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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 8 décembre 1971 - Vol. 11 N° 110

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Etude du livre blanc de la justice


Journal des débats

 

Commission permanente de la Justice

Sujet : Etude du livre blanc de la justice

Séance du mardi 7 décembre 1971

(Dix heures quinze minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs !

Au nom des membres de cette commission, je voudrais souhaiter à tous la plus cordiale bienvenue à l'occasion de l'étude du livre blanc présenté par le ministre de la Justice. Au cours de la présente séance, nous entendrons deux organismes, la Fédération des policiers du Québec et la Fraternité des policiers de Montréal. Leur porte-parole est M. Guy Marcil, président. Nous entendrons également, l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal, représentée par M. Roger Lasnier, président. Pour ne pas retarder les travaux de la commission, je demanderais immédiatement au ministre de la Justice de faire les remarques préliminaires.

Remarques préliminaires

M. CHOQUETTE: M. le Président, chers collègues, il me fait plaisir de vous accueillir ce matin, à cette première séance de la commission de la Justice, au nom du gouvernement, puisque le président vous a déjà accueillis au nom des membres de cette commission.

C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous rencontrer à la suite de la publication du livre blanc que le gouvernement a fait connaître à la fin du mois de juillet et qui porte le titre: "La police et la sécurité des citoyens." Je n'ai pas besoin, je pense, de faire un long exposé sur les circonstances et les événements qui ont été antérieurs à la préparation de ce document. C'est un fait connu et reconnu de tous que, en Amérique du Nord en particulier, et dans la province de Québec, nous faisons face depuis quelques années à un accroissement très considérable de la criminalité sous toutes ses formes et, en particulier, dans certaines formes violentes qui mettent en danger la sécurité des citoyens.

De plus, je crois que les formes modernes de la criminalité comme le terrorisme, le crime organisé, les manifestations violentes, la criminalité économique qui s'expriment d'une façon terriblement évidente, contraignaient le gouvernement à prendre position et à examiner de près les fonctions, l'organisation, les moyens d'action, l'éducation des policiers et finalement, l'organisation du gouvernement au niveau du ministère de la Justice quant aux forces que nous déployons pour combattre cet accroissement de la criminalité auquel je faisais allusion tout à l'heure et, en particulier, dans ses formes modernes.

Le livre blanc que nous avons rendu public au mois de juillet est le fruit de la réflexion d'une équipe de travail de spécialistes, constituée au ministère de la Justice, qui s'est penchée sur les problèmes auxquels nous faisons face et qui a tenté de résoudre, d'une façon réaliste et conforme aux principes de la justice démocratique, les problèmes du maintien de l'ordre, même si ces problèmes se posent avec une très grande acuité.

Alors, c'est dans ces conditions que le travail du comité s'est déroulé et finalement, le gouvernement a fait siennes les conclusions de l'équipe de travail en question. Nous avons rendu ce livre blanc public pour exprimer la position du gouvernement dans le domaine de l'action de la police.

C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous rencontrer. Ce livre blanc sera sans doute suivi d'une législation, parce que ce n'est pas notre intention de laisser le livre blanc subsister comme oeuvre littéraire purement et simplement. Nous avons l'intention de poursuivre par des actes concrets, soit au point de vue législatif, soit encore au point de vue de la réorganisation de l'administration gouvernementale et de la réorganisation des corps de police.

Avant la fin de la semaine, vous aurez un échantillon ou un exemple de législation qui découlera, je pense, en grande partie du livre blanc.

Avant de procéder plus avant, le gouvernement tenait à avoir l'avis de ceux qui sont les premiers intéressés dans cette question; je pense bien que ce sont les corps policiers, les syndicats policiers en particulier.

Je ne voudrais pas faire un long discours, commencer à réexaminer avec vous toutes les propositions qui se trouvent dans le livre blanc, je sais que certaines ont obtenu une approbation, suivant ce que j'ai lu dans les journaux. Je me suis félicité quand j'ai lu les comptes rendus de certaines déclarations qui ont été faites. Je pense que, dans l'ensemble, nous sommes tombés sur la note juste; mais, avant de procéder concrètement, le gouvernement tenait à avoir l'avis de tous et l'avis des parlementaires également.

Je crois que les parlementaires reconnaîtront avec moi qu'il serait peut-être plus utile que nous demandions tout d'abord à ceux qui sont les principaux intéressés quel est leur avis sur la politique exprimée dans le livre blanc; à la suite de cet avis, s'il y a lieu, nous pourrons avoir des discussions entre nous. C'est la façon de procéder que je suggère.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais un représentant de chaque parti à faire une courte intervention. Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais tout d'abord, au nom des membres de l'Unité-Québec, souhaiter la bienvenue à cette déléga-

tion de choix qui nous rencontre ce matin. Le ministre de la Justice a parlé de son livre blanc, qui a retenu notre attention, que nous avons analysé, que nous avons scruté et que nous souhaitons voir se matérialiser ou s'actualiser, comme on le dit en philosophie, dans certaines législations qui auront pour effet pratique d'abord de revaloriser, si possible, la police à tous ses niveaux.

Il faut nécessairement M. le Président, que nous reconnaissions le rôle éminemment social et indispensable que jouent nos corps de police dans le but de protéger le citoyen, de maintenir l'ordre et pour assurer la sécurité de l'Etat. Lorsque nous connaissons, malheureusement, des heures troublées comme nous en avons connues dans le passé, c'est là que nous réalisons que notre seul secours, notre seule protection, c'est encore dans le travail de nos forces policières à quelque niveau que ce soit.

Nous souhaitons que de ces discussions jaillissent certaines recommandations ou suggestions. Même s'il a admis les recommandations de ce livre blanc, s'il a voulu faire sienne la politique qu'on y retrouve, je suis sûr que le gouvernement tiendra compte des représentations qui seront faites par les différents corps policiers. Ce qui m'a quelque peu frappé, c'est cette déclaration du ministre à l'effet qu'avant la fin de la semaine il y aura une législation qui sera déposée devant l'Assemblée nationale. Est-ce que par hasard, M. le ministre présume des mémoires, des recommandations qui seront faites devant la commission pour le justifier d'agir avec autant de diligence? Comme il s'agit d'un domaine bien particularisé, bien spécifique, je ne lui en fais pas un reproche, mais plutôt une invitation que je lui fais d'être expéditif dans la préparation d'autres législations qui s'imposeront à la suite de l'étude de cet échange de vues avec les intéressés sur le travail de la police, de la sécurité des citoyens et pour que nous puissions être en mesure d'obtenir le maximum de rendement de nos corps de police dans la lutte contre le crime moderne.

Il va de soi qu'avec ce raffinement de nos criminels, il faut que nous soyons en mesure d'offrir comme réplique de la compétence. C'est pourquoi je vois d'un bon oeil toutes ces recommandations qui ont trait à l'accélération de la formation de nos policiers.

Je m'en voudrais de ne pas féliciter le ministre pour cette initiative qu'il a eue de préparer un livre concernant la sécurité des citoyens et comme première approche, dans certaines réformes qui s'imposent au ministère de la Justice.

Ce travail de coordination, et non pas tout simplement de coopération, doit être accentué.

Vous me permettrez de saluer tous ces officiers de nos syndicats que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer spécialement le, vers vers le 14 janvier 1970, à Montréal, alors que nous avions tenu pour la première fois une réunion des différents corps policiers, des diffé- rents chefs de police de la province et des membres de la Sûreté du Québec, justement dans le but d'obtenir un meilleur rendement non pas simplement par la coopération mais par la coordination du travail policier afin que nous puissions lutter avec efficacité contre le crime organisé tel que nous le connaissons aujourd'hui.

M. le ministre, nous vous félicitons — c'est beau de la part d'un ancien ministre de la Justice, ça n'arrive pas souvent — et je le fais avec d'autant plus de sincérité que je connais les responsabilités et les difficultés qui sont vôtres.

Je comprends, M. le Président, que quelquefois on préfère d'autre ministres pour régler certains problèmes, mais c'est par accident. Je suis sûr que vous avez la confiance de toutes les forces policières et vous pourrez toujours compter sur la coopération de celui qui vous parle et sur celle des membres d'Unité-Québec pour tâcher de doter notre province de lois qui correspondent aux besoins et pour que nous puissions également bénéficier encore d'une efficacité de travail et de rendement de nos corps policiers, parce que nous aurons su en reconnaître la valeur, la compétence et l'efficacité.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le député de Portneuf à prendre la parole au nom de son parti, le Ralliement créditiste.

M. DROLET: Merci, M. le Président. Au nom du Ralliement créditiste du Québec, il nous fait plaisir également de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui se sont présentés ici, ce matin, devant cette commission.

Nous avons déjà tenu, en ce qui nous concerne, quelques réunions dans le but, spécialement, d'étudier le livre blanc de la justice, à la suite d'un caucus spécial que nous avons tenu à la fin de l'été, quelque temps après que le ministre de la justice eut déposé son livre blanc.

Nous avions analysé ce livre et nous avions laissé voir, à ce moment-là, qu'il s'agissait plus probablement du livre blanc de la police que du livre blanc de la justice, parce qu'on n'y parle énormément, pratiquement tout le long de ce livre, que de la police. Mais je pense que dans l'ensemble, il s'agit, pour le gouvernement, de faire connaître ses grandes lignes de pensée sur tout ce qui regarde la justice, présentement, au Québec, tout ce qui regarde, présentement, les troubles que nous traversons et, sur ce point-là, je pense que le ministre de la Justice a bien fait de déposer ce livre blanc.

Si nous regardons, depuis le dépôt de ce livre, tous les commentaires de journaux et spécialement ceux des éditorialistes, dans l'ensemble, l'analyse de ce livre a été assez favorable parce que, que nous le voulions ou non, nous traversons présentement — le ministre y a fait allusion tout à l'heure — une certaine période de difficultés où il est question énormément de manifestations, de terrorisme. Une

chose qui inquiète énormément la population est également le fait que nous voyons assez régulièrement la pègre s'infiltrer un peu partout. A ce moment-là, je pense que le gouvernement se doit de prendre position. Soyez persuadés, que si le gouvernement dépose sous peu certains projets de loi afin d'améliorer notre système judiciaire et notre système de police au Québec, à ce moment-là, il aura toujours notre coopération.

Toutefois, il y a dans ce livre, comme dans n'importe quel livre blanc déposé, des choses qui ne sont pas toujours acceptées à 100 p.c. Mais nous sommes justement réunis ce matin pour entendre les mémoires des gens qui se sont déplacés et je pense qu'en temps et lieu, après avoir entendu ces mémoires, après avoir écouté avec attention et questionné s'il le faut, nous ferons connaître notre position.

M. CARON: C'est regrettable qu'il n'y ait aucun représentant du Parti québécois pour avoir le point de vue de ce parti.

M. LE PRESIDENT: Exactement, comme il n'y a pas de représentant du Parti québécois, nous demanderons immédiatement à M. Guy Marcil de présenter le mémoire de la Fraternité des policiers de Montréal.

Fédération des policiers du Québec et Fraternité des policiers de Montréal

M. MARCIL: M. le Président, MM. les membres de la commission, en mon nom personnel et au nom des associations que je représente, nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de faire connaître notre position sur le livre blanc. Disons que les fonctions que j'occupe m'ont permis, dans ma carrière, d'être assez près des policiers, à peu près à tous les niveaux qui peuvent se situer à Montréal, au Québec, au Canada et aux Etats-Unis. Enfin, je suis le président de la Fraternité des policiers de Montréal et de la Fédération des policiers du Québec qui groupent environ mille polliciers; je suis aussi au bureau de direction de la Canadian Police Association qui groupe 25,000 policiers et vice-président de l'International Conference of Police Association qui groupe au-delà de 200,000 policiers. Nous avons recherché l'objectivité dans le livre blanc et, sans plus tarder, nous allons faire la lecture du mémoire que nous présentons à la commission.

Dans l'introduction, nous disons: "Le contexte prévalant, caractérisé par des critiques exagérées à l'endroit de la police venant des milieux les plus divers et soulignant ou notre grande naiveté ou notre soumission au pouvoir, pourrait nous suggérer fortement de nous abstenir de prendre position à l'endroit du livre blanc ou encore de l'accepter d'emblée.

Notre fonction propre ne nous permet pas d'adopter cette attitude de facilité ou de nous laisser dicter une ligne de conduite fondée sur l'émotion du moment ou la partialité. A plusieurs occasions dans le passé, nos syndicats policiers ont revendiqué, promu ou défendu le caractère professionnel de notre tâche pour le bien même de la société dans laquelle nous vivons. C'est d'abord et avant tout cette dimension particulière de nos responsabilités qui nous incite à souligner les faiblesses et les dangers que les principaux objectifs et moyens de ce livre blanc comporteraient pour les citoyens et la société.

C'est à bon droit que l'on pourrait nous reprocher plus tard de ne pas avoir accepté ce rôle difficile, peut-être téméraire aux yeux de certains, de souligner nos inquiétudes et, par voie de conséquence, d'en susciter d'aussi salutaires chez nos concitoyens.

D'un autre côté, nous aurions pu nous isoler dans notre rôle purement syndical et limiter notre étude et nos représentations aux seuls aspects de relations de travail proprement dites, et vouloir obtenir parmi les recommandations qui sont faites en ce domaine particulier, celles qui nous favoriseraient le plus.

Dans l'étude de ce livre blanc, ce n'est pas cette caractéristique particulière de notre action syndicale qui doit d'abord et avant tout primer. Mais, même si l'objet de notre mémoire se situe dans une tout autre dimension, nous nous permettrons de faire, dès le départ, de sérieuses réserves à l'endroit des hypothèses, des conclusions et des propositions traitant précisément du droit d'association et du régime de relations de travail chez les policiers.

Nous constatons avec stupeur qu'à l'occasion d'un livre blanc sur la police et la sécurité des citoyens, on se permet non seulement d'aborder cette question, mais d'aller jusqu'à recommander des actions visant fondamentalement le droit d'association et permettant l'intervention dans les négociations collectives. (Pages 143, 144, 145 et 146: recommandations 64 à 68).

Notre inquiétude s'explique d'ailleurs par la faiblesse très grande, sinon l'inexistence, des motifs sur lesquels on prétend s'appuyer pour conclure à un régime très particulier de relations de travail et de liberté d'association.

Ce ne sont certes pas des études aussi sommaires qui nous convaincront d'accepter naïvement l'affaiblissement de nos droits d'association ou de négociation au profit d'une prétendue efficacité.

Nous ne pouvons pas encore comprendre que l'on n'ait pas laissé cette question aux personnes ou organismes vraiment habilités dans ce domaine. Mais ce qui est encore plus grave, c'est que l'on veuille, après si peu d'étude, nous exclure d'un régime essentiellement commun à tous les travailleurs, pour nous soumettre à un statut particulier dans lequel l'Etat, le ministère ou ses organismes auront en pratique, mais toujours sous prétexte de l'efficacité de l'action policière, des droits presque absolus d'intervention.

Sous cet aspect du livre blanc nous tenions à

mettre en garde le gouvernement contre une politique qui aurait des conséquences graves, non pas uniquement pour nous, policiers, mais à long terme pour la société, le citoyen et aussi l'Etat.

Pour terminer sur ce point, nous déclarons encore une fois notre opposition catégorique à toute forme d'intrusion dans les droits fondamentaux de notre système démocratique consacrés par les lois régissant les relations de travail.

L'objectif du livre blanc.

A toutes fins pratiques, ce livre blanc vise un seul et unique objectif: une action policière plus efficace et plus fructueuse. (Page 135 du livre blanc). C'est d'ailleurs ce qu'annonçait, dès le début, l'avant-propos, puisqu'on y soulignait: "Les réformes doivent plutôt porter sur l'organisation de la police, sur l'action dans certains domaines spécifiques du crime, sur le personnel policier et les moyens techniques mis à sa disposition". (Page 6).

Tout ramener à l'efficacité de l'action policière, c'est grandement réduire les problèmes que posent aujourd'hui le crime et les criminels, la sécurité des citoyens et une nouvelle "politique de défense sociale."

Le policier est un instrument de la justice au même titre, bien qu'avec des nuances différentes, que les cours de justice, les procureurs de la couronne etc. Divorcer l'action policière de la justice elle-même, c'est penser et croire que l'augmentation de l'efficacité de celle-là entraînera, sinon la disparition, au moins la diminution du crime et des criminels. Mais comme il faut bien prévoir que l'efficacité de l'action policière n'aura pas les effects naïvement espérés, parce qu'on l'aura isolée de l'ensemble de la justice, on se permettra de dire alors: "Le système prouve... son inefficacité, la justice démocratique est bafouée et le criminel s'en tire avec les honneurs de la guerre pendant qu'une large partie de l'opinion publique déplore la faiblesse de l'ordre". "Or l'histoire de la police montre que, loin de céder devant la violence, le désordre s'aggrave toujours quand les gouvernements ne s'en prennent qu'à lui sans supprimer radicalement les causes qui le provoquent ou le facilitent." Le temps des policiers de Jacques Lantier, page 323.

Encore une fois, on fera porter la responsabilité de cet échec, facilement prévisible, aux forces de l'ordre, sans même se demander si la société n'aurait pas dû en même temps se donner des lois justes et réalistes et un système judiciaire et pénal adéquat.

Ces propos n'ont pas pour but de prétendre que tout est parfait au niveau de l'action policière — nous serons les premiers à faire notre autocritique — mais de souligner avec fermeté que les solutions à l'augmentation du crime et des criminels et au taux de solution du crime dépendent de tous les éléments qui constituent la justice.

Nous déplorons donc que l'efficacité de l'action policière n'ait pas été étudiée dans ce contexte plus général, dans un vrai livre blanc sur la justice et les organismes qui la protègent et la sanctionnent. Ce n'est que dans cette dimension d'ensemble que notre société sera en mesure de relever l'origine des maux et des malaises actuels et d'adopter les remèdes les plus efficaces.

Tant que l'on refusera d'étudier cette politique d'ensemble, on continuera à déplorer ou bien l'inefficacité de l'action policière ou bien "un radicalisme virulent dans la poursuite de la criminalité."

Cet empressement à vouloir tout régler par la seule efficacité de l'action policière pousse le citoyen à donner involontairement au policier une stature de "nouveau croisé", seul responsable de "faire respecter les lois, de prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs" et aussi, "moyen le plus sûr à la fois de contenir la criminalité et à la fois de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne". Faudrait-il se surprendre alors que la police, poussée d'ailleurs en cela par l'inertie de ses concitoyens, prenne en main l'ordre et la justice, se fasse l'arbitre entre la protection de la société et la liberté de l'individu?

Mais pourquoi craignons-nous que l'on glisse imperceptiblement vers des situations aussi extrêmes?

Dans un légitime désir de rendre l'action policière plus efficace et plus fructueuse, on s'est simplement attaché à certaines faiblesses de la planification ou de la coordination du travail policier, sans faire les relations nécessaires avec les autres moyens ou instruments de justice. Il n'est pas surprenant que les seules solutions que ce livre blanc propose se résument à la réorganisation des structures.

Il est pénible de constater incidemment que les prémisses qui permettent à ce livre blanc de conclure à l'inefficacité s'expriment en coefficient de solution du crime dont les données, à notre avis, sont fort discutables et pas aussi convaincantes que l'on voudrait nous le faire croire.

On reconnaît du bout des lèvres ce qui a été fait jusqu'ici, mais on s'empresse d'écarter les structures actuelles, sans se demander vraiment s'il n'aurait pas été plus simple d'en tirer le meilleur parti.

Cette religion de l'organisation et de la réorganisation nous conduit directement à l'institutionnalisation de l'action policière. En effet, ce livre blanc propose une structure, des organismes, des paliers de direction ou de coordination dont le dénominateur commun sera leur dépendance directe ou indirecte au ministre chargé des affaires policières. A première lecture, on garde l'impression que les divers paliers de la structure proposée sont là pour assurer des normes précises d'efficacité. Une étude plus attentive nous oblige à conclure que, si les instances sont en place, rien dans ce livre blanc ne dit les critères qu'elles devront retenir.

Par exemple, on propose bien des pouvoirs accrus pour la Commission de police, mais sans trop les préciser; on institue le régime du commissaire-enquêteur pour la régionalisation des corps de police, mais sans définir précisément les critères pour lesquels telle régionalisation devient nécessaire.

Tous les autres exemples que nous pourrions donner serviraient à prouver qu'en un mot le ministre chargé des affaires policières ou le cabinet aura l'autorité pour décider et mettre à exécution l'intégration, la coordination, la fusion, la régionalisation, l'assignation, la mise en tutelle, l'abrogation, les conditions de travail de tous les corps de police de la province par simples décrets, tout en restant évidemment sous le couvert opportun de quelques organismes comme la Commission de police ou le commissaire-enquêteur.

Non seulement ce contrôle se retrouve à tous les paliers de l'organisation policière, mais il se fera sentir jusque dans le domaine du droit d'association et des relations du travail, car l'on pourra, sous le prétexte de l'efficacité, annuler toute clause de convention collective (recommandation 66, page 146).

Aussi sommes-nous inquiets que la mise en tutelle d'un corps de police proposée par la recommandation 3, paragraphe g), pour des circonstances que seul le cabinet jugera, soit toujours suspendue au-dessus de nos têtes et sur les citoyens.

Avons-nous raison de craindre l'avènement imperceptible sinon d'une police d'Etat, tout au moins d'une superpolice?

Car non seulement ce livre blanc conduit-il à une institutionnalisation de l'action policière dont les cadres se resserreront de plus en plus, mais va jusqu'à proposer un cloisonnement définitif entre la justice et l'action policière par la création d'un ministère distinct des affaires policières. Et on dit dans le livre blanc: "La seconde solution s'impose, non seulement par l'intérêt qu'elle représente de ne pas lier la justice à l'action policière".

Nous pourrions inverser cette phrase et la lire comme ceci: "La seconde solution s'impose, non seulement par l'intérêt qu'elle représente de ne pas lier l'action policière à la justice."

Pour nous, qui nous étions toujours considérés comme instrument de la justice, nous ne pouvons pas comprendre qu'on veuille ainsi faire cette séparation et nous extraire de la dimension plus grande dont nous avons déjà traité. Avons-nous raison de vouloir éveiller nos concitoyens aux graves dangers que comporte une telle conception par laquelle l'action policière, la force policière pourrait devenir un jour guidée et soumise aux décrets d'un seul homme?

Quant à nous, nous ne voulons pas devenir "le bras séculier des tribunaux agissant au nom d'une puissance gouvernementale dirigiste et répressive" (page 9).

Et c'est à bon droit que nous nous disons inquiets de propositions recommandant les entrées latérales (page 145) ou l'établissement d'un code de discipline édicté par législation (page 151, recommandation 94). Ce n'est pas par "égoisme syndical" que nous soulignons notre inquiétude. La protection du citoyen et de la société ne résulte pas de l'implantation de cadres qui, malgré leurs degrés académiques, n'ont pas l'expérience quotidienne et réaliste du travail policier ou qui souvent entretiennent le plus grand scepticisme à l'endroit du policier de carrière. Admettre un tel processus, c'est permettre que soit créée peu à peu une direction policière isolée de ses subalternes.

La protection du citoyen et de la société n'est pas plus assurée par une loi de discipline sans contrôle qui servira facilement à l'action tatillonne conduisant tôt ou tard à une police des policiers.

Moyens envisagés par le livre blanc. Pour s'être convaincu que l'inefficacité de l'action policière résulte uniquement de la faiblesse des structures actuelles, on en vient à proposer non pas seulement une action générale plus coordonnée, mais aussi et surtout la réunification des forces policières (page 125).

A première vue, les recommandations de ce livre blanc semblent assurer une meilleure coordination ou encore proposer des moyens d'action précisément reliés à des aspects nouveaux du crime.

N'est-ce pas surprenant que, contrairement à toute attente et malgré le sérieux apparent de l'analyse faite aux chapitres précédents, ce livre blanc se complaît à souhaiter de nouvelles études ou des actions imprécises qui seront précisées — un jour, nous l'espérons — à la suite de nouvelles études ou par d'autres organismes.

Malgré toute notre bonne volonté, peut-on trouver d'autres mots que voeu pieux, souhait, désir ou velléité pour qualifier des recommandations comme celles portant les numéros 13, 14, 31, 32, 33, 35, 38, 39, 40 et ça continue..?

Ou bien encore ce livre blanc laisse-t-il au pouvoir et à la discrétion d'organismes existants ou qui seront plus tard institués, le soin de déterminer et de définir les moyens et aménagements qu'eux seuls jugeront utiles et nécessaires pour une plus grande efficacité. Aussi les recommandations 10 à 98 prouvent-elles que, sous ce chapitre des moyens et aménagements, beaucoup reste encore à préciser sans que l'on sache quand et comment on le fera. Mais nous restons perplexes en face d'une telle façon de faire qui permet ensuite au ministre chargé des affaires policières ou au cabinet d'instaurer une réglementation sur laquelle les citoyens et nous, policiers, n'aurons pas l'occasion de nous prononcer.

Nous déplorons donc encore une fois que l'on n'ait pas vraiment étudié la question dans toute sa dimension et qu'au chapitre des causes et des véritables moyens, on nage dans l'incertitude.

Je cite M. Lantier dans son volume "Le

temps des policiers": "En voulant ignorer cette réalité technique, les réformateurs de 1958 et de 1970 ont procédé à des aménagements. Ils n'ont point accompli les changements profonds nécessités par l'évolution générale des idées et des moeurs."

Il faut souligner avec fermeté que ce livre blanc vise à accorder à la Commission de police des pouvoirs non seulement accrus, mais aussi une autorité tellement indéfinie qu'en pratique c'est elle ou par elle que le cabinet ou le ministre pourra décider de toute action ou de tout moyen visant une meilleure efficacité de l'action policière, à telle enseigne que les structures que ce livre blanc propose ici pourraient être modifiées profondément ou contrecarrées par toute recommandation de cette commission rendue exécutoire par le cabinet ou le ministre, (p. 126, recommandations 3 f) et 6 a); p. 128, recommandations 9 et 10; p. 151, recommandation 98).

Aussi, avons-nous raison de penser qu'à cause de cette autorité aux limites imprécises, la Commission de police soit rendue compétente pour décider ou faire décider, sous le prétexte de l'efficacité, de sujets aussi variés, mais pas moins graves pour autant que la mise en tutelle d'un corps de police (p. 127, recommandation 3 g), la lutte au terrorisme (p. 129, recommandation 12 b), la définition des fonctions policières (p. 140, recommandations 43, 44 et 45) l'annulation de conventions collectives de travail (p. 146, recommandation 66).

Les citoyens doivent craindre qu'une commission aux pouvoirs aussi étendus, à cause de l'imprécision même de sa compétence, puisse verser dans la recherche abusive de tout ce qui pourrait tomber sous les dénominations "terrorisme" ou "groupements révolutionnaires" et demander ensuite que les résultats de ses enquêtes deviennent exécutoires sur décision du cabinet ou du ministre.

Au vrai, ce livre blanc ne constitue pas le progrès désiré par notre société au titre d'une action générale plus coordonnée et d'une action plus particulière à l'égard du crime organisé, du terrorisme et de la criminalité économique.

Pour ce qui est de la coordination, ce livre blanc en remet la responsabilité au ministre chargé des affaires policières. En réalité, les pouvoirs qu'on lui accorde pour la réaliser ne dépassent pas les limites de l'action policière. Ce livre blanc semble oublier que le travail de la police doit aussi être coordonné et relié aux affaires de la justice.

Mais, à bien y penser, c'est au niveau de la réorganisation des forces policières que ce livre blanc contient des recommandations plus précises. Il reste cependant que l'utilisation de ce moyen demeure entièrement soumise aux décrets du cabinet. Comment pourrait-on alors se prononcer sur un objectif dont les conditions seront fixées par un commissaire-enquêteur, dont les recommandations, par ailleurs, ne seront pas nécessairement entérinées par le cabinet?

Il n'est pas impossible aussi que les formules proposées dans ce livre blanc s'avèrent inefficaces tôt ou tard et, alors, soit sur recommandation de la Commission de police, soit directement, le ministre pourra décider et faire l'intégration qu'il jugera utile en recourant aux pouvoirs d'intervention et de coordination que lui accorde la proposition no 3. Car n'aura-t-il pas le pouvoir de déclarer exécutoires les recommandations de la Commission de police, de recommander la mise en tutelle d'un corps de police ou encore de déterminer les champs de compétence et d'activités des divers corps de police du Québec? (p. 127, recommandations 3 f), g) et h). Il serait ainsi facile de diminuer par décret les juridictions de tout corps de police municipal pour en arriver progressivement à sa disparition.

On constate par là que, sous le couvert de l'efficacité, les corps de police tombent sous une autorité unique qui, à son gré et au temps voulu, se justifiera de les réunir sous ses règles et ses édits.

Les caprices du pouvoir auront alors soustrait la police à l'autorité locale et imposé la soumission à ses policiers.

La société est-elle prête à sanctionner une politique qui conduirait probablement à la police d'Etat?

En conclusion, en terminant, nous regrettons que ce livre blanc ait ignoré l'ensemble de la justice qui seule assure totalement la sécurité des citoyens.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Marcil.

M. CHOQUETTE: Je pourrais peut-être poser quelques questions à M. Marcil. Je dois lui dire que ma première impression du mémoire qu'il a lu... Enfin, je suis en désaccord avec lui. Je pense que le livre blanc a correspondu, en grande partie, au besoin de professionnaliser l'action de la police et de rehausser le statut du policier individuellement, de lui donner sa pleine valeur dans la société et qu'on ne retrouve aucune mention de cela dans le mémoire qu'il vient de nous lire.

Parce qu'une grande partie des recommandations qui se trouvent au livre blanc vise justement à améliorer la qualité, les qualifications et les spécialisations de nos policiers. Alors, je ne vois pas comment M. Marcil peut avoir passé à côté de ces recommandations qui forment une grande partie des recommandations du livre blanc. Je lui signale cela en passant; peut-être qu'il n'a pas noté ces aspects du livre blanc.

Maintenant, il y a une partie du mémoire qui traite des relations de travail. Et je pense que je peux déduire de ce qui est dit, en somme, soit clairement, soit à demi-mot suivant la position où on se situe... Lorsque M. Marcil réclame, je pense, un statut similaire à celui de tous les travailleurs, je voudrais lui demander si, d'après lui, ce statut va jusqu'au droit de grève des policiers.

M. MARCIL: M. le Président, je vais répondre à M. le ministre, à ses deux questions. La première, disons que c'est peut-être la seule note fausse qu'il a à déplorer ce matin. Je l'ai dit au tout début, nous l'avons fait avec objectivité. Et quand nous avons regardé l'ensemble du livre blanc et que nous avons constaté qu'un moment nous sortions des cadres de la justice pour devenir sous l'autorité d'un ministre responsable des affaires policières, nous nous sommes dit ceci: Le domaine de la justice est un tout. Et nous disons que ça part du législateur, du ministre de la Justice, des tribunaux, des libérations conditionnelles, des policiers. Et nous disons ceci: Si tout le monde, hypothétiquement, s'était réuni et si on avait fait le bilan de notre société... Entre parenthèses, je lisais dans le Life, il y a environ trois semaines, "The cities locked up. Fear of crime creates a life style behind steel." Ce sont des gens d'une ville qui vivent en arrière des cloisons, les citoyens. Et si on regarde à la page du centre, "Our real security is in each other ", ce sont tous des gens qui se réunissent pour leur sécurité.

Quand on regarde le problème du crime, le problème du crime, c'est un ensemble. C'est un ensemble auquel l'appareil judiciaire doit contribuer. Non pas simplement les forces de l'ordre comme telles. Et si, en 1960 — il y a peut-être quelqu'un qui a écrit un livre blanc en 1960 — nous avons vu chez nous la réorganisation du service à plusieurs reprises, aujourd'hui, il reste quelques boîtes téléphoniques d'un vestige qu'on a appelées Way et Gaubiac.

Et tout ceci pour vous dire qu'en 1970, en faisant le bilan, on s'aperçoit que, encore, le crime est à la hausse. La solution du crime est plus faible. Encore une fois, si tous ces gens d'un ensemble judiciaire s'étaient réunis et avaient fait un examen de conscience, si chacun d'entre nous avait fait un livre blanc, M. le ministre, vous n'auriez pas ce livre devant vous ce matin. Parce qu'on ne dit pas que toute cette vague de crimes, cette vague de terrorisme, c'est dû simplement à l'inefficacité des forces policières.

M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais affirmé cela.

M. MARCIL: Disons que le livre blanc, quand vous le regardez, se situe strictement au niveau des policiers. Et même en 1980, quand on fera le bilan du livre blanc, on s'apercevra encore qu'on devra écrire un autre livre blanc, parce qu'on n'a pas touché réellement les points sérieux de notre société.

Pour répondre à la deuxième question, on dit à un moment donné que le ministère de la Justice, le ministère du Travail et les organismes pourraient se réunir pour trouver une nouvelle formule de négociations de travail ou de convention collective chez les policiers. Si on s'en était tenu simplement à cela, je dis: C'est pas mal. Le ministre de la Justice, le ministre du Travail... On essaie de trouver un système intelligent de négociations de travail. Mais, déjà, on impose, on dit: On te défend le droit de grève; dans tes conventions collectives, quand il y a des clauses là-dedans qui vont empêcher le bon fonctionnement d'une administration, ces clauses seront enlevées. Et je lis: "Que l'on élimine des conventions collectives les clauses susceptibles d'entraver l'efficacité des corps de police ou de nuire à leur gestion efficace." Dans une convention collective, M. le ministre, le premier mot d'une convention collective jusqu'au dernier empêche l'employeur de faire quelque chose.

Si on s'en était tenu strictement à dire: On va regarder l'ensemble. Parfait, nous l'achetons. Mais déjà, on se réunit et déjà il y a quelque chose de défendu. On nous défend le droit de grève. Les études qu'on a faites là-dessus? Très limitées. Et on nous défend une foule de choses. On vient dire, à part cela, que dans mon association, les officiers vont pouvoir faire la sélection des gens qui vont les représenter. Chez nous, je pense que ce sont des conditions de travail, ce sont des accréditations et déjà, nous sommes tellement limités par les lois. Je regrette un peu qu'une partie de la population ne vienne pas ici ce matin pour faire voir son point de vue en plus grand nombre que ceux qui ont manifesté le désir de se faire entendre parce que, quand les lois sont faites, qu'on les regarde.

On nous défend de nous présenter aux élections et d'être organisateurs politiques, en plus de nous défendre le droit d'affiliation. On pourrait mettre, ici, sur la table, une foule de réglementations qui nous placent dans une caste de la société. Encore une fois, pour répondre à cette dernière partie de la question, quant au droit de grève, M. le ministre, je pense que les policiers sont très conscients de la sécurité du citoyen. C'était une formule qui nous a semblé, à un moment donné, être la seule juste pour atteindre les aspirations qui sont légitimes d'un bon contrat de travail et de bons salaires pour les policiers.

M. CHOQUETTE: Mais vous ne seriez pas prêt à dire qu'en principe vous êtes favorable au droit de grève pour les policiers?

M. MARCIL: Quand on dit qu'on est favorable au droit de grève pour les policiers, je ne voudrais pas détruire l'objectivité mise dans le livre blanc pour nous faire prendre sur un point qui porte sur le droit de grève.

Je pense que, déjà, le ministre du Travail a mandaté le conseil supérieur pour faire l'analyse et trouver une solution au problème des policiers. Je le dis, le droit de grève était une formule. Est-ce la formule la plus intelligente? Nous avons siégé à quelques reprises au Conseil supérieur du travail et je ne pense pas qu'il y ait

des décisions qui ont poussé le ministre à préparer une législation dans ce sens.

M. CHOQUETTE: M. Marcil, si vous me permettez, je vais vous reprendre sur la première partie de la réponse que vous venez de me donner.

Lorsque vous dites que le livre blanc, en somme, par son effet, isole la police du reste de l'administration de la justice, à mon sens, vous avez mal lu le livre blanc. Parce que, d'abord, si vous avez lu l'introduction au complet, si vous avez lu le premier chapitre du livre blanc, vous avez noté que la fonction de la police est entièrement intégrée à l'administration de la justice. Je n'ai pas besoin de vous donner d'autres exemples qui existent dans le monde. Je veux dire que, si l'on prend, par exemple, un pays où le régime de la justice est particulièrement élevé, l'Angleterre, la police n'est pas dans le même ministère que celui du procureur général et elle n'est pas dans le même ministère que celui qui désigne les juges. Par conséquent, au point de vue du régime administratif, on peut diviser les fonctions dans la justice mais cela ne veut pas dire qu'on isole la police du reste de la justice. De la même manière, au gouvernement fédéral, le Solliciteur général a la responsabilité de la police tandis que le ministre de la Justice a d'autres responsabilités. Mais cela ne veut pas dire qu'on isole la police du fonctionnement du ministère de la Justice.

Je vais dire ceci, simplement, en terminant: Je prends, en somme, ce que vous dites dans le sens suivant: vous désirez demeurer sous le couvert du ministère de la Justice. Est-ce exact?

M. MARCIL: J'ai peut-être manqué, je m'excuse, de...

M. CHOQUETTE: Vous désirez rester sous le couvert du ministère de la Justice.

M. MARCIL: D'accord.

M. CHOQUETTE: C'est le sens de ce que vous dites.

M. MARCIL: D'ailleurs, c'est une des recommandations que nous avions déjà faites au Montmartre canadien.

M. CHOQUETTE: Je pense, M. Marcil, que vous ne devez pas interpréter le livre blanc comme un effort d'isoler l'action de la police du reste de la justice. Si nous avons proposé, dans le livre blanc, une autre forme d'organisation, ce n'était pas dans le but d'isoler l'action policière de l'ensemble de la fonction de la justice, mais c'était pour créer une spécialisation appropriée. Alors je pense qu'il serait faux de placer le débat à ce niveau-là, si vous me permettez de vous faire cette observation.

M. MARCIL: Dans la recommandation que nous vous avions faite, elle se situe dans le livre blanc, parce qu'on le dit, il y a eu deux solutions et on a retenu la dernière. La première indiquait — et cela m'a été soumis au mois de février au Montmartre canadien dans un colloque que vous présidiez — la fonction du ministre de la Justice, s'exerçant dans une sphère assez grande, devrait comprendre un sous-ministre qui le conseillerait en matière policière; un sous-ministre qui pourrait faire l'évaluation des forces policières, et qui, dans un temps peut-être de crise ou dans un autre temps, serait apte à conseiller objectivement le ministre en regardant les implications d'un corps de police vis-à-vis de l'autre. Vous avez retenu la deuxième.

Quand vous me parlez du "Home Office", je pense que c'est peut-être le bon endroit.

Mais quand vous regardez le système du ministre de l'Intérieur en France... Je conseille aux membres de la Commission s'ils ne l'ont pas fait, de lire Le temps des policiers de Jacques Lanthier. C'est un volume réellement fantastique. Je pense qu'il situe les problèmes français, les problèmes des préfets, etc.

Au tout début de votre exposé, M. Rémi Paul a bien souligné que vous parliez déjà d'une législation. Quand on regarde le livre blanc, on peut, je pense, lui donner notre bénédiction ou le contester, mais il reste que la législation n'est pas nécessairement celle qui sera adoptée vis-à-vis du livre blanc. Encore une fois, nous disons que tellement de choses peuvent être faites au niveau des décrets. Je vous donne un exemple. Au bill 75, nous avions fait des représentations à l'article 233 et nous disions au gouvernement: Lors de l'intégration des forces policières, vous devez avoir un plan d'intégration. Il est essentiel que vous ayez un plan d'intégration. Nous demandions aussi d'être consultés. Un an et demi plus tard, le règlement est adopté par la communauté urbaine et on s'aperçoit que la communauté urbaine n'a jamais regardé les obligations que la loi lui faisait de consulter les policiers et d'avoir un plan d'intégration.

Si, dans ce cas-là, c'était une loi et si des gens mis en place à d'autres paliers gouvernementaux ont simplement ignoré les représentations que nous avions faites, nous disons que les pouvoirs prévus dans le livre blanc, qui peuvent se situer au niveau des décrets, ou par une législation en vertu de laquelle nous n'aurions pas droit au chapitre, nous trouvons certains dangers. Mais, encore une fois, M. le ministre, quand vous parlez du Home Office, il y a certainement quelque chose de bon là-dedans, mais on aurait pu regarder dans des structures que nous avons chez nous, des structures qui ont été modifiées dans mes 20 ans de services comme policier, à plusieurs reprises; ça n'a jamais apporté l'efficacité espérée, ç'a toujours apporté l'inefficacité.

M. CHOQUETTE: M. Marcil, vous êtes poli-

cier, et vous connaissez comme moi les problèmes qui surgissent de l'absence de coordination entre différents corps policiers, entre autres certains corps policiers importants qui agissent au Québec. Je n'ai pas besoin de citer le cas de la Gendarmerie Royale, de la Sûreté du Québec et de la police de Montréal. Vous connaissez comme moi les problèmes qui surgissent sur l'île de Montréal, de l'existence de 25 corps policiers. Ce sont les questions auxquelles nous avons tenté de répondre par une formule qui améliorerait l'organisation de l'action policière.

Je ne vois rien dans votre mémoire qui reconnaisse en somme la nécessité d'un effort de ce côté-là; je vois plutôt une attitude assez négative de votre part devant l'innovation dans ce domaine-là. J'aimerais que vous disiez aux membres de la commission que vous considérez que l'objectif d'une action policière plus coordonnée, plus organisée, est un objectif valable pour la société québécoise à l'heure actuelle. Je ne fais pas abstraction des problème de fond auxquels vous avez fait allusion, parce que vous nous avez dit que les problèmes policiers ont une origine sociale, que les problèmes du crime ont une origine sociale. Je suis parfaitement d'accord avec vous, qu'une grande partie de nos problèmes dans le domaine de la criminalité ont une origine sociale, mais on ne peut pas, dans un livre blanc, traiter de tous les problèmes d'une société; il faut bien prendre les problèmes un par un. Ici, nous avons pris le problème de la police et de la sécurité des citoyens. Il fallait bien, au moins, que nous envisagions un des aspects du problème, et nous l'avons envisagé de cette façon-là.

Je pense, que vous allez quand même admettre avec moi qu'il y a des efforts qui doivent être faits par le gouvernement, par les autorités locales avec la collaboration des syndicats policiers pour améliorer notre organisation et notre action policière.

M. MARCIL: Bon, disons que dans le livre blanc, quand vous parlez de coordination, de planification, il n'y a absolument rien là-dedans qui dise de quelle façon nous allons coordonner les forces policières. M. le ministre, on peut dire: A différentes occasions, nous allons coordonner les forces policières. Mais quand vous regardez les pouvoirs qui sont attribués au cabinet, on dit: il incomberait au lieutenant-gouverneur en conseil sur...

M. PAUL: Quelle page?

M. MARCIL: ... Je m'excuse, c'est à la page 133 du livre blanc: Il incomberait au lieutenant-gouverneur en conseil, sur rapport du ministre, d'agréer, de rejeter ou de modifier les propositions formulées par le commissaire-enquêteur;

Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse, sur recommandation du ministre, après rapport d'un commissaire-enquêteur décréter l'intégration régionale des forces policières dans un territoire déterminé;

Que le commissaire-enquêteur soit chargé de...

Alors, il reste que, pour nous, c'est simplement, quand on parle de coordination, un ordre de grandeur, on doit coordonner.

Je suis bien d'accord, mais de quelle façon le fait-on? Quand on parle de régionalisation, de quelle façon le fait-on? Est-ce qu'on régionalise la moitié du Québec, le nord du Québec? Est-ce qu'on le fait par dix régions ou par quinze régions? Voilà toutes sortes de facettes que nous ne pouvons pas voir dans le livre blanc.

Quand on lit à la page 132g): "La régionalisation, dans l'ensemble du Québec, ne peut se faire que graduellement et suppose, au préalable, une enquête sur tous les aspects de la question". Cela, c'est un autre livre blanc.

M. CHOQUETTE: On veut dire que si on procède à la régionalisation de corps policiers, on n'a pas l'intention de procéder au hasard. C'est tout simplement une précaution qu'on prend.

M. MARCIL: Cela prouve, M. le ministre, qu'on ne sait pas de quelle façon elle va se faire. C'est officiel. Personne ici ne peut dire de quelle façon. On dit à la page 127a): "Etre informé régulièrement des opérations policières de tous les corps policiers du Québec; b) exiger des rapports... c) dépêcher... d) enjoindre... e) recommander l'attribution de subventions aux corps policiers régionaux..."

Encore une fois, je regrette, je ne sais pas si l'Union des municipalités se fera entendre, mais, présentement, quand on parle d'efficacité, il y a un problème aussi de moyens, de technique. Chez nous, au point de vue technique, nous sommes peut-être dix ou vingt ans derrière les policiers américains. Je lisais, dans ce même bouquin, qu'un policier à l'aide d'une auto-radio, simplement avec la centrale IBM, peut avoir une foule d'informations. Chez nous ce n'est pas pensable.

Le corps de police de Montréal coûte $35 per capita environ; en plus, chaque citoyen paie, pour la Sûreté du Québec, environ $7. En plus, il paie pour la RCMP, la Gendarmerie royale, encore $7. Quand vous faites la somme, cela lui fait, $35 plus $14, $49. Quel est le pourcentage, payé par le citoyen, qui va à l'application des règlements municipaux pour le besoin d'un policier municipal qui répond à la municipalité, qui répond à un contexte d'une ville? Il y a peut-être un montant de $3 ou de $4. Il n'y a personne qui vient en aide aux municipalités, il n'y a personne qui nous trouve des moyens. Chez nous encore, nous n'avons pas de système de "line-up", de système de télévision en circuit fermé. Mais il n'y a personne qui vient en aide aux municipalités pour leur donner... M. le ministre, je prends la

parole de Churchill: "Give me the tools and I will do the job". Nous aussi, les policiers, disons la même chose. Donnez-nous des outils aussi avant-gardistes que ceux dont dispose le criminel. Mais quand on parle de restructurer, on regarde dans le livre blanc, c'est bien parfait, mais on ne voit pas les moyens, on ne voit pas la planification, on dit que l'on met des structures en place, mais...

M. CHOQUETTE: Mais il faut commencer par avoir de grandes orientations avant d'arriver aux moindres détails. Vous connaissez la commission Katzenbach aussi bien que moi. Elle recommande la régionalisation des corps de police pour plus d'efficacité, vous n'allez pas nier cela? En Angleterre, on a fait exactement la même chose,...

M. MARCIL: La commission Prévost, M. le ministre, où est le rapport?

M. CHOQUETTE: ... et la commission Prévost également.

M. MARCIL: Où sont les volumes? M. CHOQUETTE: Comment?

M. MARCIL: Les volumes, on ne les a jamais vus? Disons, les recommandations, je pense que la commission Prévost a certainement...

M. CHOQUETTE: La commission Prévost a recommandé que les forces policières au Québec soient regroupées en 10 grandes organisations policières, vous le savez aussi bien que moi:

M. MARCIL: On aurait pu au moins le retrouver dans le livre blanc, quand on parle de régionalisation.

M. CHOQUETTE: Oui, mais on n'est pas pour régionaliser dans des régions à très faible densité, cela me paraît élémentaire. Il me semble que la régionalisation doit commencer dans des endroits où la population est très dense, ou les problèmes de la criminalité sont aigus et, de plus, il faut penser à l'effort du contribuable aussi dans ce domaine. Si on va régionaliser, par exemple, en Gaspésie, c'est un des endroits au Québec où le problème du crime est l'un des moins graves, et où il y a toute une série de petits corps policiers de 1 ou 2 policiers, est-ce que cela offre un intérêt que de procéder à la régionalisation? Il faut faire la différence entre les régions fortement peuplées, Montréal, Québec, ou les régions très criminogè-nes comme l'Outaouais et d'autres régions où, en somme, la criminalité n'est pas aussi forte. Il me semble que c'est élémentaire.

M. MARCIL: De toute façon, M. le ministre...

M. CHOQUETTE: Et puis, c'est un problème pratique, ce n'est pas un problème théorique, de dire: On va découper la carte du Québec en dix grandes régions policières. Il faut aller au côté pratique.

M. MARCIL: Ce que nous regrettons, c'est que le livre blanc s'en tienne simplement à dire: Nous coordonnons.

M. CHOQUETTE: Mais oui, mais M. Marcil, c'est l'expression d'une politique, nous ne pouvons pas régler tous les problèmes dans les moindres détails. Je comprends que vous, ce qui vous intéresse, en grande partie — je ne dirais pas exclusivement — c'est la protection des conditions de travail de vos membres. Je ne vous en fais pas grief, c'est votre fonction. Non, non, ne riez pas.

M. MARCIL: Ce n'est pas ce que nous disons au début, M. le ministre. Je pense que nous avons été explicites, nous nous en sommes tenus peut-être à deux pages sur nos conditions.

M. CHOQUETTE: Non, non.

M. MARCIL: Le reste du volume, je pense qu'il n'était pas sur nos conditions de travail.

M. CHOQUETTE: Mais, pas du tout. M. Marcil, vous ne feriez pas votre devoir si vous ne vous occupiez pas de la protection des conditions de travail de vos membres. Je ne vous en fais pas de reproche. Je veux dire qu'il ne faut pas tout envisager sous cet angle-là, il y a d'autres aspects qu'il importe de considérer également et je pense que la lutte à la criminalité et la protection des citoyens en sont un aspect important.

M. MARCIL: Il y a une chose que nous avons retenue. Encore une fois, j'y reviens, c'est que quand on parle de police d'Etat — à un moment donné, vous remarquerez dans notre mémoire qu'on parle de la police des policiers — et que ce sera permis pas des lois — il y a des gens pour qui la police, c'est une chose sur laquelle on peut taper à l'occasion, et qui à l'occasion peut nous aider, ça dépend où on se situe — il reste, dis-je, une chose: quand on aura permis par des lois d'en venir à des conditions de travail telles qu'arbitrairement on pourrait souscrire ou soustraire des conventions collectives tout ce qui en empêche le bon fonctionnement — c'est évident que dans une convention collective il y a quelque chose qui empêche le patron de faire quelque chose — quand donc on se sera permis de passer des lois constituant la police des policiers, la police par des structures, à ce moment-là, les citoyens se seront donné un Etat policier. C'est aussi simple que ça. Quand on passe une loi sur les policiers, souvent nous n'avons pas beaucoup de défenseurs. Je pense que c'est toujours normal d'essayer d'imposer

des structures, de les placer dans des quartiers. J'ai vu ça, ça fait vingt ans, M. le ministre que j'en vois de ça. Des codes de discipline chez nous, je pourrais vous en montrer, c'est assez épais. Tout ceci pour vous dire que dans l'ensemble...

M. CHOQUETTE: M. Marcil, je ne suis pas de ceux qui critiquent la police systématiquement. Je ne suis pas de ceux qui écrivent des articles continuels dans les journaux pour démoril le travail des policiers. Je comprends et je pense que nous, les membres de cette commission — je pense que j'exprime l'opinion générale — nous comprenons la difficulté et l'ingratitude qu'il y a dans votre travail.

M. MARCIL: Et la grande naiveté.

M. CHOQUETTE: Pas de la grande naiveté. Je pense que tout le monde s'en rend compte. Le pire dans tout cela, c'est que le policier se sent isolé, parce qu'il se sent l'objet de ces critiques et il ne sent pas l'appui de la majorité silencieuse. La majorité silencieuse est favorable au travail des policiers. Cela a été démontré justement dans le fameux rapport de la commission Prévost. Il ne faudrait pas quand même que vous cultiviez chez vos membres une espèce de complexe de persécution, alors que la majorité du Québec est derrière les policiers.

M. MARCIL: Nous ne sommes pas venus en persécuteurs, nous sommes venus défendre les citoyens.

M. CHOQUETTE: Non, non...

M. MARCIL: Il y a une chose, remarquez-bien, je vous donne mon avis franchement, je pense et je le dis. Ce que nous avons vu et ce que vous avez dit, c'est que toute la note avait été assez heureuse au tout début quand vous avez parlé. C'est peut-être une note discordante, mais il reste que chez nous, c'était notre opinion du livre blanc. Nous avons essayé d'être objectifs. Nous sommes conscients que vis-à-vis du citoyen, nous ne devons pas être des radicaux, des démagogues. Quand on lit la préface de ce livre-là, je la trouve assez juste. A un moment donné, Camus cite Les Justes et dit: "Vous savez, moi, je me situe au centre. C'est d'ailleurs pour cela que je me suis fait policier pour me situer au centre des choses." C'est un peu notre idée. Nous avons bien dit au tout début que l'objectivité, nous ne pensons pas que c'est nous qui l'avons, d'une façon infuse, mais nous avons essayé de démontrer, d'une façon assez sérieuse, les dangers du livre blanc.

M. CHOQUETTE: M. Marcil, je suis content que vous soyez sympathique à la préface, parce que j'en suis l'auteur.

M. MARCIL: Je m'excuse, c'est parce que ce n'est pas la...

M. CHOQUETTE: Ceci démontre, M. Marcil, que nous ne sommes pas sur des longueurs d'ondes tellement différentes. Je vais vous donner deux exemples. Dans une des annexes du rapport de la commission Prévost, on fait une étude de ce que pense le public des policiers et de ce que les policiers pensent que le public pense de lui.

Dans un sondage de Sonopresse qui a été fait cet été et que j'ai lu avec intérêt, il y avait quelque chose de comparable. Et quelle était la conclusion? C'est que l'immense majorité du public de la province de Québec apprécie le travail policier et sent le besoin et l'importance de ce travail. Donc, il ne faudrait pas que le policier cultive chez lui un genre de sentiment de rejet par rapport au reste de la société, justement à cause de la difficulté de sa fonction.

Et vous le savez, vous avez même fait faire une étude par un psychologue industriel, une étude que vous avez en main et qui est arrivée exactement aux mêmes conclusions. Un des grands objectifs du livre blanc, c'est justement de sortir le policier de ce genre de sentiment d'isolement. Alors...

M. MARCIL: Premièrement, M. le ministre, je dois vous dire que, dans notre mémoire, nous ne parlons pas d'isolement; nous ne l'avons pas situé de cette façon-là. Je pense qu'il est normal d'avoir choisi cette profession-là, de la comprendre et de l'accepter. Nous n'avons pas fait mention d'isolement et, quand nous parlons du mémoire que vous mentionnez, je pense, M. le ministre, que ce mémoire n'est pas sorti officiellement; nous sommes à le compléter.

Le mémoire portait sur les difficultés que le policier ressent dans une société moderne. C'était à la suite d'accidents ou de blessures survenus à la suite de son travail comme policier et c'était assez unique dans le monde entier qu'une telle étude ait été faite. Elle n'a pas été faite parce qu'on se sent persécuté dans la société. Le policier ne se sent pas persécuté dans la société; il a un rôle à jouer.

Il est ingrat et souvent, on a constaté jusqu'où...

M. CHOQUETTE: Quand je vois des articles dans les journaux — je vais le dire franchement — qui attaquent les policiers continuellement et qui trouvent tous les maux possibles chez les policiers, je déplore ce genre d'articles, M. Marcil, je le déplore.

M. MARCIL: Encore une fois comme policier, nous déplorons beaucoup de choses. Quand il y a des critiques acerbes, qu'elles viennent de quelque milieu que ce soit, je pense qu'il n'y a pas de doute que ça nous affecte.

Encore une fois, je pense qu'on veut se situer au milieu des professionnels et que ça fait partie de notre rôle. Si nous ne sommes pas capables de l'assumer, je pense que, réellement, nous allons avoir des problèmes sérieux.

M. CHOQUETTE: Je veux seulement poser une dernière question; je monopolise la commission. Avez-vous aimé la partie du livre blanc où on dit qu'on devrait vous donner des conditions de travail meilleures, étant donné la nature de votre travail?

M. MARCIL: Oui, je vous ai d'ailleurs dit, M. le ministre, que quand nous avions lu ce paragraphe, nous avions mis votre portrait pendant une semaine dans nos bureaux. Il est parti; effectivement, il est parti.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, avec votre permission, nous allons essayer de donner la chance à un représentant de chaque parti d'entretenir un dialogue avec M. Marcil. Nous allons commencer par l'Unité-Québec, le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. Marcil, je veux vous féliciter pour l'objectivité de votre mémoire. Je comprends que vous avez voulu attirer l'attention des membres de la commission sur le statut professionnel du policier. Vous avez, en quelque sorte, signalé à la commission, non pas des lacunes, mais certaines absences que l'on remarque dans ce livre blanc publié par le ministre de la Justice. Et soit dit en passant, si la préface en est bonne, c'est parce qu'il m'avait demandé de corriger son texte.

M. Marcil, je me permettrai, si vous le voulez bien, de vous poser quelques questions. Est-ce qu'en principe, vous êtes contre l'intégration des différents corps de police?

M. MARCIL: En 1964, nous avons, à la commission Blier, présenté un mémoire dans lequel nous demandions, pour le plus grand bienfait des citoyens, surtout dans les structures de l'île de Montréal, qu'il y ait intégration des forces policières; et nous avions, à ce moment-là, soumis ce mémoire. Par la suite, nous avons, au mois de décembre 1969, encore une fois pris position sur le bill 75 lors de sa deuxième lecture et nous avons dit que nous étions en faveur de l'intégration des forces policières.

Aujourd'hui, nous disons: Nous sommes encore en faveur de l'intégration. Mais ce qui était bien important dans tout ça, c'était qu'il fallait qu'il y ait un plan d'intégration. Ce dont manque le livre blanc, c'est ça.

M. PAUL: Les normes.

M. MARCIL: Maintenant, à quelle place se situe-t-on, à quelle place s'en va-ton? Nous lançons simplement de grandes idées qui ont peut-être une certaine valeur? Mais il reste que les moyens, les modalités pour obtenir ce que nous désirons, nous ne les connaissons pas.

Lorsque le législateur a accepté de dire qu'il était d'accord qu'il y aurait un plan d'intégration, nous, les syndicats nous disons que nous allons nous situer et voir de quelle façon nous allons faire l'intégration. Je l'ai dit une fois à la commission parlementaire et je me répète, sur le règlement 26 adopté par la communauté urbaine, si on avait présenté, lors de la dernière grande guerre, un plan comme le règlement 26, si on l'avait présenté aux quatre Grands pour faire l'invasion, les soldats seraient encore dans la Manche. Il n'y avait pas de plan d'intégration, il n'y avait absolument rien alors qu'aujourd'hui, même où on se situe, en date du 7 décembre, encore une fois, nous ne savons pas où nous allons vers cette intégration. Il est bien important que le législateur sache que le plan d'intégration doit être fonctionnel. Pour que ce soit un plan fonctionnel, il faut absolument qu'il soit planifié. Il faut que les syndicats se soient rencontrés, les problèmes se situant au niveau de toutes les structures du corps de police, que ce soit au niveau des fonds de pension, de l'assurance-maladie, des promotions, des mutations. Qu'est-ce qui arrive là-dedans? A ce jour, je peux vous dire qu'il n'y a aucune étude qui a été faite et il n'y a aucun plan d'intégration. Nous avons été consultés par la communauté urbaine, oui, mais quand le plan a été fait. Là, on nous a dit: Là, on vous consulte. Vous savez fort bien que, quand on nous consulte et que le livre est écrit, vous ne changez pas de virgules là-dedans. Vous dites: Oui, je l'accepte ou: Non, je le refuse.

Devant la position que la communauté urbaine avait prise, nous avons fait un rapport à la Commission municipale et le ministre de la Justice a jugé de ne pas donner suite au règlement 26. Il reste que, quand on parle du pourcentage de solution du crime, vous avez dans des corps de police des statistiques. Dans les corps de police, on fait l'arrestation d'un groupe de cagoulards. Le groupe de cagoulards, on sait fort bien qu'il est relié à dix vols. Tout le monde le sait, par la façon dont les vols ont été commis, on se dit que c'est le même groupe. Ce groupe-là est condamné pour une infraction, un vol à tel endroit. Le corps de police dit: J'ai la solution du crime, on vient de résoudre dix crimes. Chez nous, à Montréal, cela ne se fait pas comme ça. Il y a un crime qui est résolu. On sait que c'est tout le groupe qui a fait l'assaut. Il est condamné pour un, il reste quatorze crimes qui ne sont pas éclaircis. Quand on dit que les variantes, que les taux de solution du crime ne sont pas des critères exacts, je vous en donne un exemple.

Par contre, on se dit que d'un autre côté, si on prend la région de Toronto, depuis 1955, on a fusionné, on a intégré et disons que cela va assez bien. Il semble que cela au début a dû être pénible. Mais il semble que le problème majeur à Toronto ait été celui du fonds de pension qui,

aujourd'hui, existe encore après 17 ans. Quand on va faire une intégration, elle devra être bien faite, bien structurée. Sinon, je suis obligé de vous dire que c'est un baril de dynamite. Vous placez 24 corps de police. Vous ne pouvez pas prendre une maison d'appartements dans laquelle vivent 24 familles et arbitrairement, du jour au lendemain, enlever les cloisons et dire que vous vivez ensemble. Je pense que vous voyez les complications de tout ce qui peut arriver. La même chose s'applique dans les corps de police. Il y a des idées, il y a des pratiques qui sont dans les corps de police, il y a des façons de travailler.

Dernièrement, on a fusionné Longueuil et Jacques-Cartier. Il y a eu des problèmes sérieux parce que le policier de Longueuil avait un travail dans un milieu un peu différent du milieu de Jacques-Cartier. Le policier de Jacques-Cartier était dans un milieu différent de Longueuil. Les populations n'étant pas les mêmes, il y a eu une adaptation à faire. Les conflits se sont créés au niveau du policier qui avait appris à travailler à Longueuil et de celui qui avait travaillé à Laflèche. Leurs idées n'étaient pas tout à fait les mêmes. Si vous me dites que demain, vous mettez 24 policiers ensemble, je vous dis que les chances de succès sont minimes.

M. PAUL: M. Marcil, je vous remercie d'avoir répondu à cette question. En résumé, vous me corrigerez si ce n'est pas exact, au nom de la fraternité, vous exprimez le désir, tout en n'étant pas contre l'intégration, que le gouvernement établisse des règles, des conditions qui serviront préalablement à la justification de l'adoption de l'intégration d'un corps de police dans un territoire donné. Ce que vous voulez connaître, c'est la motivation, les raisons, les règles, les normes — appelez ça comme vous voudrez — qui doivent présider à l'intégration d'un corps de police dans un territoire donné.

M. MARCIL: Oui, qu'on ait la chance de se prononcer. Je pense que nous, les syndicats, le fait de se prononcer ce n'est pas quelque chose qui est valable. C'est quelque chose qu'on doit essayer parce que les structures de notre société nous y ont placés, nous, les syndicats. Je pense qu'on a fait quelque chose au Montmartre canadien. Je félicite la Commission de police, le ministre, de l'initiative prise de nous avoir réunis: les syndicats, les états-majors, les chefs. Je pense que nous pouvons contribuer pour beaucoup sur le plan de la technique policière, des moyens. Quand nous serons reconnus comme tels, je vous dis sincèrement que nous serons certainement un rouage très important dans les structures de la police et de la justice.

Ce que nous demandons, c'est d'être consultés. Quand on est consulté, on donne son point de vue à vous; on peut, comme on le fait aujourd'hui, dire: Je l'accepte ou: Je le refuse. Mais au moins on s'est fait valoir et je pense que c'est bien normal et bien nécessaire qu'on se fasse valoir.

M. PAUL: Dans cette même ligne de pensée, M. Marcil, pourriez-vous nous dire si vous et les membres de la fraternité êtes opposés à la nomination ou à la création d'un ministère de la police?

M. MARCIL: Oui, monsieur, nous y sommes opposés.

M. PAUL: Personnellement, j'abonde dans les mêmes remarques que vous. Il serait à craindre, par exemple, que le Solliciteur général, qui serait en charge de ce ministère de la police, alors qu'il habite dans une région criminogène, soit peut-être porté à donner des directives qui ne seraient pas dans l'intérêt commun.

M. Marcil, pourriez-vous, s'il vous est possible de le faire, nous donner vos impressions sur ce danger que pourrait apporter la création d'un ministère ou d'un ministre de la police dans l'établissement d'un véritable Etat policier au Québec? Vous avez parlé tout à l'heure de policiers qui surveilleront les autres policiers, est-ce que vous n'y verriez pas le danger de la disparition possible de certaines libertés démocratiques que nous connaissons?

M. MARCIL: C'est un peu dans cette optique. Premièrement, nous nous posons des questions. A quelle place la Commission de police va-t-elle se situer, disons, dans la nouvelle pensée d'un ministre de la police ou d'un ministre de l'intérieur. Parce que le livre blanc, je le pense, n'est pas clair. Et c'est bien important. Parce que la Commission de police, nous a-t-il semblé, à un moment donné, à la lecture du livre blanc, pourrait rester sous l'autorité du ministre de la Justice; elle agirait en coordination avec le nouveau ministre de la police ou le nouveau ministère comme tel. Or, nous trouvons que ce serait difficilement rentable que dans deux ministères il y ait une Commission de police qui donnerait, avec ses pouvoirs, des dictées ou des lignes de conduite au nouveau ministère de la police. Connaissant les ministères, je pense que tout le monde est bien content de ses responsabilités au niveau du ministère qu'il représente.

On lit, ici: 1. "Qu'un ministre réponde de l'ensemble de l'action et de l'administration de la police au Québec devant l'Assemblée nationale dans les limites des pouvoirs et attributions qui lui sont reconnus par la loi;" Puis on lit, encore à la page 126: à 3: Que ces pouvoirs d'intervention et de coordination l'autorisent à: a) être informé régulièrement des opérations de tous les corps policiers du Québec; b) exiger des rapports circonstanciés sur les événements qui perturbent la paix, la santé, la sécurité et l'ordre public; c) dépêcher, dans des circonstances jugées

opportunes, des policiers pour prêter main-forte à tout corps de police; d) enjoindre à un corps de police local ou régional de prêter main-forte à un autre corps de police; e) recommander l'attribution de subventions aux corps policiers régionaux ou locaux pour les aider à défrayer les coûts encourus, et en particulier pour la lutte au crime organisé, au terrorisme et au crime économique; f) déclarer exécutoires les recommandations de la commission de police; g) recommander au lieutenant-gouverneur en conseil lorsque les circonstances le requièrent la mise en tutelle d'un corps de police local ou régional; — la mise en tutelle — h) déterminer les champs de compétence et d'activités des divers corps de police du Québec; i) ordonner à la Sûreté du Québec ou à tout corps de police qu'il désigne de fournir pour la période de temps qu'il indique ses services sur les territoires desservis par un autre corps de police lorsque ce dernier fait défaut de remplir ses engagements — on peut trouver bien des raisons pour faire défaut de remplir ses engagements — à charge par les autorités dudit territoire désigné d'en payer le coût."

Quand on regarde dans les structures d'un cabinet — nous savons qu'à l'intérieur d'un cabinet, je pense, il y a des positions qui sont prises — je pense que chaque ministère a une autonomie qui le distingue bien. Je pense qu'on est assez chatouilleux.

Ce sont des choses humaines que nous-mêmes, nous reconnaissons chez nous, les policiers. Mais je pense qu'avec l'avènement d'un ministre de la police, avec les pouvoirs qu'il aurait présentement; pouvoirs par lesquels il pourrait, par décret, simplement donner une ligne de conduite, mettre en vigueur certaines choses, nous y trouvons un certain danger. Parce qu'à ce moment-là, si vous regardez les recommandations, le ministre de la police va se situer, à un moment donné, à certaines périodes, entre tout le cabinet et le premier ministre. C'est dans une position critique qu'il va se situer.

Avec tous les moyens techniques que vous pouvez donner aujourd'hui — je ne voudrais pas faire de procès d'intention et je pense que ce serait mal vu — on peut toujours... Les gens qui sont en place ici, je pense, sont tous bien intentionnés, et ce n'était peut-être pas l'idée du livre blanc — mais je vous dis qu'il se pourrait, éventuellement, qu'une personne qui prendrait cette fonction-là avec les pouvoirs qu'elle aurait, contrôlerait à ce moment-là beaucoup de gens. C'est un des dangers, peut-être pas pour aujourd'hui, mais je peux vous dire que, dans cinq ou dix ans, les événements, nous ne les connaissons pas et les gens qui rempliront ces fonctions-là, non plus. Seront-ils bien intentionnés ou auront-ils d'autres intentions que celles de desservir les citoyens? Toujours sous prétexte de l'efficacité.

M. PAUL: M. Marcil, si vous me le permettez, j'aurais une dernière question, tout en me référant aux pages 5 et 6 de votre mémoire. Dans le bas de la page 5, je lis ceci: "Cet empressement à vouloir tout régler par la seule efficacité de l'action policière pousse le citoyen à donner involontairement au policier une stature de nouveau croisé, seul responsable de faire respecter les lois, prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs et aussi le moyen le plus sûr à la fois de contenir la criminalité et à la fois de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne." C'est sur le texte suivant que je voudrais vous poser une question. Faudrait-il se surprendre alors que la police, poussée d'ailleurs en cela par l'inertie de ses concitoyens, prenne en main l'ordre et la justice, se fasse l'arbitre entre la protection de la société et la liberté de l'individu? Est-ce que vous pourriez commenter ce passage de votre mémoire et qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

M. MARCIL: C'est parce que l'on dit: Que toute l'efficacité, toute l'action policière contre le crime, contre tous les maux, les phénomènes d'une société qui est en évolution constante, c'est strictement le policier, par l'efficacité d'une force policière. On se dit, à un moment donné, à quelle place allons-nous nous situer? On dit, ici: "... poussée d'ailleurs en cela par l'inertie de ses concitoyens, prenne en main l'ordre et la justice." Pour nous, c'est tout cela le phénomène du pourcentage de solution de crime, toute la vague que nous avons présentement, les problèmes. On dit: C'est le policier. C'est seulement sur l'efficacité policière. A un moment donné, on va nous situer, ce sera toujours notre faute. Je pense que cela est un peu historique aussi, que c'est toujours notre faute. Pour les autres structures, on est chatouilleux pour faire des livres blancs là-dessus, on ne veut pas trop changer le système qui est en place.

De notre côté, la police, on vient à peu près à toutes les décennies, c'est le rôle de la police que l'on veut changer complètement. Encore une fois, cela n'a jamais rien changé. Changez les structures, il reste que les hommes en place ont fait des structures qui sont fonctionnelles et des structures, réellement, qui vont très bien. Changez l'homme en place et vous avez des structures qui ne fonctionnent pas. On aurait dû, au lieu de changer les structures, regarder celles qui sont en place et trouver réellement les gens qui pouvaient les faire fonctionner.

On dit: Qu'est-ce que cela apporte? On regarde à la page 5 du livre blanc: "Cette inefficacité du système a d'autres conséquences. Que la recherche du criminel soit constamment stérile et que la justice soit continuellement bloquée par la mauvaise foi de l'adversaire, l'on constatera bientôt des réactions émotives de la part des policiers et des citoyens: excès de l'action policière brouillonne, frustation qui invite le policier à la passivité, mépris des

citoyens à l'égard du système judiciaire etc. C'est justement dans ce contexte-là, lorsqu'on le regarde, c'est un peu peut-être la théorie que le ministre avait développée, que le policier, se situant dans une critique, va se demander, à un moment donné, s'il va se faire l'arbitre entre l'ordre et la justice, entre la protection de la société et la liberté de l'individu.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Marcil.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.

M. DROLET: Tout comme le député de Maskinongé, je remercie M. Marcil de nous avoir lu et déposé ce mémoire. J'ai remarqué qu'il a fait allusion tout à l'heure à ce que j'avais dit lorsqu'il a parlé surtout du livre blanc de la police plutôt que du livre blanc de la justice.

Maintenant, j'aimerais tout d'abord le rassurer un peu. Quand même, au début de son mémoire lorsqu'il dit: "Dans le contexte prévalant, caractérisé par des critiques exagérées à l'endroit de la police venant des milieux les plus divers", je peux assurer M. Marcil que, représentant un comté rural et même avant d'être député, ayant travaillé parmi la population — je ne parle pas des grandes villes comme Montréal ou Québec, mais je parle du milieu rural dans l'ensemble — la population en général n'a pas de critiques exagérées à formuler envers les policiers. Je tenais surtout à le rassurer là-dessus au début. Maintenant, comme l'a souligné tout à l'heure le député de Maskinongé lorsqu'il a dit qu'il avait dû corriger le texte du ministre, je pourrais lui dire qu'il m'a consulté dans ses questions, car ce sont celles que je voulais poser. J'en aurais seulement une à poser.

M. PAUL: Ce ne serait pas la première fois que je pourrais vous servir de maître.

M. DROLET: Alors, j'en aurais seulement une à poser à M. Marcil, avant que mon collègue de Lotbinière lui en pose quelques-unes aussi. Lorsqu'à la page 7, vous parlez beaucoup de centralisation, vous semblez craindre énormément de vous faire contrôler, diriger par l'Etat. Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez donné des explications concernant un ministère des affaires policières, un ministère de la police. Mais ne croyez-vous pas que, même si vous demeurez sous l'autorité du ministère de la Justice, vous ne pouvez quand même pas vous faire diriger ou contrôler par l'Etat ou, en fin de compte, que vous soyez dirigé ou contrôlé par le ministère de la Justice ou par le ministère de la police? C'est la même chose, c'est là-dessus que j'aimerais avoir des éclaircissements.

M. MARCIL: Bien, quand on dit que l'un des rôles naturels du ministre de la Justice, c'est d'être arbitre dans ces situations-là, je pense que c'est son rôle naturel d'arbitre. Je dis de rester dans le contexte avec un sous-ministre de la

Justice qui se donne, à un moment donné, un conseiller qui, réellement, peut faire l'appréciation sans être pour tout cela, disons, pris personnellement, faisant partie d'un corps de police avec ses propres idées ou, encore une fois, disons sa façon de concevoir son corps de police. Encore une fois, je pense qu'un des rôles du ministre de la Justice, c'est le rôle d'arbitre qui est naturel chez le ministre de la Justice et, à ce moment-là, il ne doit pas nous détacher, nous les policiers, d'un embranchement naturel de la justice, parce que, lorsque l'on parle de justice, ça part du législateur et ça s'en vient à tous les systèmes de tribunaux et ça s'en vient jusqu'à nous, les policiers. Disons qu'on ne devrait pas nous divorcer de ces structures-là qui sont naturelles. Il restera toujours au ministre de la Justice de pouvoir réparer des erreurs, parce qu'il aura en main les gens qui pourront peut-être... Mais nous sortir, nous soutirer complètement de ce ministère-là, ça place le ministre de la Justice strictement dans un rôle administratif de la justice et pour tout cela, sans qu'il ait de regard sur la police. Il est bien évident qu'on n'accepte pas que le ministre de la Justice ait tous les pouvoirs qui sont recommandés aussi dans les livres blancs. Au moins que l'on puisse placer dans les structures, tel que je l'ai dit tantôt, d'un sous-ministre qui pourrait certainement faire la part des choses, l'appréciation des corps de police, l'appréciation des événements, les situer dans un contexte. Je pense, encore une fois, que c'est une recommandation que nous avons faite au mois de février. C'est celle que nous avons retenue pour au moins nous garder dans des structures où il pourra facilement, s'il y a injustice ou quelque chose qui se passe, avoir l'autorité de tout remettre en place.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Marcil. Le député de Lotbinière a une question à poser.

M. BELAND: Oui, vous avez laissé soupçonner certains doutes que vous pouvez avoir dans le moment ou que vous avez eus jusqu'à ce jour au sujet des outils nécessaires ou de certains outils nécessaires pour exercer efficacement vos fonctions de policiers. Vous avez même, en page 5, émis l'opinion que justement vous n'aviez pas eu les outils nécessaires ou qu'on ne vous avait pas donné la permission d'aller creuser à l'origine des maux ou des malaises actuels. Dans quel sens avez-vous dit cela?

M. MARCIL: Je regrette, ici, j'aurais pu vous montrer un exemple facile. Je l'avais ce matin. Vous avez l'auto que voici: "Introducing a crime stopper so advanced that Dick Tracy does not have it yet ! Cela fonctionne présentement dans les milieux américains. C'est simplement sur une console à côté d'une auto-radio, le type peut communiquer avec une centrale et cela peut passer à peu près par tous les échelons de la justice américaine, des corps de police; dans

l'espace d'une minute, vous pouvez avoir facilement la description d'une auto, savoir à qui appartient cette auto-là et obtenir une foule de renseignements sur le propriétaire de cette auto. C'est un exemple.

Chez nous, on a enlevé le système de "line-up", c'est-à-dire que la Sûreté se réunissait tous les matins et on faisait un "line-up" des gens qui avaient été arrêtés pour voir si les policiers ne recherchaient pas ces gens-là pour d'autres crimes. Cela a été aboli arbitrairement en 1962. Aujourd'hui, vous vous en allez dans la rue — sinon, on vous passe quotidiennement, dans un journal, des portraits — mais il est difficile avec un portrait-robot d'identifier quelqu'un. Nous avons toujours demandé d'avoir un système de circuit fermé de télévision pour que, quand ces choses arrivent, les policiers d'un poste puissent dire: Celui-là est recherché, un tel est recherché dans telle cause; il y a une jeune fille disparue, il y a telle personne. Ce sont des moyens que nous n'avons pas présentement. On pourrait continuer cette énumération. Chez nous, encore une fois, les armes que nous utilisons depuis 20 ou 25 ans, ce n'est rien. Ici, à Sainte-Foy, vous avez dans l'auto-radio un fusil 12, mais chez nous c'est non existant. Chez nous, le policier arrive sur la scène du crime — il y a peut-être eu une vingtaine de fusillades, si ce n'est pas plus, dans le courant de l'année — il a encore une arme à six balles, alors que le voleur ou le criminel a les meilleurs équipements, les meilleures mitrailleuses. Je comprends que les villes sont aux prises avec des problèmes financiers et c'est pour cela que nous disons qu'il y a certainement quelqu'un... Je trouve curieux que l'Union des municipalités n'ait pas fait à ce jour de démarches. Quand on dit qu'en temps de guerre le gouvernement fédéral donne tous les subsides pour le bien de la cause et qu'en temps de paix on mesquine, il n'y a absolument rien qui est fait pour venir en aide aux forces de l'ordre, par les municipalités, pour un besoin de 5 p.c. ou 10 p.c, dans le sens d'une réglementation municipale, alors que le policier fait appliquer à 80 p.c. le code criminel et les lois provinciales. Je trouve qu'à un moment donné il faut que quelqu'un nous vienne en aide pour remplacer un équipement aujourd'hui désuet. Regardez à Montréal, il n'y a pas de doute que l'équipement est insuffisant malgré que l'équipement soit un peu plus moderne que dans d'autres villes. Il y a déjà sur le marché un équipement plus moderne et qu'on n'a pas.

M. BELAND: Je suis complètement d'accord qu'il y aurait à faire une coordination d'efforts et compte tenu de tous les outils nécessaires. Maintenant je pose une autre question. Vous semblez douter à un endroit que la société se soit à ce jour donné des lois justes et nécessaires pour l'application de la justice. Est-ce que, dans le passé, on a consulté les différents représentants policiers dans le but de rédiger ou avant de rédiger les différents textes de loi qui aujourd'hui sont nos textes de loi et sont très rigides? Est-ce que vous avez été consultés ou si quelqu'un d'autre l'a été?

M. MARCIL: Sur le livre blanc, nous avons été consultés à la fin, alors que, je pense, l'idée était pas mal faite. La commission nous avait rencontrés mais, encore une fois, c'était à la fin du livre blanc, à toutes fins pratiques, nous avions l'impression que c'est après certaines recommandations que nous avions faites qu'on a décidé de nous consulter. Je ne voudrais pas faire de procès d'intention mais nous avons été consultés à la fin sur le livre blanc. Vous parlez de pièces de législation, on a amené le gouvernement fédéral en juin 1970, on a sorti le bill 220. Le bill 220, qui a été amendé et qui s'appelle C-218, est une pensée législative qui modifie totalement le travail du policier. Le policier n'a pas le droit d'arrêter, lorsque la sécurité publique n'est pas mise en danger. Je vous demande ce que cela veut dire, quand la sécurité publique n'est pas mise en danger. Le syndicat chez nous et la fédération ont consacré plusieurs milliers de dollars pour faire des représentations. Nous en avons fait au ministre de la Justice, au Montmartre canadien. Il a immédiatement nommé des conseillers à la Commission de police et on a fait un comité qui réellement a bien fonctionné. Quand les législateurs ont fait cette loi, je ne peux pas comprendre comment ils se sont imaginé, les types qui ont fait cette loi, de quelle façon en pratique elle pouvait être réalisée. Si après avoir fait cette loi, ils étaient descendus dans la rue et avaient eu à l'appliquer pendant six mois, ils auraient vu que c'est impossible. Lorsque la sécurité publique n'est pas en danger, vous ne devez pas arrêter, vous procédez par voie de sommation.

C'est-à-dire, je vais chez vous, je vais chercher la télévision en couleurs, vous sortez, je vous donne une sommation. Vous allez chercher l'autre, la sécurité publique n'est pas mise en danger. Si je vous arrête — la loi dit qu'elle a des dents — le policier est passible de poursuite au civil et au criminel.

Avant de partir, lundi, nous avons envoyé un télégramme à M. Turner. Cette loi entre en vigueur le 2 janvier et il n'y a pas un policier dans le Québec qui la comprend. Cette loi change, le plus radicalement, son travail de policier depuis 25 ans, sa pensée de policier. Il n'y en a pas un qui a eu un cours, il n'y a même pas d'instructeurs présentement qui sont habilités pour donner ces cours. Quand nous avons siégé à la Commission de police, il y avait le juge, qui présidait, puis sept avocats, et nous avons eu toutes les misères du monde à comprendre le sens de cette législation. On dit au policier: Toi, le 2 janvier, tu la mets en pratique. Quant au bill omnibus qui est présentement en vigueur depuis deux ans, au Canada, les policiers ne savent pas comment l'appliquer. D'un corps de policiers à l'autres, il est appliqué

différemment. Il n'y a personne qui dit au policier: Toi, il y a une nouvelle pensée, il y a une nouvelle législation, on va te donner le temps de penser, te donner une nouvelle philosophie de cette législation.

Je pense que c'est sérieux. Quand on prend le bill 218, s'il est mis en vigueur le 2 janvier, je vous dis sincèrement, il y a un danger sérieux pour le policier et la société.

M. CHOQUETTE: M. le Président, puis-je ajouter quelque chose à ce que M. Marcil a dit en réponse à la question du député?

M. Marcil, avec un groupe, a travaillé au sein de la Commission de police pour faire des représentations au gouvernement fédéral, et ceci, je crois, avant l'adoption du bill. De toute façon, le bill C-218 tel qu'adopté, est un bill extrêmement complexe, un bill qui comporte, je crois, 200 articles et plus. Cette semaine, j'ai moi-même communiqué avec le ministre fédéral de la Justice et je lui ai demandé de retarder la mise en vigueur de cette loi pour une période de trois mois, de façon à nous donner le temps d'assurer la formation voulue chez les policiers. Parce que le bill de la façon qu'il est construit, délègue aux policiers des pouvoirs, en somme, très considérables sur l'octroi de cautionnement ou le refus de cautionnement, suivant les infractions ou les crimes dont il est question. Il nous a semblé qu'il était prématuré que le bill entre en vigueur le 2 janvier, tel que le gouvernement fédéral le proposait.

J'ai entendu dire aussi que l'Ontario avait fait de même.

M. MARCIL: On vous en remercie, M. le ministre.

M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le fédéralisme rentable ne rapportera pas grand-chose.

M. CHOQUETTE: Je ne sais pas, je ne dirais pas cela. Au niveau de la rentabilité ou au niveau de l'efficacité de cette loi.

M. BELAND: Même si je savais que j'étais très ignorant sur tout le fonctionnement de l'affaire policière au Québec, je suis très content d'avoir posé cette question-là et que vous m'ayez répondu dans ce sens-là. Cela va, je pense, non seulement éclairer ma petite lanterne, mais en éclairer plusieurs.

A la page 12, nous avons également relevé un petit détail. Vous y émettez un certain doute concernant l'application des changements qui seraient apportés subséquemment si ce livre blanc était appliqué. Par contre, je me pose également la question suivante: Lorsque l'on parle de tendance à ce que les résultats d'enquêtes puissent avoir des suites seulement si le ministre le veut, ou seulement si un tel politicien le veut, à ce sujet-là, tel qu'énoncé, ou tel que je pense le comprendre, ce facteur n'est pas nouveau. C'est malheureusement vrai, parce que je ne suis pas en faveur de cela. Par contre, vous, de quelle façon voyez-vous la possibilité d'améliorer ce domaine-là?

M. MARCIL: Je m'excuse, vous parlez d'améliorer quel domaine?

M. BELAND: D'améliorer le domaine à la suite d'un résultat d'une enquête quelconque sur un état de fait bien précis. Que ce soit pour vol, ou peu importe pour quelle action mauvaise ou jugée mauvaise, mais qu'à un moment donné tout arrête, pour s'exprimer en langage très clair, cela a été arrêté soit par un politicien, soit par le ministre ou soit par d'autres personnes, de quelle façon verriez-vous une suite logique ou une nouvelle normalisation à la suite de ces faits-là?

M. PAUL: M. le Président, j'en appelle au règlement.

Je comprends parfaitement les énoncés de l'honorable député de Lotbinière, mais je dois vous dire que, pendant le temps où j'ai été ministre de la Justice, je n'ai jamais arrêté de procédures contre qui que ce soit et je suis convaincu que le ministre de la Justice actuel n'entrave aucunement la marche normale des policiers et les agissements de nos tribunaux. Je ne voudrais pas que mon collègue, le député de Lotbinière, saisisse cette occasion. Heureusement, ce sont des gens plutôt avertis et très spécialisés que nous avons ici ce matin. Je suis convaincu que les paroles du député de Lotbinière ne reçoivent pas une oreille attentive de la part de l'auditoire. Je voulais m'inscrire en faux, M. le Président, contre cette déclaration du député de Lotbinière à l'effet que le ministre ou des politiciens peuvent arrêter au sein du ministère de la Justice le cours normal des plaintes qui sont portées sur les recommandations ou à la suite d'enquêtes de la Sûreté du Québec ou d'une sûreté municipale.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez, je pense que l'honorable député de Maskinongé a tout à fait raison, mais je crois que, dans le mémoire de la fraternité, il s'agit des enquêtes faites par la commission de police. La commission de police, comme on le sait, de par sa loi, a le pouvoir de faire enquête sur un ou des corps de police. Or, il arrive fréquemment qu'elle examine par exemple le corps de police d'une municipalité, et à la suite de son enquête, elle fait un rapport.

Or, aujourd'hui, en vertu de la loi telle qu'elle existe, les recommandations de la commission de police ne sont pas exécutoires. Ce qui se produit, c'est qu'il est laissé aux autorités municipales ou au chef de la force policière dont il s'agit, le droit soit de mettre les recommandations en vigueur ou de ne pas les mettre. L'objet de la recommandation qui se trouvait au livre blanc visait en somme à dire:

Une fois que la commission de police se sera prononcée, le ministre de la Justice ou le ministre de la police ou de la sécurité publique, si nous devions constituer un tel ministère, pourra dire: Je considère que ces recommandations sont valables et doivent être mises à exécution.

Ce n'est pas l'enquête policière qu'il s'agit d'arrêter, il s'agit de savoir dans quelles conditions les recommandations de la Commission de police doivent avoir un effet exécutoire.

M. DROLET: M. le Président, sur le même rappel au règlement, je pense que le député de Maskinongé n'a pas saisi directement la question du député de Lotbinière. Le député de Lotbinière n'a pas porté d'accusation, absolument pas, il a tout simplement dit, en se référant à la page 12, deuxième paragraphe, qu'il demandait des explications à M. Marcil et je pense que M. Marcil était justement prêt à répondre à la question du député de Lotbinière. Il n'y a absolument pas eu d'accusation portée contre qui que ce soit. Je ne sais pas s'il y en a qui se sont sentis visés...

M. BELAND: Je n'avais nullement pensé non plus que l'honorable député de Maskinongé se serait senti piqué, avant de poser ma question. Je demanderais, s'il vous plaît, à M. Marcil, s'il a quelques observations à faire à ce sujet.

M. MARCIL: Dans l'ensemble, ce qu'on dit dans le paragraphe, c'est qu'on donne à la Commission de police les pouvoirs de faire enquête sur la criminalité, sur l'efficacité des corps de police. On lui donne tous ces pouvoirs. Après ça, on lui donne le pouvoir pour que ses recommandations deviennent exécutoires. Je pense que c'est un danger, c'est ça qu'on souligne quand il dit: "... devrons craindre qu'une commission aux pouvoirs aussi étendus à cause de l'imprécision même de sa compétence, puisse verser dans la recherche abusive de tout ce qui pourrait tomber sous les dénominations "terroristes" ou "groupements révolutionnaires", et demander ensuite que les résultats de ses enquêtes deviennent exécutoires sur décision du cabinet ou du ministre."

C'est notre interprétation du livre blanc, c'est l'impression qu'il nous a donnée sur les pouvoirs de la commission de police.

M. BELAND: Pour notre part, je tiens à remercier sincèrement M. Marcil pour les explications.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Marcil, comme tout le monde le sait, le corps de police de Montréal, malgré ses imperfections, est sans doute un des corps de police les mieux organisés, où les standards au point de vue des qualifications sont peut-être parmi les plus élevés. Je ne dis pas ça pour vous flatter au départ...

M. MARCIL: J'ajouterai aussi un des plus humains.

M. BURNS: On verra ça avec le temps, on jugera. Mais je me demande si ce facteur n'a pas été l'élément important dans vos réticences à l'égard de la régionalisation. Je me demande si vous avez tenu compte du fait que, pour beaucoup de corps de police, la régionalisation, à toutes fins pratiques, revaloriserait la fonction de policier en augmentant les qualifications requises, en augmentant leur efficacité et aussi en les enlevant de la férule de certaines administrations municipales locales. En somme, ma question est celle-ci: Est-ce que vos remarques ou vos réticences concernant la régionalisation tiennent compte aussi de l'ensemble des autres corps de police municipale au Québec?

M. MARCIL: Ce qu'on a dit au tout début, c'est que les modalités, les mécanismes qui vont être mis pour une telle régionalisation...Si on me dit que la région de la Gaspésie sera une des dernières, peut-être que le taux du crime ne nécessite pas immédaitement la régionalisation. On dit là-dedans qu'on régionalise. Si on dit qu'on est d'accord, on régionalise quoi? On régionalise où? De quelle façon? Quels vont être les services qui vont être impliqués? Il n'y a pas d'organigramme ou il n'y a pas de plan de régionalisation. On dit qu'à un moment donné on pourrait régionaliser la moitié du Québec en comparaison avec l'autre moitié; on ne nous dit pas de quelle façon on va faire la régionalisation. Quand on regarde l'article 16, il est dit: "Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse sur recommandation du ministre, après rapport d'un commissaire-enquêteur, décréter l'intégration régionale des forces policières dans un territoire déterminé". C'est laissé au cabinet. Nous disons en le regardant qu'il n'y a pas de mécanisme qui aurait pu nous dire la façon dont ils vont faire cette régionalisation; c'est quelque chose de réellement valable dans tel contexte, dans un tel milieu. Déjà, au point de vue économique, on a divisé la province en dix régions; la commission Prévost prévoyait la même chose. D'ailleurs, le livre blanc là-dessus n'est pas précis, en ce sens qu'il ne nous dit pas de quelle façon il prévoit qu'une régionalisation peut se faire et soit rentable pour le citoyen et pour le policier.

M. BURNS: En somme, vous n'êtes pas, je pense, contre la régionalisation en soi, mais plutôt contre les mécanismes de mise en place...

M. MARCIL: Qu'on ne connaît pas.

M. BURNS: ...ou l'absence de mise en place.

M. MARCIL: L'absence de mécanisme de mise en place.

M. BURNS: J'ai une deuxième question. Vous avez fait référence pour appuyer votre position contre la formation d'un ministère des affaires policières, au Home Office en Angleterre où — je pense, que c'est de notoriété publique — la police est peut-être une des plus libérales au monde, au bon sens du mot et non au sens ministériel du mot.

M. MARCIL: Pas toujours. Disons que c'est au bon sens du mot.

UNE VOIX: Sans plus de commentaires.

M. BURNS: D'autre part, vous avez référé également au ministère de l'intérieur en France où, peut-être, c'est le contraire. C'est peut-être une des polices les moins libérales. Est-ce que dans cette optique, vous ne croyez pas qu'au fond c'est la mentalité qui préside à la mise en application de ces divers ministères de l'Intérieur ou ministères de police plus que la structure elle-même, qui puisse faire de ça un Etat policier ou quoi que ce soit?

M. MARCIL: Quand on a parlé du Home Office — je crois que c'est le ministre de la Justice qui l'a mentionné — je pense qu'une étude a été faite aussi en France. Si vous me permettez, je vous lirai un passage de M. Lantier qui a été policier et qui a vécu le système. A la page 46, il cite entre autres des histoires de cabinet: "Est-ce que ce tempérament — c'est un policier dont la carrière a débuté en France en 1939 et qui a pris sa retraite vers les années 1968-69 — en quelque sorte insaisissable déroute les hommes de gouvernement? Toujours est-il que la police des policiers partage avec la gendarmerie, troupe d'élite s'il en est, la constante humiliation d'être dirigée et administrée par des personnalités issues de corps étrangers à elle. Ces personnalités qui sont choisies parmi les préfets, les professeurs, les militaires, les cadres syndicalistes ont pour point commun d'avoir un égal mépris à l'égard des forces qu'elles ont à administrer, une méconnaissance totale de la profession qu'avec une idée fort exagérée d'elle-même et une superbe imprudence, elles acceptent d'exercer sans la moindre préparation.

Il y a divorce entre la police et ses dirigeants, c'est-à-dire entre la police et ceux que les gouvernements prétendent lui donner pour maîtres. Si l'on en croit les confidences de ces derniers, les opérations se déroulent toujours selon le même cliché. Un politicien plus ou moins chevronné arrive à la tête du ministère de l'Intérieur avec l'intention bien arrêtée d'utiliser la police pour des combinaisons du genre de celles qu'il attribue à ses prédécesseurs. Dès le début, il se heurte à la mauvaise volonté évidente des cadres de la police qu'il soupçonne aussitôt de travailler pour ses ennemis. Il se débarrasse d'abord des gens du cabinet, de ses prédécesseurs et il les remplace par des amis personnels, disposés à toutes les vilaines besognes susceptibles de favoriser sa carrière et d'asseoir son propre parti. C'est ainsi que les cabinets des ministres de l'Intérieur, à côté d'authentiques fonctionnaires, attirés par la politique ou fidèles à des amitiés, grouillent de personnages venus de tous les milieux. Ils constituent une superpolice, incontrôlée et incontrôlable, qui se permet au nom de la Sûreté nationale des opérations et des coups dont les fonctionnaires de police sont parfois les premières victimes. L'ensemble des fonctionnaires de police estime que l'un des plus gros scandales depuis l'armistice de 1940 consiste dans le fait que les cabinets des ministres de l'Intérieur ne sont pas limités aux quelques personnalités respectables qui sont nommées par décret et à titre provisoire, mais pullulent entre autres de vrais potentats et de faux policiers qui encombrent, dénaturent et compromettent la police officielle."

C'est une partie de son bouquin qui peut être citée. Je pense — je ne voudrais pas être un prophète de malheur, ce qu'on dit, en anglais "prophet of doom" ou le croisé — qu'en lisant le livre blanc, et je l'ai dit, les gens de la commission auront bien saisi la pensée de la Fraternité des policiers. On dit dans le système actuel: Nous n'y voyons peut-être pas, à première vue, avec les gens qui sont en place. Mais il reste qu'avec les dispositions de ce livre blanc, nous nous posons des questions sérieuses sur notre avenir, si les gens en place qui font un système ne sont pas les gens que nous avons présentement. Je pense que c'est un peu résumer notre pensée.

M. BURNS: Ne croyez-vous pas que la situation noire que vous venez de nous lire ne pourrait pas aussi se présenter avec une direction générale à l'intérieur du ministère de la Justice?

M. MARCIL: Oui, il n'y a pas de doute. Je pense, encore une fois, d'une façon ou d'une autre, en regardant les pouvoirs, on dit, à un moment donné: Les pouvoirs accrus au ministre de la Justice. Avant de partir, on aurait dû faire le bilan des années 1950-60, 1960-70 et regarder réellement les structures qui sont en place. Je l'ai dit, le pourcentage de solution du crime n'est pas le seul critère valable pour changer complètement des structures. Quand on a changé chez nous les structures, dans les années 1961-1962, il n'y a pas de doute que cela a perturbé le service de police au complet. On a changé des techniques, on a changé des moyens de travail de façon radicale. Il n'y a pas de doute qu'à un moment donné, la solution est allée un peu... le moral était mauvais. Il n'y a pas de doute que ces mesures ne correspondaient pas à un travail qui avait été fait chez nous par des policiers avec une expérience de l'Amérique du Nord. Cela avait été implanté par des gens venant de l'extérieur, peut-être bien

intentionnés, mais encore leur système ne pouvait pas s'adapter au contexte nord-américain. Cela a changé complètement chez nous. Quand on fait des changements de ces structures, il n'y a pas de doute que l'efficacité des forces policières en mange pour son coup pendant une certaine période d'années.

M. BURNS: Merci, M. Marcil.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. Marcil, les réponses que vous avez données aux diverses questions sont très intéressantes, forment un vaste tour d'horizon. Ce qui m'intéresse beaucoup dans votre mémoire, c'est l'accent que vous mettez dès le début sur la criminogénèse. Je suis content de constater que votre fraternité porte un vif intérêt aux questions de criminogénèse. Il semble que parmi les facteurs de criminogénèse, vous incluez aussi bien les injustices sociales que l'industrie du crime organisé. Est-ce à dire que vous vous dirigez vers un deuxième front, que, outre les revendications liées simplement à la sphère du travail, vous vous intéressez de plus en plus au fondement véritable de votre action au sens de votre action? En ce sens, est-ce que vous estimez que les études que nous possédons actuellement au Québec sur la criminogénèse sont suffisantes? Est-ce que celles de la commission Prévost sont suffisantes? Est-ce que vous estimez qu'il devrait y en avoir d'autres, qu'elles sont incomplètes? Donc, il faudrait les compléter. Est-ce que vous estimez aussi que votre fraternité devrait mener sa propre enquête sur les facteurs de criminogénèse dans notre société, étant donné l'expérience de première main que vous avez depuis longtemps de tous ces facteurs de criminogénèse et des résultats qui s'ensuivent pour notre société?

M. MARCIL: Je pense que vous essayez de résumer, en disant: Est-ce que nous serions prêts à présenter quelque chose qui pourrait situer l'ensemble de la justice, l'ensemble des forces de l'ordre dans une meilleure lutte contre le crime? Je pense que c'est un peu votre idée. Chez nous, quand on a parlé du bill C-218, strictement comme syndicat, nous aurions pu nous empêcher de faire des revendications. Nous y avons mis, encore une fois, une somme d'argent assez considérable et aussi, je pense que nous avons éveillé beaucoup de gens au Canada pour situer les dangers du bill C-218. Quant au bill C-218, ce n'était pas simplement au point de vue du policier, c'était aussi au point de vue du citoyen. Quand je vous ai parlé tantôt du magazine, est-ce qu'on retourne à une société de l'âge des cavernes? Est-ce qu'on retourne à un cloisonnement primitif? Est-ce que les gens, aujourd'hui, qui paient des taxes, je pense, assez substantielles, n'ont pas le droit d'aller au théâtre, d'aller au musée, ou d'aller visiter des lieux historiques sans que la peur d'un crime soit telle qu'ils soient obligés de se barricader à l'intérieur de leur demeure?

Aujourd'hui, la criminalité que l'on voit aux Etats-Unis, c'est une question de temps pour qu'elle nous frappe, chez nous. Les troubles sociaux, ordinairement, suivent toujours au Canada, quelque temps après. Il reste que dans tout ce contexte à chaque fois que l'on nous a demandé d'apporter notre collaboration, nous l'avons apportée. Nous avons dépensé des sommes d'argent — quand on a parlé tantôt des maladies chez les policiers — au point de vue des maladies nerveuses, etc. Nous avons investi un montant de $12,000 à $15,000. Nous investissons vis-à-vis de nos membres et aussi vis-à-vis d'une société.

Pour répondre à votre question, je pense que si on nous demandait notre collaboration, si on nous consultait sur certaines choses, il nous ferait toujours plaisir d'y apporter notre collaboration avec l'expérience que nous avons.

M. LAURIN: Est-ce que votre fraternité a l'intention de prendre des initiatives sans qu'on les lui demande dans ce domaine-là?

M. MARCIL: J'essaie de comprendre, quand vous me dites: Prendre des initiatives. Je pense que vous y avez rattaché les troubles et les malaises sociaux que nous avons. Je pense qu'il serait assez facile pour nous de critiquer les gouvernements. Ce n'est pas notre but. Nous nous en sommes toujours tenus à l'objectivité dans nos revendications devant le législateur, soit pour l'étude de bills privés ou encore lors de commissions parlementaires pour faire valoir notre point de vue. Nous serions prêts — je pense que nous sommes certainement prêts — à contribuer à soulager les malaises de notre société. Il n'y a pas de doute que lorsque le chômage est plus élevé, c'est à ce moment-là que vous avez besoin de plus de policiers. Dans le temps de la crise, on avait besoin de plus de policiers. Par contre, lorsque le pays est en prospérité, que les gens travaillent, ou que les réformes sociales correspondent aux aspirations de la population, il n'y a pas de doute que notre travail est moins affecté.

Vous pouvez avoir un corps de policiers qui se situe dans une banlieue peut-être plus en moyen que la normale, là où on peut se permettre d'avoir plus de policiers à cause des revenus de la municipalité. Alors, on peut assurer une meilleure protection et, à ce moment-là, le taux du crime va être non existant parce que cela se situe exclusivement dans une banlieue à l'aise. Vous pouvez regarder dans d'autres milieux, dans des milieux défavorisés, et c'est peut-être l'exemple que l'on donne dans le Life.

A ce moment-là, ça prend plus de policiers, mais il faut vous dire que nous sommes bien prêts à collaborer avec toutes les institutions...

M. CHOQUETTE: M. Marcil, je ne pense pas que l'on puisse affirmer, et je ne pense pas que

ce soit ce que vous dites, qu'il y a corrélation entre prospérité et non-criminalité ou pauvreté et criminalité.

M. MARCIL: Non, pas nécessairement.

M. CHOQUETTE: Il n'y a pas de loi automatique dans ce domaine-là.

M. MARCIL: Non, pas nécessairement.

M. CHOQUETTE: On connaît des sociétés pauvres, comparativement à la nôtre, où le taux de la criminalité est très bas. Je crois que ce que les spécialistes de la question ont déduit, c'est que ce sont les périodes de changement social, les périodes de mutation, là où la famille, où l'unité sociale est brisée, soit par les circonstances, le déplacement ou autrement, qui sont des facteurs qui incitent à la criminalité. A ce point de vue-là, je pense que l'Amérique du Nord subit actuellement un bouleversement et ça entraîne des répercussions.

M. MARCIL: Ce qu'on dit, c'est qu'une municipalité peut se permettre 50 policiers, alors qu'une autre municipalité qui est dans une situation moins favorisée, ne peut se payer, pour la même population que 10 ou 15 policiers. A ce moment-là, dans une société mieux placée, dans une banlieue, vous pouvez avoir les services de 50 policiers, et que le nombre de personnes ou le même prorata de policiers nécessaires se retrouvent dans une ville moins favorisée. A ce moment-là, vous n'avez pas les gens en place pour assurer une protection efficace... D'une façon, ce qu'on veut dire, c'est que, les revenus n'étant pas suffisants, la ville n'embauche pas le nombre suffisant de policiers pour les besoins de sa population. A ce moment-là, ça permet au crime d'avoir plus de place dans cette société qui se situe à ce niveau-là.

M. LAURIN: J'ai une dernière question, M. Marcil. J'ai remarqué que dans les réponses aux multiples questions qui vous ont été demandées, vous avez souvent mis l'accent sur la consultation et la participation aux décisions qui affectent votre travail. J'enchafne aussi avec ce que vous avez écrit en page 12: "Les citoyens doivent craindre qu'une commission aux pouvoirs aussi étendus, à cause de l'imprécision même de sa compétence, puisse verser dans la recherche abusive de tout ce qui pourrait tomber sous les dénominations terrorisme ou groupements révolutionnaires. "

Je pense que c'est un exemple que vous donniez peut-être. Est-ce à dire que, dans cette recherche du sens de votre action et des fondements de votre action, vos membres se refusent de plus en plus à jouer un rôle purement passif ou encore à devenir les serviteurs inconditionnels d'un ordre établi dont ils n'acceptent plus les fondements?

M. MARCIL: Je pense qu'il faut bien se situer dans ce contexte-là, et je l'ai bien dit. Encore une fois, les paroles que j'ai citées sont les paroles de Camus dans son livre "Les justes". Il dit: "Moi je suis au centre (il parle du policier) et d'ailleurs c'est pour cela que je me suis fait policier, c'est pour être au centre des choses."

Chez nous, notre pensée est que nous respectons et faisons respecter des lois. Notre rôle, ce n'est pas, je pense, de contester les lois qui sont mises en vigueur. Je pense que ce n'est pas notre rôle. Notre objectivité se situe au service d'un Etat, d'une formule démocratique qu'une société s'est donnée.

Encore une fois, si une pièce de législation n'est pas favorable ou ne correspond pas aux besoins du public, je pense qu'il y a des gens qui ont le droit... Parce que moi, on m'a mis de côté, on m'a dit: Tu ne feras pas de politique, tu n'auras pas le droit de te présenter à une élection, tu ne seras pas organisateur d'un parti politique. Puis, on me dit d'un autre côté, après m'avoir tout défendu cela: Tu vas être celui qui va juger que les règles d'une société, les règles d'une législation sont justes ou sont injustes.

A ce moment-là, je dis que c'est la même chose. Si on me disait, à un moment donné, que c'est moi qui donne le consentement à une législation, ou je dis oui, ou je dis non. Je pense, encore une fois là-dessus, que le policier comme tel, à moins d'ordres réellement ridicules, je pense, dis-je, que ce serait une question d'appréciation. Mais lorsque le gouvernement a adopté la loi des mesures de guerre, on a dit après: Aujourd'hui ce n'est peut-être pas cette loi-là qu'on adopterait. Parfait. C'est le législateur qui décide. Mais quand on nous dit qu'on a agi avec une grande naiveté, on charrie! On charrie, je pense, là-dedans, d'une façon que nous n'acceptons pas.

M. PAUL: Vous avez toujours le respect de l'autorité.

M. MARCIL: Oui, il faut absolument que chez nous j'aie le respect de l'autorité. Il le faut, parce que mon rôle se situe, je pense, et le public nous regarde. Il regarde notre objectivité aussi. Il regarde pour voir si nous ne sommes pas des gens radicaux. On pourrait facilement monter sur des tribunes, mais, autant que possible, on essaie de faire valoir notre point de vue avec plus d'objectivité. Je l'ai dit au tout début, c'est pour cela qu'on vient devant la commission parlementaire; peut-être qu'elle ne plaît pas, notre critique du livre blanc, mais encore une fois, elle est basée sur l'objectivité. Dans ce qu'on a pu penser, peut-être que certains nous diront que nous avons erré; encore une fois, je pense sincèrement que nous avions vu dans le livre blanc des choses qui nous ont fait réfléchir, qui auraient pu se situer dans un contexte d'avenir fort difficile pour la population et le policier. Quand la population

aura permis la police des policiers, elle se sera permis une police d'Etat et c'est dans cette idée-là qu'on l'a écrit le livre blanc. Je ne sais pas si cela peut répondre à votre question.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le député de Matane.

M. BIENVENUE: M. Marcil, dès le début de votre mémoire, dans l'introduction, vous parlez de ceux qui vous critiquent, ceux qui soulignent votre grande naïveté ou votre soumission au pouvoir et vous critiquez ceux qui vous critiquent; je vous donne entièrement raison. Par ailleurs, vous dites plus loin, toujours dans votre mémoire, que vous ne devez pas être séparés du reste de l'appareil judiciaire, que vous ne devez pas être isolés de la justice et je pense, comme vous, à tous les autres qui ont un rôle à jouer dans la poursuite du crime et des criminels. Je sais aussi que la police de Montréal, à laquelle vous appartenez, joue un rôle prépondérant dans cette province, dans la poursuite du crime et des criminels. Ma question est la suivante, M. Marcil: Quelle est l'opinion ou quel est le degré d'appréciation de votre fraternité, de vos membres vis-à-vis du rôle que peuvent jouer certains autres facteurs ou éléments de l'appareil judiciaire? Je pense en particulier aux tribunaux, parce qu'on sait quel rôle important jouent les tribunaux, je pense aux sentences et je pense à d'autres organismes telle la Commission des libérations conditionnelles. Quel est votre degré d'appréciation de leur assistance, de leur appui et de leur coopération dans la poursuite du crime et des criminels?

M. MARCIL: Est-ce que vous m'accordez une seconde?

Je pense encore une fois, on l'a dit au début, que si tout l'appareil judiciaire avait fait le bilan où nous sommes rendus dans la société, est-ce que toute cette vague de libéralisme, est-ce que toutes ces idées nouvelles de législation, on ne devrait pas à un moment donné les arrêter? Tout le monde devrait se réunir, le législateur, tout le monde de l'appareil judiciaire, et dire: On fait le bilan. Qu'est-ce qui ne va pas? Est-ce que ça se situe au niveau du policier? Est-ce que ça se situe au niveau des tribunaux? Est-ce que à un moment donné, la politique que le législateur fait est difficile en pratique et est-il difficile de mettre en exécution pour le policier tout l'appareil judiciaire? Est-ce que la formule des libérations conditionnelles est une formule qu'on devrait repenser? Est-ce que le système pénitentiaire est adéquat? Est-ce que réellement ça correspond aux besoins d'une société?

Ce que nous, nous disons, c'est qu'il était ridicule, à la fin du XIXe siècle, de tuer quelqu'un, de pendre quelqu'un pour avoir tué un animal, quoiqu'un animal, dans le temps, fût quelque chose de précieux dans la société.

Mais, on dit aujourd'hui: Est-ce que le balancier n'a pas changé complètement? Ne s'en est-il pas allé pour nous placer derrière les barreaux puis retourner à l'âge des cavernes? Ce n'est pas seulement l'appareil judiciaire, ce n'est pas juste l'efficacité policière. Vous pourrez avoir l'efficacité policière la mieux planifiée, vous pourrez avoir le cas parfait où tous les crimes auront été résolus à la fin de l'année, mais est-ce que nous autres, en bas, la roulette qui passe par les tribunaux, qui fait toute la roue et revient toujours dans la même machine... C'est pour ça que nous avons dit que si on avait regardé le livre blanc dans son entier, on n'aurait pas écrit ce livre blanc-là. Ce n'est pas ça qu'on aurait écrit, parce que ce n'est pas là le problème. Une partie du problème est là, mais il se situe aujourd'hui. Le gouvernement fédéral accorde des subsides à des instituts de criminologie, peut-être à bon droit, mais nous, les policiers, quels subsides avons-nous pour avoir les mêmes moyens, les mêmes pensées? Chez nous, il y a dans le corps de police environ 3000 hommes qui suivent des cours assez avancés. Ils le font à même leur propre temps. Les policiers de la fédération dans la province de Québec veulent se perfectionner, mais ils n'ont pas tous la facilité de le faire.

Encore une fois, quand vous parlez de l'appareil, on se situait dans une conférence de presse. Il y avait eu des policiers abattus. Il y a une violence qui sévit présentement dans la société et qui n'est pas admissible. Regardons un Etat comme les Etats-Unis, qui est à peu près ce qu'il y a de plus riche. On en est rendu à un degré tel, le crime agit de telle façon qu'on est obligé de se barricader dans une société. Je paye mes taxes mais le soir j'ai peur d'aller au théâtre ou à la Place des Arts ou dans tout autre endroit, parce que je vais être insulté, battu ou volé. Je pense qu'on commence à dépasser les bornes. On revient vers l'état des cavernes. C'est aussi simple que cela.

Quand on a fait une conférence de presse, au mois de septembre, on disait: En l'espace de quatre jours, quatre policiers de carrière ont été abattus. Ce matin, l'un d'entre eux, qui avait peine à parler, disait: C'est "ma job". C'est vrai que c'est "sa job", mais sera-t-il encore capable de la faire?

Le système, je le qualifierais ainsi, révèle cependant l'avachissement d'hommes placés de bonne foi par les citoyens au service de cette société pour la protéger et lui permettre de vivre ainsi qu'elle a été conçue et développée.

Le système permet aux politiciens de favoriser par de soi-disant réformes l'infime minorité que sont les criminels au détriment de l'ensemble des citoyens qui, eux, respectent les lois et les règles du jeu. Ainsi à titre d'exemple, le système permet à une certaine justice de se moquer ouvertement de la société, en donnant à des criminels reconnus comme dangers publics des sentences ridicules. D'ailleurs, ces mêmes criminels ne manquent pas de réapparaître après deux ou trois ans et de continuer dans le chemin du crime et de la violence.

Le système permet dans certains cas que les cautionnements accordés soient une farce et permet aux criminels de continuer leur vague de crimes, et, avec le fruit de vols commis, de se garantir en plus une meilleure défense avec l'aide des meilleurs moyens: avocats, fabrication de preuves, alibis, suppression de preuves, etc.

Le système permet encore qu'un criminel condamné avec preuve hors de tout doute, comme le veut la loi, obtienne cette fameuse libération conditionnelle ridiculement appliquée. En conséquence, s'allonge avec une rapidité alarmante la liste des criminels considérés comme les plus dangereux pour la société.

Le système a voulu au cours de cette dernière année que plusieurs criminels s'échappent de prisons reconnues à sécurité minimale ou maximale. Mais la facilité avec laquelle on s'en échappe ne permet pas de faire la différence entre sécurité minimale ou maximale. Si on fait le bilan de tout cela, on s'aperçoit que le système a imposé à notre société une théorie de la violence telle qu'on se perd en conjectures sur l'avenir de ceux qui viennent après nous.

Il devient donc urgent de remédier à cette situation. Je suis de plus en plus convaincu que tous les citoyens et toutes les collectivités doivent réagir auprès de tous les niveaux de gouvernement et de tous les organismes responsables. Les policiers, comme groupement à but social et économique, vont aussi réagir. Il ne s'agit pas pour nous de mettre sur pied un escadron de la mort comme au Brésil. Il ne s'agit pas non plus d'encourager le retour au système des "vigilente" qu'il y avait aux Etats-Unis lors de l'ouverture des territoires de l'Ouest.

Tout cela, c'est pour dire ce que tout le monde pense, que si on va changer des structures, et faire le bilan du livre blanc dans dix ans. La Commission de police donne un exemple et détermine les qualités requises pour agir comme policier auprès de la jeunesse et la formation à leur dispenser. Quel juge est habilité à dire ce qu'il faut pour notre jeunesse? On demande tout du policier. Je le dis, nos membres sont bien contents des policiers du Québec, il faut absolument, dans un contexte social toujours en évolution et avec une rapidité très alarmante, que ce soit lui qui soit à la base, qu'il se rende apte à remplir cette tâche.

Il doit le premier s'acclimater à tout ce contexte social qui dépasse les gens qui sont placés dans d'autres milieux, parce que, dans toutes les réformes — qu'on prenne le bill 218 — l'application s'en fait par la base. En haut, on a fait, on a pensé, on a pondu une législation sans regarder le côté pratique. Lui, le policier, il fait face à la musique. C'est lui qu'on va critiquer, c'est à lui qu'on va dire que ses preuves n'ont pas été faites de façon intelligente, etc.

Il reste qu'on n'aura pas donné le nécessaire et que dans dix ans, on reviendra dire: Est-ce que la solution du crime est meilleure? Est-ce que le taux du crime est à la baisse?

Je pense qu'on n'aura pas cette raison-là parce qu'on a oublié l'essentiel, de prendre l'appareil judiciaire pour que le gars, quand il est pris, ne retombe pas toujours chez les policiers et que ces derniers disent: Si c'est ça le système, on est aussi bien de le laisser en liberté que de se faire tirer dessus. Et on remet le détenu le plus tôt possible en dehors des prisons.

M. BIENVENUE: M. Marcil, êtes-vous, dans ce chapitre ou dans cette optique, plus emballé que moi d'une déclaration récente du Solliciteur général du Canada voulant qu'il valait mieux s'assurer d'abord de la réhabilitation du détenu que de la protection de la société?

M. MARCIL: Les deux vont ensemble. Dieu sait que nous ne sommes pas contre une réhabilitation. Je vous donne un exemple. Relativement aux libérations conditionnelles, nous sommes en présence d'une première offense. Je pense que la société a jugé que le détenu est récupérable. Quand on considère un type qui se présente avec un dossier chargé aux libérations conditionnelles, que sa dernière offense a été un acte criminel commis avec violence, je dis que la violence n'a pas sa place dans la société. Le type qui agit avec la violence aujourd'hui... Le crime, qu'il soit commis de quelque façon que ce soit, peu importe la gravité avec laquelle vous le commettiez aujourd'hui, vous n'avez plus de critères. C'est la même chose quand cela arrive devant les tribunaux et si ce n'est pas la même chose lorsqu'on arrive aux libérations conditionnelles, celui qui a commis une fraude, celui qui a fait une erreur, tout le monde est jugé sur le même palier. On place tout ce monde-là dans la société.

Le mot anglais "deterrent"... qu'est-ce qui reste comme moyen pour empêcher que le gars y pense avant de commettre un crime? Toute la société a mis une chose en marche. Elle a mis en marche le système pour qu'il revienne au plus vite dans la société. On s'est arrangé pour que la société paie la facture et que ce soit elle qui soit toujours prise avec les mêmes criminels pour lesquels elle paie une note qui est très élevée. Cela ne lui assure pas sa sécurité parce que tout le monde du rouage n'a pas fait "la job". Je ne dis pas que les gens ne sont pas bien intéressés. Il reste, encore une fois, qu'il faudrait que tout le monde se réunisse et se demande où on s'en va. C'est ce qui est bien important.

M. PEARSON: C'est une question greffée sur celle qui vient d'être posée.

M. CARON: La mienne aussi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Verdun.

M. CARON: La question du député de Mata-

ne était un peu dans le sens de la mienne, M. Marcil. Je tiens à vous féliciter pour le beau travail que vous faites pour la fraternité des policiers. J'aimerais savoir de vous à quel point cela peut affecter le moral des policiers de voir la lenteur administrative des tribunaux, à savoir que les policiers vont risquer leur vie pour les criminels en songeant que dans deux ou trois ans après leur libération, comme vous dites, avec des dossiers bien chargés... J'aimerais savoir à quel point cela peut affecter les policiers dans leur travail?

M. MARCIL: Naturellement, je pense...

M. PAUL: Si vous le permettez, excusez-moi, M. Marcil. Je voudrais bien que mon collègue, quand il parle de lenteur de l'administration de la justice, reste dans ce secteur.

Parce que votre question se réfère à l'attitude, à la conduite de la Commission des libérations conditionnelles. Il ne faudrait pas jeter une certaine confusion entre les deux.

M. CARON: Je veux dire au sens que la fraternité ne soit pas satisfaite de l'attitude. Pour enchaîner: A quel point cela peut-il affecter les policiers dans leur travail?

M. PAUL: Vous le questionnez actuellement sur l'attitude de la Commission des libérations conditionnelles?

M. CARON: Exactement.

M. PAUL: Et non pas sur la lenteur de l'administration de la justice.

M. CARON: Disons que je vais retirer ces paroles.

M. PAUL: Bien.

M. LE PRESIDENT: Si vous me permettez, M. Marcil, je voudrais d'abord m'informer; il est 12 h 30. Est-ce que vous avez quelques questions?

M. BACON: Seulement une.

M. LE PRESIDENT: Peut-être, si M. Marcil veut être libéré.

M. BACON: On pourrait le libérer.

M. CARON: Est-ce que la réponse, à savoir à quel point ça peut affecter les policiers, on l'a trouvée?

M. LE PRESIDENT: Trois ou quatre questions?

M. CARON: Non, seulement une.

M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, nous allons continuer encore quelques minutes. Le député de Verdun. M. Marcil, si vous voulez...

M. CARON: J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, M. Marcil.

M. MARCIL: Vous aviez continué votre question?

M. CARON: Oui.

M. MARCIL: Chez nous, quand le policier a fait son travail, que le type a une sentence, je pense qu'il y a un type qui a l'habilité — qui est le juge — qui regarde les faits et qui soupèse le tout. Dans sa conscience, quand le type a une sentence, je pense qu'il n'a pas la satisfaction de dire: Je lui ai fait prendre dix ans ou je lui ai fait prendre quinze ans. Ce n'est pas quelque chose qu'il savoure. Je ne sais pas si ça répond à la question.

M. CARON: Ce n'est pas ce que je veux dire, M. Marcil. Je veux dire que les types qui sont condamnés à quinze ans, au bout de trois ou quatre ans dans certains cas, sont sortis. Vous ne trouvez pas que ça peut affecter certains policiers? Et qu'ils se disent: Qu'est-ce que ça va me donner de risquer ma vie? C'est là-dessus que j'aimerais avoir votre opinion.

M. MARCIL: Il reste aussi, je pense, que le policier est un professionnel. Je dis que c'est un professionnel. Ce n'est pas parce que quelqu'un, à un moment donné, ne tire pas que nous acceptons le système que lui-même ne ferait pas son travail. Dire que son moral n'est pas affecté... C'est évident, les libérations conditionnelles... Si on pouvait relater toutes les fusillades qu'il y a eues! Je me souviens de Bruno Saint-Beloeil parmi les types, il y en a un à qui il restait quinze ans à faire, un autre en a fait quatorze, un autre, dix-huit ans, lui, il se pose des questions parce que, à un moment donné, je pense que c'est sa vie qui est en danger.

Regardons la philosophie. Prenons comme exemple quand a commencé une nouvelle vague de crimes. On a eu une nouvelle optique sur le crime, on a commencé avec les cagoulards. Cela s'est passé il y a environ une quinzaine d'années. C'était une nouvelle pensée du criminel de se cacher la figure à l'aide d'une cagoule et d'avoir la mitraillette.

On a appliqué des sentences qui n'étaient certainement pas équivalentes à une nouvelle idée de crime qui mettait la société en danger, qui empêchait complètement de faire la preuve, de faire l'alibi pour relier tel voleur à telle banque. Aujourd'hui, vous regardez la solution du crime. Quand on regarde les années 1950 ou 1951 : le crime classique du voleur, c'était le vol de banque, avec les lunettes fumées et il y avait toujours des moyens d'identification. Le poli-

cier avait à ce moment-là des témoins, des gens avaient vu commettre le hold-up. Aujourd'hui, ce n'est plus cela, le type entre, a la cagoule jusque là, les gants, la mitrailleuse. Qu'est-ce qu'on donne au policier pour arriver à faire sa preuve? Ces types-là sont arrivés devant les tribunaux, avec toute cette nouvelle philosophie d'un crime, cette nouvelle façon de passer à côté des tribunaux, parce qu'il est très difficile de faire une preuve, surtout au cours d'une vague de crimes. A ce moment-là, on a donné des sentences à peu près comme celles qui se donnaient antérieurement. Le policier avait beaucoup plus de chance de faire traduire le suspect devant les tribunaux. C'est ce que nous vous disons, c'est un certain équilibre. Nous ne sommes pas des justiciers, mais nous jouons un rôle dans une société et s'il y a des gens qui sont réhabilitables, on les replace dans la société.

Dernièrement, j'ai été à une émission. Cela faisait 17 fois que le type se faisait arrêter pour avoir exposé sa personne. Je pense que rendu à la 17e fois, il y a certainement quelque chose qui accroche. La quatrième fois, il y a quelqu'un qui dit, dans tout ce monde-là: Il est malade. Il est malade, on va le faire soigner. Qu'on le fasse soigner. Mais quand c'est la 17e fois qu'il expose sa personne à des enfants, il y a une limite je pense. Pour le prendre, à part cela, c'est difficile, cela se fait toujours sous le couvert d'un imperméable ou d'un paletot. Combien avons-nous mis de policiers, d'heures pour le retrouver? Combien avons-nous eu de plaintes des parents? Combien y a-t-il de parents qui ne sont pas venus faire de plainte? Combien y a-t-il d'enfants qui ont été affectés? Le gars est malade. On a attendu 17 fois pour faire quelque chose.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. Marcil, vous avez semblé signaler qu'il y avait un manque d'information dans la mise en place de la régionalisation. J'aimerais que l'on se place dans une optique à l'extérieur de l'île de Montréal, que l'on regarde la situation des régions comme celle que je représente: Trois-Rivières, Trois-Rivières-Ouest, et qu'on traverse de l'autre côté du Saint-Maurice, au Cap-de-la-Madeleine. Vous ne trouvez pas, quand même, que le livre blanc, donne — je regarde du moins à la page 131 — une certaine forme de structure ou un "pattern", si vous voulez, de mise en place pour la régionalisation? Je parle pour des choses en dehors de l'île de Montréal.

M. MARCIL: Ce que je remarque, M. le député, c'est qu'à la page 131, on ne donne pas de "pattern", on ne donne pas de moyens. On dit: "En préférant la régionalisation à la fragmentation d'un corps de police, nous retenons les avantages suivants"... Moi, je ne suis pas contre les avantages, je pense qu'on se situe très bien lorsqu'on dit que les avantages...

D'ailleurs, par ce que vous énoncez, je pense que c'est très logique, mais que l'on nous dise les moyens, les mécanismes qu'on va mettre en marche, quelle va être la formule d'intégration, de quelle façon on voit la régionalisation: est-ce que c'est au niveau de dix corps, est-ce que c'est au niveau de deux corps? C'est ce côté-là. Je pense que tout le monde ici, les policiers sont d'accord sur ce que vous dites. Ils sont peut-être aussi d'accord avec le ministre quand il parle de la régionalisation, mais on dit: Les mécanismes, les moyens ne sont pas mis en place.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux ajouter quelque chose sur ce point qui soulève des questions de votre part, M. Marcil, et de la part du député de Trois-Rivières? C'est que, au sujet du processus de la régionalisation, nous avons quand même élaboré dans le livre blanc l'idée du plan d'intégration des forces à être intégrées. C'est-à-dire qu'avant de procéder à la régionalisation le plan d'intégration soit préparé par le commissaire-enquêteur. Nous n'avons pas inventé cela de toutes pièces; c'est le système qui a été employé en Angleterre et qui a donné d'excellents résultats. D'ailleurs, nous avons envoyé des délégués du ministère de la Justice qui sont allés voir le fonctionnement, en somme, de ce système du commissaire-enquêteur. Au niveau du commissaire-enquêteur, c'est là qu'intervient le facteur de la consultation sur lequel M. Marcil met l'accent et je pense, à juste titre. Je me souviens qu'en d'autres circonstances, lorsque nous avons discuté de certaines lois qui provenaient de la Communauté urbaine de Montréal, M. Marcil avait soulevé — enfin, je ne veux pas faire de reproches en l'absence de certaines personnes — le défaut de consultation qui avait existé avant que l'on présente certaines mesures. Alors, je pense que le facteur de la consultation intervient au moment du plan d'intégration régionale des forces policières, c'est à ce moment-là. Maintenant, le livre blanc ne peut pas répondre à toutes les conditions particulières qui prévalent au Québec à l'heure actuelle. Trois-Rivières est différente de Hull, est différente de Montréal, est différente de Québec, est différente du Lac Saint-Jean et est différente de la Gaspésie, Dieu merci! Nous ne pouvons simplement qu'indiquer un procédé pour arriver à l'intégration, en rendant justice à ceux qui vont être intégrés, c'est-à-dire principalement les policiers.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, si vous permettez, on va permettre trois dernières questions brèves, si possible, vu l'heure avancée. Le député d'Olier, le député de Saint-Laurent et le député de Saint-Jean. Le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Marcil. Dans le livre blanc, on

a émis la possibilité de créer, par exemple, ou d'avoir sous l'autorité d'un ministre, les affaires policières. Vous n'avez pas semblé d'accord sur ces suggestions. Je ne vous blâme pas du tout, je suis un petit peu de votre avis là-dessus parce qu'à ce moment-là, on créerait encore un autre niveau.

Maintenant, il est une question qui a été soulevée il y a quelque temps, non pas pour la première fois, car à plusieurs reprises on en a entendu parler, est-ce que vous seriez d'avis qu'on devrait soustraire complètement à la politique la fonction de ministre de la Justice, que le ministre de la Justice soit complètement en dehors de la politique? On éviterait probablement les choses que vous avez insinuées tout à l'heure et, à ce moment-là, on pourrait peut-être avoir un peu plus de collaboration. Je me base sur le fait que nos gouvernements sont divisés en trois catégories bien distinctes: on parle de l'administratif, du législatif et du judiciaire. Or depuis le début de cette séance, on parle de collaboration. Mais si, par exemple, le corps policier essaie d'avoir la collaboration du judiciaire, à ce moment-là on se dit qu'on essaie d'influencer le judiciaire. Par contre, le genre de collaboration, quelquefois, que les policiers veulent avoir des juges, c'est tout simplement d'être traités comme des êtres humains. Il arrive souvent que les juges, certains juges, ont cette spécialité de ridiculiser les policiers lorsqu'ils présentent des causes. Alors je pense que, si on avait un ministre de la Justice qui serait à un autre niveau, probablement à un niveau supérieur au législatif, au judiciaire et à l'exécutif, on aurait peut-être une meilleure collaboration, une meilleure coopération et on ne verrait pas ces choses, dont il a été question tantôt, cette petite organisation qu'on appelle la Commission des libérations conditionnelles qui semble roi et maître. Et on se pose la question à savoir si on ne devrait pas envoyer à chacun de ses membres un psychiatre pour leur demander sur quoi ils se basent pour rendre leur décision. Alors, je vous pose la question: Est-ce que vous seriez d'avis qu'il y aurait lieu de soustraire complètement de la politique, la nomination ou la fonction de ministre de la Justice?

M. MARCIL: Vous développez une théorie qui est fort intéressante mais le ministre de la Justice répond de ses actions au cabinet, au lieutenant-gouverneur en conseil, aussi à la Chambre et aux parlementaires et je pense que c'est assez important. Déjà quand on a créé la fonction de Protecteur du citoyen, simplement pour trouver l'homme désiré, je pense que tous se sont unis pour dire: Notre candidat serait valable. Si on considère le ministre de la Justice, je pense qu'il remplit ses fonctions assez bien.

Ce que nous disons un peu, nous, quand vous regardez le livre blanc, c'est que vous voyez quelqu'un qui est en bleu là-dedans; il est en bleu dans une masse, une foule de citoyens, mais il ne doit pas se situer là tout seul, le policier ne doit pas être tout seul là-dedans. Il doit y avoir quelqu'un en vert, qui est le ministre de la Justice, quelqu'un en rouge, qui est le juge; puis dans tout ce rouage-là, il n'est pas tout seul, le policier. C'est pour ça qu'on revient un peu sur ce, que j'ai dit. On me souligne que ce qui existe doit être vraisemblablement à essayer.

Encore une fois, on est dans des structures. Moi, je vois le ministre de la Justice à l'intérieur d'un cabinet, à l'intérieur d'un gouvernement; je pense qu'il a un rôle sérieux, c'est un des rôles auxquels on demande beaucoup dans notre contexte avancé d'aujourd'hui. Mon opinion est que le ministre devrait rester à l'intérieur du cabinet et, encore une fois, faire partie du gouvernement.

M. CHOQUETTE: Une brève addition à ce que vient de dire M. Marcil, simplement pour compléter un peu ce qu'il a dit. Cette théorie a été avancée comme si la justice pouvait en somme s'administrer sans contrôle, contrôle sur le ministre de la Justice, à la fois du gouvernement dont il fait partie et de la Chambre à laquelle il répond de ses actes. La justice n'est pas toujours une chose qui s'administre avec le code à la main et on n'a pas toutes les réponses d'avance aux gestes qu'on pose. Alors, il intervient en grande partie une question de jugement, une question de politique, une question d'appréciation, une question d'habilité. Ce sont toutes ces choses-là qui font que le ministre doit être responsable devant un corps qui n'est peut-être autre chose que la Chambre. Cela me paraît une théorie qui ne résiste pas à l'analyse que de vouloir sortir la justice et l'extraire complètement du processus politique, malgré que j'admette la préoccupation du député d'Olier. La préoccupation de base, je pense, que traduit sa question, c'est que la justice doit ne pas être la victime de la politique dans les décisions quotidiennes.

M. PICARD: Est-ce que vous croyez sincèrement qu'il y aurait possibilité d'une collaboration entre les corps policiers, le côté législatif et le côté judiciaire? On vient de citer deux exemples. Du côté législatif, sur le plan législatif, on présente un texte de loi à Ottawa qui ne semble pas être applicable par les policiers. Du côté judiciaire, j'ai dit tout à l'heure ce qui se passe dans certaines cours de justice, non seulement à l'endroit des policiers, mais encore la question des sentences ridicules que l'on donne dans certains cas.

M. CHOQUETTE: Le député d'Olier met en cause toute la base de notre système politique. Les juges, on peut les critiquer ou on peut, à l'occasion, critiquer certains de leurs jugements ou de leurs sentences.

Mais un des principes fondamentaux de la justice démocratique, c'est l'indépendance du

pouvoir judiciaire. Si moi, comme ministre de la Justice, comme mon ou mes prédécesseurs, je pouvais prendre le téléphone, et dire à un juge: M. le juge, tel criminel, vous allez lui donner quinze ans, à ce moment-là, ce serait l'intervention indue de la politique dans le jugement de quelqu'un qui doit juger en toute objectivité et balancer le pour et le contre, comme le faisait tout à l'heure M. Marcil lorsqu'il nous parlait, à la fois de l'impératif de la réhabilitation et de l'impératif de la sauvegarde et de la sécurité de la société.

C'est ça la fonction judiciaire. C'est ce qui rend la fonction du juge difficile et c'est ce qui fait que le juge doit être indépendant. Maintenant, ceci ne nous empêche pas comme citoyen, comme homme politique, comme policier et comme n'importe qui d'ailleurs, de pouvoir apprécier l'action des tribunaux, de porter un jugement et de peut-être l'exprimer publiquement à l'occasion, toujours, cependant, en termes modérés.

C'est un principe fondamental que le judiciaire doit être indépendant, parce que c'est lui qui décide de la culpabilité ou de la non-culpabilité et de la sentence.

M. PICARD: Je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que le ministre ne peut pas prendre le téléphone et appeler le juge. Mais qui dit au ministre qu'il n'y en a pas d'autres qui appellent le juge?

M. CHOQUETTE: Non, mais c'est justement là que nous comptons sur le fait que nos juges sont intègres et compétents.

M. LE PRESIDENT: Avec votre permission, le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. Marcil a justement répondu à plusieurs des questions que je voulais lui poser, mais pour vous amener à plus de précision, vous dites que les policiers soutiennent la justice et que tout l'ensemble du système doit également épauler le travail des policiers. Cela vous a amené à manifester, par exemple, certaines réticences vis-à-vis de la question des libérations conditionnelles.

Si vous aviez le choix, est-ce que vous recommanderiez, par exemple, à un juge, la liberté de condamner quelqu'un à vingt ans avec la possibilité qu'il soit libéré après cinq ou six ans, ou si vous préféreriez, dans une cause où le juge est obligé de condamner la même personne, au lieu de vingt ans, à une sentence de sept ou huit ans, mais qu'elle fasse son temps?

M. MARCIL : Nous disons, nous, les policiers que quelqu'un juge à un moment donné dans une circonstance bien particulière. Peut-être à notre avis, qu'on échappe... Le ministre de la Justice, lorsqu'il dit: Je ne sais pas si c'est un crime aussi odieux, il reste qu'il y a un système de justice qui permet qu'il y ait un procureur de la couronne et un avocat de la défense. La défense présente la preuve ou un alibi, à ce moment-là, c'est le juge qui décide.

La question qu'on peut se poser est la suivante: Est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement abolir le système judiciaire et de le passer directement à la Commission des libérations conditionnelles?

J'essaie de reprendre votre question. Je dis que si, en réalité, la Commission des libérations conditionnelles qui décide qui retourne dans la société sans regarder le dossier et évaluer le dossier, on manque un palier. Le juge qui a regardé a dû dire: Si on lui a donné cinq ans, d'après la sentence, il méritait cinq ans. Encore une fois, c'est sur le crime de violence que nous avons pas mal retenu nos recommandations lorsque nous avons fait cette conférence de presse. A ce moment-là, pour un crime de violence, on devrait être beaucoup plus sévère avant d'accorder des libérations conditionnelles, mais je n'ai pas encore cette science infuse de la justice de pouvoir dire qu'une telle sentence devrait être exécutoire pendant cinq, six ou sept ans. Encore là, les gens qui sont en place ont certainement une formation beaucoup plus poussée que la mienne pour prendre ces décisions.

M. PEARSON: De façon générale, est-ce que vous êtes satisfait ou non du système de libérations conditionnelles ou si, dans votre esprit, vous aimeriez que ce système soit revisé?

M. MARCIL: Encore une fois, je le redis, tout le monde doit penser à se replacer dans le livre blanc. Il n'y a pas seulement le policier. Je parle de tout le monde: le législateur, les tribunaux, la Commission des libérations conditionnelles. Il faut se dire: Est-ce lui seul qui tient tout ça, comme vous disiez tantôt? Dans la justice, chacun est un maillon et la chaîne est aussi forte que tous les maillons sont forts. C'est ça le secret de notre affaire. Si, chez les policiers, le maillon est faible, la chaîne sera faible. Cela s'applique à tout l'ensemble de la justice. Hypothétiquement, si on ne pouvait demain, dans la province de Québec, arrêter au moyen d'appareils électroniques, tous ceux qui ont commis un crime est-ce que cela prouverait, est-ce que cela assurerait à la population que tous ces mêmes individus ne seraient pas revenus dans la même société pour toutes sortes de raisons? C'est là qu'on doit faire la part, c'est là qu'on doit être sérieux. La fraternité a bien l'intention de parler chaque fois que les citoyens verront leur sécurité compromise, c'est un des buts que nous nous sommes donnés. Aujourd'hui, nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de nous expliquer, de venir faire des revendications sur le livre blanc.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Ce n'est pas une question à proprement parler que je veux poser à M. Marcil mais c'est une réflexion que je voudrais apporter ici. Je regrette infiniment, même si c'est la Fraternité des policiers du Québec, que M. Marcil représente qui se fait entendre, je suis quand même un peu déçu dis-je, qu'il n'y ait pas un corps policier d'une petite ville autour de Montréal qui vienne ici nous dire ce qu'il pense de la police et de la sécurité des citoyens. Je prends l'exemple de Saint-Jean. On y vit quand même dans un milieu mi-urbain, mi-rural. Nous avons des difficultés.

Le policier éprouve des difficultés peut-être autres que celles du policier de la ville de Montréal. Et comme le disait M. Marcil, on doit lier très intimement à la sécurité des citoyens non seulement la police, mais aussi tout l'appareil judiciaire.

Je pose carrément la question au ministre: Est-ce qu'il est dans l'intention du ministre de déposer un livre blanc sur le judiciaire et la sécurité des citoyens pour qu'on puisse faire tout le lien?

M. CHOQUETTE: Nous avons commencé par cet aspect du problème. Comme vous le savez, nous étudions actuellement une réforme complète des tribunaux. J'en ai fait état. J'ai prononcé des conférences sur la question; j'ai parlé aux juges municipaux, encore récemment, de cette affaire, j'en ai parlé aux juges provinciaux au mois de juin dernier. Là encore, nous visons à faire en sorte que notre appareil judiciaire — et je suis tout à fait d'accord avec ceux qui voient un tout dans le fonctionnement du système judiciaire — soit perfectionné, soit mis au point.

Nous avons commencé par cette tâche aujourd'hui; je n'ai pas dit que c'était la réponse à tous les problèmes. J'ai dit que c'était la réponse à un certain nombre de problèmes qui était proposée dans ce livre blanc. On ne peut pas tout faire d'un coup et chaque étape suivra son cours normal.

M. VEILLEUX: J'ai eu l'occasion de discuter avec les policiers, à Saint-Jean, autant avec ceux de la Sûreté du Québec qu'avec ceux de la police municipale de Saint-Jean. Ils nous racontent certaines choses qui, je trouve, doivent être démoralisantes pour le policier qui a à oeuvrer à l'intérieur de ça. Je veux remettre en question ici tout le problème des fameux cautionne- ments. Vous avez des types qui attaquent les policiers au coin des rues et ils arrivent devant le tribunal et sont libérés, même après cinq ou six attaques; ils ont un cautionnement de $50 en attendant leur procès. C'est quand même décourager le policier à faire son travail comme il doit le faire. Etre à sa place, je serais découragé.

M. CHOQUETTE: Je comprends, mais il faut quand même comprendre qu'il y a deux impératifs qui s'imposent au juge lorsqu'il a le devoir d'analyser un cas, à savoir s'il doit donner ou ne pas donner un cautionnement. Il y a, d'une part, la sécurité des citoyens: éviter, en somme, que quelqu'un se serve de la période qu'on lui donne pour le cautionnement pour aller commettre un autre crime. Il y a également l'autre impératif: il doit présumer de l'innocence de l'accusé jusqu'à ce qu'il ait été trouvé coupable. Et vous voyez fréquemment des cas dans les journaux où, quand un juge va imposer une sentence ou va prendre une décision trop dure, ça va rouspéter dans l'autre sens. On le rencontre fréquemment. Quand on est dans le domaine de la justice, on est dans le domaine de l'ambivalence. Il y a toujours les deux points de vue en présence et c'est ce qui fait la difficulté du problème.

Evidemment, je comprends qu'il peut y avoir des erreurs qui se glissent aussi au niveau des juges, ça se produit. Comme il y en a dans tous les autres ordres d'activités.

M. VEILLEUX: Je vous rencontrerai prochainement, M. le ministre, je vous donnerai des cas précis.

M. CHOQUETTE : Certainement.

M. LE PRESIDENT: M. Marcil, au nom des membres de la commission, je voudrais vous remercier sincèrement pour la présentation de votre mémoire et également pour votre collaboration très constructive aux travaux de cette commission, ce matin.

Cet après-midi, à 16 heures, nous entendrons M. Roger Lasnier, qui présentera le rapport de l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 16 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 56)

Reprise de la séance à 16 h 5

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Je demanderais à l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal de présenter son mémoire.

Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal

M. LASNIER: Merci, M. le Président. J'aimerais présenter les membres de mon conseil d'administration qui m'accompagnent ici aujourd'hui. D'abord, à ma droite, le conseiller juridique de notre association, Me Gaston Gamache; M. Jean-Pierre Roy, sergent-détective, administrateur; M. Jean-Marc Demers, sergent de police et, à ma gauche, le capitaine-détective, Jean-Guy Ménard, administrateur, et le sergent Patrick De Caen, administrateur.

Nous aimerions présenter le document, le mémoire qui vous est présentement soumis, d'une façon assez précise et succincte. Pour les besoins du journal des Débats, je ferai la lecture du chapitre 3, chapitre qui concerne d'une façon particulière le livre blanc. Quant aux autres chapitres, j'en ferai un bref résumé d'introduction.

Nous trouvons, au chapitre 1, le statut de notre association qui est très bien expliqué, les mesures financières appropriées à cette administration, la propriété du fonds comme tel. A cet effet, nous retrouvons, à la section 22 de la Loi des assurances, un article qui stipule que la propriété du fonds d'une caisse de retraite est la propriété des membres qui contribuent à cette caisse. Nous terminons ce premier chapitre par un court exposé des services sociaux que notre caisse offre à ses membres.

Au chapitre 2, nous retrouvons certaines remarques qui stipulent les droits à sauvegarder de cette association, la reconnaissance et le maintien de cette association face aux problèmes que nous avons à résoudre présentement et, d'une façon particulière, au projet de loi de l'intégration des forces policières de Montréal qui répond, en quelque sorte, aux recommandations à cet effet contenues dans le livre blanc du ministre de la Justice. Au chapitre 2, nous avons voulu résumer cette situation et je voudrais prendre quelques instants, avec la permission de cette commission, pour résumer que, depuis 1892, le législateur, par une loi spéciale, a très bien reconnu l'existence de notre association et que les gouvernements qui se sont succédé ont apporté certains amendements au cours des années.

Nous avons aussi, plus récemment, vers 1964, lors de l'établissement de la caisse de retraite, du régime supplémentaire des rentes, reçu une consécration, si je puis utiliser le terme, du premier ministre de l'époque, l'honorable Jean Lesage, alors qu'il nous déclarait ici, dans cet édifice, que les droits acquis, non seulement de notre caisse privée, mais de toutes les caisses de retraite privées seraient sauvegardés et conservés.

Nous avons aussi plus récemment retrouvé dans un autre texte de loi, au chapitre 75, Loi de la Communauté urbaine de Montréal, à l'article 233, une autre consécration du législateur envers notre association. Dans ce même chapitre, du bill 75, nous rencontrons certaines recommandations, entre autres, celle de la formation d'un conseil de sécurité qui devait faire d'autres recommandations à la Communauté urbaine de Montréal. Or, une de ces recommandations se situait justement à l'étude et à l'uniformisation possible des caisses de retraite sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons aussi également reçu à cet effet l'approbation des policiers de banlieue, dont nous avons ici aujourd'hui la présence du capitaine Hubert Grenier qui est le président du groupement des policiers de banlieue lesquels ont manifesté un désir bien évident au conseil de sécurité, soit un seul fonds de pension, et pas n'importe lequel, mais celui de l'Association de bienfaisance des policiers de Montréal.

Nous avons, en conformité avec ce bill 75, après de nombreuses rencontres, consultations, négociations, tant avec le comité exécutif de la Communauté urbaine qu'avec les membres du conseil, adopté les articles 14 et 17 contenus au règlement 26 de la Communauté urbaine. Cette même loi qui stipulait que cedit règlement devait faire l'objet d'une étude ou d'une enquête de la part de la Commission municipale de Québec, nous avons encore à cet endroit soumis un mémoire et nous nous sommes encore heurtés à certaines oppositions de villes de banlieue qui ont été soulevées devant cette Commission municipale. Nous ne retrouvons au rapport qui a été soumis au gouvernement aucun effet contraire quant à la reconnaissance de notre association comme devant être l'institution qui devait administrer la caisse de retraite de tous les policiers de la Communauté urbaine.

Lorsque nous prenons connaissance de l'article 17, ce dernier stipule, entre autres, que nous devions faire le nécessaire pour amender notre loi afin de la rendre apte à s'appliquer à la Communauté urbaine de Montréal. Or, vous retrouvez, à l'intérieur du document déposé, aux chapitres 5 et 6 d'une part, le bill 106 qui donne suite aux ententes établies que nous respectons, et, au chapitre suivant, chapitre 6, la note explicative de cet amendement à notre loi.

Donc, en fonction de tout ce problème d'intégration des forces policières, en fonction du livre blanc du ministre de la Justice sur la police et la sécurité des citoyens, nous retrouvons, à l'intérieur du document qui vous est présenté, le chapitre 3 que je lirai ici pour les fins du journal des Débats. "Le ministre de la Justice, la police et la sécurité des citoyens. Le maintien de l'ordre, la protection des citoyens et la sécurité de l'Etat sont essentiels au fonctionnement normal de toute société. C'est à la police que nos sociétés modernes confient la responsabilité de faire

respecter les lois, de prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs. Pour s'acquitter de façon valable de la responsabilité qui lui incombe, la police doit avoir une action qui corresponde aux données sociales de son époque et de son pays. "En d'autres termes, l'organisation des forces policières et la formation des policiers doivent être adaptées à leur époque, au genre de criminalité qui y prévaut, à la géographie et aux structures politiques existantes, ainsi qu'à une conception acceptable à l'ensemble des citoyens." (Texte: La police et la sécurité des citoyens, avant-propos de l'honorable Jérôme Choquette.)

L'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal a retenu ces passages du ministre dans l'avant-propos de son livre blanc. Nous laissons le problème syndical à la Fraternité des policiers de Montréal Inc. Nous nous attarderons d'une façon particulière au problème des caisses de retraite des policiers, en fonction du livre blanc, mais surtout en fonction de la Communauté urbaine de Montréal. Le tout se complétera avec certaines recommandations.

En matière de fonds de pension, notre association a démontré à maintes reprises la solidité de ses assises. Sa compétence administrative a été soulignée, son expérience a permis à de nombreuses associations ou institutions d'y recourir de façon régulière. A titre d'exemple, qu'il suffise de savoir que dans la préparation de normes médicales d'embauche, lesquelles on fait l'objet du règlement numéro 7 de la Commission de police du Québec, ladite commission a consulté et demandé à notre association son concours et ses recommandations sur le sujet.

Nous constatons avec fierté que notre collaboration et notre expérience ont été utiles à la commission puisque près de 100 p.c. des normes médicales édictées par la commission sont identiques aux normes médicales de notre association.

Le problème du fonds de pension a certes attiré l'attention du ministre de la Justice, puisque nous retrouvons à pas moins de six endroits différents du livre blanc, des questions à ce sujet. Donc, nous formulons des remarques à certaines de ces questions.

Pour répondre à la première question, à la page 51: "Objection à l'intégration basée sur l'inquiétude de certains administrateurs municipaux quant aux sommes qu'ils devront débourser". Nous devons déclarer qu'il est exact qu'il y aura des coûts additionnels à ces caisses de retraite. Il ne faut pas s'en formaliser outre mesure, quant aux coûts additionnels. N'a-t-on pas à ce jour déjà, de par le règlement numéro 24 de la Communauté urbaine de Montréal, accepté ce coût additionnel pour les fonctionnaires actuels de la Communauté urbaine de Montréal? Pourquoi en serait-il autrement pour la caisse de retraite des policiers de la Commu- nauté urbaine? Toutefois, il est aussi intéressant de constater qu'à l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal il y a deux municipalités, deux villes qui ne possèdent pas de caisse de retraite. Onze villes ne donnent le droit à la pension qu'à l'âge de 65 ans et onze villes, à l'âge de 60 ans.

Pour répondre maintenant à la deuxième question, à la page 84, concernant les conditions de travail du policier. Le problème du fonds de pension se situe au niveau des conventions collectives en termes généraux. La plupart des conventions collectives comportent un article où il est stipulé que l'employeur s'engage à maintenir les bénéfices en cours de la caisse de retraite.

Quant à la ville de Montréal et à la Fraternité des policiers, il n'y a aucune clause relative à la caisse de retraite dans la convention collective, ce problème étant laissé à l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal.

La troisième question, que l'on retrouve aux pages 85 et 86, démontre la situation qui existe au niveau des caisses de retraite et cette situation a été citée dans le livre blanc. Lorsque l'on consulte le rapport des experts du comité Raynauld, nous retrouvons encore une situation où le problème des caisses de retraite dans la province de Québec laisse beaucoup à désirer au niveau des municipalités.

A la Communauté urbaine de Montréal, il y a actuellement seize régimes avec un règlement municipal, six qui ont un contrat avec différentes compagnies d'assurance et un qui est autonome.

La quatrième question que l'on retrouve à la page 89, au sujet de la syndicalisation, démontre ce que la syndicalisation a permis d'établir dans certains corps de police, dont la formation de caisses de retraite. N'eût été de ces syndicats, je crois que plusieurs corps policiers attendraient encore. Nous avons récemment, cette année, eu l'expérience avec certaines villes de la province. Là encore, le comité Raynauld a très bien mis le doigt sur un problème social qui existe dans nos municipalités. Je dis que les syndicats ont très bien rempli leur rôle dans ce domaine en voyant à accorder une certaine protection à leurs membres, les policiers dans le cas actuel.

La cinquième question, à la page 135, soit la proposition 21, recommande l'implantation d'une caisse de retraite. Or, déjà, nous avons — comme je viens de le dire — une caisse qui existe, une administration, des assises qui ont fait leurs preuves.

Quant à la sixième question, page 147, soit la proposition 67, cette proposition recommande le transfert des fonds et le regroupement des caisses sous l'autorité de la Régie des rentes. Or, dans le projet de loi 106 de l'association, qui est soumis présentement à l'Assemblée nationale, nous avons justement — dans le sens désiré et expliqué par le ministre de la Justice dans son

livre blanc — prévu un tel article qui nous autorise ainsi à procéder de telle façon, par tels mécanismes de transfert. Nous avons voulu, à bon escient, exposer et résumer le contenu du livre blanc face au problème particulier du policier et de sa retraite. Toutefois, nous devons nous opposer à l'abolition de certaines tâches telles que contenues dans les propositions 43 et 44, page 140.

Nous appuyons à cet effet les revendications de la Fraternité des policiers de Montréal et de la Fédération des policiers du Québec. Quant à nous, ce sont les implications financières sur notre caisse de retraite par l'adoption d'une telle politique qui nous inquiètent grandement. Combien de policiers verrons-nous mis à la retraite avec de semblables recommandations? Quels seront les effets sur les caisses? Les coûts? Or, il n'y a aucune couverture à cet effet.

Avec l'intégration des forces policières de la Communauté urbaine de Montréal et l'intégration des caisses de retraite des municipalités de banlieue, avec la caisse de retraite de l'association de bienfaisance, nous verrons 1,000 policiers de banlieue s'ajouter aux 4,000 de Montréal, c'est-à-dire que 100 p.c. des effectifs policiers de cette communauté bénéficieraient d'une caisse de retraite valable. Je crois que nous rejoignons ici les recommandations et les désirs contenus dans le livre blanc lorsque l'on voit le regroupement sous une même caisse, que l'on voit 100 p.c. de policiers, dans une région donnée pouvoir bénéficier d'une caisse de retraite valable. Lorsque nous utilisons le terme "valable", il existe présentement, non seulement dans les différentes municipalités de banlieue de Montréal mais dans le Québec aussi, des bénéfices très minimes. Lorsque l'on utilise le terme "valable", nous voulons pouvoir étendre à ces policiers de banlieue des bénéfices de retraite valables, beaucoup supérieurs à ce qui existe actuellement dans plusieurs municipalités de banlieue.

En matière de fonds de pension, notre association a démontré à maintes reprises la solidité de ses assises, sa compétence administrative. Son expérience particulière dans le secteur des pensions des policiers a été démontrée. Le législateur a reconnu et ce, depuis 1892, l'existence de notre association, comme le démontrent nos représentations faites au chapitre Il du présent mémoire. Le ministre de la Justice a attaché une importance particulière au problème des caisses de retraite dans son livre blanc alors que ce problème y est soulevé pas moins de six fois. Le ministre veut que soit assurée la transférabilité des contributions et que soit instauré le regroupement des caisses de retraite existantes sans affecter cependant les droits acquis.

Nous recommandons respectueusement que le ministre de la Justice considère ce qui suit: a) de reconnaître la caisse de retraite de l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal comme l'institution qui doit assurer à 5,000 policiers de la Communauté urbaine de Montréal, représentant 100 p.c. des effectifs policiers de cette communauté, la protection nécessaire et valable à la retraite ; b) de reconnaître le principe de la transférabilité des fonds afin de faciliter l'intégration des 1,000 policiers de banlieue et ainsi, assurer l'homogénéité des bénéfices.

Les normes médicales d'embauche étant identiques par le règlement no 7 de la Commission de police du Québec, les difficultés de transfert ne sont-elles pas déjà aplanies?

Ceci complète, M. le Président, le mémoire que nous avons voulu soumettre à cette commission. En terminant, au nom des 4,900 membres actuels, actifs et pensionnés, de l'association, au nom du conseil d'administration ici représenté par ces policiers et en mon nom personnel, je tiens à réitérer mes remerciements. Nous savons d'avance que le gouvernement, que le ministre de la Justice qui comprend très bien notre problème l'étudiera et que nous recevrons, dans l'intérêt des policiers et des citoyens de Montréal et de Québec, toute l'attention et la considération nécessaires.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Lasnier.

M. CHOQUETTE: Est-ce que des collègues veulent prendre la parole avant moi?

M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le ministre de la Justice ne sera pas sans retenir les demandes, la requête bien fondée des membres de l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal. Autrement, qu'adviendrait-il, pour la protection même, de cette intégration des policiers? Personnellement, je trouve très intéressante cette recommandation qui nous est faite et je souhaiterais, tout en félicitant les membres de l'association pour la présentation de leur mémoire, que le ministre tienne compte de cette demande, de ces desiderata de l'association qui ne feraient, une fois appliqués, qu'accentuer la protection de ses membres et de ceux qui viendraient se joindre à ce groupe déjà dynamique et effectif et dont l'administration est digne de louanges.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que la position de l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal a été tout à fait clairement expliquée. Je voudrais féliciter son président et les membres du conseil d'administration. Ils peuvent être assurés que nous allons considérer leur demande avec toute la sympathie voulue.

Je voudrais demander à M. Lasnier — lorsqu'il a fait une parenthèse dans son mémoire et qu'il a parlé des recommandations 43, 44 et 45 — s'il considère normal que les policiers, qui sont payés en moyenne $10,000 et $11,000 par année, soient affectés à des tâches qui ne

requièrent pas véritablement de formation policière. Il y a, en somme, une foule de tâches secondaires dans un corps de police, qui ressortissent à un service de police et qui ne requièrent pas la formation que l'on exige normalement d'un policier.

Est-ce que M. Lasnier considère qu'il est normal, pour des administrateurs publics, d'utiliser les services de policiers pour ces tâches-là, alors qu'ils pourraient être utilisés, avec beaucoup plus d'avantages, à d'autres fonctions plus utiles pour la société?

M. LASNIER: A cette question, M. le ministre, tout d'abord je voudrais bien ici que l'on comprenne la position de notre association. La question que vous soulevez est une question qui aurait dû être dirigée vers le président de la Fraternité. Elle est un problème purement d'ordre syndical d'une part et, d'autre part, la raison que nous avons voulu invoquer en soulevant cette question dans notre mémoire est une question d'ordre financier. Nous savons tous actuellement que — et je vais tenter avec l'exemple suivant de résumer et de répondre à votre question — nous retrouvons dans les corps policiers municipaux plusieurs policiers qui, à la suite de maladie ou de blessures reçues dans l'exercice de leurs fonctions, sont affectés à des tâches qui ne requièrent pas les qualifications que vous mentionnez. Or, nous serons devant une situation, quant aux caisses de retraite et à la caisse de retraite chez nous, où nous devrons forcément mettre ces policiers à la retraite et leur payer prématurément des bénéfices de pension. Est-ce que nous avons les moyens financiers de le faire du jour au lendemain? Je crois que l'actuaire serait beaucoup plus qualifié pour répondre, mais je crois que ce serait un effet significatif sur notre caisse de retraite, si nous avions à envisager une telle possibilité du jour au lendemain. Alors, notre objection est présentement — je tiens à le dire — strictement d'ordre financier quant à l'administration et au coût d'une caisse de retraite devant une telle éventualité.

M. CHOQUETTE: Combien pensez-vous que nous avons de policiers au service de la police de Montréal qui sont victimes d'une incapacité partielle, permanente substantielle d'au-delà de 10 p.c. ou 15 p.c., sur une force de 4,000? Cela peut être négligeable, je pense que vous allez l'admettre.

M. LASNIER: Disons, M. le ministre, quand vous dites négligeable... Même s'il y en a un seul...

M. CHOQUETTE: Je veux dire négligeable, le nombre peut être négligeable.

M. LASNIER: Le nombre? Nous en avons plusieurs.

M. CHOQUETTE: Oui, mais quel est le pourcentage que vous pouvez avancer?

M. LASNIER: Je me suis informé et nous aurions environ 3 p.c. de notre force policière.

M. CHOQUETTE: Qui aurait...

M. LASNIER: A ce moment-là, 3 p.c...

M. CHOQUETTE: ...une incapacité partielle permanente importante.

M. LASNIER: Oui, 3 p.c. de 4,000 donne un nombre de 120 et, l'an passé, par exemple, nous avons eu vingt-trois policiers qui ont pris leur retraite. Alors, vous voyez que cela quintuple déjà le départ; et les coûts, à ce moment-là, lorsque nous voulons nous en tenir aux coûts...

M. CHOQUETTE: Evidemment, vous laissez entendre que cela obligerait les cent vingt à prendre leur retraite, ce qui n'est pas nécessairement le cas, parce qu'on peut très bien garder cent vingt policiers, même s'ils ont une incapacité partielle permanente; on peut les garder dans certaines fonctions qu'ils peuvent exercer normalement et qui requièrent, en somme, des capacités policières. Cela n'entraîne pas nécessairement la retraite des cent vingt que de dire que la tâche de coller des "tickets" ou d'accomplir certaines fonctions banales, serait confiée à d'autres. Est-ce que vous allez admettre cela avec moi?

M. LASNIER: Disons que je voudrais m'en tenir aux problèmes financiers et, cette question-là, j'aimerais bien que vous la dirigiez vers le président de la Fraternité dont c'est le rôle et la responsabilité et non la mienne, ici présentement.

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.

M. DROLET: M. le Président, tout comme l'a souligné tout à l'heure le ministre de la Justice et l'ancien ministre de la Justice, je remercie l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal du mémoire qu'elle vient de déposer. Je la félicite de son objectivité et je souhaite au nom du Ralliement créditiste que les paroles du président soient entendues par le gouvernement. J'ai tout lieu de croire que ce qu'il a dit, au nom de son association, ne soit pas tombé dans le désert. Je pense, M. le Président, que dans l'ensemble c'est tout pour le moment. Je n'ai pas d'autres questions à poser.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: M. Lasnier, il y a une chose qui m'inquiète, c'est la question du déficit actuariel

des fonds de pension des autres municipalités qui seront intégrées aux forces policières de la Communauté urbaine de Montréal. En 1967, nous avons approuvé un amendement à la charte prévoyant que la ville de Montréal serait responsable du déficit actuariel du fonds de pension de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers et là on s'en vient avec la formule d'intégration qui prévoit que la Communauté urbaine de Montréal, comme telle, ne sera pas responsable des déficits actuariels des fonds de pension avant le 1er janvier 1972. Mais, après le 1er janvier 1972, la Communauté urbaine sera responsable des déficits. Ce qui m'inquiète, c'est que seule la ville de Montréal est responsable de son déficit. La ville devra payer les déficits actuariels du fonds de pension au 31 décembre 1971. Mais, qu'est-ce qui arrive de toutes les autres municipalités? On me dit qu'il y en a 24 ou 28 qui ont des fonds de pension ou différentes sortes de fonds de pension. Je voudrais savoir ce que arrive dans le cas de ces municipalités-là, qui, autant que je sache, ont certainement des fonds déficitaires, si on les compare aux normes du fonds de pension de la ville de Montréal.

M. LASNIER: Pour répondre à votre question, M. le député d'Olier, député de mon comté, dans les notes explicatives...

M. PICARD : Ce n'était pas arrangé, M. le Président.

M. LASNIER: Non, d'ailleurs les notes explicatives que vous avez ici non plus. Dans le bill 106 que nous avons présentement devant l'Assemblée nationale, à l'article 9, dans les notes explicatives, nous avons voulu très bien couvrir cette question du problème de déficits actuariels, parce que nous savions d'avance que c'était la pierre d'achoppement devant plusieurs municipalités, devant plusieurs maires qui ont soulevé cette question déjà à la Communauté urbaine et devant la commission des Affaires municipales. Or, vous retrouvez, à l'article 9, je vous ferai grâce de le lire, toutes les raisons et tous les motifs. Et quant à la question que vous posez d'une façon particulière, nous retrouvons la réponse dans la loi actuelle, chapitre 84 des lois de 1969, le bill 75 de la Communauté urbaine de Montréal, à l'article 233, alors qu'il est stipulé, non pas seulement pour la ville de Montréal mais aussi pour toutes les municipalités, que la Communauté urbaine ne devra assumer aucun de ces déficits actuariels. Il est bien implicite que d'une part, au 31 décembre 1971, si c'est le cas, lorsqu'il y aura l'intégration, nous verrons à cette date le déficit actuariel de Montréal établi comme nous devrions voir aussi établis les déficits actuariels de chaque municipalité, si c'est bien la date de l'intégration pour chacune de ces municipalités. Or, à cette date d'intégration, ou à ces dates d'intégration — s'il v a des dates — les déficits actuariels de chacune des municipalités devront être déterminés afin que chacune de ces municipalités respecte bien l'esprit de l'article 233 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

M. PICARD: Mais précisément, M. Lasnier, l'article 233 du bill 75 précise que la Communauté urbaine n'assumera pas les déficits actuariels, mais il ne dit pas que les municipalités et les fraternités de policiers, c'est-à-dire les associations de bienfaisance des policiers de ces municipalités devront voir à ce que leur municipalité défraie le déficit. C'est là où est le point.

M. LASNIER: Dans notre projet de loi, nous avons couvert le problème que vous soulevez.

M. PICARD : Vous avez mentionné tantôt votre projet de loi no 106, je vous garantis que je le cherche depuis quinze jours et il n'a pas moyen de le trouver. Je ne sais pas où il est. C'est un projet de loi privé .

M. LASNIER: Nous vous en avons fait parvenir un.

M. PICARD: Je me suis informé au greffier la semaine dernière et personne ne semble l'avoir. Où est-il ce projet-là?

M. LASNIER: Vous l'avez présentement dans le mémoire qui est déposé.

M. PICARD: Vous avez donné les notes explicatives, ici, du projet de loi, mais on aimerait bien avoir le texte.

M. LASNIER: Vous avez mon mémoire, au chapitre 5.

M. PICARD: Le texte est parfois beaucoup plus intéressant que les notes explicatives. La question qui m'inquiète, c'est de savoir si les 24 ou 28 municipalités qui ont présentement un fonds de retraite pour les policiers devront assumer le déficit actuariel s'il y en a, avant l'intégration le 1er janvier 1972.

M. LASNIER: Comme pour Montréal. Ce qui s'applique à Montréal s'applique à chacune des municipalités.

M. PICARD: J'aurais une autre question à vous poser: Est-ce que vous êtes au courant de la contribution de la ville de Toronto au fonds de pension des policiers de Toronto? A Montréal, c'est 8 p.c.

M. LASNIER: Oui, monsieur. M. PICARD: A Toronto? M. LASNIER: 8 p.c.

M. PICARD: Quelle est la contribution du policier?

M. LASNIER: Identique.

M. PICARD: C'est identique à Montréal?

M. LASNIER: Voulez-vous reprendre votre question, s'il vous plaît?

M. PICARD: Je voulais savoir si la contribution du Toronto métropolitain, au lieu de la ville de Toronto, au fonds de pension de bienfaisance...

M. LASNIER: Equivalente à celle d'un employé à Toronto, 8 p.c. et 8 p.c.

M. PICARD: 8 p.c. et 8 p.c. Ici c'est 11 p.c. et 8 p.c.

M. LASNIER: 11.63 p.c. et 8 p.c.

M. PICARD: 11.63 p.c. à cause du rattrapage. Mais c'est 11 p.c. et 8 p.c. Ce qui veut dire que la ville de Montréal, si on ne prend pas en considération le rattrapage, à cause du fait que la ville n'a pas contribué pendant deux ans, le taux est de 11 p.c. A Toronto, il est de 8 p.c. Si on peut garder ça en mémoire, j'aurais une question à vous poser. Lorsqu'on discute de convention collective, on discute de salaires et d'avantages sociaux. N'est-il pas vrai que, dans le cas de Montréal, les contributions de la ville, qui sont administrées par l'Association de bienfaisance et de retraite, ne font pas partie des négociations par la fraternité qui est le syndicat?

M. LASNIER: Elles font partie de ces négociations; c'est inclus non seulement lors des négociations, mais aussi l'histoire de la fraternité démontrera que, lors des arbitrages que la ville a toujours mis en preuve, cette participation-là, ce coût, à son service de la police.

M. PICARD: Je veux prendre votre parole, M. Lasnier, c'est parce que j'ai des informations à l'effet — remarquez bien que M. Marcil ne sera pas content que je dise ça — où donc est-il?

M. LASNIER: Il est ici.

M. PICARD: Il ne serait peut-être pas content que je dise ça; mais il se peut que... J'ai des informations à l'effet qu'après que la Fraternité des policiers de Montréal eut réclamé et obtenu des autorités de la ville de Montréal la parité de salaire avec Toronto, on s'est réveillé avec les résultats suivants: c'est que les policiers de Montréal étaient maintenant payés, en tenant compte du fonds de pension et de tout ça, $300 de plus annuellement que les policiers de Toronto.

Cela doit être vrai dans ce cas-là, ce n'est pas seulement... On semble s'en réjouir.

M. LASNIER: Je crois que les applaudissements répondent à votre question.

M. PICARD: Si je me pose la question, c'est pour ça que je vous demandais tantôt de m'établir le pourcentage de contribution des municipalités au fonds de retraire de leurs policiers, c'est qu'il y a un article quelque part, j'ai lu ça dans votre mémoire la semaine dernière: apparemment, ça ne fait pas partie des négociations. Puis vous me dites le contraire.

M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas compris distinctement, je crois, parce qu'alors que, dans les conventions collectives des municipalités autres que Montréal, la question du fonds de pension est traitée dans la convention collective même, lorsqu'il s'agit de Montréal, étant donné que le régime de pension est un régime institué par l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal Inc. et est administré par cette corporation autonome, les dispositions au sujet de la pension des policiers montréalais ne sont pas dans la convention elle-même. Elles sont distinctes. Je pense que c'est la situation, n'est-ce pas, M. Lasnier? C'est la différence?

M. BURNS: Mais c'est un problème purement académique, à mon avis. Je pense bien qu'à la ville de Montréal, ne nous contons pas de peurs, ils doivent le compter...

M. CHOQUETTE: C'est clair, je suis d'accord. Je l'espère.

M. BURNS: Quand bien même on dirait que ce n'est pas dans la convention collective...

M. CHOQUETTE: C'est parallèle.

M. BURNS: ... et que ça fait partie d'un règlement spécial, je pense bien que personne ne va s'imaginer que la ville de Montréal ne s'attend pas à compter sa contribution comme faisant partie du coût global des salaires et bénéfices marginaux des policiers...

M. CHOQUETTE: Le régime est différent...

M. BURNS: Si cela donne $300 de plus, c'est peut-être reconnaître que la ville de Montréal n'a jamais voulu le dire. Elle a de meilleurs policiers qu'à Toronto. C'est tout. C'est aussi simple que ça.

M. PICARD: M. le Président, je ne suis pas tout à fait d'accord sur ce que le député de Maisonneuve a dit.

M. BURNS: C'est vrai.

M. PICARD: Je suis d'accord pour les $300. Ils les méritent à Montréal. Ils ont assez de problèmes avec les fauteurs de troubles et tous les gens que vous connaissez. Ils les méritent.

M. BURNS: Des gars qui font de la manifestation.

M. PICARD: Il reste qu'il faut aussi se placer au point de vue du contribuable. Nous, en tant que législateurs, nous sommes prêts à être indulgents pour un peu tout le monde, mais il faut aussi penser aux contribuables. Ce que j'aime moins, c'est que, lorsqu'il y a eu cette menace de grève de la part des policiers et lorsqu'on a réclamé la parité de salaire, si on n'a pas utilisé la même base de calcul, je trouve que ce n'est pas honnête. Quand on compare le salaire du policier du Toronto métropolitain, on inclut dans le salaire ce qu'il en coûte à la municipalité, la contribution de la municipalité au fonds de retraite des policiers et qu'à Montréal, on ne l'inclut pas, je peux vous garantir tout de suite et je vais vous le dire ce qui va arriver en dedans de deux ans. C'est que Toronto va se réveiller et va s'apercevoir que Montréal donne $300 de plus. Toronto va peut-être demander — cela va être calculé dans leur conventnion collective — l'augmentation normale de $600 ou $700 plus les $300 pour être en parité avec Montréal. L'année suivante, Montréal va revenir demander la parité avec Toronto. Il va y avoir cette espèce d'escalade parce qu'on n'aura jamais la même base de calcul. Si on veut parler de parité de salaire, parlons exactement de ce qu'il en coûte à la municipalité de Toronto et de ce qu'il en coûte à la municipalité de Montréal.

M. BURNS: On n'est pas pour refaire ici les négociations ardues qui ont eu lieu entre les policiers de Montréal et la ville de Montréal.

M. VEZINA: Le député de Maisonneuve réalise-t-il qu'il s'est fait applaudir par les policiers de Montréal?

M. BURNS: Non, j'étais tellement absorbé que...

M. PAUL: Je n'ai pas objection à rappeler à mon collègue que si nous sommes, nous, les parlementaires du Québec, les mieux payés de toutes les provinces du Canada, je ne verrais pas pourquoi les policiers de Montréal ne recevraient pas un salaire légèrement supérieur. Comme vous l'avez signalé, ils ont un travail extrêmement ingrat, difficile, si on tient compte des contestations auxquelles ils doivent faire face.

M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. PAUL: Vous êtes jaloux, vous n'avez pas eu d'applaudissements.

M. CHOQUETTE: Je voudrais simplement faire une suggestion. C'est que l'on revienne au système traditionnel des deux parties et qu'on abandonne le système des quatre parties.

M. BURNS: On n'est pas tout à fait d'accord là-dessus.

M. DROLET: On n'a pas applaudi beaucoup. UNE VOIX: Vous non plus.

M. BURNS: Demain, j'ai bien hâte de voir l'ancien ministre de la Justice et le nouveau ministre de la Justice pour voir s'ils vont dire la même chose aux policiers provinciaux.

M. LACROIX: Est-ce que le futur ministre de la Justice va y être aussi?

M. PAUL: Certainement. Durant le temps que j'ai été là, je n'ai jamais eu de plaintes.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?

M. LASNIER: Pour répondre d'une façon définitive à la question soulevée, tant à Toronto qu'à Montréal — je dis tant à Toronto parce que j'ai été appelé par l'Association des policiers de Toronto à aller témoigner dans un arbitrage il y a quelques années — je suis au courant qu'aux deux endroits, dans le calcul du coût, on inclut la contribution de l'employeur de ces deux villes à l'intérieur des coûts des conventions pour les contrats.

M. PICARD: M. Lasnier, j'ai lu quelque part dans votre rapport que la pension, la retraite des policiers de Toronto est à peu près la moitié de ce qu'elle est à Montréal. Comment expliquez-vous ça?

M. LASNIER: Parce que les policiers de Toronto tentent d'améliorer leur fonds. Cette année, actuellement, ils sont en arbitrage. Actuellement — le président, M. Guy Marcil, l'a très bien mentionné ce matin lors de la présentation de son mémoire — lors de l'intégration des forces policières à Toronto, le problème principal, majeur qui a été soulevé, et qui existe encore malheureusement aujourd'hui après tant d'années, c'était le problème des caisses de retraite. Comment expliquer la différence entre Toronto et Montréal? Je crois qu'à Toronto, quant aux bénéfices du fonds de pension, ils ont beaucoup de rattrapage à faire.

M. PICARD: Vous l'avez dans votre rapport. J'ai vu qu'il était à peu près la moitié, ce sont $4,500.

M. LASNIER: Les bénéfices, oui, mais la contribution, non.

M. PICARD: Comment expliquer alors, si la contribution est la même, qu'il y en ait un qui paie deux fois plus?

M. LASNIER: Voici, le président de Toronto, dans un article qu'il a fait et auquel vous référez ici...

M. PICARD: Oui, je l'ai vu.

M. LASNIER: ...— ce n'est pas dans le mémoire que vous avez, c'est dans la brochure que nous avons fait parvenir, ce n'est pas dans ce document —...

M. PICARD: Je l'ai ici, cet article.

M. LASNIER: ... reproche aux administrateurs de la ville qui ont le contrôle de la caisse d'avoir fait une mauvaise gestion, d'avoir fait des investissements qui n'ont pu rapporter des sommes suffisantes pour pouvoir donner des bénéfices de pension comparables aux nôtres. Je vous cite les paroles du président de Toronto qui sont contenues dans la brochure que j'ai ici et ce n'est pas dans le mémoire.

M. PICARD: C'est là-dedans que je l'ai vu.

M. LASNIER: Les paroles que je répète sont les paroles du président de l'association de Toronto, M. Sid Brown, dans une déclaration qu'il a faite.

M. PICARD: C'est dans cette brochure qu'il fait mention du montant de retraite d'un policier de Toronto qui est la moitié de ce qu'il est pour les policiers de Montréal.

M. LASNIER: C'est ça.

M. PICARD: Et pourtant, les deux communautés...

M. LASNIER: Tout de même, dans chaque caisse, vous avez une situation historique. Vous avez eu le problème à Toronto avec l'intégration des caisses. Après cette intégration, on a tenté de trouver des mécanismes pour pouvoir répondre aux problèmes soulevés après l'intégration. Nous, nous tentons, avant l'intégration, de prévoir ce problème. Nous voulons utiliser l'expérience de Toronto pour pouvoir éviter de voir se répéter ici expérience malheureuse qu'ils ont eue.

M. LE PRESIDENT: M. Lasnier, au nom des membres de la commission, je voudrais vous remercier de la qualité du mémoire que vous avez présenté à la commission. Et également remercier vos proches collaborateurs pour être venus ici, à Québec, prendre une part active à la commission.

Quant à la commission, elle siégera demain matin à 10 heures pour entendre d'autres mémoires et d'autres représentants.

(Fin de la séance à 16 h 48)

Séance du mercredi 8 décembre 1971 (Dix heures quatorze minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue, au nom des membres de la commission, à ceux et celles qui, ce matin et cet après-midi, présenteront leur mémoire à la commission parlementaire de la Justice.

Vous me permettrez de donner l'ordre dans lequel nous entendrons les mémoires présentés. D'abord, M. Roger Dulude présentera le mémoire de l'Association des chefs de police et pompiers de la province de Québec. En second lieu, Me Micheline Audette-Filion présentera le mémoire du Barreau de Québec. En troisième lieu, M. René Chartrand, directeur adjoint, présentera le mémoire de la Fédération des employés de services publics de la province du Québec, et le quatrième et dernier mémoire: M. Guy Magnan, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, présentera le mémoire de cette association.

Dès à présent, j'inviterais M. Dulude à présenter le mémoire de l'Association des chefs de police.

Association des chefs de police et pompiers de la province de Québec

M. DULUDE: M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire chargée d'étudier le livre blanc sur la police et la sécurité des citoyens, messieurs.

L'Association des chefs de police et pompiers de la province de Québec désire vous soumettre le présent mémoire portant sur le livre blanc qui traite de "la police et la sécurité des citoyens". Il comprend une étude brève de ce document de travail, une appréciation la plus objective possible des propositions qu'il recommande et une mise en garde contre les dangers éventuels d'une trop grande centralisation dans ce domaine.

Etude de ce document de travail. "Pour assurer le maintien de l'ordre, la protection des citoyens et la sécurité de l'Etat qui sont essentiels au fonctionnement normal de toute société, le livre blanc sur "la police et la sécurité des citoyens" reconnaît deux impératifs fondamentaux à l'organisation policière. Soit: A) Le besoin d'une action générale plus coordonnée et le besoin d'une action particulière à l'égard du crime organisé, du terrorisme et de la criminalité économique; B) Le besoin de réunir certaines forces policières locales en une force unifiée à l'échelon régional.

L'Association des chefs de police et pompiers de la province de Québec a déjà eu l'occasion de reconnaître et reconnaît de nouveau que les deux impératifs ci-dessus sont parfaitement valables pour assurer "une action policière plus efficace et plus fructueuse".

La récente Loi de police et la prochaine législation que ce livre blanc nous permet de prévoir sont sûrement de louables initiatives en vue d'assurer une meilleure organisation de la police, mais nous croyons que toutes réformes de structures proposées ou adoptées pour assurer une nouvelle "politique de défense sociale", même si elles nous paraissent valables, ne pourront à elles seules assurer l'objectif recherché.

Même si notre association se déclare en principe favorable à l'ensemble des recommandations du livre blanc actuellement à l'étude, nous désirons faire nôtres les remarques formulées dans le mémoire présenté par nos confrères de la Fraternité des policiers de Montréal Inc. qui "déplore que l'efficacité policière n'ait pas été étudiée dans un contexte plus général, dans un vrai livre blanc sur la Justice et sur les organismes qui la protègent et la sanctionnent."

Nous ne pourrons critiquer indéfiniment l'efficacité policière, et il faudrait bien un jour se résigner à faire une étude en profondeur de notre société actuelle, des malaises profonds qui la secouent constamment et des causes multiples qui provoquent ou facilitent le crime ou le désordre.

L'exemple de plusieurs pays où la force policière nous paraît bien organisée et bien structurée et où le crime et la violence sont de plus en plus fréquents ne prouve-t-il pas que l'efficacité de la police n'est pas qu'un facteur dans les moyens dont dispose un pays pour assurer la justice, la liberté et le respect des droits de chacun des citoyens.

Nous sommes d'avis que notre société actuelle a besoin d'être gouvernée et administrée avec une certaine fermeté susceptible d'assurer le respect de l'autorité dûment constitués. Il ne s'agit pas d'utiliser cette forme d'autorité qui caractérise certains pays totalitaires ou dirigés par un régime militaire, mais de faire preuve de cette fermeté qui assure le respect des droits et des libertés des citoyens, mais qui réprime la violence, le désordre et le crime sous toutes ses formes avec justice, mais également avec vigueur, de façon que les citoyens soient bien conscients que l'autorité constituée du gouvernement, des tribunaux et de la police est bien présente et veille à leur protection complète.

Comment peut-on assurer une justice égale pour tous? Comment peut-on rétablir le respect des tribunaux, de nos corps de police? Comment peut-on songer à réduire le nombre toujours croissant de criminels, si ceux qui détiennent l'autorité dans ces différents secteurs sont bafoués et ridiculisés, au lieu d'être respectés? Les trois grands pouvoirs de tout Etat démocratique, exercés par ceux qui les détiennent, assistés de ceux qui oeuvrent comme auxiliaires dans leur exécution, doivent agir à la manière du père de famille qui doit toujours conserver son autorité et agir avec sagesse, fermeté et bonté.

Appréciation des propositions que le livre blanc recommande.

Le livre blanc recommande particulièrment la régionalisation des corps de police.

Notre association est favorable à cette proposition qui va sûrement faciliter la coordination des forces et assurer une plus grande efficacité de l'action policière. Cette régionalisation doit cependant se faire en faisant une délimitation intelligente du territoire de chacune des régions à la lumière du seul facteur de l'efficacité des corps de police.

Notre association est également favorable au principe du conseil de sécurité, qui, suivant le document de travail, "aura la responsabilité du maintien de la paix et de l'ordre public dans le territoire désigné, et qui veillera à ce que les corps de police s'acquittent des responsabilités qui lui auront été assignées par le décret d'intégration". L'expérience de tels comités de police dans la province d'Ontario s'est avérée bonne, et nous croyons que cette recommandation fera disparaître les lacunes de l'administration actuelle des corps de police qui relève dans bien des cas de l'autorité municipale.

Les fonctions du policier doivent être centrées sur la prévention et la répression du crime, et c'est à bon droit que le livre blanc rappelle cette règle fondamentale du rôle social du policier.

Il nous a toujours paru ridicule que l'on emploie l'homme de police à des tâches très secondaires, comme l'émission et la perception de billets de stationnement. C'est là un moyen parmi bien d'autres pour diminuer le rôle véritable du policier et lui donner auprès du public l'image de celui qui contribue à l'exploitation de la population sur le plan pécuniaire. Un grand nombre de fonctions exercées présentement par le policier devraient être assumées par d'autres personnes.

Le livre blanc se penche à bon droit sur un autre problème extrêmement important qui est celui de la formation de base de celui qui se destine à la fonction de policier. Le recrutement de tout nouveau policier, qui s'est fait trop souvent dans le passé suivant des critères très peu valables, devra à l'avenir se faire suivant ceux de la compétence, des aptitudes et du désir de servir la collectivité dans cette forme très spéciale d'activité humaine.

Tous les efforts que l'on se propose de faire pour améliorer constamment la qualité et la compétence du policier actuel et futur sont très souhaitables et obtiennent l'approbation unanime de tous ceux qui sont déjà dans la carrière du policier.

Nous pourrions en dire davantage sur les moyens de recrutement, de sélection, de formation et de promotion du personnel des corps de police, mais nous croyons que d'autres organismes pourront, après étude et réflexion sur le sujet, faire les recommandations pertinentes.

Notre association est également favorable à la spécialisation qui s'impose pour la formation de policiers spécialisés qui compléteront les corps de police réguliers. Nous sommes également favorables à ce que les policiers soient

régis par un code d'éthique ou de discipline qui favorisera d'une part une meilleure compréhension de leurs fonctions et de leurs responsabilités et qui assurera un traitement juste à chacun d'entre eux, au cas de contravention fondée ou non fondée à ce code.

Mise en garde contre une trop grande centralisation. La seule crainte que nous inspire le livre blanc serait peut-être une centralisation trop grande de l'autorité sur les différents corps policiers. Même si une plus grande efficacité de l'action policière exige l'unification d'un certain nombre de corps de police, il faut quand même ne pas glisser vers cette tendance à la concentration du pouvoir policier entre les mains de l'Etat.

Personne ne désire un Etat policier, et le gouvernement ne doit pas, par sa prochaine législation, prêter flanc aux critiques des citoyens qui seraient, dans un tel cas, abondantes et vigoureuses. La création d'un nouveau ministère qui aurait la responsabilité de l'ensemble de l'action et de l'administration de la police au Québec nous paraît un geste dangereux dans les circonstances, et nous croyons que le ministre de la Justice doit conserver la responsabilité de nos différents corps de police.

La sécurité des policiers supérieurs. Il nous reste maintenant à traiter subsidiairement la question de sécurité des directeurs et des officiers supérieurs des corps de police, concernant leur emploi et leur traitement.

Il est évident que l'unification et le regroupement des corps de police sur le plan régional va faire perdre à certains directeurs et officiers supérieurs leur emploi actuel.

Même si le livre blanc comporte certaines propositions qui nous paraissent plutôt générales, nous demandons que cette question soit étudiée davantage pour la protection des droits acquis des personnes concernées.

La nouvelle Loi de police a prescrit une procédure nouvelle pour la destitution d'un directeur de police, mais nous croyons que cette procédure ne va pas assez loin du fait qu'elle n'assure pas à la personne impliquée le paiement de son traitement durant le temps requis pour lui permettre de porter son cas en appel. La procédure prévue à cette même loi par l'article 35 et qui concerne le directeur général nous paraît préférable et devrait, avec les changements appropriés, s'appliquer également aux directeurs de police ou à tout officier supérieur qui est destitué par l'autorité qui l'emploie.

De plus, notre association est favorable à ce que les normes de fixation du traitement des directeurs ou officiers supérieurs des corps de police soient établies dans une loi, après consultation et discussion avec les parties intéressées. On sait qu'actuellement, les policiers bénéficient des droits de négociation avec leurs employeurs, tandis que les directeurs et officiers supérieurs sont tout simplement à la merci des autorités municipales qui les emploient. Il arrive trop souvent qu'un policier se fasse, avec son temps supplémentaire, un salaire plus élevé que le traitement accordé à son directeur. C'est là une situation inacceptable et qui nous paraît inique.

Cette insécurité au niveau de l'emploi et du traitement est de nature à nuire au recrutement et à l'efficacité des directeurs et officiers supérieurs des corps de police.

Notre association reconnaît que le législateur s'est penché sur ce problème et a tenté, par divers amendements, d'améliorer la condition du directeur, mais cela n'est pas suffisant et nous réclamons davantage.

Nous soumettons également à l'attention des membres de votre commission le problème sérieux de l'établissement d'un fonds de pension adéquat et du droit de retraite avant 65 ans. Nous croyons que, les obligations étant les mêmes, les droits que possèdent les policiers provinciaux dans ce domaine devraient être reconnus aux policiers municipaux.

En conclusion, notre association s'est toujours intéressée, dans le passé, beaucoup plus à l'intérêt public qu'à l'intérêt particulier de ses membres, et elle croit avoir à son crédit certaines réalisations intéressantes. Elle a largement contribué à l'élaboration et à l'adoption de la Loi de police, à la création de la Commission de police et de l'Institut de police. Elle a, de plus, consacré des sommes appréciables suivant ses modestes moyens pour faire effectuer certaines études et particulièrement sur la délinquance juvénile et elle a, avant la création de l'Institut de police, contribué à la formation générale des policiers. Elle a aussi organisé des journées d'étude sur le crime organisé, sur le policier éducateur et sur les dangers du transport routier des produits dangereux.

Nous poursuivons nos travaux et nos recherches dans plusieurs autres domaines, car nous avons la conviction profonde qu'une association comme la nôtre doit consacrer toutes ses énergies en vue de contribuer à une meilleure efficacité de l'action policière au Québec.

Nous terminons ce trop bref mémoire en offrant à qui de droit notre collaboration la plus entière pour que l'action policière soit de plus en plus efficace et plus fructueuse. Le tout respectueusement soumis, M. le Président, membres de la commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Dulude. J'inviterais maintenant le ministre de la Justice à donner ses commentaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter M. Dulude et les membres de son association pour le mémoire qu'ils viennent de présenter à la commission parlementaire. Je crois que ce mémoire touche à beaucoup de questions importantes qui se trouvent au livre blanc, beaucoup de points critiques dans la question de l'organisation de la

police au Québec. Sans que le mémoire soit trop long, il a quand même réussi, je pense, à mettre le doigt sur un certain nombre de questions qu'il importe de se poser et que les auteurs du livre blanc se sont posées.

Une remarque préliminaire: je voudrais dissiper toute ambiguïté, s'il en existe, â l'effet que la répression du crime est exclusivement la responsabilité de la police. Je pense que, si l'on croit que les auteurs du livre blanc ont voulu faire porter seulement sur les corps de police l'état de la criminalité au Québec, on se trompe lourdement; nous comprenons tous facilement que la police est l'un des instruments de la société, peut-être l'instrument d'avant-garde, contre le crime mais ce n'est pas la police qui porte la responsabilité du crime. Je voudrais bien, immédiatement, dissiper toute fausse impression que l'on pourrait avoir du fait que nous nous sommes penchés sur le problème spécifique de la police dans ce livre blanc. Il est peut-être vrai que nous avons braqué l'éclairage sur la fonction policière dans la société mais cela n'était pas dans le but de faire supporter à la police tous les maux d'une société qui, comme beaucoup d'autres, est dans un état d'agitation. Je pense qu'à ce point de vue-là le livre blanc est assez explicite si l'on veut le lire clairement.

Je voudrais maintenant m'attacher à quelques points qui ont été relevés par M. Dulude dans son mémoire et qui m'ont vivement intéressé. Je constate tout d'abord que l'Association des chefs de police est favorable à la régionalisation des corps policiers de façon à assurer une plus grande efficacité; je constate également que, dans le domaine de l'action contre la criminalité en général, on se rend compte qu'il est nécessaire d'assurer une meilleure coordination entre les différents corps de police qui sont appelés à jouer un rôle à ce niveau-là.

D'un autre côté, on nous met en garde contre une trop grande centralisation. Je trouve un développement sur ce sujet à compter de la page 8 et qui se trouve principalement à la page 9. Je tiens à dire à M. Dulude que notre intention n'était sûrement pas d'imposer une centralisation excessive en matière d'action policière et en matière de contrôle des corps policiers. Nous avons plutôt cherché à trouver l'équilibre raisonnable entre la dispersion de l'action des corps policiers, d'une part, et, d'un autre côté, la nécessité d'une meilleure coordination de cette action.

Alors, l'objet des discussions que nous avons aujourd'hui, c'est justement de tenter de préciser dans quelles conditions on peut arriver à l'équilibre optimum entre la coordination que vous reconnaissez être un impératif dans la situation actuelle et, d'un autre côté, l'absence d'un contrôle excessif de l'Etat ou des organismes politiques sur l'action policière. A ce point de vue, je remarque une préoccupation dans votre mémoire, relativement à un phénomène qui a existé au Québec, à certaines occasions et dans certains endroits, soit une ingérence excessive de la part d'élus, au plan local, dans l'action policière. Je pense que si vous vous ralliez à l'idée de conseil de sécurité sur la régionale, c'est justement que vous voulez, d'une part, avoir une action policière qui soit coordonnée et organisée au plan régional et, d'un autre côté, vous voulez éviter l'intervention indue de certaines personnes qui peuvent nuire au travail policier.

Je vous dirai que, cette préoccupation que vous avez au plan local, nous l'avons au plan du Québec dans son ensemble. Nous l'avons, parce que l'objectif du gouvernement n'est pas de créer une police omnipuissante qu'il contrôlerait au Québec; cela n'est pas l'objectif du gouvernement actuel. Son objectif est d'assurer une meilleure action policière dans l'ensemble du Québec, d'assurer des mécanismes de coordination, sûrement, mais aussi faire en sorte que la police ne soit pas un Etat dans l'Etat. Cela doit être également une de nos préoccupations, comme hommes politiques et comme élus du peuple, de faire en sorte que la police ne constitue pas un Etat policier à l'inverse, qui agirait sans le contrôle de ceux qui ont reçu le mandat du peuple de diriger les destinées du Québec.

C'est justement cet équilibre que nous recherchons au niveau du Québec, entre la nécessité d'une meilleure coordination et, d'un autre côté, la responsabilité du gouvernement, pour l'action policière. Evidemment, on peut discuter sur les formules et je ne dirai pas que toutes les formules proposées dans le livre blanc seront maintenues coûte que coûte. Je voudrais être bien clair, le gouvernement est ouvert au dialogue et à la discussion; il entend prendre des décisions à la lumière de l'intérêt général. Non pas pour s'approprier une force excessive par l'intermédiaire des corps policiers à l'égard de la population en général.

Alors, sur la formule du ministère de la police, la discussion reste ouverte. Je dirais qu'elle reste même très ouverte. Ceci dit, je pense que ça permet peut-être, à la lumière de ce que vous nous avez dit ce matin, de clarifier nos objectifs comme gouvernement, comme représentants du peuple dans les conditions actuelles.

M. DULUDE: M. le ministre de la Justice, vous venez compléter ce que nous voulions vous faire dire ici, en ce qui concerne notre mémoire. Naturellement, nous sommes conscients du travail efficace accompli par le ministère de la Justice. Le livre blanc dit très bien, et nous en sommes conscients, que ce n'est pas un livre sur l'administration de la justice; c'est un livre sur la police et la sécurité des citoyens.

Nous sommes conscients, vous l'avez dit, nous sommes d'accord, nous sommes favorables. Nous avons remarqué aussi que plusieurs recommandations, comme vous l'avez si bien dit tout à l'heure, sont insérés dans votre livre blanc et sur lesquelles nous sommes entière-

ment d'accord. Vous avez dit ce que je voulais entendre. Réellement, je n'ai rien à ajouter parce que nous sommes conscients que cela ne serait pas bien d'avoir un Etat policier au Québec. On le conçoit. Sur le conseil de sécurité, nous sommes entièrement d'accord; c'est normal d'en avoir un pour gérer.

On a parlé du ministre de la police. Dans notre mémoire, un ministre de la police, nous ne disons pas que nous sommes contre ou pour; par contre, il faut avoir quelqu'un pour s'occuper du domaine policier tout spécialement parce que c'est un domaine, un corps à part et qui, lui, en retour pourra faire sa réponse au ministère de la Justice. Mais, nous ne voulons pas que le ministre de la Justice soit exclu complètement du domaine policier parce que nous en avons besoin de même que les citoyens et les corps policiers. C'est pour cette raison que nous avons soumis certains articles dans notre mémoire. Encore une fois, je vais vous féliciter pour le travail accompli et les paroles que vous avez dites tout à l'heure qui complètent intégralement notre mémoire. Merci, M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Dulude. J'inviterais le député de Maskinongé, au nom d'Unité-Québec.

M. PAUL: M. le Président, ce qu'il y a d'intéressant dans le mémoire de l'Association des chefs de police, comme le signalait le ministre de la Justice, c'est qu'il touche à certains points, je ne dirais pas obscurs mais incomplets du livre blanc sur le policier et la protection du citoyen. Ce mémoire, M. le Président, est préparé par des hommes d'expérience et du métier, puisqu'ils ont la responsabilité de la discipline des hommes qu'ils ont sous leur contrôle.

Je dois, moi aussi, regretter que ce livre blanc de la justice ne couvre pas tous les aspects et tous les problèmes de l'administration de la justice au Québec. C'est une première étape, comme le signalait le ministre hier, et sûrement qu'à la suite de l'expérience vécue des hommes en place, tels que les membres de l'association, à la suite du travail de la Commission de police, excellent travail de formation, à la suite du souci que mettent ces hommes dans l'étude des différents problèmes dans lesquels se trouvent nos corps policiers et nos policiers, nous pourrons finalement adopter une loi qui puisse revaloriser le policier, en même temps que nous aurons l'occasion de lui accorder la sécurité d'emploi et que nous ferons de lui un véritable collaborateur de l'administration de la justice au Québec.

Il est intéressant, M. le Président, de noter une crainte; M. Dulude n'a pas voulu se prononcer sur l'opportunité de créer ou non un ministère de la police.

Mais, en termes bien polis et courtois, ils éveillent l'attention du ministre sur les dangers que pourrait apporter ou créer un Etat policier chez nous. Sans doute qu'ils ont écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments qui nous ont été servis hier sur ce point par M. Marcil.

M. le Président, il y a un autre problème dans ce mémoire qui semble avoir échappé aux auteurs du livre blanc sur l'administration de la justice. C'est bien le problème de la sécurité des chefs de police ou des directeurs de police. Il me semble que le livre blanc est muet sur ce point. Du moins, on ne s'y arrête pas pour assurer ceux qui se verront victimes, — je dis victimes — de ceux qui seront obligés nécessairement de céder leur place, si nous procédons à une intégration de différents corps de police à la régionalisation des corps de police. Est-ce que ce sera au détriment de ceux qui occupent des fonctions de chef ou de directeur dans les municipalités?

M. le Président, il ne faut pas oublier que ces chefs de police feront également partie de tout cet ensemble de l'administration de la justice. J'ai bon espoir que le mémoire qui nous est présenté ce matin pourra éveiller l'attention et du ministre et des hauts fonctionnaires pour que nous puissions tendre vers la sécurité intégrale des citoyens, en même temps que nous devrons tout mettre en oeuvre, je ne dirais pas pour revaloriser le travail du policier, mais pour reconnaître son véritable rôle social dans notre vie. Il est à souhaiter également que ces mesures législatives qui découleront sûrement de ce livre blanc, se pencheront et considéreront le sort éventuel qui peut être réservé aux directeurs actuels de nos différents corps de police.

Je veux donc, M. le Président, au nom de mon collègue, le député de Missisquoi, et au nom des députés de l'Unité-Québec, féliciter et remercier très sincèrement les membres de l'Association des chefs de police et pompiers de la province de Québec pour l'objectivité de leur mémoire et pour la présentation de certains aspects que l'on peut retrouver dans ce livre blanc intitulé La police et de la sécurité des citoyens. Je suis sûr qu'ils auront, par ce mémoire, contribué à atteindre le but visé, tant par les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice que par tous ceux qui, de près ou de loin, s'intéressent au problème de la Justice dans le Québec.

M. DULUDE: Merci, M. le député pour vos paroles élogieuses. Si je peux me permettre une remarque. A la page 151 du livre blanc, au numéro 92, on parle un peu de l'échelle de salaire et ainsi de suite pour le directeur de police et la Commission de police s'en occupe.

On ne nous a pas oubliés complètement et nous sommes conscients du fait. Nous avions eu antérieurement une journée d'étude sur le livre blanc et nous avions fait certains commentaires à ce moment-là au ministre de la Justice qui a décidé de les insérer. Nous sommes conscients de la chose et, comme vous l'avez remarqué, nous ne sommes pas allés très loin quant au fait

de défricher dans l'administration de la justice, nous nous en sommes tenus au livre blanc et notre mémoire a été présenté objectivement par rapport au contenu du livre blanc, rien d'autre. Je vous remercie beaucoup.

M. CHOQUETTE: M. le député de Maskinongé, M. Dulude, M. le Président, j'attire votre attention sur la recommandation 93, au sujet de la sécurité d'emploi des chefs de police, à la page 151 du livre blanc. Je crois que vos désirs sont exaucés, au moins par le livre blanc.

M. DULUDE: D'accord, M. le ministre de la Justice, mais nous voulions, à ce moment-là, attirer l'attention à l'article 35 de la loi de police...

M. CHOQUETTE: Ah oui!

M. DULUDE: ... qui est beaucoup mieux, mais avec le ministère de la Justice, on peut référer à l'article 35 de la Loi de police et, peut-être au point de vue de la sécurité de l'emploi, nous assurer une meilleure sécurité pour les chefs ou directeurs de police. Je crois que M. le ministre de la Justice est conscient de la chose, je n'ai besoin de rien étaler. Nous nous en remettons à vous, nous avons confiance en vous, vous avez notre pleine confiance au ministère de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je crois — je ne parle pas seulement de mon mandat de ministre de la Justice mais aussi de celui de mes prédécesseurs que constamment les mesures en vue d'assurer la sécurité d'emploi de ceux qui ne sont pas protégés par des conventions collectives ont été améliorées. Je crois que des mesures avaient été prises antérieurement, comme j'en ai pris moi-même sous mon terme, parce que nous réalisons que celui qui n'est pas protégé par une convention collective est dans une position souvent difficile.

M. DULUDE: M. le ministre de la Justice, sans aller trop loin, il y a eu quelques applaudissements hier après-midi. Je crois que c'est pour M. Lasnier si je ne me trompe, M. le député, et Me Paul, M. le député de Maskinongé, qu'il y a eu des applaudissements pour un certain fait qui avait été présenté pour la police métropolitaine de Toronto et ainsi de suite. Nous ne voulons pas apporter ce sujet-là à propos des directeurs de police. Nous avons mentionné dans notre mémoire.

M. PAUL: Mais vous le souhaitez.

M. DULUDE: ... qu'avec le temps supplémentaire que les policiers font dans les corps policiers, les directeurs et les chefs de police sont moins payés dans la province de Québec que dans toutes les provinces du Canada.

M. CHOQUETTE: J'ai vu des cas de chefs de police qui étaient payés $5,500 par année. Je pense qu'il y en a d'autres encore dont le salaire est plus bas que ça, M. Dulude, vous pouvez me le dire. Est-ce que ce n'est pas la situation?

M. DULUDE: Vous pouvez être assuré...

M. CHOQUETTE: J'ai vu des chefs de police qui travaillent jour et nuit, qui sont chefs de police avec un policier comme assistant et qui répondent au téléphone 24 heures par jour pour n'importe quoi.

M. DULUDE: Vous pouvez être assuré, M. le ministre de la Justice, avec les responsabilités qui reposent sur nos épaules, que ceux qui demeurent en place présentement et qui veulent continuer d'oeuvrer dans la même direction, ça les préoccupe peut-être, c'est normal, ils ne se laissent pas abattre par ça parce que nous oeuvrons dans la même direction, dans l'administration de la justice.

M. BERTRAND: M. Dulude, je ne voudrais pas, quant à moi, avoir l'impression — vous pouvez éclaircir ce point-là — que les chefs de police, de manière générale, font moins de salaire qu'un policier avec son temps supplémentaire. Dites-vous que cette situation est généralisée? Est-ce que cette déclaration que vous faites, si elle est généralisée, s'applique dans des villes bien organisées?

Je vais donner des noms, parce que ça ne sert à rien de demeurer dans des généralités. Si je prends des villes comme Sherbrooke, Granby, Trois-Rivières, Hull, me dites-vous que le directeur de police d'aucune de ces villes et d'autres villes à peu près de même taille gagne moins qu'un policier, qu'un simple agent avec le temps supplémentaire?

M. DULUDE: M. le député, je n'ai pas de noms à donner mais, par contre, vous venez de mentionner...

M. BERTRAND: Ne donnez pas de noms. Moi, j'en ai donné.

M. DULUDE: ... l'agent. Je dirais, à ce moment-ci, que c'est non. Par contre, si on va à l'échelon de grades supérieurs comme un capitaine-détective ou un inspecteur de police, je dis oui, il y en a; pas partout, mais il y en a.

M. BERTRAND: Quand vous parlez d'un capitaine de police vous parlez d'un officier.

M. DULUDE: C'est un officier de police qui est syndiqué mais l'inspecteur de police ne l'est pas. Dans certains endroits, le capitaine de police ou le détective ne sont pas syndiqués. Dans d'autres endroits, ils le sont. Mais l'inspecteur de police généralement ne l'est pas. Il fait partie des cadres supérieurs.

M. BERTRAND: Alors vous dites qu'à ce moment-là il n'a pas de temps supplémentaire.

M. DULUDE: Lui, non. Mais dans certains corps de police, oui. C'est pour ça qu'au point de vue de l'uniformité et de l'intégration, probablement que...

M. BERTRAND: Est-ce que la Commission de police a commencé à se pencher sur ce problème que l'on retrouve à l'article 92 des recommandations d'une échelle de salaires et de traitements pour les directeurs et les officiers?

M. DULUDE: On demande présentement dans notre mémoire que cela soit inséré dans la loi.

M. BERTRAND: Je comprends. Est-ce que le problème a commencé au moins à être abordé? C'est beau de le mettre dans une loi mais il faudra quand même qu'on ait une solution. Est-ce qu'il y a eu une amorce de solution?

M. DULUDE : Le sujet a été déjà mentionné. Nous sommes confiants que des procédures soient prises en conséquence.

M. BERTRAND : Alors le salaire est un problème. Deuxièmement, vous parlez de retraite, de fonds de pension adéquat et du droit de retraite avant 65 ans. Prenons le fonds de pension. A l'heure actuelle, un policier, par exemple, est membre d'un syndicat, il relève soit de la Sûreté municipale de Montréal, de Québec ou de la Sûreté du Québec et il devient directeur de police. Comme policier, il a contribué à un fonds de pension. Est-ce que ce fonds de pension est transféré quand il devient directeur de la police?

M. DULUDE : Dans un corps de police municipal, il continue à contribuer à son fonds de pension.

M. BERTRAND: A ce moment-là, est-ce qu'il a droit, à un certain âge, à cette pension?

M. DULUDE: Pour ce qu'on appelle les directeurs de police c'est 65 ans présentement dans certains corps policier.

M. BERTRAND: Cela n'est pas généralisé?

M. DULUDE: Présentement, je ne pourrais rien certifier là-dessus. Par contre, pour les policiers, dans certaines villes, l'âge est 60 ans et dans d'autres endroits, 55 ans ou ailleurs, 32 ans de service, 55 ans.

M. BERTRAND: Vous parlez, à la page 12, du problème sérieux de l'établissement d'un fonds de pension adéquat et du droit de retraite avant 65 ans.

M. DULUDE: On l'a mentionné dans notre mémoire parce qu'il y a certaines villes où le directeur n'a pas de fonds de pension. La ville n'avait pas prévu alors pour le directeur de police ou le chef de police de fonds de pension à cet endroit-là. En général, c'est un sujet qui pourrait être abordé et regardé en profondeur et peut-être pourrait-on prendre les procédures nécessaires.

M. LE PRESIDENT: A ce stade-ci, je pourrais peut-être demander à mes collègues de poser leurs questions un peu plus rapidement et brièvement parce que nous avons d'autres mémoires à entendre.

Je donne la parole au représentant du Ralliement créditiste, ensuite à celui du Parti québécois, puis au député de Trois-Rivières et nous alternerons. S'il vous plaît, procédons le plus rapidement possible.

La parole est au député de Portneuf du Ralliement créditiste.

M. DROLET: Merci, M. le Président. Je remercie M. Dulude de l'Association des chefs de police et pompiers de la province pour son magnifique mémoire. J'ai trouvé ce mémoire très à point, très objectif et très clair. Je crois qu'il semble plus clair que le livre blanc lui-même. Nous l'avions justement déploré hier tout comme certains mémoires avaient fait allusion au fait que c'était surtout le livre blanc sur la police et non sur la justice.

En lisant le mémoire tout à l'heure et ceux que nous avons vus hier, je crois que la suggestion que M. Marcil avait faite de consulter spécialement vous qui êtes les responsables, en fin de compte — on dit que le livre blanc est fait par des experts — mais les principaux experts, les principaux intéressés, ce sont vous autres. Et M. Marcil avait déploré justement le fait qu'il n'avait pas été consulté ou pratiquement pas, peut-être seulement sur la fin du volume. Est-ce que votre association a été consultée lorsque le livre blanc a été fait?

M. DULUDE: On était au courant du fait que le livre blanc était en préparation.

M. DROLET: Mais vous n'avez pas été consultés.

M. DULUDE: Oui, l'association a été consultée à ce moment-là.

M. DROLET: Elle a été consultée.

M. CHOQUETTE: Il faudrait quand même dissiper une impression. Il ne faudrait pas laisser affirmer que M. Marcil n'a pas été consulté. Il a été consulté au mois de mai par les rédacteurs et le livre est sorti le 31 juillet.

M. DROLET: M. Marcil a dit hier qu'il déplorait le fait que les principaux responsables n'avaient peut être pas été assez consultés.

M. BACON: Ce n'est pas ce qu'il a dit. M. DROLET: C'est ce que M. Marcil a dit.

M. CHOQUETTE: C'est inexact. M. Marcil a été vu par ceux qui étaient chargés de la rédaction du livre blanc.

M. DROLET: De toute façon, on pourra relire le journal des Débats et vous verrez ce qu'il a dit à ce moment-là.

Je pense que dans le mémoire, M. Dulude, votre association semble craindre énormément la centralisation aux polices d'Etat. Vous avez raison. J'ai également remarqué à la page 6 certains paragraphes, surtout lorsqu'on parle de certains gestes, qui paraissent ridicules, posés par les policiers, soit de distribuer des billets et toutes ces choses-là. Et encore une fois je pense que vous avez amplement raison là-dessus.

Il y a une chose sur laquelle j'aimerais que vous soyez peut-être un peu plus clairs, à la page 9, lorsque vous semblez appuyer les autres mémoires déposés hier, lorsque vous dites que vous ne voulez pas d'un ministère de la police. Vous aimeriez rester sous l'autorité du ministère de la Justice et non d'un ministère de la police. Quelles sont vos principales raisons qui font que vous n'êtes pas en faveur d'un véritable ministère de la police.

M. DULUDE: M. le député, c'est que nous croyons que, s'il y avait un ministère de la police, au point de vue des citoyens, ceci pourrait probablement créer l'atmosphère d'un état policier.

M. DROLET: C'est votre principale raison. M. DULUDE: C'est ça.

M. DROLET: Je pense que, dans l'ensemble, c'étaient les quelques remarques que j'avais à faire. Je vous félicite de nouveau de votre mémoire que je trouve très objectif.

M. DULUDE: Merci, M. le député.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Dulude, j'ai peut-être parcouru trop rapidement votre mémoire mais est-ce qu'il touche, en particulier, aux modes de nomination des directeurs ou des chefs de police? Est-ce que vous faites des recommandations particulières relatives à ce sujet? En particulier, je sais que, depuis quelque temps, pour l'avoir lu dans les journaux, votre association se préoccupe de ce fait. J'ai cru déceler chez vos membres une volonté de ne pas voir des nominations faites parallèlement ou venant de l'extérieur. Est-ce que votre mémoire fait des recommandations particulières à ce sujet-là?

M. DULUDE: Présentement non. Mais, par contre, nous avons un comité formé, déjà en marche, avec la Commission de police, pour établir les normes. C'est la raison pour laquelle on n'en parle pas ici dans notre mémoire. C'est déjà en marche.

Pour amplifier, disons que vous venez de parler parallèle (les entrées latérales). On craint qu'à un certain moment on pourrait faire nommer Un directeur de police à qui manqueraient la compétence voulue ou les normes nécessaires à ce poste. La question latérale est très importante pour nous.

M. BURNS: En somme, voulez-vous dire que ce dont vous voulez vous préoccuper, c'est la nomination de policiers ou de gens, des professionnels de la police si vous voulez, comme chefs de police?

M. DULUDE: En place.

M. BURNS: C'est-à-dire que vous ne voudriez pas voir quelqu'un, même un avocat de quelques années de pratique, qui, une bonne journée, sans expérience du domaine policier, serait directement assigné à un poste de directeur de police.

M. DULUDE: Ce serait terrible.

M. BURNS: Je prenais le cas d'un avocat mais ce pourrait être le cas de n'importe quel autre professionnel.

M. DULUDE: Prenez l'exemple d'un camionneur ou d'un contremaître qui travaille pour une municipalité, que l'on nommerait policier ou chef de police. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons être protégés de ce côté-là.

M. BURNS: Mais c'est un peu ce que je voulais que vous précisiez.

M. PAUL: Prenez M. Thibodeau, par exemple, comme chef de police dans une municipalité ou une ville d'importance. Ce serait assez sécuritaire.

UNE VOIX: Ce serait épouvantable.

M. DULUDE: Je crois, M. le député, que Me Thibodeau est en position pour répondre.

M. THIBODEAU: Je ne réponds même pas, je ne le veux pas.

M. BUNRS: Je n'ai pas d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. Dulude, d'abord, je vous félicite pour votre excellent mémoire.

En-dehors des grands centres, dans les villes peut-être comme celles que M. Bertrand a énumérées, concernant la formation de base des policiers, vous avez souvent l'argument des municipalités qui soutiennent que cela allège le fardeau de leur budget. Je tiens compte de la recommandation 97 du livre blanc. Quand on engage, par exemple, un ingénieur, un urbaniste, ou un fonctionnaire quelconque, en règle générale, il arrive formé. On le met immédiatement au travail. Est-ce que vous avez des propositions à faire concrètement vis-à-vis des mécanismes de formation, j'entends surtout au point de vue de la question budgétaire?

M. DULUDE: M. le député, présentement, l'entrainement des policiers fonctionne dans les communautés urbaines surtout qui ont été formées dernièrement. On envoie les cadets à l'entraînement. Ils sont entraînés et reçoivent leur salaire. Cela est dans le budget, ce sont des dépenses approuvées par la communauté urbaine. Dans d'autres endroits, des instructeurs itinérants se rendent sur les lieux, là où un groupe de policiers se sont réunis, ainsi les gens en place reçoivent l'entraînement et sont recyclés. Les policiers qui sont engagés par ces municipalités ont le privilège d'être envoyés à l'Institut de police de Nicolet pour parfaire ou suivre leur entraînement. C'est tout à fait normal que dans les prévisions budgétaires l'on inscrive un certain montant d'argent si l'on veut engager, durant l'année, 10 ou 15 policiers. Alors on dit: Dans le budget, nous avons tant d'argent, tout dépendra si on va nous l'accorder, oui ou non. Mais l'argent est prévu pour l'entraînement.

M. BACON: Je mets surtout en évidence l'argument des municipalités qui disent: Si on engage un ingénieur ou un urbaniste, il arrive formé et on le met au travail tandis que dans le cas où vous parlez de formation de policiers... Remarquez que je ne dis pas que c'est mon opinion, je vous donne l'argument des municipalités de moindre importance.

M. DULUDE: Certainement, M. le député. Le problème majeur dans la province de Québec, présentement, est l'entraînement du policier en place. On devrait exiger que toute personne qui entre dans une force policière reçoive l'entraînement nécessaire prévu pour devenir policier dans une municipalité ou dans une ville.

M. MARCHAND: Vous seriez d'accord que les municipalités soient obligées d'envoyer des aspirants policiers à Nicolet.

M. DULUDE: Oui, certainement. L'entraînement de base est nécessaire.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, d'abord, vous savez sans doute que j'aime appeler les choses par leur nom, à plus forte raison, j'aime bien appeler les gens par leur nom. Est-ce que votre nom est M. Delude ou Dulude?

M. DULUDE: Dulude.

M. PICARD: Ici, on a écrit M. Roger Delude.

M. DULUDE: Simple rectification.

M. CARON: J'aimerais faire remarquer au député d'Olier que le directeur Dulude est du beau comté de Verdun.

M. PICARD: Ah! Je comprends. M. Dulude, j'aimerais avoir l'opinion des chefs de police sur un point bien précis qui a fait l'objet de tout un chapitre dans le livre blanc du ministre de la Justice et qui touche aux ressources sur le plan des communications, du transport, de l'équipement et de divers moyens techniques mis à la disposition des corps policiers.

J'ai été surpris de voir que votre mémoire ne fait pas allusion du tout aux besoins qu'il y aurait dans ce domaine pour les divers corps policiers de la province. Cela me surprend d'autant plus qu'habituellement c'est le chef de police, comme le chef de n'importe quelle entreprise, qui est au courant des besoins de son entreprise ou du corps policier. Est-ce que vous pourriez nous donner un aperçu de ce que seraient ces besoins?

M. DULUDE: Certainement, M. le député. Présentement, si on n'en a pas parlé dans notre mémoire, c'est qu'il y a énormément de travail qui se fait actuellement au niveau de la province au point de vue des communications, au centre de renseignements des policiers du Québec. Dans les communautés urbaines, il y a beaucoup de travail qui se fait au point de vue des communications, des systèmes de communications, il y a certains montants d'argent qui sont prévus pour les systèmes de communications. Nous n'avons pas mentionné dans notre mémoire ce point-là spécialement, mais il y a du travail qui se fait, le budget a été prévu. Tout dépendra encore une fois d'autres municipalités où il n'y a pas de communauté urbaine. C'est une nécessité, mais, par contre, la Loi de police voit à la surveillance pour que des centres de renseignements soient établis dans les corps de police de la province de Québec.

M. PICARD: J'ai justement présente à l'esprit une amélioration que j'aimerais voir approuver par les corps policiers. C'est ce qui touche, par exemple, les moyens de transport, les voitures utilisées par les policiers en patrouille. Je sais que dans l'Etat de New-York, du moins dans ce qu'ils appellent le Upper New-York State, on fournit des voitures, que j'appel-

lerais "standard", réglementaires, mais avec un châssis renforcé pour assurer plus de sécurité aux policiers. Je me souviens d'avoir rencontré il y a quelques années un policier qui avait une voiture Mercury. Son moteur était plus puissant, et ce qu'on appelle le "frame" le châssis était renforcé pour que le policier soit en mesure de rattraper les gens qu'il poursuivait. Alors, pensez-vous que ce serait dans ce genre-là qu'on devrait améliorer l'équipement pour assurer plus de sécurité au policier?

M. DULUDE: Je crois que dans certaines villes, présentement, cela se produit, cela se fait au point de vue du châssis, comme vous venez de le dire. Maintenant, au point de vue de la régionalisation, je crois que ça va être un moyen efficace pour que l'on voie à prendre certaines mesures pour que les véhicules que nos policiers emploient sur la route soient construits d'une façon sécuritaire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Matane.

M. BIENVENUE: Chef, vous venez de parler de l'urgence, de la nécessité d'envoyer vos cadets des différents corps policiers municipaux à l'école de police, n'est-ce pas, afin qu'ils reçoivent à ce moment-là une formation supérieure à celle que vous avez peut-être eue, vous, il y a plusieurs années. Les moyens modernes évoluent, etc. Par ailleurs, je pense que nous voulons tous faire du métier de policier peut-être une profession de policier, n'est-ce pas...

M. DULUDE: Certainement.

M. BIENVENUE: ... face aux problèmes modernes, aux méthodes du crime organisé, des criminels organisés etc. Verriez-vous d'un bon oeil, chef, vous et votre association, que dès le niveau du CEGEP, on songe un jour à donner des cours pour ceux qui songent à l'avance à la carrière policière?

M. DULUDE: Cela s'en vient, M. le député, c'est cela que l'on veut. Graduellement, vous l'aurez, puis ça ira peut-être un peu plus haut avec les années, pour l'entraînement du policier, pour le professionnalisation du policier.

M. BERTRAND: Est-ce qu'il n'y a pas un CEGEP, à l'heure actuelle, M. Dulude, qui donne des cours? Il y a au moins un ou deux CEGEP qui donnent des cours en matière policière?

M. DULUDE: En matière policière. M. BERTRAND: Je suis convaincu. M. DULUDE: En matière policière, oui.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf. Le député de Matane a une autre question.

M. BIENVENUE : Je n'avais pas terminé. Une dernière question. Chef, nous savons tous qu'aux budgets municipaux il se dépense des sommes considérables pour le temps que doivent passer vos policiers devant les tribunaux, lorsqu'ils sont assignés comme témoins, etc. Avez-vous songé, ou votre association a-t-elle songé, à des moyens qui pourraient permettre de réduire ces coûts qui sont parfois exorbitants?

M. DULUDE: Voici, M. le député, présentement l'association est consciente de ce qui se passe et je ne dirais pas que l'association même, mais par contre des membres auraient fait certaines remarques constructives à qui de droit pour essayer d'améliorer l'accélération ou la précision du temps que les membres des forces policières auront à passer à la cour.

M. LE PRESIDENT: Terminé? Oui.

M. DROLET: M. Dulude, j'avais oublié une question tout à l'heure. A la page 6 de votre mémoire, à la fin du paragraphe, en haut, vous dites: "L'expérience de tels comités de police dans la province d'Ontario s'est avérée bonne et nous croyons que cette recommandation fera disparaître les lacunes de l'administration actuelle des corps de police qui relève dans bien des cas de l'autorité municipale". Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée là-dessus? Est-ce qu'il existe encore de tels cas où l'autorité municipale semble jouer, avec certaines polices, certains chefs de police, dans nos petites municipalités surtout...

M. DULUDE: Dans plusieurs municipalités, présentement, c'est l'autorité municipale qui est l'autorité dans la ville même. Ils ont leur corps de police mais encore une fois c'est l'autorité municipale qui règne à ce moment-là. Mais on prévoit encore, au point de vue de régionalisation et d'intégration... Si on parle, à Toronto, du Board of Commissioner, on y vient, parce qu'on parle du conseil de sécurité en haut de la page, dans le même paragraphe. On s'en tient au conseil de sécurité à ce moment-là, qui est établi par le Board of Commissioner en Ontario, et ici c'est le conseil de sécurité.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que ce serait dans l'optique justement de la professionnalisation du travail de policier que de confier sa tâche au conseil, comme vous le mentionniez tout à l'heure, au lieu que ce soient des édiles municipaux, par exemple, au niveau local, pour les municipalités dont il est fait mention présentement, qui exercent certaines ingérences au niveau du travail du policier?

M. DULUDE: Assurément, par expérience, on va parler de la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons un conseil de sécurité qui fonctionne à merveille. On n'a aucun problème à ce moment-là. C'est cela qu'on veut, un conseil de sécurité qui va coordonner le travail des corps policiers dans une région donnée.

M. LE PRESIDENT: Le député de Robert-Baldwin.

M. SEGUIN: M. le Président, une question très naive. En vos propres termes, avec l'expérience que je vous connais, et à la suite des nombreux mémoires du livre blanc, etc., en quelques mots, d'après vous, qu'est-ce que c'est un policier?

M. DULUDE: Si je me permettais, M. le député, en deux mots...

M. SEGUIN: Prenez-en quatre si vous voulez.

M. DULUDE: ... il est tout. Il est policier, serviteur public, à certains moments il agit, même s'il n'est pas avocat, mais il va en prendre certaines initiatives, c'est un médecin, c'est un prêtre... En toutes circonstances, Mais si c'est ce que vous voulez en quelques mots, c'est ça le policier. Mais c'est un serviteur public pour la sécurité des citoyens. Il ne faut pas l'oublier. Il prononce un serment d'allégeance...

UNE VOIX: C'est de la pratique illégale... On peut le faire arrêter!

M. DULUDE: Non, je veux préciser: ce n'est pas de la médecine, mais c'est pour prévenir en certains cas... Au point de vue de secourisme, si vous voulez. Même en cas d'urgence, les accouchements, c'est tout à fait normal, pour sauver des vies.

M. SEGUIN: Ce que vous me dites ou d'après votre définition, j'en viendrais peut-être à conclure que le policier doit, de par sa nature, la nature de sa fonction, d'après sa personnalité, d'après sa personne, tout cela, il doit être un individu très près de la population tout en ayant et assumant les responsabilités de surveillance, etc., pour la sécurité du citoyen. Il doit être très près.

M. LE PRESIDENT: M. Séguin, est-ce que vous pourriez lever le ton, s'il vous plaît? Voulez-vous parler plus fort?

M. SEGUIN: Voyez-vous, on m'accuse toujours de parler trop fort. Alors, j'ai voulu diminuer le ton.

Dans la description que vous avez donnée, vous avez omis l'importance peut-être ou la part du policier dans la lutte à la criminalité, ou dans la détection du crime bien spécifique. C'est une fonction. On donnait une partie des fonctions. Prenons un secteur urbain, prenons le secteur de la région de Montréal, en dehors de l'île même, de cette région urbaine, quelle serait la part du policier moyen, non pas le spécialiste, mais de l'agent et des officiers des postes, dans les différents secteurs en général? Quelle serait la proportion du temps qu'il dépenserait à la détection, à l'enquête sur le crime, à comparer à toutes les autres fonctions que vous avez bien voulu reconnaître et décrire brièvement?

M. DULUDE: M. le député, en parlant des buts de la force policière, de ce qu'ils comportent pour le policier même, on dit qu'il est là pour maintenir l'ordre, protéger la vie et la propriété des citoyens, observer les lois, les faire observer, pour assurer la prévention et la détection du crime et pour arrêter les délateurs de la loi.

Naturellement, si on parle de criminalité, d'un vol à main armée perpétré dans une région à l'extérieur de la métropole, le policier doit faire face au même criminel que si le criminel était dans le centre de la métropole même. Peut-être que le pourcentage des crimes, dans certaines régions n'est pas aussi élevé qu'ailleurs; dans d'autres endroits, il est plus élevé; le policier est plus exposé, si vous voulez, dans certains endroits à être victime ou à s'occuper de criminalité à ce moment-là. Mais, encore une fois, si vous parlez des policiers en uniforme, dans certaines villes, ce sont eux qui font les enquêtes, ce sont eux qui font la prévention; dans d'autres villes, on a des gens spécialisés; par contre, le policier sur la route, dans son travail quotidien, l'applique.

M. SEGUIN: Je ne veux pas vous mettre les paroles dans la bouche naturellement, mais s'il y a dans un secteur ou dans une région 3000 ou 4000 policiers, des gens à temps plein, au service du citoyen pour la protection, la prévention, enfin tout ce que vous voulez en criminalité: question de vol, question de meurtre, question de méfaits, là où il y a un méfait sérieux, — je ne parle pas de renvoyer des petits gars qui jouent devant une vitrine de magasin — diriez-vous que le policier moyen, "l'average", le policier régulier dépense peut-être 10 p.c, 5 p.c. ou 25 p.c. de son temps, à des choses qui regardent strictement le code criminel?

M. DULUDE: Le pourcentage exact?

M. SEGUIN: Non, ce serait difficile, mais j'élimine les spécialistes.

M. DULUDE: Je ne voudrais pas m'avancer là-dedans, M. le député, au point de vue du pourcentage exact.

M. SEGUIN: Est-ce 50 p.c. de son temps?

M. DULUDE: On ne ferait pas erreur en disant 50 p.c.

M. SEGUIN: Cela dépendrait du milieu, naturellement?

M. DULUDE: Oui.

M. SEGUIN: Vous avez parlé tout à l'heure, M. le Président, si on me le permet, des communications et du travail énorme ou immense qui se faisait dans la région de Montréal, au sujet des communications. Trouvez-vous que le travail qui se fait au point de vue des systèmes de communications est un travail — je ne dirais pas valable — mais bien dirigé? Est-ce que, par exemple, la façon d'envisager les communications, à la grandeur de l'île de Montréal, est un travail qui vous satisfait? Ou pensez-vous qu'on se débat un peu avec des moulins à vent, des Don Quichotte, qu'on semble apporter des systèmes de communications qui sont peut-être arriérés de 25 ou 30 ans et qu'on manque peut-être de voir un peu ce que de réelles communications peuvent faire au point de vue de la coordination par exemple?

M. DULUDE: Je suis entièrement d'accord avec vous, M. le député; le travail pourrait être accéléré dans la région métropolitaine surtout pour les communications des corps policiers.

M. SEGUIN: Utilisez-vous, à votre connaissance, la télévision en circuit fermé?

M. DULUDE: Nous n'avons rien présentement.

M. SEGUIN: Est-ce que les policiers sur la route ou en patrouille, à part l'appareil de radio qu'ils peuvent avoir dans leur automobile, ont ce qu'on appelle des walkie-talkies? C'est très populaire de ce temps-ci.

M. CHOQUETTE: Dans certains milieux.

M. DULUDE: M. le député, dans l'ouest de l'île de Montréal, je crois qu'il y a une ou deux villes où...

M. SEGUIN: Westmount.

M. DULUDE: Ville Mont-Royal... le policier a, dans son véhicule, surtout pour la vérification de nuit, un transreceveur, mais ce n'est pas partout.

M. SEGUIN: Est-ce que vous avez connaissance qu'ils utilisent un système d'ordinateur ou d'informations immédiates pour n'importe lequel policier de la région? C'est-à-dire qu'en prenant son téléphone, sa radio il puisse appeler à un endroit central et attendre sur la ligne qu'il ait sa réponse, est-ce qu'on a ça?

M. SEGUIN: C'est en voie d'exister très prochainement, ça n'existe pas présentement. Je ne parlerai pas pour la Sûreté du Québec, probablement que ça se fait pour elle présentement. Mais, pour les autres corps policiers, je ne suis pas prêt à dire oui.

M. SEGUIN: Avez-vous un commentaire à faire sur cette pratique assez commune ces années-ci? Lorsqu'on négocie des contrats, certains corps de policiers, n'ayant pas le droit de grève et ne voulant pas s'absenter de leur travail pour des études, emploient une pratique, nommément la grève de zèle ou encore "working to rule", si je peux faire la traduction pour qu'on comprenne bien ce que je veux dire. Avez-vous des commentaires à faire sur cette méthode que les policiers adoptent aujourd'hui afin de convaincre les autorités, soit municipales ou autres, qu'il faudrait céder et donner? Avez-vous des commentaires, je ne dis pas comme individu, mais comme président de l'association?

M. DULUDE: J'ai prévu cette question, M. le député. Ici, j'ai noté que nous n'avons pas à nous introduire dans un domaine où la législation du travail nous empêche, comme représentants du patron, de nous prononcer généralement. Nous sommes en principe pour le contenu du livre blanc et ses recommandations, mais, en ce qui concerne le droit de grève et autres, nous laissons les autorités compétentes s'en occuper.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, M. Dulude, j'aurais seulement une petite question. On vous a parlé tout à l'heure de la perte de temps occasionnée par la présence des policiers dans les cours de justice venus témoigner ou présenter leur cause devant les tribunaux. Il y a une autre perte de temps qu'en tant que citoyens nous sommes à même de constater, je l'ai constatée moi-même.

Par exemple, dans la ville de Montréal, vous arrivez devant un poste de police et vous apercevez quatre, cinq, six voitures de police qui sont devant le poste. On se demande si elles sont en train de protéger le poste ou quoi. Après une petite enquête, on s'aperçoit que la raison de la présence de ces policiers au poste, c'est qu'ils ont à faire des rapports pratiquement interminables sur le travail qu'ils ont à effectuer.

J'ai eu l'occasion de constater la même chose à la station Laurier de la Sûreté du Québec. Passez sur la Transcanadienne, vous voyez cinq ou six voitures de police qui sont là. Je suis d'accord que c'est peut-être bon d'avoir toutes ces statistiques-là. Mais je me demande si les policiers ne perdent pas trop de temps à préparer des statistiques et ne mettent pas assez de temps pour le travail qu'ils voudraient faire, c'est-à-dire l'enquête, dans le cas des gens de la Sûreté du Québec, et la patrouille dans le cas des gens de la gendarmerie, je dirais.

Est-ce que vous avez songé à des méthodes

plus efficaces pour permettre aux policiers de faire leur rapport de façon plus rapide?

Est-ce que vous étudiez présentement des méthodes de rapports plus rapides?

M. DULUDE: Voici, je me permettrai de vous répondre dans ce contexte-là. Pour la région métropolitaine, nous avons des formules où le policier...

M. PICARD: Combien de pages ont vos formules? Ont-elles 42 pages ou quelque chose comme ça?

M. DULUDE: C'est extrêmement important, dans une ville où il y a environ dix voitures, le temps, les accidents et autres, le policier va faire son rapport très fréquemment lorsqu'il est en service, lorsqu'il est en patrouille sur les formules qu'il a dans sa voiture. Je ne suis pas prêt à répondre pour d'autres municipalités qui ont leur corps de police. S'il y a perte de temps, le corps de police en question et la tête dirigeante devraient s'en occuper. C'est tout à fait normal.

Nous sommes tellement appelés sur la grande route. Vous avez mentionné la grande route tout à l'heure. J'ai eu l'occasion, sur la voie numéro 3, de voir un accident qui impliquait deux voitures renversées. Il y avait cinq voitures de police et, réellement, c'était nécessaire. Pour les blessés, c'est normal.

M. PICARD: J'en suis uniquement au temps passé par les policiers tant de la Sûreté provinciale que des corps de police — j'ai constaté ça à Montréal — au temps passé par les policiers au poste. C'est sur les instructions ou la méthode de travail ordonnée par vous, les chefs de police.

M. DULUDE: Pardon?

M. PICARD: Ce sont les chefs de police qui exigent certains rapports de vos policiers. Est-ce que vous avez des méthodes modernes pour ces rapports? Est-ce que vous avez des méthodes modernes pour ces rapports? Est-ce que vous allez utiliser des magnétophones? Ce serait beaucoup plus facile pour un policier de prendre un micro et de dicter un rapport, quitte à employer une sténo-dactylo...

M. DULUDE: Présentement, encore une fois, dans certaines villes, je ne peux pas dire qu'elles l'adoptent. On a certainement fait des prévisions pour en avoir. C'est aux autorités municipales de décider dans le budget de nous l'accorder oui ou non. C'est une des bonnes méthodes. Encore une fois, il y en a tellement sur la route...

M. PICARD: La troisième constatation à laquelle je me référais tout à l'heure touche la Sûreté provinciale. J'ai un chalet dans la région de Rawdon et à cinq reprises, il a été enfoncé.

Le policier venait chaque fois faire le rapport, prendre les dépositions. Il me disait la troisième ou la quatrième fois, qu'il ne pourrait pas s'y rendre avant quatre heures de l'après-midi parce qu'il avait quatre autres rapports de vol à remplir. Je lui ai demandé quand il faisait ses enquêtes. Il m'a dit qu'il n'avait pratiquement pas de temps pour faire l'enquête parce qu'il passait son temps à faire des rapports. Qui fait l'enquête? Quand votre chalet est enfoncé à cinq reprises, vous commencez à être pas mal — excusez l'expression — écoeuré. Sur ce plan-là, seriez-vous favorable à l'utilisation plus fréquente, par la police, d'hélicoptères, par exemple? On dit que la police utilise occasionnellement des hélicoptères. Je me réfère aux chalets d'été, aux vols dans les chalets d'été. Les patrouilles pourraient être faites par hélicoptère. On a beaucoup de difficulté avec les motoneiges. Les hélicoptères pourraient surveiller les motoneigistes.

M. DULUDE: Tout est possible.

M. PICARD: Cela touche au provincial. Ma suggestion va au ministre. Toutes ces patrouilles pourraient être faites par hélicoptère. Je suis certain que, si un policier se promène dans une région donnée jour après jour, et qu'il se présente quelque chose d'anormal, il va le remarquer immédiatement.

M. CHOQUETTE: L'hélicoptère coûte cher.

M. PICARD: Les assurances coûtent cher aussi. Les vols et les assurances coûtent cher.

M. CHOQUETTE: Le ministre des Finances me restreint.

M. PICARD: Je vais lui parler.

M. LE PRESIDENT: Vous avez terminé.

M. PICARD: Je vais en parler au ministre des Finances.

M. LE PRESIDENT: Le député de Matane.

M. BIENVENUE: Merci, M. le Président. Chef, j'ai raison de l'appeler chef, il est chef de tous les chefs d'ailleurs. Chef, il y a une question qui me "chicote" depuis longtemps et qu'en fait je pourrais ou aimerais poser à tous les représentants des autres corps ou groupements de policiers qui sont ici, que ce soit de la Sûreté du Québec ou de la ville de Montréal, etc. Quelle appréciation ont vos membres du traitement que leur accorde la presse en général, des commentaires ou du traitement que vous accorde la presse? J'aimerais avoir une réponse franche de vous comme vous répondez toujours franchement, d'ailleurs.

M. PICARD: On peut demander aux journalistes de sortir, si vous voulez.

M. BIENVENUE: Non, aucunement, je parle au point de vue de l'opinion publique.

M. PAUL: Ainsi que la presse et tous les media d'information.

M. BIENVENUE: Oui. J'ai dit presse en général, parlée, écrite, etc.

M. DULUDE: Disons que c'est quelque chose que je peux me permettre de dire, parce qu'une autre association — ç'a été mentionné — a eu un colloque avec les media d'information, qui mentionnaient qu'en général, il devrait y avoir meilleure collaboration entre les media d'information et les forces policières. Quand je dis: Il devrait, c'est normal que, dans certains cas, il puisse se produire certaines anomalies dans un but quelconque, mais il peut certainement y avoir amélioration.

M. BIENVENUE: Merci, chef.

M. LE PRESIDENT: Une dernière question, le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Une dernière et brève question. M. Dulude, de par votre expérience — et j'exclus de ma question les cas très évidents de Montréal et Québec, entre autres, qui ont des corps policiers administrés peut-être différemment à cause du nombre ou de la grandeur de l'effectif — selon votre expérience, où se situe le chef de police dans les relations patronales-ouvrières par rapport à la municipalité, auprès du policier? Je vais tenter de préciser ma question: Est-ce qu'il est le directeur administratif purement et simplement? Je fais le parallèle avec ce qu'on appelle dans une usine le "leading hand" ou le chef de groupe, qui n'a rien de disciplinaire dans ses relations possibles avec l'employé. Est-ce que c'est plutôt de ce type qu'est la relation entre le chef de police et le policier lui-même ou est-ce que c'est plutôt quelque chose du type contremaître par rapport à un employé? Au fond, est-ce qu'il est en général le représentant de l'employeur dans ses relations avec les employés? Est-ce que c'est ce qu'il fait ou si c'est autre chose?

M. DULUDE: A votre question, c'est oui. Le directeur de police dans les questions de régie interne avec ses policiers est le patron. Mais il doit tout de même rendre compte à l'administration de la ville ou de la municipalité qui l'emploie de ses actions au point de vue administratif du service; il est responsable à l'autorité municipale. Mais en régie interne, c'est lui le directeur, il est son chef. C'est prévu dans la Loi de police.

M. BURNS: Dites-vous qu'il serait plus qu'un simple directeur de la production, si vous me passez l'expression?

M. DULUDE: Je ne verrais pas le mot "production" s'employer ou s'appliquer ici.

M. BURNS: Je parle au sens large, je fais toujours le parallèle avec l'industrie.

M. DULUDE: Le directeur de police est celui qui émet des directives dans la force policière, qui présente certains plans pour les faire appliquer par les membres de la force policière toujours en vue de la sécurité des citoyens. Il est responsable de ce qui se produit dans sa ville au point de vue de la sécurité contre les citoyens, au point de vue de la criminalité et autres sujets. C'est de la régie interne, c'est lui qui s'occupe de ses hommes.

M. BURNS: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Verdun, une dernière question très importante.

M. CARON: M. le Président, M. Dulude, quel pourcentage additionnel — je vais parler de l'île de Montréal, parce que je m'y connais plus — de policiers pourrait-on avoir si on sortait des postes tous les policiers qui font du travail d'administration qui pourrait être confié à l'entreprise privée?

M. DULUDE : Pour les 29 municipalités de l'île de Montréal, je n'ai pas le pourcentage exact, je n'ai pas de statistiques, M. le député. Mais il y a certainement — et je crois que je peux revenir à la réponse que le ministre de la Justice a donnée hier après-midi à M. Lasnier — si je ne me trompe, pour les personnes qui ont une certaine incapacité pour accomplir la tâche d'un policier réel, si on veut en parler ainsi, un bas pourcentage; il n'est pas très élevé dans les 29 municipalités.

M. PAUL: Dans la plupart des cas, ce sont des employés handicapés, des agents qui ont été victimes d'accidents, qui souffrent d'une certaine incapacité partielle permanente, qui font ce travail de bureau nécessaire.

M. DULUDE: Ceci arrive parfois, M. le député.

M. CHOQUETTE: Il ne faudrait pas oublier, quand même, que dans le système qui existe à l'heure actuelle, il faut rétablir les choses. Il n'y a pas que les policiers qui agissent au sein des corps policiers, il y a toute une série de fonctionnaires qui leur sont adjoints.

M. DULUDE: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Il faut faire la part des choses.

M. CARON: M. le ministre, je dis que si l'on utilisait nos policiers pour leur faire faire du

travail policier, cela donnerait une meilleure protection pour la population. C'est dans ce sens-là que je le dis.

M. CHOQUETTE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: M. Dulude, au nom des membres de la commission, je voudrais vous remercier sincèrement de la présentation de votre mémoire et remercier aussi vos proches collaborateurs d'être venus ici présenter un travail très constructif à cette commission.

J'inviterais maintenant le Barreau du Québec et sa représentante, Me Micheline Audette-Filion, à présenter son rapport.

Barreau du Québec

MME AUDETTE-FILION: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, je m'appelle Micheline Audette-Filion, recherchiste au Barreau du Québec. Je suis accompagnée, ce matin, de Me Louis Robichaud; à ma gauche, de Me Akos de Muszka et, à ma droite, de Me Harvey Yarosky. Le Barreau du Québec n'entend pas, ce matin, discuter des formules administratives relatives à la police non plus que des questions particulières discutées dans le livre blanc.

Il fera ses commentaires, s'il le juge nécessaire, lorsque la législation qui suivra sera présentée. D'autre part, le livre blanc constitue un aspect seulement d'une réforme judiciaire envisagée par le ministère de la Justice. Les représentants du Barreau du Québec comparaissent ce matin devant la commission parlementaire de la Justice en vertu de leur rôle d'auxiliaires de la justice et désirent exprimer, d'une façon générale seulement, leurs impressions sur l'esprit et la politique philosophique qui est élaborée dans le livre blanc.

Me Robichaud va vous présenter le mémoire.

M. ROBICHAUD: M. le Président, MM. les membres de la commission, je vais faire lecture, si vous voulez bien, le plus rapidement possible, du petit mémoire que nous avons préparé à l'endroit de la commission.

Le Barreau du Québec, conscient de ses responsabilités dont les plus essentielles sont la protection du droit des individus faisant partie de notre société en harmonie avec le respect des droits de la collectivité, a pris connaissance des principales propositions contenues dans le livre blanc du ministre de la Justice de la province de Québec. Dans un esprit de saine collaboration, le Barreau désire faire certains commentaires et certaines recommandations.

Le Barreau considère ce livre blanc sur la police et la sécurité des citoyens comme une sorte de nouvelle grande charte du ministre de la Justice établissant une philosophie judiciaire qui se veut une partie d'une politique de défense sociale. Il ne peut qu'applaudir devant les grandes lignes de la politique élaborée dans ce livre blanc, surtout lorsqu'elle fait état de la recherche d'un équilibre entre une politique de laisser-aller et de mollesse trop tolérante à l'endroit du crime sous toutes ses formes et entre une politique d'une extrême dureté qui peut facilement aboutir à l'Etat policier.

Le Barreau approuve le ministre de la Justice quand il se montre inquiet devant une criminalité grandissante à aspects souvent nouveaux (terrorisme, faillite frauduleuse, etc.). C'est avec raison que le livre blanc entend rechercher des moyens modernes pour combattre les nouvelles formes de criminalité. De même, les remarques contenues au livre blanc distinguant le criminel du crime arrivent à point dans une société dont la philosophie passée a plutôt été orientée vers la répression intégrale du crime que vers des tentatives de réhabilitation du criminel.

Le Barreau désire donc assurer le ministre de la Justice de la province de Québec qu'il approuve entièrement la pensée philosophique élaborée dans le livre blanc sur la police et la sécurité des citoyens.

Il est heureux d'y trouver tout au long de l'exposé — et nous le soulignons ici — la recherche d'un juste milieu entre, d'une part, le respect des droits individuels de la personne humaine, la présomption d'innocence, le droit au cautionnement, l'assistance d'un avocat et, d'autre part, la volonté exprimée sans équivoque d'augmenter l'efficacité des corps policiers afin de rechercher et de réprimer le crime plus efficacement.

Chapitre de la carte d'identité. Le Barreau constate que le livre blanc pose la question de l'opportunité d'une carte d'identité obligatoire sans y apporter de réponse. Ceci semble indiquer l'inquiétude du ministre de la Justice sur le sujet et le ministre a raison d'être inquiet. En effet, cette carte d'identité pourrait être obligatoire pour tous les citoyens ou facultative.

Si elle est obligatoire, il s'ensuit que des pénalités devront être encourues par ceux qui ne pourraient l'exhiber lorsqu'ils seraient requis de le faire. Donc en tout temps un citoyen pourrait se voir demander par un policier sa carte d'identité obligatoire. S'il ne l'avait pas, on pourrait lui dresser une contravention et même l'amener au poste de police pour enquête. De même, si un citoyen oubliait d'avertir le poste de police de son changement d'adresse, encore là on pourrait lui dresser une contravention.

L'instauration d'un tel système serait de nature à amener de nombreux excès et à acheminer la société vers le harassement policier, créant une névrose collective d'Etat policier.

D'autre part, si la carte d'identité n'est pas obligatoire, nous ne voyons pas vraiment son utilité car ceux qui veulent enfreindre les lois conserveront toute leur latitude actuelle.

Les divers facteurs que nous venons de mentionner et d'autres qu'il serait fastidieux d'énumérer semblent favoriser le maintien du

statu quo. Par ailleurs les diverses cartes distribuées présentement aux citoyens, telles que celle de l'assurance-maladie, etc., constituent des preuves d'identification suffisante encore qu'imparfaites pour fins électorales ou autres.

Réhabilitation des délinquants. Le Barreau apprécie le désir exprimé dans le livre blanc d'intensifier et de raffiner l'action policière pour mieux combattre la criminalité, dont l'augmentation est vraiment alarmante. Nous sommes d'avis que tous les policiers de la province de Québec devraient obligatoirement passer par l'école de police pendant un certain laps de temps avant d'accéder à leurs fonctions.

Il y a un chapitre qui n'est pas contenu dans notre mémoire parce que le Barreau a été passablement déchiré entre deux thèses, deux opinions, MM. les membres; et même notre courte présence ici ce matin nous a convaincus que le déchirement existe également au niveau du ministre actuel et des corps policiers. Je vais vous lire ce que nous avions préparé auparavant, parce que le Bâtonnier sortant, M. Cinq-Mars, a déjà exprimé son opinion, au nom du Barreau, sur la création d'un nouveau ministère qu'on pourrait appeler le ministère de l'Intérieur ou le ministère de la Police.

Le livre blanc exprime le voeu qu'un nouveau ministère distinct du ministère de la Justice soit créé pour avoir la haute main sur toute l'organisation policière de la province de Québec. Sur cette question les opinions des membres du Barreau semblent très partagées.

Nous prenons note de l'énoncé de principe contenu au livre blanc sur l'une des attributions principales du ministre de la Justice, soit son rôle naturel d'arbitre, page 126, des contingences de l'action policière. A ce titre, le Barreau comprend que ce rôle peut entrer en conflit avec certaines fonctions que le ministre peut être appelé à exercer, comme par exemple, le pénible devoir d'ordonner une enquête à la suite de certaines actions policières présumément irrégulières. Nous comprenons que certaines expériences passées ont pu donner l'impression au ministre qu'il devenait juge et partie en même temps, le plaçant parfois dans une situation très délicate. Ici, on peut songer à l'enquête Sicotte, etc.

Avec beaucoup de réserves et la dissidence d'au moins un membre du comité, le Barreau serait quand même prêt à approuver la création du nouveau ministère proposé en soulignant les dangers théoriques que cette solution peut présenter à savoir que ce ministère puisse devenir trop puissant ou assumer un certain rôle de l'Etat dans l'Etat.

Nous désirons souligner les abus que de tels ministères ont entraînés particulièrement dans certains pays d'Europe, où certains titulaires ont abusé de leurs pouvoirs en créant des polices parallèles. La solution alternative proposée par certains membres du Barreau serait le maintien du statu quo, c'est-à-dire un seul ministère de la Justice avec un sous-ministre doté de pouvoirs considérables, lequel serait affecté exclusivement aux affaires policières par délégation.

Si messieurs les membres veulent poser des questions plus tard, Me de Muszka, qui est un Néo-Canadien, au pays depuis 20 ans et qui a vécu dans plusieurs pays d'Europe, pourra vous en parler.

Nous continuons la lecture du mémoire tel que rédigé.

Réhabilitation des délinquants. Le Barreau apprécie le désir exprimé dans le livre blanc d'intensifier et de raffiner l'action policière pour mieux combattre... J'ai passé sur ce sujet tout à l'heure.

Nous mentionnons que le ministère ne doit pas oublier qu'un des moyens puissants pour combattre le crime est la prévention, laquelle devrait être aussi l'oeuvre des policiers. Ceux-ci sont souvent trop éloignés du public.

D'autre part, les institutions actuelles de réhabilitation sont souvent dans des conditions déplorables et nous insistons sur le fait que l'un des puissants moyens pour combattre le crime, en plus de la prévention, consiste dans la réhabilitation des délinquants.

Syndicalisation. La philosophie générale du livre blanc approuve la syndicalisation au sein des corps policiers comme étant une mesure bénéfique ayant apporté dans le passé des améliorations considérables à la situation du policier. Nous prenons note de l'énoncé de principe déclarant la grève au sein des corps policiers comme étant illégale et nous approuvons cette politique mais quand même les événements survenus au Québec au cours des dernières années ne peuvent que nous laisser songeurs sur cette question. Nous comprenons qu'une grève générale au sein d'un corps de police doit être considérée illégale mais nous suggérons fortement que des mécanismes plus efficaces soient mis en route pour prévenir certains débrayages spontanés.

Un tribunal spécial du travail ne devrait-il pas être créé en vue de régler les problèmes des conditions de travail des policiers? Ce tribunal pourrait comporter la présence d'économistes et devrait pouvoir rendre des décisions finales.

Suggestions générales. Le Barreau se déclare heureux des intentions énoncées au livre blanc d'instaurer une enquête sur le crime organisé. Il émet le voeu que la création d'une telle enquête ne retarde pas trop.

Le Barreau suggère au ministre de la Justice l'instauration d'un mécanisme quelconque, par exemple un registre central où seraient acheminés, par voie électronique s'il le faut, les noms des personnes arrêtées, de nature à permettre aux proches d'une personne arrêtée d'en être informés immédiatement et de savoir où elle se trouve afin d'une part d'être fixés et d'autre part de pouvoir lui assurer sans retard les services d'un avocat. C'est là une chose qui tarde à venir et nous ne pouvons pas recommander cette proposition de façon trop ferme. Il

arrive très souvent, — ici, j'ouvre une parenthèse — les avocats doivent chercher des personnes arrêtées à travers les postes, par exemple dans une ville comme Montréal. On transfère les policiers d'un poste à l'autre, on leur dit: Il n'est pas ici, en fait, il n'est pas là, mais justement parce qu'on l'a envoyé au poste 14. Il devrait y avoir un service d'acheminement, et pas de cachette là-dessus. Cela fait trop longtemps...

M. CHOQUETTE: Vous avez raison, mais je pense que cette pratique qui a existé autrefois n'existe plus guère à l'heure actuelle. On a eu connaissance de cela, cela a existé, bien sûr.

M. ROBICHAUD: Néanmoins, M. le ministre, je pense que ce serait une bonne chose que de recommander l'acheminement par des registres. Aujourd'hui, on fait tout par voie électronique, on ne me fera pas croire qu'on n'est pas capable de faire cela. Les gens sont inquiets lorsque des membres de leur parenté sont arrêtés et on cherche partout, on ne sait pas. Cela pourrait se faire dans l'espace de quinze minutes, si on le voulait.

Cependant, des moyens sûrs devraient être adoptés afin de prévoir la destruction systématique de cette information après un certain temps.

Mentionnons finalement que le Barreau étudie présentement les questions de l'usage des tables d'écoute et de l'espionnage électronique afin de faire ses représentations aux gouvernements, entre autres quant au projet de loi C-252 de la Chambre des communes du Canada (Loi sur la protection de la vie privée).

Le Barreau serait en principe d'accord sur le principe, d'une part de prohiber en général l'interception des communications privées au moyen d'un dispositif mécanique ou d'autre part, d'autoriser l'interception des communications privées moyennant une autorisation judiciaire préalable et à condition que ce soit le seul moyen mis à la disposition des agents de la paix pour la solution d'un acte criminel. Là-dessus, je dois vous dire qu'il y a un sous-comité du Barreau dont je fais partie et qui siège, qui a siégé et l'inquiétude qui a été manifestée quant à l'autorisation judiciaire afin d'obtenir la permission d'utiliser les tables d'écoute, ce serait de savoir qui la donnerait.

C'est tellement important l'autorisation qui est sur le point d'être obtenue pour aller fouiller dans la vie privée des gens par voie de table d'écoute. On se demande si un juge ordinaire devrait être investi d'un tel pouvoir. On s'est demandé s'il ne devrait pas y avoir un genre de protecteur du citoyen ou d'autorité au niveau d'un sous-ministre ou même obligatoirement le juge en chef de la cour Supérieure.

Le Barreau suggérera également un mode de contrôle des actions policières ou autres relativement aux infractions dans ce domaine. Le tout respectueusement soumis, le Barreau du Québec.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais féliciter le Barreau de nous présenter très succinctement un mémoire très nuancé. Je pense que le Barreau a fort bien perçu les difficultés qui se posent au niveau de l'action gouvernementale et de l'action policière pour que celle-ci soit équilibrée, pour que, tout en protégeant la liberté, tout en sauvegardant les droits des individus, on ait quand même une action policière efficace. Je vois cette préoccupation dans toutes les expressions d'opinions qui se trouvent au mémoire et même dans cette division dont vous avez fait état au Barreau, sur la question de savoir si un ministère spécialisé devrait exister au niveau de la police.

Je ne peux pas faire d'autres commentaires que de dire que le point de vue du Barreau sera considéré dans toutes les décisions que nous allons prendre à l'avenir. Pour ma part, je suis heureux de cette contribution de votre groupe professionnel.

M. ROBICHAUD: J'ai oublié une chose, M. le Président, qui n'est pas contenue dans notre mémoire. Une recommandation à laquelle nous ne pouvons qu'applaudir, c'est lorsque vous dites dans le livre blanc que l'employeur d'un policier devrait toujours être tenu responsable à la suite d'une action policière.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. ROBICHAUD: Comme vous le savez, si un policier, dans l'exercice de ses fonctions, pour réprimer un acte criminel, blesse ou tue quelqu'un accidentiellement, il peut être poursuivi et sa responsabilité seule est engagée. Je comprends que des conventions collectives prévoient que l'employeur, la municipalité sera responsable. Mais, nous avons noté, aux pages 65 et 151, que vous le mentionnez, et nous croyons que c'est très urgent. L'employeur devrait toujours être responsable des actions de son policier devant les tribunaux civils.

M. CHOQUETTE: Je voudrais simplement ajouter une chose, M. Robichaud, à laquelle on devrait réfléchir, puisque vous parlez de nouvelles formes de relations de travail et, si M. Marcil est dans la salle, il pourra noter ce que je dis. Ce n'est pas une suggestion que je fais, c'est simplement une idée qui mérite d'être explorée, dans le domaine des relations de travail entre employeurs et corps policiers. Je voyais qu'aux Etats-Unis on a adopté récemment une législation où, sans avoir recours à l'arbitrage obligatoire, on a institué un comité de trois personnes. Là, la négociation se poursuit entre les deux parties, jusqu'à un terme déterminé. Si les parties ne sont pas tombées d'accord sur une convention collective, le comité, qui agit en somme comme tribunal, choisit des dernières propositions des deux parties celle qui lui parait

la plus conforme à l'équité et à la justice. Ceci crée toutes les conditions voulues pour que l'employeur et le groupe des employés essayent de trouver la formule optimum de relations de travail à un moment déterminé. Ce n'est pas l'arbitrage obligatoire, parce que ce ne sont pas des tiers qui imposent une convention collective aux parties, mais c'est une formule qui incite les parties au rapprochement et à trouver la formule de relations de travail qui peut le plus coller à la réalité.

Je mentionne simplement cette formule, qui était décrite dans le magazine U.S. News & World Report et qui s'applique au domaine des transports aux Etats-Unis. On sait que ce domaine aux Etats-Unis est tout à fait critique et que les gouvernements américains essayent par tous les moyens possibles et imaginables d'éviter des grèves dans ce domaine-là. Ce serait peut-être une formule sur laquelle pourrait se pencher le Conseil supérieur du travail en collaboration avec le ministère de la Justice ainsi que le ministère du Travail et les organismes que représentent les policiers ici présents.

M. ROBICHAUD: Cette suggestion d'un tribunal spécial, M. le ministre, émane de Me de Muszka.

M. CHOQUETTE: Justement, j'ai vu ici qu'on pourrait peut-être rapprocher cette suggestion de cette nouvelle formule de relations de travail qui évitera des grèves dans le domaine policier.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Je veux aborder dans le sens des remarques du ministre de la Justice pour féliciter le Barreau de la qualité de son mémoire, de son esprit de concision, de sa clarté et des différents sujets qui y sont traités. M. le Président, je voudrais poser une question à Me Robichaud. Je ne voudrais pas qu'il donne une réponse au nom du Barreau. Je voudrais questionner le criminaliste de carrière et d'expérience.

Est-ce que vous seriez en mesure de nous dire, M. Robichaud, si la carte d'identité obligatoire serait un moyen de réprimer le crime chez nous? Est-ce que ce serait une façon de voir une régression du crime, avec toute l'expérience que vous avez?

M. ROBICHAUD: Personnellement, M. le député, je ne le crois pas.

M. PAUL: Vous ne croyez pas. La carte d'identité pourrait être falsifiée ou...

M. ROBICHAUD: Exactement.

M. PAUL: ... elle ne pourrait pas servir d'arrêt ou de gêne à son détenteur pour le paralyser ou le gêner dans la commission d'un crime.

M. ROBICHAUD: C'est exactement l'un des points faibles de cette proposition, c'est que ce serait trop facile pour les fraudeurs, les faussaires d'en fabriquer. C'est mon opinion, évidemment...

M. CHOQUETTE: Vous savez qu'il y a des cartes, actuellement, qu'on ne peut pas falsifier. Il y a des cartes, actuellement, qui sont offertes, elles nous ont été démontrées, puisque le député de Maskinongé a soulevé la question de la carte à la suite du Barreau, je l'ai déjà dit en de multiples circonstances, nous n'avons pas de politique qui soit arrêtée sur le sujet et nous continuons nos études.

Il y a des cartes actuellement comportant un système chimique à l'intérieur, un liquide et aussitôt qu'on tente de défaire ou d'altérer la carte ou de la briser, tout se détruit. Mais je ne dis pas que la carte d'identité, d'autre part, est la solution à tous les problèmes.

M. PAUL: Je voulais avoir l'opinion de Me Robichaud en raison de son expérience.

M. ROBICHAUD: Vous savez, quand des gens font des hold-up, des crimes de violence et tout ça, ils ne font pas de conférence de presse pour annoncer leurs projets à l'avance. Le crime se fait dans la clandestinité en général.

M. PAUL: Maintenant, M. Robichaud, sur un autre point de votre mémoire que je relève à la page 4, c'est la recommandation et même l'obligation que les législateurs imposeraient pour qu'un cadet policier suive un cours à l'Institut de police de Nicolet. Est-ce que vous accepteriez également comme excellente école de formation, pour autant que nous y ayons des professeurs compétents, les CEGEP? Tout à l'heure, il a été mentionné qu'il y avait un ou deux CEGEP. Je ne sais pas si le ministre peut nous dire...

M. CHOQUETTE: Il y en a deux. M. PAUL: Il y en a deux.

M. CHOQUETTE: Il y a le CEGEP d'Ahuntsic et le CEGEP François-Xavier-Garneau de Québec qui dispensent des cours en technique policière.

M. PAUL: Mais il restera toujours qu'il faudra, à mon humble point de vue, aller parfaire cette instruction en technique policière dans le bain même qu'est l'Institut de police où les cours sont dispensés par des hommes de carrière, des hommes de profession. Mais vous ne mettriez pas d'objection, le Barreau non plus, à la multiplication rationnelle de l'ensei-

gnement des techniques policières dans les CEGEP?

M. ROBICHAUD: Nous ne sommes pas préparés à répondre à cette question-là, M. le député.

M. PAUL: Maintenant, une autre question, M. Robichaud. C'est à l'avant-dernier paragraphe de la colonne de gauche de votre mémoire, à la page 4, où vous traitez du droit de grève dans les corps policiers comme devant demeurer illégal. Est-ce que vous auriez un jugement à apporter sur cette façon de contourner la loi lorsque l'on tient des journées d'étude?

M. ROBICHAUD: Evidemment, si vous me demandez de qualifier cette technique employée par des gens qui n'ont pas le droit de grève, vous me demandez de porter un jugement assez lourd. Poser la question c'est y répondre. Les journées d'étude, qu'est-ce que c'est si ce n'est pas un débrayage? C'est le principe que mon confrère vient de me souligner. C'est de tenter de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement.

M. PAUL: Je remercie Me Robichaud. En même temps, je félicite les membres du Barreau qui se sont intéressés à préparer ce mémoire très intéressant.

MME AUDETTE-FILION: M. le Président, Me Yarosky aurait peut-être un point à ajouter.

M. YAROSKY: Je me permets d'ajouter un mot à la suggestion de la page 4 pour enregistrer les personnes détenues ou arrêtées par la police. Je veux vous assurer que ce n'est pas dans l'optique seulement de contrôler la cachette ou les cas où le policier agit de mauvaise foi. Cela n'arrive peut-être pas très souvent, mais trop souvent, que même de bonne foi de la part du policier dans le déroulement normal des choses — souvent cela arrive à des jeunes — des gens soient détenus ou arrêtés sans que leur famille, sans que leurs parents sachent où ils sont ou sachent ce qu'il leur est arrivé. Le Barreau a fait cette suggestion parce que nous avons vécu trop souvent l'expérience où, tout d'un coup, un membre d'une famille — je dis, encore une fois, qu'il peut s'agir souvent de jeunes — disparaît. Il est essentiel qu'il retourne chez lui à six heures. Il n'est pas là. Une, deux, trois ou quatre heures après, on n'a pas de nouvelle de lui. Ce n'est pas facile de retracer cette personne. C'est difficile pour un avocat et c'est encore plus difficile pour un citoyen de savoir ce qui est arrivé à cette personne.

Tout d'abord, il y a l'angoisse de la famille, d'une part, et l'inquiétude d'autre part, si quelqu'un disparaît. Si un individu est entre les mains de la police, il a le droit d'avoir un conseil quant à ses droits. Le but de notre suggestion est de faciliter les choses dans tous les cas où quelqu'un est arrêté ou détenu — même de bonne foi de la part des policiers — afin que les membres de sa famille ou un avocat puisse le trouver le plus rapidement possible, pour que, d'un côté, sa famille sache où il est et, de l'autre côté, on puisse lui faire apporter le conseil auquel il a droit en vertu de nos lois.

Le but de cette suggestion n'est pas simplement pour contrôler les actes ou les gestes des policiers qui agissent de mauvaise foi, parce que cela arrive très souvent quand tout le monde agit de bonne foi. C'est simplement cela que j'avais à dire.

MME AUDETTE-FILION: Parallèlement, il ne faudrait pas oublier d'assurer un mécanisme de destruction des dossiers. Je pense que c'est une recommandation à laquelle le Barreau tient à coeur. Il a recommandé à plusieurs reprises la destruction systématique des dossiers de police dans les cas où des personnes sont arrêtées et que des plaintes ne sont pas portées ou qu'elles sont, par la suite, acquittées.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.

M. DROLET: Au nom de notre parti, nous remercions Me Micheline Audette-Filion et Me Robichaud pour leur magnifique mémoire. Nous avons encore devant nous un autre superbe résumé des idées et des points de vue du Barreau. Il y a également de très bonnes suggestions. J'ai remarqué au début de la page 4, en haut, la première suggestion concernant une enquête sur le crime organisé. Notre parti est certainement en faveur d'une véritable enquête sur le crime organisé, le terrorisme et l'infiltration de la pègre un peu partout. Nous espérons que cette enquête aura lieu non seulement pour le plaisir de faire une enquête ou de placer des gens, mais une véritable enquête qui pourra apporter de justes solutions au problème du crime organisé, du terrorisme et de l'infiltration de la pègre.

Me Robichaud a laissé voir tout à l'heure dans son exposé que son collègue, placé à sa gauche, pourrait nous donner ses idées pour ou contre un véritable ministère de la police.

Est-ce qu'on pourrait avoir les idées du Barreau là-dessus?

M. DE MUSZKA: M. le Président, M. le député, si on regarde un peu seulement l'histoire des trente dernières années et si on analyse un peu les Etats policiers comme l'Union soviétique, comme l'ancien régime fasciste, comme l'ancien régime hitlérien, lorsqu'une personne accapare le pouvoir policier et peut le contrôler, même si on a le Parlement auquel elle doit rendre compte, on ne peut pas empêcher que, tôt ou tard, il puisse se faire presque un Etat dans l'Etat.

Je suis persuadé que, même si on dit que le ministre de la Justice est en même temps et le contrôleur et le chef de la police, il est par son

rôle d'arbitre beaucoup plus en mesure de contrôler la police qu'un ministre qui serait responsable seulement pour les affaires policières. Si on donne la responsabilité déléguée, comme on a dit dans notre mémoire, à un sous-ministre sous la surveillance du ministre de la Justice, l'équilibre sera beaucoup meilleur que si on avait un ministre de la police.

Au fond, c'est le souci d'équilibre qui, dans un Etat, est très important. Dès que le déséquilibre se forme, on ne peut plus savoir où va et quel sera le résultat.

M. DROLET: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je suis heureux de dire que c'est peut-être un des premiers mémoires du Barreau à me faire tellement plaisir, en ce sens qu'on y retrouve d'abord un souci d'exercer le véritable rôle du Barreau, c'est-à-dire représenter ou protéger le citoyen plutôt que protéger ses membres. C'est peut-être un des effets du dernier congrès du Barreau où les avocats se sont penchés sur le rôle social qu'ils doivent exercer.

Entre autres, je partage entièrement l'opinion du Barreau concernant la carte d'identité et surtout la recommandation qui est à la page 4 concernant le registre central. J'attire particulièrement l'attention du ministre sur cette recommandation, étant donné que ceci pourrait être mis en vigueur même sans attendre, je pense, de législation particulière, ça peut fonctionner au niveau des directives administratives.

Contrairement à ce que le ministre disait tantôt, ça se fait encore beaucoup. Et comme le disait, je pense, Me Robichaud ou Me Yarosky, ce n'est pas parce que les policiers agissent de mauvaise foi que ça se fait. C'est tout simplement dans les faits que ça arrive. A un endroit comme par exemple Montréal, où quelqu'un est arrêté au poste no 4, on ne sait pas s'il est en transit entre le poste no 4 et les quartiers-généraux ou s'il a été relâché. Très souvent, ça prend des heures avant de retracer un client.

M. CHOQUETTE: Je pense que...

M. BURNS: Je parle d'expériences vécues très récemment.

M. CHOQUETTE: ... le député va quand même admettre que les prescriptions du code criminel à l'effet de traduire un accusé devant un tribunal dans les 24 heures sont observées.

M. BURNS: Oui, mais déjà vingt-quatre heures, je n'en ai aucunement sur ce fait-là. Le problème, c'est qu'il y a des heures pendant lesquelles on ne sait pas — comme un des représentants du Barreau le disait tantôt — si la personne a été arrêtée, si elle a été relâchée, si elle est en transit entre deux postes de police ou entre les quartiers généraux. Une fois qu'on le sait, on dit: D'accord, au plus tard dans les vingt-quatre heures, on pourra se présenter devant les tribunaux. Ce n'est pas du tout le même problème, à mon avis.

M. CHOQUETTE: Il ne faudrait pas laisser croire que cela dure des semaines.

M. BURNS: Ecoutez, je pense bien que la population sait en général qu'une personne qui est arrêtée doit être amenée devant les tribunaux dans les vingt-quatre heures; je pense bien que nous pouvons l'affirmer hautement, si ce sont les craintes du ministre.

M. CHOQUETTE: Non, non. Je dis qu'il faut situer cela dans son contexte. Je trouve que la suggestion est valable.

M. BURNS: Elle est d'autant plus valable qu'elle est, à mon avis, actuellement essentielle. Si le ministre regarde certains des mémoires qui ont été présentés à la commission Prévost, plusieurs, dont celui de la Confédération des syndicats nationaux et celui, je pense même, du Barreau, disaient que cette chose-là devrait être faite immédiatement, je ne me souviens pas si la commission en a fait une recommandation précise. Mais, dans le concret, c'est quelque chose d'essentiel et non pas dans deux ou trois ans; cela devrait être fait immédiatement. Je peux faire erreur, le ministre me corrigera là-dessus, je ne pense pas que cela exige de loi particulière.

M. CHOQUETTE: Cela pourra se faire plus facilement à partir du 1er janvier 1972. Vous comprenez?

M. BURNS: Oui, je comprends. A Montréal, vous voulez dire?

M. CHOQUETTE: Oui, à Montréal.

M. BURNS: J'aurais quelques questions à poser au représentant du Barreau. Plus particulièrement, vous faites vôtre, Me Robichaud, la proposition no 63 du livre blanc qui défend la grève aux policiers. Ce qui me frappe, c'est que vous vous inquiétez des débrayages spontanés. Je vous pose la question bien directement: Est-ce que vous ne croyez pas que si les policiers avaient le droit de grève, selon des normes bien précises prévues au code du travail, il y aurait moins de danger de débrayages spontanés? Justement, ils prendraient leurs propres responsabilités, à moins que l'on dise que les policiers n'ont pas le sens des responsabilités, chose que je ne dis pas, bien au contraire. Je pense que, comme groupement syndical, tout groupe, dans un domaine où l'opinion publique peut être facilement sensibilisée, va prendre d'autant plus ses responsabili-

tés vis-à-vis d'un débrayage, vis-à-vis d'une grève, selon des normes établies, s'il y a droit. J'émets tout simplement l'opinion que, si les policiers avaient le droit de grève, il y aurait peut-être moins de débrayages spontanés parce que le débrayage spontané est habituellement un signe d'une frustration qu'on ne peut pas canaliser vers autre chose. Est-ce que ce n'est pas, selon vous, une des méthodes de corriger ces débrayages spontanés, le fait d'accorder effectivement le droit de grève aux policiers?

M. ROBICHAUD: C'est une solution à laquelle nous avons pensé et qui mérite d'être étudiée, M. le député. Mais, même si l'on donne un droit théorique de grève, à la suite de négociations, médiations, arbitrages, est-ce que vous êtes assuré quand même qu'il n'y aura pas une explosion à un certain moment, comme il y en a eu dernièrement dans une salle surchauffée? C'est cela qui est la question.

M. BURNS: On ne peut jamais en être sûr mais on peut peut-être penser que ce serait moins fréquent ou qu'il y aurait moins de chance que cela arrive.

M. ROBICHAUD: C'est une solution qui mérite d'être étudiée. Je sais que l'on en a parlé.

Est-ce que ce ne serait pas mieux de donner un droit limité de grève, que de l'abolir complètement et de risquer des débrayages spontanés comme on en a eus dernièrement? De toute façon, je considère qu'on doit prendre note de ce qui est arrivé dans le contexte des cinq dernières années pour les législations futures.

M. BURNS: Ma deuxième question s'adresse peut-être à Me de Muszka, puisque j'ai cru comprendre que c'était sa suggestion. Toujours dans le domaine des relations de travail, le Barreau nous parle d'un tribunal spécial du travail. Est-ce à dire que, selon le Barreau, en admettant que les policiers continuent à ne pas avoir droit à la grève, les mécanismes actuels d'arbitrage obligatoire ne sont pas, à votre avis, adéquats? Est-ce que c'est ça que ça veut dire?

M. DE MUSZKA: M. le député, M. le Président, je pense que nous nous sommes arrêtés un peu comme sidérés par des notions pas mal dépassés par le temps. On a l'arbitrage obligatoire et tout cela répugne maintenant à la plus grande partie du monde syndicalisé.

En 1971, on devrait faire de nouvelles expériences, comme par exemple, un tribunal de travail indépendant, doté d'un personnel adéquat comme des sociologues, des économistes etc., et même des représentants des différents syndicats, pour pouvoir humainement, économiquement et psychologiquement résoudre les problèmes, les conflits. Ce serait peut-être une bonne expérience, d'abord chez les policiers, chez les employés publics, quitte, si cette expérience est heureuse, à l'étendre dans le secteur privé.

C'est pour cela que nous pensons qu'une expérience quant aux policiers peut être tentée et, si elle est valable, on pourra par la suite l'appliquer davantage.

M. BURNS: Alors, c'est en termes d'un tribunal permanent...

M. DE MUSZKA: Permanent. C'est dans ce sens-là.

M. BURNS: D'accord, je comprends votre point de vue.

M. ROBICHAUD: C'est une question que le Barreau pose.

M. BURNS: Non, mais je trouve que c'est une suggestion qui mérite d'être considérée. Je ne sais pas, je ne me prononce pas sur sa valeur immédiatement.

Quant à l'autre question que je voulais poser, c'est peut-être à Me Robichaud que je devrais la poser. Vous émettez le voeu que la création d'une enquête sur le crime organisé ne retarde pas trop. En somme, vous endossez la proposition du livre blanc à ce sujet. Comme criminaliste, si vraiment les gens du milieu du crime organisé méritent ce nom de crime organisé, est-ce que vous croyez sincèrement que cela puisse donner quelque chose de faire une enquête sur le crime organisé? Sinon, qu'on se dise, entre nous, vous et moi, tout ce qu'on sait déjà sur le crime organisé, pour l'avoir vu, mais est-ce que vous pensez que ça puisse donner de véritables résultats?

M. ROBICHAUD: Je le pense. Cela va démasquer certains personnages au grand jour. La commission Prévost s'est prononcée là-dessus également. La commission Prévost s'est prononcée, elle a donné des noms, n'est-ce pas? Dans le public, on a l'opinion que l'autorité ne fait rien, que ça commence à être sérieux. Je pense que ça donnerait des résultats. Je ne parle pas nécessairement comme criminaliste, mais simplement comme citoyen.

M. BURNS: Bon, une dernière question, Me Robichaud. Vous nous avez parlé des déchirements qui existent à l'intérieur de votre groupe...

M. ROBICHAUD: C'est peut-être un grand mot.

M. BURNS: J'utilise le mot que vous avez utilisé.

M. ROBICHAUD: C'est un mot à la mode, d'ailleurs.

M. BURNS: Même si vous n'êtes pas en mesure de nous donner une recommandation précise, est-ce que vous êtes en mesure de dire si, à votre connaissance, même si vous n'avez pas fait

d'enquête auprès des membres du Barreau, si c'est la majorité des membres du Barreau qui est défavorable à la création d'un ministère séparé pour les affaires policières?

M. ROBICHAUD: Je pense que je pourrais laisser la réponse à notre recherchiste, qui est membre du Barreau également et qui a eu connaissance de certains sondages et de ce qui s'est fait au cours des dernières années.

MME AUDETTE-FILION: Je crois que le Barreau a déjà manifesté l'impression que, en général, il serait favorable. Me Cinq-Mars s'est prononcé à un moment donné sur cette question. Ce qu'on voulait faire aujourd'hui...

M. BUNRS: Oui, mais excusez-moi, Me Filion...

MME AUDETTE-FILION: ... c'est simplement attirer l'attention sur les réserves et les dangers qu'il peut y avoir. Qu'on prenne les moyens d'éviter ces dangers-là, mais sur le principe...

M. BURNS: Je m'excuse, mais ma question était plutôt axée non pas sur ce qu'en pense le Bâtonnier, ni le comité d'étude, mais quelle est votre perception, à vous, de ce qu'en pensent les membres du Barreau? Même si vous n'avez peut-être pas fait d'enquête particulière auprès des membres, est-ce qu'il y a une opinion majoritaire qui se dégage?

MME AUDETTE-FILION: Disons que je n'ai pas d'enquête précise, mais certainement, du moins au niveau d'un certain nombre, l'année dernière, l'opinion du Bâtonnier exprimait un certain consensus au niveau de quelques membres. Mais, assurément, il y a des opinions dissidentes, c'est certain.

M. LE PRESIDENT: Le député ministre de Matane.

M. BIENVENUE: Me Robichaud, au sujet du voeu du Barreau pour une enquête sur le crime organisé, est-ce qu'au moment de vos délibérations a été soulevée la question du droit de ne pas s'incriminer de la part de ceux qui seront appelés comme témoins lors de cette enquête ou, alors, de leur obligation, sous peine de mépris de cour et d'emprissonnement, est-ce que cela a été discuté?

M. ROBICHAUD: Cela n'a pas été discuté, la question a été résolue au point de vue de la jurisprudence depuis longtemps, c'est que tout le monde est obligé de témoigner dans une enquête ordonnée par l'autorité, commission gouvernementale, ici contrairement aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis on peut refuser de répondre, mais ici on ne peut pas refuser de répondre et la jurisprudence semble unanime de ce côté-là. Alors, on n'a pas à discuter cela, mais si vous me demandez une opinion juridique, je vous dirais que les gens sont obligés de répondre sous peine de sanction et sous peine d'aller en prison.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, c'est peut-être un peu téméraire de ma part de questionner des avocats, étant donné que je ne suis pas avocat, il y en a plusieurs autour de moi...

M. CHOQUETTE: Ne soyez pas timide.

M. PICARD: Pas timide, d'accord.

Avec le consentement du ministre de la Justice, j'aimerais savoir si le Barreau partage — du moins, il le laisse croire — l'opinion émise récemment par le Procureur général à Ottawa, Me Jean-Pierre Goyer, à l'effet que l'administration de la justice devrait maintenant s'axer plus vers la réhabilitation du criminel que la protection de la société.

M. ROBICHAUD: Au moment où le ministre a fait cette déclaration, il a été éprouvé par certains malheurs, comme vous le savez, parce qu'au cours des jours qui ont suivi deux pensionnaires, en tentative de réhabilitation, ont commis des fredaines.

M. PICARD: C'est probablement la Providence qui a voulu que ça arrive à ce moment-là.

M. ROBICHAUD: On n'a pas étudié à savoir si l'accent devrait être mis davantage sur la réhabilitation du délinquant que sur la protection de la société. Je pense qu'encore là il faut rechercher un équilibre très difficile à atteindre, comme le ministre de la Justice l'a mentionné tout à l'heure, c'est le même équilibre qu'il faut rechercher là. Personnellement, j'ai une opinion contraire à celle du Solliciteur général Goyer là-dessus, si c'est ça qu'il a vraiment dit. Je pense que les journaux ont un petit peu changé...

M. PICARD: Je l'ai entendu et je l'ai vu à la télévision. Je me suis levé debout pour m'approcher du téléviseur, parce que je ne le croyais pas.

M. ROBICHAUD: Je comprends votre stupéfaction, je ne pourrais pas dire que je partage cette opinion-là; comme en philosophie, c'est le bien commun qui doit primer.

M. PICARD: Maintenant, est-ce à dire que...

M. ROBICHAUD: J'ai un confrère qui aurait un commentaire à ajouter là-dessus.

M. YAROSKI: M. le Président, je crois que c'est peut-être une question de terminologie,

dire qu'on doit plus faire attention à la réhabilitation qu'à la protection des citoyens. A mon opinion, c'est de mal poser le problème. D'après ce que j'ai toujours compris, la vraie réhabilitation des gens est un des moyens les plus efficaces pour la protection de la société. Pour moi c'est mal poser la question que de se demander: Est-ce qu'on doit mettre l'accent sur la réhabilitation ou sur la protection de la société? On a divers moyens pour protéger la société. Il faut prévenir le crime, il faut trouver les criminels mais, une fois qu'on les a trouvés — je parle surtout encore des jeunes qui sont récupérables — il faut vraiment tenter de les réhabiliter.

Si on réussit à le faire, c'est un des moyens les plus efficaces pour protéger la société. Ce qui arrive trop souvent aujourd'hui, c'est que le jeune homme qui va en prison, un jour, il sortira de prison et il en sortira moins récupérable. Il sort pire que lorsqu'il y est entré. Je crois qu'il ne faut jamais oublier que la réhabilitation est très importante lorsqu'on parle de la protection de la société.

M. PICARD: Mais lorsque vous parlez d'un juste milieu, est-ce qu'à votre avis ce milieu-là ne devrait pas pencher un peu plus du côté de la protection de la société plutôt que de pencher un peu plus du côté de la réhabilitation du criminel? Parce que le juste milieu est presque impossible.

M. YAROSKI: Il me semble qu'on doit faire les deux.

M. PICARD: J'aimerais vous poser une autre question maintenant. Quelle est votre opinion concernant la politique actuelle de la Commission des libérations conditionnelles? Est-ce que vous approuvez la façon dont on procède présentement dans les libérations de criminels pratiquement de carrière qui réussissent quand même à obtenir leur libération conditionnelle même si ça fait quatorze fois qu'ils sont condamnés?

M. ROBICHAUD: Evidemment, il y a une question de statistiques qui entre en jeu à ce niveau-là, M. le député, et les statistiques sont souvent des choses qui sont sujettes à interprétation selon la manière dont on veut les interpréter. Les gens de la Commission des libérations conditionnelles prétendent que leur dossier est supportable et défendable. Quant à moi, comme substitut du procureur général, en plus d'être membre du Barreau, je suis très souvent frustré de voir des gens libérés après un an, alors qu'ils ont été condamnés à quatre ou cinq ans. Cela est absolument frustrant et je pense que ça arrive trop souvent. Il y a une réforme qui devrait se faire à ce niveau-là et je pense qu'il y a certains criminels qui sortent de prison trop tôt.

M. CHOQUETTE: M. Robichaud, puis-je vous poser une question? Quel est l'effet de la politique des libérations conditionnelles sur les jugements que rendent les juges? J'imagine le cas d'un juge qui a une sentence à rendre sur un cas de hold-up ou un cas de crime de violence. Il peut imposer cinq, huit ou dix ans et il peut même aller plus loin. Mais s'il y a, en somme, cette espèce d'autre juge qui vient après lui, la Commission des libérations conditionnelles, quel effet cela a-t-il sur l'administration de la justice?

M. ROBICHAUD: Voilà une question très pertinente et qui se pose de plus en plus, M. le ministre.

A la cour d'Appel on a longtemps prétendu qu'on ne devait pas avoir en vue la probabilité de libérations précoces. Depuis deux ou trois ans, la cour d'Appel se prononce constamment dans le sens ou dans l'idée que si le sujet condamné à une lourde peine est apte à une réhabilitation par une étude de psychologues ou de sociologues, à ce moment-là, on en prend note et on constate qu'au niveau de la Commission des libérations on fera ce qu'il y a à faire.

La question est très pertinente. Je pense que les juges font mine de ne pas s'occuper de la libération probable et précoce de l'individu. Mais je pense bien que, dans leur for intérieur, ils doivent y penser. Ils doivent penser que, s'il condamne monsieur X à neuf ans, il est éligible à la libération après trois ans. La peine de neuf ans qu'ils lui infligent, au fond, c'est une peine de trois ans.

Je pense bien que, dans son for intérieur, le juge doit penser à ça. Il devrait y penser, d'après moi.

M. PICARD: J'ai une autre question. Dans votre mémoire, Me Robichaud, vous semblez être contre la carte d'identité obligatoire, de même que contre la formation d'un ministère distinct pour les affaires policières. Ne croyez-vous pas que les arguments que vous utilisez toujours dans ces deux cas-là sont des arguments qui ne sont pas valables en Amérique du Nord? Je connais très bien M. De Muszka. Il nous a parlé tantôt des dangers qu'il y avait de ces ministres de l'Intérieur en Europe. Etes-vous capable de trouver des arguments qui seraient valables en Amérique du Nord et non pas en Europe? On a vécu il y a quelques années l'expérience du commander Way et du commissaire ou de l'inspecteur Gaubiac de Paris, venus ici avec l'idée de nous aider à créer un service de police adéquat. Ils ont pris le bateau ou l'avion pour rentrer chez eux. Ce sont eux qui ont pris une leçon sur ce qui se passait en Amérique du Nord, non pas nous sur la façon dont cela se passait en Europe. Dans tous les domaines, c'est la même chose. Lorsque vous arrivez en Europe, que ce soit pour la carte d'identité ou le fait de voir un policier à Londres — le bobby de Londres — qui n'a pas de revolver; tout ce qu'il a, c'est un bâton et un sifflet.

Et ça se passe comme ça en Angleterre, ça ne se passe pas comme ça en Amérique du Nord. Vos arguments de carte d'identité, d'Etat policier, c'est un épouvantail que vous brandissez devant la population. La population a voté à Montréal à 82 p.c, en 1964 en faveur de la carte d'identité. Vous ne prenez pas ça en considération parce que ce sont des citoyens...

M. ROBICHAUD: Justement, vous dites...

M. PICARD: ... nord-américains et non des Européens.

M. ROBICHAUD: Ecoutez, vous dites la même chose que nous. On vient de vous dire qu'on est contre la carte d'identité...

M. PICARD: Vous avez parlé...

M. ROBICHAUD: ... c'est parce qu'on vit dans le continent nord-américain qui est à tradition britannique et on n'a pas besoin de ça. C'est justement ce qu'on vous a dit tout à l'heure.

M. PICARD : Vous parliez tantôt de la possibilité de falsification des cartes d'identité. Le ministre...

M. ROBICHAUD: C'est en Europe qu'ils en ont, nous, nous n'en voulons pas.

M. PICARD: La même chose arrive pour la falsification du papier-monnaie. Mettez des lois prévoyant que la personne qui est prise à falsifier une carte d'identité, c'est sept ans de pénitencier...

M. ROBICHAUD: Est-ce que je pourrais vous demander si vous êtes en...

M. PICARD: ... je ne vois pas...

M. ROBICHAUD: ... faveur de la carte d'identité?

M. PICARD: Pardon?

M. ROBICHAUD: Etes-vous en faveur de la carte d'identité?

M. PICARD: A 100 p.c, monsieur. Le plus vite en l'aura, le mieux ce sera.

M. ROBICHAUD: Alors, vous imitez les Européens.

M. PICARD: Et je ne suis pas le seul; 82 p.c. de la population de Montréal a voté pour.

M. ROBICHAUD: A ce sujet-là, vous imitez les Européens. Ils l'ont en Europe.

M. PICARD: Est-ce que c'est si embêtant que ça? J'ai dans mes poches un permis de conduire d'automobile depuis 35 ans, et je n'ai jamais eu à montrer ce permis à moins d'être pris dans une infraction au code de la route ou bien au cours d'un accident. Si j'observe la loi, on ne me demandera pas ma carte d'identité.

M. ROBICHAUD: Et si vous l'oubliez? M. PICARD: Sur ce plan...

M. ROBICHAUD: Vous ne croyez pas que ça va créer un état de névrose?

M. PICARD: ... c'est la même chose que pour mon permis de conduire. Si je l'oublie, on m'amène au poste et ça ne prend pas de temps, j'ai mon permis de conduire ou ma carte d'identité.

M. ROBICHAUD: Vous ne croyez pas que ça peut dégénérer dans un état de psychose, de névrose?

M. PICARD: En Europe, oui, mais pas en Amérique du Nord, où la population ne permettra pas que ça dégénère comme cela.

M. ROBICHAUD: C'est justement pourquoi on n'en veut pas, parce qu'on est en Amérique du Nord.

M. PICARD: C'est tout ce que j'avais à dire.

M. CHOQUETTE: Le député d'Olier est absolument pour le "law and order".

M. PICARD: "Law and order", il y a longtemps que je me suis prononcé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.

M. BACON: Ma question est surtout relative à la création d'un ministère de l'Intérieur. Si j'ai bien compris votre attitude face à cette possibilité, vous semblez manifester une certaine réserve, toutefois en suggérant plutôt la nomination d'un sous-ministre de la Justice qui serait chargé des affaires policières. Vous ne trouvez pas qu'il y a autant de danger de concentrer les pouvoirs dans les mains d'un même homme qui serait sous-ministre, qui ne se rapporterait pas directement à la Chambre?

M. ROBICHAUD: Il va se rapporter à son ministre. Il sera toujours sous l'empire du ministre de la Justice, qui aura toujours la haute main.

M. BACON: Si j'ai bien compris votre attitude, est-ce que vous favoriseriez plus cette seconde option que la première?

M. ROBICHAUD: Non, l'opinion du Barreau

est très nuancée, très partagée; elle est à l'effet que nous approuverions, sous certaines conditions et avec beaucoup de distances, un ministère de l'Intérieur.

M. BACON: Juste une autre question, c'est une curiosité. Au sujet d'un tribunal spécial du travail, vous faites une suggestion très restrictive en parlant d'économistes au tribunal du travail; est-ce que je pourrais avoir des explications?

M. ROBICHAUD: Des économistes, ce sont des gens qui viendraient nous expliquer la situation financière. Par exemple, il y a toujours cette question de parité qui revient; parce qu'à Toronto on a X, il faut qu'à Montréal on ait Y. On ne semble pas toujours s'occuper des capacités de payer. Il y a deux choses dans un conflit ouvrier:...

M. BACON: En fait, l'économiste...

M. ROBICHAUD: ...la capacité de payer et le droit d'avoir la rémunération X. Mais, si la municipalité est incapable de payer le même montant, qu'est-ce que vient faire cette question de parité qui revient toujours? C'est pour cela que des économistes pourraient avoir leur mot à dire et ce serait très important d'avoir des sociologues, des psychologues.

M. BACON: Vous accepteriez d'étendre le terme "économiste" à "administrateur".

M. ROBICHAUD: Comment?

M. BACON: Vous accepteriez de donner une extension à votre terme économiste jusqu'à administrateur?

M. ROBICHAUD: Probablement. Des commissaires qui ont une compétence spécifique dans telle matière.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez autre chose?

M. ROBICHAUD: Non.

M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, je voudrais d'abord féliciter le Barreau d'avoir délégué une représentante charmante.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous allez être en mesure de nous dire, cet après-midi, quand la Chambre des notaires va présenter son mémoire?

M. LE PRESIDENT: En temps et lieu. Tout de même c'est le voeu exprimé par les membres de la commission de féliciter le Barreau d'avoir délégué une représentante charmante. La commission le félicite aussi pour la présentation du mémoire et invite le Barreau à participer encore activement aux délibérations de la commission parlementaire de la Justice.

Avant d'ajourner à cet après-midi, je voudrais mentionner que le premier organisme entendu sera celui de la Fédération des employés de services publics de la province de Québec et le deuxième, l'Association des policiers provinciaux du Québec. Donc, la séance est ajournée à cet après-midi, 16 heures.

( Suspension de la séance : 12 h 40 )

Reprise de la séance à 16 h 15

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Le ministre de la Justice va arriver dans quelques instants. Il arrive à l'instant même. Cet après-midi, nous entendrons deux mémoires. Le premier est présenté par le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec, représenté par M. Marcel Naud, président et le deuxième par l'Association des policiers provinciaux du Québec, qui sera représentée par M. Guy Magnan, président. J'inviterais immédiatement M. Marcel Naud à présenter son rapport.

Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec

M. NAUD: M. le Président, M. le ministre de la Justice, laissez-moi premièrement vous présenter mes copains: à ma droite, M. Marcel Bouchard, qui est le secrétaire du conseil professionnel; à ma gauche, vous avez non pas Michel Chartrand, mais René Chartrand, notre conseiller syndical. M. le Président, si vous permettez, on peut lire le document en question.

M. LE PRESIDENT: Parfait.

M. NAUD: Si on sautait à la première page, on épargnerait peut-être un peu de temps. Dans l'avant-propos, le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec, qui groupe quelque cinquante-cinq associations de policiers, remercie la commission de lui donner l'occasion de faire quelques observations sur le livre blanc "la police et la sécurité des citoyens".

Le conseil reconnaît que l'analyse de la situation policière dans la province de Québec est, dans son ensemble, assez réaliste. Ce qui va, et vous n'en doutez pas, retenir surtout l'attention du conseil quant aux représentations qu'il entend faire en regard de l'étude sommaire du document touche surtout les implications d'ordre pratique, face aux propositions présentées par le ministre de la Justice. "La police doit avoir une action qui corresponde aux données sociales de son époque et de son pays... On retrouve cela à la page 1. Sous cet aspect, le conseil est bien d'avis que le rôle du policier est devenu, dans notre société moderne, difficile à remplir. Aussi, sommes-nous d'accord pour reconnaître qu'on se doit d'accorder à ce dernier toute la formation nécessaire pour et dans l'efficacité de son travail, et prévoir son adaptation aux problèmes sociaux de notre époque. Son rôle consiste surtout à comprendre les groupes et la société et permettre à celle-ci de s'exprimer en toute quiétude.

En effet, le ministre lui-même ne déclare-t-il pas que dans un Etat démocratique, la police est au service de la société et a pour but d'assurer son évolution normale.

En effet, ce qui justifie la police dans un Etat démocratique, c'est ce besoin de protéger les différentes libertés individuelles et sociales et c'est également la nécessité d'harmoniser ces libertés pour que naisse et se développe un climat général d'ordre de tolérance et de paix. La police n'est donc pas le bras séculier des tribunaux agissant au nom d'une puissance gouvernementale dirigiste et répressive. Ce que l'on retrouve à la page 9 du mémoire.

En conséquence, le conseil est d'avis, comme le dit d'ailleurs le ministre à la page 35, que le maintien de l'ordre, le respect des lois et la sauvegarde des institutions démocratiques ne sont pas des matières à l'égard desquelles on peut prendre une attitude exclusivement policière ou légaliste. La politique de défense sociale ou du maintien de l'ordre dans la liberté est nécessairement tributaire de la politique sociale et de la politique économique. En d'autres termes, ce que l'on appelle communément le maintien de l'ordre doit demeurer pour nous compatible avec les aspirations légitimes de la majorité des citoyens. Il faut donc constamment combler cet écart entre les lois et la politique du maintien de l'ordre d'une part et l'appel sourd et parfois difficile à comprendre qui pousse la société vers le changement et le progrès.

Dans cette optique, le ministre de la Justice parle à maints endroits de l'importance du policier dans la société, de sa formation professionnelle, mais encore faut-il que les changements préconisés par le livre blanc se fassent en tenant compte des droits des policiers, tant au domaine de leur rôle auprès de la société que du rôle de la société auprès d'eux. A cet égard, le conseil préconise plusieurs modifications quant aux recommandations faites par le ministre.

C'est en tenant compte de cette conception du rôle du policier que nous traiterons des principaux points qui, selon nous, le touchent de très près dans l'accomplissement de ses fonctions. Ainsi, traiterons-nous principalement: de la régionalisation et de l'intégration des corps de police; de la commission de police; de la réalisation de l'intégration régionale; du conseil de sécurité publique; du personnel des services de police; et des conditions de travail. Régionalisation et intégration. Ce qui a attiré l'attention du conseil face aux recommandations du ministre, ce sont surtout la régionalisation des services de la police et l'intégration régionale.

Dans un premier temps, le ministre tend à vouloir conserver la responsabilité des affaires de la police. Certes, en soi, ceci est compréhensible. Ce que le conseil demande, c'est qu'au niveau de cette responsabilité, on puisse retrouver un comité consultatif qui, comme dans d'autres ministères, (exemple, les ministères du Travail et de l'Education) ait comme tâche première d'informer le ministre de tous les changements, modifications, interventions ou coordinations avant qu'il prenne une décision.

Commission de police. Nous considérons également que la Commission de police devrait posséder les pleins pouvoirs quant à ses recommandations et que celles-ci deviennent automatiquement exécutoires par les autorités municipales concernées. La Commission de police devrait être en mesure de faire un travail en profondeur au domaine, notamment, de ses enquêtes et on devrait mettre à sa disposition tous les moyens les plus efficaces pour qu'elle atteigne ses objectifs. Les enquêtes qu'elle ferait seraient publiques et toutes parties impliquées seraient convoquées.

Nous traiterons plus loin, au domaine des conditions de travail des policiers, d'un mécanisme de protection en vue d'avoir un droit d'appel efficace contre tout ce qui pourrait être de nature à empêcher toute revendication en matière de conditions de travail et plus précisément, être en mesure d'en appeler de toute décision; toujours dans l'optique des commissions de police.

D'autre part, lorsque le ministre parle de régionalisation d'un service de la police, il fait appel à la Commission de police ou à toute personne désignée comme commissaire-enquêteur en vue de l'intégration totale ou partielle des corps de police dans une région géographique déterminée.

Le conseil croit qu'un comité régional d'intégration devrait être formé dans chaque région où il est question d'une telle intégration. Ce comité régional d'intégration serait composé de tous les chefs de police des régions concernées et d'un représentant de chacune des associations accréditées touchées et, à défaut, par un représentant de chaque corps de police.

La réalisation de l'intégration régionale. En principe, le conseil est d'accord pour la régionalisation des services de la police. Le conseil recommande toutefois, tout comme on le citait plus haut, que toute intégration régionale ne puisse se faire sans qu'un comité régional d'intégration puisse agir et faire des recommandations en tenant compte de tous les éléments qui ressortent de cette intégration possible.

Ce comité régional d'intégration devrait, à notre sens, exercer les responsabilités du commissaire-enquêteur (que l'on retrouve à la page 133). L'enquête terminée, il devrait faire un rapport au ministre, au conseil consultatif, aux corps policiers concernés, aux autorités municipales également concernées et même à la Commission de police. Comme le ministre lui-même déclare "que la régionalisation n'écarte pas le concept de la représentation locale mais au contraire y fait appel" (p. 132), on peut conclure que les intéressés pourraient faire des représentations au comité consultatif que nous suggérons.

Le conseil de sécurité publique. Dans l'esprit du livre blanc "l'intégration de corps policiers à l'échelle régionale bien que le territoire n'ait pas été érigé en communauté urbaine ou régionale" (p. 132) n'est pas exclue. Là où il n'y aurait pas de communauté urbaine, il nous apparaît que le nouvel employeur dans le cas d'intégration serait en quelque sorte le conseil de sécurité publique, puisque l'une de ses principales fonctions serait de négocier toute convention collective de travail.

A cet égard, le Conseil professionnel des policiers recommandé de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'application de l'intégration éventuelle quant aux conditions de travail qui doivent régir les policiers.

Certes, le ministre de la Justice prévoit bien, le cas éventuel, que toute intégration des corps policiers dans une région donnée doit se faire en assurant la sécurité d'emploi et de traitements des policiers et des fonctionnaires au service des corps policiers intégrés. Mais, à notre sens, puisque l'on parle de formation professionnelle, de responsabilités uniformes, etc., sans doute faudrait-il prévoir, tout comme dans le bill 75 (la Loi de la Communauté urbaine de Montréal), l'uniformisation de tous les droits, bénéfices et avantages sociaux, y compris le régime de retraite et les traitements.

Sous ce dernier aspect, plus précisément, les policiers devraient être traités sur un pied d'égalité à l'échelle provinciale, tout comme la Sûreté du Québec, sans quoi le chaos déjà existant irait en s'élargissant.

Le conseil de sécurité doit donc notamment : a) procéder à l'inventaire de l'actif et du passif de chacune des villes ou municipalités existantes; b) 1- dresser, en collaboration avec les villes ou municipalités existantes, un plan d'intégration de leur personnel au service des villes après entente avec les syndicats concernés ou les représentants des corps de police affectés; 2- nonobstant les dispositions des articles 36 et 37 du code du travail, un conseil d'arbitrage serait constitué afin de régler toute difficulté découlant de l'application des dispositions des articles 36 et 37 du code du travail relativement à l'affectation du personnel des villes ou municipalités existantes; 3- ce conseil d'arbitrage est constitué conformément aux dispositions des articles 62 à 79 du code du travail à l'exception du deuxième alinéa de l'article 66 et de l'article 78; 4- le président du conseil d'arbitrage est nommé sur recommandation du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; 5- la décision du conseil d'arbitrage est finale et lie les parties.

Le personnel des services de police. Au domaine de la formation des policiers, le ministre rappelle à maints endroits dans son livre blanc que "l'efficacité des corps de police repose en grande partie sur le personnel policier. La société québécoise d'aujourd'hui est mieux informée, plus instruite, plus critique et plus ouverte à la participation. Il faut donc que la sélection permette de recruter les policiers dotés dès le départ d'une instruction de bonne qualité et il faut en outre que par le recyclage,

le perfectionnement et par un plan de carrière, on garde constamment le policier en contact avec la société et avec les dernières données de sciences policières et humaines." On retrouve ça aux pages 140 et 141.

Sous cet aspect, le conseil est bien d'avis que la formation policière est très importante. Mais le ministre a semblé oublier, dans son livre blanc, que cette formation qu'on exige du policier devrait s'étendre et à plus forte raison, aux échelons supérieurs de la police car il est difficile pour un policier, fût-il compétent, de bien remplir les responsabilités qui lui incombent quand on sait au départ que celui ou ceux qui le dirigent n'a ou n'ont même pas la formation qu'on exige de lui.

Le conseil s'oppose à "l'entrée latérale de personnes venant d'autres disciplines" (que l'on revoie la page 145). Les policiers en place n'ont pas à subir les contrecoups de ce qu'on n'a pas pu ou voulu leur fournir dans le passé, dans les secteurs du perfectionnement, de l'équipement, etc. Cela ne signifie pas, pour autant, que le conseil s'oppose à l'engagement de spécialistes, ceux dont on parle à la page 145.

Les conditions de travail. Dans les propositions faites par le ministre en page 146, il déclare que la question des relations de travail dans les corps policiers, la composition des unités de négociation, la négociation des conventions collectives et l'établissement des conditions de travail fassent l'objet d'une étude et de recommandations par un comité conjoint formé de représentants des ministères du Travail et de la Justice ou du nouveau ministère, et que le comité travaille en étroite collaboration avec les représentants des syndicats de policiers, les membres de la direction des corps policiers et les principaux employeurs ou représentants d'employeurs de policiers".

La recommandation du conseil à cette fin est la suivante: Que l'on reconnaisse aux policiers ce que le code du travail leur reconnaît présentement tant au domaine des unités de négociation que de la négociation des conventions collectives. Le conseil endosserait qu'un tribunal d'arbitrage permanent soit constitué pour entendre, soit les griefs ou les différents des associations de policiers. Cependant, le jour où l'on constituera un tel tribunal permanent, il devra s'inspirer dans son mandat (ce qui devrait être même prévu dans la loi) du statut particulier du policier, ...en raison même de la situation particulière dans laquelle ils se trouvent, les policiers doivent recevoir de la société, par l'intermédiaire de l'Etat, le statut particulier que méritent leurs fonctions. Aussi, l'Etat doit-il reconnaître aux policiers un traitement spécial au point de vue salarial. Cette compensation est nécessaire eu égard à la situation unique faite aux policiers. Une discipline particulière régit le policier jusque dans sa vie privée. La commission du moindre acte criminel peut lui faire perdre son emploi. Les risques du métier sont pour lui plus grands que pour d'autres. Son activité personnelle est limitée au point qu'en pratique il lui est interdit de participer activement à la vie politique et qu'on exige qu'il possède une maîtrise exemplaire de lui-même. D'autre part, une formule de négociation adaptée aux conditions actuelles et qui saurait...

M. NAUD: ...et qu'on exige qu'il possède une maîtrise exemplaire de lui-même. D'autre part, une formule de négociation adaptée aux conditions actuelles et qui saurait reconnaître la situation particulière du policier doit être adoptée.

Par ailleurs, le conseil ne peut souscrire à la recommandation no 66 à l'effet que l'on élimine des conventions collectives les clauses susceptibles d'entraver l'efficacité des corps de police ou de nuire à leur gestion efficace. — vous trouverez ça à la page 146. — En pratique, une loi édictée en tenant compte de cet énoncé éliminerait une convention tout simplement ou la rendrait quasi nulle. Il est inconcevable que d'un seul trait de plume on enlève au policier qui doit être un citoyen à part entière le pouvoir de négociation de ses conditions de travail par voie de convention collective. Nous reconnaissons que l'efficacité des corps de police est essentielle mais cela ne signifie pas pour autant que l'on doive injustement les affecter dans la revendication de leurs conditions de travail, que ce soit au domaine de la procédure des griefs, des mesures disciplinaires, des clauses de promotion, ou autres.

A la proposition no 94, le ministre recommande qu'une loi régisse un code de discipline s'appliquant à tous les corps policiers du Québec. Le conseil s'oppose à ce procédé et, au contraire, recommande que chaque cas soit étudié à son mérite et que le syndicat soit en mesure de contester, le cas éventuel, toute décision qui lui semblerait injuste. Le conseil, toutefois, serait prêt à considérer un code d'éthique professionnelle lequel, d'ailleurs, pourrait être contesté s'il ne répondait pas aux objectifs des associations ou syndicats.

Nous tenons à réitérer, en conclusion, nos remerciements à la commission parlementaire de nous avoir permis d'exprimer nos premières impressions sur cette importante question. Nous sommes bien conscients également que nous n'avons pas touché ou traité tous les points qui auraient sans doute mérité plus d'attention. Cependant, nous sommes convaincus que ce sont là des dispositions fondamentales qui, seules, peuvent garantir une réorganisation efficace et harmonieuse du service de la police. En cas de législation, pareille consultation populaire de votre part serait grandement appréciée et nous vous en remercions à l'avance.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Naud. J'inviterais maintenant le ministre de la Justice à prendre la parole.

M. CHOQUETTE: Peut-être que des collé-

gues veulent exposer leurs vues à la suite de ce rapport ou poser des questions avant moi. On peut peut-être inviter le député de Missisquoi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.

M. BERTRAND: Je demanderais tout simplement à M. Naud, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention: Lorsque vous parlez d'un comité consultatif, à la page 3, voulez-vous dire qu'au ministère de la Justice nous devrions avoir, comme on l'a aux ministères du Travail et de l'Education, un genre de conseil de la justice?

Est-ce qu'à l'heure actuelle, avec les institutions ou les organismes que nous avons, le conseil consultatif de la justice qui existe déjà et qui a été, je crois, entériné par une loi, avec la Commission de police d'autre part, vous proposez un nouvel organisme qui, lui, se pencherait davantage sur les problèmes policiers?

M. NAUD: C'est ce que nous voulons. Pour ne pas élaborer davantage, c'est ce que nous demandons; c'est dans ce sens-là.

M. BERTRAND: Pour les problèmes policiers.

M. NAUD: Pour les problèmes policiers. Qu'il y ait quelqu'un qui connaisse les problèmes policiers et que l'on puisse discuter avec lui.

M. BERTRAND: Est-ce qu'à l'heure actuelle, le rôle que joue la Commission de police ne vous permet pas de faire entendre votre voix auprès d'elle, de discuter, de dialoguer avec elle?

M. NAUD: Pas suffisamment, à notre avis.

M. BERTRAND: Ce n'est pas suffisamment ouvert aux problèmes généraux?

M. NAUD: Il y aurait beaucoup de problèmes qu'on pourrait discuter avec un tel comité consultatif, mais la Commission de police, elle a des problèmes plein les bras.

M. BERTRAND: C'est justement là qu'est le problème. Est-ce qu'à force de constituer comme cela trop d'organismes, on ne s'expose pas à ce que l'action elle-même soit éparpillée? Je vous pose la question. Je n'ai pas d'idée préconçue sur ce problème.

M. NAUD: Si vous me permettez, M. Chartrand pourrait peut-être expliquer. Le côté technique, c'est le sien.

M. CHARTRAND: En fait, lorsqu'on regarde la Loi du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on se rend compte que le ministre, avant de prendre toute décision, a tous les renseignements, les réquisitions nécessaires avant d'orienter la position qu'il doit prendre. Quant à la Commission de police comme telle, comme on l'a expliqué dans notre mémoire, il semblerait que, lorsqu'elle fait enquête, à un moment donné, elle soit bloquée. Quant à nous, ce que nous voudrions, c'est que, lorsqu'elle fait enquête, elle fasse enquête profondément, qu'on lui laisse la porte ouverte; et, à ce niveau-là, on voudrait plus précisément que tous les corps, toutes les personnes impliquées soient en mesure, par voie de représentation publique, d'aller effectivement devant la Commission de police et de faire entendre leur point de vue ou leur objection, s'il y a lieu.

M. BERTRAND: Vous voudriez, par ce moyen-là, faciliter les communications entre, d'une part, les corps policiers comme tels et le ministère de la Justice et, deuxièmement, permettre de plus amples consultations entre le ministère de la Justice et les policiers.

M. CHARTRAND: Oui, pour nous, c'est très important. Parce que lorsqu'on réfère à certaines enquêtes qui ont déjà eu lieu, à un moment donné, il y a une sorte de blocage, on ne sait pas où cela peut nous conduire exactement; si l'on dit que c'est carrément public et que toutes les personnes et les associations impliquées doivent faire entendre leur point de vue, à ce moment-là, je pense qu'il n'y aura pas d'arrêt et qu'on aura la vérité toute crue. Sous cet aspect-là, j'admets qu'on reconnaît des pouvoirs à la Commission de police. Mais remarquez qu'au domaine des associations, on veut quand même, si on n'est pas d'accord, être en mesure de contester, par les représentations publiques ou même par la voie de nos conventions collectives, une décision qui nous semblerait très injuste. En fait, c'est de voir la vérité au grand jour, mais quitte à nous protéger très efficacement dans le domaine des conditions de travail et dans le domaine des policiers qui seraient impliqués directement ou indirectement.

M. BERTRAND: Vous parlez également d'un comité régional d'intégration. Ce comité régional d'intégration aurait par sa nature un rôle temporaire pour faciliter l'intégration. De qui serait composé ce comité régional à ce moment-là?

M. NAUD: Des représentants des municipalités, des représentants des chefs de police, des représentants d'associations accréditées et s'il n'y en a pas, d'un membre d'un corps de police où il n'y aura pas d'accréditation; pour qu'ils puissent former un système d'intégration, connaître les besoins s'il y en a. Si ce n'est pas nécessaire de régionaliser, on ne le fait pas; s'il y a nécessité, c'est après consultation avec tous ces gens-là.

M. BERTRAND: Alors, vous lui feriez jouer le rôle, comme vous le dites, du commissaire-enquêteur?

M. CHARTRAND: Exactement.

M. BERTRAND : Dont on parle dans le livre blanc du ministre de la Justice.

M. NAUD: On veut avoir notre mot à dire un peu partout.

M. BERTRAND: On ne vous blâme pas.

M. NAUD: On ne veut pas se faire dire une journée: Tu viens de disparaître par là. Et le gars n'a pas eu un mot à dire là-dedans. On a essayé de se "parer" un peu partout, ce que l'on appelle: Couvrir nos angles.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.

M. DROLET: M. Naud, je vous remercie de votre mémoire et j'aurais peut-être quelques questions à vous poser. J'aimerais savoir si, à la suite de la lecture du livre blanc, votre conseil est en faveur d'un ministère de la police séparé de celui de la Justice.

M. NAUD: On n'a pas étudié en profondeur cette partie-là. On le dit au début, on a pensé surtout à ce qui nous affectait le plus. On n'a pas fait d'étude sur le ministère pour savoir s'il était préférable de le séparer ou non.

M. DROLET: Vous n'avez pas d'idée de faite là-dessus?

M. NAUD: On n'a pas fait d'étude là-dessus.

M. DROLET: J'en aurais une autre un peu plus loin.

A la page 7 de votre mémoire, vous semblez appuyer sur le fait d'une meilleure formation policière, ce qui à votre point de vue semblerait très important. Mais vous laissez quand même planer un doute quant aux échelons supérieurs, il y faudrait une meilleure formation également. Est-ce que j'ai bien compris le sens de votre paragraphe? Est-ce que c'est bien ce que vous avez voulu dire?

M. NAUD: C'est ce qui est écrit toujours.

M. DROLET: C'est cela que vous avez voulu dire?

M. NAUD: C'est ce qui est écrit.

M. DROLET: Vous croyez qu'à l'échelle supérieure de la police, il devrait y avoir également une meilleure formation.

M. NAUD: Mais c'est sûr. Il est bien sûr que si un homme a une cinquième année d'étude, c'est assez difficile pour lui d'en comprendre un autre qui a complété une douzième année. Ils ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Mais le gars, ça ne l'empêche pas d'être le chef ou l'assistant-chef. Nous ne visons personne en particulier. De nous, les policiers, on exige, au moment d'être embauchés, une douzième année, d'avoir fréquenté l'école de police, et ceci et cela. On nous donne des cours de CEGEP. Mais si après tout cela, le gars qui nous dirige, c'est du grec pour lui, nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes. Nous ne voyons pas où cela peut être efficace, qu'on exige tant de travail de la part des gars qui montent, si à un moment donné on ne se comprend pas.

M. DROLET: Parfait, c'est ce que je voulais savoir.

M. MARCHAND: Est-ce que les chefs de police ne sont pas d'anciens policiers?

M. NAUD: Oui.

M. DROLET: Un instant s'il vous plaît. Je termine, j'ai une autre question.

M. MARCHAND: C'était sur la même chose.

M. DROLET: Concernant votre mémoire, à la page 9...

M. CHOQUETTE: Le code de discipline...

M. BURNS: Nous avons des prérogatives d'Opposition, M. le ministre, et nous y tenons énormément.

M. DROLET: ... lorsque vous faites allusion à la proposition 94 que le ministre fait dans le livre blanc, concernant un code de discipline, vous dites que votre conseil s'oppose à ce code de discipline. Est-ce que c'est votre décision définitive, que vous vous opposez complètement à ce code de discipline ou si vous avez d'autres choses à proposer?

M. NAUD: Un code de discipline qui serait dans une loi, c'est bête une telle affaire, à mon sens, excusez mon expression, mais c'est bête! Parce que si c'est écrit: Tu ne traverses pas la rue. Tu vas devant un juge, tu dis que tu as traversé la rue. C'est écrit dans la loi, tu ne peux rien faire, c'est final.

Il y a peut être une raison pour laquelle je traverserais la rue moi; je peux peut-être sauver autre chose. Mais bêtement, parce que dans la loi, dans le code de discipline c'était écrit que tu n'as pas le droit de faire cela, on ne m'entendrait pas sur le mérite, je n'aurais pas la chance de m'expliquer.

C'est cela qu'on veut dire, on veut quelque chose de souple, quelque chose d'humain. Pas se réveiller comme une bande de robots qui marchent mécaniquement.

M. DROLET: Vous voulez avoir une loi humaine.

M. NAUD: On veut une loi humaine. M. DROLET: Pas trop disciplinaire.

M. NAUD: C'est cela. Que chaque chose soit étudiée à son mérite.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: En somme, M. Naud, sur ce point du code de discipline, si je vous comprends bien, vous ne vous opposez pas à ce qu'il y ait des règles précises régissant votre éthique professionnelle ou quelque chose du genre, mais ce que vous voulez, c'est que ce ne soit pas une guillotine contre laquelle vous ne puissiez pas vous défendre si on vous l'applique.

M. NAUD: C'est cela.

M. BURNS: En somme c'est un peu réserver vos droits de la même façon que vous les réservez dans vos conventions collectives pour les cas de grief et d'arbitrage qui peuvent s'ensuivre. C'est cela je suppose.

M. NAUD: C'est ce sens qu'on veut donner.

M. BURNS: Maintenant, à la page 5 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, pour parlez de l'uniformisation de tous les droits, bénéfices et avantages sociaux y compris le régime de retraite et de traitement. L'expérience dans le domaine de la construction, vous allez me dire que ce n'est pas la même chose, sur le plan des relations de travail, mais quand même il y a eu un problème qui s'est posé quant à l'uniformisation des conditions de travail à cause de difficultés ou de non-uniformisation des qualifications, d'un niveau régional à l'autre... Ce que je veux dire, c'est que peut-être que M. Untel qui est policier dans une certaine ville n'a pas la même formation qu'un policier d'une ville plus importante. Le problème peut se poser de la même façon. Est-ce que vous avez des suggestions pour en arriver à cette uniformisation tout en tenant compte de la non-uniformisation des qualifications qui existent dans les faits, sans brimer les droits des personnes qui sont déjà sur les lieux? Je sais que c'est un problème difficile, vous n'avez peut être pas de solution immédiate mais en tout cas je vous la pose.

M. CHARTRAND: Comme je suis constamment à faire face à des problèmes de cette nature, et lorsqu'on voit apparaître, M. le député, un livre blanc qui parle de formation professionnelle et de responsabilités uniformes dans toute la province, même si nous ne représentons pas de corps aussi importants que celui de la ville de Montréal ou de la Sûreté du

Québec, il n'en demeure pas moins que notre responsabilité reste la même, et avec raison d'ailleurs. Et comme on veut mettre l'accent sur la protection du citoyen et qu'on vient exiger du policier une formation adéquate, nous disons en retour: Tout ça est vrai, tout ça est juste. Mais, quand on parle de l'uniformisation dans le domaine des responsabilités, on voudrait bien que les traitements, et les avantages sociaux soient uniformes au même plan et au même titre que tous les autres.

M. BURNS: M. Chartrand, je suis entièrement d'accord avec vous que les conditions de travail des policiers doivent être le plus possible uniformisées. Mais, au fond, la question que je vous pose: Etes-vous prêt à faire face à l'objection que le ministre de la Justice ou son successeur, le ministre des affaires policières, vous fera, sans doute, en temps et lieu? Quand vous demanderez cela, on va sûrement vous dire — et vous avez assez d'expérience dans le domaine, M. Chartrand — qu'on ne peut pas uniformiser pour une bonne raison: la compétence, elle, n'est pas uniforme. C'est la question précise que je vous pose: Est-ce que vous avez une proposition concrète pour faire face à ça?

M. CHARTRAND: Dans le livre blanc, on parle de formation professionnelle. Alors nous disons que nos gars qui sont en place n'ont pas à payer pour ce qui est arrivé dans le passé, parce qu'ils n'ont pas eu ou qu'on ne leur a pas accordé cette formation professionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'au domaine de l'expérience acquise, je pense que ça aussi doit se calculer en valeur. Un policier qui a dix, douze ou quinze ans d'expérience, s'il a bien fait son devoir dans la pratique, il a certainement appris quelque chose. S'il lui manque des cordes à son arc, on est d'accord pour le perfectionner et faire en sorte qu'il puisse, au même niveau que tous les autres, faire le rattrapage, comme on en a parlé ce matin au domaine des écoles. Si ça manque, on est d'accord; mais ne pas le laisser aux oubliettes et faire en sorte que ce soient d'autres.

M. BURNS: A la page 6, M. Chartrand, vous suggérez qu'en cas de difficultés de mise en application des articles 36 et 37 du code du travail, le cas soit soumis, non pas au commissaire-enquêteur, en vertu du code du travail, mais à un conseil d'arbitrage. Est-ce que vous avez des raisons particulières pour suggérer cela? Est-ce parce que vous n'avez pas confiance au commissaire-enquêteur, en vertu du code du travail, dont c'est la fonction d'ailleurs?

M. CHARTRAND: Je pense que ce serait d'abord beaucoup plus expéditif. Et si on a une personne qualifiée, s'il y a entente entre les parties quant à la nomination d'un tribunal d'arbitrage, je pense qu'il y aurait lieu pour nous d'espérer que ça se case plus facilement.

M. CHOQUETTE: Si le député me permet, je ne voudrais pas prendre son temps.

M. BURNS: Oh!

M. CHOQUETTE: Mais les commissaires-enquêteurs, en vertu du code du travail, ont justement été nommés pour aller plus vite que l'ancienne Commission des relations de travail. Vous n'êtes pas satisfait de l'accélération?

M. CHARTRAND: Non, c'est au domaine du rôle du conseil de sécurité, plus précisément. Si, à un moment donné, il n'y a pas d'entente au domaine de l'enquête comme telle qu'ils peuvent faire dans une région donnée, il peut y avoir accrochage.

M. CHOQUETTE: Mais, ce n'est pas un problème exclusivement de relations de travail à ce moment-là?

M. CHARTRAND: Cela dépend, ça peut être pour définir l'unité de négociation.

M. BURNS: Je vous posais la question relativement à l'article 2 à la page 6 qui dit: "Nonobstant les dispositions des articles 36 et 37 du code du travail, un conseil d'arbitrage serait constitué afin de régler toute difficulté découlant de l'application des dispositions des articles 36 et 37 du Code du travail..." C'est pour cela que je vous posais la question. Est-ce que vous avez une raison particulière pour demander ça?

M. CHARTRAND: Ce n'est pas l'application même. Lorsqu'on donne les articles 36 et 37 du code, on sait qu'assez souvent il y a eu des interprétations assez différentes là-dessus, au domaine de son application comme telle.

Nous croyons que ça rendrait ça plus expéditif, s'il y avait un tribunal d'arbitrage.

M. BURNS: De façon expéditive, on le souhaite. Je n'ai pas d'autre question M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez seulement quelques questions, le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec, qu'est-ce que c'est, cet organisme? Dites donc ça, pour le bénéfice des membres de la commission. Répétez le donc, parce que...

M. NAUD: Le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec est composé d'un groupe de petites unités qui ont pris les mêmes gens pour leur donner des services techniques.

M. CHOQUETTE: Vous n'appartenez pas à la Fédération des policiers municipaux du Québec?

M. NAUD: Oui, nous appartenons à cette fédération aussi.

M. CHOQUETTE: Vous appartenez aux deux.

M. NAUD : Nous appartenons aux deux.

M. CHOQUETTE: En somme, pour vos services techniques, vous vous êtes groupés?

M. NAUD: Oui, pour nos services techniques nous prenons les mêmes gars et nous nous sommes entendus avec eux pour...

M. CHOQUETTE: La Fédération des policiers municipaux du Québec ne fournit-elle pas de services techniques comme telle?

M. NAUD: Elle en fournit mais pas en quantité suffisante dans le moment.

M. CHOQUETTE: Je veux simplement savoir quelle est la situation. Je voudrais vous remercier de votre mémoire, il y a beaucoup de suggestions dans ça qui méritent d'être sûrement approfondies. A la page 7, vous faites une objection catégorique aux entrées latérales dans les corps policiers. Quels sont les motifs de cette objection?

M. NAUD : Il y en a plusieurs qui me viennent à l'esprit. Vous avez le cas de Montréal. A Montréal, il y a quelque 2,000 policiers qui, chez eux, prennent des cours de formation avancée et ces gars-là sortiront avec des diplômes en criminologie, en psychologie et en tout ce qu'on voudra. Ce sont déjà des gars qui connaissent la formation policière, qui ont travaillé dans ce métier-là, qui sont capables de remplir les fonctions qu'on veut faire occuper par d'autres qui n'auront pas la connaissance policière.

Le gars qui est parti de la base dans le domaine policier et qui a monté, qui a fait des efforts pour apprendre, si à un moment donné, on a besoin d'un criminologue et si ce policier est devenu criminologue, pourquoi ne pas donner le poste avant d'aller chercher ailleurs?

M. CHOQUETTE: Je comprendrais ça mais est-ce que vous vous opposez à toute forme de recrutement extérieur excepté au premier palier? Je veux dire qu'actuellement, on recrute un policier comme policier de quatrième classe, je crois.

M. NAUD: Oui.

M. CHOQUETTE: C'est le départ et je pense

que, d'après la Commission de police, on exige de lui qu'il ait une onzième année.

M. NAUD: Oui, si on veut.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est ça? Est-ce que vous vous opposez à tout autre recrutement que ça?

M. NAUD: Vous voulez dire par là qu'on voudrait toujours que le gars devienne un policier de quatrième classe lorsqu'il entre chez nous?

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. NAUD: C'est normal qu'il passe par les mêmes échelons que les autres.

M. CHOQUETTE : Oui. Je vous demande votre position, je veux savoir si vous vous opposez à toute forme de recrutement latéral. Est-ce qu'il y a des niveaux où vous admettriez quand même qu'il y ait une certaine flexibilité dans le recrutement? Je ne parle pas de prendre quelqu'un et de le nommer inspecteur, capitaine ou lieutenant, mais est-ce qu'il y a quand même une différence que vous faites entre certains grades ou certaines expériences dans le domaine policier?

M. NAUD: Je vais laisser mon conseiller technique vous répondre à ce sujet si vous le permettez.

M. CHARTRAND: Avec votre permission M. le Président, je répondrai à cette question du ministre. Au domaine de la formation professionnelle, nous sommes bien d'accord sur ce qui est proposé dans le livre blanc, que, dorénavant, quels que soient les policiers embauchés, on mette l'accent sur leur formation professionnelle ou plus précisément ce qui touche du policier. Mais quand vous demandez si nous nous opposons à d'autres formes d'engagement, je pense qu'il ne faut pas se conter d'histoires.

Quant à nous, nous avons inséré une petite phrase. S'il s'agit d'engagement de spécialistes au sens où vous l'avez décrit à la page 145, ça va. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est qu'à un moment donné, on prenne justement un gars parce qu'apparemment il aurait une formation académique, ce qui ne veut pas nécessairement dire que c'est un policier.

On veut qu'il ait une formation professionnelle mais parallèle au titre de policier. Que l'on comprenne bien que le policier sache, avant d'arriver à remplir son rôle de policier, et qu'il soit bien informé de A à Z et de ce qui l'attend dans son rôle de policier.

M. LE PRESIDENT: M. Naud, au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. Je remercie également vos proches collabora- teurs. J'inviterais maintenant M. Guy Magnan, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, à présenter son mémoire.

Association des policiers provinciaux du Québec

M. MAGNAN: M. le Président, M. le ministre de la Justice, messieurs les ministres et députés, si vous permettez, je vais vous faire la présentation de mes confrères. A ma gauche, M. Gilles Dubé, vice-président; à ma droite, M. Raymond Richard, secrétaire général; à l'extrême gauche, M. Luc Richard, secrétaire-trésorier. Ici, avec la permission de M. le Président, nous allons faire la lecture du document qui vous a été remis par M. Pouliot, secrétaire des commissions parlementaires.

M. le Président, messieurs les membres de la commission, messieurs.

L'Association des policiers provinciaux du Québec, regroupant ici quelque 3,200 membres de la Sûreté du Québec, est heureuse de se présenter devant vous afin de vous exprimer sommairement, il va sans dire, ses points de vue en regard des constatations, recommandations, propositions et suggestions contenues dans le livre blanc sur la police et la sécurité du citoyen, présenté au public le 30 juillet 1971 par Me Jérôme Choquette, ministre de la Justice.

Nous disons que le tout sera sommaire, vu le court laps de temps qui s'est écoulé entre les séances de cette présente commission et la nouvelle qu'une telle commission existait. Ce qui ne nous a pas permis d'étudier en profondeur tous les aspects de la question. Nous suggérons donc immédiatement que, advenant la création d'autres commissions parlementaires sur la présente question, nous soyons tous informés suffisamment à l'avance, afin de nous permettre de nous y préparer d'une façon adéquate et d'atteindre les buts pour lesquels une telle commission est créée.

Nous permettant d'entrer dans le vif du sujet, nous vous présentons donc nos commentaires sur différents aspects génériques que traite le livre blanc et, par la suite, nous formulerons nos observations sur les principales propositions suggérées.

En tout premier lieu, nous accordons pleine valeur au bilan de la situation actuelle, qu'on retrouve aux pages 1 à 124 dudit livre. Toutes les enquêtes et les études qui ont été faites afin d'éclairer le sujet nous semblent réalistes et nous ne nous permettons pas de douter de la bonne foi de qui que ce soit ni de la véracité des faits énoncés.

D'ailleurs, cette situation avait été dénoncée à maintes reprises par plusieurs autorités, mais il ne semblait pas utile à ces personnes d'accorder une attention plus poussée à la structure des corps policiers au Québec, ce qui a provoqué un laisser-aller qui n'a eu comme résultat que l'inefficacité de la force policière pour la

protection du citoyen. Nous sommes quand même surpris des résultats obtenus par plusieurs corps de police, lesquels n'ont été que le fruit d'efforts soutenus d'individus qui avaient à coeur de mener à bonne fin la réussite du travail policier. Il est grand temps que les autorités gouvernementales, provinciales, municipales ou autres s'attablent et étudient en profondeur l'utilité et même l'obligation de la réorganisation des forces policières du Québec.

Prévoyant que les corps policiers seront appelés dans l'avenir à une action de plus en plus discutée au sein de la population et également considérant la diversité des tâches, nous croyons que l'effet de nommer un ministre de la police serait une chose qui permettrait aux autorités du ministère de la Justice de se libérer d'un sujet qui, tout en étant de très près connexe à ses tâches présentes, n'est pas primoridal. Ce ministre de la police devrait, à notre sens, répondre devant le public et devant le gouvernement des actions et des décisions qu'il prendra. En regard des pouvoirs qui devront lui être conférés, nous ne pouvons nous permettre d'en apprécier la valeur dans le contexte actuel.

Après étude des suggestions et propositions en regard de la formation et de la restructuration des corps de police en corps policiers dits de communautés urbaines, polices régionales, municipales et Sûreté du Québec, nous pensons que cette structure aurait des avantages très marqués sur la présente situation. De ce fait, nous croyons logique la formation des polices de communautés urbaines, des polices régionales, des polices municipales ainsi que la Sûreté du Québec. Cependant, avant qu'il y ait décision finale, nous croyons également logique que les parties intéressées soient consultées et que leurs opinions soient reçues par la Commission de police ou toutes autres personnes désignées comme commissaires enquêteurs.

Au sujet de la juridiction que doit avoir chacun de ces corps de police, il est entendu que le tout ne doit pas faire l'objet de dissension entre les corps policiers urbains, régionaux, municipaux ou la Sûreté du Québec et il importe que le tout ne dégénère pas en des affrontements ou des guerres froides. Nous nous réservons pour l'avenir des suggestions qui pourraient être pour le plus grand bien de tous les membres des corps policiers et pour une meilleure efficacité policière.

En prenant connaissance de l'action que devra jouer la Commission de police dans tout ce nouvel organigramme, il nous semble que ladite commission aurait des pouvoirs de gérance qui pourraient être mal interprétés et nous croyons que la Commission de police, quoique étant un organisme voulu, désiré par toutes les organisations s'occupant du travail policier, doit être un organisme de spécialistes-conseils qui fera les études et les enquêtes nécessaires pour l'amélioration du travail policier et non pas de gérance policière.

Nous avons pris également connaissance de la proposition à l'effet que les forces policières doivent être dotées de bureaux de faillites, des enquêtes spéciales ou de tout autre sujet d'importance. Ces bureaux seraient composés d'avocats ou de comptables et autres spécialistes qui collaboreraient étroitement avec les corps policiers afin de résoudre des problèmes ou prendre action devant différents sujets. Cette suggestion nous est très agréable étant donné que le tout évitera des entrées dites latérales dans les différents corps de police, lesquelles se sont prouvées non rentables sur la majorité des personnes impliquées. Le fait d'engager des spécialistes à des salaires déterminés par les autorités gouvernementales ne déplaît pas, bien au contraire, et ne viendra qu'enrichir l'efficacité des forces policières, ce qui contribuera à une meilleure protection du citoyen. Nous avons également pris connaissance des différentes propositions relatives au personnel, aux locaux mis à la disposition des policiers, aux services administratifs auxiliaires et, sur ces points, nous sommes d'accord en principe qu'il doit y avoir une amélioration très sensible, ce qui aura comme effet immédiat que le moral des troupes ne sera que meilleur.

Pour ce qui est des propositions en regard de la juridiction de la Sûreté du Québec, le tout nous semble très large d'expression et, sur ces différentes propositions, il nous apparaît nécessaire pour nous de ne formuler aucun commentaire, pour ou contre, étant donné que nous ne pouvons dans le concret en déterminer la portée. Nous croyons que, au fur et à mesure que les événements se dérouleront et que les forces policières urbaines, régionales ou municipales se formeront, la juridiction et les pouvoirs de la Sûreté du Québec se concrétiseront et que nous pourrons faire à ce moment-là des suggestions qui se rattacheront plus à la réalité.

Ayant pris connaissance des propositions relatives aux institutions d'enseignement, aux cours de formation que doivent suivre les policiers afin de pouvoir gravir les échelons dans les corps de police dans lesquels ils sont affectés, nous croyons qu'il est nécessaire que l'instruction fasse l'objet de l'attention des autorités concernées. Mais il faut quand même être réaliste et concevoir tous ensemble que l'expérience acquise au sein d'un corps policier ne peut être achetée ou étudiée dans une école d'enseignement et, de par ce fait, la compétence se base sur l'expérience acquise au travail et non pas à la suite d'un bourrage de crâne dans différentes institutions.

Nous avons également pris connaissance, avec un vif intérêt, des propositions relatives aux conditions de travail, à la formation des syndicats et de ce que devrait être, selon ces mêmes propositions, l'action syndicale au sein des forces policières.

Nous nous réjouissons de constater qu'au moins, après nombre d'années, certaines personnes reconnaissent le travail positif qui a été fait

par ces différents organismes, qu'on les nomme association, fraternité, syndicat, union, ainsi que l'effort que ces personnes ont fait afin de revaloriser le policier et le rôle qu'il doit jouer dans la société. Depuis trop longtemps, hélas, les autorités gouvernementales à tous les niveaux ont négligé cet aspect qui, à notre avis, est le plus important pour un corps policier efficace et qui a comme intérêt principal la protection du citoyen.

Nous sommes très surpris de l'attitude des propositions qui sont suggérées dans ce livre blanc, à l'effet que des chapitres de différents contrats de travail soient changés, parce qu'ils sont inefficaces ou qu'ils nuisent à l'efficacité de la police en général.

Il est prouvé, depuis nombre d'années, que les syndicats ont eu un rôle très important à jouer au sein des différents corps de police et que n'eût été leur intervention, la police en général n'aurait certainement pas connu l'efficacité que l'on peut lui accorder présentement.

Si les autorités gouvernementales, pour des raisons qu'elles jugent utiles ou nécessaires, croient que, pour des raisons d'efficacité, il y a lieu de contremander ou de retrancher des articles de différentes conventions collectives, nous croyons qu'en aucun temps des décisions doivent être prises dans ce sens et que, en tout lieu, l'approbation des syndicats impliqués, en mettant en valeur les raisons qui justifient une telle attitude, peut être mise de l'avant.

Sur ces propositions, nous ne pouvons en aucune façon y accorder notre appui, puisque, à prime abord, on vient par des propositions, sous prétexte d'une réévaluation de la police, prétendre que les conventions collectives nuisent à l'efficacité des forces policières. Nous n'avons qu'à constater les résultats obtenus sur le plan des relations humaines pour nous en convaincre.

Rappelons-nous simplement les systèmes autoritaires émis par de nombreuses directives impersonnelles, la soumission abattue à un code de discipline inadapté, l'obligation de taire ses opinions ou sentiments politiques ou autres, et ce sans aucune sorte de considération du droit d'expression; alors qu'on demande à ces mêmes policiers d'écouter avec compréhension leur public, d'être conciliants et compréhensifs pour les faiblesses humaines et soumis à tout ordre écrit ou verbal de leurs supérieurs. Les organismes syndicaux ont été les seuls à permettre une certaine forme d'expression aux policiers et ainsi ont servi de soupape de sécurité en cherchant le dialogue entre les autorités et les membres. Nous recommandons fortement que les autorités gouvernementales cherchent des solutions tenant compte des difficultés nombreuses auxquelles le policier doit faire face journellement.

En dernier lieu et comme c'est la coutume, nous demandons aux autorités gouvernementales qu'en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance, les syndicats, les associations et les fraternités soient invités à donner leurs idées et que ces mêmes idées soient respectées, en vue de l'établissement d'une force de police efficace et unie pour que, encore une fois — et nous le répétons — le plus grand bien et la plus grande protection des citoyens soient respectés.

Suite aux observations qui ont été énoncées dans ce mémoire, il est opportun pour nous de vous mentionner qu'il y a lieu, pour les autorités gouvernementales, d'insister très fortement pour que toute personne ayant à faire enquête concernant un ou des sujets impliqués dans le livre blanc, prenne contact avec les personnes qu'elle juge en autorité pour les différentes associations, syndicats ou fraternités, afin de connaître adéquatement leurs opinions quant à l'efficacité, à l'organigramme et à l'organisation en général des différents corps de police urbain, régional, municipal ou Sûreté du Québec.

En regard de l'autonomie, ou si nous aimons mieux de l'autorité que doit exercer la Sûreté du Québec, nous mettons en garde les autorités gouvernementales contre toute action policière de matraquage ou de provocation vis-à-vis des différents corps policiers, urbain, régional ou municipal.

Quoique ayant une vocation spéciale en regard des devoirs que doivent accomplir les différents corps policiers du Québec, la Sûreté du Québec ne doit, en aucun temps, être la matraque des policiers et encore moins, une autorité ou une force de frappe qui viendrait à l'encontre des principes de base émis depuis longtemps par différents organismes à l'effet que la province de Québec ne doit pas posséder un état policier.

A tous ces points de vue, nous demandons à la présente commission de se pencher très sérieusement sur l'ensemble des devoirs que doivent accomplir les policiers de la province de Québec, quels qu'ils soient.

Nous sommes l'autorité policière, nous devons l'exercer et la journée où nous n'exercerons plus ces pouvoirs de membres policiers, nous ferons mieux de démissionner.

Sur ces mots, l'association désire vous réitérer son désir de participer à toutes discussions et quels que soient les sacrifices qu'elle devra s'imposer, elle sera présentée à toutes les réunions qui commanderont, nécessiteront ou inviteront nos suggestions. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Magnan. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais féliciter le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec ainsi que ses collègues qui sont à la table, pour un mémoire qui est, à mon sens, très équilibré et qui examine, sous différents aspects, quelques-unes des propositions centrales du livre blanc.

Je n'ai guère de commentaires ou de questions à poser. Je connais personnellement la pensée du président et des membres de l'exé-

cutif de l'APPQ sur beaucoup de ces questions et je ne voudrais pas en somme être fastidieux en les réinterrogeant sur des sujets que nous avons déjà eu l'occasion de discuter à de nombreuses reprises. Je trouve que le tout, tel que présenté, mérite d'être considéré extrêmement sérieusement et je voudrais assurer l'APPQ, par son exécutif qui est ici présent, que nous allons donner aux revendications de leur groupement toute l'importance qu'elles ont. J'ai été particulièrement impressionné par une partie du mémoire. Je pense que c'est le rôle du syndicalisme dans les corps policiers; sur ce plan-là, le mémoire est très au point et les choses qui sont dites sont vraiment senties et réelles.

Je sens chez l'APPQ, à la fois, le désir normal de la reconnaissance syndicale, ce qui à mon sens est une aspiration tout à fait légitime pour les policiers, et d'un autre côté, comment pourrais-je dire, la modération qui va avec l'exercice de ce droit. Alors, je vous félicite!

M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.

M. BERTRAND: M. Magnan, je ne voudrais pas ajouter aux félicitations qui vous sont offertes. Vous connaissez mes sentiments à l'endroit de l'Association des policiers provinciaux avec qui j'ai travaillé durant quelques années et de qui j'ai reçu pleine et entière coopération.

Vous suggérez, à la page 2, la nomination d'un ministre de la police. Est-ce que votre désir de la nomination d'une personne, qui serait responsable devant l'opinion publique, part de la volonté, bien affirmée chez vous, dans votre mémoire d'ailleurs, d'être en relations plus directes avec une autorité surtout pour les fins de consultation?

M. MAGNAN: Evidemment, M....

M. BERTRAND: Est-ce que c'est surtout ça que vous avez en vue?

M. MAGNAN: Absolument, nous voulons que quelqu'un s'occupe des policiers particulièrement.

M. BERTRAND: J'espère bien que mon collègue ne le prendra pas comme aucune allusion, parce que les ministres de la Justice, quels qu'ils soient ont des tâches énormes. D'autre part, s'il y avait un organisme quelconque, dans le sens de la suggestion qui a été faite par M. Naud, qui permettrait aux corps policiers, prenons des exemples, avant la présentation d'une loi, par le ministère de la Justice, qui concernerait les corps policiers, les activités des corps policiers, les droits des corps policiers, s'il y avait des consultations au préalable, plus structurées par le truchement d'un organisme comme celui qui a été suggéré, est-ce qu'avec cela, vous n'atteindriez pas le même but que par la création d'un ministère de la police?

M. MAGNAN: Bien, on aurait peut-être le même résultat en définitive, mais nous aurions probablement une organisation plus impersonnelle. Lorsqu'on a une personne qui est responsable vis-à-vis des groupements ou une formation, ou un corps de policiers, à ce moment-là, la personne elle-même a le devoir et le droit de défendre ses idées et de défendre les droits de ses policiers. Si c'est un organisme, il comprend cinq ou dix personnes et s'il y en a neuf qui disent que c'est la faute de l'autre, à ce moment-là, lorsqu'on a une personne directement impliquée dans un conflit, je crois qu'il y a plus de chances de solution.

M. BERTRAND: Alors, est-ce que vous ne craignez pas que le fait d'identifier une personne de la police seulement à ce problème qui est, disons, très important, je le reconnais, mais, est-ce que vous ne craignez pas qu'à la longue cela puisse créer une impression dans le public de ce que vous voulez vous-même éviter, donner l'impression d'un Etat policier?

M. MAGNAN: Je crois qu'en ayant un ministre de la police, ou si vous aimez mieux, quelqu'un qui va s'occuper des corps policiers, je dis qu'il faut qu'il s'occupe des policiers à tous les points de vue; non seulement en ce qui concerne le code de discipline ou une accusation et dire: Oui, il est dehors, ou: Non, il n'est pas dehors.

Quand on dit qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui s'en occupe, je crois que lui, tout en répondant au gouvernement qui est là pour savoir exactement et juger de ses décisions, et au public qui va être là également pour le critiquer au même titre qu'on peut critiquer le ministre de la Justice actuel, je crois, dis-je que cette personne ne pourra pas établir un Etat policier. Si elle l'établit, cela voudrait dire que les dirigeants des gouvernements ne sont pas vigilants et que la population est intéressée à avoir un dictateur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf. M. BERTRAND: Allez-y.

M. DROLET: Je voudrais continuer dans le même sens que le député de Missisquoi. Les autres organismes qui ont présenté des mémoires ont tous, je crois, fait allusion au fait que le tout devrait demeurer encore sous l'autorité du ministère de la Justice, mais avec un sous-ministre qui aurait plus de responsabilités. C'est à peu près cela, je pense, que les autres organismes ont laissé voir. Est-ce que vous seriez prêts à accepter cette chose ou si vous avez comme opinion bien arrêtée que ce serait préférable d'avoir un ministère de la police?

M. MAGNAN: Dans notre mémoire, nous avons suggéré qu'il puisse y avoir un ministre de la police. En ce qui nous concerne, cela peut aussi bien être un sous-ministre de la police qui va s'occuper de ses policiers. Le fait est actuellement que le ministre de la Justice a les pouvoirs qui, croit-on, si un autre les avait, feraient un dictateur de cet autre. On a vu dans le passé des lois décrétant que toutes les forces de police seraient sous le même chef, qui était le chef de la Sûreté du Québec. Je pense qu'on a vu cela pendant un mois et demi ou deux mois. On n'a pas eu peur que cela en fasse un dictateur. Pourtant il aurait pu exercer à ce temps-là les mêmes pouvoirs dont on a peur. Si on nomme un ministre de la police, en définitive, ce ministre de la police dont on redoute qu'il devienne un dictateur va avoir moins de pouvoirs que le ministre actuel de la Justice.

M. DROLET: Maintenant, à la page 4 de votre mémoire,...

M. LE PRESIDENT: Si vous permettez. Le député de Trois-Rivières avait demandé la parole.

M. BACON: Vous semblez déjà modifier votre position entre un ministère de la police ou de l'intérieur — appelez cela comme vous voudrez — et le sous-ministre. Tantôt, vous avez mentionné dans vos arguments qu'un ministre de la police, comme vous l'avez appelé, pourrait être responsable au gouvernement ou à la Chambre ou pourrait être critiqué, mais la même chose n'arriverait-elle pas avec un sous-ministre? Je vois que, d'une question à l'autre, vous modifiez votre position. D'ailleurs je ne suis pas tout à fait d'accord avec le député de Portneuf, parce qu'il semble, d'après les organismes, qu'on ne peut pas dégager de consensus tant qu'un ministère de l'intérieur ou un sous-ministre n'est pas une réalité! tout le monde est un peu mêlé. Vous partez de ce que vous disiez tantôt, d'un ministre de la police, qui est responsable des corps policiers ou de tout le mécanisme d'organisation que vous avez mentionné, et après cela, vous nous parlez d'un sous-ministre. Il y a une différence entre les deux.

M. MAGNAN: Oui, je sais qu'il y a une différence, je suis d'accord avec vous.

M. BACON: Non, je sais que vous faites la différence, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire...

M. MAGNAN: Vous avez tellement raison de dire qu'il y a une différence entre un sous-ministre et un ministre. En ce qui me concerne, qu'il soit à une place ou à l'autre, cela m'est égal. Mais qu'il s'occupe de la police, qu'il s'occupe de ses policiers.

M. BERTRAND: C'est cela.

M. MAGNAN: Oui, mais qu'il en réponde au public et au Parlement, nommez-le comme vous voudrez, cela m'est égal.

M. BACON: En fait, vous voulez avoir une section à l'intérieur du ministère de la Justice ou un ministère séparé, mais quelqu'un qui va s'occuper spécifiquement des affaires de la police.

M. MAGNAN: Oui, nous sommes d'accord là-dessus.

M. BACON: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Merci...

M. BACON: Merci, mon collègue.

M. DROLET: A la page 4 de votre mémoire, vous faites allusion à un moment donné au fait que les forces policières devraient être dotées peut-être d'avocats, de comptables ou d'autres spécialistes qui pourraient vous aider. Je pense, d'après ce que je peux voir, que vous avez amplement raison. Est-ce que vous voulez dire également qu'il vous manquerait de personnel dans différents bureaux au point de vue comptable ou de ces choses-là ou encore de personnel au point de vue de la police?

M. MAGNAN: Ce serait surtout pour conseiller. On voit cela comme un service auxiliaire pour conseiller les policiers enquêteurs dans différentes enquêtes d'envergure, que ce soit au point de vue de fraudes, au point de vue de meurtres, par exemple, selon la preuve que l'avocat de la couronne ou les avocats travaillant pour le service policier désirent soumettre. A ce moment-là, je crois que la Sûreté du Québec et tous les corps policiers doivent avoir des services auxiliaires mais non pas des personnes engagées qui viennent directement dans la structure policière, dans ce sens que si on a une place pour un inspecteur, on n'engage pas un avocat inspecteur.

M. DROLET: D'accord. Maintenant, pour faire suite un peu à ce que le député d'Olier a apporté hier comme suggestion, c'est-à-dire, un moment donné, surtout dans des endroits où l'on manque de policiers — je sais que dans nos régions rurales, il manque de personnel — n'y aurait-il pas possibilité d'avoir des secrétaires ou quelqu'un d'engagé dans les bureaux pour s'occuper des formules, de la paperasse, des rapports, du téléphone? Le policier est obligé de faire toutes ces choses-là et en plus, il est appelé sur la route, il est appelé partout. A ce moment-là, il est critiqué, mais ce n'est pas sa faute.

M. MAGNAN: Actuellement, je suis d'accord avec vous au sujet des secrétaires. C'est d'ailleurs la procédure qui est établie dans tous

nos postes; il y a des secrétaires qui s'occupent du téléphone, de la paperasse, des rapports. On sait qu'il en manque encore beaucoup. Je suis bien d'accord. Comme la procédure d'engagement au gouvernement est extrêmement lente,...

M. DROLET: C'est vrai.

M. MAGNAN: ... on se réveille avec des postes de police où ça fait deux ans qu'ils n'ont plus de secrétaire et où il y en avait deux auparavant. Là, c'est le policier qui a la méthode à deux doigts qui écrit ses rapports, fait des fautes, puis se fait critiquer. On est d'accord sur cela, mais que voulez-vous, il faudrait changer toute la structure gouvernementale. A ce moment-là, ça fait pas mal de bagage à déterminer ou à exprimer d'avance.

M. DROLET: Il faudrait peut-être demander au ministre de la Justice s'il n'aurait pas des solutions à apporter à cette chose-là, à l'effet que les bureaux soient mieux équipés, soient mieux dotés, afin de permettre aux policiers de faire leur travail sur la route et de cesser de travailler dans les bureaux.

M. BACON: C'est créateur d'emplois à part cela.

M. DROLET: Cela créerait des emplois.

M. CHOQUETTE: C'est une situation très complexe au point de vue de l'administration gouvernementale, mais qui s'insère dans le syndicalisme policier. Ce sont des situations auxquelles il faut s'intéresser et apporter des solutions. Ce ne sont pas des choses qu'on change radicalement, du jour au lendemain.

M. DROLET: Tout simplement, j'espère que le ministre va prendre en considération cette demande justifiée.

M. CHOQUETTE: D'ailleurs, on n'a qu'à prendre l'exemple de la rue Parthenais, au quartier général de la Sûreté; il y a un personnel civil très considérable qui travaille avec les policiers. Je crois qu'il y a huit cents policiers qui sont attachés au quartier général Parthenais et il y a peut-être sept cents civils qui travaillent avec eux. Je ne sais pas si je me trompe, M. Magnan.

M. MAGNAN: C'est un peu fort sept cents.

M. CHOQUETTE: En tout cas, il y en a un nombre considérable.

M. DROLET: En terminant...

M. MAGNAN: C'est fort un peu, sept cents.

M. CHOQUETTE: Je ne les ai pas comptés, mais...

M. DROLET: En terminant, je tiendrais quand même à dire au ministre que c'est bien beau ça à Montréal ou à Québec, mais il faut également que le ministre se penche sur la question de nos régions rurales où il y a un véritable manque de policiers et où, à ce moment-là, la Sûreté du Québec se fait critiquer, parce que les policiers sont demandés dans certaines municipalités et ils s'y rendent le lendemain. Ce n'est pas la faute du policier, s'ils ne sont que deux pour desservir — comme je l'ai vu — tout le comté de Portneuf, alors que les policiers avaient été transférés au festival de Manseau et qu'il n'y en avait que deux dans le comté. Les policiers couraient dans tout le comté. Ils se sont fait critiquer continuellement. Je pense que le ministre devrait se pencher sur cette chose-là aussi, sur ce qui regarde les régions rurales, et ne pas seulement penser aux grandes villes.

M. CHOQUETTE: M. Drolet, je trouve que vous avez raison; je ne peux faire autrement que d'admettre que notre personnel policier, à l'échelle du Québec, est insuffisant à l'heure actuelle. Je peux vous donner des régions... Pour vous donner un exemple frappant, dans toute la région du nord québécois, la région peuplée par les autochtones, Esquimaux, Indiens, blancs, qui est une région extrêmement considérable, nous avons une poignée de policiers à Cet endroit. Pour ma part, j'aimerais beaucoup accroître l'effectif de la Sûreté pour desservir très convenablement le territoire du Québec. Il y a une question de ressources financières dans tout cela; les ressources de l'Etat ne sont pas illimitées et, évidemment, nous sommes obligés de faire face à la situation avec l'effectif actuel, bien que l'année dernière, le budget nous ait permis d'accroître l'effectif d'un nombre assez considérable de policiers.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Magnan, j'ai remarqué qu'une bonne partie de votre mémoire est consacrée sinon aux relations patronales ouvrières, du moins à tout ce qui gravite autour de cela. Je n'ai pas vu de remarques de votre part relativement à votre situation particulière, des policiers provinciaux, en matière de négociation collective, etc. Comme tout le monde le sait, vous avez un système un peu particulier de comité conjoint; je pense que c'est encore cela qui est en fonction.

M. MAGNAN: C'est bien cela.

M. BURNS: Du moins, c'était cela à l'origine.

Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment-là, que ce régime vous est complètement satisfaisant ou si vous ne croyez pas que ce serait l'occasion, au moment de la réforme de tout l'appareil policier, qu'on vous mette sur un

pied d'égalité avec vos confrères des autres municipalités et que vous ayez les mêmes droits qu'eux? Est-ce que je me trompe en disant que le fait que vous n'en ayez pas parlé soit que vous ne vouliez pas soulever un problème que vous considérez épineux?

M. MAGNAN: Si on n'en a pas parlé c'est parce que, premièrement, on ne l'a pas étudié sous l'angle du livre blanc. Maintenant, le fait pour nous d'avoir un comité paritaire et conjoint qui, depuis 1967, fonctionne, nous a occasionné certaines difficultés lors de ces négociations. Cela ne prouve pas pour autant que la formule est mauvaise. Nous sommes quand même confiants que nous pouvons régler les problèmes au niveau d'un comité paritaire et conjoint.

Le fait pour nous d'être considérés comme tous les autres policiers du Québec ne nous déplaît pas non plus, mais encore là, il s'agira, dans des discussions futures, d'en étudier la portée le pour ou le contre. Mais aujourd'hui, je ne suis pas préparé à une telle question et à une telle réponse.

M. BURNS: Vous ne vous êtes pas penchés sur ça dans le cas du livre blanc?

M. MAGNAN : Cela ne devrait pas être dans le livre blanc parce qu'on parle de réorganisation, de l'efficacité de la police. Mais nous nous sommes surtout attachés aux sujets qui étaient exposés dans ce livre blanc.

M. BURNS: C'est ce dont je voulais me rassurer parce que je voulais savoir si, du fait que vous n'en parliez pas, vous trouviez que la situation est à ne pas changer. J'ai compris votre réponse et je veux tout simplement, en terminant, vous féliciter de votre mémoire. Je n'ai pas l'habitude de féliciter les gens qui produisent des mémoires mais je trouve qu'il est très constructif. Il y a une approche, comme le ministre le disait, très nuancée. Je suis fier que l'APPQ nous ait présenté un mémoire de cette qualité-là.

M. MAGNAN: Merci.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Matane.

M. BIENVENUE: M. Magnan, des personnes plus autorisées que moi vous ayant félicité, je me range et je n'ajoute pas aux fleurs, aux gerbes que vous avez déjà reçues. Je voudrais vous poser une question. A la page 5, au moment où vous parlez du problème des institutions d'enseignement, vous dites et je lis: "Mais il faut quand même être réalistes et concevoir tous ensemble que l'expérience acquise au sein d'un corps policier ne peut pas être achetée ou étudiée dans une école d'enseignement" et je suis totalement d'accord avec ça.

Vous ajoutez: "De par ce fait, la compétence se base sur l'expérience acquise au travail et non pas à la suite d'un bourrage de crâne dans différentes institutions". Verriez-vous d'un bon oeil ce que j'appellerais un mariage harmonieux des deux éléments, pour parler de véritable compétence, c'est-à-dire l'expérience pratique, à quoi s'ajouterait une dose équivalente d'enseignement théorique de qualification?

M. MAGNAN: C'est justement l'optique que nous poursuivons en émettant ces opinions. C'est qu'on croit qu'avant de donner de la théorie et de dire qu'un homme devient bon policier, il faut qu'il ait de la pratique. Parce que la police, ce n'est pas un "job", c'est une vocation et ce n'est pas n'importe qui qui s'en va au-devant des manifestations, recevoir des roches sans dire un mot, se faire cracher en plein visage et ne pas bouger. Ce n'est pas tout le monde qui est capable de le faire même s'il a un diplôme d'avocat ou de notaire ou de n'importe quoi. C'est une question de formation dans un corps de police qui doit être donnée par les dirigeants policiers et j'en profite également pour dire que les autorités des corps de police doivent être compétentes pour le faire. Je suis amplement d'accord sur l'énoncé que vous faites.

M. LE PRESIDENT: M. le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, à M. Magnan j'aurais une suggestion à faire et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Mais auparavant, j'aimerais établir certains faits que vous pouvez d'ailleurs trouver dans le livre blanc présenté par le ministre de la Justice. C'est un fait reconnu qu'au Québec nous n'avons environ qu'une vingtaine de municipalités qui ont un corps policier digne de ce nom par le nombre de policiers.

Je voyais tantôt qu'on a 27 cités et villes qui ont, ce qu'on appelle, un corps policier composé d'un seul homme. Vous en avez 67 qui ont de deux à cinq policiers. Quelque part dans le mémoire, on dit, avec raison, que pour donner de la protection aux citoyens pendant 24 heures par jour et 365 jours par année, cela prend un minimum de cinq policiers. Voici ma suggestion: Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de changer de façon radicale le rôle du policier à l'échelle de la province. Que l'on crée pour tout le territoire de la province, ce que j'appellerais la gendarmerie et que seules les municipalités qui ont un nombre suffisant de policiers actuellement aient le droit d'avoir en plus de la gendarmerie, la Sûreté.

Voici ma question: Est-ce que la Sûreté du Québec serait capable d'assumer à l'échelle de la province, à l'exclsusion de cette vingtaine de municipalités, tout le travail de Sûreté? Et que ce soit la responsabilité de la Sûreté du Québec, que ce ne soit pas seulement ce qu'il y a présentement c'est-à-dire une collaboration

pour venir en aide à certaines petites municipalités lorsqu'il y a un homicide ou un vol à main armée.

Ce que j'ai à l'esprit, c'est que les petits corps policiers dans les petites municipalités, dans les endroits éloignés, n'auraient que ce travail de gendarmerie, c'est-à-dire la patrouille, les infractions au code de la route. Dès qu'il y aurait une infraction qui relèverait de la Sûreté, immédiatement ce serait la Sûreté du Québec qui serait appelée avec des escouades volantes, des spécialistes qui assumeraient immédiatement la responsabilité de l'enquête que ce soit pour des vols à main armée, des vols d'autos, des homicides ou autres. Est-ce que la Sûreté serait prête à assumer cette fonction-là si on lui donnait les outils nécessaires?

M. MAGNAN: Actuellement, la Sûreté du Québec assiste tous ces corps de police lorsqu'ils ont besoin d'aide avec les outils qu'elle a.

M. CHOQUETTE: A l'exception de Montréal.

M. BIENVENUE: A l'exception de Montréal et de Québec.

M. MAGNAN: Il y a des corps de policiers très bien structurés et même, je dirais mieux structurés peut-être que la Sûreté du Québec sur certains aspects. Je ne nommerai personne. On en connaît. Ces corps de police font pratiquement le travail de A à Z en ce qui concerne le travail policier autant le meurtre, l'homicide, l'auto-patrouille, etc. A ce moment-là, lorsque les corps de policiers, en province principalement, n'ont pas de policiers équipés pour faire un tel travail, la Sûreté du Québec s'y rend immédiatement. Et s'il le faut, c'est une escouade volante qui va se rendre pour assister ces corps de policiers.

Maintenant, pour revenir à vos énoncés du début voulant qu'il y ait un policier par municipalité ou 67 municipalités de deux et cinq policiers, je dois dire que ces policiers ont certainement des conditions de travail lamentables. Ds sont pris 24 heures par jour, sept jours par semaine. Ce n'est pas normal. Un bon policier, pour faire un bon travail dans sa population, a certainement besoin de repos. Quand il travaille, il doit travailler.

Je crois que la Sûreté du Québec actuellement remplit déjà cette tâche. Est-ce qu'elle pourra la mieux remplir éventuellement? Il y a certainement moyen d'améliorer toute situation.

M. PICARD: Etes-vous d'avis que cela devrait être un objectif de la Sûreté du Québec d'assumer éventuellement en totalité les responsabilités de la Sûreté?

Je vais vous dire ce que j'ai à l'esprit. On parle de Scotland Yard en Angleterre. Même à Londres, s'il y a un meurtre c'est Scotland Yard qui s'en occupe et non la gendarmerie. Immédiatement, on appelle Scotland Yard. Au Québec, est-ce que la Sûreté devrait avoir comme objectif d'atteindre...?

M. MAGNAN: C'est ce qui se fait actuellement. Dès qu'il y a un meurtre dans un endroit et que la Sûreté municipale ne peut donner le service adéquat, on appelle immédiatement la Sûreté du Québec.

Des enquêteurs s'y rendent immédiatement, qu'ils soient des enquêteurs des escouades des homicides, des vols à main armée, des meurtres ou n'importe quoi, Dès qu'il arrive quelque chose et qu'un corps policier ne peut donner le service, à ce moment-là, la Sûreté du Québec s'y rend.

M. PICARD: N'est-il pas arrivé dans le passé des cas où, par exemple, un corps de police disons — un chiffre hypothétique — de 25 policiers pour une municipalité assez considérable, essaie de résoudre le problème, le crime en question et que, quelques jours ou quelques semaines après, il doive faire appel à la Sûreté? Les pistes sont alors brouillées.

M. MAGNAN: Il y a peut-être eu des erreurs individuelles...

M. PICARD: Les pistes sont brouillées et il est trop tard à ce moment-là. La Sûreté arrive sur les lieux puis...

M. MAGNAN: C'est possible. Il y a peut-être eu des erreurs individuelles à ce moment-là mais je suis convaincu que les corps policiers sont déjà au courant du pouvoir qu'ils ont de faire ou de ne pas faire enquête dans tel ou tel cas. On peut avoir des corps de policiers qui vont être capables de faire enquête dans des accidents mortels ou de toute façon, où il y a des morts. Cela peut être aussi bien un meurtre qu'autre chose, un accident mortel. Quand on voit de toute évidence et à première vue que c'est un meurtre, on appelle immédiatement la Sûreté du Québec.

M. PICARD: Est-ce qu'on est obligé de l'appeler?

M. MAGNAN: L'obligation, je ne la connais pas...

M. PICARD: Il n'y a pas d'obligation de vous appeler.

M. MAGNAN: Tout dépend des zones qu'on a à couvrir et des possibilités...

M. PICARD: Voyez-vous, il n'y a pas d'obligation. C'est ce que j'aimerais, que ce soit obligatoire, immédiatement, de communiquer avec la Sûreté.

M. CHOQUETTE: Je crois que M. Magnan a raison de laisser la question en suspens. Je pense qu'actuellement il n'y a pas d'obligation légale d'appeler mais c'est la coutume, excepté pour Montréal et Québec. Maintenant, si le député d'Olier me permet une petite remarque, incidemment, Scotland Yard est en réalité la police métropolitaine de Londres. C'est donc une police municipale.

M. PICARD: Mais le Commander Way, d'où venait-il?

M. CHOQUETTE: De Scotland Yard.

M. BURNS: De la police municipale de Londres.

M. CHOQUETTE: Je crois que, dans ce domaine, on ne peut pas comparer en somme une situation qui existe en Angleterre avec celle qui existe au Québec. On ne le peut pas.

M. PICARD: Est-ce que le ministre me permettrait de changer Scotland Yard pour FBI?

M. CHOQUETTE: Si vous voulez.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. le Président, dans votre mémoire, M. Magnan, vous avez touché un peu au principe de la régionalisation. Est-ce que vous avez des propositions plus concrètes dans la création des mécanismes de mise en place de polices régionales? .

M. MAGNAN: C'est-à-dire que...

M. BACON: Vous semblez n'avoir qu'effleuré ou donné un accord de principe...

M. MAGNAN: Nous donnons notre appui à ce nouvel organigramme des corps de police quoique il y ait bien d'autres formules qu'on pourrait employer. Mais nous croyons que le terme d'urbain comprendrait comme objectif le nombre de la population. Lorsqu'on parle de régional, on pourrait peut-être prendre comme objectif la région donnée dans un endroit de la province. Est-ce que toutes les régions de la province vont permettre...

M. BACON: Je m'excuse. Pour être plus précis, au sujet des mécanismes de mise en place, il y a des mémoires qui ont fait des suggestions, à savoir quelle sorte de consultation tenir, pour inventer des mécanismes pour la mise en place de la régionalisation. Je ne vous demande pas si vous êtes d'accord, parce que vous avez dit dans votre mémoire que vous étiez d'accord sur les principes de régionalisation. Mais les mécanismes de mise en place, consultation et ces choses-là...

M. MAGNAN: Les enquêtes, les commissaires-enquêteurs...

M. BACON: J'oublie la région de Montréal.

M. MAGNAN: La Commission de police ou un commissaire-enquêteur nommé par le ministère de la Justice peut faire le joint entre les policiers impliqués dans une région et les autorités des villes et du gouvernement qui seraient également impliquées dans cette régionalisation. Le mécanisme pour faire la régionalisation ou l'organisation, on n'y a pas touché de plus près, nous n'avons pas cherché la formule qui serait idéale pour la formation des corps régionaux.

M. BACON: Une seule autre question, M. le Président. M. Magnan, le mémoire du Barreau ce matin nous a fait une suggestion relativement à un tribunal spécial de travail qui devrait être créé en vue de régler les problèmes de conditions de travail des policiers. Est-ce que vous seriez d'accord sur une telle proposition?

M. MAGNAN: Non, nous aimons mieux avoir le comité paritaire conjoint qui existe actuellement que d'avoir un tribunal dont la décision serait arbitraire et automatiquement exécutoire. Nous aimons mieux négocier avec notre comité paritaire et conjoint.

M. CHOQUETTE: Un comité paritaire et conjoint amélioré, tel que nous l'avons actuellement, n'est-ce pas, M. Magnan?

M. MAGNAN: Absolument. M. BACON: Merci, M. Magnan.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: C'est de l'influence patronale, cela!

M. CHOQUETTE: Non, non, c'est parce que l'on se parle à demi-mots.

M. BURNS: J'avais omis de vous poser une question tantôt, M. Magnan, relativement à l'assistance que la Sûreté pourrait avoir de spécialistes dont la discipline n'est pas la discipline policière? Je pense, entre autres, à des conseillers juridiques. D'abord, actuellement — sauf erreur et vous me corrigerez si je ne suis pas au fait des derniers développements —... A part les procureurs de la couronne, je pense que vous n'avez pas de conseillers juridiques permanents qui vous assistent régulièrement?

M. MAGNAN: Vous avez raison. Nous n'avons pas d'avocats.

M. BURNS: Ne croyez-vous pas que cela

serait justement un domaine où il faudrait que vous ayez des permanents de la justice ou des avocats en permanence à votre disposition et surtout pour la division de la Sûreté — je ne parle pas de la gendarmerie, je ne pense pas que ce soit un gros problème d'être assisté de ce côté-là — mais vous ne croyez pas que ce serait nécessaire que vous ayez des avocats en permanence à votre disposition?

M. MAGNAN: Absolument. Cette observation-là, nous l'avons faite à maintes reprises, que la Sûreté du Québec et tous les corps policiers devraient avoir des avocats nommés en permanence pour les assister dans leur travail policier. Actuellement, à la Sûreté, on ne compte pas d'avocats engagés. Il semblerait que, selon certaines démarches, il y a du travail qui se fait pour l'engagement d'un... Mais, encore là, sur 3,200 policiers éparpillés en province, je crois qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine et dans tous les autres domaines aussi qui demandent des spécialistes. Je crois que le fait d'engager des avocats serait primordial parce qu'après tout nous travaillons toujours avec des avocats et, même si nous ne travaillons pas avec eux, on fait enquête avec les avocats, on s'aperçoit qu'à la fin de l'enquête il faut être avec un avocat. A ce moment-là, si on en avait eu un depuis le début, je crois qu'on aurait beaucoup amélioré le travail du policier.

M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, j'aimerais féliciter et remercier l'Association des policiers provinciaux et son président, M. Magnan, ses proches collaborateurs, du mémoire très constructif qu'ils ont soumis à la présente commission. Avec la présentation de ce dernier mémoire, se terminent les auditions concernant le livre blanc de la police et la sécurité des citoyens. Je remercie les membres de la commission.

Autres mémoires

M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas d'autres mémoires produits sur cela?

M. LE PRESIDENT: Non. Il n'y a pas d'autres mémoires mais je pense que les associations et fédérations couvrent à peu près tous les domaines policiers du Québec.

M. BURNS: Il n'y a pas eu de mémoires de groupements municipaux.

M. LE PRESIDENT: On a eu la Fédération des policiers municipaux...

M. BURNS: Par exemple, il n'y en a pas eu de l'union des municipalités?

M. LE PRESIDENT: La Chambre des notaires ne produit pas de rapports. Nous avons notre Etat policier qui nous est propre.

M. BURNS: Je trouve cela quand même incroyable que les municipalités n'aient pas jugé bon d'intervenir au niveau de quelque chose qui va sans doute les toucher éventuellement.

M. BERTRAND: A part ça, il faut noter, comme le fait le député de Maisonneuve, qu'il s'agit d'un problème joliment important: la police et la sécurité des citoyens. Alors, je veux constater, moi aussi, le peu d'intérêt manifesté par une foule d'associations qui, par après, critiqueront et diront: On a étudié le livre blanc, les policiers étaient représentés.

Par contre, il y a une foule d'organisations qui critiqueront soit l'adoption de loi, et qui auraient pu être entendues à moins que — et c'est là que je pose la question — à moins que les délais n'aient pas été suffisants. Mais si les délais n'ont pas été suffisants, je me demande s'il ne serait pas à propos que d'autres séances de la commission puissent être tenues, car c'est un sujet extrêmement important; et que les gens en soient avisés en conséquence surtout par la voie des journaux, de la radio ou de la télévision, de manière que l'on fournisse ainsi l'occasion à tous ceux qui, normalement, devraient être ici, d'être entendus.

M. DROLET: M. le Président, je voudrais joindre également ma voix à celle du député de Maisonneuve et du député de Missisquoi pour, moi aussi, exprimer ma surprise du fait qu'il n'y a eu que quatre ou cinq mémoires — six — donc différentes organisations assez importantes; comme l'a souligné le député de Maisonneuve, les municipalités ou encore les communautés urbaines, et autres, qui n'ont pas osé ou daigné présenter de mémoire, et qui, peut-être par après, s'en prendront aux législateurs, s'il y a quelque chose qui n'est pas à leur goût dans cette législation. . Alors, je suis énormément surpris, moi, aussi, de ce fait, et je le déplore.

M. CARON: Ils ont probablement fait confiance au ministre pour le beau travail qu'il fait. C'est peut-être pour cela qu'ils ne se sont pas déplacés.

M. BERTRAND: Il est permis d'en douter malgré que le ministre fasse de son mieux, je crois. Est-ce que les délais ont été suffisants, d'abord?

M. CHOQUETTE: J'ai annoncé, en somme, ces séances, il y a environ un mois pour la première fois. Maintenant, par la suite, je n'ai pas eu de relations, soit avec l'union des municipalités ou d'autres groupements, excepté les groupements policiers qui sont venus aujourd'hui et qui m'ont indiqué, à un moment donné ou à un autre, qu'ils avaient l'intention de venir faire des représentations. Maintenant, je n'aurais pas d'objections en principe que cela se fasse à d'autres séances ultérieures, mais d'ici à la fin de la session, cela me paraît impossible.

Alors, si vous le voulez, ce que nous pouvons faire, c'est demander au président de faire rapport à la Chambre des séances de la commission actuelle et, dans le courant de janvier, nous verrons quelles mesures pourront être prises pour entendre d'autres personnes si elles étaient intéressées.

M. BERTRAND: Je pourrais faire peut-être une suggestion: c'est qu'au lieu de le faire immédiatement, on pourrait attendre à la semaine prochaine pour faire rapport à la Chambre.

M. LE PRESIDENT: Le secrétaire des commissions, M. Pouliot, m'informe qu'il n'a reçu aucune autre demande de renseignements.

Cependant, si parmi vous, et parmi ceux qui, hier et aujourd'hui, ont participé aux auditions, il y en avait qui voulaient passer un message, veuillez communiquer avec M. Pouliot, le secrétaire des commissions parlementaires. Et bien sûr qu'aussitôt que possible d'autres auditions pourront être tenues. De toute façon, la semaine prochaine, nous pourrions faire rapport à la Chambre des travaux préliminaires d'auditions et nous allons ajourner en conséquence.

M. BURNS: M. le Président, à ce sujet, tout le monde sait que le ministre de la Justice a l'intention, dès vendredi, de déposer un bill qui, à toutes fins pratiques, est une réforme partielle, déjà suggérée dans cela, quant à la Communauté urbaine de Montréal. J'aimerais demander au ministre, parce que c'est peut-être la meilleure occasion, si, après le dépôt en première lecture du projet de loi, il a l'intention d'inviter des personnes à se faire entendre sur ce fameux bill de l'intégration policière dans la Communauté urbaine de Montréal.

M. CHOQUETTE: Mettez: "on the spot". M. BURNS: Oui, that is your job, Sir.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, c'est un bill qui a des conséquences très importantes pour je ne sais pas combien de citoyens, au moins 1,500,000 citoyens. Je pense que le gouvernement serait mal venu de ne pas offrir à ceux qui seront affectés par ce bill, l'occasion d'être entendus sur les dispositions précises du projet de loi. Mais évidemment, nous ne pourrons pas nous éterniser, étant donné que c'est notre intention de faire en sorte que sur le plan juridique, au moins, on procède à l'intégration à compter du 1er janvier. Mais je crois que nous donnerons l'occasion justement à tous d'être entendus et que nous siégerons jour et nuit si nécessaire.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: M. le Président, j'ai l'impression que nous sommes en face d'un phénomène assez curieux. Il se peut que le petit nombre de corps intermédiaires qui se sont présentés devant cette commission soit attribuable au fait que nous sommes tellement imbus de ce souci de démocratie que nos commissions parlementaires font appel aux corps intermédiaires pratiquement toutes les semaines et il arrive, à un moment donné, que ce soient toujours les mêmes qui viennent ici, à leurs frais, ne l'oubliez pas. Ils préparent des mémoires à leurs frais et effectuent des dépenses de voyage à leurs frais.

On est peut-être devant ce phénomène, à un moment donné, que, s'il fallait qu'ils nous écoutent et répondent à toutes nos invitations, je l'imagine, ils seraient présents ici toutes les semaines à leurs frais, avec des mémoires.

M. BERTRAND: C'est le contraire. Aujourd'hui, on en manque.

M. PICARD: Il vient un moment où ça coûte trop cher, ces affaires-là.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à ce point.

M. BURNS: Ils réduiront leurs cocktails et viendront dépenser ici, c'est tout simplement cela. Il en coûte moins cher de venir à Québec que de faire des cocktails à tous les congrès, quant à moi.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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