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Commission permanente de la Justice
Bill 70 Loi favorisant l'accès à
la Justice
Bill 71 Loi des cours municipales
Séance du jeudi 17 juin 1971
(Dix heures treize)
M. BLANK (président de la commission permanente de la Justice): A
l'ordre, messieurs!
Réforme de la justice
M. CHOQUETTE: Merci, M. le Président. Ainsi que je l'ai
laissé entendre hier, l'objet de mon intervention initiale, au
début de cette séance de la commission de la Justice, est de
préciser les intentions du gouvernement en rapport avec une
réforme d'ensemble des tribunaux du Québec et de la justice. Il
s'agit également d'indiquer avec précision la politique du
gouvernement en ce qui concerne les bills 70 et 71 qui avaient
été envoyés à la commission de la Justice pour
examen et recevoir les représentations des organismes
intéressés. Tout cela a été fait.
Je pense que nous sommes arrivés au moment où il faut que
le gouvernement précise son action future à la fois dans le
domaine particulier des bills 70 et 71 et en ce qui concerne l'ensemble de la
réforme judiciaire. A la faveur des bills 70 et 71, il nous a
été permis d'envisager une réforme d'ensemble des
tribunaux.
Quel était le contenu des bills 70 et 71? Ces deux projets de loi
visaient à apporter des modifications sensibles au régime
judiciaire applicable aux petites créances, c'est-à-dire
jusqu'à la somme de $300, en permettant à un juge de trancher
tout litige pour une somme inférieure à cette somme par une
procédure dénuée de formalisme, sans la présence
d'avocats, sans déboursés judiciaires, excepté une somme
forfaitaire minime sur la base du droit et de l'équité. La
compétence dans le domaine des petites créances devait être
confiée aux cours Municipales. A la suite du dépôt de ces
projets de loi, des séances de la commission parlementaire de la Justice
ont été tenues et des représentations y ont
été faites par divers groupes et par diverses personnes.
Deuxièmement, modifications aux bills 70 et 71. A la suite de ces
auditions, il apparaît que les orientations de base qui étaient
celles des bills 70 et 71 étaient valables, mais que les réformes
envisagées doivent être modifiées et élargies pour
tenir compte d'une réorganisation souhaitable de l'ensemble de notre
système judiciaire.
Il appert qu'il est opportun de nous orienter comme suit:
premièrement, conférer à une division de la cour
Provinciale la compétence pour juger des litiges inférieurs
à la somme de $300 sans le formalisme judiciaire actuel et sans
avocat.
Maintenir un tarif de déboursés extrêmement
réduit. Ne permettre l'accès à cette cour qu'aux
particuliers, excepté le cas où une corporation est poursuivie
comme défenderesse par un particulier et excepté le cas où
une corporation ayant poursuivi comme demanderesse devant la cour Provinciale
serait amenée par le défendeur devant la division des petites
créances de la cour Provinciale par voie d'évocation. Permettre
au juge qui préside le tribunal de procéder d'abord à une
tentative de conciliation puis, s'il y a lieu, de diriger les débats et
d'interroger les témoins, et finalement de trancher le litige. 2)
Modifier le projet de loi pour faire en sorte que le juge siégeant comme
juge des petites créances juge en droit et non pas en
équité. En effet, la notion d'équité est trop
variable. Il faut permettre aux citoyens de se fonder sur le droit. Quant aux
règles de la preuve, elles s'appliqueraient, mais le juge aura la plus
grande latitude possible dans la procédure. De plus, en raison de la
création de cette nouvelle division de la cour Provinciale et de
l'institution d'une procédure simplifiée, il faut amender le code
civil pour accroître de $50 à $300 la limite où la preuve
testimoniale est admissible en matière civile. Ceci comporte un
amendement à apporter au code civil au chapitre de la preuve. 3) Les
études faites par le ministère de la Justice et les
représentations qui nous ont été faites en particulier par
le Barreau et l'union des municipalités nous font conclure qu'il existe
140 cours Municipales dont 125 sont actives dans le Québec à
l'heure actuelle. Celles-ci sont inégalement réparties sur le
territoire et la justice y est administrée d'une façon fort
inégale. Dans la plupart des cas, il s'agit de cours qui siègent
le soir, qui sont présidées par des avocats-juges à temps
partiel qui ne servent qu'à appliquer les règlements de
circulation ou des règlements municipaux et ainsi procurer certains
revenus aux municipalités.
En somme, il s'agit d'un ensemble de cours qui ne représentent ni
le vrai visage de la justice, ni un avantage très concret pour les
municipalités. D'ailleurs, celles-ci nous demandent d'en prendre la
responsabilité au niveau provincial. D'autre part, le Barreau nous a
suggéré de confier la juridiction sur les créances allant
jusqu'à $300 à une division de la cour Provinciale. Par
conséquent, à la lumière des renseignements et des
représentations que nous avons reçus, il nous semble qu'il y a
lieu d'abandonner le projet de loi no 71, Loi amendant la loi des cours
Municipales et de procéder par voie d'amendement au code de
procédure civile en ce qui concerne le bill 70 en instituant une
division de la cour Provinciale qui sera chargée dorénavant de la
compétence en matière de petites créances allant
jusqu'à $300.
Avenir des cours Municipales
Le ministère de la Justice a fait faire une étude
complète du fonctionnement des diverses
cours Municipales dans la province. Un nombre limité des cours
Municipales sont présidées par des juges permanents, soit les
cours Municipales de Montréal, de Québec et de Laval.
Les autres cours Municipales sont présidées par des
juges-avocats à temps partiel. La compétence des cours
Municipales, excepté celles de Montréal, de Québec et de
Laval et quelques autres, se limite aux règlements municipaux, aux
infractions à la circulation et à la perception des taxes
municipales. Elles ont également une compétence civile dans de
petites causes de moins de $25. Il apparaît évident que les cours
Municipales à temps partiel ont souvent une réputation peu
impressionnante. Les services qu'elles rendent sont fort limités et la
qualité de la justice qui est dispensée est loin de
l'idéal.
Il résulte de l'enquête du ministère de la Justice
qu'il y a lieu de supprimer ces cours qui sont rattachées aux diverses
municipalités et de conférer leur juridiction à un
tribunal à caractère provincial dans le but d'y améliorer
l'administration de la justice, d'en rationaliser le nombre, le fonctionnement
et la compétence.
Comme la juridiction des cours Municipales est principalement d'ordre
pénal, il nous semble que la compétence actuelle des cours
Municipales devrait appartenir à une cour qui a responsabilité en
matière criminelle et pénale, excepté leur
compétence civile qui devrait être confiée à la cour
Provinciale, chambre civile. Nous suggérons plus loin que la juridiction
des cours Municipales, pour autant qu'elle est pénale et
réglementaire, soit conférée à la cour Provinciale,
chambre criminelle et pénale, qui remplacerait la cour Provinciale de
comté siégeant au criminel et la cour des Sessions de la
paix.
Réforme d'ensemble des tribunaux du
Québec
Dans la réforme des tribunaux du Québec, il importe tout
d'abord de tenir compte de certains principes qui ont été
dégagés, soit dans le rapport de la Commission d'enquête de
l'administration de la justice criminelle et pénale (rapport
Prévost), soit dans certaines études faites par le
ministère de la Justice et le Barreau, et soit également dans des
études faites aux Etats-Unis sur la question de la réforme des
tribunaux qui concordent avec les principes que je vais énoncer: 1)Il
faut distinguer d'une part entre le civil et d'autre part entre le criminel et
le pénal ; 2)il y a avantage à viser à l'unité du
système judiciaire et à réunir en une seule cour des
chambres distinctes comportant une spécialisation appropriée,
soit dans le droit civil, soit dans le droit criminel et pénal, ou soit
encore dans le domaine des relations familiales.
C'est conformément à ces principes que nous avons
déjà suggéré que la cour Provinciale en droit civil
comporte une division pour les petites créances. En ce faisant, nous
avons maintenu l'idée de l'unité de la compétence en
matière civile.
Dans le domaine criminel et pénal, cependant, la
compétence est éparpillée entre plusieurs tribunaux, soit
les cours Provinciales de comté siégeant au criminel et au
pénal, la cour des Sessions de la paix qui existe à
Montréal, Québec, Sherbrooke, Saint-Jérôme, etc.,
les cours Municipales de Montréal, Québec et Laval, qui ont la
compétence des cours Municipales ordinaires, c'est-à-dire en
matière de règlements municipaux, de circulation et de taxes
municipales, mais aussi une compétence additionnelle en vertu de la
partie XXIV du code criminel, et finalement les cours Municipales ordinaires
qui ont une compétence en matière pénale et d'application
des règlements municipaux. Afin d'uniformiser notre système
judiciaire, je considère qu'il y aurait lieu d'abolir les cours des
Sessions de la paix et les cours Municipales et de les remplacer toutes par la
cour Provinciale, chambre criminelle et pénale.
Les études faites au ministère de la Justice en fonction
des facteurs démographiques, économiques et judiciaires nous
amènent à la conclusion que l'on peut rejoindre l'ensemble de la
population du Québec en créant 92 centres judiciaires dans le
territoire. La cour Provinciale et la cour des Sessions de la paix existent
déjà dans 60 de ces endroits. L'addition de 40 autres centres
judiciaires 8 cours Provinciales sont appelées à
disparaître et l'abolition des 140 cours Municipales existantes
assureraient à l'ensemble de la population du Québec un service
judiciaire approprié, c'est-à-dire civil, criminel et
pénal, auraient l'avantage de la simplicité et offriraient des
garanties d'une meilleure administration de la justice que le système
actuel. A ce propos, l'établissement de la cour Provinciale, comportant
des chambres civiles, criminelles et pénales, dans 92 endroits les plus
populeux et les plus actifs du Québec, permettrait à tout citoyen
du Québec de se trouver en général à moins de 25
milles d'un centre judiciaire.
De plus, avec les amendements appropriés à la
Constitution, on pourrait également réunir à
l'intérieur de la cour Provinciale, la cour du Bien-Etre social, qui en
constituerait la chambre des affaires familiales. Cependant, comme les travaux
relatifs à la future cour des Affaires familiales ne sont pas encore au
point, il serait prématuré pour le moment de procéder
à la création de cette chambre familiale.
Nomination des juges
Il va de soi qu'en abolissant les cours Municipales et en
conférant leur juridiction à une future chambre criminelle et
pénale de la cour Provinciale ainsi qu'en adoptant la Loi favorisant
l'accès à la justice, qui aura pour effet de créer une
section des petites créances au sein de la cour Provinciale, en droit
civil, l'on
réduit le nombre des juges-avocats à temps partiel dans
les cours Municipales et l'on accroît la quantité d'affaires
judiciaires civiles.
Il en résultera la nécessité de désigner un
certain nombre de juges permanents additionnels. La nomination d'un certain
nombre de nouveaux magistrats pose tout le problème de mode de
nomination de nos juges. A mon sens, compte tenu de cette situation et du
besoin très actuel de ne permettre l'accès à la
magistrature qu'aux meilleurs candidats, il est nécessaire de donner
suite à un certain nombre de suggestions, toutes concordantes, vers la
création d'un conseil de la magistrature qui aurait pour
responsabilité de faire le tri des meilleurs candidats et laisserait la
responsabilité ultime du choix au gouvernement qui, finalement, en est
le responsable et qui en répond devant la Chambre. En effet, le
gouvernement ne peut se départir de cette responsabilité envers
un organisme qui ne soit pas responsable devant la Chambre ou devant le peuple.
Cependant, le temps est venu d'instituer un mode de nomination des juges qui
offre les meilleures garanties possibles de compétence et
d'intégrité. A ce sujet, j'attends incessamment un rapport du
juge Garon Pratte. Le juge Pratte a également été
chargé d'examiner la question des pouvoirs des juges en chef en vue
d'assurer le fonctionnement efficace de nos cours ainsi que diverses autres
questions relatives au statut de la magistrature.
Mise en oeuvre des réformes
proposées
La mise en oeuvre des réformes proposées comporte
plusieurs actions sur le plan législatif, à savoir : 1)adoption
du bill 70, Loi favorisant l'accès à la justice ; 2)amendement au
code civil pour permettre la preuve testimoniale en matière civile dans
les causes de $300 et moins; 3)adoption d'une loi amendant la Loi des tribunaux
judiciaires et une loi amendant la Loi des cités et villes avec comme
objet d'abolir les cours Municipales et conférer leur compétence
à la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale, et d'abolir
la cour des Sessions de la paix pour conférer sa compétence
à la cour Provinciale, chambre criminelle et pénale; 4)
institution par voie législative d'un conseil de la magistrature.
Sur le plan administratif et de l'organisation, la politique
proposée requiert l'extension du système des palais de justice et
des cours et l'ouverture de 40 nouveaux centres judiciaires. Cela requiert
également l'engagement et l'entraînement de personnel additionnel
pour agir dans ces divers centres et pour s'occuper spécialement de
l'administration de la Loi favorisant l'accès à la justice
(petites créances).
Evidemment, dans l'organisation des 40 centres de justice additionnels
requis, nous pourrons profiter en partie de l'existence de certaines cours
Municipales qui pourront être converties en cours Provinciales ainsi que
du personnel affecté à certaines cours Municipales qui s'offre
déjà comme personnel auxiliaire de la justice dans le
système que je propose.
La mise en oeuvre de l'ensemble ne peut être
réalisée avant le 1er septembre 1972, c'est-à-dire qu'une
période de quinze mois parait un délai minimum pour la mise en
oeuvre de l'ensemble du nouveau système judiciaire. Notre
ministère prépare actuellement le cheminement critique pour la
mise en place de l'ensemble.
Tout à l'heure, un officier du ministère donnera des
explications sur les diverses étapes à franchir jusqu'au 1er
septembre 1972.
Cependant, il paraît nécessaire de nous fixer comme
objectif le 1er septembre 1972, car le mois de septembre est le début de
l'année judiciaire et, par conséquent, il serait beaucoup plus
avantageux de commencer le 1er septembre d'une année plutôt
qu'à toute autre date. D'autre part, remettre la réforme au 1er
septembre 1973 serait, à mon sens, accepter un délai indu.
Quant aux mesures législatives à être
adoptées pour donner suite à cet ensemble de mesures, nous
proposons l'adoption du bill 70 avant l'ajournement d'été de la
session actuelle avec une disposition à l'effet que la loi entrera en
vigueur sur proclamation. Je propose également de modifier
immédiatement le code civil relativement à la preuve testimoniale
en matière civile pour les causes de $300 et moins.
Je suggère de remettre à la prochaine session l'adoption
d'une loi amendant la Loi des tribunaux judiciaires et d'une loi instituant un
conseil supérieur de la magistrature. Il faut noter que si la loi
amendant la Loi des tribunaux judiciaires et la loi créant le conseil
supérieur de la magistrature ne devaient pas être adoptées
pour une raison quelconque, la Loi favorisant l'accès à la
justice (bill 70) et la Loi amendant le code civil relativement à la
preuve seraient complètes par elles-mêmes.
Nous considérons qu'il est important de procéder avec la
Loi favorisant l'accès à la justice et la Loi amendant le code
civil parce que ces deux lois ont un rapport certain avec la Loi de la
protection du consommateur qui introduit une série de nouveaux recours
en faveur des consommateurs.
Centres judiciaires existants et
proposés
Ci-après sont énumérés les centres
judiciaires qui existent à l'heure actuelle et ceux proposés et
les députés ont...
M. LE PRESIDENT: Je demande au journal des Débats d'inscrire
cette liste (voir annexe).
M. BERTRAND: Oui.
M. CHOQUETTE: Je fournirai la liste au journal des Débats.
M. BERTRAND: Pour faire suite aux propos que le ministre tient à
l'heure actuelle, pour que ce soit complet.
M. CHOQUETTE: Exactement. Evidemment, les décisions ne sont pas
prises d'une façon définitive; les études que nous avons
faites à l'heure actuelle nous indiquent que ces centres-là
seraient probablement les plus propices, je parle des nouveaux centres. Mais je
ne peux pas dire que le travail soit tout à fait
complété.
Des vérifications seront faites, même des discussions
pourront avoir lieu ici à la commission parlementaire si la
représentation était jugée opportune par des honorables
députés de quelque région du Québec que ce
soit.
Conclusion. La réforme proposée paraît avantageuse
au point de vue de la qualité de la justice et du point de vue de
l'efficacité du système judiciaire. Le système
proposé nous paraît également plus avantageux du point de
vue de l'uniformié, simplicité et compréhension par les
citoyens du système judiciaire. Egalement, il laisse la porte ouverte
à l'adjonction éventuelle d'une chambre familiale à la
cour Provinciale ainsi que de diverses autres chambres à
déterminer.
Le système paraît également permettre une
utilisation plus intensive des locaux et du personnel de la Justice, puisque
les centres judiciaires proposés posséderaient les
compétences des anciennes cours Provinciales, des Sessions Municipales,
sauf un certain nombre de centres de moindre importance qui pourraient ne
posséder que la compétence en matière de petites
créances de moins de $300 au pénal et en matière de
réglementation, c'est-à-dire la juridiction des actuelles cours
Municipales.
Finalement, la déconcentration de l'administration de la justice
en 92 centres judiciaires accessibles aux citoyens apporterait un avantage
certain aux justiciables.
M. le Président, j'ai ici le nouveau projet de bill 70 que je
soumets aux honorables députés. C'est l'intention du gouvernement
de déposer un projet de loi qui serait conforme à celui-ci.
Commentaires
M. BERTRAND: M. le Président, mon collègue le leader
parlementaire, ancien ministre de la Justice, pourra faire tantôt ses
commentaires. Ma première réaction à la lecture de
l'exposé du ministre de la Justice sur la réforme qu'il entend
proposer à la Chambre est excellente.
Je suis heureux de son attitude sur une réforme passablement
complexe dans le domaine judiciaire. Je Crois qu'il répond là
à des voeux qui ont été souventesfois exprimés par
les avocats, par le Barreau, par nos associations, le Barreau de province,
d'une certaine unité et, par ailleurs, d'une spécialisation dans
le domaine de l'administration de la justice.
Je crois que nous sommes sur la bonne voie pour que la population du
Québec obtienne une justice que je qualifierai de
décentralisée, c'est-à-dire plus facilement accessible
à tous les citoyens. Le principe, qui était à la base des
deux projets de loi qui nous avaient été antérieurement
soumis, est encore respecté quant à ce que l'on appelle les
petites créances, je dirais à peu près les créances
les plus nombreuses que nous retrouvons dans la pratique légale du moins
en campagne.
C'est avec infiniment de plaisir que j'appuie la substance et les
principes qui sont à la base de la réforme de la justice au
Québec. Il est heureux que cette initiative ait été prise.
Je n'entends pas faire de longs commentaires, nous avons eu d'ailleurs
l'occasion d'être entendus à ce sujet lors de l'examen des projets
de loi 70 et 71. Le ministre a tenu compte des représentations qui
avaient été faites. Il est sage que de ne pas étendre la
juridiction des cours Municipales. Malgré tout le respect que j'ai pour
tous les confrères qui ont joué ce rôle dans les
différentes municipalités de la province, mon expérience
m'indique que ces avocats nommés par les différents gouvernements
pouvaient rendre une justice acceptable. Je ne crois pas cependant qu'il
eût été sage de donner une permanence à un tel
système. Plusieurs de nos confrères ont rempli ce rôle avec
beaucoup de jugement, beaucoup de compétence. Ce n'est pas porter
atteinte à leur prestige, ni à leur réputation que de
favoriser la disparition des cours Municipales.
Jadis, nous avons eu au Québec les cours de commissaires qui,
à une époque donnée, ont joué un rôle
bienfaisant. D'autre part, nous avons tous jugé à propos, il y a
quelques années, d'en proclamer l'abolition à cause d'abus qui
avaient été décelés et du rôle plus ou moins
prestigieux que ces tribunaux populaires jouaient.
M. le Président, j'abonde dans le sens des remarques du ministre.
Je n'ai pas à les commenter plus longuement. J'ai été
heureux tantôt de l'entendre parler du conseil de la magistrature. Le
qualificatif supérieur d'habitude je mettais de côté
ces mots qui donnent une idée de suprématie, de contrôle
le ministre d'ailleurs l'a omis dans ses propos au sujet du conseil de
la magistrature. Le principe est également agréé que l'on
donne aux juges en chef des pouvoirs. Il est temps. Mon expérience et
mes relations avec les juges en chef, à l'époque, m'indiquent que
les juges en chef, qui parfois auraient voulu appliquer plus d'autorité
au sein du tribunal qu'ils présidaient, étaient fortement
ébranlés.
Dans la loi, ils avaient le titre de juge en chef et aucun des pouvoirs
qui devraient être rattachés à l'exercice de ces
importantes fonctions.
Que ce juge en chef soit assisté à l'intérieur de
chacun des tribunaux spécialisés par un vice-juge en chef. On
l'appelera comme on voudra, je crois que c'est également à
propos, et cela sera de nature à aider considérablement
l'administration de la justice. Sur le principe des nominations de juges, comme
mon collègue le député de Maskinongé et comme le
ministre actuel le fait, j'ai fait de mon mieux pour assurer que seuls les
avocats compétents, intègres, honnêtes, capables, puissent
accéder à la magistrature. Il existera toujours une
discrétion que le pouvoir exécutif a non seulement le droit, mais
le devoir d'exercer. Mais qu'il ait autour de lui un conseil pour le guider,
pour faire le tri, pour faire l'enquête qui s'impose, cela je l'approuve
d'emblée. M. le Président, toutes ces mesures, sur le principe,
sont agréées. La mise en oeuvre pour le 1er septembre 1972,
agréé également. La marche des procédures
d'ici-là, agréé, excepté que, lorsque le ministre
parle d'une loi à la prochaine session, concernant les amendements
à la loi des tribunaux judiciaires et instituant un conseil de la
magistrature, je dis que c'est trop tard. Je lui suggère de mettre
immédiatement sur pied une équipe de manière que nous
ayons ce projet de loi à la reprise des travaux parlementaires à
l'automne.
M. CHOQUETTE: C'est ce que je voulais dire, je me suis mal
exprimé...
M. BERTRAND: Ah merci!
M. CHOQUETTE: Je voulais dire qu'on ne pouvait pas penser
raisonnablement le passer avant l'ajournement de l'été.
M. BERTRAND: Non, non. Je suggère au ministre, dès que ce
projet de loi sera prêt, de le transmettre, s'il était prêt
en septembre, étant donné que les travaux parlementaires ne
reprennent qu'à l'automne, à tous les leaders parlementaires, aux
chefs de partis, de manière que nous puissions l'examiner à
l'avance. Quand nous reviendrons à l'automne, nous serons prêts
à procéder à une étude plus rapide. Autrement dit,
cela fait longtemps que nous attendons des réformes en profondeur. Nous
avons essayé, mon collègue et moi d'en réaliser, nous en
avons réalisé. Le ministre continue cette marche bienfaisante, je
l'en félicite, mais battons le fer pendant qu'il est chaud, autrement on
se retrouvera dans deux ou trois ans et on reparlera encore d'une
réforme sans l'avoir obtenue. M. le Président, je félicite
le ministre, ses officiers, tous ceux qui l'entourent. Il recevra des conseils
précieux, d'une sagesse éprouvée, de M. le juge Garon
Pratte, que je salue, qui est à la fin d'une longue carrière. Il
peut de manière absolument objective, totalement dégagée
de toute préoccupation, quelle qu'elle soit, excepté celle de
servir la justice et l'intérêt et le Québec, vous fournir
des conseils précieux. C'est un matin véritablement
ensoleillé dans le domaine de l'administration de la justice.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: L'Opposition a souvent la tâche
désagréable de critiquer le gouvernement et Dieu sait que nous ne
nous en privons pas. Personnellement ce matin ça me fait plaisir de dire
au ministre que c'est un appui sans réserve que je donne à son
projet de réforme...
MR CHAIRMAN: Excuse me for interrupting you, Mr Burns, but I would like
to welcome the delegation of parlementarians from our sister province Ontario,
members of the Legislative Assembly of Ontario. I welcome you here to the
Justice Committee discussion on a proposed reform of justice in this
province.
M. BURNS: Je disais donc que c'est sans réserve que je
désire apporter l'appui de mon parti au projet de réforme
proposé par le ministre. Nous y avons vu entre autres choses le souci
véritable de pousser à son extrême limite le désir
qui apparaissait déjà dans le bill 70, le désir de rendre
la justice plus accessible aux citoyens. Les avantages qui se trouvaient dans
le bill 70, apparemment ne disparaissent pas par cette reconsidération
des deux projets.
Egalement est ajoutée une autre forme d'accessibilité,
c'est-à-dire malgré que la cour Provinciale coiffera
éventuellement avec cette réforme la juridiction pénale et
de réglementation des cours Municipales, elle coiffera aussi la
juridiction civile. Mais en plus de ça, en ce qui nous concerne, nous
trouvons que la décentralisation au niveau régional est un autre
moyen de rendre cette justice plus accessible.
C'était une de nos préoccupations et nous l'avions
mentionné également dans le mémoire que nous avions
déposé devant la commission de la Justice et ce que nous
trouvons très louable comme initiative dans ce projet, c'est la
séparation de la juridiction civile et de la juridiction criminelle.
Nous avions à ce moment-là exprimé des craintes que le
justiciable ne se sente pas à l'aise devant une cour qui était
bâtie et qu'il connaissait surtout par son aspect pénal punitif
alors que la cour des petites créances en somme se devait d'être
une cour, accueillant le citoyen à bras ouverts, etc.
Cette réforme en ce qui nous concerne est une autre façon
de rendre cette justice civile encore plus accessible.
Quant à la nomination des juges, je ne m'étendrai pas sur
ce sujet. Nous en avons parlé la semaine dernière lors de
l'étude de la Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires. Nous en
avons parlé hier également. Je suis entièrement d'accord
avec le ministre que le gouvernement ne peut pas se départir de sa
responsabilité de nommer les juges, mais la technique qui semble vouloir
être utilisée tendra à dépolitiser ou enlever toute
idée de partisanerie dans la nomination des juges par cette
création du conseil supérieur de la magistrature.
Là-dessus, je maintiens les quelques toutes
petites réserves que j'avais faites en disant que peut-être
comme le disait la commission Prévost, le fait de garder ce tri à
l'intérieur d'un groupe de gens de la profession ou de magistrats semble
conserver à l'ensemble de la justice cette espèce de
monolithisme.
Il reste quand même que je trouve que c'est une
amélioration très sérieuse qu'un groupe extérieur
au gouvernement fasse d'abord le tri parmi les personnes qu'il considère
compétentes pour accéder à la magistrature. Enfin, sur la
question de l'échéancier, je suis d'accord avec le ministre qu'il
est absolument impossible de faire la réforme en profondeur
envisagée avant le 1er septembre 1972. C'est sûrement un
délai minimum comme il a dit. Quant au bill 70 et l'amendement au code
civil, il n'y a pas de doute que cela peut être accepté
immédiatement dès cette session-ci. Nous collaborerons
également avec le ministre sur ce point-là afin que, lorsque le
lieutenant-gouverneur jugera possible de mettre en vigueur ce bill 70 et les
amendements au code civil, il puisse le faire sur proclamation.
En somme, je désire féliciter le ministre de son
initiative et surtout de n'avoir pas craint de revenir sur une première
idée et d'avoir écouté les suggestions de toutes les
personnes qui sont venues faire des représentations devant la commission
de la Justice. Je pense que c'est un exemple que plusieurs de ses
collègues au cabinet devraient suivre plus souvent c'est-à-dire
accepter bien humblement de réviser un projet qu'on avait à
l'origine déposé. Quand le ministre attache son nom à un
projet qu'il dépose au début, il le fait sien. Cela
n'empêche pas que, sur les représentations d'autres partis, on
puisse se raviser et là-dessus je ne peux que féliciter le
ministre très chaleureusement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, l'expérience que j'ai connue au
ministère de la Justice et celle du chef de l'Opposition nous font
toucher du doigt l'événement heureux qui se produit ce matin.
Ordinairement, le ministre de la Justice est constamment en butte à des
critiques, quant à la façon dont il administre la justice.
L'unanimité ce matin de deux partis de l'Opposition du moins nous
ne connaissons pas le point de vue du Ralliement créditiste est
un encouragement, j'en suis sûr, à l'endroit du ministre de la
Justice,
J'abonde dans les remarques de félicitations faites et
prononcées par le député de Missisquoi et le
député de Maisonneuve. Ce qu'il y a d'intéressant à
remarquer, c'est cette efficacité de nos commissions parlementaires. Je
sais que les projets de loi 70 et 71, tels qu'ils nous avaient
été soumis, avaient pour but d'apporter des réformes dans
l'administration de la justice, en particulier de permettre le règlement
de ces causes où l'enjeu n'était souvent et presque exclusivement
que de petites créances. A la lumière des commentaires, des
recommandations et des suggestions des mémoires qui nous furent
présentés, nous avons vite réalisé que
l'application du projet de loi 70, par le canal du projet de loi 71, devenait
une charge odieuse à l'endroit des municipalités en même
temps qu'on s'exposait à ne pas satisfaire les principes visés
par l'application du projet de loi 70.
Le ministre doit être félicité d'avoir
révisé sa position et de nous présenter une
législation qui sauvegarde les mêmes avantages que ceux que l'on
retrouvait ou que l'on retrouve dans le projet de loi 70.
Cette réforme, M. le Président, de l'administration de la
justice, de nos tribunaux, est excellente et vous me permettrez sans doute de
rappeler une certaine déclaration que je faisais à
Sainte-Marguerite-du-lac-Masson, au mois d'octobre 1969, lorsqu'après
avoir discuté avec mon prédécesseur, qui était
premier ministre, l'honorable député de Missisquoi, nous avions
pensé à effectuer des réformes dans nos cours
Municipales.
Nous avions pensé à l'époque à rendre ces
cours itinérantes en recourant à des juges nommés par le
Conseil exécutif mais qui seraient les mêmes qui circuleraient
à l'intérieur des cours Municipales, tout ça dans le but
d'avoir une interprétation unique des lois et des règlements
municipaux.
Disons qu'à ce moment-là c'était un embryon de
réforme et nous sommes heureux que cet enfant nous soit
présenté aujourd'hui habillé comme on veut l'habiller.
J'abonde dans le sens des remarques du député de Missisquoi pour
signaler notre contentement, notre satisfaction de la présentation qui
nous est soumise par le ministre tant dans ces amendements qu'il a l'intention
d'apporter au code de procédure civile que dans cette réforme de
nos tribunaux judiciaires.
J'abonde également dans le sens des remarques faites par le
député de Missisquoi à l'endroit du Conseil
supérieur de la magistrature, mais j'espère qu'on fera
disparaître le mot "supérieur". Sans doute que l'expérience
avertie et l'esprit dégagé avec lesquels travaille le juge Garon
Pratte en font pour le ministre un précieux conseiller, et sans doute
que les recommandations qu'il fera seront reçues. Je suis sûr
qu'il les fera dans le but de rendre plus efficace l'administration de la
justice et pour trouver un moyen de dégager cette justice de toute
critique qui, hélas! en a aujourd'hui pour son lot.
M. le Président, je suggérerais cependant que nous ayons
quelques jours pour analyser le projet de loi qui nous est
présenté ce matin et qui constituera un amendement ou un addendum
au code de procédure civile. Quant à nous, je pense bien qu'au
cours de la semaine prochaine nous serions disposés à adopter ce
projet de loi. Pour ce qui est de l'amendement aux articles 12, 33 et 34 du
code civil, ce sera une question de formalité.
Pour ce qui est des autres réformes qu'envi-
sage le ministre, nous avons été heureux d'apprendre qu'il
avait précisé sa pensée et qu'il a l'intention de nous les
soumettre à l'automne. Comme nous sommes en voie d'apporter des
réformes en profondeur dans la justice, continuons ce travail pour que
cette session soit peut-être connue à la fin comme ayant
été la session de la réforme judiciaire. Et nous aurons
ainsi accompli quelque chose qui s'imposait et depuis longtemps. Non pas parce
que les prédécesseurs du ministre ne voulaient pas, mais
peut-être parce que les conseillers chargés d'analyser tous les
problèmes n'avaient pas complété leurs études. Et
que ce soient le député d'Outremont, le député de
Missisquoi, de Maskinongé ou de n'importe quel autre comté, ce
qui importe, c'est que nous devons encourager, appuyer, féliciter le
titulaire actuel du ministère de la Justice dans les réformes
qu'il a l'intention de nous proposer et dans la législation qu'il nous
soumettra pour étude et considération.
Je suis sûr que le Solliciteur général travaillera
de concert avec le ministre de la Justice pour tâcher de nous
présenter à temps toutes les lois qui s'imposent pour
compléter cette réforme en profondeur de la justice.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, je suis arrivé en retard ce
matin et je m'en excuse. Il reste que ce n'est pas moi qui étais
censé venir ici ce matin. Celui qui est chargé de la surveillance
si on peut dire ça de cette façon de ce
ministère n'étant pas ici pour des raisons indépendantes
de sa volonté, c'est pour cette raison que je viens le remplacer, pour
jeter un coup d'oeil sur ce qui peut se passer.
J'ai donc pris connaissance seulement ce matin, en arrivant, de ces
documents. Il ne m'est donc pas possible de donner mon approbation ou ma
désapprobation parce que, compte tenu de notre habituelle façon
de procéder, nous tenons à prendre connaissance d'une
façon intégrale de la matière en question. Soyez
sûr, M. le Président, et j'en assure le ministre que
si la totalité des choses proposées sont conformes aux
aspirations des Québécois, nous seront d'accord nous aussi.
Par contre, s'il y a de petites failles, nous les rappellerons en temps
et lieu au ministre. Cependant, étant donné qu'il y a un
porte-parole plus qualifié que moi dans la matière pour s'occuper
de cette chose précise qu'est le ministère de la Justice,
j'attends qu'il en prenne d'abord lui-même connaissance parce que,
à ce que j'ai pu constater, ça n'avait été
déposé que ce matin.
M. CHOQUETTE: J'en ai remis des exemplaires à M. Samson et M.
Dumont hier soir...
M. BELAND: Ah bon!
M. CHOQUETTE: ...pour qu'ils soient au courant de ce que je proposerais
ce matin...
M. BELAND: D'accord.
M. CHOQUETTE: ...mais ils n'ont peut-être pas eu le temps de
communiquer avec vous et de procéder à l'étude.
M. BELAND: Disons que celui qui devait venir est M. Yvon Brochu,
député de Richmond. Il a été retenu hier dans son
comté et n'était pas encore arrivé ce matin, c'est pour
ça que nous sommes pris au dépourvu, nous nous en excusons. Mais,
en temps et lieu, nous essaierons de rattraper le temps perdu et de vous faire
les commentaires appropriés.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais brièvement
remercier de leur appui les députés qui sont présents. Je
pense qu'une chose est certaine, c'est que depuis que nous avons entrepris le
travail d'étudier les bills 70 et 71 à la commission de la
Justice, la discussion entre nous a toujours été d'une parfaite
objectivité. Le gouvernement n'a jamais pris une attitude
d'entêté, dans ce domaine-là, comme on l'a
mentionné; d'un autre côté, les partis de l'Opposition
n'ont pas pris un parti dénué d'objectivité à
l'égard des propositions du gouvernement.
Je crois que nous avons un bon exemple d'un travail qui a
été fait collectivement. En somme, il est vrai que ce travail
émane du ministère de la Justice dans sa forme définitive,
mais il résulte également de vos interventions et des
représentations qui ont été faites par les citoyens que
nous avons entendus ici. Je suis heureux que cette réforme judiciaire
s'amorce dans un climat aussi objectif, dénué de partisa-nerie et
placé sous le signe unique de la création d'une meilleure justice
au Québec.
Si vous permettez, je demanderais à M. Martel de donner quelques
explications sur les diverses étapes qu'il faut envisager avant le 1er
septembre 1972 pour la mise en place du système.
M. LE PRESIDENT: Avec l'autorisation des membres de la commission.
M. MARTEL: M. le Président, suite au dépôt des bills
70 et 71 à l'Assemblée nationale, suite à certaines
représentations et études effectuées par le
ministère de la Justice, le ministre de la Justice a demandé
à certains officiers de son ministère de préparer un plan
de mise en application de ladite loi. Vous avez devant vous un premier
cheminement visualisé ou représenté selon la
méthode du cheminement critique et selon la méthode du Pert
Program Evaluation Review Technic qui a pour objectif la mise en
vigueur de la Loi favorisant l'accès à la justice. Selon une
échéance fixée par le ministre de la
Justice, une planification à rebours à partir du 1er
septembre 1972 a été effectuée.
Suite aux études, nous avons représenté l'ensemble
des activités identifiées et nécessaires pour une telle
mise en application, en cinq familles d'activité. Fondamentalement, vous
avez la loi et ses règlements et, pour être plus juste, ce serait
la loi et la procédure, puisque le ministre de la Justice l'a
indiqué, ce sera une section du code de procédure civile qui sera
ajoutée.
Alors, la loi et la procédure sont au coeur même de
l'ensemble. Comme implication première, nous avons eu à envisager
l'organisation humaine et matérielle pour une telle mise en application.
Deuxièmement, nous avons eu à envisager le système
lui-même. La principale difficulté, comme vous le
reconnaîtrez, sans doute est l'organisation humaine et matérielle.
Puisqu'un critère d'accessibilité a été
défini, soit un recours possible, 92 centres judiciaires, à
travers la province seront établis dans les dix régions
administratives telles que reconnues par le ministère de l'Industrie et
du Commerce. Ce qui nous permettra de nous synchroniser à l'ensemble de
la réforme de décentralisation, de déconcentration et de
régionalisation du gouvernement de la province.
L'organisation humaine et matérielle, dans les 92 centres, a
été nécessitée par le choix d'un critère
d'accessibilité de 25,000 de population, ce qui représente, pour
l'ensemble de la population, 90 p.c. des agglomérations,
municipalités et cités pour une telle accessibilité.
L'organisation implique d'abord qu'on doit faire un inventaire de la situation
actuelle et en avoir une photographie. Qu'est-ce que nous avons en espace, en
équipement et, ce qui est plus important, en personnel,
c'est-à-dire quantitativement et qualitativement, pour répondre
à une telle volonté du gouvernement, concernant l'accès
à la justice et une qualité, une sévérité
dans les prises de décisions.
Cela va de soi au point de vue de l'administration de la justice.
Une première démarche est de faire l'inventaire de la
situation de nos locaux à travers le territoire, identifier là
où on doit faire des aménagements nouveaux, là où
on doit conclure des ententes avec certaines municipalités puisque des
cours Municipales vont disparaître comme telles. Cela va nous obliger
à faire un cahier de charges au ministère des Travaux
publics.
Deuxièmement, nous avons l'organisation matérielle,
c'est-à-dire l'équipement. Il faut définir nos besoins,
faire l'inventaire de la situation actuelle, mettre du matériel neuf
pour vraiment répondre à la situation, être à la
page pour une plus grande efficacité.
Troisièmement, ce n'est pas par ordre d'importance mais
plutôt selon un ordre de logique avant d'avoir du personnel en
place, il nous faut des locaux et du matériel. Et à ce
moment-là, nous avons des individus. Il va de soi qu'il faut encore
faire un inventaire de la situation qui prévaut actuellement à
travers la province dans nos différents centres judiciaires quant au
nom, à la quantité et à la qualité des personnes et
en une expression, l'identification du personnel qui, possiblement, pourrait
intégrer le ministère de la Justice à la suite de
l'abolition des cours Municipales. Dorénavant, ces personnes seront des
fonctionnaires du ministère de la Justice.
Alors, il y a tout le processus de classification, de recrutement, de
sélection et ce, à travers les dix régions
administratives. Pour que le gouvernement soit en mesure, de promulguer cette
loi, le 1er septembre 1972, il faut que tous les individus dans les 92 centres
soient en fonction au plus tard le 15 juillet 1972.
Si nous procédons à rebours, cela veut dire que le 15 mai,
le ministère devrait avoir terminé disons que c'est un
souhait tous les travaux nécessités par le plan
d'organisation en ce qui regarde les locaux. L'équipement, le
matériel, au plus tard le 15 juin; le 15 mai, les locaux; le 15 juin, le
matériel et l'équipement; le 15 juillet, le personnel. Ceci est
un but fixé. De cette façon, les organismes centraux de gestion
devront se mettre au même diapason et nous assurer de leur diligente
collaboration pour répondre à nos besoins. Pour être le 15
juillet déjà assez avancés pour permettre cinq ou six
semaines plus tard au gouvernement de promulguer ladite loi, il faudra bien
sûr mettre l'accent sur la formation du personnel. C'est une nouvelle
philosophie. Il va de soi qu'il faut absolument que certains outils de travail,
de contrôle opérationnel, soient conçus et soient
réalisés pour qu'on soit en mesure de vérifier si dans
telle région effectivement on répond à la demande
quantitativement et qualitativement et dans quel délai.
A cette fin, il nous faudra un manuel de procédure et
d'organisation à l'intention de tous les fonctionnaires impliqués
dans l'administration de la loi. Le plan d'organisation qui va prendre origine
de ces études, le système qui sera conçu, tout le
système d'auditions, de convocations, d'archivage, les formulaires
administratifs nécessaires, la mécanisation de certaines
opérations dans certains greffes, le contrôle opérationnel
qu'on doit prévoir, le plan d'organisation et le système seront
les données essentielles nécessaires pour la conception d'un
manuel d'organisation et de procédure.
Un tel plan serait incomplet, cela le ministre nous l'a
mentionné, pour être fidèle au titre de la loi, Loi
favorisant l'accès à la justice. Faut-il au moins que le public
soit informé de la façon de procéder pour y avoir
accès. Alors, du fait que 92 centres ont été
identifiés dans un rayon de 25 milles dans différents
territoires, dans différentes communautés, il faut prévoir
que des dépliants d'information soient conçus et
distribués avant la mise en application, lors de chaque
réclamation, c'est-à-dire lorsqu'un individu se prévaudra
de la procédure, que les
débiteurs éventuels reçoivent, en plus du greffier,
les documents qui seront conçus, les explications sur la façon de
procéder, sur les délais, les recours de l'individu.
Ce qui est prévu aussi c'est d'en faire une distribution quasi
universelle, c'est-à-dire profiter un peu de l'expérience du
protecteur du citoyen, qui a profité de l'émission des
chèques d'allocations familiales du Québec de décembre
dernier. Trois mois après la mise en vigueur de la loi, il s'agit de
profiter d'une distribution universelle de dépliants.
Il y aura distribution avant la mise en application, pendant la mise en
application et après. Cela, c'est de l'information écrite. Il va
de soi aussi qu'il y a une activité prévue, c'est-à-dire
un plan de publicité. Toute activité autre que l'information
écrite comprenant les conférences, les entrevues, les
communiqués, même solliciter la collaboration du Barreau pour
inclure peut-être dans sa revue certains articles afin qu'on connaisse
vraiment la procédure, la philosophie qui est à la base d'une
telle réorganisation.
Je pense que c'est tout, M. le Président, à moins qu'il y
ait des questions.
M. BERTRAND: M. le Président, on peut appeler cela
l'opération 92, s'il y en a 92. Cela pourrait être
l'opération peut-être 100 suivant les suggestions que nous ferons
après un examen des tribunaux dans chacun de nos districts et de nos
comtés.
Une de mes premières réactions, c'est de reprendre les
mots d'un général français, qui disait: "Si c'est
possible, c'est fait; si c'est impossible, cela se fera". Mon
expérience, et, je pense bien, celle de mon collègue aussi,
m'indiquent qu'il faudra que, pour une fois, le ministre soit un peu dictateur,
surtout dans ses relations avec le ministère des Travaux publics.
M. CHOQUETTE: Veuillez mentionner la Fonction publique aussi.
M. BERTRAND: J'ai dit surtout, parce que je reviendrai à la
Fonction publique. Quand on parle de locaux, mon expérience a
été qu'à moins de mettre le poing sur la table, et se
charger les deux yeux de balles de mitrailleuse, c'est long! Cela m'est
arrivé, entre autres, lorsqu'il s'est agi de la construction du palais
de justice dont le ministre présidera l'ouverture, et je pense qu'on n'a
pas trop mal respecté l'échéance. Je relirai la causerie
que j'avais prononcée il y a deux ans, pour m'en assurer. Je pense ne
pas m'être trop trompé. Mais, il faut y voir. Il faut que les
fonctionnaires supérieurs du ministre se sentent constamment
appuyés. Je ne veux pas blâmer par là le ministre des
Travaux publics, mais l'appareil gouvernemental est un appareil lourd
cela me rappelle parfois la grosse Bertha qu'on tramait durant la guerre de
14/18. Elle est très lourde, cette machine, et nous allons faire un test
encore. J'en ai eu des tests, au ministère de l'Education, avec des
beaux organigrammes comme ça. Vous avez un calendrier qui m'a l'air
réaliste, à une condition: Vous pouvez y mettre le
réalisme, vous pouvez y mettre l'action, mais la réalisation ne
dépend pas seulement de vous. Donc, ministère des Travaux
publics.
Deuxièmement, la Fonction publique. Là, je fais une
réserve. Nous avions autrefois des greffes où les officiers
étaient à honoraires. Je ne voudrais donner aucun exemple. Donner
des exemples, c'est mettre des noms et je ne voudrais pas le faire, je veux
être juste. Mais certains commentaires que j'ai reçus de la part
de praticiens, de gens qui fréquentent assez régulièrement
les palais de justice, m'indiquent que là où nous avions
autrefois deux ou trois employés, on en est rendu avec huit, neuf, dix.
Je crois qu'il est de mon devoir, comme député, comme
contribuable, d'attirer l'attention du ministre sur ce problème. Est-ce
que l'analyse des effectifs, à l'intérieur de nos
différents tribunaux, de nos différents greffes, est une analyse
qui met l'accent sur les loisirs ou sur le travail? Et je pèse bien mes
mots en les disant. Alors j'invite la Fonction publique...
M. CHOQUETTE: Le directeur général des greffes approuve ce
que vous dites.
M. BERTRAND: J'invite le ministre et surtout ses fonctionnaires à
prendre la jumelle pour l'analyse. Je ne veux pas déprécier le
travail de ceux qui sont là. Ils ont été engagés
suivant des critères qui établissent qu'il faut tel effectif,
dans tel bureau, mais j'invite le ministre, étant donné qu'il va
être appelé à engager du personnel, à donner d'abord
priorité à ceux qui sont dans des cours municipales et qui ont
démontré leurs connaissances, leur compétence, leurs
capacités, leur application. C'est admis. Protégez ces
gens-là, grand Dieu! Il ne faudrait pas que, parce qu'on crée un
nouveau tribunal ou une nouvelle section à l'intérieur de nos
cours provinciales, on mette ces gens-là de côté. Il faut
être juste: protection des droits acquis.
Il faut penser également aux 100,000 emplois. Il ne faut pas
oublier ça. C'était un aparté.
Je reviens là-dessus: analyse objective, réaliste mais
vraie des effectifs. Et je ne parle pas à travers mon chapeau. Quant aux
locaux, il y aura certainement de la part du ministère des Travaux
publics des sommes importantes qui devront être assignées à
nos palais de justice pour la réfection de certaines de nos cours, la
transformation. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler, je
n'entrerai pas dans les détails de régions ou de locaux.
Donc je sais que le ministre veut le peut-il, je lui dis qu'il va
falloir qu'il parle fort que le 1er septembre 1972 tout soit en marche.
Je lui souhaite bonne chance.
M. BURNS: Je fais miennes les remarques du
député de Missisquoi concernant les difficultés qui
sont à prévoir sur le plan matériel, même si
ça me gêne de le faire pour une deuxième fois dans la
même journée, je félicite à nouveau le ministre de
nous démontrer que par une espèce de rationalisation de ce
programme qu'il a l'intention de mettre en vigueur, qu'il nous assure
davantage, qu'il est très sérieux dans son intention de faire
cette réforme et de la faire dans les délais minimums
physiquement possibles.
Je remercie également M. Martel de l'exposé qu'il nous a
donné qui nous éclaire justement sur cette situation.
M. CHOQUETTE: Au sujet de l'aspect matériel du travail, je
concours tout à fait aux observations faites par le député
de Missisquoi auxquelles souscrit le député de Maisonneuve. Il
n'y a pas de doute que faire une réforme d'ensemble comme
celle-là ça implique non seulement des décisions justes au
départ, mais ça implique énormément
d'énergie pendant toute la réalisation du programme, parce qu'il
y a beaucoup de concours qui sont nécessaires, soit au niveau des
fonctions publiques, des travaux publics ou de la collaboration des
municipalités. Nous avons fait pas mal le tour de la question.
A l'heure actuelle au ministère j'ai constitué une
équipe qui travaille à ce projet-là depuis quelques mois
maintenant sous la direction de M. Jean-Paul Laferrière, qui a
déjà fait des études sur tous les centres judiciaires
existants, sur le nombre de causes qui sont plaidées, qui sont venues
devant les cours Municipales. Nous avons beaucoup de données, de
statistiques sur les affaires judiciaires dans le Québec.
C'est à la suite de cette analyse démographique,
économique et judiciaire que nous en sommes venus à la conclusion
qu'il y avait 92 centres probables à être institués.
M. PAUL: M. le ministre, dans les analyses faites par M.
Laferrière il y aurait peut-être lieu de tenir compte d'un certain
pourcentage accru de causes qui iront devant les tribunaux, parce que les gens
savent qu'ils ont un accès facile à la justice, sans risquer de
perdre leur capital je ne parle pas des intérêts
d'entamer ou de manger littéralement leur capital. Dans le passé
ils laissaient tomber leur créance ou leur droit d'action. Il y a un
grand pourcentage je me demande si dans certains cas ça ne
pourrait pas aller jusqu'à 10 p.c. du volume des causes actuelles et
davantage...
M. CHOQUETTE: Peut-être plus.
M. PAUL: Les gens aujourd'hui se diront qu'il n'y a plus de risque
à tenter de recouvrer leur créance. C'est une projection qu'on ne
devrait pas mettre de côté.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbiniè-
M. BELAND: Un mot, étant donné qu'il a été
question d'intérêt. Je dirais tout simplement qu'il va être
dans les intérêts de tous les Québécois d'avoir
évidemment un plus grand accès à la justice. Il faudrait
une certaine quantité là évidemment j'entre un peu
plus dans le contexte ça fait déjà quelques minutes
que je suis entré...
Nous sommes en train de nous demander parfois je pense que ce
n'est pas seulement nous qui nous demandons ça mais la population; ce ne
sont pas des blâmes que je fais pas du tout, ce sont des observations
très brèves sur des événements qui se
déroulent si des personnes qui seraient coupables, à certains
moments, n'auraient pas tendance à juger le juge plutôt que ce
soit le juge qui juge ceux qui ont fait des délits. Compte tenu de tout
ça, il y a une atmosphère qui semble prendre place au
Québec et je pense qu'il va falloir s'y arrêter d'une façon
approfondie et tâcher d'y trouver une issue pour que le peuple vive dans
un espèce d'Etat où l'on se sente sûr, complètement
en dehors des possibilités de toute attaque ou de n'importe quoi. Il y a
vraiment quelque chose à faire dans ce domaine-là. Je
présume qu'à l'intérieur de cedit madrier si on
peut appeler ça un madrier il y a quelque chose qui touche
à cet état de fait et qu'on regarde d'une façon
très spéciale même s'il n'y a pas d'intérêt
encouru pour le député de Maskinongé. Il reste quand
même qu'en ce qui concerne l'intérêt, je peux lui rappeler,
en passant, qu'il ne faudrait pas qu'il s'embarque dans ce domaine-là
parce que cela serait très long.
M. PAUL: Loin de moi cette idée parce que je m'arrête
toujours aux choses pratiques.
M. BERTRAND: Je sais que le ministre doit aller, en fin de semaine,
à Cowansville, chez nous.
M. CHOQUETTE: La patrie du chef de l'Opposition!
M. BERTRAND: Je regrette de ne pouvoir être présent, pour
les raisons qu'il comprendra.
M. PAUL: C'est peut-être pensé d'avance.
M. BERTRAND: Je l'invite à commencer sa première campagne
d'information et de publicité dans ce lieu qui m'est cher. Je lui
souhaite la bienvenue immédiatement chez nous en m'ex-cusant de ne
pouvoir être présent.
Quant à la date de l'étude de ce projet de loi, je ne sais
pas si nos collègues conviendraient que le 22 juin, mardi prochain
à 3 heures, nous pourrions en entreprendre l'étude. Nous aurons
eu l'occasion de le lire, à moins que le leader parlementaire ait
d'autres...
M. LE PRESIDENT: Il y a peut-être un problème. On a des
bills privés et publics au matin du 22 juin, je pense qu'il y en a une
dizaine.
M. CHOQUETTE: Nous pourrons quand même aller en Chambre.
M. LE PRESIDENT: Si c'est possible.
M. CHOQUETTE: L'intention est de donner un avis au feuilleton vendredi
sur ce projet de loi et, enfin, de le discuter.
M. BERTRAND: Nous serons prêts mardi à compter de 3 heures,
étant donné que nous avons le comité des bills
privés et publics le matin. Il n'y a pas d'inconvénient. On veut
lui dire qu'on est prêt à l'adopter sans délai.
M. PAUL: Ou peut-être à 8 heures mardi soir au pis
aller.
M. CHOQUETTE: Je crois qu'il va falloir discuter de ça avec le
leader parlementaire. Je pense que lui-même est pressé de voir
à ce que le projet soit adopté.
M. LE PRESIDENT: La commission est ajournée sine die. (Fin de
la séance: 11 h 24
ANNEXE Référer à la version PDF page B-2729