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Commission permanente de la Justice
Projet de loi no 10 - Loi de l'aide juridique
Séance du mercredi 17 mai 1972
(Neuf heures quarante-huit minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Avant de procéder à l'ordre du jour, j'aimerais faire part
aux membres de la commission que différents organismes ont
manifesté l'intention de déposer des mémoires à la
commission et d'être entendus également. Je voudrais mentionner
que le Barreau de Hull a fait parvenir un télégramme mentionnant
son désir de présenter un mémoire et également
d'être entendu, si possible, à une séance ultérieure
de la commission; il y a également, Me Jacques Maurice, au nom de la
Chambre des huissiers de justice du Québec.
M.PAUL: M. le Président, au sujet du télégramme de
Hull, j'emploierai une expression notariale, je dirai même et je dirai
plus que nous avons le digne représentant du Barreau de Hull, ce matin,
qui vient appuyer son télégramme.
M. LE PRESIDENT: Moi, je n'avais pas le droit de le reconnaître
personnellement.
M. CHQQUETTE: A part ça, je peux signaler que le bâtonnier
de Hull est mon confrère de classe.
M. PAUL: C'est tout un honneur pour le ministre!
M. BEAUCHAMP: Toute cette année était assez
extraordinaire! Alors, à titre de bâtonnier du Barreau de Hull,
nous croyons que dans les délibérations à ce jour il y a
certaines informations qui ne semblent pas avoir été mises devant
votre commission, à savoir l'expérience rurale. Or, nous
représentons probablement le Barreau qui dessert le territoire le plus
rural de la province, au point de vue du nombre, il y a trois comtés
ruraux, un comté urbain. Nous avons une expérience,
précieuse croyons-nous, pour avoir eu un système d'aide juridique
pendant un an à Hull; nous aimerions mettre nos informations à la
disposition de votre commission afin de vous donner un "input" factuel sur les
chiffres, chose qui semble manquer jusqu'à un certain point. Vous
verriez alors à quel point les principes mis en valeur dans le
mémoire du Barreau de la province trouveraient leur application à
Hull ou dans le district de Hull de façon utile. Cela pourrait
même faire désirer à votre commission de laisser dans votre
loi une modalité où des sections semblables aux nôtres
pourront répondre aux problèmes et aux objectifs que vous visez,
de laisser vivre ou coexister ce genre de système. De fait, nous
croyons, à la lumière de notre expérience, que ça
coûterait, sur une base de 10 p.c. le Barreau de Hull a 10 p.c. du
litige...
M. CHOQUETTE: M. le bâtonnier, il me semble que vous avez
abordé la question de fond.
M. BEAUCHAMP: Je veux simplement vous laisser comprendre pourquoi nous
sommes ici à faire une demande pour être entendus.
M. CHOQUETTE: On sait que c'est utile si vous êtes ici.
M. LE PRESIDENT: Le secrétaire des commissions, M. Jacques
Pouliot, communiquera avec vous pour vous indiquer la journée et l'heure
à laquelle on pourra vous entendre.
M. BEAUCHAMP: Parfait. Nous disposons maintenant de 200 copies
imprimées de notre mémoire que nous sommes prêts à
lui remettre au moment indiqué.
M. LE PRESIDENT: ... heure à laquelle vous pourrez être
entendu.
M. BEAUCHAMP: C'est parfait. Nous disposons de 200 copies
imprimées de notre mémoire que nous sommes prêts à
lui remettre au moment où il nous l'indiquera.
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez les lui remettre dès à
présent.
M. PAUL : Est-ce que vous en avez pour les avocats populaires tels que
le député de Trois-Rivières, M. Bacon?
M. BEAUCHAMP: D'accord. Nous pourrons fournir le nombre requis et s'ils
sont très nombreux, nous en réimprimerons.
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez, vous remettrez vos copies au
secrétaire, M. Pouliot. Le député de Maisonneuve.
M. BEAUCHAMP: Est-ce que 200 copies suffiront ou s'il en faut
davantage?
M. LE PRESIDENT: Non. C'est suffisant. Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Pendant qu'on est sur cette question, M. le Président,
je tiens à soulever un autre cas: quelqu'un m'a consulté hier sur
la possibilité... J'ai émis des doutes sur le fait que la
commission accepterait, à ce stade-ci, de recevoir le mémoire. Il
s'agit de la Clinique juridique universitaire inc., mieux connue sous le nom de
Clinique de l'aire 10, ici à Québec, et qui aurait aimé
produire un mémoire. Je me demande si, pendant qu'on y est, on ne les en
autoriserait pas.
UNE VOIX: Est-ce qu'il y a un rapport avec Mgr Lavoie?
M. BURNS: C'est dans la même aire 10, mais...
M.PAUL: Vous n'êtes pas anticlérical, toujours?
M. BURNS: Pas du tout. J'ai dépassé ce stade-là.
Alors, je ferais la demande pour eux en même temps.
M. CHOQUETTE: Je n'ai aucune espèce d'objection.
M. PAUL: Aucune objection, M. le Président.
M. DROLET: Nous sommes tous d'accord.
M. BURNS: Vous êtes bien aimables, ce matin. Profitons-en.
M. LE PRESIDENT: Je tiens à informer les membres de la commission
de l'ordre du jour. Nous avons trois organismes qui doivent être entendus
ce matin. Je voudrais d'abord vous faire part que la commission va
siéger dans la matinée jusqu'à midi et que les travaux
seront repris par la suite à une séance subséquente, soit,
peut-être, mercredi prochain. Il n'y aura pas de séance cet
après-midi.
Les organismes qui prendront la parole ce matin: Mme Gisèle
Côté-Harper, la Fédération des avocats du
Québec et l'Association des cliniques légales du
Québec.
J'inviterais dès à présent Mme Gisèle
Côté-Harper, professeur à la faculté de droit.
Mme Gisèle Côté-Harper
MME COTE-HARPER: M. le Président, M. le ministre et MM. les
membres, je remercie la commission de me permettre de témoigner
aujourd'hui et ce, à titre personnel. Je le fais pour un seul motif et
à partir de mon expérience. Ayant vécu la
complexité des problèmes de la population à laquelle on
s'adresse et, aussi, ayant vécu la question de vraiment envisager
l'image globale de l'individu qui s'adresse à un avocat, je me
présente devant vous.
Cette expérience, je l'ai eue à titre de consultant pour
le gouvernement du Massachusetts, où je travaillais conjointement avec
la faculté de droit de Harvard et avec des avocats de l'Office of
Economic Opportunity qui sont des avocats à temps plein, permanents,
travaillant dans les cliniques juridiques.
Notre but était d'identifier les problèmes juridiques dans
une clinique médicale, centre local de santé, et on peut se
rendre compte vraiment combien l'identification est difficile. Je n'aborderai
que la question de la pertinence des corporations d'aide juridique ou des
services juridiques communautaires et j'aimerais limiter mon témoignage
à cet aspect. Il y a deux points principaux auxquels je me
réfère, la disponibilité de services appropriés et
l'accessibilité. En ce qui a trait à la disponibilité de
services appropriés, il y a deux plans sur lesquels il faut se placer.
Le premier, c'est la nature de la clientèle qui au fond est le
problème. Le second plan, c'est le rôle traditionnel de l'avocat
face aux besoins à affronter, à savoir l'expertise des avocats
dans la pratique privée pour faire face à ces problèmes.
Je ne m'étendrai pas longtemps sur la nature du problème,
à savoir la clientèle, parce que nous savons tous qu'il y a une
culture de la pauvreté, qu'il y a des lois tant sur le plan
fédéral que provincial se rapportant au bien-être social,
que, d'autre part, on pourrait se demander combien d'avocats, en pratique
privée, peuvent se permettre ou sont en mesure d'appliquer ces lois.
Un autre problème est qu'un grand nombre de situations et de
problèmes juridiques ne sont pas identifiés, et je peux vraiment
le dire à titre personnel, ce qui conduit à un
élément de recherche. Or je pense, par exemple, à un
avocat à qui on réfère un cas et qui se
réfère à la jurisprudence se rapportant au bien-être
social. Le Barreau du Québec, dans sa revue, a depuis les deux
dernières publications une chronique se rapportant au droit et à
la pauvreté. Rappelons-nous, que cela date de janvier 1972. D'autre
part, au niveau du Canada, il y a le Bulletin de la loi du bien-être
social, qui a été publié pour la première fois en
termes jurisprudentiels en anglais en octobre 1971 et en français en
février 1972. Je me demande où l'avocat du
référé sera en mesure de trouver la jurisprudence
applicable au client qui se présente devant lui.
Second point, deuxième palier se rapportant aux services
appropriés, c'est le rôle traditionnel de l'avocat. Je pense qu'on
n'a pas besoin de reconsidérer la question à savoir que l'avocat
ne s'occupe du cas de son client que quand celui-ci va le voir pour un
problème déjà identifié de façon
très imprécise, je vous l'accorde par le client. On ne
s'occupe que de soins primaires et non de l'image globale du client. Si on la
considère et on se réfère encore une fois à
la nature du problème, qui est la population intéressée
c'est une approche fort limitative. En conséquence, j'aimerais
référer à la nature et à la variété
des problèmes qui ne sont pas en mesure d'être identifiés
par l'avocat, de même qu'au nombre et à la quantité de ces
problèmes juridiques.
J'aimerais vous citer ici deux études. Dans un cadre de Judicare,
105 clients sont allés voir des avocats à la suite d'un
référé. Or, on a identifié seulement 126
problèmes. D'autre part, toute proportion gardée, face à
la nature de la clientèle et aux problèmes qu'ils peuvent
éprouver, 125 clients sont allés voir des avocats de cliniques
juridiques ou des services communautaires. On a identifié 225
problèmes. Il y a vraiment une question d'identification beau-
coup plus complète au niveau des services juridiques. Cela est en
termes de nombre et de quantité.
J'aimerais parler en termes de qualité et de
variété. Si on regarde les statistiques et ici, j'ai fait
une étude vraiment comparative, par moi-même, quitte à ce
que d'autres personnes portent des conclusions autres, mais je pense que
ça soulève des problèmes dans l'Ontario Legal Plan
Report de 1970, 70 p.c. des causes qui ont été
référées se rapportaient à des cas matrimoniaux.
Dans le système anglais de la même année, qui est un
système similaire à celui de l'Ontario, 80 p.c. des causes
étaient des causes de divorce. Quelle conclusion peut-on tirer? On peut
dire que les économiquement faibles ont surtout des problèmes
d'ordre matrimonial.
Si on regarde, cependant, les statistiques de l'Office of Economic
Opportunity, encore une fois qui sont des avocats dans des services juridiques
communautaires, on a une image tout à fait autre. Problèmes
domestiques et familiaux, 35 p.c; problèmes d'adolescents scolaires et
de délits correctionnels, 32 p.c. Je tiens tout de suite à
souligner qu'après deux ans à la cour du Bien-Etre social de
Montréal, je sais fort pertinemment que les avocats se présentent
peu en défense, au niveau des adolescents et que, d'autre part, au
niveau des problèmes scolaires, c'est fortement
négligé.
Au niveau des problèmes de consommation, 18 p.c; problèmes
de logement propriétaire-locataire, 8 p.c; enfin, les problèmes
d'agences d'administration de bien-être et d'autres organismes, 7 p.c. On
voit vraiment qu'il y a une variété beaucoup plus vaste de
problèmes juridiques résolus, ou du moins abordés.
Je me reporte aux statistiques que Me Loranger a
présentées la semaine dernière. Nature des cas en
matière civile; sur le plan économique, il nous a dit que cela
s'établissait à 29 p.c; sur le plan des cas matrimoniaux, 41 p.c;
dans les autres situations, en proportion, 12 p.c. Maintenant, je n'ai pas les
statistiques complètes.
Cependant, on voit tout de suite que l'image globale est beaucoup mieux
servie dans des situations de ce genre. Ce qu'on peut tirer de cet
élément d'expertise comparativement au rôle traditionnel de
l'avocat, est une question d'éducation du personnel qu'on peut retrouver
uniquement au niveau des services juridiques. Aussi, il y a la capacité
de la recherche, recherche qu'un avocat, dans la pratique privée, ne
peut pas se permettre de faire à temps plein comme ceux qui se trouvent
dans des cliniques et qui sont permanents.
En ce qui concerne l'identification des problèmes et enfin les
nouvelles techniques juridiques, il y a un second plan dont je voulais
discuter, c'est l'accessibilité. Au sujet de l'accessibilité,
rapidement, il y a deux points. Il y a la nature du service professionnel et il
y a aussi la liberté de choix dont on se chargera de parler, j'en suis
certaine, pendant longtemps tout à l'heure. Nature du service
professionnel; l'égalité devant la loi est un droit
inaliénable. Tout le monde le reconnaît.
Cependant, à quoi sert l'égalité devant la loi s'il
y a ignorance des problèmes juridiques de la part de la population? Tout
le monde est d'accord pour le dire. Cependant je pense qu'il serait bon de
citer certains chiffres. Dix problèmes hypothétiques avaient
été présentés à des gens habitant trois
villes des Etats-Unis, des économiquement faibles. 52 p.c. n'ont
identifié qu'un seul problème pouvant requérir les
services d'un avocat, alors que, dans les dix problèmes, tous pouvaient
requérir les services d'un avocat. Moins de 10 p.c. ont reconnu qu'un
service d'avocat pouvait être utile dans un problème
locateur-locataire.
Ces chiffres sont assez significatifs en termes d'identification, par la
population, de ses droits et aussi des services qui peuvent lui être
disponibles.
Ceci rejoint le phénomène suivant: une plus grande
proportion de gens d'une classe plus favorisée vont au niveau des
services d'un avocat. Quel est l'exemple plus clair que blessures à la
suite d'accident d'automobile? Or, on s'est rendu compte que moins de 2 p.c. de
la classe favorisée n'ont pas demandé les services d'un avocat
pour poursuivre dans le cas de blessures d'accident d'automobile alors que
moins de 27 p.c. ne l'ont pas fait pour la classe plus
défavorisée. Disons que, pour ceci, évidemment il y a un
phénomène d'information fort important.
J'en arrive au point crucial qui est la liberté de choix. La
liberté de choix est un principe auquel on ne devrait même pas
s'attaquer. Cependant, que représente la liberté de choix quand
l'identification des problèmes n'est faite ni par la population en
grande partie et souvent ni par l'avocat dans une proportion importante si on
regarde les chiffres qui ont été donnés.
On peut dire que les économiquement faibles connaissent peu
d'avocats ou dans une proportion faible. Je pense que c'est peut-être un
phénomène secondaire et peut-être que ça ne se situe
pas au niveau rural.
Cependant, je pense que les économiquement faibles ont aussi
droit à un un élément préventif, qui est non
existant à la suite du référé à l'avocat. Et
je vous donnerais un exemple. Au cours de cinq années à la
clinique médicale où je me trouvais, on avait identifié de
nombreux problèmes d'empoisonnement par la peinture de plomb, ce qu'on
appelle "lead-poisoning". On avait même fait des statistiques à
l'effet que, dans les prochaines années, au moins 50 p.c. des enfants
étaient susceptibles d'être hospitalisés ou du moins
traités pour ça. Où se situait l'élément
préventif? C'est un élément curatif de l'acte
identifié par la mère face à son enfant.
Nous savions que le problème existait mais il n'y avait aucun
moyen pour l'enrayer. Ce qui a
été fait à ce moment-là, c'est qu'à
la suite de l'intervention des services juridiques, il y a une loi qui a
été adoptée, loi qui était inexistante avant, il y
a eu des litiges et on a forcé à ce moment-là les
propriétaires à faire les réparations.
Or, étant donné que les loyers à prix modiques, qui
étaient l'endroit où se trouvaient les malades, appartenaient
à la ville de Boston, il fallait, d'autre part, que les avocats soient
drôlement autonomes et puissent se permettre de poursuivre... Ce qui ne
se serait probablement pas présenté dans une situation de
référé. Tout d'abord, on n'aurait pas identifié le
problème.
J'aimerais souligner ici le rapport de Larry Taman qui a
été cité à plusieurs reprises devant cette
commission et qui a été présenté pour le Conseil
national du bien-être social et qui dit ceci, en page 63: "L'ironie de la
situation est que l'argument de la liberté de choix finit, dans un grand
nombre de causes importantes, par être renvoyé à la figure
du client". Or, étant donné que des réclamations peuvent
être faites pour des montants moindres, cela ne peut pas être
considéré comme étant rentable. Et je cite: "Au point de
vue statistique, ce requérant sera inscrit sur la liste des gens qui
n'ont pas présenté une demande officielle, mais qui ont
reçu des conseils juridiques". Ce qui veut dire que la cause ne sera pas
acceptée, mais qu'on pourra la référer à une
clinique où il y a des étudiants ou d'autres personnes. "On ne
peut s'empêcher de se demander si ce requérant est heureux,
lorsque le régime insiste pour qu'il soit libre de retenir les services
de l'avocat de son choix et que cela veut dire qu'il n'en aura aucun, parce que
les services ne seraient pas, en vertu de la formule de paiement à
l'acte, avantageux au point de vue financier". Est-ce que la situation se
reproduirait ici dans un cas de référé à l'avocat?
C'est une question qu'on doit se poser.
J'aimerais terminer en parlant des régions rurales. Je suis
persuadée que le bâtonnier de Hull se chargera de le faire
très éloquemment. Tout ce que j'aimerais souligner, c'est que si
vous pouviez consulter ce rapport qui a été publié en
janvier 1972 aux Etats-Unis, qui est une étude tout à fait
objective, faite par deux sociologues et qui s'intitule: "Alternative
Approaches to the Provision of Legal Services for the Rural Poor
Judicare and a Decentralized Staff Program". ... Ceci, d'ailleurs, est
cité dans ma communication. Cette étude a été faite
par le Bureau of Social Science Research. Cela a été fait
spécifiquement pour étudier les régions rurales. Ils ont
identifié deux choses: d'abord, l'élément de
prévention existe; en second lieu, la question de l'identification des
problèmes existe tout aussi bien dans les régions rurales que
dans les régions urbaines. En troisième lieu, si nous nous
rendons compte que 40 p.c. des fermiers, à un moment ou l'autre, peuvent
être touchés par la Loi de l'aide sociale, nous avons une
population à laquelle ces services s'adresseraient.
Bien que je sois d'accord que la connaissance de l'avocat
présente certainement moins de problèmes, la disponibilité
de services appropriés en termes de recherche, en termes
d'identification et en termes d'accessibilité par l'identification de la
part du client peut aussi se présenter. Ce qui m'inquiète aussi,
c'est peut-être un conflit d'intérêts qu'il reste à
voir.
En conclusion, je voudrais encore citer Taman, à la page 69.
C'est une étude objective du système de l'Ontario qui est le
système Judicare. Il dit ceci: "L'expérience américaine
ainsi que de récentes tendances en Grande-Bretagne semblent
suggérer fortement que des programmes efficaces doivent inclure des
activités décentralisées avec des avocats travaillant
à temps plein." Et enfin la question à se poser est: Quels sont
les meilleurs services en termes d'efficacité et au coût le plus
abordable? Si on regarde la progression du coût en Ontario, en 1967, la
première année, $3,900,000; la deuxième année,
$6,700,000; la troisième année, $7,032,000 et la quatrième
année, $8,146,000.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres ont des questions à
poser? Merci beaucoup, Mme Côté-Harper.
J'inviterais maintenant Me François Chapa-dos,
représentant de la Fédération des avocats du
Québec.
Fédération des avocats du
Québec
M.HARDY: Est-ce que vous avez le texte complet de votre mémoire
ou si nous avons actuellement en main un résumé?
M. CHAPADOS: Voici ce qui se produit, M. le Président.
J'aimerais, par votre intermédiaire, souligner à l'honorable
député de Terrebonne que nous avons présenté en
deux tranches notre mémoire. Il y a un résumé et il y a un
mémoire.
M. HARDY: Ah bon, très bien!
M. CHAPADOS: Je n'ai pas ici la cote. D'autre part, l'annexe 4,
c'est-à-dire le projet de loi que nous proposons, a été
présentée sous plis séparé. . HARDY: Très
bien.
M. CHAP ADOS: M. le Président, M. le ministre, M. le
représentant du chef de l'Opposition, messieurs les membres de cette
honorable commission parlementaire. Avec votre permission, j'aimerais faire des
remarques préliminaires de deux ordres. Dans un premier temps faire
certains constats et dans un deuxième temps poser certaines questions
quant à notre présence ici ce matin. Après, j'entrerai
dans le vif du sujet et je conclurai. Toujours avec votre
permission, Me Michel Robert, qui est à mes côtés,
vous soulignera les points essentiels de la deuxième tranche de rapport
que nous avons déposé, c'est-à-dire du projet de loi dont
nous vous proposons l'adoption.
Le premier constat que j'aimerais faire, M. le Président, est
extrêmement simple. Il se rapporte au fait que le gouvernement a
jugé bon de référer en commission parlementaire
l'étude du bill 10. De ce fait, nous tenons pour acquis que le
gouvernement entend établir un véritable dialogue avec l'ensemble
des organismes qui sont intéressés à la bonne marche de la
justice.
D'autre part, le fait de notre présence ce matin indique, quant
à nous, c'est-à-dire la Fédération des avocats du
Québec, que nous aussi, nous avons le désir le plus
sincère de dialoguer avec le représentant de la
société québécoise, c'est-à-dire le
gouvernement.
Le deuxième constat réfère encore à notre
présence ici. Du fait que nous soyons devant cette commission
parlementaire et ceci expliquera une démarche que nous avons
faite dernièrement il s'ensuit que nous reconnaissons que
l'organisme que vous constituez est l'organisme compétent pour
étudier...
M. HARDY: Merci.
M. CHAPADOS: ... compétent, et j'ajoute à tous les points
de vue, suite à la remarque de l'honorable député de
Terrebonne, pour étudier le problème de l'aide juridique. La
semaine passée, nous avons fait parvenir, tant au gouvernement du
Québec, à l'honorable ministre de la Justice du Québec,
qu'au gouvernement d'Ottawa, certains télégrammes parce que nous
avions eu des informations voulant que le gouvernement fédéral
s'apprêtait à intervenir directement au niveau du financement de
certains bureaux d'assistance judiciaire.
Ce que je voudrais souligner, M. le Président, en rapport avec
cette intervention, c'est le caractère positif qui s'en dégage.
D'une part, dans le télégramme que nous avons envoyé
à l'honorable ministre de la Justice, qui est ici présent, nous
l'assurons de notre appui le plus complet dans toute démarche
appropriée qu'il jugera bon d'adopter pour faire en sorte que la
compétence, que votre compétence, et par vous, que la
compétence de l'Assemblée nationale en la matière, soit
respectée. Dans la même veine, nous avons demandé à
l'honorable premier ministre du Canada de bien vouloir donner les directives
appropriées pour que l'intervention de son gouvernement se limite
éventuellement et ceci est annoncé dans le projet de loi
qui est actuellement en étude au financement d'un système
d'aide juridique mais ce, après consultation de concert avec les
organismes compétents pour statuer en matière de financement, je
veux parler du gouvernement central et du gouvernement québécois
pour autant que nous sommes concernés.
M. HARDY: Très bien.
M. CHOQUETTE : Vous nous prenez par notre point faible.
M. CHAPADOS: D'ailleurs, cet appui, M. le Président par
votre intermédiaire, j'entends répondre à l'honorable
ministre de la Justice je tiens à le préciser, ne se
limitera pas au domaine constitutionnel; le ministre de la Justice a
également notre appui sincère et complet dans toutes les
démarches qu'il fera pour faire en sorte que le gouvernement du
Québec, qui a plusieurs priorités, accorde quand même les
sommes qui sont nécessaires en matière d'aide juridique. Quant au
troisième constat...
M. PAUL: Excusez, est-ce que vous êtes au courant que la semaine
dernière, avant l'envoi de vos télégrammes, j'ai
soulevé le problème à l'Assemblée nationale. J'ai
posé une question au ministre pour l'assurer de l'appui des
députés de l'Unité-Québec dans cette action dont
vous venez de parler.
M. CHAPADOS: M. le Président, j'aimerais dire à
l'honorable député de Maskinongé que je l'ai appris
après l'envoi du télégramme. Pour répondre à
sa question, je le savais en arrivant, ici, ce matin.
D'ailleurs, je félicite l'Opposition, tant
Unité-Québec que les autres partis, de la position qu'ils ont
prise à cet égard en Chambre. Quant au troisième constat,
M. le Président, il réfère en quelque sorte à la
période trouble que nous traversons. Depuis dix ans, la
société québécoise a subi de profondes
transformations. Depuis trois ans, on peut dire que ces transformations se sont
accélérées à un rythme tel que, dans les
dernières années, nous avons subi des convulsions et des
soubresauts. Quant à nous, nous les considérons comme autant
d'épiphénomènes, qui attestent quand même d'un
malaise grave dont souffre notre société. Ce qu'il faut retenir
dans tout ce contexte, c'est comme dit Lafontaine: "Tous étaient
frappés". D'aucuns critiquent et remettent en cause l'institution
parlementaire. L'Eglise y est passée et évidemment l'institution
judiciaire, cela va de soit, y est passée aussi. Dans les
dernières années auxquelles je viens de référer, on
a vu d'ailleurs apparaître au Québec un nouveau
phénomène, qui est celui, ni plus ni moins du procès de
rupture, ce qui ne s'était jamais vu, où les accusés
contestaient ouvertement l'autorité des tribunaux qui avaient à
statuer sur leur cas. C'est un phénomène complètement
nouveau au Québec.
Le Barreau est passé et a subi exactement ce que d'autres
institutions ont subi. Il est mis en cause. Par le Barreau, je parle
également des avocats, à titre d'organisme représentatif,
soucieux de défendre les intérêts socio-économiques
de ses membres. Il s'agit là d'une réalité
que nous ne pouvons ignorer. Dans tout ce contexte apparaît la
Fédération des avocats du Québec. Avant que l'un des
membres de cette honorable commission ne me demande si les avocats eux aussi
ont perdu la tête, je passerai à ma deuxième série
de remarques préliminaires et je répondrai à trois
questions. Cette accolade est d'une extrême importance. Mais avant de ce
faire, j'aimerais dire, ce matin que nous nous présentons devant vous
avec une confiance, mais une confiance inquiète. Confiance, parce que
nous avons la certitude de défendre une cause juste. Nous avons la
certitude de défendre des libertés fondamentales et des droits de
même nature. On dit souvent que le pendule de la justice accuse un retard
mais qu'elle a toujours son heure. J'appliquerais cet axiome au principe que
nous entendons défendre ce matin.
Nous avons confiance parce que nous croyons à la justesse de nos
représentations. D'autre part, nous sommes également inquiets.
Nous sommes inquiets parce que ce matin nous avons à défendre
entre autres choses d'ailleurs la consoeur qui m'a
précédée au micro l'a indiqué clairement la
liberté de choix.
En ce faisant, nous ne pouvons pas ignorer que tout récemment il
y a eu l'adoption d'une loi connue sous le nom de bill 70 où, même
à titre gratuit, on a interdit à une personne de se faire
représenter par un avocat. Nous sommes inquiets à cause,
également, du libellé de certaines dispositions du bill 10. Je ne
parle pas des détails pour le moment; j'y reviendrai. Nous sommes aussi
inquiets pour un autre motif. Nous sommes conscients, à tous points de
vue, de vivre ce que j'appelle un moment historique et un tournant, dans
l'histoire de la profession légale. Avant 1966, l'Etat, sous diverses
formes, accordait un soutien aux économiquement
défavorisés en ce qui avait trait à leurs problèmes
médicaux. En 1966, le gouvernement Lesage a voté la Loi de
l'assistance juridique. Il s'agissait alors de subvenir aux besoins, en la
matière, des économiquement défavorisés. Nous
étions en 1966. Par la suite, une autre loi a été
voté; il s'agit de la Loi de la régie de l'assurance-maladie. Et
enfin, il y eut le bill 8 établissant l'assurance-maladie, avec le
résultat qu'en ce qui a trait à ce domaine je parle du
domaine médical le cycle est maintenant
complété.
Or, ce matin, la Fédération des avocats du Québec
ne peut pas ignorer qu'elle s'engage dans un processus identique. Elle ne peut
le faire à cause des modifications et des changements que cela
présuppose, sans parce qu'elle est consciente de la situation
manifester également une certaine inquiétude. Vers les
années cinquante, au Québec, sur initiative privée
là, je me réfère à l'oeuvre que le Barreau a faite
en la matière se sont établis des organismes particuliers
pour subvenir aux besoins d'ordre juridique des économiquement
défavorisés. Plusieurs années plus tard, le gouvernement a
subventionné ces organismes.
Aujourd'hui, nous sommes devant un projet de loi qui a pour objet,
précisément, d'assurer aux économiquement
défavorisés des services juridiques. Ceci est une
réalité.
Quant à l'avenir, je prévois que, d'ici peu, nous verrons
l'instauration, pour la classe moyenne, d'un régime contributif,
à frais partagés, tel qu'il existe, par exemple, pour
l'assuran-ce-santé animale, où la classe moyenne devra payer une
partie des frais, mais où l'Etat paiera, lui aussi, sa quote-part. Je ne
suis pas ici pour prophétiser, pour fixer des limites, mais je pense
que, d'ici dix ans, il y aura l'équivalent du régime
d'assurance-maladie pour les services juridiques. Et là, je parle des
services juridiques rendus à la personne et, par le fait même,
j'exclus les services juridiques rendus à des corporations, que ce
soient des compagnies ou des corporations syndicales.
Tout ceci, M. le Président je voudrais être bien
franc à ce sujet-là pour dire à l'honorable
ministre de la Justice ainsi qu'aux représentants des différents
partis qui sont ici, que nous ne voulons pas être des témoins
gênants; au contraire.
Nous voulons véritablement dialoguer, mais nous tenons pour
acquis que tout véritable dialogue doit se baser sur la franchise.
Ceci étant dit, j'aborde ma deuxième série de
remarques préliminaires, trois questions et l'un des membres aurait pu
me les poser jusqu'à maintenant: Qui êtes-vous? Que
représentez-vous et quelle est votre raison d'être? M. le
Président, étant donné qu'il s'agit de notre
première comparution devant une commission parlementaire, je pense que
ces questions se doivent d'être posées et d'avoir réponse
parce qu'il y a énormément d'équivoques à ce
sujet.
Je tiens pour acquis que vous ne compterez pas le temps que nous allons
consacrer à la réponse de ces questions comme étant
consacré à la présentation proprement dite du
mémoire. Qui êtes-vous? Première question. Les
représentants du conseil général de la
Fédération des avocats du Québec symbolisent devant vous
ce que j'appellerais un effort sans précédent de
solidarité qui s'est fait parmi les membres de la profession juridique.
En moins de quatre mois, nous avons obtenu l'adhésion, sur base
volontaire, de plus de 1,000 avocats.
M. HARDY: Sans formule Rand? M. CHAPADOS: Sans formule Rand.
M. TETLEY: Est-ce que vous favorisez la formule Rand? C'est une
question, parce que je suis membre du Barreau. Oui ou non?
M. CHAPADOS: Oui, M. le Président, en réponse à la
question qui vient de m'être posée, actuellement, en ce qui a
trait à toutes les autres catégories de professionnels, la
formule Rand est appliquée et je parle des médecins, des 24
associations de médecins spécialistes et je
parle de l'ensemble des professionnels qui voient leurs honoraires, en
totalité ou en partie, payés par le gouvernement.
M. TETLEY: Au collège.
M. CHAPADOS: Pardon? Non, pas au collège. Directement, les
médecins spécialistes payent leur cotisation; il y a même
des clauses de retenues syndicales, c'est la Régie de
l'assurance-maladie, comme le faisait la" commission d'assistance
médicale, qui retient la cotisation et la fait parvenir, selon le cas,
soit à la Fédération des médecins
spécialistes dont le président est M. Raymond Robillard, soit
à la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec dont le président est le Dr Gérard Hamel et je vous
fais grâce de la kyrielle d'associations qui ont la même
clause.
M. HARDY: Je m'excuse, je ne voudrais pas interrompre votre brillant
exposé, Me Chapa-dos, peut-être que c'est un peu entre
parenthèses mais vous ne croyez pas, justement, que les avocats
pourraient donner un excellent exemple de sens des responsabilités s'ils
étaient capables de continuer leur syndicalisation sans formule
Rand?
M. CHAPADOS: M. le Président, disons que je répondrai
à l'honorable député de Terrebonne qu'il y a une
règle générale qui a été établie, qui
a d'ailleurs été acceptée par tous les gouvernements, y
compris le gouvernement actuel, et je ne vois pas pourquoi, quant à moi,
les avocats feraient exception à la règle. Je pense qu'on pourra
y revenir tout à l'heure.
M. TETLEY: Nous avons déjà une vérification au
Barreau n'est-ce pas? C'est obligatoire. Pourquoi ne pas contrôler le
Barreau au lieu de lancer un mouvement parallèle?
M. CHAPADOS: J'y reviendrai justement, c'est en réponse aux
questions: Qui êtes-vous? Je pense que je devrais terminer ces questions
et par après...
M. HARDY: Vous allez peut-être répondre à toutes nos
questions.
M. CHAPADOS: Alors, qui êtes-vous? Je répondrai
immédiatement à la question de l'honorable Tetley. Nous sommes au
même titre que la Fédération des médecins
spécialistes ou la Fédération des médecins
omnipraticiens, un organisme représentatif chargé de la
défense des intérêts socio-économiques de ses
membres. En d'autres mots, nous sommes un organisme à vocation
particulière et contrairement au cas des corporations nous le
soumettons en toute déférence qui elles sont des
organismes à vocation publique et dont la vocation première est
de sauvegarder l'intérêt du public.
C'est d'ailleurs le pourquoi et c'est l'unique raison, à mon
sens, de la délégation de pouvoirs qui intervient entre
l'Assemblée nationale et le Barreau et en vertu duquel le Barreau peut,
si je commets une infraction, me juger. Bref, il s'agit de deux organismes
à vocation distincte. Et qui représentez-vous? Que
représentez-vous?
Jusqu'à maintenant, nous représentons, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, au-delà de 1,000 avocats
répartis dans neuf associations distinctes.
Je vais les citer par ordre alphabétique: les régions de
Bedford, des Laurentides, de Montréal, de Québec, l'Association
Saint-Jean-Valleyfield, et les régions de l'Outaouais, de
Sorel-Saint-Hyacinthe et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Et si vous le permettez, M. le Président, cela étant dit,
j'aimerais vous présenter brièvement les gens qui m'entourent et
qui font partie du conseil général: Me Louis Rémillard,
président de l'association de Québec; Me Vincent Fleury,
président de l'association du Saguenay-Lac-Saint-Jean; Me Michel Robert,
vice-président de l'association de Montréal; Me
Côté, je suis obligé de passer outre Me Pierre
Rousseau, président de l'association du Barreau des Laurentides
il y en a qui sont dissimulés dans la salle Me Benoît
Matte, président de l'association Sorel-Saint-Hyacinthe, il y a
également M. le bâtonnier Marquis qui est président de
l'association de Bedford.
M. HARDY: II y a des bâtonniers qui sont présidents
d'association?
M. CHAPADOS: Des anciens bâtonniers.
M. TETLEY : Est-ce que le député bâtonnier de
Maskinongé fait partie de votre groupement?
M. PAUL: M. le Président, une question de règlement. Je
m'aperçois que mon bon ami, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, est toujours, comme d'habitude, hors d'ordre et je
note chez lui un désintéressement complet au sérieux de
remarques de Me Chapados.
M. CHAPADOS: Je profite de l'occasion, M. le Président, pour
souligner qu'il n'y a pas d'association de la région de la Mauricie et
que, si l'honorable député de Maskinongé est consentant,
nous serions heureux de le considérer comme un des piliers de
cette...
M. PAUL: M. le Président, je signalerai à mon cher
confrère que ce sera probablement l'oeuvre de mon successeur.
M. CHAPADOS: Enfin, la troisième question: Quelle est votre
raison d'être? La raison d'être est extrêmement simple, j'y
ai touché tout à l'heure, c'est qu'un organisme public, qu'il
s'agisse du Collège des médecins, qu'il s'agisse du Barreau,
qu'il s'agisse du Collège des
chirurgiens-dentistes, ne peut pas à la fois défendre et
l'intérêt public et l'intérêt particulier de ses
membres et, comme nous sommes francs, la poche de ses membres.
Il s'impose, et c'est l'opinion de la fédération, qu'il y
ait deux organismes à vocation distincte pour précisément
remplir véritablement leur rôle. Dans l'hypothèse
contraire, nous débouchons nécessairement sur un conflit
d'intérêts. Deuxièmement, il s'agit d'une raison
théorique cette fois-là. Elle a été soulevée
par l'honorable Tetley il y a quelques instants, c'est que le droit
d'association présuppose la liberté d'adhésion. Tous les
membres actuels des différentes associations ont signé
volontairement leur carte. D'autre part, en ce qui a trait aux corporations, un
membre quelconque d'une corporation n'a pas le choix d'y adhérer ou de
ne pas y adhérer. Il y est obligé par la loi et à cause de
ce fait, nous soumettons en toute déférence qu'une corporation,
non seulement parce qu'elle a à défendre le bien public, mais
parce qu'elle écarte a priori cette liberté d'adhésion, ne
peut agir en tant qu'organisme représentatif des intérêts
socio-économiques de ses membres.
Cela étant dit, j'aimerais répondre aux questions qui
peuvent être posées actuellement, sinon j'aborderai
immédiatement le mémoire.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas poser une question à Me Chapados
mais lui dire ma façon de penser sur le problème qu'il vient de
soulever. Non pas ma façon de penser, c'est-à-dire dans le sens
d'une opinion sur les initiatives qui ont été prises par les
avocats, mais simplement lui dire que je ne pense pas qu'il incombe au
gouvernement de dicter aux avocats une façon de penser ou une
façon d'agir plutôt qu'une autre et qu'il appartient aux avocats
de prendre leurs propres responsabilités.
Si vous considérez que, dans l'état actuel des choses, une
fédération d'avocats a sa raison d'être, je m'inclinerai
devant la volonté générale des avocats qui semblent avoir
le droit de diriger leur destinée professionnelle comme ils
l'entendent.
Par conséquent, je ne veux absolument trancher d'aucune
façon ou même exprimer un avis sur le fond du problème. Le
fond du problème me semble être un peu le débat entre
corporatisme et syndicalisme. Autrefois, on sait que les corporations jouaient
ce double rôle de protecteur de l'intérêt public et, en
même temps, de protecteur de l'intérêt de leurs membres.
Vous dites que cela fait surgir un conflit d'intérêts à
l'intérieur des corporations. Comme vous le savez très bien,
suivant votre expérience, les conflits d'intérêts sont
constants dans la vie. C'est une chose avec laquelle il faut vivre. Vous nous
dites que, dans le contexte actuel, vous ressentez le besoin d'exprimer les
besoins socio-économiques de vos membres par une forme de syndicalisme
qui vous semble adaptée à la réalité contemporaine.
Je n'ai rien à dire pour vous dissuader de ce mouvement. Je n'ai tout
simplement qu'à prendre acte de votre décision et à
prendre acte également du nombre de personnes que vous
représentez. Le gouvernement tirera ses conclusions quant à sa
façon d'envisager le dialogue ou tout débat, soit avec la
corporation professionnelle ou avec vos fédérations
d'avocats.
M. PAUL: Est-ce que le ministre a l'intention de prendre acte
également de certaines recommandations ou projets d'amendements au
projet de loi?
M. CHOQUETTE: Sans doute. M. PAUL: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.
M. HARDY: Ce n'est peut-être pas mon rôle de juger ce que
les avocats font. Je voudrais quand même prendre acte de ce qui
m'apparaît être très sain, soit que les avocats aient
jugé opportun de se constituer en association. Le ministre de la Justice
disait tantôt que, traditionnellement, les corporations traditionnelles
ont voulu à la fois défendre l'intérêt public et
l'intérêt de leurs membres. Quant à moi, vouloir faire
cela, m'apparait la quadrature du cercle. C'est impossible. C'est
peut-être l'une des raisons qui a je pense que je l'ai
mentionné lors d'une des auditions précédentes fait
que dans le passé, le Barreau n'a peut-être pas joué
pleinement son rôle de protecteur du public. Précisément,
il était tiraillé par deux tendances. Le conflit
d'intérêts existe. Ce n'est pas parce qu'on est avocat, qu'on est
membre du Barreau, que l'on devient exempt de cette réalité qui
s'appelle le conflit d'intérêts. Dans toutes les
législations et en particulier, au niveau parlementaire ou en fonction
des législateurs, on essaie le plus possible de faire des lois qui
éliminent cette situation de conflit d'intérêts.
Quant à moi, je vous avoue que je me pose des questions quant
à l'attitude encore présente du Barreau. Je ne peux pas voir
comment un même organisme peut à la fois défendre
l'intérêt public et défendre l'intérêt de ses
membres. Si les lois présentées par l'actuel gouvernement ont
été le moteur qui vous a poussés, qui a poussé les
avocats à se constituer en association, ces lois auront au moins ce
mérite.
En mon nom strictement personnel, je félicite les avocats de
s'être associés. Je félicite le président actuel de
dire avec franchise que le but de la fédération, le but de
l'association, est de défendre les intérêts
économiques de la profession. Dès que cela apparaîtra
clairement dans l'opinion du public, qu'il y a un organisme dont le but est de
défendre l'intérêt économi-
que des avocats, j'espère que par la suite, le Barreau, lui,
agira vraiment, et d'une façon claire et précise, dans
l'intérêt de l'ensemble du public.
On a de plus en plus besoin, dans le monde dans lequel on vit, de
situations claires, de situations franches; et ce que vous faites actuellement,
je pense que c'est de nature, précisément, à assainir le
climat, à clarifier la situation. Encore une fois, je fais un souhait
personnel: que le Barreau prenne conscience de cette réalité.
M. PAUL: En entendant les propos du député de Terrebonne,
je ne doute pas qu'il soit membre de l'Association des avocats de la
région des Laurentides.
M. HARDY: Non.
M. BACON: Ils ne l'ont pas encore admis.
M. HARDY: Justement, c'est ce qui me permet de parler avec d'autant plus
de liberté. Je ne suis pas, présentement, membre de
l'association.
M. LE PRESIDENT: M. Chapados.
M. CHAPADOS: M. le Président, avec votre permission, j'aimerais
partir des remarques faites par l'honorable député de Terrebonne
et, tout à l'heure, par l'honorable ministre de la Justice, pour faire
deux brefs commentaires.
D'une part, l'honorable député de Terrebonne a
souligné qu'il y avait équivoque quant au bien-fondé ou au
mal-fondé de la création et de la formation d'une
fédération des avocats du Québec; et ce, de la part du
Barreau. Je vous soumettrai, M. le Président, que tout le
problème du regroupement en association professionnelle a
été soumis au Barreau réuni en congrès annuel
à Montréal il y a quelque temps et que, par résolution
adoptée par l'assemblée générale des membres, le
principe du regroupement en association professionnelle a été
reconnu. Ce qui veut dire, quant à moi, que le Barreau et je me
réfère à l'ensemble de ses membres s'est
prononcé par son assemblée générale annuelle et que
les membres du Barreau non seulement acceptent le principe du regroupement,
mais ils le veulent. Et je pense qu'il y a lieu de faire une distinction entre
les décisions qui ont été prises par l'assemblée
générale des membres du Barreau réunis en congrès
et certaines autres attitudes que l'on a pu lire dans les journaux ou ailleurs.
Ceci, à la suite des remarques qui ont été faites par
l'honorable député de Terrebonne.
D'autre part, je ne voudrais pas traumatiser l'honorable ministre de la
Justice, mais je pense que toute cette fameuse question...
M. CHOQUETTE: Vous savez, je suis habitué aux traumatismes!
M. CHAPADOS: M. le Président, étant donné la
personnalité attachante du député d'Outremont, j'ouvrirai
non pas une parenthèse, mais une accolade. Je lui dirai ceci: Le
problème du regroupement la question, parce que ce n'est pas un
problème en association professionnelle est une
réalité qui l'intéresse directement puisque, d'ici peu, il
aura à reconnaître, en sa qualité de ministre de la
Justice, la Fédération des avocats du Québec comme
organisme représentatif. En d'autres mots, il aura à poser le
geste que l'honorable Kierans, en 1966, a posé vis-à-vis de la
Fédération des médecins spécialistes et
vis-à-vis de la Fédération des médecins
omnipraticiens. Il aura à poser le même geste que, par la suite,
tous les ministres de la Santé poseront ou que d'autres ministres ont eu
à poser. Je pense en particulier à l'honorable Cloutier; je pense
en particulier à l'honorable Castonguay; je pense en particulier
à l'honorable Toupin, ministre de l'Agriculture.
M. HARDY: Vous préjugez d'une loi qui n'est pas encore
adoptée.
M. CHAPADOS: Non. Mais, d'autre part, j'ai ce matin, en dépit de
ma confiance inquiète, un immense espoir.
M. PAUL: Les cultivateurs ont un espoir encore beaucoup plus grand,
parce qu'ils attendent la loi depuis le mois de mai 1970.
M. CHAPADOS: Pardon?
M. PAUL: Les cultivateurs attendent la loi depuis le mois de mai
1970.
M. CHAPADOS: Non. Lorsque je parle du ministère de l'Agriculture,
je ne me réfère pas au débat épique de l'UCC.
Je me réfère tout simplement au programme
d'assurance-santé animale qui a été établi par
l'honorable Toupin et qui fonctionne très bien actuellement grâce
à la collaboration et à l'appui d'un organisme
représentatif, vigoureux, dynamique, etc., et j'en passe. Mais pour
venir à ce que je disais tout à l'heure, je voudrais quand
même rappeler que ces gestes qui ont été posés
à l'époque, ce sont des responsabilités qui ont
été assumées par des ministres. Ces responsabilités
ont été assumées en dépit d'un certain climat qui
existait à l'époque et je dirai que, dans le cas d'une grande
fédération de médecins, en dépit du fait qu'elle
avait toute une série d'associations affiliées à elle, il
y avait en contrepartie un groupe de médecins affiliés à
certains grands hôpitaux de Montréal qui refusaient de faire
partie de cet organisme. Il s'agissait de certains médecins du Royal
Victoria et du Montreal General Hospital qui ont essayé, à un
moment donné, de négocier directement avec M. Kierans. Je raconte
tout simplement cela pour faire état d'une réalité et
pour montrer que ces responsabilités que l'honorable
député d'Outremont aura à assumer...
M. CHOQUETTE: Me Chapados, puis-je ajouter de l'eau à votre
moulin?
M. CHAPADOS: Avec plaisir, il n'en fonctionnera que davantage.
M. CHOQUETTE: Etes-vous au courant que le Barreau du Québec a
signé un contrat avec une agence de publicité au montant de
$100,000 pour combattre le projet de loi 250? Or, ces $100,000 proviennent
évidemment des cotisations des membres du Barreau qui n'ont pas
été consultés individuellement ou enfin même
collectivement, que je sache, sur cette campagne. Alors, c'est un fait qu'il
faut noter, il me semble.
M. CHAPADOS: En rapport...
M. CHOQUETTE: En rapport avec le rôle professionnel de la
corporation ou son rôle de défenseur des intérêts des
membres.
M. CHAPADOS: Oui, mais nous soumettons en toute déférence,
d'ailleurs je parlais tout à l'heure du congrès du Barreau et
suite aux résultats du vote qui avait été adopté en
assemblée générale, certains avocats m'ont dit, à
la suite du bâtonnier: Mon cher Chapados, tu aurais dû t'opposer
formellement à ce que cette résolution soit discutée en
assemblée générale parce que, somme toute, il s'agissait
d'une question qui ne relevait pas comme telle d'une corporation à
vocation publique comme le Barreau; ceux qui me suggéraient ou qui me
dressaient la politique que j'aurais dû suivre étaient je
pense à un avocat en particulier un tenant évidemment de
la double vocation du Barreau. Tout ce que je dis, c'est que je reconnais
et j'en parlerai d'ailleurs tout à l'heure, cela ne fait aucun
doute quant à moi la nécessité absolue de
l'existence du Barreau, d'autre part, si j'admets que mon acte professionnel,
si j'admets que tous les problèmes d'éthique et le contrôle
de l'exercice de ma profession relèvent de ma corporation, en
contrepartie je dis: Que je sois payé à salaire, que je sois
payé sur base horaire, à la vacation, j'en passe, sur une base de
per capita, peu importe, c'est une question qui, d'après moi, ne
relève absolument pas de ma corporation.
Je dis que c'est une question qui relève de l'avocat qui doit
prendre sa décision seul à savoir s'il doit être
rémunéré à salaire, sur base horaire, ou à
l'acte, etc. J'extrapole et je dis que cette compétence du fait du
regroupement en association professionnelle appartient également aux
organismes formés pour prendre la défense des
intérêts socio-économiques des membres de la profession
légale. A ce moment-là, en ce qui a trait au bill 250, je pense
que le Barreau, en tant qu'organisme professionnel, en tant que corporation a
une foule de points à faire préciser, a une lutte à
livrer. Vous m'apprenez qu'il y a une campagne de publicité qui est
lancée, je dis vous me l'apprenez, je le savais de façon
officieuse sauf quant au montant mais tout ce que je veux dire c'est
qu'à ce moment-là, que nous ayons été
consultés ou non, cela importe peu parce qu'il s'agit d'un bill qui
concerne directement le rôle d'une corporation en tant que corporation
à vocation publique.
A ce moment-là, le Barreau se doit de livrer une lutte pour faire
reconnaître ou tenter de faire admettre certains droits ou certaines
libertés fondamentales ou certaines questions qui lui apparaissent
importantes quant à l'organisation et au fonctionnement
précisément des corporations.
M. CHOQUETTE: Vous me permettrez de dire au moins, M. Chapados, que je
trouve qu'on commence la lutte prématurément. Le Barreau n'est
même pas venu s'exprimer devant la commission parlementaire. H a
même demandé d'être mis à la fin, au pied du
rôle. Je trouve qu'il est complètement ridicule pour une
corporation professionnelle de dépenser l'argent de ses membres, alors
qu'on prélève $300 à chaque avocat, qu'il le veuille ou
non, mais c'est la cotisation que les avocats payent au Québec, au moins
à Montréal. Il est prématuré de commencer une
lutte, sur ce plan à ce moment-là.
M. HARDY: C'est pire que la CSN.
M. CHOQUETTE: Le Barreau aurait dû au moins se faire entendre,
exposer ses arguments. D'ailleurs, le gouvernement a indiqué son
intention de ne pas faire adopter ce projet de loi immédiatement mais de
continuer le débat jusqu'à l'automne. Je trouve que c'est de
l'argent mal dépensé.
M. CHAPADOS: M. le Président, suite à ce que vient de dire
l'honorable député d'Outremont, je tiens à préciser
une chose. Certains avocats prétendent- à tort ou à raison
que je me mêle souvent des affaires des autres.
Régulièrement, je fais le partage entre le rôle d'une
corporation et le rôle d'une organisation telle que la
Fédération des avocats. Je serais très mal venu ce matin
de juger ma corporation. Je ne la juge pas en dépit de la petite porte
ouverte.
M. CHOQUETTE: Maintenant, M. Chapados, il faudrait quand
même...
M. CHAPADOS: Je dirais même la petite trappe.
M. CHOQUETTE: Je ne vous invite pas à la juger non plus.
Malgré que je pense que toute la discussion soit hors d'ordre.
Actuellement nous sommes à examiner en somme, le statut éventuel
de votre fédération d'avocats. On ne peut pas dire que ce soit
particulièrement pertinent,
si ce n'est d'une façon indirecte avec le bill dans son ensemble.
Je ne veux pas vous empêcher de discuter cet aspect, loin de moi cette
pensée, mais si on allait au bill 10 même et que si vous nous
faisiez vos représentations au nom des 1,000 avocats que vous
représentez, cela éclairerait le législateur.
M. HARDY: Il faut dire que l'éloquence de Me Chapados nous fait
oublier qu'on est hors d'ordre.
M. CHAPADOS: M. le Président, suite à l'invitation
gentille de l'honorable député d'Outremont, je termine en fait,
je clos l'incident en ajoutant cependant ceci. Dans le projet de loi que nous
avons présenté, et Me Robert l'expliquera en temps et lieu,
certains articles parlent en termes exprès de la
Fédération des avocats du Québec. C'est à ce titre,
je ne veux pas rouvrir le débat, M. le ministre, que j'ai osé
aborder cette question. Somme toute, certaines clarifications s'imposaient.
D'ailleurs, vous-même, au début des séances d'étude
de cette commission, vous avez fait part du malaise et j'ai été
extrêmement sensible à cette je m'excuse de la
répétition sensibilité ministérielle. Alors,
ceci dit, je passe au mémoire.
M. le Président, quant au mémoire, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, nous passons à travers une
période trouble. L'honorable député d'Outremont peut en
attester. Nous avons parlé de notre désir de dialoguer,
basé sur la franchise. Ce matin, nous voulons tout simplement faire une
chose, soit de dire que, si une société reconnaît certaines
libertés fondamentales et certains droits de même nature, il
incombe à l'avocat et nous sommes un organisme
représentatif d'avocats d'en faire le rappel au gouvernement qui
incarne cette société, et ce quant aux moyens que le gouvernement
entend adopter pour la poursuite des objectifs qu'il s'est fixés. C'est
ce que nous ferons ce matin, d'une part en qualité d'organisme
représentatif des intérêts socio-économiques et
également, en qualité de corps intermédiaire qui vit dans
une société donnée et qui ne peut pas comme tel vivre en
vase clos et ignorer tout ce qui se passe autour de lui. Ceci dit, j'aimerais,
dans un premier temps, M. le Président, parler du mémoire du
Barreau.
J'aimerais dire en ce qui a trait, entre autres, aux
représentations qui ont été faites par le Barreau,
concernant la déontologie, l'acte professionnel, le contrôle de
l'acte etc., que nous appuyons inconditionnellement le Barreau. Je dirai que,
sur ce point, l'un des articles du texte de loi c'est un exemple que je
vais citer était non seulement incompatible avec la Loi du
Barreau mais incompatible avec la politique actuelle du gouvernement. Je parle
de l'article 69 h) où, d'après le bill 10, la commission peut
adopter des règlements, etc., pour déterminer, après
consultation du Barreau et de la Chambre des notaires du Québec, les
services juridiques qu'un étudiant en droit à l'emploi d'une
corporation d'aide juridique a le pouvoir de rendre.
Je dis, M. le Président, que par l'amendement qu'il propose, le
Barreau recommande en quelque sorte au gouvernement actuel, de respecter sa
politique générale. Quelle est cette politique
générale? Elle est extrêmement claire. C'est la politique
officielle du ministère de l'Education, de la direction
générale de l'enseignement supérieur. Et le mémoire
qui a été déposé devant la commission parlementaire
relatif au bill 250, par le Conseil supérieur des universités est
au même effet. Dès lors qu'il s'agit de stages pratiques
référant strictement à des diplômes universitaires,
au niveau du premier, du deuxième ou du troisième cycle, la
politique générale du gouvernement veut que ces stages pratiques
doivent relever des universités. En contrepartie, s'agit-il de stages
pratiques pouvant conduire, soit à une licence de pratique
exemple: interne en médecine ou à un certificat de
spécialisation exemple: les résidents? A ce
moment-là, la compétence doit être double, d'une part de
l'université puisque je parle de médecine, je rappelle que
les temps pleins géographiques sont payés et relèvent du
ministère de l'Education et d'autre part, également du
rôle prioritaire de la corporation, qui est le Collège des
médecins qui décerne un certificat de spécialité.
Alors, c'est un exemple que je donne. Je dis que, dans ses recommandations, en
ce qui a trait à l'incidence professionnelle, le Barreau est
extrêmement raisonnable. Il a notre appui inconditionnel.
Suite à l'exemple que je viens de citer, il ne fait que
recommander respectueusement au gouvernement de suivre sa propre politique, et
de ne pas adopter de dispositions dérogatoires à la politique
qu'il s'est lui-même fixée dans son ensemble.
Cela étant dit, je termine avec le mémoire du Barreau.
S'agit-il, maintenant je réfère au système
d'aide juridique, proposé par le bill 10 du libre choix de
l'avocat, par le client? La Fédération des avocats du
Québec a dit et redit, à la radio, à la
télévision et dans les journaux, qu'elle considérait qu'il
s'agissait là d'un droit fondamental dont l'exercice ne souffrait aucune
discrétion. Puisqu'on parle d'accessibilité en matière de
justice, que cela impliquait par le client le droit strict de choisir son
procureur, en ce faisant, non seulement elle a conscience de défendre
une cause juste, non seulement elle a conscience et elle a la certitude de
défendre des droits fondamentaux, mais elle défend la politique
qui est celle du gouvernement du Québec, depuis 1966, et ce,
indépendamment des partis au pouvoir, et ce, indépendamment des
premiers ministres en cause et indépendamment des ministres.
Je pense qu'il faut faire un bref historique. M. le Président, si
l'on se réfère et, je remonte au gouvernement Lesage, à
l'article 17 de la Loi de l'assistance médicale qui a été
défendu en
Chambre par l'honorable premier ministre lui-même et adopté
à l'unanimité. Il était très tard, je m'en
rappelle, nous lisons ceci à l'article 17: "Rien dans la présente
loi ne touche à l'exercice de la médecine ni ne limite la
liberté qu'a le malade de choisir son médecin ou celle qu'a le
médecin d'accepter ou non de soigner un malade".
Il s'agissait alors du gouvernement Lesage. Nous allons parler du
présent gouvernement, du gouvernement Bourassa et je
réfère les honorables membres de cette commission à
l'article 2 du bill 8 de la Loi de l'assurance-maladie, défendu en
Chambre par l'honorable Claude Castonguay, lequel article stipule ce qui suit:
"Rien, dans la présente loi, ne limite la liberté qu'a une
personne qui réside au Québec de choisir le professionnel de la
santé par lequel elle désire être traitée ou celle
qu'a un tel professionnel d'accepter ou non de traiter ou non une telle
personne"
Je soumets ici que l'on ne parle plus de médecins mais qu'on
parle de professionnels de la santé, c'est-à-dire
médecins, chirurgiens-dentistes, optométristes et je vous fais
grâce de toute l'énumération. Donc, une politique
confirmée par le gouvernement actuel, suite aux
précédents.
Puisque le présent bill a une double facette et qu'on discute de
deux problèmes, soit celui de l'accessibilité et celui des
services juridiques, il importe également de se référer
à un autre bill qui a été adopté par le
présent gouvernement, le bill 65, à l'article 6. Projet de loi
défendu par l'honorable Castonguay et entériné par le
conseil des ministres où on dit à l'article 6 ce qui suit: Sous
réserve de l'article 5. Quel est l'article 5? C'est: Les services de
santé doivent être accordés, etc. sans distinction ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
religion, la langue, etc.
Bon! Rien dans la présente loi ne limite la liberté qu'a
une personne qui réside au Québec de choisir le professionnel ou
l'établissement duquel elle désire recevoir des services de
santé ou des services sociaux, ni la liberté qu'a un
professionnel d'accepter ou non de traiter cette personne.
Ce rappel législatif, ce retour en arrière, s'imposait. Il
s'imposait parce qu'il prouve que la Fédération des avocats du
Québec défend en quelque sorte, par-delà les gouvernements
en cause, par-delà la couleur des partis, par-delà les
titulaires, une politique qui a fait l'objet d'un consensus au Québec
depuis près de dix ans.
En pratique, M. le Président, le bill qui est actuellement soumis
à l'étude fait peu de frais, je le dis en toute franchise,
à mon sens du libre choix. Il suffit de se référer
à l'article 69 e); c'est la commission qui adoptera des
règlements pour définir pour les fins de l'article 44,
c'est-à-dire dans le cas de motifs sérieux ou le paragraphe f),
dans le cas de l'article 47, les motifs qui permettront à un
bénéficiaire de référer à un avocat ou de
recourir aux services d'un avocat qui n'est pas à l'emploi d'une
corporation.
Donc, en vertu du projet de loi qui est devant l'Assemblée
nationale, ce n'est qu'à titre exceptionnel, pour des motifs
sérieux, en cas de personnel insuffisant, que le client pourra choisir
son avocat.
D'ailleurs, les articles 43 et 44 ont le même effet. Et, encore
là, j'ai été très généreux. Le libre
choix sera plus ou moins respecté puisque c'est le directeur de la
clinique qui référera le client en question à un avocat
quelconque. Le pire, et nous le soumettons en toute déférence,
est qu'à cause de cette disposition nous parlons de l'article 42
nous revenons, je m'excuse de l'expression si elle n'est pas
parlementaire, à l'âge de la bonne soupe. L'article 42 dit
d'ailleurs expressément: "Le directeur doit répartir
équitablement, etc., etc." Mais n'hésitons pas à affirmer
qu'il s'agit d'une disposition qui permettra à ce niveau de retourner
précisément à l'âge de la bonne soupe. D'ailleurs le
paragraphe 2 de l'article 42 est une précaution pour le
législateur.
Nous insistons, M. le Président et même si
l'honorable député d'Outremont sourie sur ce point. Je ne
parle pas de l'article 42, je ne parle pas de la bonne soupe, je parle du libre
choix.
M. HARDY: Une question à mon honorable confrère, à
l'honorable président à mon conventum. Est-ce que le
président de la fédération a l'impression actuellement,
dans le témoignage très éloquent qu'il rend, de
défendre l'intérêt économique des avocats ou le bien
de l'ensemble de la population?
M. CHAPADOS: Dans les positions que je prends, je dis d'une part que nos
positions, et nous l'admettons, ont des incidences économiques. Elles
ont des incidences économiques normales puisqu'elles impliquent des
modes de participation à un régime donné, puisqu'elles
impliquent des modes de rémunération à un régime
donné. Je ne vois pas pourquoi au même titre que n'importe
laquelle catégorie de citoyens, nous ne pourrions pas faire valoir notre
point de vue à ce sujet.
D'autre part, je dis également que la Fédération
des avocats du Québec est quand même un organisme qui existe et
qui vit dans un contexte et dans une société donnée. Elle
ne peut ignorer d'aucune façon cette société. Elle peut,
à titre de corps intermédiaire, faire des représentations.
D'ailleurs, j'y reviendrai. Je démontrerai tout à l'heure que le
libre choix est une question pour nous fondamentale et même au point de
vue de la société. Comme on le dit souvent ici, si cette loi est
faite pour l'économiquement défavorisé, pour le pauvre, je
pense qu'il faut y penser un peu. Je développerai tout à l'heure
ce thème en parlant d'un autre...
M. HARDY: Vous reconnaissez qu'actuellement vous défendez
à la fois l'intérêt économi-
que des avocats et le bien de la société? Vous n'avez pas
l'impression de tomber un peu dans ce que fait le Barreau, de vouloir
représenter les deux côtés?
M. CHAPADOS: Non. D'une part, je ne suis pas dans la position des
membres de l'Assemblée nationale lorsqu'ils se votent une augmentation
de salaire mais, d'autre part, il y a une chose quand même: On doit
envisager la situation telle qu'elle est. Lorsqu'on parle d'un système
d'aide juridique, ceci sous-entend, comme je l'ai mentionné tout
à l'heure, des modes de participation, des modes de
rémunération et j'en passe.
D'une part, nous défendons certains principes certaines
libertés ou certains droits qui nous apparaissent comme fondamentaux.
Nous admettons carrément que cela a évidemment une incidence ou
peut avoir une incidence d'ordre économique. Je n'ai aucune crainte de
l'affirmer. Mais, somme toute, indépendamment des montants en cause cela
répond, je crois, à la question de l'honorable
député de Terrebonne. En effet la politique du gouvernement
actuel est la suivante en matière de rémunération: Quel
que soit le mode de rémunération, il doit y avoir
équivalence, que ce soit à l'acte, que ce soit à la
vacation ou que ce soit au salariat.
Mais je dis tout de même que, compte tenu de cette politique
salariale du gouvernement, je dois pouvoir choisir le mode de
rémunération qui me plaît ou qui plaît à
l'ensemble des avocats. Et je soumets, en toute déférence, que je
peux, sur ce point, faire des représentations.
Tout ceci et là, je reviens au libre choix pour
dire que le projet de loi qui a été déposé semble
indiquer que certains conseillers du ministère de la Justice et
j'exclus le sous-ministre et le sous-ministre adjoint semblent...
M. HARDY: Est-ce que nous pourrions savoir pourquoi vous faites des
exceptions?
M. CHAPADOS: Je le dirai bientôt. C'est que le sous-ministre
actuel de la Justice, avant d'être sous-ministre, travaillait au
comité de législation. Et il a dû lui-même toucher
à plusieurs des lois que j'ai mentionnées. Le connaissant comme
je le connais, je pense qu'il n'agissait pas, à ce moment-là, en
personne désincarnée, mais que les stipulations que j'ai
citées trouvaient chez lui, quand même, une certaine concordance
au niveau des principes. C'est pourquoi je dis qu'à ce moment-là
il y a certainement des gens qui travaillent en vase clos. Parce que je ne
comprends pas comment il se fait que, de but en blanc et je parle de
lois d'exception et de ruptures par rapport au passé on
présente en matière de libre choix, un projet de loi qui est
contraire, encore une fois, à la politique générale du
gouvernement depuis près de dix ans, indépendamment des
régimes, des questions de politique, etc. Je ne le comprends pas. Et je
dis que tous les arguments que l'on invoque aujourd'hui me font, d'une certaine
façon, sourire. Je ferai certaines mises au point tout à l'heure.
Reportons-nous, par exemple, à tout le débat sur
l'assurance-maladie. Quel est le pourcentage de la population qui connaissait
un oto-rhino-laryngologiste, un néphrologue, un interniste, un
physiatre? Et j'en passe. On aurait pu, à ce moment-là, le
soulever.
M. HARDY: On connaissait les psychiatres.
M. CHAPADOS: Je dois souligner, M. le Président, qu'il y en a au
Parlement.
M. PAUL: Ce ne sont pas les plus brillants. Les gens du Barreau se
défoulent ce matin.
M. CHAPADOS: Je suis surpris que de telles questions ne se soient pas
posées à l'époque et qu'actuellement, de but en blanc, on
se les pose, y compris du côté du ministère de la Justice.
Contrairement, encore une fois, à cette politique générale
à laquelle je me suis référé tout à l'heure,
M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Je voulais simplement dire qu'on se les pose dans le
contexte de l'exposé fait par la personne qui vous a
précédé, M. Chapados. Elle a exposé une des
dimensions de la question. Elle l'a très bien exposée, à
mon avis. Cela ne veut pas dire que ce qu'elle nous a dit est la solution
à tous nos problèmes. Cela ne veut pas dire non plus que le libre
choix est la solution définitive à tout le problème
posé par le projet de loi. On ne peut pas se contenter de laisser ce
débat au niveau des principes. Il faut le ramener à la
réalité concrète, au niveau des services qu'il faut rendre
aux assistés sociaux en matière juridique. Je pense que c'est
cela, le contexte réel.
M. PAUL: Les services les plus urgents. M. CHOQUETTE: Les plus
urgents... M. PAUL: ... et les plus communs.
M. CHOQUETTE: Les plus urgents, les plus communs, les plus
nécessaires.
M. CHAPADOS: Mais, il y a quand même une chose qu'il est bon de
rappeler brièvement. Montréal n'est pas New York. Montréal
n'est pas Détroit et Montréal n'est pas davantage Los Angeles; et
je pense aux quartiers Watts qui sont de véritables ghettos. Quoi qu'on
en dise, à Montréal, dans tous les quartiers, y compris les
quartiers défavorisés, vous avez des avocats sur place; ce que
l'on ne retrouve pas dans les grandes villes américaines que je connais
très bien.
M. CHOQUETTE: M. Chapados, je vais vous
reprendre un peu sur cela. J'admets que notre population au
Québec est peut-être moins prolétarisée que
certaines parties de la population américaine.
Mais, si vous prenez une étude comme Opération
rénovation sociale qui date déjà de quelques
années, vous allez vous rendre compte qu'à Montréal 15
p.c. ou 20 p.c. de la population vit dans un état de pauvreté
très considérable, voisin de la misère. Or, je pense qu'il
faut quand même tenir compte de ce facteur social très important
à mon sens.
M. CHAPADOS: Oui, M. le Président, je soumets qu'il faut en tenir
compte. D'autre part, il faut également tenir compte d'une autre
réalité qui est la suivante: c'est que le régime
général de l'assurance-maladie qui reconnaît le libre choix
n'empêche pas, que ce soit aux cliniques d'urgence, que ce soit aux
cliniques externes, que ce soit à Pointe-Saint-Charles où
ailleurs, l'existence de certains établissements où des
médecins travaillent à salaire.
Une chose est claire, c'est que, quant au régime
général, le libre choix est reconnu, pour le
bénéficiaire, ce qui n'empêche pas, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, dans une foule de domaines, d'avoir
à un moment donné certaines situations de fait où vous
avez des professionnels à salaire qui dispensent des services compte
tenu des besoins de la population. Je fais carrément le parallèle
avec ce qui existe ailleurs pour démontrer jusqu'à quel point le
régime de Judicare, et le libre choix que nous demandons peut
très bien, s'il est reconnu dans la loi et carrément
exprimé, s'accomoder avec certains types de système, mais
à ce moment-là pas au niveau de la Loi de l'aide juridique, mais
au niveau d'une loi spéciale sur les services juridiques dont je
parlerai, d'ailleurs, tout à l'heure.
Autre chose que je voudrais dire, et je me réfère à
ce qu'a dit tout à l'heure Mme Côté-Harper, c'est qu'on se
réfère à l'expérience américaine,
très bien, mais encore une fois, on semble ignorer au Québec
qu'il y a un bill 65 et je dis que là encore il y a certains conseillers
qui travaillent en vase clos. Il y a un bill 65 qui a été
voté où on parle de centre local de services communautaires
où toute une kyrielle de services en partant des services de
santé, en passant par le travailleur social, en passant par le
psychologue y compris dans certains cas des bureaux déplacement, bref,
en passant par toute une kyrielle d'experts mais où des services de
différentes natures seront rendus par une équipe
multidisciplinaire. En contrepartie je dis que le bill 10 tend, dans 80 p.c.
des cas et c'est une de ses principales raisons d'être, c'est une
incidence sociologique à résoudre des problèmes que
l'on entend résoudre par une autre structure. Cela dit pour la
liberté de choix.
Et, M. le ministre, on dit souvent que Montréal n'est pas le
reste du Québec. J'aimerais vous référer à une
conférence que vous prononciez le 17 octobre 1971. Extrait du petit
livre bleu du ministère, à la page 8, devant l'Association des
avocats de province...
M. CHOQUETTE: Nos actes nous suivent!
M. CHAPADOS: ... vous disiez ceci: "En effet, si par le passé la
pratique de l'avocat de province, ou de l'avocat rural comme l'on disait
autrefois, pouvait être différente de celle de l'avocat des
grandes villes, de Montréal en particulier, il me semble qu'aujourd'hui,
malgré certaines distinctions qu'il faut faire, la pratique de la
profession comme les problèmes posés aux avocats tendent à
être identiques". Vous citez même des exemples: "Le droit rural
n'occupe que peu ou pas de place dans vos activités." Et là, vous
dites ceci qui est extrêmement important, quant à moi.
"Aujourd'hui, du moins au Québec, il n'est pas faux de dire que la
grande ville ne constitue plus le coeur de notre société mais que
Montréal et la province sont plus semblables que différents et
que les problèmes économiques, sociaux et juridiques y sont les
mêmes". C'était une excellente conférence.
M. LACROIX: Pour une fois qu'un avocat a parlé pour dire quelque
chose!
M. CHAPADOS: J'aimerais passer maintenant à un autre
problème qui d'ailleurs a déjà été
évoqué devant cette commission parlementaire et c'est le fameux
problème de l'autonomie. Je parle de l'autonomie au niveau structurel,
c'est-à-dire au niveau de la commission et je parlerai également
au niveau institutionnel, c'est-à-dire au niveau du réseau de
cliniques que l'on entend créer. Au niveau structurel, s'il est un
domaine préservé et interdit, c'est celui de la justice. Je n'ai
pas l'intention de lancer des accusations envers qui que ce soit mais si on
fait un retour dans l'histoire, on s'aperçoit au tout début
et je me réfère à saint Louis sous son chêne
que la justice était l'apanage du pouvoir politique et que c'est
l'une des conquêtes de la démocratie d'avoir obtenu la
séparation d'une part du législatif, de l'exécutif et du
judiciaire. Ceci étant dit, je me réfère de même
à l'histoire pour vous dire qu'il s'agit d'une concession que le pouvoir
politique indépendamment du régime dans certains cas, et je me
réfère pas à vous, M. le ministre, a toujours
semblé regretter. Si par exemple on se réfère à ce
qui a pu se passer en France à une certaine époque qui n'est pas
très lointaine, on s'aperçoit que le pouvoir politique, dans
certains cas et dans certains pays, hésite peu à créer des
juridictions d'exception pour résoudre des problèmes
particuliers.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que l'on me permettrait de
poser une question à monsieur le président de la
fédération? Ce que vous venez de dire est un rappel historique
très valable. Vous venez en fait d'élaborer les grands
principes de Montesquieu. La question que je me pose et que vous devriez
peut-être vous poser en tant qu'avocat, c'est que les
événements que l'on connaît présentement nous
laissent croire que, dans l'esprit de bien des gens et des gens qui normalement
devraient être très bien informés, je pense entre autres
à des universitaires, des politicologues, des sociologues, des
éditorialistes, je pense même à certains hommes politiques
d'autres juridictions, si j'en crois les journaux de ce matin, est-ce que vous
n'avez pas l'impression que cette séparation des pouvoirs, à
l'heure présente, ne semble pas apparaître très clairement
dans le cerveau ou dans l'opinion de bien des hommes? Je pense que votre sortie
arrive à point dans le contexte que l'on connaît et pendant que
vous êtes sur ce sujet-là, est-ce que vous auriez des suggestions
à faire, même si c'est peut-être un peu hors d'ordre, pour
que l'on puisse faire connaître à ces gens qui font la confusion,
soit par ignorance, soit en poursuivant des buts plus ou moins louables, des
gens qui s'efforcent actuellement de confondre le pouvoir judiciaire avec le
pouvoir politique?
M. CHAPADOS: Vous me demandez en d'autres mots, et là je me
réfère à l'honorable député de Terrebonne,
une expression d'opinion.
M. HARDY: C'est ce que vous faites actuellement d'ailleurs.
M. CHAPADOS: Alors je vais y aller d'un autre obiter dictum. Je vous
soulignerai que, comme d'habitude, vous êtes à l'avant-garde mais
que la question que vous posez réfère au niveau institutionnel
davantage qu'au niveau structurel. Indépendamment de ceci, je vois mal
dans une période de crise, de convulsion ou de malaise comme celle que
nous traversons, d'une part un sous-ministre de la Justice avoir à
prendre des mesures extrêmes pour sauvegarder l'ordre public et dans la
même veine se retrouver trois jours après comme membre d'office
d'une commission dont les activités sont susceptibles et c'est
inévitable que ce soit la pratique à l'acte ou que ce soit au
niveau des cliniques d'aller indirectement, en contestant par exemple
les accusations, à l'encontre de décisions qu'il doit prendre et
suggérer au ministre de prendre.
M. CHOQUETTE: Me Chapados, je me permets de vous interrompre. Sur le
fond du problème, je suis d'accord avec vous. Je l'ai déjà
dit en d'autres circonstances. Il s'agit en somme d'étudier une solution
qui laissera toute la latitude voulue à la commission des services
juridiques de pouvoir exercer ou faire exercer son droit de défendre des
personnes économiquement défavorisées qui sont devant les
tribunaux, sans intervention de la partie poursuivante, du gouvernement. Alors,
je puis vous assurer que ce que vous dites ne tombe pas à pic. Nous
sommes très sensibles au problème. Nous recherchons une solution
pour clarifier cette confusion, cette ambiguïté qui peut exister
dans la rédaction actuelle du projet de loi.
M. CHAPADOS: M. le Président, je tiens à souligner
à l'honorable ministre de la Justice, par votre entremise, que je suis
enchanté de sa réponse. J'en attendais une semblable quant au
libre choix.
M. CHOQUETTE: En délibéré.
M. CHAPADOS: Et sur ce point, je conclus immédiatement le
débat en rappelant, j'espère qu'on l'aura compris, que les
remarques que je faisais se situaient au niveau structurel. J'entends
dégager entièrement la personnalité ou la personne,
titulaire actuel du poste de sous-ministre.
Maintenant, on ne peut pas non plus ignorer le niveau institutionnel.
Somme toute, par le bill 10, qu'est-ce qui est suggéré? C'est
l'établissement d'un réseau de cliniques où des avocats
travailleront à salaire, subventionnés par l'Etat. On parle
souvent de l'expérience américaine. J'en parlerai d'ailleurs tout
à l'heure pour faire certaines mises au point. On peut dire aussi que
des études ont été faites aux Etats-Unis. Il n'y a pas
seulement M. Taman, à Washington qui étudie ce problème.
Le professeur Jerome Carlin du Center for the Study of the Law and Society de
l'université de Californie qui, après étude des
activités de l'OIO, a dégagé des constatations. Ceci
s'applique tant au régime de cliniques qu'au régime de bureaux
d'assistance judiciaire, puisque l'OIO finance les deux types de structure.
D'une part, on constate que, par la force des choses, il s'agit d'organismes
là je ne crie pas au socialisme, mais celui qui paie, par le
biais de directives ou de critères, peu importe, contrôle et le
contraire serait étonnant qui nécessairement fonctionnent
étroitement avec certains "establishments" locaux, qu'il s'agisse du
niveau municipal ou du niveau de l'Etat.
Ce qui fait que, dans certains Etats racistes, il n'est pas question que
certains bureaux d'assistance judiciaire ou certaines cliniques prennent en
main des causes d'intégration. Evidemment, on parle des causes de
consommateurs et j'en suis à 100 p.c. Ce qu'il importe de souligner,
c'est que, dès que dans un tel réseau un problème grave se
pose, qu'une société est en crise pour des problèmes
autres que celui de la consommation, il est quand même étonnant de
voir un tel système se montrer moins empressé à
défendre ce que j'appelle pourtant des libertés et des droits
fondamentaux. Une deuxième constatation s'appliquait, je fais la
distinction, surtout au bureau d'assistance judiciaire.
On a également constaté qu'à plusieurs niveaux il
existait une harmonie parfaite entre les autorités judiciaires, les
autorités policières
et les avocats chargés de défendre les
intérêts des économiquement défavorisés. On
établit qu'il existe, un moment donné, une certaine
promiscuité. Prenons, par exemple, le cas de Montréal où
vous avez plusieurs avocats qui ont leur bureau au siège même de
la cour Municipale. On arrive à la constatation suivante: cette
harmonie-là ne concorde pas toujours avec la défense des
intérêts réels des gens qui sont défendus.
M. CHOQUETTE: Me Chapados, ces conclusions, où le professeur
Carlin les a-t-il exposées?
M. CHAPADOS: Je les ai dans un livre de poche et je suis censé
les avoir d'ici trois ou quatre jours.
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous pourriez me faire parvenir cela?
M. CHAPADOS: Je vous les ferai parvenir.
M. HARDY: Est-ce que vous pourriez en déposer une copie au
secrétariat des commissions?
M. CHAPADOS: Je vais en déposer partout, si c'est
nécessaire.
La Fédération des avocats sème à tout
vent.
Je dirai enfin, M. le Président et ceci est important
qu'il se dégage de tout cet ensemble, de tout ce beau
système, une note de bonne conscience et de paternalisme. On souligne
son caractère de "welfare orientation". Dans ce contexte de bonne
conscience, dans ce contexte du droit du pauvre, je dis qu'il s'agit d'une
justice, à ce moment-là, qui est conçue par la
société à titre de privilèges que consentent les
bien-pensants à ceux qu'on appelle les économiquement
défavorisés. En contrepartie, nous disons que, lorsque
l'accessibilité se conçoit en termes de droit et qu'elle est
traitée comme telle au niveau d'un régime qui reconnaît le
libre choix, à ce moment-là, si l'on parle de justice, on ne peut
plus en parler en termes de privilèges, mais en termes de droits
fondamentaux.
D'ailleurs, on dit souvent, M. le Président, que la
société américaine connaît des crises
particulières. L'incident Wallace en est une dernière
manifestation.
Alors, M. le Président, tout ceci pour dire que si on a reconnu
le libre choix dans le système et si on a consacré au niveau
institutionnel ce principe d'autonomie que je défends dans un
régime tel que l'assurance-maladie, on doit le faire a fortiori dans un
régime tel que l'assistance juridique puisque le médecin, lui, ne
conteste pas l'Etat, l'avocat le fait. Le médecin ne conteste pas un
gouvernement, l'avocat le fait. Un médecin ne conteste pas le pouvoir
public, l'avocat le fait.
M. le Président, nous sommes prêts à rencon- trer
l'honorable ministre de la Justice à propos d'un incident qui a l'heur
de nous rappeler qu'au Québec nous ne sommes pas exempts des tares que
l'on reconnaît dans d'autres sociétés. Suite à ce
que l'on a convenu d'appeler la crise d'octobre, un membre du conseil
d'administration du Bureau de l'assistance judiciaire de Montréal a
été informé par plusieurs avocats que les personnes
arrêtées, en vertu de la Loi des mesures de guerre, étaient
considérées dans une catégorie à part, par rapport
aux accusés de droit commun.
Il a vérifié ces faits et, lors d'une réunion du
conseil d'administration du Bureau d'assistance judiciaire, il a demandé
un débat sur toute cette question, débat qui a été
refusé et s'en est suivie sa démission. Nous sommes prêts,
M. le Président, à rencontrer l'honorable ministre de la Justice
pour lui remettre toute information pertinente à ce sujet.
Et ce que je veux dire ici, ce n'est pas accuser le gouvernement
d'être intervenu à tort et à travers mais je veux souligner
un point: nous retrouvons précisément ici même au
Québec certaines constantes par rapport à ce qui se fait ailleurs
et nous avons, et l'exemple est patent, un système qui, fonctionnant
nécessairement en termes assez étroits avec ce qu'on peut
appeler, soit un "establishment" ou des autorités, peu importe, il
arrive donc que, devant une situation de crise donnée, la
réaction d'une telle institution ne soit pas conforme à
l'intransigeance ou à la politique de fermeté qu'elle devrait,
à ce moment-là, apporter.
M. CHOQUETTE: Me Chapados, si vous permettez, j'avais eu le plaisir de
rendre visite au Bureau d'assistance judiciaire de Montréal, je pense au
mois de juin l'année dernière et un journaliste m'avait
demandé si l'aide juridique ou l'assistance judiciaire, comme on le
disait dans ce temps-là, dispensée par le Bureau d'assistance
judiciaire de Montréal, était accessible aux personnes qui
avaient été arrêtées ou qui subissaient des
procès à la suite des événements d'octobre 1970.
J'ai affirmé catégoriquement qu'ils avaient exactement les
mêmes droits que les autres citoyens.
Le problème que vous avez soulevé ne peut sûrement
surgir ni de ma conduite, ni de celle de mon ministère. Je voulais
rétablir ce fait pour indiquer que, même dans une période
de crise, nous étions quand même capables de reconnaître les
droits fondamentaux des personnes. Mais si vous voulez me donner des
renseignements sur l'incident auquel vous avez fait allusion, je serai heureux
d'en prendre connaissance.
M. CHAPADOS: Autre point, M. le Président, que je voudrais
celui-ci est également très important soumettre à
l'attention des membres de cette commission, c'est, et là nous tombons
en plein droit d'association, droit de représentation et le droit de
négociation qui en
découle et je me réfère ici à l'article 69
n) du projet de loi.
L'article 69 n) où l'on dit que la commission peut établir
des règlements: Four les fins de la présente loi, après
consultation des organismes habilités à représenter les
avocats ou selon le cas, les notaires, un tarif des honoraires des avocats ou
des notaires. Donc, la commission serait habilitée à
établir un tarif après consultation des organismes
représentatifs.
Nous trouvons encore une fois, et nous devons le dire, qu'il s'agit
d'une disposition qui est entièrement dérogatoire à ce que
tout gouvernement québécois a fait depuis près de dix ans,
à tout point de vue.
Ici, nous disons, et nous le soulignons en rapport avec le bill 10,
qu'il s'agit à cet égard d'une loi d'exception et d'une loi de
rupture. Si l'on se réfère à l'historique, à ce qui
s'est fait dans ce domaine, qu'est-ce que nous y voyons? Je vous
référerais, M. le Président, à l'article 6 de la
Loi de l'assistance médicale, où on dit ceci: "Il est loisible au
ministre de conclure avec les organismes représentatifs de la profession
médicale aux conditions fixées par le lieutenant-gouverneur en
conseil une entente permettant aux assistés sociaux de recevoir
gratuitement les soins médicaux et chirurgicaux dont ils ont besoin.
"Pour les fins de cette entente conclue avant le 1er avril 1966, les organismes
représentatifs de la profession médicale sont, pour la
durée de cette entente, quant aux omnipraticiens, la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
et, quant aux spécialistes, la Fédération des
médecins spécialistes du Québec".
Je souligne ici deux choses, d'une part, le fait que cet article
établit clairement qu'en matière de tarif ce sont des
négociations et, d'autre part, qu'il y a reconnaissance légale
des organismes représentatifs, reconnaissance légale qui, dans le
bill 8, a été remplacée par la reconnaissance du ministre.
Ceci pour l'assistance médicale sous le gouvernement Lesage.
Nous allons nous retrouver sous le gouvernement de l'Union nationale
avec M. Cloutier. Je réfère les membres de cette commission, M.
le Président, à l'article 2 de la Loi de la régie de
l'assurance-maladie du Québec où il est dit ceci: "La
régie a pour fonction d'élaborer et de mettre en place, avant le
1er juillet 1970, de concert avec le ministre de la Santé et le ministre
du Revenu, et sous l'autorité du lieutenant-gouverneur en conseil, les
mécanismes administratifs requis pour l'instauration au Québec
d'un régime d'assurance-maladie qui sera universel quant aux
assurés et public quant à son application et son financement. Ces
mécanismes comprennent les dispositions de toute entente
générale intervenue pour les fins de ce régime entre le
ministre de la Santé, la Fédération des médecins
spécialistes du Québec et la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, entente déterminant
notamment les modes de participation à ce régime des membres de
la profession médicale, les conditions de l'exercice de leur profession
et les normes relatives à leur rénumération aux fins de ce
régime."
Et ici, je dois dire que j'étais présent en Chambre lors
de l'adoption de ce projet de loi, je m'en rappelle très bien,
c'était l'honorable Lesage qui était le chef de l'Opposition et,
encore une fois, cette loi-là, on peut se référer en
Chambre, est passée en troisième lecture à
l'unanimité.
Ceci étant dit, je vous réfère également
à l'article 15 du bill 8, disposition légale qui a
été votée par le présent gouvernement. L'article 15
dit ceci: "Le ministre de la Santé peut, avec l'approbation du
lieutenant -gouverneur en conseil, conclure avec les organismes
représentatifs de toutes catégories de professionnels de la
santé toute entente aux fins de l'application de la présente loi,
une telle entente lie la régie." Je souligne, d'une part, la
négociation, d'autre part, la reconnaissance d'organismes
représentatifs et, troisièmement, le fait que les
négociations interviennent non pas avec Pierre, Jean, Jacques, mais avec
l'autorité suprême du ministère, le ministre.
On dit à l'article 17, et c'est la continuation de l'article 15:
"Une entente oblige tous les professionnels de la santé qui sont membres
de l'organisme qui l'a conclue ainsi que tous ceux dont le champ
d'activité professionnelle est le même que celui de ses membres et
qui sont visés par l'entente". Il s'agit justement peut-être de
l'aspect réglementaire que soulignait tout à l'heure l'honorable
Tetley.
Tout ce que je veux dire, c'est qu'encore ici nous sommes devant une
situation d'exception. Je n'hésite pas à dire qu'à cet
égard le bill 10 est une loi de rupture par rapport à ce qui
s'est fait dans le passé au Québec en semblable matière.
Ce qui vient compliquer la situation, M. le Président, et là je
me réfère au bill 10, à l'article 70, c'est que non
seulement les tarifs sont établis par la commission, après
consultation nous venons de dire notre opinion à ce
sujet-là on procède par décret. Habituellement, les
gouvernements invoquent les décrets quand cela va mal. On dit: Ecoutez,
si cela ne fonctionne pas, on va vous flanquer un décret. Et parfois,
que voulez-vous que j'y fasse, c'est nécessaire. Mais tout ce que je
veux dire, c'est que le gouvernement n'agit de cette façon qu'en
situation de crise, que l'on se réfère au bill 25, que l'on se
réfère aux incidents ou aux problèmes de la construction
ou que l'on se réfère à la crise actuelle.
M. HARDY: Vous ne voulez pas que l'on présume que cela va aller
mal avec vous.
M. CHAPADOS: Non, nous voulons avoir de véritables
négociations et non pas de simili-négociations parce que
l'article 70 dit ceci: "La commission doit tenir compte, pour établir un
tarif en vertu du paragraphe n) de l'article 69, des critères
suivants:
a) Les honoraires professionnels d'un notaire ne peuvent excéder
60 p.c. de ceux prévus à tout tarif en vertu de la Loi du
notariat; b) Les honoraires judiciaires d'un avocat, dans une cause civile, ne
peuvent excéder 60 p.c. de ceux prévus à tout tarif
adopté en vertu de la Loi du Barreau et enfin; c) Les honoraires
extrajudiciaires d'un avocat, dans une cause civile, ainsi que ses honoraires
professionnels, dans une poursuite pénale ou criminelle, ne peuvent
excéder 60 p.c. et là je souligne, parce que moi je serais
bien mal placé pour me prononcer de la moyenne des honoraires
professionnels habituels, compte tenu de la nature de la poursuite".
Tout ce que je veux souligner, c'est que le gouvernement, dans cette
loi, ne veut pas négocier. D indique qu'il entend consulter, par le
biais de la commission, ce qui est inacceptable. Mais même là, il
fixe des plafonds et il procède, comme je l'ai mentionné, par
voie de décret. C'est donc une négociation, une consultation qui
n'en n'est pas une et, à l'avance, les jeux sont faits. Et encore ici,
je me dois de dire qu'il s'agit d'une disposition totalement inacceptable.
Avant de conclure, M. le Président, j'aimerais crever certains
mythes parce que j'en ai entendu depuis le début des séances de
cette commission. J'ai assisté comme vous tous à toutes les
séances. J'aimerais assister au délibéré.
Tout d'abord le problème de la spécialisation. Cela me
fait sourire parce que depuis trois ou quatre ans aux Etats-Unis, puisqu'on se
réfère incessamment à l'expérience
américaine, la spécialisation est chose du passé. Et
actuellement on parle en termes, au niveau professionnel, de polyvalence ou au
niveau d'équipes, de multidisciplinarité. De but en blanc, on
nous arrive et on nous dit: Ecoutez, la loi du pauvre, le droit du pauvre,
c'est extrêmement compliqué. Moi aussi je voudrais vous
référer, comme l'a fait ma consoeur tout à l'heure, pour
en tirer des conclusions différentes, à l'annexe A du
mémoire 2-M déposé par M. Jean-T. Loranger, où l'on
voit que, depuis son établissement, depuis son origine, les cas qui ont
été réglés par le bureau d'assistance judiciaire
directement ou par le biais de référés à des
confrères, s'établissent comme suit: Matrimoniaux, 41.4 p.c;
économiques, 29 p.c; autres: 11.8 p.c. et criminels: 17.8 p.c. Ce qui
veut dire que si l'on exclut l'économique, ce qui semble être le
pilier de ce droit nouveau, la complexité de ces lois du consommateur,
etc., on arrive à un pourcentage de 71 p.c. Quant à
l'année 1971-1972, les cas matrimoniaux: 34.7 p.c; économiques:
27.3 p.c.; autres cas: 8.3 p.c. et enfin criminels: 29.5 p.c., ce qui fait si
l'on exclut les causes d'ordre économique, on obtient un total de 72.5
p.c.
Bien, je vous soumets, M. le Président, en toute
déférence, qu'il s'agit là de la pratique normale de
n'importe quel avocat qui a son bureau à Montréal, sauf le cas de
certaines grandes études juridiques.
Deuxièmement, toujours dans la même annexe A, on dit que
les problèmes économiques sont extrêmement
compliqués. Quand on parle de référés, en 1972:
5,467 cas ont été référés; matrimoniaux:
4,270; économiques: 1,013; autres: 159 et criminels: 24. Ceci veut dire,
d'une part, qu'actuellement le bureau d'assistance judiciaire se
réfère précisément aux praticiens privés
pour démêler ces causes économiques qui semblent d'une
complexité incroyable, puis ce tableau démontre également
que là où on rencontre le moins de causes
référées c'est au niveau criminel ou autre. Alors, je
pense qu'il faut mettre chaque chose à sa place. Quant à moi,
j'aimerais poser une question ici: Est-ce également au nom de la
spécialisation que le gouvernement propose l'article 69 h) qui dit tout
simplement que la commission peut établir pour les fins de la
présente loi, après consultation des organismes habilités
à se présenter les avocats ou, selon les cas, les notaires...
C'est l'article 69 n). Je suis obsédé par les questions
économiques, M. le ministre. Mais l'article 69 h) : "La commission peut
déterminer, après consultation du Barreau et de la Chambre des
notaires du Québec, les services juridiques qu'un étudiant en
droit à l'emploi d'une corporation d'aide juridique a le pouvoir de
rendre." Est-ce également au nom de la spécialisation? Je pose la
question et je pense qu'elle doit être posée parce que, de toute
façon, dans l'état actuel des choses, on sait très bien
que le Barreau a légiféré en la matière pour
établir ce que peuvent faire ou ne peuvent pas faire les stagiaires.
D'autre part, étant donné les arguments qui ont été
mis de l'avant, la complexité des problèmes, la
spécialisation absolument nécessaire, je suis pour le moins
surpris de rencontrer cette disposition. D'autant plus et je ne veux
faire ici un procès d'intentions à personne que j'ai
vécu dans d'autres domaines et que ce fut publié dans les
journaux lors de la dernière négociation des médecins
résidents, le problème de ce que les résidents appelaient
le "cheap labor".
M. CHOQUETTE: II n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à ce
point-là, M. Chapados.
M. CHAPADOS: M. 1e Président...
M. CHOQUETTE: C'est que la plupart des cliniques, ou enfin beaucoup de
cliniques, se sont développées en collaboration avec les
facultés de droit et les universités. C'est un fait reconnu et
beaucoup d'étudiants, à l'instigation de leurs professeurs, ont
manifesté de l'intérêt à travailler dans ces
cliniques pour rendre une part des services juridiques. Il ne faudrait quand
même pas caricaturer la situation. Je trouve qu'il est normal et
souhaitable que les universités et les facultés de droit
s'intéressent au développement de ces cliniques,y collaborent,
y
participent. Et cela me paraît être bénéfique
pour la formation des jeunes qui ont acquis au moins une certaine formation en
droit, mais,en plus cela me paraît favoriser l'accès à
certains services juridiques qui, autrement, ne seraient pas accessibles,
à l'heure actuelle.
M. CHAPADOS: Vous admettrez quand même, M. le Président,
qu'il serait très inquiétant de voir dans une loi, telle la Loi
de la régie d'assurance-maladie, des pouvoirs octroyés à
la régie, lui permettant d'établir les services médicaux
qu'un étudiant en médecine peut octroyer. Et le parallèle,
je le fais.
M. CHOQUETTE: M. Chapados, vous soulevez un point intéressant
sans aucun doute. On me dit que le Barreau a, jusqu'à un certain point,
fermé les yeux sur certains services juridiques rendus par des
étudiants dans certaines cliniques. Le Barreau, en somme, a
trouvé que sa réglementation était trop stricte et en est
venu à une attitude de tolérance. Je n'affirme pas cela comme un
fait mais comme une chose qui m'a été dite.
M. CHAPADOS: Alors, il s'agit de oui-dire. De toute façon, M. le
Président...
M. HARDY: Les règles de la preuve devant la commission ne sont
pas tout à fait aussi strictes que devant les tribunaux.
M. CHAPADOS: C'est cela. Mais quand même, ceci m'apparaît
comme un problème, comme une indication importante du type de service
que l'on est prêt, dans certains cas, à donner à même
la main-d'oeuvre universitaire.
M. CHOQUETTE: N'utilisez le mot main-d'oeuvre parce que là, vous
n'y êtes pas. Ce n'est pas une question de main-d'oeuvre et d'avoir du
"cheap labor" même si de jeunes étudiants faisaient des interviews
dans des cliniques pour vérifier les problèmes de ceux qui
peuvent s'y présenter, justement pour identifier la nature des
problèmes et peut-être après cela les diriger ailleurs
à des avocats chevronnés ou plus compétents, cela ne me
semble pas être une grande atteinte aux prérogatives de la
profession.
M. HARDY: Votre vocabulaire devient prolétarien.
M. CHAPADOS: M. le Président, je clos cet incident. De toute
façon, je tiens à dire M. le Président, je
réfère l'honorable ministre à ce que j'ai dit au
début que le dialogue que nous entendons établir est
basé sur la franchise. Nous ne voulons pas être gênants mais
quand même nous vous disons carrément et franchement et sans
détour ce que nous pensons de cette disposition. Quant à nous,
nous pensons qu'il s'agit non seulement de services, je ne dirai pas que
vous avez fait allusion, M. le ministre, au "cheap labor" c'est moi qui l'ai
fait au début mais que c'est également une disposition qui
nous force à nous poser des points d'interrogation à une
époque ou n'importe qui peut s'improviser avocat, que ce soit avocat
populaire ou autrement.
J'ai quand même l'impression de faire partie d'une profession
je ne dis pas dans le sens péjoratif du terme, non mais je
continue à penser, quant à moi, et c'est ce que pense la
fédération, que l'avocat a un rôle essentiel à jouer
dans un système tel que le nôtre et que ce rôle ne
s'improvise pas. C'est pourquoi nous vous disons franchement de quelle
façon nous, nous avons interprété cette
disposition-là, et, malgré vos remarques, M. le ministre, je vais
vous parler comme à un juge, je vous le soumets en toute
déférence, nous maintenons sur ce point-là nos positions.
Ceci dit, je passe à un autre point, qui est le monde universitaire.
Je ne veux pas non plus faire le procès du monde universitaire.
C'est un monde que je connais cependant très bien. M. le
Président, je dois souligner à tous les honorables membres de
cette commission que la fonction première d'un enseignant est
d'enseigner et deuxièmement, puisqu'on est au niveau universitaire, de
faire de la recherche.
M. HARDY: C'est excellent de rappeler ça de nos jours.
M. CHAPADOS: Or, je regrette d'avoir à le dire, un universitaire
a comparu devant la commission pour faire valoir son point de vue.
Deuxièmement c'est un problème qui intéresse
l'ensemble du monde universitaire je prends le soin de noter, toutes les
analyses ou les cas qui vous ont été soumis se
réfèrent à des études qui sont faites
extérieurement au Québec, soit par des chercheurs
américains, peu importe. Ce sont des études faites à
Washington, à New York, un peu partout, en Californie. Je l'ai
moi-même invoqué...
M. CHOQUETTE: Vous admettez quand même qu'on vit en
Amérique du Nord, M. Chapados.
M. CHAPADOS: Oui, j'admets cela. J'admets également qu'un autre
ministère, le ministère de l'Education actuellement, se penche
particulièrement, de façon précise, sur le problème
de la recherche. Force nous est de constater que les études de recherche
ne sortent pas en catalogue à la fin de chaque année dans nos
universités. Le simple fait que, de toute la documentation que l'on ait
déposée devant vous, il n'y ait pas eu une seule étude
poussée par un professeur de faculté de droit de
l'Université du Québec, par des sociologues, par des
économistes, quant à moi, ça m'oblige à me poser
des questions.
Je dis tout simplement: Messieurs, vous devriez commencer, 1) ce que
vous faites par enseigner et 2) de vous acquitter de vos devoirs de recherche.
Et j'ajoute, ce que vous ne faites pas, du moins dans le présent
cas.
M. HARDY: Plutôt que de "parlotter".
M. CHAPADOS: C'est une autre mise au point dans le présent
cas.
M. CHOQUETTE: Là, M. Chapados, il y a une grande
ambiguïté dans vos propos parce qu'on ne sait pas si vous vous
référez à quelqu'un en particulier qui a comparu devant
cette commission ou si vous vous référez, en somme, au
problème de la relation entre des corps professionnels,
l'université et le gouvernement, l'entreprise privée et tout
ça.
M. BACON: C'est tout le problème au Québec, je pense.
M. CHOQUETTE: Je pense que l'université a, dans un certain sens,
avantage à devenir plus pratique, non seulement théorique et que,
d'un autre côté, les gens qui sont dans la vie, en somme,
ordinaires, ou enfin qui y exercent des professions, ont aussi
intérêt à être branchés un peu sur les
universités.
M. CHAPADOS: M. le Président, est-ce que je peux répondre
à la mise au point, aux commentaires de l'honorable député
d'Outremont? Je ne vise aucune des personnes qui sont ici parce que, pour ma
part, j'ai le plus grand respect et la plus grande admiration, comme tous les
membres de cette commission, pour notre consoeur, Mme Côté-Harper.
Mais je dis quand même, je suis surpris que, hormis cette exception
unique que j'ai le privilège d'avoir à mes côtés, il
n'y a eu aucune étude poussée faite par des chercheurs
québécois précisément sur ce problème. Et
là, je ne remets aucunement en cause la structure universitaire, les
relations université-gouvernement. Je fais un constat et je dis qu'en la
matière il y aurait peut-être intérêt à ce que
nos universités qui se préoccupent de ce problème
commencent par le faire de façon théorique. Par des façons
théoriques, j'entends faire des enquêtes, faire des études
parce qu'actuellement je dois constater que Mme Côté-Harper est
l'exception qui confirme la règle. A moins de faire erreur, j'ai
passé les différents mémoires qui ont été
déposés...
M. CHOQUETTE: M. Chapados, enfin, on peut tirer la conclusion que vous
voudrez de cet état de choses, mais je veux dire que nous, au
Québec, nous sommes tributaires de la recherche en général
qui se passe en Amérique du Nord. Nous sommes un groupe très
petit par rapport à l'ensemble total. Alors, dans tous les domaines de
la science nous sommes tributaires de ce qui... Je ne dis pas qu'il n'y a pas
intérêt à ce que de la recherche se fasse, c'est
sûr.
M. HARDY: M. le Président, je ne suis pas ici pour
défendre M. Chapados, mais je pense qu'il vient de toucher... Ce que le
ministre de la Justice vient de dire est exact.
Il est vrai que Québec fait partie d'un tout, il n'est pas
question de s'isoler dans un ghetto. C'est peut-être par incidence qu'on
doit traiter ce problème ici, mais c'est un fait et même des
grands universitaires me l'ont confirmé eux-mêmes. En particulier
les jeunes universitaires sont beaucoup plus préoccupés
actuellement à faire de la pseudo-action que de faire de la
véritable recherche sur le terrain. Et c'est une résultante,
cela. On est devant un problème actuellement où, bien sûr,
on peut s'inspirer de la recherche faite en Europe, en Amérique du Nord,
aux Etats-Unis. Il faudrait absolument qu'il y ait des recherches en profondeur
de faites ici au Québec, sur le terrain, non seulement dans ce domaine
mais dans une foule d'autres domaines.
Malheureusement, l'on doit constater et encore une fois je me
réfère surtout à la jeune génération
d'universitaires que les jeunes universitaires sont plus
préoccupés à écrire des articles plutôt
superficiels dans les journaux que de faire de la recherche en profondeur,
faire des recherches qui prennent un an, deux ans, trois ans, mais qui sont des
recherches en profondeur. On aime mieux écrire des articles à
l'occasion de différentes crises dans les journaux pour voir son nom un
peu partout.
C'est cela, le problème qui est abordé par M. Chapados et
j'y souscris entièrement.
M.PAUL: En résumé, vous reprochez au monde universitaire
de vouloir trop intellectualiser les problèmes?
M.HARDY: Non, de se tenir trop à un niveau superficiel et de ne
pas suffisamment faire des recherches en profondeur, de vouloir trop
écrire des articles...
M. BACON: C'est le problème de la recherche au Québec.
M.HARDY: Les universitaires sont trop portés actuellement
à écrire des articles à la petite semaine et des petits
bouquins à la petite semaine plutôt que de faire de
véritables recherches sur les problèmes réels du
Québec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Est-ce que M. Chapados a terminé?
M. CHAPADOS: Je n'ai pas terminé, je continue. Il y a d'autres
mises au point...
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, M. Chapados, nous devons ajourner
les travaux de la commission à midi pour des raisons importantes. La
commission continuera ses travaux le mercredi 24 à 9 h 30. Nous
continuerons avec
la Fédération des avocats du Québec. Par la suite,
l'Association des cliniques légales du Québec et...
M. CHAPADOS: Est-ce une erreur, le 24 est fête légale, je
pense.
M. LE PRESIDENT: Non, c'est le lundi 22 qui est fête
légale.
M. CHAPADOS: Alors le 24.
M. HARDY: Vous pensiez à Dollard avec le 24?
M. CHAPADOS: Tout dépend de quel côté on se trouve,
il y a la reine, il y a Dollard... Tout le monde y trouve son compte.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux au 24 mai.
(Fin de la séance à 12 h 7 )