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Commission permanente de la Justice
Sujet : Etude du livre blanc de la justice
Séance du mardi 7 décembre 1971
(Dix heures quinze minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs !
Au nom des membres de cette commission, je voudrais souhaiter à
tous la plus cordiale bienvenue à l'occasion de l'étude du livre
blanc présenté par le ministre de la Justice. Au cours de la
présente séance, nous entendrons deux organismes, la
Fédération des policiers du Québec et la Fraternité
des policiers de Montréal. Leur porte-parole est M. Guy Marcil,
président. Nous entendrons également, l'Association de
bienfaisance et de retraite de la police de Montréal,
représentée par M. Roger Lasnier, président. Pour ne pas
retarder les travaux de la commission, je demanderais immédiatement au
ministre de la Justice de faire les remarques préliminaires.
Remarques préliminaires
M. CHOQUETTE: M. le Président, chers collègues, il me fait
plaisir de vous accueillir ce matin, à cette première
séance de la commission de la Justice, au nom du gouvernement, puisque
le président vous a déjà accueillis au nom des membres de
cette commission.
C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous
rencontrer à la suite de la publication du livre blanc que le
gouvernement a fait connaître à la fin du mois de juillet et qui
porte le titre: "La police et la sécurité des citoyens." Je n'ai
pas besoin, je pense, de faire un long exposé sur les circonstances et
les événements qui ont été antérieurs
à la préparation de ce document. C'est un fait connu et reconnu
de tous que, en Amérique du Nord en particulier, et dans la province de
Québec, nous faisons face depuis quelques années à un
accroissement très considérable de la criminalité sous
toutes ses formes et, en particulier, dans certaines formes violentes qui
mettent en danger la sécurité des citoyens.
De plus, je crois que les formes modernes de la criminalité comme
le terrorisme, le crime organisé, les manifestations violentes, la
criminalité économique qui s'expriment d'une façon
terriblement évidente, contraignaient le gouvernement à prendre
position et à examiner de près les fonctions, l'organisation, les
moyens d'action, l'éducation des policiers et finalement, l'organisation
du gouvernement au niveau du ministère de la Justice quant aux forces
que nous déployons pour combattre cet accroissement de la
criminalité auquel je faisais allusion tout à l'heure et, en
particulier, dans ses formes modernes.
Le livre blanc que nous avons rendu public au mois de juillet est le
fruit de la réflexion d'une équipe de travail de
spécialistes, constituée au ministère de la Justice, qui
s'est penchée sur les problèmes auxquels nous faisons face et qui
a tenté de résoudre, d'une façon réaliste et
conforme aux principes de la justice démocratique, les problèmes
du maintien de l'ordre, même si ces problèmes se posent avec une
très grande acuité.
Alors, c'est dans ces conditions que le travail du comité s'est
déroulé et finalement, le gouvernement a fait siennes les
conclusions de l'équipe de travail en question. Nous avons rendu ce
livre blanc public pour exprimer la position du gouvernement dans le domaine de
l'action de la police.
C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous
rencontrer. Ce livre blanc sera sans doute suivi d'une législation,
parce que ce n'est pas notre intention de laisser le livre blanc subsister
comme oeuvre littéraire purement et simplement. Nous avons l'intention
de poursuivre par des actes concrets, soit au point de vue législatif,
soit encore au point de vue de la réorganisation de l'administration
gouvernementale et de la réorganisation des corps de police.
Avant la fin de la semaine, vous aurez un échantillon ou un
exemple de législation qui découlera, je pense, en grande partie
du livre blanc.
Avant de procéder plus avant, le gouvernement tenait à
avoir l'avis de ceux qui sont les premiers intéressés dans cette
question; je pense bien que ce sont les corps policiers, les syndicats
policiers en particulier.
Je ne voudrais pas faire un long discours, commencer à
réexaminer avec vous toutes les propositions qui se trouvent dans le
livre blanc, je sais que certaines ont obtenu une approbation, suivant ce que
j'ai lu dans les journaux. Je me suis félicité quand j'ai lu les
comptes rendus de certaines déclarations qui ont été
faites. Je pense que, dans l'ensemble, nous sommes tombés sur la note
juste; mais, avant de procéder concrètement, le gouvernement
tenait à avoir l'avis de tous et l'avis des parlementaires
également.
Je crois que les parlementaires reconnaîtront avec moi qu'il
serait peut-être plus utile que nous demandions tout d'abord à
ceux qui sont les principaux intéressés quel est leur avis sur la
politique exprimée dans le livre blanc; à la suite de cet avis,
s'il y a lieu, nous pourrons avoir des discussions entre nous. C'est la
façon de procéder que je suggère.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais un représentant de
chaque parti à faire une courte intervention. Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais tout d'abord, au nom des
membres de l'Unité-Québec, souhaiter la bienvenue à cette
déléga-
tion de choix qui nous rencontre ce matin. Le ministre de la Justice a
parlé de son livre blanc, qui a retenu notre attention, que nous avons
analysé, que nous avons scruté et que nous souhaitons voir se
matérialiser ou s'actualiser, comme on le dit en philosophie, dans
certaines législations qui auront pour effet pratique d'abord de
revaloriser, si possible, la police à tous ses niveaux.
Il faut nécessairement M. le Président, que nous
reconnaissions le rôle éminemment social et indispensable que
jouent nos corps de police dans le but de protéger le citoyen, de
maintenir l'ordre et pour assurer la sécurité de l'Etat. Lorsque
nous connaissons, malheureusement, des heures troublées comme nous en
avons connues dans le passé, c'est là que nous réalisons
que notre seul secours, notre seule protection, c'est encore dans le travail de
nos forces policières à quelque niveau que ce soit.
Nous souhaitons que de ces discussions jaillissent certaines
recommandations ou suggestions. Même s'il a admis les recommandations de
ce livre blanc, s'il a voulu faire sienne la politique qu'on y retrouve, je
suis sûr que le gouvernement tiendra compte des représentations
qui seront faites par les différents corps policiers. Ce qui m'a quelque
peu frappé, c'est cette déclaration du ministre à l'effet
qu'avant la fin de la semaine il y aura une législation qui sera
déposée devant l'Assemblée nationale. Est-ce que par
hasard, M. le ministre présume des mémoires, des recommandations
qui seront faites devant la commission pour le justifier d'agir avec autant de
diligence? Comme il s'agit d'un domaine bien particularisé, bien
spécifique, je ne lui en fais pas un reproche, mais plutôt une
invitation que je lui fais d'être expéditif dans la
préparation d'autres législations qui s'imposeront à la
suite de l'étude de cet échange de vues avec les
intéressés sur le travail de la police, de la
sécurité des citoyens et pour que nous puissions être en
mesure d'obtenir le maximum de rendement de nos corps de police dans la lutte
contre le crime moderne.
Il va de soi qu'avec ce raffinement de nos criminels, il faut que nous
soyons en mesure d'offrir comme réplique de la compétence. C'est
pourquoi je vois d'un bon oeil toutes ces recommandations qui ont trait
à l'accélération de la formation de nos policiers.
Je m'en voudrais de ne pas féliciter le ministre pour cette
initiative qu'il a eue de préparer un livre concernant la
sécurité des citoyens et comme première approche, dans
certaines réformes qui s'imposent au ministère de la Justice.
Ce travail de coordination, et non pas tout simplement de
coopération, doit être accentué.
Vous me permettrez de saluer tous ces officiers de nos syndicats que
j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer spécialement le,
vers vers le 14 janvier 1970, à Montréal, alors que nous avions
tenu pour la première fois une réunion des différents
corps policiers, des diffé- rents chefs de police de la province et des
membres de la Sûreté du Québec, justement dans le but
d'obtenir un meilleur rendement non pas simplement par la coopération
mais par la coordination du travail policier afin que nous puissions lutter
avec efficacité contre le crime organisé tel que nous le
connaissons aujourd'hui.
M. le ministre, nous vous félicitons c'est beau de la part
d'un ancien ministre de la Justice, ça n'arrive pas souvent et je
le fais avec d'autant plus de sincérité que je connais les
responsabilités et les difficultés qui sont vôtres.
Je comprends, M. le Président, que quelquefois on
préfère d'autre ministres pour régler certains
problèmes, mais c'est par accident. Je suis sûr que vous avez la
confiance de toutes les forces policières et vous pourrez toujours
compter sur la coopération de celui qui vous parle et sur celle des
membres d'Unité-Québec pour tâcher de doter notre province
de lois qui correspondent aux besoins et pour que nous puissions
également bénéficier encore d'une efficacité de
travail et de rendement de nos corps policiers, parce que nous aurons su en
reconnaître la valeur, la compétence et l'efficacité.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le député de
Portneuf à prendre la parole au nom de son parti, le Ralliement
créditiste.
M. DROLET: Merci, M. le Président. Au nom du Ralliement
créditiste du Québec, il nous fait plaisir également de
souhaiter la bienvenue à tous ceux qui se sont présentés
ici, ce matin, devant cette commission.
Nous avons déjà tenu, en ce qui nous concerne, quelques
réunions dans le but, spécialement, d'étudier le livre
blanc de la justice, à la suite d'un caucus spécial que nous
avons tenu à la fin de l'été, quelque temps après
que le ministre de la justice eut déposé son livre blanc.
Nous avions analysé ce livre et nous avions laissé voir,
à ce moment-là, qu'il s'agissait plus probablement du livre blanc
de la police que du livre blanc de la justice, parce qu'on n'y parle
énormément, pratiquement tout le long de ce livre, que de la
police. Mais je pense que dans l'ensemble, il s'agit, pour le gouvernement, de
faire connaître ses grandes lignes de pensée sur tout ce qui
regarde la justice, présentement, au Québec, tout ce qui regarde,
présentement, les troubles que nous traversons et, sur ce
point-là, je pense que le ministre de la Justice a bien fait de
déposer ce livre blanc.
Si nous regardons, depuis le dépôt de ce livre, tous les
commentaires de journaux et spécialement ceux des éditorialistes,
dans l'ensemble, l'analyse de ce livre a été assez favorable
parce que, que nous le voulions ou non, nous traversons présentement
le ministre y a fait allusion tout à l'heure une certaine
période de difficultés où il est question
énormément de manifestations, de terrorisme. Une
chose qui inquiète énormément la population est
également le fait que nous voyons assez régulièrement la
pègre s'infiltrer un peu partout. A ce moment-là, je pense que le
gouvernement se doit de prendre position. Soyez persuadés, que si le
gouvernement dépose sous peu certains projets de loi afin
d'améliorer notre système judiciaire et notre système de
police au Québec, à ce moment-là, il aura toujours notre
coopération.
Toutefois, il y a dans ce livre, comme dans n'importe quel livre blanc
déposé, des choses qui ne sont pas toujours acceptées
à 100 p.c. Mais nous sommes justement réunis ce matin pour
entendre les mémoires des gens qui se sont déplacés et je
pense qu'en temps et lieu, après avoir entendu ces mémoires,
après avoir écouté avec attention et questionné
s'il le faut, nous ferons connaître notre position.
M. CARON: C'est regrettable qu'il n'y ait aucun représentant du
Parti québécois pour avoir le point de vue de ce parti.
M. LE PRESIDENT: Exactement, comme il n'y a pas de représentant
du Parti québécois, nous demanderons immédiatement
à M. Guy Marcil de présenter le mémoire de la
Fraternité des policiers de Montréal.
Fédération des policiers du
Québec et Fraternité des policiers de Montréal
M. MARCIL: M. le Président, MM. les membres de la commission, en
mon nom personnel et au nom des associations que je représente, nous
tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de faire
connaître notre position sur le livre blanc. Disons que les fonctions que
j'occupe m'ont permis, dans ma carrière, d'être assez près
des policiers, à peu près à tous les niveaux qui peuvent
se situer à Montréal, au Québec, au Canada et aux
Etats-Unis. Enfin, je suis le président de la Fraternité des
policiers de Montréal et de la Fédération des policiers du
Québec qui groupent environ mille polliciers; je suis aussi au bureau de
direction de la Canadian Police Association qui groupe 25,000 policiers et
vice-président de l'International Conference of Police Association qui
groupe au-delà de 200,000 policiers. Nous avons recherché
l'objectivité dans le livre blanc et, sans plus tarder, nous allons
faire la lecture du mémoire que nous présentons à la
commission.
Dans l'introduction, nous disons: "Le contexte prévalant,
caractérisé par des critiques exagérées à
l'endroit de la police venant des milieux les plus divers et soulignant ou
notre grande naiveté ou notre soumission au pouvoir, pourrait nous
suggérer fortement de nous abstenir de prendre position à
l'endroit du livre blanc ou encore de l'accepter d'emblée.
Notre fonction propre ne nous permet pas d'adopter cette attitude de
facilité ou de nous laisser dicter une ligne de conduite fondée
sur l'émotion du moment ou la partialité. A plusieurs occasions
dans le passé, nos syndicats policiers ont revendiqué, promu ou
défendu le caractère professionnel de notre tâche pour le
bien même de la société dans laquelle nous vivons. C'est
d'abord et avant tout cette dimension particulière de nos
responsabilités qui nous incite à souligner les faiblesses et les
dangers que les principaux objectifs et moyens de ce livre blanc comporteraient
pour les citoyens et la société.
C'est à bon droit que l'on pourrait nous reprocher plus tard de
ne pas avoir accepté ce rôle difficile, peut-être
téméraire aux yeux de certains, de souligner nos
inquiétudes et, par voie de conséquence, d'en susciter d'aussi
salutaires chez nos concitoyens.
D'un autre côté, nous aurions pu nous isoler dans notre
rôle purement syndical et limiter notre étude et nos
représentations aux seuls aspects de relations de travail proprement
dites, et vouloir obtenir parmi les recommandations qui sont faites en ce
domaine particulier, celles qui nous favoriseraient le plus.
Dans l'étude de ce livre blanc, ce n'est pas cette
caractéristique particulière de notre action syndicale qui doit
d'abord et avant tout primer. Mais, même si l'objet de notre
mémoire se situe dans une tout autre dimension, nous nous permettrons de
faire, dès le départ, de sérieuses réserves
à l'endroit des hypothèses, des conclusions et des propositions
traitant précisément du droit d'association et du régime
de relations de travail chez les policiers.
Nous constatons avec stupeur qu'à l'occasion d'un livre blanc sur
la police et la sécurité des citoyens, on se permet non seulement
d'aborder cette question, mais d'aller jusqu'à recommander des actions
visant fondamentalement le droit d'association et permettant l'intervention
dans les négociations collectives. (Pages 143, 144, 145 et 146:
recommandations 64 à 68).
Notre inquiétude s'explique d'ailleurs par la faiblesse
très grande, sinon l'inexistence, des motifs sur lesquels on
prétend s'appuyer pour conclure à un régime très
particulier de relations de travail et de liberté d'association.
Ce ne sont certes pas des études aussi sommaires qui nous
convaincront d'accepter naïvement l'affaiblissement de nos droits
d'association ou de négociation au profit d'une prétendue
efficacité.
Nous ne pouvons pas encore comprendre que l'on n'ait pas laissé
cette question aux personnes ou organismes vraiment habilités dans ce
domaine. Mais ce qui est encore plus grave, c'est que l'on veuille,
après si peu d'étude, nous exclure d'un régime
essentiellement commun à tous les travailleurs, pour nous soumettre
à un statut particulier dans lequel l'Etat, le ministère ou ses
organismes auront en pratique, mais toujours sous prétexte de
l'efficacité de l'action policière, des droits presque absolus
d'intervention.
Sous cet aspect du livre blanc nous tenions à
mettre en garde le gouvernement contre une politique qui aurait des
conséquences graves, non pas uniquement pour nous, policiers, mais
à long terme pour la société, le citoyen et aussi
l'Etat.
Pour terminer sur ce point, nous déclarons encore une fois notre
opposition catégorique à toute forme d'intrusion dans les droits
fondamentaux de notre système démocratique consacrés par
les lois régissant les relations de travail.
L'objectif du livre blanc.
A toutes fins pratiques, ce livre blanc vise un seul et unique objectif:
une action policière plus efficace et plus fructueuse. (Page 135 du
livre blanc). C'est d'ailleurs ce qu'annonçait, dès le
début, l'avant-propos, puisqu'on y soulignait: "Les réformes
doivent plutôt porter sur l'organisation de la police, sur l'action dans
certains domaines spécifiques du crime, sur le personnel policier et les
moyens techniques mis à sa disposition". (Page 6).
Tout ramener à l'efficacité de l'action policière,
c'est grandement réduire les problèmes que posent aujourd'hui le
crime et les criminels, la sécurité des citoyens et une nouvelle
"politique de défense sociale."
Le policier est un instrument de la justice au même titre, bien
qu'avec des nuances différentes, que les cours de justice, les
procureurs de la couronne etc. Divorcer l'action policière de la justice
elle-même, c'est penser et croire que l'augmentation de
l'efficacité de celle-là entraînera, sinon la disparition,
au moins la diminution du crime et des criminels. Mais comme il faut bien
prévoir que l'efficacité de l'action policière n'aura pas
les effects naïvement espérés, parce qu'on l'aura
isolée de l'ensemble de la justice, on se permettra de dire alors: "Le
système prouve... son inefficacité, la justice
démocratique est bafouée et le criminel s'en tire avec les
honneurs de la guerre pendant qu'une large partie de l'opinion publique
déplore la faiblesse de l'ordre". "Or l'histoire de la police montre
que, loin de céder devant la violence, le désordre s'aggrave
toujours quand les gouvernements ne s'en prennent qu'à lui sans
supprimer radicalement les causes qui le provoquent ou le facilitent." Le temps
des policiers de Jacques Lantier, page 323.
Encore une fois, on fera porter la responsabilité de cet
échec, facilement prévisible, aux forces de l'ordre, sans
même se demander si la société n'aurait pas dû en
même temps se donner des lois justes et réalistes et un
système judiciaire et pénal adéquat.
Ces propos n'ont pas pour but de prétendre que tout est parfait
au niveau de l'action policière nous serons les premiers à
faire notre autocritique mais de souligner avec fermeté que les
solutions à l'augmentation du crime et des criminels et au taux de
solution du crime dépendent de tous les éléments qui
constituent la justice.
Nous déplorons donc que l'efficacité de l'action
policière n'ait pas été étudiée dans ce
contexte plus général, dans un vrai livre blanc sur la justice et
les organismes qui la protègent et la sanctionnent. Ce n'est que dans
cette dimension d'ensemble que notre société sera en mesure de
relever l'origine des maux et des malaises actuels et d'adopter les
remèdes les plus efficaces.
Tant que l'on refusera d'étudier cette politique d'ensemble, on
continuera à déplorer ou bien l'inefficacité de l'action
policière ou bien "un radicalisme virulent dans la poursuite de la
criminalité."
Cet empressement à vouloir tout régler par la seule
efficacité de l'action policière pousse le citoyen à
donner involontairement au policier une stature de "nouveau croisé",
seul responsable de "faire respecter les lois, de prévenir le crime et
d'en rechercher les auteurs" et aussi, "moyen le plus sûr à la
fois de contenir la criminalité et à la fois de sauvegarder les
droits fondamentaux de la personne". Faudrait-il se surprendre alors que la
police, poussée d'ailleurs en cela par l'inertie de ses concitoyens,
prenne en main l'ordre et la justice, se fasse l'arbitre entre la protection de
la société et la liberté de l'individu?
Mais pourquoi craignons-nous que l'on glisse imperceptiblement vers des
situations aussi extrêmes?
Dans un légitime désir de rendre l'action policière
plus efficace et plus fructueuse, on s'est simplement attaché à
certaines faiblesses de la planification ou de la coordination du travail
policier, sans faire les relations nécessaires avec les autres moyens ou
instruments de justice. Il n'est pas surprenant que les seules solutions que ce
livre blanc propose se résument à la réorganisation des
structures.
Il est pénible de constater incidemment que les prémisses
qui permettent à ce livre blanc de conclure à
l'inefficacité s'expriment en coefficient de solution du crime dont les
données, à notre avis, sont fort discutables et pas aussi
convaincantes que l'on voudrait nous le faire croire.
On reconnaît du bout des lèvres ce qui a été
fait jusqu'ici, mais on s'empresse d'écarter les structures actuelles,
sans se demander vraiment s'il n'aurait pas été plus simple d'en
tirer le meilleur parti.
Cette religion de l'organisation et de la réorganisation nous
conduit directement à l'institutionnalisation de l'action
policière. En effet, ce livre blanc propose une structure, des
organismes, des paliers de direction ou de coordination dont le
dénominateur commun sera leur dépendance directe ou indirecte au
ministre chargé des affaires policières. A première
lecture, on garde l'impression que les divers paliers de la structure
proposée sont là pour assurer des normes précises
d'efficacité. Une étude plus attentive nous oblige à
conclure que, si les instances sont en place, rien dans ce livre blanc ne dit
les critères qu'elles devront retenir.
Par exemple, on propose bien des pouvoirs accrus pour la Commission de
police, mais sans trop les préciser; on institue le régime du
commissaire-enquêteur pour la régionalisation des corps de police,
mais sans définir précisément les critères pour
lesquels telle régionalisation devient nécessaire.
Tous les autres exemples que nous pourrions donner serviraient à
prouver qu'en un mot le ministre chargé des affaires policières
ou le cabinet aura l'autorité pour décider et mettre à
exécution l'intégration, la coordination, la fusion, la
régionalisation, l'assignation, la mise en tutelle, l'abrogation, les
conditions de travail de tous les corps de police de la province par simples
décrets, tout en restant évidemment sous le couvert opportun de
quelques organismes comme la Commission de police ou le
commissaire-enquêteur.
Non seulement ce contrôle se retrouve à tous les paliers de
l'organisation policière, mais il se fera sentir jusque dans le domaine
du droit d'association et des relations du travail, car l'on pourra, sous le
prétexte de l'efficacité, annuler toute clause de convention
collective (recommandation 66, page 146).
Aussi sommes-nous inquiets que la mise en tutelle d'un corps de police
proposée par la recommandation 3, paragraphe g), pour des circonstances
que seul le cabinet jugera, soit toujours suspendue au-dessus de nos
têtes et sur les citoyens.
Avons-nous raison de craindre l'avènement imperceptible sinon
d'une police d'Etat, tout au moins d'une superpolice?
Car non seulement ce livre blanc conduit-il à une
institutionnalisation de l'action policière dont les cadres se
resserreront de plus en plus, mais va jusqu'à proposer un cloisonnement
définitif entre la justice et l'action policière par la
création d'un ministère distinct des affaires policières.
Et on dit dans le livre blanc: "La seconde solution s'impose, non seulement par
l'intérêt qu'elle représente de ne pas lier la justice
à l'action policière".
Nous pourrions inverser cette phrase et la lire comme ceci: "La seconde
solution s'impose, non seulement par l'intérêt qu'elle
représente de ne pas lier l'action policière à la
justice."
Pour nous, qui nous étions toujours considérés
comme instrument de la justice, nous ne pouvons pas comprendre qu'on veuille
ainsi faire cette séparation et nous extraire de la dimension plus
grande dont nous avons déjà traité. Avons-nous raison de
vouloir éveiller nos concitoyens aux graves dangers que comporte une
telle conception par laquelle l'action policière, la force
policière pourrait devenir un jour guidée et soumise aux
décrets d'un seul homme?
Quant à nous, nous ne voulons pas devenir "le bras
séculier des tribunaux agissant au nom d'une puissance gouvernementale
dirigiste et répressive" (page 9).
Et c'est à bon droit que nous nous disons inquiets de
propositions recommandant les entrées latérales (page 145) ou
l'établissement d'un code de discipline édicté par
législation (page 151, recommandation 94). Ce n'est pas par
"égoisme syndical" que nous soulignons notre inquiétude. La
protection du citoyen et de la société ne résulte pas de
l'implantation de cadres qui, malgré leurs degrés
académiques, n'ont pas l'expérience quotidienne et
réaliste du travail policier ou qui souvent entretiennent le plus grand
scepticisme à l'endroit du policier de carrière. Admettre un tel
processus, c'est permettre que soit créée peu à peu une
direction policière isolée de ses subalternes.
La protection du citoyen et de la société n'est pas plus
assurée par une loi de discipline sans contrôle qui servira
facilement à l'action tatillonne conduisant tôt ou tard à
une police des policiers.
Moyens envisagés par le livre blanc. Pour s'être convaincu
que l'inefficacité de l'action policière résulte
uniquement de la faiblesse des structures actuelles, on en vient à
proposer non pas seulement une action générale plus
coordonnée, mais aussi et surtout la réunification des forces
policières (page 125).
A première vue, les recommandations de ce livre blanc semblent
assurer une meilleure coordination ou encore proposer des moyens d'action
précisément reliés à des aspects nouveaux du
crime.
N'est-ce pas surprenant que, contrairement à toute attente et
malgré le sérieux apparent de l'analyse faite aux chapitres
précédents, ce livre blanc se complaît à souhaiter
de nouvelles études ou des actions imprécises qui seront
précisées un jour, nous l'espérons à
la suite de nouvelles études ou par d'autres organismes.
Malgré toute notre bonne volonté, peut-on trouver d'autres
mots que voeu pieux, souhait, désir ou velléité pour
qualifier des recommandations comme celles portant les numéros 13, 14,
31, 32, 33, 35, 38, 39, 40 et ça continue..?
Ou bien encore ce livre blanc laisse-t-il au pouvoir et à la
discrétion d'organismes existants ou qui seront plus tard
institués, le soin de déterminer et de définir les moyens
et aménagements qu'eux seuls jugeront utiles et nécessaires pour
une plus grande efficacité. Aussi les recommandations 10 à 98
prouvent-elles que, sous ce chapitre des moyens et aménagements,
beaucoup reste encore à préciser sans que l'on sache quand et
comment on le fera. Mais nous restons perplexes en face d'une telle
façon de faire qui permet ensuite au ministre chargé des affaires
policières ou au cabinet d'instaurer une réglementation sur
laquelle les citoyens et nous, policiers, n'aurons pas l'occasion de nous
prononcer.
Nous déplorons donc encore une fois que l'on n'ait pas vraiment
étudié la question dans toute sa dimension et qu'au chapitre des
causes et des véritables moyens, on nage dans l'incertitude.
Je cite M. Lantier dans son volume "Le
temps des policiers": "En voulant ignorer cette réalité
technique, les réformateurs de 1958 et de 1970 ont procédé
à des aménagements. Ils n'ont point accompli les changements
profonds nécessités par l'évolution générale
des idées et des moeurs."
Il faut souligner avec fermeté que ce livre blanc vise à
accorder à la Commission de police des pouvoirs non seulement accrus,
mais aussi une autorité tellement indéfinie qu'en pratique c'est
elle ou par elle que le cabinet ou le ministre pourra décider de toute
action ou de tout moyen visant une meilleure efficacité de l'action
policière, à telle enseigne que les structures que ce livre blanc
propose ici pourraient être modifiées profondément ou
contrecarrées par toute recommandation de cette commission rendue
exécutoire par le cabinet ou le ministre, (p. 126, recommandations 3 f)
et 6 a); p. 128, recommandations 9 et 10; p. 151, recommandation 98).
Aussi, avons-nous raison de penser qu'à cause de cette
autorité aux limites imprécises, la Commission de police soit
rendue compétente pour décider ou faire décider, sous le
prétexte de l'efficacité, de sujets aussi variés, mais pas
moins graves pour autant que la mise en tutelle d'un corps de police (p. 127,
recommandation 3 g), la lutte au terrorisme (p. 129, recommandation 12 b), la
définition des fonctions policières (p. 140, recommandations 43,
44 et 45) l'annulation de conventions collectives de travail (p. 146,
recommandation 66).
Les citoyens doivent craindre qu'une commission aux pouvoirs aussi
étendus, à cause de l'imprécision même de sa
compétence, puisse verser dans la recherche abusive de tout ce qui
pourrait tomber sous les dénominations "terrorisme" ou "groupements
révolutionnaires" et demander ensuite que les résultats de ses
enquêtes deviennent exécutoires sur décision du cabinet ou
du ministre.
Au vrai, ce livre blanc ne constitue pas le progrès
désiré par notre société au titre d'une action
générale plus coordonnée et d'une action plus
particulière à l'égard du crime organisé, du
terrorisme et de la criminalité économique.
Pour ce qui est de la coordination, ce livre blanc en remet la
responsabilité au ministre chargé des affaires policières.
En réalité, les pouvoirs qu'on lui accorde pour la
réaliser ne dépassent pas les limites de l'action
policière. Ce livre blanc semble oublier que le travail de la police
doit aussi être coordonné et relié aux affaires de la
justice.
Mais, à bien y penser, c'est au niveau de la
réorganisation des forces policières que ce livre blanc contient
des recommandations plus précises. Il reste cependant que l'utilisation
de ce moyen demeure entièrement soumise aux décrets du cabinet.
Comment pourrait-on alors se prononcer sur un objectif dont les conditions
seront fixées par un commissaire-enquêteur, dont les
recommandations, par ailleurs, ne seront pas nécessairement
entérinées par le cabinet?
Il n'est pas impossible aussi que les formules proposées dans ce
livre blanc s'avèrent inefficaces tôt ou tard et, alors, soit sur
recommandation de la Commission de police, soit directement, le ministre pourra
décider et faire l'intégration qu'il jugera utile en recourant
aux pouvoirs d'intervention et de coordination que lui accorde la proposition
no 3. Car n'aura-t-il pas le pouvoir de déclarer exécutoires les
recommandations de la Commission de police, de recommander la mise en tutelle
d'un corps de police ou encore de déterminer les champs de
compétence et d'activités des divers corps de police du
Québec? (p. 127, recommandations 3 f), g) et h). Il serait ainsi facile
de diminuer par décret les juridictions de tout corps de police
municipal pour en arriver progressivement à sa disparition.
On constate par là que, sous le couvert de l'efficacité,
les corps de police tombent sous une autorité unique qui, à son
gré et au temps voulu, se justifiera de les réunir sous ses
règles et ses édits.
Les caprices du pouvoir auront alors soustrait la police à
l'autorité locale et imposé la soumission à ses
policiers.
La société est-elle prête à sanctionner une
politique qui conduirait probablement à la police d'Etat?
En conclusion, en terminant, nous regrettons que ce livre blanc ait
ignoré l'ensemble de la justice qui seule assure totalement la
sécurité des citoyens.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Marcil.
M. CHOQUETTE: Je pourrais peut-être poser quelques questions
à M. Marcil. Je dois lui dire que ma première impression du
mémoire qu'il a lu... Enfin, je suis en désaccord avec lui. Je
pense que le livre blanc a correspondu, en grande partie, au besoin de
professionnaliser l'action de la police et de rehausser le statut du policier
individuellement, de lui donner sa pleine valeur dans la société
et qu'on ne retrouve aucune mention de cela dans le mémoire qu'il vient
de nous lire.
Parce qu'une grande partie des recommandations qui se trouvent au livre
blanc vise justement à améliorer la qualité, les
qualifications et les spécialisations de nos policiers. Alors, je ne
vois pas comment M. Marcil peut avoir passé à côté
de ces recommandations qui forment une grande partie des recommandations du
livre blanc. Je lui signale cela en passant; peut-être qu'il n'a pas
noté ces aspects du livre blanc.
Maintenant, il y a une partie du mémoire qui traite des relations
de travail. Et je pense que je peux déduire de ce qui est dit, en somme,
soit clairement, soit à demi-mot suivant la position où on se
situe... Lorsque M. Marcil réclame, je pense, un statut similaire
à celui de tous les travailleurs, je voudrais lui demander si,
d'après lui, ce statut va jusqu'au droit de grève des
policiers.
M. MARCIL: M. le Président, je vais répondre à M.
le ministre, à ses deux questions. La première, disons que c'est
peut-être la seule note fausse qu'il a à déplorer ce matin.
Je l'ai dit au tout début, nous l'avons fait avec objectivité. Et
quand nous avons regardé l'ensemble du livre blanc et que nous avons
constaté qu'un moment nous sortions des cadres de la justice pour
devenir sous l'autorité d'un ministre responsable des affaires
policières, nous nous sommes dit ceci: Le domaine de la justice est un
tout. Et nous disons que ça part du législateur, du ministre de
la Justice, des tribunaux, des libérations conditionnelles, des
policiers. Et nous disons ceci: Si tout le monde, hypothétiquement,
s'était réuni et si on avait fait le bilan de notre
société... Entre parenthèses, je lisais dans le Life, il y
a environ trois semaines, "The cities locked up. Fear of crime creates a life
style behind steel." Ce sont des gens d'une ville qui vivent en arrière
des cloisons, les citoyens. Et si on regarde à la page du centre, "Our
real security is in each other ", ce sont tous des gens qui se
réunissent pour leur sécurité.
Quand on regarde le problème du crime, le problème du
crime, c'est un ensemble. C'est un ensemble auquel l'appareil judiciaire doit
contribuer. Non pas simplement les forces de l'ordre comme telles. Et si, en
1960 il y a peut-être quelqu'un qui a écrit un livre blanc
en 1960 nous avons vu chez nous la réorganisation du service
à plusieurs reprises, aujourd'hui, il reste quelques boîtes
téléphoniques d'un vestige qu'on a appelées Way et
Gaubiac.
Et tout ceci pour vous dire qu'en 1970, en faisant le bilan, on
s'aperçoit que, encore, le crime est à la hausse. La solution du
crime est plus faible. Encore une fois, si tous ces gens d'un ensemble
judiciaire s'étaient réunis et avaient fait un examen de
conscience, si chacun d'entre nous avait fait un livre blanc, M. le ministre,
vous n'auriez pas ce livre devant vous ce matin. Parce qu'on ne dit pas que
toute cette vague de crimes, cette vague de terrorisme, c'est dû
simplement à l'inefficacité des forces policières.
M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais affirmé cela.
M. MARCIL: Disons que le livre blanc, quand vous le regardez, se situe
strictement au niveau des policiers. Et même en 1980, quand on fera le
bilan du livre blanc, on s'apercevra encore qu'on devra écrire un autre
livre blanc, parce qu'on n'a pas touché réellement les points
sérieux de notre société.
Pour répondre à la deuxième question, on dit
à un moment donné que le ministère de la Justice, le
ministère du Travail et les organismes pourraient se réunir pour
trouver une nouvelle formule de négociations de travail ou de convention
collective chez les policiers. Si on s'en était tenu simplement à
cela, je dis: C'est pas mal. Le ministre de la Justice, le ministre du
Travail... On essaie de trouver un système intelligent de
négociations de travail. Mais, déjà, on impose, on dit: On
te défend le droit de grève; dans tes conventions collectives,
quand il y a des clauses là-dedans qui vont empêcher le bon
fonctionnement d'une administration, ces clauses seront enlevées. Et je
lis: "Que l'on élimine des conventions collectives les clauses
susceptibles d'entraver l'efficacité des corps de police ou de nuire
à leur gestion efficace." Dans une convention collective, M. le
ministre, le premier mot d'une convention collective jusqu'au dernier
empêche l'employeur de faire quelque chose.
Si on s'en était tenu strictement à dire: On va regarder
l'ensemble. Parfait, nous l'achetons. Mais déjà, on se
réunit et déjà il y a quelque chose de défendu. On
nous défend le droit de grève. Les études qu'on a faites
là-dessus? Très limitées. Et on nous défend une
foule de choses. On vient dire, à part cela, que dans mon association,
les officiers vont pouvoir faire la sélection des gens qui vont les
représenter. Chez nous, je pense que ce sont des conditions de travail,
ce sont des accréditations et déjà, nous sommes tellement
limités par les lois. Je regrette un peu qu'une partie de la population
ne vienne pas ici ce matin pour faire voir son point de vue en plus grand
nombre que ceux qui ont manifesté le désir de se faire entendre
parce que, quand les lois sont faites, qu'on les regarde.
On nous défend de nous présenter aux élections et
d'être organisateurs politiques, en plus de nous défendre le droit
d'affiliation. On pourrait mettre, ici, sur la table, une foule de
réglementations qui nous placent dans une caste de la
société. Encore une fois, pour répondre à cette
dernière partie de la question, quant au droit de grève, M. le
ministre, je pense que les policiers sont très conscients de la
sécurité du citoyen. C'était une formule qui nous a
semblé, à un moment donné, être la seule juste pour
atteindre les aspirations qui sont légitimes d'un bon contrat de travail
et de bons salaires pour les policiers.
M. CHOQUETTE: Mais vous ne seriez pas prêt à dire qu'en
principe vous êtes favorable au droit de grève pour les
policiers?
M. MARCIL: Quand on dit qu'on est favorable au droit de grève
pour les policiers, je ne voudrais pas détruire l'objectivité
mise dans le livre blanc pour nous faire prendre sur un point qui porte sur le
droit de grève.
Je pense que, déjà, le ministre du Travail a
mandaté le conseil supérieur pour faire l'analyse et trouver une
solution au problème des policiers. Je le dis, le droit de grève
était une formule. Est-ce la formule la plus intelligente? Nous avons
siégé à quelques reprises au Conseil supérieur du
travail et je ne pense pas qu'il y ait
des décisions qui ont poussé le ministre à
préparer une législation dans ce sens.
M. CHOQUETTE: M. Marcil, si vous me permettez, je vais vous reprendre
sur la première partie de la réponse que vous venez de me
donner.
Lorsque vous dites que le livre blanc, en somme, par son effet, isole la
police du reste de l'administration de la justice, à mon sens, vous avez
mal lu le livre blanc. Parce que, d'abord, si vous avez lu l'introduction au
complet, si vous avez lu le premier chapitre du livre blanc, vous avez
noté que la fonction de la police est entièrement
intégrée à l'administration de la justice. Je n'ai pas
besoin de vous donner d'autres exemples qui existent dans le monde. Je veux
dire que, si l'on prend, par exemple, un pays où le régime de la
justice est particulièrement élevé, l'Angleterre, la
police n'est pas dans le même ministère que celui du procureur
général et elle n'est pas dans le même ministère que
celui qui désigne les juges. Par conséquent, au point de vue du
régime administratif, on peut diviser les fonctions dans la justice mais
cela ne veut pas dire qu'on isole la police du reste de la justice. De la
même manière, au gouvernement fédéral, le
Solliciteur général a la responsabilité de la police
tandis que le ministre de la Justice a d'autres responsabilités. Mais
cela ne veut pas dire qu'on isole la police du fonctionnement du
ministère de la Justice.
Je vais dire ceci, simplement, en terminant: Je prends, en somme, ce que
vous dites dans le sens suivant: vous désirez demeurer sous le couvert
du ministère de la Justice. Est-ce exact?
M. MARCIL: J'ai peut-être manqué, je m'excuse, de...
M. CHOQUETTE: Vous désirez rester sous le couvert du
ministère de la Justice.
M. MARCIL: D'accord.
M. CHOQUETTE: C'est le sens de ce que vous dites.
M. MARCIL: D'ailleurs, c'est une des recommandations que nous avions
déjà faites au Montmartre canadien.
M. CHOQUETTE: Je pense, M. Marcil, que vous ne devez pas
interpréter le livre blanc comme un effort d'isoler l'action de la
police du reste de la justice. Si nous avons proposé, dans le livre
blanc, une autre forme d'organisation, ce n'était pas dans le but
d'isoler l'action policière de l'ensemble de la fonction de la justice,
mais c'était pour créer une spécialisation
appropriée. Alors je pense qu'il serait faux de placer le débat
à ce niveau-là, si vous me permettez de vous faire cette
observation.
M. MARCIL: Dans la recommandation que nous vous avions faite, elle se
situe dans le livre blanc, parce qu'on le dit, il y a eu deux solutions et on a
retenu la dernière. La première indiquait et cela m'a
été soumis au mois de février au Montmartre canadien dans
un colloque que vous présidiez la fonction du ministre de la
Justice, s'exerçant dans une sphère assez grande, devrait
comprendre un sous-ministre qui le conseillerait en matière
policière; un sous-ministre qui pourrait faire l'évaluation des
forces policières, et qui, dans un temps peut-être de crise ou
dans un autre temps, serait apte à conseiller objectivement le ministre
en regardant les implications d'un corps de police vis-à-vis de l'autre.
Vous avez retenu la deuxième.
Quand vous me parlez du "Home Office", je pense que c'est
peut-être le bon endroit.
Mais quand vous regardez le système du ministre de
l'Intérieur en France... Je conseille aux membres de la Commission s'ils
ne l'ont pas fait, de lire Le temps des policiers de Jacques Lanthier. C'est un
volume réellement fantastique. Je pense qu'il situe les problèmes
français, les problèmes des préfets, etc.
Au tout début de votre exposé, M. Rémi Paul a bien
souligné que vous parliez déjà d'une législation.
Quand on regarde le livre blanc, on peut, je pense, lui donner notre
bénédiction ou le contester, mais il reste que la
législation n'est pas nécessairement celle qui sera
adoptée vis-à-vis du livre blanc. Encore une fois, nous disons
que tellement de choses peuvent être faites au niveau des décrets.
Je vous donne un exemple. Au bill 75, nous avions fait des
représentations à l'article 233 et nous disions au gouvernement:
Lors de l'intégration des forces policières, vous devez avoir un
plan d'intégration. Il est essentiel que vous ayez un plan
d'intégration. Nous demandions aussi d'être consultés. Un
an et demi plus tard, le règlement est adopté par la
communauté urbaine et on s'aperçoit que la communauté
urbaine n'a jamais regardé les obligations que la loi lui faisait de
consulter les policiers et d'avoir un plan d'intégration.
Si, dans ce cas-là, c'était une loi et si des gens mis en
place à d'autres paliers gouvernementaux ont simplement ignoré
les représentations que nous avions faites, nous disons que les pouvoirs
prévus dans le livre blanc, qui peuvent se situer au niveau des
décrets, ou par une législation en vertu de laquelle nous
n'aurions pas droit au chapitre, nous trouvons certains dangers. Mais, encore
une fois, M. le ministre, quand vous parlez du Home Office, il y a certainement
quelque chose de bon là-dedans, mais on aurait pu regarder dans des
structures que nous avons chez nous, des structures qui ont été
modifiées dans mes 20 ans de services comme policier, à plusieurs
reprises; ça n'a jamais apporté l'efficacité
espérée, ç'a toujours apporté
l'inefficacité.
M. CHOQUETTE: M. Marcil, vous êtes poli-
cier, et vous connaissez comme moi les problèmes qui surgissent
de l'absence de coordination entre différents corps policiers, entre
autres certains corps policiers importants qui agissent au Québec. Je
n'ai pas besoin de citer le cas de la Gendarmerie Royale, de la
Sûreté du Québec et de la police de Montréal. Vous
connaissez comme moi les problèmes qui surgissent sur l'île de
Montréal, de l'existence de 25 corps policiers. Ce sont les questions
auxquelles nous avons tenté de répondre par une formule qui
améliorerait l'organisation de l'action policière.
Je ne vois rien dans votre mémoire qui reconnaisse en somme la
nécessité d'un effort de ce côté-là; je vois
plutôt une attitude assez négative de votre part devant
l'innovation dans ce domaine-là. J'aimerais que vous disiez aux membres
de la commission que vous considérez que l'objectif d'une action
policière plus coordonnée, plus organisée, est un objectif
valable pour la société québécoise à l'heure
actuelle. Je ne fais pas abstraction des problème de fond auxquels vous
avez fait allusion, parce que vous nous avez dit que les problèmes
policiers ont une origine sociale, que les problèmes du crime ont une
origine sociale. Je suis parfaitement d'accord avec vous, qu'une grande partie
de nos problèmes dans le domaine de la criminalité ont une
origine sociale, mais on ne peut pas, dans un livre blanc, traiter de tous les
problèmes d'une société; il faut bien prendre les
problèmes un par un. Ici, nous avons pris le problème de la
police et de la sécurité des citoyens. Il fallait bien, au moins,
que nous envisagions un des aspects du problème, et nous l'avons
envisagé de cette façon-là.
Je pense, que vous allez quand même admettre avec moi qu'il y a
des efforts qui doivent être faits par le gouvernement, par les
autorités locales avec la collaboration des syndicats policiers pour
améliorer notre organisation et notre action policière.
M. MARCIL: Bon, disons que dans le livre blanc, quand vous parlez de
coordination, de planification, il n'y a absolument rien là-dedans qui
dise de quelle façon nous allons coordonner les forces
policières. M. le ministre, on peut dire: A différentes
occasions, nous allons coordonner les forces policières. Mais quand vous
regardez les pouvoirs qui sont attribués au cabinet, on dit: il
incomberait au lieutenant-gouverneur en conseil sur...
M. PAUL: Quelle page?
M. MARCIL: ... Je m'excuse, c'est à la page 133 du livre blanc:
Il incomberait au lieutenant-gouverneur en conseil, sur rapport du ministre,
d'agréer, de rejeter ou de modifier les propositions formulées
par le commissaire-enquêteur;
Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse, sur recommandation du
ministre, après rapport d'un commissaire-enquêteur
décréter l'intégration régionale des forces
policières dans un territoire déterminé;
Que le commissaire-enquêteur soit chargé de...
Alors, il reste que, pour nous, c'est simplement, quand on parle de
coordination, un ordre de grandeur, on doit coordonner.
Je suis bien d'accord, mais de quelle façon le fait-on? Quand on
parle de régionalisation, de quelle façon le fait-on? Est-ce
qu'on régionalise la moitié du Québec, le nord du
Québec? Est-ce qu'on le fait par dix régions ou par quinze
régions? Voilà toutes sortes de facettes que nous ne pouvons pas
voir dans le livre blanc.
Quand on lit à la page 132g): "La régionalisation, dans
l'ensemble du Québec, ne peut se faire que graduellement et suppose, au
préalable, une enquête sur tous les aspects de la question". Cela,
c'est un autre livre blanc.
M. CHOQUETTE: On veut dire que si on procède à la
régionalisation de corps policiers, on n'a pas l'intention de
procéder au hasard. C'est tout simplement une précaution qu'on
prend.
M. MARCIL: Cela prouve, M. le ministre, qu'on ne sait pas de quelle
façon elle va se faire. C'est officiel. Personne ici ne peut dire de
quelle façon. On dit à la page 127a): "Etre informé
régulièrement des opérations policières de tous les
corps policiers du Québec; b) exiger des rapports... c)
dépêcher... d) enjoindre... e) recommander l'attribution de
subventions aux corps policiers régionaux..."
Encore une fois, je regrette, je ne sais pas si l'Union des
municipalités se fera entendre, mais, présentement, quand on
parle d'efficacité, il y a un problème aussi de moyens, de
technique. Chez nous, au point de vue technique, nous sommes peut-être
dix ou vingt ans derrière les policiers américains. Je lisais,
dans ce même bouquin, qu'un policier à l'aide d'une auto-radio,
simplement avec la centrale IBM, peut avoir une foule d'informations. Chez nous
ce n'est pas pensable.
Le corps de police de Montréal coûte $35 per capita
environ; en plus, chaque citoyen paie, pour la Sûreté du
Québec, environ $7. En plus, il paie pour la RCMP, la Gendarmerie
royale, encore $7. Quand vous faites la somme, cela lui fait, $35 plus $14,
$49. Quel est le pourcentage, payé par le citoyen, qui va à
l'application des règlements municipaux pour le besoin d'un policier
municipal qui répond à la municipalité, qui répond
à un contexte d'une ville? Il y a peut-être un montant de $3 ou de
$4. Il n'y a personne qui vient en aide aux municipalités, il n'y a
personne qui nous trouve des moyens. Chez nous encore, nous n'avons pas de
système de "line-up", de système de télévision en
circuit fermé. Mais il n'y a personne qui vient en aide aux
municipalités pour leur donner... M. le ministre, je prends la
parole de Churchill: "Give me the tools and I will do the job". Nous
aussi, les policiers, disons la même chose. Donnez-nous des outils aussi
avant-gardistes que ceux dont dispose le criminel. Mais quand on parle de
restructurer, on regarde dans le livre blanc, c'est bien parfait, mais on ne
voit pas les moyens, on ne voit pas la planification, on dit que l'on met des
structures en place, mais...
M. CHOQUETTE: Mais il faut commencer par avoir de grandes orientations
avant d'arriver aux moindres détails. Vous connaissez la commission
Katzenbach aussi bien que moi. Elle recommande la régionalisation des
corps de police pour plus d'efficacité, vous n'allez pas nier cela? En
Angleterre, on a fait exactement la même chose,...
M. MARCIL: La commission Prévost, M. le ministre, où est
le rapport?
M. CHOQUETTE: ... et la commission Prévost également.
M. MARCIL: Où sont les volumes? M. CHOQUETTE: Comment?
M. MARCIL: Les volumes, on ne les a jamais vus? Disons, les
recommandations, je pense que la commission Prévost a
certainement...
M. CHOQUETTE: La commission Prévost a recommandé que les
forces policières au Québec soient regroupées en 10
grandes organisations policières, vous le savez aussi bien que moi:
M. MARCIL: On aurait pu au moins le retrouver dans le livre blanc, quand
on parle de régionalisation.
M. CHOQUETTE: Oui, mais on n'est pas pour régionaliser dans des
régions à très faible densité, cela me paraît
élémentaire. Il me semble que la régionalisation doit
commencer dans des endroits où la population est très dense, ou
les problèmes de la criminalité sont aigus et, de plus, il faut
penser à l'effort du contribuable aussi dans ce domaine. Si on va
régionaliser, par exemple, en Gaspésie, c'est un des endroits au
Québec où le problème du crime est l'un des moins graves,
et où il y a toute une série de petits corps policiers de 1 ou 2
policiers, est-ce que cela offre un intérêt que de procéder
à la régionalisation? Il faut faire la différence entre
les régions fortement peuplées, Montréal, Québec,
ou les régions très criminogè-nes comme l'Outaouais et
d'autres régions où, en somme, la criminalité n'est pas
aussi forte. Il me semble que c'est élémentaire.
M. MARCIL: De toute façon, M. le ministre...
M. CHOQUETTE: Et puis, c'est un problème pratique, ce n'est pas
un problème théorique, de dire: On va découper la carte du
Québec en dix grandes régions policières. Il faut aller au
côté pratique.
M. MARCIL: Ce que nous regrettons, c'est que le livre blanc s'en tienne
simplement à dire: Nous coordonnons.
M. CHOQUETTE: Mais oui, mais M. Marcil, c'est l'expression d'une
politique, nous ne pouvons pas régler tous les problèmes dans les
moindres détails. Je comprends que vous, ce qui vous intéresse,
en grande partie je ne dirais pas exclusivement c'est la
protection des conditions de travail de vos membres. Je ne vous en fais pas
grief, c'est votre fonction. Non, non, ne riez pas.
M. MARCIL: Ce n'est pas ce que nous disons au début, M. le
ministre. Je pense que nous avons été explicites, nous nous en
sommes tenus peut-être à deux pages sur nos conditions.
M. CHOQUETTE: Non, non.
M. MARCIL: Le reste du volume, je pense qu'il n'était pas sur nos
conditions de travail.
M. CHOQUETTE: Mais, pas du tout. M. Marcil, vous ne feriez pas votre
devoir si vous ne vous occupiez pas de la protection des conditions de travail
de vos membres. Je ne vous en fais pas de reproche. Je veux dire qu'il ne faut
pas tout envisager sous cet angle-là, il y a d'autres aspects qu'il
importe de considérer également et je pense que la lutte à
la criminalité et la protection des citoyens en sont un aspect
important.
M. MARCIL: Il y a une chose que nous avons retenue. Encore une fois, j'y
reviens, c'est que quand on parle de police d'Etat à un moment
donné, vous remarquerez dans notre mémoire qu'on parle de la
police des policiers et que ce sera permis pas des lois il y a
des gens pour qui la police, c'est une chose sur laquelle on peut taper
à l'occasion, et qui à l'occasion peut nous aider, ça
dépend où on se situe il reste, dis-je, une chose: quand
on aura permis par des lois d'en venir à des conditions de travail
telles qu'arbitrairement on pourrait souscrire ou soustraire des conventions
collectives tout ce qui en empêche le bon fonctionnement c'est
évident que dans une convention collective il y a quelque chose qui
empêche le patron de faire quelque chose quand donc on se sera
permis de passer des lois constituant la police des policiers, la police par
des structures, à ce moment-là, les citoyens se seront
donné un Etat policier. C'est aussi simple que ça. Quand on passe
une loi sur les policiers, souvent nous n'avons pas beaucoup de
défenseurs. Je pense que c'est toujours normal d'essayer d'imposer
des structures, de les placer dans des quartiers. J'ai vu ça,
ça fait vingt ans, M. le ministre que j'en vois de ça. Des codes
de discipline chez nous, je pourrais vous en montrer, c'est assez épais.
Tout ceci pour vous dire que dans l'ensemble...
M. CHOQUETTE: M. Marcil, je ne suis pas de ceux qui critiquent la police
systématiquement. Je ne suis pas de ceux qui écrivent des
articles continuels dans les journaux pour démoril le travail des
policiers. Je comprends et je pense que nous, les membres de cette commission
je pense que j'exprime l'opinion générale nous
comprenons la difficulté et l'ingratitude qu'il y a dans votre
travail.
M. MARCIL: Et la grande naiveté.
M. CHOQUETTE: Pas de la grande naiveté. Je pense que tout le
monde s'en rend compte. Le pire dans tout cela, c'est que le policier se sent
isolé, parce qu'il se sent l'objet de ces critiques et il ne sent pas
l'appui de la majorité silencieuse. La majorité silencieuse est
favorable au travail des policiers. Cela a été
démontré justement dans le fameux rapport de la commission
Prévost. Il ne faudrait pas quand même que vous cultiviez chez vos
membres une espèce de complexe de persécution, alors que la
majorité du Québec est derrière les policiers.
M. MARCIL: Nous ne sommes pas venus en persécuteurs, nous sommes
venus défendre les citoyens.
M. CHOQUETTE: Non, non...
M. MARCIL: Il y a une chose, remarquez-bien, je vous donne mon avis
franchement, je pense et je le dis. Ce que nous avons vu et ce que vous avez
dit, c'est que toute la note avait été assez heureuse au tout
début quand vous avez parlé. C'est peut-être une note
discordante, mais il reste que chez nous, c'était notre opinion du livre
blanc. Nous avons essayé d'être objectifs. Nous sommes conscients
que vis-à-vis du citoyen, nous ne devons pas être des radicaux,
des démagogues. Quand on lit la préface de ce livre-là, je
la trouve assez juste. A un moment donné, Camus cite Les Justes et dit:
"Vous savez, moi, je me situe au centre. C'est d'ailleurs pour cela que je me
suis fait policier pour me situer au centre des choses." C'est un peu notre
idée. Nous avons bien dit au tout début que l'objectivité,
nous ne pensons pas que c'est nous qui l'avons, d'une façon infuse, mais
nous avons essayé de démontrer, d'une façon assez
sérieuse, les dangers du livre blanc.
M. CHOQUETTE: M. Marcil, je suis content que vous soyez sympathique
à la préface, parce que j'en suis l'auteur.
M. MARCIL: Je m'excuse, c'est parce que ce n'est pas la...
M. CHOQUETTE: Ceci démontre, M. Marcil, que nous ne sommes pas
sur des longueurs d'ondes tellement différentes. Je vais vous donner
deux exemples. Dans une des annexes du rapport de la commission Prévost,
on fait une étude de ce que pense le public des policiers et de ce que
les policiers pensent que le public pense de lui.
Dans un sondage de Sonopresse qui a été fait cet
été et que j'ai lu avec intérêt, il y avait quelque
chose de comparable. Et quelle était la conclusion? C'est que l'immense
majorité du public de la province de Québec apprécie le
travail policier et sent le besoin et l'importance de ce travail. Donc, il ne
faudrait pas que le policier cultive chez lui un genre de sentiment de rejet
par rapport au reste de la société, justement à cause de
la difficulté de sa fonction.
Et vous le savez, vous avez même fait faire une étude par
un psychologue industriel, une étude que vous avez en main et qui est
arrivée exactement aux mêmes conclusions. Un des grands objectifs
du livre blanc, c'est justement de sortir le policier de ce genre de sentiment
d'isolement. Alors...
M. MARCIL: Premièrement, M. le ministre, je dois vous dire que,
dans notre mémoire, nous ne parlons pas d'isolement; nous ne l'avons pas
situé de cette façon-là. Je pense qu'il est normal d'avoir
choisi cette profession-là, de la comprendre et de l'accepter. Nous
n'avons pas fait mention d'isolement et, quand nous parlons du mémoire
que vous mentionnez, je pense, M. le ministre, que ce mémoire n'est pas
sorti officiellement; nous sommes à le compléter.
Le mémoire portait sur les difficultés que le policier
ressent dans une société moderne. C'était à la
suite d'accidents ou de blessures survenus à la suite de son travail
comme policier et c'était assez unique dans le monde entier qu'une telle
étude ait été faite. Elle n'a pas été faite
parce qu'on se sent persécuté dans la société. Le
policier ne se sent pas persécuté dans la société;
il a un rôle à jouer.
Il est ingrat et souvent, on a constaté jusqu'où...
M. CHOQUETTE: Quand je vois des articles dans les journaux je
vais le dire franchement qui attaquent les policiers continuellement et
qui trouvent tous les maux possibles chez les policiers, je déplore ce
genre d'articles, M. Marcil, je le déplore.
M. MARCIL: Encore une fois comme policier, nous déplorons
beaucoup de choses. Quand il y a des critiques acerbes, qu'elles viennent de
quelque milieu que ce soit, je pense qu'il n'y a pas de doute que ça
nous affecte.
Encore une fois, je pense qu'on veut se situer au milieu des
professionnels et que ça fait partie de notre rôle. Si nous ne
sommes pas capables de l'assumer, je pense que, réellement, nous allons
avoir des problèmes sérieux.
M. CHOQUETTE: Je veux seulement poser une dernière question; je
monopolise la commission. Avez-vous aimé la partie du livre blanc
où on dit qu'on devrait vous donner des conditions de travail
meilleures, étant donné la nature de votre travail?
M. MARCIL: Oui, je vous ai d'ailleurs dit, M. le ministre, que quand
nous avions lu ce paragraphe, nous avions mis votre portrait pendant une
semaine dans nos bureaux. Il est parti; effectivement, il est parti.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, avec votre permission, nous allons essayer
de donner la chance à un représentant de chaque parti
d'entretenir un dialogue avec M. Marcil. Nous allons commencer par
l'Unité-Québec, le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. Marcil, je veux vous féliciter pour
l'objectivité de votre mémoire. Je comprends que vous avez voulu
attirer l'attention des membres de la commission sur le statut professionnel du
policier. Vous avez, en quelque sorte, signalé à la commission,
non pas des lacunes, mais certaines absences que l'on remarque dans ce livre
blanc publié par le ministre de la Justice. Et soit dit en passant, si
la préface en est bonne, c'est parce qu'il m'avait demandé de
corriger son texte.
M. Marcil, je me permettrai, si vous le voulez bien, de vous poser
quelques questions. Est-ce qu'en principe, vous êtes contre
l'intégration des différents corps de police?
M. MARCIL: En 1964, nous avons, à la commission Blier,
présenté un mémoire dans lequel nous demandions, pour le
plus grand bienfait des citoyens, surtout dans les structures de l'île de
Montréal, qu'il y ait intégration des forces policières;
et nous avions, à ce moment-là, soumis ce mémoire. Par la
suite, nous avons, au mois de décembre 1969, encore une fois pris
position sur le bill 75 lors de sa deuxième lecture et nous avons dit
que nous étions en faveur de l'intégration des forces
policières.
Aujourd'hui, nous disons: Nous sommes encore en faveur de
l'intégration. Mais ce qui était bien important dans tout
ça, c'était qu'il fallait qu'il y ait un plan
d'intégration. Ce dont manque le livre blanc, c'est ça.
M. PAUL: Les normes.
M. MARCIL: Maintenant, à quelle place se situe-t-on, à
quelle place s'en va-ton? Nous lançons simplement de grandes
idées qui ont peut-être une certaine valeur? Mais il reste que les
moyens, les modalités pour obtenir ce que nous désirons, nous ne
les connaissons pas.
Lorsque le législateur a accepté de dire qu'il
était d'accord qu'il y aurait un plan d'intégration, nous, les
syndicats nous disons que nous allons nous situer et voir de quelle
façon nous allons faire l'intégration. Je l'ai dit une fois
à la commission parlementaire et je me répète, sur le
règlement 26 adopté par la communauté urbaine, si on avait
présenté, lors de la dernière grande guerre, un plan comme
le règlement 26, si on l'avait présenté aux quatre Grands
pour faire l'invasion, les soldats seraient encore dans la Manche. Il n'y avait
pas de plan d'intégration, il n'y avait absolument rien alors
qu'aujourd'hui, même où on se situe, en date du 7 décembre,
encore une fois, nous ne savons pas où nous allons vers cette
intégration. Il est bien important que le législateur sache que
le plan d'intégration doit être fonctionnel. Pour que ce soit un
plan fonctionnel, il faut absolument qu'il soit planifié. Il faut que
les syndicats se soient rencontrés, les problèmes se situant au
niveau de toutes les structures du corps de police, que ce soit au niveau des
fonds de pension, de l'assurance-maladie, des promotions, des mutations.
Qu'est-ce qui arrive là-dedans? A ce jour, je peux vous dire qu'il n'y a
aucune étude qui a été faite et il n'y a aucun plan
d'intégration. Nous avons été consultés par la
communauté urbaine, oui, mais quand le plan a été fait.
Là, on nous a dit: Là, on vous consulte. Vous savez fort bien
que, quand on nous consulte et que le livre est écrit, vous ne changez
pas de virgules là-dedans. Vous dites: Oui, je l'accepte ou: Non, je le
refuse.
Devant la position que la communauté urbaine avait prise, nous
avons fait un rapport à la Commission municipale et le ministre de la
Justice a jugé de ne pas donner suite au règlement 26. Il reste
que, quand on parle du pourcentage de solution du crime, vous avez dans des
corps de police des statistiques. Dans les corps de police, on fait
l'arrestation d'un groupe de cagoulards. Le groupe de cagoulards, on sait fort
bien qu'il est relié à dix vols. Tout le monde le sait, par la
façon dont les vols ont été commis, on se dit que c'est le
même groupe. Ce groupe-là est condamné pour une infraction,
un vol à tel endroit. Le corps de police dit: J'ai la solution du crime,
on vient de résoudre dix crimes. Chez nous, à Montréal,
cela ne se fait pas comme ça. Il y a un crime qui est résolu. On
sait que c'est tout le groupe qui a fait l'assaut. Il est condamné pour
un, il reste quatorze crimes qui ne sont pas éclaircis. Quand on dit que
les variantes, que les taux de solution du crime ne sont pas des
critères exacts, je vous en donne un exemple.
Par contre, on se dit que d'un autre côté, si on prend la
région de Toronto, depuis 1955, on a fusionné, on a
intégré et disons que cela va assez bien. Il semble que cela au
début a dû être pénible. Mais il semble que le
problème majeur à Toronto ait été celui du fonds de
pension qui,
aujourd'hui, existe encore après 17 ans. Quand on va faire une
intégration, elle devra être bien faite, bien structurée.
Sinon, je suis obligé de vous dire que c'est un baril de dynamite. Vous
placez 24 corps de police. Vous ne pouvez pas prendre une maison d'appartements
dans laquelle vivent 24 familles et arbitrairement, du jour au lendemain,
enlever les cloisons et dire que vous vivez ensemble. Je pense que vous voyez
les complications de tout ce qui peut arriver. La même chose s'applique
dans les corps de police. Il y a des idées, il y a des pratiques qui
sont dans les corps de police, il y a des façons de travailler.
Dernièrement, on a fusionné Longueuil et Jacques-Cartier.
Il y a eu des problèmes sérieux parce que le policier de
Longueuil avait un travail dans un milieu un peu différent du milieu de
Jacques-Cartier. Le policier de Jacques-Cartier était dans un milieu
différent de Longueuil. Les populations n'étant pas les
mêmes, il y a eu une adaptation à faire. Les conflits se sont
créés au niveau du policier qui avait appris à travailler
à Longueuil et de celui qui avait travaillé à
Laflèche. Leurs idées n'étaient pas tout à fait les
mêmes. Si vous me dites que demain, vous mettez 24 policiers ensemble, je
vous dis que les chances de succès sont minimes.
M. PAUL: M. Marcil, je vous remercie d'avoir répondu à
cette question. En résumé, vous me corrigerez si ce n'est pas
exact, au nom de la fraternité, vous exprimez le désir, tout en
n'étant pas contre l'intégration, que le gouvernement
établisse des règles, des conditions qui serviront
préalablement à la justification de l'adoption de
l'intégration d'un corps de police dans un territoire donné. Ce
que vous voulez connaître, c'est la motivation, les raisons, les
règles, les normes appelez ça comme vous voudrez
qui doivent présider à l'intégration d'un corps de police
dans un territoire donné.
M. MARCIL: Oui, qu'on ait la chance de se prononcer. Je pense que nous,
les syndicats, le fait de se prononcer ce n'est pas quelque chose qui est
valable. C'est quelque chose qu'on doit essayer parce que les structures de
notre société nous y ont placés, nous, les syndicats. Je
pense qu'on a fait quelque chose au Montmartre canadien. Je félicite la
Commission de police, le ministre, de l'initiative prise de nous avoir
réunis: les syndicats, les états-majors, les chefs. Je pense que
nous pouvons contribuer pour beaucoup sur le plan de la technique
policière, des moyens. Quand nous serons reconnus comme tels, je vous
dis sincèrement que nous serons certainement un rouage très
important dans les structures de la police et de la justice.
Ce que nous demandons, c'est d'être consultés. Quand on est
consulté, on donne son point de vue à vous; on peut, comme on le
fait aujourd'hui, dire: Je l'accepte ou: Je le refuse. Mais au moins on s'est
fait valoir et je pense que c'est bien normal et bien nécessaire qu'on
se fasse valoir.
M. PAUL: Dans cette même ligne de pensée, M. Marcil,
pourriez-vous nous dire si vous et les membres de la fraternité
êtes opposés à la nomination ou à la création
d'un ministère de la police?
M. MARCIL: Oui, monsieur, nous y sommes opposés.
M. PAUL: Personnellement, j'abonde dans les mêmes remarques que
vous. Il serait à craindre, par exemple, que le Solliciteur
général, qui serait en charge de ce ministère de la
police, alors qu'il habite dans une région criminogène, soit
peut-être porté à donner des directives qui ne seraient pas
dans l'intérêt commun.
M. Marcil, pourriez-vous, s'il vous est possible de le faire, nous
donner vos impressions sur ce danger que pourrait apporter la création
d'un ministère ou d'un ministre de la police dans l'établissement
d'un véritable Etat policier au Québec? Vous avez parlé
tout à l'heure de policiers qui surveilleront les autres policiers,
est-ce que vous n'y verriez pas le danger de la disparition possible de
certaines libertés démocratiques que nous connaissons?
M. MARCIL: C'est un peu dans cette optique. Premièrement, nous
nous posons des questions. A quelle place la Commission de police va-t-elle se
situer, disons, dans la nouvelle pensée d'un ministre de la police ou
d'un ministre de l'intérieur. Parce que le livre blanc, je le pense,
n'est pas clair. Et c'est bien important. Parce que la Commission de police,
nous a-t-il semblé, à un moment donné, à la lecture
du livre blanc, pourrait rester sous l'autorité du ministre de la
Justice; elle agirait en coordination avec le nouveau ministre de la police ou
le nouveau ministère comme tel. Or, nous trouvons que ce serait
difficilement rentable que dans deux ministères il y ait une Commission
de police qui donnerait, avec ses pouvoirs, des dictées ou des lignes de
conduite au nouveau ministère de la police. Connaissant les
ministères, je pense que tout le monde est bien content de ses
responsabilités au niveau du ministère qu'il
représente.
On lit, ici: 1. "Qu'un ministre réponde de l'ensemble de l'action
et de l'administration de la police au Québec devant l'Assemblée
nationale dans les limites des pouvoirs et attributions qui lui sont reconnus
par la loi;" Puis on lit, encore à la page 126: à 3: Que ces
pouvoirs d'intervention et de coordination l'autorisent à: a) être
informé régulièrement des opérations de tous les
corps policiers du Québec; b) exiger des rapports circonstanciés
sur les événements qui perturbent la paix, la santé, la
sécurité et l'ordre public; c) dépêcher, dans des
circonstances jugées
opportunes, des policiers pour prêter main-forte à tout
corps de police; d) enjoindre à un corps de police local ou
régional de prêter main-forte à un autre corps de police;
e) recommander l'attribution de subventions aux corps policiers
régionaux ou locaux pour les aider à défrayer les
coûts encourus, et en particulier pour la lutte au crime organisé,
au terrorisme et au crime économique; f) déclarer
exécutoires les recommandations de la commission de police; g)
recommander au lieutenant-gouverneur en conseil lorsque les circonstances le
requièrent la mise en tutelle d'un corps de police local ou
régional; la mise en tutelle h) déterminer les
champs de compétence et d'activités des divers corps de police du
Québec; i) ordonner à la Sûreté du Québec ou
à tout corps de police qu'il désigne de fournir pour la
période de temps qu'il indique ses services sur les territoires
desservis par un autre corps de police lorsque ce dernier fait défaut de
remplir ses engagements on peut trouver bien des raisons pour faire
défaut de remplir ses engagements à charge par les
autorités dudit territoire désigné d'en payer le
coût."
Quand on regarde dans les structures d'un cabinet nous savons
qu'à l'intérieur d'un cabinet, je pense, il y a des positions qui
sont prises je pense que chaque ministère a une autonomie qui le
distingue bien. Je pense qu'on est assez chatouilleux.
Ce sont des choses humaines que nous-mêmes, nous reconnaissons
chez nous, les policiers. Mais je pense qu'avec l'avènement d'un
ministre de la police, avec les pouvoirs qu'il aurait présentement;
pouvoirs par lesquels il pourrait, par décret, simplement donner une
ligne de conduite, mettre en vigueur certaines choses, nous y trouvons un
certain danger. Parce qu'à ce moment-là, si vous regardez les
recommandations, le ministre de la police va se situer, à un moment
donné, à certaines périodes, entre tout le cabinet et le
premier ministre. C'est dans une position critique qu'il va se situer.
Avec tous les moyens techniques que vous pouvez donner aujourd'hui
je ne voudrais pas faire de procès d'intention et je pense que ce
serait mal vu on peut toujours... Les gens qui sont en place ici, je
pense, sont tous bien intentionnés, et ce n'était peut-être
pas l'idée du livre blanc mais je vous dis qu'il se pourrait,
éventuellement, qu'une personne qui prendrait cette fonction-là
avec les pouvoirs qu'elle aurait, contrôlerait à ce
moment-là beaucoup de gens. C'est un des dangers, peut-être pas
pour aujourd'hui, mais je peux vous dire que, dans cinq ou dix ans, les
événements, nous ne les connaissons pas et les gens qui
rempliront ces fonctions-là, non plus. Seront-ils bien
intentionnés ou auront-ils d'autres intentions que celles de desservir
les citoyens? Toujours sous prétexte de l'efficacité.
M. PAUL: M. Marcil, si vous me le permettez, j'aurais une
dernière question, tout en me référant aux pages 5 et 6 de
votre mémoire. Dans le bas de la page 5, je lis ceci: "Cet empressement
à vouloir tout régler par la seule efficacité de l'action
policière pousse le citoyen à donner involontairement au policier
une stature de nouveau croisé, seul responsable de faire respecter les
lois, prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs et aussi le moyen
le plus sûr à la fois de contenir la criminalité et
à la fois de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne." C'est
sur le texte suivant que je voudrais vous poser une question. Faudrait-il se
surprendre alors que la police, poussée d'ailleurs en cela par l'inertie
de ses concitoyens, prenne en main l'ordre et la justice, se fasse l'arbitre
entre la protection de la société et la liberté de
l'individu? Est-ce que vous pourriez commenter ce passage de votre
mémoire et qu'est-ce que vous voulez dire exactement?
M. MARCIL: C'est parce que l'on dit: Que toute l'efficacité,
toute l'action policière contre le crime, contre tous les maux, les
phénomènes d'une société qui est en
évolution constante, c'est strictement le policier, par
l'efficacité d'une force policière. On se dit, à un moment
donné, à quelle place allons-nous nous situer? On dit, ici: "...
poussée d'ailleurs en cela par l'inertie de ses concitoyens, prenne en
main l'ordre et la justice." Pour nous, c'est tout cela le
phénomène du pourcentage de solution de crime, toute la vague que
nous avons présentement, les problèmes. On dit: C'est le
policier. C'est seulement sur l'efficacité policière. A un moment
donné, on va nous situer, ce sera toujours notre faute. Je pense que
cela est un peu historique aussi, que c'est toujours notre faute. Pour les
autres structures, on est chatouilleux pour faire des livres blancs
là-dessus, on ne veut pas trop changer le système qui est en
place.
De notre côté, la police, on vient à peu près
à toutes les décennies, c'est le rôle de la police que l'on
veut changer complètement. Encore une fois, cela n'a jamais rien
changé. Changez les structures, il reste que les hommes en place ont
fait des structures qui sont fonctionnelles et des structures,
réellement, qui vont très bien. Changez l'homme en place et vous
avez des structures qui ne fonctionnent pas. On aurait dû, au lieu de
changer les structures, regarder celles qui sont en place et trouver
réellement les gens qui pouvaient les faire fonctionner.
On dit: Qu'est-ce que cela apporte? On regarde à la page 5 du
livre blanc: "Cette inefficacité du système a d'autres
conséquences. Que la recherche du criminel soit constamment
stérile et que la justice soit continuellement bloquée par la
mauvaise foi de l'adversaire, l'on constatera bientôt des
réactions émotives de la part des policiers et des citoyens:
excès de l'action policière brouillonne, frustation qui invite le
policier à la passivité, mépris des
citoyens à l'égard du système judiciaire etc. C'est
justement dans ce contexte-là, lorsqu'on le regarde, c'est un peu
peut-être la théorie que le ministre avait
développée, que le policier, se situant dans une critique, va se
demander, à un moment donné, s'il va se faire l'arbitre entre
l'ordre et la justice, entre la protection de la société et la
liberté de l'individu.
M. PAUL: Je vous remercie, M. Marcil.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.
M. DROLET: Tout comme le député de Maskinongé, je
remercie M. Marcil de nous avoir lu et déposé ce mémoire.
J'ai remarqué qu'il a fait allusion tout à l'heure à ce
que j'avais dit lorsqu'il a parlé surtout du livre blanc de la police
plutôt que du livre blanc de la justice.
Maintenant, j'aimerais tout d'abord le rassurer un peu. Quand
même, au début de son mémoire lorsqu'il dit: "Dans le
contexte prévalant, caractérisé par des critiques
exagérées à l'endroit de la police venant des milieux les
plus divers", je peux assurer M. Marcil que, représentant un
comté rural et même avant d'être député, ayant
travaillé parmi la population je ne parle pas des grandes villes
comme Montréal ou Québec, mais je parle du milieu rural dans
l'ensemble la population en général n'a pas de critiques
exagérées à formuler envers les policiers. Je tenais
surtout à le rassurer là-dessus au début. Maintenant,
comme l'a souligné tout à l'heure le député de
Maskinongé lorsqu'il a dit qu'il avait dû corriger le texte du
ministre, je pourrais lui dire qu'il m'a consulté dans ses questions,
car ce sont celles que je voulais poser. J'en aurais seulement une à
poser.
M. PAUL: Ce ne serait pas la première fois que je pourrais vous
servir de maître.
M. DROLET: Alors, j'en aurais seulement une à poser à M.
Marcil, avant que mon collègue de Lotbinière lui en pose
quelques-unes aussi. Lorsqu'à la page 7, vous parlez beaucoup de
centralisation, vous semblez craindre énormément de vous faire
contrôler, diriger par l'Etat. Vous avez parlé tout à
l'heure, vous avez donné des explications concernant un ministère
des affaires policières, un ministère de la police. Mais ne
croyez-vous pas que, même si vous demeurez sous l'autorité du
ministère de la Justice, vous ne pouvez quand même pas vous faire
diriger ou contrôler par l'Etat ou, en fin de compte, que vous soyez
dirigé ou contrôlé par le ministère de la Justice ou
par le ministère de la police? C'est la même chose, c'est
là-dessus que j'aimerais avoir des éclaircissements.
M. MARCIL: Bien, quand on dit que l'un des rôles naturels du
ministre de la Justice, c'est d'être arbitre dans ces
situations-là, je pense que c'est son rôle naturel d'arbitre. Je
dis de rester dans le contexte avec un sous-ministre de la
Justice qui se donne, à un moment donné, un conseiller
qui, réellement, peut faire l'appréciation sans être pour
tout cela, disons, pris personnellement, faisant partie d'un corps de police
avec ses propres idées ou, encore une fois, disons sa façon de
concevoir son corps de police. Encore une fois, je pense qu'un des rôles
du ministre de la Justice, c'est le rôle d'arbitre qui est naturel chez
le ministre de la Justice et, à ce moment-là, il ne doit pas nous
détacher, nous les policiers, d'un embranchement naturel de la justice,
parce que, lorsque l'on parle de justice, ça part du législateur
et ça s'en vient à tous les systèmes de tribunaux et
ça s'en vient jusqu'à nous, les policiers. Disons qu'on ne
devrait pas nous divorcer de ces structures-là qui sont naturelles. Il
restera toujours au ministre de la Justice de pouvoir réparer des
erreurs, parce qu'il aura en main les gens qui pourront peut-être... Mais
nous sortir, nous soutirer complètement de ce
ministère-là, ça place le ministre de la Justice
strictement dans un rôle administratif de la justice et pour tout cela,
sans qu'il ait de regard sur la police. Il est bien évident qu'on
n'accepte pas que le ministre de la Justice ait tous les pouvoirs qui sont
recommandés aussi dans les livres blancs. Au moins que l'on puisse
placer dans les structures, tel que je l'ai dit tantôt, d'un
sous-ministre qui pourrait certainement faire la part des choses,
l'appréciation des corps de police, l'appréciation des
événements, les situer dans un contexte. Je pense, encore une
fois, que c'est une recommandation que nous avons faite au mois de
février. C'est celle que nous avons retenue pour au moins nous garder
dans des structures où il pourra facilement, s'il y a injustice ou
quelque chose qui se passe, avoir l'autorité de tout remettre en
place.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Marcil. Le député de
Lotbinière a une question à poser.
M. BELAND: Oui, vous avez laissé soupçonner certains
doutes que vous pouvez avoir dans le moment ou que vous avez eus jusqu'à
ce jour au sujet des outils nécessaires ou de certains outils
nécessaires pour exercer efficacement vos fonctions de policiers. Vous
avez même, en page 5, émis l'opinion que justement vous n'aviez
pas eu les outils nécessaires ou qu'on ne vous avait pas donné la
permission d'aller creuser à l'origine des maux ou des malaises actuels.
Dans quel sens avez-vous dit cela?
M. MARCIL: Je regrette, ici, j'aurais pu vous montrer un exemple facile.
Je l'avais ce matin. Vous avez l'auto que voici: "Introducing a crime stopper
so advanced that Dick Tracy does not have it yet ! Cela fonctionne
présentement dans les milieux américains. C'est simplement sur
une console à côté d'une auto-radio, le type peut
communiquer avec une centrale et cela peut passer à peu près par
tous les échelons de la justice américaine, des corps de police;
dans
l'espace d'une minute, vous pouvez avoir facilement la description d'une
auto, savoir à qui appartient cette auto-là et obtenir une foule
de renseignements sur le propriétaire de cette auto. C'est un
exemple.
Chez nous, on a enlevé le système de "line-up",
c'est-à-dire que la Sûreté se réunissait tous les
matins et on faisait un "line-up" des gens qui avaient été
arrêtés pour voir si les policiers ne recherchaient pas ces
gens-là pour d'autres crimes. Cela a été aboli
arbitrairement en 1962. Aujourd'hui, vous vous en allez dans la rue
sinon, on vous passe quotidiennement, dans un journal, des portraits
mais il est difficile avec un portrait-robot d'identifier quelqu'un. Nous avons
toujours demandé d'avoir un système de circuit fermé de
télévision pour que, quand ces choses arrivent, les policiers
d'un poste puissent dire: Celui-là est recherché, un tel est
recherché dans telle cause; il y a une jeune fille disparue, il y a
telle personne. Ce sont des moyens que nous n'avons pas présentement. On
pourrait continuer cette énumération. Chez nous, encore une fois,
les armes que nous utilisons depuis 20 ou 25 ans, ce n'est rien. Ici, à
Sainte-Foy, vous avez dans l'auto-radio un fusil 12, mais chez nous c'est non
existant. Chez nous, le policier arrive sur la scène du crime il
y a peut-être eu une vingtaine de fusillades, si ce n'est pas plus, dans
le courant de l'année il a encore une arme à six balles,
alors que le voleur ou le criminel a les meilleurs équipements, les
meilleures mitrailleuses. Je comprends que les villes sont aux prises avec des
problèmes financiers et c'est pour cela que nous disons qu'il y a
certainement quelqu'un... Je trouve curieux que l'Union des
municipalités n'ait pas fait à ce jour de démarches. Quand
on dit qu'en temps de guerre le gouvernement fédéral donne tous
les subsides pour le bien de la cause et qu'en temps de paix on mesquine, il
n'y a absolument rien qui est fait pour venir en aide aux forces de l'ordre,
par les municipalités, pour un besoin de 5 p.c. ou 10 p.c, dans le sens
d'une réglementation municipale, alors que le policier fait appliquer
à 80 p.c. le code criminel et les lois provinciales. Je trouve
qu'à un moment donné il faut que quelqu'un nous vienne en aide
pour remplacer un équipement aujourd'hui désuet. Regardez
à Montréal, il n'y a pas de doute que l'équipement est
insuffisant malgré que l'équipement soit un peu plus moderne que
dans d'autres villes. Il y a déjà sur le marché un
équipement plus moderne et qu'on n'a pas.
M. BELAND: Je suis complètement d'accord qu'il y aurait à
faire une coordination d'efforts et compte tenu de tous les outils
nécessaires. Maintenant je pose une autre question. Vous semblez douter
à un endroit que la société se soit à ce jour
donné des lois justes et nécessaires pour l'application de la
justice. Est-ce que, dans le passé, on a consulté les
différents représentants policiers dans le but de rédiger
ou avant de rédiger les différents textes de loi qui aujourd'hui
sont nos textes de loi et sont très rigides? Est-ce que vous avez
été consultés ou si quelqu'un d'autre l'a
été?
M. MARCIL: Sur le livre blanc, nous avons été
consultés à la fin, alors que, je pense, l'idée
était pas mal faite. La commission nous avait rencontrés mais,
encore une fois, c'était à la fin du livre blanc, à toutes
fins pratiques, nous avions l'impression que c'est après certaines
recommandations que nous avions faites qu'on a décidé de nous
consulter. Je ne voudrais pas faire de procès d'intention mais nous
avons été consultés à la fin sur le livre blanc.
Vous parlez de pièces de législation, on a amené le
gouvernement fédéral en juin 1970, on a sorti le bill 220. Le
bill 220, qui a été amendé et qui s'appelle C-218, est une
pensée législative qui modifie totalement le travail du policier.
Le policier n'a pas le droit d'arrêter, lorsque la sécurité
publique n'est pas mise en danger. Je vous demande ce que cela veut dire, quand
la sécurité publique n'est pas mise en danger. Le syndicat chez
nous et la fédération ont consacré plusieurs milliers de
dollars pour faire des représentations. Nous en avons fait au ministre
de la Justice, au Montmartre canadien. Il a immédiatement nommé
des conseillers à la Commission de police et on a fait un comité
qui réellement a bien fonctionné. Quand les législateurs
ont fait cette loi, je ne peux pas comprendre comment ils se sont
imaginé, les types qui ont fait cette loi, de quelle façon en
pratique elle pouvait être réalisée. Si après avoir
fait cette loi, ils étaient descendus dans la rue et avaient eu à
l'appliquer pendant six mois, ils auraient vu que c'est impossible. Lorsque la
sécurité publique n'est pas en danger, vous ne devez pas
arrêter, vous procédez par voie de sommation.
C'est-à-dire, je vais chez vous, je vais chercher la
télévision en couleurs, vous sortez, je vous donne une sommation.
Vous allez chercher l'autre, la sécurité publique n'est pas mise
en danger. Si je vous arrête la loi dit qu'elle a des dents
le policier est passible de poursuite au civil et au criminel.
Avant de partir, lundi, nous avons envoyé un
télégramme à M. Turner. Cette loi entre en vigueur le 2
janvier et il n'y a pas un policier dans le Québec qui la comprend.
Cette loi change, le plus radicalement, son travail de policier depuis 25 ans,
sa pensée de policier. Il n'y en a pas un qui a eu un cours, il n'y a
même pas d'instructeurs présentement qui sont habilités
pour donner ces cours. Quand nous avons siégé à la
Commission de police, il y avait le juge, qui présidait, puis sept
avocats, et nous avons eu toutes les misères du monde à
comprendre le sens de cette législation. On dit au policier: Toi, le 2
janvier, tu la mets en pratique. Quant au bill omnibus qui est
présentement en vigueur depuis deux ans, au Canada, les policiers ne
savent pas comment l'appliquer. D'un corps de policiers à l'autres, il
est appliqué
différemment. Il n'y a personne qui dit au policier: Toi, il y a
une nouvelle pensée, il y a une nouvelle législation, on va te
donner le temps de penser, te donner une nouvelle philosophie de cette
législation.
Je pense que c'est sérieux. Quand on prend le bill 218, s'il est
mis en vigueur le 2 janvier, je vous dis sincèrement, il y a un danger
sérieux pour le policier et la société.
M. CHOQUETTE: M. le Président, puis-je ajouter quelque chose
à ce que M. Marcil a dit en réponse à la question du
député?
M. Marcil, avec un groupe, a travaillé au sein de la Commission
de police pour faire des représentations au gouvernement
fédéral, et ceci, je crois, avant l'adoption du bill. De toute
façon, le bill C-218 tel qu'adopté, est un bill extrêmement
complexe, un bill qui comporte, je crois, 200 articles et plus. Cette semaine,
j'ai moi-même communiqué avec le ministre fédéral de
la Justice et je lui ai demandé de retarder la mise en vigueur de cette
loi pour une période de trois mois, de façon à nous donner
le temps d'assurer la formation voulue chez les policiers. Parce que le bill de
la façon qu'il est construit, délègue aux policiers des
pouvoirs, en somme, très considérables sur l'octroi de
cautionnement ou le refus de cautionnement, suivant les infractions ou les
crimes dont il est question. Il nous a semblé qu'il était
prématuré que le bill entre en vigueur le 2 janvier, tel que le
gouvernement fédéral le proposait.
J'ai entendu dire aussi que l'Ontario avait fait de même.
M. MARCIL: On vous en remercie, M. le ministre.
M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le
fédéralisme rentable ne rapportera pas grand-chose.
M. CHOQUETTE: Je ne sais pas, je ne dirais pas cela. Au niveau de la
rentabilité ou au niveau de l'efficacité de cette loi.
M. BELAND: Même si je savais que j'étais très
ignorant sur tout le fonctionnement de l'affaire policière au
Québec, je suis très content d'avoir posé cette
question-là et que vous m'ayez répondu dans ce sens-là.
Cela va, je pense, non seulement éclairer ma petite lanterne, mais en
éclairer plusieurs.
A la page 12, nous avons également relevé un petit
détail. Vous y émettez un certain doute concernant l'application
des changements qui seraient apportés subséquemment si ce livre
blanc était appliqué. Par contre, je me pose également la
question suivante: Lorsque l'on parle de tendance à ce que les
résultats d'enquêtes puissent avoir des suites seulement si le
ministre le veut, ou seulement si un tel politicien le veut, à ce
sujet-là, tel qu'énoncé, ou tel que je pense le
comprendre, ce facteur n'est pas nouveau. C'est malheureusement vrai, parce que
je ne suis pas en faveur de cela. Par contre, vous, de quelle façon
voyez-vous la possibilité d'améliorer ce domaine-là?
M. MARCIL: Je m'excuse, vous parlez d'améliorer quel domaine?
M. BELAND: D'améliorer le domaine à la suite d'un
résultat d'une enquête quelconque sur un état de fait bien
précis. Que ce soit pour vol, ou peu importe pour quelle action mauvaise
ou jugée mauvaise, mais qu'à un moment donné tout
arrête, pour s'exprimer en langage très clair, cela a
été arrêté soit par un politicien, soit par le
ministre ou soit par d'autres personnes, de quelle façon verriez-vous
une suite logique ou une nouvelle normalisation à la suite de ces
faits-là?
M. PAUL: M. le Président, j'en appelle au règlement.
Je comprends parfaitement les énoncés de l'honorable
député de Lotbinière, mais je dois vous dire que, pendant
le temps où j'ai été ministre de la Justice, je n'ai
jamais arrêté de procédures contre qui que ce soit et je
suis convaincu que le ministre de la Justice actuel n'entrave aucunement la
marche normale des policiers et les agissements de nos tribunaux. Je ne
voudrais pas que mon collègue, le député de
Lotbinière, saisisse cette occasion. Heureusement, ce sont des gens
plutôt avertis et très spécialisés que nous avons
ici ce matin. Je suis convaincu que les paroles du député de
Lotbinière ne reçoivent pas une oreille attentive de la part de
l'auditoire. Je voulais m'inscrire en faux, M. le Président, contre
cette déclaration du député de Lotbinière à
l'effet que le ministre ou des politiciens peuvent arrêter au sein du
ministère de la Justice le cours normal des plaintes qui sont
portées sur les recommandations ou à la suite d'enquêtes de
la Sûreté du Québec ou d'une sûreté
municipale.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez, je pense que
l'honorable député de Maskinongé a tout à fait
raison, mais je crois que, dans le mémoire de la fraternité, il
s'agit des enquêtes faites par la commission de police. La commission de
police, comme on le sait, de par sa loi, a le pouvoir de faire enquête
sur un ou des corps de police. Or, il arrive fréquemment qu'elle examine
par exemple le corps de police d'une municipalité, et à la suite
de son enquête, elle fait un rapport.
Or, aujourd'hui, en vertu de la loi telle qu'elle existe, les
recommandations de la commission de police ne sont pas exécutoires. Ce
qui se produit, c'est qu'il est laissé aux autorités municipales
ou au chef de la force policière dont il s'agit, le droit soit de mettre
les recommandations en vigueur ou de ne pas les mettre. L'objet de la
recommandation qui se trouvait au livre blanc visait en somme à
dire:
Une fois que la commission de police se sera prononcée, le
ministre de la Justice ou le ministre de la police ou de la
sécurité publique, si nous devions constituer un tel
ministère, pourra dire: Je considère que ces recommandations sont
valables et doivent être mises à exécution.
Ce n'est pas l'enquête policière qu'il s'agit
d'arrêter, il s'agit de savoir dans quelles conditions les
recommandations de la Commission de police doivent avoir un effet
exécutoire.
M. DROLET: M. le Président, sur le même rappel au
règlement, je pense que le député de Maskinongé n'a
pas saisi directement la question du député de Lotbinière.
Le député de Lotbinière n'a pas porté d'accusation,
absolument pas, il a tout simplement dit, en se référant à
la page 12, deuxième paragraphe, qu'il demandait des explications
à M. Marcil et je pense que M. Marcil était justement prêt
à répondre à la question du député de
Lotbinière. Il n'y a absolument pas eu d'accusation portée contre
qui que ce soit. Je ne sais pas s'il y en a qui se sont sentis
visés...
M. BELAND: Je n'avais nullement pensé non plus que l'honorable
député de Maskinongé se serait senti piqué, avant
de poser ma question. Je demanderais, s'il vous plaît, à M.
Marcil, s'il a quelques observations à faire à ce sujet.
M. MARCIL: Dans l'ensemble, ce qu'on dit dans le paragraphe, c'est qu'on
donne à la Commission de police les pouvoirs de faire enquête sur
la criminalité, sur l'efficacité des corps de police. On lui
donne tous ces pouvoirs. Après ça, on lui donne le pouvoir pour
que ses recommandations deviennent exécutoires. Je pense que c'est un
danger, c'est ça qu'on souligne quand il dit: "... devrons craindre
qu'une commission aux pouvoirs aussi étendus à cause de
l'imprécision même de sa compétence, puisse verser dans la
recherche abusive de tout ce qui pourrait tomber sous les dénominations
"terroristes" ou "groupements révolutionnaires", et demander ensuite que
les résultats de ses enquêtes deviennent exécutoires sur
décision du cabinet ou du ministre."
C'est notre interprétation du livre blanc, c'est l'impression
qu'il nous a donnée sur les pouvoirs de la commission de police.
M. BELAND: Pour notre part, je tiens à remercier
sincèrement M. Marcil pour les explications.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Marcil, comme tout le monde le sait, le corps de police de
Montréal, malgré ses imperfections, est sans doute un des corps
de police les mieux organisés, où les standards au point de vue
des qualifications sont peut-être parmi les plus élevés. Je
ne dis pas ça pour vous flatter au départ...
M. MARCIL: J'ajouterai aussi un des plus humains.
M. BURNS: On verra ça avec le temps, on jugera. Mais je me
demande si ce facteur n'a pas été l'élément
important dans vos réticences à l'égard de la
régionalisation. Je me demande si vous avez tenu compte du fait que,
pour beaucoup de corps de police, la régionalisation, à toutes
fins pratiques, revaloriserait la fonction de policier en augmentant les
qualifications requises, en augmentant leur efficacité et aussi en les
enlevant de la férule de certaines administrations municipales locales.
En somme, ma question est celle-ci: Est-ce que vos remarques ou vos
réticences concernant la régionalisation tiennent compte aussi de
l'ensemble des autres corps de police municipale au Québec?
M. MARCIL: Ce qu'on a dit au tout début, c'est que les
modalités, les mécanismes qui vont être mis pour une telle
régionalisation...Si on me dit que la région de la
Gaspésie sera une des dernières, peut-être que le taux du
crime ne nécessite pas immédaitement la régionalisation.
On dit là-dedans qu'on régionalise. Si on dit qu'on est d'accord,
on régionalise quoi? On régionalise où? De quelle
façon? Quels vont être les services qui vont être
impliqués? Il n'y a pas d'organigramme ou il n'y a pas de plan de
régionalisation. On dit qu'à un moment donné on pourrait
régionaliser la moitié du Québec en comparaison avec
l'autre moitié; on ne nous dit pas de quelle façon on va faire la
régionalisation. Quand on regarde l'article 16, il est dit: "Que le
lieutenant-gouverneur en conseil puisse sur recommandation du ministre,
après rapport d'un commissaire-enquêteur, décréter
l'intégration régionale des forces policières dans un
territoire déterminé". C'est laissé au cabinet. Nous
disons en le regardant qu'il n'y a pas de mécanisme qui aurait pu nous
dire la façon dont ils vont faire cette régionalisation; c'est
quelque chose de réellement valable dans tel contexte, dans un tel
milieu. Déjà, au point de vue économique, on a
divisé la province en dix régions; la commission Prévost
prévoyait la même chose. D'ailleurs, le livre blanc
là-dessus n'est pas précis, en ce sens qu'il ne nous dit pas de
quelle façon il prévoit qu'une régionalisation peut se
faire et soit rentable pour le citoyen et pour le policier.
M. BURNS: En somme, vous n'êtes pas, je pense, contre la
régionalisation en soi, mais plutôt contre les mécanismes
de mise en place...
M. MARCIL: Qu'on ne connaît pas.
M. BURNS: ...ou l'absence de mise en place.
M. MARCIL: L'absence de mécanisme de mise en place.
M. BURNS: J'ai une deuxième question. Vous avez fait
référence pour appuyer votre position contre la formation d'un
ministère des affaires policières, au Home Office en Angleterre
où je pense, que c'est de notoriété publique
la police est peut-être une des plus libérales au monde, au bon
sens du mot et non au sens ministériel du mot.
M. MARCIL: Pas toujours. Disons que c'est au bon sens du mot.
UNE VOIX: Sans plus de commentaires.
M. BURNS: D'autre part, vous avez référé
également au ministère de l'intérieur en France où,
peut-être, c'est le contraire. C'est peut-être une des polices les
moins libérales. Est-ce que dans cette optique, vous ne croyez pas qu'au
fond c'est la mentalité qui préside à la mise en
application de ces divers ministères de l'Intérieur ou
ministères de police plus que la structure elle-même, qui puisse
faire de ça un Etat policier ou quoi que ce soit?
M. MARCIL: Quand on a parlé du Home Office je crois que
c'est le ministre de la Justice qui l'a mentionné je pense qu'une
étude a été faite aussi en France. Si vous me permettez,
je vous lirai un passage de M. Lantier qui a été policier et qui
a vécu le système. A la page 46, il cite entre autres des
histoires de cabinet: "Est-ce que ce tempérament c'est un
policier dont la carrière a débuté en France en 1939 et
qui a pris sa retraite vers les années 1968-69 en quelque sorte
insaisissable déroute les hommes de gouvernement? Toujours est-il que la
police des policiers partage avec la gendarmerie, troupe d'élite s'il en
est, la constante humiliation d'être dirigée et administrée
par des personnalités issues de corps étrangers à elle.
Ces personnalités qui sont choisies parmi les préfets, les
professeurs, les militaires, les cadres syndicalistes ont pour point commun
d'avoir un égal mépris à l'égard des forces
qu'elles ont à administrer, une méconnaissance totale de la
profession qu'avec une idée fort exagérée
d'elle-même et une superbe imprudence, elles acceptent d'exercer sans la
moindre préparation.
Il y a divorce entre la police et ses dirigeants, c'est-à-dire
entre la police et ceux que les gouvernements prétendent lui donner pour
maîtres. Si l'on en croit les confidences de ces derniers, les
opérations se déroulent toujours selon le même
cliché. Un politicien plus ou moins chevronné arrive à la
tête du ministère de l'Intérieur avec l'intention bien
arrêtée d'utiliser la police pour des combinaisons du genre de
celles qu'il attribue à ses prédécesseurs. Dès le
début, il se heurte à la mauvaise volonté évidente
des cadres de la police qu'il soupçonne aussitôt de travailler
pour ses ennemis. Il se débarrasse d'abord des gens du cabinet, de ses
prédécesseurs et il les remplace par des amis personnels,
disposés à toutes les vilaines besognes susceptibles de favoriser
sa carrière et d'asseoir son propre parti. C'est ainsi que les cabinets
des ministres de l'Intérieur, à côté d'authentiques
fonctionnaires, attirés par la politique ou fidèles à des
amitiés, grouillent de personnages venus de tous les milieux. Ils
constituent une superpolice, incontrôlée et incontrôlable,
qui se permet au nom de la Sûreté nationale des opérations
et des coups dont les fonctionnaires de police sont parfois les
premières victimes. L'ensemble des fonctionnaires de police estime que
l'un des plus gros scandales depuis l'armistice de 1940 consiste dans le fait
que les cabinets des ministres de l'Intérieur ne sont pas limités
aux quelques personnalités respectables qui sont nommées par
décret et à titre provisoire, mais pullulent entre autres de
vrais potentats et de faux policiers qui encombrent, dénaturent et
compromettent la police officielle."
C'est une partie de son bouquin qui peut être citée. Je
pense je ne voudrais pas être un prophète de malheur, ce
qu'on dit, en anglais "prophet of doom" ou le croisé qu'en lisant
le livre blanc, et je l'ai dit, les gens de la commission auront bien saisi la
pensée de la Fraternité des policiers. On dit dans le
système actuel: Nous n'y voyons peut-être pas, à
première vue, avec les gens qui sont en place. Mais il reste qu'avec les
dispositions de ce livre blanc, nous nous posons des questions sérieuses
sur notre avenir, si les gens en place qui font un système ne sont pas
les gens que nous avons présentement. Je pense que c'est un peu
résumer notre pensée.
M. BURNS: Ne croyez-vous pas que la situation noire que vous venez de
nous lire ne pourrait pas aussi se présenter avec une direction
générale à l'intérieur du ministère de la
Justice?
M. MARCIL: Oui, il n'y a pas de doute. Je pense, encore une fois, d'une
façon ou d'une autre, en regardant les pouvoirs, on dit, à un
moment donné: Les pouvoirs accrus au ministre de la Justice. Avant de
partir, on aurait dû faire le bilan des années 1950-60, 1960-70 et
regarder réellement les structures qui sont en place. Je l'ai dit, le
pourcentage de solution du crime n'est pas le seul critère valable pour
changer complètement des structures. Quand on a changé chez nous
les structures, dans les années 1961-1962, il n'y a pas de doute que
cela a perturbé le service de police au complet. On a changé des
techniques, on a changé des moyens de travail de façon radicale.
Il n'y a pas de doute qu'à un moment donné, la solution est
allée un peu... le moral était mauvais. Il n'y a pas de doute que
ces mesures ne correspondaient pas à un travail qui avait
été fait chez nous par des policiers avec une expérience
de l'Amérique du Nord. Cela avait été implanté par
des gens venant de l'extérieur, peut-être bien
intentionnés, mais encore leur système ne pouvait pas
s'adapter au contexte nord-américain. Cela a changé
complètement chez nous. Quand on fait des changements de ces structures,
il n'y a pas de doute que l'efficacité des forces policières en
mange pour son coup pendant une certaine période d'années.
M. BURNS: Merci, M. Marcil.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. Marcil, les réponses que vous avez données
aux diverses questions sont très intéressantes, forment un vaste
tour d'horizon. Ce qui m'intéresse beaucoup dans votre mémoire,
c'est l'accent que vous mettez dès le début sur la
criminogénèse. Je suis content de constater que votre
fraternité porte un vif intérêt aux questions de
criminogénèse. Il semble que parmi les facteurs de
criminogénèse, vous incluez aussi bien les injustices sociales
que l'industrie du crime organisé. Est-ce à dire que vous vous
dirigez vers un deuxième front, que, outre les revendications
liées simplement à la sphère du travail, vous vous
intéressez de plus en plus au fondement véritable de votre action
au sens de votre action? En ce sens, est-ce que vous estimez que les
études que nous possédons actuellement au Québec sur la
criminogénèse sont suffisantes? Est-ce que celles de la
commission Prévost sont suffisantes? Est-ce que vous estimez qu'il
devrait y en avoir d'autres, qu'elles sont incomplètes? Donc, il
faudrait les compléter. Est-ce que vous estimez aussi que votre
fraternité devrait mener sa propre enquête sur les facteurs de
criminogénèse dans notre société, étant
donné l'expérience de première main que vous avez depuis
longtemps de tous ces facteurs de criminogénèse et des
résultats qui s'ensuivent pour notre société?
M. MARCIL: Je pense que vous essayez de résumer, en disant:
Est-ce que nous serions prêts à présenter quelque chose qui
pourrait situer l'ensemble de la justice, l'ensemble des forces de l'ordre dans
une meilleure lutte contre le crime? Je pense que c'est un peu votre
idée. Chez nous, quand on a parlé du bill C-218, strictement
comme syndicat, nous aurions pu nous empêcher de faire des
revendications. Nous y avons mis, encore une fois, une somme d'argent assez
considérable et aussi, je pense que nous avons éveillé
beaucoup de gens au Canada pour situer les dangers du bill C-218. Quant au bill
C-218, ce n'était pas simplement au point de vue du policier,
c'était aussi au point de vue du citoyen. Quand je vous ai parlé
tantôt du magazine, est-ce qu'on retourne à une
société de l'âge des cavernes? Est-ce qu'on retourne
à un cloisonnement primitif? Est-ce que les gens, aujourd'hui, qui
paient des taxes, je pense, assez substantielles, n'ont pas le droit d'aller au
théâtre, d'aller au musée, ou d'aller visiter des lieux
historiques sans que la peur d'un crime soit telle qu'ils soient obligés
de se barricader à l'intérieur de leur demeure?
Aujourd'hui, la criminalité que l'on voit aux Etats-Unis, c'est
une question de temps pour qu'elle nous frappe, chez nous. Les troubles
sociaux, ordinairement, suivent toujours au Canada, quelque temps après.
Il reste que dans tout ce contexte à chaque fois que l'on nous a
demandé d'apporter notre collaboration, nous l'avons apportée.
Nous avons dépensé des sommes d'argent quand on a
parlé tantôt des maladies chez les policiers au point de
vue des maladies nerveuses, etc. Nous avons investi un montant de $12,000
à $15,000. Nous investissons vis-à-vis de nos membres et aussi
vis-à-vis d'une société.
Pour répondre à votre question, je pense que si on nous
demandait notre collaboration, si on nous consultait sur certaines choses, il
nous ferait toujours plaisir d'y apporter notre collaboration avec
l'expérience que nous avons.
M. LAURIN: Est-ce que votre fraternité a l'intention de prendre
des initiatives sans qu'on les lui demande dans ce domaine-là?
M. MARCIL: J'essaie de comprendre, quand vous me dites: Prendre des
initiatives. Je pense que vous y avez rattaché les troubles et les
malaises sociaux que nous avons. Je pense qu'il serait assez facile pour nous
de critiquer les gouvernements. Ce n'est pas notre but. Nous nous en sommes
toujours tenus à l'objectivité dans nos revendications devant le
législateur, soit pour l'étude de bills privés ou encore
lors de commissions parlementaires pour faire valoir notre point de vue. Nous
serions prêts je pense que nous sommes certainement prêts
à contribuer à soulager les malaises de notre
société. Il n'y a pas de doute que lorsque le chômage est
plus élevé, c'est à ce moment-là que vous avez
besoin de plus de policiers. Dans le temps de la crise, on avait besoin de plus
de policiers. Par contre, lorsque le pays est en prospérité, que
les gens travaillent, ou que les réformes sociales correspondent aux
aspirations de la population, il n'y a pas de doute que notre travail est moins
affecté.
Vous pouvez avoir un corps de policiers qui se situe dans une banlieue
peut-être plus en moyen que la normale, là où on peut se
permettre d'avoir plus de policiers à cause des revenus de la
municipalité. Alors, on peut assurer une meilleure protection et,
à ce moment-là, le taux du crime va être non existant parce
que cela se situe exclusivement dans une banlieue à l'aise. Vous pouvez
regarder dans d'autres milieux, dans des milieux défavorisés, et
c'est peut-être l'exemple que l'on donne dans le Life.
A ce moment-là, ça prend plus de policiers, mais il faut
vous dire que nous sommes bien prêts à collaborer avec toutes les
institutions...
M. CHOQUETTE: M. Marcil, je ne pense pas que l'on puisse affirmer, et je
ne pense pas que
ce soit ce que vous dites, qu'il y a corrélation entre
prospérité et non-criminalité ou pauvreté et
criminalité.
M. MARCIL: Non, pas nécessairement.
M. CHOQUETTE: Il n'y a pas de loi automatique dans ce
domaine-là.
M. MARCIL: Non, pas nécessairement.
M. CHOQUETTE: On connaît des sociétés pauvres,
comparativement à la nôtre, où le taux de la
criminalité est très bas. Je crois que ce que les
spécialistes de la question ont déduit, c'est que ce sont les
périodes de changement social, les périodes de mutation,
là où la famille, où l'unité sociale est
brisée, soit par les circonstances, le déplacement ou autrement,
qui sont des facteurs qui incitent à la criminalité. A ce point
de vue-là, je pense que l'Amérique du Nord subit actuellement un
bouleversement et ça entraîne des répercussions.
M. MARCIL: Ce qu'on dit, c'est qu'une municipalité peut se
permettre 50 policiers, alors qu'une autre municipalité qui est dans une
situation moins favorisée, ne peut se payer, pour la même
population que 10 ou 15 policiers. A ce moment-là, dans une
société mieux placée, dans une banlieue, vous pouvez avoir
les services de 50 policiers, et que le nombre de personnes ou le même
prorata de policiers nécessaires se retrouvent dans une ville moins
favorisée. A ce moment-là, vous n'avez pas les gens en place pour
assurer une protection efficace... D'une façon, ce qu'on veut dire,
c'est que, les revenus n'étant pas suffisants, la ville n'embauche pas
le nombre suffisant de policiers pour les besoins de sa population. A ce
moment-là, ça permet au crime d'avoir plus de place dans cette
société qui se situe à ce niveau-là.
M. LAURIN: J'ai une dernière question, M. Marcil. J'ai
remarqué que dans les réponses aux multiples questions qui vous
ont été demandées, vous avez souvent mis l'accent sur la
consultation et la participation aux décisions qui affectent votre
travail. J'enchafne aussi avec ce que vous avez écrit en page 12: "Les
citoyens doivent craindre qu'une commission aux pouvoirs aussi étendus,
à cause de l'imprécision même de sa compétence,
puisse verser dans la recherche abusive de tout ce qui pourrait tomber sous les
dénominations terrorisme ou groupements révolutionnaires. "
Je pense que c'est un exemple que vous donniez peut-être. Est-ce
à dire que, dans cette recherche du sens de votre action et des
fondements de votre action, vos membres se refusent de plus en plus à
jouer un rôle purement passif ou encore à devenir les serviteurs
inconditionnels d'un ordre établi dont ils n'acceptent plus les
fondements?
M. MARCIL: Je pense qu'il faut bien se situer dans ce
contexte-là, et je l'ai bien dit. Encore une fois, les paroles que j'ai
citées sont les paroles de Camus dans son livre "Les justes". Il dit:
"Moi je suis au centre (il parle du policier) et d'ailleurs c'est pour cela que
je me suis fait policier, c'est pour être au centre des choses."
Chez nous, notre pensée est que nous respectons et faisons
respecter des lois. Notre rôle, ce n'est pas, je pense, de contester les
lois qui sont mises en vigueur. Je pense que ce n'est pas notre rôle.
Notre objectivité se situe au service d'un Etat, d'une formule
démocratique qu'une société s'est donnée.
Encore une fois, si une pièce de législation n'est pas
favorable ou ne correspond pas aux besoins du public, je pense qu'il y a des
gens qui ont le droit... Parce que moi, on m'a mis de côté, on m'a
dit: Tu ne feras pas de politique, tu n'auras pas le droit de te
présenter à une élection, tu ne seras pas organisateur
d'un parti politique. Puis, on me dit d'un autre côté,
après m'avoir tout défendu cela: Tu vas être celui qui va
juger que les règles d'une société, les règles
d'une législation sont justes ou sont injustes.
A ce moment-là, je dis que c'est la même chose. Si on me
disait, à un moment donné, que c'est moi qui donne le
consentement à une législation, ou je dis oui, ou je dis non. Je
pense, encore une fois là-dessus, que le policier comme tel, à
moins d'ordres réellement ridicules, je pense, dis-je, que ce serait une
question d'appréciation. Mais lorsque le gouvernement a adopté la
loi des mesures de guerre, on a dit après: Aujourd'hui ce n'est
peut-être pas cette loi-là qu'on adopterait. Parfait. C'est le
législateur qui décide. Mais quand on nous dit qu'on a agi avec
une grande naiveté, on charrie! On charrie, je pense, là-dedans,
d'une façon que nous n'acceptons pas.
M. PAUL: Vous avez toujours le respect de l'autorité.
M. MARCIL: Oui, il faut absolument que chez nous j'aie le respect de
l'autorité. Il le faut, parce que mon rôle se situe, je pense, et
le public nous regarde. Il regarde notre objectivité aussi. Il regarde
pour voir si nous ne sommes pas des gens radicaux. On pourrait facilement
monter sur des tribunes, mais, autant que possible, on essaie de faire valoir
notre point de vue avec plus d'objectivité. Je l'ai dit au tout
début, c'est pour cela qu'on vient devant la commission parlementaire;
peut-être qu'elle ne plaît pas, notre critique du livre blanc, mais
encore une fois, elle est basée sur l'objectivité. Dans ce qu'on
a pu penser, peut-être que certains nous diront que nous avons
erré; encore une fois, je pense sincèrement que nous avions vu
dans le livre blanc des choses qui nous ont fait réfléchir, qui
auraient pu se situer dans un contexte d'avenir fort difficile pour la
population et le policier. Quand la population
aura permis la police des policiers, elle se sera permis une police
d'Etat et c'est dans cette idée-là qu'on l'a écrit le
livre blanc. Je ne sais pas si cela peut répondre à votre
question.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le député de Matane.
M. BIENVENUE: M. Marcil, dès le début de votre
mémoire, dans l'introduction, vous parlez de ceux qui vous critiquent,
ceux qui soulignent votre grande naïveté ou votre soumission au
pouvoir et vous critiquez ceux qui vous critiquent; je vous donne
entièrement raison. Par ailleurs, vous dites plus loin, toujours dans
votre mémoire, que vous ne devez pas être séparés du
reste de l'appareil judiciaire, que vous ne devez pas être isolés
de la justice et je pense, comme vous, à tous les autres qui ont un
rôle à jouer dans la poursuite du crime et des criminels. Je sais
aussi que la police de Montréal, à laquelle vous appartenez, joue
un rôle prépondérant dans cette province, dans la poursuite
du crime et des criminels. Ma question est la suivante, M. Marcil: Quelle est
l'opinion ou quel est le degré d'appréciation de votre
fraternité, de vos membres vis-à-vis du rôle que peuvent
jouer certains autres facteurs ou éléments de l'appareil
judiciaire? Je pense en particulier aux tribunaux, parce qu'on sait quel
rôle important jouent les tribunaux, je pense aux sentences et je pense
à d'autres organismes telle la Commission des libérations
conditionnelles. Quel est votre degré d'appréciation de leur
assistance, de leur appui et de leur coopération dans la poursuite du
crime et des criminels?
M. MARCIL: Est-ce que vous m'accordez une seconde?
Je pense encore une fois, on l'a dit au début, que si tout
l'appareil judiciaire avait fait le bilan où nous sommes rendus dans la
société, est-ce que toute cette vague de libéralisme,
est-ce que toutes ces idées nouvelles de législation, on ne
devrait pas à un moment donné les arrêter? Tout le monde
devrait se réunir, le législateur, tout le monde de l'appareil
judiciaire, et dire: On fait le bilan. Qu'est-ce qui ne va pas? Est-ce que
ça se situe au niveau du policier? Est-ce que ça se situe au
niveau des tribunaux? Est-ce que à un moment donné, la politique
que le législateur fait est difficile en pratique et est-il difficile de
mettre en exécution pour le policier tout l'appareil judiciaire? Est-ce
que la formule des libérations conditionnelles est une formule qu'on
devrait repenser? Est-ce que le système pénitentiaire est
adéquat? Est-ce que réellement ça correspond aux besoins
d'une société?
Ce que nous, nous disons, c'est qu'il était ridicule, à la
fin du XIXe siècle, de tuer quelqu'un, de pendre quelqu'un pour avoir
tué un animal, quoiqu'un animal, dans le temps, fût quelque chose
de précieux dans la société.
Mais, on dit aujourd'hui: Est-ce que le balancier n'a pas changé
complètement? Ne s'en est-il pas allé pour nous placer
derrière les barreaux puis retourner à l'âge des cavernes?
Ce n'est pas seulement l'appareil judiciaire, ce n'est pas juste
l'efficacité policière. Vous pourrez avoir l'efficacité
policière la mieux planifiée, vous pourrez avoir le cas parfait
où tous les crimes auront été résolus à la
fin de l'année, mais est-ce que nous autres, en bas, la roulette qui
passe par les tribunaux, qui fait toute la roue et revient toujours dans la
même machine... C'est pour ça que nous avons dit que si on avait
regardé le livre blanc dans son entier, on n'aurait pas écrit ce
livre blanc-là. Ce n'est pas ça qu'on aurait écrit, parce
que ce n'est pas là le problème. Une partie du problème
est là, mais il se situe aujourd'hui. Le gouvernement
fédéral accorde des subsides à des instituts de
criminologie, peut-être à bon droit, mais nous, les policiers,
quels subsides avons-nous pour avoir les mêmes moyens, les mêmes
pensées? Chez nous, il y a dans le corps de police environ 3000 hommes
qui suivent des cours assez avancés. Ils le font à même
leur propre temps. Les policiers de la fédération dans la
province de Québec veulent se perfectionner, mais ils n'ont pas tous la
facilité de le faire.
Encore une fois, quand vous parlez de l'appareil, on se situait dans une
conférence de presse. Il y avait eu des policiers abattus. Il y a une
violence qui sévit présentement dans la société et
qui n'est pas admissible. Regardons un Etat comme les Etats-Unis, qui est
à peu près ce qu'il y a de plus riche. On en est rendu à
un degré tel, le crime agit de telle façon qu'on est
obligé de se barricader dans une société. Je paye mes
taxes mais le soir j'ai peur d'aller au théâtre ou à la
Place des Arts ou dans tout autre endroit, parce que je vais être
insulté, battu ou volé. Je pense qu'on commence à
dépasser les bornes. On revient vers l'état des cavernes. C'est
aussi simple que cela.
Quand on a fait une conférence de presse, au mois de septembre,
on disait: En l'espace de quatre jours, quatre policiers de carrière ont
été abattus. Ce matin, l'un d'entre eux, qui avait peine à
parler, disait: C'est "ma job". C'est vrai que c'est "sa job", mais sera-t-il
encore capable de la faire?
Le système, je le qualifierais ainsi, révèle
cependant l'avachissement d'hommes placés de bonne foi par les citoyens
au service de cette société pour la protéger et lui
permettre de vivre ainsi qu'elle a été conçue et
développée.
Le système permet aux politiciens de favoriser par de soi-disant
réformes l'infime minorité que sont les criminels au
détriment de l'ensemble des citoyens qui, eux, respectent les lois et
les règles du jeu. Ainsi à titre d'exemple, le système
permet à une certaine justice de se moquer ouvertement de la
société, en donnant à des criminels reconnus comme dangers
publics des sentences ridicules. D'ailleurs, ces mêmes criminels ne
manquent pas de réapparaître après deux ou trois ans et de
continuer dans le chemin du crime et de la violence.
Le système permet dans certains cas que les cautionnements
accordés soient une farce et permet aux criminels de continuer leur
vague de crimes, et, avec le fruit de vols commis, de se garantir en plus une
meilleure défense avec l'aide des meilleurs moyens: avocats, fabrication
de preuves, alibis, suppression de preuves, etc.
Le système permet encore qu'un criminel condamné avec
preuve hors de tout doute, comme le veut la loi, obtienne cette fameuse
libération conditionnelle ridiculement appliquée. En
conséquence, s'allonge avec une rapidité alarmante la liste des
criminels considérés comme les plus dangereux pour la
société.
Le système a voulu au cours de cette dernière année
que plusieurs criminels s'échappent de prisons reconnues à
sécurité minimale ou maximale. Mais la facilité avec
laquelle on s'en échappe ne permet pas de faire la différence
entre sécurité minimale ou maximale. Si on fait le bilan de tout
cela, on s'aperçoit que le système a imposé à notre
société une théorie de la violence telle qu'on se perd en
conjectures sur l'avenir de ceux qui viennent après nous.
Il devient donc urgent de remédier à cette situation. Je
suis de plus en plus convaincu que tous les citoyens et toutes les
collectivités doivent réagir auprès de tous les niveaux de
gouvernement et de tous les organismes responsables. Les policiers, comme
groupement à but social et économique, vont aussi réagir.
Il ne s'agit pas pour nous de mettre sur pied un escadron de la mort comme au
Brésil. Il ne s'agit pas non plus d'encourager le retour au
système des "vigilente" qu'il y avait aux Etats-Unis lors de l'ouverture
des territoires de l'Ouest.
Tout cela, c'est pour dire ce que tout le monde pense, que si on va
changer des structures, et faire le bilan du livre blanc dans dix ans. La
Commission de police donne un exemple et détermine les qualités
requises pour agir comme policier auprès de la jeunesse et la formation
à leur dispenser. Quel juge est habilité à dire ce qu'il
faut pour notre jeunesse? On demande tout du policier. Je le dis, nos membres
sont bien contents des policiers du Québec, il faut absolument, dans un
contexte social toujours en évolution et avec une rapidité
très alarmante, que ce soit lui qui soit à la base, qu'il se
rende apte à remplir cette tâche.
Il doit le premier s'acclimater à tout ce contexte social qui
dépasse les gens qui sont placés dans d'autres milieux, parce
que, dans toutes les réformes qu'on prenne le bill 218
l'application s'en fait par la base. En haut, on a fait, on a pensé, on
a pondu une législation sans regarder le côté pratique.
Lui, le policier, il fait face à la musique. C'est lui qu'on va
critiquer, c'est à lui qu'on va dire que ses preuves n'ont pas
été faites de façon intelligente, etc.
Il reste qu'on n'aura pas donné le nécessaire et que dans
dix ans, on reviendra dire: Est-ce que la solution du crime est meilleure?
Est-ce que le taux du crime est à la baisse?
Je pense qu'on n'aura pas cette raison-là parce qu'on a
oublié l'essentiel, de prendre l'appareil judiciaire pour que le gars,
quand il est pris, ne retombe pas toujours chez les policiers et que ces
derniers disent: Si c'est ça le système, on est aussi bien de le
laisser en liberté que de se faire tirer dessus. Et on remet le
détenu le plus tôt possible en dehors des prisons.
M. BIENVENUE: M. Marcil, êtes-vous, dans ce chapitre ou dans cette
optique, plus emballé que moi d'une déclaration récente du
Solliciteur général du Canada voulant qu'il valait mieux
s'assurer d'abord de la réhabilitation du détenu que de la
protection de la société?
M. MARCIL: Les deux vont ensemble. Dieu sait que nous ne sommes pas
contre une réhabilitation. Je vous donne un exemple. Relativement aux
libérations conditionnelles, nous sommes en présence d'une
première offense. Je pense que la société a jugé
que le détenu est récupérable. Quand on considère
un type qui se présente avec un dossier chargé aux
libérations conditionnelles, que sa dernière offense a
été un acte criminel commis avec violence, je dis que la violence
n'a pas sa place dans la société. Le type qui agit avec la
violence aujourd'hui... Le crime, qu'il soit commis de quelque façon que
ce soit, peu importe la gravité avec laquelle vous le commettiez
aujourd'hui, vous n'avez plus de critères. C'est la même chose
quand cela arrive devant les tribunaux et si ce n'est pas la même chose
lorsqu'on arrive aux libérations conditionnelles, celui qui a commis une
fraude, celui qui a fait une erreur, tout le monde est jugé sur le
même palier. On place tout ce monde-là dans la
société.
Le mot anglais "deterrent"... qu'est-ce qui reste comme moyen pour
empêcher que le gars y pense avant de commettre un crime? Toute la
société a mis une chose en marche. Elle a mis en marche le
système pour qu'il revienne au plus vite dans la société.
On s'est arrangé pour que la société paie la facture et
que ce soit elle qui soit toujours prise avec les mêmes criminels pour
lesquels elle paie une note qui est très élevée. Cela ne
lui assure pas sa sécurité parce que tout le monde du rouage n'a
pas fait "la job". Je ne dis pas que les gens ne sont pas bien
intéressés. Il reste, encore une fois, qu'il faudrait que tout le
monde se réunisse et se demande où on s'en va. C'est ce qui est
bien important.
M. PEARSON: C'est une question greffée sur celle qui vient
d'être posée.
M. CARON: La mienne aussi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Verdun.
M. CARON: La question du député de Mata-
ne était un peu dans le sens de la mienne, M. Marcil. Je tiens
à vous féliciter pour le beau travail que vous faites pour la
fraternité des policiers. J'aimerais savoir de vous à quel point
cela peut affecter le moral des policiers de voir la lenteur administrative des
tribunaux, à savoir que les policiers vont risquer leur vie pour les
criminels en songeant que dans deux ou trois ans après leur
libération, comme vous dites, avec des dossiers bien chargés...
J'aimerais savoir à quel point cela peut affecter les policiers dans
leur travail?
M. MARCIL: Naturellement, je pense...
M. PAUL: Si vous le permettez, excusez-moi, M. Marcil. Je voudrais bien
que mon collègue, quand il parle de lenteur de l'administration de la
justice, reste dans ce secteur.
Parce que votre question se réfère à l'attitude,
à la conduite de la Commission des libérations conditionnelles.
Il ne faudrait pas jeter une certaine confusion entre les deux.
M. CARON: Je veux dire au sens que la fraternité ne soit pas
satisfaite de l'attitude. Pour enchaîner: A quel point cela peut-il
affecter les policiers dans leur travail?
M. PAUL: Vous le questionnez actuellement sur l'attitude de la
Commission des libérations conditionnelles?
M. CARON: Exactement.
M. PAUL: Et non pas sur la lenteur de l'administration de la
justice.
M. CARON: Disons que je vais retirer ces paroles.
M. PAUL: Bien.
M. LE PRESIDENT: Si vous me permettez, M. Marcil, je voudrais d'abord
m'informer; il est 12 h 30. Est-ce que vous avez quelques questions?
M. BACON: Seulement une.
M. LE PRESIDENT: Peut-être, si M. Marcil veut être
libéré.
M. BACON: On pourrait le libérer.
M. CARON: Est-ce que la réponse, à savoir à quel
point ça peut affecter les policiers, on l'a trouvée?
M. LE PRESIDENT: Trois ou quatre questions?
M. CARON: Non, seulement une.
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, nous allons continuer encore
quelques minutes. Le député de Verdun. M. Marcil, si vous
voulez...
M. CARON: J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, M.
Marcil.
M. MARCIL: Vous aviez continué votre question?
M. CARON: Oui.
M. MARCIL: Chez nous, quand le policier a fait son travail, que le type
a une sentence, je pense qu'il y a un type qui a l'habilité qui
est le juge qui regarde les faits et qui soupèse le tout. Dans sa
conscience, quand le type a une sentence, je pense qu'il n'a pas la
satisfaction de dire: Je lui ai fait prendre dix ans ou je lui ai fait prendre
quinze ans. Ce n'est pas quelque chose qu'il savoure. Je ne sais pas si
ça répond à la question.
M. CARON: Ce n'est pas ce que je veux dire, M. Marcil. Je veux dire que
les types qui sont condamnés à quinze ans, au bout de trois ou
quatre ans dans certains cas, sont sortis. Vous ne trouvez pas que ça
peut affecter certains policiers? Et qu'ils se disent: Qu'est-ce que ça
va me donner de risquer ma vie? C'est là-dessus que j'aimerais avoir
votre opinion.
M. MARCIL: Il reste aussi, je pense, que le policier est un
professionnel. Je dis que c'est un professionnel. Ce n'est pas parce que
quelqu'un, à un moment donné, ne tire pas que nous acceptons le
système que lui-même ne ferait pas son travail. Dire que son moral
n'est pas affecté... C'est évident, les libérations
conditionnelles... Si on pouvait relater toutes les fusillades qu'il y a eues!
Je me souviens de Bruno Saint-Beloeil parmi les types, il y en a un à
qui il restait quinze ans à faire, un autre en a fait quatorze, un
autre, dix-huit ans, lui, il se pose des questions parce que, à un
moment donné, je pense que c'est sa vie qui est en danger.
Regardons la philosophie. Prenons comme exemple quand a commencé
une nouvelle vague de crimes. On a eu une nouvelle optique sur le crime, on a
commencé avec les cagoulards. Cela s'est passé il y a environ une
quinzaine d'années. C'était une nouvelle pensée du
criminel de se cacher la figure à l'aide d'une cagoule et d'avoir la
mitraillette.
On a appliqué des sentences qui n'étaient certainement pas
équivalentes à une nouvelle idée de crime qui mettait la
société en danger, qui empêchait complètement de
faire la preuve, de faire l'alibi pour relier tel voleur à telle banque.
Aujourd'hui, vous regardez la solution du crime. Quand on regarde les
années 1950 ou 1951 : le crime classique du voleur, c'était le
vol de banque, avec les lunettes fumées et il y avait toujours des
moyens d'identification. Le poli-
cier avait à ce moment-là des témoins, des gens
avaient vu commettre le hold-up. Aujourd'hui, ce n'est plus cela, le type
entre, a la cagoule jusque là, les gants, la mitrailleuse. Qu'est-ce
qu'on donne au policier pour arriver à faire sa preuve? Ces
types-là sont arrivés devant les tribunaux, avec toute cette
nouvelle philosophie d'un crime, cette nouvelle façon de passer à
côté des tribunaux, parce qu'il est très difficile de faire
une preuve, surtout au cours d'une vague de crimes. A ce moment-là, on a
donné des sentences à peu près comme celles qui se
donnaient antérieurement. Le policier avait beaucoup plus de chance de
faire traduire le suspect devant les tribunaux. C'est ce que nous vous disons,
c'est un certain équilibre. Nous ne sommes pas des justiciers, mais nous
jouons un rôle dans une société et s'il y a des gens qui
sont réhabilitables, on les replace dans la société.
Dernièrement, j'ai été à une
émission. Cela faisait 17 fois que le type se faisait arrêter pour
avoir exposé sa personne. Je pense que rendu à la 17e fois, il y
a certainement quelque chose qui accroche. La quatrième fois, il y a
quelqu'un qui dit, dans tout ce monde-là: Il est malade. Il est malade,
on va le faire soigner. Qu'on le fasse soigner. Mais quand c'est la 17e fois
qu'il expose sa personne à des enfants, il y a une limite je pense. Pour
le prendre, à part cela, c'est difficile, cela se fait toujours sous le
couvert d'un imperméable ou d'un paletot. Combien avons-nous mis de
policiers, d'heures pour le retrouver? Combien avons-nous eu de plaintes des
parents? Combien y a-t-il de parents qui ne sont pas venus faire de plainte?
Combien y a-t-il d'enfants qui ont été affectés? Le gars
est malade. On a attendu 17 fois pour faire quelque chose.
M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.
M. BACON: M. Marcil, vous avez semblé signaler qu'il y avait un
manque d'information dans la mise en place de la régionalisation.
J'aimerais que l'on se place dans une optique à l'extérieur de
l'île de Montréal, que l'on regarde la situation des
régions comme celle que je représente: Trois-Rivières,
Trois-Rivières-Ouest, et qu'on traverse de l'autre côté du
Saint-Maurice, au Cap-de-la-Madeleine. Vous ne trouvez pas, quand même,
que le livre blanc, donne je regarde du moins à la page 131
une certaine forme de structure ou un "pattern", si vous voulez, de mise
en place pour la régionalisation? Je parle pour des choses en dehors de
l'île de Montréal.
M. MARCIL: Ce que je remarque, M. le député, c'est
qu'à la page 131, on ne donne pas de "pattern", on ne donne pas de
moyens. On dit: "En préférant la régionalisation à
la fragmentation d'un corps de police, nous retenons les avantages suivants"...
Moi, je ne suis pas contre les avantages, je pense qu'on se situe très
bien lorsqu'on dit que les avantages...
D'ailleurs, par ce que vous énoncez, je pense que c'est
très logique, mais que l'on nous dise les moyens, les mécanismes
qu'on va mettre en marche, quelle va être la formule
d'intégration, de quelle façon on voit la régionalisation:
est-ce que c'est au niveau de dix corps, est-ce que c'est au niveau de deux
corps? C'est ce côté-là. Je pense que tout le monde ici,
les policiers sont d'accord sur ce que vous dites. Ils sont peut-être
aussi d'accord avec le ministre quand il parle de la régionalisation,
mais on dit: Les mécanismes, les moyens ne sont pas mis en place.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux ajouter quelque chose sur ce point qui
soulève des questions de votre part, M. Marcil, et de la part du
député de Trois-Rivières? C'est que, au sujet du processus
de la régionalisation, nous avons quand même élaboré
dans le livre blanc l'idée du plan d'intégration des forces
à être intégrées. C'est-à-dire qu'avant de
procéder à la régionalisation le plan d'intégration
soit préparé par le commissaire-enquêteur. Nous n'avons pas
inventé cela de toutes pièces; c'est le système qui a
été employé en Angleterre et qui a donné
d'excellents résultats. D'ailleurs, nous avons envoyé des
délégués du ministère de la Justice qui sont
allés voir le fonctionnement, en somme, de ce système du
commissaire-enquêteur. Au niveau du commissaire-enquêteur, c'est
là qu'intervient le facteur de la consultation sur lequel M. Marcil met
l'accent et je pense, à juste titre. Je me souviens qu'en d'autres
circonstances, lorsque nous avons discuté de certaines lois qui
provenaient de la Communauté urbaine de Montréal, M. Marcil avait
soulevé enfin, je ne veux pas faire de reproches en l'absence de
certaines personnes le défaut de consultation qui avait
existé avant que l'on présente certaines mesures. Alors, je pense
que le facteur de la consultation intervient au moment du plan
d'intégration régionale des forces policières, c'est
à ce moment-là. Maintenant, le livre blanc ne peut pas
répondre à toutes les conditions particulières qui
prévalent au Québec à l'heure actuelle.
Trois-Rivières est différente de Hull, est différente de
Montréal, est différente de Québec, est différente
du Lac Saint-Jean et est différente de la Gaspésie, Dieu merci!
Nous ne pouvons simplement qu'indiquer un procédé pour arriver
à l'intégration, en rendant justice à ceux qui vont
être intégrés, c'est-à-dire principalement les
policiers.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, si vous permettez, on va permettre trois
dernières questions brèves, si possible, vu l'heure
avancée. Le député d'Olier, le député de
Saint-Laurent et le député de Saint-Jean. Le député
d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, j'aimerais poser une question
à M. Marcil. Dans le livre blanc, on
a émis la possibilité de créer, par exemple, ou
d'avoir sous l'autorité d'un ministre, les affaires policières.
Vous n'avez pas semblé d'accord sur ces suggestions. Je ne vous
blâme pas du tout, je suis un petit peu de votre avis là-dessus
parce qu'à ce moment-là, on créerait encore un autre
niveau.
Maintenant, il est une question qui a été soulevée
il y a quelque temps, non pas pour la première fois, car à
plusieurs reprises on en a entendu parler, est-ce que vous seriez d'avis qu'on
devrait soustraire complètement à la politique la fonction de
ministre de la Justice, que le ministre de la Justice soit complètement
en dehors de la politique? On éviterait probablement les choses que vous
avez insinuées tout à l'heure et, à ce moment-là,
on pourrait peut-être avoir un peu plus de collaboration. Je me base sur
le fait que nos gouvernements sont divisés en trois catégories
bien distinctes: on parle de l'administratif, du législatif et du
judiciaire. Or depuis le début de cette séance, on parle de
collaboration. Mais si, par exemple, le corps policier essaie d'avoir la
collaboration du judiciaire, à ce moment-là on se dit qu'on
essaie d'influencer le judiciaire. Par contre, le genre de collaboration,
quelquefois, que les policiers veulent avoir des juges, c'est tout simplement
d'être traités comme des êtres humains. Il arrive souvent
que les juges, certains juges, ont cette spécialité de
ridiculiser les policiers lorsqu'ils présentent des causes. Alors je
pense que, si on avait un ministre de la Justice qui serait à un autre
niveau, probablement à un niveau supérieur au législatif,
au judiciaire et à l'exécutif, on aurait peut-être une
meilleure collaboration, une meilleure coopération et on ne verrait pas
ces choses, dont il a été question tantôt, cette petite
organisation qu'on appelle la Commission des libérations conditionnelles
qui semble roi et maître. Et on se pose la question à savoir si on
ne devrait pas envoyer à chacun de ses membres un psychiatre pour leur
demander sur quoi ils se basent pour rendre leur décision. Alors, je
vous pose la question: Est-ce que vous seriez d'avis qu'il y aurait lieu de
soustraire complètement de la politique, la nomination ou la fonction de
ministre de la Justice?
M. MARCIL: Vous développez une théorie qui est fort
intéressante mais le ministre de la Justice répond de ses actions
au cabinet, au lieutenant-gouverneur en conseil, aussi à la Chambre et
aux parlementaires et je pense que c'est assez important. Déjà
quand on a créé la fonction de Protecteur du citoyen, simplement
pour trouver l'homme désiré, je pense que tous se sont unis pour
dire: Notre candidat serait valable. Si on considère le ministre de la
Justice, je pense qu'il remplit ses fonctions assez bien.
Ce que nous disons un peu, nous, quand vous regardez le livre blanc,
c'est que vous voyez quelqu'un qui est en bleu là-dedans; il est en bleu
dans une masse, une foule de citoyens, mais il ne doit pas se situer là
tout seul, le policier ne doit pas être tout seul là-dedans. Il
doit y avoir quelqu'un en vert, qui est le ministre de la Justice, quelqu'un en
rouge, qui est le juge; puis dans tout ce rouage-là, il n'est pas tout
seul, le policier. C'est pour ça qu'on revient un peu sur ce, que j'ai
dit. On me souligne que ce qui existe doit être vraisemblablement
à essayer.
Encore une fois, on est dans des structures. Moi, je vois le ministre de
la Justice à l'intérieur d'un cabinet, à
l'intérieur d'un gouvernement; je pense qu'il a un rôle
sérieux, c'est un des rôles auxquels on demande beaucoup dans
notre contexte avancé d'aujourd'hui. Mon opinion est que le ministre
devrait rester à l'intérieur du cabinet et, encore une fois,
faire partie du gouvernement.
M. CHOQUETTE: Une brève addition à ce que vient de dire M.
Marcil, simplement pour compléter un peu ce qu'il a dit. Cette
théorie a été avancée comme si la justice pouvait
en somme s'administrer sans contrôle, contrôle sur le ministre de
la Justice, à la fois du gouvernement dont il fait partie et de la
Chambre à laquelle il répond de ses actes. La justice n'est pas
toujours une chose qui s'administre avec le code à la main et on n'a pas
toutes les réponses d'avance aux gestes qu'on pose. Alors, il intervient
en grande partie une question de jugement, une question de politique, une
question d'appréciation, une question d'habilité. Ce sont toutes
ces choses-là qui font que le ministre doit être responsable
devant un corps qui n'est peut-être autre chose que la Chambre. Cela me
paraît une théorie qui ne résiste pas à l'analyse
que de vouloir sortir la justice et l'extraire complètement du processus
politique, malgré que j'admette la préoccupation du
député d'Olier. La préoccupation de base, je pense, que
traduit sa question, c'est que la justice doit ne pas être la victime de
la politique dans les décisions quotidiennes.
M. PICARD: Est-ce que vous croyez sincèrement qu'il y aurait
possibilité d'une collaboration entre les corps policiers, le
côté législatif et le côté judiciaire? On
vient de citer deux exemples. Du côté législatif, sur le
plan législatif, on présente un texte de loi à Ottawa qui
ne semble pas être applicable par les policiers. Du côté
judiciaire, j'ai dit tout à l'heure ce qui se passe dans certaines cours
de justice, non seulement à l'endroit des policiers, mais encore la
question des sentences ridicules que l'on donne dans certains cas.
M. CHOQUETTE: Le député d'Olier met en cause toute la base
de notre système politique. Les juges, on peut les critiquer ou on peut,
à l'occasion, critiquer certains de leurs jugements ou de leurs
sentences.
Mais un des principes fondamentaux de la justice démocratique,
c'est l'indépendance du
pouvoir judiciaire. Si moi, comme ministre de la Justice, comme mon ou
mes prédécesseurs, je pouvais prendre le téléphone,
et dire à un juge: M. le juge, tel criminel, vous allez lui donner
quinze ans, à ce moment-là, ce serait l'intervention indue de la
politique dans le jugement de quelqu'un qui doit juger en toute
objectivité et balancer le pour et le contre, comme le faisait tout
à l'heure M. Marcil lorsqu'il nous parlait, à la fois de
l'impératif de la réhabilitation et de l'impératif de la
sauvegarde et de la sécurité de la société.
C'est ça la fonction judiciaire. C'est ce qui rend la fonction du
juge difficile et c'est ce qui fait que le juge doit être
indépendant. Maintenant, ceci ne nous empêche pas comme citoyen,
comme homme politique, comme policier et comme n'importe qui d'ailleurs, de
pouvoir apprécier l'action des tribunaux, de porter un jugement et de
peut-être l'exprimer publiquement à l'occasion, toujours,
cependant, en termes modérés.
C'est un principe fondamental que le judiciaire doit être
indépendant, parce que c'est lui qui décide de la
culpabilité ou de la non-culpabilité et de la sentence.
M. PICARD: Je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que le
ministre ne peut pas prendre le téléphone et appeler le juge.
Mais qui dit au ministre qu'il n'y en a pas d'autres qui appellent le juge?
M. CHOQUETTE: Non, mais c'est justement là que nous comptons sur
le fait que nos juges sont intègres et compétents.
M. LE PRESIDENT: Avec votre permission, le député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. Marcil a justement répondu à plusieurs des
questions que je voulais lui poser, mais pour vous amener à plus de
précision, vous dites que les policiers soutiennent la justice et que
tout l'ensemble du système doit également épauler le
travail des policiers. Cela vous a amené à manifester, par
exemple, certaines réticences vis-à-vis de la question des
libérations conditionnelles.
Si vous aviez le choix, est-ce que vous recommanderiez, par exemple,
à un juge, la liberté de condamner quelqu'un à vingt ans
avec la possibilité qu'il soit libéré après cinq ou
six ans, ou si vous préféreriez, dans une cause où le juge
est obligé de condamner la même personne, au lieu de vingt ans,
à une sentence de sept ou huit ans, mais qu'elle fasse son temps?
M. MARCIL : Nous disons, nous, les policiers que quelqu'un juge à
un moment donné dans une circonstance bien particulière.
Peut-être à notre avis, qu'on échappe... Le ministre de la
Justice, lorsqu'il dit: Je ne sais pas si c'est un crime aussi odieux, il reste
qu'il y a un système de justice qui permet qu'il y ait un procureur de
la couronne et un avocat de la défense. La défense
présente la preuve ou un alibi, à ce moment-là, c'est le
juge qui décide.
La question qu'on peut se poser est la suivante: Est-ce qu'on ne devrait
pas tout simplement abolir le système judiciaire et de le passer
directement à la Commission des libérations conditionnelles?
J'essaie de reprendre votre question. Je dis que si, en
réalité, la Commission des libérations conditionnelles qui
décide qui retourne dans la société sans regarder le
dossier et évaluer le dossier, on manque un palier. Le juge qui a
regardé a dû dire: Si on lui a donné cinq ans,
d'après la sentence, il méritait cinq ans. Encore une fois, c'est
sur le crime de violence que nous avons pas mal retenu nos recommandations
lorsque nous avons fait cette conférence de presse. A ce
moment-là, pour un crime de violence, on devrait être beaucoup
plus sévère avant d'accorder des libérations
conditionnelles, mais je n'ai pas encore cette science infuse de la justice de
pouvoir dire qu'une telle sentence devrait être exécutoire pendant
cinq, six ou sept ans. Encore là, les gens qui sont en place ont
certainement une formation beaucoup plus poussée que la mienne pour
prendre ces décisions.
M. PEARSON: De façon générale, est-ce que vous
êtes satisfait ou non du système de libérations
conditionnelles ou si, dans votre esprit, vous aimeriez que ce système
soit revisé?
M. MARCIL: Encore une fois, je le redis, tout le monde doit penser
à se replacer dans le livre blanc. Il n'y a pas seulement le policier.
Je parle de tout le monde: le législateur, les tribunaux, la Commission
des libérations conditionnelles. Il faut se dire: Est-ce lui seul qui
tient tout ça, comme vous disiez tantôt? Dans la justice, chacun
est un maillon et la chaîne est aussi forte que tous les maillons sont
forts. C'est ça le secret de notre affaire. Si, chez les policiers, le
maillon est faible, la chaîne sera faible. Cela s'applique à tout
l'ensemble de la justice. Hypothétiquement, si on ne pouvait demain,
dans la province de Québec, arrêter au moyen d'appareils
électroniques, tous ceux qui ont commis un crime est-ce que cela
prouverait, est-ce que cela assurerait à la population que tous ces
mêmes individus ne seraient pas revenus dans la même
société pour toutes sortes de raisons? C'est là qu'on doit
faire la part, c'est là qu'on doit être sérieux. La
fraternité a bien l'intention de parler chaque fois que les citoyens
verront leur sécurité compromise, c'est un des buts que nous nous
sommes donnés. Aujourd'hui, nous vous remercions de l'occasion que vous
nous donnez de nous expliquer, de venir faire des revendications sur le livre
blanc.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Ce n'est pas une question à proprement parler que je
veux poser à M. Marcil mais c'est une réflexion que je voudrais
apporter ici. Je regrette infiniment, même si c'est la Fraternité
des policiers du Québec, que M. Marcil représente qui se fait
entendre, je suis quand même un peu déçu dis-je, qu'il n'y
ait pas un corps policier d'une petite ville autour de Montréal qui
vienne ici nous dire ce qu'il pense de la police et de la
sécurité des citoyens. Je prends l'exemple de Saint-Jean. On y
vit quand même dans un milieu mi-urbain, mi-rural. Nous avons des
difficultés.
Le policier éprouve des difficultés peut-être autres
que celles du policier de la ville de Montréal. Et comme le disait M.
Marcil, on doit lier très intimement à la sécurité
des citoyens non seulement la police, mais aussi tout l'appareil
judiciaire.
Je pose carrément la question au ministre: Est-ce qu'il est dans
l'intention du ministre de déposer un livre blanc sur le judiciaire et
la sécurité des citoyens pour qu'on puisse faire tout le
lien?
M. CHOQUETTE: Nous avons commencé par cet aspect du
problème. Comme vous le savez, nous étudions actuellement une
réforme complète des tribunaux. J'en ai fait état. J'ai
prononcé des conférences sur la question; j'ai parlé aux
juges municipaux, encore récemment, de cette affaire, j'en ai
parlé aux juges provinciaux au mois de juin dernier. Là encore,
nous visons à faire en sorte que notre appareil judiciaire et je
suis tout à fait d'accord avec ceux qui voient un tout dans le
fonctionnement du système judiciaire soit perfectionné,
soit mis au point.
Nous avons commencé par cette tâche aujourd'hui; je n'ai
pas dit que c'était la réponse à tous les
problèmes. J'ai dit que c'était la réponse à un
certain nombre de problèmes qui était proposée dans ce
livre blanc. On ne peut pas tout faire d'un coup et chaque étape suivra
son cours normal.
M. VEILLEUX: J'ai eu l'occasion de discuter avec les policiers, à
Saint-Jean, autant avec ceux de la Sûreté du Québec qu'avec
ceux de la police municipale de Saint-Jean. Ils nous racontent certaines choses
qui, je trouve, doivent être démoralisantes pour le policier qui a
à oeuvrer à l'intérieur de ça. Je veux remettre en
question ici tout le problème des fameux cautionne- ments. Vous avez des
types qui attaquent les policiers au coin des rues et ils arrivent devant le
tribunal et sont libérés, même après cinq ou six
attaques; ils ont un cautionnement de $50 en attendant leur procès.
C'est quand même décourager le policier à faire son travail
comme il doit le faire. Etre à sa place, je serais
découragé.
M. CHOQUETTE: Je comprends, mais il faut quand même comprendre
qu'il y a deux impératifs qui s'imposent au juge lorsqu'il a le devoir
d'analyser un cas, à savoir s'il doit donner ou ne pas donner un
cautionnement. Il y a, d'une part, la sécurité des citoyens:
éviter, en somme, que quelqu'un se serve de la période qu'on lui
donne pour le cautionnement pour aller commettre un autre crime. Il y a
également l'autre impératif: il doit présumer de
l'innocence de l'accusé jusqu'à ce qu'il ait été
trouvé coupable. Et vous voyez fréquemment des cas dans les
journaux où, quand un juge va imposer une sentence ou va prendre une
décision trop dure, ça va rouspéter dans l'autre sens. On
le rencontre fréquemment. Quand on est dans le domaine de la justice, on
est dans le domaine de l'ambivalence. Il y a toujours les deux points de vue en
présence et c'est ce qui fait la difficulté du
problème.
Evidemment, je comprends qu'il peut y avoir des erreurs qui se glissent
aussi au niveau des juges, ça se produit. Comme il y en a dans tous les
autres ordres d'activités.
M. VEILLEUX: Je vous rencontrerai prochainement, M. le ministre, je vous
donnerai des cas précis.
M. CHOQUETTE : Certainement.
M. LE PRESIDENT: M. Marcil, au nom des membres de la commission, je
voudrais vous remercier sincèrement pour la présentation de votre
mémoire et également pour votre collaboration très
constructive aux travaux de cette commission, ce matin.
Cet après-midi, à 16 heures, nous entendrons M. Roger
Lasnier, qui présentera le rapport de l'Association de bienfaisance et
de retraite de la police de Montréal.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 16 heures, cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
Reprise de la séance à 16 h 5
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs!
Je demanderais à l'Association de bienfaisance et de retraite de
la police de Montréal de présenter son mémoire.
Association de bienfaisance et de retraite de la
police de Montréal
M. LASNIER: Merci, M. le Président. J'aimerais présenter
les membres de mon conseil d'administration qui m'accompagnent ici aujourd'hui.
D'abord, à ma droite, le conseiller juridique de notre association, Me
Gaston Gamache; M. Jean-Pierre Roy, sergent-détective, administrateur;
M. Jean-Marc Demers, sergent de police et, à ma gauche, le
capitaine-détective, Jean-Guy Ménard, administrateur, et le
sergent Patrick De Caen, administrateur.
Nous aimerions présenter le document, le mémoire qui vous
est présentement soumis, d'une façon assez précise et
succincte. Pour les besoins du journal des Débats, je ferai la lecture
du chapitre 3, chapitre qui concerne d'une façon particulière le
livre blanc. Quant aux autres chapitres, j'en ferai un bref
résumé d'introduction.
Nous trouvons, au chapitre 1, le statut de notre association qui est
très bien expliqué, les mesures financières
appropriées à cette administration, la propriété du
fonds comme tel. A cet effet, nous retrouvons, à la section 22 de la Loi
des assurances, un article qui stipule que la propriété du fonds
d'une caisse de retraite est la propriété des membres qui
contribuent à cette caisse. Nous terminons ce premier chapitre par un
court exposé des services sociaux que notre caisse offre à ses
membres.
Au chapitre 2, nous retrouvons certaines remarques qui stipulent les
droits à sauvegarder de cette association, la reconnaissance et le
maintien de cette association face aux problèmes que nous avons à
résoudre présentement et, d'une façon particulière,
au projet de loi de l'intégration des forces policières de
Montréal qui répond, en quelque sorte, aux recommandations
à cet effet contenues dans le livre blanc du ministre de la Justice. Au
chapitre 2, nous avons voulu résumer cette situation et je voudrais
prendre quelques instants, avec la permission de cette commission, pour
résumer que, depuis 1892, le législateur, par une loi
spéciale, a très bien reconnu l'existence de notre association et
que les gouvernements qui se sont succédé ont apporté
certains amendements au cours des années.
Nous avons aussi, plus récemment, vers 1964, lors de
l'établissement de la caisse de retraite, du régime
supplémentaire des rentes, reçu une consécration, si je
puis utiliser le terme, du premier ministre de l'époque, l'honorable
Jean Lesage, alors qu'il nous déclarait ici, dans cet édifice,
que les droits acquis, non seulement de notre caisse privée, mais de
toutes les caisses de retraite privées seraient sauvegardés et
conservés.
Nous avons aussi plus récemment retrouvé dans un autre
texte de loi, au chapitre 75, Loi de la Communauté urbaine de
Montréal, à l'article 233, une autre consécration du
législateur envers notre association. Dans ce même chapitre, du
bill 75, nous rencontrons certaines recommandations, entre autres, celle de la
formation d'un conseil de sécurité qui devait faire d'autres
recommandations à la Communauté urbaine de Montréal. Or,
une de ces recommandations se situait justement à l'étude et
à l'uniformisation possible des caisses de retraite sur le territoire de
la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons aussi
également reçu à cet effet l'approbation des policiers de
banlieue, dont nous avons ici aujourd'hui la présence du capitaine
Hubert Grenier qui est le président du groupement des policiers de
banlieue lesquels ont manifesté un désir bien évident au
conseil de sécurité, soit un seul fonds de pension, et pas
n'importe lequel, mais celui de l'Association de bienfaisance des policiers de
Montréal.
Nous avons, en conformité avec ce bill 75, après de
nombreuses rencontres, consultations, négociations, tant avec le
comité exécutif de la Communauté urbaine qu'avec les
membres du conseil, adopté les articles 14 et 17 contenus au
règlement 26 de la Communauté urbaine. Cette même loi qui
stipulait que cedit règlement devait faire l'objet d'une étude ou
d'une enquête de la part de la Commission municipale de Québec,
nous avons encore à cet endroit soumis un mémoire et nous nous
sommes encore heurtés à certaines oppositions de villes de
banlieue qui ont été soulevées devant cette Commission
municipale. Nous ne retrouvons au rapport qui a été soumis au
gouvernement aucun effet contraire quant à la reconnaissance de notre
association comme devant être l'institution qui devait administrer la
caisse de retraite de tous les policiers de la Communauté urbaine.
Lorsque nous prenons connaissance de l'article 17, ce dernier stipule,
entre autres, que nous devions faire le nécessaire pour amender notre
loi afin de la rendre apte à s'appliquer à la Communauté
urbaine de Montréal. Or, vous retrouvez, à l'intérieur du
document déposé, aux chapitres 5 et 6 d'une part, le bill 106 qui
donne suite aux ententes établies que nous respectons, et, au chapitre
suivant, chapitre 6, la note explicative de cet amendement à notre
loi.
Donc, en fonction de tout ce problème d'intégration des
forces policières, en fonction du livre blanc du ministre de la Justice
sur la police et la sécurité des citoyens, nous retrouvons,
à l'intérieur du document qui vous est présenté, le
chapitre 3 que je lirai ici pour les fins du journal des Débats. "Le
ministre de la Justice, la police et la sécurité des citoyens. Le
maintien de l'ordre, la protection des citoyens et la sécurité de
l'Etat sont essentiels au fonctionnement normal de toute société.
C'est à la police que nos sociétés modernes confient la
responsabilité de faire
respecter les lois, de prévenir le crime et d'en rechercher les
auteurs. Pour s'acquitter de façon valable de la responsabilité
qui lui incombe, la police doit avoir une action qui corresponde aux
données sociales de son époque et de son pays. "En d'autres
termes, l'organisation des forces policières et la formation des
policiers doivent être adaptées à leur époque, au
genre de criminalité qui y prévaut, à la géographie
et aux structures politiques existantes, ainsi qu'à une conception
acceptable à l'ensemble des citoyens." (Texte: La police et la
sécurité des citoyens, avant-propos de l'honorable
Jérôme Choquette.)
L'Association de bienfaisance et de retraite de la police de
Montréal a retenu ces passages du ministre dans l'avant-propos de son
livre blanc. Nous laissons le problème syndical à la
Fraternité des policiers de Montréal Inc. Nous nous attarderons
d'une façon particulière au problème des caisses de
retraite des policiers, en fonction du livre blanc, mais surtout en fonction de
la Communauté urbaine de Montréal. Le tout se complétera
avec certaines recommandations.
En matière de fonds de pension, notre association a
démontré à maintes reprises la solidité de ses
assises. Sa compétence administrative a été
soulignée, son expérience a permis à de nombreuses
associations ou institutions d'y recourir de façon
régulière. A titre d'exemple, qu'il suffise de savoir que dans la
préparation de normes médicales d'embauche, lesquelles on fait
l'objet du règlement numéro 7 de la Commission de police du
Québec, ladite commission a consulté et demandé à
notre association son concours et ses recommandations sur le sujet.
Nous constatons avec fierté que notre collaboration et notre
expérience ont été utiles à la commission puisque
près de 100 p.c. des normes médicales édictées par
la commission sont identiques aux normes médicales de notre
association.
Le problème du fonds de pension a certes attiré
l'attention du ministre de la Justice, puisque nous retrouvons à pas
moins de six endroits différents du livre blanc, des questions à
ce sujet. Donc, nous formulons des remarques à certaines de ces
questions.
Pour répondre à la première question, à la
page 51: "Objection à l'intégration basée sur
l'inquiétude de certains administrateurs municipaux quant aux sommes
qu'ils devront débourser". Nous devons déclarer qu'il est exact
qu'il y aura des coûts additionnels à ces caisses de retraite. Il
ne faut pas s'en formaliser outre mesure, quant aux coûts additionnels.
N'a-t-on pas à ce jour déjà, de par le règlement
numéro 24 de la Communauté urbaine de Montréal,
accepté ce coût additionnel pour les fonctionnaires actuels de la
Communauté urbaine de Montréal? Pourquoi en serait-il autrement
pour la caisse de retraite des policiers de la Commu- nauté urbaine?
Toutefois, il est aussi intéressant de constater qu'à
l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal il y a
deux municipalités, deux villes qui ne possèdent pas de caisse de
retraite. Onze villes ne donnent le droit à la pension qu'à
l'âge de 65 ans et onze villes, à l'âge de 60 ans.
Pour répondre maintenant à la deuxième question,
à la page 84, concernant les conditions de travail du policier. Le
problème du fonds de pension se situe au niveau des conventions
collectives en termes généraux. La plupart des conventions
collectives comportent un article où il est stipulé que
l'employeur s'engage à maintenir les bénéfices en cours de
la caisse de retraite.
Quant à la ville de Montréal et à la
Fraternité des policiers, il n'y a aucune clause relative à la
caisse de retraite dans la convention collective, ce problème
étant laissé à l'Association de bienfaisance et de
retraite de la police de Montréal.
La troisième question, que l'on retrouve aux pages 85 et 86,
démontre la situation qui existe au niveau des caisses de retraite et
cette situation a été citée dans le livre blanc. Lorsque
l'on consulte le rapport des experts du comité Raynauld, nous retrouvons
encore une situation où le problème des caisses de retraite dans
la province de Québec laisse beaucoup à désirer au niveau
des municipalités.
A la Communauté urbaine de Montréal, il y a actuellement
seize régimes avec un règlement municipal, six qui ont un contrat
avec différentes compagnies d'assurance et un qui est autonome.
La quatrième question que l'on retrouve à la page 89, au
sujet de la syndicalisation, démontre ce que la syndicalisation a permis
d'établir dans certains corps de police, dont la formation de caisses de
retraite. N'eût été de ces syndicats, je crois que
plusieurs corps policiers attendraient encore. Nous avons récemment,
cette année, eu l'expérience avec certaines villes de la
province. Là encore, le comité Raynauld a très bien mis le
doigt sur un problème social qui existe dans nos municipalités.
Je dis que les syndicats ont très bien rempli leur rôle dans ce
domaine en voyant à accorder une certaine protection à leurs
membres, les policiers dans le cas actuel.
La cinquième question, à la page 135, soit la proposition
21, recommande l'implantation d'une caisse de retraite. Or, déjà,
nous avons comme je viens de le dire une caisse qui existe, une
administration, des assises qui ont fait leurs preuves.
Quant à la sixième question, page 147, soit la proposition
67, cette proposition recommande le transfert des fonds et le regroupement des
caisses sous l'autorité de la Régie des rentes. Or, dans le
projet de loi 106 de l'association, qui est soumis présentement à
l'Assemblée nationale, nous avons justement dans le sens
désiré et expliqué par le ministre de la Justice dans
son
livre blanc prévu un tel article qui nous autorise ainsi
à procéder de telle façon, par tels mécanismes de
transfert. Nous avons voulu, à bon escient, exposer et résumer le
contenu du livre blanc face au problème particulier du policier et de sa
retraite. Toutefois, nous devons nous opposer à l'abolition de certaines
tâches telles que contenues dans les propositions 43 et 44, page 140.
Nous appuyons à cet effet les revendications de la
Fraternité des policiers de Montréal et de la
Fédération des policiers du Québec. Quant à nous,
ce sont les implications financières sur notre caisse de retraite par
l'adoption d'une telle politique qui nous inquiètent grandement. Combien
de policiers verrons-nous mis à la retraite avec de semblables
recommandations? Quels seront les effets sur les caisses? Les coûts? Or,
il n'y a aucune couverture à cet effet.
Avec l'intégration des forces policières de la
Communauté urbaine de Montréal et l'intégration des
caisses de retraite des municipalités de banlieue, avec la caisse de
retraite de l'association de bienfaisance, nous verrons 1,000 policiers de
banlieue s'ajouter aux 4,000 de Montréal, c'est-à-dire que 100
p.c. des effectifs policiers de cette communauté
bénéficieraient d'une caisse de retraite valable. Je crois que
nous rejoignons ici les recommandations et les désirs contenus dans le
livre blanc lorsque l'on voit le regroupement sous une même caisse, que
l'on voit 100 p.c. de policiers, dans une région donnée pouvoir
bénéficier d'une caisse de retraite valable. Lorsque nous
utilisons le terme "valable", il existe présentement, non seulement dans
les différentes municipalités de banlieue de Montréal mais
dans le Québec aussi, des bénéfices très minimes.
Lorsque l'on utilise le terme "valable", nous voulons pouvoir étendre
à ces policiers de banlieue des bénéfices de retraite
valables, beaucoup supérieurs à ce qui existe actuellement dans
plusieurs municipalités de banlieue.
En matière de fonds de pension, notre association a
démontré à maintes reprises la solidité de ses
assises, sa compétence administrative. Son expérience
particulière dans le secteur des pensions des policiers a
été démontrée. Le législateur a reconnu et
ce, depuis 1892, l'existence de notre association, comme le démontrent
nos représentations faites au chapitre Il du présent
mémoire. Le ministre de la Justice a attaché une importance
particulière au problème des caisses de retraite dans son livre
blanc alors que ce problème y est soulevé pas moins de six fois.
Le ministre veut que soit assurée la transférabilité des
contributions et que soit instauré le regroupement des caisses de
retraite existantes sans affecter cependant les droits acquis.
Nous recommandons respectueusement que le ministre de la Justice
considère ce qui suit: a) de reconnaître la caisse de retraite de
l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal
comme l'institution qui doit assurer à 5,000 policiers de la
Communauté urbaine de Montréal, représentant 100 p.c. des
effectifs policiers de cette communauté, la protection nécessaire
et valable à la retraite ; b) de reconnaître le principe de la
transférabilité des fonds afin de faciliter l'intégration
des 1,000 policiers de banlieue et ainsi, assurer
l'homogénéité des bénéfices.
Les normes médicales d'embauche étant identiques par le
règlement no 7 de la Commission de police du Québec, les
difficultés de transfert ne sont-elles pas déjà
aplanies?
Ceci complète, M. le Président, le mémoire que nous
avons voulu soumettre à cette commission. En terminant, au nom des 4,900
membres actuels, actifs et pensionnés, de l'association, au nom du
conseil d'administration ici représenté par ces policiers et en
mon nom personnel, je tiens à réitérer mes remerciements.
Nous savons d'avance que le gouvernement, que le ministre de la Justice qui
comprend très bien notre problème l'étudiera et que nous
recevrons, dans l'intérêt des policiers et des citoyens de
Montréal et de Québec, toute l'attention et la
considération nécessaires.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Lasnier.
M. CHOQUETTE: Est-ce que des collègues veulent prendre la parole
avant moi?
M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le ministre de la
Justice ne sera pas sans retenir les demandes, la requête bien
fondée des membres de l'Association de bienfaisance et de retraite de la
police de Montréal. Autrement, qu'adviendrait-il, pour la protection
même, de cette intégration des policiers? Personnellement, je
trouve très intéressante cette recommandation qui nous est faite
et je souhaiterais, tout en félicitant les membres de l'association pour
la présentation de leur mémoire, que le ministre tienne compte de
cette demande, de ces desiderata de l'association qui ne feraient, une fois
appliqués, qu'accentuer la protection de ses membres et de ceux qui
viendraient se joindre à ce groupe déjà dynamique et
effectif et dont l'administration est digne de louanges.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que la position de
l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal a
été tout à fait clairement expliquée. Je voudrais
féliciter son président et les membres du conseil
d'administration. Ils peuvent être assurés que nous allons
considérer leur demande avec toute la sympathie voulue.
Je voudrais demander à M. Lasnier lorsqu'il a fait une
parenthèse dans son mémoire et qu'il a parlé des
recommandations 43, 44 et 45 s'il considère normal que les
policiers, qui sont payés en moyenne $10,000 et $11,000 par
année, soient affectés à des tâches qui ne
requièrent pas véritablement de formation
policière. Il y a, en somme, une foule de tâches secondaires dans
un corps de police, qui ressortissent à un service de police et qui ne
requièrent pas la formation que l'on exige normalement d'un
policier.
Est-ce que M. Lasnier considère qu'il est normal, pour des
administrateurs publics, d'utiliser les services de policiers pour ces
tâches-là, alors qu'ils pourraient être utilisés,
avec beaucoup plus d'avantages, à d'autres fonctions plus utiles pour la
société?
M. LASNIER: A cette question, M. le ministre, tout d'abord je voudrais
bien ici que l'on comprenne la position de notre association. La question que
vous soulevez est une question qui aurait dû être dirigée
vers le président de la Fraternité. Elle est un problème
purement d'ordre syndical d'une part et, d'autre part, la raison que nous avons
voulu invoquer en soulevant cette question dans notre mémoire est une
question d'ordre financier. Nous savons tous actuellement que et je vais
tenter avec l'exemple suivant de résumer et de répondre à
votre question nous retrouvons dans les corps policiers municipaux
plusieurs policiers qui, à la suite de maladie ou de blessures
reçues dans l'exercice de leurs fonctions, sont affectés à
des tâches qui ne requièrent pas les qualifications que vous
mentionnez. Or, nous serons devant une situation, quant aux caisses de retraite
et à la caisse de retraite chez nous, où nous devrons
forcément mettre ces policiers à la retraite et leur payer
prématurément des bénéfices de pension. Est-ce que
nous avons les moyens financiers de le faire du jour au lendemain? Je crois que
l'actuaire serait beaucoup plus qualifié pour répondre, mais je
crois que ce serait un effet significatif sur notre caisse de retraite, si nous
avions à envisager une telle possibilité du jour au lendemain.
Alors, notre objection est présentement je tiens à le dire
strictement d'ordre financier quant à l'administration et au
coût d'une caisse de retraite devant une telle
éventualité.
M. CHOQUETTE: Combien pensez-vous que nous avons de policiers au service
de la police de Montréal qui sont victimes d'une incapacité
partielle, permanente substantielle d'au-delà de 10 p.c. ou 15 p.c., sur
une force de 4,000? Cela peut être négligeable, je pense que vous
allez l'admettre.
M. LASNIER: Disons, M. le ministre, quand vous dites
négligeable... Même s'il y en a un seul...
M. CHOQUETTE: Je veux dire négligeable, le nombre peut être
négligeable.
M. LASNIER: Le nombre? Nous en avons plusieurs.
M. CHOQUETTE: Oui, mais quel est le pourcentage que vous pouvez
avancer?
M. LASNIER: Je me suis informé et nous aurions environ 3 p.c. de
notre force policière.
M. CHOQUETTE: Qui aurait...
M. LASNIER: A ce moment-là, 3 p.c...
M. CHOQUETTE: ...une incapacité partielle permanente
importante.
M. LASNIER: Oui, 3 p.c. de 4,000 donne un nombre de 120 et, l'an
passé, par exemple, nous avons eu vingt-trois policiers qui ont pris
leur retraite. Alors, vous voyez que cela quintuple déjà le
départ; et les coûts, à ce moment-là, lorsque nous
voulons nous en tenir aux coûts...
M. CHOQUETTE: Evidemment, vous laissez entendre que cela obligerait les
cent vingt à prendre leur retraite, ce qui n'est pas
nécessairement le cas, parce qu'on peut très bien garder cent
vingt policiers, même s'ils ont une incapacité partielle
permanente; on peut les garder dans certaines fonctions qu'ils peuvent exercer
normalement et qui requièrent, en somme, des capacités
policières. Cela n'entraîne pas nécessairement la retraite
des cent vingt que de dire que la tâche de coller des "tickets" ou
d'accomplir certaines fonctions banales, serait confiée à
d'autres. Est-ce que vous allez admettre cela avec moi?
M. LASNIER: Disons que je voudrais m'en tenir aux problèmes
financiers et, cette question-là, j'aimerais bien que vous la dirigiez
vers le président de la Fraternité dont c'est le rôle et la
responsabilité et non la mienne, ici présentement.
M. CHOQUETTE: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.
M. DROLET: M. le Président, tout comme l'a souligné tout
à l'heure le ministre de la Justice et l'ancien ministre de la Justice,
je remercie l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de
Montréal du mémoire qu'elle vient de déposer. Je la
félicite de son objectivité et je souhaite au nom du Ralliement
créditiste que les paroles du président soient entendues par le
gouvernement. J'ai tout lieu de croire que ce qu'il a dit, au nom de son
association, ne soit pas tombé dans le désert. Je pense, M. le
Président, que dans l'ensemble c'est tout pour le moment. Je n'ai pas
d'autres questions à poser.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M. PICARD: M. Lasnier, il y a une chose qui m'inquiète, c'est la
question du déficit actuariel
des fonds de pension des autres municipalités qui seront
intégrées aux forces policières de la Communauté
urbaine de Montréal. En 1967, nous avons approuvé un amendement
à la charte prévoyant que la ville de Montréal serait
responsable du déficit actuariel du fonds de pension de l'Association de
bienfaisance et de retraite des policiers et là on s'en vient avec la
formule d'intégration qui prévoit que la Communauté
urbaine de Montréal, comme telle, ne sera pas responsable des
déficits actuariels des fonds de pension avant le 1er janvier 1972.
Mais, après le 1er janvier 1972, la Communauté urbaine sera
responsable des déficits. Ce qui m'inquiète, c'est que seule la
ville de Montréal est responsable de son déficit. La ville devra
payer les déficits actuariels du fonds de pension au 31 décembre
1971. Mais, qu'est-ce qui arrive de toutes les autres municipalités? On
me dit qu'il y en a 24 ou 28 qui ont des fonds de pension ou différentes
sortes de fonds de pension. Je voudrais savoir ce que arrive dans le cas de ces
municipalités-là, qui, autant que je sache, ont certainement des
fonds déficitaires, si on les compare aux normes du fonds de pension de
la ville de Montréal.
M. LASNIER: Pour répondre à votre question, M. le
député d'Olier, député de mon comté, dans
les notes explicatives...
M. PICARD : Ce n'était pas arrangé, M. le
Président.
M. LASNIER: Non, d'ailleurs les notes explicatives que vous avez ici non
plus. Dans le bill 106 que nous avons présentement devant
l'Assemblée nationale, à l'article 9, dans les notes
explicatives, nous avons voulu très bien couvrir cette question du
problème de déficits actuariels, parce que nous savions d'avance
que c'était la pierre d'achoppement devant plusieurs
municipalités, devant plusieurs maires qui ont soulevé cette
question déjà à la Communauté urbaine et devant la
commission des Affaires municipales. Or, vous retrouvez, à l'article 9,
je vous ferai grâce de le lire, toutes les raisons et tous les motifs. Et
quant à la question que vous posez d'une façon
particulière, nous retrouvons la réponse dans la loi actuelle,
chapitre 84 des lois de 1969, le bill 75 de la Communauté urbaine de
Montréal, à l'article 233, alors qu'il est stipulé, non
pas seulement pour la ville de Montréal mais aussi pour toutes les
municipalités, que la Communauté urbaine ne devra assumer aucun
de ces déficits actuariels. Il est bien implicite que d'une part, au 31
décembre 1971, si c'est le cas, lorsqu'il y aura l'intégration,
nous verrons à cette date le déficit actuariel de Montréal
établi comme nous devrions voir aussi établis les déficits
actuariels de chaque municipalité, si c'est bien la date de
l'intégration pour chacune de ces municipalités. Or, à
cette date d'intégration, ou à ces dates d'intégration
s'il v a des dates les déficits actuariels de chacune des
municipalités devront être déterminés afin que
chacune de ces municipalités respecte bien l'esprit de l'article 233 de
la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.
M. PICARD: Mais précisément, M. Lasnier, l'article 233 du
bill 75 précise que la Communauté urbaine n'assumera pas les
déficits actuariels, mais il ne dit pas que les municipalités et
les fraternités de policiers, c'est-à-dire les associations de
bienfaisance des policiers de ces municipalités devront voir à ce
que leur municipalité défraie le déficit. C'est là
où est le point.
M. LASNIER: Dans notre projet de loi, nous avons couvert le
problème que vous soulevez.
M. PICARD : Vous avez mentionné tantôt votre projet de loi
no 106, je vous garantis que je le cherche depuis quinze jours et il n'a pas
moyen de le trouver. Je ne sais pas où il est. C'est un projet de loi
privé .
M. LASNIER: Nous vous en avons fait parvenir un.
M. PICARD: Je me suis informé au greffier la semaine
dernière et personne ne semble l'avoir. Où est-il ce
projet-là?
M. LASNIER: Vous l'avez présentement dans le mémoire qui
est déposé.
M. PICARD: Vous avez donné les notes explicatives, ici, du projet
de loi, mais on aimerait bien avoir le texte.
M. LASNIER: Vous avez mon mémoire, au chapitre 5.
M. PICARD: Le texte est parfois beaucoup plus intéressant que les
notes explicatives. La question qui m'inquiète, c'est de savoir si les
24 ou 28 municipalités qui ont présentement un fonds de retraite
pour les policiers devront assumer le déficit actuariel s'il y en a,
avant l'intégration le 1er janvier 1972.
M. LASNIER: Comme pour Montréal. Ce qui s'applique à
Montréal s'applique à chacune des municipalités.
M. PICARD: J'aurais une autre question à vous poser: Est-ce que
vous êtes au courant de la contribution de la ville de Toronto au fonds
de pension des policiers de Toronto? A Montréal, c'est 8 p.c.
M. LASNIER: Oui, monsieur. M. PICARD: A Toronto? M. LASNIER: 8 p.c.
M. PICARD: Quelle est la contribution du policier?
M. LASNIER: Identique.
M. PICARD: C'est identique à Montréal?
M. LASNIER: Voulez-vous reprendre votre question, s'il vous
plaît?
M. PICARD: Je voulais savoir si la contribution du Toronto
métropolitain, au lieu de la ville de Toronto, au fonds de pension de
bienfaisance...
M. LASNIER: Equivalente à celle d'un employé à
Toronto, 8 p.c. et 8 p.c.
M. PICARD: 8 p.c. et 8 p.c. Ici c'est 11 p.c. et 8 p.c.
M. LASNIER: 11.63 p.c. et 8 p.c.
M. PICARD: 11.63 p.c. à cause du rattrapage. Mais c'est 11 p.c.
et 8 p.c. Ce qui veut dire que la ville de Montréal, si on ne prend pas
en considération le rattrapage, à cause du fait que la ville n'a
pas contribué pendant deux ans, le taux est de 11 p.c. A Toronto, il est
de 8 p.c. Si on peut garder ça en mémoire, j'aurais une question
à vous poser. Lorsqu'on discute de convention collective, on discute de
salaires et d'avantages sociaux. N'est-il pas vrai que, dans le cas de
Montréal, les contributions de la ville, qui sont administrées
par l'Association de bienfaisance et de retraite, ne font pas partie des
négociations par la fraternité qui est le syndicat?
M. LASNIER: Elles font partie de ces négociations; c'est inclus
non seulement lors des négociations, mais aussi l'histoire de la
fraternité démontrera que, lors des arbitrages que la ville a
toujours mis en preuve, cette participation-là, ce coût, à
son service de la police.
M. PICARD: Je veux prendre votre parole, M. Lasnier, c'est parce que
j'ai des informations à l'effet remarquez bien que M. Marcil ne
sera pas content que je dise ça où donc est-il?
M. LASNIER: Il est ici.
M. PICARD: Il ne serait peut-être pas content que je dise
ça; mais il se peut que... J'ai des informations à l'effet
qu'après que la Fraternité des policiers de Montréal eut
réclamé et obtenu des autorités de la ville de
Montréal la parité de salaire avec Toronto, on s'est
réveillé avec les résultats suivants: c'est que les
policiers de Montréal étaient maintenant payés, en tenant
compte du fonds de pension et de tout ça, $300 de plus annuellement que
les policiers de Toronto.
Cela doit être vrai dans ce cas-là, ce n'est pas
seulement... On semble s'en réjouir.
M. LASNIER: Je crois que les applaudissements répondent à
votre question.
M. PICARD: Si je me pose la question, c'est pour ça que je vous
demandais tantôt de m'établir le pourcentage de contribution des
municipalités au fonds de retraire de leurs policiers, c'est qu'il y a
un article quelque part, j'ai lu ça dans votre mémoire la semaine
dernière: apparemment, ça ne fait pas partie des
négociations. Puis vous me dites le contraire.
M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas compris distinctement, je crois, parce
qu'alors que, dans les conventions collectives des municipalités autres
que Montréal, la question du fonds de pension est traitée dans la
convention collective même, lorsqu'il s'agit de Montréal,
étant donné que le régime de pension est un régime
institué par l'Association de bienfaisance et de retraite de la police
de Montréal Inc. et est administré par cette corporation
autonome, les dispositions au sujet de la pension des policiers
montréalais ne sont pas dans la convention elle-même. Elles sont
distinctes. Je pense que c'est la situation, n'est-ce pas, M. Lasnier? C'est la
différence?
M. BURNS: Mais c'est un problème purement académique,
à mon avis. Je pense bien qu'à la ville de Montréal, ne
nous contons pas de peurs, ils doivent le compter...
M. CHOQUETTE: C'est clair, je suis d'accord. Je l'espère.
M. BURNS: Quand bien même on dirait que ce n'est pas dans la
convention collective...
M. CHOQUETTE: C'est parallèle.
M. BURNS: ... et que ça fait partie d'un règlement
spécial, je pense bien que personne ne va s'imaginer que la ville de
Montréal ne s'attend pas à compter sa contribution comme faisant
partie du coût global des salaires et bénéfices marginaux
des policiers...
M. CHOQUETTE: Le régime est différent...
M. BURNS: Si cela donne $300 de plus, c'est peut-être
reconnaître que la ville de Montréal n'a jamais voulu le dire.
Elle a de meilleurs policiers qu'à Toronto. C'est tout. C'est aussi
simple que ça.
M. PICARD: M. le Président, je ne suis pas tout à fait
d'accord sur ce que le député de Maisonneuve a dit.
M. BURNS: C'est vrai.
M. PICARD: Je suis d'accord pour les $300. Ils les méritent
à Montréal. Ils ont assez de problèmes avec les fauteurs
de troubles et tous les gens que vous connaissez. Ils les méritent.
M. BURNS: Des gars qui font de la manifestation.
M. PICARD: Il reste qu'il faut aussi se placer au point de vue du
contribuable. Nous, en tant que législateurs, nous sommes prêts
à être indulgents pour un peu tout le monde, mais il faut aussi
penser aux contribuables. Ce que j'aime moins, c'est que, lorsqu'il y a eu
cette menace de grève de la part des policiers et lorsqu'on a
réclamé la parité de salaire, si on n'a pas utilisé
la même base de calcul, je trouve que ce n'est pas honnête. Quand
on compare le salaire du policier du Toronto métropolitain, on inclut
dans le salaire ce qu'il en coûte à la municipalité, la
contribution de la municipalité au fonds de retraite des policiers et
qu'à Montréal, on ne l'inclut pas, je peux vous garantir tout de
suite et je vais vous le dire ce qui va arriver en dedans de deux ans. C'est
que Toronto va se réveiller et va s'apercevoir que Montréal donne
$300 de plus. Toronto va peut-être demander cela va être
calculé dans leur conventnion collective l'augmentation normale
de $600 ou $700 plus les $300 pour être en parité avec
Montréal. L'année suivante, Montréal va revenir demander
la parité avec Toronto. Il va y avoir cette espèce d'escalade
parce qu'on n'aura jamais la même base de calcul. Si on veut parler de
parité de salaire, parlons exactement de ce qu'il en coûte
à la municipalité de Toronto et de ce qu'il en coûte
à la municipalité de Montréal.
M. BURNS: On n'est pas pour refaire ici les négociations ardues
qui ont eu lieu entre les policiers de Montréal et la ville de
Montréal.
M. VEZINA: Le député de Maisonneuve réalise-t-il
qu'il s'est fait applaudir par les policiers de Montréal?
M. BURNS: Non, j'étais tellement absorbé que...
M. PAUL: Je n'ai pas objection à rappeler à mon
collègue que si nous sommes, nous, les parlementaires du Québec,
les mieux payés de toutes les provinces du Canada, je ne verrais pas
pourquoi les policiers de Montréal ne recevraient pas un salaire
légèrement supérieur. Comme vous l'avez signalé,
ils ont un travail extrêmement ingrat, difficile, si on tient compte des
contestations auxquelles ils doivent faire face.
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. PAUL: Vous êtes jaloux, vous n'avez pas eu
d'applaudissements.
M. CHOQUETTE: Je voudrais simplement faire une suggestion. C'est que
l'on revienne au système traditionnel des deux parties et qu'on
abandonne le système des quatre parties.
M. BURNS: On n'est pas tout à fait d'accord là-dessus.
M. DROLET: On n'a pas applaudi beaucoup. UNE VOIX: Vous non plus.
M. BURNS: Demain, j'ai bien hâte de voir l'ancien ministre de la
Justice et le nouveau ministre de la Justice pour voir s'ils vont dire la
même chose aux policiers provinciaux.
M. LACROIX: Est-ce que le futur ministre de la Justice va y être
aussi?
M. PAUL: Certainement. Durant le temps que j'ai été
là, je n'ai jamais eu de plaintes.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?
M. LASNIER: Pour répondre d'une façon définitive
à la question soulevée, tant à Toronto qu'à
Montréal je dis tant à Toronto parce que j'ai
été appelé par l'Association des policiers de Toronto
à aller témoigner dans un arbitrage il y a quelques années
je suis au courant qu'aux deux endroits, dans le calcul du coût,
on inclut la contribution de l'employeur de ces deux villes à
l'intérieur des coûts des conventions pour les contrats.
M. PICARD: M. Lasnier, j'ai lu quelque part dans votre rapport que la
pension, la retraite des policiers de Toronto est à peu près la
moitié de ce qu'elle est à Montréal. Comment
expliquez-vous ça?
M. LASNIER: Parce que les policiers de Toronto tentent
d'améliorer leur fonds. Cette année, actuellement, ils sont en
arbitrage. Actuellement le président, M. Guy Marcil, l'a
très bien mentionné ce matin lors de la présentation de
son mémoire lors de l'intégration des forces
policières à Toronto, le problème principal, majeur qui a
été soulevé, et qui existe encore malheureusement
aujourd'hui après tant d'années, c'était le
problème des caisses de retraite. Comment expliquer la différence
entre Toronto et Montréal? Je crois qu'à Toronto, quant aux
bénéfices du fonds de pension, ils ont beaucoup de rattrapage
à faire.
M. PICARD: Vous l'avez dans votre rapport. J'ai vu qu'il était
à peu près la moitié, ce sont $4,500.
M. LASNIER: Les bénéfices, oui, mais la contribution,
non.
M. PICARD: Comment expliquer alors, si la contribution est la
même, qu'il y en ait un qui paie deux fois plus?
M. LASNIER: Voici, le président de Toronto, dans un article qu'il
a fait et auquel vous référez ici...
M. PICARD: Oui, je l'ai vu.
M. LASNIER: ... ce n'est pas dans le mémoire que vous avez,
c'est dans la brochure que nous avons fait parvenir, ce n'est pas dans ce
document ...
M. PICARD: Je l'ai ici, cet article.
M. LASNIER: ... reproche aux administrateurs de la ville qui ont le
contrôle de la caisse d'avoir fait une mauvaise gestion, d'avoir fait des
investissements qui n'ont pu rapporter des sommes suffisantes pour pouvoir
donner des bénéfices de pension comparables aux nôtres. Je
vous cite les paroles du président de Toronto qui sont contenues dans la
brochure que j'ai ici et ce n'est pas dans le mémoire.
M. PICARD: C'est là-dedans que je l'ai vu.
M. LASNIER: Les paroles que je répète sont les paroles du
président de l'association de Toronto, M. Sid Brown, dans une
déclaration qu'il a faite.
M. PICARD: C'est dans cette brochure qu'il fait mention du montant de
retraite d'un policier de Toronto qui est la moitié de ce qu'il est pour
les policiers de Montréal.
M. LASNIER: C'est ça.
M. PICARD: Et pourtant, les deux communautés...
M. LASNIER: Tout de même, dans chaque caisse, vous avez une
situation historique. Vous avez eu le problème à Toronto avec
l'intégration des caisses. Après cette intégration, on a
tenté de trouver des mécanismes pour pouvoir répondre aux
problèmes soulevés après l'intégration. Nous, nous
tentons, avant l'intégration, de prévoir ce problème. Nous
voulons utiliser l'expérience de Toronto pour pouvoir éviter de
voir se répéter ici expérience malheureuse qu'ils ont
eue.
M. LE PRESIDENT: M. Lasnier, au nom des membres de la commission, je
voudrais vous remercier de la qualité du mémoire que vous avez
présenté à la commission. Et également remercier
vos proches collaborateurs pour être venus ici, à Québec,
prendre une part active à la commission.
Quant à la commission, elle siégera demain matin à
10 heures pour entendre d'autres mémoires et d'autres
représentants.
(Fin de la séance à 16 h 48)
Séance du mercredi 8 décembre 1971 (Dix heures quatorze
minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs!
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue, au nom des membres de la
commission, à ceux et celles qui, ce matin et cet après-midi,
présenteront leur mémoire à la commission parlementaire de
la Justice.
Vous me permettrez de donner l'ordre dans lequel nous entendrons les
mémoires présentés. D'abord, M. Roger Dulude
présentera le mémoire de l'Association des chefs de police et
pompiers de la province de Québec. En second lieu, Me Micheline
Audette-Filion présentera le mémoire du Barreau de Québec.
En troisième lieu, M. René Chartrand, directeur adjoint,
présentera le mémoire de la Fédération des
employés de services publics de la province du Québec, et le
quatrième et dernier mémoire: M. Guy Magnan, président de
l'Association des policiers provinciaux du Québec, présentera le
mémoire de cette association.
Dès à présent, j'inviterais M. Dulude à
présenter le mémoire de l'Association des chefs de police.
Association des chefs de police et pompiers de la
province de Québec
M. DULUDE: M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire chargée d'étudier le livre blanc sur la
police et la sécurité des citoyens, messieurs.
L'Association des chefs de police et pompiers de la province de
Québec désire vous soumettre le présent mémoire
portant sur le livre blanc qui traite de "la police et la
sécurité des citoyens". Il comprend une étude brève
de ce document de travail, une appréciation la plus objective possible
des propositions qu'il recommande et une mise en garde contre les dangers
éventuels d'une trop grande centralisation dans ce domaine.
Etude de ce document de travail. "Pour assurer le maintien de l'ordre,
la protection des citoyens et la sécurité de l'Etat qui sont
essentiels au fonctionnement normal de toute société, le livre
blanc sur "la police et la sécurité des citoyens" reconnaît
deux impératifs fondamentaux à l'organisation policière.
Soit: A) Le besoin d'une action générale plus coordonnée
et le besoin d'une action particulière à l'égard du crime
organisé, du terrorisme et de la criminalité économique;
B) Le besoin de réunir certaines forces policières locales en une
force unifiée à l'échelon régional.
L'Association des chefs de police et pompiers de la province de
Québec a déjà eu l'occasion de reconnaître et
reconnaît de nouveau que les deux impératifs ci-dessus sont
parfaitement valables pour assurer "une action policière plus efficace
et plus fructueuse".
La récente Loi de police et la prochaine législation que
ce livre blanc nous permet de prévoir sont sûrement de louables
initiatives en vue d'assurer une meilleure organisation de la police, mais nous
croyons que toutes réformes de structures proposées ou
adoptées pour assurer une nouvelle "politique de défense
sociale", même si elles nous paraissent valables, ne pourront à
elles seules assurer l'objectif recherché.
Même si notre association se déclare en principe favorable
à l'ensemble des recommandations du livre blanc actuellement à
l'étude, nous désirons faire nôtres les remarques
formulées dans le mémoire présenté par nos
confrères de la Fraternité des policiers de Montréal Inc.
qui "déplore que l'efficacité policière n'ait pas
été étudiée dans un contexte plus
général, dans un vrai livre blanc sur la Justice et sur les
organismes qui la protègent et la sanctionnent."
Nous ne pourrons critiquer indéfiniment l'efficacité
policière, et il faudrait bien un jour se résigner à faire
une étude en profondeur de notre société actuelle, des
malaises profonds qui la secouent constamment et des causes multiples qui
provoquent ou facilitent le crime ou le désordre.
L'exemple de plusieurs pays où la force policière nous
paraît bien organisée et bien structurée et où le
crime et la violence sont de plus en plus fréquents ne prouve-t-il pas
que l'efficacité de la police n'est pas qu'un facteur dans les moyens
dont dispose un pays pour assurer la justice, la liberté et le respect
des droits de chacun des citoyens.
Nous sommes d'avis que notre société actuelle a besoin
d'être gouvernée et administrée avec une certaine
fermeté susceptible d'assurer le respect de l'autorité
dûment constitués. Il ne s'agit pas d'utiliser cette forme
d'autorité qui caractérise certains pays totalitaires ou
dirigés par un régime militaire, mais de faire preuve de cette
fermeté qui assure le respect des droits et des libertés des
citoyens, mais qui réprime la violence, le désordre et le crime
sous toutes ses formes avec justice, mais également avec vigueur, de
façon que les citoyens soient bien conscients que l'autorité
constituée du gouvernement, des tribunaux et de la police est bien
présente et veille à leur protection complète.
Comment peut-on assurer une justice égale pour tous? Comment
peut-on rétablir le respect des tribunaux, de nos corps de police?
Comment peut-on songer à réduire le nombre toujours croissant de
criminels, si ceux qui détiennent l'autorité dans ces
différents secteurs sont bafoués et ridiculisés, au lieu
d'être respectés? Les trois grands pouvoirs de tout Etat
démocratique, exercés par ceux qui les détiennent,
assistés de ceux qui oeuvrent comme auxiliaires dans leur
exécution, doivent agir à la manière du père de
famille qui doit toujours conserver son autorité et agir avec sagesse,
fermeté et bonté.
Appréciation des propositions que le livre blanc recommande.
Le livre blanc recommande particulièrment la
régionalisation des corps de police.
Notre association est favorable à cette proposition qui va
sûrement faciliter la coordination des forces et assurer une plus grande
efficacité de l'action policière. Cette régionalisation
doit cependant se faire en faisant une délimitation intelligente du
territoire de chacune des régions à la lumière du seul
facteur de l'efficacité des corps de police.
Notre association est également favorable au principe du conseil
de sécurité, qui, suivant le document de travail, "aura la
responsabilité du maintien de la paix et de l'ordre public dans le
territoire désigné, et qui veillera à ce que les corps de
police s'acquittent des responsabilités qui lui auront été
assignées par le décret d'intégration".
L'expérience de tels comités de police dans la province d'Ontario
s'est avérée bonne, et nous croyons que cette recommandation fera
disparaître les lacunes de l'administration actuelle des corps de police
qui relève dans bien des cas de l'autorité municipale.
Les fonctions du policier doivent être centrées sur la
prévention et la répression du crime, et c'est à bon droit
que le livre blanc rappelle cette règle fondamentale du rôle
social du policier.
Il nous a toujours paru ridicule que l'on emploie l'homme de police
à des tâches très secondaires, comme l'émission et
la perception de billets de stationnement. C'est là un moyen parmi bien
d'autres pour diminuer le rôle véritable du policier et lui donner
auprès du public l'image de celui qui contribue à l'exploitation
de la population sur le plan pécuniaire. Un grand nombre de fonctions
exercées présentement par le policier devraient être
assumées par d'autres personnes.
Le livre blanc se penche à bon droit sur un autre problème
extrêmement important qui est celui de la formation de base de celui qui
se destine à la fonction de policier. Le recrutement de tout nouveau
policier, qui s'est fait trop souvent dans le passé suivant des
critères très peu valables, devra à l'avenir se faire
suivant ceux de la compétence, des aptitudes et du désir de
servir la collectivité dans cette forme très spéciale
d'activité humaine.
Tous les efforts que l'on se propose de faire pour améliorer
constamment la qualité et la compétence du policier actuel et
futur sont très souhaitables et obtiennent l'approbation unanime de tous
ceux qui sont déjà dans la carrière du policier.
Nous pourrions en dire davantage sur les moyens de recrutement, de
sélection, de formation et de promotion du personnel des corps de
police, mais nous croyons que d'autres organismes pourront, après
étude et réflexion sur le sujet, faire les recommandations
pertinentes.
Notre association est également favorable à la
spécialisation qui s'impose pour la formation de policiers
spécialisés qui compléteront les corps de police
réguliers. Nous sommes également favorables à ce que les
policiers soient
régis par un code d'éthique ou de discipline qui
favorisera d'une part une meilleure compréhension de leurs fonctions et
de leurs responsabilités et qui assurera un traitement juste à
chacun d'entre eux, au cas de contravention fondée ou non fondée
à ce code.
Mise en garde contre une trop grande centralisation. La seule crainte
que nous inspire le livre blanc serait peut-être une centralisation trop
grande de l'autorité sur les différents corps policiers.
Même si une plus grande efficacité de l'action policière
exige l'unification d'un certain nombre de corps de police, il faut quand
même ne pas glisser vers cette tendance à la concentration du
pouvoir policier entre les mains de l'Etat.
Personne ne désire un Etat policier, et le gouvernement ne doit
pas, par sa prochaine législation, prêter flanc aux critiques des
citoyens qui seraient, dans un tel cas, abondantes et vigoureuses. La
création d'un nouveau ministère qui aurait la
responsabilité de l'ensemble de l'action et de l'administration de la
police au Québec nous paraît un geste dangereux dans les
circonstances, et nous croyons que le ministre de la Justice doit conserver la
responsabilité de nos différents corps de police.
La sécurité des policiers supérieurs. Il nous reste
maintenant à traiter subsidiairement la question de
sécurité des directeurs et des officiers supérieurs des
corps de police, concernant leur emploi et leur traitement.
Il est évident que l'unification et le regroupement des corps de
police sur le plan régional va faire perdre à certains directeurs
et officiers supérieurs leur emploi actuel.
Même si le livre blanc comporte certaines propositions qui nous
paraissent plutôt générales, nous demandons que cette
question soit étudiée davantage pour la protection des droits
acquis des personnes concernées.
La nouvelle Loi de police a prescrit une procédure nouvelle pour
la destitution d'un directeur de police, mais nous croyons que cette
procédure ne va pas assez loin du fait qu'elle n'assure pas à la
personne impliquée le paiement de son traitement durant le temps requis
pour lui permettre de porter son cas en appel. La procédure
prévue à cette même loi par l'article 35 et qui concerne le
directeur général nous paraît préférable et
devrait, avec les changements appropriés, s'appliquer également
aux directeurs de police ou à tout officier supérieur qui est
destitué par l'autorité qui l'emploie.
De plus, notre association est favorable à ce que les normes de
fixation du traitement des directeurs ou officiers supérieurs des corps
de police soient établies dans une loi, après consultation et
discussion avec les parties intéressées. On sait qu'actuellement,
les policiers bénéficient des droits de négociation avec
leurs employeurs, tandis que les directeurs et officiers supérieurs sont
tout simplement à la merci des autorités municipales qui les
emploient. Il arrive trop souvent qu'un policier se fasse, avec son temps
supplémentaire, un salaire plus élevé que le traitement
accordé à son directeur. C'est là une situation
inacceptable et qui nous paraît inique.
Cette insécurité au niveau de l'emploi et du traitement
est de nature à nuire au recrutement et à l'efficacité des
directeurs et officiers supérieurs des corps de police.
Notre association reconnaît que le législateur s'est
penché sur ce problème et a tenté, par divers amendements,
d'améliorer la condition du directeur, mais cela n'est pas suffisant et
nous réclamons davantage.
Nous soumettons également à l'attention des membres de
votre commission le problème sérieux de l'établissement
d'un fonds de pension adéquat et du droit de retraite avant 65 ans. Nous
croyons que, les obligations étant les mêmes, les droits que
possèdent les policiers provinciaux dans ce domaine devraient être
reconnus aux policiers municipaux.
En conclusion, notre association s'est toujours
intéressée, dans le passé, beaucoup plus à
l'intérêt public qu'à l'intérêt particulier de
ses membres, et elle croit avoir à son crédit certaines
réalisations intéressantes. Elle a largement contribué
à l'élaboration et à l'adoption de la Loi de police,
à la création de la Commission de police et de l'Institut de
police. Elle a, de plus, consacré des sommes appréciables suivant
ses modestes moyens pour faire effectuer certaines études et
particulièrement sur la délinquance juvénile et elle a,
avant la création de l'Institut de police, contribué à la
formation générale des policiers. Elle a aussi organisé
des journées d'étude sur le crime organisé, sur le
policier éducateur et sur les dangers du transport routier des produits
dangereux.
Nous poursuivons nos travaux et nos recherches dans plusieurs autres
domaines, car nous avons la conviction profonde qu'une association comme la
nôtre doit consacrer toutes ses énergies en vue de contribuer
à une meilleure efficacité de l'action policière au
Québec.
Nous terminons ce trop bref mémoire en offrant à qui de
droit notre collaboration la plus entière pour que l'action
policière soit de plus en plus efficace et plus fructueuse. Le tout
respectueusement soumis, M. le Président, membres de la commission
parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Dulude. J'inviterais maintenant le
ministre de la Justice à donner ses commentaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais d'abord
féliciter M. Dulude et les membres de son association pour le
mémoire qu'ils viennent de présenter à la commission
parlementaire. Je crois que ce mémoire touche à beaucoup de
questions importantes qui se trouvent au livre blanc, beaucoup de points
critiques dans la question de l'organisation de la
police au Québec. Sans que le mémoire soit trop long, il a
quand même réussi, je pense, à mettre le doigt sur un
certain nombre de questions qu'il importe de se poser et que les auteurs du
livre blanc se sont posées.
Une remarque préliminaire: je voudrais dissiper toute
ambiguïté, s'il en existe, â l'effet que la répression
du crime est exclusivement la responsabilité de la police. Je pense que,
si l'on croit que les auteurs du livre blanc ont voulu faire porter seulement
sur les corps de police l'état de la criminalité au
Québec, on se trompe lourdement; nous comprenons tous facilement que la
police est l'un des instruments de la société, peut-être
l'instrument d'avant-garde, contre le crime mais ce n'est pas la police qui
porte la responsabilité du crime. Je voudrais bien,
immédiatement, dissiper toute fausse impression que l'on pourrait avoir
du fait que nous nous sommes penchés sur le problème
spécifique de la police dans ce livre blanc. Il est peut-être vrai
que nous avons braqué l'éclairage sur la fonction
policière dans la société mais cela n'était pas
dans le but de faire supporter à la police tous les maux d'une
société qui, comme beaucoup d'autres, est dans un état
d'agitation. Je pense qu'à ce point de vue-là le livre blanc est
assez explicite si l'on veut le lire clairement.
Je voudrais maintenant m'attacher à quelques points qui ont
été relevés par M. Dulude dans son mémoire et qui
m'ont vivement intéressé. Je constate tout d'abord que
l'Association des chefs de police est favorable à la
régionalisation des corps policiers de façon à assurer une
plus grande efficacité; je constate également que, dans le
domaine de l'action contre la criminalité en général, on
se rend compte qu'il est nécessaire d'assurer une meilleure coordination
entre les différents corps de police qui sont appelés à
jouer un rôle à ce niveau-là.
D'un autre côté, on nous met en garde contre une trop
grande centralisation. Je trouve un développement sur ce sujet à
compter de la page 8 et qui se trouve principalement à la page 9. Je
tiens à dire à M. Dulude que notre intention n'était
sûrement pas d'imposer une centralisation excessive en matière
d'action policière et en matière de contrôle des corps
policiers. Nous avons plutôt cherché à trouver
l'équilibre raisonnable entre la dispersion de l'action des corps
policiers, d'une part, et, d'un autre côté, la
nécessité d'une meilleure coordination de cette action.
Alors, l'objet des discussions que nous avons aujourd'hui, c'est
justement de tenter de préciser dans quelles conditions on peut arriver
à l'équilibre optimum entre la coordination que vous reconnaissez
être un impératif dans la situation actuelle et, d'un autre
côté, l'absence d'un contrôle excessif de l'Etat ou des
organismes politiques sur l'action policière. A ce point de vue, je
remarque une préoccupation dans votre mémoire, relativement
à un phénomène qui a existé au Québec,
à certaines occasions et dans certains endroits, soit une
ingérence excessive de la part d'élus, au plan local, dans
l'action policière. Je pense que si vous vous ralliez à
l'idée de conseil de sécurité sur la régionale,
c'est justement que vous voulez, d'une part, avoir une action policière
qui soit coordonnée et organisée au plan régional et, d'un
autre côté, vous voulez éviter l'intervention indue de
certaines personnes qui peuvent nuire au travail policier.
Je vous dirai que, cette préoccupation que vous avez au plan
local, nous l'avons au plan du Québec dans son ensemble. Nous l'avons,
parce que l'objectif du gouvernement n'est pas de créer une police
omnipuissante qu'il contrôlerait au Québec; cela n'est pas
l'objectif du gouvernement actuel. Son objectif est d'assurer une meilleure
action policière dans l'ensemble du Québec, d'assurer des
mécanismes de coordination, sûrement, mais aussi faire en sorte
que la police ne soit pas un Etat dans l'Etat. Cela doit être
également une de nos préoccupations, comme hommes politiques et
comme élus du peuple, de faire en sorte que la police ne constitue pas
un Etat policier à l'inverse, qui agirait sans le contrôle de ceux
qui ont reçu le mandat du peuple de diriger les destinées du
Québec.
C'est justement cet équilibre que nous recherchons au niveau du
Québec, entre la nécessité d'une meilleure coordination
et, d'un autre côté, la responsabilité du gouvernement,
pour l'action policière. Evidemment, on peut discuter sur les formules
et je ne dirai pas que toutes les formules proposées dans le livre blanc
seront maintenues coûte que coûte. Je voudrais être bien
clair, le gouvernement est ouvert au dialogue et à la discussion; il
entend prendre des décisions à la lumière de
l'intérêt général. Non pas pour s'approprier une
force excessive par l'intermédiaire des corps policiers à
l'égard de la population en général.
Alors, sur la formule du ministère de la police, la discussion
reste ouverte. Je dirais qu'elle reste même très ouverte. Ceci
dit, je pense que ça permet peut-être, à la lumière
de ce que vous nous avez dit ce matin, de clarifier nos objectifs comme
gouvernement, comme représentants du peuple dans les conditions
actuelles.
M. DULUDE: M. le ministre de la Justice, vous venez compléter ce
que nous voulions vous faire dire ici, en ce qui concerne notre mémoire.
Naturellement, nous sommes conscients du travail efficace accompli par le
ministère de la Justice. Le livre blanc dit très bien, et nous en
sommes conscients, que ce n'est pas un livre sur l'administration de la
justice; c'est un livre sur la police et la sécurité des
citoyens.
Nous sommes conscients, vous l'avez dit, nous sommes d'accord, nous
sommes favorables. Nous avons remarqué aussi que plusieurs
recommandations, comme vous l'avez si bien dit tout à l'heure, sont
insérés dans votre livre blanc et sur lesquelles nous sommes
entière-
ment d'accord. Vous avez dit ce que je voulais entendre.
Réellement, je n'ai rien à ajouter parce que nous sommes
conscients que cela ne serait pas bien d'avoir un Etat policier au
Québec. On le conçoit. Sur le conseil de sécurité,
nous sommes entièrement d'accord; c'est normal d'en avoir un pour
gérer.
On a parlé du ministre de la police. Dans notre mémoire,
un ministre de la police, nous ne disons pas que nous sommes contre ou pour;
par contre, il faut avoir quelqu'un pour s'occuper du domaine policier tout
spécialement parce que c'est un domaine, un corps à part et qui,
lui, en retour pourra faire sa réponse au ministère de la
Justice. Mais, nous ne voulons pas que le ministre de la Justice soit exclu
complètement du domaine policier parce que nous en avons besoin de
même que les citoyens et les corps policiers. C'est pour cette raison que
nous avons soumis certains articles dans notre mémoire. Encore une fois,
je vais vous féliciter pour le travail accompli et les paroles que vous
avez dites tout à l'heure qui complètent intégralement
notre mémoire. Merci, M. le ministre.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Dulude. J'inviterais le
député de Maskinongé, au nom
d'Unité-Québec.
M. PAUL: M. le Président, ce qu'il y a d'intéressant dans
le mémoire de l'Association des chefs de police, comme le signalait le
ministre de la Justice, c'est qu'il touche à certains points, je ne
dirais pas obscurs mais incomplets du livre blanc sur le policier et la
protection du citoyen. Ce mémoire, M. le Président, est
préparé par des hommes d'expérience et du métier,
puisqu'ils ont la responsabilité de la discipline des hommes qu'ils ont
sous leur contrôle.
Je dois, moi aussi, regretter que ce livre blanc de la justice ne couvre
pas tous les aspects et tous les problèmes de l'administration de la
justice au Québec. C'est une première étape, comme le
signalait le ministre hier, et sûrement qu'à la suite de
l'expérience vécue des hommes en place, tels que les membres de
l'association, à la suite du travail de la Commission de police,
excellent travail de formation, à la suite du souci que mettent ces
hommes dans l'étude des différents problèmes dans lesquels
se trouvent nos corps policiers et nos policiers, nous pourrons finalement
adopter une loi qui puisse revaloriser le policier, en même temps que
nous aurons l'occasion de lui accorder la sécurité d'emploi et
que nous ferons de lui un véritable collaborateur de l'administration de
la justice au Québec.
Il est intéressant, M. le Président, de noter une crainte;
M. Dulude n'a pas voulu se prononcer sur l'opportunité de créer
ou non un ministère de la police.
Mais, en termes bien polis et courtois, ils éveillent l'attention
du ministre sur les dangers que pourrait apporter ou créer un Etat
policier chez nous. Sans doute qu'ils ont écouté avec beaucoup
d'intérêt les arguments qui nous ont été servis hier
sur ce point par M. Marcil.
M. le Président, il y a un autre problème dans ce
mémoire qui semble avoir échappé aux auteurs du livre
blanc sur l'administration de la justice. C'est bien le problème de la
sécurité des chefs de police ou des directeurs de police. Il me
semble que le livre blanc est muet sur ce point. Du moins, on ne s'y
arrête pas pour assurer ceux qui se verront victimes, je dis
victimes de ceux qui seront obligés nécessairement de
céder leur place, si nous procédons à une
intégration de différents corps de police à la
régionalisation des corps de police. Est-ce que ce sera au
détriment de ceux qui occupent des fonctions de chef ou de directeur
dans les municipalités?
M. le Président, il ne faut pas oublier que ces chefs de police
feront également partie de tout cet ensemble de l'administration de la
justice. J'ai bon espoir que le mémoire qui nous est
présenté ce matin pourra éveiller l'attention et du
ministre et des hauts fonctionnaires pour que nous puissions tendre vers la
sécurité intégrale des citoyens, en même temps que
nous devrons tout mettre en oeuvre, je ne dirais pas pour revaloriser le
travail du policier, mais pour reconnaître son véritable
rôle social dans notre vie. Il est à souhaiter également
que ces mesures législatives qui découleront sûrement de ce
livre blanc, se pencheront et considéreront le sort éventuel qui
peut être réservé aux directeurs actuels de nos
différents corps de police.
Je veux donc, M. le Président, au nom de mon collègue, le
député de Missisquoi, et au nom des députés de
l'Unité-Québec, féliciter et remercier très
sincèrement les membres de l'Association des chefs de police et pompiers
de la province de Québec pour l'objectivité de leur
mémoire et pour la présentation de certains aspects que l'on peut
retrouver dans ce livre blanc intitulé La police et de la
sécurité des citoyens. Je suis sûr qu'ils auront, par ce
mémoire, contribué à atteindre le but visé, tant
par les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice que par tous
ceux qui, de près ou de loin, s'intéressent au problème de
la Justice dans le Québec.
M. DULUDE: Merci, M. le député pour vos paroles
élogieuses. Si je peux me permettre une remarque. A la page 151 du livre
blanc, au numéro 92, on parle un peu de l'échelle de salaire et
ainsi de suite pour le directeur de police et la Commission de police s'en
occupe.
On ne nous a pas oubliés complètement et nous sommes
conscients du fait. Nous avions eu antérieurement une journée
d'étude sur le livre blanc et nous avions fait certains commentaires
à ce moment-là au ministre de la Justice qui a
décidé de les insérer. Nous sommes conscients de la chose
et, comme vous l'avez remarqué, nous ne sommes pas allés
très loin quant au fait
de défricher dans l'administration de la justice, nous nous en
sommes tenus au livre blanc et notre mémoire a été
présenté objectivement par rapport au contenu du livre blanc,
rien d'autre. Je vous remercie beaucoup.
M. CHOQUETTE: M. le député de Maskinongé, M.
Dulude, M. le Président, j'attire votre attention sur la recommandation
93, au sujet de la sécurité d'emploi des chefs de police,
à la page 151 du livre blanc. Je crois que vos désirs sont
exaucés, au moins par le livre blanc.
M. DULUDE: D'accord, M. le ministre de la Justice, mais nous voulions,
à ce moment-là, attirer l'attention à l'article 35 de la
loi de police...
M. CHOQUETTE: Ah oui!
M. DULUDE: ... qui est beaucoup mieux, mais avec le ministère de
la Justice, on peut référer à l'article 35 de la Loi de
police et, peut-être au point de vue de la sécurité de
l'emploi, nous assurer une meilleure sécurité pour les chefs ou
directeurs de police. Je crois que M. le ministre de la Justice est conscient
de la chose, je n'ai besoin de rien étaler. Nous nous en remettons
à vous, nous avons confiance en vous, vous avez notre pleine confiance
au ministère de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je crois je ne parle pas seulement de mon mandat de
ministre de la Justice mais aussi de celui de mes prédécesseurs
que constamment les mesures en vue d'assurer la sécurité d'emploi
de ceux qui ne sont pas protégés par des conventions collectives
ont été améliorées. Je crois que des mesures
avaient été prises antérieurement, comme j'en ai pris
moi-même sous mon terme, parce que nous réalisons que celui qui
n'est pas protégé par une convention collective est dans une
position souvent difficile.
M. DULUDE: M. le ministre de la Justice, sans aller trop loin, il y a eu
quelques applaudissements hier après-midi. Je crois que c'est pour M.
Lasnier si je ne me trompe, M. le député, et Me Paul, M. le
député de Maskinongé, qu'il y a eu des applaudissements
pour un certain fait qui avait été présenté pour la
police métropolitaine de Toronto et ainsi de suite. Nous ne voulons pas
apporter ce sujet-là à propos des directeurs de police. Nous
avons mentionné dans notre mémoire.
M. PAUL: Mais vous le souhaitez.
M. DULUDE: ... qu'avec le temps supplémentaire que les policiers
font dans les corps policiers, les directeurs et les chefs de police sont moins
payés dans la province de Québec que dans toutes les provinces du
Canada.
M. CHOQUETTE: J'ai vu des cas de chefs de police qui étaient
payés $5,500 par année. Je pense qu'il y en a d'autres encore
dont le salaire est plus bas que ça, M. Dulude, vous pouvez me le dire.
Est-ce que ce n'est pas la situation?
M. DULUDE: Vous pouvez être assuré...
M. CHOQUETTE: J'ai vu des chefs de police qui travaillent jour et nuit,
qui sont chefs de police avec un policier comme assistant et qui
répondent au téléphone 24 heures par jour pour n'importe
quoi.
M. DULUDE: Vous pouvez être assuré, M. le ministre de la
Justice, avec les responsabilités qui reposent sur nos épaules,
que ceux qui demeurent en place présentement et qui veulent continuer
d'oeuvrer dans la même direction, ça les préoccupe
peut-être, c'est normal, ils ne se laissent pas abattre par ça
parce que nous oeuvrons dans la même direction, dans l'administration de
la justice.
M. BERTRAND: M. Dulude, je ne voudrais pas, quant à moi, avoir
l'impression vous pouvez éclaircir ce point-là que
les chefs de police, de manière générale, font moins de
salaire qu'un policier avec son temps supplémentaire. Dites-vous que
cette situation est généralisée? Est-ce que cette
déclaration que vous faites, si elle est
généralisée, s'applique dans des villes bien
organisées?
Je vais donner des noms, parce que ça ne sert à rien de
demeurer dans des généralités. Si je prends des villes
comme Sherbrooke, Granby, Trois-Rivières, Hull, me dites-vous que le
directeur de police d'aucune de ces villes et d'autres villes à peu
près de même taille gagne moins qu'un policier, qu'un simple agent
avec le temps supplémentaire?
M. DULUDE: M. le député, je n'ai pas de noms à
donner mais, par contre, vous venez de mentionner...
M. BERTRAND: Ne donnez pas de noms. Moi, j'en ai donné.
M. DULUDE: ... l'agent. Je dirais, à ce moment-ci, que c'est non.
Par contre, si on va à l'échelon de grades supérieurs
comme un capitaine-détective ou un inspecteur de police, je dis oui, il
y en a; pas partout, mais il y en a.
M. BERTRAND: Quand vous parlez d'un capitaine de police vous parlez d'un
officier.
M. DULUDE: C'est un officier de police qui est syndiqué mais
l'inspecteur de police ne l'est pas. Dans certains endroits, le capitaine de
police ou le détective ne sont pas syndiqués. Dans d'autres
endroits, ils le sont. Mais l'inspecteur de police généralement
ne l'est pas. Il fait partie des cadres supérieurs.
M. BERTRAND: Alors vous dites qu'à ce moment-là il n'a pas
de temps supplémentaire.
M. DULUDE: Lui, non. Mais dans certains corps de police, oui. C'est pour
ça qu'au point de vue de l'uniformité et de l'intégration,
probablement que...
M. BERTRAND: Est-ce que la Commission de police a commencé
à se pencher sur ce problème que l'on retrouve à l'article
92 des recommandations d'une échelle de salaires et de traitements pour
les directeurs et les officiers?
M. DULUDE: On demande présentement dans notre mémoire que
cela soit inséré dans la loi.
M. BERTRAND: Je comprends. Est-ce que le problème a
commencé au moins à être abordé? C'est beau de le
mettre dans une loi mais il faudra quand même qu'on ait une solution.
Est-ce qu'il y a eu une amorce de solution?
M. DULUDE : Le sujet a été déjà
mentionné. Nous sommes confiants que des procédures soient prises
en conséquence.
M. BERTRAND : Alors le salaire est un problème.
Deuxièmement, vous parlez de retraite, de fonds de pension
adéquat et du droit de retraite avant 65 ans. Prenons le fonds de
pension. A l'heure actuelle, un policier, par exemple, est membre d'un
syndicat, il relève soit de la Sûreté municipale de
Montréal, de Québec ou de la Sûreté du Québec
et il devient directeur de police. Comme policier, il a contribué
à un fonds de pension. Est-ce que ce fonds de pension est
transféré quand il devient directeur de la police?
M. DULUDE : Dans un corps de police municipal, il continue à
contribuer à son fonds de pension.
M. BERTRAND: A ce moment-là, est-ce qu'il a droit, à un
certain âge, à cette pension?
M. DULUDE: Pour ce qu'on appelle les directeurs de police c'est 65 ans
présentement dans certains corps policier.
M. BERTRAND: Cela n'est pas généralisé?
M. DULUDE: Présentement, je ne pourrais rien certifier
là-dessus. Par contre, pour les policiers, dans certaines villes,
l'âge est 60 ans et dans d'autres endroits, 55 ans ou ailleurs, 32 ans de
service, 55 ans.
M. BERTRAND: Vous parlez, à la page 12, du problème
sérieux de l'établissement d'un fonds de pension adéquat
et du droit de retraite avant 65 ans.
M. DULUDE: On l'a mentionné dans notre mémoire parce qu'il
y a certaines villes où le directeur n'a pas de fonds de pension. La
ville n'avait pas prévu alors pour le directeur de police ou le chef de
police de fonds de pension à cet endroit-là. En
général, c'est un sujet qui pourrait être abordé et
regardé en profondeur et peut-être pourrait-on prendre les
procédures nécessaires.
M. LE PRESIDENT: A ce stade-ci, je pourrais peut-être demander
à mes collègues de poser leurs questions un peu plus rapidement
et brièvement parce que nous avons d'autres mémoires à
entendre.
Je donne la parole au représentant du Ralliement
créditiste, ensuite à celui du Parti québécois,
puis au député de Trois-Rivières et nous alternerons. S'il
vous plaît, procédons le plus rapidement possible.
La parole est au député de Portneuf du Ralliement
créditiste.
M. DROLET: Merci, M. le Président. Je remercie M. Dulude de
l'Association des chefs de police et pompiers de la province pour son
magnifique mémoire. J'ai trouvé ce mémoire très
à point, très objectif et très clair. Je crois qu'il
semble plus clair que le livre blanc lui-même. Nous l'avions justement
déploré hier tout comme certains mémoires avaient fait
allusion au fait que c'était surtout le livre blanc sur la police et non
sur la justice.
En lisant le mémoire tout à l'heure et ceux que nous avons
vus hier, je crois que la suggestion que M. Marcil avait faite de consulter
spécialement vous qui êtes les responsables, en fin de compte
on dit que le livre blanc est fait par des experts mais les
principaux experts, les principaux intéressés, ce sont vous
autres. Et M. Marcil avait déploré justement le fait qu'il
n'avait pas été consulté ou pratiquement pas,
peut-être seulement sur la fin du volume. Est-ce que votre association a
été consultée lorsque le livre blanc a été
fait?
M. DULUDE: On était au courant du fait que le livre blanc
était en préparation.
M. DROLET: Mais vous n'avez pas été consultés.
M. DULUDE: Oui, l'association a été consultée
à ce moment-là.
M. DROLET: Elle a été consultée.
M. CHOQUETTE: Il faudrait quand même dissiper une impression. Il
ne faudrait pas laisser affirmer que M. Marcil n'a pas été
consulté. Il a été consulté au mois de mai par les
rédacteurs et le livre est sorti le 31 juillet.
M. DROLET: M. Marcil a dit hier qu'il déplorait le fait que les
principaux responsables n'avaient peut être pas été assez
consultés.
M. BACON: Ce n'est pas ce qu'il a dit. M. DROLET: C'est ce que M. Marcil
a dit.
M. CHOQUETTE: C'est inexact. M. Marcil a été vu par ceux
qui étaient chargés de la rédaction du livre blanc.
M. DROLET: De toute façon, on pourra relire le journal des
Débats et vous verrez ce qu'il a dit à ce moment-là.
Je pense que dans le mémoire, M. Dulude, votre association semble
craindre énormément la centralisation aux polices d'Etat. Vous
avez raison. J'ai également remarqué à la page 6 certains
paragraphes, surtout lorsqu'on parle de certains gestes, qui paraissent
ridicules, posés par les policiers, soit de distribuer des billets et
toutes ces choses-là. Et encore une fois je pense que vous avez
amplement raison là-dessus.
Il y a une chose sur laquelle j'aimerais que vous soyez peut-être
un peu plus clairs, à la page 9, lorsque vous semblez appuyer les autres
mémoires déposés hier, lorsque vous dites que vous ne
voulez pas d'un ministère de la police. Vous aimeriez rester sous
l'autorité du ministère de la Justice et non d'un
ministère de la police. Quelles sont vos principales raisons qui font
que vous n'êtes pas en faveur d'un véritable ministère de
la police.
M. DULUDE: M. le député, c'est que nous croyons que, s'il
y avait un ministère de la police, au point de vue des citoyens, ceci
pourrait probablement créer l'atmosphère d'un état
policier.
M. DROLET: C'est votre principale raison. M. DULUDE: C'est
ça.
M. DROLET: Je pense que, dans l'ensemble, c'étaient les quelques
remarques que j'avais à faire. Je vous félicite de nouveau de
votre mémoire que je trouve très objectif.
M. DULUDE: Merci, M. le député.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Dulude, j'ai peut-être parcouru trop rapidement votre
mémoire mais est-ce qu'il touche, en particulier, aux modes de
nomination des directeurs ou des chefs de police? Est-ce que vous faites des
recommandations particulières relatives à ce sujet? En
particulier, je sais que, depuis quelque temps, pour l'avoir lu dans les
journaux, votre association se préoccupe de ce fait. J'ai cru
déceler chez vos membres une volonté de ne pas voir des
nominations faites parallèlement ou venant de l'extérieur. Est-ce
que votre mémoire fait des recommandations particulières à
ce sujet-là?
M. DULUDE: Présentement non. Mais, par contre, nous avons un
comité formé, déjà en marche, avec la Commission de
police, pour établir les normes. C'est la raison pour laquelle on n'en
parle pas ici dans notre mémoire. C'est déjà en
marche.
Pour amplifier, disons que vous venez de parler parallèle (les
entrées latérales). On craint qu'à un certain moment on
pourrait faire nommer Un directeur de police à qui manqueraient la
compétence voulue ou les normes nécessaires à ce poste. La
question latérale est très importante pour nous.
M. BURNS: En somme, voulez-vous dire que ce dont vous voulez vous
préoccuper, c'est la nomination de policiers ou de gens, des
professionnels de la police si vous voulez, comme chefs de police?
M. DULUDE: En place.
M. BURNS: C'est-à-dire que vous ne voudriez pas voir quelqu'un,
même un avocat de quelques années de pratique, qui, une bonne
journée, sans expérience du domaine policier, serait directement
assigné à un poste de directeur de police.
M. DULUDE: Ce serait terrible.
M. BURNS: Je prenais le cas d'un avocat mais ce pourrait être le
cas de n'importe quel autre professionnel.
M. DULUDE: Prenez l'exemple d'un camionneur ou d'un contremaître
qui travaille pour une municipalité, que l'on nommerait policier ou chef
de police. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons être
protégés de ce côté-là.
M. BURNS: Mais c'est un peu ce que je voulais que vous
précisiez.
M. PAUL: Prenez M. Thibodeau, par exemple, comme chef de police dans une
municipalité ou une ville d'importance. Ce serait assez
sécuritaire.
UNE VOIX: Ce serait épouvantable.
M. DULUDE: Je crois, M. le député, que Me Thibodeau est en
position pour répondre.
M. THIBODEAU: Je ne réponds même pas, je ne le veux
pas.
M. BUNRS: Je n'ai pas d'autres questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.
M. BACON: M. Dulude, d'abord, je vous félicite pour votre
excellent mémoire.
En-dehors des grands centres, dans les villes peut-être comme
celles que M. Bertrand a énumérées, concernant la
formation de base des policiers, vous avez souvent l'argument des
municipalités qui soutiennent que cela allège le fardeau de leur
budget. Je tiens compte de la recommandation 97 du livre blanc. Quand on
engage, par exemple, un ingénieur, un urbaniste, ou un fonctionnaire
quelconque, en règle générale, il arrive formé. On
le met immédiatement au travail. Est-ce que vous avez des propositions
à faire concrètement vis-à-vis des mécanismes de
formation, j'entends surtout au point de vue de la question
budgétaire?
M. DULUDE: M. le député, présentement,
l'entrainement des policiers fonctionne dans les communautés urbaines
surtout qui ont été formées dernièrement. On envoie
les cadets à l'entraînement. Ils sont entraînés et
reçoivent leur salaire. Cela est dans le budget, ce sont des
dépenses approuvées par la communauté urbaine. Dans
d'autres endroits, des instructeurs itinérants se rendent sur les lieux,
là où un groupe de policiers se sont réunis, ainsi les
gens en place reçoivent l'entraînement et sont recyclés.
Les policiers qui sont engagés par ces municipalités ont le
privilège d'être envoyés à l'Institut de police de
Nicolet pour parfaire ou suivre leur entraînement. C'est tout à
fait normal que dans les prévisions budgétaires l'on inscrive un
certain montant d'argent si l'on veut engager, durant l'année, 10 ou 15
policiers. Alors on dit: Dans le budget, nous avons tant d'argent, tout
dépendra si on va nous l'accorder, oui ou non. Mais l'argent est
prévu pour l'entraînement.
M. BACON: Je mets surtout en évidence l'argument des
municipalités qui disent: Si on engage un ingénieur ou un
urbaniste, il arrive formé et on le met au travail tandis que dans le
cas où vous parlez de formation de policiers... Remarquez que je ne dis
pas que c'est mon opinion, je vous donne l'argument des municipalités de
moindre importance.
M. DULUDE: Certainement, M. le député. Le problème
majeur dans la province de Québec, présentement, est
l'entraînement du policier en place. On devrait exiger que toute personne
qui entre dans une force policière reçoive l'entraînement
nécessaire prévu pour devenir policier dans une
municipalité ou dans une ville.
M. MARCHAND: Vous seriez d'accord que les municipalités soient
obligées d'envoyer des aspirants policiers à Nicolet.
M. DULUDE: Oui, certainement. L'entraînement de base est
nécessaire.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, d'abord, vous savez sans doute que
j'aime appeler les choses par leur nom, à plus forte raison, j'aime bien
appeler les gens par leur nom. Est-ce que votre nom est M. Delude ou
Dulude?
M. DULUDE: Dulude.
M. PICARD: Ici, on a écrit M. Roger Delude.
M. DULUDE: Simple rectification.
M. CARON: J'aimerais faire remarquer au député d'Olier que
le directeur Dulude est du beau comté de Verdun.
M. PICARD: Ah! Je comprends. M. Dulude, j'aimerais avoir l'opinion des
chefs de police sur un point bien précis qui a fait l'objet de tout un
chapitre dans le livre blanc du ministre de la Justice et qui touche aux
ressources sur le plan des communications, du transport, de l'équipement
et de divers moyens techniques mis à la disposition des corps
policiers.
J'ai été surpris de voir que votre mémoire ne fait
pas allusion du tout aux besoins qu'il y aurait dans ce domaine pour les divers
corps policiers de la province. Cela me surprend d'autant plus
qu'habituellement c'est le chef de police, comme le chef de n'importe quelle
entreprise, qui est au courant des besoins de son entreprise ou du corps
policier. Est-ce que vous pourriez nous donner un aperçu de ce que
seraient ces besoins?
M. DULUDE: Certainement, M. le député.
Présentement, si on n'en a pas parlé dans notre mémoire,
c'est qu'il y a énormément de travail qui se fait actuellement au
niveau de la province au point de vue des communications, au centre de
renseignements des policiers du Québec. Dans les communautés
urbaines, il y a beaucoup de travail qui se fait au point de vue des
communications, des systèmes de communications, il y a certains montants
d'argent qui sont prévus pour les systèmes de communications.
Nous n'avons pas mentionné dans notre mémoire ce point-là
spécialement, mais il y a du travail qui se fait, le budget a
été prévu. Tout dépendra encore une fois d'autres
municipalités où il n'y a pas de communauté urbaine. C'est
une nécessité, mais, par contre, la Loi de police voit à
la surveillance pour que des centres de renseignements soient établis
dans les corps de police de la province de Québec.
M. PICARD: J'ai justement présente à l'esprit une
amélioration que j'aimerais voir approuver par les corps policiers.
C'est ce qui touche, par exemple, les moyens de transport, les voitures
utilisées par les policiers en patrouille. Je sais que dans l'Etat de
New-York, du moins dans ce qu'ils appellent le Upper New-York State, on fournit
des voitures, que j'appel-
lerais "standard", réglementaires, mais avec un châssis
renforcé pour assurer plus de sécurité aux policiers. Je
me souviens d'avoir rencontré il y a quelques années un policier
qui avait une voiture Mercury. Son moteur était plus puissant, et ce
qu'on appelle le "frame" le châssis était renforcé pour que
le policier soit en mesure de rattraper les gens qu'il poursuivait. Alors,
pensez-vous que ce serait dans ce genre-là qu'on devrait
améliorer l'équipement pour assurer plus de
sécurité au policier?
M. DULUDE: Je crois que dans certaines villes, présentement, cela
se produit, cela se fait au point de vue du châssis, comme vous venez de
le dire. Maintenant, au point de vue de la régionalisation, je crois que
ça va être un moyen efficace pour que l'on voie à prendre
certaines mesures pour que les véhicules que nos policiers emploient sur
la route soient construits d'une façon sécuritaire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Matane.
M. BIENVENUE: Chef, vous venez de parler de l'urgence, de la
nécessité d'envoyer vos cadets des différents corps
policiers municipaux à l'école de police, n'est-ce pas, afin
qu'ils reçoivent à ce moment-là une formation
supérieure à celle que vous avez peut-être eue, vous, il y
a plusieurs années. Les moyens modernes évoluent, etc. Par
ailleurs, je pense que nous voulons tous faire du métier de policier
peut-être une profession de policier, n'est-ce pas...
M. DULUDE: Certainement.
M. BIENVENUE: ... face aux problèmes modernes, aux
méthodes du crime organisé, des criminels organisés etc.
Verriez-vous d'un bon oeil, chef, vous et votre association, que dès le
niveau du CEGEP, on songe un jour à donner des cours pour ceux qui
songent à l'avance à la carrière policière?
M. DULUDE: Cela s'en vient, M. le député, c'est cela que
l'on veut. Graduellement, vous l'aurez, puis ça ira peut-être un
peu plus haut avec les années, pour l'entraînement du policier,
pour le professionnalisation du policier.
M. BERTRAND: Est-ce qu'il n'y a pas un CEGEP, à l'heure actuelle,
M. Dulude, qui donne des cours? Il y a au moins un ou deux CEGEP qui donnent
des cours en matière policière?
M. DULUDE: En matière policière. M. BERTRAND: Je suis
convaincu. M. DULUDE: En matière policière, oui.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf. Le
député de Matane a une autre question.
M. BIENVENUE : Je n'avais pas terminé. Une dernière
question. Chef, nous savons tous qu'aux budgets municipaux il se dépense
des sommes considérables pour le temps que doivent passer vos policiers
devant les tribunaux, lorsqu'ils sont assignés comme témoins,
etc. Avez-vous songé, ou votre association a-t-elle songé,
à des moyens qui pourraient permettre de réduire ces coûts
qui sont parfois exorbitants?
M. DULUDE: Voici, M. le député, présentement
l'association est consciente de ce qui se passe et je ne dirais pas que
l'association même, mais par contre des membres auraient fait certaines
remarques constructives à qui de droit pour essayer d'améliorer
l'accélération ou la précision du temps que les membres
des forces policières auront à passer à la cour.
M. LE PRESIDENT: Terminé? Oui.
M. DROLET: M. Dulude, j'avais oublié une question tout à
l'heure. A la page 6 de votre mémoire, à la fin du paragraphe, en
haut, vous dites: "L'expérience de tels comités de police dans la
province d'Ontario s'est avérée bonne et nous croyons que cette
recommandation fera disparaître les lacunes de l'administration actuelle
des corps de police qui relève dans bien des cas de l'autorité
municipale". Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée
là-dessus? Est-ce qu'il existe encore de tels cas où
l'autorité municipale semble jouer, avec certaines polices, certains
chefs de police, dans nos petites municipalités surtout...
M. DULUDE: Dans plusieurs municipalités, présentement,
c'est l'autorité municipale qui est l'autorité dans la ville
même. Ils ont leur corps de police mais encore une fois c'est
l'autorité municipale qui règne à ce moment-là.
Mais on prévoit encore, au point de vue de régionalisation et
d'intégration... Si on parle, à Toronto, du Board of
Commissioner, on y vient, parce qu'on parle du conseil de
sécurité en haut de la page, dans le même paragraphe. On
s'en tient au conseil de sécurité à ce moment-là,
qui est établi par le Board of Commissioner en Ontario, et ici c'est le
conseil de sécurité.
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que ce serait dans l'optique justement de la professionnalisation du
travail de policier que de confier sa tâche au conseil, comme vous le
mentionniez tout à l'heure, au lieu que ce soient des édiles
municipaux, par exemple, au niveau local, pour les municipalités dont il
est fait mention présentement, qui exercent certaines ingérences
au niveau du travail du policier?
M. DULUDE: Assurément, par expérience, on va parler de la
Communauté urbaine de Montréal. Nous avons un conseil de
sécurité qui fonctionne à merveille. On n'a aucun
problème à ce moment-là. C'est cela qu'on veut, un conseil
de sécurité qui va coordonner le travail des corps policiers dans
une région donnée.
M. LE PRESIDENT: Le député de Robert-Baldwin.
M. SEGUIN: M. le Président, une question très naive. En
vos propres termes, avec l'expérience que je vous connais, et à
la suite des nombreux mémoires du livre blanc, etc., en quelques mots,
d'après vous, qu'est-ce que c'est un policier?
M. DULUDE: Si je me permettais, M. le député, en deux
mots...
M. SEGUIN: Prenez-en quatre si vous voulez.
M. DULUDE: ... il est tout. Il est policier, serviteur public, à
certains moments il agit, même s'il n'est pas avocat, mais il va en
prendre certaines initiatives, c'est un médecin, c'est un
prêtre... En toutes circonstances, Mais si c'est ce que vous voulez en
quelques mots, c'est ça le policier. Mais c'est un serviteur public pour
la sécurité des citoyens. Il ne faut pas l'oublier. Il prononce
un serment d'allégeance...
UNE VOIX: C'est de la pratique illégale... On peut le faire
arrêter!
M. DULUDE: Non, je veux préciser: ce n'est pas de la
médecine, mais c'est pour prévenir en certains cas... Au point de
vue de secourisme, si vous voulez. Même en cas d'urgence, les
accouchements, c'est tout à fait normal, pour sauver des vies.
M. SEGUIN: Ce que vous me dites ou d'après votre
définition, j'en viendrais peut-être à conclure que le
policier doit, de par sa nature, la nature de sa fonction, d'après sa
personnalité, d'après sa personne, tout cela, il doit être
un individu très près de la population tout en ayant et assumant
les responsabilités de surveillance, etc., pour la
sécurité du citoyen. Il doit être très
près.
M. LE PRESIDENT: M. Séguin, est-ce que vous pourriez lever le
ton, s'il vous plaît? Voulez-vous parler plus fort?
M. SEGUIN: Voyez-vous, on m'accuse toujours de parler trop fort. Alors,
j'ai voulu diminuer le ton.
Dans la description que vous avez donnée, vous avez omis
l'importance peut-être ou la part du policier dans la lutte à la
criminalité, ou dans la détection du crime bien
spécifique. C'est une fonction. On donnait une partie des fonctions.
Prenons un secteur urbain, prenons le secteur de la région de
Montréal, en dehors de l'île même, de cette région
urbaine, quelle serait la part du policier moyen, non pas le
spécialiste, mais de l'agent et des officiers des postes, dans les
différents secteurs en général? Quelle serait la
proportion du temps qu'il dépenserait à la détection,
à l'enquête sur le crime, à comparer à toutes les
autres fonctions que vous avez bien voulu reconnaître et décrire
brièvement?
M. DULUDE: M. le député, en parlant des buts de la force
policière, de ce qu'ils comportent pour le policier même, on dit
qu'il est là pour maintenir l'ordre, protéger la vie et la
propriété des citoyens, observer les lois, les faire observer,
pour assurer la prévention et la détection du crime et pour
arrêter les délateurs de la loi.
Naturellement, si on parle de criminalité, d'un vol à main
armée perpétré dans une région à
l'extérieur de la métropole, le policier doit faire face au
même criminel que si le criminel était dans le centre de la
métropole même. Peut-être que le pourcentage des crimes,
dans certaines régions n'est pas aussi élevé qu'ailleurs;
dans d'autres endroits, il est plus élevé; le policier est plus
exposé, si vous voulez, dans certains endroits à être
victime ou à s'occuper de criminalité à ce
moment-là. Mais, encore une fois, si vous parlez des policiers en
uniforme, dans certaines villes, ce sont eux qui font les enquêtes, ce
sont eux qui font la prévention; dans d'autres villes, on a des gens
spécialisés; par contre, le policier sur la route, dans son
travail quotidien, l'applique.
M. SEGUIN: Je ne veux pas vous mettre les paroles dans la bouche
naturellement, mais s'il y a dans un secteur ou dans une région 3000 ou
4000 policiers, des gens à temps plein, au service du citoyen pour la
protection, la prévention, enfin tout ce que vous voulez en
criminalité: question de vol, question de meurtre, question de
méfaits, là où il y a un méfait sérieux,
je ne parle pas de renvoyer des petits gars qui jouent devant une
vitrine de magasin diriez-vous que le policier moyen, "l'average", le
policier régulier dépense peut-être 10 p.c, 5 p.c. ou 25
p.c. de son temps, à des choses qui regardent strictement le code
criminel?
M. DULUDE: Le pourcentage exact?
M. SEGUIN: Non, ce serait difficile, mais j'élimine les
spécialistes.
M. DULUDE: Je ne voudrais pas m'avancer là-dedans, M. le
député, au point de vue du pourcentage exact.
M. SEGUIN: Est-ce 50 p.c. de son temps?
M. DULUDE: On ne ferait pas erreur en disant 50 p.c.
M. SEGUIN: Cela dépendrait du milieu, naturellement?
M. DULUDE: Oui.
M. SEGUIN: Vous avez parlé tout à l'heure, M. le
Président, si on me le permet, des communications et du travail
énorme ou immense qui se faisait dans la région de
Montréal, au sujet des communications. Trouvez-vous que le travail qui
se fait au point de vue des systèmes de communications est un travail
je ne dirais pas valable mais bien dirigé? Est-ce que, par
exemple, la façon d'envisager les communications, à la grandeur
de l'île de Montréal, est un travail qui vous satisfait? Ou
pensez-vous qu'on se débat un peu avec des moulins à vent, des
Don Quichotte, qu'on semble apporter des systèmes de communications qui
sont peut-être arriérés de 25 ou 30 ans et qu'on manque
peut-être de voir un peu ce que de réelles communications peuvent
faire au point de vue de la coordination par exemple?
M. DULUDE: Je suis entièrement d'accord avec vous, M. le
député; le travail pourrait être
accéléré dans la région métropolitaine
surtout pour les communications des corps policiers.
M. SEGUIN: Utilisez-vous, à votre connaissance, la
télévision en circuit fermé?
M. DULUDE: Nous n'avons rien présentement.
M. SEGUIN: Est-ce que les policiers sur la route ou en patrouille,
à part l'appareil de radio qu'ils peuvent avoir dans leur automobile,
ont ce qu'on appelle des walkie-talkies? C'est très populaire de ce
temps-ci.
M. CHOQUETTE: Dans certains milieux.
M. DULUDE: M. le député, dans l'ouest de l'île de
Montréal, je crois qu'il y a une ou deux villes où...
M. SEGUIN: Westmount.
M. DULUDE: Ville Mont-Royal... le policier a, dans son véhicule,
surtout pour la vérification de nuit, un transreceveur, mais ce n'est
pas partout.
M. SEGUIN: Est-ce que vous avez connaissance qu'ils utilisent un
système d'ordinateur ou d'informations immédiates pour n'importe
lequel policier de la région? C'est-à-dire qu'en prenant son
téléphone, sa radio il puisse appeler à un endroit central
et attendre sur la ligne qu'il ait sa réponse, est-ce qu'on a
ça?
M. SEGUIN: C'est en voie d'exister très prochainement, ça
n'existe pas présentement. Je ne parlerai pas pour la
Sûreté du Québec, probablement que ça se fait pour
elle présentement. Mais, pour les autres corps policiers, je ne suis pas
prêt à dire oui.
M. SEGUIN: Avez-vous un commentaire à faire sur cette pratique
assez commune ces années-ci? Lorsqu'on négocie des contrats,
certains corps de policiers, n'ayant pas le droit de grève et ne voulant
pas s'absenter de leur travail pour des études, emploient une pratique,
nommément la grève de zèle ou encore "working to rule", si
je peux faire la traduction pour qu'on comprenne bien ce que je veux dire.
Avez-vous des commentaires à faire sur cette méthode que les
policiers adoptent aujourd'hui afin de convaincre les autorités, soit
municipales ou autres, qu'il faudrait céder et donner? Avez-vous des
commentaires, je ne dis pas comme individu, mais comme président de
l'association?
M. DULUDE: J'ai prévu cette question, M. le député.
Ici, j'ai noté que nous n'avons pas à nous introduire dans un
domaine où la législation du travail nous empêche, comme
représentants du patron, de nous prononcer généralement.
Nous sommes en principe pour le contenu du livre blanc et ses recommandations,
mais, en ce qui concerne le droit de grève et autres, nous laissons les
autorités compétentes s'en occuper.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, M. Dulude, j'aurais seulement une
petite question. On vous a parlé tout à l'heure de la perte de
temps occasionnée par la présence des policiers dans les cours de
justice venus témoigner ou présenter leur cause devant les
tribunaux. Il y a une autre perte de temps qu'en tant que citoyens nous sommes
à même de constater, je l'ai constatée moi-même.
Par exemple, dans la ville de Montréal, vous arrivez devant un
poste de police et vous apercevez quatre, cinq, six voitures de police qui sont
devant le poste. On se demande si elles sont en train de protéger le
poste ou quoi. Après une petite enquête, on s'aperçoit que
la raison de la présence de ces policiers au poste, c'est qu'ils ont
à faire des rapports pratiquement interminables sur le travail qu'ils
ont à effectuer.
J'ai eu l'occasion de constater la même chose à la station
Laurier de la Sûreté du Québec. Passez sur la
Transcanadienne, vous voyez cinq ou six voitures de police qui sont là.
Je suis d'accord que c'est peut-être bon d'avoir toutes ces
statistiques-là. Mais je me demande si les policiers ne perdent pas trop
de temps à préparer des statistiques et ne mettent pas assez de
temps pour le travail qu'ils voudraient faire, c'est-à-dire
l'enquête, dans le cas des gens de la Sûreté du
Québec, et la patrouille dans le cas des gens de la gendarmerie, je
dirais.
Est-ce que vous avez songé à des méthodes
plus efficaces pour permettre aux policiers de faire leur rapport de
façon plus rapide?
Est-ce que vous étudiez présentement des méthodes
de rapports plus rapides?
M. DULUDE: Voici, je me permettrai de vous répondre dans ce
contexte-là. Pour la région métropolitaine, nous avons des
formules où le policier...
M. PICARD: Combien de pages ont vos formules? Ont-elles 42 pages ou
quelque chose comme ça?
M. DULUDE: C'est extrêmement important, dans une ville où
il y a environ dix voitures, le temps, les accidents et autres, le policier va
faire son rapport très fréquemment lorsqu'il est en service,
lorsqu'il est en patrouille sur les formules qu'il a dans sa voiture. Je ne
suis pas prêt à répondre pour d'autres municipalités
qui ont leur corps de police. S'il y a perte de temps, le corps de police en
question et la tête dirigeante devraient s'en occuper. C'est tout
à fait normal.
Nous sommes tellement appelés sur la grande route. Vous avez
mentionné la grande route tout à l'heure. J'ai eu l'occasion, sur
la voie numéro 3, de voir un accident qui impliquait deux voitures
renversées. Il y avait cinq voitures de police et, réellement,
c'était nécessaire. Pour les blessés, c'est normal.
M. PICARD: J'en suis uniquement au temps passé par les policiers
tant de la Sûreté provinciale que des corps de police j'ai
constaté ça à Montréal au temps passé
par les policiers au poste. C'est sur les instructions ou la méthode de
travail ordonnée par vous, les chefs de police.
M. DULUDE: Pardon?
M. PICARD: Ce sont les chefs de police qui exigent certains rapports de
vos policiers. Est-ce que vous avez des méthodes modernes pour ces
rapports? Est-ce que vous avez des méthodes modernes pour ces rapports?
Est-ce que vous allez utiliser des magnétophones? Ce serait beaucoup
plus facile pour un policier de prendre un micro et de dicter un rapport,
quitte à employer une sténo-dactylo...
M. DULUDE: Présentement, encore une fois, dans certaines villes,
je ne peux pas dire qu'elles l'adoptent. On a certainement fait des
prévisions pour en avoir. C'est aux autorités municipales de
décider dans le budget de nous l'accorder oui ou non. C'est une des
bonnes méthodes. Encore une fois, il y en a tellement sur la
route...
M. PICARD: La troisième constatation à laquelle je me
référais tout à l'heure touche la Sûreté
provinciale. J'ai un chalet dans la région de Rawdon et à cinq
reprises, il a été enfoncé.
Le policier venait chaque fois faire le rapport, prendre les
dépositions. Il me disait la troisième ou la quatrième
fois, qu'il ne pourrait pas s'y rendre avant quatre heures de
l'après-midi parce qu'il avait quatre autres rapports de vol à
remplir. Je lui ai demandé quand il faisait ses enquêtes. Il m'a
dit qu'il n'avait pratiquement pas de temps pour faire l'enquête parce
qu'il passait son temps à faire des rapports. Qui fait l'enquête?
Quand votre chalet est enfoncé à cinq reprises, vous commencez
à être pas mal excusez l'expression
écoeuré. Sur ce plan-là, seriez-vous favorable à
l'utilisation plus fréquente, par la police,
d'hélicoptères, par exemple? On dit que la police utilise
occasionnellement des hélicoptères. Je me réfère
aux chalets d'été, aux vols dans les chalets d'été.
Les patrouilles pourraient être faites par hélicoptère. On
a beaucoup de difficulté avec les motoneiges. Les
hélicoptères pourraient surveiller les motoneigistes.
M. DULUDE: Tout est possible.
M. PICARD: Cela touche au provincial. Ma suggestion va au ministre.
Toutes ces patrouilles pourraient être faites par
hélicoptère. Je suis certain que, si un policier se
promène dans une région donnée jour après jour, et
qu'il se présente quelque chose d'anormal, il va le remarquer
immédiatement.
M. CHOQUETTE: L'hélicoptère coûte cher.
M. PICARD: Les assurances coûtent cher aussi. Les vols et les
assurances coûtent cher.
M. CHOQUETTE: Le ministre des Finances me restreint.
M. PICARD: Je vais lui parler.
M. LE PRESIDENT: Vous avez terminé.
M. PICARD: Je vais en parler au ministre des Finances.
M. LE PRESIDENT: Le député de Matane.
M. BIENVENUE: Merci, M. le Président. Chef, j'ai raison de
l'appeler chef, il est chef de tous les chefs d'ailleurs. Chef, il y a une
question qui me "chicote" depuis longtemps et qu'en fait je pourrais ou
aimerais poser à tous les représentants des autres corps ou
groupements de policiers qui sont ici, que ce soit de la Sûreté du
Québec ou de la ville de Montréal, etc. Quelle
appréciation ont vos membres du traitement que leur accorde la presse en
général, des commentaires ou du traitement que vous accorde la
presse? J'aimerais avoir une réponse franche de vous comme vous
répondez toujours franchement, d'ailleurs.
M. PICARD: On peut demander aux journalistes de sortir, si vous
voulez.
M. BIENVENUE: Non, aucunement, je parle au point de vue de l'opinion
publique.
M. PAUL: Ainsi que la presse et tous les media d'information.
M. BIENVENUE: Oui. J'ai dit presse en général,
parlée, écrite, etc.
M. DULUDE: Disons que c'est quelque chose que je peux me permettre de
dire, parce qu'une autre association ç'a été
mentionné a eu un colloque avec les media d'information, qui
mentionnaient qu'en général, il devrait y avoir meilleure
collaboration entre les media d'information et les forces policières.
Quand je dis: Il devrait, c'est normal que, dans certains cas, il puisse se
produire certaines anomalies dans un but quelconque, mais il peut certainement
y avoir amélioration.
M. BIENVENUE: Merci, chef.
M. LE PRESIDENT: Une dernière question, le député
de Maisonneuve.
M. BURNS: Une dernière et brève question. M. Dulude, de
par votre expérience et j'exclus de ma question les cas
très évidents de Montréal et Québec, entre autres,
qui ont des corps policiers administrés peut-être
différemment à cause du nombre ou de la grandeur de l'effectif
selon votre expérience, où se situe le chef de police dans
les relations patronales-ouvrières par rapport à la
municipalité, auprès du policier? Je vais tenter de
préciser ma question: Est-ce qu'il est le directeur administratif
purement et simplement? Je fais le parallèle avec ce qu'on appelle dans
une usine le "leading hand" ou le chef de groupe, qui n'a rien de disciplinaire
dans ses relations possibles avec l'employé. Est-ce que c'est
plutôt de ce type qu'est la relation entre le chef de police et le
policier lui-même ou est-ce que c'est plutôt quelque chose du type
contremaître par rapport à un employé? Au fond, est-ce
qu'il est en général le représentant de l'employeur dans
ses relations avec les employés? Est-ce que c'est ce qu'il fait ou si
c'est autre chose?
M. DULUDE: A votre question, c'est oui. Le directeur de police dans les
questions de régie interne avec ses policiers est le patron. Mais il
doit tout de même rendre compte à l'administration de la ville ou
de la municipalité qui l'emploie de ses actions au point de vue
administratif du service; il est responsable à l'autorité
municipale. Mais en régie interne, c'est lui le directeur, il est son
chef. C'est prévu dans la Loi de police.
M. BURNS: Dites-vous qu'il serait plus qu'un simple directeur de la
production, si vous me passez l'expression?
M. DULUDE: Je ne verrais pas le mot "production" s'employer ou
s'appliquer ici.
M. BURNS: Je parle au sens large, je fais toujours le parallèle
avec l'industrie.
M. DULUDE: Le directeur de police est celui qui émet des
directives dans la force policière, qui présente certains plans
pour les faire appliquer par les membres de la force policière toujours
en vue de la sécurité des citoyens. Il est responsable de ce qui
se produit dans sa ville au point de vue de la sécurité contre
les citoyens, au point de vue de la criminalité et autres sujets. C'est
de la régie interne, c'est lui qui s'occupe de ses hommes.
M. BURNS: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Verdun, une dernière
question très importante.
M. CARON: M. le Président, M. Dulude, quel pourcentage
additionnel je vais parler de l'île de Montréal, parce que
je m'y connais plus de policiers pourrait-on avoir si on sortait des
postes tous les policiers qui font du travail d'administration qui pourrait
être confié à l'entreprise privée?
M. DULUDE : Pour les 29 municipalités de l'île de
Montréal, je n'ai pas le pourcentage exact, je n'ai pas de statistiques,
M. le député. Mais il y a certainement et je crois que je
peux revenir à la réponse que le ministre de la Justice a
donnée hier après-midi à M. Lasnier si je ne me
trompe, pour les personnes qui ont une certaine incapacité pour
accomplir la tâche d'un policier réel, si on veut en parler ainsi,
un bas pourcentage; il n'est pas très élevé dans les 29
municipalités.
M. PAUL: Dans la plupart des cas, ce sont des employés
handicapés, des agents qui ont été victimes d'accidents,
qui souffrent d'une certaine incapacité partielle permanente, qui font
ce travail de bureau nécessaire.
M. DULUDE: Ceci arrive parfois, M. le député.
M. CHOQUETTE: Il ne faudrait pas oublier, quand même, que dans le
système qui existe à l'heure actuelle, il faut rétablir
les choses. Il n'y a pas que les policiers qui agissent au sein des corps
policiers, il y a toute une série de fonctionnaires qui leur sont
adjoints.
M. DULUDE: C'est cela.
M. CHOQUETTE: Il faut faire la part des choses.
M. CARON: M. le ministre, je dis que si l'on utilisait nos policiers
pour leur faire faire du
travail policier, cela donnerait une meilleure protection pour la
population. C'est dans ce sens-là que je le dis.
M. CHOQUETTE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: M. Dulude, au nom des membres de la commission, je
voudrais vous remercier sincèrement de la présentation de votre
mémoire et remercier aussi vos proches collaborateurs d'être venus
ici présenter un travail très constructif à cette
commission.
J'inviterais maintenant le Barreau du Québec et sa
représentante, Me Micheline Audette-Filion, à présenter
son rapport.
Barreau du Québec
MME AUDETTE-FILION: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission parlementaire, je m'appelle Micheline Audette-Filion,
recherchiste au Barreau du Québec. Je suis accompagnée, ce matin,
de Me Louis Robichaud; à ma gauche, de Me Akos de Muszka et, à ma
droite, de Me Harvey Yarosky. Le Barreau du Québec n'entend pas, ce
matin, discuter des formules administratives relatives à la police non
plus que des questions particulières discutées dans le livre
blanc.
Il fera ses commentaires, s'il le juge nécessaire, lorsque la
législation qui suivra sera présentée. D'autre part, le
livre blanc constitue un aspect seulement d'une réforme judiciaire
envisagée par le ministère de la Justice. Les
représentants du Barreau du Québec comparaissent ce matin devant
la commission parlementaire de la Justice en vertu de leur rôle
d'auxiliaires de la justice et désirent exprimer, d'une façon
générale seulement, leurs impressions sur l'esprit et la
politique philosophique qui est élaborée dans le livre blanc.
Me Robichaud va vous présenter le mémoire.
M. ROBICHAUD: M. le Président, MM. les membres de la commission,
je vais faire lecture, si vous voulez bien, le plus rapidement possible, du
petit mémoire que nous avons préparé à l'endroit de
la commission.
Le Barreau du Québec, conscient de ses responsabilités
dont les plus essentielles sont la protection du droit des individus faisant
partie de notre société en harmonie avec le respect des droits de
la collectivité, a pris connaissance des principales propositions
contenues dans le livre blanc du ministre de la Justice de la province de
Québec. Dans un esprit de saine collaboration, le Barreau désire
faire certains commentaires et certaines recommandations.
Le Barreau considère ce livre blanc sur la police et la
sécurité des citoyens comme une sorte de nouvelle grande charte
du ministre de la Justice établissant une philosophie judiciaire qui se
veut une partie d'une politique de défense sociale. Il ne peut
qu'applaudir devant les grandes lignes de la politique élaborée
dans ce livre blanc, surtout lorsqu'elle fait état de la recherche d'un
équilibre entre une politique de laisser-aller et de mollesse trop
tolérante à l'endroit du crime sous toutes ses formes et entre
une politique d'une extrême dureté qui peut facilement aboutir
à l'Etat policier.
Le Barreau approuve le ministre de la Justice quand il se montre inquiet
devant une criminalité grandissante à aspects souvent nouveaux
(terrorisme, faillite frauduleuse, etc.). C'est avec raison que le livre blanc
entend rechercher des moyens modernes pour combattre les nouvelles formes de
criminalité. De même, les remarques contenues au livre blanc
distinguant le criminel du crime arrivent à point dans une
société dont la philosophie passée a plutôt
été orientée vers la répression intégrale du
crime que vers des tentatives de réhabilitation du criminel.
Le Barreau désire donc assurer le ministre de la Justice de la
province de Québec qu'il approuve entièrement la pensée
philosophique élaborée dans le livre blanc sur la police et la
sécurité des citoyens.
Il est heureux d'y trouver tout au long de l'exposé et
nous le soulignons ici la recherche d'un juste milieu entre, d'une part,
le respect des droits individuels de la personne humaine, la présomption
d'innocence, le droit au cautionnement, l'assistance d'un avocat et, d'autre
part, la volonté exprimée sans équivoque d'augmenter
l'efficacité des corps policiers afin de rechercher et de
réprimer le crime plus efficacement.
Chapitre de la carte d'identité. Le Barreau constate que le livre
blanc pose la question de l'opportunité d'une carte d'identité
obligatoire sans y apporter de réponse. Ceci semble indiquer
l'inquiétude du ministre de la Justice sur le sujet et le ministre a
raison d'être inquiet. En effet, cette carte d'identité pourrait
être obligatoire pour tous les citoyens ou facultative.
Si elle est obligatoire, il s'ensuit que des pénalités
devront être encourues par ceux qui ne pourraient l'exhiber lorsqu'ils
seraient requis de le faire. Donc en tout temps un citoyen pourrait se voir
demander par un policier sa carte d'identité obligatoire. S'il ne
l'avait pas, on pourrait lui dresser une contravention et même l'amener
au poste de police pour enquête. De même, si un citoyen oubliait
d'avertir le poste de police de son changement d'adresse, encore là on
pourrait lui dresser une contravention.
L'instauration d'un tel système serait de nature à amener
de nombreux excès et à acheminer la société vers le
harassement policier, créant une névrose collective d'Etat
policier.
D'autre part, si la carte d'identité n'est pas obligatoire, nous
ne voyons pas vraiment son utilité car ceux qui veulent enfreindre les
lois conserveront toute leur latitude actuelle.
Les divers facteurs que nous venons de mentionner et d'autres qu'il
serait fastidieux d'énumérer semblent favoriser le maintien
du
statu quo. Par ailleurs les diverses cartes distribuées
présentement aux citoyens, telles que celle de l'assurance-maladie,
etc., constituent des preuves d'identification suffisante encore qu'imparfaites
pour fins électorales ou autres.
Réhabilitation des délinquants. Le Barreau apprécie
le désir exprimé dans le livre blanc d'intensifier et de raffiner
l'action policière pour mieux combattre la criminalité, dont
l'augmentation est vraiment alarmante. Nous sommes d'avis que tous les
policiers de la province de Québec devraient obligatoirement passer par
l'école de police pendant un certain laps de temps avant
d'accéder à leurs fonctions.
Il y a un chapitre qui n'est pas contenu dans notre mémoire parce
que le Barreau a été passablement déchiré entre
deux thèses, deux opinions, MM. les membres; et même notre courte
présence ici ce matin nous a convaincus que le déchirement existe
également au niveau du ministre actuel et des corps policiers. Je vais
vous lire ce que nous avions préparé auparavant, parce que le
Bâtonnier sortant, M. Cinq-Mars, a déjà exprimé son
opinion, au nom du Barreau, sur la création d'un nouveau
ministère qu'on pourrait appeler le ministère de
l'Intérieur ou le ministère de la Police.
Le livre blanc exprime le voeu qu'un nouveau ministère distinct
du ministère de la Justice soit créé pour avoir la haute
main sur toute l'organisation policière de la province de Québec.
Sur cette question les opinions des membres du Barreau semblent très
partagées.
Nous prenons note de l'énoncé de principe contenu au livre
blanc sur l'une des attributions principales du ministre de la Justice, soit
son rôle naturel d'arbitre, page 126, des contingences de l'action
policière. A ce titre, le Barreau comprend que ce rôle peut entrer
en conflit avec certaines fonctions que le ministre peut être
appelé à exercer, comme par exemple, le pénible devoir
d'ordonner une enquête à la suite de certaines actions
policières présumément irrégulières. Nous
comprenons que certaines expériences passées ont pu donner
l'impression au ministre qu'il devenait juge et partie en même temps, le
plaçant parfois dans une situation très délicate. Ici, on
peut songer à l'enquête Sicotte, etc.
Avec beaucoup de réserves et la dissidence d'au moins un membre
du comité, le Barreau serait quand même prêt à
approuver la création du nouveau ministère proposé en
soulignant les dangers théoriques que cette solution peut
présenter à savoir que ce ministère puisse devenir trop
puissant ou assumer un certain rôle de l'Etat dans l'Etat.
Nous désirons souligner les abus que de tels ministères
ont entraînés particulièrement dans certains pays d'Europe,
où certains titulaires ont abusé de leurs pouvoirs en
créant des polices parallèles. La solution alternative
proposée par certains membres du Barreau serait le maintien du statu
quo, c'est-à-dire un seul ministère de la Justice avec un
sous-ministre doté de pouvoirs considérables, lequel serait
affecté exclusivement aux affaires policières par
délégation.
Si messieurs les membres veulent poser des questions plus tard, Me de
Muszka, qui est un Néo-Canadien, au pays depuis 20 ans et qui a
vécu dans plusieurs pays d'Europe, pourra vous en parler.
Nous continuons la lecture du mémoire tel que
rédigé.
Réhabilitation des délinquants. Le Barreau apprécie
le désir exprimé dans le livre blanc d'intensifier et de raffiner
l'action policière pour mieux combattre... J'ai passé sur ce
sujet tout à l'heure.
Nous mentionnons que le ministère ne doit pas oublier qu'un des
moyens puissants pour combattre le crime est la prévention, laquelle
devrait être aussi l'oeuvre des policiers. Ceux-ci sont souvent trop
éloignés du public.
D'autre part, les institutions actuelles de réhabilitation sont
souvent dans des conditions déplorables et nous insistons sur le fait
que l'un des puissants moyens pour combattre le crime, en plus de la
prévention, consiste dans la réhabilitation des
délinquants.
Syndicalisation. La philosophie générale du livre blanc
approuve la syndicalisation au sein des corps policiers comme étant une
mesure bénéfique ayant apporté dans le passé des
améliorations considérables à la situation du policier.
Nous prenons note de l'énoncé de principe déclarant la
grève au sein des corps policiers comme étant illégale et
nous approuvons cette politique mais quand même les
événements survenus au Québec au cours des
dernières années ne peuvent que nous laisser songeurs sur cette
question. Nous comprenons qu'une grève générale au sein
d'un corps de police doit être considérée illégale
mais nous suggérons fortement que des mécanismes plus efficaces
soient mis en route pour prévenir certains débrayages
spontanés.
Un tribunal spécial du travail ne devrait-il pas être
créé en vue de régler les problèmes des conditions
de travail des policiers? Ce tribunal pourrait comporter la présence
d'économistes et devrait pouvoir rendre des décisions
finales.
Suggestions générales. Le Barreau se déclare
heureux des intentions énoncées au livre blanc d'instaurer une
enquête sur le crime organisé. Il émet le voeu que la
création d'une telle enquête ne retarde pas trop.
Le Barreau suggère au ministre de la Justice l'instauration d'un
mécanisme quelconque, par exemple un registre central où seraient
acheminés, par voie électronique s'il le faut, les noms des
personnes arrêtées, de nature à permettre aux proches d'une
personne arrêtée d'en être informés
immédiatement et de savoir où elle se trouve afin d'une part
d'être fixés et d'autre part de pouvoir lui assurer sans retard
les services d'un avocat. C'est là une chose qui tarde à venir et
nous ne pouvons pas recommander cette proposition de façon trop ferme.
Il
arrive très souvent, ici, j'ouvre une parenthèse
les avocats doivent chercher des personnes arrêtées
à travers les postes, par exemple dans une ville comme Montréal.
On transfère les policiers d'un poste à l'autre, on leur dit: Il
n'est pas ici, en fait, il n'est pas là, mais justement parce qu'on l'a
envoyé au poste 14. Il devrait y avoir un service d'acheminement, et pas
de cachette là-dessus. Cela fait trop longtemps...
M. CHOQUETTE: Vous avez raison, mais je pense que cette pratique qui a
existé autrefois n'existe plus guère à l'heure actuelle.
On a eu connaissance de cela, cela a existé, bien sûr.
M. ROBICHAUD: Néanmoins, M. le ministre, je pense que ce serait
une bonne chose que de recommander l'acheminement par des registres.
Aujourd'hui, on fait tout par voie électronique, on ne me fera pas
croire qu'on n'est pas capable de faire cela. Les gens sont inquiets lorsque
des membres de leur parenté sont arrêtés et on cherche
partout, on ne sait pas. Cela pourrait se faire dans l'espace de quinze
minutes, si on le voulait.
Cependant, des moyens sûrs devraient être adoptés
afin de prévoir la destruction systématique de cette information
après un certain temps.
Mentionnons finalement que le Barreau étudie présentement
les questions de l'usage des tables d'écoute et de l'espionnage
électronique afin de faire ses représentations aux gouvernements,
entre autres quant au projet de loi C-252 de la Chambre des communes du Canada
(Loi sur la protection de la vie privée).
Le Barreau serait en principe d'accord sur le principe, d'une part de
prohiber en général l'interception des communications
privées au moyen d'un dispositif mécanique ou d'autre part,
d'autoriser l'interception des communications privées moyennant une
autorisation judiciaire préalable et à condition que ce soit le
seul moyen mis à la disposition des agents de la paix pour la solution
d'un acte criminel. Là-dessus, je dois vous dire qu'il y a un
sous-comité du Barreau dont je fais partie et qui siège, qui a
siégé et l'inquiétude qui a été
manifestée quant à l'autorisation judiciaire afin d'obtenir la
permission d'utiliser les tables d'écoute, ce serait de savoir qui la
donnerait.
C'est tellement important l'autorisation qui est sur le point
d'être obtenue pour aller fouiller dans la vie privée des gens par
voie de table d'écoute. On se demande si un juge ordinaire devrait
être investi d'un tel pouvoir. On s'est demandé s'il ne devrait
pas y avoir un genre de protecteur du citoyen ou d'autorité au niveau
d'un sous-ministre ou même obligatoirement le juge en chef de la cour
Supérieure.
Le Barreau suggérera également un mode de contrôle
des actions policières ou autres relativement aux infractions dans ce
domaine. Le tout respectueusement soumis, le Barreau du Québec.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais féliciter le
Barreau de nous présenter très succinctement un mémoire
très nuancé. Je pense que le Barreau a fort bien perçu les
difficultés qui se posent au niveau de l'action gouvernementale et de
l'action policière pour que celle-ci soit équilibrée, pour
que, tout en protégeant la liberté, tout en sauvegardant les
droits des individus, on ait quand même une action policière
efficace. Je vois cette préoccupation dans toutes les expressions
d'opinions qui se trouvent au mémoire et même dans cette division
dont vous avez fait état au Barreau, sur la question de savoir si un
ministère spécialisé devrait exister au niveau de la
police.
Je ne peux pas faire d'autres commentaires que de dire que le point de
vue du Barreau sera considéré dans toutes les décisions
que nous allons prendre à l'avenir. Pour ma part, je suis heureux de
cette contribution de votre groupe professionnel.
M. ROBICHAUD: J'ai oublié une chose, M. le Président, qui
n'est pas contenue dans notre mémoire. Une recommandation à
laquelle nous ne pouvons qu'applaudir, c'est lorsque vous dites dans le livre
blanc que l'employeur d'un policier devrait toujours être tenu
responsable à la suite d'une action policière.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. ROBICHAUD: Comme vous le savez, si un policier, dans l'exercice de
ses fonctions, pour réprimer un acte criminel, blesse ou tue quelqu'un
accidentiellement, il peut être poursuivi et sa responsabilité
seule est engagée. Je comprends que des conventions collectives
prévoient que l'employeur, la municipalité sera responsable.
Mais, nous avons noté, aux pages 65 et 151, que vous le mentionnez, et
nous croyons que c'est très urgent. L'employeur devrait toujours
être responsable des actions de son policier devant les tribunaux
civils.
M. CHOQUETTE: Je voudrais simplement ajouter une chose, M. Robichaud,
à laquelle on devrait réfléchir, puisque vous parlez de
nouvelles formes de relations de travail et, si M. Marcil est dans la salle, il
pourra noter ce que je dis. Ce n'est pas une suggestion que je fais, c'est
simplement une idée qui mérite d'être explorée, dans
le domaine des relations de travail entre employeurs et corps policiers. Je
voyais qu'aux Etats-Unis on a adopté récemment une
législation où, sans avoir recours à l'arbitrage
obligatoire, on a institué un comité de trois personnes.
Là, la négociation se poursuit entre les deux parties,
jusqu'à un terme déterminé. Si les parties ne sont pas
tombées d'accord sur une convention collective, le comité, qui
agit en somme comme tribunal, choisit des dernières propositions des
deux parties celle qui lui parait
la plus conforme à l'équité et à la justice.
Ceci crée toutes les conditions voulues pour que l'employeur et le
groupe des employés essayent de trouver la formule optimum de relations
de travail à un moment déterminé. Ce n'est pas l'arbitrage
obligatoire, parce que ce ne sont pas des tiers qui imposent une convention
collective aux parties, mais c'est une formule qui incite les parties au
rapprochement et à trouver la formule de relations de travail qui peut
le plus coller à la réalité.
Je mentionne simplement cette formule, qui était décrite
dans le magazine U.S. News & World Report et qui s'applique au domaine des
transports aux Etats-Unis. On sait que ce domaine aux Etats-Unis est tout
à fait critique et que les gouvernements américains essayent par
tous les moyens possibles et imaginables d'éviter des grèves dans
ce domaine-là. Ce serait peut-être une formule sur laquelle
pourrait se pencher le Conseil supérieur du travail en collaboration
avec le ministère de la Justice ainsi que le ministère du Travail
et les organismes que représentent les policiers ici
présents.
M. ROBICHAUD: Cette suggestion d'un tribunal spécial, M. le
ministre, émane de Me de Muszka.
M. CHOQUETTE: Justement, j'ai vu ici qu'on pourrait peut-être
rapprocher cette suggestion de cette nouvelle formule de relations de travail
qui évitera des grèves dans le domaine policier.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: Je veux aborder dans le sens des remarques du ministre de la
Justice pour féliciter le Barreau de la qualité de son
mémoire, de son esprit de concision, de sa clarté et des
différents sujets qui y sont traités. M. le Président, je
voudrais poser une question à Me Robichaud. Je ne voudrais pas qu'il
donne une réponse au nom du Barreau. Je voudrais questionner le
criminaliste de carrière et d'expérience.
Est-ce que vous seriez en mesure de nous dire, M. Robichaud, si la carte
d'identité obligatoire serait un moyen de réprimer le crime chez
nous? Est-ce que ce serait une façon de voir une régression du
crime, avec toute l'expérience que vous avez?
M. ROBICHAUD: Personnellement, M. le député, je ne le
crois pas.
M. PAUL: Vous ne croyez pas. La carte d'identité pourrait
être falsifiée ou...
M. ROBICHAUD: Exactement.
M. PAUL: ... elle ne pourrait pas servir d'arrêt ou de gêne
à son détenteur pour le paralyser ou le gêner dans la
commission d'un crime.
M. ROBICHAUD: C'est exactement l'un des points faibles de cette
proposition, c'est que ce serait trop facile pour les fraudeurs, les faussaires
d'en fabriquer. C'est mon opinion, évidemment...
M. CHOQUETTE: Vous savez qu'il y a des cartes, actuellement, qu'on ne
peut pas falsifier. Il y a des cartes, actuellement, qui sont offertes, elles
nous ont été démontrées, puisque le
député de Maskinongé a soulevé la question de la
carte à la suite du Barreau, je l'ai déjà dit en de
multiples circonstances, nous n'avons pas de politique qui soit
arrêtée sur le sujet et nous continuons nos études.
Il y a des cartes actuellement comportant un système chimique
à l'intérieur, un liquide et aussitôt qu'on tente de
défaire ou d'altérer la carte ou de la briser, tout se
détruit. Mais je ne dis pas que la carte d'identité, d'autre
part, est la solution à tous les problèmes.
M. PAUL: Je voulais avoir l'opinion de Me Robichaud en raison de son
expérience.
M. ROBICHAUD: Vous savez, quand des gens font des hold-up, des crimes de
violence et tout ça, ils ne font pas de conférence de presse pour
annoncer leurs projets à l'avance. Le crime se fait dans la
clandestinité en général.
M. PAUL: Maintenant, M. Robichaud, sur un autre point de votre
mémoire que je relève à la page 4, c'est la recommandation
et même l'obligation que les législateurs imposeraient pour qu'un
cadet policier suive un cours à l'Institut de police de Nicolet. Est-ce
que vous accepteriez également comme excellente école de
formation, pour autant que nous y ayons des professeurs compétents, les
CEGEP? Tout à l'heure, il a été mentionné qu'il y
avait un ou deux CEGEP. Je ne sais pas si le ministre peut nous dire...
M. CHOQUETTE: Il y en a deux. M. PAUL: Il y en a deux.
M. CHOQUETTE: Il y a le CEGEP d'Ahuntsic et le CEGEP
François-Xavier-Garneau de Québec qui dispensent des cours en
technique policière.
M. PAUL: Mais il restera toujours qu'il faudra, à mon humble
point de vue, aller parfaire cette instruction en technique policière
dans le bain même qu'est l'Institut de police où les cours sont
dispensés par des hommes de carrière, des hommes de profession.
Mais vous ne mettriez pas d'objection, le Barreau non plus, à la
multiplication rationnelle de l'ensei-
gnement des techniques policières dans les CEGEP?
M. ROBICHAUD: Nous ne sommes pas préparés à
répondre à cette question-là, M. le
député.
M. PAUL: Maintenant, une autre question, M. Robichaud. C'est à
l'avant-dernier paragraphe de la colonne de gauche de votre mémoire,
à la page 4, où vous traitez du droit de grève dans les
corps policiers comme devant demeurer illégal. Est-ce que vous auriez un
jugement à apporter sur cette façon de contourner la loi lorsque
l'on tient des journées d'étude?
M. ROBICHAUD: Evidemment, si vous me demandez de qualifier cette
technique employée par des gens qui n'ont pas le droit de grève,
vous me demandez de porter un jugement assez lourd. Poser la question c'est y
répondre. Les journées d'étude, qu'est-ce que c'est si ce
n'est pas un débrayage? C'est le principe que mon confrère vient
de me souligner. C'est de tenter de faire indirectement ce qu'on ne peut pas
faire directement.
M. PAUL: Je remercie Me Robichaud. En même temps, je
félicite les membres du Barreau qui se sont intéressés
à préparer ce mémoire très intéressant.
MME AUDETTE-FILION: M. le Président, Me Yarosky aurait
peut-être un point à ajouter.
M. YAROSKY: Je me permets d'ajouter un mot à la suggestion de la
page 4 pour enregistrer les personnes détenues ou arrêtées
par la police. Je veux vous assurer que ce n'est pas dans l'optique seulement
de contrôler la cachette ou les cas où le policier agit de
mauvaise foi. Cela n'arrive peut-être pas très souvent, mais trop
souvent, que même de bonne foi de la part du policier dans le
déroulement normal des choses souvent cela arrive à des
jeunes des gens soient détenus ou arrêtés sans que
leur famille, sans que leurs parents sachent où ils sont ou sachent ce
qu'il leur est arrivé. Le Barreau a fait cette suggestion parce que nous
avons vécu trop souvent l'expérience où, tout d'un coup,
un membre d'une famille je dis, encore une fois, qu'il peut s'agir
souvent de jeunes disparaît. Il est essentiel qu'il retourne chez
lui à six heures. Il n'est pas là. Une, deux, trois ou quatre
heures après, on n'a pas de nouvelle de lui. Ce n'est pas facile de
retracer cette personne. C'est difficile pour un avocat et c'est encore plus
difficile pour un citoyen de savoir ce qui est arrivé à cette
personne.
Tout d'abord, il y a l'angoisse de la famille, d'une part, et
l'inquiétude d'autre part, si quelqu'un disparaît. Si un individu
est entre les mains de la police, il a le droit d'avoir un conseil quant
à ses droits. Le but de notre suggestion est de faciliter les choses
dans tous les cas où quelqu'un est arrêté ou détenu
même de bonne foi de la part des policiers afin que les
membres de sa famille ou un avocat puisse le trouver le plus rapidement
possible, pour que, d'un côté, sa famille sache où il est
et, de l'autre côté, on puisse lui faire apporter le conseil
auquel il a droit en vertu de nos lois.
Le but de cette suggestion n'est pas simplement pour contrôler les
actes ou les gestes des policiers qui agissent de mauvaise foi, parce que cela
arrive très souvent quand tout le monde agit de bonne foi. C'est
simplement cela que j'avais à dire.
MME AUDETTE-FILION: Parallèlement, il ne faudrait pas oublier
d'assurer un mécanisme de destruction des dossiers. Je pense que c'est
une recommandation à laquelle le Barreau tient à coeur. Il a
recommandé à plusieurs reprises la destruction
systématique des dossiers de police dans les cas où des personnes
sont arrêtées et que des plaintes ne sont pas portées ou
qu'elles sont, par la suite, acquittées.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.
M. DROLET: Au nom de notre parti, nous remercions Me Micheline
Audette-Filion et Me Robichaud pour leur magnifique mémoire. Nous avons
encore devant nous un autre superbe résumé des idées et
des points de vue du Barreau. Il y a également de très bonnes
suggestions. J'ai remarqué au début de la page 4, en haut, la
première suggestion concernant une enquête sur le crime
organisé. Notre parti est certainement en faveur d'une véritable
enquête sur le crime organisé, le terrorisme et l'infiltration de
la pègre un peu partout. Nous espérons que cette enquête
aura lieu non seulement pour le plaisir de faire une enquête ou de placer
des gens, mais une véritable enquête qui pourra apporter de justes
solutions au problème du crime organisé, du terrorisme et de
l'infiltration de la pègre.
Me Robichaud a laissé voir tout à l'heure dans son
exposé que son collègue, placé à sa gauche,
pourrait nous donner ses idées pour ou contre un véritable
ministère de la police.
Est-ce qu'on pourrait avoir les idées du Barreau
là-dessus?
M. DE MUSZKA: M. le Président, M. le député, si on
regarde un peu seulement l'histoire des trente dernières années
et si on analyse un peu les Etats policiers comme l'Union soviétique,
comme l'ancien régime fasciste, comme l'ancien régime
hitlérien, lorsqu'une personne accapare le pouvoir policier et peut le
contrôler, même si on a le Parlement auquel elle doit rendre
compte, on ne peut pas empêcher que, tôt ou tard, il puisse se
faire presque un Etat dans l'Etat.
Je suis persuadé que, même si on dit que le ministre de la
Justice est en même temps et le contrôleur et le chef de la police,
il est par son
rôle d'arbitre beaucoup plus en mesure de contrôler la
police qu'un ministre qui serait responsable seulement pour les affaires
policières. Si on donne la responsabilité
déléguée, comme on a dit dans notre mémoire,
à un sous-ministre sous la surveillance du ministre de la Justice,
l'équilibre sera beaucoup meilleur que si on avait un ministre de la
police.
Au fond, c'est le souci d'équilibre qui, dans un Etat, est
très important. Dès que le déséquilibre se forme,
on ne peut plus savoir où va et quel sera le résultat.
M. DROLET: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je suis heureux de dire que c'est
peut-être un des premiers mémoires du Barreau à me faire
tellement plaisir, en ce sens qu'on y retrouve d'abord un souci d'exercer le
véritable rôle du Barreau, c'est-à-dire représenter
ou protéger le citoyen plutôt que protéger ses membres.
C'est peut-être un des effets du dernier congrès du Barreau
où les avocats se sont penchés sur le rôle social qu'ils
doivent exercer.
Entre autres, je partage entièrement l'opinion du Barreau
concernant la carte d'identité et surtout la recommandation qui est
à la page 4 concernant le registre central. J'attire
particulièrement l'attention du ministre sur cette recommandation,
étant donné que ceci pourrait être mis en vigueur
même sans attendre, je pense, de législation particulière,
ça peut fonctionner au niveau des directives administratives.
Contrairement à ce que le ministre disait tantôt, ça
se fait encore beaucoup. Et comme le disait, je pense, Me Robichaud ou Me
Yarosky, ce n'est pas parce que les policiers agissent de mauvaise foi que
ça se fait. C'est tout simplement dans les faits que ça arrive. A
un endroit comme par exemple Montréal, où quelqu'un est
arrêté au poste no 4, on ne sait pas s'il est en transit entre le
poste no 4 et les quartiers-généraux ou s'il a été
relâché. Très souvent, ça prend des heures avant de
retracer un client.
M. CHOQUETTE: Je pense que...
M. BURNS: Je parle d'expériences vécues très
récemment.
M. CHOQUETTE: ... le député va quand même admettre
que les prescriptions du code criminel à l'effet de traduire un
accusé devant un tribunal dans les 24 heures sont observées.
M. BURNS: Oui, mais déjà vingt-quatre heures, je n'en ai
aucunement sur ce fait-là. Le problème, c'est qu'il y a des
heures pendant lesquelles on ne sait pas comme un des
représentants du Barreau le disait tantôt si la personne a
été arrêtée, si elle a été
relâchée, si elle est en transit entre deux postes de police ou
entre les quartiers généraux. Une fois qu'on le sait, on dit:
D'accord, au plus tard dans les vingt-quatre heures, on pourra se
présenter devant les tribunaux. Ce n'est pas du tout le même
problème, à mon avis.
M. CHOQUETTE: Il ne faudrait pas laisser croire que cela dure des
semaines.
M. BURNS: Ecoutez, je pense bien que la population sait en
général qu'une personne qui est arrêtée doit
être amenée devant les tribunaux dans les vingt-quatre heures; je
pense bien que nous pouvons l'affirmer hautement, si ce sont les craintes du
ministre.
M. CHOQUETTE: Non, non. Je dis qu'il faut situer cela dans son contexte.
Je trouve que la suggestion est valable.
M. BURNS: Elle est d'autant plus valable qu'elle est, à mon avis,
actuellement essentielle. Si le ministre regarde certains des mémoires
qui ont été présentés à la commission
Prévost, plusieurs, dont celui de la Confédération des
syndicats nationaux et celui, je pense même, du Barreau, disaient que
cette chose-là devrait être faite immédiatement, je ne me
souviens pas si la commission en a fait une recommandation précise.
Mais, dans le concret, c'est quelque chose d'essentiel et non pas dans deux ou
trois ans; cela devrait être fait immédiatement. Je peux faire
erreur, le ministre me corrigera là-dessus, je ne pense pas que cela
exige de loi particulière.
M. CHOQUETTE: Cela pourra se faire plus facilement à partir du
1er janvier 1972. Vous comprenez?
M. BURNS: Oui, je comprends. A Montréal, vous voulez dire?
M. CHOQUETTE: Oui, à Montréal.
M. BURNS: J'aurais quelques questions à poser au
représentant du Barreau. Plus particulièrement, vous faites
vôtre, Me Robichaud, la proposition no 63 du livre blanc qui
défend la grève aux policiers. Ce qui me frappe, c'est que vous
vous inquiétez des débrayages spontanés. Je vous pose la
question bien directement: Est-ce que vous ne croyez pas que si les policiers
avaient le droit de grève, selon des normes bien précises
prévues au code du travail, il y aurait moins de danger de
débrayages spontanés? Justement, ils prendraient leurs propres
responsabilités, à moins que l'on dise que les policiers n'ont
pas le sens des responsabilités, chose que je ne dis pas, bien au
contraire. Je pense que, comme groupement syndical, tout groupe, dans un
domaine où l'opinion publique peut être facilement
sensibilisée, va prendre d'autant plus ses responsabili-
tés vis-à-vis d'un débrayage, vis-à-vis
d'une grève, selon des normes établies, s'il y a droit.
J'émets tout simplement l'opinion que, si les policiers avaient le droit
de grève, il y aurait peut-être moins de débrayages
spontanés parce que le débrayage spontané est
habituellement un signe d'une frustration qu'on ne peut pas canaliser vers
autre chose. Est-ce que ce n'est pas, selon vous, une des méthodes de
corriger ces débrayages spontanés, le fait d'accorder
effectivement le droit de grève aux policiers?
M. ROBICHAUD: C'est une solution à laquelle nous avons
pensé et qui mérite d'être étudiée, M. le
député. Mais, même si l'on donne un droit théorique
de grève, à la suite de négociations, médiations,
arbitrages, est-ce que vous êtes assuré quand même qu'il n'y
aura pas une explosion à un certain moment, comme il y en a eu
dernièrement dans une salle surchauffée? C'est cela qui est la
question.
M. BURNS: On ne peut jamais en être sûr mais on peut
peut-être penser que ce serait moins fréquent ou qu'il y aurait
moins de chance que cela arrive.
M. ROBICHAUD: C'est une solution qui mérite d'être
étudiée. Je sais que l'on en a parlé.
Est-ce que ce ne serait pas mieux de donner un droit limité de
grève, que de l'abolir complètement et de risquer des
débrayages spontanés comme on en a eus dernièrement? De
toute façon, je considère qu'on doit prendre note de ce qui est
arrivé dans le contexte des cinq dernières années pour les
législations futures.
M. BURNS: Ma deuxième question s'adresse peut-être à
Me de Muszka, puisque j'ai cru comprendre que c'était sa suggestion.
Toujours dans le domaine des relations de travail, le Barreau nous parle d'un
tribunal spécial du travail. Est-ce à dire que, selon le Barreau,
en admettant que les policiers continuent à ne pas avoir droit à
la grève, les mécanismes actuels d'arbitrage obligatoire ne sont
pas, à votre avis, adéquats? Est-ce que c'est ça que
ça veut dire?
M. DE MUSZKA: M. le député, M. le Président, je
pense que nous nous sommes arrêtés un peu comme
sidérés par des notions pas mal dépassés par le
temps. On a l'arbitrage obligatoire et tout cela répugne maintenant
à la plus grande partie du monde syndicalisé.
En 1971, on devrait faire de nouvelles expériences, comme par
exemple, un tribunal de travail indépendant, doté d'un personnel
adéquat comme des sociologues, des économistes etc., et
même des représentants des différents syndicats, pour
pouvoir humainement, économiquement et psychologiquement résoudre
les problèmes, les conflits. Ce serait peut-être une bonne
expérience, d'abord chez les policiers, chez les employés
publics, quitte, si cette expérience est heureuse, à
l'étendre dans le secteur privé.
C'est pour cela que nous pensons qu'une expérience quant aux
policiers peut être tentée et, si elle est valable, on pourra par
la suite l'appliquer davantage.
M. BURNS: Alors, c'est en termes d'un tribunal permanent...
M. DE MUSZKA: Permanent. C'est dans ce sens-là.
M. BURNS: D'accord, je comprends votre point de vue.
M. ROBICHAUD: C'est une question que le Barreau pose.
M. BURNS: Non, mais je trouve que c'est une suggestion qui mérite
d'être considérée. Je ne sais pas, je ne me prononce pas
sur sa valeur immédiatement.
Quant à l'autre question que je voulais poser, c'est
peut-être à Me Robichaud que je devrais la poser. Vous
émettez le voeu que la création d'une enquête sur le crime
organisé ne retarde pas trop. En somme, vous endossez la proposition du
livre blanc à ce sujet. Comme criminaliste, si vraiment les gens du
milieu du crime organisé méritent ce nom de crime
organisé, est-ce que vous croyez sincèrement que cela puisse
donner quelque chose de faire une enquête sur le crime organisé?
Sinon, qu'on se dise, entre nous, vous et moi, tout ce qu'on sait
déjà sur le crime organisé, pour l'avoir vu, mais est-ce
que vous pensez que ça puisse donner de véritables
résultats?
M. ROBICHAUD: Je le pense. Cela va démasquer certains personnages
au grand jour. La commission Prévost s'est prononcée
là-dessus également. La commission Prévost s'est
prononcée, elle a donné des noms, n'est-ce pas? Dans le public,
on a l'opinion que l'autorité ne fait rien, que ça commence
à être sérieux. Je pense que ça donnerait des
résultats. Je ne parle pas nécessairement comme criminaliste,
mais simplement comme citoyen.
M. BURNS: Bon, une dernière question, Me Robichaud. Vous nous
avez parlé des déchirements qui existent à
l'intérieur de votre groupe...
M. ROBICHAUD: C'est peut-être un grand mot.
M. BURNS: J'utilise le mot que vous avez utilisé.
M. ROBICHAUD: C'est un mot à la mode, d'ailleurs.
M. BURNS: Même si vous n'êtes pas en mesure de nous donner
une recommandation précise, est-ce que vous êtes en mesure de dire
si, à votre connaissance, même si vous n'avez pas fait
d'enquête auprès des membres du Barreau, si c'est la
majorité des membres du Barreau qui est défavorable à la
création d'un ministère séparé pour les affaires
policières?
M. ROBICHAUD: Je pense que je pourrais laisser la réponse
à notre recherchiste, qui est membre du Barreau également et qui
a eu connaissance de certains sondages et de ce qui s'est fait au cours des
dernières années.
MME AUDETTE-FILION: Je crois que le Barreau a déjà
manifesté l'impression que, en général, il serait
favorable. Me Cinq-Mars s'est prononcé à un moment donné
sur cette question. Ce qu'on voulait faire aujourd'hui...
M. BUNRS: Oui, mais excusez-moi, Me Filion...
MME AUDETTE-FILION: ... c'est simplement attirer l'attention sur les
réserves et les dangers qu'il peut y avoir. Qu'on prenne les moyens
d'éviter ces dangers-là, mais sur le principe...
M. BURNS: Je m'excuse, mais ma question était plutôt
axée non pas sur ce qu'en pense le Bâtonnier, ni le comité
d'étude, mais quelle est votre perception, à vous, de ce qu'en
pensent les membres du Barreau? Même si vous n'avez peut-être pas
fait d'enquête particulière auprès des membres, est-ce
qu'il y a une opinion majoritaire qui se dégage?
MME AUDETTE-FILION: Disons que je n'ai pas d'enquête
précise, mais certainement, du moins au niveau d'un certain nombre,
l'année dernière, l'opinion du Bâtonnier exprimait un
certain consensus au niveau de quelques membres. Mais, assurément, il y
a des opinions dissidentes, c'est certain.
M. LE PRESIDENT: Le député ministre de Matane.
M. BIENVENUE: Me Robichaud, au sujet du voeu du Barreau pour une
enquête sur le crime organisé, est-ce qu'au moment de vos
délibérations a été soulevée la question du
droit de ne pas s'incriminer de la part de ceux qui seront appelés comme
témoins lors de cette enquête ou, alors, de leur obligation, sous
peine de mépris de cour et d'emprissonnement, est-ce que cela a
été discuté?
M. ROBICHAUD: Cela n'a pas été discuté, la question
a été résolue au point de vue de la jurisprudence depuis
longtemps, c'est que tout le monde est obligé de témoigner dans
une enquête ordonnée par l'autorité, commission
gouvernementale, ici contrairement aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis on peut
refuser de répondre, mais ici on ne peut pas refuser de répondre
et la jurisprudence semble unanime de ce côté-là. Alors, on
n'a pas à discuter cela, mais si vous me demandez une opinion juridique,
je vous dirais que les gens sont obligés de répondre sous peine
de sanction et sous peine d'aller en prison.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, c'est peut-être un peu
téméraire de ma part de questionner des avocats, étant
donné que je ne suis pas avocat, il y en a plusieurs autour de
moi...
M. CHOQUETTE: Ne soyez pas timide.
M. PICARD: Pas timide, d'accord.
Avec le consentement du ministre de la Justice, j'aimerais savoir si le
Barreau partage du moins, il le laisse croire l'opinion
émise récemment par le Procureur général à
Ottawa, Me Jean-Pierre Goyer, à l'effet que l'administration de la
justice devrait maintenant s'axer plus vers la réhabilitation du
criminel que la protection de la société.
M. ROBICHAUD: Au moment où le ministre a fait cette
déclaration, il a été éprouvé par certains
malheurs, comme vous le savez, parce qu'au cours des jours qui ont suivi deux
pensionnaires, en tentative de réhabilitation, ont commis des
fredaines.
M. PICARD: C'est probablement la Providence qui a voulu que ça
arrive à ce moment-là.
M. ROBICHAUD: On n'a pas étudié à savoir si
l'accent devrait être mis davantage sur la réhabilitation du
délinquant que sur la protection de la société. Je pense
qu'encore là il faut rechercher un équilibre très
difficile à atteindre, comme le ministre de la Justice l'a
mentionné tout à l'heure, c'est le même équilibre
qu'il faut rechercher là. Personnellement, j'ai une opinion contraire
à celle du Solliciteur général Goyer là-dessus, si
c'est ça qu'il a vraiment dit. Je pense que les journaux ont un petit
peu changé...
M. PICARD: Je l'ai entendu et je l'ai vu à la
télévision. Je me suis levé debout pour m'approcher du
téléviseur, parce que je ne le croyais pas.
M. ROBICHAUD: Je comprends votre stupéfaction, je ne pourrais pas
dire que je partage cette opinion-là; comme en philosophie, c'est le
bien commun qui doit primer.
M. PICARD: Maintenant, est-ce à dire que...
M. ROBICHAUD: J'ai un confrère qui aurait un commentaire à
ajouter là-dessus.
M. YAROSKI: M. le Président, je crois que c'est peut-être
une question de terminologie,
dire qu'on doit plus faire attention à la réhabilitation
qu'à la protection des citoyens. A mon opinion, c'est de mal poser le
problème. D'après ce que j'ai toujours compris, la vraie
réhabilitation des gens est un des moyens les plus efficaces pour la
protection de la société. Pour moi c'est mal poser la question
que de se demander: Est-ce qu'on doit mettre l'accent sur la
réhabilitation ou sur la protection de la société? On a
divers moyens pour protéger la société. Il faut
prévenir le crime, il faut trouver les criminels mais, une fois qu'on
les a trouvés je parle surtout encore des jeunes qui sont
récupérables il faut vraiment tenter de les
réhabiliter.
Si on réussit à le faire, c'est un des moyens les plus
efficaces pour protéger la société. Ce qui arrive trop
souvent aujourd'hui, c'est que le jeune homme qui va en prison, un jour, il
sortira de prison et il en sortira moins récupérable. Il sort
pire que lorsqu'il y est entré. Je crois qu'il ne faut jamais oublier
que la réhabilitation est très importante lorsqu'on parle de la
protection de la société.
M. PICARD: Mais lorsque vous parlez d'un juste milieu, est-ce
qu'à votre avis ce milieu-là ne devrait pas pencher un peu plus
du côté de la protection de la société plutôt
que de pencher un peu plus du côté de la réhabilitation du
criminel? Parce que le juste milieu est presque impossible.
M. YAROSKI: Il me semble qu'on doit faire les deux.
M. PICARD: J'aimerais vous poser une autre question maintenant. Quelle
est votre opinion concernant la politique actuelle de la Commission des
libérations conditionnelles? Est-ce que vous approuvez la façon
dont on procède présentement dans les libérations de
criminels pratiquement de carrière qui réussissent quand
même à obtenir leur libération conditionnelle même si
ça fait quatorze fois qu'ils sont condamnés?
M. ROBICHAUD: Evidemment, il y a une question de statistiques qui entre
en jeu à ce niveau-là, M. le député, et les
statistiques sont souvent des choses qui sont sujettes à
interprétation selon la manière dont on veut les
interpréter. Les gens de la Commission des libérations
conditionnelles prétendent que leur dossier est supportable et
défendable. Quant à moi, comme substitut du procureur
général, en plus d'être membre du Barreau, je suis
très souvent frustré de voir des gens libérés
après un an, alors qu'ils ont été condamnés
à quatre ou cinq ans. Cela est absolument frustrant et je pense que
ça arrive trop souvent. Il y a une réforme qui devrait se faire
à ce niveau-là et je pense qu'il y a certains criminels qui
sortent de prison trop tôt.
M. CHOQUETTE: M. Robichaud, puis-je vous poser une question? Quel est
l'effet de la politique des libérations conditionnelles sur les
jugements que rendent les juges? J'imagine le cas d'un juge qui a une sentence
à rendre sur un cas de hold-up ou un cas de crime de violence. Il peut
imposer cinq, huit ou dix ans et il peut même aller plus loin. Mais s'il
y a, en somme, cette espèce d'autre juge qui vient après lui, la
Commission des libérations conditionnelles, quel effet cela a-t-il sur
l'administration de la justice?
M. ROBICHAUD: Voilà une question très pertinente et qui se
pose de plus en plus, M. le ministre.
A la cour d'Appel on a longtemps prétendu qu'on ne devait pas
avoir en vue la probabilité de libérations précoces.
Depuis deux ou trois ans, la cour d'Appel se prononce constamment dans le sens
ou dans l'idée que si le sujet condamné à une lourde peine
est apte à une réhabilitation par une étude de
psychologues ou de sociologues, à ce moment-là, on en prend note
et on constate qu'au niveau de la Commission des libérations on fera ce
qu'il y a à faire.
La question est très pertinente. Je pense que les juges font mine
de ne pas s'occuper de la libération probable et précoce de
l'individu. Mais je pense bien que, dans leur for intérieur, ils doivent
y penser. Ils doivent penser que, s'il condamne monsieur X à neuf ans,
il est éligible à la libération après trois ans. La
peine de neuf ans qu'ils lui infligent, au fond, c'est une peine de trois
ans.
Je pense bien que, dans son for intérieur, le juge doit penser
à ça. Il devrait y penser, d'après moi.
M. PICARD: J'ai une autre question. Dans votre mémoire, Me
Robichaud, vous semblez être contre la carte d'identité
obligatoire, de même que contre la formation d'un ministère
distinct pour les affaires policières. Ne croyez-vous pas que les
arguments que vous utilisez toujours dans ces deux cas-là sont des
arguments qui ne sont pas valables en Amérique du Nord? Je connais
très bien M. De Muszka. Il nous a parlé tantôt des dangers
qu'il y avait de ces ministres de l'Intérieur en Europe. Etes-vous
capable de trouver des arguments qui seraient valables en Amérique du
Nord et non pas en Europe? On a vécu il y a quelques années
l'expérience du commander Way et du commissaire ou de l'inspecteur
Gaubiac de Paris, venus ici avec l'idée de nous aider à
créer un service de police adéquat. Ils ont pris le bateau ou
l'avion pour rentrer chez eux. Ce sont eux qui ont pris une leçon sur ce
qui se passait en Amérique du Nord, non pas nous sur la façon
dont cela se passait en Europe. Dans tous les domaines, c'est la même
chose. Lorsque vous arrivez en Europe, que ce soit pour la carte
d'identité ou le fait de voir un policier à Londres le
bobby de Londres qui n'a pas de revolver; tout ce qu'il a, c'est un
bâton et un sifflet.
Et ça se passe comme ça en Angleterre, ça ne se
passe pas comme ça en Amérique du Nord. Vos arguments de carte
d'identité, d'Etat policier, c'est un épouvantail que vous
brandissez devant la population. La population a voté à
Montréal à 82 p.c, en 1964 en faveur de la carte
d'identité. Vous ne prenez pas ça en considération parce
que ce sont des citoyens...
M. ROBICHAUD: Justement, vous dites...
M. PICARD: ... nord-américains et non des Européens.
M. ROBICHAUD: Ecoutez, vous dites la même chose que nous. On vient
de vous dire qu'on est contre la carte d'identité...
M. PICARD: Vous avez parlé...
M. ROBICHAUD: ... c'est parce qu'on vit dans le continent
nord-américain qui est à tradition britannique et on n'a pas
besoin de ça. C'est justement ce qu'on vous a dit tout à
l'heure.
M. PICARD : Vous parliez tantôt de la possibilité de
falsification des cartes d'identité. Le ministre...
M. ROBICHAUD: C'est en Europe qu'ils en ont, nous, nous n'en voulons
pas.
M. PICARD: La même chose arrive pour la falsification du
papier-monnaie. Mettez des lois prévoyant que la personne qui est prise
à falsifier une carte d'identité, c'est sept ans de
pénitencier...
M. ROBICHAUD: Est-ce que je pourrais vous demander si vous êtes
en...
M. PICARD: ... je ne vois pas...
M. ROBICHAUD: ... faveur de la carte d'identité?
M. PICARD: Pardon?
M. ROBICHAUD: Etes-vous en faveur de la carte d'identité?
M. PICARD: A 100 p.c, monsieur. Le plus vite en l'aura, le mieux ce
sera.
M. ROBICHAUD: Alors, vous imitez les Européens.
M. PICARD: Et je ne suis pas le seul; 82 p.c. de la population de
Montréal a voté pour.
M. ROBICHAUD: A ce sujet-là, vous imitez les Européens.
Ils l'ont en Europe.
M. PICARD: Est-ce que c'est si embêtant que ça? J'ai dans
mes poches un permis de conduire d'automobile depuis 35 ans, et je n'ai jamais
eu à montrer ce permis à moins d'être pris dans une
infraction au code de la route ou bien au cours d'un accident. Si j'observe la
loi, on ne me demandera pas ma carte d'identité.
M. ROBICHAUD: Et si vous l'oubliez? M. PICARD: Sur ce plan...
M. ROBICHAUD: Vous ne croyez pas que ça va créer un
état de névrose?
M. PICARD: ... c'est la même chose que pour mon permis de
conduire. Si je l'oublie, on m'amène au poste et ça ne prend pas
de temps, j'ai mon permis de conduire ou ma carte d'identité.
M. ROBICHAUD: Vous ne croyez pas que ça peut
dégénérer dans un état de psychose, de
névrose?
M. PICARD: En Europe, oui, mais pas en Amérique du Nord,
où la population ne permettra pas que ça
dégénère comme cela.
M. ROBICHAUD: C'est justement pourquoi on n'en veut pas, parce qu'on est
en Amérique du Nord.
M. PICARD: C'est tout ce que j'avais à dire.
M. CHOQUETTE: Le député d'Olier est absolument pour le
"law and order".
M. PICARD: "Law and order", il y a longtemps que je me suis
prononcé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.
M. BACON: Ma question est surtout relative à la création
d'un ministère de l'Intérieur. Si j'ai bien compris votre
attitude face à cette possibilité, vous semblez manifester une
certaine réserve, toutefois en suggérant plutôt la
nomination d'un sous-ministre de la Justice qui serait chargé des
affaires policières. Vous ne trouvez pas qu'il y a autant de danger de
concentrer les pouvoirs dans les mains d'un même homme qui serait
sous-ministre, qui ne se rapporterait pas directement à la Chambre?
M. ROBICHAUD: Il va se rapporter à son ministre. Il sera toujours
sous l'empire du ministre de la Justice, qui aura toujours la haute main.
M. BACON: Si j'ai bien compris votre attitude, est-ce que vous
favoriseriez plus cette seconde option que la première?
M. ROBICHAUD: Non, l'opinion du Barreau
est très nuancée, très partagée; elle est
à l'effet que nous approuverions, sous certaines conditions et avec
beaucoup de distances, un ministère de l'Intérieur.
M. BACON: Juste une autre question, c'est une curiosité. Au sujet
d'un tribunal spécial du travail, vous faites une suggestion très
restrictive en parlant d'économistes au tribunal du travail; est-ce que
je pourrais avoir des explications?
M. ROBICHAUD: Des économistes, ce sont des gens qui viendraient
nous expliquer la situation financière. Par exemple, il y a toujours
cette question de parité qui revient; parce qu'à Toronto on a X,
il faut qu'à Montréal on ait Y. On ne semble pas toujours
s'occuper des capacités de payer. Il y a deux choses dans un conflit
ouvrier:...
M. BACON: En fait, l'économiste...
M. ROBICHAUD: ...la capacité de payer et le droit d'avoir la
rémunération X. Mais, si la municipalité est incapable de
payer le même montant, qu'est-ce que vient faire cette question de
parité qui revient toujours? C'est pour cela que des économistes
pourraient avoir leur mot à dire et ce serait très important
d'avoir des sociologues, des psychologues.
M. BACON: Vous accepteriez d'étendre le terme "économiste"
à "administrateur".
M. ROBICHAUD: Comment?
M. BACON: Vous accepteriez de donner une extension à votre terme
économiste jusqu'à administrateur?
M. ROBICHAUD: Probablement. Des commissaires qui ont une
compétence spécifique dans telle matière.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez autre chose?
M. ROBICHAUD: Non.
M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, je voudrais
d'abord féliciter le Barreau d'avoir délégué une
représentante charmante.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous allez être en
mesure de nous dire, cet après-midi, quand la Chambre des notaires va
présenter son mémoire?
M. LE PRESIDENT: En temps et lieu. Tout de même c'est le voeu
exprimé par les membres de la commission de féliciter le Barreau
d'avoir délégué une représentante charmante. La
commission le félicite aussi pour la présentation du
mémoire et invite le Barreau à participer encore activement aux
délibérations de la commission parlementaire de la Justice.
Avant d'ajourner à cet après-midi, je voudrais mentionner
que le premier organisme entendu sera celui de la Fédération des
employés de services publics de la province de Québec et le
deuxième, l'Association des policiers provinciaux du Québec.
Donc, la séance est ajournée à cet après-midi, 16
heures.
( Suspension de la séance : 12 h 40 )
Reprise de la séance à 16 h 15
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs!
Le ministre de la Justice va arriver dans quelques instants. Il arrive
à l'instant même. Cet après-midi, nous entendrons deux
mémoires. Le premier est présenté par le Conseil
professionnel des syndicats de policiers de la province de Québec,
représenté par M. Marcel Naud, président et le
deuxième par l'Association des policiers provinciaux du Québec,
qui sera représentée par M. Guy Magnan, président.
J'inviterais immédiatement M. Marcel Naud à présenter son
rapport.
Conseil professionnel des syndicats de policiers de la
province de Québec
M. NAUD: M. le Président, M. le ministre de la Justice,
laissez-moi premièrement vous présenter mes copains: à ma
droite, M. Marcel Bouchard, qui est le secrétaire du conseil
professionnel; à ma gauche, vous avez non pas Michel Chartrand, mais
René Chartrand, notre conseiller syndical. M. le Président, si
vous permettez, on peut lire le document en question.
M. LE PRESIDENT: Parfait.
M. NAUD: Si on sautait à la première page, on
épargnerait peut-être un peu de temps. Dans l'avant-propos, le
Conseil professionnel des syndicats de policiers de la province de
Québec, qui groupe quelque cinquante-cinq associations de policiers,
remercie la commission de lui donner l'occasion de faire quelques observations
sur le livre blanc "la police et la sécurité des citoyens".
Le conseil reconnaît que l'analyse de la situation
policière dans la province de Québec est, dans son ensemble,
assez réaliste. Ce qui va, et vous n'en doutez pas, retenir surtout
l'attention du conseil quant aux représentations qu'il entend faire en
regard de l'étude sommaire du document touche surtout les implications
d'ordre pratique, face aux propositions présentées par le
ministre de la Justice. "La police doit avoir une action qui corresponde aux
données sociales de son époque et de son pays... On retrouve cela
à la page 1. Sous cet aspect, le conseil est bien d'avis que le
rôle du policier est devenu, dans notre société moderne,
difficile à remplir. Aussi, sommes-nous d'accord pour reconnaître
qu'on se doit d'accorder à ce dernier toute la formation
nécessaire pour et dans l'efficacité de son travail, et
prévoir son adaptation aux problèmes sociaux de notre
époque. Son rôle consiste surtout à comprendre les groupes
et la société et permettre à celle-ci de s'exprimer en
toute quiétude.
En effet, le ministre lui-même ne déclare-t-il pas que dans
un Etat démocratique, la police est au service de la
société et a pour but d'assurer son évolution normale.
En effet, ce qui justifie la police dans un Etat démocratique,
c'est ce besoin de protéger les différentes libertés
individuelles et sociales et c'est également la nécessité
d'harmoniser ces libertés pour que naisse et se développe un
climat général d'ordre de tolérance et de paix. La police
n'est donc pas le bras séculier des tribunaux agissant au nom d'une
puissance gouvernementale dirigiste et répressive. Ce que l'on retrouve
à la page 9 du mémoire.
En conséquence, le conseil est d'avis, comme le dit d'ailleurs le
ministre à la page 35, que le maintien de l'ordre, le respect des lois
et la sauvegarde des institutions démocratiques ne sont pas des
matières à l'égard desquelles on peut prendre une attitude
exclusivement policière ou légaliste. La politique de
défense sociale ou du maintien de l'ordre dans la liberté est
nécessairement tributaire de la politique sociale et de la politique
économique. En d'autres termes, ce que l'on appelle communément
le maintien de l'ordre doit demeurer pour nous compatible avec les aspirations
légitimes de la majorité des citoyens. Il faut donc constamment
combler cet écart entre les lois et la politique du maintien de l'ordre
d'une part et l'appel sourd et parfois difficile à comprendre qui pousse
la société vers le changement et le progrès.
Dans cette optique, le ministre de la Justice parle à maints
endroits de l'importance du policier dans la société, de sa
formation professionnelle, mais encore faut-il que les changements
préconisés par le livre blanc se fassent en tenant compte des
droits des policiers, tant au domaine de leur rôle auprès de la
société que du rôle de la société
auprès d'eux. A cet égard, le conseil préconise plusieurs
modifications quant aux recommandations faites par le ministre.
C'est en tenant compte de cette conception du rôle du policier que
nous traiterons des principaux points qui, selon nous, le touchent de
très près dans l'accomplissement de ses fonctions. Ainsi,
traiterons-nous principalement: de la régionalisation et de
l'intégration des corps de police; de la commission de police; de la
réalisation de l'intégration régionale; du conseil de
sécurité publique; du personnel des services de police; et des
conditions de travail. Régionalisation et intégration. Ce qui a
attiré l'attention du conseil face aux recommandations du ministre, ce
sont surtout la régionalisation des services de la police et
l'intégration régionale.
Dans un premier temps, le ministre tend à vouloir conserver la
responsabilité des affaires de la police. Certes, en soi, ceci est
compréhensible. Ce que le conseil demande, c'est qu'au niveau de cette
responsabilité, on puisse retrouver un comité consultatif qui,
comme dans d'autres ministères, (exemple, les ministères du
Travail et de l'Education) ait comme tâche première d'informer le
ministre de tous les changements, modifications, interventions ou coordinations
avant qu'il prenne une décision.
Commission de police. Nous considérons également que la
Commission de police devrait posséder les pleins pouvoirs quant à
ses recommandations et que celles-ci deviennent automatiquement
exécutoires par les autorités municipales concernées. La
Commission de police devrait être en mesure de faire un travail en
profondeur au domaine, notamment, de ses enquêtes et on devrait mettre
à sa disposition tous les moyens les plus efficaces pour qu'elle
atteigne ses objectifs. Les enquêtes qu'elle ferait seraient publiques et
toutes parties impliquées seraient convoquées.
Nous traiterons plus loin, au domaine des conditions de travail des
policiers, d'un mécanisme de protection en vue d'avoir un droit d'appel
efficace contre tout ce qui pourrait être de nature à
empêcher toute revendication en matière de conditions de travail
et plus précisément, être en mesure d'en appeler de toute
décision; toujours dans l'optique des commissions de police.
D'autre part, lorsque le ministre parle de régionalisation d'un
service de la police, il fait appel à la Commission de police ou
à toute personne désignée comme
commissaire-enquêteur en vue de l'intégration totale ou partielle
des corps de police dans une région géographique
déterminée.
Le conseil croit qu'un comité régional
d'intégration devrait être formé dans chaque région
où il est question d'une telle intégration. Ce comité
régional d'intégration serait composé de tous les chefs de
police des régions concernées et d'un représentant de
chacune des associations accréditées touchées et, à
défaut, par un représentant de chaque corps de police.
La réalisation de l'intégration régionale. En
principe, le conseil est d'accord pour la régionalisation des services
de la police. Le conseil recommande toutefois, tout comme on le citait plus
haut, que toute intégration régionale ne puisse se faire sans
qu'un comité régional d'intégration puisse agir et faire
des recommandations en tenant compte de tous les éléments qui
ressortent de cette intégration possible.
Ce comité régional d'intégration devrait, à
notre sens, exercer les responsabilités du commissaire-enquêteur
(que l'on retrouve à la page 133). L'enquête terminée, il
devrait faire un rapport au ministre, au conseil consultatif, aux corps
policiers concernés, aux autorités municipales également
concernées et même à la Commission de police. Comme le
ministre lui-même déclare "que la régionalisation
n'écarte pas le concept de la représentation locale mais au
contraire y fait appel" (p. 132), on peut conclure que les
intéressés pourraient faire des représentations au
comité consultatif que nous suggérons.
Le conseil de sécurité publique. Dans l'esprit du livre
blanc "l'intégration de corps policiers à l'échelle
régionale bien que le territoire n'ait pas été
érigé en communauté urbaine ou régionale" (p. 132)
n'est pas exclue. Là où il n'y aurait pas de communauté
urbaine, il nous apparaît que le nouvel employeur dans le cas
d'intégration serait en quelque sorte le conseil de
sécurité publique, puisque l'une de ses principales fonctions
serait de négocier toute convention collective de travail.
A cet égard, le Conseil professionnel des policiers
recommandé de prendre les mesures nécessaires pour faciliter
l'application de l'intégration éventuelle quant aux conditions de
travail qui doivent régir les policiers.
Certes, le ministre de la Justice prévoit bien, le cas
éventuel, que toute intégration des corps policiers dans une
région donnée doit se faire en assurant la sécurité
d'emploi et de traitements des policiers et des fonctionnaires au service des
corps policiers intégrés. Mais, à notre sens, puisque l'on
parle de formation professionnelle, de responsabilités uniformes, etc.,
sans doute faudrait-il prévoir, tout comme dans le bill 75 (la Loi de la
Communauté urbaine de Montréal), l'uniformisation de tous les
droits, bénéfices et avantages sociaux, y compris le
régime de retraite et les traitements.
Sous ce dernier aspect, plus précisément, les policiers
devraient être traités sur un pied d'égalité
à l'échelle provinciale, tout comme la Sûreté du
Québec, sans quoi le chaos déjà existant irait en
s'élargissant.
Le conseil de sécurité doit donc notamment : a)
procéder à l'inventaire de l'actif et du passif de chacune des
villes ou municipalités existantes; b) 1- dresser, en collaboration avec
les villes ou municipalités existantes, un plan d'intégration de
leur personnel au service des villes après entente avec les syndicats
concernés ou les représentants des corps de police
affectés; 2- nonobstant les dispositions des articles 36 et 37 du code
du travail, un conseil d'arbitrage serait constitué afin de
régler toute difficulté découlant de l'application des
dispositions des articles 36 et 37 du code du travail relativement à
l'affectation du personnel des villes ou municipalités existantes; 3- ce
conseil d'arbitrage est constitué conformément aux dispositions
des articles 62 à 79 du code du travail à l'exception du
deuxième alinéa de l'article 66 et de l'article 78; 4- le
président du conseil d'arbitrage est nommé sur recommandation du
Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; 5- la
décision du conseil d'arbitrage est finale et lie les parties.
Le personnel des services de police. Au domaine de la formation des
policiers, le ministre rappelle à maints endroits dans son livre blanc
que "l'efficacité des corps de police repose en grande partie sur le
personnel policier. La société québécoise
d'aujourd'hui est mieux informée, plus instruite, plus critique et plus
ouverte à la participation. Il faut donc que la sélection
permette de recruter les policiers dotés dès le départ
d'une instruction de bonne qualité et il faut en outre que par le
recyclage,
le perfectionnement et par un plan de carrière, on garde
constamment le policier en contact avec la société et avec les
dernières données de sciences policières et humaines." On
retrouve ça aux pages 140 et 141.
Sous cet aspect, le conseil est bien d'avis que la formation
policière est très importante. Mais le ministre a semblé
oublier, dans son livre blanc, que cette formation qu'on exige du policier
devrait s'étendre et à plus forte raison, aux échelons
supérieurs de la police car il est difficile pour un policier,
fût-il compétent, de bien remplir les responsabilités qui
lui incombent quand on sait au départ que celui ou ceux qui le dirigent
n'a ou n'ont même pas la formation qu'on exige de lui.
Le conseil s'oppose à "l'entrée latérale de
personnes venant d'autres disciplines" (que l'on revoie la page 145). Les
policiers en place n'ont pas à subir les contrecoups de ce qu'on n'a pas
pu ou voulu leur fournir dans le passé, dans les secteurs du
perfectionnement, de l'équipement, etc. Cela ne signifie pas, pour
autant, que le conseil s'oppose à l'engagement de spécialistes,
ceux dont on parle à la page 145.
Les conditions de travail. Dans les propositions faites par le ministre
en page 146, il déclare que la question des relations de travail dans
les corps policiers, la composition des unités de négociation, la
négociation des conventions collectives et l'établissement des
conditions de travail fassent l'objet d'une étude et de recommandations
par un comité conjoint formé de représentants des
ministères du Travail et de la Justice ou du nouveau ministère,
et que le comité travaille en étroite collaboration avec les
représentants des syndicats de policiers, les membres de la direction
des corps policiers et les principaux employeurs ou représentants
d'employeurs de policiers".
La recommandation du conseil à cette fin est la suivante: Que
l'on reconnaisse aux policiers ce que le code du travail leur reconnaît
présentement tant au domaine des unités de négociation que
de la négociation des conventions collectives. Le conseil endosserait
qu'un tribunal d'arbitrage permanent soit constitué pour entendre, soit
les griefs ou les différents des associations de policiers. Cependant,
le jour où l'on constituera un tel tribunal permanent, il devra
s'inspirer dans son mandat (ce qui devrait être même prévu
dans la loi) du statut particulier du policier, ...en raison même de la
situation particulière dans laquelle ils se trouvent, les policiers
doivent recevoir de la société, par l'intermédiaire de
l'Etat, le statut particulier que méritent leurs fonctions. Aussi,
l'Etat doit-il reconnaître aux policiers un traitement spécial au
point de vue salarial. Cette compensation est nécessaire eu égard
à la situation unique faite aux policiers. Une discipline
particulière régit le policier jusque dans sa vie privée.
La commission du moindre acte criminel peut lui faire perdre son emploi. Les
risques du métier sont pour lui plus grands que pour d'autres. Son
activité personnelle est limitée au point qu'en pratique il lui
est interdit de participer activement à la vie politique et qu'on exige
qu'il possède une maîtrise exemplaire de lui-même. D'autre
part, une formule de négociation adaptée aux conditions actuelles
et qui saurait...
M. NAUD: ...et qu'on exige qu'il possède une maîtrise
exemplaire de lui-même. D'autre part, une formule de négociation
adaptée aux conditions actuelles et qui saurait reconnaître la
situation particulière du policier doit être adoptée.
Par ailleurs, le conseil ne peut souscrire à la recommandation no
66 à l'effet que l'on élimine des conventions collectives les
clauses susceptibles d'entraver l'efficacité des corps de police ou de
nuire à leur gestion efficace. vous trouverez ça à
la page 146. En pratique, une loi édictée en tenant compte
de cet énoncé éliminerait une convention tout simplement
ou la rendrait quasi nulle. Il est inconcevable que d'un seul trait de plume on
enlève au policier qui doit être un citoyen à part
entière le pouvoir de négociation de ses conditions de travail
par voie de convention collective. Nous reconnaissons que l'efficacité
des corps de police est essentielle mais cela ne signifie pas pour autant que
l'on doive injustement les affecter dans la revendication de leurs conditions
de travail, que ce soit au domaine de la procédure des griefs, des
mesures disciplinaires, des clauses de promotion, ou autres.
A la proposition no 94, le ministre recommande qu'une loi régisse
un code de discipline s'appliquant à tous les corps policiers du
Québec. Le conseil s'oppose à ce procédé et, au
contraire, recommande que chaque cas soit étudié à son
mérite et que le syndicat soit en mesure de contester, le cas
éventuel, toute décision qui lui semblerait injuste. Le conseil,
toutefois, serait prêt à considérer un code
d'éthique professionnelle lequel, d'ailleurs, pourrait être
contesté s'il ne répondait pas aux objectifs des associations ou
syndicats.
Nous tenons à réitérer, en conclusion, nos
remerciements à la commission parlementaire de nous avoir permis
d'exprimer nos premières impressions sur cette importante question. Nous
sommes bien conscients également que nous n'avons pas touché ou
traité tous les points qui auraient sans doute mérité plus
d'attention. Cependant, nous sommes convaincus que ce sont là des
dispositions fondamentales qui, seules, peuvent garantir une
réorganisation efficace et harmonieuse du service de la police. En cas
de législation, pareille consultation populaire de votre part serait
grandement appréciée et nous vous en remercions à
l'avance.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Naud. J'inviterais maintenant le
ministre de la Justice à prendre la parole.
M. CHOQUETTE: Peut-être que des collé-
gues veulent exposer leurs vues à la suite de ce rapport ou poser
des questions avant moi. On peut peut-être inviter le
député de Missisquoi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.
M. BERTRAND: Je demanderais tout simplement à M. Naud, que j'ai
écouté avec beaucoup d'attention: Lorsque vous parlez d'un
comité consultatif, à la page 3, voulez-vous dire qu'au
ministère de la Justice nous devrions avoir, comme on l'a aux
ministères du Travail et de l'Education, un genre de conseil de la
justice?
Est-ce qu'à l'heure actuelle, avec les institutions ou les
organismes que nous avons, le conseil consultatif de la justice qui existe
déjà et qui a été, je crois, entériné
par une loi, avec la Commission de police d'autre part, vous proposez un nouvel
organisme qui, lui, se pencherait davantage sur les problèmes
policiers?
M. NAUD: C'est ce que nous voulons. Pour ne pas élaborer
davantage, c'est ce que nous demandons; c'est dans ce sens-là.
M. BERTRAND: Pour les problèmes policiers.
M. NAUD: Pour les problèmes policiers. Qu'il y ait quelqu'un qui
connaisse les problèmes policiers et que l'on puisse discuter avec
lui.
M. BERTRAND: Est-ce qu'à l'heure actuelle, le rôle que joue
la Commission de police ne vous permet pas de faire entendre votre voix
auprès d'elle, de discuter, de dialoguer avec elle?
M. NAUD: Pas suffisamment, à notre avis.
M. BERTRAND: Ce n'est pas suffisamment ouvert aux problèmes
généraux?
M. NAUD: Il y aurait beaucoup de problèmes qu'on pourrait
discuter avec un tel comité consultatif, mais la Commission de police,
elle a des problèmes plein les bras.
M. BERTRAND: C'est justement là qu'est le problème. Est-ce
qu'à force de constituer comme cela trop d'organismes, on ne s'expose
pas à ce que l'action elle-même soit éparpillée? Je
vous pose la question. Je n'ai pas d'idée préconçue sur ce
problème.
M. NAUD: Si vous me permettez, M. Chartrand pourrait peut-être
expliquer. Le côté technique, c'est le sien.
M. CHARTRAND: En fait, lorsqu'on regarde la Loi du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre, on se rend compte que le ministre, avant de
prendre toute décision, a tous les renseignements, les
réquisitions nécessaires avant d'orienter la position qu'il doit
prendre. Quant à la Commission de police comme telle, comme on l'a
expliqué dans notre mémoire, il semblerait que, lorsqu'elle fait
enquête, à un moment donné, elle soit bloquée. Quant
à nous, ce que nous voudrions, c'est que, lorsqu'elle fait
enquête, elle fasse enquête profondément, qu'on lui laisse
la porte ouverte; et, à ce niveau-là, on voudrait plus
précisément que tous les corps, toutes les personnes
impliquées soient en mesure, par voie de représentation publique,
d'aller effectivement devant la Commission de police et de faire entendre leur
point de vue ou leur objection, s'il y a lieu.
M. BERTRAND: Vous voudriez, par ce moyen-là, faciliter les
communications entre, d'une part, les corps policiers comme tels et le
ministère de la Justice et, deuxièmement, permettre de plus
amples consultations entre le ministère de la Justice et les
policiers.
M. CHARTRAND: Oui, pour nous, c'est très important. Parce que
lorsqu'on réfère à certaines enquêtes qui ont
déjà eu lieu, à un moment donné, il y a une sorte
de blocage, on ne sait pas où cela peut nous conduire exactement; si
l'on dit que c'est carrément public et que toutes les personnes et les
associations impliquées doivent faire entendre leur point de vue,
à ce moment-là, je pense qu'il n'y aura pas d'arrêt et
qu'on aura la vérité toute crue. Sous cet aspect-là,
j'admets qu'on reconnaît des pouvoirs à la Commission de police.
Mais remarquez qu'au domaine des associations, on veut quand même, si on
n'est pas d'accord, être en mesure de contester, par les
représentations publiques ou même par la voie de nos conventions
collectives, une décision qui nous semblerait très injuste. En
fait, c'est de voir la vérité au grand jour, mais quitte à
nous protéger très efficacement dans le domaine des conditions de
travail et dans le domaine des policiers qui seraient impliqués
directement ou indirectement.
M. BERTRAND: Vous parlez également d'un comité
régional d'intégration. Ce comité régional
d'intégration aurait par sa nature un rôle temporaire pour
faciliter l'intégration. De qui serait composé ce comité
régional à ce moment-là?
M. NAUD: Des représentants des municipalités, des
représentants des chefs de police, des représentants
d'associations accréditées et s'il n'y en a pas, d'un membre d'un
corps de police où il n'y aura pas d'accréditation; pour qu'ils
puissent former un système d'intégration, connaître les
besoins s'il y en a. Si ce n'est pas nécessaire de régionaliser,
on ne le fait pas; s'il y a nécessité, c'est après
consultation avec tous ces gens-là.
M. BERTRAND: Alors, vous lui feriez jouer le rôle, comme vous le
dites, du commissaire-enquêteur?
M. CHARTRAND: Exactement.
M. BERTRAND : Dont on parle dans le livre blanc du ministre de la
Justice.
M. NAUD: On veut avoir notre mot à dire un peu partout.
M. BERTRAND: On ne vous blâme pas.
M. NAUD: On ne veut pas se faire dire une journée: Tu viens de
disparaître par là. Et le gars n'a pas eu un mot à dire
là-dedans. On a essayé de se "parer" un peu partout, ce que l'on
appelle: Couvrir nos angles.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf.
M. DROLET: M. Naud, je vous remercie de votre mémoire et j'aurais
peut-être quelques questions à vous poser. J'aimerais savoir si,
à la suite de la lecture du livre blanc, votre conseil est en faveur
d'un ministère de la police séparé de celui de la
Justice.
M. NAUD: On n'a pas étudié en profondeur cette
partie-là. On le dit au début, on a pensé surtout à
ce qui nous affectait le plus. On n'a pas fait d'étude sur le
ministère pour savoir s'il était préférable de le
séparer ou non.
M. DROLET: Vous n'avez pas d'idée de faite là-dessus?
M. NAUD: On n'a pas fait d'étude là-dessus.
M. DROLET: J'en aurais une autre un peu plus loin.
A la page 7 de votre mémoire, vous semblez appuyer sur le fait
d'une meilleure formation policière, ce qui à votre point de vue
semblerait très important. Mais vous laissez quand même planer un
doute quant aux échelons supérieurs, il y faudrait une meilleure
formation également. Est-ce que j'ai bien compris le sens de votre
paragraphe? Est-ce que c'est bien ce que vous avez voulu dire?
M. NAUD: C'est ce qui est écrit toujours.
M. DROLET: C'est cela que vous avez voulu dire?
M. NAUD: C'est ce qui est écrit.
M. DROLET: Vous croyez qu'à l'échelle supérieure de
la police, il devrait y avoir également une meilleure formation.
M. NAUD: Mais c'est sûr. Il est bien sûr que si un homme a
une cinquième année d'étude, c'est assez difficile pour
lui d'en comprendre un autre qui a complété une douzième
année. Ils ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Mais le gars,
ça ne l'empêche pas d'être le chef ou l'assistant-chef. Nous
ne visons personne en particulier. De nous, les policiers, on exige, au moment
d'être embauchés, une douzième année, d'avoir
fréquenté l'école de police, et ceci et cela. On nous
donne des cours de CEGEP. Mais si après tout cela, le gars qui nous
dirige, c'est du grec pour lui, nous ne sommes pas sur la même longueur
d'ondes. Nous ne voyons pas où cela peut être efficace, qu'on
exige tant de travail de la part des gars qui montent, si à un moment
donné on ne se comprend pas.
M. DROLET: Parfait, c'est ce que je voulais savoir.
M. MARCHAND: Est-ce que les chefs de police ne sont pas d'anciens
policiers?
M. NAUD: Oui.
M. DROLET: Un instant s'il vous plaît. Je termine, j'ai une autre
question.
M. MARCHAND: C'était sur la même chose.
M. DROLET: Concernant votre mémoire, à la page 9...
M. CHOQUETTE: Le code de discipline...
M. BURNS: Nous avons des prérogatives d'Opposition, M. le
ministre, et nous y tenons énormément.
M. DROLET: ... lorsque vous faites allusion à la proposition 94
que le ministre fait dans le livre blanc, concernant un code de discipline,
vous dites que votre conseil s'oppose à ce code de discipline. Est-ce
que c'est votre décision définitive, que vous vous opposez
complètement à ce code de discipline ou si vous avez d'autres
choses à proposer?
M. NAUD: Un code de discipline qui serait dans une loi, c'est bête
une telle affaire, à mon sens, excusez mon expression, mais c'est
bête! Parce que si c'est écrit: Tu ne traverses pas la rue. Tu vas
devant un juge, tu dis que tu as traversé la rue. C'est écrit
dans la loi, tu ne peux rien faire, c'est final.
Il y a peut être une raison pour laquelle je traverserais la rue
moi; je peux peut-être sauver autre chose. Mais bêtement, parce que
dans la loi, dans le code de discipline c'était écrit que tu n'as
pas le droit de faire cela, on ne m'entendrait pas sur le mérite, je
n'aurais pas la chance de m'expliquer.
C'est cela qu'on veut dire, on veut quelque chose de souple, quelque
chose d'humain. Pas se réveiller comme une bande de robots qui marchent
mécaniquement.
M. DROLET: Vous voulez avoir une loi humaine.
M. NAUD: On veut une loi humaine. M. DROLET: Pas trop disciplinaire.
M. NAUD: C'est cela. Que chaque chose soit étudiée
à son mérite.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: En somme, M. Naud, sur ce point du code de discipline, si je
vous comprends bien, vous ne vous opposez pas à ce qu'il y ait des
règles précises régissant votre éthique
professionnelle ou quelque chose du genre, mais ce que vous voulez, c'est que
ce ne soit pas une guillotine contre laquelle vous ne puissiez pas vous
défendre si on vous l'applique.
M. NAUD: C'est cela.
M. BURNS: En somme c'est un peu réserver vos droits de la
même façon que vous les réservez dans vos conventions
collectives pour les cas de grief et d'arbitrage qui peuvent s'ensuivre. C'est
cela je suppose.
M. NAUD: C'est ce sens qu'on veut donner.
M. BURNS: Maintenant, à la page 5 de votre mémoire, au
deuxième paragraphe, pour parlez de l'uniformisation de tous les droits,
bénéfices et avantages sociaux y compris le régime de
retraite et de traitement. L'expérience dans le domaine de la
construction, vous allez me dire que ce n'est pas la même chose, sur le
plan des relations de travail, mais quand même il y a eu un
problème qui s'est posé quant à l'uniformisation des
conditions de travail à cause de difficultés ou de
non-uniformisation des qualifications, d'un niveau régional à
l'autre... Ce que je veux dire, c'est que peut-être que M. Untel qui est
policier dans une certaine ville n'a pas la même formation qu'un policier
d'une ville plus importante. Le problème peut se poser de la même
façon. Est-ce que vous avez des suggestions pour en arriver à
cette uniformisation tout en tenant compte de la non-uniformisation des
qualifications qui existent dans les faits, sans brimer les droits des
personnes qui sont déjà sur les lieux? Je sais que c'est un
problème difficile, vous n'avez peut être pas de solution
immédiate mais en tout cas je vous la pose.
M. CHARTRAND: Comme je suis constamment à faire face à des
problèmes de cette nature, et lorsqu'on voit apparaître, M. le
député, un livre blanc qui parle de formation professionnelle et
de responsabilités uniformes dans toute la province, même si nous
ne représentons pas de corps aussi importants que celui de la ville de
Montréal ou de la Sûreté du
Québec, il n'en demeure pas moins que notre responsabilité
reste la même, et avec raison d'ailleurs. Et comme on veut mettre
l'accent sur la protection du citoyen et qu'on vient exiger du policier une
formation adéquate, nous disons en retour: Tout ça est vrai, tout
ça est juste. Mais, quand on parle de l'uniformisation dans le domaine
des responsabilités, on voudrait bien que les traitements, et les
avantages sociaux soient uniformes au même plan et au même titre
que tous les autres.
M. BURNS: M. Chartrand, je suis entièrement d'accord avec vous
que les conditions de travail des policiers doivent être le plus possible
uniformisées. Mais, au fond, la question que je vous pose: Etes-vous
prêt à faire face à l'objection que le ministre de la
Justice ou son successeur, le ministre des affaires policières, vous
fera, sans doute, en temps et lieu? Quand vous demanderez cela, on va
sûrement vous dire et vous avez assez d'expérience dans le
domaine, M. Chartrand qu'on ne peut pas uniformiser pour une bonne
raison: la compétence, elle, n'est pas uniforme. C'est la question
précise que je vous pose: Est-ce que vous avez une proposition
concrète pour faire face à ça?
M. CHARTRAND: Dans le livre blanc, on parle de formation
professionnelle. Alors nous disons que nos gars qui sont en place n'ont pas
à payer pour ce qui est arrivé dans le passé, parce qu'ils
n'ont pas eu ou qu'on ne leur a pas accordé cette formation
professionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'au domaine de l'expérience
acquise, je pense que ça aussi doit se calculer en valeur. Un policier
qui a dix, douze ou quinze ans d'expérience, s'il a bien fait son devoir
dans la pratique, il a certainement appris quelque chose. S'il lui manque des
cordes à son arc, on est d'accord pour le perfectionner et faire en
sorte qu'il puisse, au même niveau que tous les autres, faire le
rattrapage, comme on en a parlé ce matin au domaine des écoles.
Si ça manque, on est d'accord; mais ne pas le laisser aux oubliettes et
faire en sorte que ce soient d'autres.
M. BURNS: A la page 6, M. Chartrand, vous suggérez qu'en cas de
difficultés de mise en application des articles 36 et 37 du code du
travail, le cas soit soumis, non pas au commissaire-enquêteur, en vertu
du code du travail, mais à un conseil d'arbitrage. Est-ce que vous avez
des raisons particulières pour suggérer cela? Est-ce parce que
vous n'avez pas confiance au commissaire-enquêteur, en vertu du code du
travail, dont c'est la fonction d'ailleurs?
M. CHARTRAND: Je pense que ce serait d'abord beaucoup plus
expéditif. Et si on a une personne qualifiée, s'il y a entente
entre les parties quant à la nomination d'un tribunal d'arbitrage, je
pense qu'il y aurait lieu pour nous d'espérer que ça se case plus
facilement.
M. CHOQUETTE: Si le député me permet, je ne voudrais pas
prendre son temps.
M. BURNS: Oh!
M. CHOQUETTE: Mais les commissaires-enquêteurs, en vertu du code
du travail, ont justement été nommés pour aller plus vite
que l'ancienne Commission des relations de travail. Vous n'êtes pas
satisfait de l'accélération?
M. CHARTRAND: Non, c'est au domaine du rôle du conseil de
sécurité, plus précisément. Si, à un moment
donné, il n'y a pas d'entente au domaine de l'enquête comme telle
qu'ils peuvent faire dans une région donnée, il peut y avoir
accrochage.
M. CHOQUETTE: Mais, ce n'est pas un problème exclusivement de
relations de travail à ce moment-là?
M. CHARTRAND: Cela dépend, ça peut être pour
définir l'unité de négociation.
M. BURNS: Je vous posais la question relativement à l'article 2
à la page 6 qui dit: "Nonobstant les dispositions des articles 36 et 37
du code du travail, un conseil d'arbitrage serait constitué afin de
régler toute difficulté découlant de l'application des
dispositions des articles 36 et 37 du Code du travail..." C'est pour cela que
je vous posais la question. Est-ce que vous avez une raison particulière
pour demander ça?
M. CHARTRAND: Ce n'est pas l'application même. Lorsqu'on donne les
articles 36 et 37 du code, on sait qu'assez souvent il y a eu des
interprétations assez différentes là-dessus, au domaine de
son application comme telle.
Nous croyons que ça rendrait ça plus expéditif,
s'il y avait un tribunal d'arbitrage.
M. BURNS: De façon expéditive, on le souhaite. Je n'ai pas
d'autre question M. le ministre.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez seulement
quelques questions, le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la
province de Québec, qu'est-ce que c'est, cet organisme? Dites donc
ça, pour le bénéfice des membres de la commission.
Répétez le donc, parce que...
M. NAUD: Le Conseil professionnel des syndicats de policiers de la
province de Québec est composé d'un groupe de petites
unités qui ont pris les mêmes gens pour leur donner des services
techniques.
M. CHOQUETTE: Vous n'appartenez pas à la Fédération
des policiers municipaux du Québec?
M. NAUD: Oui, nous appartenons à cette fédération
aussi.
M. CHOQUETTE: Vous appartenez aux deux.
M. NAUD : Nous appartenons aux deux.
M. CHOQUETTE: En somme, pour vos services techniques, vous vous
êtes groupés?
M. NAUD: Oui, pour nos services techniques nous prenons les mêmes
gars et nous nous sommes entendus avec eux pour...
M. CHOQUETTE: La Fédération des policiers municipaux du
Québec ne fournit-elle pas de services techniques comme telle?
M. NAUD: Elle en fournit mais pas en quantité suffisante dans le
moment.
M. CHOQUETTE: Je veux simplement savoir quelle est la situation. Je
voudrais vous remercier de votre mémoire, il y a beaucoup de suggestions
dans ça qui méritent d'être sûrement approfondies. A
la page 7, vous faites une objection catégorique aux entrées
latérales dans les corps policiers. Quels sont les motifs de cette
objection?
M. NAUD : Il y en a plusieurs qui me viennent à l'esprit. Vous
avez le cas de Montréal. A Montréal, il y a quelque 2,000
policiers qui, chez eux, prennent des cours de formation avancée et ces
gars-là sortiront avec des diplômes en criminologie, en
psychologie et en tout ce qu'on voudra. Ce sont déjà des gars qui
connaissent la formation policière, qui ont travaillé dans ce
métier-là, qui sont capables de remplir les fonctions qu'on veut
faire occuper par d'autres qui n'auront pas la connaissance
policière.
Le gars qui est parti de la base dans le domaine policier et qui a
monté, qui a fait des efforts pour apprendre, si à un moment
donné, on a besoin d'un criminologue et si ce policier est devenu
criminologue, pourquoi ne pas donner le poste avant d'aller chercher
ailleurs?
M. CHOQUETTE: Je comprendrais ça mais est-ce que vous vous
opposez à toute forme de recrutement extérieur excepté au
premier palier? Je veux dire qu'actuellement, on recrute un policier comme
policier de quatrième classe, je crois.
M. NAUD: Oui.
M. CHOQUETTE: C'est le départ et je pense
que, d'après la Commission de police, on exige de lui qu'il ait
une onzième année.
M. NAUD: Oui, si on veut.
M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est ça? Est-ce que vous vous opposez
à tout autre recrutement que ça?
M. NAUD: Vous voulez dire par là qu'on voudrait toujours que le
gars devienne un policier de quatrième classe lorsqu'il entre chez
nous?
M. CHOQUETTE: C'est ça.
M. NAUD: C'est normal qu'il passe par les mêmes échelons
que les autres.
M. CHOQUETTE : Oui. Je vous demande votre position, je veux savoir si
vous vous opposez à toute forme de recrutement latéral. Est-ce
qu'il y a des niveaux où vous admettriez quand même qu'il y ait
une certaine flexibilité dans le recrutement? Je ne parle pas de prendre
quelqu'un et de le nommer inspecteur, capitaine ou lieutenant, mais est-ce
qu'il y a quand même une différence que vous faites entre certains
grades ou certaines expériences dans le domaine policier?
M. NAUD: Je vais laisser mon conseiller technique vous répondre
à ce sujet si vous le permettez.
M. CHARTRAND: Avec votre permission M. le Président, je
répondrai à cette question du ministre. Au domaine de la
formation professionnelle, nous sommes bien d'accord sur ce qui est
proposé dans le livre blanc, que, dorénavant, quels que soient
les policiers embauchés, on mette l'accent sur leur formation
professionnelle ou plus précisément ce qui touche du policier.
Mais quand vous demandez si nous nous opposons à d'autres formes
d'engagement, je pense qu'il ne faut pas se conter d'histoires.
Quant à nous, nous avons inséré une petite phrase.
S'il s'agit d'engagement de spécialistes au sens où vous l'avez
décrit à la page 145, ça va. Mais ce qu'on ne veut pas,
c'est qu'à un moment donné, on prenne justement un gars parce
qu'apparemment il aurait une formation académique, ce qui ne veut pas
nécessairement dire que c'est un policier.
On veut qu'il ait une formation professionnelle mais parallèle au
titre de policier. Que l'on comprenne bien que le policier sache, avant
d'arriver à remplir son rôle de policier, et qu'il soit bien
informé de A à Z et de ce qui l'attend dans son rôle de
policier.
M. LE PRESIDENT: M. Naud, au nom des membres de la commission, je vous
remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. Je
remercie également vos proches collabora- teurs. J'inviterais maintenant
M. Guy Magnan, président de l'Association des policiers provinciaux du
Québec, à présenter son mémoire.
Association des policiers provinciaux du
Québec
M. MAGNAN: M. le Président, M. le ministre de la Justice,
messieurs les ministres et députés, si vous permettez, je vais
vous faire la présentation de mes confrères. A ma gauche, M.
Gilles Dubé, vice-président; à ma droite, M. Raymond
Richard, secrétaire général; à l'extrême
gauche, M. Luc Richard, secrétaire-trésorier. Ici, avec la
permission de M. le Président, nous allons faire la lecture du document
qui vous a été remis par M. Pouliot, secrétaire des
commissions parlementaires.
M. le Président, messieurs les membres de la commission,
messieurs.
L'Association des policiers provinciaux du Québec, regroupant ici
quelque 3,200 membres de la Sûreté du Québec, est heureuse
de se présenter devant vous afin de vous exprimer sommairement, il va
sans dire, ses points de vue en regard des constatations, recommandations,
propositions et suggestions contenues dans le livre blanc sur la police et la
sécurité du citoyen, présenté au public le 30
juillet 1971 par Me Jérôme Choquette, ministre de la Justice.
Nous disons que le tout sera sommaire, vu le court laps de temps qui
s'est écoulé entre les séances de cette présente
commission et la nouvelle qu'une telle commission existait. Ce qui ne nous a
pas permis d'étudier en profondeur tous les aspects de la question. Nous
suggérons donc immédiatement que, advenant la création
d'autres commissions parlementaires sur la présente question, nous
soyons tous informés suffisamment à l'avance, afin de nous
permettre de nous y préparer d'une façon adéquate et
d'atteindre les buts pour lesquels une telle commission est
créée.
Nous permettant d'entrer dans le vif du sujet, nous vous
présentons donc nos commentaires sur différents aspects
génériques que traite le livre blanc et, par la suite, nous
formulerons nos observations sur les principales propositions
suggérées.
En tout premier lieu, nous accordons pleine valeur au bilan de la
situation actuelle, qu'on retrouve aux pages 1 à 124 dudit livre. Toutes
les enquêtes et les études qui ont été faites afin
d'éclairer le sujet nous semblent réalistes et nous ne nous
permettons pas de douter de la bonne foi de qui que ce soit ni de la
véracité des faits énoncés.
D'ailleurs, cette situation avait été
dénoncée à maintes reprises par plusieurs
autorités, mais il ne semblait pas utile à ces personnes
d'accorder une attention plus poussée à la structure des corps
policiers au Québec, ce qui a provoqué un laisser-aller qui n'a
eu comme résultat que l'inefficacité de la force policière
pour la
protection du citoyen. Nous sommes quand même surpris des
résultats obtenus par plusieurs corps de police, lesquels n'ont
été que le fruit d'efforts soutenus d'individus qui avaient
à coeur de mener à bonne fin la réussite du travail
policier. Il est grand temps que les autorités gouvernementales,
provinciales, municipales ou autres s'attablent et étudient en
profondeur l'utilité et même l'obligation de la
réorganisation des forces policières du Québec.
Prévoyant que les corps policiers seront appelés dans
l'avenir à une action de plus en plus discutée au sein de la
population et également considérant la diversité des
tâches, nous croyons que l'effet de nommer un ministre de la police
serait une chose qui permettrait aux autorités du ministère de la
Justice de se libérer d'un sujet qui, tout en étant de
très près connexe à ses tâches présentes,
n'est pas primoridal. Ce ministre de la police devrait, à notre sens,
répondre devant le public et devant le gouvernement des actions et des
décisions qu'il prendra. En regard des pouvoirs qui devront lui
être conférés, nous ne pouvons nous permettre d'en
apprécier la valeur dans le contexte actuel.
Après étude des suggestions et propositions en regard de
la formation et de la restructuration des corps de police en corps policiers
dits de communautés urbaines, polices régionales, municipales et
Sûreté du Québec, nous pensons que cette structure aurait
des avantages très marqués sur la présente situation. De
ce fait, nous croyons logique la formation des polices de communautés
urbaines, des polices régionales, des polices municipales ainsi que la
Sûreté du Québec. Cependant, avant qu'il y ait
décision finale, nous croyons également logique que les parties
intéressées soient consultées et que leurs opinions soient
reçues par la Commission de police ou toutes autres personnes
désignées comme commissaires enquêteurs.
Au sujet de la juridiction que doit avoir chacun de ces corps de police,
il est entendu que le tout ne doit pas faire l'objet de dissension entre les
corps policiers urbains, régionaux, municipaux ou la Sûreté
du Québec et il importe que le tout ne dégénère pas
en des affrontements ou des guerres froides. Nous nous réservons pour
l'avenir des suggestions qui pourraient être pour le plus grand bien de
tous les membres des corps policiers et pour une meilleure efficacité
policière.
En prenant connaissance de l'action que devra jouer la Commission de
police dans tout ce nouvel organigramme, il nous semble que ladite commission
aurait des pouvoirs de gérance qui pourraient être mal
interprétés et nous croyons que la Commission de police, quoique
étant un organisme voulu, désiré par toutes les
organisations s'occupant du travail policier, doit être un organisme de
spécialistes-conseils qui fera les études et les enquêtes
nécessaires pour l'amélioration du travail policier et non pas de
gérance policière.
Nous avons pris également connaissance de la proposition à
l'effet que les forces policières doivent être dotées de
bureaux de faillites, des enquêtes spéciales ou de tout autre
sujet d'importance. Ces bureaux seraient composés d'avocats ou de
comptables et autres spécialistes qui collaboreraient étroitement
avec les corps policiers afin de résoudre des problèmes ou
prendre action devant différents sujets. Cette suggestion nous est
très agréable étant donné que le tout
évitera des entrées dites latérales dans les
différents corps de police, lesquelles se sont prouvées non
rentables sur la majorité des personnes impliquées. Le fait
d'engager des spécialistes à des salaires
déterminés par les autorités gouvernementales ne
déplaît pas, bien au contraire, et ne viendra qu'enrichir
l'efficacité des forces policières, ce qui contribuera à
une meilleure protection du citoyen. Nous avons également pris
connaissance des différentes propositions relatives au personnel, aux
locaux mis à la disposition des policiers, aux services administratifs
auxiliaires et, sur ces points, nous sommes d'accord en principe qu'il doit y
avoir une amélioration très sensible, ce qui aura comme effet
immédiat que le moral des troupes ne sera que meilleur.
Pour ce qui est des propositions en regard de la juridiction de la
Sûreté du Québec, le tout nous semble très large
d'expression et, sur ces différentes propositions, il nous
apparaît nécessaire pour nous de ne formuler aucun commentaire,
pour ou contre, étant donné que nous ne pouvons dans le concret
en déterminer la portée. Nous croyons que, au fur et à
mesure que les événements se dérouleront et que les forces
policières urbaines, régionales ou municipales se formeront, la
juridiction et les pouvoirs de la Sûreté du Québec se
concrétiseront et que nous pourrons faire à ce moment-là
des suggestions qui se rattacheront plus à la réalité.
Ayant pris connaissance des propositions relatives aux institutions
d'enseignement, aux cours de formation que doivent suivre les policiers afin de
pouvoir gravir les échelons dans les corps de police dans lesquels ils
sont affectés, nous croyons qu'il est nécessaire que
l'instruction fasse l'objet de l'attention des autorités
concernées. Mais il faut quand même être réaliste et
concevoir tous ensemble que l'expérience acquise au sein d'un corps
policier ne peut être achetée ou étudiée dans une
école d'enseignement et, de par ce fait, la compétence se base
sur l'expérience acquise au travail et non pas à la suite d'un
bourrage de crâne dans différentes institutions.
Nous avons également pris connaissance, avec un vif
intérêt, des propositions relatives aux conditions de travail,
à la formation des syndicats et de ce que devrait être, selon ces
mêmes propositions, l'action syndicale au sein des forces
policières.
Nous nous réjouissons de constater qu'au moins, après
nombre d'années, certaines personnes reconnaissent le travail positif
qui a été fait
par ces différents organismes, qu'on les nomme association,
fraternité, syndicat, union, ainsi que l'effort que ces personnes ont
fait afin de revaloriser le policier et le rôle qu'il doit jouer dans la
société. Depuis trop longtemps, hélas, les
autorités gouvernementales à tous les niveaux ont
négligé cet aspect qui, à notre avis, est le plus
important pour un corps policier efficace et qui a comme intérêt
principal la protection du citoyen.
Nous sommes très surpris de l'attitude des propositions qui sont
suggérées dans ce livre blanc, à l'effet que des chapitres
de différents contrats de travail soient changés, parce qu'ils
sont inefficaces ou qu'ils nuisent à l'efficacité de la police en
général.
Il est prouvé, depuis nombre d'années, que les syndicats
ont eu un rôle très important à jouer au sein des
différents corps de police et que n'eût été leur
intervention, la police en général n'aurait certainement pas
connu l'efficacité que l'on peut lui accorder présentement.
Si les autorités gouvernementales, pour des raisons qu'elles
jugent utiles ou nécessaires, croient que, pour des raisons
d'efficacité, il y a lieu de contremander ou de retrancher des articles
de différentes conventions collectives, nous croyons qu'en aucun temps
des décisions doivent être prises dans ce sens et que, en tout
lieu, l'approbation des syndicats impliqués, en mettant en valeur les
raisons qui justifient une telle attitude, peut être mise de l'avant.
Sur ces propositions, nous ne pouvons en aucune façon y accorder
notre appui, puisque, à prime abord, on vient par des propositions, sous
prétexte d'une réévaluation de la police, prétendre
que les conventions collectives nuisent à l'efficacité des forces
policières. Nous n'avons qu'à constater les résultats
obtenus sur le plan des relations humaines pour nous en convaincre.
Rappelons-nous simplement les systèmes autoritaires émis
par de nombreuses directives impersonnelles, la soumission abattue à un
code de discipline inadapté, l'obligation de taire ses opinions ou
sentiments politiques ou autres, et ce sans aucune sorte de
considération du droit d'expression; alors qu'on demande à ces
mêmes policiers d'écouter avec compréhension leur public,
d'être conciliants et compréhensifs pour les faiblesses humaines
et soumis à tout ordre écrit ou verbal de leurs
supérieurs. Les organismes syndicaux ont été les seuls
à permettre une certaine forme d'expression aux policiers et ainsi ont
servi de soupape de sécurité en cherchant le dialogue entre les
autorités et les membres. Nous recommandons fortement que les
autorités gouvernementales cherchent des solutions tenant compte des
difficultés nombreuses auxquelles le policier doit faire face
journellement.
En dernier lieu et comme c'est la coutume, nous demandons aux
autorités gouvernementales qu'en tout temps, en tout lieu et en toute
circonstance, les syndicats, les associations et les fraternités soient
invités à donner leurs idées et que ces mêmes
idées soient respectées, en vue de l'établissement d'une
force de police efficace et unie pour que, encore une fois et nous le
répétons le plus grand bien et la plus grande protection
des citoyens soient respectés.
Suite aux observations qui ont été énoncées
dans ce mémoire, il est opportun pour nous de vous mentionner qu'il y a
lieu, pour les autorités gouvernementales, d'insister très
fortement pour que toute personne ayant à faire enquête concernant
un ou des sujets impliqués dans le livre blanc, prenne contact avec les
personnes qu'elle juge en autorité pour les différentes
associations, syndicats ou fraternités, afin de connaître
adéquatement leurs opinions quant à l'efficacité, à
l'organigramme et à l'organisation en général des
différents corps de police urbain, régional, municipal ou
Sûreté du Québec.
En regard de l'autonomie, ou si nous aimons mieux de l'autorité
que doit exercer la Sûreté du Québec, nous mettons en garde
les autorités gouvernementales contre toute action policière de
matraquage ou de provocation vis-à-vis des différents corps
policiers, urbain, régional ou municipal.
Quoique ayant une vocation spéciale en regard des devoirs que
doivent accomplir les différents corps policiers du Québec, la
Sûreté du Québec ne doit, en aucun temps, être la
matraque des policiers et encore moins, une autorité ou une force de
frappe qui viendrait à l'encontre des principes de base émis
depuis longtemps par différents organismes à l'effet que la
province de Québec ne doit pas posséder un état
policier.
A tous ces points de vue, nous demandons à la présente
commission de se pencher très sérieusement sur l'ensemble des
devoirs que doivent accomplir les policiers de la province de Québec,
quels qu'ils soient.
Nous sommes l'autorité policière, nous devons l'exercer et
la journée où nous n'exercerons plus ces pouvoirs de membres
policiers, nous ferons mieux de démissionner.
Sur ces mots, l'association désire vous réitérer
son désir de participer à toutes discussions et quels que soient
les sacrifices qu'elle devra s'imposer, elle sera présentée
à toutes les réunions qui commanderont, nécessiteront ou
inviteront nos suggestions. Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Magnan. Le ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais féliciter le
président de l'Association des policiers provinciaux du Québec
ainsi que ses collègues qui sont à la table, pour un
mémoire qui est, à mon sens, très équilibré
et qui examine, sous différents aspects, quelques-unes des propositions
centrales du livre blanc.
Je n'ai guère de commentaires ou de questions à poser. Je
connais personnellement la pensée du président et des membres de
l'exé-
cutif de l'APPQ sur beaucoup de ces questions et je ne voudrais pas en
somme être fastidieux en les réinterrogeant sur des sujets que
nous avons déjà eu l'occasion de discuter à de nombreuses
reprises. Je trouve que le tout, tel que présenté, mérite
d'être considéré extrêmement sérieusement et
je voudrais assurer l'APPQ, par son exécutif qui est ici présent,
que nous allons donner aux revendications de leur groupement toute l'importance
qu'elles ont. J'ai été particulièrement
impressionné par une partie du mémoire. Je pense que c'est le
rôle du syndicalisme dans les corps policiers; sur ce plan-là, le
mémoire est très au point et les choses qui sont dites sont
vraiment senties et réelles.
Je sens chez l'APPQ, à la fois, le désir normal de la
reconnaissance syndicale, ce qui à mon sens est une aspiration tout
à fait légitime pour les policiers, et d'un autre
côté, comment pourrais-je dire, la modération qui va avec
l'exercice de ce droit. Alors, je vous félicite!
M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.
M. BERTRAND: M. Magnan, je ne voudrais pas ajouter aux
félicitations qui vous sont offertes. Vous connaissez mes sentiments
à l'endroit de l'Association des policiers provinciaux avec qui j'ai
travaillé durant quelques années et de qui j'ai reçu
pleine et entière coopération.
Vous suggérez, à la page 2, la nomination d'un ministre de
la police. Est-ce que votre désir de la nomination d'une personne, qui
serait responsable devant l'opinion publique, part de la volonté, bien
affirmée chez vous, dans votre mémoire d'ailleurs, d'être
en relations plus directes avec une autorité surtout pour les fins de
consultation?
M. MAGNAN: Evidemment, M....
M. BERTRAND: Est-ce que c'est surtout ça que vous avez en
vue?
M. MAGNAN: Absolument, nous voulons que quelqu'un s'occupe des policiers
particulièrement.
M. BERTRAND: J'espère bien que mon collègue ne le prendra
pas comme aucune allusion, parce que les ministres de la Justice, quels qu'ils
soient ont des tâches énormes. D'autre part, s'il y avait un
organisme quelconque, dans le sens de la suggestion qui a été
faite par M. Naud, qui permettrait aux corps policiers, prenons des exemples,
avant la présentation d'une loi, par le ministère de la Justice,
qui concernerait les corps policiers, les activités des corps policiers,
les droits des corps policiers, s'il y avait des consultations au
préalable, plus structurées par le truchement d'un organisme
comme celui qui a été suggéré, est-ce qu'avec cela,
vous n'atteindriez pas le même but que par la création d'un
ministère de la police?
M. MAGNAN: Bien, on aurait peut-être le même résultat
en définitive, mais nous aurions probablement une organisation plus
impersonnelle. Lorsqu'on a une personne qui est responsable vis-à-vis
des groupements ou une formation, ou un corps de policiers, à ce
moment-là, la personne elle-même a le devoir et le droit de
défendre ses idées et de défendre les droits de ses
policiers. Si c'est un organisme, il comprend cinq ou dix personnes et s'il y
en a neuf qui disent que c'est la faute de l'autre, à ce
moment-là, lorsqu'on a une personne directement impliquée dans un
conflit, je crois qu'il y a plus de chances de solution.
M. BERTRAND: Alors, est-ce que vous ne craignez pas que le fait
d'identifier une personne de la police seulement à ce problème
qui est, disons, très important, je le reconnais, mais, est-ce que vous
ne craignez pas qu'à la longue cela puisse créer une impression
dans le public de ce que vous voulez vous-même éviter, donner
l'impression d'un Etat policier?
M. MAGNAN: Je crois qu'en ayant un ministre de la police, ou si vous
aimez mieux, quelqu'un qui va s'occuper des corps policiers, je dis qu'il faut
qu'il s'occupe des policiers à tous les points de vue; non seulement en
ce qui concerne le code de discipline ou une accusation et dire: Oui, il est
dehors, ou: Non, il n'est pas dehors.
Quand on dit qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui s'en occupe, je crois
que lui, tout en répondant au gouvernement qui est là pour savoir
exactement et juger de ses décisions, et au public qui va être
là également pour le critiquer au même titre qu'on peut
critiquer le ministre de la Justice actuel, je crois, dis-je que cette personne
ne pourra pas établir un Etat policier. Si elle l'établit, cela
voudrait dire que les dirigeants des gouvernements ne sont pas vigilants et que
la population est intéressée à avoir un dictateur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf. M. BERTRAND:
Allez-y.
M. DROLET: Je voudrais continuer dans le même sens que le
député de Missisquoi. Les autres organismes qui ont
présenté des mémoires ont tous, je crois, fait allusion au
fait que le tout devrait demeurer encore sous l'autorité du
ministère de la Justice, mais avec un sous-ministre qui aurait plus de
responsabilités. C'est à peu près cela, je pense, que les
autres organismes ont laissé voir. Est-ce que vous seriez prêts
à accepter cette chose ou si vous avez comme opinion bien
arrêtée que ce serait préférable d'avoir un
ministère de la police?
M. MAGNAN: Dans notre mémoire, nous avons suggéré
qu'il puisse y avoir un ministre de la police. En ce qui nous concerne, cela
peut aussi bien être un sous-ministre de la police qui va s'occuper de
ses policiers. Le fait est actuellement que le ministre de la Justice a les
pouvoirs qui, croit-on, si un autre les avait, feraient un dictateur de cet
autre. On a vu dans le passé des lois décrétant que toutes
les forces de police seraient sous le même chef, qui était le chef
de la Sûreté du Québec. Je pense qu'on a vu cela pendant un
mois et demi ou deux mois. On n'a pas eu peur que cela en fasse un dictateur.
Pourtant il aurait pu exercer à ce temps-là les mêmes
pouvoirs dont on a peur. Si on nomme un ministre de la police, en
définitive, ce ministre de la police dont on redoute qu'il devienne un
dictateur va avoir moins de pouvoirs que le ministre actuel de la Justice.
M. DROLET: Maintenant, à la page 4 de votre
mémoire,...
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez. Le député de
Trois-Rivières avait demandé la parole.
M. BACON: Vous semblez déjà modifier votre position entre
un ministère de la police ou de l'intérieur appelez cela
comme vous voudrez et le sous-ministre. Tantôt, vous avez
mentionné dans vos arguments qu'un ministre de la police, comme vous
l'avez appelé, pourrait être responsable au gouvernement ou
à la Chambre ou pourrait être critiqué, mais la même
chose n'arriverait-elle pas avec un sous-ministre? Je vois que, d'une question
à l'autre, vous modifiez votre position. D'ailleurs je ne suis pas tout
à fait d'accord avec le député de Portneuf, parce qu'il
semble, d'après les organismes, qu'on ne peut pas dégager de
consensus tant qu'un ministère de l'intérieur ou un sous-ministre
n'est pas une réalité! tout le monde est un peu
mêlé. Vous partez de ce que vous disiez tantôt, d'un
ministre de la police, qui est responsable des corps policiers ou de tout le
mécanisme d'organisation que vous avez mentionné, et après
cela, vous nous parlez d'un sous-ministre. Il y a une différence entre
les deux.
M. MAGNAN: Oui, je sais qu'il y a une différence, je suis
d'accord avec vous.
M. BACON: Non, je sais que vous faites la différence, ce n'est
pas ce que j'ai voulu dire...
M. MAGNAN: Vous avez tellement raison de dire qu'il y a une
différence entre un sous-ministre et un ministre. En ce qui me concerne,
qu'il soit à une place ou à l'autre, cela m'est égal. Mais
qu'il s'occupe de la police, qu'il s'occupe de ses policiers.
M. BERTRAND: C'est cela.
M. MAGNAN: Oui, mais qu'il en réponde au public et au Parlement,
nommez-le comme vous voudrez, cela m'est égal.
M. BACON: En fait, vous voulez avoir une section à
l'intérieur du ministère de la Justice ou un ministère
séparé, mais quelqu'un qui va s'occuper spécifiquement des
affaires de la police.
M. MAGNAN: Oui, nous sommes d'accord là-dessus.
M. BACON: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Merci...
M. BACON: Merci, mon collègue.
M. DROLET: A la page 4 de votre mémoire, vous faites allusion
à un moment donné au fait que les forces policières
devraient être dotées peut-être d'avocats, de comptables ou
d'autres spécialistes qui pourraient vous aider. Je pense,
d'après ce que je peux voir, que vous avez amplement raison. Est-ce que
vous voulez dire également qu'il vous manquerait de personnel dans
différents bureaux au point de vue comptable ou de ces choses-là
ou encore de personnel au point de vue de la police?
M. MAGNAN: Ce serait surtout pour conseiller. On voit cela comme un
service auxiliaire pour conseiller les policiers enquêteurs dans
différentes enquêtes d'envergure, que ce soit au point de vue de
fraudes, au point de vue de meurtres, par exemple, selon la preuve que l'avocat
de la couronne ou les avocats travaillant pour le service policier
désirent soumettre. A ce moment-là, je crois que la
Sûreté du Québec et tous les corps policiers doivent avoir
des services auxiliaires mais non pas des personnes engagées qui
viennent directement dans la structure policière, dans ce sens que si on
a une place pour un inspecteur, on n'engage pas un avocat inspecteur.
M. DROLET: D'accord. Maintenant, pour faire suite un peu à ce que
le député d'Olier a apporté hier comme suggestion,
c'est-à-dire, un moment donné, surtout dans des endroits
où l'on manque de policiers je sais que dans nos régions
rurales, il manque de personnel n'y aurait-il pas possibilité
d'avoir des secrétaires ou quelqu'un d'engagé dans les bureaux
pour s'occuper des formules, de la paperasse, des rapports, du
téléphone? Le policier est obligé de faire toutes ces
choses-là et en plus, il est appelé sur la route, il est
appelé partout. A ce moment-là, il est critiqué, mais ce
n'est pas sa faute.
M. MAGNAN: Actuellement, je suis d'accord avec vous au sujet des
secrétaires. C'est d'ailleurs la procédure qui est établie
dans tous
nos postes; il y a des secrétaires qui s'occupent du
téléphone, de la paperasse, des rapports. On sait qu'il en manque
encore beaucoup. Je suis bien d'accord. Comme la procédure d'engagement
au gouvernement est extrêmement lente,...
M. DROLET: C'est vrai.
M. MAGNAN: ... on se réveille avec des postes de police où
ça fait deux ans qu'ils n'ont plus de secrétaire et où il
y en avait deux auparavant. Là, c'est le policier qui a la
méthode à deux doigts qui écrit ses rapports, fait des
fautes, puis se fait critiquer. On est d'accord sur cela, mais que voulez-vous,
il faudrait changer toute la structure gouvernementale. A ce moment-là,
ça fait pas mal de bagage à déterminer ou à
exprimer d'avance.
M. DROLET: Il faudrait peut-être demander au ministre de la
Justice s'il n'aurait pas des solutions à apporter à cette
chose-là, à l'effet que les bureaux soient mieux
équipés, soient mieux dotés, afin de permettre aux
policiers de faire leur travail sur la route et de cesser de travailler dans
les bureaux.
M. BACON: C'est créateur d'emplois à part cela.
M. DROLET: Cela créerait des emplois.
M. CHOQUETTE: C'est une situation très complexe au point de vue
de l'administration gouvernementale, mais qui s'insère dans le
syndicalisme policier. Ce sont des situations auxquelles il faut
s'intéresser et apporter des solutions. Ce ne sont pas des choses qu'on
change radicalement, du jour au lendemain.
M. DROLET: Tout simplement, j'espère que le ministre va prendre
en considération cette demande justifiée.
M. CHOQUETTE: D'ailleurs, on n'a qu'à prendre l'exemple de la rue
Parthenais, au quartier général de la Sûreté; il y a
un personnel civil très considérable qui travaille avec les
policiers. Je crois qu'il y a huit cents policiers qui sont attachés au
quartier général Parthenais et il y a peut-être sept cents
civils qui travaillent avec eux. Je ne sais pas si je me trompe, M. Magnan.
M. MAGNAN: C'est un peu fort sept cents.
M. CHOQUETTE: En tout cas, il y en a un nombre considérable.
M. DROLET: En terminant...
M. MAGNAN: C'est fort un peu, sept cents.
M. CHOQUETTE: Je ne les ai pas comptés, mais...
M. DROLET: En terminant, je tiendrais quand même à dire au
ministre que c'est bien beau ça à Montréal ou à
Québec, mais il faut également que le ministre se penche sur la
question de nos régions rurales où il y a un véritable
manque de policiers et où, à ce moment-là, la
Sûreté du Québec se fait critiquer, parce que les policiers
sont demandés dans certaines municipalités et ils s'y rendent le
lendemain. Ce n'est pas la faute du policier, s'ils ne sont que deux pour
desservir comme je l'ai vu tout le comté de Portneuf,
alors que les policiers avaient été transférés au
festival de Manseau et qu'il n'y en avait que deux dans le comté. Les
policiers couraient dans tout le comté. Ils se sont fait critiquer
continuellement. Je pense que le ministre devrait se pencher sur cette
chose-là aussi, sur ce qui regarde les régions rurales, et ne pas
seulement penser aux grandes villes.
M. CHOQUETTE: M. Drolet, je trouve que vous avez raison; je ne peux
faire autrement que d'admettre que notre personnel policier, à
l'échelle du Québec, est insuffisant à l'heure actuelle.
Je peux vous donner des régions... Pour vous donner un exemple frappant,
dans toute la région du nord québécois, la région
peuplée par les autochtones, Esquimaux, Indiens, blancs, qui est une
région extrêmement considérable, nous avons une
poignée de policiers à Cet endroit. Pour ma part, j'aimerais
beaucoup accroître l'effectif de la Sûreté pour desservir
très convenablement le territoire du Québec. Il y a une question
de ressources financières dans tout cela; les ressources de l'Etat ne
sont pas illimitées et, évidemment, nous sommes obligés de
faire face à la situation avec l'effectif actuel, bien que
l'année dernière, le budget nous ait permis d'accroître
l'effectif d'un nombre assez considérable de policiers.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Magnan, j'ai remarqué qu'une bonne partie de votre
mémoire est consacrée sinon aux relations patronales
ouvrières, du moins à tout ce qui gravite autour de cela. Je n'ai
pas vu de remarques de votre part relativement à votre situation
particulière, des policiers provinciaux, en matière de
négociation collective, etc. Comme tout le monde le sait, vous avez un
système un peu particulier de comité conjoint; je pense que c'est
encore cela qui est en fonction.
M. MAGNAN: C'est bien cela.
M. BURNS: Du moins, c'était cela à l'origine.
Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment-là, que ce
régime vous est complètement satisfaisant ou si vous ne croyez
pas que ce serait l'occasion, au moment de la réforme de tout l'appareil
policier, qu'on vous mette sur un
pied d'égalité avec vos confrères des autres
municipalités et que vous ayez les mêmes droits qu'eux? Est-ce que
je me trompe en disant que le fait que vous n'en ayez pas parlé soit que
vous ne vouliez pas soulever un problème que vous considérez
épineux?
M. MAGNAN: Si on n'en a pas parlé c'est parce que,
premièrement, on ne l'a pas étudié sous l'angle du livre
blanc. Maintenant, le fait pour nous d'avoir un comité paritaire et
conjoint qui, depuis 1967, fonctionne, nous a occasionné certaines
difficultés lors de ces négociations. Cela ne prouve pas pour
autant que la formule est mauvaise. Nous sommes quand même confiants que
nous pouvons régler les problèmes au niveau d'un comité
paritaire et conjoint.
Le fait pour nous d'être considérés comme tous les
autres policiers du Québec ne nous déplaît pas non plus,
mais encore là, il s'agira, dans des discussions futures, d'en
étudier la portée le pour ou le contre. Mais aujourd'hui, je ne
suis pas préparé à une telle question et à une
telle réponse.
M. BURNS: Vous ne vous êtes pas penchés sur ça dans
le cas du livre blanc?
M. MAGNAN : Cela ne devrait pas être dans le livre blanc parce
qu'on parle de réorganisation, de l'efficacité de la police. Mais
nous nous sommes surtout attachés aux sujets qui étaient
exposés dans ce livre blanc.
M. BURNS: C'est ce dont je voulais me rassurer parce que je voulais
savoir si, du fait que vous n'en parliez pas, vous trouviez que la situation
est à ne pas changer. J'ai compris votre réponse et je veux tout
simplement, en terminant, vous féliciter de votre mémoire. Je
n'ai pas l'habitude de féliciter les gens qui produisent des
mémoires mais je trouve qu'il est très constructif. Il y a une
approche, comme le ministre le disait, très nuancée. Je suis fier
que l'APPQ nous ait présenté un mémoire de cette
qualité-là.
M. MAGNAN: Merci.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Matane.
M. BIENVENUE: M. Magnan, des personnes plus autorisées que moi
vous ayant félicité, je me range et je n'ajoute pas aux fleurs,
aux gerbes que vous avez déjà reçues. Je voudrais vous
poser une question. A la page 5, au moment où vous parlez du
problème des institutions d'enseignement, vous dites et je lis: "Mais il
faut quand même être réalistes et concevoir tous ensemble
que l'expérience acquise au sein d'un corps policier ne peut pas
être achetée ou étudiée dans une école
d'enseignement" et je suis totalement d'accord avec ça.
Vous ajoutez: "De par ce fait, la compétence se base sur
l'expérience acquise au travail et non pas à la suite d'un
bourrage de crâne dans différentes institutions". Verriez-vous
d'un bon oeil ce que j'appellerais un mariage harmonieux des deux
éléments, pour parler de véritable compétence,
c'est-à-dire l'expérience pratique, à quoi s'ajouterait
une dose équivalente d'enseignement théorique de
qualification?
M. MAGNAN: C'est justement l'optique que nous poursuivons en
émettant ces opinions. C'est qu'on croit qu'avant de donner de la
théorie et de dire qu'un homme devient bon policier, il faut qu'il ait
de la pratique. Parce que la police, ce n'est pas un "job", c'est une vocation
et ce n'est pas n'importe qui qui s'en va au-devant des manifestations,
recevoir des roches sans dire un mot, se faire cracher en plein visage et ne
pas bouger. Ce n'est pas tout le monde qui est capable de le faire même
s'il a un diplôme d'avocat ou de notaire ou de n'importe quoi. C'est une
question de formation dans un corps de police qui doit être donnée
par les dirigeants policiers et j'en profite également pour dire que les
autorités des corps de police doivent être compétentes pour
le faire. Je suis amplement d'accord sur l'énoncé que vous
faites.
M. LE PRESIDENT: M. le député d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, à M. Magnan j'aurais une
suggestion à faire et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Mais auparavant, j'aimerais établir certains faits que vous pouvez
d'ailleurs trouver dans le livre blanc présenté par le ministre
de la Justice. C'est un fait reconnu qu'au Québec nous n'avons environ
qu'une vingtaine de municipalités qui ont un corps policier digne de ce
nom par le nombre de policiers.
Je voyais tantôt qu'on a 27 cités et villes qui ont, ce
qu'on appelle, un corps policier composé d'un seul homme. Vous en avez
67 qui ont de deux à cinq policiers. Quelque part dans le
mémoire, on dit, avec raison, que pour donner de la protection aux
citoyens pendant 24 heures par jour et 365 jours par année, cela prend
un minimum de cinq policiers. Voici ma suggestion: Je me demande s'il n'y
aurait pas lieu de changer de façon radicale le rôle du policier
à l'échelle de la province. Que l'on crée pour tout le
territoire de la province, ce que j'appellerais la gendarmerie et que seules
les municipalités qui ont un nombre suffisant de policiers actuellement
aient le droit d'avoir en plus de la gendarmerie, la Sûreté.
Voici ma question: Est-ce que la Sûreté du Québec
serait capable d'assumer à l'échelle de la province, à
l'exclsusion de cette vingtaine de municipalités, tout le travail de
Sûreté? Et que ce soit la responsabilité de la
Sûreté du Québec, que ce ne soit pas seulement ce qu'il y a
présentement c'est-à-dire une collaboration
pour venir en aide à certaines petites municipalités
lorsqu'il y a un homicide ou un vol à main armée.
Ce que j'ai à l'esprit, c'est que les petits corps policiers dans
les petites municipalités, dans les endroits éloignés,
n'auraient que ce travail de gendarmerie, c'est-à-dire la patrouille,
les infractions au code de la route. Dès qu'il y aurait une infraction
qui relèverait de la Sûreté, immédiatement ce serait
la Sûreté du Québec qui serait appelée avec des
escouades volantes, des spécialistes qui assumeraient
immédiatement la responsabilité de l'enquête que ce soit
pour des vols à main armée, des vols d'autos, des homicides ou
autres. Est-ce que la Sûreté serait prête à assumer
cette fonction-là si on lui donnait les outils nécessaires?
M. MAGNAN: Actuellement, la Sûreté du Québec assiste
tous ces corps de police lorsqu'ils ont besoin d'aide avec les outils qu'elle
a.
M. CHOQUETTE: A l'exception de Montréal.
M. BIENVENUE: A l'exception de Montréal et de Québec.
M. MAGNAN: Il y a des corps de policiers très bien
structurés et même, je dirais mieux structurés
peut-être que la Sûreté du Québec sur certains
aspects. Je ne nommerai personne. On en connaît. Ces corps de police font
pratiquement le travail de A à Z en ce qui concerne le travail policier
autant le meurtre, l'homicide, l'auto-patrouille, etc. A ce moment-là,
lorsque les corps de policiers, en province principalement, n'ont pas de
policiers équipés pour faire un tel travail, la
Sûreté du Québec s'y rend immédiatement. Et s'il le
faut, c'est une escouade volante qui va se rendre pour assister ces corps de
policiers.
Maintenant, pour revenir à vos énoncés du
début voulant qu'il y ait un policier par municipalité ou 67
municipalités de deux et cinq policiers, je dois dire que ces policiers
ont certainement des conditions de travail lamentables. Ds sont pris 24 heures
par jour, sept jours par semaine. Ce n'est pas normal. Un bon policier, pour
faire un bon travail dans sa population, a certainement besoin de repos. Quand
il travaille, il doit travailler.
Je crois que la Sûreté du Québec actuellement
remplit déjà cette tâche. Est-ce qu'elle pourra la mieux
remplir éventuellement? Il y a certainement moyen d'améliorer
toute situation.
M. PICARD: Etes-vous d'avis que cela devrait être un objectif de
la Sûreté du Québec d'assumer éventuellement en
totalité les responsabilités de la Sûreté?
Je vais vous dire ce que j'ai à l'esprit. On parle de Scotland
Yard en Angleterre. Même à Londres, s'il y a un meurtre c'est
Scotland Yard qui s'en occupe et non la gendarmerie. Immédiatement, on
appelle Scotland Yard. Au Québec, est-ce que la Sûreté
devrait avoir comme objectif d'atteindre...?
M. MAGNAN: C'est ce qui se fait actuellement. Dès qu'il y a un
meurtre dans un endroit et que la Sûreté municipale ne peut donner
le service adéquat, on appelle immédiatement la
Sûreté du Québec.
Des enquêteurs s'y rendent immédiatement, qu'ils soient des
enquêteurs des escouades des homicides, des vols à main
armée, des meurtres ou n'importe quoi, Dès qu'il arrive quelque
chose et qu'un corps policier ne peut donner le service, à ce
moment-là, la Sûreté du Québec s'y rend.
M. PICARD: N'est-il pas arrivé dans le passé des cas
où, par exemple, un corps de police disons un chiffre
hypothétique de 25 policiers pour une municipalité assez
considérable, essaie de résoudre le problème, le crime en
question et que, quelques jours ou quelques semaines après, il doive
faire appel à la Sûreté? Les pistes sont alors
brouillées.
M. MAGNAN: Il y a peut-être eu des erreurs individuelles...
M. PICARD: Les pistes sont brouillées et il est trop tard
à ce moment-là. La Sûreté arrive sur les lieux
puis...
M. MAGNAN: C'est possible. Il y a peut-être eu des erreurs
individuelles à ce moment-là mais je suis convaincu que les corps
policiers sont déjà au courant du pouvoir qu'ils ont de faire ou
de ne pas faire enquête dans tel ou tel cas. On peut avoir des corps de
policiers qui vont être capables de faire enquête dans des
accidents mortels ou de toute façon, où il y a des morts. Cela
peut être aussi bien un meurtre qu'autre chose, un accident mortel. Quand
on voit de toute évidence et à première vue que c'est un
meurtre, on appelle immédiatement la Sûreté du
Québec.
M. PICARD: Est-ce qu'on est obligé de l'appeler?
M. MAGNAN: L'obligation, je ne la connais pas...
M. PICARD: Il n'y a pas d'obligation de vous appeler.
M. MAGNAN: Tout dépend des zones qu'on a à couvrir et des
possibilités...
M. PICARD: Voyez-vous, il n'y a pas d'obligation. C'est ce que
j'aimerais, que ce soit obligatoire, immédiatement, de communiquer avec
la Sûreté.
M. CHOQUETTE: Je crois que M. Magnan a raison de laisser la question en
suspens. Je pense qu'actuellement il n'y a pas d'obligation légale
d'appeler mais c'est la coutume, excepté pour Montréal et
Québec. Maintenant, si le député d'Olier me permet une
petite remarque, incidemment, Scotland Yard est en réalité la
police métropolitaine de Londres. C'est donc une police municipale.
M. PICARD: Mais le Commander Way, d'où venait-il?
M. CHOQUETTE: De Scotland Yard.
M. BURNS: De la police municipale de Londres.
M. CHOQUETTE: Je crois que, dans ce domaine, on ne peut pas comparer en
somme une situation qui existe en Angleterre avec celle qui existe au
Québec. On ne le peut pas.
M. PICARD: Est-ce que le ministre me permettrait de changer Scotland
Yard pour FBI?
M. CHOQUETTE: Si vous voulez.
M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.
M. BACON: M. le Président, dans votre mémoire, M. Magnan,
vous avez touché un peu au principe de la régionalisation. Est-ce
que vous avez des propositions plus concrètes dans la création
des mécanismes de mise en place de polices régionales? .
M. MAGNAN: C'est-à-dire que...
M. BACON: Vous semblez n'avoir qu'effleuré ou donné un
accord de principe...
M. MAGNAN: Nous donnons notre appui à ce nouvel organigramme des
corps de police quoique il y ait bien d'autres formules qu'on pourrait
employer. Mais nous croyons que le terme d'urbain comprendrait comme objectif
le nombre de la population. Lorsqu'on parle de régional, on pourrait
peut-être prendre comme objectif la région donnée dans un
endroit de la province. Est-ce que toutes les régions de la province
vont permettre...
M. BACON: Je m'excuse. Pour être plus précis, au sujet des
mécanismes de mise en place, il y a des mémoires qui ont fait des
suggestions, à savoir quelle sorte de consultation tenir, pour inventer
des mécanismes pour la mise en place de la régionalisation. Je ne
vous demande pas si vous êtes d'accord, parce que vous avez dit dans
votre mémoire que vous étiez d'accord sur les principes de
régionalisation. Mais les mécanismes de mise en place,
consultation et ces choses-là...
M. MAGNAN: Les enquêtes, les commissaires-enquêteurs...
M. BACON: J'oublie la région de Montréal.
M. MAGNAN: La Commission de police ou un commissaire-enquêteur
nommé par le ministère de la Justice peut faire le joint entre
les policiers impliqués dans une région et les autorités
des villes et du gouvernement qui seraient également impliquées
dans cette régionalisation. Le mécanisme pour faire la
régionalisation ou l'organisation, on n'y a pas touché de plus
près, nous n'avons pas cherché la formule qui serait
idéale pour la formation des corps régionaux.
M. BACON: Une seule autre question, M. le Président. M. Magnan,
le mémoire du Barreau ce matin nous a fait une suggestion relativement
à un tribunal spécial de travail qui devrait être
créé en vue de régler les problèmes de conditions
de travail des policiers. Est-ce que vous seriez d'accord sur une telle
proposition?
M. MAGNAN: Non, nous aimons mieux avoir le comité paritaire
conjoint qui existe actuellement que d'avoir un tribunal dont la
décision serait arbitraire et automatiquement exécutoire. Nous
aimons mieux négocier avec notre comité paritaire et
conjoint.
M. CHOQUETTE: Un comité paritaire et conjoint
amélioré, tel que nous l'avons actuellement, n'est-ce pas, M.
Magnan?
M. MAGNAN: Absolument. M. BACON: Merci, M. Magnan.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: C'est de l'influence patronale, cela!
M. CHOQUETTE: Non, non, c'est parce que l'on se parle à
demi-mots.
M. BURNS: J'avais omis de vous poser une question tantôt, M.
Magnan, relativement à l'assistance que la Sûreté pourrait
avoir de spécialistes dont la discipline n'est pas la discipline
policière? Je pense, entre autres, à des conseillers juridiques.
D'abord, actuellement sauf erreur et vous me corrigerez si je ne suis
pas au fait des derniers développements ... A part les procureurs
de la couronne, je pense que vous n'avez pas de conseillers juridiques
permanents qui vous assistent régulièrement?
M. MAGNAN: Vous avez raison. Nous n'avons pas d'avocats.
M. BURNS: Ne croyez-vous pas que cela
serait justement un domaine où il faudrait que vous ayez des
permanents de la justice ou des avocats en permanence à votre
disposition et surtout pour la division de la Sûreté je ne
parle pas de la gendarmerie, je ne pense pas que ce soit un gros
problème d'être assisté de ce côté-là
mais vous ne croyez pas que ce serait nécessaire que vous ayez
des avocats en permanence à votre disposition?
M. MAGNAN: Absolument. Cette observation-là, nous l'avons faite
à maintes reprises, que la Sûreté du Québec et tous
les corps policiers devraient avoir des avocats nommés en permanence
pour les assister dans leur travail policier. Actuellement, à la
Sûreté, on ne compte pas d'avocats engagés. Il semblerait
que, selon certaines démarches, il y a du travail qui se fait pour
l'engagement d'un... Mais, encore là, sur 3,200 policiers
éparpillés en province, je crois qu'il y a beaucoup à
faire dans ce domaine et dans tous les autres domaines aussi qui demandent des
spécialistes. Je crois que le fait d'engager des avocats serait
primordial parce qu'après tout nous travaillons toujours avec des
avocats et, même si nous ne travaillons pas avec eux, on fait
enquête avec les avocats, on s'aperçoit qu'à la fin de
l'enquête il faut être avec un avocat. A ce moment-là, si on
en avait eu un depuis le début, je crois qu'on aurait beaucoup
amélioré le travail du policier.
M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, j'aimerais
féliciter et remercier l'Association des policiers provinciaux et son
président, M. Magnan, ses proches collaborateurs, du mémoire
très constructif qu'ils ont soumis à la présente
commission. Avec la présentation de ce dernier mémoire, se
terminent les auditions concernant le livre blanc de la police et la
sécurité des citoyens. Je remercie les membres de la
commission.
Autres mémoires
M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas d'autres mémoires
produits sur cela?
M. LE PRESIDENT: Non. Il n'y a pas d'autres mémoires mais je
pense que les associations et fédérations couvrent à peu
près tous les domaines policiers du Québec.
M. BURNS: Il n'y a pas eu de mémoires de groupements
municipaux.
M. LE PRESIDENT: On a eu la Fédération des policiers
municipaux...
M. BURNS: Par exemple, il n'y en a pas eu de l'union des
municipalités?
M. LE PRESIDENT: La Chambre des notaires ne produit pas de rapports.
Nous avons notre Etat policier qui nous est propre.
M. BURNS: Je trouve cela quand même incroyable que les
municipalités n'aient pas jugé bon d'intervenir au niveau de
quelque chose qui va sans doute les toucher éventuellement.
M. BERTRAND: A part ça, il faut noter, comme le fait le
député de Maisonneuve, qu'il s'agit d'un problème joliment
important: la police et la sécurité des citoyens. Alors, je veux
constater, moi aussi, le peu d'intérêt manifesté par une
foule d'associations qui, par après, critiqueront et diront: On a
étudié le livre blanc, les policiers étaient
représentés.
Par contre, il y a une foule d'organisations qui critiqueront soit
l'adoption de loi, et qui auraient pu être entendues à moins que
et c'est là que je pose la question à moins que les
délais n'aient pas été suffisants. Mais si les
délais n'ont pas été suffisants, je me demande s'il ne
serait pas à propos que d'autres séances de la commission
puissent être tenues, car c'est un sujet extrêmement important; et
que les gens en soient avisés en conséquence surtout par la voie
des journaux, de la radio ou de la télévision, de manière
que l'on fournisse ainsi l'occasion à tous ceux qui, normalement,
devraient être ici, d'être entendus.
M. DROLET: M. le Président, je voudrais joindre également
ma voix à celle du député de Maisonneuve et du
député de Missisquoi pour, moi aussi, exprimer ma surprise du
fait qu'il n'y a eu que quatre ou cinq mémoires six donc
différentes organisations assez importantes; comme l'a souligné
le député de Maisonneuve, les municipalités ou encore les
communautés urbaines, et autres, qui n'ont pas osé ou
daigné présenter de mémoire, et qui, peut-être par
après, s'en prendront aux législateurs, s'il y a quelque chose
qui n'est pas à leur goût dans cette législation. . Alors,
je suis énormément surpris, moi, aussi, de ce fait, et je le
déplore.
M. CARON: Ils ont probablement fait confiance au ministre pour le beau
travail qu'il fait. C'est peut-être pour cela qu'ils ne se sont pas
déplacés.
M. BERTRAND: Il est permis d'en douter malgré que le ministre
fasse de son mieux, je crois. Est-ce que les délais ont
été suffisants, d'abord?
M. CHOQUETTE: J'ai annoncé, en somme, ces séances, il y a
environ un mois pour la première fois. Maintenant, par la suite, je n'ai
pas eu de relations, soit avec l'union des municipalités ou d'autres
groupements, excepté les groupements policiers qui sont venus
aujourd'hui et qui m'ont indiqué, à un moment donné ou
à un autre, qu'ils avaient l'intention de venir faire des
représentations. Maintenant, je n'aurais pas d'objections en principe
que cela se fasse à d'autres séances ultérieures, mais
d'ici à la fin de la session, cela me paraît impossible.
Alors, si vous le voulez, ce que nous pouvons faire, c'est demander au
président de faire rapport à la Chambre des séances de la
commission actuelle et, dans le courant de janvier, nous verrons quelles
mesures pourront être prises pour entendre d'autres personnes si elles
étaient intéressées.
M. BERTRAND: Je pourrais faire peut-être une suggestion: c'est
qu'au lieu de le faire immédiatement, on pourrait attendre à la
semaine prochaine pour faire rapport à la Chambre.
M. LE PRESIDENT: Le secrétaire des commissions, M. Pouliot,
m'informe qu'il n'a reçu aucune autre demande de renseignements.
Cependant, si parmi vous, et parmi ceux qui, hier et aujourd'hui, ont
participé aux auditions, il y en avait qui voulaient passer un message,
veuillez communiquer avec M. Pouliot, le secrétaire des commissions
parlementaires. Et bien sûr qu'aussitôt que possible d'autres
auditions pourront être tenues. De toute façon, la semaine
prochaine, nous pourrions faire rapport à la Chambre des travaux
préliminaires d'auditions et nous allons ajourner en
conséquence.
M. BURNS: M. le Président, à ce sujet, tout le monde sait
que le ministre de la Justice a l'intention, dès vendredi, de
déposer un bill qui, à toutes fins pratiques, est une
réforme partielle, déjà suggérée dans cela,
quant à la Communauté urbaine de Montréal. J'aimerais
demander au ministre, parce que c'est peut-être la meilleure occasion,
si, après le dépôt en première lecture du projet de
loi, il a l'intention d'inviter des personnes à se faire entendre sur ce
fameux bill de l'intégration policière dans la Communauté
urbaine de Montréal.
M. CHOQUETTE: Mettez: "on the spot". M. BURNS: Oui, that is your job,
Sir.
M. CHOQUETTE: Ecoutez, c'est un bill qui a des conséquences
très importantes pour je ne sais pas combien de citoyens, au moins
1,500,000 citoyens. Je pense que le gouvernement serait mal venu de ne pas
offrir à ceux qui seront affectés par ce bill, l'occasion
d'être entendus sur les dispositions précises du projet de loi.
Mais évidemment, nous ne pourrons pas nous éterniser,
étant donné que c'est notre intention de faire en sorte que sur
le plan juridique, au moins, on procède à l'intégration
à compter du 1er janvier. Mais je crois que nous donnerons l'occasion
justement à tous d'être entendus et que nous siégerons jour
et nuit si nécessaire.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M. PICARD: M. le Président, j'ai l'impression que nous sommes en
face d'un phénomène assez curieux. Il se peut que le petit nombre
de corps intermédiaires qui se sont présentés devant cette
commission soit attribuable au fait que nous sommes tellement imbus de ce souci
de démocratie que nos commissions parlementaires font appel aux corps
intermédiaires pratiquement toutes les semaines et il arrive, à
un moment donné, que ce soient toujours les mêmes qui viennent
ici, à leurs frais, ne l'oubliez pas. Ils préparent des
mémoires à leurs frais et effectuent des dépenses de
voyage à leurs frais.
On est peut-être devant ce phénomène, à un
moment donné, que, s'il fallait qu'ils nous écoutent et
répondent à toutes nos invitations, je l'imagine, ils seraient
présents ici toutes les semaines à leurs frais, avec des
mémoires.
M. BERTRAND: C'est le contraire. Aujourd'hui, on en manque.
M. PICARD: Il vient un moment où ça coûte trop cher,
ces affaires-là.
M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à ce point.
M. BURNS: Ils réduiront leurs cocktails et viendront
dépenser ici, c'est tout simplement cela. Il en coûte moins cher
de venir à Québec que de faire des cocktails à tous les
congrès, quant à moi.
M. LE PRESIDENT: Nous ajournons sine die.
(Fin de la séance à 17 h 53)