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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mercredi 3 mai 1972 - Vol. 12 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 10 — Loi de l'aide juridique


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 10 Loi de l'aide juridique

Séance du mercredi 3 mai 1972

(Dix heures sept minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs !

Comme il s'agit de la première réunion de la commission depuis l'adoption des nouveaux règlements, je demanderais aux membres de la commission de désigner un rapporteur. Je demande une proposition à cet effet;

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais proposer que M, Guy Bacon, le député de Trois-Rivières, agisse comme rapporteur?

M. BACON: Je fais une proposition pour que...

M. HARDY: Ce n'est pas nouveau, il dit toujours non.

M. CHOQUETTE: Le député de Sainte-Anne.

UNE VOIX: Ce n'est pas un avocat.

M. PAUL: M. le Président, je comprends parfaitement l'objection du député de Trois-Rivières parce qu'il se sent incapable d'être le porte-parole de la justice. Cela le dépasse énormément.

M. LACROK: Parce qu'il ferait un rapport objectif.

M. PAUL: Je comprends que si vous aviez proposé le député des Iles-de-la-Madeleine, lui qui accepte tout...

M. LACROIX: II aurait accepté tout de suite. Cela aurait été pour lui une autre "opération dignité".

M. HARDY: M. le Président, je ne voudrais pas défendre le député de Trois-Rivières, mais je pense qu'il doit, à juste titre, considérer ici qu'il est vraiment le porte-parole de tous les gens qui ne font pas partie de cette auguste confrérie.

M. LACROIX: L'immense majorité des gens honnêtes.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si le député de Sainte-Anne est disposé à accepter la lourde responsabilité que la commission veut placer sur ses épaules, je suis parfaitement d'accord.

M. PAUL: Est-ce que, dans les circonstances, on ne devrait pas l'appeler plutôt le crieur plutôt que le rapporteur?

M. CHOQUETTE: Qui? Le député de Sainte-Anne?

M.PAUL: Oui.

M. CHOQUETTE: II me semble qu'il ne crie pas beaucoup ce temps-ci!

M. SPRING ATE: Attendez!

M. LOUBIER: M. le Président, je pense qu'il faudrait éviter de le "botter" trop fort avant de commencer !

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît ! Il y a une proposition pour que le député de Sainte-Anne, M. Springate, soit le rapporteur officiel de la commission, ce qu'il a accepté.

On m'informe également que, pour la présente séance, M. Tetley, député de Notre-Dame-de-Grâce, sera remplacé par M. Pearson, député de Saint-Laurent.

Nous entendrons au cours de la matinée les organismes qui ont été invités. Par ordre, le premier organisme à être entendu sera celui de la Corporation des arpenteurs-géomètres de la province de Québec, suivie du Barreau du Québec. Nous entendrons ensuite Me Jean-T. Loranger et le Syndicat des avocats du bureau d'assistance judiciaire du Barreau de Montréal.

Dès à présent, je donne la parole au ministre-de la Justice.

M. BURNS: M. le Président, j'ai eu connaissance qu'un groupe n'a pas pu déposer son mémoire dans les délais prévus par nos règles de pratique et qu'il aimerait se faire entendre. Il s'agit de l'Association des défenseurs des droits sociaux. Il n'est pas ici aujourd'hui et ne viendra que si la commission accepte de l'entendre. C'est le groupe que nous appelons communément les avocats populaires. Dans la région de Montréal, il y en a un certain nombre, ce sont des gens qui, sans être avocats, s'occupent de l'application de certaines lois...

M. BACON: C'est peut-être pour cela qu'ils sont populaires.

M. PAUL: Populaires dans le sens de très recherchés.

M. BACON: C'est parce qu'ils ne sont pas avocats qu'ils sont populaires.

M. BURNS: Je soulève tout simplement le point parce que ce sont des gens qui auraient peut-être quelque chose à nous dire.

M. CHOQUETTE: Je pense que le député de Maisonneuve a raison. Je ne crois pas que ce

soit ni l'endroit pour être formaliste ni l'esprit qui existe à cette commission, parce que des gens n'auraient pas produit leur mémoire à temps. D'ailleurs, on me dit qu'il s'agit de la première séance de la commission aujourd'hui; il faudrait tenir une autre séance la semaine prochaine; je crois que nous pourrions entendre la semaine prochaine les organismes qui n'ont pas encore donné signe de vie, dont le groupe auquel se réfère le député de Maisonneuve. On me dit aussi que le Jeune Barreau de Montréal a préparé un mémoire et il est aussi en retard par rapport aux délais. Pour ce qui est de ces organismes, je pense donc que la porte leur est ouverte; ils n'ont qu'à nous aviser de leur intention et nous les entendrons la semaine prochaine.

M. LE PRESIDENT: Je pense que la commission ajournera ses travaux à midi jusqu'à mercredi prochain, ce qui donne amplement le temps de les convoquer.

M. BURNS: D'accord.

M. HARDY: Je n'ai pas d'objection à ce que les avocats populaires se fassent entendre mais je pense que le député de Maisonneuve aurait très bien pu les représenter.

M. BURNS: Jamais aussi bien qu'ils pourront le faire eux-mêmes.

M. LACROIX: M. le Président, j'aurais seulement une suggestion à vous faire, c'est que c'est un précédent que vous créez en acceptant ça et que ce ne soit pas considéré comme un précédent pour toutes les autres commissions, parce que cela pourrait tout déséquilibrer et le secrétariat des commissions ne pourrait plus agir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Est-ce qu'il est membre de cette commission? Est-ce qu'il a le droit de parler?

M. HARDY: M. le Président, je fais motion immédiatement pour que tous les députés qui ne sont pas membres de la commission aient le droit de se faire entendre à cette commission.

M. PAUL: Je tiens à dire que nous avons adopté à la commission des affaires municipales la même motion et j'appuierais donc cette motion, d'autant plus qu'il m'arrive assez peu souvent d'être d'accord avec le député de Terrebonne qu'il convient que pour cette fois les génies se rencontrent au sommet.

M. LE PRESIDENT: Pour répondre au député de Terrebonne et au député des Iles-de-la-Madeleine, il ne s'agit pas de créer de précédents mais je pense qu'une commission, étant libre et maître de ses travaux, si on juge à propos que certains mémoires peuvent être entendus plus tard, ceci n'implique aucun précédent quant aux autres commissions.

M. HARDY: Je pense que les remarques du député des Iles-de-la-Madeleine sont très à point parce que si on commence, je n'ai pas d'objection à le faire parce qu'on débute, il y a peut-être des circonstances particulières qui justifient que ces organismes n'aient pas déposé leur mémoire, mais il ne faudrait pas que se répande dans le public l'impression que les règles de pratique que l'on a adoptées sont plus ou moins rigides, car après cela on va se trouver dans un fouillis. Je pense qu'il serait bien important de préciser que c'est par exception, une exception bien particulière, que nous acceptons d'entendre ces groupes même s'ils ne se sont pas conformés aux règles.

M. BURNS: M. le Président, j'aurais juste une remarque. Le député de Terrebonne, lui qui est appelé à présider nos débats, devrait savoir la règle de base et qu'on ne peut pas, par un précédent, mettre de côté une règle écrite. C'est tout simplement la suspension de cette règle-là que la commission a décidé...

M. HARDY: Non, je ne parlais pas au point de vue juridique, je m'excuse auprès du député de Maisonneuve. Je connais très bien cette règle.

M. BURNS: Ah bon!

M. HARDY: Je parlais uniquement de l'impression qui pourrait se répandre dans la population. Donc, je ne me situais pas sur le plan juridique mais je me situais sur le plan psychosocial.

M. BURNS: D'accord.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce qu'on peut continuer les débats en bon français pour qu'on se comprenne!

M. LE PRESIDENT: Je pense que les remarques du député des Iles-de-la-Madeleine sont acceptées par tous les membres de la commission, ils en tiendront compte. Maintenant, je cède la parole au ministre de la Justice.

Remarques préliminaires

M. CHOQUETTE: M. le Président, chers collègues et chers confrères ou autres personnes qui représentent des organismes qui ont sollicité la permission de se faire entendre devant la commission de la justice sur le bill 10, je veux vous souhaiter la bienvenue à cette première séance de la commission de la justice. Je n'ai aucun doute que la discussion et les exposés que nous entendrons seront empreints d'objectivité et permettront au législateur — et quand

je dis au législateur, je comprends autant les honorables députés de l'Opposition que les députés ministériels — de se former un avis sur le projet de loi présenté par le gouvernement et qui est intitulé Loi de l'aide juridique.

J'entrevois donc que les exposés et les discussions que nous aurons nous permettront de clarifier un certain nombre de notions, de principes et d'aspects qui concernent ce désir manifesté par le gouvernement de procurer aux citoyens, et à ses citoyens les plus démunis, les plus pauvres, l'assistance judiciaire, comme on le disait autrefois, ou l'aide juridique comme nous proposons que dorénavant s'appelle cette collaboration que l'Etat apporterait à ceux qui doivent être représentés devant les tribunaux et qui n'en ont pas les moyens.

M. le Président, au moment d'aborder l'étude de ce projet de loi, je ne suis pas inconscient de certains déchirements qui existent actuellement au sein de la profession d'avocat. Je tiens à dire que les manifestations extérieures, les déclarations faites encore récemment — j'en voyais certains comptes rendus dans les journaux ce matin — nous indiquent qu'il y a un malaise profond au sein de la profession d'avocat au Québec, à l'heure actuelle. Ce ne fut pas par une attitude doctrinaire ou par une attitude même antipathique à la profession d'avocat que le gouvernement a adopté certaines attitudes à l'occasion de certains projets de loi actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale.

En toute circonstance, c'est l'intérêt public qui a été le principe et la norme de référence, qui a dicté la conduite du gouvernement et, en particulier, du ministre de la Justice. Je voudrais que ceci soit bien clair et bien compris. Récemment, même un avocat me disait privément: M. le ministre, vous devez être heureux de certaines divisions qui se manifestent au sein de la profession d'avocat. Parce qu'on sait qu'au sujet de tous ces projets de loi, nous entendons des expressions qui nous viennent du Barreau officiel représenté ici par Me Letarte, Me Moisan; nous avons d'autres points de vue exprimés par la Fédération des avocats; nous avons d'autres points de vue exprimés par les avocats de l'assistance judiciaire; nous avons d'autres points de vue exprimés par des avocats qui font actuellement carrière dans les cliniques; nous avons d'autres points de vue qui sont exprimés par des avocats que l'on appelle seniors et, d'un autre côté, par le jeune Barreau. Et tout ce concert discordant — discordant et j'insiste sur ce mot — je tiens à le dire, ne fait pas plaisir au ministre de la Justice, non pas que je veuille restreindre la liberté de parole.

Au contraire, je pense que, pour ma part, je n'ai jamais pris une attitude autoritaire ou autocratique dans aucun domaine de l'activité gouvernementale. J'ai toujours été prêt au dialogue et le gouvernement l'est.

Mais je ne peux pas, comme avocat, comme ministre de la Justice, être heureux d'une situation qui indique, en somme, tant de divisions au sein d'une profession qui est la mienne. Et je souhaite, M. le Président, que l'étape de la commission parlementaire que nous allons passer au sujet de ce bill 10, que cette étape, comme d'autres étapes à venir, permette de créer, un consensus au sein du gouvernement et du Parlement sans doute, un consensus au sein de la profession d'avocat et un consensus au sein de la population autour de certaines améliorations, de certaines mesures qu'il nous faut apporter pour rendre la justice au Québec contemporaine, moderne et efficace. C'est le seule objectif que j'ai et si nous réussissons à accomplir cette tâche, je pense que nous l'aurons bien mérité. Je fais un appel à la collaboration de tous, à l'esprit de compréhension, en somme. Il s'agit, à mon sens, d'adopter des mesures et des lois qui soient conformes à l'intérêt public et qui — je l'ajoute en toute connaissance de cause — respectent aussi les intérêts légitimes des avocats, car je ne suis pas non plus insensible à cet aspect-là. Mais je dirai que c'est le principe de l'intérêt et du bien-être publics qui doit être le premier et qui doit avoir préséance dans notre façon d'aborder toutes ces réformes ou ces innovations qu'il nous faut apporter à notre appareil judiciaire. C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président, sur cette question et, si le chef de l'Opposition ou le député de Maskinongé veut prendre la parole...

M. LE PRESIDENT: On pourrait faire une tournée de chaque parti. Le chef de l'Opposition officielle.

M.PAUL: M. le Président, je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à Me Micheline Audet du Barreau du Québec, à M. le bâtonnier Moisan, dont le mandat vient d'être renouvelé — félicitations — et au nouveau bâtonnier du Barreau de la section de Québec, Me Letarte, mes félicitations. Je souhaite également la bienvenue à tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin — je vois Me Beaudoin — au projet de loi dont nous entreprenons l'étude ce matin.

M. le Président, ce qui m'a frappé dans les propos du ministre de la Justice c'est ce grand souci qui l'anime de penser constamment au bien public et, également, aux intérêts légitimes des avocats. J'ai remarqué à ce moment-là que le ministre voulait se référer sans doute au bill 70, Loi favorisant l'accès à la justice, et c'est pourquoi nous attendons avec beaucoup d'impatience les amendements qu'il nous présentera pour que les intérêts légitimes des avocats soient sauvegardés en même temps que l'intérêt du public.

Il y a un autre projet de loi, M. le Président, où le ministre de la Justice se fera fort de défendre les intérêts bien légitimes des avocats tout en sauvegardant l'intérêt public, ce sont les bills 250 et 251. Je suis sûr que le ministre de la Justice se fera le fidèle défenseur au cabinet des ministres de la position prise ou qu'entend prendre le Barreau sur le projet de loi 251, tout

en s'attaquant et s'arrêtant à l'intérêt public en jeu dans l'étude de ce projet de loi 250.

M. le Président, enfin le ministre de la Justice nous présente un projet accessible, attrayant, intéressant qui est le bill 10. Je veux l'en féliciter, en même temps que je m'en voudrais de ne pas rendre hommage à celui qui a oeuvré sous mon règne et sous le règne du ministre actuel de la Justice, M. Antonio Dubé, qui s'était intéressé à tout ce problème de l'assistance judiciaire ou de l'aide juridique. Je suis sûr que le nouveau sous-ministre, M. Normand, continuera dans la même ligne de pensée, même si je regrette de me dissocier temporairement du ministre de la Justice et pour cause, au fur et à mesure que nous entendrons les mémoires, que nous discuterons du principe de la loi, même si je suis contre la présence du sous-ministre de la Justice, comme membre de la commission. Non pas que j'en ai contre M. Normand mais c'est contre le principe de la présence du sous-ministre de la Justice comme membre de la commission.

M. CHOQUETTE: Je m'interroge au sujet de ce que dit le député de Maskinongé, parce que le sous-ministre est ici pour écouter ce qui se dit, il n'est pas ici pour participer aux débats.

M. PAUL: Je ne parlais pas de cette commission-ci. Si vous connaissiez votre loi, M. le ministre...

M. CHOQUETTE: Vous parlez de la loi.

M. PAUL: ... vous verriez que, dans le bill 10, il est question...

M. CHOQUETTE: Vous êtes déjà rendu dans le mérite.

M. PAUL: Non, c'est tout simplement par allusion, par référence.

M. CHOQUETTE: Ah bon! Vous ne vous opposez pas à ce que le sous-ministre soit ici.

M. PAUL: Absolument pas, surtout que je sais combien vous en avez besoin. Je dis donc, M. le Président, que l'aide juridique aux défavorisés s'impose de nos jours.

C'est une priorité absolue à laquelle doivent s'intéresser le ministre de la Justice et les fonctionnaires de son ministère. Maintenant, qu'est-ce qu'une personne défavorisée? J'attire tout simplement l'attention du ministre sur les avantages qu'il y aura, à mon humble point de vue, d'amender la définition que nous retrouvons à l'article 2 pour essayer d'imbriquer toute la description que l'on fait d'une personne défavorisée et que nous retrouvons au mémoire du Barreau à la page 5. Je crois qu'à ce moment-là nous avons une description plus complète d'une personne économiquement défavorisée. C'est une suggestion que je fais et je connais trop la largeur de vue et les bonnes dispositions du ministre de la Justice pour douter un seul instant de sa bonne volonté d'examiner de près cette excellente recommandation, entre autres, qui nous vient du Barreau du Québec.

Il est un principe que l'on a toujours reconnu, en pratique, et c'est celui de l'égalité de tous les citoyens devant la loi. C'est un principe qui était, en pratique, assez difficile à appliquer et qui, en fait, n'existait pas, parce que, même si la Loi du Barreau obligeait l'avocat à accepter moralement une cause qui lui venait d'un client, il y avait toujours des raisons juridiques et d'excellentes raisons pour ne pas accepter le mandat que voulait lui offrir un client éventuel. Ce qu'il faut, c'est que l'Etat qui se propose de légiférer en sécurité judiciaire le fasse d'une façon totale et complète comme le gouvernement l'a fait pour le service de la santé. Il faut qu'on le fasse dans le domaine de la justice sans aucune restriction. Il faut que l'Etat qui tente actuellement d'implanter un système de sécurité judiciaire envisage la nécessité de ne pas limiter l'éventail de l'application de cette loi à certaines formes ou à certaines catégories ou à certaines espèces ou à certains problèmes de l'administration de la justice. Il est un principe qui a toujours été reconnu et appliqué et c'est celui du libre choix qui appartient, actuellement, à un justiciable de retenir le service de l'avocat qu'il désire.

Je crois qu'il y a nécessité de conserver ce principe. C'est pourquoi j'inviterais le ministre à mandater ses hauts fonctionnaires pour considérer l'opportunité de préciser ou d'amender les dispositions de l'article 69 alors que l'on parle de certains pouvoirs de réglementation dans cet article. Il faudrait que le système d'accessibilité à la justice que l'on propose entraîne également et consacre cet autre principe de la liberté pour le justiciable de choisir l'avocat qu'il désire. Je soumets bien respectueusement que l'on ne devrait pas limiter le choix à un justiciable qu'aux avocats qui font partie de la corporation judiciaire d'un district donné, mais également qu'il ait le choix d'obtenir les services de son avocat ou de son notaire ou de toute autre profession connexe qui viendra s'imbriquer dans cette loi.

M. le Président, il y a un point sur lequel je veux insister très brièvement, c'est ce but que doit envisager le ministre de la Justice d'établir un système qui soit le meilleur. Il faudra améliorer le système que nous allons mettre en application, il faudra le roder, il faudra l'amender. Il faudra de toute nécessité, M. le Président, comme je vous le mentionnais plus tôt, sauvegarder et garantir la liberté professionnelle de l'avocat, il faudra sauvegarder et garantir la qualité des services. Je n'ai aucune réticence dans l'approche de l'étude de ce projet de loi, si ce n'est ce regret que j'exprime de voir le ministre de la Justice aller de l'avant avec hésitation. Je comprends son point de vue, je

comprends que le ministre des Finances puisse en quelque sorte vouloir restreindre les bonnes intentions du ministre de la Justice. Mais je suis sûr qu'il fera un excellent plaideur et qu'il devrait avoir la même force de conviction qu'a eue son collègue, le ministre des Affaires sociales, pour obtenir l'implantation d'un système d'assistance judiciaire universel. Autrement, nous n'atteindrons pas ce principe que nous voulons obtenir par l'adoption du bill 10: l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Il se présentera des citoyens qui auront des difficultés, des problèmes juridiques à résoudre; s'ils ne sont pas dans la catégorie des services déterminés, établis par les règlements qu'adoptera la commission par le mécanisme de l'article 69, je dis que nous n'atteindrons pas ce grand principe d'égalité de tous devant les tribunaux.

Je voudrais, M. le Président, en terminant, tout simplement savoir si le ministre de la Justice ne considérerait pas, en principe, comme qualifiés tous les pères de famille qui gagnent moins de $5,000 au Québec. Est-ce qu'un père de famille, avec les obligations de la vie courante, a aujourd'hui les moyens de recourir aux services d'avocats, de notaires, d'arpenteurs ou de toute autre profession pour la sauvegarde d'un droit? Je ne dis pas qu'il faudrait l'inscrire dans la loi.

Il faudrait peut-être trouver un mécanisme de consultation rapide et facile et pour reconnaître a priori le droit à un père de famille de recourir aux services de l'aide juridique si ses revenus sont moindres que de l'ordre de $5,000. Il y a également, M. le Président, un autre point qu'il faudra sûrement envisager, c'est le système qui prévaut en Ontario et en Suède, système que l'on dit de remboursement. Est-ce qu'un justiciable qui, ayant gagné une cause par le mécanisme et avec l'aide du service de l'aide juridique, ne devrait pas rembourser le coût des services professionnels qu'il a obtenus afin que nous puissions alimenter le fonds. Ce ne serait à ce moment-là, je crois, que juste et raisonnable que celui qui a bénéficié d'un service de l'Etat puisse rembourser à l'Etat le coût de ce service. Si ce n'est pas la totalité, qu'il y ait un montant nominal de prévu après discussion avec les membres du Barreau, de la Chambre des notaires et de tout autre corps professionnel. Peut-être serait-ce une façon d'éliminer certains abus, car il est toujours à craindre que, dans l'application d'un nouveau service ou d'un nouveau système, que ce soit dans le domaine de la justice ou dans tout autre domaine, il y ait de ces gens qui, par astuce, par tromperie ou mensonge, obtiennent des services gratuits de l'Etat alors qu'ils sont financièrement capables de se procurer ces mêmes services.

M. le Président, c'est avec une grande ouverture d'esprit que nous abordons l'étude de ce projet de loi et, avant de terminer, je voudrais que vous autorisiez mon chef, l'honorable chef de l'Opposition à ajouter quelques remarques à celles que j'ai pu exprimer.

M. LOUBIER: Avec la permission de mes collègues, très brièvement, je n'ai pas l'intention d'ajouter longuement aux propos tenus par le député de Maskinongé. Le ministre de la Justice a mentionné qu'il n'était pas inspiré par des préoccupations d'ordre doctrinal, que ce n'était pas non plus un caprice ou encore qu'il ne voulait pas à ce moment-là que son projet de loi revête un caractère de pression sociale mais que c'était simplement pour intégrer la fonction d'avocat à cette évolution sociale que nous connaissons dans tous les autres domaines, ces réajustements qui s'imposent dans cette mosaïque nouvelle que nous sommes en train d'établir au Québec. Je pense que cela obéit à ce phénomène de socialisation sur le plan social que nous connaissons chez nous au Québec. Je reconnais dans ce projet de loi, d'une façon plus ou moins éclatante, différents principes qui ont été énumérés par le député de Maskinongé à savoir qu'il y a un principe d'accessibilité aux tribunaux accordé à tous les citoyens et à ceux qui sont le plus démunis; deuxièmement, c'est une reconnaissance d'un vieil adage qui a traversé plusieurs siècles à l'effet que tout citoyen doit être égal devant la loi et je pense aussi que c'est un principe de revalorisation de la profession d'avocat.

Qu'on le veuille ou non, M. le Président, à la suite du rapport Prévost, qui a peut-être pris naissance par des préjugés à l'endroit de la profession, qui ont été cultivés à tort ou à raison depuis des années et des décennies, je pense que ce projet de loi, comme le disait le député de Maskinongé, doit être étudié avec infiniment d'ouverture d'esprit. Mais je comprends le tiraillement dont est victime le ministre de la Justice qui, d'une part, à cause de l'attachement et de l'intérêt qu'il porte à sa profession, désire ardemment que la qualité de services soit assurée par les membres du Barreau et, d'autre part, je comprends très bien que son rôle de législateur doive l'obliger à envisager également la compréhension et le principe de l'intérêt commun. De toute façon, je considère que ce projet de loi s'inscrit dans le chapelet des lois qui ont été soumises depuis quelques années et que c'est justement dans le cadre de ce réajustement, dans le cadre de cette évolution sociale marquée au coin d'un phénomène de socialisation sur le plan social. Je pense que les avocats doivent s'intégrer à ce mouvement et que, de toute façon, les objectifs visés sont extrêmement louables.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, quelques brefs commentaires simplement d'abord pour souhaiter la bienvenue, au nom de mon parti, à ceux qui se sont déplacés pour présenter leur rapport et leurs recommandations à la présente commission parlementaire. Je dois d'abord mentionner, cependant, que je remplace ici temporairement ce matin le député de Portneuf qui, au nom du

Ralliement créditiste du Québec, est le porte-parole officiel à la commission parlementaire de la Justice. Il sera probablement ici cet après-midi. Il m'a chargé de venir vous rencontrer et de lui faire rapport de la première tranche de travail qui sera faite cet avant-midi. J'ose simplement espérer que le travail de la présente commission porte vraiment des fruits valables. Il est certain qu'il existe des besoins, qu'il existe certaines situations de fait qui ont besoin de trouver une solution le plus rapidement possible. Nous allons quand même, au cours de ces discussions, rencontrer certainement des points litigieux en matière d'assistance judiciaire et, à mon sens, ce qui est important, ce n'est pas qu'une partie ou qu'une autre sorte gagnante de la manche, mais plutôt que finalement on en arrive peut-être le plus possible à répondre à des besoins via des principes de réalité, via aussi le respect des citoyens du Québec comme celui des libertés des citoyens du Québec et également via le respect du professionnel, de sa liberté et de son autonomie de profession. Alors, ce sont les brefs commentaires que j'ai à émettre pour le moment, M. le Président, et j'ose espérer que la commission parlementaire en arrive à un consensus qui réponde vraiment à une situation de fait.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, M. le Président — et sans aucune malice — le député de Portneuf celui qui devrait être ici ce matin, est devenu l'avocat populaire du Ralliement créditiste enregistré.

M. BROCHU: Exactement. M. HARDY: Non enregistré.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, au début des travaux de cette commission, je me bornerai à certains commentaires généraux sur le projet de loi no 10.

Nous voulons d'abord exprimer la satisfaction que nous avons à travailler enfin sur un semblable projet. L'aide juridique répond à des besoins longtemps exprimés dans la population et c'est dès son entrée en fonction que le ministre de la Justice avait cru nécessaire de promettre une action vigoureuse de son ministère dans le domaine.

Le projet qui nous est aujourd'hui soumis, a été l'objet d'une trop longue attente pour que nous ne soyons pas heureux de nous mettre au travail. Ce retard à concrétiser une des priorités législatives du ministre s'explique peut-être par les difficultés qu'il a eues à imposer son projet aux divers agents qui administrent la justice au Québec, ou qui participent au processus juridictionnel.

En effet, malgré les témoignages publiés sur les expériences américaines, malgré les études et les recommandations du rapport Prévost, malgré les premières évaluations du plan ontarien, l'institution d'un système d'aide juridique confiée à des "public defenders" fait face à plusieurs oppositions. La résistance du ministre aux pressions dont il a dû être l'objet doit être soulignée et nous voulons aujourd'hui, apporter notre appui au projet qui nous est soumis, appui sur lequel le ministre pouvait compter, dès le départ de sa réflexion.

En effet, le choix en faveur d'un système de procureur du citoyen est inscrit dans le programme du Parti québécois depuis sa première rédaction. De plus, un premier examen de la législation des Etats voisins nous confirme la justesse de ce choix. La philosophie de base d'un régime d'aide juridique, semblable à celui de l'Ontario, est de préserver la relation "normale" qui existe entre le bénéficiaire et l'avocat participant. Cette philosophie procède d'un utopiste auquel ses tenants nous ont très peu habitués. La liberté de choix du procureur n'a aucune signification, pour la grande majorité des bénéficiaires, puisque 80 p.c. d'entre eux ne connaissent pas d'avocats et doivent s'en remettre aux pages jaunes de l'annuaire téléphonique pour l'exercice de ce soi-disant droit fondamental.

M. BLANK: B comme Burns et Blank sont au commencement.

M. BURNS: D'accord, c'est un avantage.

Cette liberté, M. le Président, ne pourrait exister que dans une société idéale, donc une société au sein de laquelle il n'y aurait aucun besoin d'aide juridique. D'ailleurs, le Barreau ontarien est obligé, maintenant, de reconnaître le caractère illusoire de ce principe et songe à établir un service de référence des dossiers, selon les spécialités qu'indiquent les avocats participants. Cette approbation de principe ne nous empêche pas d'être critiques à l'égard du projet de loi qui nous est maintenant soumis. Ce n'est pas le temps pour nous d'en scruter chacune des dispositions. Nous nous devons, cependant, d'exposer certains commentaires, quant à la section qui porte sur l'objet et l'effet de l'aide juridique.

Il nous répugne, M. le Président, de concevoir et d'organiser l'aide juridique uniquement comme une technique facilitant l'accès à l'appareil judiciaire et comme une mesure centrée sur le besoin personnel et individualisé des services professionnels d'un avocat ou d'un notaire. Pareille conception que reflète actuellement le projet postule que les personnes économiquement défavorisées sont des justiciables comme tous les autres. Nous n'acceptons pas ce postulat. Ces personnes, en effet, ont des besoins et des attentes en matière juridique qui dépassent grandement les problèmes d'accessibilité à l'appareil judiciaire.

Des expériences en cours au Québec nous ont déjà donné plusieurs enseignements. Le

rejet social et la réintégration que l'on peut ensuite tenter ne sont pas des phénomènes individuels mais collectifs. Le rejet n'est pas seulement souffert par les individus, il est commun à plusieurs et les tentatives de réintégration ne peuvent être que communautaires.

Tout effort de solution, qui néglige cet aspect collectif, néglige des données. Ceux qui vivent en dehors des circuits économiques normaux développement des cohésions particulières dont l'Etat doit tenir compte dans toutes les approches qu'il tente envers les défavorisés. Le projet actuel a retenu une partie de ces enseignements, en organisant le système selon le modèle des cliniques communautaires. Lorsqu'on a songé à l'administration du système, on a considéré cette cohésion sociale que développent les habitants de quartiers ou de régions défavorisés et le nécessaire mais difficile enracinement qu'un service d'aide juridique doit avoir dans le milieu.

Encore que le projet actuel n'accueille pas les services déjà existants et compromet les cliniques qui sont maintenant ouvertes. Celles-ci avaient déjà développé des modes de fonctionnement et de gestion qui devront être abandonnés pour satisfaire la loi. Lorsqu'on connaît les difficultés d'implantation qu'ont eues les cliniques actuelles, et la souplesse dont ont dû faire preuve les initiateurs pour atteindre les bénéficiaires, on peut douter qu'il soit opportun d'imposer aux cliniques actuelles les cadres nouveaux que prévoit la loi et, plus encore, qu'il soit opportun de constituer toutes les corporations d'aide juridique sur le même modèle.

Au moins a-t-on voulu s'inspirer de l'expérience acquise quant à l'organisation des cliniques, même si cela n'apparaît réussi qu'au niveau de l'appellation des corporations. Mais cette expérience nous apprend autres choses.

Les besoins de justice ne sont pas tous les mêmes et les principaux besoins des personnes économiquement défavorisées ne trouveront pas tous réponse auprès de l'appareil judiciaire dont on veut favoriser l'accès. Les "class actions" n'existent pas encore au Québec et existeraient-elles qu'il faudrait d'abord fournir un formidable effort d'information et d'organisation des groupes.

Le projet de loi ne cherche pas à canaliser le dynamisme dont peut être capable une communauté défavorisée, ni à favoriser et soutenir les possibilités d'organisation de certaines catégories de justiciables devant les problèmes qu'ils vivent ensemble. La possibilité d'action des cliniques auprès des groupes que couvre l'article 40 ne répond pas à notre conception de l'aide juridique en milieu défavorisé, et on peut croire facilement que cette bonne intention ne résistera pas à l'achalandage des dossiers individuels.

Nous pensons plutôt qu'il faut aussi soutenir les bénéficiaires, ainsi qu'on appelle maintenant les assistés sociaux qui ont des droits et surtout des obligations lorsqu'ils s'unissent et s'organi- sent pour affronter collectivement leurs problèmes de locataires, de pensionnés, d'expropriés, lorsqu'ils cherchent à se structurer en compagnies ou coopératives. L'Etat ne peut pas refuser son aide au justiciable qui cherche des solutions collectives aux situations qui font de lui une personne économiquement défavorisée. L'aide juridique est une mesure d'assistance mais nous pourrions aussi en faire un instrument de relèvement social.

Ce sont les quelques remarques, M. le Président, que je voulais faire au début des séances de cette commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. le Président, je serai très bref. Le député de Maskinongé a fait une suggestion tantôt dans le but d'apporter la gratuité des services juridiques pour ceux qui auraient $5,000 et moins. Je ne connais pas personnellement les implications légales, monétaires ou sociales de ce que je vais suggérer, mais au lieu de ça, je me demande s'il ne serait pas préférable, plutôt que d'élever ce plancher, d'accorder la gratuité lorsqu'il y aurait implication d'argent. Par exemple des poursuites en dommages ou des questions de succession, et pour les autres accusations où il n'y aurait pas d'implication d'argent, est-ce qu'il n'y aurait pas plutôt possibilité, au lieu de limiter ça à $5,000. de le monter un peu plus haut, étant donné qu'il n'y aurait pas d'implication d'argent, tandis que, lorsqu'il y aurait une question de succession ou de dommages quelconques... C'est une question en somme...

M. PAUL: M. le Président, je remercie l'honorable député de Saint-Laurent de se référer à cette remarque que j'ai simplement faite tout haut. Je n'ai pas examiné toutes les implications, je n'en fais pas un argument de base ou une condition sine qua non de notre adhésion au principe de ce projet de loi. C'est tout simplement, avant de descendre, que j'ai pensé à une considération qu'on devrait peut-être faire de ce problème.

Je n'insiste pas pour le moment, nous entendrons des mémoires et je suis sûr que, collectivement, nous essaierons de trouver une solution, un mécanisme de fonctionnement qui pourrait définir et éliminer toutes les longues procédures fastidieuses de l'acceptation ou de la reconnaissance des droits que peut avoir un économiquement faible que l'on devra définir, que l'on devra placer dans des critères à être déterminés et arrêtés, soit par arrêté en conseil ou par l'insertion d'un texte bien précis dans la loi. De toute façon, je n'en fais pas une théorie, c'est tout simplement une opinion que j'ai exprimée et je suis heureux de constater qu'elle a au moins, pour le moment, intéressé le député de Saint-Laurent.

M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. BURNS: Est-ce que le député de Maskinongé me permet une question?

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Sa suggestion de $5,000 m'a frappé...

M. PAUL: Je ne veux pas que vous vous référiez à un autre montant de $5,000.

M. BURNS: Non, mais c'est parce que... M. CHOQUETTE: Ou $100 par semaine.

M. BURNS: Non, c'est parce que ça donne $100 par semaine. Est-ce que le député de Maskinongé voudrait nous dire qu'il est d'accord pour un minimum de $100 par semaine?

M. BACON: Non, un peu moins.

M. HARDY: Si j'avais su ça, je n'aurais pas donné ma préférence au député de Maisonneuve.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. PAUL: M. le Président, je connais l'intelligence vive et raffinée de mon collègue le député de Maisonneuve et comme nous ne pouvons pas, ici, discuter des principes d'une loi dont on a déjà disposé en haut, soit le bill 19, je préfère adresser ma réponse et mon commentaire privément à l'honorable député de Maisonneuve.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président, je serai très bref parce que je sais qu'on est d'abord ici pour entendre des témoins.

M. BACON: Cela n'en a pas l'air.

M. HARDY: Si le député de Trois-Rivières n'a rien à dire, qu'il laisse parler les autres! M. le Président, il y a eu des remarques tantôt de formulées par l'honorable ministre de la Justice et le député de Maskinongé sur lesquelles je voudrais m'inscrire quelque peu en désaccord, à savoir la question de la protection de l'intérêt des avocats. Bien sûr, je ne suis pas ici pour dire que je pars en lutte contre les avocats. Mais je pense qu'il faudrait ne pas tenir trop compte de cet aspect dans l'étude d'un projet de loi semblable. C'est d'abord, parce que — et là, je suis parfaitement d'accord avec le ministre de la Justice — nous sommes ici pour la protection du public. C'est la première raison. La deuxième, c'est que je pense que les avocats — le Barreau — constituent dans notre société des personnes ou des organismes suffisamment puissants, suffisamment forts, suffisamment bien organisés, possédant une tradition suffisamment longue pour que l'on n'ait pas à s'inquiéter outre mesure de leur intérêt économique.

Ce n'est pas la même chose pour d'autres groupes de sociétés mais, dans leur cas, je pense que ça ne doit pas être la principale préoccupation des législateurs que de voir à la protection de l'intérêt ou de la situation économique des avocats ou des notaires.

M. PAUL: On a bien dit "légitimes".

M. HARDY: Oui, même légitimes. Bien sûr, je répète que l'on ne doit pas être ici pour ostraciser les membres du Barreau ou de la Chambre des notaires, ce n'est pas mon intention. Mais je dis que, pour ne pas trop créer d'ambiguïté dans la population, il faudrait peut-être laisser de côté un peu cet aspect de l'intérêt des professionnels pour s'attacher davantage à l'intérêt des justiciables et de la justice en général.

Ceci dit, je dois dire par ailleurs — et je me demande ce qui se passe ce matin — que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos du député de Maskinongé. J'ajoute immédiatement que je n'ai pas de décision définitive, de position définitive de prise, parce que je considère qu'en toute logique on doit commencer par entendre les gens qui ont quelque chose à nous dire avant de prendre une décision finale. Mais je dois dire que les propos du député de Maskinongé, en ce qui a trait à la liberté de choix de l'avocat, au principe de la liberté de choix de l'avocat, et pour ce qui vise à trouver des mécanismes pour limiter en quelque sorte les déboursés en obligeant un remboursement, je dois dire que ces propos m'ont pas mal intéressé et qu'en tout cas ils sont un des éléments de ma réflexion.

Si nous devons être de notre temps, si nous devons accepter ce processus de socialisation qui existe présentement, il faudrait peut-être aussi nous garder d'adopter des modèles uniques de socialisation. Et je pense que sur ce point le gouvernement, comme les gouvernement — je dis les gouvernements, pas simplement le gouvernement actuel, les gouvernements précédents— et aussi beaucoup d'organismes sont peut-être portés à être très formalistes. Cela a peut-être l'air drôle de dire ça dans une société qui se veut avant-gardiste et même dans des groupes qui se prétendent très avant -gardistes, mais je considère qu'ils sont peut-être très formalistes et même très conservateurs en adoptant presque toujours un modèle unique quand il y a un problème social, quand il s'agit de venir aider des gens défavorisés. On ne pense qu'à un modèle unique sans s'interroger et se demander s'il n'y aurait pas d'autres modèles. Entre autres, en voulant l'universalité et en voulant que ce soit toujours le gouvernement qui paie, sans aucune contrainte, sans aucun

mécanisme de freinage. D en résulte qu'à un moment donné les déboursés de l'Etat augmentent d'une façon considérable et on devient incapable de corriger la situation, parce qu'on attribue trop d'argent ou trop de ressources financières à certains domaines, et il y a alors d'autres secteurs de la société qui en sont pour autant défavorisés.

Encore une fois, je n'ai pas de décision finale de prise et je voudrais d'abord entendre ceux qui ont quelque chose à nous dire. Il y a un éventail assez complet, il y a le Barreau, le jeune Barreau, les avocats populaires, on va avoir un assez bon éventail des différentes opinions. Mais, pour toutes ces raisons, je dis en partant de ce principe de la liberté de choix d'un avocat, malgré ce qu'en a dit mon excellent ami, collègue et confrère, député de Maisonneuve, qualifiant ça d'utopique.

Je continue de croire que cela est un principe et, même au risque d'être accusé de méchant conservateur, je pense que c'est un principe que nous ne devons pas rejeter du revers de la main, ce principe de la liberté de choix de l'avocat. Et, entre autres, je devrais dire à l'honorable député de Maisonneuve que, lorsqu'il prétend que c'est utopique parce que les gens ne savent pas, n'ont pas de relations personnelles, ils regardent dans le bottin, c'est une vision très urbaine de la situation.

M. PAUL: C'est cela.

M. HARDY: C'est une vision très montréalaise de la situation. Je ne connais pas tellement la situation à Québec mais, dès que nous sortons des grands centres comme Montréal et Québec, je regrette, mais ce n'est pas comme cela que ça se passe. Et même un assisté social connaît les avocats et fait des distinctions.

M. BURNS: Je veux seulement référer le député de Terrebonne...

M. HARDY: A l'article 97.

M. BURNS: Non, mais le député me le permet sans doute.

M. HARDY: Oui.

M. BURNS: Cette affirmation que j'ai faite, je ne l'ai pas inventée. Elle vient d'un M. Marsh que vous pourrez lire dans Neighbourhood Law Offices or Judicare (1966) 25 Legal Aid Brief Cases, page 12.

M. HARDY: Je ne connais pas l'auteur mais je pars de ma petite expérience personnelle de praticien dans un milieu semi-rural semi-urbain, qui est la région de Saint-Jérôme, et de conversations que j'ai pu avoir avec des avocats pratiquants, que nous appelons les avocats ruraux, du Barreau rural. Et, encore une fois, malgré que je ne connaisse pas l'auteur cité et la méthode utilisée pour arriver à cette conclusion, je prétends, à partir de mon expérience personnelle — mon opinion ne vaut peut-être pas celle de l'auteur, encore une fois, je ne le connais pas — qu'en milieu rural, même les assistés sociaux, quand ils choisissent un avocat, habituellement, ils le choisissent pour des critères bien définis et des critères personnels et non pas en se référant à un bottin téléphonique. Je ne veux pas ajouter davantage.

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer l'attention de la commission sur le fait que nous sommes ici...

M.HARDY: Oui.

M. CHOQUETTE: ... principalement pour entendre les organismes qui se sont présentés et que là nous venons de commencer une discussion de principe. Je n'ai pas d'objection à ce que nous le fassions. Je pense que cette discussion aura lieu, non seulement au stade de la commission parlementaire mais sûrement en deuxième lecture et plus tard, lorsque nous reviendrons devant la Chambre. Mais je crois, si vous me permettez de faire une suggestion aux membres de la commission, que nous devrions entendre les personnes qui ont choisi de venir se présenter devant la commission. Nous n'avons pas tellement de temps devant nous, d'ailleurs, parce que la commission doit ajourner vers midi. Je ne dis pas ça pour limiter d'aucune façon les exposés que nous entendrons. Nous siégerons aussi souvent et aussi longtemps que nécessaire. Mais si les honorables collègues partagent mon avis, je me demande si nous ne devrions pas passer immédiatement à l'audition des personnes qui se sont présentées devant la commission.

M. BACON: A la suite du ministre de la Justice, M. le Président, et pour répondre à mon collègue de Terrebonne qui m'interpelait tantôt, j'ai bien hâte d'entendre ceux qui sont venus pour nous dire quelque chose. C'est bien beau faire de grands discours...

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, je peux dire, que comme président de la commission de la justice, je me suis habitué à des préliminaires toujours assez longs.

M. BACON: C'est le pattern général d'ailleurs de la commission, où plus que n'importe où ailleurs, on commence par la procédure pour une bonne heure et, après cela, ce sont les principes. Nous devrions entendre les gens.

M. LE PRESIDENT: Comme premier invité, nous entendrons Me Pierre Beaudoin, procureur de la Corporation des arpenteurs-géomètres de la province de Québec.

Corporation des arpenteurs-géomètres de la province de Québec

M. BEAUDOIN: M. le Président, j'ai avec moi le président de la Corporation des arpenteurs-géomètres, M. Marcel Lévesque. Notre mémoire est très court — deux pages et demie — et il a été distribué. Très brièvement, je veux vous dire que les arpenteurs-géomètres recommandent, au nom de l'intérêt public, que les services de certains de leurs membres puissent être offerts aux défavorisés, de la même manière que les services des notaires. Evidemment, nous ne croyons pas qu'il y ait lieu d'engager des arpenteurs-géomètres à temps plein dans les cliniques qui seront établies. Toutefois, l'arpenteur-géomètre est un officier public au même titre que le notaire et l'avocat et il est même parfois, dans les opérations de bornage, un officier du tribunal.

Or, les opérations de bornage et aussi parfois les opérations d'expropriation demandent les services d'arpenteurs-géomètres. Notamment dans le cas de bornage, les frais sont obligatoirement communs, c'est-à-dire qu'ils sont partagés à parts égales entre les deux parties qui sont appelées à faire le bornage de leur terrain réciproque.

Or, il peut arriver — et il arrive, l'expérience l'enseigne — que les parties ne soient pas de condition financière égale. Il peut arriver, notamment en milieu rural, mais également en milieu urbain, que la personne qui est appelée à payer des frais pour la délimitation de son terrain par un arpenteur-géomètre n'ait pas les moyens de payer ces frais et puisse se trouver dans les catégories de gens qui seront considérés par la Commission d'aide juridique comme pouvant avoir accès à l'aide juridique.

Nous n'avons pas l'intention de discuter les termes du bill 10. Nous laissons ça aux autres. Nous soumettons que les services d'arpenteurs-géomètres puissent être considérés de la même façon que les services des notaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ferai une brève réponse à Me Beaudoin. Je suis prêt à réfléchir à la suggestion qu'il nous fait et à l'examiner. Je ne me prononce pas immédiatement, mais de prime abord, la raison pour laquelle nous n'avons pas inclus les arpenteurs-géomètres à l'intérieur du cadre de ce projet de loi, c'est que, nécessairement, des gens qui ont des biens immobiliers ne se classent pas, en somme, parmi les économiquement défavorisés. Le projet de loi tel que conçu ne vise pas à créer un système universel d'aide juridique, comme on en a dans le domaine médical en vertu de la Loi de l'assurance-maladie. Ce n'est pas du tout l'objectif de ce projet de loi. Je veux bien croire qu'on puisse en discuter, mais le principe du projet de loi, tel qu'il existe, c'est de venir en aide à ceux qui n'ont pas les moyens actuellement d'obtenir des services juridiques adéquats. Par conséquent, la prémisse c'est que celui qui sollicite les services ou l'assistance de l'Etat soit dans une situation économique défavorisée. C'est la raison pour laquelle nous n'avions pas pensé aux arpenteurs-géomètres. Mais, si vous pouvez nous indiquer des cas où, suivant votre expérience ou suivant l'expérience de vos clients, des personnes pourraient mériter d'être aidées ou assistées, je suis prêt à examiner cette possibilité.

M. BEAUDOIN: Si vous me permettez, M. le ministre, je crois avoir lu dans le journal d'hier que 40 p.c. des agriculteurs québécois devaient bénéficier en tout ou en partie de l'aide sociale. Je crois également que le projet de loi no 10 affirme que, prima facie, toute personne qui bénéficie de l'aide sociale a droit à l'aide juridique. L'expérience que nous avons, c'est qu'effectivement c'est arrivé. Vous avez des grandes compagnies qui peuvent s'installer quelque part, une compagnie de papier par exemple, ou d'autres, et qui demandent que les terrains dont elles deviennent propriétaires soient délimités par des arpenteurs-géomètres et demandent des bornages. La personne avec qui le bornage se fait peut être, très facilement, un paysan ou un agriculteur qui, malheureusement, n'est pas dans une condition financière très favorable, bien qu'il soit propriétaire.

Aujourd'hui, la propriété de biens immobiliers n'entrafne pas nécessairement la richesse matérielle, notamment en milieu rural. Même en milieu urbain, il y a beaucoup d'expropriations qui se font dans les quartiers défavorisés et il peut arriver très souvent qu'un propriétaire, même s'il est propriétaire, ne soit pas dans une condition financière qui lui permette d'avoir accès à des services juridiques ou à des services d'arpenteurs-géomètres.

Je crois que la Loi de l'aide sociale — si je ne me trompe pas — ou les règlements de l'aide sociale permettent même de payer des primes ou des versements d'hypothèques à une personne qui est mal prise.

En d'autres termes, la qualité de propriétaire de biens immobiliers n'est pas nécessairement, je pense, un critère de richesse dans la société actuelle.

Si nous faisons ça ce matin, c'est que l'expérience s'est produite. Nous avons eu des cas, nous avons vu des cas.

Il est évident que nous ne nous attendons pas à ce que cela se produise très couramment, nous ne nous attendons pas non plus à ce qu'il y ait des arpenteurs-géomètres à temps plein dans les cliniques parce que nous ne croyons pas qu'il y aurait des besoins suffisants. Nous soumettons respectueusement que les cas se produisent, qu'ils pourront se produire encore et que nous ne voyons pas pourquoi, comme les arpenteurs-géomètres ont à peu près le même genre de statut que les notaires, et ce dans l'intérêt public, parce qu'il n'y a pas d'intérêt tellement pour les arpenteurs-géomètres là-dedans, ils ne seraient pas considérés sur le même pied.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je rejoins le principe exposé par le ministre quand il dit pourquoi la Corporation des arpenteurs-géomètres n'a pas été impliquée dans cette loi. D'un autre côté, je crois que les remarques de Me Beaudoin sont également bien fondées parce qu'il arrive dans beaucoup de milieux ruraux que des petits journaliers au revenu nettement insuffisant, que des veuves soient appelées dans des procédures de bornage et ça devient, à ce moment-là, une charge onéreuse et insupportable pour l'un des voisins appelés dans une action de bornage. Alors, je comprends que le principe du ministre est excellent mais, d'un autre côté, l'expérience pratique devrait aussi être considérée dans certains cas. Je voudrais poser une question à Me Beaudoin. Au tout début de ses remarques, il a mentionné qu'il suggérait que le service de certains de leurs membres soient retenus en se référant à la profession d'arpenteur-géomètre. Est-ce qu'il y en a qui se spécialisent dans un domaine quelconque d'arpentage pour que les services de quelques-uns seulement puissent être retenus?

M. BEAUDOIN: Non, je vous remercie, M. Paul, effectivement l'expression "certains" ne voulait pas dire cela, on voulait dire des membres en général. Il n'y a pas de spécialité encore qui soit reconnue au sein de la Corporation des arpenteurs-géomètres.

M. PAUL: Très bien, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Louis.

M. BLANK: Ce que demandent les arpenteurs-géomètres me fait penser à une autre lacune de la loi. La question des médecins ou des dentistes qu'on doit utiliser dans des cas en défense. Disons qu'un assisté social est poursuivi pour dommages et intérêts à la suite d'un accident, pour un montant très exagéré, et on fait mention pour examen médical. On doit payer son propre médecin et on doit payer le médecin du plaignant. Ce n'est pas couvert par la loi parce que ce n'est pas dans des frais taxables. Je pense que les officiers du ministre doivent étudier ce problème — peut-être des comptables, ça peut arriver — ils ne sont pas couverts par la loi. Votre argument me fait penser à ça.

M. CHOQUETTE: II y a des honoraires d'expertise.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: Ma question s'adresserait à la fois au témoin et à mes deux collègues qui viennent de parler. Je pense que le problème que vous avez soulevé est réel. La Loi de l'assistance sociale reconnaît qu'un assisté social peut être propriétaire d'un immeuble jusqu'à un certain montant. Il peut arriver que des assistés sociaux soient propriétaires d'immeubles. Donc partir du principe qu'un propriétaire d'immeuble est nécessairement riche, ce n'est pas le cas. La question que je me pose et que je vous pose est la suivante: Pour essayer d'avoir un système un peu organique, ne croyez-vous pas que des cas semblables, au lieu d'être prévus dans une multitude de lois, comme celle qu'on étudie présentement, devraient plutôt être prévus dans la loi ou la réglementation de l'assistance sociale? Si un assisté social a besoin d'avoir un arpentage à cause d'une compagnie ou d'autre cas qui peuvent se produire, ce serait la réglementation de la Loi de l'assistance sociale qui devrait prévoir ça et même chose pour la personne défavorisée qui a à payer une expertise médicale ou autre expertise. Je trouve qu'il y a déjà un assez grand fouillis dans l'aide sociale ou dans ce qu'on appelle le revenu minimum. Il y a toutes sortes de lois qui se contredisent avec le résultat que certains fraudeurs en profitent à certain moment. Je me demande et c'est la question que je vous pose, si vous ne croyez pas qu'on atteindrait le même objectif d'une part et d'autre part, qu'on empêcherait toute cette anarchie de l'aide sociale gouvernementale en confiant cela plutôt au ministre des Affaires sociales via la Loi de l'aide sociale. Vous avez un assisté social qui a besoin d'arpentage, cela pourrait être prévu dans les normes pourvu qu'il en fasse une preuve suffisante au bureau d'aide sociale, au bureau du ministère des Affaires sociales et on paierait des honoraires prévus.

M. BEAUDOIN: C'est parce qu'on se trouve dans une loi d'aide juridique et que l'arpenteur-géomètre a un peu le même rôle, un rôle analogue à celui de l'avocat et du notaire.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux attirer l'attention des honorables collègues, et celle de M. Beaudoin, sur le fait suivant? L'objet du projet de loi n'est pas de soustraire, à l'exercice normal de la profession d'avocat, un certain nombre de causes que les avocats prennent couramment dans l'état actuel des choses. Je vais donner un exemple. Prenons une réclamation en dommages. Quelqu'un subit une chute sur un trottoir ou dans un escalier, ou subit un accident d'automobile. Tout le monde sait qu'à l'heure actuelle les avocats en général, même si le client est totalement insolvable, vont assumer ces causes sur une base de pourcentage. C'est-à-dire qu'il y aura une entente de négociée entre l'avocat et le réclamant en vertu de laquelle l'avocat se dira: Je serai satisfait d'honoraires de 15 p.c, 20 p.c. ou 25 p.c. Je pense même que les règlements du Barreau permettent d'aller jusqu'à 30 p.c. du montant qui peut être perçu.

Alors, voici donc une situation où la profession juridique, à mon sens, assume convenablement son devoir et rend un service à la société. Donc, où le besoin de faire valoir un droit devant le tribunal est rempli dans l'état actuel des choses. Par conséquent, notre objet n'est pas de dire: Ces causes-là vont aller aux cliniques juridiques ou vont aller à des avocats qui seraient désignés pour s'en occuper par les centres communautaires. Ce n'est pas cela du tout parce qu'actuellement on peut s'occuper de ces causes-là. Moi-même, je l'ai fait dans le temps et je pense que tous les confrères ici présents vont être unanimes pour dire que la plupart des causes en dommages, on les assume sur cette base-là à l'heure actuelle.

Alors, par conséquent, qu'est-ce qui se produit? Dans un cas comme celui-là, l'avocat en général assume les déboursés de la cause pour la période de sa durée : cela peut être un an, deux ans ou trois ans. On connaît les délais judiciaires. Il l'assume, en somme, jusqu'au moment du jugement ou au moment du règlement de la cause. C'est la raison pour laquelle les avocats à l'heure actuelle assument un certain nombre de déboursés, frais de cour, frais d'huissier et également expertise, que cela soit d'ordre médical ou en matière d'arpentage comme vous l'avez souligné. Par conséquent, on ne peut pas dire qu'il y ait des problèmes auxquels il faille remédier. Je tiens à souligner ce fait, parce que c'est sous-jacent au projet de loi et les avocats vont continuer sur la même base à s'occuper de ce genre de réclamations.

M. BLANK: Quand ils sont en défense.

M. CHOQUETTE: La situation peut être différente en défense parce que là, comme le dit le député de Saint-Louis, si vous avez affaire à un insolvable qui n'aurait pas les moyens de retenir les services d'un avocat, à ce moment-là il est sûr que pour remplir ce besoin il faudrait lui fournir l'assistance judiciaire.

M. BURNS: Est-ce qu'on ne réglerait pas le problème en ajoutant dans les dispenses de l'article 5, les frais d'expertise quels qu'ils soient. J'ai l'impression, après avoir entendu Me Beaudoin et la suggestion du député de Saint-Louis, qu'éventuellement il faudrait peut-être penser à inclure les frais d'expertise.

M. CHOQUETTE: Nous pouvons considérer cela, M. le député de Maisonneuve, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas seulement le cas des arpenteurs-géomètres, il y aurait le cas des expertises en général.

M. BACON: C'est en ce sens que M. Beaudoin parlait tantôt. Quant à l'expropriation, j'ai une expérience, dans le cas d'une rénovation d'un secteur où le ministère des Affaires sociales a fait des avances aux gens pour qu'ils puissent se munir d'aide soit d'avocats, d'éva- luateurs ou d'autres. Et quand le règlement est arrivé — je veux bien croire qu'il y a des assistés sociaux — ce fut un montant de $10,000 ou $12,000 comptant; je ne sais pas à quel moment...

M. HARDY: II est moins assisté.

M. BACON: ... on est socialement défavorisé. Mais, pour mon information, M. Beaudoin, est-ce que vous avez fait un inventaire de cas d'anciens mécanismes d'assistance judiciaire où on avait eu recours, où on devait normalement avoir recours à des arpenteurs?

M. BEAUDOIN: Non, cela n'a pas été fait, je ne pense pas.

M. BACON: Les cas d'expropriation dont je vous parle, ceux que j'ai vus, en fait, on leur a donné de l'assistance en leur faisant des avances par l'entremise du ministère des Affaires sociales.

M. LEVESQUE: M. le Président, je veux faire une remarque. On a fait allusion à des cas d'expertise.

L'expérience personnelle que j'ai vécue dans des milieux ruraux, entre autres dans Charlevoix, dans les comtés de Kamouraska et L'Islet, c'est qu'on arrive fréquemment devant des cas qui ne sont pas nécessairement des cas d'expertise, où une compagnie forestière, par exemple, une compagnie minière ou même des compagnies d'Etat comme l'Hydro-Québec décident de s'approprier tel terrain; elles achètent des terrains et elles décident de borner avec tous les voisins. Ce ne sont pas nécessairement des cas d'expertise. Mais, le pauvre cultivateur qui est pris dans le 4e Rang et qui, de peine et de misère, se maintient sur son lot, il est obligé, suivant le code civil, de payer la moitié des frais. Ce n'est pas nécessairement un cas d'expertise. Cela arrive dans une foule de cas et cela va arriver de plus en plus dans les milieux urbains.

Je pense qu'avec l'application du bill 76, qui rend ni plus ni moins la subdivision obligatoire, vous allez avoir, dans les réaménagements des centres urbains, une foule de petits propriétaires qui ont acquis, de peine et de misère, leur lopin ou leur petite propriété et qui vont être mis devant l'obligation de défendre leurs droits, et dans des cas qui vont être extrêmement difficiles. Si vous pensez, par exemple, à une enquête qu'on a faite l'an dernier seulement au bureau d'enregistrement de Montréal, pour la ville de Montréal même, on a enregistré plus de 8,000 transferts de propriétés sur des parties de lot. Alors, vous pouvez imaginer que, dans une ville comme Montréal, quand on va arriver pour donner un numéro cadastral, en vertu du bill 76, à ces parties de lot, on va se trouver devant des problèmes de bornage dans presque tous les cas. Bien souvent, vous allez avoir affaire à des

propriétaires qui ont hérité ou qui n'ont pas les moyens d'en faire les frais. Ce ne sont pas nécessairement des cas d'expertise.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup, Me Beaudoin.

M. BEAUDOIN: Nous vous remercions de nous avoir passés en premier lieu et nous remercions le Barreau de nous avoir laissé sa place.

M. LE PRESIDENT: Nous invitons maintenant le représentant ou les représentants du Barreau, Me René Letarte et Me Jean Moisan.

Barreau du Québec

M. LETARTE: M. le Président, je tiendrais d'abord à remercier cette commission d'avoir bien voulu permettre que tous ceux qui s'intéressent à la chose de la justice au Québec puissent venir exprimer les opinions auxquelles ils croient, face à un problème qui est crucial dans notre société.

On s'est fait l'écho tantôt — et je me plais à le souligner, parce que personnellement, je crois que c'est un signe de grande vitalité — de ces opinions un peu divergentes qu'entretiennent certains avocats face à un même problème. S'il est vrai que du choc des idées jaillit la lumière, j'en ai eu un exemple par les remarques préliminaires des membres de cette commission et s'il est vrai, d'autre part, que de l'uniformité naquit l'ennui, on peut dire qu'au Barreau on ne s'ennuie pas et qu'on espère pouvoir éclairer un peu, et de l'expérience de près d'un quart de siècle en assistance judiciaire et de notre expérience particulière à la période que nous vivons, les gens qui ont pour mission de fabriquer les lois dans l'intérêt de la collectivité. C'est donc dans un esprit de grande collaboration — et pas d'autre chose que cela — que le Barreau a présenté le mémoire qui est sur la table; et c'est dans ce même esprit d'ailleurs que le Barreau désire continuer à offrir, et à l'Etat et à la population que le Barreau a le devoir de défendre, toute la collaboration qu'on est en mesure d'attendre de notre corporation professionnelle.

La situation actuelle en matière d'aide juridique, qui va plus loin d'ailleurs que la simple appellation "assistance judiciaire" que l'on connaissait, est à peu près la suivante. Depuis une vingtaine d'années, le Barreau — et je dois dire le Barreau seul — a structuré, d'une façon sans doute imparfaite, un plan d'aide juridique qui avait à se base dès le départ, le choix, dans la mesure du possible, par le justiciable qui le demandait, du praticien auquel il désirait se confier.

Il y avait, par la suite, une obligation d'éthique de la part du praticien d'occuper et d'occuper gratuitement.

Je pense qu'en toute justice il faut tout de même donner ça aux milliers d'avocats qui ont gratuitement assumé pendant de longues périodes les déboursés et les honoraires des causes dans lesquelles ils ont occupé, sans compter le fait que, à même leur cotisation, ils ont prévu des fonds pour organiser eux-mêmes les mécanismes administratifs destinés à leur adresser, à eux, plus de cas, plus de défavorisés, plus d'économiquement faibles.

Il faut tout de même envisager la situation face à l'avenir et malgré les efforts constants de plusieurs milliers d'avocats, on en arrive à une situation où les besoins sont tellement grands qu'il faut, par un projet de loi, structurer réellement les principes de l'aide juridique et les appliquer à tous ceux qui en ont réellement besoin.

La pauvreté, évidemment, c'est quelque chose qui existe, c'est un facteur social avec lequel nous avons à apprendre à vivre; ce n'est pas — notre mémoire le souligne — uniquement le fait pour un riche de ne pas avoir d'argent, c'est ce phénomène d'impuissance devant la machine judiciaire et c'est à cela, je pense, qu'il faut globalement s'attaquer.

Seul un système répondant aux besoins du défavorisé québécois, qui respectera les droits fondamentaux, qui garantira la qualité des services professionnels et l'efficacité d'application du système, peut, à un moment où on désire structurer par une loi l'aide juridique, être acepté par une population qui a réellement soif de justice. Et l'éventail des services que les différentes sociétés nous proposent actuellement va principalement dans trois secteurs.

On a parlé, dans différents milieux, de ce qu'on appelle les cliniques, on a aussi parlé de bureaux d'aide juridique et on a parlé assez longuement de Judicare. Les cliniques qui répondent à un besoin, c'est le credo du Barreau; on a parlé tout à l'heure de la "class action" qui n'est pas, comme telle, encore prévue dans nos procédures civiles mais qui représente tout de même un moyen efficace d'intervention pour des individus.

C'est peut-être là conjuguer au rôle d'information de certains bureaux ou même du Barreau un des rôles primordiaux de l'aide juridique. Les bureaux d'assistance judiciaire ne sont ni plus ni moins que des bureaux d'avocats salariés, alors que le système Judicare est le pouvoir qu'a l'individu d'aller directement au procureur de son choix.

On a mentionné — et il est difficile de vérifier les statistiques au Québec — que peu d'avocats sont connus par la majorité des indigents et que, par voie de conséquence, il serait peut-être utopique d'essayer de fournir un éventail complet de tous les praticiens aux défavorisés qui pourraient peut-être en avoir besoin. Qu'à cela ne tienne, il est évident que la partie Judicare d'un système nécessite aussi le pouvoir de désengagement et il est évident que, sur 4,500 avocats, bientôt 5,000, que nous

représenterons au Québec, un certain nombre ne seront pas engagés. C'est évident.

D'un autre côté, en quoi un système permettant aux individus d'avoir accès d'une façon souple à l'un ou l'autre des organismes susceptibles d'exister peut-il être affaibli autrement que par une question de coût? Nous aurons d'ailleurs à revenir sur la question de coût d'un tel système.

S'il est exact qu'une infime proportion des justiciables — on a parlé de 30 p.c. dans certains milieux, de 20 p.c. dans d'autres milieux et même, ce matin, de 8 p.c. — désire réellement avoir recours à un avocat privé, comment peut-on, dès le départ, décider que ces individus n'auront pas, eux, le droit à la justice de leur choix! Il existe tout de même un facteur qu'il serait peut-être bon, hélas, de rappeler face à certaines des discussions un peu enflammées, je dois le dire, qui se sont faites dans différents milieux. L'objet de cette loi, c'est le pauvre, ce n'est pas autre chose et c'est lui qui sera le patron de cette loi, c'est lui qui utilisera cette loi, c'est à lui que sont destinés les mécanismes que prévoit la loi pour lui.

Je conçois assez mal, personnellement, cette attitude paternaliste qui ferait que, d'un côté comme de l'autre, on se fabrique une espèce de prototype de défavorisés qui correspond à notre conscience sociale personnelle et qui devient, soit le petit pauvre qui n'a besoin que de la clinique, soit le petit pauvre qui n'a besoin que du bureau d'assistance judiciaire, soit le petit pauvre qui n'a besoin que des services ouverts de tous les avocats disponibles. Est-ce que c'est ça, le pauvre? Est-ce que c'est ça, le défavorisé de notre société? Personnellement, je crois que non et c'est l'attitude du Barreau.

A partir du moment où nous admettons que le but de cette loi est de rejoindre le pauvre, je pense que la conclusion nécessaire est d'admettre que le pauvre devra choisir. A partir du moment où nous admettons que le pauvre doit choisir, puisque c'est pour lui, nous devons lui garantir l'éventail le plus complet possible des services. La position du Barreau est une synthèse des différentes options que nous permet la situation: cliniques parce que ça répond à un besoin, bureaux d'asssistance judiciaire parce que ça aussi ça répond à un besoin et avocats privés parce que ça répond aussi à un besoin.

Qu'est-ce qui se passera par la suite? Le pauvre décidera. Si le défavorisé choisit systématiquement un moyen plutôt qu'un autre, c'est son droit. Il amènera les modifications de fait qui s'imposeront par la suite. Etablir un système qui manque de souplesse, quant à nous, représente l'oubli de facteurs géographiques très importants dans notre société. Il ne saurait être question, je pense, d'établir dans certaines petites municipalités de la Gaspésie ou d'ailleurs des bureaux, des cliniques sérieusement organisés, avec tous les services nécessaires. A ce moment-là, le choix se fera mais se fera par qui? Par un directeur des services d'assistance judiciaire? Je ne crois pas que ce soit la solution. Qu'il se fasse par le pauvre et qu'il se fasse par le pauvre d'ici, suivant les critères d'ici mais qu'on respecte d'abord sa dignité, sa fierté. Car il existe peut-être un défavorisé dans toute la population qui ne croit pas devoir d'abord stigmatiser son front de la pauvreté avant de s'adresser aux tribunaux. Celui-là aussi a droit au même respect.

Un autre des arguments primordiaux, je pense, c'est la qualité des services professionnels. A partir du moment — et cela sans discuter de la valeur réelle des services actuellement donnés, soit dans les cliniques, soit dans les bureaux — où on limite au salariat la possibilité de services juridiques, on enlève jusqu'à un certain point cette saine émulation, cette concurrence qui peut avoir comme effet de grandir la valeur des services professionnels. Et je pense que cela serait dangereux.

Vous savez, s'il n'existe qu'un certain nombre de bureaux ou de cliniques qui ont le monopole de la charité ou de la justice, eh bien, à ce moment-là, il existe un danger que, par absence d'émulation, l'on devienne plus ou moins satisfait de demi-mesures ou de justice de production.

Si, comme je l'ai mentionné, c'est aux pauvres et à la société qu'est destinée cette mesure, cela implique, de toute évidence, la participation du public. Et le Barreau est fortement d'accord sur les recommandations du bill 10 voulant que la participation de ceux qui réellement pensent justice, pensent égalité, la participation de tous ces gens à quelque palier que ce soit de l'administration —je dis bien de l'administration, et cela je pense d'ailleurs que c'est l'esprit du bill 65 — je pense qu'il doit exister un cloisonnement absolument étanche entre d'une part, l'aspect administratif, l'aspect de participation et l'aspect professionnel relativement à la valeur de l'acte professionnel, relativement à la discipline ou au code de déontologie. Je crois que c'est devant la corporation professionnelle et devant cette dernière seulement que le praticien doit répondre de ses actes.

Et dans la mesure où on pourra garantir cette indépendance, et du justiciable, et des organismes administratifs créés par la loi, et du praticien, dans cette mesure, on assurera aux pauvres comme aux riches la justice à laquelle tous ont droit. Nous croyons donc que, dans l'optique d'une justice digne de ce nom, applicable â tous, il est absolument nécessaire qu'un éventail complet de tous les services soit offert aux défavorisés qui, eux, décideront, par l'usage, selon leurs besoins, les sentiers qu'ils se traceront dans notre société.

Tout cela soulève, de toute évidence, un problème de coût puisqu'il est généralement admis que le coût de l'application du système judicaire représente, par acte, un coût plus élevé. Sans doute, la production en masse ou la spécialisation en masse peut-elle représenter un

investissement financier moindre, mais est-ce là réellement le but que nous recherchons?

Depuis quelques années, et je pense tout particulièrement à l'an dernier, dans une optique de subventions, le gouvernement du Québec a fait un effort considérable puisqu'en 70/71, les sommes affectées étaient d'à peine $800,000 alors que, pour l'année suivante, un bond de $1 million se faisait pour porter à $1,800,000 la contribution du gouvernement du Québec au plan administré par le Barreau. Mais ces $1,800,000 représentaient quoi, tout de même, au point de vue des services juridiques? Pour tout le district de Montréal, tout le civil se fait absolument gratuitement par les avocats; en province, le criminel était payé à une fraction du coût normal qui était de 60 p.c. si ma mémoire est fidèle, le civil étant assumé gratuitement, alors qu'à Québec, les cas référés, de façon générale, l'étaient gratuitement.

Et le fait — parce qu'il faut tout de même le réaliser aussi — de l'annonce de la politique gouvernementale aura sûrement comme conséquence immédiate d'augmenter considérablement les besoins et d'augmenter considérablement les recours.

Le système Judicare aurait coûté environ $12 millions à l'Ontario, ce qui est tout de même une infime partie du budget total d'au-delà de $4 milliards de l'Etat du Québec. Evidemment, l'établissement de politiques financières ne dépend tout de même pas de ceux qui ont l'honneur d'être présents devant vous et de faire des recommandations. Mais, tout de même, quand on songe que le budget anticipé qui serait de l'ordre de $2,300,000, suivant des sources à confirmer, pour l'année qui vient et que par rapport à 6 millions d'individus au Québec, ça représente une cigarette par mois. On peut tout de même se demander, même s'il n'appartient pas au Barreau de représenter les principes mêmes de l'administration des budgets, s'il est possible actuellement d'établir dans toute la province un système qui va réellement donner un éventail complet de services. Non pas ce qu'on appelle dans notre mémoire une justice au compte-gouttes, au gré des possibilités des budgets, parce que nous avons sans doute tous lu l'article 69 qui permet au gré des budgets, soit dans différents bureaux, soit dans différentes cliniques, spécialisées ou non, d'établir certaines politiques et de restreindre un certain nombre de services à certaines catégories d'individus ou à certaines catégories de qualité de services ou de genre de services.

Alors, dans des circonstances comme celle-là, nous croyons qu'il est irréaliste d'établir un système par lequel nous disons à tous les pauvres du Québec: Messieurs, vous avez un droit égal à la justice, sans d'abord nous assurer que financièrement il sera possible de le faire.

Ce sont-là les remarques générales que le Barreau voulait faire dans l'optique de cette loi très importante qui est présentée aujourd'hui. Pour terminer et avant — avec votre permis- sion — de vous présenter M. le bâtonnier Moisan, quant aux aspects législatifs du bill, je désire réitérer et à la société et à l'Etat le désir de collaboration intense du Barreau. Nous ne tenons aucunement à noyauter les organismes qui seront créés en vertu de cette loi. Si vous croyez que l'expérience de structure de près de vingt ans et de toute une histoire d'assistance judiciaire peut être de quelque utilité à la société que nous entendons servir, nous sommes là aussi pour ça. Merci.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plait, Me. Moisan.

Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. Letarte, au sujet de la question budgétaire à laquelle vous avez fait allusion, vous comprendrez qu'il est exact qu'aux prévisions budgétaires nous ayons inscrit une somme de $2,300,000 pour l'assistance judiciaire cette année, mais que ceci a été fait en faisant abstraction de l'adoption de la loi. Parce que, si nous adoptons la loi, il va de soi que les dépenses seront plus considérables. Il ne faudrait pas, en somme...

M. PAUL: Et payées à même le fonds consolidé.

M. CHOQUETTE: Et payées à même le fonds consolidé, comme le dit le député de Maskinongé. Alors, il ne faudrait pas croire que, en somme, tout ce que l'Etat prévoit, si la loi est adoptée, est un montant de $2,300,000. Je tiens à faire cette petite correction.

M. LETARTE: Je vous remercie, M. le ministre. Je puis vous dire que, si j'avais le mandat de représenter les défavorisés, je vous dirais encore merci.

M. CHOQUETTE: Deuxièmement, je dois dire, sous un autre aspect, que d'un autre côté vous comprendrez que nos disponibilités financières ne sont pas illimitées. Cela ne sert à rien de se payer de mots ou de se faire des illusions, les disponibilités budgétaires du gouvernement du Québec ne sont pas illimitées et il nous faut travailler à l'intérieur d'un cadre financier particulièrement difficile dans la période actuelle. Je ne dis pas que c'est le seul aspect qui doit être pris en considération lorsque l'on présente un projet de loi mais c'est sûrement un aspect important.

M. LETARTE: Je dois d'ailleurs vous dire qu'à cet égard, M. le ministre, je l'ai mentionné tout à l'heure d'une façon peut-être pas assez claire, mais nous n'avons rien à voir avec l'établissement de priorités. Il y a des problèmes et il y en a beaucoup, il y a de l'argent et il y en a peu. Evidemment sur la question d'établissement de priorités, je pense qu'on sait ce que le Barreau pense de la priorité absolue que repré-

sente la justice. D'un autre côté, d'autres secteurs aussi doivent être pourvus et il appartient à l'Etat de représenter les véritables intérêts de la société dans l'optique du mandat qu'il se donne.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M.PAUL: M. le Président, je m'excuse d'avoir entraîné par erreur le ministre de la Justice dans le moyen de financement de cette loi mais habituellement il y a toujours un article dans la loi qui fait référence au fonds consolidé. Dans l'article 85, il est bien spécifié que c'est à même les crédits votés par la Législature et en provenance des accords conclus en vertu de l'article 84. Alors le fonds consolidé n'entre pas en ligne de compte.

Est-ce que le ministre de la Justice est en mesure, en ce moment, de nous faire part de certaines approches, de certaines discussions qu'il aurait eues avec les autorités fédérales concernant l'obtention d'un montant qui pourrait servir à l'application du bill 10?

M. CHOQUETTE: J'ai eu une conversation avec le ministre de la Justice fédérale; mon sous-ministre, M. Normand, a eu des conversations avec des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice fédérale, ce n'est donc pas à moi à annoncer, en somme, une politique de la part du gouvernement fédéral pour venir en aide aux provinces dans l'établissement de projets d'assistance judiciaire ou d'aide juridique, mais je dirais qu'à l'heure actuelle, nous pouvons avoir un espoir raisonnable que le gouvernement fédéral vienne en aide aux provinces sur ce plan-là. C'est tout ce que je peux dire à l'heure actuelle.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais féliciter M. le bâtonnier Letarte pour son exposé clair, réaliste et pour son appel à l'université des services juridiques de la part du gouvernement. Il comprend parfaitement les difficultés financières auxquelles doit faire face le ministre de la Justice sur la demande du ministre des Finances. Je sais que le bâtonnier Letarte a exposé un programme juridique idéal et je me permettrais de souhaiter que le ministre de la Justice y tente le plus tôt possible ou dans un délai donné de deux ou trois ans pour que nous puissions justement donner aux pauvres, comme l'a si bien exposé Me Letarte, la même qualité de services juridiques que le mieux nanti peut se procurer lui-même. Je m'en voudrais de ne pas féliciter M. Letarte et tous ceux qui ont préparé l'exposé des grands principes qui ont été résumés et qu'on peut retrouver au mémoire préparé par le Barreau d'une façon originale, attrayante, à référence rapide et qui nous permettra, à nous, membres de la commission, de saisir tous les amendements que peut suggérer, que voudrait voir adopter le Barreau.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez, je ne voudrais pas ouvrir un débat parce que ça n'est peut-être pas le moment, mais il y a quand même une question qui demeure en suspens à la suite de l'exposé du bâtonnier Letarte.

Entre parenthèses, je le félicite de sa façon de s'exprimer devant la commission. Il y a une question en suspens et qui devait être débattue: Est-ce que le plan de Judicare ou le plan des cliniques est plus apte à combler les besoins auxquels nous faisons face sur le plan de la pauvreté? Il n'y a pas que l'aspect financier qui doive être pris en considération dans les options gouvernementales. Est-ce que des avocats spécialistes dans le droit de la pauvreté, travaillant à salaire, sont plus aptes à rendre des services et à combler les besoins de ceux qui ont besoin de services juridiques?

Evidemment, M. Letarte s'est situé au niveau des grands principes, la liberté de choix, l'alternative offerte en quelque sorte d'une façon, enfin un éventail de services accessibles aux citoyens. On peut se situer à ce niveau-là, je ne lui dénie pas du tout le droit de le faire et même je pense que ce point de vue mérite d'être exposé. Je dirais que, d'un autre côté, il nous faut, sur le plan de la réalité, des besoins concrets auxquels la société est obligée de faire face, voir dans quelle mesure un système est plus apte à aider à régler le problème de la pauvreté ou du moins à en réduire l'incidence, parce qu'on sait que, par exemple, en général, les pauvres sont exposés à une multitude d'ennuis juridiques. Cela peut commencer par des difficultés matrimoniales, cela peut être avec des compagnies de finance, cela peut être des saisies d'huissiers, cela peut être en somme toute une série de problèmes qui s'imbriquent les uns dans les autres. C'est la raison pour laquelle, dans ce projet de loi, nous avons nettement inscrit une nécessité celle d'avocats spécialistes dans les problèmes qui touchent en général les pauvres; nous pensons que ces avocats, en déployant leurs talents dans cette spécialité ou dans ces parties du droit où les pauvres sont réellement touchés, vont être aptes à rendre des services concrets et efficaces aux citoyens les plus démunis. Alors, sur le débat de principe je tenais simplement à faire cette observation à la suite des propos de Me Letarte.

M. LETARTE: Si on me permettait, M. le Président, le désir de vous parler sans texte m'a fait oublier de mentionner ce fait que j'avais tout de même dans mes notes. Ce que je voudrais simplement ajouter sera très court, c'est qu'évidemment il y a de la spécialisation en droit des pauvres, et il faut admettre que l'individu qui viendrait me voir afin de savoir dans quelle mesure et de quelle façon ses allocations sociales seront augmentées aurait de fortes possibilités d'attendre un peu avant d'être bien conseillé, c'est un fait. Il existe des besoins différents et c'est dans cette mesure-là,

face à cette réalité que les besoins sont différents, que nous croyons qu'on doit fournir tout. Parce que cela peut commencer là, cela peut se continuer ailleurs, il faut que Tailleurs existe et il faut que le là existe aussi.

Maintenant, si cela peut expliquer aussi ce qui s'est passé ailleurs, je pense à la province voisine, l'Ontario, on y a opté d'abord pour le Judicare. Comme l'a mentionné un des membres de cette commission tout à l'heure, on y établit actuellement un certain nombre de bureaux d'assistance judiciaire, parce que cela répond à un besoin particulier, plus le besoin d'urgence, le besoin de spécialisation en droit des pauvres, etc., car ce sont des besoins qu'il faut combler de toute évidence. Par contre, il existe aussi ce besoin que j'ai mentionné tout à l'heure, c'est pour cela que j'en arrive à un éventail complet de possibilités, mais que M. le pauvre décide.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: J'aurais une question à poser à M. le bâtonnier Letarte. On s'écarte un peu de la loi actuelle, mais puisqu'on est ici pour réfléchir en toute liberté, dans le cadre d'un système Judicare, que penseriez-vous de la formule suivante? J'expose la formule et j'aimerais avoir votre opinion sur la formule.

D'une part, dans le cas des assistés sociaux, que l'on reconnaisse que tous les assistés sociaux, un peu comme l'aide médicale, aient accès à l'avocat de leur choix et que les frais soient remboursés par l'Etat. Il pourrait y avoir, dans tous les bureaux d'aide sociale, un stagiaire, un étudiant de 4e année, qui pourrait faire le dépistage. Il pourrait décider si le cas est vraiment susceptible d'aide juridique. Avec un certificat émis sur recommandation de ce stagiaire, un certificat émis par le directeur du bureau, l'assisté social pourrait se présenter chez un avocat de son choix. Cela serait pour les assistés sociaux.

Dans le cas des autres personnes auxquelles référait le député de Maskinongé, les personnes qui ne sont pas des assistés sociaux mais qui gagnent un salaire — disons environ $125 par semaine — qui ne leur permet pas, dans bien des cas, surtout s'ils sont chargés de famille ou s'ils ont d'autres besoins, d'avoir accès facilement à la justice, que l'on crée à ce moment-là un système, un office de crédit où de l'argent pourrait leur être avancé et qu'ils seraient appelés à rembourser, suivant évidemment leurs moyens futurs. Si, à un moment donné, ils obtiennent un jugement de $15,000, $20,000, $25,000, ils pourront rembourser le crédit qui leur sera avancé.

Dans d'autres cas, si jamais leur état de fortune reste éternellement ce qu'il était au moment où ils ont eu affaire à recourir à l'office du crédit, ils ne rembourseront pas. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux systèmes?

M. LETARTE: Vous soulevez en même temps trois problèmes. D'abord, la question d'admissibilité à tous les assistés sociaux. Je pense que le mémoire du Barreau se dit d'accord sur ce principe. Cependant, lorsque se fait le test d'admissibilité, il y a deux aspects qui entrent en ligne de compte. D'abord l'aspect des moyens financiers et, deuxièmement, il y a l'aspect professionnel, qui est l'étude du cas pour savoir s'il y a vraisemblance d'un droit.

M. HARDY: Pour l'assisté social, le problème financier est réglé, à moins qu'on ne mette en doute les critères, mais c'est un autre problème.

M. LETARTE: Si ça ne vous fait rien, je vais répondre loi par loi. Maintenant, voici ce que je veux dire. Il y a tout de même l'aspect des relations professionnelles de l'étude de la vraisemblance du droit. Disons que j'exprimerais certaines réserves quant à cet aspect. Quant à l'autre aspect d'une banque de crédit ou quelque chose comme ça, le projet de loi prévoit déjà la possibilité que l'aide juridique soit donnée temporairement et le Barreau est d'accord là-dessus. On n'était pas trop sûr pour l'interprétation, et je pense que nous n'avons pas été les seuls, qu'il fallait donner à ce qu'on appelait l'aide diminuée. L'aide temporaire, nous sommes d'accord là-dessus.

M. HARDY: C'est surtout sur l'esprit de remboursement, l'esprit de rembourser..

M. LETARTE: Sur la question de remboursement, deux thèses s'affrontent. D y a la thèse de la motivation, celui qui sait que tout de même il va payer quelque chose, à ce moment-là, attache peut-être plus d'importance aux services qu'il reçoit. C'est une des thèses qui ont été discutées. Maintenant, il y a cette autre thèse qui est celle de l'efficacité. L'expérience ontarienne en matière de recouvrement et surtout l'expérience anglaise se sont avérées peu rentables. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'adresser à M. le sous-ministre Dubé, dans le temps, une copie d'un article qui avait été publié en septembre 1967 dans le Criminal Law Review à ce sujet-là, qui est dans les dossiers.

M. HARDY: Je pense que vous posez un autre problème. Je me situais surtout au niveau des principes. S'ils ont des problèmes de recouvrement, c'est peut-être parce qu'ils sont mal organisés. Cela rejoint une autre question que M. le ministre a discutée tantôt. Il y a la fameuse question des ressources. Il va falloir qu'on cesse d'ouvrir les soupapes d'une façon indéfinie et que l'argent coule de partout, avec le résultat qu'on a des besoins très grands auxquels on ne répond pas pendant ce temps. D'autre part, les impôts des gens qui travaillent continuent d'augmenter constamment.

M. LETARTE: C'est là qu'est tout le problè-

me et j'avoue l'impuissance d'à peu près tout le monde, excepté de l'Etat. Si la justice n'est pas une affaire d'argent, dans notre optique, il faut admettre que c'est une affaire d'argent aussi dans la pratique.

M. HARDY: II faut peut-être cesser de faire de l'angélisme. Je suis bien pour cela, la justice pour tout le monde, l'égalité et ce n'est pas une question d'argent. Au niveau des principes, c'est bien beau, tout le monde est pour la vertu et contre le péché, mais il faut se descendre sur la terre et se dire que, malgré que la justice ne soit pas une question d'argent, ça coûte de l'argent et il faut voir dans quelle mesure on dispose d'argent pour l'administrer. Je vous posais la question au niveau des principes. Quant au problème de recouvrement, il peut s'en poser, mais c'est une question pratique et on peut prendre les moyens pour la recouvrer.

Je voulais avoir votre appréciation au niveau du principe.

M. LETARTE: Au niveau du principe, nous ne croyons pas qu'il y ait lieu d'établir deux classes de défavorisés.

M. HARDY: Comme ça, c'est un fait.

M. LETARTE: Au moment où le défavorisé a besoin, au moment où il est admissible, d'accord. Mais dès qu'il n'a plus besoin, qu'on le laisse aller.

M. HARDY: Soyons bien pratiques. Je vais peut-être vous poser un cas bien hypothétique, il est peut-être caricatural, mais il peut se retrouver à d'autres endroits. Supposons qu'aujourd'hui un type gagne seulement $125 par semaine, il n'a pas d'argent pour recourir aux services d'un avocat, on lui donne de l'aide pécuniaire. Dans deux ou trois ans, sa situation financière a changé, il a eu un commerce, il gagne $15,000 par année. Ne pensez-vous pas que ce serait juste que ce bonhomme-là, qui a profité à un moment donné d'aide juridique, rembourse l'argent, alors que ses revenus sont augmentés?

M. LETARTE: Disons que la même thèse existe en matière de prêt d'honneur, elle pourrait aussi exister dans le domaine de la santé et elle pourrait exister dans le domaine...

M. PAUL: Dans le prêt d'honneur, très bien. Parce qu'au ministère de l'Education, les bénéficiaires sont tous obligés de rembourser.

M. HARDY: Suivant leurs revenus.

M. LETARTE: C'est une question de philosophie globale. Mais ce que je veux dire, surtout, compte tenu du fait que l'admission se fait au niveau de la Corporation d'aide juridique en vertu des mécanismes qui sont prévus et qui sont sans doute les seuls mécanismes pratiques, c'est assez difficile, sur le plan local, de préciser: toi, tu auras 50 p.c. de l'aide juridique; toi, tu en auras seulement 75 p.c. ou toi, tu vas payer ceci et cela. Cela devient une question d'efficacité.

M. HARDY: Ce seraient les mêmes principes. L'Office du crédit agricole a fait ça et on parle d'un office de crédit industriel; ce seraient les mêmes critères, les mêmes principes qui pourraient s'appliquer.

M. LETARTE: En fait, si on en arrive à une solution rentable de telle application, je n'ai aucune espèce d'objection à ça.

M. HARDY: C'est une objection de principe.

M. LETARTE: Non, la seule objection que vous avez mentionnée, c'est la rentabilité telle que les rapports nous parviennent, et de l'Ontario et de l'Angleterre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières avait demandé la parole.

M. BACON: Me Letarte, si j'ai bien compris, vous avez dit que, dans un système Judicare, vous seriez d'accord sur le principe que tous les assistés sociaux aient une carte pour l'assistance judiciaire. Est-ce ça que vous avez affirmé tantôt?

M. LETARTE: C'est-à-dire qu'ils aient le droit, que leur admissibilité financière soit décidée par ça, je n'ai pas d'objection. Maintenant, il reste aussi la présomption à établir de la vraisemblance d'un droit. Parce qu'il ne faudrait pas que, du seul fait que je sois bénéficiaire demain d'une carte d'assistance sociale, je puisse aller plaider n'importe quoi, n'importe quand aux frais de l'Etat.

UNE VOIX: Cela ne rend pas la chose bonne.

M. LETARTE: Oui. vous savez, si je me promène à gauche, en auto, avec ma carte d'assistance sociale, j'ai des chances de faire plaider des avocats pour rien.

M. PAUL: M. Letarte, est-ce que vous seriez contre le principe d'un déductible dans le but d'alimenter le fonds nécessaire à cette fin pour le ministère de la Justice?

M. LETARTE: J'en fais une question de rentabilité seulement. Sur la question de principe, il faut avoir vécu l'assistance judiciaire, comme à peu près tous les avocats l'ont vécue, pour savoir que, souvent, les exigences de certains clients sont encore plus fortes lorsque tout est gratuit que lorsqu'ils y participent. Cela arrive.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. Letarte, je voudrais seulement attirer votre attention sur un article paru dans une revue qui s'appelle "The Catholic Lawyer". Cela doit être une revue très honorable. L'article, publié par M. John D. Robb, Chairman of the Standing Committee on Legal Aid and Indigent Defendants of the American Bar Association, est intitulé "Alternate Legal Assistance Plans". Est-ce que vous connaissez cet article ou cet auteur?

M. LETARTE: Je ne connais malheureusement ni la revue ni son auteur.

M. HARDY: Vous n'êtes pas confessionnel sur le plan juridique?

M. LETARTE: En fait, j'ai appris à l'université que les curés sont d'honorables citoyens juridiquement, pas plus. C'est au notaire Giroux que je dois ça.

M. CHOQUETTE: Mais j'attire votre attention sur cet article. Je vous en donnerai même une photocopie si vous voulez.

M. LETARTE: Cela m'intéresserait.

M. CHOQUETTE: Parce qu'il examine les possibilités qui existent en matière d'assistance judiciaire, soit avocat à temps plein et spécialisé, soit Judicare. Je crois qu'il conclut en somme que...

M. LETARTE: En fait, ce sont des systèmes complémentaires, comme dit Tamon, qui est un des partisans des cliniques, et les points faibles de l'un peuvent facilement se conjuguer avec les points forts de l'autre. Il n'y a pas de système parfait, je vous l'avoue, et on ne peut pas faire autrement. De notre côté, ce que le Barreau croit devoir vous suggérer, c'est le système le moins sujet à perfection.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, Me Letarte. Nous allons ajourner...

M. BURNS: Une brève question, M. Letarte. J'ai remarqué, dans votre exposé et dans le mémoire du Barreau, à moins que je ne l'interprète mal, une espèce d'énoncé qui, lorsque vous parlez de la qualité des services rendus, nous laisserait pratiquement comprendre que vous voulez nous dire que des avocats salariés ne rendent pas une qualité de services. C'est ce que je voudrais que vous nous expliquiez. Au bas de la page 5, vous dites: Tout comme dans le domaine de la santé, l'indigent a droit à la même qualité de services que le non-indigent, etc. Vous y avez fait référence dans vos remarques également.

M. LETARTE: Voici ce que je voulais dire, c'est que l'émulation, de la part des avocats de la pratique privée, d'une part, ou des avocats des bureaux, des avocats salariés, c'est bon pour la qualité de l'acte professionnel. Mais le fait de se restreindre à un secteur ou à un autre — quoique, si on se restreignait au secteur Judicare, il y aurait une émulation interbureaux qui joue — ou de ne se limiter qu'au salariat, je pense que ça peut représenter un certain inconvénient à ce point de vue-là.

On voit dans certains bureaux ou à certains endroits, dans certains secteurs, la politique du 9 à 5 s'établir assez facilement. C'est compréhensible et d'ailleurs, je pense que cette concurrence, celui qui va en bénéficier, c'est le défavorisé lui-même. Il va y avoir une concurrence entre les deux de toute évidence et l'utilisation va nous amener à découvrir au bout d'un certain temps quels sont les sentiers qui ont été utilisés.

Je pense d'ailleurs à cette méthode qu'on a aujourd'hui de fabriquer certains parcs; on gazonne partout et on attend de voir où le gazon est brisé pour y installer le trottoir parce qu'on dit: C'est là que la population veut passer. C'est un peu cela que je suggère dans la situation. C'est au pauvre à décider, c'est à lui.

M. LE PRESIDENT: II y a un problème technique que nous voudrions expliquer aux invités de la commission. C'est qu'en vertu de nos règlements il est impossible de faire siéger plus de trois commissions en même temps. Or, cet après-midi, il y a déjà trois commissions d'annoncées, ce qui empêche malheureusement la commission de la justice de siéger. En conformité avec l'accord intervenu, nous allons ajourner à mercredi prochain, le 10 mai, à 9 h 30.

M. PAUL: Si cela convient.

M. LE PRESIDENT: Oui, si cela convient. C'est Me Moisan qui sera le premier entendu. Nous avons essayé cet avant-midi de prendre des dispositions autres que celles dont je vous fais part actuellement, mais ce fut impossible. Cela serait parfait. Et on m'informe que peut-être on aurait d'autres questions à poser à Me Letarte, à ce moment-là, s'il est disponible également.

M. LETARTE: Je serai présent et j'aurai peut-être eu le loisir de lire l'article catholique dont nous a parlé M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne au mercredi 10 mai, à 9 h 30.

M. CHOQUETTE: Maintenant, M. le Président, avant que nous ajournions...

M. LE PRESIDENT: Un . instant, s'il vous plaît.

M. CHOQUETTE: Est-ce que nous pourrions prévoir siéger l'après-midi pour terminer?

M. PAUL: II y aurait possibilité, pour autant que le leader du gouvernement planifie le travail parlementaire en conséquence. Pardon?

M. BACON: C'est la journée des députés.

M. PAUL: C'est disparu. Ceux qui étaient en Chambre hier l'ont tous entendu.

M. CHOQUETTE: Nous allons faire notre possible pour siéger l'avant-midi et l'après-midi pour terminer les auditions de la commission et ne pas obliger les représentants des groupes ou les personnes qui veulent être entendues à se représenter par la suite.

M. LE PRESIDENT: C'est parfait. (Fin de la séance à 12 h 5)

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