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Commission permanente de la Justice
Projet de loi no 10 Loi de l'aide juridique
Séance du mercredi 7 iuin 1972
(Neuf heures quarante-quatre minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente de la justice):
A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la justice continue l'étude du
projet de loi no 10 et j'inviterais maintenant Me Guy Coupai, notaire, qui
représente l'Association des notaires du district de Montréal,
à nous donner quelques commentaires sur le mémoire
présenté à la commission. Les membres retrouveront ce
mémoire sous le numéro 9M. Me Coupai.
Association des notaires du district de
Montréal
M. COUPAL: M. le Président, messieurs, je désire vous
remercier de nous permettre de vous exposer notre point de vue sur le projet
d'aide juridique. Permettez-moi de vous présenter les
représentants de notre association, soit le vice-président Me
Jacques-B. Viau, et l'un des administrateurs, Me Denis Gareau, ainsi que Mlle
Francine Beaudoin, conseillère en relations de travail. Vous voudrez
bien noter aussi la présence du vice-président de la Chambre des
notaires, Me André Cossette, et celle de l'ex-président de
l'Association des notaires du district de Québec, Me Germain
Paiement.
M. PAUL: Dois-je comprendre que le président de la Chambre des
notaires ne s'intéresse pas au projet de loi?
M. COSSETTE: Il ne faudrait pas l'interpréter de cette
façon-là. Je suis ici tout simplement pour vous informer que la
Chambre des notaires, après avoir pris connaissance du mémoire de
l'Association des notaires du district de Montréal, l'appuie sans
réserve.
M. HARDY: L'harmonie totale. M. COSSETTE: Bien, disons.
M. PAUL: Vous avez passé des minutes précieuses à
faire l'unanimité.
M. HARDY: D'ailleurs, c'est bien dans l'esprit des notaires de tout
concilier.
M. BACON: Les avocats sont méchants ce matin.
M. COSSETTE: J'aurai peut-être une petite remarque, une suggestion
à faire, d'ailleurs, le notaire Coupai va vous la présenter comme
telle, c'est une suggestion seulement de la part du conseil de la Chambre des
notaires, qui touche plus particulièrement le problème des
étudiants en quatrième année, soit au Barreau, soit
à la Chambre des notaires. On vous y demande de considérer
peut-être la possibilité d'utiliser les services de ces
étudiants de quatrième année, soit au notariat, soit au
Barreau, dans le cadre des travaux qu'auront à faire les corporations
que vous créez au moyen de ce bill 10.
M. COUPAL: Merci. Notre association souscrit au principal objectif du
bill 10, soit d'assurer l'accessibilité des services juridiques, aux
citoyens ne disposant pas des moyens suffisants pour obtenir les services d'un
avocat ou d'un notaire.
Nous avons tenté lors de l'étude et de l'examen du projet
de loi d'évaluer les besoins de ces citoyens en tant qu'individus et
comme membres d'une collectivité. Nous croyons que le premier objectif
de la loi devrait être de fournir et d'assurer aux
bénéficiaires de cette loi les renseignements et l'information
nécessaires à la compréhension sommaire des diverses
législations pouvant les affecter. Nul n'est censé ignorer la
loi, mais nous ne pouvons demander à tous et à chacun de prendre
connaissance des textes de loi, de lire chaque semaine la Gazette officielle et
de suivre attentivement les exposés de la presse écrite et
parlée.
Une vulgarisation planifiée des lois sensibiliserait et
inciterait les bénéficiaires à se renseigner et à
consulter qui de droit avant d'agir, leur permettant ainsi d'éviter des
situations souvent irréversibles. Le deuxième objectif serait de
rendre disponible et accessible une consultation juridique rapide et efficace
afin que les bénéficiaires puissent obtenir les avis
nécessaires pour éviter certaines erreurs ou pour poser les actes
requis par les circonstances. Cette consultation juridique serait suivie, selon
le cas, des services juridiques contentieux ou non contentieux.
Il serait nécessaire toutefois, pour atteindre ces objectifs, que
le projet de loi soit modifié afin d'assurer aux
bénéficiaires l'éventail complet des services juridiques
dispensés par les avocats et les notaires, quitte à ce que
l'application se fasse progressivement et par étapes
déterminées par la commission des services juridiques.
Nous vous suggérons donc, en définitive, une loi
générale d'aide juridique plutôt qu'une loi
spécifique d'aide juridique fortement axée sur les tribunaux
croyant sincèrement qu'il ne faut pas seulement dépanner les
bénéficiaires mais leur fournir un service juridique complet.
Tels sont les principaux objectifs à partir desquels nous avons
élaboré notre mémoire. Ce dernier traite aussi de divers
autres aspects du projet de loi qu'il serait inutile de répéter.
Nous vous prions toutefois, quelle que soit la décision finale du
gouvernement, d'éclaircir les articles traitant de la couverture des
services juridiques,
car il n'apparaît pas clairement actuellement quelle est
l'intention du législateur. Il nous apparaît cependant important
de vous souligner qu'il existe dans notre province deux professions juridiques
oeuvrant dans des champs d'activité distincts parfois
complémentaires, parfois communs. C'est pourquoi nous vous avons
suggéré que les mots avocats et notaires soient remplacés
par professionnels du droit afin que les deux professions soient placées
sur le même pied et que chacune puisse, selon les régions et les
circonstances, rendre aux bénéficiaires les services juridiques
auxquels ils ont droit.
De plus, il serait important de préciser le fonctionnement et
l'organisation des corporations d'aide juridique à être
régies par la troisième partie de la Loi des compagnies du
Québec et spécialement les notions de membres, listes de membres,
contributions annuelles et autres qui ne cadrent pas avec les objets des
corporations d'aide juridique.
Enfin, nous vous soumettons que les conditions d'adhésion et les
honoraires des notaires et avocats en pratique privée doivent être
déterminés par entente avec les organismes les
représentant, afin d'assurer aux bénéficiaires la
même qualité de service qu'aux citoyens mieux nantis, et non un
service moindre à cause d'honoraires réduits.
En conclusion, veuillez noter que la Chambre des notaires chose
qu'on a déjà dite tantôt ainsi que les associations
des notaires des districts de Montmagny-Kamouraska, Gaspé-Montmagny,
Québec-Charlevoix, Beauharnois-Iberville, Bedford et Rimouski ont
endossé le mémoire que nous avons soumis à votre
commission tel qu'en font foi les lettres et télégrammes que
j'aimerais déposer, si vous me le permettez. Je vous remercie de votre
amabilité.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission acceptent que
ces télégrammes soient déposés et versés au
journal des Débats?
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas vraiment nécessaire, on vous croit
complètement.
M. COUPAL: Merci.
M. PAUL: Si un notaire ne dit pas la vérité, que
voulez-vous?
M. CHOQUETTE: C'est la fin de tout. M. BACON : Surtout à un
avocat.
M. HARDY : On les considère comme marque authentique, mutatis
mutandis.
M. COUPAL: Il y en a quelques-uns sous seing privé.
M. HARDY: J'aurais seulement une petite question, M. le
Président. Vous parliez tantôt de considérer l'avocat et le
notaire sous une dénomination globale de professionnel du droit. Est-ce
que cela est envisagé dans une perspective de fusion possible des deux
professions?
M. COUPAL: Pas nécessairement.
M. PAUL: Est-ce que vous avez consulté le Barreau au sujet de
l'emploi de ce terme générique?
M. COUPAL: Non.
M. CHOQUETTE: Vous n'êtes pas en bons termes avec le Barreau ces
temps-ci.
M. COUPAL: Je ne voudrais pas m'engager sur ce terrain.
M. PAUL: Voulez-vous nous dire laquelle des deux professions veut manger
l'autre?
M. COUPAL: Disons qu'en tant que représentant de l'Association
des notaires du district de Montréal, je ne crois pas que nous soyons en
brouille avec qui que ce soit à ce jour et même pas avec le jeune
Barreau ou d'autres organismes.
M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas d'autres questions; je remercie Me Coupai.
Maintenant, j'inviterais Me Ronald Montcalm, avocat. Il va nous soumettre le
mémoire de l'Association du Jeune Barreau de Montréal Inc. Les
membres de la commission trouveront copie de ce mémoire sous le
numéro 11-M. Me Montcalm.
M. PAUL: M. le Président, avant que Me Montcalm commence ses
remarques, je voudrais poser une question indiscrète au ministre, parce
que je sais que le Jeune Barreau de Montréal est désireux de
connaître la position définitive du ministre, quant aux
amendements possibles au bill 70. Est-ce que le ministre a fixé
définitivement son attitude?
M. CHOQUETTE: Non.
M. PAUL: Alors, il y a encore espoir?
M. CHOQUETTE: L'espoir est permis.
M. PAUL: Ça s'améliore, mes chers confrères.
Association du Jeune Barreau de
Montréal
M. MONTCALM: M. le Président, depuis que le rapport a
été déposé, il y a eu des élections au Jeune
Barreau de Montréal et j'ai été remplacé dans ma
capacité de président par Me
Jim O'Reilly, à qui je vais maintenant céder la
parole.
M. O'REILLY: Merci, M. le Président.
M. PAUL: Vous avez gardé le système, par exemple.
M. O'REILLY: On a infusé un peu de sang irlandais dans le
système. MM. les membres de la commission, je désire vous
présenter les membres de notre délégation. J'ai à
ma droite immédiate Me Ronald Montcalm, à qui j'ai
succédé, je tiens à le dire. Il y a aussi à sa
droite Me Jean Bazin, ancien président de l'Association du Jeune Barreau
de Montréal, M. Larry Taman, à qui nous avons envoyé une
invitation d'être avec nous. M. Taman a surtout oeuvré dans les
cliniques juridiques de l'Ontario et est l'auteur d'un rapport qui a
été soumis au Conseil national du bien-être. Messieurs, je
veux très rapidement souligner que le Jeune Barreau pense que cette
question est primordiale. Nous avons oeuvré pendant plusieurs
années comme groupe, même si nous sommes formés de jeunes.
L'histoire de l'Association du Jeune Barreau de Montréal remonte
à la fin du XIXe siècle. Depuis l'instauration de l'assistance
judiciaire, qui elle, a été prônée en large mesure
par l'Association du Jeune Barreau de Montréal à l'époque,
ce sont nos membres surtout qui ont travaillé sur le plan pratique dans
l'assistance judiciaire.
Je tiens à vous souligner que, en général, dans les
faits concrets, en grosse proportion, c'est nous qui avons l'expérience.
Nous représentons quelque 1,100 personnes, des jeunes avocats de moins
de dix ans d'expérience; nous savons qu'ils ne sont pas tous d'accord
sur la position. Nous aussi, nous avons des divisions mais nous avons eu plus
de 650 membres qui ont payé la cotisation; c'est la position consistante
du Jeune Barreau : depuis des années, on prône un système
d'assistance judiciaire.
Il y a quelques années, nous avons précisément
recommandé, par le truchement du comité du Barreau du
Québec, un système qui est très semblable au
système qui est prôné par le bill 10. Or, c'est pour cette
raison fondamentale que c'est notre recommandation en soi qu'on retrouve et qui
est suivie. On ne veut pas être prétentieux là-dessus, mais
c'est pour cette raison fondamentale que nous sommes d'accord sur les principes
du bill 10. Ce n'est pas parce qu'on aime le gouvernement, ce n'est pas parce
qu'on aime le ministre de la Justice ou d'autres raisons, ce n'est pas parce
qu'on veut se chicaner avec le Barreau, c'est parce que c'est ça que
nous avons recommandé après des études
sérieuses.
Nous tenons à vous le souligner. On ne vient pas ici pour faire
une petite faction, nous venons défendre un point de vue que nous avons
étudié et que nous trouvons valable. Alors, pour mieux
préciser l'historique de l'oeu- vre du Jeune Barreau ainsi que toute la
question, je demanderais à Me Bazin d'expliquer ces points. Merci.
M. BAZIN : M. le Président, MM. les membres de la commission, je
voudrais prendre quelques instants pour souligner comme prérequis ou
comme prémisse à la prise de position que le Jeune Barreau veut
défendre ce matin que, depuis 1956 en particulier, le Jeune Barreau, par
ses officiers et surtout par ses membres, a été impliqué
directement dans la mise sur pied du bureau d'assistance judiciaire à
Montréal.
Si on regarde un peu en arrière, on se souviendra même
qu'à l'époque c'étaient les membres du Barreau de
Montréal qui versaient les deniers pour subvenir aux besoins de la
personne, parce qu'il n'y en avait qu'une qui travaillait à temps plein
dans le bureau d'assistance judiciaire.
Plus précisément vers les années 1963 et 1964,
c'était encore le Jeune Barreau qui avait une liste et qui envoyait des
représentants devant la cour des Sessions aux comparutions.
C'était à l'entière charge du Jeune Barreau, à
l'époque il y avait encore seulement une ou deux personnes qui
travaillaient à temps plein.
Depuis 1968, qui est la date de la préparation et du
dépôt d'un rapport, la position du Jeune Barreau sur l'aide
juridique était, comme l'a souligné Me O'Reilly, assez similaire
aux principes qu'on retrouve dans le bill 10. Ce sur quoi je veux insister,
c'est que et je cite le rapport de 1968 "il est urgent de
créer au Québec un système universel d'assistance
judiciaire". J'insiste sur le mot urgent.
Nous soumettons que cette question est très urgente, prioritaire,
et qu'on devrait instaurer le plus rapidement possible un système
d'assistance judiciaire dans la province de Québec, parce que si
l'expérience de Montréal est valable, si l'expérience de
Québec est valable, il reste quand même une foule d'autres
personnes qui, du moins jusqu'à récemment, ne pouvaient pas
bénéficier comme telles de l'assistance judiciaire, du moins de
façon structurée.
Je demanderais à Me Montcalm, à partir de ce bref
aperçu, de préciser les cinq critères de base sur lesquels
nous nous sommes fondés pour faire les recommandations que vous avez
devant vous ce matin.
M. MONTCALM : Messieurs, très brièvement, je vais citer du
rapport les raisons ou les principes sur lesquels nous appuyons nos
recommandations: un système d'aide juridique accessible aux
défavorisés tant en matière civile que pénale: une
régie autonome et indépendante pour administrer ce régime
d'aide juridique; le financement par l'Etat, qui relève de vous
finalement; des bureaux composés d'avocats permanents et un
système de références dans les cas exceptionnels.
Les motifs qui nous ont poussés à faire ces
recommandations, et on les fait comme on l'a dit tout à
l'heure depuis 1968, c'est qu'on a constaté qu'il existe une
spécialité qui s'appelle la spécialité en droit de
la pauvreté, si vous voulez. Nous croyons que les
défavorisés ont des problèmes particuliers dans un
contexte particulier et notre expérience personnelle et globale du Jeune
Barreau de Montréal a été qu'un avocat pratiquant dans une
étude ordinaire, si vous voulez, peut difficilement rendre les services
exigés par les défavorisés.
En conséquence, nous croyons que les avocats permanents
attitrés à des bureaux pour les défavorisés
seraient en mesure de rendre un service de beaucoup meilleur.
Le deuxième critère, c'est le critère de la
prévention. Or, dans le système de références
strictement, je ne crois pas que la prévention puisse exister. La
prévention, c'est ceci: Un défavorisé
téléphone à son bureau local et on lui indique le cours
à suivre pour éviter des problèmes, on l'invite à
venir au bureau, etc. Ceci est intimement relié à
l'accessibilité psychologique et territoriale. L'accessibilité
psychologique est extrêmement importante. Un défavorisé qui
entre dans un bureau d'avocats de la rue Saint-Jacques ou de la rue Dorchester,
n'est pas à l'aise. Nous sommes en mesure de le constater.
Voici une dernière chose sur laquelle j'aimerais insister. On a
fait une cause pour cette fameuse liberté de choix et nous tenons
à vous dire que cette liberté de choix, pour les
défavorisés, est tout â fait illusoire. En pratique, ce qui
se produira, particulièrement dans les milieux urbains, c'est que la
personne se présentera devant une corporation locale et dira: Je veux
avoir l'avocat Untel pour me représenter. Cet avocat, s'il est tellement
connu, sera probablement désengagé. Or, que sera la
liberté de choix? Le directeur lui indiquera simplement un avocat ou un
autre. Alors, nous croyons que, dans les milieux urbains, cette liberté
de choix est tout à fait illusoire, d'autant plus que nous croyons que
les corporations ou les bureaux composés de permanents seront en mesure
de déceler les problèmes juridiques, ce qu'un système de
références ne peut accomplir en aucune façon.
Avant de terminer, j'aimerais dire que le Jeune Barreau s'est
déjà prononcé en faveur de la fusion notaires-avocats.
Maintenant, messieurs, nous sommes ouverts à vos questions.
M. LE PRESIDENT: Merci, Me Montcalm. Je remercie également Me
O'Reilly et Me Bazin. J'inviterais Me Raymond Boucher du service juridique.
Est-ce qu'il y a des questions?
Le député de Saint-Louis.
M. BLANK: J'ai une question à poser à M. Taman. Do you
understand French?
M. TAMAN: Well enough, I think.
M. BLANK: Well, I will ask it in English.
There were some discussions here a few Weeks ago during the last hearing
that a large number of lawyers in Ontario opted out of Judicare and the
question came up of how many of the lawyers are really practising law as we
know it in Quebec as against the practice of the notarial profession? Have you
any idea of what the percentage is in Ontario of lawyers that exclusively
practise real estate law as the notaries do it here?
M. TAMAN: I think it is probably not as high; the figure that now exists
is approximately 39 p.c. of the lawyers that are practising in Ontario took
some part in the plan, but there is no statistics breaking that down to
indicate what part of those 39 p.c. took what part of the case load.
M. BLANK: In those 39 p.c, in Quebec, it would be 39 p.c. of 100 p.c. of
lawyers who practise law?
M. TAMAN: Yes.
M. BLANK: In Ontario, it is 39 p.c. of lawyers that practise law and
notarial profession. Any idea of what that 39 p.c. would represent in Quebec
vis-à-vis lawyers only?
M. TAMAN: I really don't know, I could not say.
M. BLANK: Fine. The question came up here at the last few hearings.
M. CHOQUETTE: Mr. Taman, I believe you are the author of the recent
report on this question of Judicare versus clinics...
M. TAMAN: Yes, sir.
M. CHOQUETTE : ... or legal aid in general, should I say, because it is
not necessarily the battle between the two schools of thought that was your
main preoccupation, but an objective examination of the problem. Could you
summarize the conclusions of your report for the members of the committee?
M. TAMAN: The approach that I took in the report and the approach that I
still take is that the central question is the best way to deliver the service
that we are trying to deliver, the best way to make the legal system
accessible. I think that when one considers the special attributes of the poor,
it is quite clear to me at least that the legal service clinic technique is
much more effective. I said in my report, one point in the paragraph was
sighted by the Bar of Quebec and its submission that it was
impossible to say that one system was perfect or the other system was
perfect. At the same time, I think, looking especially at the American
experience which is the broadest experience, but now as well looking at the
clinics that exist in Quebec, the part of their law office in Ontario, in
Toronto, the clinic that will open in August in Winnipeg, the clinics that are
now under discussion by the parliamentary committee, the special parliamentary
committee in Saskatchewan, that more and more people are coming to realize that
the legal service system, that the clinic system is better and I think that the
reasons are fairly clear. It is clear, for example, from the data that the poor
are much less able than the middle class person or than the commercial man to
recognize a problem or a fact situation as one that may have a legal solution.
There is a great deal of datas on that and much of which was presented before
the Attorney General's Committee in Nova Scotia, there is a great deal of
American datas on that. A plan like the Ontario plan which requires a person to
take the initiative to go to visit the plan in order to get a certificate
presumes that the person will know that he has a legal problem. The fact that
that presumption is probably not a valid one, I think, is best indicated by
looking at the case load of the Ontario plan, what kind of cases the people
actually bring and what they bring in the main to the amount of 85 p.c, is a
kind of case where everybody would be expected to know that you need a lawyer,
criminal law matters and family law matters.
The rest of matters like, for example, matters dealing with juvenile,
within the American programs, amount to about 18 p.c; matters dealing with
housing, within the American programs, amount to 10 p.c. of the case load;
matters dealing with welfare, workmen's compensation, etc., within the American
programs, amount to 8 p.c. of the case load; they do not even have separate
statistical categories in the Ontario report. There are not enough of those
kinds of cases to even classify them separately.
I think that fairly clearly indicates that people do not bring those
kinds of cases forward in part because they do not recognize that a lawyer may
be able to assist them with that kind of problems. But also in part, as Me
Montcalm has said, because the milieu in which the Judicare program in Ontario
works is now one which permits poor people who are reluctant to enforce their
rights to become familiar with the lawyers, to gain confidence in the lawyers,
to gain confidence in themselves.
The end result of that, I think, is that the cases are not brought, the
important cases that affect the lives of the poor are not brought. On a civil
side, almost 75 p.c. of the cases that are brought are family matters. I think
that it strains credibility to believe that 75 p.c. of the civil legal problems
of the poor are really family problems. There are obviously a great number of
other problems that are not being brought. I think what the clinic can do, that
the Judicare program like the one in Ontario has a great deal of difficulties
in doing, is reaching out to people, explaining their rights to them,
encouraging them to come forward with their complaints and gaining the
confidence of the community.
M. CHOQUETTE: Mr. Taman, before this committee, because we are now I
believe at our sixth seance, we have had considerable exposure to both the
Judicare approach and the clinic approach. Therefore, I believe that the
members of the committee are pretty familiar with, let us say, the two schools
of thougth and the arguments pro one theory or the other.
But you believe that the problems can be summarized in choosing one
formula against the other or the other formula against the first, or in your
view and from your analysis, is there a possibility of marrying the two systems
in a proper equilibrium so as to give a practical approach to the needs of the
poor and nevertheless obtaining the contribution, or the assistance of the
legal professions which is practicing on its own? Do you see a solution on that
direction?
M. TAMAN: When I saw the bill when it was introduced on first reading in
the Assembly, I was frankly impressed with the compromise that has been chosen
by the drafters of the bill. I thought that it represented a very sensible
compromise, it seems to me to be saying that looking at all the material, it is
clear that for the bulk of the work, the clinic system is a system that is most
effectively going to deliver service.
But, at the same time, there will be situations where, because a problem
is a problem requiring a particular kind of competence, dealt with which is in
section 41 and following, because an individual has a particularly strong
relationship with the lawyer whom he or she would really like to pursue, those
kinds of allowances could be made. But the general approach was to say that we
would have the clinic system with, in exceptional cases, references on a
certificate basis to outside lawyers. I think that is a sensible compromise, I
think that to be rigidly confined to the neighbourhood services idea would cut
off access to valuable resources. But, at the same time, I think that the bill
recognizes, and I agree, that that access is something that is necessary in
what one might call exceptional cases which are defined in part in the statute
and I suppose would be defined even further in regulations. I thought that was
a good compromise.
M. CHOQUETTE: Mr. Taman, would you make a distinction between densely
populated
areas and very urbanized sections of the Province and less densely
populated and more rural areas? Would you draw a distinction from the
experience that you have in this field?
M. TAMAN: Well, I brought with me a study, which was just recently
completed in the United States on rural services programs which I could leave
with the committee if that would help. I think that what they concluded there
was that the system of full time lawyers is superior also in rural areas, from
the point of view that while it may be true that in smaller areas people know
more lawyers, are more familiar with the lawyers, it is also true that there is
in fact less choice, that in a town that has one or perhaps two lawyers, the
chances are that those lawyers have acted more or less for the paying clients
in that small community and that there is a greater possibility of conflict of
interests in smaller communities. In many rural communities, there are no
lawyers at all and therefore it becomes necessary to have people somehow
visiting smaller communities at regular intervals.
I leave you, Mr. Minister, the report, but they generally concluded that
the system also works better in rural areas again with the possibility of
making references outside in exceptional cases.
M. CHOQUETTE: You understand, of course, that in our rural milieu here
in Quebec, poverty is not as accentuated as it is in certain areas of the
United States.
M. TAMAN: Certainly.
M. CHOQUETTE: And therefore that the social situation is not exactly
identical with the situation that may prevail in certain areas of the United
States, in certain rural areas, and our own situation here.
M. TAMAN: It was my understanding though that, for exemple, the Hull Bar
had tried to characterize. Hull is somehow falling outside the urban milieu of
Montreal and...
M. CHOQUETTE: Hull is a mixed situation. I mean the City of Hull is very
urbanized, there is no doubt about that, but the surrounding areas, the other
areas around like Papineau and Pontiac constituencies, are very rural in a way;
so it is a very mixed situation.
M. TAMAN: With the possibility of making outside references, I think
that is a kind of judgment that the Commission will in time make experience
with, will find the best mix for those areas.
M. CHOQUETTE: Yes, the question you would advise on is a practical
approach to this problem, when we ate faced with specific situations, whether
they are very rural, whether they are mixed or whether they are very
urbanized.
M. TAMAN: I agree. That is a question of judgment that can really only
be made at the time, I would say.
M. BLANK: Mr. Taman, here is one of the complaints of the group that
represented Judicare, if you want to call it that way: they are afraid that the
so-called poor who would go to legal clinics would be getting a second-class
sort of lawyer, in this respect that the case load would be very high and
secondly that because of the salary or the remuneration, you get either very
young lawyers who are just coming out to the practice or those who just could
not make it and would be there. Now, to avoid that sort of thing, what do you
think of the possibility of using the legal clinic for two purposes, two
purposes only, and leaving the rest to Judicare? One, prevention as you call
it, in other words, publicize the rights of people in the area, and second, as
a diagnostic clinic. That is the lawyer or the person at the legal clinic who
would decide whether there is need for legal action. And if there is need for
legal action, then he goes to the private sector, to the Judicare, with a
certificate to get his work done in other words, to alleviate the case load and
yet accomplish the social desire that you wish. In other words, everybody would
have the right to legal action and know their rights and to exercise that
right.
M. TAMAN; Let me respond to the two points. First of all, I would
disagree fairly strongly with the initial premise.
M. BLANK: It is not my premise. M. TAMAN: No, I understand.
M. BLANK: It was that of those that preach Judicare.
M. TAMAN: I am not disagreeing with you, then. I would disagree quite
strongly with the initial premise that the quality of service is lightly to be
less. If the Commission in fact hires people who cannot get jobs anywhere else,
if they in fact have 98 p.c. lawyers who are four months out of law school,
what is going to happen? If the choices are made intelligently and if quality
people are there, I think there is absolutely no reason to expect that that
will happen» And having visited clinics in various parts of the United
States, it has always impressed me that there is a very high quality of legal
services offered there. When one reaches the point where you get very high case
load pressures, I think the answer is to increase the staff. The answer is not
to stop at that moment and commence referring people
outside. And secondly, as to the specific suggestion of the way that the
clinics could be used, I think frankly that it is not a good suggestion. My
experience in working in clinics is that, by the time the poor man gets to the
clinic, you are probably the sixth stop on the route; he has probably been to a
social worker, to a priest, to a doctor, and now he is before you. When people
come to the clinic, they want the problem solved, they want somebody to sit
down and start to work on it, period.
And I think that that can be done with a very high quality of work in
clinics. It is done in many of the clinics that already exist in Quebec, in the
Ontario clinics and in the American clinics. And I think that it is not a
difficulty.
M. BAZIN: Si vous me permettez, M. le Président, sur ce point
spécifique de la statistique qu'on offre en Ontario, qu'il y a
maintenant 40 p.c. d'avocats d'engagés, on essaie de dire: C'est
évident, il y a 60 p.c. de soi-disant notaires et il reste les 40 p.c.
d'avocats qui sont engagés.
Je pense qu'il faut tenir compte de ceci, par ailleurs: quand le plan a
débuté, il y en avait 80 p.c. d'engagés dans le programme
et ça a diminué à 60 p.c, à 40 p.c; c'est rendu
à 39 p.c. ou 38 p.c. et on se demande si ça va continuer à
diminuer. Alors, la statistique, compte tenu de la diminution constante,
indique quand même que les avocats ont tendance à se
désengager.
Sur la question de la qualité des services, au bureau
d'assistance judiciaire de Montréal, il y a environ 32 avocats qui
pratiquent à temps plein devant les cours criminelles. Or, la moyenne
des services fournis par ces avocats est meilleure que la moyenne fournie par
les avocats de la pratiqué privée qui se rendent devant ces
mêmes tribunaux. Comment en arrive-t-on à cette
conclusion-là? Par des commentaires, par les juges et par un pourcentage
d'acquittement.
Mais on arrive à déterminer que, en général,
la moyenne est meilleure que dans la pratique privée. Il est
également à remarquer qu'il y a environ...
M. BLANK: Peut-être que les gens défavorisés sont
plus honnêtes que les autres.
M. BAZIN: Peut-être. Ils s'occupent également d'à
peu près 72 p.c. de toutes les causes. C'est quand même une bonne
indication pour insister sur le fait que ces personnes seront
qualifiées, elles seront compétentes et elles seront surtout
intéressées au travail qu'elles feront.
M. CHOQUETTE: Me Bazin, pour poursuivre la discussion qui a
été commencée par le député de Saint-Louis
et que vous avez poursuivie, Me Chapados, quand il est venu nous exposer son
point de vue au nom de la
Fédération des avocats, n'a pas pu répondre
à la question que je lui ai posée dans ce sens-là. Est-ce
que vous préconisez l'abolition du bureau d'assistance de
Montréal et celui de Québec?
M. BAZIN: Il faudrait...
M. CHOQUETTE: Plutôt que répondre à la question, il
a suggéré qu'on reporte le projet de loi à plus tard.
M. BAZIN: Je pense que c'est tout à fait ridicule, compte tenu
des circonstances actuelles, de préconiser un système qui aurait
pour effet de fermer les bureaux d'assistance judiciaire à Québec
et à Montréal. Si M. Chapados pousse logiquement à bout
ses principes, il faut qu'il aboutisse à cette conclusion-là, il
n'y a pas de doute.
M. CHOQUETTE: C'est ce qu'il me semblait: c'est pour ça que je
lui ai posé la question.
M. BAZIN: Il n'a pas le choix, il faut qu'il dise...
M. CHOQUETTE: Bien oui!
M. BAZIN: ... que c'est seulement du référé. Ce
sera un bureau d'assistance sociale qui va donner les certificats et le gars va
aller chez l'avocat.
M. CHOQUETTE: M. Bazin, vous êtes un jeune avocat mais vous avez
quand même quelques années de pratique et tous ceux qui sont
devant nous, ce matin, en ont un certain nombre, si on les accumule toutes
ensemble. Comment expliquez-vous tous ces désaccords très
profonds à l'intérieur de la profession, sur une
orientation...?
M. BAZIN : Il faut peut-être que je fasse un peu l'historique du
Barreau au cours de la dernière année. Il s'est produit sur la
question de l'assistance judiciaire, au mois de juin 1971, un compromis. A la
suite de ce compromis, le Barreau a même préparé un projet
de loi dont vous avez copie. Nous avions soumis, à l'époque,
qu'il y avait quatre possibilités: Judicare pur, Judicare avec cliniques
exceptionnelles, cliniques avec Judicare exceptionnel, les cliniques
uniquement.
Cela a été la première étape et
l'unanimité était faite. Or, il s'est produit, au sein du
Barreau, un genre d'effervescence suite à certains projets de loi qui
ont été adoptés ou qui sont en voie de l'être. Il y
a également eu la création d'une association d'avocats qui, parce
qu'il fallait quand même justifier son existence, a pris la position
suivante: Messieurs les avocats, vos intérêts économiques,
nous allons nous en occuper.
Et si un projet de loi ou une situation particulière touche
à vos intérêts économiques, nous allons nous eh
occuper. Parce que le Barreau, lui, il faudrait qu'il fasse un compromis. Il
faut quand même qu'il s'occupe de l'intérêt de ses membres
et de l'intérêt public. Or, avec la création de
l'Association des avocats, avec l'effervescence au sein du Barreau, je soumets
que le Barreau a changé sa position sur l'aide juridique celle qui avait
été prise au mois de juin 1971. Devant ce changement de position
de la part du Barreau et devant l'insistance de certains membres du Barreau de
renverser la vapeur, on se retrouve présentement dans une situation
où le Jeune Barreau de Montréal, en particulier, revient à
sa philosophie et à ses principes de base qui, je le mentionnais, ont
été élaborés par écrit, du moins depuis 1968
et qu'il a toujours continué à défendre.
Dans le projet de loi du Barreau, vous vous souviendrez qu'il
était question d'avocats permanents avec le référé.
On a eu des heures de discussion sur le référé
exceptionnel ou le référé pur et simple mais toujours
est-il que tout ça a cassé parce qu'on a repris des principes sur
lesquels on s'était entendu et je pense qu'on a oublié le motif
principal qui est celui de l'accessibilité, de rendre accessible
l'appareil judiciaire et les avocats. On a oublié ça pour
commencer à parler de liberté de choix.
Moi, je n'ai pas de querelle en principe sur la question de la
liberté de choix. Je suis même d'accord en principe mais quand,
compte tenu de l'intérêt de celui qui doit recevoir les services
juridiques, compte tenu de l'intérêt du défavorisé
qui est mal pris et qui est "poigné" en prison, peu importe où il
est, compte tenu de tout ça, je dis qu'il ne faut pas élaborer un
système ou chercher une solution à partir d'un principe qui, en
pratique, se révèle illusoire.
On a donné des statistiques, on nous dit: Vous n'avez pas de
statistiques à Montréal. C'est vrai, mais par ailleurs, quand Me
Loranger vient dire: Il n'y a jamais personne qui m'a demandé d'aller
voir un avocat en particulier, il n'y a jamais personne, même au sein du
bureau, où ils sont 32 qui font du droit criminel plus une quinzaine
d'autres, qui a dit: Je voudrais aller voir tel avocat. C'est ce genre de
statistiques, je pense, qui réflète, qui confirme qu'entre 30
p.c. et 60 p.c. des personnes ne connaissent même pas le nom d'un avocat,
encore moins comment consulter un avocat, encore moins quoi dire à
l'avocat. S'il est le moindrement aliéné, cet individu se
retrouve devant un manque d'identification du problème, une peur de
représailles, une peur de l'appareil judiciaire, une peur d'aller dans
un bureau d'avocats parce que, à Toronto, entre Bloor, le lac Ontario,
Jarvis et une autre rue, il y a 90 p.c. des avocats qui pratiquent dans cette
région.
Il y a également un gros problème territorial. La femme
qui est prise à 22 milles de ce quadrilatère avec quatre enfants
et qui a un problème, une saisie, un huissier, qu'est-ce qu'elle fait?
C'est dans cette optique que le Jeune Barreau préconise l'adoption, le
plus rapidement possible, du bill 10. On n'a pas voulu discuter trop des
modalités parce qu'on pense que c'est très urgent.
M. LE PRESIDENT: Me Montcalm.
M. MONTCALM: Sur la question de la qualité des services, qui a
été mise en question, dans le moment l'assistance judiciaire,
telle qu'elle est distribuée à Montréal, les causes sont
déférées à de jeunes avocats dans les bureaux.
C'est clair, c'est net, tout le monde le sait. En deuxième lieu, si tel
que préconisé dans la loi, on paie 60 p.c. des honoraires, il est
évident que les avocats de vingt ans d'expérience qui sont
très bien reconnus dans le domaine ne seront pas tellement
intéressés à pourvoir des services pour les
défavorisés.
Il est important de se rappeler qu'il y a un ensemble de
problèmes qui émanent de ces lieux-là, qui ne demandent
pas des années d'expérience. Et je tiens à rappeler que
les causes au civil qui sont déférées au bureau sont dans
la grande majorité des cas déférées au junior de
ces bureaux. Sur la qualité des services, je ne crois pas que l'argument
de Me Chapados tienne tellement.
Un autre point, si vous permettez, M. le Président.
Nous n'avons peut-être pas de statistiques pour nous appuyer mais
il est évident qu'avec la création de cliniques juridiques on
crée du travail pour les avocats parce qu'il y a à peu
près 25 p.c. des problèmes juridiques dans le moment dont on ne
tient même pas compte. Et avec le bill 10, il devrait y avoir une
augmentation du travail juridique comme tel de 10 p.c, 15 p.c. ou 25 p.c.
Chaque fois qu'un pauvre consulte un avocat d'une clinique juridique, la
personne qu'il veut poursuivre consultera nécessairement un avocat de la
pratique privée. Alors, cela fera une augmentation de travail.
M. CHOQUETTE: Il me semble que cela ne réduira pas le travail
juridique en tout cas, comme vous dites?
M. MONTCALM: Non.
M. CHOQUETTE: Je l'ai dit à Me Robert lorsqu'il est venu avec Me
Chapados. J'ai tenu ce raisonnement et il m'a dit que cela n'était pas
si vrai que cela.
M. MONTCALM : De toute façon, cela augmentera l'utilité du
Barreau comme tel, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. BAZIN : M. le ministre, vous vous souviendrez qu'en 1956 vous
étiez vous-même impliqué dans le Jeune Barreau à
Montréal et,
lors de la création du bureau de l'assistance-judiciaire...
M. HARDY: En 1956?
M. BAZIN: En 1956.
M. BACON : Cela fait des années.
M. BAZIN: ... et vous vous souviendrez que les arguments étaient:
Cela n'a pas de bon sens de mettre des avocats à temps plein, cela va
nous enlever du travail. La réticence des avocats à
Montréal était extrême. On disait: Nous ne sommes pas pour
mettre des avocats à temps plein. Qu'est-ce que nous ferons? J'ai des
clients dans tel ou tel quartier et ils iront là gratuitement. Alors,
l'expérience a fait boule de neige.
M. CHOQUETTE: J'irai plus loin que vous parce que j'étais
là dans ce temps-là. Il y a des avocats qui étaient tout
simplement réticents sur le principe même de l'aide juridique
parce qu'ils disaient: Cela enlèvera du travail aux avocats. Il
n'était même pas question d'avocats à temps plein parce
qu'au début on a simplement eu un service de référence
à l'extérieur et comme vous l'avez décrit tout à
l'heure, on envoyait les causes dans les différents bureaux d'avocats,
les seniors les envoyaient aux juniors et cela a été le
système qui a fonctionné. Mais à ce moment-là, il y
avait une espèce chez certains, je ne dis pas pour la
majorité des membres du Barreau parce qu'il faut quand même
reconnaître l'effort qui a été fait par le Barreau de
Montréal et le Barreau de Québec de ce
côté-là, il ne s'agit pas de diminuer leur mérite
mais chez une certaine catégorie de la profession, on n'y est pas
allé avec enthousiasme à cette époque.
M. LE PRESIDENT: Me O'Reilley.
M. O'REILLEY: Un dernier commentaire si vous le permettez, M. le
Président. Je veux vous faire part du sentiment de futilité que
nous éprouvons souvent comme praticiens dans les cas d'assistance
judiciaire. Il y a une madame qui vient nous voir avec son problème.
Elle a plusieurs enfants, elle veut avoir une pension alimentaire. Le
ménage va très mal. Nous savons que nous pourrons lui faire avoir
seulement un certain montant d'argent pour elle comme pension alimentaire. Elle
peut peut-être avoir la garde de ses enfants avec tous ses
problèmes et là elle quitte la cour, elle a le jugement, notre
tâche est finie. Mais son problème n'est pas réglé
pour autant, peut-être un tout petit peu. Je ne dis pas que le
système des cliniques ou des corporations locales résoudra tous
ces problèmes mais elles favoriseront une intégration
complète de solutions, c'est-à-dire sur le plan sociologique,
économique, de la consommation et je ne veux pas dire par cela qu'on
favorisera tous les groupes locaux de pression mais quand même cela
favorisera une solution globale. La liberté de choix ne résoudra
pas pour autant ce problème qui reste et qui est fondamental et je pense
que je parle au nom de plusieurs jeunes confrères qui éprouvent
ce même sentiment qu'on n'a pas résolu leurs problèmes.
Alors, je pense qu'il est extrêmement important d'aller dans les
milieux et les corporations font cela. Et au moins c'est un début.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que Me Raymond Boucher, représentant du
Service juridique universitaire incorporé est ici? Il est ici, oui?
Alors, nous sommes prêts à vous entendre, Me Boucher.
UNE VOIX: Il n'est pas là.
M. LE PRESIDENT: Il n'y est pas.
M. CHOQUETTE: Je pense que c'est la dernière personne qui
désirait être entendue à la commission de la justice,
n'est-ce pas? Sur le bill 10? Alors, si cette personne veut nous faire parvenir
un mémoire...
M. LE PRESIDENT: Nous avons reçu le mémoire. Il est ici,
c'est le numéro 15.
M. CHOQUETTE: Nous en prendrons connaissance.
M. BURNS: Nous n'avons pas reçu de mémoire.
M. CHOQUETTE: Non? M. le Président, avant d'ajourner la
séance de la commission, je voudrais distribuer aux membres un avis que
j'ai reçu du conseil consultatif de la Justice sur le bill 10. Une fois
le projet de loi déposé et alors que le conseil consultatif
venait d'être constitué c'est-à-dire, je pense, vers
le début de février j'ai demandé au conseil
d'examiner le projet et le conseil m'a fourni un avis que j'ai ici en un
certain nombre d'exemplaires. Je voudrais le déposer devant la
commission et en déposer un certain nombre d'exemplaires pour les
membres, ainsi que pour les personnes qui pourraient y être
intéressées.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. HARDY: M le Président, est-ce que nous devons comprendre que
la prochaine réunion de la commission sera destinée à
délibérer sur le projet de loi? Quelles sont les vues du ministre
de la Justice?
M. CHOQUETTE: Délibérer. Je pense que la meilleure forme
de délibération serait que, à la lumière des
exposés que nous avons entendus, je revoie le projet de loi, que je vous
en propose un nouveau texte, compte tenu des observa-
tions qui m'auront paru valables et qui me sembleront devoir être
retenues. Je pense qu'à ce moment on pourra, soit en discuter à
la commission soit le déposer en deuxième lecture.
M. BURNS: Est-ce que le ministre a déjà...
M. CHOQUETTE: Nous avons entendu beaucoup de points de vue assez
divergents il faut l'admettre assez épars. Je pense qu'il
incombe au gouvernement de se former un avis définitif à la
lumière de ce qui a été exposé, quitte à ce
que les honorables membres de l'Opposition...
UNE VOIX: Ou du gouvernement.
M. CHOQUETTE: ... ou même du gouvernement aient un avis
différent. Je ne ferme la porte à aucune procédure. Je
suis prêt à accueillir les suggestions des députés
de l'Opposition.
M. PAUL: Il est même possible que...
M. CHOQUETTE: Si vous avez une suggestion différente à
formuler...
M. BURNS : Je suis d'accord sur cette suggestion.
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous ne pensez pas que si nous nous rencontrons
de nouveau pour délibérer nous aurons tendance à revenir
sur des choses qui ont déjà été dites?
M. BURNS: Exactement.
M. CHOQUETTE: Cela n'avancera pas nécessairement la discussion.
Je pense que le moment est venu pour le gouvernement de faire son lit
définitivement et de déposer ce qu'il croit être un projet
de loi acceptable, quitte à ce que les honorables députés
de l'Opposition puissent exprimer des avis différents aux
différentes étapes de la procédure parlementaire.
M. BURNS: M. le ministre, est-ce que vous vous êtes fixé un
échéancier pour encore une fois, je ne veux pas vous
demander de faire une promesse parce que je sais que vous n'aimez pas
ça...
M. CHOQUETTE: Surtout à vous, M. le député de
Maisonneuve. Au député de Maskinongé, je peux en faire
très souvent, même au député de Portneuf.
M. PAUL: Apprenez ça en passant.
M. BURNS: C'est parce que, lui, il ne vous les reproche pas quand vous
les...
M. CHOQUETTE: Parfois, il me les repro- ches, mais il me les reproche
à bon escient. Cela ne me fait pas de peine.
M. HARDY: C'est pour ça que le député de
Maskinongé...
M. CHOQUETTE: Quand le député de Maskinongé me fait
des reproches fondés, cela ne me fait pas de peine, cela rectifie mon
tir.
M. BURNS : Et moi, ils ne sont jamais fondés les reproches que je
vous fais.
M. CHOQUETTE: Non; les vôtres, pas jamais, mais parfois.
M. HARDY: Le député de Maskinongé, à la
lumière de sa vaste expérience...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Terrebonne.
M. DROLET: Le ministre nous dit qu'il était prêt à
faire des promesses au député de Portneuf. Cela ne me fait
absolument rien à condition qu'il les tienne.
M. HARDY: Ce que je voulais souligner, M. le Président...
UNE VOIX: On va régler notre problème d'abord.
M. HARDY: ... à l'endroit du député de
Maskinongé, c'est peut-être moins dangereux de faire des
promesses, parce qu'à la lumière de sa vaste expérience le
député de Maskinongé est mieux placé pour savoir
qu'à certains moments il y a des promesses qui ne peuvent pas se
réaliser aussi.
M. BURNS: M. le Président, je veux seulement poser de nouveau ma
question. Même si le ministre n'a peut-être pas à l'esprit
des dates précises, est-ce qu'il peut nous donner quand même une
indication? Ce projet de loi réécrit que le ministre nous
présentera, est-ce qu'il a l'intention de le faire avant la fin de la
session actuelle ou si cela a plus de chance de revenir à l'automne?
M. PAUL: Avant l'ajournement de l'été. M. CHOQUETTE : Je
ne suis pas seul... M. BURNS: Je demande une indication.
M. CHOQUETTE: ... à prendre cette décision. Le
député devrait le comprendre. Pour ma part, j'aimerais bien le
déposer et le faire adopter avant la fin de la session.
Maintenant, je suis membre d'un conseil de ministres et d'autres
facteurs peuvent intervenir. Disons que, pour le moment, au moment où je
parle au député, et sans lui faire de
promesse, mon intention est de procéder avant la fin de la
session.
M. BACON: Il va falloir se dépêcher, si on veut l'avoir
dans la plaquette rouge l'année prochaine !
M. CHOQUETTE : Je tiens à souligner au député qu'il
y a un facteur important dans tout cela, c'est la question financière.
Le député devait quand même tenir compte de ce facteur
quand il me fait des reproches.
M. BURNS: C'est mon rôle de vous faire des reproches, M. le
ministre. Je dois être actif et vous pousser dans le dos afin que vous
soyez un bon ministre!
M. PAUL: M. le Président, j'ai demandé la parole.
M. BURNS : J'aimerais bien que cela puisse être dans la plaquette
rouge...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, j'ai bien compris la réponse du
ministre. Il ne s'est pas compromis. Il n'a pas fait de promesse, du moins pour
l'immédiat. Il a tout simplement parlé de la fin de la session.
Il n'a pas parlé de l'ajournement de l'été. Mais, puis-je
inviter le ministre à nous donner le temps d'étudier son projet
de loi réimprimé, avant d'en appeler la deuxième lecture
à l'Assemblée nationale?
M. BLANK: Il ne sera pas seulement réimprimé,
peut-être y aura-t-il des changements.
M. PAUL: Le ministre n'a pas employé le terme
réimprimé. Il a employé le terme
réécrit.
De toute façon, nous voudrions que le ministre nous donne
l'occasion, au moins quatre ou cinq jours, d'examiner cette nouvelle version du
projet de loi 10. Parce qu'avec le projet de loi 70, il nous a pris un peu par
surprise et je ne voudrais pas que nous soyons pris dans le même court
délai pour procéder à l'étude ou à
l'adoption d'un projet de loi aussi important.
M. CHOQUETTE: D'un autre côté, je pense qu'il y a aussi un
facteur à retenir: remettre tout cela à l'automne, c'est
reprendre toute une nouvelle discussion, alors que nous aurons passé
plusieurs mois sans y penser, pour ainsi dire. En somme, c'est recommencer un
travail qui, à mon sens, est sur le point d'aboutir.
M. PAUL: Ce n'est pas moi qui ai parlé de fin de session, c'est
le ministre.
M. CHOQUETTE: Quand je dis fin de session, c'est parce que je
prévois...
M. PAUL: Avant l'ajournement?
M. CHOQUETTE: Avant l'ajournement. Parce qu'il me semble qu'aller
reporter cela à l'automne, ce serait recommencer tout le travail.
M. BURNS: Je suis bien d'accord.
M. CHOQUETTE: C'est pour cela que sur le plan de l'expédition des
affaires parlementaires, ce projet de loi devrait être adopté
avant l'ajournement. Ce n'est pas le seul point de vue qui peut importer sur la
décision.
M. LE PRESIDENT: Alors, la commission ajourne sine die.
(Fin de la séance à 10 h 43)