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Commission permanente de la Justice
Projet de loi no 10 Loi de l'aide iuridique
Séance du mercredi 31 mai 1972
(Neuf heures trente cinq minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Avant de commencer les travaux d'aujourd'hui, je demanderais la
collaboration de ceux qui représentent des organismes invités
à la commission pour, peut-être contrairement aux fois
précédentes, être un peu plus brefs dans leur
exposé. Nous avons encore plusieurs organismes à entendre. On
nous a demandé de terminer nos travaux si possible la semaine prochaine,
ce qui nous pose des problèmes d'horaire.
Ce matin nous continuerons avec Me Louise Dulude, procureur de
l'Association des cliniques légales du Québec et par la suite Mme
Louise Métivier de l'Association des défenseurs des droits
sociaux et Me Noël Beauchamp, bâtonnier du Barreau de Hull. Me
Dulude.
Association des cliniques légales du
Québec
MME DULUDE: M. Réal Langlois n'avait pas terminé son
exposé la semaine dernière, est-ce qu'il serait possible de le
laisser terminer?
M. LE PRESIDENT: D'accord!
M. LANGLOIS: M. le Président, pour faire suite à la
séance de la semaine passée...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez ajuster un micro pour qu'il
demeure assis en même temps?
M. LANGLOIS: M. le Président, pour faire suite à la
séance de la semaine passée,...
M. PAUL: Pourriez-vous vous approcher un peu du micro, s'il vous
plaît? On essaie de vous entendre et surtout de vous comprendre et pour
ça il faudrait que vous parliez à haute et intelligible voix.
M. LANGLOIS: Pour faire suite à la séance de la semaine
passée, disons que je dois vous parler aujourd'hui de la participation
des citoyens. Par participation nous entendons les résidants du quartier
admissibles à la clinique, c'est-à-dire les personnes qui,
d'après les critères établis d'une clinique, seraient
admissibles au service. Nous demandons une participation majoritaire de ces
citoyens pour qu'ils puissent déterminer les besoins et les
critères à établir pour pouvoir voir à la bonne
marche d'une clinique juridique. Sans plus tarder, je vais céder la
parole à Me Louise Dulude qui va vous parler en termes de statistiques
du travail de clinique.
MME DULUDE: Nous avons compilé des statistiques des dossiers de
différentes cliniques, de certaines cliniques qui pratiquent en ce
moment à Montréal, c'est-à-dire à
Pointe-Saint-Charles, centre-sud et Saint-Louis-Jonction.
En comparant ces statistiques avec celles de l'assistance judiciaire et
du Judicare, on s'aperçoit qu'il y a certainement un manque
d'identification des problèmes dans les deux systèmes qui sont de
l'assistance judiciaire et de Judicare comparés au système des
cliniques. Sur 100 p.c, on trouve dans les cliniques 17.2 p.c. de causes qui se
rapportent au droit matrimonial alors qu'à l'assistance judiciaire,
lorsqu'on enlève les causes criminelles, il y a 50 p.c. des causes qui
sont du droit matrimonial et, dans Judicare, on sait que c'est de 70 p.c.
à 80 p.c. C'est très significatif parce que les gens qui vont
à Judicare et à l'assistance judiciaire, telle qu'elle
était dans un bureau central, y allaient lorsqu'ils avaient des
problèmes urgents seulement. Cela démontre que, dans les
cliniques, les gens y vont aussi pour plusieurs autres sortes de
problèmes.
Les autres statistiques sont pour des cas concernant des causes de
bien-être social avec la Commission des accidents du travail,
l'assurance-chômage et différentes pensions qui relèvent du
gouvernement, il y en a 13.9 p.c. Les causes qui concernent le logement sont de
15.9 p.c; celles qui concernent les finances, 24.6 p.c; les dommages
matériels, 7 p.c; le criminel, 7.9 p.c; causes d'immigration, 2.8 p.c.
sont toutes de la clinique de Saint-Louis-Jonction qui est une région
d'immigrants.
M. PAUL: Excusez, Me Dulude, est-ce que vous pourriez apporter, si vous
êtes en mesure de le faire, un peu de précision sur les 7 p.c.
couvrant les dommages matériels? Est-ce que cela se rapporte à
des accidents d'automobiles, ou ces choses-là?
MME DULUDE: En général, cela couvre surtout les accidents
d'automobiles, particulièrement en défense pour des gens qui
n'ont pas d'assurance et en demande pour de très petits montants,
lorsqu'un avocat de pratique privée ou plusieurs avocats de pratique
privée ont déjà refusé le cas parce que ce n'est
pas une cause qui est certaine d'être gagnée, ils ne peuvent donc
pas fonctionner sur une base de pourcen-tage.
M. PAUL: En résumé, ce sont de mauvaises causes.
MME DULUDE: Oui.
M. HARDY: Là-dessus, madame, c'est juste-
ment une chose qui m'inquiétait un peu la semaine
dernière, à la suite de la question de mon collègue de
Maskinongé. Vous venez d'admettre que vous prenez de mauvaises causes,
des causes que d'autres avocats ont considérées comme pas trop
bonnes.
Est-ce que cela veut dire que, parmi les critères vous
avez parlé l'autre jour de différents critères que le
conseil d'administration établit, quant à
l'éligibilité des gens ou des dossiers un des
critères est que vous êtes très peu sévères,
quant à la qualité du droit de la personne qui se
présente? Est-ce que vous acceptez, dès que quelqu'un se
présente avec une cause, que la cause soit plus ou moins valable, si
vous vous apercevez par exemple qu'il n'y a à peu près pas de
chance de gagner devant la cour, de courir le risque quand même et d'y
aller? Est-ce cela que ça veut dire?
MME DULUDE: Non, cela ne veut pas dire cela. Quand j'ai dit que ce
n'étaient pas de bonnes causes, je voulais dire que ce n'étaient
pas de bonnes causes pour des avocats de pratique privée.
C'est-à-dire qu'il n'y avait pas de montant à réclamer,
mais qu'il y avait certainement une possibilité de réduire la
réclamation, par exemple.
M. HARDY: Vous voulez dire en défense? MME DULUDE: Oui, en
défense.
M. HARDY: Quand vous parlez d'une mauvaise cause, cela ne veut pas dire
que le droit de la personne qui s'est adressée à vous est plus ou
moins valable, mais que même si vous gagnez cette cause, ce n'est pas
payant, parce que c'est en défense et que le client n'a pas
d'argent.
MME DULUDE: Exactement. C'est ce que je voulais dire.
M. CHOQUETTE: Les causes désespérées.
MME DULUDE: C'était pour vous donner des statistiques, au
Québec même, alors que vous aviez déjà eu des
statistiques qui avaient été données par Me Gisèle
Harper concernant l'identification des problèmes. Selon une étude
faite à Chicago, ces statistiques disaient que, lorsqu'on avait
présenté dix problèmes hypothétiques à des
pauvres, et que ces dix problèmes-là étaient des
problèmes juridiques qui auraient requis l'assistance d'un avocat, plus
de 90 p.c. des gens n'avaient pas pu identifier tous les problèmes comme
étant des problèmes juridiques. Pour eux, c'étaient des
problèmes sociologiques pour lesquels ils n'avaient jamais pensé
à aller voir un avocat. Or, cela démontre qu'il est plus
important d'être près des gens, de faire de l'information et de
l'éducation, sinon la notion de droit est très illusoire,
puisqu'ils ne savent même pas qu'ils ont un droit à faire valoir.
Dans le cas de Judicare, les gens n'ayant aucun programme d'éducation ou
de prévention, ne sachant pas qu'ils ont des droits, se rendent
consulter des avocats, dans 70 p.c. à 80 p.c. des cas, pour des causes
matrimoniales, où c'est évident qu'il faut voir un avocat.
M. HARDY: Je ne le nie pas, c'est peut-être un excellent principe
et un excellent objectif que vous poursuivez, à savoir que tous les
citoyens, dès qu'ils ont un droit quelconque, puissent recourir aux
services d'un avocat.
Mais croyez-vous je me réfère un peu à ce
qui se passe dans le domaine de la santé que si on mettait en
application, dès demain ou très bientôt, un système
qui permettrait précisément à tous les gens, dès
qu'ils s'interrogent quelque peu sur la possibilité d'avoir un droit
à défendre, qu'il y aurait actuellement, dans la province de
Québec, suffisamment de juristes pour répondre aux besoins ou si
on se retrouverait comme dans le cas de la santé, où les cabinets
de spécialistes doivent donner des rendez-vous trois mois d'avance?
Est-ce que ça ne pourrait pas se produire avec le nombre d'avocats que
nous avons actuellement au Québec?
MME DULUDE: D'abord, comme il y a eu très peu de programmes
d'éducation et de prévention jusqu'à maintenant, les gens
ne deviendraient conscients de leurs problèmes juridiques que
très lentement. C'est toute une éducation à faire, parce
que les pauvres, par définition, sont moins éduqués...
M. HARDY: Même s'ils avaient une accessibilité très
grande, il n'y aurait pas d'abus.
MME DULUDE: Même s'ils avaient une accessibilité
très grande, il n'y aurait pas d'abus je ne veux pas parler du
tout d'abus il n'y aurait pas trop d'usage, au début, parce qu'il
faudrait éduquer les gens pendant des années, avant qu'ils
puissent se rendre compte que certains problèmes qu'ils pensent ne pas
être juridiques, le sont en fait, et qu'ils auraient le droit d'aller
voir un avocat.
En ce qui concerne votre inquiétude d'avoir trop de clients, ce
n'est pas mon problème à moi, je pensais que le but de la loi
était justement d'accorder l'égalité des...
M. HARDY: C'est un des buts que l'on poursuit. Comme nous sommes sur la
terre, il faut quand même, tout en essayant de poursuivre des objectifs
très valables, voir dans quelle mesure on dispose des moyens pour
atteindre ces objectifs. Quand vous dites: Pas d'abus, information et tout
ça, je suis d'accord avec vous en partie, mais il ne faudrait pas que
vous oubliiez que nous sommes des Latins et même des Normands et qu'il y
a encore une bonne partie de la population, malgré tout ce que vous
dites, qui sont des plaideurs, qui aiment les chicanes. Peut-être
qu'à Pointe-Saint-Charles, ça
existe moins ou en ville, mais à la campagne, même dans des
régions semi-urbaines, je vous assure qu'il y a bien des gens pour des
choses qui n'ont pas tellement d'importance, pour se donner le plaisir... Cela
contredit un peu certaines de vos affirmations. Il y a des gens qui prennent
quasiment plaisir à aller voir des avocats et sont bien
déçus quand l'avocat leur dit: Vous n'avez pas le droit,
ça ne marche pas. Ils veulent plaider à tout prix. Cela existe
encore chez une bonne partie de notre population, surtout chez les gens qui
viennent de la Beauce.
MME DULUDE: Je vous ai dit, tout à l'heure, qu'on n'acceptait pas
toutes les causes. Naturellement, si la personne n'a pas de droit à
faire valoir, c'est assez rapide de le lui dire et on ne continuera pas.
Une étude a été faite à Montréal par
deux étudiants de maîtrise en science politique, Gilles Francoeur
et Bernard Lalonde. Cette étude a été terminée en
janvier 1972. Ils ont étudié les dossiers de l'assistance
judiciaire entre 1956 et 1966 et ils ont vu que, sur 46,636 demandes d'aide, il
y a seulement 24,553 dossiers qui ont été ouverts.
Ce qui veut dire qu'il y a 47.4 p.c. des cas qui avaient
été réglés très rapidement, peut-être
même au téléphone ou dans de très courtes entrevues
et des visites de renseignements. A part ça, parmi les dossiers, il y en
avait seulement 26 p.c. qui avaient été
référés à des avocats. Tout le reste,
c'est-à-dire 74 p.c, avait été réglé au
bureau même. Ils concluent de leur étude que ce qu'il fallait,
c'étaient des avocats permanents et non pas un système de
références; que ça n'avait aucun sens puisqu'il y avait 81
p.c. des demandes, même à l'assistance judiciaire, qui avaient
été réglées par les permanents du bureau.
Maintenant, en ce qui concerne la liberté de choix, d'abord, on
vient de voir qu'il faut que la personne sache qu'elle a un problème
avant de pouvoir aller voir un avocat, et si elle ne peut pas identifier
elle-même ce qui est juridique et ce qui ne l'est pas, déjà
sa liberté de choix est limitée en ce qui concerne la cause
même.
S'il n'y a pas d'éducation et de prévention, la personne
n'a le choix d'aller voir un avocat que dans certaines causes très
précises qu'elle peut identifier comme étant juridiques.
Deuxièmement, les études qui vous ont déjà
été présentées et qui ont été faites
à Halifax ou aux Etats-Unis disent que la plupart des pauvres ne
connaissent pas d'avocats.
L'étude en Californie démontre qu'il y avait seulement 8
p.c. des gens qui avaient mentionné un avocat privé.
M. HARDY: En Californie? MME DULUDE: Oui.
M. HARDY: Ici, au Québec, est-ce que vous avez des études
à ce sujet-là?
MME DULUDE: La seule chose que je peux vous donner pour le
Québec, c'est que la clinique de Pointe-Saint-Charles a fait une
étude, c'est-à-dire qu'elle a compilé des statistiques qui
démontrent que 90 p.c. des gens qui étaient allés les voir
dans leur première année de fonctionnement, n'avaient jamais vu
un avocat de leur vie.
M. HARDY: Ils n'en avaient jamais vu. MME DULUDE: Jamais vu de leur
vie.
M. HARDY: Mais ça ne veut pas dire qu'ils n'en connaissaient
pas.
MME DULUDE: Je pense que...
M. HARDY: Parce que moi, je connais une foule de mes électeurs
dans le comté qui ne sont jamais allés dans le cabinet d'un
avocat, mais ils en connaissent.
M. DROLET: Ils ont déjà vu leur député.
M. HARDY: Il y a quand même une distinction assez grande à
faire entre ne pas avoir eu l'occasion d'aller dans le cabinet d'un avocat et
ne pas connaître un avocat.
MME DULUDE: Je pense que c'est quand même pas mal significatif,
parce que l'argument des gens qui disent qu'un pauvre devrait pouvoir avoir un
avocat de son choix, c'est qu'il en a parmi ses connaissances ou ses amis
habituellement; alors il est démontré, du moins pour
Montréal, que ce n'est pas vrai.
M. HARDY: Encore une fois, il faut toujours faire la distinction entre
Montréal et la province. Parce qu'en province, presque tous les avocats
sauf exception font quelque chose dans la société, même
s'ils sont seulement marguilliers à l'église.
M. BLANK: Vous croyez qu'une personne de Montréal ne fait
rien?
M. HARDY: Je veux dire qu'en campagne et dans une ville, même une
ville comme Sherbrooke, les villes de province que l'on appelle, l'avocat
occupe un poste quelconque, que ce soit à la chambre de commerce ou dans
une société quelconque, dans les associations de sport, ou,
encore une fois, comme je vous l'ai dit, comme marguillier de son
église. Tous les avocats jouent un rôle social quelconque. Et par
voie de conséquence que ce soit la campagne de la
Fédération des oeuvres de charité, il y a des avocats qui
sont présidents de cela même les pauvres, tout le monde
sait que Me Untel est un avocat qui fait telle et telle chose. C'est pour
ça, encore une fois, qu'il faut que vous soyez assez prudents quand vous
énoncez ce grand principe de l'ignorance des avocats de la part du
monde ordinaire. Il faut être très prudent et faire une
distinction pour Montréal... Et j'irais plus loin: faire une distinction
entre certains quartiers de Montréal et l'ensemble de la province.
MME DULUDE: Pour rejoindre...
M. GUIMOND: Seulement pour faire un commentaire à ce que vous
dites, je pense qu'il faut encore nuancer l'affirmation que vous faites. Dans
les quartiers des petites villes de province, il y a ce que nous appelons des
zones grises et qui se retrouvent aussi dans les petites villes. Et, à
ce moment-là, c'est encore bien surprenant de voir le nombre
d'assistés sociaux ou de bas salariés qui viennent des milieux
ruraux, par exemple, dans un contexte d'urbanisation, qui viennent en ville et
qui connaissent peu d'avocats qui ont...
M. HARDY: Les premiers six mois.
M. GUIMOND: C'est encore bien surprenant. Je sais que nous, par exemple,
nous avons un groupe d'assistés sociaux qui se sont informés sur
la Loi de l'aide sociale, la loi 26, et qui informent les autres sur cette
même loi. Ils se sont rendu compte que la connaissance des avocats
était très minime chez les bas salariés et les
assistés sociaux. Ceci pour des contextes particuliers dans les petites
villes.
Evidemment, lorsque vous arrivez dans un village où il y a un ou
deux avocats, ou dans une ville de 15,000 ou 30,000 personnes... J'ai
compilé les statistiques montrant le nombre d'avocats par ville, par
exemple.
C'est assez surprenant, il y a des villes de 15,000, de 20,000 personnes
où il y a deux avocats. Dans le contexte des villages,
évidemment, ils connaissent l'avocat, c'est sûr.
M. HARDY: Dans ce sens-là, je serais prêt à demander
au ministre de la Justice apparemment il y a des subventions pour ces
choses-là de faire une étude dans une ville comme
Saint-Jérôme, parce que j'aimerais bien voir une étude
scientifique se faire dans Saint-Jérôme parce qu'encore une fois,
je pense que je l'ai déjà dit...
UNE VOIX: Cela pourrait être ailleurs.
M. HARDY: Cela pourrait être ailleurs, mais
Saint-Jérôme est une ville...
M. CHOQUETTE: ... mais il aime Saint-Jérôme.
M. BURNS: Il aime Saint-Jérôme, ça se trouve dans
son comté.
M. HARDY: Je vous l'ai déjà dit et je vous le
répète, il n'y a pas de semaine où je ne reçois
c'était la même chose avant que je sois
député d'appels de gens. Le hasard a voulu que, lundi, une
dame m'appelle et me dise qu'elle est sans ressources c'est un cas
matrimonial et elle veut absolument que je m'occupe de sa cause. Je lui
ai dit que c'est la session et que je ne peux pas... En deuxième lieu,
je lui ai dit: D'ici quelques semaines, il doit y avoir une loi d'aide
juridique à laquelle vous serez admissible. La dame me dit: Je ne veux
pas entendre parler de loi d'aide juridique, c'est vous que je veux avoir comme
avocat.
M. CHOQUETTE: C'est parce que tout le monde sait que le
député de Saint-Jérôme est très brillant.
M. HARDY: C'est pour ça que je vous dis premièrement que
ma perception de cette réalité est d'abord limitée
à une région. Deuxièmement, c'est sûr que,
même si je considère qu'il y a un certain volume, ça n'a
pas de valeur scientifique. Cela m'incite à me poser de curieuses
questions quand vous affirmez que les pauvres ou les assistés sociaux ne
connaissent pas d'avocats. Comme je vous dis, j'aimerais bien que, dans ma
ville, il y ait une étude de faite pour voir dans quelle mesure sont
vraies ces affirmations que les avocats ne sont pas connus des assistés
sociaux ou des gens aux ressources limitées. Je vous assure que je suis
très perplexe devant des affirmations aussi catégoriques, aussi
globales.
MME DULUDE: Si vous permettez, je vais laisser à M. Guimond le
soin tout à l'heure de vous parler des régions rurales. En ce
moment, ce que j'ai concerne surtout les régions urbaines où
réside à peu près 85 p.c. de la population du
Québec. C'est quand même assez important.
M. LE PRESIDENT: Si vous me permettez, Me Dulude, tel que convenu au
début, il faudrait peut-être essayer, les trois ensemble, de
circonscrire un peu vos explications.
MME DULUDE: J'essaie autant que possible.
M. BURNS: J'aurais une autre question, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: En même temps, j'aimerais souligner ma
présence, ici, aux honorables membres de la commission qui pourraient,
à l'occasion, s'adresser à moi.
M. HARDY: M. le Président, je m'excuse d'avoir manqué de
respect à l'endroit de votre auguste personne.
J'espère qu'à l'avenir je respecterai le
règlement.
M. BURNS: Nous aussi, on l'espère.
M. PAUL: M. le Président, vous constatez que l'exemple vient de
haut.
MME DULUDE: Je veux terminer rapidement avec ce que disait M. Hardy. Il
me dit qu'il y a une proportion des gens qui connaissent quand même des
avocats parce que ces avocats-là ont eu une certaine publicité,
parce qu'ils étaient dans des chambres de commerce, parce qu'ils
étaient députés, parce qu'ils sont allés à
la télévision ou à la radio. Maintenant, je soulignerais
que ce n'est aucunement une garantie que la personne est un bon avocat.
M. HARDY: Il n'y a jamais de garantie.
M. CHOQUETTE: Personne ne peut offrir de garantie.
MME DULUDE: Il y a plus de garantie de spécialisation dans les
problèmes particuliers chez les avocats des cliniques. Maintenant, en
étudiant les statistiques qui viennent de l'Ontario, on se rend compte
qu'il y a 61 p.c. des avocats qui sont désengagés du programme,
au départ.
M. PAUL: Il faudrait admettre, Me Dulude, qu'en Ontario, il y a cette
fusion de notaires et d'avocats.
MME DULUDE: Oui.
M. PAUL: Bien alors, sur le nombre total des avocats, il y en a un grand
nombre qui ne pratiquent pas, qui ne sont pas des praticiens. Cela contribue
énormément à augmenter les statistiques que vous nous
communiquez.
MME DULUDE: Pas tant que ça parce que les avocats et les notaires
ici vont faire double emploi là-bas. Alors ils pourraient faire l'un ou
l'autre. Ils peuvent être notaires et en même temps pratiquer en
tant qu'avocats.
M. HARDY : En Ontario? MME DULUDE: Oui.
M. BURNS : Ce n'est peut-être pas aussi tranché que le
député de Maskinongé le dit. La conception qu'on a du
notaire ici qui ne fait que des procédures non contentieuses n'existe
probablement pas dans une aussi grande proportion en Ontario,
c'est-à-dire que l'avocat qui rédige des actes officiels en
Ontario, dans beaucoup de cas je pense, je n'ai pas de statistiques
là-dessus il me semble, vu que la profession est
fusionnée... Pardon?
M. HARDY: C'est-à-dire qu'ils se spécialisent, il y a des
avocats qui se spécialisent dans les procédures non
contentieuses.
M. BURNS: Bien, comme ici, il y a des avocats qui se spécialisent
en droit corporatif non contentieux. C'est à peu près dans le
même style, mais je ne pense pas que le clivage soit aussi évident
qu'au Québec où vous avez des gens qui ne font que des
procédures non contentieuses et d'autres qui plaident.
MME DULUDE: Donc, là-bas, il reste 39 p.c. des avocats qui sont
disponibles pour faire de l'assistance judiciaire. Là-dessus, il y en a
41 p.c. seulement qui sont sur les listes comme voulant faire du droit civil.
C'est-à-dire qu'une personne pauvre qui a une cause civile n'a le choix
que sur 16 p.c. des avocats de l'Ontario, une personne qui a une cause
criminelle n'a un choix que parmi 23 p.c. des avocats.
M. HARDY: Me Dulude, même si vos statistiques sont exactes, c'est
la même chose dans d'autres domaines. Quelqu'un qui veut avoir recours,
même à Montréal, à un spécialiste en droit
corporatif, voit limiter le pourcentage. Vous parlez justement de
spécialisation. A partir du moment où on admet le principe de la
spécialisation, ça implique que les avocats auxquels vous voulez
avoir recours dans tel ou tel domaine, sont en nombre réduit.
MME DULUDE: Il s'agit de savoir quelle chance ont les gens de pouvoir
aller voir l'avocat de leur choix. Si, eux, ils ont vu le nom d'un avocat
quelque part ou qu'ils l'ont vu comparaître à la
télévision, ils ne connaissent pas sa spécialité,
ils ne savent même pas s'il fait partie du plan Judicare. Habituellement,
il ne fera pas partie du plan parce qu'il va être un avocat qui va faire
autre chose.
Justement, il fait de la publicité s'il est à la
télévision ou à la radio ou, s'il est
député, il risque beaucoup de ne pas avoir une pratique...
M. HARDY: Un député avocat est un omni-praticien.
MME DULUDE: ... où il peut avoir le temps de faire des causes.
Pour terminer, si, sur la liste dans les causes civiles des 16
p.c. d'avocats qui restent, une personne trouve, par chance, quelqu'un dont
elle connaît le nom et qu'elle va voir cet avocat, l'avocat a encore
là le choix d'accepter ou de refuser n'importe quel client. Ils ne sont
pas obligés de prendre qui que ce soit. Ils peuvent refuser n'importe
qui, alors que, dans les cliniques, les clients qui viennent sont du quartier
et ont un droit de se faire représenter par l'avocat.
M. HARDY: Vous voulez dire que, dans le système de Judicare en
Ontario, un avocat, même devant une cause valable, peut refuser
simplement parce que cela ne lui plaît pas?
MME DULUDE: Oui. A ce moment-là, c'est la liberté de choix
de l'avocat de son client. Il peut dire: Ce gars-lâ, j'aime autant ne pas
l'avoir comme client, passez-le à quelqu'un d'autre.
M. CHOQUETTE: Ce droit de refuser me paraît assez légitime
parce qu'un avocat peut tout simplement ne pas croire à une cause tandis
qu'un autre avocat peut y croire. L'avocat peut avoir une aversion
spéciale pour quelqu'un et un autre avocat peut sympathiser.
M. HARDY: Cela veut dire que, dans les cliniques, on n'a d'aversion pour
personne?
MME DULUDE: Dans les cliniques, il devrait y avoir plus d'un avocat.
Alors, la personne a un certain choix. Voilà pour la liberté de
choix.
Maintenant, je peux vous dire certaines choses qui se passent en Ontario
depuis dernièrement. Ce que le système doit faire à cause
de coûts trop élevés surtout et aussi qu'on
s'aperçoit du manque de qualité des services donnés, en ce
moment, on met sur pied des cliniques pilotes dans les plus grands centres. Je
sais que cela se fait certainement à Toronto et dans quelques autres
villes, il y a aussi des projets pilotes de cliniques qui sont en train
d'être mis sur pied.
On en est aussi à limiter le nombre de causes par avocat, ce qui
veut dire que, s'il y avait un système Judicare au Québec et
qu'il y ait des avocats, comme il y a des médecins, qui décident
d'ouvrir des cliniques, parce qu'ils s'aperçoivent que les services
rendus ne sont pas adéquats, à ce moment-là, ils ne le
pourraient pas, parce qu'il y a des limites au nombre de causes par avocat. On
veut limiter les abus, mais cela a comme résultat que même si un
avocat veut ouvrir une clinique, il ne peut pas le faire Aussi, à cause
du coût trop élevé, au lieu de réduire le coût
des causes de divorce, on a réduit le nombre des causes de divorce et on
ne le fait que dans des cas urgents en ce moment.
M. HARDY: En parlant de divorce, est-ce que vous savez que, dans un pays
très progressiste comme la Roumanie, on a récemment
élevé considérablement les droits que l'Etat exige pour
les procédures judiciaires dans le but de réduire les causes de
divorce. Ceci se passe dans un pays aussi progressiste que la Roumanie, puisque
c'est un pays qui a un système marxiste. Tout récemment, on a
élevé...
M. BURNS: Ce n'est sûrement pas encore aussi cher qu'au
Québec.
M. HARDY: .. considérablement ces droits dans le but de
réduire le nombre de ces causes, parce qu'on trouvait qu'il y avait
vraiment abus. Les gens se mariaient à l'essai.
MME DULUDE: En ce qui concerne encore les divorces, je peux vous dire
qu'il y a un projet pilote en ce moment à Ottawa. Lorsqu'un avocat a
lieu de croire que la cause ne sera pas contestée, au lieu d'être
payé $375 pour un divorce non contesté ce qui était
le cas auparavant et qui est encore le cas dans le reste de l'Ontario, et ce
qui est beaucoup d'argent il arrive maintenant que le bureau central
fait toutes les procédures, l'avocat se rend en cour le matin et est
payé $35 l'heure pour le travail qu'il fait à la cour. Ce
système va probablement se répandre dans tout l'Ontario, ce qui
veut dire que si 70 p.c. à 80 p.c. des causes sont des causes
matrimoniales, cela va finir par être un système de cliniques.
J'ai appelé M. Andrew Lawson, l'administrateur du système
de Judicare, il y a deux semaines, et il m'a dit qu'il n'y avait pas d'accord
de réciprocité possible entre les services d'assistance
judiciaire au Québec et en Ontario, étant donné qu'en
Ontario on a déjà d'énormes problèmes
financiers.
Ce serait quelque chose que le Québec devrait considérer
aussi. Pour ce qui est de la participation des citoyens à
l'administration, l'association des cliniques légales demande qu'il y
ait une participation plus grande des citoyens à tous les paliers de
l'administration du système. Maintenant, les cliniques existantes sont
déjà administrées par des citoyens éligibles au
service des cliniques. C'est la majorité de chaque conseil
d'administration qui est composée de ces gens éligibles.
M. HARDY: Comment contrôlez-vous cela? Supposons que vous faites
une assemblée générale pour élire l'exécutif
de la clinique, de quelle façon exercez-vous le contrôle pour
savoir que les personnes présentes ne sont que des personnes qui
pourraient être éligibles, qu'il n'y a pas de gros
commerçants, de gens riches qui vont participer à cela? Comment
exercez-vous le contrôle?
MME DULUDE: Cela n'a pas été nécessaire
jusqu'à présent, parce que les gens qui sont venus aux
assemblées étaient surtout des gens qui étaient venus aux
cours d'information de la clinique et qui étaient déjà
clients de la clinique. A ce moment-là, il n'y avait pas de
problèmes en ce qui concerne leur admissibilité, c'était
évident. Je ne peux pas vous le dire pour Pointe-Saint-Charles.
M. HARDY: Cela faisait preuve prima facie.
MME DULUDE: Le fait qu'ils soient clients, oui. Parce que cela avait
déjà été déterminé à l'avance.
Il y a eu seulement, à notre clinique, une assemblée annuelle
pour élire le conseil d'administration et des assemblées
où il y a eu des remplacements de postes. Alors, il y a toujours eu la
majorité de citoyens admissibles. Je ne peux pas vous dire dans les
autres cliniques quel pourrait être le mécanisme mis sur pied pour
assurer cela.
M. BLANK: Combien de personnes ont assisté à votre
assemblée?
MME DULUDE: Une cinquantaine de personnes.
M. HARDY: Combien de dossiers avez-vous dans une année?
MME DULUDE: Dans une année? Nous ne fonctionnons que depuis le
mois de décembre et nous avons aidé à peu près 600
personnes. Il y a aussi la participation des citoyens. Me Chapados a
insisté pour que le gouvernement soit consistant dans sa politique.
Maintenant, on voit que, dans la dernière version du bill 65, il y a
cinq citoyens usagers des services sur douze membres des conseils
d'administration des CLSC. C'est-à-dire que ce sont cinq sur douze, mais
il y a une personne, le président, qui n'a pas le droit de vote; donc,
cela fait cinq personnes sur onze et en plus il faut deux autres citoyens du
territoire. M. Chapados s'était aussi référé
à l'étude de Me Jerome Carlin qui disait que les cliniques
pouvaient être dangereuses sur certains aspects. Me Jerome Carlin est
l'un des grands défenseurs des cliniques aux Etats-Unis et le danger
auquel il se référait, c'était justement que la clinique
soit contrôlée par l'"establishment" local. Pour éviter
cela, la seule façon c'est que la clinique ait un conseil
d'administration composé à majorité de citoyens
admissibles.
En ce qui concerne les coûts, je pense qu'il y a beaucoup de
chiffres qui vous ont déjà été donnés, mais
que c'est un élément qui est important pour le gouvernement. Ce
qui nous intéresse beaucoup plus, à l'association des cliniques,
c'est la qualité des services. Les avocats de l'assistance judiciaire
vous ont déjà présenté une étude prouvant
que les services qu'ils donnent, s'ils étaient transformés dans
un autre genre de système, du type Judicare, coûteraient 4.9 fois
plus cher. L'étude de Larry Taman du Conseil national du bien-être
qui comparait les cliniques américaines à Judicare avait
calculé que les causes civiles coûteraient 5.2 fois plus cher avec
un système Judicare, et les causes criminelles 5.6 fois plus cher.
M. HARDY: Si cela coûte moins cher dans un système de
cliniques, cela implique que les avocats des cliniques travaillent à
meilleur compte que les avocats de pratique privée. C'est ce que cela
veut dire.
MME DULUDE: Je n'ai jamais vu les rapports d'impôt des avocats de
pratique privée. Alors, il m'est difficile de vous répondre.
M. HARDY: Non, mais il y a quand même une raison. Vous affirmez
que le coût dans une clinique est inférieur au coût dans un
système Judicare ou dans un système...
En d'autres termes, quelqu'un qui va venir me voir, ça va
coûter plus cher à l'Etat dans un système Judicare que s'il
va dans une clinique?
MME DULUDE: Oui.
M. HARDY: Je déduis de cela que l'avocat dans une clinique
reçoit des honoraires ou un salaire inférieur au revenu d'un
avocat en pratique privée.
MME DULUDE: Dans un système Judicare, oui.
M. HARDY: Compte tenu évidemment je ne veux pas faire de
personnalités, j'essaie de me mettre au niveau des principes que
la nature humaine est ce qu'elle est, devant un tel état de fait, je
suis obligé de me dire deux choses: ou bien les avocats qui vont aller
dans des cliniques privées sont des grands philanthropes, des gens qui
veulent vraiment se dévouer pour la société, qui sont
prêts à dire: Si j'étais en pratique privée, je
pourrais faire $25,000 par année mais parce que je veux me
dévouer pour la société, je vais accepter d'en faire
seulement $15,000. C'est une possibilité. Il y a l'autre
possibilité que des avocats qui acceptent d'avoir un revenu
inférieur dans une clinique à ce qu'ils auraient dans la pratique
privée, sont peut-être des gens qui ont moins d'expérience,
moins de qualifications, etc. C'est quand même un aspect qu'il ne faut
pas ignorer, comme je ne nie pas qu'il n'en existe pas des gens très
dévoués qui sont prêts à accepter une diminution de
revenu pour se consacrer au bien de l'humanité...
M. BURNS: Cela existe.
M. HARDY : Oui, ça existe, mais il faut quand même
être réaliste. Je me demande jusqu'à quel point ça
existe?
M. BURNS : Il y a des avocats dans les centrales syndicales qui sont des
avocats spécialisés qui pourraient, en pratique privée,
commander des revenus très élevés, qui acceptent pendant
des quinze et même vingt ans, je ne parle pas de moi, je parle d'autres
personnes...
M. HARDY: Oui.
M. BURNS: Mais j'en connais, à l'intérieur des mouvements
syndicaux, qui sont très compétents...
M. HARDY: Dans bien des cas, ces avocats acquièrent leur
expérience pour s'en aller ensuite dans la pratique privée. Ce
qu'ils ont perdu pendant qu'ils étaient au sein de la centrale, à
cause de la très grande expérience qu'ils ont acquise...
M. BURNS : Il y en a qui restent aussi, c'est ça qui est
le...
M. HARDY: C'est quand même la minorité.
M. BURNS: Il y en a qui sont là depuis quinze ans.
M. HARDY: J'admets qu'il y a des gens...
M. BURNS: De plus en plus ça se présente, de plus en plus
on voit les étudiants dans les facultés de droit, chose qui
n'existait peut-être pas à l'époque où le
député de Terrebonne et moi-même étions sur les
mêmes bancs à l'université, mais de plus en plus de gens
réclament une formation sociale chez les avocats. C'est nouveau. Il y a
une espèce de transformation lente mais elle est toujours lente à
l'intérieur du Barreau.
MME DULUDE: Ce n'est pas à moi de répondre à cette
question-là.
M. HARDY : Je ne vous demande pas d'y répondre mais est-ce que
vous admettez que c'est quand même une question que l'on doit se
poser?
MME DULUDE: C'est une question que l'on doit se poser. Il y a
déjà à peu près 80 avocats permanents qui
travaillent pour l'assistance judiciaire. A ce moment-là, est-ce que ce
sont tous des gens non qualifiés? Est-ce que ce sont tous des gens qui
sont très différents des autres? Il faut se le demander.
Pour conclure, avant nous la Fédération des avocats disait
que les avocats allaient perdre un marché, qu'on allait leur enlever une
clientèle. Ce n'est pas le cas, ils n'ont jamais été des
clients des avocats de pratique privée jusqu'à ce jour. Ces
gens-là ne sont pas défendus en ce moment. Je ne vois pas comment
on peut parler d'une perte de clients. Cela me paraît un argument tout
à fait farfelu.
Pour terminer les amendement que l'Association des cliniques
considérerait absolument essentiels, au bill 10 tel que
présenté maintenant, c'est qu'à l'article 1 a), on ajoute
la représentation des groupes; à l'article 12 a) qui parle de la
composition de la commission de l'aide juridique, qu'il y ait une
représentation des citoyens qui reçoivent les services, une
représentation assurée, parce qu'on peut peut-être compter
sur la compréhension de certains gouvernements, mais on ne sait jamais
ce qui va arriver dans l'avenir. Si les gens ne sont pas assurés d'une
participation à l'administration de l'aide juridique, on doit compter
sur la bonne volonté du gouvernement, pour nommer des gens...
M. HARDY: Il y a certains partis ici à la table que vous craignez
pour l'avenir?
MME DULUDE: Je ne sais pas si l'avenir est à la table.
A l'article 12 b), nous sommes absolument contre le fait que le
sous-ministre de la Justice siège à la commission de l'aide
juridique. A l'article 22 i), les avocats des cliniques sont contre
l'ingérence de la commission dans les relations client-avocat. A
l'article 35 qui concerne la composition des conseils d'administration des
corporations locales, nous demandons qu'il y ait une majorité de
citoyens admissibles au service de la clinique et qui forment le conseil
d'administration des corporations locales.
Nous nous opposons catégoriquement au certificat d'aide
juridique, cet étiquetage qui est mentionné dans le bill 10. La
personne doit aller se faire étiqueter pour chaque cause; ceci est
absolument contre le principe que l'aide juridique est un droit et non pas une
charité.
M. CHOQUETTE: Me Dulude, comment réconciliez-vous vos arguments
sur le plan de l'économie à réaliser sur l'ensemble du
programme d'aide juridique? Parce que c'est un des points sur lesquels vous
avez déjà insisté, et l'argument que vous énoncez,
indiquant que l'aide juridique devrait être accessible à tout le
monde, quel que soit...
MME DULUDE: Je ne dis pas que l'aide juridique devrait être
accessible à tous; je dis qu'il y a plusieurs autres façons de
procéder que d'émettre un certificat. En ce moment, ce n'est pas
jugé nécessaire par les cliniques; il y a des renseignements qui
sont demandés à la personne et ceci est jugé suffisant
pour lui accorder de l'aide. Le certificat serait un étiquetage; ce
certificat-là serait émis, la personne le produirait en cour,
elle le produirait partout. Ce serait une carte de pauvre, ce serait vraiment
créer une classe de citoyens à part.
M. CHOQUETTE: Qu'on appelle ça certificat ou autre chose,
ça prend quand même un agrément de la part d'une
autorité quelconque, que ce soit la clinique, que ce soit le Bureau
d'assistance judiciaire de Montréal, que ce soit un autre organisme
administratif qui dise: Monsieur, madame ou mademoiselle, vous êtes
admissible pour fins d'assistance judiciaire dans telle cause.
MME DULUDE: Peut-être qu'il y a eu malentendu mais nous avons
interprété ça comme étant une belle petite carte
que la personne devrait toujours avoir avec elle.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas une "castonguette".
M. BURNS: C'est une "choquette".
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas non plus une "choquette" mais en somme, il
faut que la décision de conférer l'aide juridique gratuite
émane de quelqu'un.
M. BURNS: M. le Président, vous me permettez une question
incidente sur ce point-là? Me Dulude peut peut-être le confirmer
ou non, mais ce que j'ai appris d'expérience, c'est que les avocats de
cliniques font cet examen d'admissibilité en l'espace de quelques
minutes. Cela ne prend pas une demi-heure; c'est quelque chose de l'ordre de
cinq minutes.
Deuxièmement, il y a les facteurs; je ne vois pas quelle est
l'insistance du ministre sur ce fameux certificat; il y a le facteur de
changement des conditions économiques de quelqu'un. S'il détient
un certificat, il est possible que sa condition financière ait
changé entre le moment où il a obtenu son certificat et le moment
où il revient pour une deuxième chose.
M. CHOQUETTE: Le député a tout à fait raison sur
ça et d'ailleurs, il y a des dispositions dans la loi pour tenir compte
des changements. Mais là, je ne voudrais pas qu'on s'hypnotise avec
l'idée du certificat parce qu'en somme, tout ce que ça
représente, quitte à modifier la forme, l'aspect mécanique
en somme, il faut que quelqu'un prenne une décision et dise: Monsieur,
madame, vous êtes admissible à l'assistance judiciaire,
actuellement, pour telles fins. Ce n'est pas...
MME DULUDE: Si c'est ce que ça veut dire...
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas un laisser-passer pour se balader et
requérir des services juridiques jusqu'à ce que le certificat
soit révoqué. Ce n'est pas du tout conçu dans ce
sens-là. Mais quant à l'aspect matériel ou
mécanique, on peut réfléchir sur la formule qui est
proposée.
M. HARDY: Mais, M. le Président, Me Dulude tantôt semblait
dire que si on a ce certificat, ça étiquette les gens devant la
cour. Vous avez semblé dire ça, que c'était un des aspects
négatifs de la formule du certificat; c'est que la personne,
déjà, arrive en cour et elle est étiquetée parce
qu'elle détient ce certificat. C'est ce que vous avez dit.
MME DULUDE: Et pas seulement devant la cour; devant tout le monde.
M. HARDY : Oui, devant tout le monde. Mais ne croyez-vous pas que, quand
quelqu'un arrive devant la cour et est représenté par un avocat
d'une clinique, il est automatiquement étiqueté?
MME DULUDE: Psychologiquement, c'est différent parce qu'il faut
qu'il y ait un certificat qui soit émis pour chaque cause. Cela veut
dire qu'il y a certains de mes clients qui auraient cinq certificats.
M. HARDY: Vous êtes reconnue à la cour comme un avocat
pratiquant pour une clinique...
M. BURNS: Par les avocats.
M. GUIMOND: Est-ce que je peux faire un commentaire? Je pense que
ça dépend de la perception où vous vous placez. Me Dulude
se situe à la perception de la personne elle-même et non pas
à la perception qu'auraient ceux qui sont dans la cour même. C'est
un avocat de la clinique, donc...
M. HARDY: La personne aurait une mauvaise perception parce qu'elle
détient un certificat?
MME DULUDE: Oui.
M. GUIMOND: Un certificat de pauvre, oui.
M. HARDY: C'est la même chose, si la personne est obligée
d'avoir recours à une clinique, elle se perçoit comme une
personne qui n'a pas les moyens d'aller voir un avocat ordinaire.
MME DULUDE: Mais le client ne sait pas que tout le monde reconnaît
tel avocat comme étant un avocat de l'assistance judiciaire.
M. PAUL: Quand vous y allez, est-ce que vos confrères
habituellement ne vous étiquettent pas comme étant une avocate
représentant les défavorisés?
MME DULUDE: On m'étiquette, moi, mais on n'en parle pas. Mon
client n'est pas touché, il ne sait pas qu'on le sait.
M. PAUL: Et vous prétendez, par le fait qu'il aurait un
certificat, qu'automatiquement il va devenir étiqueté comme tel
vis-à-vis du public?
MME DULUDE: Comme disait M. Guimond, c'était par rapport à
la perception du client lui-même. Si lui se sent obligé de
produire une carte, il va être humilié.
M. HARDY: Une carte, ou qu'il ait recours à un avocat..
M. PAUL: Ce n'est pas la carte qu'il cherche, c'est le service...
M. GUIMOND: D'accord...
M. PAUL: Qu'il soit dispensé avec ou sans carte, c'est le service
que le déshérité va chercher et va obtenir qui compte.
M. GUIMOND: Je suis d'accord que l'avocat de la clinique comme tel va
être étiqueté comme étant celui qui s'occupe des
pauvres, c'est certain. Maintenant, la réaction psychologique de la
personne va être différente, à mon point de vue.
M. HARDY: Savez-vous, je vais vous dire bien honnêtement
l'impression que j'ai. C'est que vous ne voulez pas que ce soit le gouvernement
qui décide qui est admissible ou non, vous voulez avoir ça
vous-mêmes...
M. BACON: C'est ça.
M. HARDY: ... vous voulez être autonomes, vous voulez
décider ça vous-mêmes, vous ne voulez pas que ce soit le
gouvernement qui décide. C'est aussi simple que ça. On fait de
grandes théories, et le problème, c'est une question de pouvoir
de décision. Vous ne voulez pas que ce soit le gouvernement qui
décide, vous voulez que ce soit vous. C'est aussi simple que
ça.
M. GUIMOND: Oui, nous voulons que les corporations locales puissent
avoir leur mot à dire dans...
M. HARDY: C'est ça, inutile de tourner autour du pot et de
chercher cinquante raisons psychologiques, la vraie raison est là.
MME DULUDE: Non, c'étaient deux choses complètement
séparées. Nous demandons aussi que ce soient les corporations
locales qui déterminent les critères d'admissibilité mais
c'est pour d'autres raisons. La raison, c'est que les conditions
diffèrent dans chaque communauté et que le coût de la vie
est différent aussi. Comme vous avez dit, en ville, à la
campagne, il y a des conditions différentes. Donc, il y a des
critères d'admissibilité émis de Québec qui ne
correspondraient pas nécessairement à la réalité de
la vie de tous les jours.
J'ai terminé, je vous présente, M. Robert Guimond, qui est
travailleur social à Hull.
M. PAUL: Est-ce qu'il est absolument nécessaire, M. le
Président, d'entendre...
M. CHOQUETTE: Peut-être que M. Guimond peut nous faire
brièvement part en somme de son expérience et de ce qu'il
pense...
M. GUIMOND: Rapidement, quelques commentaires. Je voulais soumettre
à la commission une étude qui a sans doute été
portée à votre connaissance. Elle compare, aux Etats-Unis, le
système Judicare avec le système de procureurs permanents mais
cette fois dans les milieux ruraux.
M. HARDY: Comment s'appelle votre étude?
M. GUIMOND: "Alternative Approaches to the Provision of Legal Services
for the Rural Poor: Judicare and the Decentralized Staff Program"
excusez mon anglais par Leonard H. Goodman et Jacques Feuillan. Je peux
faire circuler, si vous voulez en prendre connaissance.
On peut regarder de loin, avec un oeil critique, ces différentes
études qui nous sont fournies par les Etats-Unis ou par d'autres
secteurs, mais je pense que celle-ci est intéressante pour voir comment
le système de procureur permanent, quelles seraient les
différences entre un système de procureurs permanents à
l'intérieur des campagnes et un système Judicare.
Vous pourrez en prendre connaissance. A grands traits, rapidement, les
auteurs se sont rendu compte, par exemple, qu'au point de vue...
L'étude comme telle ne touche pas la qualité du travail
des procureurs, ni dans le système Judicare, ni dans le système
des procureurs permanents. Ce qu'elle touche, c'est tout l'ensemble du travail
de service juridique qui est fait à l'intérieur des deux
formules. Alors, les critères sur lesquels l'étude se base, c'est
l'étendue des services, l'étendue des efforts qui sont faits pour
améliorer les lois, l'aide et la représentation des groupes, la
prévention et l'éducation pour que les gens augmentent leur
conscience de reconnaître des dimensions juridiques à leurs
problèmes et le cinquième critère est le coût des
services comme tels.
L'étude n'a pas cru bon de considérer la liberté de
choix pour la simple raison que la liberté de choix on avait
commencé à l'exprimer tantôt se pose
différemment dans les contextes ruraux. On s'est plutôt
attardé à parler tantôt de connaissance de l'avocat. Mais
je pense que, pour connaître l'avocat, il faut relier cela au contexte de
la liberté de choix. Dans les contextes ruraux, les gens ont beaucoup
moins le choix de l'avocat comme tel. Par exemple, il y a des villes où
il y a deux avocats... Prenons Beloeil, par exemple, où il y a un avocat
pour 12,000 personnes. Vous avez d'autres contextes beaucoup plus ruraux...
M. CHOQUETTE: Vous avez un cas qui est loin d'être
représentatif à cause de la proximité de la
métropole où il y a 2,000 avocats quand même. Il faut
admettre aussi que la population de Beloeil, en grande partie, travaille
à Montréal, M. Guimond, êtes-vous intéressé
dans la clinique qui existe à Hull? Qu'est-ce que vous êtes dans
cette clinique?
M. GUIMOND: J'ai été intéressé au
départ par la clinique juridique dans Hull même. Nous avons
travaillé à la mettre sur pied, nous avons eu quelques
difficultés. Maintenant, nous n'avons pas de procureurs permanents qui
travaillent encore à la clinique. J'ai été en contact avec
plusieurs groupes populaires, plusieurs groupes d'assistés sociaux et
mon travail se fait dans ce cadre.
M. CHOQUETTE: Il y a eu un problème au point de vue de
l'assistance judiciaire à Hull. Le Barreau de Hull a manifesté de
l'intérêt dans la question, l'université d'Ottawa a
manifesté de l'intérêt et on peut dire qu'il est
résulté de ces deux sources d'intérêt quelques
points de friction. Alors, je ne sais pas si le bébé que nous
avions espéré mettre au monde avec la collaboration des deux est
en voie de naître mais...
M. GUIMOND: Mon point de vue à l'heure
actuelle est que le bébé est suspendu. Dans le sens
qu'avec tout le contexte du bill 10 et les règlements qui
émaneront de la commission, c'est en discussion. Pour ce qui nous
concerne, disons que nous sommes suspendus. Je pense que, dans le contexte de
Hull, il y a différentes difficultés, comme vous le mentionnez,
au point de vue de la conception, de l'orientation, du côté de
l'université, du côté des citoyens...
M. CHOQUETTE: Si vous me permettez une simple observation, M. Guimond,
et ceci n'a pour but en aucune façon de porter un jugement sur ce que
vous nous dites. Mais la situation qui existe à Hull, cette absence de
compréhension entre divers groupes intéressés à
l'assistance judiciaire tels que l'université d'Ottawa d'une part, le
Barreau et peut-être d'autres groupes auxquels vous avez
été intimement associé, groupes d'assistés sociaux,
etc., cela me semble être le grand problème du projet d'aide
juridique que nous avons. On ne peut pas concevoir, à mon sens, un
projet d'aide juridique à l'échelle du Québec sans avoir
la collaboration des groupes intéressés dans cela. Ce n'est pas
le gouvernement qui fera cela exclusivement, ce ne seront pas les citoyens qui
pourront le faire exclusivement, cela ne peut pas être le Barreau qui va
le faire exclusivement. Il faudra, je pense, une fois pour toutes, si on veut
réellement donner le service et combler des besoins réels
existants dans la société, trouver la formule pour réunir
ces énergies et que chacun travaille en collaboration.
On dira peut-être que ce sont des voeux pieux que j'exprime mais
je crois qu'une grande partie des problèmes que nous avons ressentis ici
à la commission ou qu'on nous a fait ressentir dans les
représentations qui nous ont été faites, soit du
côté des cliniques, soit du côté de la
Fédération des avocats, soit du côté du Barreau et
des autres groupes, tournent autour de cette formulation de la structuration,
de la collaboration à tous les groupes intéressés.
M. GUIMOND: Je suis d'accord avec vous. Vous du gouvernement avez fait
une proposition, entre autres, celle de la clinique et nous l'avions
acceptée comme telle. Mais je pense que c'est vrai que...
M. CHOQUETTE: Et Hull est un peu un microcosme du problème.
M. GUIMOND : Du problème à l'étendue de la
province.
M. CHOQUETTE: A mon sens.
M. GUIMOND: Pour continuer mes quelques commentaires, j'en ferai deux.
Dans la comparaison entre Judicare et le système des procureurs
permanents dans le milieu rural, on s'est aperçu qu'au point de vue de
l'éducation, au point de vue de causes types, au point de vue de
l'amélioration des lois, il y avait beaucoup plus de travail qui se
faisait du côté des procureurs permanents.
Un commentaire sur la question des coûts. L'étude, comme
telle, détaille très nettement certains coûts. Disons que
je vous mentionne les coûts des divorces ou des saisies de banqueroute.
On s'est aperçu qu'au point de vue des saisies et faillites, ça
coûtait six â sept fois et demie plus cher dans le système
Judicare.
Pour la question des divorces, on s'est aperçu que ça
coûtait de cinq à sept fois plus cher dans le système
Judicare que dans le système des procureurs permanents. Mentionnons
aussi que les procureurs permanents étaient répandus dans tout le
territoire et donc accessibles aux différentes personnes des milieux
ruraux.
Mon dernier commentaire porte sur le niveau socio-économique.
Dans le contexte américain où l'étude a été
faite, on s'est aperçu que les milieux ruraux étaient plus
pauvres que les milieux urbains. Je me suis aussi référé
à l'étude du rapport du comité spécial du
Sénat qui décrit qu'au Québec aussi les milieux ruraux
sont plus pauvres que les milieux urbains.
C'est vous dire que la situation peut être semblable au contexte
américain et qu'une étude comme ça peut servir dans le
contexte québécois à nous aider à mettre sur pied
un programme d'aide juridique dans les contexte ruraux.
M. CHOQUETTE: Pensez-vous vraiment que les milieux ruraux
québécois sont pour une partie plus pauvres que les milieux
urbains très pauvres? J'ai de la difficulté à admettre
ça. On pourra peut-être m'apporter des preuves, je suis prêt
à changer d'avis si on m'en fait la démonstration. Mais je ne
peux pas croire qu'on puisse le dire. Evidemment, je sais bien qu'il y a des
poches de pauvreté en milieu rural, mais elles ne me paraissent pas, en
somme, près de la misère qu'on peut connaître dans les
grandes agglomérations urbaines.
M. GUIMOND: Je ne peux pas répondre à votre question parce
que je n'ai pas les données. Mais je sais qu'aux Etats-Unis les pauvres
des milieux ruraux qui ont été étudiés, dans le
contexte de l'étude...
M. CHOQUETTE: Ah oui!
M. GUIMOND: ... sont plus pauvres que les pauvres des milieux
urbains.
M. CHOQUETTE: C'est vrai qu'aux Etats-Unis, vous avez raison, il est
incontestable...
M. GUIMOND: Pour le Québec, je n'ai pas les chiffres.
M. CHOQUETTE: ... qu'il y a des milieux ruraux extrêmement
pauvres. Si on prend la Virginie de l'Ouest, de laquelle on tire les
bandes comiques comme "The Little Abner" et tout ça, ce sont des
milieux ruraux extrêmement prolétarisés. Au Québec,
je ne crois pas du tout qu'on puisse décrire la situation comme
ressemblant à la pauvreté qui peut prévaloir dans ces
endroits.
M. GUIMOND: Un facteur important à considérer dans les
milieux ruraux est le coût de la vie qui est ordinairement un peu plus
élevé, le coût du transport des aliments, c'est tout
ça qui hausse le coût de la vie. Ce facteur peut jouer aussi
dans...
MME DULUDE: Pour récapituler rapidement, les points les plus
importants que nous voulions faire valoir devant la commission sont la
représentation des groupes, la représentation majoritaire des
citoyens à tous les niveaux de décision de la structure, ainsi
que la décentralisation des décisions vers les corporations
locales. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Mme Louise
Métivier de l'Association des défenseurs des droits sociaux.
Mme Métivier, est-ce que vous avez un mémoire?
Association des défenseurs des droits sociaux
MME METIVIER: J'en ai un, M. le Président, et avant d'en parler,
je voudrais vous saluer personnellement, saluer les distingués membres
de cette commission et très particulièrement, notre honorable
ministre, M. Jérôme Choquette. J'espère que les membres,
même si je suis une femme, même si je représente des
pauvres, me feront le plaisir de prendre conscience des choses que j'ai
essayé de mettre sur six feuilles de papier. Je suis bien consciente que
je fais appel aujourd'hui à l'intelligence d'hommes bien
expérimentés en droit, de parlementaires bien chevronnés.
Moi, je suis un petit zéro et je viens vous parler.
Compte tenu de ça, je me suis dit: Qu'est-ce que je peux leur
dire d'intelligent? Qu'est-ce qu'ils vont vouloir entendre de moi? Je me suis
dit que la chose la plus intelligente à leur dire est celle-ci: Je suis
une pauvre. Votre merveilleux bill me vise. Quand vous parlez de cliniques
judiciaires, vous ne parlez pas à un avocat qui va faire $7,500 et qui
est bien content de le faire; vous parlez à un pauvre petit gars qui va
aller parler à cet incompétent en droit, ce nouveau-né en
droit, cette personne qui a des idées très fixes et qui va
chercher à les lui imposer. Vous pouvez voir tout de suite que,
même si je ne suis pas agressive, je suis combattive pour ne pas accepter
ça à première vue. J'aime ma liberté, j'aime le
coin de la province que j'habite, je suis de langue anglaise et plus que
ça, je suis à demi irlandaise. Donc, faites attention!
Ce que je voudrais, c'est attirer votre attention, pas sur la loi
la loi c'est vous qui la comprenez, c'est vous autres qui la faites mais
sur les idées qui se dégagent de cette loi-là. Quand une
personne pauvre, ignorante, incompétente et en grand besoin d'aide
juridique la lit... Vous qui êtes des avocats, vous allez trouver
ça très, très drôle. Mais, quand je lis le fameux
bill 26, je lis avec un crayon rouge. Toutes les pages, tous les mots qui me
frappent sont mis dans un cercle. Vous allez dire: Pourquoi fais-tu ça,
fille? Moi, je vais vous répondre: Parce que les mots clés sont
dangereux. Je vous réfère très
particulièrement...
M. PAUL: Est-ce que vous voulez dire que le rouge est dangereux?
MME METIVIER: Je ne dirais jamais ça, cher monsieur, même
en vertu du fait que vous êtes bleu. Mais pourquoi mettre jaunes ceux qui
sont verts? J'aimerais prendre l'initiative pour vous montrer que dans ce bill
il n'y a pas un mot, pas un seul, quand un ignorant comme moi le regarde, qui
donne accès à la justice à un pauvre comme un droit.
C'est-à-dire qu'il n'y a pas un mot qui dit: Le directeur de
clinique doit accorder l'aide judiciaire. Cela me fait peur. Est-ce que cela ne
vous fait pas peur également de savoir que vous avez une mesure qui
coûtera, comme on le prétend, de $5 à $7 millions et qui,
comme le distingué bâtonnier sortant, Me Yvon Jasmin, a
laissé entendre coûterait en réalité une douzaine de
millions de dollars? Quand tu n'as pas une seule garantie et que tu dis
à la collectivité: Les taxes vont aller en aide judiciaire, la
collectivité dit: Certainement, les pauvres pauvres, on va les berner,
on va essuyer leurs larmes, on va leur donner des "band aids", on peut les
arranger ces pauvres gars-là. Tu regardes la loi et il n'y a pas une
chose qui t'oblige à le lui donner.
Bon, pensons. Il y a une autre chose qui nous frappe comme absolument
ahurissante. J'ai écouté la directrice de cette clinique et j'ai
même assisté à un "meeting". Je vous dis très
honnêtement qu'habitant dans le secteur sud où cette clinique
existe, si vous m'obligez à y aller, je m'achète un fusil et je
me fais justice moi-même. C'est-à-dire que si un gars enfonce ma
voiture, s'il prend ma propriété, je ne peux pas aller voir
Louise Dulude, elle n'accepte pas les personnes. Elle accepte qui elle veut ou
qui elle peut et le "qui elle peut" est bien plus près de la
réalité que n'importe quelle autre chose. C'est-à-dire que
Louise Dulude, avec six mois en droit, se prétend une
lumière.
Je pense que le distingué député de Terrebonne a
peut-être une quinzaine d'années d'expérience en droit,
même s'il parait très jeune. La seule chose qui me fait sourire,
c'est qu'il doit avoir assez de maturité pour m'attirer et cela prend
quinze ans pour arriver à ce degré-là.
M. CHOQUETTE: Il a cet effet-là sur toutes les femmes.
MME METIVIER: Il a une concurrence bien sérieuse, M.
Jérôme Choquette.
Je ne suis pas l'auteur de cette compétition mais, trêve de
plaisanteries, je vous dis très sincèrement qu'il faut assister
à une assemblée d'une de ces fameuses cliniques pour
réellement en sortir, puis-je me permettre le mot,
"écoeuré". Pourquoi est-ce qu'on se sent comme cela? C'est parce
qu'il y a les fameux animateurs sociaux, que Dieu nous en garde, ce ne sont pas
des animateurs, ce sont des agitateurs, ce sont des mécontents, des gens
qui veulent tout chambarder, des gens qui ont mal compris ce que c'était
le syndicalisme et qui l'on poussé à outrance pour
détruire le Québec et, par la suite, l'ayant détruit de
cette façon-là sont allés tellement plus loin qu'ils ont
cherché avec une loupe des mécontents chez les pauvres, en ont
recueilli une quarantaine, ont créé un endroit où ils
pouvaient les amener pour un café gratuit et là ils ont
traité sur leur ignorance, leur incompétence et leur
inassouvissement personnel pour leur mettre des idées marxistes dans la
tête.
Vous et moi savons que le communisme, le marxisme ou n'importe quelle
autre mesure socialiste n'est pas du tout un danger en soi tant que les
personnes qui adoptent ces mesures-là trouvent que c'est une solution
à leurs problèmes. Je ne parle pas du Vietnam, je ne parle pas de
la Chine, je ne parle pas de la Russie, je ne parle pas du reste de l'Europe,
comme le fait le distingué député de Terrebonne, je parle
ici du Canada et de la province de Québec. Alors, quand on parle
marxisme, il faut au moins savoir ce que c'est. Et quand j'entends un bonhomme
qui ne sait même pas l'épeler, qui est un assisté social,
nous dire textuellement que les travailleurs vont prendre la province et que le
gars a $75 du bien-être social, moi j'ai envie de rire, comprenez-vous?
Parce que s'il travaille pour une société travailleuse et que le
gars n'est même pas employé, il lui manque déjà le
bon raisonnement pour pouvoir choisir sa situation et il ne devrait pas oser
avoir des idées pour les infliger à un innocent. Je prends par la
suite une mesure que même un avocat très chevronné ne
reconnaîtra pas à première vue, à moins, comme le
distingué député de Terrebonne le disait, d'avoir fait du
droit du fond de son coeur. Il s'agit là des articles 101 à 109
du code de procédure. Il faut être un pauvre, il faut être
un pauvre qui a cherché pendant quinze années l'assistance
judiciaire à qui tout le monde a refusé l'assistance judiciaire,
parce que les causes sont trop bonnes, parce que les causes gènent
l'Etat, parce qu'on ne veut rien savoir, parce que tu es une femme ou que tu
devrais faire autre chose et compte tenu du fait qu'ayant besoin de cela, et ne
pouvant pas l'exercer, tu cherches toi-même à te documenter. C'est
comme avoir un cancer et te mettre un "band-aid" mais si c'est tout ce que tu
peux te mettre, tu essaies de l'avoir. Tu lis le code de procédure
civile jusqu'à ce que tu aie les yeux croches et la tête creuse et
tu découvres finalement que les articles 101 à 109 te donneraient
à toi tout seul, sur ton affidavit, le droit d'aller à un juge en
chambre et dire: Bonjour, M. le juge. Voilà, j'ai cette cause de cette
nature. En vertu de mon serment je ne peux pas arriver à ester en
justice et je le souhaiterais.
On a beau critiquer la magistrature, moi je l'ai en très grand
respect, compte tenu seulement de la documentation que ces hommes-là
lisent, l'attention qu'ils mettent à rendre de bons jugements. Je pense
que personne, en conscience, reconnaissant le travail que ces gens-là
font et la longue préparation qui les a amenés là, peut
retrouver quelque chose d'incorrect. Ils sont humains, ils font des erreurs. Je
ne crois pas qu'aucun des juges s'assoit et complote contre un individu.
Donc les chances d'avoir de l'assistance judiciaire sont très
fortes. C'est très rare que tu va sortir de là sans l'avoir
à moins que le juge ne te dise que ta cause ne tient pas debout. Est-ce
qu'il y a quelqu'un ici qui pourrait nier qu'il n'y a pas une meilleure
compétence sur la terre qu'un magistrat représentant de la cour
pour estimer, sans préjudice aucun, la valeur de ton droit? La cour ne
dit pas, lorsqu'elle analyse en chambre qu'il ne faut pas prendre cette
cause-là parce que tu ne pourras pas la gagner, la cour décidera
si tu as un vrai semblant de droit, tu pourrais peut-être être
défendu en ta faveur ou avec une diminution de coût ou de soucis
très personnels. C'est-à-dire que, si on t'expulse de ta maison,
peut-être qu'on peut te donner six mois mais peut-être qu'en vertu
du bail que tu détiens forcément tu seras expulsé. Donc,
même une cause comme celle-là est une cause gagnée
puisqu'elle gagne au moins le temps.
En partant de ces choses-là, nous avons remarqué que, dans
le code de procédure civile, on inflige au perdant les dépens.
C'est peut-être bizarre qu'une personne comme moi, en le lisant, soit
frappée du fait que le bill 10 retienne les dépens,
c'est-à-dire que la mesure unitive est retenue et la mesure collective
est rejetée. L'article 79 abroge les articles du code de
procédure civile. Pour abroger quelque chose, je suggère
très respectueusement à cette commission d'abroger l'article 8
qui inflige les dépens au perdant. Puisque le perdant, étant trop
pauvre pour ester en justice, il est sûrement trop pauvre pour payer ses
dépens. On abroge l'article 79 mais jamais les articles 101 à 109
du code de procédure civile.
Je me permettrais très respectueusement de vous suggérer
également la possibilité d'élargir les prévisions
des articles 101 à 109 du code de procédure civile. Egalement, il
faut une expérience assez particulière pour comprendre pourquoi.
Une fois que vous avez eu cette aide judiciaire, la sténographie
réelle et mécanique devient primordiale. Vous ne pouvez pas
savoir à quel point le dévoué avocat qui prendrait votre
cause ce peut être votre père, votre
frère, un bon ami ou quelqu'un, comme le député a
dit qui a tant de pitié pour les gens en général va
se sacrifier. Si on le fait courir sans respect pour son temps, sa formation et
son avenir, comment va-t-il pouvoir remplir son mandat? En partant de cette
chose-là, nous avons cru très sage de vous faire la respectueuse
suggestion d'élargir le texte lui-même.
On a vu aussi que je ne sais pas si j'ai tort ou raison
là-dessus, parce que je n'ai pas la formation pour le juger
l'article 84 prévoit l'entente gouvernementale dont Me Chapados a fait
tellement grand état. Je me suis même demandé si M.
Chapados comprend mieux que moi parce que les choses qu'il a dites ne semblent
pas être les bonnes raisons. Les raisons qui me semblaient valables pour
considérer sérieusement l'article 84 étaient le fait que
l'aide judiciaire est coûteuse. Elle est coûteuse et elle est
également une mesure sociale. Question donc à se poser: Si c'est
une mesure sociale, est-ce qu'elle est rentable? Quand on paye $1 à la
province de Québec, on a le droit d'aller chercher $0.50 au gouvernement
fédéral. Je n'attaque nullement le gouvernement d'Ottawa, comme
il est devenu très populaire de le faire. Parce que je ne connais rien
de ces choses-là et que les compétences qui les connaissent sont
bien favorables. Moi, je leur fais confiance.
J'avais entendu le mot péréquation. Pour vous, cela a un
sens particulier. Pour moi, ça ne me donne qu'une sensation
d'"equalization", d'équilibre. C'est-à-dire que, quand tu
dépenses d'un bord, vas-tu le chercher de l'autre? Est-ce que le
gouvernement aurait intérêt à embaucher 200 avocats, les
moins doués en droit? Parce que quand un gars, avec le temps que
ça prend pour être avocat, est prêt à travailler
à $7,500 ou à $8,500, je ne pense pas que tu sois une
lumière. Alors, quand tu installes ce bonhomme-là dans le fameux
système et que tu multiplies cette erreur de base par des
sténographes également incompétentes...
C'est-à-dire qu'on n'exige pas du tout que la personne qui va assister
l'avocat ait déjà une préparation comme sténographe
judiciaire par exemple. Je trouve que ça s'impose. On ne l'appuie pas du
tout avec les sources de recherche; je pense également que ça
s'impose. Parce qu'on a beau regarder n'importe quel avocat travailler pendant
une semaine, et s'il est le moindrement compétent et consciencieux, on
sait qu'une grande partie de son temps va à l'accumulation des
documents. Je ne sais pas si les avocats ici présents sont d'accord sur
cela. Si vous aviez réellement un Centrex... Moi, j'adorerais voir le
ministre considérer, avec les législateurs qui l'appuient si
habilement, la possibilité de prendre peut-être $2, $3 ou $4
millions et fonder un véritable Centrex. Je pense que ce Centrex serait
extrêmement rentable. Lorsque les avocats s'en serviraient pour les gens
démunis ou pauvres, ce serait gratuit et quand les autres voudraient y
avoir accès, ils paieraient un "datum" comme à
l'université. Mais, le "datum" a un service tellement restreint qu'il ne
dessert pas adéquatement les demandes des avocats. On a pensé que
c'était une très bonne chose à considérer.
On voit également des choses réellement effarantes
à notre point de vue. Le directeur de quartier, avec toute sa
compétence glorieuse, est muni du pouvoir de décider de la nature
de ton droit, en vertu de tes représentations. Alors, comment vas-tu
faire pour obtenir les frais nécessaires pour le convaincre? Pourquoi
aurais-tu si peu de respect s'il est avocat? N'a-t-il pas une compétence
tellement supérieure à la tienne pour juger? Cela ne devrait pas
être à toi de lui faire ta preuve, cela devrait être
à lui de la juger.
Alors, en partant de ça, une fois qu'il a statué sur ton
admissibilité, vu la nature de la demande, il peut également
statuer sur l'envergure de ce droit. C'est-à-dire, as-tu perdu? Dois-tu
aller en appel? Va-t-il te permettre d'aller en appel? On a parlé de
divorce; peut-être que monsieur a la bonne fortune, "in balance of
nature", de ne pas être dans cette situation de divorce. Mais tout le
monde ne l'est pas et je pense que les chicanes familiales, si on se fie aux
savantes statistiques fournies par Me Jean-T. Loranger du Barreau d'assistance
judiciaire de Montréal, constituent un problème réellement
grave.
M. Loranger donnait un chiffre rond; 7,000 cas matrimoniaux et 6,000 cas
criminels. Alors, comme les cas matrimoniaux ont sûrement un
enchevêtrement criminel, vu l'article 186 et vu le fait qu'un bonhomme ne
se maîtrise pas toujours et peut porter des voies de fait sur des
personnes... Il faudrait peut-être voir si les prévisions qui
dicteraient la fondation d'une étude, peut-être dans le chef-lieu,
qui verrait à une spécialisation hautement poussée pour
les cas criminels, ne pourraient pas être utilisées très
savamment pour les cas de divorces et séparations.
En partant de ça, les chiffres de Me Loranger, si je les ai bien
interprétés, et je veux bien dire "si je les ai bien
interprétés", auraient presque 6,000 cas qu'on définit
comme cas économiques. Or, un cas économique peut être
quoi? Selon notre directrice de quartier, ça va être les fameuses
saisies. Est-ce que vous avez fini de parler de saisies, lui ai-je dit?
Allez-vous toujours parler de saisies? Elle dit: Mais qu'est-ce qu'on va faire?
J'ai dit: C'est très facile. A mon humble avis, il y a deux
solutions.
Un honhomme est saisi, pourquoi? Parce qu'il ne peut pas payer.
D'accord. Le gouvernement, avec les réelles compétences qui
siègent tous les jours de neuf heures à cinq heures et parfois
beaucoup plus tard, sait très bien comment entériner des mesures.
Ce n'est pas à nous de les suggérer; c'est à nous de faire
appel. Vont-ils contrôler le crédit pour le pauvre, de sorte qu'un
bonhomme, vendeur d'aspirateurs électriques de $125, ne peut pas, sur
une période de trois ans, aller percevoir $275?
C'est-à-dire qu'une fois qu'il a fait 25 p.c, est-ce qu'on doit
dire: Tu as ton profit, le reste, c'est ton malheur. On parle aussi de
bien-être social. M. le ministre, est-ce que vous pouvez nous dire s'il y
a quelque chose de plus coûteux que le bien-être social, à
cause de son echevê-trement médical, de l'appauvrissement de
l'instruction et de tout ce qui l'entoure?
Donc, ça fait des années que je me pose la question:
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de voir à cela? Dans les bureaux de
Montréal, je parle de l'agglomération de Montréal qui
semblerait compter près de 3 millions de personnes, soit la
moitié de la population du Québec, si nous avions une
compétence juridique, un vrai homme de loi, qu'on le paye $30,000 par
année, je suis bien d'accord, mais que ce bonhomme-là dicte
à son personnel boiteux, incompétent, chétif, les normes
prévues par le bill 26...
Autrement, l'association que je représente, de très bons
types qui se qualifient comme avocats défenseurs des droits sociaux, ces
gens-là doivent presque prendre un assisté social par la main et
aller systématiquement voir Jean Séguin, plaider pour ceci et
plaider pour cela. Le comble du ridicule est l'instrument de travail qu 'on a
fourni aux personnes préposées au service administratif du
bien-être social; et ça, c'est un document rédigé
par les avocats défenseurs des droits sociaux.
Si le peuple est en train de dicter une norme pour que l'administrateur
soit payé très grassement pour savoir et qu'il ne sait pas, et
qu'il administre cette loi à son caprice, est-ce que ça ne
devient pas un problème pour la Législature provinciale? Dans le
sens que le contrôleur provincial prend les fonds des contribuables pour
placer les gens préposés à ces services et selon le
serment d'office, ils doivent avoir la compétence pour donner ce
service.
Moi, quand j'entends les gens crier, pleurer, hurler et laisser les
vidanges dans la rue parce qu'ils veulent $100 par semaine, ce que je leur dit,
c'est ceci: Quand vous pourrez gagner en services rendus vos $60 ou vos $80,
quand vous ne mangerez pas des pommes à votre table et ne jetterez pas
de petits avions de papier pour passer le temps pendant que vous bâillez,
on parlera collectivement avec le gouvernement de $100 par semaine.
Mais il ne s'agit pas d'avoir une boite de Kleenex et de se faire les
ongles pour mériter $100 par semaine. Je ne veux pas que ça ait
l'air trop sévère, mais le temps est venu pour que la
vérité sorte. C'est-à-dire que quand tu payes à un
charmant député la somme qu'il mérite, et peut-être
que c'est bien inférieur à ce qu'il mérite
réellement, il faut savoir que cet homme-là a déjà
entre toi et lui un décalage si considérable que si tu ne lui
apportes pas cette vérité simplement, il ne peut pas le
savoir.
Tu ne peux pas lui en faire le reproche.
Si tu arrives et lui dis: Moi, je crois qu'il a certainement tout le
prérequis pour analyser ça avec les autres, tel collègues
du Parlement et arriver à des solutions réelles, on pourrait
peut-être mettre une phrase sur ce bout-là et dire: Ce n'est pas
du tout l'administré qu'on doit inciter à la revendication, qu'on
doit essayer d'endoctriner, à qui on doit apprendre ses droits et qu'on
doit pousser à les exercer, c'est l'administrateur. Quand
l'administrateur sait ce qu'il fait, honnêtement, il n'y a plus lieu de
s'inquiéter, l'administré peut bien s'asseoir.
Maintenant, je veux faire une critique très sévère
des gens qui ont un an ou deux ans en droit et ça pas du tout
devant les tribunaux et j'ai assez vu des avocats compétents
devant les tribunaux pour en reconnaître un quand je lui fais face
de ces gens aux idées folichonnes, infantiles, collégiennes,
appuyés par leurs petits étudiants à qui on paie des
études. Les hommes qui ont eu leurs études ici, qui les ont
gagnées vont me comprendre. Ces bonshommes-là s'asseoient tous
ensemble et vous servent du "my opinion is" , parce que, dans le monde anglais,
vous pouvez en être sûrs parce que j'ai fait mes
études dans les deux secteurs c'est très populaire que
quelqu'un qui n'a rien à dire se lève et dise: My opinion is...
He does not have an opinion but he is going to give it to you.
On a ça à l'université McGill. J'imagine que
ça ne doit pas trop se présenter à l'Université de
Montréal, parce que monsieur a dit : Avec notre sang passablement latin,
on a le bon sens. On peut être un paysan, un fermier ou un pêcheur.
Me Chapados me disait que son père était un pêcheur et je
pense que c'est un exemple typique et très glorifiant pour nous de voir
l'équilibre, le charme et l'habilité de cet homme. C'est tout
simple, je l'aime beaucoup, je le trouve très gentil.
En partant de ça, ces gens avec "my opinion is" courent aux
Etats-Unis. Le savant ministre doit reconnaître que "Little Abner does
not live in the Province of Quebec". Il n'existe pas en Ontario non plus.
Peut-être qu'on est pauvre au Québec, mais je pense qu'on fait son
bon pain, je pense qu'on fait son ragoût, je pense qu'on sait garder les
maisons propres et je pense qu'on n'est pas des pauvres et des pouilleux comme
on trouve dans les autres régions pauvres.
Les gens de l'université de McGill ne comprennent pas du tout
notre caractère, nos buts, notre courage, notre érudition. Mais
même quand on n'est pas du tout entraîné dans un milieu
absolument glorifiant et édificant, qu'on ne peut peut-être pas
épeler certains mots, qu'on peut ignorer le Larousse et le prendre pour
la frousse et qu'on peut faire un tas de choses similaires, en partant de
ça, on a le bon sens, on reconnaît ce qu'est une chose
réelle. Partant de ça, ces gars-là nous disent: On va
avoir une clinique de quartier. C'est bien beau. Le petit professeur qui
donnait des conférences sur la loi de la pauvreté est-ce
qu'il y en a un ici qui a lu un texte intitulé "La loi de la
pauvreté" y inclut jusque les prestations données par le
gouvernement fédéral et reconnues sous le nom, je pense,
d'assurance-chômage.
Est-ce que le bonhomme qui est débardeur, qui gagne $85 par jour
et qui reçoit de l'assurance-chômage, tombe sous le coût
d'une loi de la pauvreté? Pendant qu'ils essuient leurs yeux, ils
étouffent sous leur pomme d'Adam et disent: Ils vont nous aider, ceux
qui ont vraiment faim, c'est un bon endroit, on appelle ça en anglais
"the goof-off route". Ils se sauvent de l'université et s'en vont
à la clinique Saint-Henri, aussi barbus et aussi peu entretenus qu'ils
puissent être. Là, ils s'assoient et se plaignent entre eux
qu'effectivement le gouvernement a oublié de leur envoyer leur
subvention pour l'année et si seulement ils pouvaient l'avoir, ils
pourraient aller au Mexique. Je connais deux bonshommes qui ont eu leur
subvention et sont partis au Mexique et, en revenant, ils vont se tirer
d'affaires.
Alors, ces gens-là, une fois qu'ils ont tout
éparpillé...
M. HARDY: Madame, vous ne croyez pas que cette subvention avec laquelle
ils sont allés au Mexique, c'était pour faire des études
sur la façon dont les Mexicains pauvres connaissaient ou ne
connaissaient pas des avocats?
MME METIVIER: Non, ils voulaient acheter du "pot" et le vendre à
profit, les deux.
Je ne m'éterniserai pas parce que je suis en train
d'énerver votre confrère, Me Lamoureux, qui a peur que j'aille
trop loin. Si je suis allée trop loin, je vous fais des excuses. Mais
j'ai essayé de vous dire la vérité telle qu'on se la dit
quand on se regarde. Comprenez-vous? Alors, on se plaint que c'est une mesure
de sécurité sociale, on se plaint de l'ingérence dans le
secret professionnel, on se plaint de l'incompétence des
préposés à ce service, on se plaint de
l'ébruitement parce qu'il faut se mettre dans la peau des
étudiants qui vont au centre-sud, qui retournent à
Pointe-Saint-Charles et qui vont aller ailleurs.
Il faut voir le papillonnement même de la directrice parce qu'elle
vise à quitter un pour aller voir ce qui se passe dans l'autre.
Alors, si on va dans un endroit pour regarder, on ébruite, comme
on l'a déjà fait à l'assistance judiciaire, le secret
professionnel et les preuves qu'elle aurait connues là-bas. Quand tu
arrives pour savoir ce que tu fais, tu ne peux plus faire rien parce que tout
le monde et son père est déjà contre toi, il ne veut rien
savoir de toi et il faudrait que réellement, peut-être que tu
réunisses des milliers de gens et que tu leur expliques.
Je ne sais pas si j'ai réussi à vous faire une
synthèse de nos griefs. Si oui, je terminerai sur ceci. Je vous demande,
en parlant de mesures préventives c'est la thèse de ces
fameux architectes du bill 10 et les résultats de malheur qui pourraient
en découler je vous demande très sérieusement,
comme mesures préventives, s'il n'y aurait pas lieu de suspendre le bill
10 et le suspendre jusqu'à ce que des hommes de loi, des vrais, comme
l'ancien ministre de la Justice, le très distingué Me Rémi
Paul, comme le très distingué Me Robert Burns je ne sais
pas lesquels d'entre vous sont également avocats mais je n'inclurais
sûrement pas l'architecte...
M. HARDY: Le président adjoint de l'Assemblée nationale,
le très distingué Harry Blank.
MME METIVIER: Le très distingué Harry Blank est
très difficile à aborder.
M. BACON: Vous trouvez qu'il a du charme?
MME METIVIER: C'est qu'il a un désintéressement des choses
qu'on lui apporte qui est extrêmement préjudiciable. Oui, c'est
malheureux mais c'est cela et on ne lui fait pas de reproche...
M. HARDY: Il est président adjoint de l'Assemblée
nationale.
MME METIVIER: Oui, mais il n'est pas mon député et je suis
heureuse parce que lorsqu'il l'était, nous n'obtenions rien de lui.
En partant de cela, nous avions pensé que, si vous pouviez
trouver assez de mérite dans les choses que j'ai cherché à
vous dire avec le plus d'honnêteté possible, comme si nous
étions sur notre balcon ou si je vous parlais dans la cour
arrière ou dans un cocktail...
M. BACON: En veillant sur le perron.
MME METIVIER: Oui. C'est cela. Si vous pouviez trouver assez de
mérite pour suspendre cette mesure et la suspendre pour la raison
suivante: Comme elle est là, cette mesure crée déjà
deux catégories de citoyens, celui qui peut ester en justice librement
et celui qui peut ester uniquement selon les caprices des gens qui le lui
permettront. Et comprenez bien peut-être comprenez-vous beaucoup
mieux que moi que cet avocat de clinique est à l'emploi d'une
corporation. Alors, comment allez-vous donner un certificat? Vous ne le pouvez
pas, c'est la corporation qui l'accorde et c'est si bien compris par le
législateur que, lorsque cela va en appel, c'est la corporation qui va
en appel avec un délégué de son choix pour faire une
investigation et j'estime que c'est absolument incompatible avec la Loi du
Barreau.
En partant de cela, dans une société souple et
démocratique dans laquelle nous avons l'honneur et le privilège
de vivre aujourd'hui, il faudrait prévoir qu'advenant que l'Etat soit
renversé dans 25 ou 50 ans, sait-on jamais, si les pépins qui
nous briment se multiplient, eh bien, il faudrait qu'on les avale.
Dans une société où cette loi serait
déjà en mesure, cela ne serait plus une différence entre
le riche et le pauvre, ce serait une différence
entre la personne qui mène et celle qui est menée, donc
l'administré et l'administrateur encore.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux vous poser une question?
MME METIVIER: Oui.
M. CHOQUETTE: Vous, personnellement, est-ce qu'on vous a refusé
de l'assistance judiciaire que vous aviez sollicitée?
MME METIVIER: Oui, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Et où vous a-t-on refusé cette
assistance?
MME METIVIER: A la clinique centre-sud.
M. CHOQUETTE: N'avez-vous pas aussi subi le même refus au bureau
de l'assistance judiciaire de Montréal?
MME METIVIER: Le bureau de l'assistance judiciaire de Montréal a
fini par écouter votre confrère, Me Jean-Paul Lamoureux lorsqu'il
a pu obtenir des déboursés. Mais à peu près tout le
travail que Me Lamoureux a fait a été fait par l'entremise des
articles de 101 à 109 du code de procédure civile puisque les
causes étaient si importantes et dirigées contre des
autorités si importantes que personne ne voulait que cela arrive devant
la cour.
M. CHOQUETTE: Si je comprends la situation, madame, vous avez plusieurs
litiges en marche à l'heure actuelle, soit contre le gouvernement du
Québec, soit contre les autorités de la ville de Montréal,
n'est-ce pas?
MME METIVIER: Ce n'est pas mon intention, M. le ministre, d'instruire
cette commission sur mes malheurs mais si on le veut, je serai heureuse de le
faire.
M. CHOQUETTE: Non, mais pour que nous comprenions dans quel contexte
cette assistance judiciaire vous a été refusée.
M. BLANK: Vous avez refusé l'aide juridique après toute
une étude de votre cause personnellement par moi, après votre
visite à mon bureau.
MME METIVIER: Comme je vous l'ai dit, M. le ministre, et je le dis
à M. Blank, je n'ai jamais rencontré M. Blank, ouvrant une
parenthèse, et ce n'était pas mon idée de parler de mes
propres malheurs.
M. BLANK: Mais je vous ai rencontrées, vous et votre fille, les
deux.
MME METIVIER: Ce n'est pas impossible,
M. Blank, mais comme je vous dis, vous n'avez jamais fait une
étude.
M. BLANK: Je pense que j'ai fait une étude...
MME METIVIER: Je m'excuse, peut-être que M. le Président
ferait une motion pour un rappel à l'ordre, ce que j'essaie de dire,
c'est de parler ici du bill et non pas de moi-même. Mais si vous
permettez, je soulèverai une remarque faite par Me Jean-T. Loranger et
je pense qu'avec l'érudition que tout le monde lui reconnaît,
quand il dit une chose ça mérite d'être
écouté. M. Loranger s'inquiétait beaucoup. Lorsqu'il
s'agit d'une instance judiciaire dirigée contre l'Etat, l'Etat a tout
intérêt pour te freiner. Si vous froncez les sourcils,
peut-être que vous avez une question? Vous ne trouvez pas que l'Etat a
tout... Non. M. Lamoureux, peut-être, vous aimeriez dire quelque chose
sur ça. Oui, enfin. M. Choquette, vous savez vous-même que
même en référant les cas à 1'ombudsman, ça
vous a pris deux ans et plus trois semaines récemment et ce n'est pas
encore arrivé. Alors, ce n'est pas un reproche que je vous fais, c'est
une analyse.
M. CHOQUETTE: Madame, ne me faites pas le reproche d'avoir pris cette
décision-là quand même.
MME METIVIER: Non, mais je vous ferai peut-être une mise au
point.
M. CHOQUETTE: Parce que vous avez dit que vous en étiez
très heureuse. Pardon?
MME METIVIER: De ne pas l'avoir entérinée.
M. CHOQUETTE: Qui?
MME METIVIER: C'est ça la plainte du pauvre, le
décalage.
M. CHOQUETTE: Non, mais, madame, puisque vous abordez le sujet du
Protecteur du citoyen, ne me faites pas de reproche de vous avoir
suggéré cette solution que vous-même vous avez
acceptée, et vous avez signé un document avec votre avocat.
M. LAMOUREUX: M. le Président, je me permets d'invervenir
à ce moment-ci et je ne pense pas tout de même qu'on veuille
mettre de côté actuellement le bill 10 pour dire: Tous les pauvres
déféreront leur cas à l'ombudsman.
M. CHOQUETTE: Non, non, c'est madame qui a soulevé le
problème de l'ombudsman, alors je tenais à dire ça.
MME METIVIER: J'aimerais le dire très honnêtement, M.
Choquette. Je ne veux pas
laisser tomber, je peux répondre, excusez. Ce que j'essaie de
dire, c'est ceci, parce qu'il faut que ces vérités-là
soient sues. Cela ne sert à rien d'aller à la
télévision et vous faire une bonne publicité, disant
à tout le monde comme vous êtes gentil, abordable,
désireux, démocratique: Si, quand on vous voit, quelle que soit
la personne, je ne parle pas du tout du ministre là parce qu'il est
absolument très complaisant et très ouvert, mais quand on arrive
à donner suite, c'est le "donner suite" qui est important et c'est
ça qui crée les litiges dans la province de Québec. Vous
avez un contrôle néfaste dans le secteur Saint-Henri, qui est un
noyau à l'heure actuelle qui grandira sûrement parce qu'ils sont
allé chercher quelques mécontents pour souffler la cause.
Souvenez-vous, moi aussi je lis The Godfather; mais The Rise and Fall of the
Third Reich a commencé exactement comme ça, exactement comme
ça.
Il y a également une ingérence de perversion travestie qui
s'est infiltrée et à l'assistance judiciaire et ailleurs et
ça aussi personne ne veut l'admettre. Et je dois vous dire que, quand
vous confrontez ces gens qui ont un déséquilibre hormonal
marqué, vous subissez un préjudice réel et vous les
entendez crier dans les cours municipales et dans les corridors: Je suis trop
fatigué pour m'en occuper, j'ai mal à la tête. Et
ça, on l'a vécu. Maintenant, c'est beaucoup moins drôle que
ça peut paraître parce que, quand un bonhomme venant de
l'assistance judiciaire est attaqué de cette façon-là et
que cette aberration influe sur ton accès à la justice au point
où ton témoin parce qu'il est avocat doit prendre la
relève et t'obtenir une motion spéciale de non-lieu à
cause de sa propre compétence, on se demande pourquoi on n'a pas
employé l'avocat qui te servait de témoin plutôt que la
personne qui a déjà le contrôle sur ton accès
à la justice. J'espère que ça ne vous choque pas ce que je
vous dis, mais les choses que je dis ici sont dites peut-être un peu
moins intensément, peut-être un peu moins clairement parce que les
gens dans notre quartier parlent avec leurs coudes. Il se disent: Hein, hein,
Jacques, c'est vrai? Puis l'autre dit: Ouais.
Alors, en partant de ça, ils traduisent leur idée mais
vous, vous ne savez pas ce que c'est, mais eux comprennent très bien ce
que c'est. J'ai même apporté le papier de la fameuse clinique,
peut-être que Me Lamoureux me fera le plaisir de le voir parce que lui
peut au moins voir les buts réels de la clinique qui sont donnés:
C'est supposé donner l'assistance judiciaire, oui, mais ton but
réel est de former les groupes, d'aider les groupes pour que ces
groupes-là, se groupant, aillent contre l'Etat. Bon, ils veulent
renverser cet Etat, ils travaillent très étroitement avec les
syndicats. A Montréal, nous avons un secteur qui s'appelle les CAP, vous
savez les centres d'action politique.
On a mis des candidats à la mairie sous le nom de FRAP. Il n'y a
personne ici qui a vécu, durant sa carrière distinguée,
des moments plus pénibles que ceux que ces petits groupes de personnes
haineuses ont fait vivre à la province à un coût
astronomique.
Je vis dans Saint-Jacques, rue Sanguinet à Montréal. Dans
cette rue, j'ai le CEGEP de Montréal à côté de moi.
Sanguinet c'est près de Saint-Denis, Sherbrooke et Ontario. Donc, je vis
dans un quartier pauvre. Je vous dis qu'il n'y a rien d'édifiant
à voir ces élèves-là descendre la rue en hurlant,
comme s'ils étaient dans un pays où il y avait des canons
fixés sur eux, quand c'est le pays le plus paisibles, le plus
démocratique, le meilleur de la terre. Moi, cela m'inquiète;
j'espère que cela vous inquiète également. Si vous ne
portez pas attention au pitoyable témoignage que je fais de mon mieux
avec le courage que je peux avoir, parce que je suis bien consciente de mon
incompétence, je suis bien consciente que je ne suis pas à la
hauteur... Mais, je n'ai trouvé personne d'autre qui voulait venir et,
aux quelques reprises où on m'a permis d'invoquer, pas dans cette veine,
les articles de ce bill qui m'avaient frappée, ainsi que votre
confrère, les gens ont téléphoné en si grand nombre
que ce sont eux qui sont venus me chercher en disant: On ne sait pas comment le
dire. Irais-tu, toi, le dire? J'ai dit: J'irai en faisant des excuses à
cette assemblée premièrement pour retenir sa compétence
sur les problèmes qu'on soulève, mais deuxièmement, avec
un réel espoir. Si malhabile que je puisse être, vous trouverez
des compétences similaires à vous. En partant de ça,
j'espère que vous ferez une analyse si profonde des ramifications de
cette loi, de sa portée sur la liberté des gens, tenant
même compte qu'on peut être favorisé aujourd'hui. Dans un
renversement de l'Etat, on peut partir avec ce qui nous reste dans notre
"wallet" et ne pas être plus riche qu'un autre. Et on vit avec la
même loi qu'on veut nous imposer. Je terminerai sur ça et je vous
remercie infiniment de m'avoir écoutée. J'espère que je ne
vous ai pas accaparés et que je vous ai fait comprendre un tout petit
peu ce que le pauvre le moindrement renseigné ressent quand il entend
"citoyen". Citoyen veut dire pour lui révolution française,
citoyen veut dire Che Guevara, citoyen veut dire beaucoup de choses qu'on
n'admet pas dans la province de Québec. J'espère que vous en
tiendrez compte. Merci infiniment.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.
M. LAMOUREUX: Avec votre permission, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Brièvement, parce que nous avons une autre
personne ce matin.
M. LAMOUREUX: Très brièvement, MM. les membres, M. le
ministre. En fait, la réaction du pauvre devant le bill 10 que je vais
traduire en deux mots est une réaction d'inquiétude. A
première vue, cela semble pouvoir régler son
besoin d'aide juridique. Lorsqu'il en prend connaissance un tant soit
peu, il s'aperçoit que ce sera une faculté, pour une corporation
locale, de lui accorder cette aide juridique. Il s'aperçoit qu'au moment
où il exposera son problème pour obtenir cette assistance, il
risque fort que toutes ses affaires personnelles né soient
ébruitées à un très grand nombre de personnes. Il
s'aperçoit même que, si la décision ne lui est pas
favorable, que si son droit à l'aide juridique est contesté,
lui-même ne pourra pas se faire entendre à la personne qui va
entendre l'appel, la personne chargée de la révision par la
commission.
Le pauvre est inquiet et il est dans le doute sur la
réalité du droit qu'on lui offre, sur cette existence-là.
Il est dans le doute de savoir s'il va pouvoir en profiter, en regardant le
texte lui-même. Lorsqu'il apprend que les critères qui vont servir
à décider de son admissibilité seront fixés par une
commission à venir, il est alors dans le noir.
Quels seront ces critères? Il ne le sait pas et nous qui
discutons du bill 26, nous ne le connaissons pas encore; à ce point que
je me demande s'il ne serait pas bon, souhaitable, que le projet de loi
contienne lui-même les critères en question. On pourra voir
davantage si le bill 10 va ou ne va pas, dans des cas pratiques, dans le
concret, régler le problème du pauvre. L'analyse, disons
exhaustive, article par article de la portée du bill 10, a
été faite très savamment par d'autres que nous auparavant.
Je signale en particulier le mémoire qui a été
préparé par Me Jean-T. Loranger, directeur du bureau d'assistance
judiciaire de Montréal.
Je ne reprends pas cette analyse-là, je répéterais
sans doute toutes les corrections qu'il a lui-même
suggérées. Tout de même, il y a des choses qui frappent le
pauvre et que je veux signaler. Par exemple, celle-ci? lorsqu'on lui
concédera que l'avocat de quartier ne peut pas s'occuper de son affaire,
ce n'est pas lui qui pourra choisir un autre avocat, non, c'est la corporation
qui lui imposera un autre avocat; de sorte que le mandat qui va intervenir
n'interviendra pas entre le client et l'avocat mais entre la corporation et
l'avocat, de cette façon on va plus loin et cela je le trouve absolument
incompréhensible, impensable. On va plus loin de sorte que, si à
un certain moment il y a incompatibilité entre l'avocat
désigné par la corporation et le client, cela sera un motif pour
qu'on retire au pauvre son droit, ni plus ni moins, d'ester en justice. Je ne
vois pas comment on peut laisser cela dans le bill 10 si on veut vraiment
donner l'aide juridique aux pauvres et si on veut que le pauvre en face de
l'appareil judiciaire soit sur le même pied que celui qui a les
moyens.
Pour me conformer à la suggestion qu'on m'a faite, je vais
terminer en résumant comme ceci encore une fois; le pauvre devant le
bill 10 n'a pas l'assurance et il ne peut pas l'avoir puisque c'est facultatif
à la corporation de lui accorder l'aide juridique. Il n'a pas du tout
l'assurance qu'il va avoir l'aide juridique dont il aura besoin. J'y vois un
autre danger également, c'est qu'à un certain moment les
ministères de la Justice et des Affaires sociales seront
représentés dans la commission. Il trouve que son droit est
déjà brimé, il y a déjà une discrimination
contre lui. Si vous me permettez, il a été cité tout
à l'heure un cas personnel, ce n'est peut-être pas une mauvaise
chose en fait cela "typifie" la position du pauvre quel qu'il soit en face d'un
organisme d'aide juridique si bien intentionné soit-il. C'est un exemple
où un comité d'affaires civiles d'un bureau d'assistance
judiciaire prend connaissance d'un dossier et dit: On juge bon de ne pas
procéder. C'est une espèce de jugement préalable, un
jugement qu'on voudrait avoir de la cour, cour qu'on ne peut pas consulter
précisément parce qu'on est privé de moyens.
Or, c'est en substance ce qu'on voudrait que votre commission retienne
et peut-être voudra-t-elle reporter à passablement plus tard
l'adoption de ce projet de loi pour se donner le temps d'inclure dans le projet
lui-même les critères qui décideront de l'accès et
l'accès pour vrai du pauvre à la justice.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Me Noël
Beauchamp, bâtonnier du Barreau de Hull.
Barreau de Hull
M. BEAUCHAMP: M. le Président, honorable ministre, M. le chef
parlementaire de l'Opposition, messieurs les autres membres de la commission,
mesdames, messieurs, je suis des plus heureux, même dans un programme
aussi chargé que le vôtre, d'être admis en retard à
présenter un mémoire qui mettrait je crois devant vous le
microcosme, pour me servir du terme de l'honorable ministre avec lequel je suis
d'accord. A Hull nous avons vécu l'expérience qui permet
peut-être d'entrevoir comment le projet de loi peut être
adapté afin de réconcilier les quatre parties à ce
problème, à savoir, le Barreau, la société, les
universitaires et l'Etat.
Nous avons établi un système à Hull où nous
avons respecté le droit de l'indigent de recourir à l'avocat de
son choix mais ce n'est pas le seul droit dont il est question. Notre
expérience nous a révélé qu'il y a également
le droit de l'indigent de recevoir la même qualité d'attention et
de service que la personne qui a les moyens. C'est notre conviction profonde
que vous ne pourrez pas lui assurer ce deuxième droit avec le
système de défenseur public et de clinique. Je crois qu'il y a un
moyen terme à développer. Maintenant, le système à
Hull a été le résultat de la participation de tous les
membres de notre section et c'est la plus grande section du Barreau en dehors
de Montréal ou de Québec, 160 membres. Us ont tous
participé, personne n'avait le droit de désengagement. En
plus de cela, nous avons fourni un service de consultations juridiques,
les quatre premiers soirs de chaque semaine, à tout le public sans
égard à leurs moyens.
Le public qui avait peur de l'avocat est entré là. On ne
posait pas de questions, on prenait état de ses problèmes. Cela
se faisait dans l'anonymat. On disait: Vous avez une cause valable, vous
devriez vous trouver un avocat; si vous n'avez pas les moyens, allez voir le
directeur demain, il vous émettra un certificat.
Pour cette expérience, nous avions toute la gamme, nous avions
les fonctionnaires, les praticiens. C'était vraiment le système
de consultation le plus compétent qui ait jamais existé dans la
province. Y avait accès, entre autres, le directeur de cette clinique,
la clinique du soir, c'était Paul Olliver qui lui-même en faisait.
A défaut de lui, on envoyait Landry qui s'occupait des faillites, au
point qu'on suggère à notre régistraire en faillites
d'aller prendre des consultations. Vous pouvez vous imaginer le niveau de
compétence.
Nous avons fait tout ça cette dernière année, parce
qu'on voulait établir vraiment les besoins du public avant que le projet
de loi soit déposé. Parce que, lorsque votre projet sera
déposé, vous allez avoir la loi, l'administration, les
structures, les cadres et le personnel. Ce n'est pas tellement facile,
même si la Législature a l'avantage de
l'arrière-pensée, ce n'est pas tellement facile, lorsque vous
avez imposé le système, de venir le changer. Avant même de
lever le système, il faut se lever avant de marcher, il faut marcher
avant de courir, il faut courir avant de sauter, et le projet de loi vous est
lancé en plein dans un système qui est radical, ayant
égard à l'absence presque totale d'une expérience
vécue et valable avec des recherches locales, dans un projet qui va
établir des cadres, de nouvelles structures administratives et tout le
reste. Et en tant qu'ancien fonctionnaire des services juridiques du
fédéral, pendant douze ans, je peux vous dire que, lorsqu'on est
pris avec cette structure, la plus belle idée sociale s'enterre et on
finit avec de la bureaucratie, les avocats argumentent avec les fonctionnaires
et rien ne marche. Vous allez voir, ça va être très
coûteux. L'assurance-chômage, j'en ai une expérience
vécue, j'étais le conseiller juridique adjoint pendant plusieurs
années.
Nous avons réussi à Hull à établir la nature
et la répartition de ces besoins dans les quatre comtés de
l'ouest du Québec. Ce sont des comtés urbains, semi-ruraux et
ruraux et que notre section du Barreau de Hull dessert. Il faut dire qu'il n'y
a pas de Pointe-Saint-Charles dans nos trois districts judiciaires. De fait, on
se pose la question: Combien y en a-t-il de Pointe-Saint-Charles, en dehors de
Montréal? A Montréal, combien y en a-t-il? Un, deux, trois, c'est
tout. On veut, de ce problème, cette plaie, prendre l'expérience
américaine des ghettos ou du ghetto noir à Halifax, parce que ce
sont les seules sources de statistiques importées qu'on entend, et
imposer ça au niveau de la province.
Nous avons même constaté, même avec la belle clinique
et les expertises qu'on avait, le travail d'équipe qui
caractérise toujours les confrères si tu ne savais pas la
réponse il y a toujours un confrère qui peut t'aider que
les indigents avaient la solution, parce qu'on leur donnait le meilleur. On a
toute une gamme de compétences, même si ce sont les avocats de
Montréal qui viennent nous donner des leçons pour en apprendre
parfois.
Nous avons constaté que, pour un certain nombre d'indigents
à Hull, leurs problèmes dépassaient les capacités
de tout organisme d'aide juridique qui pourrait être envisagé.
Parce que la pauvreté, si elle est à la source des
misères, est également le produit des misères. On peut
prétendre que trouver une solution juridique va résoudre le
problème, c'est ridicule. De fait, d'autres l'ont dit. Se servir du mot
clinique donne une illusion au public ou à l'indigent qu'on va
résoudre tous ses problèmes, plus ou moins comme une clinique
médicale. Le mot clinique n'est pas de notre jargon, ce n'est pas la
formule professionnelle des avocats. Ce que nous croyons, c'est qu'il pourrait
certainement y avoir pour le pauvre, dans un ministère approprié,
des cliniques multidisciplinaires où la personne va recevoir tous les
soins. Il y aurait alors une concurrence loyale, la participation de tout le
monde, une coopération qui n'a pas été encore
réalisée mais ça, c'est le genre de solution pour le
pauvre. Je crois qu'on met devant le mauvais ministère le
problème de résoudre totalement le problème de la
pauvreté. L'aspect juridique, oui, mais qu'on le résolve de la
façon pour laquelle la profession est qualifiée et par son
expérience et ses antécédents pour le résoudre.
Qu'on ne cherche pas dans notre profession à apporter les techniques
collectives communales des autres professions, la profession médicale
entre autres, où le pauvre doit attendre à la clinique pendant
des heures, pour finalement être mis dans un bureau où il y a la
parade des spécialistes et finalement le spécialiste qui
s'attarde avec le bobo qu'il a en tête, se rend là et le soigne
pendant qu'on fait cela.
Ce n'est pas la manière des avocats. Nous devons nous asseoir et
écouter, prendre vraiment l'intérêt du client, aller au
fond de l'affaire. Il faut savoir définir le problème, ensuite on
sait si on a la compétence soi-même ou s'il faut de l'aide.
Là, on fait entrer les autres. C'est notre manière de faire.
Maintenant, dans toute cette histoire, les universités, les professions,
aucun ministère n'a songé à trouver ce genre de cliniques.
Je crois que c'est sur le même niveau. Ils devraient examiner le
problème. Cela devrait leur être laissé. Je ne
suggère pas de suspendre la loi, mais de fouiller les aspects qui
cherchent à aller plus loin: qu'on ait un peu plus de recherche, qu'on
ait un peu d'expérience avant que vous fassiez tout le chemin avec votre
proposition de défenseurs publics.
Nous croyons aussi, lorsqu'on parle de l'avo-
cat populaire et qu'on veut chercher à faire servir cet
appareillage que vous aller créer ou constituer, que c'est pour
résoudre certains problèmes qui devraient être
résolus d'une autre façon. Le problème du
législateur, c'est comme pour le chirurgien, la tentation est toujours
de résoudre à même sa spécialité. Alors,
quand vous avez un problème, vous dites: Pondons une loi. Le chirurgien
dit: Enlevons la cause. L'interne dit: Donnons-lui des pilules et mettons-le au
régime. Chacun tend à résoudre selon sa
spécialité, mais il y a peut-être d'autres manières
de faire. Ce serait peut-être celle de retourner à
l'administration et de dire: Le ministère des Affaires sociales accapare
un tiers du budget en toutes sortes de beaux règlements, c'est une
grosse administration compliquée. C'est tellement compliqué que
cela prend des avocats populaires pour aider le pauvre public à aller
s'en servir. C'est une manière d'administration: qu'on améliore
l'administration et qu'on rende ses accès moins compliqués. Vous,
comme législateurs, dans votre sagesse, vous prévoyez un tiers du
budget de la province pour cela. Vous n'êtes même pas capables de
mettre cela à la portée du pauvre. C'est ridicule et vous
demandez aux avocats de le faire. Et le pauvre dit: Cela prend des avocats
populaires pour le faire, parce que les avocats réguliers, nous en avons
peur. C'est ridicule! Qu'on décomplique l'administration et nous
n'aurons pas besoin d'avocats populaires, et pas plus que nous aurons besoin de
ces soi-disant cliniques, parce que ces cliniques, dites juridiques la
question se pose à Hull comment les administrer? Celle de Hull
n'a jamais fonctionné, elle a loué un local, c'est tout. Personne
ne s'est rendu, il n'y a eu aucun service rendu, il n'y avait personne de
compétent pour le faire. Cela a créé une certaine
confusion devant le public.
Nous avons négocié avec ces gens-là. En fait, il y
avait une équipe de trois universitaires et un animateur. Ils ont
trouvé une formule de participation collective universitaire et
populaire. Le monsieur dit: Votre négociation est
prématurée. Après six mois de charroyage et de
négociation, comme président du comité des services
juridiques, j'ai été obligé, par mon assemblée
générale, de retourner à la négociation, quand
j'avais absolument épuisé, à même un comité
de neuf autres membres, toute la bonne foi possible pour trouver une formule
d'adaptation. On n'est pas intéressé à avoir une affaire
sérieuse et responsable. On veut consacrer cela à l'animation
politique, pour ne pas dire révolutionnaire! J'en suis fermement
convaincu et si vous regardez le secteur de Hull pour le bien-être
on a 10 p.c. des litiges de la province à notre cour de Bien-Etre. Nous
sommes 5 p.c. de la population et nous avons le double. Si nous prenons la cour
Provinciale, nous avons 8 p.c. à la cour Provinciale, ce sont les
petites causes. A la cour Supérieure, on prend notre trou à 5
p.c. Mais on a une populace beaucoup plus pauvre que la moyen- ne. Notre
système à Hull a fonctionné à même les fonds
que l'Etat avait fournis avec un directeur à temps plein, mon
confrère, avec le personnel qu'il fallait et un local approprié
et là on a mis en place notre système. L'animateur et les
universitaires, on les a rencontrés, on leur a demandé: Est-ce
qu'il y a une critique? Dites-nous ce qu'on ne fait pas et que vous voudriez
qu'on fasse! Bouche bée, ils n'ont pu rien dire à ce monsieur de
tantôt. On lui a dit: Veux-tu qu'on s'en aille et qu'on vous laisse
l'affaire? Allez à l'Etat pour avoir les moyens. Qu'est-ce que vous
voulez venir faire ici? Bien, on veut faire des petites choses à Hull.
Bien nous, on dessert tout un district et c'est la seule chose qu'ils
voulaient. On leur a mis ça en plein défi, Me Cooper quand il est
venu était bien au courant, ç'a été dit devant lui
avec ces gens-là, il était bien au courant que...
M. PAUL: Il n'y avait plus rien à animer.
M. BEAUCHAMP: C'est ça et il n'y a pas eu une seule critique de
la part des pauvres.
M. CHOQUETTE: M. Beauchamp, ça prouve justement que parfois,
quand il y a un "vacuum" quelque part, il faut que les gens responsables le
remplissent ce "vacuum"-là...
M. BEAUCHAMP: D'accord.
M. CHOQUETTE: ... s'il y a des gens, si le "vacuum" n'est pas rempli,
vous avez là des éléments que vous pouvez trouver douteux,
qui cherchent à le remplir.
M. BEAUCHAMP: Je suis entièrement d'accord sur les remarques que
vous avez faites tantôt, juste avant le dernier orateur si
éloquent. Au point où en sont les débats, c'est presque
enfoncer une porte ouverte. J'avais l'impression que le travail serait plus
difficile mais vos remarques voulant que les trois doivent se
réconcilier, c'est fondamental, les trois et notre idée pour
faire participer le public, notre formule, c'est que l'usager,
c'est-à-dire la personne qui après examen a reçu un
certificat et qui s'en est servi, cette personne devient qualifiée avec
ce certificat pour voter pour le choix d'un représentant, pas la
première année, l'année provisoire. Et on suggère
pour le début que vous devriez vous adresser à des organismes
vraiment populaires qui ont prouvé leur popularité, à
savoir les syndicats il y en a qui sont éminemment respectables
et sérieux, peut-être même la majorité les
caisses populaires, ces corps-là qui sont établis en place, leur
demander, c'est le système dans d'autres lois, par exemple
l'assurance-chômage, la structure supérieure, on demande aux
syndicats et aux milieux des affaires de faire des nominations. Qu'on demande
aux caisses: Faites des suggestions aux coopératives... ce sont tous des
organismes en place qui sont parmi les gens,
parmi les gens qui, s'ils ne sont pas indigents au point de vue du
service social, sont indigents au point de vue du système de l'aide
juridique, ils n'ont pas les moyens de supporter le litige auquel ils ont
à faire face. Ils sont qualifiés selon les normes.
Choisissez pour la première année et, après
ça, lorsque le directeur, à l'expérience de la
première année, aura émis un nombre de certificats, ces
gens-là seront admis à voter. Cela éliminerait toutes ces
questions de va-et-vient et, eux, pourraient certainement, si les usagers
veulent choisir une personne qui n'est pas usager pour les représenter,
c'est un peu comme le choix d'un avocat, on leur laisse choisir; et comme pour
leur député, on leur laisse choisir la personne qu'ils
veulent.
Maintenant, au point de vue de coût, c'est la chose la plus
extraordinaire. Nous avons pu à même nos statistiques
établir que, même la partie du budget prévue pour Hull,
soit $150,000 et quelques dollars, pour la période, si on avait
payé le civil... Le civil, c'est la moitié des causes d'aide
qu'on a données. Ce sont des gens pauvres et c'est beaucoup plus
important pour un pauvre d'être aidé que de faire la prison au
criminel parce que, s'il est pauvre, on ne lui donne pas grand-chose. On dit:
Sentence suspendue ou un jour de prison, quelque chose comme ça. Le
civil, tu enlèves à la personne la seule chance qu'il a
d'affirmer le peu de droits qu'il a, son argent. Alors, le civil il faut le
protéger. La moitié des causes à Hull, c'est du civil.
On a constaté que, si tout avait été payé
selon les tarifs existants, pas 60 p.c. du tarif criminel, si tout avait
été payé, on serait resté dans les limites de notre
budget. Quand on nous parle de la statistique d'Ontario qui a apporté
ces chiffres, on oublie de mentionner que leur tarif civil comporte deux tiers
de ce qu'on appelle au Québec les honoraires ex-judiciaires. Les avocats
d'Ontario sont des avocats cossus, on les respecte et leurs banquiers les salue
sur la rue. L'avocat de Québec au contraire fait son chemin sur la rue
comme un autre ordinaire et des fois, son banquier lui dit: Reviens demain.
Il y a une distinction profonde...
M. HARDY: Ce doit être tentant pour ceux qui sont à Hull de
traverser la rivière.
M. BEAUCHAMP: D'accord, mais ils savent qu'il n'y a rien à y
faire que ça ne les avantagerait pas du tout. Parmi ce genre de
statistiques on exagère... Il y a eu une étude que j'ai
notée le jour de la présentation du mémoire de la
Fédération des avocats, une étude par huit avocats
à Montréal, dans le bureau d'aide judiciaire. Ils ont mis des
prix, ils ont donné comme $7,000 le coût de leurs services durant
un mois, comparé à $37,000 le barème de 60 p.c.
pour les salaires pour un mois. Mais on sait que le salaire est
seulement la moitié de ce que ça coûte au point de vue
administratif. Il faut payer l"'overhead", la retraite, le fonds de pension, le
bureau, le téléphone, la secrétaire, tout le reste. C'est
reconnu, les normes de tout bureau de personnel sont que les coûts de
salaires se doublent, aussi simple que ça. C'aurait été
plus juste de commencer avec ça, ça aurait été
$14,000 comparé à $36,000.
Autre chose. Il y a $8,000 qu'on a mis pour les comparutions et
représentations. Dans notre système, le directeur comme "duty
officer" est là à la cour, il fait tout ça; il n'est pas
payé; dans son salaire, c'est inclus. On enlève $8,000 encore, on
est rendu à $28,000 comparé à quelque chose de l'ordre de
$14,000 ou $15,000. Il y en a d'autres; c'est le genre d'analyses qu'il faut
faire quand on se laisse influencer par les statistiques. Nous sommes
exposés à la tentation, et même, en fait, dans notre
mémoire, il s'est glissé une erreur.
Nous avons cru que nous avions 10 p.c. du litige de la province. Vrai
dans le domaine social; non pas dans le tout. Alors, nous avons corrigé
notre mémoire et Me Barrière est ici pour vous donner la
statistique corrigée. Nous sommes, en moyenne, 6 p.c. Alors, si vous
prévoyiez au point de vue de la division des fonds par section du
Barreau, si nous avions la part de 5 p.c. de votre budget proposé de $5
millions à $6 millions, nous pourrions vous garantir l'atteinte de tous
les objectifs prévus et prévisibles dans votre projet de loi.
C'est l'engagement que le Barreau de Hull vous donne à ce moment-ci, si
vous prévoyez cette chose.
Evidemment, la chose fondamentale est que notre système
fonctionne sur la base de liberté de choix. Nous ne pouvons nous
attendre, avec le volontariat que nous avons eu, que si vous payez des gens en
place qui seront à temps plein, même si le temps plein signifie de
9 heures à 5 heures si on en fait des fonctionnaires, on aura des
heures de fonctionnaires que l'avocat praticien reprendra lui-même
et acceptera de faire des services gratuits. Nous l'avons toujours fait. Nous
n'avons pas d'objection à le faire, dans une certaine mesure. Mais, avec
toutes les nouvelles lois que vous créez, les nouvelles complications,
les difficultés administratives pour avoir accès même aux
bénéfices que la loi a prévus, vous créez toutes
sortes de problèmes juridiques et l'avocat est forcé à
faire l'équilibre. Parce que, nous, au point de vue économique,
nous faisons comme Robin des Bois. C'est reconnu. C'est le client rentable qui
nous fournit les moyens d'aider l'indigent qui vient chez nous et nous ne le
refusons pas. C'est la tradition professionnelle. Alors, vous proposez
maintenant d'éliminer tout cela à même les mêmes
clients. Vous allez imposer également des taxes pour avoir l'argent pour
payer le système. Vous vous détaxez vous-même, parce que la
moitié de ce qui sera payé en honoraires vous reviendra d'une
autre façon. Alors, il ne faut pas trop exagérer le coût du
tarif à l'acte. Si vous faites cela, vous éliminerez tout ce qui
est à la base de la profession parce que nous,
dans notre pratique, nous sommes obligés d'être
orientés par le concept de service, de servir et d'aider, parce que
c'est un peu à la pige. L'indigent vient et choisit l'avocat qu'il
connaît. Et vous savez, en dehors du centre de Montréal et du
centre de Québec, tout le Québec est un grand village. Ne
l'oubliez pas. Les mentalités villageoises sont là. Vous avez des
chemins cahoteux pour lier cela, beaucoup de lacs, beaucoup de rivières,
beaucoup de forêts, quelques usines, dont l'Hydro.
M. HARDY: Vous n'êtes pas très gentil pour le ministre de
la Voirie en parlant de chemins cahoteux.
M. BEAUCHAMP: Oui, mais dans l'ouest du Québec...
M. PAUL: Il est très réaliste, cependant.
M. BEAUCHAMP: Donc, c'est un très grand village, tout le monde
connaît un avocat. S'il ne le connaît pas, il est très
facile de le connaître par un autre. Nous allons sur la rue principale,
eux nous connaissent. Je vous assure qu'ils nous connaissent. Alors, la
question d'avoir le problème de rôder pour se trouver un avocat,
ne se pose pas, il y a toujours quelqu'un qui s'est servi d'un avocat parce que
nous avons une province où l'habitude du peuple, c'est un peu
près des cours. Si une personne n'a pas de litige, elle va voir le
litige des autres.
M. HARDY: C'est cela. C'est vrai.
M. BEAUCHAMP: Si on n'a pas autre chose à faire durant l'hiver,
on vient agir comme jury en cour d'Assises.
M. HARDY: C'est cela.
M. BEAUCHAMP: Même le pauvre palais de justice de Hull a un
certain attrait pour les gens.
M. HARDY: En campagne, le palais de justice est le meilleur spectacle
pour les assistés sociaux.
M. BEAUCHAMP: Oui, c'est cela. C'est du théâtre, avant la
télévision, d'accord. On a mentionné tantôt qu'il
n'y avait pas de réciprocité. C'est inexact. Nous avons
établi avec les gens de l'Ontario un système de
réciprocité. Il le fallait, parce que les gens du Québec,
nos indigents, vont en Ontario où on a toutes sortes de biens
laissés un peu à la dérive, facilement volables. Ils les
volent, ils se font arrêter, ils comparaissent devant les tribunaux de
l'Ontario et là, avant le changement apporté par la loi du
cautionnement, on disait: Vous êtes résidant de la prison, on vous
donne de l'aide. Avec la nouvelle loi, ils ne sont plus résidants. Si on
ne le permet plus, ils ne la donnent plus. Eux, d'autre part, viennent au
Québec et ce sont des accusations de moeurs. Parce que nous sommes des
personnes gentilles, cela attire les Ontariens qui viennent; ce sont toujours
des problèmes de ce genre-là. Nous avons les gens d'Ontario avec
des problèmes de moeurs qui viennent au
Québec et, nous, nous avons nos pauvres indigents qui vont voler
en Ontario, une province plus riche que la nôtre. Alors, il fallait faire
une sorte de réciprocité afin d'essayer que les problèmes
se résolvent et nous l'avons établie.
Nous sommes allés plus loin. Nous en sommes même rendus
devant les tribunaux administratifs fédéraux pour plaider des cas
d'indigence: un Indien arrêté à Vancouver et flanqué
dans une prison à Québec. Et on présente la cause à
Ottawa. Le bureau d'assistance judiciaire de Québec demande au Barreau
de Hull: Veux-tu plaider la cause de ce bonhomme-là?
Là, on fait l'expérience et on approche. C'est un
problème sérieux au niveau de l'administration
fédérale, le problème des indigents devant plusieurs
tribunaux. Ils ne sont pas représentés du tout. C'est une base
d'avoir des subventions du fédéral. On ne se fait pas des
arguments constitutionnels, nous. On ne fait pas de politique dans ces
choses-là. Si le gouvernement fédéral, reconnaissant le
rôle prestidigieux que le Barreau de Hull peut jouer avec un
système de corporation locale, pourquoi refuserait-on de l'argent pour
faire des choses spécialisées que personne d'autre n'est
qualifié à faire? C'est notre point de vue. On ne se fait pas de
problèmes avec ça. D'ailleurs dans les négociations avec
le fédéral vous auriez pu certainement vous servir du Barreau de
Hull pour que le fédéral donne directement à votre
ministère. On se fout de la discussion pourvu qu'il y ait suffisamment
d'argent pour le permettre.
Excusez-moi, mais je cherche à simplifier. Quant à la
participation populaire qu'il devrait y avoir à Hull, on n'a pas peur du
tout que ce soit une majorité de représentants choisis par les
usagers au conseil d'administration pour faire la critique du mode
d'administration de l'acte, pourvu qu'il ne porte pas atteinte à
l'intégrité de l'acte ou à la relation entre procureur et
client, l'indigent, parce qu'on considère que, même s'il est
indigent, il a le droit à de bons services. On n'a pas d'objection.
Mettez-en une majorité. Après tout, ce sont eux qui doivent
guider la corporation locale sur l'application de la manière dont elle
se fait, la corporation régionale sur l'égalité ou
l'équilibre dans le prolongement des services dans tous les districts et
la corporation provinciale sur les normes d'indigence. Ce sont eux. Laissez-les
choisir. Faites-leur une grande place. C'est leur place. C'est pour eux que
vous faites la loi. Nous, on peut vivre avec ça, pourvu qu'on ne les
laisse pas contrôler et affecter l'indépendance du directeur qui
émet le certificat. S'ils ne sont pas heureux avec ça ils vont en
appel. D'accord, ça marche. Là ils auront la chance de dire: Le
directeur est trop professionnel peut-être, trop avocat ou quelque chose
comme ça. Nous n'avons pas d'objection à ça, pourvu que ce
soient des personnes représentatives des usagers, mais pas des
charroyeurs avec des sigles, des initiales etc., c'est comme des dents de Jason
à Hull. Chaque fois qu'on tourne de côté, qu'on
traverse la rue, c'est une autre association locale, grosses initiales,
pancartes. On en a une vingtaine. Ce sont tous les mêmes visages.
On fait le procès du Barreau au point de vue des
intérêts économiques. Une chose devrait être
évidente. Le pauvre n'a jamais été une source
d'enrichissement pour l'avocat, parce qu'on crèverait de faim.
Pensez-vous que nous sommes ici pour plaider pour le bifteck? Le syndicat des
avocats qui se forme dit: Nous allons représenter les
intérêts économiques. Dieu merci, nous ne sommes pas ici
pour le faire. Si vous croyez que l'intérêt économique va
faire valoir... faites-le. Nous sommes solidaires du mémoire du Barreau
du Québec. Nous sommes ici pour montrer notre mode d'application. Ce
n'est jamais le pauvre... impossible d'y penser. Et, vous pouvez être
sûrs, dans l'administration de la corporation locale est-ce qu'on va
laisser un type profiter d'une formule d'honoraires à l'acte se ramasser
avec $1,500 pour avoir fait vingt comparutions dans une journée?
Ridicule! Ridicule! On va lui dire: Tu fais 20 comparutions, cela te
prend deux heures, on va te payer pour tes deux heures. Cela vient de
s'éteindre. C'est ce qu'on a fait d'ailleurs.
Cela résout énormément de problèmes, et cela
évite les abus de l'Ontario. On le sait, c'est notre expérience.
A Ottawa, sans mentionner de noms ce sont des noms qui ont figuré
publiquement dans le cas de deux avocats qui sont également deux
frères, un s'est fait $60,000 et l'autre s'est fait $40,000, pour une
première année d'aide judiciaire. Le Barreau les a obligés
à en retourner les deux tiers. C'est le Barreau qui a pris l'action
contre eux. C'est un abus et la Loi du Barreau le prévoit. Quand vous
prévoyez certaines choses, il faut également compter sur le fait
que la Loi du Barreau va continuer d'exister, pour permettre au Barreau
d'assurer que les membres vont suivre l'éthique et les proportions
voulues. Autrement dit, ne cherchez pas à tout faire dans le droit.
Vous avez des lois qui vous aident. Entre autres, si on a le bill 10,
ça nous prend plus le bill 70. Si l'indigent peut avoir des avocats
disponibles et qu'il n'y a pas d'honoraires, qu'un avocat aille
représenter la personne, parce que la critique du Barreau, c'est que les
grosses corporations sont celles qui tentent d'abuser des pauvres et qu'elles
auront leurs petits experts pour aller devant les cours d'équité
où chaque juge, selon la loi, est autorisé à faire sa
propre jurisprudence. Cela dépendra de la cravate ou de la couleur des
yeux du plaideur, ou de son petit ami local qui viendra faire sa cause et aura
une petite spécialité paroissiale.
Ce n'est pas nécessaire avec votre système d'aide
juridique. Ce n'est pas nécessaire, votre bill 70. Cela devient de moins
en moins nécessaire. Autrement dit, chaque loi a son rôle.
Celle-ci semble avoir éteint le rôle du bill 70, et ne mettez pas
dans votre loi des dispositions qui sont mieux exprimées dans la loi du
Barreau. Celle-ci peut mieux contrôler la manière dont l'avocat va
faire son affaire. La corporation pourrait assurer son application s'il y a un
abus.
Maintenant, on en vient à la question du libre choix. C'est
tellement fondamental, parce que c'est la base de toute la pratique. La
personne à qui on donne des certificats et qui n'est pas heureuse, avec
l'avocat, elle se dit: Je change. Elle va dans un gros bureau et on lui donne
un junior. Elle n'est pas heureuse avec lui. Elle garde son certificat et va
s'en choisir un autre, comme une personne riche va le faire. Nous, on est
obligé de soutenir une concurrence. On n'est pas dans une grande ville.
On a peut-être un certain nombre de corporations publiques, municipales
ou autres, ou privées qui sont des clients et qui permettent tout le
reste. Nous devons nous justifier chaque fois qu'on fait des actes de
représentation dans nos secteurs. En dehors de Montréal et de
Québec. On est prolétaire par excellence. On est obligé de
continuer à travailler. La Loi du Barreau nous défend de faire
autre chose que de la pratique.
Très bien, on va en faire. On travaille et, à ce
moment-lâ, on est responsable. On sait que si on n'est pas sensible aux
clients, on les perd. Une mauvaise réputation se fait très
rapidement dans nos villages. Il faut travailler et satisfaire le client.
Devant lui, il faut être compréhensif. On suggère de
substituer à cela un neuf-à-cinq.
Pour la question de la clinique, on croit que la corporation locale a un
rôle d'informatique et c'est l'informatique préventive. On n'a pas
d'objection à ce que le bureau ou la corporation locale soit
autorisé à faire des causes types. Au contraire. C'est une
manière d'assainir un milieu ou une situation judiciaire quelconque.
Combien de fois êtes-vous obligés d'amender une loi, lorsqu'un
avocat, sans peut-être vouloir faire une cause type, en arrive à
un résultat qui vous oblige à l'amender? Alors, il n'y a pas
d'objection, si cela aide à améliorer la loi. C'est le tribunal,
après tout, qui, dans la cause type, décide si la personne a un
droit bien fondé. Cela permet de nettoyer toute une situation
désordonnée. Qu'il le fasse.
Je termine, il y a des statistiques à faire valoir.
M. BARRIERE: Pour ce qui est des statistiques qui sont basées sur
le mémoire du Barreau de Hull, nous avons établi trois besoins
différents à remplir. Ces besoins-là, nous les comblons de
manière différente. Je dois vous dire que, pour établir
les statistiques suivantes, nous projetons de couvrir les districts judiciaires
de Hull, de Pontiac et une partie de Labelle, soit cette partie qui est
desservie par la cour et qui siège à Maniwaki, donc les
comtés provinciaux de Hull, Gatineau, Pontiac et Papineau.
L'activité judiciaire de ce district est augmentée du fait de la
proximité de Hull. Il y a une population de 500,000 habitants, soit
Ottawa qui a des activités judiciaires dans notre district.
En fait nous représentons et c'est la
correction que nous voulons faire avec ce que nous avions marqué
dans le mémoire environ 5 p.c. de l'activité judiciaire de
toute la province de Québec. Or, le système
préconisé par le bill 10 devrait coûter, selon le ministre,
entre $5 millions et $6 millions par année et nécessiterait
l'emploi de 200 avocats, ce qui représenterait pour notre district,
proportionnellement de $250,000 à $300,000 et l'emploi de dix procureurs
à temps plein. Le système que nous proposons est basé sur
trois différentes représentations. D'abord il y a l'information,
un besoin à remplir, nous prévoyons le remplir en continuant
notre bureau de consultation avec la participation de nos confrères qui
viennent faire du bureau dans le local de la corporation, le local des services
juridiques et qui seraient payés selon un taux horaire. Nous
prévoyons que nous serions capables d'avoir des avocats à $15
l'heure pour faire la consultation à quatre soirs par semaine et
à deux heures par soir, ce qui donnerait un budget de $6,000 pour la
consultation. Pour ce qui est de l'information, nous prévoyons aussi un
budget annuel de $3,000 qui serait pour faire de l'information sous toutes
formes, soit la publicité, les conférences et autres, soit les
communications qu'il faut faire au public des lois qui touchent principalement
le pauvre.
Une deuxième section du travail est faite par des avocats
à temps plein. C'est le travail social de l'avocat. Dans ce travail,
nous incluons le travail de "duty officers" c'est-à-dire le travail de
comparution, l'avocat qui va à la cour tous les matins, cour des
Sessions et cour du Bien-être, qui assiste les gens qui n'ont pas
d'avocat même à ce stade sans poser de questions sur les moyens
financiers pour diriger les gens dans leur plaidoirie. A partir de ce
moment-là, nous comprenons aussi, dans le travail social de l'avocat,
toutes les représentations qui devraient être faites devant les
commissions, les régies provinciales et fédérales telles
la commission de révision des prestations du bien-être ou de
l'assurance-chômage, ou comme j'ai eu l'occasion de le faire
dernièrement, la cour Fédérale dans un cas
d'immigration.
Pour ce qui est du budget du travail social de l'avocat, nous
prévoyons qu'à Hull il y aurait nécessité d'engager
deux autres procureurs et, comme actuellement cela nous coûte $5,000 par
mois y compris toutes les dépenses d'administration, nous croyons qu'un
budget global de $7,500 par mois, soit $90,000 par année suffirait pour
remplir cette mention du budget. La troisième section de
représentation, c'est la représentation devant les tribunaux.
Quand il s'agit d'aller devant la cour, que ce soit en matière
criminelle ou civile, que ce soit à la cour Provinciale ou à la
cour Supérieure, cette représentation serait assurée par
les avocats de la pratique privée avec le libre choix donné
à l'individu comme nous le faisons actuellement à Hull.
Les gens viennent nous solliciter à nos bureaux, nous
décidons si, à sa face même, il y a un droit à faire
valoir. Ensuite, nous faisons le "mean test", si vous voulez, et nous
émettons un certificat qui dit à la personne qu'elle peut choisir
l'avocat de son choix. Et je dois vous dire en passant que, dans les huit mois
où j'ai émis les certificats, je n'ai eu aucun retour de
certificat. Ce qui prouve qu'à Hull comme à
Saint-Jérôme les gens connaissent des avocats, parce que je n'ai
eu en aucune occasion à désigner un avocat tel que la
constitution nous le permet au cas où une personne ne connaîtrait
pas d'avocat.
M. HARDY: Je regrette que Me Dulude ne soit pas ici.
M. BARRIERE: En matière criminelle maintenant, nous avons
basé les statistiques du coût de notre expérience
jusqu'à maintenant. Dans les six mois d'activité, à Hull,
selon les causes qui sont déjà facturées, il en a
coûté une moyenne de $113 la cause. Alors, si on fait le
prolongement des 107 causes que nous avons eues pour six mois, si vous
l'établissez sur une base annuelle, une somme de $25,000 serait
suffisante pour payer les honoraires des causes criminelles à Hull.
En matière civile, comme il y a autant de causes qu'au criminel
et que, malheureusement, nous n'avons pas de chiffres à donner à
la cause parce qu'on n'a pas eu d'honoraires de payés. Je me suis
attardé aux chiffres qui ont été présentés
dans le dernier rapport de l'Ontario qui donnait $229.02 pour les causes en
1970 et $145.38 en 1969. J'ai ai conclu une moyenne de $200, parce qu'on ne
comprend pas les honoraires extrajudiciaires qui sont compris en Ontario. Mais,
si on fait une moyenne de $200 la cause, un budget de $40,000 serait suffisant
pour couvrir les causes civiles.
Ce qui veut dire que globalement, pour couvrir le district, alors que le
bill 10 prévoit des dépenses qui pourraient aller de $250,000
à $300,000, le budget que je viens d'établir, soit un total de
$164,000, serait suffisant pour servir les besoins de la population de Hull,
budget qui est inférieur, comme de raison, à celui qui est
proposé par le bill 10. Comme vous le voyez, nous faisons faire trois
sortes de travaux par des personnes différentes. Il y a l'information
qui se fait par les avocats de la pratique privée, mais au bureau de
l'assistance judiciaire et je dois dire que ce même système
existe actuellement en Ontario nous avons le travail social de l'avocat.
Et quand on compare la différence du coût entre le paiement
à l'acte et le paiement dans les bureaux de permanents, il faut dire
qu'on inclut beaucoup de travail, beaucoup d'actes, quand on compte les actes
qui sont du travail plus ou moins juridique.
Je regardais les différentes statistiques qui nous ont
été présentées jusqu'à maintenant sur ce
point-là. Je sais que personnellement, pour ceux que ça pourrait
intéresser, nous avons,
dans huit mois, reçu 1,500 personnes dans nos bureaux et j'ai
reçu plus de 4,000 appels téléphoniques.
Je dois vous dire qu'on donne beaucoup de consultations par
téléphone, ça empêche le déplacement des
gens. Mais ce sont quand même des actes juridiques qui sont faits par des
procureurs permanents. Nous continuons à faire ce même genre de
travail durant la journée, à même les permanents, soit un
travail d'information et de consultation, mais avec la participation de nos
confrères le soir, payés à l'heure.
Au point de vue des statistiques et au point de vue du travail, c'est ce
que je voulais vous expliquer.
M. BEAUCHAMP: Je veux m'excuser auprès de la commission et de mon
confrère de ne pas l'avoir présenté. J'étais
tellement soucieux de l'horloge et de la nécessité qui nous
aurait été imposée de revenir. Je vois que c'est
terminé alors, je présente maintenant Me Jules Barrière,
j'avais cru que vous l'aviez peut-être rencontré
antérieurement; il est l'expert du Barreau sur l'administration d'un
système tel que le Barreau le préconise. C'est pour ça
qu'il a été appelé à siéger au
comité, c'est pour aider à préparer le mémoire du
Barreau.
M. CHOQUETTE: Merci beaucoup.
M. BARRIERE: Maintenant, M. le ministre, pour répondre à
une des questions que vous avez posées tantôt à propos de
ce qui s'est passé entre le groupe universitaire et le groupe du
Barreau, étant donné que j'ai été personnellement
mêlé à cette discussion, je dois dire que nous avions
d'abord fait des démarches pour avoir une coopération et que
ça ne semblait pas avancer.
A la suite d'une assemblée générale de notre
Barreau, j'ai été délégué ensuite comme
négociateur pour le Barreau. J'ai rencontré Me Gourd et Me
Marcotte avec lesquels nous nous sommes entendus sur une formule mixte pour la
composition de la corporation, qui est exactement la même formule que
nous proposons dans notre mémoire; soit le directeur qui est avocat,
deux avocats choisis par les avocats participant à l'assistance
judiciaire, ceux qui disent à l'avance qu'ils vont participer, un
notaire nommé par les notaires participant à l'assistance
judiciaire, deux universitaires et trois citoyens, élus parmi les
usagers.
La représentation du tiers que vous avez déterminé
dans le bill 10, le minimum, elle est quand même là dans notre
composition et cette formule a été acceptée, et par Me
Gourd et par Me Marcotte au moment de la discussion. Je dois dire que nous
sommes tombés d'accord exactement la veille, sans le savoir, du
dépôt du bill 10. Le lendemain, j'ai présenté ces
normes de composition à mon comité qui les a acceptées et,
par la suite, j'ai appris que Me Gourd et Me Marcotte avaient
démissionné comme négociateurs parce que leur
comité a trouvé que les négociations étaient
prématurées, étant donné le dépôt du
bill 10.
Nous sommes toujours prêts à considérer la formation
de cette corporation telle que nous l'établissons. De toute
façon, nous avons indiqué dans le rapport que nous étions
encore intéressés à le faire.
C'était une formule acceptable autant par l'université que
par le Barreau, il ne manquait que l'assentiment des citoyens ou du groupe de
citoyens, qui étaient représentés par M. Guimond.
M. BEAUCHAMP: Pour l'information de la commission, je note deux choses
qui n'ont pas été dites, le désengagement global et le
désengagement à l'unité. Je crois que vous ne devriez pas
admettre dans votre projet de loi ceci est personnel, ce n'est pas mon
Barreau le principe de désengagement qui a été
adopté en Ontario, désengagement global, parce que c'est une
obligation. Si les avocats sont payés à 100 p.c. du tarif, le
budget indique que cela pourrait être fait. Ne permettez pas aux avocats
de se retirer entièrement. A l'unité, oui, mais autrement, qu'ils
portent la charge. Je vous dis que mon expérience et l'expérience
de tout avocat plaideur, c'est que l'accès du pauvre dans notre bureau
nous garde honnêtes, nous garde vigilants. Parfois, si on doit attaquer
la veuve et l'orphelin, on n'oublie jamais qu'on est obligé demain de
les défendre. Et c'est important. Cela nous garde au niveau social et
ça répond aux grandes traditions du Barreau qui, au fond,
à son honneur et son orgueil. On les défend tous. Ne nous donnez
pas le droit de nous désengager globalement, c'est trop facile.
Vous allez alors créer deux classes, comme madame l'a dit si
bien, deux classes d'avocats: l'avocat pour le riche, l'avocat pour le pauvre.
Et l'avocat du pauvre va épuiser tous les moyens pour changer cette
relation-là. Le riche, dans son beau bureau, dans sa salle d'attente, il
va dire: Les gueux, allez-vous-en. L'Etat a prévu un autre endroit pour
vous. Sortez du bureau, je n'ai plus affaire à vous. Ne leur donnez pas
ce droit-là, ça les rend respectueux de tout le monde, parce
qu'il y a toujours du pain sur la planche, c'est la base de sa profession.
Autre point, on a dit que c'est 1'"establishment"; il y a un
"establishment" local de contestataires. Alors, qu'on ne nous lance pas la
balle de l'"establishment", il y a toutes sortes d"'establishment" aujourd'hui.
Quant à toutes les allusions et les statistiques de Me Dulude,
franchement, je pensais à l'expression que j'ai déjà
entendue: Si ma grand-mère avait des roues, ce serait un autobus. C'est
ainsi, ça ne prouve rien. Toute la thèse d'ailleurs qui a
été présentée cherche à prouver que le
défenseur
public et le droit de le choisir, c'est établi par la
statistique. Au contraire, ce sont de belles théories mais qui ne
prouvent pas ces deux points-là. Peut-être qu'elles prouvent autre
chose, mais pas ces points-là. Merci.
M. CHOQUETTE: Merci, messieurs, c'est très
intéressant.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux au 7 juin à 9
h 30, mercredi prochain.
(Fin de la séance à 12 h 1 )