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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 20 juin 1972 - Vol. 12 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projets de loi privés nos 103, 112, 119, 121, 129, 193 et 115


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projets de loi privés nos 103, 112, 119, 121, 129, 193 et 115

Séance du mardi 20 juin 1972

(Dix heures cinq minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

Projets de loi privés

Loi concernant la succession de Charles-Séraphin Rodier

M. LE PRESIDENT: Loi concernant la succession de Charles-Séraphin Rodier. J'inviterais Me Charles Stein, procureur de la pétitionnaire à prendre la parole.

UNE VOIX: Il faut nommer un rapporteur.

M. DROLET: Le député de Trois-Rivières ferait un très bon rapporteur. Il accepte.

M. LE PRESIDENT: Je le nomme rapporteur de la commission. Me Stein.

M. STEIN: Il s'agit d'un projet demandant, d'abord, la prolongation du mandat des exécuteurs testamentaires pour cinq ans et l'ajournement de l'exercice du droit de provoquer le partage de la succession. Il apporte aussi quelques modifications aux pouvoirs des exécuteurs pour éliminer une ou deux restrictions, afin d'accélérer la liquidation et le partage.

Cette succession s'est ouverte en 1890, mais il faut expliquer qu'il y a eu une substitution qui, elle, ne s'est ouverte qu'en 1962, lors du décès du dernier des neuf ou dix enfants du testateur. Il y a eu déjà quelques lois avant celle que nous demandons, d'abord sans prolongation parce que les deux premières, c'était avant l'ouverture de la substitution et d'autres depuis, prolongeant le mandat des exécuteurs à trois reprises. Il y a eu une loi en 1949, une en 1958-1959 et trois autres ensuite, en 1963, 1966 et 1969.

Comme le préambule le dit, le testateur est décédé en 1980 — je viens de le rappeler — et son testament datait de quelques jours avant sa mort, le 23 janvier 1890. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, à moins qu'on ne me le demande, de résumer les dispositions du testament. Je peux simplement, si vous le désirez, vous résumer les principales dispositions des lois que je viens de mentionner. Celle de 1949 portait de deux à trois le nombre des exécuteurs et pourvoyait au remplacement de ceux qui pouvaient décéder ou résigner leurs fonctions.

Elle confiait le pouvoir de décision à la majorité d'entre eux, leur permettait d'aliéner les immeubles à un prix au moins conforme — c'était l'expression — au moins conforme à l'évaluation municipale. C'est justement un des changements que nous demandons afin de nous permettre de vendre moins que l'évaluation inscrite sur le rôle d'évaluation municipale.

M. VEZINA: Vous n'avez pas envie de les donner.

M. STEIN: ... Si on insiste pour qu'on liquide immédiatement, il faudra presque les donner dans certains cas.

Alors, la loi de 1949 portait à $2,500 par année la rémunération de chacun des exécuteurs, que le testament, incidemment, en 1890, avait établi à $500. Alors, si on compare les valeurs d'alors, 1890, le testament prévoyait $500. Nous demandons aujourd'hui de réduire la rémunération de $2,500 à $2,000 chacun.

La loi de 1963 retardait le partage de trois ans jusqu'en 1966, prolongeait également le mandat des exécuteurs, remplaçait l'un des trois exécuteurs et conférait aux exécuteurs certains droits à la saisine. Et la loi de 1967 à son tour retardait le partage jusqu'en 1969. Elle avait effet rétroactif de près d'un an, celle-là, au 2 avril 1966, et pourvoyait au remplacement par un juge de la cour Supérieure du district de Montréal d'un exécuteur démissionnaire incapable ou décédé.

Elle rendait applicables les dispositions de la loi 63, à l'effet que la loi ne constituait pas une contestation du testament et permettait d'en payer les frais à même le capital. Ce sont deux dispositions qu'on retrouve dans notre projet aujourd'hui. Maintenant, je mentionne la difficulté accrue de vendre, de liquider des immeubles, ce qui explique ce délai, ce nouveau sursis que nous demandons.

M. CHOQUETTE: Depuis 1949, combien avez-vous vendu d'immeubles?

M. STEIN: M. Rodier Merrill l'un des exécuteurs.

M. MERRILL: C'est une succession qui valait, au décès du testataire, à peu près $500,000. Nous avons distribué en capital seulement, depuis 1962, $3,600,000 ce qui, je dirais, est à peu près 75 p.c. des propriétés que nous avons vendues.

Evidemment, on a vendu la crème, on est rendu au petit lait, et c'est un peu plus difficile à vendre. S'il fallait sacrifier ce qui nous reste, si on avait une vente forcée et si on nous refusait ce que nous demandons, j'estime que nous ne réaliserions pas 50 p.c. de la valeur aux livres de la succession aujourd'hui. Il reste...

M. CHOQUETTE: Qu'est-ce qu'il reste? M. MERRILL: ... à peu près $725,000.

M. CHOQUETTE: D'immeubles?

M. MERRILL: Oui.

M. CHOQUETTE: En valeur municipale?

M. MERRILL: Disons un peu plus que la valeur municipale parce que l'évaluation d'Eugène Terrien a été faite en 1962 et c'était, dans le temps, un peu plus que l'évaluation municipale. Comme vous le savez, la propriété, aujourd'hui, ne connaît pas la même...

M. CHOQUETTE: Je présume que ce sont toutes de vieilles propriétés?

M. MERRILL: Ce sont de très vieilles propriétés.

M. CHOQUETTE: C'est situé où?

M. MERRILL: Dans Montréal et dans Saint-Henri, en particulier; il y en a eu beaucoup dans la Petite Bourgogne. La plus grosse propriété, actuellement, est au coin de Saint-Denis et Mont-Royal.

M. VEZINA: Elle peut valoir combien, dans ce coin-là? Quelle est la valeur de l'immeuble au coin de Saint-Denis et Mont-Royal?

M. MERRILL: Nous aimerions bien avoir à peu près $350,000.

M. PAUL: Quelle est l'évaluation municipale de cet immeuble?

M. MERRILL: Un peu moins que cela.

M. PAUL: Est-ce que vous avez l'intention d'accepter une suggestion qu'on pourrait vous faire, soit celle de vous faire autoriser par un juge de la cour Supérieure lorsque vous voudrez vendre à un prix moindre que l'évaluation municipale?

M. MERRILL: Si vous le jugez à propos. Vous serez probablement enclin à nous demander comment il se fait que ça prend tellement de temps à liquider cette succession-là.

M. VEZINA: C'était ma prochaine question.

M. MERRILL: La réponse est simple: Nous sommes empêchés de la liquider par cette clause qui nous demande de vendre au moins au prix de l'évaluation municipale et c'est une chose impossible dans plusieurs cas. Je vous dirai, entre autres, que nous avons une propriété dans le Vieux Montréal, sur la rue Saint-Paul, à laquelle s'ajoutent des restrictions du Vieux Montréal que vous connaissez et on ne peut même pas la louer. Pour la vendre, il faudrait la donner.

M. CHOQUETTE: Je constate qu'à votre bill il y a six opposants.

M. MERRILL: Oui.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y en a de présents ici?

M. MERRILL: Non, je ne crois pas qu'ils soient présents.

M. CHOQUETTE: Pourquoi s'opposent-ils?

M. MERRILL: Ce sont des jeunes qui voudraient avoir le capital. Entre-temps, ils ont le revenu, mais la part de leur capital sera de moins de 1 /20 de la valeur aux livres.

M. VEZINA: C'est 1/20 de $700,000. M. MERRILL: De la valeur aux livres. M. VEZINA: Un vingtième de $500,000. M. PAUL: La valeur aux livres.

M. VEZINA: La valeur aux livres est de combien?

M. MERRILL: Elle est divisée en six.

M. VEZINA: En argent, à combien s'établit la valeur aux livres?

M. MERRILL: C'est $725,000, approximativement.

M. VEZINA: Un vingtième, c'est $35,000. Je me reposerais un peu avec ça.

M. MERRILL: Un vingtième divisé en six.

M. VEZINA: Encore divisé en six, ça fait $6,000.

M. MERRILL: C'est exact mais, si on devait refuser la requête, ce ne serait pas $725,000; ce serait probablement plus près de $350,000.

M. PAUL: Alors, si je comprends bien, il y en a six qui s'opposent au droit que vous demandez, soit le pouvoir de vendre à un prix inférieur à l'évaluation municipale.

M. MERRILL: Je ne crois pas que l'opposition soit là; elle vient surtout du fait qu'ils aimeraient que la succession se liquide à quelque prix que ce soit, disons à l'encan parce que ce serait difficile de faire autrement, s'il fallait liquider rapidement.

M. CHOQUETTE: Les biens immeubles de $725,000 ou de $750,000, dont vous nous avez parlé, se composent de combien d'immeubles?

M. MERRILL: C'est difficile à dire exactement, il y en aurait 14, mais il y a des immeubles qui se subdivisent, comme une propriété que nous avons sur la rue Barré, dans le quartier avoisinant la Petite Bourgogne, et qui se subdivise en quatre numéros civiques.

Il y aurait 20 propriétés.

M. DROLET: Avez-vous reçu des offres pour l'achat de l'édifice dont vous parlez, au coin de Saint-Denis?

M. MERRILL: Pas dernièrement, mais il y a quelques années nous avons eu une offre.

M. BACON: Cela peut se vendre assez bien, quand même. Cela représente à peu près 50 p.c. de votre capital, j'entends de vos valeurs dans les propriétés. C'est avec les autres surtout que vous êtes mal pris?

M. MERRILL: Dans ce cas, ce n'est pas une seule propriété; elle s'étend sur la rue Saint-Denis en descendant vers le sud et comprend...

M. BACON: Non, mais sauf ces propriétés, ce qui représente à peu près 50 p.c. de la valeur de toutes les propriétés, moins les 14, combien vous en reste-t-il à peu près?

M. MERRILL: Disons qu'il en resterait à peu près une douzaine.

M. CHOQUETTE: Combien en avez-vous vendu depuis trois ans, depuis la présentation de votre dernier bill, en 1967?

M. MERRILL: Si je vous le donne en dollars, nous avons distribué $200,000 en capital, depuis le dernier bill. Nous avons actuellement en caisse un montant disponible à distribuer de $125,000.

M. CHOQUETTE: Je veux dire combien d'immeubles avez-vous vendus depuis 1967?

M. MERRILL: Je n'ai pas présent à la mémoire le nombre d'immeubles. Mais je peux vous dire le chiffre que M. Stein me montre: C'est pour un montant de $600,000 de propriétés vendues depuis 1969.

M. PAUL: De quelle façon les opposants ont-ils manifesté leur objection à la présentation de ce projet de loi?

M. MERRILL: Très simplement par une lettre que nous avons adressée à tous les héritiers, leur demandant s'ils étaient en faveur de l'arrangement ou non. La réponse a été tout simplement non.

M. VEZINA: Il faut dire que cela s'interprète facilement. C'était clair, ils s'opposaient.

M. CHOQUETTE: M. Merrill, dans la loi de 1949, quel a été l'objet d'imposer comme condition que les immeubles ne se vendraient pas en bas de l'évaluation municipale?

M. MERRILL: Je me le demande encore. Dans le temps, je n'y étais pas et c'est une clause que je ne comprends pas.

M. CHOQUETTE: Moi non plus.

M. MERRILL: Cela, remarquez bien, a été une chose qui a été suggérée dans le temps par les exécuteurs eux-mêmes, qui étaient de vieux oncles qui avaient consacré leur vie à la succession et qui n'avaient jamais fait autre chose.

M. VEZINA: Ils s'étaient accrochés après.

M. CHOQUETTE: Ils voulaient que cela dure.

M. VEZINA: Oui.

M. CHOQUETTE : Vous, êtes-vous de cette école?

M. MERRILL: Moi, j'aimerais m'en débarrasser au plus tôt?

M. CHOQUETTE: En somme, vous n'êtes pas tellement pour le bill?

M. MERRILL: Il faut tout de même avoir l'intérêt des héritiers.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Le député de Maskinongé.

M. CHOQUETTE: Pourquoi, M. Merrill, n'avez-vous pas demandé, dans votre bill, la permission de vendre en bas de l'évaluation municipale?

M. MERRILL: Dans ce bill, nous le demandons.

M. CHOQUETTE: Ah bon! Vous le demandez.

M. MERRILL: Nous le demandons. C'est une des conditions du bill.

M. STEIN: C'est au dernier alinéa de l'article 2, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Ah bon! Quant à moi, quitte à ce que les collègues expriment leur avis, je serais favorable à ce que nous vous donnions deux ans et que nous maintenions votre droit de vendre en bas de l'évaluation municipale, pour liquider la succession au complet.

M. MERRILL: On ne pourrait pas régler pour trois ans?

M. CHOQUETTE: Vous savez qu'on ne négocie pas la loi, monsieur!

M. PAUL: Pour employer un terme très connu, le ministre de la Justice ne tripote pas avec la loi!

M. MERRILL: J'espère bien que nous n'aurons pas à revenir. Il faudrait que nous ayons le temps suffisant pour liquider la succession. Comme vous le savez, c'est assez coûteux de revenir tous les trois ans ou tous les deux ans.

M. BACON: Trois ans, est-ce que ce serait assez?

M. CHOQUETTE: Tous les membres sont unanimes pour vous accorder trois ans.

M. MERRILL: Merci, monsieur.

M. CHOQUETTE: C'est la preuve qu'on ne négocie pas avec le législateur!

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. PAUL: Non.

M. LE PRESIDENT: Tous les articles sont adoptés?

M. PAUL: Avec amendement.

M. LE PRESIDENT: Avec amendement.

M. DROLET: Trois ans, à l'unanimité.

M. LE PRESIDENT: Est-ce à l'article 4 ou à l'article 2?

M. BACON: L'article 2.

M. STEIN: Ce sont les articles 1 et 2. Au lieu de 1977, il faut lire 1975.

M. LE PRESIDENT: Adopté avec amendement: Au 2 avril 1975, aux articles 1 et 2.

M. PAUL: Pas à l'article 1, M. le Président.

M. VEZINA: Mais oui.

M. PAUL: Très bien.

M. VEZINA: Il va falloir qu'ils aient le droit.

M. PAUL: Le millésime est changé.

UNE VOIX: Sur division.

M. CHOQUETTE: Il y a une exception à ce principe. Pour certaines raisons, l'indivision peut être prolongée, même par un juge, en certaines circonstances. Je pense qu'on ne va pas très, très loin.

Loi concernant la succession de Hector Prévost

M. LE PRESIDENT: J'appelle maintenant le projet de loi no 112, Loi concernant la succession de Hector Prévost. J'inviterais Me Alexandre Lesage, procureur des pétitionnaires, à prendre la parole.

M. LESAGE: M. le Président, ce projet de loi n'a rencontré aucune objection, de la part des héritiers et des personnes intéressées. Il est présenté par les exécuteurs testamentaires. Le but est tout simplement de faciliter aux exécuteurs testamentaires l'accomplissement de leurs obligations.

Le testament, qui date de 1932...

M. VEZINA: De 1929. Le 25 septembre.

M. LESAGE: Mais il y a eu un codicille, M. Vézina.

UNE VOIX: En 1930.

M. LESAGE: En 1930. Le testament a été l'objet d'un bill privé, le bill 110, en 1946. Ce qu'on avait demandé en 1946 avait pour effet d'enlever certaines restrictions quant aux placements à être faits par les exécuteurs testamentaires.

La levée de certaines restrictions s'est avérée insuffisante pour répondre aux besoins actuels d'une saine gestion de ce portefeuille et c'est pourquoi les exécuteurs testamentaires, de même que le coexécuteur, le Montreal Trust, qui n'apparaît pas au projet de loi, demandent que certaines restrictions soient levées.

Les restrictions dont on demande l'abrogation sont les suivantes:

Les placements sur immeubles devaient être faits dans les limites de la ville de Montréal. On demande qu'ils soient faits dans les limites de la Communauté urbaine de Montréal.

Les placements sur hypothèque ne devaient pas excéder 70 p.c. de l'évaluation municipale. On demande que cette restriction soit enlevée, afin qu'on puisse procéder à des placements plus avantageux, parce que 70 p.c. de l'évaluation municipale, soumettent les requérants, ne constituent pas un pourcentage réaliste des placements hypothécaires de nos jours. Ainsi, ils ont de la difficulté à placer les fonds ou encore en retirent un revenu nettement inférieur, comme d'ailleurs on le voit au préambule du projet de loi.

La troisième restriction est celle qui obligeait les exécuteurs testamentaires à ne faire des placements que sur des valeurs cotées en Bourse, mais qui payaient des dividendes depuis

vingt ans. C'était en vertu des dispositions du bill 110 de 1946, alors que, semble-t-il, nous étions beaucoup plus conservateurs. Aujourd'hui, il est plus réaliste de mettre une période de cinq ans. Une valeur en Bourse qui déclare et paie des dividendes depuis cinq ans apporte sûrement à l'ensemble de la succession un gage de sécurité de l'emploi des fonds.

L'autre disposition que l'on voit à l'article 2 du projet de loi, et qui touche l'article 18 du testament, regarde la date du rapport ou de l'état financier du capital, des revenus et des affaires de la succession. C'était, en vertu du testament, le 1er janvier et le 1er juillet. On demande, pour faciliter la tâche des exécuteurs, que ce soit le 1er décembre et le 1er juin.

S'il y a des questions additionnelles, je suis à la disposition de la commission pour l'éclairer dans la mesure où je pourrai le faire.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Simplement quelques questions, M. Lesage. D'après ce que je vois la succession a en capital, à l'heure actuelle, $1,700,000?

M. LESAGE: A peu près, peut-être $1,760,000 environ, depuis...

M. CHOQUETTE: Le rendement est de 3 p.c. dites-vous?

M. LESAGE: $55,000.

M. CHOQUETTE : Mais expliquez-moi donc ça comment $1,700,000 et plus ont un rendement de 3 p.c, même avec les restrictions.

M. LESAGE: Les placements de la succession sont les suivants, il y a $1,200,000 qui sont des valeurs cotées en bourse depuis longtemps, dont le bloc principal, à peu près $950,000, sont des actions de banque à charte.

M. CHOQUETTE: Les valeurs de banque à charte ont pris une valeur très considérable récemment.

M. LESAGE: Elle a une appréciation capitale, ce n'est pas nécessairement un revenu additionnel à la succession. On demeure encore évidemment à ce niveau-là à cause du niveau des dividendes. Il y a également des actions industrielles pour la différence, à peu près de $250,000, dont l'autre bloc est je crois sur Canada Cernent ou quelque chose du genre.

M. CHOQUETTE: Moins bon.

M. LESAGE: Je pourrais peut-être transmettre à la succession les suggestions de placements que le ministre voudrait me faire, si celui-là n'est pas bon.

M. PAUL: Un instant, M. Lesage, il va peut-être aussi...

M. LESAGE: Non, mais je vais en faire un profit personnel à l'occasion.

M. PAUL: ... il va peut-être vous suggérer la Brinks, mais ce n'est pas bon.

M. VEZINA: Non, mais cela a de bons effets.

M. LESAGE: Et vous prétendez que ç'a un bon rendement.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas parce que Canada Cement n'est pas bon, c'est parce que dans le ciment récemment les compagnies ont eu la vie dure.

M. LESAGE: Pour revenir à l'autre partie, M. le ministre, c'est sur les hypothèques et sur les immeubles. Il y en a pour un total — c'est la différence — de $565,900.

M. BACON: Pour?

M. LESAGE: Une hypothèque est ordinairement consentie sur un immeuble. Et il y aurait peut-être certaines propriétés également qui appartiennent à la succession qu'ils ont achetées ou qui lui viennent du testament dont ils n'ont pas disposé. Et en vertu des clauses du testament, il y a une certaine limitation sur le placement des hypothèques, comme je l'ai expliqué, à 70 p.c. de l'évaluation municipale. L'on sait qu'aujourd'hui un placement que l'on veut faire sur le barème du prêt hypothécaire n'est pas nécessairement le montant de la garantie qui est constatée dans le présent testament par le pourcentage de l'évaluation municipale. L'hypothèque est d'abord un prêt à une corporation ou à un individu. L'hypothèque n'est qu'une garantie additionnelle. Il peut y en avoir d'autres.

D'ailleurs, c'est uniquement pour garantir le capital. Or les administrateurs qui sont liés par cette clause-là, même s'ils ont des prêts ou le capital est garanti autant par la solvabilité de l'emprunteur qui, à notre avis est la base même, que par les biens immeubles donnés en garantie, se trouvent limités et ne peuvent prêter leur argent sans quasiment morceler les prêts, au lieu de faire un prêt d'une nature plus considérable qui serait sûrement plus avantageuse.

M. CHOQUETTE: M. Lesage, cette succession doit s'ouvrir quand, et combien y a-t-il d'héritiers? Est-ce que tous les héritiers concourent à cette demande?

M. LESAGE: Les héritiers sont au courant de la demande, et il y en a, je vais vous dire ça, M. le ministre, les héritiers sont nombreux. Il y a deux catégories de bénéficiaires: la catégorie

A et la catégorie B. Ceci étant bien déterminé, nous allons passer aux subdivisions.

Il y a dans le groupe A, qui a 60 p.c, Mlle Louise Garneau, Mlle Hermine Prévost et de Saint-Denys Prévost. Et je donne là les souches. Or, dans les 60 p.c. il y a trois souches:

Mlle Louise Garneau, à 20 p.c, Hermine Prévost, à 6 2/3 p.c. parce qu'il y en a trois: le lieutenant-colonel Paul Garneau, le Dr Garneau et Mme Pauline Larocque. La sous-catégorie trois de la catégorie a), qui est toujours à 60 p.c, donc 20 p.c, est divisée en 2 1/3 entre les personnes suivantes: Saint-Denis Prévost, Aubert Prévost, Antoine Prévost, Paul Prévost, Mlle Alice Prévost et Mlle Louise Turner.

Passons maintenant à la deuxième catégorie, la catégorie b), qui représente 40 p.c; celle-ci se divise en quatre souches, donc 10 p.c.

M. CHOQUETTE: Quelle sorte de succession est-ce? Est-ce une substitution, un usufruit? A quel moment la succession va-t-elle arriver à son terme?

M. LESAGE: Si vous le permettez, je vais regarder le testament et je vais vous le dire.

M. CHOQUETTE: Une succession sui generis, peut-être?

M. LESAGE: C'est une charge de substitution en faveur de leurs enfants.

M. CHOQUETTE: Quel est le moment où la substitution s'ouvre?

M. LESAGE: Elle doit s'ouvrir au décès ou à la majorité des appelés. Si ce n'est pas prévu au testament, c'est prévu au code civil. Si c'est prévu au testament — je suis à le lire — si je le trouve, je vais vous le dire.

M. VEZINA: Vous n'avez aucune idée...

M. LESAGE: Je veux donner des renseignements précis, je ne veux pas me permettre de dire que c'est en 1860.

M. VEZINA: ... quand ça va s'ouvrir?

M. LESAGE: Je voudrais bien me garder de faire des choses semblables.

M. VEZINA: D'accord, j'apprécie votre à-propos.

M. CHOQUETTE: C'est dans l'article 13 du testament, M. Lesage.

M. LESAGE: Si vous le savez, M. le ministre, vous nous renseignez.

M. CHOQUETTE: C'est parce qu'on vient de me le passer.

M. LESAGE: On ne saura jamais trop dire combien vous êtes utile.

M. CHOQUETTE: Il faut que les membres sachent un peu de quoi il s'agit.

M. VEZINA: Nous ne l'avons pas, le testament, nous.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas comme autrefois, vous savez. Quand nous votons des lois, nous voulons savoir ce qu'il y a dedans.

M. LESAGE: Je me permettrai de demander jusqu'à quand vous remontez quand vous dites autrefois.

M. PAUL: M. Lesage, vous n'avez pas l'intention de présenter une motion pour détails sur le mot autrefois.

M. LESAGE: C'est à peu près ce que je pensais vouloir faire.

M. CHOQUETTE: Est-ce que tout le monde est d'accord?

M. LESAGE: Oui, tout le monde est d'accord. De toute façon, ce ne sont que des dispositions administratives.

M. CHOQUETTE: Il pourrait quand même y avoir désaccord, vous allez l'admettre.

M. LESAGE: Non, s'il y en avait eu nous serions au courant et nous aurions avisé la commission en conséquence.

M. PAUL: Il n'y a pas de document qui confirme l'accord de toutes les parties?

M. LESAGE: Non, ce sont les exécuteurs testamentaires...

M. CHOQUETTE: Nous devons nous fier à votre parole.

M. LESAGE: Oui, parce que je l'aurais su, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Pour autant que je sois concerné, le leader et tout le monde est d'accord pour l'adopter.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Les articles 1 à 4 sont adoptés inclusivement.

Caisse de dépôt et placement

M. LE PRESIDENT: Nous passons maintenant au projet de loi no 119, Loi concernant le titre de la Caisse de dépôt et placement du Québec sur certains immeubles.

J'inviterais Me Robert Godin.

M. GODIN: Ce projet de loi no 119 cherche à corriger certains problèmes de titres d'un immeuble qui est décrit en annexe. Il y a trois problèmes que nous cherchons à couvrir. Le premier résulte du fait que, dans cette section de Hull, le plan de subdivision des lots qui nous intéressent a été déposé seulement en 1946. Antérieurement à 1946, ces propriétés faisaient partie d'un grand lot originaire et on se référait, pour les désignations dans les actes, à des plans qui n'étaient pas officiels.

Dans les actes, en lisant les désignations, il est impossible d'établir clairement la chafne des titres des différents morceaux.

L'immeuble qui nous intéresse est composé d'environ quinze chafnes de titres différentes. Nous avons pu retracer les chaînes de titres jusqu'en 1946, mais, après 1946, on tombe dans les pages d'entrées d'index et nous ne pouvons pas identifier les morceaux.

Les plans non officiels qu'on mentionne dans le préambule n'ont jamais été déposés. Même au bureau d'enregistrement, ils ne les ont plus; on ne peut même pas les trouver.

Alors, en regardant les actes, on donne une désignation. On dit, par exemple: la partie du lot 244 montrée sur le plan d'Untel comme étant le lot no 3 ou 4, mais on ne sait pas ce que ça veut dire. Il n'y a pas de désignation précise; on ne peut pas établir clairement les chafnes.

Le deuxième problème est un problème de ruelles. En 1946, quand fut déposé le plan de subdivision, deux ruelles furent créées qui sont maintenant incluses dans le projet. C'est simplement pour éviter des demandes en droit de passage qui pourraient résulter du dépôt de plans de subdivision.

Enfin, le troisième problème concerne un petit morceau de terrain en plein milieu, qui a été oublié dans les actes. A un moment donné, on a réalisé qu'il manquait un coin. C'est pour couvrir ces trois points que nous demandons l'adoption du bill 119.

M. CHOQUETTE: Dans votre exposé, vous faites allusion à un jugement rendu le 13 septembre 1971. Quelle est la substance de ce jugement?

M. GODIN: Le jugement ne dit à peu près rien. C'est un jugement en reconnaissance de droit de propriété, mais qui ne donne pas de justification. Il déclare simplement les requérants propriétaires.

M. CHOQUETTE: Les requérants sont-ils vos auteurs?

M. GODIN: Les requérants sont les auteurs.

M. CHOQUETTE: En somme, vous voulez que nous confirmions ce jugement.

M. GODIN: Que vous confirmiez le jugement.

M. CHOQUETTE: Vous trouvez que le jugement n'a pas assez de force pour les fins poursuivies?

M. GODIN: Le jugement ne dit presque rien; il ne donne pas ses motifs. Il pourrait toujours faire l'objet d'une rétractation, parce qu'il n'y a eu de signification à personne; les procédures n'ont pas été signifiées et le jugement lui-même n'a pas été signifié. C'est pour éviter la possibilité d'une demande en rétractation.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y a des tiers qui ont des intérêts adverses à ce que vous demandez?

M. GODIN: Non, nous n'avons pas été avisés qu'il y avait de tels intérêts. De toute façon, vous remarquerez qu'à l'article 3 on réserve un recours personnel.

M. CHOQUETTE: J'ai vu cela, oui. Mais vous n'en connaissez pas qui auraient manifesté une velléité de droit?

M. GODIN: Non.

M. CHOQUETTE: C'est pour confirmer votre titre pour fin d'un placement...?

M. GODIN: C'est-à-dire que c'est un développement assez considérable. C'est un édifice de 21 étages.

M. PAUL: Est-ce que l'édifice est construit?

M. GODIN: L'édifice est presque terminé. Il va être occupé par le gouvernement fédéral qui doit en prendre possession au cours de l'été.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est la caisse de dépôt qui est propriétaire ou créancier?

M. GODIN: La caisse de dépôt est propriétaire du fonds. Elle a loué par bail emphytéotique aux constructeurs et fait le financement à long terme. La Banque Mercantile s'occupe du financement intérimaire.

M. PAUL: C'est un bail emphytéotique pour combien d'années?

M. GODIN: Si je me souviens bien, pour 60 ans ou 63 ans. C'est une situation de fait. Quand toutes ces petites propriétés étaient distinctes, les gens s'accommodaient assez bien de ce problème.

M. CHOQUETTE: On sait qu'il y a un système d'enregistrement tout à fait spécial. Le bureau d'enregistrement n'est pas au bureau d'enregistrement, d'après ce qu'on m'a dit.

M. GODIN: C'est tout à fait spécial. C'est plutôt...

M. CHOQUETTE: Il est ailleurs. Dans le bureau d'un notaire...

M. GODIN: Dans le bureau d'un notaire. Il semble que le notaire...

M. CHOQUETTE: Enfin, pour ce qui est de nous, monsieur, nous sommes d'accord.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Les articles 1 à 4 sont adoptés sans amendement. Il n'y a pas de modification mineure au texte. Oui, remerciez le parrain...

M. PAUL: Qui est parrain? UNE VOIX: Un notaire.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que ce n'est pas incompatible être parrain d'un projet de loi et présider la commission parlementaire de la justice?

M. CHOQUETTE: Cela semble une entorse assez considérable à nos règlements.

M. PAUL: En délibéré, M. le Président.

Loi modifiant le testament de feu François Desjardins

M. LE PRESIDENT: Le projet de loi no 121, Loi modifiant le testament de feu François Desjardins. Me Robert Alain.

M. BLAIN: M. le Président, messieurs les membres de la commission. Je voudrais d'abord faire simplement une première correction. Je ne suis pas Robert Alain. J'avais demandé à M. Alain, de mon bureau, de faire les procédures. Je présente le projet. Je suis Paul-Emile Blain.

Il s'agit d'une requête qui est souscrite par tous et chacun des héritiers de feu François Desjardins. Dans cette requête concourt...

M. PAUL: Excusez-moi, M. Blain. Est-ce que vous êtes avocat?

M. BLAIN: Oui, monsieur.

M. PAUL: Très bien. C'est parce qu'il faut que ce soit enregistré au journal des Débats. C'est pour ça que je vous ai posé la question.

M. BLAIN: Pardon?

M. PAUL: Je vous ai posé la question pour que la réponse soit inscrite au journal des Débats.

M. BLAIN: Mon nom est Paul-Emile Blain, conseiller en loi de la reine et membre senior du bureau de Blain & Piché à Montréal.

M. CHOQUETTE: M. Blain, quand je vous ai connu autrefois, vous ne portiez pas un truc à la Mosché Dayan...

M. BLAIN: J'aimerais bien ne pas avoir à le porter. Malheureusement, j'ai eu des ennuis en fin de semaine. Une mouche noire a trouvé que mon oeil était un excellent endroit de séjour.

M. PAUL: Si cela avait été une mouche rouge, toujours...

M. BLAIN: Non, mais notez que c'est devenu rouge depuis qu'elle s'est logée là. Cette requête est souscrite par chacun des héritiers.

En plus, il y a le consentement écrit donné par l'usufruitière qui atteste du concours qu'elle accorde à cette enquête.

En gros, il s'agit de ceci. En 1955, le testateur avait signé son testament devant le notaire Poirier. Aux termes des articles 6, paragraphe o), et 7, paragraphe c, on constate que le testateur avait envisagé que le partage des biens ne se ferait qu'après l'expiration d'un délai de dix ans suivant le décès de l'usufruitière. Je dois dire tout de suite que le testament ne comporte aucune difficulté quant à la dévolution des biens. Tous les enfants du testateur sont légataires universels, à part égale, en nue-propriété, et l'épouse du testateur est l'usufruitière.

Il arrive qu'au moment du décès du testateur l'usufruitière était âgée de 67 ans. Les différents enfants de feu Desjardins, c'est-à-dire les légataires universels, étaient âgés, respectivement, pour faire une nomenclature rapide, de 31, 36, 39, 44, 36 et 43 ans. Présentement, tel qu'il appert dans le bill qui vous est soumis, l'usufruitière est âgée de 84 ans et, parmi les héritiers, il y en a qui sont déjà âgés de 61, 60 et 56 ans.

Si les dispositions originales du testament devaient être maintenues telles qu'elles, nous n'avons aucune possibilité d'envisager à quel moment les légataires universels pourraient entrer en possession des biens que le testateur a quand même voulu leur donner, de façon utile. Il ne s'agit pas, évidemment, de vouloir apprécier la longévité possible de l'usufruitière mais nous sommes quand même en face d'un terme fixe de dix ans, après le décès de l'usufruitière, qui doit s'écouler avant que le partage ne se fasse. Alors, très vraisemblablement, si le testament devait conserver sa forme originale, son texte original, les légataires nommés seraient, pour la plupart, peut-être, des septuagénaires avancés au moment où ils toucheraient leur part de la succession.

Maintenant, il faut se situer dans le contexte qui prévalait au moment où le testateur a fait son testament. Le testateur était président et propriétaire majoritaire d'une maison bien connue à Montréal, la maison Charles Desjardins, fourreur. On peut très bien concevoir qu'au moment de la rédaction de son testament le testateur était soucieux d'assurer une certaine

permanence à ce patrimoine familial que constituait la compagnie.

Depuis son décès, différents événements sont survenus, dont un, entre autres, qui a consisté dans la vente par les exécuteurs testamentaires, dûment autorisés, d'ailleurs, à cette fin par le testament, d'une partie substantielle des terrains et bâtisses qui logeaient le commerce, précisément à ce M. Reiss qui, actuellement, est débiteur d'un solde de prix de vente qui va devenir échu au 1er avril prochain et qui constitue le principal actif de la succession, soit une somme d'environ $273,000.

Nous proposons ceci: Nous proposons une forme de partage qui va, je le soumets respectueusement, quand même respecter l'intention du testateur. L'intention du testateur était, évidemment, d'assurer à l'usufruitière un revenu qui mettrait cette dernière à l'abri de l'insécurité et qui lui permettrait de se procurer des nécessités de la vie.

D'autre part, le testateur voulait aussi que ses enfants, les nus-propriétaires universels, puissent jouir utilement de leur part de la succession. Nous soumettons, dans le bill, un mode de partage qui permettra aux héritiers, par étapes, d'entrer en possession de leur part d'héritage, tout en assurant à l'usufruitière, qui est maintenant âgée de 84 ans, un revenu annuel qui la mettra à l'abri des besoins.

Ce bill est soumis dans un simple esprit de réalisme et de prise de conscience des événements qui existent maintenant et qui n'existaient pas au moment où le testateur a fait son testament. Il ne s'agit pas de dépouiller qui que ce soit. Encore, une fois, je répète que l'usufruitière a consenti par écrit à la forme suggérée.

M. CHOQUETTE: Oui, mais vous admettrez, M. Blain, que, de notre côté, il faut respecter la volonté des testateurs. Sinon, la commission, ici, servirait constamment à refaire des testaments qui se sont avérés peut-être ne pas correspondre aux meilleurs intérêts des héritiers. Je fais cette réserve immédiatement pour dire que c'est un cas qui présente certaines difficultés, à mon sens.

M. PAUL: Le ministre de la Justice me permet-il une question? Le ministre de la Justice admet-il que le testateur Desjardins voulait que ce soient ses enfants qui héritent? Comme c'est là, à toutes fins pratiques, ce seront ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. PAUL: De toute façon, on conserve les droits ou la garantie de revenus à l'usufruitière. Je comprends l'objection du ministre, en principe. Ce n'est pas le rôle du législateur d'intervenir dans tous les testaments, mais, là, il faut considérer le cas pratique, soit que des héritiers ont atteint l'âge de 60 ans et plus.

M. BLAIN: De 60 et de 61 ans.

M. CHOQUETTE: M. François Desjardins est décédé le 28 mai 1955?

M. BLAIN: La date du décès, c'est le 6 juillet 1955.

M. CHOQUETTE: Ah bon! Et son testament était du 28 mai 1955.

M. BLAIN: C'est exact.

M. CHOQUETTE: A ce moment-là, quel âge avait-il et quel âge avait son épouse?

M. BLAIN: L'usufruitière, à ce moment-là, était âgée de 67 ans.

M. CHOQUETTE: De 67 ans. Et lui-même?

M. BLAIN: M. Desjardins, père, était âgé de 75 ans. Maintenant, l'usufruitière a 84 ans. Nous sommes en face d'un cas difficile, comme vous le soulignez, M. le ministre. Je suis parfaitement conscient qu'il n'appartient pas à la commission de bouleverser les intentions légitimes des testateurs, telles qu'exprimées dans leur testament. Mais je soumets respectueusement qu'en accueillant le bill et la forme de partage proposée, même si on modifiait le texte même du testament original, on continuerait, même alors, de respecter l'intention et le désir du testateur qui voulait protéger son épouse et assurer à ses enfants une part réelle et utile de son patrimoine.

M. CHOQUETTE: Ce qui m'a frappé, dans ce que vous avez dit, au début, c'est le fait qu'au moment de son décès la plus grande partie de son patrimoine était composée d'un commerce de fourrures et que la situation n'est plus la même. Evidemment, c'est un facteur qu'il faut considérer. Ai-je bien compris? Evidemment, à la mort de l'usufruitière, les biens en nue-propriété vont aux usufruitiers actuels.

M. BLAIN: Non. Précisément, c'est là le problème. Il y a une espèce de temps mort de dix ans qui suit le décès de l'usufruitière avant que le partage puisse avoir lieu. C'est ce qui cause toute la complication. Encore une fois, sans vouloir évaluer la survie de l'usufruitière, imaginons que...

M. CHOQUETTE: Pensez-vous que ce délai de dix ans peut être considéré en rapport avec l'existence de ce commerce comme étant le principal actif des enfants?

M. BLAIN: C'était peut-être une préoccupation qui pouvait animer le testateur, au moment où il faisait son testament, pour assurer une stabilité dans le commerce et différents autres éléments qu'il n'est peut-être pas utile de

détailler ici. Mais je dois vous dire, encore une fois, que ce commerce, les exécuteurs testamentaires en ont vendu une partie substantielle, enfin des immeubles.

Le commerce, ayant contracté de très lourdes obligations auprès des banques, a dû considérablement réduire ses activités pour faire face à ces obligations. C'est ce qui me permet de vous affirmer que les circonstances qui existaient au moment du testament du testateur, au niveau du commerce, sont totalement changées. De sorte qu'aujourd'hui la succession du testateur consiste essentiellement en des biens liquides ou immédiatement réalisables.

Il s'écoulerait une période de dix ans pendant lesquelles les exécuteurs testamentaires, dont l'usufruitière fait partie, conserveraient l'administration et la possession des biens, avec les frais normaux mais inhérents que ça pourrait entraîner. Pendant cette période de dix ans, les enfants du testateur continueraient de vieillir et pourraient, comme chacun d'entre nous, décéder, vu leur âge. Pour reprendre une observation que M. Paul faisait tantôt, on risque fort de voir la succession partagée entre les petits-enfants ou les arrière-petits-enfants.

M. CHOQUETTE: M. Blain, Mme François Desjardins, dites-vous est âgée de 84 ans?

M. BLAIN: Oui.

M. CHOQUETTE: Si le partage se faisait à son décès?

M. BLAIN: Je vous ai fait part tantôt du consentement exprimé...

M. PAUL: Vous ne vous attendiez pas un peu à ça?

M. BLAIN: En toute honnêteté, oui.

M. PAUL: Le ministre vous fait gagner dix ans. Au moins dix ans.

M. BLAIN: Mme Desjardins a elle-même exprimé son consentement écrit à la forme de partage envisagée par le bill. Son souci est de voir ses enfants prendre possession des biens que son mari et elle-même ont amassés au cours de leur vie commune pour l'avantage de leurs enfants.

M. CHOQUETTE: Quelle est la valeur actuelle de la succession?

M. BLAIN: Je dirais globalement que c'est de l'ordre de $300,000, dont l'actif principal réside dans ce solde du prix de vente qui est dû par le dénommé Reiss et qui s'établit à environ $275,000, les autres éléments consistant en des actions de banques à charte et quelques actions de capital-actions et de compagnies d'huile.

C'est une situation très particulière et proba- blement inusitée. Mais compte tenu de l'âge des personnes impliquées et intéressées et compte tenu du fait que la mère des enfants manifeste son désir de voir ses enfants réaliser les biens qui leur sont dévolus par testament, étant satisfaite de la protection que le bill lui fournit, je soumets respectueusement...

M. CHOQUETTE: Le cas est très sympathique, vous pouvez être sûr, étant donné la situation telle qu'elle se présente. Sur le plan de l'équité, il n'y a aucune espèce d'objection à votre bill. C'est sur le plan juridique. Comme législateurs, nous devons quand même être préoccupés de maintenir la volonté des testateurs et de ne pas la faire et la défaire suivant le gré des héritiers. C'est notre problème.

M. BURNS: J'ai l'impression que la volonté du testateur là-dedans était justement de protéger l'usufruit de son épouse. Le délai de dix ans est absolument incompréhensible, en ce qui me concerne.

M. CHOQUETTE: Il s'explique par l'existence du commerce. Et vu que la situation du commerce est très modifiée à ce point de vue, cela nous donne une excuse ou une justification même pour réduire ou supprimer ce délai obligatoire de dix ans.

M. BURNS: Quelle forme prend l'usufruit de Mme Desjardins? Dans le concret, c'est quoi?

M. BLAIN: Elle touche la totalité des revenus.

M. PAUL: Cela représente quoi?

M. BURNS: Cela représente quel montant par année?

M. BLAIN: Présentement, ça se situerait autour de $15,000 à $16,000 par année.

M. BURNS: Et vous protégez ce produit de l'usufruit par un placement de $125,000, si je comprends bien, qui aurait un rendement d'environ $10,000 par année.

M. BLAIN: De $10,000 à $12,000. Il y a une somme de $125,000 qui ne peut pas être affectée ailleurs qui ne doit faire l'objet d'aucun partage parce qu'elle est destinée à assurer une protection à l'usufruitière.

Au décès de l'usufruitière, évidemment, cette somme-là deviendra sujette à partage.

M. BURNS: Ce qu'on nous demande, c'est de rétablir dans une autre forme la volonté du testateur.

M. BLAIN: Encore une fois, si vous le permettez, sans vouloir me répéter trop lourdement, je peux vous assurer que c'est vraiment le désir de la mère des enfants.

M. CHOQUETTE : Nous en sommes sûrs.

M. BLAIN: Et le document est là qui atteste de son consentement.

M. CHOQUETTE: Il n'y a pas de problème sur ça.

M. BURNS: Vu les changements de conditions, comme vous avez mentionné, dans la situation de la succession, je pense que même si ce n'est, en principe, pas normal d'intervenir dans les volontés du testateur, il me semble que c'est bien normal dans les circonstances.

M. PAUL : Il faut considérer chaque cas à son mérite. Et là nous avons des faits qui nous justifient...

M. CHOQUETTE: C'est un cas très particulier. Sur les dix ans oui, mais pas plus que ça par exemple. Je ne suis pas prêt à mettre le testament de côté complètement et à dire que l'usufruit s'est terminé aujourd'hui par le gré général de l'usufruitière et des héritiers, des nus-propriétaires, sinon on va voir une série de gens venir ici, tous avec des désirs concordants, pour faire changer des testaments. Là je pense qu'on a une justification sur les dix ans du fait qu'il y avait le commerce dont le testateur pouvait présumément désirer voir la continuité assurée par cette période de stabilité, mais je pense qu'on ne peut pas aller plus loin que ça.

M. BLAIN: Si vous permettez, M. le ministre, une dernière observation. Je pense que le but du bill présenté n'est pas de mettre fin immédiatement à l'usufruit. Ce n'est tellement pas le but, de mettre fin à l'usufruit, qu'on prévoit une partie du capital qui ne sera pas touchée et va assurer un bénéfice à l'usufruitière. Il ne s'agit pas de terminer l'usufruit brutalement et dire à l'usufruitière: A compter de l'adoption de cette loi-là, vous n'avez aucun droit à l'usufruit. Elle conserve des droits d'usufruitière et la forme de partage proposée dans le bill assure ces droits-là.

M. CHOQUETTE: Je me demande si l'usufruitière ne peut pas aller devant un notaire puis céder son droit à l'usufruit. Je me demande si elle ne peut pas renoncer à son usufruit.

M. BLAIN: Justement, elle pourrait y renoncer si le testament était fait différemment. A ce moment-là on n'aurait pas eu besoin d'un bill.

M. CHOQUETTE: Cela nous montre l'obstacle.

M. BLAIN: En fait on ne veut pas dépouiller l'usufruitière. C'est pour ça qu'on lui réserve son usufruit.

M. BURNS: C'est ça qui me frappe. J'ai l'impression qu'on donne une autre forme à l'usufruit, puis on le protège différemment. C'est dans ce sens-là que j'ai l'impression que la volonté du testateur est respectée. Il n'avait peut-être pas prévu...

M. PAUL: Si on tient compte du changement qui s'est opéré dans l'actif total.

M. BURNS: C'est ça, il n'avait peut-être pas prévu certaines situations qui sont survenues depuis.

M. PAUL: Si M. le ministre se réfère à 1 b)...

M. BLANK: La compagnie peut avoir un salaire.

M. CHOQUETTE: On fait beaucoup de choses, en somme, si on donne droit à la requête. Premièrement, on accélère le moment du partage. Deuxièmement, on transforme l'usufruit, on. le réduit. J'admets que c'est suivant le désir général des héritiers, de l'usufruitière, mais néanmoins, je ne suis pas sûr que ce soit la volonté du testateur.

M. BURNS: Si le testateur, par exemple, avait dit que le partage ne devrait se faire qu'après, qu'à la fin de l'usufruit, si c'est ça qu'il avait dit, votre suggestion de tantôt aurait été possible, c'est-à-dire que l'usufruitière aurait pu renoncer à son usufruit, laisser ouverture au partage. Mais là, il a mis la date possible du partage reliée à un événement dont on ne pouvait pas prévoir la réalisation.

M. BLAIN: Exactement. On est en face du problème. En fait, M. le ministre, l'usufruitière a dit: Si ça peut aider les choses, je vais renoncer à mon usufruit. Mais on a dit: ça ne sert à rien, madame, que vous renonciez à votre usufruit parce qu'on ne sait pas.

M. BACON: L'usufruit, il n'y a pas de partage.

M. BURNS: Il n'y a pas plus de partage, c'est son décès qui est le point de départ du partage.

M. BACON: Le porter à dix ans.

M. BLAIN: A part ça je signale évidemment qu'au nombre des héritiers nommés dans le bill, il y a là-dedans trois filles qui sont célibataires et dont la mère est très préoccupée.

Je suis parfaitement conscient que c'est très éloigné des raisons juridiques qu'on débat mais, sur le plan humain et pratique, il faut tenir compte des conséquences immédiates.

M. CHOQUETTE: M. Blain, je regrette, mais quant à moi je ne vois qu'une possibilité d'intervenir dans ce testament et c'est la sup-

pression du délai de dix ans; je crois que c'est tout ce que nous pouvons faire dans les circonstances actuelles et ceci à cause de l'argument de la transformation de l'actif de la succession. C'est une modification trop profonde de la volonté du testateur.

M. PAUL: M. le Président, dans les circonstances je regrette de me dissocier de l'honorable ministre de la Justice, et je demanderais le vote. Je voudrais que le projet de loi soit adopté tel que présenté.

M. BURNS: Même chose en ce qui me concerne.

M. PAUL: Je respecte le point de vue du ministre mais, d'un autre côté, nous ne changeons, à mon humble point de vue, absolument rien dans les volontés du testateur. Tout ce qu'il y a peut-être de répréhensible dans tout cela, c'est la réduction du revenu de l'usufruitière de $16,000 à $12,000 ou $13,000. Elle est consentante, elle a sûrement réalisé ses besoins et je ne pense pas qu'elle en dépense beaucoup à visiter l'Europe ou ailleurs à son âge.

M. CHOQUETTE: Je propose aux députés, pour éviter un vote sur un bill privé — je ne pense pas que ce soit tellement heureux que nous en arrivions à cette procédure-là et j'aviserai pour l'avenir — que nous remettions ce bill à la semaine prochaine pour y penser.

M. PAUL: Très bien. Dois-je comprendre que M. Blain ne serait pas obligé de revenir?

M. BLAIN: Est-ce que je dois revenir?

M. CHOQUETTE: Vous pouvez venir si vous le voulez, M. Blain, mais ce n'est pas obligatoire.

M. BLAIN: Vous serait-il possible, dès à présent, de me fixer une date à laquelle je reviendrais?

M. LE PRESIDENT: M. Blain, je pense qu'il est impossible aujourd'hui de vous donner la date exacte mais vous pourriez communiquer avec le secrétaire des commissions d'ici la fin de la semaine.

M. BLAIN: Je pourrai communiquer avec le secrétaire des commission d'ici la fin de semaine afin de connaître la date.

M. PAUL: On pourrait convenir tout de suite, M. le Président, du 29 juin; ce serait jeudi de la semaine prochaine. Le 27 il y a les commissions parlementaires de l'éducation, des communications et des affaires culturelles. Il y aura peut-être d'autres projets qui seront étudiés en commission parlementaire. Le 29, il semblerait qu'on pourrait siéger puisqu'il y aura la commission parlementaire de l'éducation sur les projets de loi 35, 36 et 37.

M. LE PRESIDENT: M. Blain, de toute façon vous auriez peut-être avantage à communiquer avec le secrétaire vendredi matin et vous aurez une date assurée à ce moment-là.

M. BLAIN: Je communiquerai avec le secrétaire des commissions, M. le Président. Je vous remercie, messieurs.

Succession Irving Brown

M. LE PRESIDENT: Projet 129, Loi supprimant des restrictions de construire grevant certains immeubles de la succession Irving Brown. Me Jules Bernatchez.

M. LE PRESIDENT: La discussion sur le projet 121 est remise à la semaine prochaine.

M. CHOQUETTE: Elle est remise à la semaine prochaine, avec conversation dans l'intervalle.

M. LE PRESIDENT: Avec conversation dans l'intervalle et opinions, s'il vous plaît, de certains notaires.

Me Bernatchez.

M. BERNATCHEZ: M. le Président, afin d'éviter une question du ministère du Revenu, je veux produire immédiatement les quittances sur les lots concernés dans la succession Irving Brown. Je les mets à la disposition de M. Cordeau; je pourrai les lui donner immédiatement après. J'ai également, évidemment, le chèque au nom de l'Assemblée.

Le projet de loi no 129 est identique, MM. les membres de la commission, à celui qui a été présenté en 1969 concernant la succession Robert Sziklas. Il s'agit de servitudes créées par les actes qui datent de 1913 avec les religieux de Saint-Sulpice, à Montréal, sur des subdivisions du lot 1654.

Ces restrictions — la principale, étant celle dont nous demandons aujourd'hui la modification, a trait à l'érection des résidences privées ou des bâtisses de pas moins de deux étages — sont répétées dans les actes concernés dans le bill en question. Ces actes, évidemment, empêchent les héritiers et exécuteurs testamentaires d'exploiter à leur juste valeur tous les lots concernés.

M. BLANK: Pourrait-on me dire sur quelles rues sont situés ces lots?

M. BERNATCHEZ: Sur la rue Lincoln.

M. BLANK: Sur la rue Lincoln, près d'où?

UNE VOIX: Près du Forum.

M. BERNATCHEZ: Effectivement, il s'agit de trois vieilles constructions...

M. CHOQUETTE: Je ne veux pas vous interrompre, mais le Solliciteur général porte à mon attention le chapitre 129, Loi supprimant des restrictions de construire grevant certains immeubles de Robert Sziklas, sanctionnée le 13 juin 1969, chers collègues. Le problème était identique; je pense qu'il s'agissait de lots faisant partie du même groupe que ceux que vous avez en vue dans votre projet de loi.

M. BERNATCHEZ: J'ai une copie du bill ici.

M. CHOQUETTE : Je ne sais pas si les autres membres de la commission veulent des explications plus amples. C'était le même secteur; c'est le même problème. Il s'agit de restrictions qui avaient été imposées sur certains immeubles qu'il faut enlever parce qu'elles ne correspondent plus à la réalité, surtout dans les circonstances actuelles.

M. BERNATCHEZ: C'est exactement cela.

M. CHOQUETTE: Alors, si vous voulez, nous sommes disposés à adopter votre bill sans plus de plaidoirie de votre part.

M. BERNATCHEZ: J'aime mieux ça comme ça, M. le ministre. Merci.

M. PAUL: Ecoutez, vous aurez droit aux mêmes honoraires.

M. CHOQUETTE: Avec quelques amendements, cependant, me signale-t-on.

M. FOURNIER: Dans votre troisième alinéa, vous alléguez que le testateur était propriétaire des subdivisions 207, 208, 209 et 210. Les recherches qui ont été faites semblent établir que le testateur possédait les subdivisions 207, 208 et 209, mais non 210; 210 a été acquise par les héritiers personnellement.

M. PAUL: Mais la même restriction existe pour le lot 210.

M. FOURNIER: Pour le lot 210, mais il faudrait changer l'alinéa 3 pour le remplacer...

M. BERNATCHEZ: D'accord.

M. FOURNIER: ... par deux alinéas établissant ces faits.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Projet de loi adopté avec amendement.

M. BERNATCHEZ: On me mentionne que ce fut acheté par les exécuteurs testamentaires et non par les héritiers.

M. FOURNIER: C'est ça et c'est ce que dit l'amendement.

M. BERNATCHEZ: D'accord. Merci. M. PAUL: L'article 2 est disparu.

Commission des écoles catholiques de Québec

M. LE PRESIDENT: Le projet de loi no 193, Loi concernant la Commission des écoles catholiques de Québec. Me Guy DesRivières.

M. DESRIVIERES: M. le Président, c'est encore une question de testament. C'est tout ce qui reste dans le bill. Il s'agit du testament de Mgr Plessis, testament qui date de 1825. Mgr Plessis est décédé en 1826. Par son testament, il avait donné un terrain situé dans la paroisse de Saint-Roch, terrain qui avait été cédé, par son testament, à la fabrique Notre-Dame-de-Québec, avec la restriction que cela devait servir pour fins d'école. Or, en 1850, la fabrique Notre-Dame-de-Québec a cédé à la fabrique de Saint-Roch le même terrain avec la même restriction qui apparaissait dans le testament. Subsé-quemment, le 9 juin 1908, la fabrique de Saint-Roch a vendu le terrain avec la même restriction. A ce moment, la commission des écoles catholiques de Québec, qui s'appelait le Bureau des commissaires des écoles catholiques romaines de la cité de Québec a continué à exploiter cet immeuble comme école jusqu'à il y a trois ans. Depuis ce temps, il sert d'entrepôt. C'est situé dans le quartier Saint-Roch, près du boulevard Charest. C'est un immeuble qui pourrait être vendu facilement. Dans le moment, le réseau d'écoles est complet. Cela comprend deux paroisses. Il y a un réseau d'écoles élémentaires dans Saint-Roch et une école élémentaire dans la paroisse de Notre-Dame-de-la-Pitié, à côté. Il y a enfin un réseau d'écoles secondaires.

La commission scolaire demande que le terrain soit libéré de cette restriction qui apparaît dans le testament de Mgr Plessis et qu'on lui permette d'aliéner l'immeuble pour faire un fonds-capital à la commission scolaire qui en a besoin.

Si vous avez quelques questions... J'ai cru rapporter le plus rapidement possible.

M. CHOQUETTE: Il est évident que le fruit de la vente va servir à des fins scolaires.

M. DESRIVIERES: C'est évident, parce que c'est la commission scolaire qui le demande.

M. PAUL: Et, en le conservant tel quel, cela n'aurait pas d'utilité.

M. DESRIVIERES: Dans le moment, cela sert d'entrepôt pour des objets scolaires. C'est toujours resté scolaire. Si j'en avais le temps, je pourrais lire le testament de Mgr Plessis, parce

qu'il y a des trouvailles extraordinaires là-dedans.

M. BURNS: A moins que vous nous en fassiez parvenir des copies, Me DesRivières.

M.PAUL: Est-ce qu'il y a quelque chose pour Mrg Lavoie?

M. BURNS: Il y a deux articles, si je comprends bien. L'article 1 et la date de la mise en vigueur. C'est ça?

M. DESRIVIERES: C'est ça. L'article 2 a été retiré.

M. CHOQUETTE: D'accord.

M. DESRIVIERES: Merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Adopté, avec amendement.

M. BURNS: Dans le fond, le projet de loi qu'on vient d'adopter est aussi un changement d'intention du testateur.

M. CHOQUETTE : Oui, mais ce n'est pas un changement radical de la volonté du testateur. Le testateur c'est manifeste, a donné ce terrain pour qu'il serve à des fins scolaires. Actuellement, il ne serait pas réaliste de continuer d'exiger que ce soit la situation. On sait que la vente de ce terrain va procurer des fonds à la commission scolaire et que cela va servir à d'autres fins scolaires. A mon sens, la volonté du testateur a subi une modification...

M. BURNS: Une modification de forme.

M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que pour le bill précédent.

M. DESRIVIERES: Au point de vue fonctionnel, il n'est plus possible de l'employer comme école, parce que ce n'est plus dans le moment.

M. CHOQUETTE: Et même, pour aller plus loin, relativement à ce que vous disiez, M. le député de Maisonneuve, on pourrait même exiger le remploi des fonds ou des sommes d'argent procurées par la vente pour des fins scolaires. Mais, étant donné que c'est la commission scolaire et qu'elle ne peut pas, en somme, liquider ses actifs, je pense que, tout naturellement, on peut être assuré que le remploi va se faire dans des investissements scolaires. Alors, je ne vois pas en quoi nous avons substantiellement modifié la volonté du testateur. Donc, pour ce bill, je tire un argument contre vous dans le bill précédent.

M. BACON: Changement de destination.

M. BURNS: Je pense que non. On pourra en reparler, vu que nous l'avons remis à la semaine prochaine.

Place Dupuis Inc.

M. LE PRESIDENT: Projet de loi 115, Loi concernant Place Dupuis Inc. Deux procureurs: Me Adolphe Prévost, procureur de la pétitionnaire, et Me Charles Stein, conseiller juridique de M. Origène Thériault. Nous entendrons, d'abord, Me Prévost.

M. PREVOST: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi pour permettre à Place Dupuis Inc. d'exproprier le lot 821-2, ayant front sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, à l'est de la rue Saint-Hubert.

Le lot concerné a une superficie de 2,145 pieds carrés. Sur ce lot est érigé un bâtiment de deux étages en plus du sous-sol. Place Dupuis Inc. a besoin de ce lot pour réaliser un complexe de $25 millions, comprenant un hôtel, un édifice à bureaux, un immeuble de 410 logements, des plazas commerciales et des garages.

J'ai, à mes côté, M. Marc Carrière, président de Place Dupuis Inc., et M. Normand Gagnon, architecte, trésorier de Place Dupuis Inc. Ils sont bien disposés à répondre, s'il y a lieu, à toutes les questions des membres de la commission, après le bref exposé que j'ai été chargé de soumettre à l'avantage de ma cliente.

Mon exposé est bref et il est divisé en deux parties. Premièrement, le droit à l'expropriation qu'ont des individus autres que le gouvernement, les municipalités et les commissions scolaires aux termes de certaines lois existantes. Deuxième partie, la question de savoir si un droit d'expropriation peut être accordé à un promoteur qui désire réaliser un projet considérable.

Au début des temps, le droit d'expropriation n'existait pas et personne ne pouvait déposséder son voisin. Avec l'avènement des sociétés organisées, l'Etat et, subséquemment, plusieurs autres organismes ont pu exproprier. A la Loi du régime des eaux, par exemple, nous voyons que toute force hydraulique formée par un lac, un étang ou un cours d'eau qui appartient à une personne quelconque est déclarée être d'intérêt public et celui qui en est le propriétaire peut procéder à l'expropriation des terrains requis de façon à lui permettre d'en faire l'exploitation de la manière et aux conditions mentionnées dans ladite loi.

A la même loi, nous voyons également que le propriétaire ou le locataire d'une pulperie ou d'une fabrique de papier dont le fonds n'a aucune issue sur une prise d'eau qu'il a le droit d'exploiter peut, à certaines conditions, exproprier.

A la Loi des compagnies de flottage, nous voyons que "si des glissoirs, jetées, estacades ou autres ouvrages pour faciliter le flottage et la descente du bois de construction, pour l'amélio-

ration desquelles une compagnie a été formée... peut aussi exproprier..." A la Loi des hôpitaux, nous voyons que "le propriétaire d'un hôpital tenant au moins 100 lits à la disposition des malades peut acquérir, de gré à gré ou par expropriation, tout immeuble situé dans la même municipalité et dont il a besoin pour agrandir ou parfaire son institution".

A la Loi des compagnies de gaz, d'eau et d'électricité, nous voyons que, "s'il est jugé nécessaire ou convenable de conduire quelques-uns des tuyaux ou de faire quelque ouvrage sur les terres d'une personne, situées dans un rayon de dix milles d'une municipalité pour l'approvisionnement de laquelle la compagnie est constituée en corporation, et qu'elle ne puisse obtenir le consentement de telle personne, la compagnie peut procéder à l'expropriation."

A la Loi des terrains de congrégations religieuses, nous voyons également que "toute paroisse, mission, congrégation ou société de chrétiens, légalement organisée ou seulement reconnue par l'autorité compétente de la dénomination religieuse à laquelle elle appartient, peut, conformément aux dispositions ordinaires de la loi, obtenir, par voie d'expropriation, le terrain nécessaire à la construction ou à l'agrandissement d'une église, d'une sacristie, d'un presbytère, etc."

Il y eut également une loi, qui a été adoptée le 16 juillet 1964, à savoir la Loi modifiant la loi concernant la corporation du village d'As-bestos. C'est le chapitre 88 des lois de 1964. Le problème était semblable au nôtre. La compagnie Canadian Johns-Manville voulait assembler des terrains pour rendre son exploitation profitable. Le législateur a permis à la ville d'Asbestos d'exproprier les terrains pour, ensuite, les revendre à la compagnie Johns-Manville. Dans le cas qui nous occupe, nous n'avons pas procédé par le truchement de la ville de Montréal, parce que nous avons trouvé qu'il s'agissait d'un complexe réalisé par des individus pour revaloriser l'Est de Montréal.

Le problème que pose le projet de loi concerné est de savoir si l'Assemblée nationale du Québec peut permettre à un citoyen d'en exproprier un autre en vue de la réalisation d'un complexe important. Je crois bien qu'il faut dire, au départ, qu'il serait sans doute dangereux d'établir une loi-cadre sur le sujet et que chaque cas doit être traité à son mérite et séparément. Nous avons, évidemment, déposé ce projet de loi après avoir épuisé toutes les possibilités d'une entente à l'amiable. Dans notre lettre du 5 juin 1972 au greffier en loi, nous avons expliqué, à sa demande, toutes les négociations que nous avons tenues avec le propriétaire du lot concerné.

La question à laquelle vous devez répondre peut être résumée en quelques mots comme suit: Faut-il bloquer un développement de l'ordre de $25 millions parce qu'un citoyen refuse de vendre sa propriété ou de la laisser exproprier?

Afin d'aider les membres de la commission à donner une réponse à cette question, je désire soumettre les quelques propositions qui suivent: S'il est vrai que l'Etat, par ses organismes officiels, peut exproprier et développer des complexes d'envergure, il est bon aussi, je le pense, que des particuliers puissent le faire.

Les statistiques prouvent que la région de Toronto se développe beaucoup plus rapidement, à l'heure actuelle, que celle de Montréal, grâce en grande partie à des projets considérables mis de l'avant par l'entreprise privée.

L'est de Montréal a droit à ses développements et, à l'heure actuelle dans le domaine privé, sauf ceux réalisés par mes clients, lesdits développements d'envergure peuvent se compter sur les doigts de la main. Il est bon de dire que les intéressés du groupe que je représente ont construit récemment les résidences Dupuis, les résidences Frontenac et la Place du Cercle.

Le projet qui nous occupe comprend un hôtel de 350 chambres, une plaza commerciale de 250,000 pieds carrés de superficie à être occupée par Dupuis & Frères Ltée, un édifice à bureaux de 280,000 pieds carrés et un immeuble de 410 logements en plus de 500 places de garage.

Des fonds considérables doivent être investis pour mener à bien ce projet. Et en regardant la photo-montage du projet — si le bill qui nous occupe n'était pas sanctionné — il est facile de voir le dommage irréparable qui serait causé au complexe de Place Dupuis.

J'ai ici un certain nombre de photographies de la maquette montrant le projet tel qu'il apparaîtrait si le droit d'expropriation ne nous était pas accordé, et j'aimerais faire distribuer ces photographies pour le bénéfice des membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Me Prévost, avant d'aller plus loin dans votre argumentation, pourriez-vous m'éclairer? Et je suis sûr que du même coup ça va être utile aux autres membres de la commission. Est-ce que le fait de ne pas accepter votre projet de loi paralyse votre projet ou si ça vous place dans l'obligation de continuer à négocier avec M. Thériault? Parce que ce n'est pas le même problème.

M. PREVOST: Le projet est en construction, il y a environ dix étages de faits. Mais il faut comprendre qu'il s'agit d'un quadrilatère considérable. Et si le projet de loi n'est pas accordé, nous ne pourrons pas accommoder la Banque provinciale, comme elle le désire, pour sa nouvelle succursale. Et nous allons défaire complètement l'organisation de l'hôtel que nous projetons.

Si nous ne pouvons pas arriver à une solution quelconque, il va nous falloir refaire les plans de cette partie du complexe pour en arriver à un

projet beaucoup moins considérable que celui qui est de l'avant.

Nous avons prévu dans le projet de loi qui nous occupe que Place Dupuis ne pourra exproprier que sur autorisation préalable du lieutenant-gouverneur en conseil, qui déterminera le montant du dépôt à être fait en vue de la prise de possession aux termes de l'article 788 du code de procédure civile, indépendamment du montant de l'indemnité offerte.

L'évaluation municipale du terrain que nous désirons acquérir est de $96,500 alors que celle du bâtiment dessus érigé est de $63,500, soit un total de $160,000. Il est vrai que M. Thériault exploite deux commerces dans ledit bâtiment et que ceux-ci lui donnent des revenus. Après avoir pris tout cela en considération, nous avons offert lors des dernières négociations, le 15 mai 1971, de lui payer pour le terrain la somme de $310,000, à savoir $144.52 le pied carré, plus le prix de la démolition à être faite par M. Thériault, à nos frais. Il y a aussi la garantie que Dupuis & Frères limitée achèterait son inventaire au plus bas du prix du marché ou du prix coûtant, avec réserve cependant à l'effet qu'en aucun cas le prix du marché serait inférieur à 50 p.c. du prix coûtant.

Des études que nous avons faites de la valeur des terrains à Montréal, il est bon de dire que nous n'avons jamais trouvé un terrain qui se serait vendu aussi cher à Montréal. Nous croyons que nous avons fait plus que notre part dans les offres qui devaient être faites, pour éviter à l'Assemblée nationale de se prononcer sur le sujet. La doctrine et la jurisprudence sont à l'effet que l'expropriation ne doit ni appauvrir ni enrichir. C'est notre ferme conviction que la proposition qui précède aurait eu pour effet, non pas d'appauvrir l'exproprié, mais bien de l'enrichir.

Dans les grandes agglomérations urbaines développées il y a plusieurs années sans trop de souci de l'urbanisme, il devient nécessaire de démolir et de reconstruire, afin de moderniser un quartier et de lui donner une apparence des années soixante-dix. C'est ce que mes clients, de leur propre initiative, ont voulu faire. Cela ne fut pas facile. Il a fallu en arriver à une entente avec la Banque Provinciale du Canada en vue de l'acquisition des terrains et du bâtiment lui appartenant, ce qui fut fait de gré à gré. Il a fallu acquérir l'emprise d'une partie de la rue Saint-Christophe de la ville de Montréal. Cela ne fut pas facile non plus. Il a fallu nous entendre en vue de l'acquisition d'une partie d'un bâtiment plus que séculaire appartenant à Dupuis et Frères limitée, pour le démolir et le reconstruire aux fins d'en arriver au complexe montré sur la maquette que j'ai distribuée.

Il a fallu négocier des hypothèques. Tout cela s'est fait dans un esprit de coopération afin d'en arriver à revaloriser l'Est de Montréal. Afin de donner au complexe projeté une apparence homogène, la Banque Provinciale du Canada et la Caisse de dépôt et placement insistent pour l'acquisition pour fins de démolition, du bâtiment de M. Thériault. Mes clients désirent remercier toutes les personnes qui ont collaboré à leur projet, avec une mention toute spéciale à la Banque Provinciale du Canada qui a bien voulu déménager temporairement sa succursale dans l'édifice des résidences Dupuis jusqu'à la reconstruction d'un nouveau local dans le complexe de la Place Dupuis.

Il est à souhaiter que d'autres individus, sociétés ou corporations imitent l'exemple donné par mes clients pour revaloriser d'autres secteurs de l'Est de Montréal. Depuis une vingtaine d'années, la face de Montréal a changé à ce point qu'un visiteur y revenant après ce laps de temps ne se reconnaîtrait pas. Tous ces développements majeurs se sont faits dans l'Ouest de Montréal, mais l'Est aussi a besoin de ces développements. Il faut donc, en vue de tels changements, que la législation se plie aux circonstances. Il ne faut pas être esclave de la loi existante, mais croire que la loi doit être un outil pour permettre le développement dont on a tant besoin si Montréal veut être, au cours des années à venir, dans la course avec Toronto pour le titre de métropole du Canada.

Il a fallu une loi pour permettre la construction de la Place Desjardins; il a fallu, de la part du Parlement provincial, une loi pour faciliter l'aménagement des environs de l'aéroport international de Montréal; il a fallu une loi pour permettre de construire des universités et d'autres projets dans différentes villes du Québec; il a fallu une loi pour que les propriétaires de Cité Concordia soient déclarées propriétaires de lots et de parties de lots pour que ces lots et parties de lots perdent tout caractère de ruelles. Il a fallu aussi une loi pour que Domaine Concordia obtienne l'extension du droit de passage. Allez-vous refuser à ce projet de $25 millions la loi nécessaire pour lui donner une apparence esthétique convenable et l'agencement souhaité?

Il n'est pas question, à l'instance, d'un propriétaire qui veut exproprier son voisin pour s'en débarrasser ou pour agrandir son parterre, mais bien d'une nécessité résultant non pas du caprice de mes clients mais bien de leurs locataires principaux éventuels et de leurs bailleurs de fonds. Je désire ajouter que les travaux de construction occupent présentement, directement ou indirectement, 2,000 employés. Une fois terminé, le complexe lui-même donnera un revenu à environ 2,300 personnes. M. Carrière, qui est à mes côtés, me faisait remarquer que dans la ville de Montréal il n'y a que deux patrons canadiens-français qui emploient plus de 1,200 employés, à savoir la Presse et Dupuis Frères.

M. Carrière a collaboré avec M. Gagnon à la mise en place de ce chantier pour revaloriser l'Est de Montréal à la demande de plusieurs commerçants qui avaient besoin d'un complexe du genre dans ce secteur.

Je termine. Il faut dire que Sogena Inc. a vendu des terrains à Place Dupuis à $20 le pied

y compris les bâtiments et les commerces dessus érigés, que Dupuis Frères limitée s'est engagé à vendre à Place Dupuis environ 20,000 pieds carrés de terrain ainsi que le bâtiment érigé à $20 le pied carré avec façade sur la rue Sainte-Catherine tout près du lot concerné et que la Banque du Canada s'est engagée à vendre le coin des rues Saint-Hubert et Sainte-Catherine, y compris le bâtiment érigé, à $70 le pied carré. La ville de Montréal a vendu Place Dupuis la rue Sainte-Catherine à un prix moyen de $9 le pied carré, plus le coût des services qui s'y trouvaient. Le gouvernement a fait des efforts considérables depuis quelques années pour trouver des emplois et pour rénover l'est de Montréal et il est louable de voir que l'entreprise privée désire également le faire.

Comme conclusion, M. le Président, je désire souligner qu'il s'est glissé une erreur de copiste dans le projet de loi, le nom de M. Terriault ne s'épelant pas Thériault mais bien Terriault. J'avais prévenu Me D'Amours en conséquence. Comme dernières remarques — et vu le préambule du projet de loi — je désire souligner que, pour respecter la lettre des documents nous liant à la Banque Provinciale et à Dupuis Frères, la partie concernée du lot 1256 et les lots 821, 820 et 819 ne nous appartiennent pas encore mais que nous avons la promesse écrite qu'ils nous seront cédés aux conditions mentionnées dans le document que nous avons soumis au greffier en loi. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Nous allons entendre immédiatement Me Stein.

M. STEIN: M. le Président, il s'agit évidemment d'une demande tout à fait inusitée. Je crois qu'il n'existe aucun précédent de droit d'expropriation ou d'une loi accordant un droit d'expropriation à une entreprise purement privée, dans des circonstances comme celle-ci.

Le seul précédent qu'a cité mon confrère est celui d'un droit accordé à une ville. Tout, simplement, en bon français, nous sommes en présence de deux commerces, un gros et un petit. On a fait appel à toutes sortes de choses, on a parlé des Canadiens français qui employaient beaucoup de monde. Mon client aussi est un Canadien français, il a un petit commerce et on ne peut pas s'entendre. On parle d'un projet de $25 millions. Il y avait quelques milliers de dollars de différence à un certain moment et on avait une entente verbale.

Il restait la question du stock de mon client. Mon client demandait 90 p.c. du coût et Place Dupuis ne voulait lui payer que 50 p.c. du coût. Je pense que mon confrère vient de le dire. On a envoyé des experts pour faire examiner et évaluer le stock. C'est à la suite de cela que l'affaire est tombée à l'eau. Elle était pratiquement réglée. Mais enfin, pour un projet de $25 millions dont on fait grand état, je trouve qu'on pourrait faire mieux que de corriger l'épellation du nom de mon client. Je ne comprends pas et je trouve absolument...

M. PAUL: Vous voudriez corriger davantage son porte-monnaie.

M. STEIN: Oui, oui. Mon client a demandé — je vous donne des chiffres approximatifs — $250,000 pour le terrain et la bâtisse. C'est une bâtisse moderne de dix ans, avec air climatisé, etc., où il y a deux commerces principaux. Deux compagnies sont locataires de M. Terriault qui est propriétaire du terrain et de la bâtisse. Il y a la compagnie A. O Terriault Inc. et le Salon Fantasia Inc. Il y a un commerce de chaussures et un commerce de vêtements de base, lingerie, uniformes professionnels pour dentistes, infirmières, médecins, etc.

Il demandait $250,000 pour le terrain et la bâtisse et $50,000 pour ce qu'on appelle les fixtures, le mobilier, etc. Pour les deux compagnies locataires, $50,000 chacune et un bail, dans chaque cas, de dix ans. Il reste huit ans pour chaque bail. Le stock, si on se place à peu près à cette date-ci, si je comprends bien, cela pourrait, à 90 p.c. du coût valoir environ $80,000, et peut-être un peu moins. Ce qui faisait un total d'environ $480,000.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas un petit commerce, $480,000. C'est un gros commerce.

M. STEIN: Il était prêt à régler pour $325,000 plus 90 p.c. du coût du stock, comme je vous l'ai dit. C'est à la suite de la visite des experts qui ont évalué le stock que le compromis ne s'est pas matérialisé.

M. PAUL: Si je comprends bien, M. Stein, vous venez de nous dire que M. Terriault était prêt à régler pour $325,000, plus l'inventaire pour lequel il exigeait autour de 90 p.c. du coût, alors que Place Dupuis Inc. offrait 50 p.c.

M. STEIN: Je ne suis pas certain qu'on ait dit 50 p.c. du coût ou la valeur marchande. Je crois qu'on a dit le moindre des deux.

M. PROVOST: Notre proposition originale était de payer l'inventaire au prix du marché ou au prix coûtant, le plus bas des deux s'appli-quant. La première proposition qui nous est venue de la part de M. Terriault était le prix du marché ou 90 p.c. du prix coûtant. Mais il faut réaliser que dans ces commerces, s'il y a, par hasard, des robes et des souliers qui sont là depuis cinq ans et qui n'ont pas été vendus, 90 p.c. du prix coûtant, c'est un prix beaucoup trop élevé.

M. PAUL: Quel est le montant total de l'inventaire?

M. PROVOST: D'après...

M. BACON: A ce moment-ci, quel est le montant de l'inventaire?

M. PROVOST: J'aimerais qu'on...

M. LE PRESIDENT: Nous allons continuer avec M. Stein.

M. TERRIAULT: Si vous voulez, je vais expliquer mon inventaire. L'inventaire dépend du mois de l'année. Les baux...

UNE VOIX: C'est ça.

M. TERRIAULT: A ce temps-ci, c'est plutôt bas. Mais là, je commence à recevoir du stock d'automne. Il ne faut pas que j'arrête mon commerce, il faut toujours que je continue. Alors, mon nouveau stock qui arrive toutes les semaines, je ne peux pas le vendre à 50 p.c. du prix coûtant. C'est du stock renouvelé toutes les semaines. Ce n'est pas un vieux stock de cinq ans. Je n'en ai pas de stock de cinq ans.

M. BURNS: Il est à combien votre inventaire?

M. TERRIAULT: L'inventaire, actuellement, n'est pas plus que $80,000.

M. BACON : Est-ce au prix coûtant? M. TERRIAULT: Au coûtant.

M. PAUL: Dans 90 p.c., cela fait à peu près $72,000.

M. TERRIAULT: Environ.

M. PAUL: Et il y a $25,000 entre le prix qui vous a été offert et celui que vous exigez.

M. TERRIAULT: De $25,000 à $30,000.

M. PAUL: Alors, cela fait un litige de moins de $100,000 qu'on nous demande de régler.

M. STEIN: Oui, c'est ça.

M. CHOQUETTE: M. Stein, avez-vous d'autres arguments?

M. STEIN: Oui, je voulais simplement rappeler aux membres de la commission que le code civil est toujours là. Il nous dit: Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique, moyennant une juste et préalable indemnité. Egalement, l'article 1589 répète cela en disant: Dans le cas où les biens-fonds sont requis pour un objet d'utilité publique, le propriétaire peut être contraint de vendre ou en être exproprié sous l'autorité de la loi, etc. Alors, le principe est là, consacré dans le code civil. Le code Napoléon, c'est la même chose. C'est un peu dans toutes les lois de tous les pays.

M. CHOQUETTE: On connaît ces grands principes, vous savez.

M. STEIN: Et on ne fait exception, en général...

M. CHOQUETTE: On connaît les grands principes.

M. STEIN: Je crois, justement...

M. CHOQUETTE: Mais il faut les appliquer à bon escient, les grands principes.

M. STEIN: Je crois qu'il y a un grand principe et qu'il faut le respecter.

M. CHOQUETTE: Ah oui!

M. STEIN: Ce n'est pas parce que quelqu'un veut construire... Remarquez bien, mon client n'est pas du tout opposé au projet de Place Dupuis. Il n'en est pas question.

M. BLANK : Je me souviens qu'ici, il y a quelques années, nous avons eu un problème semblable. La question de principe était soulevée par les avocats. Mais, dans ce cas-là, le propriétaire ne voulait vendre à aucun prix. Il disait: Je reste ici et je vais mourir ici. C'était la cause de Westmount et la succession de Galt.

Mais, ici, la question de principe est changée un peu. C'est une question de dollars et de cents, maintenant. Ce n'est pas une question de principe.

M. STEIN: Je dis que si les parties ne s'entendent pas et qu'on vient vous demander de forcer l'autre partie à accepter tel prix... Si vous refusez de forcer quelqu'un à vendre, allez-vous le forcer à vendre à tel prix à la place? Je ne vois pas la différence.

M. CHOQUETTE: M. Stein, je ne voudrais pas abréger votre plaidoirie, mais j'ai consulté mes collègues, ici, autour de la table. Nous pensons que nous devons reporter l'étude de ce bill à une semaine pour vous donner le temps, avec votre client, de rencontrer l'autre partie et essayer d'en arriver à un accord qui soit convenable. Nous prendrons nos responsabilités dans une semaine, suivant les développements.

M. STEIN: Très bien, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons sinedie.

(Fin de la séance à 11 h 57)

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