer que seuls les avocats compétents, intègres, honnêtes, capables, puissent accéder à la magistrature. Il existera toujours une discrétion que le pouvoir exécutif a non seulement le droit, mais le devoir d'exercer. Mais qu'il ait autour de lui un conseil pour le guider, pour faire le tri, pour faire l'enquête qui s'impose, cela je l'approuve d'emblée. M. le Président, toutes ces mesures, sur le principe, sont agréées. La mise en oeuvre pour le 1er septembre 1972, agréé également. La marche des procédures d'ici-là, agréé, excepté que, lorsque le ministre parle d'une loi à la prochaine session, concernant les amendements à la loi des tribunaux judiciaires et instituant un conseil de la magistrature, je dis que c'est trop tard. Je lui suggère de mettre immédiatement sur pied une équipe de manière que nous ayons ce projet de loi à la reprise des travaux parlementaires à l'automne.

M. CHOQUETTE: C'est ce que je voulais dire, je me suis mal exprimé...

M. BERTRAND: Ah merci!

M. CHOQUETTE: Je voulais dire qu'on ne pouvait pas penser raisonnablement le passer avant l'ajournement de l'été.

M. BERTRAND: Non, non. Je suggère au ministre, dès que ce projet de loi sera prêt, de le transmettre, s'il était prêt en septembre, étant donné que les travaux parlementaires ne reprennent qu'à l'automne, à tous les leaders parlementaires, aux chefs de partis, de manière que nous puissions l'examiner à l'avance. Quand nous reviendrons à l'automne, nous serons prêts à procéder à une étude plus rapide. Autrement dit, cela fait longtemps que nous attendons des réformes en profondeur. Nous avons essayé, mon collègue et moi d'en réaliser, nous en avons réalisé. Le ministre continue cette marche bienfaisante, je l'en félicite, mais battons le fer pendant qu'il est chaud, autrement on se retrouvera dans deux ou trois ans et on reparlera encore d'une réforme sans l'avoir obtenue. M. le Président, je félicite le ministre, ses officiers, tous ceux qui l'entourent. Il recevra des conseils précieux, d'une sagesse éprouvée, de M. le juge Garon Pratte, que je salue, qui est à la fin d'une longue carrière. Il peut de manière absolument objective, totalement dégagée de toute préoccupation, quelle qu'elle soit, excepté celle de servir la justice et l'intérêt et le Québec, vous fournir des conseils précieux. C'est un matin véritablement ensoleillé dans le domaine de l'administration de la justice.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: L'Opposition a souvent la tâche désagréable de critiquer le gouvernement et Dieu sait que nous ne nous en privons pas. Personnellement ce matin ça me fait plaisir de dire au ministre que c'est un appui sans réserve que je donne à son projet de réforme...

MR CHAIRMAN: Excuse me for interrupting you, Mr Burns, but I would like to welcome the delegation of parlementarians from our sister province Ontario, members of the Legislative Assembly of Ontario. I welcome you here to the Justice Committee discussion on a proposed reform of justice in this province.

M. BURNS: Je disais donc que c'est sans réserve que je désire apporter l'appui de mon parti au projet de réforme proposé par le ministre. Nous y avons vu entre autres choses le souci véritable de pousser à son extrême limite le désir qui apparaissait déjà dans le bill 70, le désir de rendre la justice plus accessible aux citoyens. Les avantages qui se trouvaient dans le bill 70, apparemment ne disparaissent pas par cette reconsidération des deux projets.

Egalement est ajoutée une autre forme d'accessibilité, c'est-à-dire malgré que la cour Provinciale coiffera éventuellement avec cette réforme la juridiction pénale et de réglementation des cours Municipales, elle coiffera aussi la juridiction civile. Mais en plus de ça, en ce qui nous concerne, nous trouvons que la décentralisation au niveau régional est un autre moyen de rendre cette justice plus accessible.

C'était une de nos préoccupations — et nous l'avions mentionné également dans le mémoire que nous avions déposé devant la commission de la Justice — et ce que nous trouvons très louable comme initiative dans ce projet, c'est la séparation de la juridiction civile et de la juridiction criminelle. Nous avions à ce moment-là exprimé des craintes que le justiciable ne se sente pas à l'aise devant une cour qui était bâtie et qu'il connaissait surtout par son aspect pénal punitif alors que la cour des petites créances en somme se devait d'être une cour, accueillant le citoyen à bras ouverts, etc.

Cette réforme en ce qui nous concerne est une autre façon de rendre cette justice civile encore plus accessible.

Quant à la nomination des juges, je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Nous en avons parlé la semaine dernière lors de l'étude de la Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires. Nous en avons parlé hier également. Je suis entièrement d'accord avec le ministre que le gouvernement ne peut pas se départir de sa responsabilité de nommer les juges, mais la technique qui semble vouloir être utilisée tendra à dépolitiser ou enlever toute idée de partisanerie dans la nomination des juges par cette création du conseil supérieur de la magistrature.

Là-dessus, je maintiens les quelques toutes

petites réserves que j'avais faites en disant que peut-être comme le disait la commission Prévost, le fait de garder ce tri à l'intérieur d'un groupe de gens de la profession ou de magistrats semble conserver à l'ensemble de la justice cette espèce de monolithisme.

Il reste quand même que je trouve que c'est une amélioration très sérieuse qu'un groupe extérieur au gouvernement fasse d'abord le tri parmi les personnes qu'il considère compétentes pour accéder à la magistrature. Enfin, sur la question de l'échéancier, je suis d'accord avec le ministre qu'il est absolument impossible de faire la réforme en profondeur envisagée avant le 1er septembre 1972. C'est sûrement un délai minimum comme il a dit. Quant au bill 70 et l'amendement au code civil, il n'y a pas de doute que cela peut être accepté immédiatement dès cette session-ci. Nous collaborerons également avec le ministre sur ce point-là afin que, lorsque le lieutenant-gouverneur jugera possible de mettre en vigueur ce bill 70 et les amendements au code civil, il puisse le faire sur proclamation.

En somme, je désire féliciter le ministre de son initiative et surtout de n'avoir pas craint de revenir sur une première idée et d'avoir écouté les suggestions de toutes les personnes qui sont venues faire des représentations devant la commission de la Justice. Je pense que c'est un exemple que plusieurs de ses collègues au cabinet devraient suivre plus souvent c'est-à-dire accepter bien humblement de réviser un projet qu'on avait à l'origine déposé. Quand le ministre attache son nom à un projet qu'il dépose au début, il le fait sien. Cela n'empêche pas que, sur les représentations d'autres partis, on puisse se raviser et là-dessus je ne peux que féliciter le ministre très chaleureusement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, l'expérience que j'ai connue au ministère de la Justice et celle du chef de l'Opposition nous font toucher du doigt l'événement heureux qui se produit ce matin. Ordinairement, le ministre de la Justice est constamment en butte à des critiques, quant à la façon dont il administre la justice. L'unanimité ce matin de deux partis de l'Opposition — du moins nous ne connaissons pas le point de vue du Ralliement créditiste — est un encouragement, j'en suis sûr, à l'endroit du ministre de la Justice,

J'abonde dans les remarques de félicitations faites et prononcées par le député de Missisquoi et le député de Maisonneuve. Ce qu'il y a d'intéressant à remarquer, c'est cette efficacité de nos commissions parlementaires. Je sais que les projets de loi 70 et 71, tels qu'ils nous avaient été soumis, avaient pour but d'apporter des réformes dans l'administration de la justice, en particulier de permettre le règlement de ces causes où l'enjeu n'était souvent et presque exclusivement que de petites créances. A la lumière des commentaires, des recommandations et des suggestions des mémoires qui nous furent présentés, nous avons vite réalisé que l'application du projet de loi 70, par le canal du projet de loi 71, devenait une charge odieuse à l'endroit des municipalités en même temps qu'on s'exposait à ne pas satisfaire les principes visés par l'application du projet de loi 70.

Le ministre doit être félicité d'avoir révisé sa position et de nous présenter une législation qui sauvegarde les mêmes avantages que ceux que l'on retrouvait ou que l'on retrouve dans le projet de loi 70.

Cette réforme, M. le Président, de l'administration de la justice, de nos tribunaux, est excellente et vous me permettrez sans doute de rappeler une certaine déclaration que je faisais à Sainte-Marguerite-du-lac-Masson, au mois d'octobre 1969, lorsqu'après avoir discuté avec mon prédécesseur, qui était premier ministre, l'honorable député de Missisquoi, nous avions pensé à effectuer des réformes dans nos cours Municipales.

Nous avions pensé à l'époque à rendre ces cours itinérantes en recourant à des juges nommés par le Conseil exécutif mais qui seraient les mêmes qui circuleraient à l'intérieur des cours Municipales, tout ça dans le but d'avoir une interprétation unique des lois et des règlements municipaux.

Disons qu'à ce moment-là c'était un embryon de réforme et nous sommes heureux que cet enfant nous soit présenté aujourd'hui habillé comme on veut l'habiller. J'abonde dans le sens des remarques du député de Missisquoi pour signaler notre contentement, notre satisfaction de la présentation qui nous est soumise par le ministre tant dans ces amendements qu'il a l'intention d'apporter au code de procédure civile que dans cette réforme de nos tribunaux judiciaires.

J'abonde également dans le sens des remarques faites par le député de Missisquoi à l'endroit du Conseil supérieur de la magistrature, mais j'espère qu'on fera disparaître le mot "supérieur". Sans doute que l'expérience avertie et l'esprit dégagé avec lesquels travaille le juge Garon Pratte en font pour le ministre un précieux conseiller, et sans doute que les recommandations qu'il fera seront reçues. Je suis sûr qu'il les fera dans le but de rendre plus efficace l'administration de la justice et pour trouver un moyen de dégager cette justice de toute critique qui, hélas! en a aujourd'hui pour son lot.

M. le Président, je suggérerais cependant que nous ayons quelques jours pour analyser le projet de loi qui nous est présenté ce matin et qui constituera un amendement ou un addendum au code de procédure civile. Quant à nous, je pense bien qu'au cours de la semaine prochaine nous serions disposés à adopter ce projet de loi. Pour ce qui est de l'amendement aux articles 12, 33 et 34 du code civil, ce sera une question de formalité.

Pour ce qui est des autres réformes qu'envi-

sage le ministre, nous avons été heureux d'apprendre qu'il avait précisé sa pensée et qu'il a l'intention de nous les soumettre à l'automne. Comme nous sommes en voie d'apporter des réformes en profondeur dans la justice, continuons ce travail pour que cette session soit peut-être connue à la fin comme ayant été la session de la réforme judiciaire. Et nous aurons ainsi accompli quelque chose qui s'imposait et depuis longtemps. Non pas parce que les prédécesseurs du ministre ne voulaient pas, mais peut-être parce que les conseillers chargés d'analyser tous les problèmes n'avaient pas complété leurs études. Et que ce soient le député d'Outremont, le député de Missisquoi, de Maskinongé ou de n'importe quel autre comté, ce qui importe, c'est que nous devons encourager, appuyer, féliciter le titulaire actuel du ministère de la Justice dans les réformes qu'il a l'intention de nous proposer et dans la législation qu'il nous soumettra pour étude et considération.

Je suis sûr que le Solliciteur général travaillera de concert avec le ministre de la Justice pour tâcher de nous présenter à temps toutes les lois qui s'imposent pour compléter cette réforme en profondeur de la justice.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, je suis arrivé en retard ce matin et je m'en excuse. Il reste que ce n'est pas moi qui étais censé venir ici ce matin. Celui qui est chargé de la surveillance — si on peut dire ça de cette façon — de ce ministère n'étant pas ici pour des raisons indépendantes de sa volonté, c'est pour cette raison que je viens le remplacer, pour jeter un coup d'oeil sur ce qui peut se passer.

J'ai donc pris connaissance seulement ce matin, en arrivant, de ces documents. Il ne m'est donc pas possible de donner mon approbation ou ma désapprobation parce que, compte tenu de notre habituelle façon de procéder, nous tenons à prendre connaissance d'une façon intégrale de la matière en question. Soyez sûr, M. le Président, — et j'en assure le ministre — que si la totalité des choses proposées sont conformes aux aspirations des Québécois, nous seront d'accord nous aussi.

Par contre, s'il y a de petites failles, nous les rappellerons en temps et lieu au ministre. Cependant, étant donné qu'il y a un porte-parole plus qualifié que moi dans la matière pour s'occuper de cette chose précise qu'est le ministère de la Justice, j'attends qu'il en prenne d'abord lui-même connaissance parce que, à ce que j'ai pu constater, ça n'avait été déposé que ce matin.

M. CHOQUETTE: J'en ai remis des exemplaires à M. Samson et M. Dumont hier soir...

M. BELAND: Ah bon!

M. CHOQUETTE: ...pour qu'ils soient au courant de ce que je proposerais ce matin...

M. BELAND: D'accord.

M. CHOQUETTE: ...mais ils n'ont peut-être pas eu le temps de communiquer avec vous et de procéder à l'étude.

M. BELAND: Disons que celui qui devait venir est M. Yvon Brochu, député de Richmond. Il a été retenu hier dans son comté et n'était pas encore arrivé ce matin, c'est pour ça que nous sommes pris au dépourvu, nous nous en excusons. Mais, en temps et lieu, nous essaierons de rattraper le temps perdu et de vous faire les commentaires appropriés.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais brièvement remercier de leur appui les députés qui sont présents. Je pense qu'une chose est certaine, c'est que depuis que nous avons entrepris le travail d'étudier les bills 70 et 71 à la commission de la Justice, la discussion entre nous a toujours été d'une parfaite objectivité. Le gouvernement n'a jamais pris une attitude d'entêté, dans ce domaine-là, comme on l'a mentionné; d'un autre côté, les partis de l'Opposition n'ont pas pris un parti dénué d'objectivité à l'égard des propositions du gouvernement.

Je crois que nous avons un bon exemple d'un travail qui a été fait collectivement. En somme, il est vrai que ce travail émane du ministère de la Justice dans sa forme définitive, mais il résulte également de vos interventions et des représentations qui ont été faites par les citoyens que nous avons entendus ici. Je suis heureux que cette réforme judiciaire s'amorce dans un climat aussi objectif, dénué de partisa-nerie et placé sous le signe unique de la création d'une meilleure justice au Québec.

Si vous permettez, je demanderais à M. Martel de donner quelques explications sur les diverses étapes qu'il faut envisager avant le 1er septembre 1972 pour la mise en place du système.

M. LE PRESIDENT: Avec l'autorisation des membres de la commission.

M. MARTEL: M. le Président, suite au dépôt des bills 70 et 71 à l'Assemblée nationale, suite à certaines représentations et études effectuées par le ministère de la Justice, le ministre de la Justice a demandé à certains officiers de son ministère de préparer un plan de mise en application de ladite loi. Vous avez devant vous un premier cheminement visualisé ou représenté selon la méthode du cheminement critique et selon la méthode du Pert — Program Evaluation Review Technic — qui a pour objectif la mise en vigueur de la Loi favorisant l'accès à la justice. Selon une échéance fixée par le ministre de la

Justice, une planification à rebours à partir du 1er septembre 1972 a été effectuée.

Suite aux études, nous avons représenté l'ensemble des activités identifiées et nécessaires pour une telle mise en application, en cinq familles d'activité. Fondamentalement, vous avez la loi et ses règlements et, pour être plus juste, ce serait la loi et la procédure, puisque le ministre de la Justice l'a indiqué, ce sera une section du code de procédure civile qui sera ajoutée.

Alors, la loi et la procédure sont au coeur même de l'ensemble. Comme implication première, nous avons eu à envisager l'organisation humaine et matérielle pour une telle mise en application. Deuxièmement, nous avons eu à envisager le système lui-même. La principale difficulté, comme vous le reconnaîtrez, sans doute est l'organisation humaine et matérielle. Puisqu'un critère d'accessibilité a été défini, soit un recours possible, 92 centres judiciaires, à travers la province seront établis dans les dix régions administratives telles que reconnues par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Ce qui nous permettra de nous synchroniser à l'ensemble de la réforme de décentralisation, de déconcentration et de régionalisation du gouvernement de la province.

L'organisation humaine et matérielle, dans les 92 centres, a été nécessitée par le choix d'un critère d'accessibilité de 25,000 de population, ce qui représente, pour l'ensemble de la population, 90 p.c. des agglomérations, municipalités et cités pour une telle accessibilité. L'organisation implique d'abord qu'on doit faire un inventaire de la situation actuelle et en avoir une photographie. Qu'est-ce que nous avons en espace, en équipement et, ce qui est plus important, en personnel, c'est-à-dire quantitativement et qualitativement, pour répondre à une telle volonté du gouvernement, concernant l'accès à la justice et une qualité, une sévérité dans les prises de décisions.

Cela va de soi au point de vue de l'administration de la justice.

Une première démarche est de faire l'inventaire de la situation de nos locaux à travers le territoire, identifier là où on doit faire des aménagements nouveaux, là où on doit conclure des ententes avec certaines municipalités puisque des cours Municipales vont disparaître comme telles. Cela va nous obliger à faire un cahier de charges au ministère des Travaux publics.

Deuxièmement, nous avons l'organisation matérielle, c'est-à-dire l'équipement. Il faut définir nos besoins, faire l'inventaire de la situation actuelle, mettre du matériel neuf pour vraiment répondre à la situation, être à la page pour une plus grande efficacité.

Troisièmement, — ce n'est pas par ordre d'importance mais plutôt selon un ordre de logique — avant d'avoir du personnel en place, il nous faut des locaux et du matériel. Et à ce moment-là, nous avons des individus. Il va de soi qu'il faut encore faire un inventaire de la situation qui prévaut actuellement à travers la province dans nos différents centres judiciaires quant au nom, à la quantité et à la qualité des personnes et en une expression, l'identification du personnel qui, possiblement, pourrait intégrer le ministère de la Justice à la suite de l'abolition des cours Municipales. Dorénavant, ces personnes seront des fonctionnaires du ministère de la Justice.

Alors, il y a tout le processus de classification, de recrutement, de sélection et ce, à travers les dix régions administratives. Pour que le gouvernement soit en mesure, de promulguer cette loi, le 1er septembre 1972, il faut que tous les individus dans les 92 centres soient en fonction au plus tard le 15 juillet 1972.

Si nous procédons à rebours, cela veut dire que le 15 mai, le ministère devrait avoir terminé — disons que c'est un souhait — tous les travaux nécessités par le plan d'organisation en ce qui regarde les locaux. L'équipement, le matériel, au plus tard le 15 juin; le 15 mai, les locaux; le 15 juin, le matériel et l'équipement; le 15 juillet, le personnel. Ceci est un but fixé. De cette façon, les organismes centraux de gestion devront se mettre au même diapason et nous assurer de leur diligente collaboration pour répondre à nos besoins. Pour être le 15 juillet déjà assez avancés pour permettre cinq ou six semaines plus tard au gouvernement de promulguer ladite loi, il faudra bien sûr mettre l'accent sur la formation du personnel. C'est une nouvelle philosophie. Il va de soi qu'il faut absolument que certains outils de travail, de contrôle opérationnel, soient conçus et soient réalisés pour qu'on soit en mesure de vérifier si dans telle région effectivement on répond à la demande quantitativement et qualitativement et dans quel délai.

A cette fin, il nous faudra un manuel de procédure et d'organisation à l'intention de tous les fonctionnaires impliqués dans l'administration de la loi. Le plan d'organisation qui va prendre origine de ces études, le système qui sera conçu, tout le système d'auditions, de convocations, d'archivage, les formulaires administratifs nécessaires, la mécanisation de certaines opérations dans certains greffes, le contrôle opérationnel qu'on doit prévoir, le plan d'organisation et le système seront les données essentielles nécessaires pour la conception d'un manuel d'organisation et de procédure.

Un tel plan serait incomplet, cela le ministre nous l'a mentionné, pour être fidèle au titre de la loi, Loi favorisant l'accès à la justice. Faut-il au moins que le public soit informé de la façon de procéder pour y avoir accès. Alors, du fait que 92 centres ont été identifiés dans un rayon de 25 milles dans différents territoires, dans différentes communautés, il faut prévoir que des dépliants d'information soient conçus et distribués avant la mise en application, lors de chaque réclamation, c'est-à-dire lorsqu'un individu se prévaudra de la procédure, que les

débiteurs éventuels reçoivent, en plus du greffier, les documents qui seront conçus, les explications sur la façon de procéder, sur les délais, les recours de l'individu.

Ce qui est prévu aussi c'est d'en faire une distribution quasi universelle, c'est-à-dire profiter un peu de l'expérience du protecteur du citoyen, qui a profité de l'émission des chèques d'allocations familiales du Québec de décembre dernier. Trois mois après la mise en vigueur de la loi, il s'agit de profiter d'une distribution universelle de dépliants.

Il y aura distribution avant la mise en application, pendant la mise en application et après. Cela, c'est de l'information écrite. Il va de soi aussi qu'il y a une activité prévue, c'est-à-dire un plan de publicité. Toute activité autre que l'information écrite comprenant les conférences, les entrevues, les communiqués, même solliciter la collaboration du Barreau pour inclure peut-être dans sa revue certains articles afin qu'on connaisse vraiment la procédure, la philosophie qui est à la base d'une telle réorganisation.

Je pense que c'est tout, M. le Président, à moins qu'il y ait des questions.

M. BERTRAND: M. le Président, on peut appeler cela l'opération 92, s'il y en a 92. Cela pourrait être l'opération peut-être 100 suivant les suggestions que nous ferons après un examen des tribunaux dans chacun de nos districts et de nos comtés.

Une de mes premières réactions, c'est de reprendre les mots d'un général français, qui disait: "Si c'est possible, c'est fait; si c'est impossible, cela se fera". Mon expérience, et, je pense bien, celle de mon collègue aussi, m'indiquent qu'il faudra que, pour une fois, le ministre soit un peu dictateur, surtout dans ses relations avec le ministère des Travaux publics.

M. CHOQUETTE: Veuillez mentionner la Fonction publique aussi.

M. BERTRAND: J'ai dit surtout, parce que je reviendrai à la Fonction publique. Quand on parle de locaux, mon expérience a été qu'à moins de mettre le poing sur la table, et se charger les deux yeux de balles de mitrailleuse, c'est long! Cela m'est arrivé, entre autres, lorsqu'il s'est agi de la construction du palais de justice dont le ministre présidera l'ouverture, et je pense qu'on n'a pas trop mal respecté l'échéance. Je relirai la causerie que j'avais prononcée il y a deux ans, pour m'en assurer. Je pense ne pas m'être trop trompé. Mais, il faut y voir. Il faut que les fonctionnaires supérieurs du ministre se sentent constamment appuyés. Je ne veux pas blâmer par là le ministre des Travaux publics, mais l'appareil gouvernemental est un appareil lourd — cela me rappelle parfois la grosse Bertha qu'on tramait durant la guerre de 14/18. Elle est très lourde, cette machine, et nous allons faire un test encore. J'en ai eu des tests, au ministère de l'Education, avec des beaux organigrammes comme ça. Vous avez un calendrier qui m'a l'air réaliste, à une condition: Vous pouvez y mettre le réalisme, vous pouvez y mettre l'action, mais la réalisation ne dépend pas seulement de vous. Donc, ministère des Travaux publics.

Deuxièmement, la Fonction publique. Là, je fais une réserve. Nous avions autrefois des greffes où les officiers étaient à honoraires. Je ne voudrais donner aucun exemple. Donner des exemples, c'est mettre des noms et je ne voudrais pas le faire, je veux être juste. Mais certains commentaires que j'ai reçus de la part de praticiens, de gens qui fréquentent assez régulièrement les palais de justice, m'indiquent que là où nous avions autrefois deux ou trois employés, on en est rendu avec huit, neuf, dix. Je crois qu'il est de mon devoir, comme député, comme contribuable, d'attirer l'attention du ministre sur ce problème. Est-ce que l'analyse des effectifs, à l'intérieur de nos différents tribunaux, de nos différents greffes, est une analyse qui met l'accent sur les loisirs ou sur le travail? Et je pèse bien mes mots en les disant. Alors j'invite la Fonction publique...

M. CHOQUETTE: Le directeur général des greffes approuve ce que vous dites.

M. BERTRAND: J'invite le ministre et surtout ses fonctionnaires à prendre la jumelle pour l'analyse. Je ne veux pas déprécier le travail de ceux qui sont là. Ils ont été engagés suivant des critères qui établissent qu'il faut tel effectif, dans tel bureau, mais j'invite le ministre, étant donné qu'il va être appelé à engager du personnel, à donner d'abord priorité à ceux qui sont dans des cours municipales et qui ont démontré leurs connaissances, leur compétence, leurs capacités, leur application. C'est admis. Protégez ces gens-là, grand Dieu! Il ne faudrait pas que, parce qu'on crée un nouveau tribunal ou une nouvelle section à l'intérieur de nos cours provinciales, on mette ces gens-là de côté. Il faut être juste: protection des droits acquis.

Il faut penser également aux 100,000 emplois. Il ne faut pas oublier ça. C'était un aparté.

Je reviens là-dessus: analyse objective, réaliste mais vraie des effectifs. Et je ne parle pas à travers mon chapeau. Quant aux locaux, il y aura certainement de la part du ministère des Travaux publics des sommes importantes qui devront être assignées à nos palais de justice pour la réfection de certaines de nos cours, la transformation. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler, je n'entrerai pas dans les détails de régions ou de locaux.

Donc je sais que le ministre veut — le peut-il, je lui dis qu'il va falloir qu'il parle fort — que le 1er septembre 1972 tout soit en marche. Je lui souhaite bonne chance.

M. BURNS: Je fais miennes les remarques du

député de Missisquoi concernant les difficultés qui sont à prévoir sur le plan matériel, même si ça me gêne de le faire pour une deuxième fois dans la même journée, je félicite à nouveau le ministre de nous démontrer que par une espèce de rationalisation de ce programme qu'il a l'intention de mettre en vigueur, qu'il nous assure davantage, qu'il est très sérieux dans son intention de faire cette réforme et de la faire dans les délais minimums physiquement possibles.

Je remercie également M. Martel de l'exposé qu'il nous a donné qui nous éclaire justement sur cette situation.

M. CHOQUETTE: Au sujet de l'aspect matériel du travail, je concours tout à fait aux observations faites par le député de Missisquoi auxquelles souscrit le député de Maisonneuve. Il n'y a pas de doute que faire une réforme d'ensemble comme celle-là ça implique non seulement des décisions justes au départ, mais ça implique énormément d'énergie pendant toute la réalisation du programme, parce qu'il y a beaucoup de concours qui sont nécessaires, soit au niveau des fonctions publiques, des travaux publics ou de la collaboration des municipalités. Nous avons fait pas mal le tour de la question.

A l'heure actuelle au ministère j'ai constitué une équipe qui travaille à ce projet-là depuis quelques mois maintenant sous la direction de M. Jean-Paul Laferrière, qui a déjà fait des études sur tous les centres judiciaires existants, sur le nombre de causes qui sont plaidées, qui sont venues devant les cours Municipales. Nous avons beaucoup de données, de statistiques sur les affaires judiciaires dans le Québec.

C'est à la suite de cette analyse démographique, économique et judiciaire que nous en sommes venus à la conclusion qu'il y avait 92 centres probables à être institués.

M. PAUL: M. le ministre, dans les analyses faites par M. Laferrière il y aurait peut-être lieu de tenir compte d'un certain pourcentage accru de causes qui iront devant les tribunaux, parce que les gens savent qu'ils ont un accès facile à la justice, sans risquer de perdre leur capital — je ne parle pas des intérêts — d'entamer ou de manger littéralement leur capital. Dans le passé ils laissaient tomber leur créance ou leur droit d'action. Il y a un grand pourcentage — je me demande si dans certains cas ça ne pourrait pas aller jusqu'à 10 p.c. du volume des causes actuelles et davantage...

M. CHOQUETTE: Peut-être plus.

M. PAUL: Les gens aujourd'hui se diront qu'il n'y a plus de risque à tenter de recouvrer leur créance. C'est une projection qu'on ne devrait pas mettre de côté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbiniè-

M. BELAND: Un mot, étant donné qu'il a été question d'intérêt. Je dirais tout simplement qu'il va être dans les intérêts de tous les Québécois d'avoir évidemment un plus grand accès à la justice. Il faudrait une certaine quantité — là évidemment j'entre un peu plus dans le contexte — ça fait déjà quelques minutes que je suis entré...

Nous sommes en train de nous demander parfois — je pense que ce n'est pas seulement nous qui nous demandons ça mais la population; ce ne sont pas des blâmes que je fais pas du tout, ce sont des observations très brèves sur des événements qui se déroulent si des personnes qui seraient coupables, à certains moments, n'auraient pas tendance à juger le juge plutôt que ce soit le juge qui juge ceux qui ont fait des délits. Compte tenu de tout ça, il y a une atmosphère qui semble prendre place au Québec et je pense qu'il va falloir s'y arrêter d'une façon approfondie et tâcher d'y trouver une issue pour que le peuple vive dans un espèce d'Etat où l'on se sente sûr, complètement en dehors des possibilités de toute attaque ou de n'importe quoi. Il y a vraiment quelque chose à faire dans ce domaine-là. Je présume qu'à l'intérieur de cedit madrier — si on peut appeler ça un madrier — il y a quelque chose qui touche à cet état de fait et qu'on regarde d'une façon très spéciale même s'il n'y a pas d'intérêt encouru pour le député de Maskinongé. Il reste quand même qu'en ce qui concerne l'intérêt, je peux lui rappeler, en passant, qu'il ne faudrait pas qu'il s'embarque dans ce domaine-là parce que cela serait très long.

M. PAUL: Loin de moi cette idée parce que je m'arrête toujours aux choses pratiques.

M. BERTRAND: Je sais que le ministre doit aller, en fin de semaine, à Cowansville, chez nous.

M. CHOQUETTE: La patrie du chef de l'Opposition!

M. BERTRAND: Je regrette de ne pouvoir être présent, pour les raisons qu'il comprendra.

M. PAUL: C'est peut-être pensé d'avance.

M. BERTRAND: Je l'invite à commencer sa première campagne d'information et de publicité dans ce lieu qui m'est cher. Je lui souhaite la bienvenue immédiatement chez nous en m'ex-cusant de ne pouvoir être présent.

Quant à la date de l'étude de ce projet de loi, je ne sais pas si nos collègues conviendraient que le 22 juin, mardi prochain à 3 heures, nous pourrions en entreprendre l'étude. Nous aurons eu l'occasion de le lire, à moins que le leader parlementaire ait d'autres...

M. LE PRESIDENT: Il y a peut-être un problème. On a des bills privés et publics au matin du 22 juin, je pense qu'il y en a une dizaine.

M. CHOQUETTE: Nous pourrons quand même aller en Chambre.

M. LE PRESIDENT: Si c'est possible.

M. CHOQUETTE: L'intention est de donner un avis au feuilleton vendredi sur ce projet de loi et, enfin, de le discuter.

M. BERTRAND: Nous serons prêts mardi à compter de 3 heures, étant donné que nous avons le comité des bills privés et publics le matin. Il n'y a pas d'inconvénient. On veut lui dire qu'on est prêt à l'adopter sans délai.

M. PAUL: Ou peut-être à 8 heures mardi soir au pis aller.

M. CHOQUETTE: Je crois qu'il va falloir discuter de ça avec le leader parlementaire. Je pense que lui-même est pressé de voir à ce que le projet soit adopté.

M. LE PRESIDENT: La commission est ajournée sine die. (Fin de la séance: 11 h 24

ANNEXE Référer à la version PDF page B-2729

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