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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mercredi 27 septembre 1972 - Vol. 12 N° 97

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 59 — Code des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 59 — Code des loyers

Séance du mercredi 27 septembre 1972

(Dix heures treize minutes)

Préliminaires

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs! Le but de la présente commission est d'étudier le projet de loi 59 du code des loyers. Nous entendrons aujourd'hui cinq organismes et, pour le bénéfice des membres de la commission et de ceux qui sont venus nous rencontrer, je vais donner l'ordre dans lequel les organismes seront entendus.

L'Association canadienne des employés de téléphone, la Corporation des enseignants du Québec, Gaz métropolitain Inc., l'Association du camionnage du Québec Inc. et l'Association des propriétaires de Québec Inc. Nous entendrons d'abord le ministre et ensuite, un représentant de chaque parti politique; par la suite, les représentants des associations devront présenter leur mémoire dans un délai le plus raisonnable possible et les membres de la commission poseront ensuite des questions. M. le ministre.

M. CHOQUETTE: M. le Président, chers collègues, au début de ces séances d'étude prévues pour l'audition des personnes et organismes intéressés au projet du code des loyers, je pense qu'il convient d'exposer les principes qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi.

J'en développerai ensuite les grandes lignes. Le projet de code des loyers vise à combler les nombreuses lacunes de la loi actuelle. Comme vous le savez sans doute, cette loi avait d'abord été adoptée par le gouvernement fédéral durant la guerre, dans le but de contrôler les tendances inflationnistes suscitées par la pénurie de logements à cette époque.

La loi fédérale était rétroactive et gelait les loyers au prix qu'ils avaient le 11 avril 1941. Lorsque la cour Suprême déclara que la loi fédérale était inconstitutionnelle en avril 1951, le gouvernement du Québec la reprit à son compte, telle quelle, pour un an et la reconduisit annuellement jusqu'à maintenant.

Le caractère temporaire de la loi, les dispositions parcellaires et sélectives de son champ d'application ajouté aux multiples modifications subies entre-temps, c'est-à-dire au cours des années, ont fini par créer un état de confusion tel qu'il est difficile pour les municipalités et les citoyens de s'y retrouver aujourd'hui.

La loi actuelle, c'est-à-dire la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, ne visait, à l'origine, que les maisons construites avant 1951, dans certaines municipalités énumérées dans la loi. Depuis 1968, toutes les municipalités peuvent demander l'application de la loi pour les maisons construites avant le 30 avril 1968.

Mais, il appartient aux municipalités d'en faire la demande. Malheureusement, jusqu'à tout récemmennt seuls les propriétaires avaient le droit de vote aux élections municipales et plusieurs municipalités où existe un problème de logement n'ont pas jugé bon de prendre avantage de la loi. Il en est ainsi, par exemple, pour Montréal, Ste-Foy et Hull.

J'aimerais ajouter, pour donner une idée de la confusion qui entoure la loi actuelle, qu'un conseil municipal a déjà demandé au gouvernement d'être assujetti à la loi et que les employés de la régie découvrirent par la suite que la municipalité en question était soumise à la loi depuis dix ans et le conseil municipal l'ignorait totalement. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que la loi actuelle, qui veut assurer une protection à une certaine catégorie de consommateur, c'est-à-dire les locataires, n'atteint son objectif que partiellement selon que la loi s'applique ou non au logement et dans les municipalités où résident ces locataires.

D'autre part, étant donné que la loi actuelle ne couvre qu'une certaine catégorie de logement, il s'est développé dans certaines municipalités ce que j'appellerais un double marché. Une partie des logements est contrôlée tandis que l'autre ne l'est pas, ce qui a provoqué des différences considérables parfois, dans le prix de location.

Dans les logements non assujettis à la loi, des augmentations abusives de prix de location sont de plus en plus fréquentes. Selon des sondages récents de la Régie des loyers, on a relevé des hausses variant de 15 p.c. à 25 p.c. dans certains cas. Il est difficile aussi au locataire de savoir si son logement tombe sous l'effet de la loi, car dans une même rue et parfois dans un même édifice, tous les logements ne sont pas assujettis à la loi.

A l'heure actuelle, dans les cas d'éviction, seuls les baux prolongés par l'effet de la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires sont visés et quand des conflits surgissent dans les cas où la loi ne s'applique pas, ce qui veut dire dans la majorités des logements, les parties doivent suivre les prescriptions du code civil et du code de procédure civile.

Dans tout cela, M. le Président, il ne faut pas oublier non plus les employés de la Régie des loyers. S'il est vrai qu'à cause de la durée annuelle de la loi actuelle, les propriétaires et les locataires sont toujours dans l'incertitude, cela est encore plus vrai des employés de la régie qui sont dans l'insécurité et qui ne bénéficient pas des avantages de la protection de la Loi de la fonction publique. Le nouveau code des loyers, que j'ai eu l'honneur de déposer en première lecture à la fin de la

dernière session, vise à combler toutes ces carences. Il est basé sur deux principes: le principe de la permanence et le principe de l'universalité.

Mais, avant d'entrer dans les détails, j'aimerais, M. le Président, dissiper certaines appréhensions qui ont leur source dans une fausse interprétation du projet de loi. Je veux dire bien clairement, M. le Président, qu'il est ni dans le texte, ni dans l'esprit de la loi d'imposer un gel des loyers. Le projet de loi ne contient aucune disposition de ce genre. Les contrôles imposés visent uniquement à empêcher les hausses abusives de loyer. Le logement présente des tendances nettement plus inflationistes que les autres secteurs de la consommation. Ainsi, l'indice des prix à la consommation était de 141.8 pour le logement en 1970 contre 129.7 pour l'indice global des prix à la même époque. C'est donc dire qu'il y a urgente nécessité de réprimer les abus dans ce secteur essentiel de la consommation. Mais encore une fois, je tiens à le préciser, il n'est pas question d'un gel des loyers.

Deuxièmement, il n'est pas question, dans la loi, de fixer les taux de location des logements nouvellement construits. La loi prévoit en effet qu'un nouveau logement ne tombera sous l'application de la nouvelle loi que le 31 décembre de la deuxième année qui suit l'année au cours de laquelle il est devenu habitable. C'est donc dire que le loyer d'un nouveau logement sera établi suivant le libre jeu du marché. La loi ne devra pas nuire à la construction domiciliaire. Comme je le disais il y a un moment, la loi que nous proposons a un caractère permanent. Elle fait disparaître l'incertitude qui régit les relations entre locataires et propriétaires et met fin à l'insécurité des employés de la Régie des loyers. Elle a également un caractère universel dans ce sens que, dans les agglomérations où elle s'applique, tous les logements sans exception tombent sous le coup de la loi, dès la sanction de la loi, pour tout local d'habitation qui était habité ou habitable au 31 décembre 1971 et le 31 décembre de la deuxième année qui suit l'année au cours de laquelle ils sont devenus habitables pour les nouveaux logements.

A ce sujet, le projet de loi s'applique aux agglomérations de 5,000 habitants et plus. Seules des difficultés d'ordre administratif nous ont empêchés d'étendre l'application de la loi à tous les logements de toutes les régions du Québec. En termes de pourcentage, la loi couvre 88.7 p.c. de tous les logements locatifs répartis dans 278 municipalités du Québec.

Les autres 11.3 p.c. des logements locatifs sont répartis dans les quelque 1,300 autres municipalités du Québec et, dans ces municipalités, le gouvernement peut rendre la loi applicable sur requête de 50 locataires, s'il y a lieu.

M. le Président, pour comprendre l'effet de cette loi sur notre milieu, je rappelle qu'en 1966, par exemple, 59.5 p.c. des logements en milieu urbain au Québec étaient des logements locatifs contre 36.4 p.c. en Ontario et 43.2 p.c. au Canada. Montréal comptait à ce moment 67.1 p.c. de locataires et 32.9 p.c. de propriétaires, alors qu'à Toronto la proportion était à peu près inverse, soit 38.3 p.c. de locataires et 61.7 p.c. de propriétaires.

Nous avons tenté de faire en sorte que les mécanismes et les structures de l'organisme de contrôle soient simples afin que les différends entre propriétaires et locataires soient réglés de façon expéditive et, je tiens à le préciser, sans frais. La structure que nous proposons comporte deux niveaux. A la base, il y a un commissaire en chef des loyers, assisté de commissaires et de commissaires adjoints, qui est chargé d'entendre en première instance les demandes des locataires et des propriétaires dans les cas prévus par le projet de loi. Si la décision rendue ne satisfait pas les parties, elles peuvent en appeler de la décision des commissaires à un tribunal des loyers qui est composé de trois juges de la cour Provinciale. Ces deux étapes peuvent être franchies en un court laps de temps.

Afin de prévenir les hausses abusives de loyer, le projet de loi stipule que l'augmentation annuelle de loyer que les parties, soit locateur et locataire, peuvent convenir entre elles ne peut excéder 5 p.c. Cette disposition, M. le Président, ne signifie pas que nous consacrons le droit à des hausses de loyer automatiques de 5 p.c. annuellement, pas du tout. Il est en effet loisible au locataire de faire appel au commissaire des loyers pour contester une demande d'augmentation inférieure à 5 p.c. Cette disposition ne signifie pas non plus que nous plafonnons toute hausse de loyer à 5 p.c. par année. La loi permet, en effet, au propriétaire de s'adresser au commissaire pour faire reconnaître son droit d'exiger toute augmentation de loyer qu'il peut justifier et qui excède 5 p.c.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais mentionner rapidement quelques autres aspects du projet de loi soumis à l'étude de cette commission. Disons d'abord que, règle générale, chaque bail, à sa date d'expiration, est prolongé automatiquement jusqu'au 30 juin suivant cette date. Pour dissiper la confusion que cette disposition du projet de loi a pu créer, j'aimerais préciser, M. le Président, que cette prolongation automatique ne peut cependant s'effectuer à l'encontre de la volonté des parties à un bail.

La loi prévoit, en effet, que le propriétaire ou le locataire peut, au moins 60 jours avant la fin du bail, donner à l'autre partie avis de son intention de ne pas voir le bail prolongé automatiquement pour un autre terme, soit jusqu'au 30 juin suivant. Cependant, lorsqu'un tel avis aura été donné par le propriétaire, le locataire qui le désire pourra s'adresser au commissaire pour obtenir une prolongation de son bail. Cette mesure vise à assurer le maintien

du locataire dans les lieux loués. La loi prévoit, d'autre part, les raisons que le propriétaire peut opposer à une telle demande de prolongation.

Notons enfin que la date du 30 juin mentionnée dans le code des loyers est proposée comme date de terminaison des seuls baux prolongés par l'effet de cette loi. Il faut donc comprendre que les parties à un bail restent libres d'y stipuler le terme qui leur convient. D'autre part, le projet énumère les causes que le propriétaire et le locataire peuvent invoquer pour motiver le commissaire à décréter la résiliation d'un bail. Le projet énumère aussi les cas où le propriétaire peut demander l'éviction du locataire.

D'autres dispositions de la loi visent à assurer que seront effectuées les réparations prévues dans un bail ainsi que toutes celles auxquelles oblige la loi ou un règlement municipal.

De plus, le projet prohibe certaines clauses abusives que l'on trouve actuellement dans les baux.

Enfin, le projet de loi prévoit des pénalités en cas d'infraction, en particulier lorsqu'il y a refus de louer pour divers motifs de discrimination.

M. le Président, je n'entre pas davantage dans les détails du projet de loi. Il y aura sans doute lieu de discuter de certains articles particuliers à partir des représentations qui seront faites dans les mémoires que les diverses associations présenteront devant nous ainsi que dans les points de vues que nos collègues à cette table voudront bien exprimer.

Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais ajouter que le projet de refonte du code des loyers que vous avez devant vous constitue le résultat de deux années d'études. Divers spécialistes ont pris part à son élaboration sans compter les multiples consultations que nous avons eues avec les différents groupements intéressés au projet. Il va sans dire que les représentations des groupes intéressés et des personnes qui manifestent un point de vue sur ce projet de loi sont bienvenues et que j'étudierai avec la plus sérieuse considération toute suggestion susceptible d'apporter des améliorations au contenu du projet qui est présentement devant nous. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, ayant déjà eu la responsabilité de l'application de la loi régissant les relations entre locateurs et locataires, je dois vous signaler que c'est avec intérêt que j'ai pris connaissance du texte de l'avant-projet de loi ou du projet de loi 59 dit code des loyers.

Je n'ai pas ce matin à me prononcer sur les différents principes du projet de loi, parce que nous n'en sommes pas à la deuxième lecture du projet de loi. Il faut retenir, cependant, les déclarations que nous a faites le ministre et surtout celle-ci, qu'il prononçait au tout début de ses remarques, à l'effet que le code des loyers devait combler certaines lacunes de la loi actuelle qui régit les relations entre propriétaires et locataires. Sous prétexte de corriger un mal, il ne faudrait pas cependant en créer un autre. C'est pourquoi c'est avec beaucoup de réserve que nous abordons l'étude de cette loi qui contient d'excellents principes mais qui, sûrement, devra présenter des modalités d'application à mon humble point de vue différentes afin de satisfaire l'esprit du législateur et les excellents principes que l'on veut atteindre avec cette loi. Ce qu'il y a d'intéressant à noter, M. le Président, et je suis sûr que vous l'avez remarqué comme tous les membres de la commission, c'est l'initiative du Québec, en 1951, de légiférer en matière de loyers à la suite du jugement de la cour Suprême qui avait déclaré inconstitutionnelle la législation fédérale. J'espère que cette attitude énergique du gouvernement provincial de l'époque pourra servir d'exemple au gouvernement actuel pour agir dans d'autres domaines qui sont de sa compétence, au lieu d'être constamment à la remorque de l'autorité centrale.

Je dis, M. le Président, que cette loi vient corriger une loi de caractère permanemment annuel, parce que c'était toujours à la toute fin d'une session que nous recevions une demande de la part de la régie des loyers, spécialement de la part de l'honorable juge Ross qui, soit dit en passant, mérite des félicitations ainsi que tout son personnel pour le souci qu'ils ont toujours déployé dans l'application d'une loi, dans des cadres confus.

Les recommandations qui nous ont été livrées ce matin résultent, j'en suis sûr, en grande partie des excellentes suggestions de l'honorable juge Ross et de tout son personnel qui ont vécu une situation spécialement un peu perturbée dans la région de Montréal et dans les grands centres où ils avaient charge de l'application de la loi.

Cette loi, M. le Président, aura pour effet d'établir une certaine sécurité chez les locataires et également, chez les propriétaires, en autant que, en certaines circonstances — dans le cours de l'étude de la loi en commission ou plus tard — nous verrons à recommander au législateur, au ministre de la Justice, d'apporter certaines modifications dans le sens des propos que tenait le ministre de la Justice alors que, député d'Outremont comme aujourd'hui, il avait parrainé à l'Assemblée nationale, la formation d'une commission dite spéciale pour étudier le problème des relations entre locataires et locateurs, spécialement dans la ville d'Outremont, Montréal.

Le ministre, aujourd'hui, embrasse avec sa loi, non plus un territoire donné qui est celui de la ville d'Outremont, mais également tout le territoire du Québec et spécialement là où la population dépasse les 5,000 âmes. Certaines mesures peuvent paraître, comme le disait le ministre tout à l'heure, un peu ambiguës dans la

rédaction du texte actuel de la loi, mais je suis sûr qu'à la lumière des mémoires qui nous seront présentés par les organismes, les individus ou les associations qui s'intéressent de près aux relations entre locateurs et locataires... Ils permettront au législateur de, peut-être, mieux préciser et davantage le texte de loi, pour éviter une interprétation qui deviendra parfois onéreuse de la part des membres du nouveau tribunal du travail.

Je regrette, M. le Président, que l'on ne retrouve pas dans la loi, des normes ou des critères de base qui devront servir nécessairement d'apui ou de pierre angulaire, de la part de ceux qui auront charge d'appliquer la loi. C'est peut-être un défaut que l'on a retracé jusqu'ici. J'en avais parlé à l'époque avec M. Gauron, M. le juge Ross, M. Massé et tous ceux qui s'occupaient de l'application de la loi de la régie aux fins d'établir des règles, des normes, des critères d'évaluation ou d'appréciation de valeurs locatives des logements dans un milieu donné.

C'était assez difficile que la régie inaugure dans ce domaine dans des règles connues du public, parce que les critères d'évaluation étaient différents d'un milieu à l'autre. Mais, comme nous avons aujourd'hui la loi 48 dont l'application deviendra un jour notoire, même si nous sommes encore dans la phase de tâtonnements et d'interprétations dans ce domaine de l'évaluation foncière, loi 48 et loi 20, je suis sûr que le tribunal des loyers, de concert avec les hauts fonctionnaires compétents du ministère de la Justice, pourra arrêter des critères d'évaluation de loyers qui pourront s'appliquer, du moins je l'espère, dans tout territoire du Québec qui deviendra régi par cette nouvelle loi, ce nouveau code des loyers.

Est-ce qu'on devrait l'appeler code des loyers, je dis cela en passant, je réfléchis tout haut, parce que le code a une portée beaucoup plus étendue que le terrain que l'on veut couvrir par ce texte de loi.

Il s'agit donc, M. le Président, pour vous, d'envisager l'étude d'une loi dont le but premier est de mettre fin à certaines hausses abusives des loyers. Ce n'est pas à l'étendue du territoire du Québec que ces abus se présentent. Il faut tenir compte que les locataires en sont surtout victimes dans les grands centres comme Québec, Montréal, Hull, Sherbrooke, Verdun, Outremont, et d'autres villes de même importance qui sont aux prises avec des difficultés financières qui leur imposent souvent l'obligation de hausser la taxe foncière ou l'assiette municipale des revenus, mais peut-être que le ministre de la Justice pourrait se faire un excellent interprète des municipalités auprès du ministre des Finances et auprès du ministre des Affaires municipales pour que l'on envisage une contribution plus généreuse de la part du gouvernement provincial en faveur des municipalités. Ceci dispenserait nos édiles municipaux d'imposer des taxes onéreuses, ce qui force nécessairement le pro- priétaire à aller chercher chez le locataire cette hausse de taxe.

Est-ce que c'est une question d'interprétation, de recouvrement de cette taxe foncière haussée que l'on fait supporter par les locataires? Personnellement, je ne crois pas que les locataires doivent supporter indirectement cette hausse de taxe que l'on impose aux propriétaires mais, d'un autre côté, peut-être que les propriétaires aussi doivent être aidés dans cette hausse constante de leur évaluation commandée par des services publics toujours de plus en plus nombreux que l'on doit donner dans le secteur de leur administration.

Le ministre a signalé que la législation pourrait avoir également pour effet non pas seulement de mettre fin à une hausse de loyer abusive dans certains cas. Je sais que ce n'est pas la généralité d'une telle politique qui est appliquée dans le Québec, mais dans certains endroits, c'est réellement abusif de la part des propriétaires. A ce moment-là, cette loi que nous sommes appelés à étudier aura sûrement pour effet de mettre les locataires ou les gagne-petit à l'abri de mesures abusives de la part de leur locateur. Pour ce qui a trait à la sécurité des employés actuels de la régie, j'en suis fort heureux, mais il ne faudrait pas que le ministre nous dise qu'il présente une loi pour leur donner à eux la sécurité de l'emploi. C'est une sécurité dont ils ont besoin, qui leur est nécessaire pour les mettre à l'abri de tout souci matériel et qui leur permettra de continuer à oeuvrer, de donner le meilleur d'eux-mêmes dans l'accomplissement de leurs fonctions. Ce n'était pas facile, j'en conviens, de donner la sécurité d'emploi aux employés de la régie alors qu'à la base même de la loi, il y avait un caractère dit temporaire. De 1951 à nos jours, ceux qui avaient charge de l'application de la Loi, soit au ministère de la Fonction publique ou à la Commission de la fonction publique, refusaient toujours d'accorder un caractère de sécurité aux employés de la régie sous prétexte que, par sa nature même, la loi dans laquelle ils oeuvraient ou pour laquelle ils oeuvraient avait un caractère temporaire, puisque c'était toujours d'une année à l'autre que la loi était reconduite ou continuée. Je me réjouis avec les employés de la régie pour cette occasion qu'ils auront de trouver, par le mécanisme de cette loi, la sécurité à laquelle ils ont droit. Ceci ne pourra que créer d'excellentes relations entre, d'une part, leurs officiers, et d'autre part, les officiers du ministère de la Justice chargés de l'application de cette loi.

Je veux pour le moment, M. le Président, restreindre ainsi mes remarques et je suis sûr que tous ceux qui s'intéressent au problème, locateurs, locataires dans le Québec, seront vivement intéressés par la portée des mémoires qui nous seront présentés. Je suis sûr qu'à cette commission, comme à toutes les autres commissions de l'Assemblée nationale, nous pourrons procéder avec une aération d'esprit, une ouver-

ture d'esprit qui soit toujours non pas dans l'intérêt immédiat ou partisan d'un parti politique, mais dans le meilleur intérêt de la population du Québec.

Je m'en voudrais de ne pas féliciter le ministre de l'initiative qu'il a prise et pour le respect de l'engagement qu'il avait pris au mois de juillet 1970, engagement répété en 1971, lorsque nous avons été appelés à étudier la loi prolongeant les relations entre locateurs et locataires. Le ministre se rappellera sans doute que, spécialement notre collègue de Maisonneuve et moi-même, nous étions intéressés de près à cette situation; nous n'avions pas oublié les excellentes déclarations de principe du ministre de la Justice, alors qu'il était le porte-parole de la Justice à un moment donné à la suite de certains départs dans l'équipe libérale.

M. CHOQUETTE: Par l'élévation à la magistrature, c'est cela que vous voulez dire?

M. PAUL: Non, disons, M. le Président, que j'ai bien pesé mon mot et que je ne voudrais pas ce matin chanter de mélodie. Encore là, M. le Président, je constate que mon collègue péquis-te veut m'entraîner sur une pente dangereuse. Je me réserve et je crois que tous m'ont compris.

M. BURNS: C'est vous qui vous y êtes placé, cher collègue.

M. PAUL : Non, je me suis placé sur le haut de la côte et je m'y suis arrêté. Alors, disons que nous nous comprenons tous, M. le Président. Quant à nous, de l'Unité-Québec, vous pouvez être assuré de notre meilleure collaboration pour tâcher de résoudre un problème d'une cruelle actualité qui existe au Québec, aux fins d'établir d'excellentes relations entre locataires et locateurs, et également pour sauvegarder les intérêts du locataire et en même temps les droits et obligations du locateur.

C'est dans cet esprit, M. le Président, que nous sommes prêts à aborder l'étude du code des loyers, du projet de loi no 59.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, très brièvement, je pense que nous connaissons globalement le problème qui existe au niveau des réalités qu'entend toucher le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Je pense que ce n'est pas l'endroit pour décrire toutes ces réalités. Nous sommes conscients du besoin d'une réglementation afin de pallier certains problèmes qui existent, mais nous aimerions, pour notre part, que cette réglementation soit souple et surtout qu'elle soit une réponse adéquate à des besoins précis et qu'en ce sens la loi réponde le plus adéquatement possible à la réalité. Pour ma part, j'aimerais réserver mes commentaires pour plus tard et je serais prêt à passer à l'audition des mémoires que nous avons devant nous afin que la lumière soit faite sur cette question et que nous puissions, face aux recommandations qui pourront nous être faites, apporter certaines modifications afin de bonifier davantage ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, le ministre de la Justice nous appelle aujourd'hui à travailler et parfaire son projet du code des loyers. Il s'agit là d'une mesure aussi attendue de la population que promise par le gouvernement. Dès décembre 1970, on annonçait qu'une refonte était en préparation et qu'une loi serait présentée dans les mois suivants, promesse qui fut réitérée à l'étude des crédits du ministère de la Justice en 1971 et lors de l'étude du projet 46 à la fin de la même année.

Nous sommes soulagés de voir le ministre honorer sa promesse d'autant plus que nous commencions à douter un peu de sa sincérité, du moins quant au délai de présentation du projet. Nous espérons que notre insistance à réclamer ce code des loyers a été un aiguillon salutaire pour le ministre et les fonctionnaires qu'il avait chargés de la refonte et que nos propositions que la procédure parlementaire avait fait articuler sous forme d'amendement à l'ancienne loi ont pu les aider dans leur travail, sinon dans leur hâte de le mener à terme.

Les notes explicatives du projet de loi font état, en premier lieu, du caractère permanent des mécanismes qu'il met en place. Nous sommes heureux d'en féliciter le ministre de concert, sans doute, avec ceux qui, comme nous, réclament cette mesure depuis plusieurs années sans négliger cet élément dont l'intérêt vient surtout du fait qu'il a tant tardé. Notre attention se porte surtout sur les deux axes du projet, c'est-à-dire son aire d'application, d'une part, et les mécanismes de conciliation, d'autre part.

Nous avons déjà cherché à amender l'ancienne loi de façon à en étendre les effets à toutes les municipalités du Québec. Le ministre avait répondu à ce moment-là qu'il faudrait savoir si l'état de crise existe d'une façon suffisamment généralisée pour nous faire abandonner le système en vertu duquel la décision finale reposait sur les autorités locales. Force nous est de croire, à la lecture de l'article 13 du projet, que cette crise existe puisqu'on nous propose d'abandonner l'ancien système.

Toutefois, si le ministre s'est rendu à notre analyse des faits, il n'a pas retenu notre solution. Il propose plutôt qu'il revienne au cabinet d'apprécier les besoins de la population de chaque municipalité. Pareille délégation des pouvoirs de l'Assemblée nationale nous inquiète. On l'a vu, le gouvernement prend souvent

beaucoup de temps à reconnaître les besoins sociaux. De plus, cette délégation n'est accompagnée d'aucun critère pouvant guider le cabinet dans quelques-unes, au moins, des nombreuses décisions qu'il devra prendre.

Nous croyons donc qu'il revient au ministre de nous convaincre qu'il est impossible d'étendre la loi à toutes les municipalités et qu'il est impossible de restreindre les pouvoirs d'appréciation que prévoit l'article 13 et soulager ainsi le cabinet de l'odieux qu'entraîne toujours l'exercice de pouvoirs arbitraires. Tant que cette démonstration n'aura pas été faite, nous continuerons de maintenir que la loi devrait s'appliquer à toutes les municipalités du Québec.

L'intervention du commissaire dans les relations entre les parties à un bail est sensiblement différente de celle qu'on permettait à l'administrateur sous l'ancienne loi. D'abord, la façon dont il est amené à intervenir puis ses pouvoirs d'intervention sont différents. Le texte proposé prévoit deux façons de faire intervenir le commissaire dans la négociation d'un nouveau loyer selon que la majoration dépasse ou non un certain seuil d'augmentation. Nous sommes d'accord sur le principe; d'ailleurs, nous avons été les premiers à proposer, lors du débat de 1970, la détermination d'un index du taux d'augmentation des loyers.

Ce que nous ne pouvons accepter toutefois, c'est que la loi établisse un seuil unique d'augmentation autorisable qui soit généralisé à l'échelle de tout le Québec. Une telle façon de procéder ne peut avoir comme résultat que de rendre la loi ou bien injuste ou tout simplement inefficace tant pour les propriétaires d'immeuble que pour les locataires et ceci en raison du fait que les conditions économiques du logement varient énormément d'un territoire à l'autre.

En effet, la détermination d'un seuil unique devra forcément satisfaire certaines catégories de propriétaires dont les frais inhérents à la propriété d'immeuble subissent des hausses soutenues. C'est ce qui explique que le gouvernement ait choisi un taux autorisé d'augmentation suffisamment élevé pour être à l'abri de critiques des propriétaires, indépendamment du fait que leurs immeubles soient localisés à Montréal ou en Gaspésie. Et pourtant sur l'ensemble du territoire, les conditions économiques inhérentes à la localité ou aux différentes caractéristiques du logement possédé ne justifient nullement des augmentations de l'ordre de 5 p.c. par année.

Rappelons à cet effet que le taux moyen d'augmentation annuelle des loyers au Canada se situe pour la période 1961 à 1972 à quelque 2 1/4 p.c. Pour Montréal, l'indice des prix et des loyers est encore plus bas, c'est-à-dire 1 1/2 p.c. d'augmentation annuelle. Un taux de 5 p.c. risque donc non seulement de rendre inopérantes certaines dispositions de la loi, mais également d'encourager la croissance du coût des loyers à un rythme supérieur aux augmentations moyennes observées au cours des dernières années.

Certes, on dira que le locataire peut contester toute augmentation inférieure à 5 p.c, comme le disait tantôt le ministre.

Mais, il demeure essentiel alors de ne pas perdre de vue que le seuil détermine des conditions fort différentes d'adjudication par la commission. Le principe du seuil vaut en autant qu'il touche la grande majorité des augmentations clairement injustifiées, sinon cette partie de la loi sera inopérante pour la majorité des citoyens. Quant à l'autre possibilité, celle de réduire le taux à 1 p.c, 2 p.c. ou 3 p.c, nul doute qu'on créerait ainsi de nombreuses injustices à l'égard des propriétaires dont les charges varient énormément d'une région à une autre, qu'il s'agisse des assurances sur l'immeuble, des coûts de réparation et d'entretien, des coûts du combustible, de l'amortissement et, particulièrement, des taxes foncières.

Signalons à titre d'exemple qu'au cours des dernières années, les charges du propriétaire de logement ont augmenté plus rapidement à Québec qu'à Montréal. Notons enfin qu'en facilitant la répétition d'augmentations annuelles, l'Etat lui-même encouragerait les propriétaires à pratiquer la répétition à chafne d'augmentations annuelles de 5 p.c, particulièrement là où les règles de l'offre et de la demande favorisent l'escalade des loyers. C'est particulièrement le cas dans les grandes villes où la rareté de l'espace disponible a pour effet de permettre la formation de rentes foncières inacceptables. Aussi, en favorisant la pratique d'augmentations répétées dans certaines zones populeuses des grandes villes, la loi aurait pour effet de faire porter par les populations défavorisées le prix d'une carence dans l'offre du logement. C'est pourquoi nous recommandons que les taux à autoriser soient fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil selon les conditions économiques particulières aux territoires et municipalités et après avis du commissaire en chef.

Il reste un dernier élément essentiel pour nous à un code des loyers, le bail type. Il s'agit là, pour nous, d'un point fondamental sans lequel le projet que nous étudions maintenant ne peut atteindre les objectifs que nous lui fixons. Nous en avons déjà proposé un dès la première fois que la présente Législature a étudié un projet de législation modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataire et propriétaire. Le ministre, alors, sans exposer aucun argument contre le fond de notre proposition, a répondu que le temps n'était pas approprié et qu'il était encore trop tôt pour adopter un projet dont son gouvernement aurait pu être satisfait. Invoquant aussi le dernier rapport du comité du droit de louage de choses qu'il était alors le seul de tous les participants au débat à connaître, il a fait valoir qu'une étude approfondie de ce rapport était

nécessaire avant d'imposer un bail type. Après que le rapport ait été rendu public, nous avons été à même d'apprécier la qualité des arguments du ministre. Ce rapport, comme le disent les commissaires, concerne la révision de ce qui est actuellement dans les articles 1605 à 1665 du Code civil. Bien sûr, les suggestions qu'on y trouve ne sont pas étrangères au bail type, mais elles n'ont pas du tout le même objet. En tout cas, elles justifiaient peu qu'on remette indéfiniment l'adoption d'un bail type.

Quant à la proposition qui nous a alors été faite de reprendre l'étude de cette question à la commission parlementaire spéciale sur l'habitation et le logement, le ministre peut seul répondre du sérieux et de l'honnêteté avec lesquels elle fut lancée. Quoi qu'il en soit, nous avons maintenant en main le rapport qu'a évoqué le ministre de même que le texte de notre amendement et le texte d'autres projets de bail type qui ont été élaborés depuis et nous espérons cette fois pouvoir en discuter pleinement. Après 22 mois, le ministre ne peut plus prétexter la surprise et le manque de données. Par ailleurs, plusieurs dispositions du projet font aussi l'objet de notre réflexion.

L'article 14 qui oblige le locataire à produire une déclaration indiquant le loyer des locaux qu'il loue ou offre de louer va permettre non seulement une application plus facile de l'article 65, mais aussi une collecte de données très précises sur le logement au Québec que souhaitent tous ceux qui travaillent à l'élaboration d'une politique de l'habitation. Le second alinéa de l'article 19 nous semble une excellente mesure de contrôle. Cette mesure et les avis et demandes prévus aux articles 20 et 24 assurent une meilleure protection des droits du locataire que les termes de notre proposition de 1970. Cependant, nous nous étonnons que les critères énoncés à l'article 21, à savoir la considération de l'état de l'immeuble et de l'état des parties dans la fixation d'un loyer juste et raisonnable ne s'appliquent qu'aux décisions rendues sur une demande d'augmentation qui dépasse le taux fixé. Sans doute faudrait-il rendre l'article 21 applicable aussi aux décisions rendues sous l'article 26.

Quant au report de la date d'expiration des baux du 30 avril au 30 juin, nous avons hâte d'entendre les justifications du ministre.

A première vue, nous préférons la seconde solution du rapport préliminaire du comité du droit de louage de choses et, ainsi, étaler sur toute l'année la date d'expiration et le temps des déménagements.

Au sujet des reprises de possession, nous nous étonnons, lorsque celles-ci sont justifiées par la conversion de l'immeuble en établissement industriel ou commercial ou par le réaménagement des loyers à l'intérieur d'un même immeuble, de voir que les délais d'avis sont deux fois plus courts que dans le cas d'augmentation du loyer.

Ces transformations d'un immeuble sont rarement urgentes et découlent, le plus souvent, de projets vieux de plus de quatre mois. Il ne serait pas abusif de prescrire les délais de l'article 20 pour les demandes faites selon les articles 33 et 34. A propos du tribunal des loyers, nous ne voyons pas pourquoi la recommandation du rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, à l'effet que les décisions soient motivées et publiées dans des recueils, n'a pas été retenue. Cela ne contribuerait qu'à parfaire le droit et la connaissance que peuvent en avoir les justifiables.

Il est enfin plusieurs autres points que nous espérons discuter avec les témoins, de façon à parfaire le plus possible cette loi fort importante puisque nous n'aurons plus, chaque année, l'occasion de rappeler au gouvernement ses obligations envers les locataires.

M. PAUL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Je n'ai pas l'intention de passer des remarques sur les propos tenus par mes collègues de Richmond et de Maisonneuve. Je voudrais cependant faire appel à l'article 2, cinquièmement, de nos nouveaux règlements dits code Lavoie, même si quelques-uns ne l'aiment pas, pour me prévaloir d'une tradition qui veut qu'à l'occasion de l'anniversaire de naissance du premier ministre et du chef de l'Opposition, nous suspendions nos travaux pour quelques minutes pour présenter nos hommages et nos voeux de bonne fête.

Comme c'est aujourd'hui la fête du chef de l'Opposition, le député de Bellechasse, vous conviendrez que c'est avec beaucoup de plaisir que je veux lui transmettre, au nom des collègues de l'Unité-Québec, des voeux de circonstance. Ce n'est pas facile d'être chef d'un parti politique. Les uns sont pris à vouloir abrier les déclarations que peuvent faire certains ministres, déclarations parfois embarrassantes. Les autres sont pris avec le problème de l'enregistrement d'un parti politique ou non.

D'autres sont pris avec des déclarations tenues, d'une part, par le chef parlementaire d'un parti politique et, d'autre part, par le chef ou président extérieur de l'Assemblée nationale. Enfin, d'autres sont pris avec des départs de collègues qui n'ont pu accepter le résultat d'une convention. Ce qui reste de tout ça, M. le Président, c'est que tous les députés, quelle que soit leur allégeance politique, forment une grande famille et tous partagent les difficultés du moment que peut connaître l'homme public.

Tous également s'associent à l'événement heureux qui peut marquer la vie d'un parlementaire et je suis sûr ce matin, M. le Président, que tous les collègues, quelle que soit leur allégeance politique, s'unissent à moi pour souhaiter au député de Bellechasse toute la santé que requièrent la tâche qu'il s'est imposée et l'idéal

qu'il vise, et pour rencontrer les aspirations du peuple québécois.

Je suis sûr qu'il se console, ce matin, à la pensée qu'il y a toujours un peu plus de 50 p.c. de la population du Québec qui reste indécise quant au choix qu'elle sera appelée à faire advenant les prochaines élections que nous souhaitons, quant à nous, très prochaines. De toute façon, M. le Président, je veux transmettre au député de Bellechasse des voeux de patience, des voeux d'excellente santé. Je lui souhaite de garder son excellente humeur et c'est ainsi qu'il aura la satisfaction d'avoir accompli beaucoup pour ses concitoyens du Québec.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ignorais ce matin, en m'en venant à la commission de la justice pour cette première séance sur le code des loyers, que cela concordait avec l'anniversaire de naissance du chef de l'Opposition. Je vous félicite, M. le député de Maskinongé, d'avoir rappelé l'anniversaire de notre excellent collègue et de lui avoir souhaité vos meilleurs voeux pour l'année qui va suivre.

Je crois, si vous me demandez mon avis personnel, qu'il aura besoin de ces bons voeux dans l'année qui va suivre car il est incontestable que le député de Bellechasse est appelé à rendre des services à la formation politique qu'il dirige dans une conjoncture historique très difficile. Je n'ai nul doute qu'il saura traverser les difficultés actuelles dans lesquelles se trouve son parti. Il a d'ailleurs déjà fait preuve de beaucoup de sens des responsabilités dans ses interventions publiques en de nombreuses occasions, et j'ai été en mesure d'admirer sa capacité de garder son sang-froid et son jugement, même dans des circonstances où il aurait pu tenter de profiter indûment de certaines situations particulièrement critiques.

M. le Président, tout en étant des adversaires politiques, il nous est quand même permis de nous estimer et je veux exprimer, au nom de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, l'estime que nous avons pour le chef de l'Opposition et lui souhaiter bonne santé et beaucoup de courage.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, c'est sûrement un hasard, ce matin, que l'on remplace la conciliation entre locataires et propriétaires juste au même moment de l'anniversaire de naissance du chef de l'Opposition. Le député de Maskinongé a décrit certaines situations où il y a beaucoup d'expérience à prendre, il l'a fait avec beaucoup d'humour. J'aimerais donc profiter de l'occasion, à mon tour, ici, pour offrir mes meilleurs voeux au chef de l'Opposition, les meilleurs voeux de santé, au nom de mon parti, le Ralliement créditiste du Québec et nos meilleurs voeux de prospérité aussi, pour qu'il continue à effectuer le travail qu'il a déployé en Chambre depuis que nous le connaissons. Je pense que je me fais le porte-parole de tous mes collègues à cet effet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, pour une fois on ne dira pas que le Parti québécois ne se joint pas aux autres partis. Il me fait également plaisir de formuler mes meilleurs voeux de bonne fête au député de Bellechasse. Comme le disait le député de Maskinongé, ce n'est sûrement pas facile d'être chef de parti et j'ajouterais surtout d'un parti comme celui-là. J'espère que ses problèmes se sont allégés depuis quelque temps, depuis que son parti a pu vendre certains intérêts. Très sérieusement, je lui souhaite tout le succès possible dans son entreprise de garder en vie son parti politique.

M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: M. le Président, vous comprendrez mes sentiments de gratitude à l'endroit de ceux qui ont très gentiment transgressé les règles parlementaires et le code Lavoie et qui ont voulu exprimer leurs sentiments personnels à l'occasion de cet événement dont j'aurais souhaité qu'il passât inaperçu. Mais je serai à même, à la fin de la présente année, de pouvoir vous confirmer ou non si l'adage qui veut que la vie commence à 40 ans a de véritables fondements et si, subjectivement, il peut s'incarner dans la personne de celui qui parle.

Je voudrais remercier de façon particulière le député de Maskinongé qui a ouvert le bal en cette journée de fête pour les paroles et les propos qu'il a tenus à mon endroit. J'aimerais souligner que je n'ai pas eu besoin de psychanalyser sa déclaration pour reconnaître ses sentiments d'amitié, de fidélité et de dévouement envers le chef d'un parti. Est-ce que c'est le parti qui est en difficulté ou si c'est le chef? On le verra au cours des prochains mois. Je voudrais, également, en toute justice, remercier le député d'Outremont qui, d'une façon très charmante et marquée au coin d'un sérieux que j'ai apprécié aussi, a bien voulu exprimer ses voeux.

Quant à mon ami de gauche, au sens physique du mot, le député de Richmond, je tiens également à lui dire que la façon avec laquelle il s'est exprimé, c'est véritablement faire du bon crédit social auprès du chef de l'Opposition et des autres collègues. Quant à mon frère séparé de Maisonneuve, je voudrais lui dire un merci très sincère également pour les voeux qu'il m'a adressés avec une certaine petite allusion à l'état de santé du parti. Je tiens

à lui dire que nous sommes en train de donner des vitamines à cette formation politique, que nous essayons de faire maison neuve pour que cela devienne de plus en plus intéressant pour...

M. BURNS: Pour Maisonneuve.

M. LOUBIER: ... les Québécois. Il y a tout de même 50 p.c, 52 p.c. de la population qui attendent désespérément du parti Unité-Québec et qui souhaitent de tout coeur — puisqu'on veut infiltrer une coloration politique à ces voeux, mais sur un ton bien amical, je le reconnais— et qui attendent énormément de nous. Nous essaierons, sans tambour ni trompette, de faire notre petit bonhomme de chemin en nous inspirant toujours d'un très haut degré de logique, de raison, de bon sens; je pense que c'est ce dont nous avons le plus besoin au Québec dans toutes nos transformations, dans tout ce monde en ébullition, dans ce tourbillon de réformes sur les plans social, économique et politique. J'ai été heureux d'entendre répéter tout à l'heure que tous les députés de cette chambre ici, nous travaillons tous, chacun avec nos convictions, avec nos aspirations, pour que le Québec soit plus heureux, que le Québec soit plus prospère. Quels que soient parfois nos écarts de langage, quelles que soient nos attaques qui peuvent être virulentes à l'occasion, je pense que ce ne sont pas les hommes que nous voulons changer, modifier ou parfois détruire, mais c'est plutôt, comme le dit très souvent le député de Maisonneuve et comme je le dis à l'occasion, qu'il y a des systèmes qu'il faut reviser et des objectifs qu'il faut corriger. Je pense que, tous ensemble, nous travaillons très sérieusement et très honnêtement en fonction d'un mieux-être au Québec.

De toute façon, la journée a très bien commencé, parce que ma petite fille qui a huit ans et qui zézaie me disait ce matin: "Sarles en se levant m'a dit que c'était ta fête. Ze te souhaite bonne fête." Elle m'a dit: "Tu ne m'embrasses pas? " Alors, je lui dis: "Ecoute, c'est à toi de m'embrasser. Ce n'est pas à moi, quand on souhaite un anniversaire à quelqu'un..." Elle a dit: "Ze suppose que ça va être comme d'habitude, on ne te verra pas de la journée ni de la soirée." Je pense que c'est un peu vrai, que c'est difficile la politique parfois, pour tous et chacun de nous, comme c'est difficile pour les locataires et les propriétaires parfois de s'entendre, mais je souhaite de tout coeur que ce quarantième anniversaire marque un véritable départ pour notre formation politique et également pour celui qui vous parle. Je vous réitère très sincèrement mes remerciements.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons maintenant l'Association canadienne des employés de téléphone et ses représentants.

Association canadienne des emplovés de téléphone

M. MAHONEY: Avant de commencer, M. le Président, j'aimerais présenter les officiers de notre association qui sont chargés de répondre aux questions que pourrait susciter notre mémoire sur le bill 59 qui a été soumis à cette commission.

Mlle Laurette Poirier, qui est vice-présidente représente les membres féminins de notre organisation. A la droite de Mlle Poirier, M. Georges-Henri Perron, qui est lui aussi vice-président de notre organisation. Je suis Denis Mahoney, vice-président de notre organisation; qui représentons les employés masculins de la province de Québec.

Je crois, M. le Président, que vous serez d'accord avec nous que le mémoire que nous avons soumis va dans le sens des voeux que vous avez exprimés à l'effet qu'il soit succinct et qu'il couvre tout le matériel qu'il a à couvrir de façon aussi brève que possible.

Toutefois, nous avons retenu les services de la firme Rémillard, Vézina, Sheehan, Pouliot et l'Ecuyer et avec votre permission, j'aimerais que Me Sheehan présente notre mémoire à la commission en notre nom.

M. SHEEHAN: Messieurs, l'association que j'ai l'honneur et le plaisir de représenter voudrait discuter à peu près exclusivement d'un seul point qui est couvert par le projet de loi tel que rédigé présentement. Il s'agit des dispositions, globalement, qui prolongeraient la date d'expiration des baux du 30 avril au 30 juin. Ces dispositions, si elles étaient adoptées telles que rédigées, enlèveraient aux employés, aux membres de l'association que je représente, et de façon générale, aux employés de Bell Canada, toute possibilité de vacances durant les mois de l'été. Les employés des autres services publics, l'Hydro, les déménageurs et autres, seraient affectés de la même façon. Le problème d'assurer le service téléphonique aux gens qui déménagent d'un endroit à l'autre affecte la compagnie tout entière et tous les employés de la compagnie dans la province qui sont au nombre de 20,000. Cela nécessite, qu'on le sache ou non, trois mois de travail, non seulement de travail ordinaire mais de travail acharné avec heures supplémentaires continuellement durant trois mois. A l'heure actuelle, les déménagements se font au mois de mai. Reporter cette date au 30 juin ne changerait rien à la situation. Nous voulons donc attirer votre attention sur le fait que changer la date de déménagement en bloc du 1er mai au 30 juin ne règle aucunement les problèmes et les difficultés qui résultent de ce déménagement en bloc. Il y a, vous pouvez l'imaginer facilement, des coûts élevés de déménagement. Enfin, la coutume ou toute loi favorisant ce déménagement ou mentionnant une date de déménagement favo-

rise justement des déménagements qui ne se feraient peut-être pas. Tout le monde déménage, alors, nous aussi.

Nous suggérons que le texte de la loi soit amendé afin d'encourager du moins des baux qui se termineraient tout le long de l'année. Nous comprenons qu'il serait peut-être souhaitable que les gens ayant des enfants d'âge scolaire aient la possibilité et même le droit de déménager dans une période hors de l'année scolaire, soit durant les vacances d'été ou celles de Noël, peu importe. Mais nous soumettons que, pour atteindre ce but, il ne serait pas nécessaire de préconiser un déménagement en bloc de tous les locataires de la province de Québec ou presque. Je ne sais pas si des études ont été faites à cet égard par votre ministère, mais tout le monde peut concevoir qu'il y a quantité de locataires sans enfants d'âge scolaire, tels les rentiers, les célibataires, les parents qui n'ont pas d'enfants d'âge scolaire ou à l'école. Il faut mentionner aussi l'école primaire, l'école secondaire. Ces gens-là n'ont aucun avantage quelconque, il n'y a rien de spécial ou de sacré dans le 30 juin. Ils n'ont aucun avantage à déménager le 30 juin.

M. CHOQUETTE: Ni le 1er mai.

M. SHEEHAN: Ni le 1er mai, bien d'accord. Même pour les parents ayant des enfants à l'école, il faudrait réaliser aussi que, de moins en moins, aujourd'hui, l'enfant demeure à côté de son école.

Il s'agit d'écoles consolidées; enfin, on les promène en autobus, surtout en dehors des grands centres, de telle sorte que si l'enfant déménage d'un endroit à l'autre, il ne s'éloigne pas nécessairement de son école, même s'il le faisait durant l'année scolaire. Pour toutes ces raisons, nous recommandons fortement que le projet soit amendé afin d'encourager les baux qui se terminent tout le long de l'année et que l'on enlève les dispositions des articles 22 et 23 tels que rédigés, qui encouragent un déménagement en masse en plein été pour tous les locataires de la province de Québec.

Vous allez me dire, M. le ministre, qu'il ne s'agit pas de dispositions obligatoires et je suis d'accord. Mais, il faut quand même — j'imagine que vous serez d'accord avec nous — être pratique et réaliser que du moment qu'on mentionne un date dans la loi, que ce soit le 30 juin ou le 30 octobre ou peu importe on favorise la coutume, on favorise le déménagement en bloc et on le favorise pour tout le monde. Et même tel que rédigé, l'article 23 — je ne sais pas, en tout cas à première vue, je n'en ai pas fait une étude aussi approfondie que vous, M. le ministre — à première vue du moins, semble énoncer en toutes lettres qu'à compter du 30 juin 1974, sous réserve de la possibilité de donner un avis, tout bail — je ne vois pas de distinction ou d'exception là — sera prolongé automatiquement d'année en année jusqu'au 30 juin suivant. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, non seulement on amène les baux qui se terminent le 30 avril au 30 juin, mais on amène tous les autres aussi. Je ne vois vraiment pas l'utilité de le faire.

En bref, M. le ministre, nous préconisons un système qui donnerait le droit aux gens de choisir une date de déménagement; s'ils le veulent, durant l'été, d'accord. Mais, pourquoi obliger les gens, tout les gens à le faire, ceux qui ne veulent pas le faire, sans les obliger de donner des avis, si vous voulez?

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Monsieur, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit au nom des employés de Bell Téléphone et je crois que les représentations que vous nous faites sont de portée générale et n'affectent pas seulement une catégorie d'employés du Bell. Malgré que, comme vous êtes des employés d'un important service public, c'est-à-dire le téléphone, nous pourrions dire qu'elles proviennent de cette revendication que vous avez exprimée au début de vos observations à l'effet qu'imposer ou suggérer trop fortement par voie législative la date du 30 juin empêcherait les employés de ce service public qu'est le Bell Téléphone ainsi que d'autres services publics de prendre leurs vacances durant la période d'été.

Je suis d'accord avec vous sur un point. Dans la mesure du possible, il faudrait rechercher que, dans les cas de baux qui ont des dates indéterminées ou de baux qui se sont renouvelés sans un écrit, par tacite reconduction, ils se prolongent d'une période de douze mois en l'absence d'une volonté expresse manifestée par le propriétaire ou le locataire de façon qu'en général, la date de terminaison des baux ne soit pas uniformément une date précise dans l'année. Par conséquent, je vous suis jusqu'à ce point; il s'agit tout simplement pour nous d'une question de formulation législative de cet impératif, de faire en sorte que les baux ne se terminent pas à une date unique dans l'année, tel que nous l'avons presque à l'heure actuelle avec le 1er mai.

Vous dites que ceci serait la même chose avec la nouvelle loi qui apporterait des modifications en repoussant la date de terminaison des baux au 30 juin.

Je peux vous assurer que nous allons apporter des modifications mais, d'un autre côté, je crois qu'il faudrait tenir compte de ce que, actuellement, c'est à la fois en vertu du code civil et en particulier de l'article 1642 et à la fois en vertu d'une coutume qui s'est instaurée au Québec, que le 30 avril ou le 1er mai sont devenues les dates fatidiques des déménagements dans les municipalités du Québec.

L'objet de l'article 22 et de l'article 23 du projet de loi que nous étudions était, dans une certaine mesure, de casser cette tradition et de ramener au 30 juin la date de terminaison des baux, qui n'était pas autrement fixée par la volonté expresse des deux parties, c'est-à-dire

propriétaires et locataires. Et ceci pour nous conformer aux nécessités qui résultent de l'année scolaire dans l'état actuel et pour nous conformer aux habitudes modernes de vie qui ne sont pas du tout les habitudes rurales d'autrefois qui avaient justifié, dans l'ancienne état des choses, la date du 30 avril ou du 1er mai comme étant la date où les baux se renouvelaient.

Malgré que je ne sois pas en mesure de vous communiquer aujourd'hui des amendements précis que nous allons apporter au projet de loi, je puis vous dire que nous ferons en sorte que, dans une certaine mesure et au moins pour la première année, le 30 juin sera une date qui s'imposera. Pour le renouvellement des baux que nous allons prescrire par le code des loyers et qui se faisait dans les anciennes lois jusqu'au 30 avril de chaque année, peut-être, que, pour la première année après l'adoption de cette loi, nous devrons dire qu'en l'absence de la volonté expresse des parties, pour ce qui est des baux renouvelés en vertu de la Loi du code des loyers, le 30 juin 1974 sera la date de terminaison. Peut-être nous faudra-t-il dire cela, justement, pour casser la tradition du 1er mai. Par ailleurs, nous envisageons que, pour les années subséquentes et pour les autres conditions dans lesquelles pourront se trouver des propriétaires et des locataires, il nous sera possible de faire en sorte que l'article 23 du projet de loi se lise à l'effet qu'un bail, à l'expiration de son terme, est prolongé automatiquement, d'année en année, pour une période de douze mois, aux mêmes conditions, évidemment, à moins de la volonté manifestée par le propriétaire et le locataire. Ainsi, nous adopterions le principe que vous avez soumis, tout à l'heure, à l'effet que nous devrions, dans la mesure du possible, favoriser le prolongement des baux pour une période de douze mois à quelque date de l'année que ces baux se terminent. Ce sont les amendements que nous étudions à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je suis sûr que le ministre a parfaitement compris la portée du problème exposé par le porte-parole de l'Association canadienne des employés du téléphone, spécialement par la voix du procureur de cette association. Comme le signalait si bien le ministre, il s'agit, à toutes fins pratiques, dans peut-être 75 et 80 p.c. des cas aujourd'hui, d'une coutume qui veut que la fin d'un terme d'un bail soit le 1er mai. Il y aura certainement une éducation populaire à faire. Il faudra que les commissaires, le code des loyers ou que le ministère de la Justice même, surtout les professionnels, spécialement les avocats et les notaires, informent leurs clients de cette liberté qu'ils ont de fixer toute autre date que le début d'avril comme étant le point de départ d'un bail pouvant régir la location d'un loyer.

Mais une chose m'inquiète quelque peu, et je voudrais que le ministre m'éclaire là-dessus. Il a dit que, peut-être pour la première année, on devrait retenir cette date du 30 juin 1974, par exemple.

Il ne faut pas oublier non plus que les commissaires seront embarrassés pour prolonger un bail et il faudra qu'ils prolongent à une date fixe un bail pouvant régir les relations entre un propriétaire et un locataire. Le commissaire qui reconduira le bail avec une majoration de 3 p.c. ou de 4 p.c. dans le prix du loyer devra nécessairement fixer un terme quant à l'échéance de ce nouveau bail renouvelé.

Alors, il ne faudrait pas que, dans la loi, nous retrouvions une disposition répétée comme celle que veut réserver le ministre pour la première année. C'est pourquoi je parlais tout à l'heure dans mes remarques de la nécessité d'établir des critères ou une certaine liberté d'action chez les commissaires pour établir des règlements qui devront nécessairement être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les commissaires devront avoir cette discrétion d'aller, dans certains cas, dans leur prolongation, plus loin que le terme d'une année.

Il s'agira justement pous ne pas déplacer ce bloc ou cette coutume ancrée chez nous, pour ne pas déplacer du 1er mai au 1er juillet ou au 1er octobre la date des déménagements ou la fin des baux qui sont renouvelés ou prolongés par la régie dans le cas d'un bail indéterminé dont le terme est incertain, suivant les dispositions de l'article 1642.

C'est le problème. Même si nous nous appliquons à convaincre les gens qu'ils ont cette liberté de changer cette coutume, de fixer la période de leur choix pour la fin d'un bail, il restera toujours, dans le contexte de la loi que nous voulons étudier, que les commissaires chargés de son application et qui verront à reconduire un bail ou à le renouveler devront nécessairement fixer un terme.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'envisager la . possibilité d'accorder au commissaire cette latitude de prolonger, dans certains cas, pour une période de quinze, seize mois ou, dans d'autres cas, de douze mois, en tenant compte du milieu où se trouve situé le logement en cause et pour, comme le signalait si bien tout à l'heure le vice-président de l'association et comme le ministre le disait lui-même, ne pas créer encore un nouveau bloc de déménagements massifs dans tout le Québec?

Ce n'est pas une solution facile si l'on tient compte que, d'un côté, les représentations qui nous sont faites ce matin sont attirantes. Nous aurons tout à l'heure d'autres mémoires qui nous inciteront à envisager peut-être d'autres aspects de la loi. Quant à moi, je retiens avec beaucoup d'intérêt les remarques que nous ont

faites ce matin les porte-parole de l'Association canadienne des employés de téléphone. Le ministre peut compter sur notre collaboration pour disposer d'un des points majeurs de cette loi que nous sommes appelés à étudier.

M. BROCHU: M. le Président, si vous permettez...

M. LE PRESIDENT: M. le Procureur, vous aviez demandé la parole tout à l'heure?

M. SHEEHAN: Merci, M. le Président. Juste une question, M. le ministre : Est-ce que je dois comprendre que vos conseillers vous ont avisé qu'il y a quelque chose de néfaste dans un déménagement le 1er mai, abstraction faite des parents qui ont des enfants d'âge scolaire? Je me réfère aux autres locataires. Qu'y a-t-il de mauvais dans un déménagement le 1er mai et quel avantage y aurait-il à un déménagement transposé au 30 juin?

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas néfaste en soi. On peut déménager en tout temps de l'année, et je pense que la date importe peu. Mais il faut quand même tenir compte des activités de la majorité des citoyens à certaines époques de l'année. La raison pour laquelle nous avons proposé une modification pour ce qui est de cette coutume ou de cette présomption de date de terminaison des baux, au 1er mai, c'est précisément à cause de l'année scolaire. C'est que l'année scolaire se termine, en général, vers le 15 juin.

Par conséquent, nous préférons, quitte à adopter une date, faire en sorte que cette date soit immédiatement après la fin de l'année scolaire et que la date qui se trouverait dans notre droit ne bouleverse pas l'année scolaire des enfants.

Nous tenons compte également des vacances que les gens prennent; généralement, c'est en juillet et août. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas proposé comme date le 1er août ni le 1er septembre, parce que c'est justement immédiatement avant l'année scolaire. Quant aux autres dates ou mois possibles dans l'année, il va de soi que l'automne, l'hiver et même le printemps ne sont pas des dates favorables pour une terminaison des baux. Comme je le dis, je me rends parfaitement compte de la valeur des arguments que vous avez soulevés, en ce sens qu'il ne faudrait pas faire revivre complètement cette tradition du 1er mai sous une autre forme...

M. PAUL: A une autre date.

M. CHOQUETTE: A une autre date. Tel n'est sûrement pas le but du législateur. Par conséquent, je crois qu'il serait peut-être possible de tempérer le texte actuel des articles 22 et 23 pour ne pas faire revivre une nouvelle tradition aussi forte que celle qui a prévalu dans le Québec en ce qui concerne le 1er mai. Mais malgré tout, vous allez vous rendre compte de la difficulté que nous avons si nous ne voulons pas maintenir celle du 1er mai que tout le monde déplore, je pense, dans une certaine mesure. La date du 1er mai entraîne un accroissement énorme de travail dans plusieurs secteurs de l'activité économique; il serait donc plus opportun que ce soit réparti plus uniformément à travers l'année. Vous allez vous rendre compte que pour briser la tradition du 1er mai, il faut quand même adopter une autre date pour la terminaison de certains baux dans le cas des baux à durée indéterminée. Le député de Maskinongé a suggéré que, plutôt que de suggérer une date, nous donnions une discrétion à l'administrateur des loyers. Ce pourrait être douze ou quinze mois. Je vois certains obstacles juridiques à cette proposition, mais je vais l'étudier pour voir jusqu'à quel point nous pouvons la retenir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: C'est simplement une question d'information au sujet des étudiants. Les étudiants doivent payer pour les mois de juin, juillet et août, dans des endroits tels que Montréal, Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke, des loyers aussi élevés que $150 allant jusqu'à $250 par mois, ce qui représente un minimum d'au moins $450 par année, plus les frais de leurs études. Et ces gens doivent louer un appartement pour douze mois par année. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir des clauses ou ententes spéciales pour les étudiants au niveau du CEGEP, de l'université ou à différents niveaux? Parce que ces étudiants arrivent.. Tout le monde sait très bien qu'ils requièrent des bourses et des prêts pour fins d'études qui, souventefois, passent uniquement pour des fins de loyer. C'est tout simplement une suggestion que je porte à l'attention des membres de la commission: Est-ce qu'il y aurait possibilité de faire une étude un peu concrète sur ce cas? Parce que si nous posons la question au ministère de l'Education au sujet des prêts et bourses: Est-ce que nous payons pour l'éducation ou si nous payons uniquement pour les loyers que les étudiants doivent payer pour douze mois par année? ... C'est tout simplement une question d'appréciation.

M. CHOQUETTE: Je note ce que dit le député de Laviolette et nous allons réfléchir au problème.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais aux membres de la commission de s'en tenir aux questions à ceux qui représentent des organismes et de ne pas entreprendre un débat en deuxième lecture sur le bill lui-même. Le député de Richmond.

M. BROCHU: J'aimerais soulever deux points. Tout d'abord, je pense qu'on semble

avoir comme objectif de vouloir éviter les remous que créent les déménagements massifs avec tous les problèmes qui s'ensuivent et qui sont connus de tous. Deuxièmement, il est vrai qu'il y a une mobilité beaucoup plus grande de la population depuis quelques années et je pense que cet aspect aussi doit être considéré au niveau du cadre législatif.

Mais je pense que le principal problème, lorsqu'on veut fixer une autre date, c'est d'instaurer une autre coutume et l'effet prévisible est surtout au niveau des propriétaires. Il sera peut-être beaucoup plus facile, à ce moment-là, de recréer une autre coutume, qui n'est peut-être pas tellement dérangeante parce qu'elle se situe un mois ou deux plus tard. Mais on réinstalle définitivement les baux à date fixe, soit à la fin de juin, parce qu'il y aura eu dans le libellé de la loi une date mentionnée, une date précise.

C'est surtout sur cet aspect-là, et je pense qu'il peut y avoir automatiquement des préjudices causés à certains locataires dans ce sens. Si une mobilité beaucoup plus grande, si une latitude beaucoup plus grande était laissée dans ces cas-là, il pourrait y avoir négociation selon les besoins de chacun.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler à l'ordre le député de Richmond, sans ça on n'en sortira plus.

M. BROCHU: Disons que c'est une question que je pose au ministre.

M. LE PRESIDENT: Les questions doivent s'adresser aux membres des organisations et non pas au ministre. De toute façon, je viens d'avertir les membres de la commission de ne pas faire une dissertation; nous avons cinq organismes à entendre. Pas à toutes les fois.

M. BROCHU: M. le Président, le mémoire qui a été déposé est suffisamment clair. Les points sont précis et mon intervention est dans le but d'aller plus loin dans les remarques qui ont été exposées. Je n'ai pas parlé d'éducation, je m'en suis tenu au code des loyers qu'on veut proposer. C'était peut-être pour souligner davantage une remarque qui avait été faite par le député de Maskinongé et qui était une préoccupation que j'avais personnellement, dans le sens de la mentalité des propriétaires et de l'installation d'une coutume nouvelle qui, dans le fond, ferait que le projet de loi n'atteindrait pas ses objectifs.

Personnellement, je demande au ministre de considérer cette question-là pour permettre une latitude plus grande, puisqu'on veut en arriver à représenter une mobilité de population, éviter de créer un remous de déménagement massif et les problèmes qui s'en suivent dans ce que ces messieurs viennent de décrire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas besoin de dire que je suis d'accord sur la suggestion faite par l'association puisque dans mon exposé du début, j'avais aussi fait cette suggestion. Mais comme le député de Maskinongé, je m'inquiète un peu, même pour une première année, qu'on indique la date du 30 juin. On va peut-être recréer une autre habitude. Je me demande, en mettant dans le texte que les baux sont automatiquement continués pour douze mois après leur date d'expiration, si, à ce moment-là, on ne commence pas à mettre cette flexibilité en doublant cela en plus — et c'est ma deuxième suggestion— d'une publicité que le ministère de la Justice pourrait faire auprès des citoyens à l'effet que le nouveau code des loyers, non seulement ne bloque pas de date précise d'expiration de baux, mais favorise un échelonnement tout au long de l'année.

Avec ces deux facteurs — et j'insiste sur le deuxième — on n'enlèvera pas de l'esprit de la population cette espèce d'idée que les baux se terminent le 1er mai, si on ne double pas ça d'une espèce de campagne de publicité. C'est un peu comme le ministre a fait ou que son collègue des Institutions financières a fait à l'occasion de nouvelles loi de la protection du consommateur ou quoi que ce soit.

Il s'agit donc de rendre la population consciente de cette flexibilité et non pas seulement l'inclure dans le texte de loi. Mais si, même pour une première année, on installe une date comme le 30 juin, je crains bien qu'on créera une nouvelle habitude qui sera le 30 juin.

M. CHOQUETTE: Mais il y a un gros problème juridique et je pense que le député de Maisonneuve est très à même de l'apprécier. C'est que, en vertu de ce projet de loi, il est dit qu'en l'absence de désaccord ou d'expression de désaccord de la part du locataire ou du propriétaire, les baux actuellement en vigueur sont renouvelés pour une période de douze mois. N'est-ce pas?

C'était l'ancienne loi. Par conséquent, avec une nouvelle loi qui, en somme, se fait le prolongement de l'ancienne loi, il faut prévoir un renouvellement pour une période de douze mois. La question est: Est-ce qu'on doit dire exclusivement le renouvellement pour une période de douze mois?

Ou, est-ce qu'on doit aller plus loin et prévoir le renouvellement pour une période de quatorze mois de façon à en arriver au 30 juin, quitte à tempérer ce 30 juin sur la question de l'année scolaire?

Comme je l'ai dit tout à l'heure, en réponse à l'intervention du représentant des employés de Bell Canada, il est sûr et certain que nous allons faire en sorte que, dans une certaine mesure au moins, il y aura des renouvellements prévus pour douze mois et qu'il n'y aura pas de date fixe. Mais est-ce qu'il ne faudra pas, en somme, continuer à ce qu'il y ait une date, en somme, pour s'occuper des baux dont personne ne

s'occupe, c'est-à-dire des baux pour des dates indéterminées au code civil, que ce soit le 1er mai? Ce serait le temps...

M. BURNS: Je signale au ministre, également, que s'il favorise le déménagement au 1er juillet, il va empêcher les Québécois de se réjouir le jour de la fête du Canada. C'est une chose absolument...

M. CHOQUETTE: Est-ce que cela va faire beaucoup de peine au député de Maisonneuve?

M. BURNS: Je me demandais si le ministre n'était pas en train de glisser de notre côté.

M. PAUL: Peut-être que c'est inconsciemment!

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président, je serai très bref. Je tenterai de ne pas faire de dissertation pour me soumettre d'une façon rigoureuse aux directives de la présidence. Je veux tout simplement dire que j'abonde dans le sens des demandes de l'association. Ce n'est peut-être pas pour les mêmes raisons, parce que vous partez d'un problème que je pourrais dire personnel, votre problème à vous, je ne vous en blâme pas, chacun défend sa peau, mais un problème personnel qui, comme on l'a vu à la lumière des discussions, a quand même une importance globale. Par ailleurs, je crois à la liberté contractuelle, même si je suis d'accord avec le ministre de la Justice pour dire qu'il y a des difficultés juridiques d'en arriver à assurer une certaine souplesse. Evidemment, ce n'est peut-être pas tellement la mode de parler de la liberté contractuelle aujourd'hui — on est tellement pris par les problèmes collectifs, les droits collectifs que quand on revient à la liberté contractuelle, évidemment, on a l'air un peu réactionnaire. Bien, quitte à passer pour un réactionnaire, je crois encore à la liberté contractuelle, à la liberté des individus. Si on laissait peut-être un peu plus de liberté aux individus, peut-être qu'il y aurait certaines choses dans notre société, sur le plan collectif, qui iraient mieux. Tout ça pour dire que j'appuie entièrement le ministre mais, encore une fois, je pense que ce n'est pas difficile de trouver une solution. A première vue, sans avoir fouillé davantage la question, on dit: "les baux dont personne ne s'occupe", mais ce n'est peut-être pas tout à fait exact. Un bail commence à une date, la journée où une personne entre dans un loyer, que ce soit le 30 juin, le 5 juillet, il y a une date où on entre dans un loyer. A mon avis, c'est à cette date que le contrat débute. Alors, si la loi reconnaît que ces baux qui ne sont pas renouvelés par des actes écrits, qu'on dise qu'ils se renouvellent pour douze mois. Si j'entre dans un loyer le 5 septembre et qu'au bout du 5 septembre je continue à rester là, bien, par tacite reconduction, mon loyer se renouvellera jusqu'au 5 septembre de l'année suivante. Il me semble que c'est assez facile de régler le problème.

M. CHOQUETTE: Je tiens à dire au député de Terrebonne que j'ai déjà dit qu'il était acquis d'avance qu'il y aurait une disposition dans la loi à l'effet que les renouvellements se feraient sur une période de douze mois. C'est sûr et certain. Alors, qu'on tienne ça pour acquis. Mais c'est pour la première année.

M. HARDY: C'est pour partir.

M. CHOQUETTE: C'est pour partir. Est-ce que ce sera douze mois ou quatorze mois?

M. HARDY: Cela n'est pas un gros problème. Je pense bien que même les employés du service public accepteront, même si cela arrive une année dans leur vie, d'avoir de petits problèmes de vacances, je pense bien que vous allez y consentir, je pense que ce ne sera pas un gros problème au point de départ. Après ça, bien...

M. CHOQUETTE: Enfin, c'est la question qui reste en suspens.

M. LE PRESIDENT: Je remercie beaucoup les membres de l'Association canadienne des employés de téléphone. Il semble que leur opinion va être écoutée religieusement. Merci beaucoup.

M. MAHONEY: Merci, M. le Président.

Corporation des enseignants du Québec

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons maintenant la Corporation des enseignants du Québec et son président, M. Charbonneau.

M. CHARBONNEAU: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, ces quelques notes, que je veux présenter au nom de la corporation, ont été préparées par les services de notre bureau et en particulier avec la collaboration de Me Lapierre qui m'accompagne et qui est conseiller en relations de travail à la corporation. Elles ont été également soumises à l'étude de notre conseil d'administration et elles ont été portées à la connaissance de nos syndicats de qui nous avons tiré des consultations et des avis depuis quinze jours, depuis la reprise de l'année scolaire.

Le gouvernement a enfin décidé de remplacer, par un code de loyer, la loi temporaire qui était la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Le projet de loi en question se situe, sous plusieurs aspects, dans la ligne de ceux qui l'ont précédé. La CEQ est

consciente qu'il ne permet de toucher qu'un aspect d'un des problèmes les plus graves des Québécois, l'habitation, problème sur lequel nous avons espoir d'être consultés dans des lois plus globales très bientôt. La CEQ est également consciente que le projet de loi, au point de vue du montant du loyer, ne permet qu'un contrôle des augmentations et non pas des taux de base. D'autre part, nous avons constaté avec intérêt que le gouvernement a fait des pas en avant dans la protection des locataires sous les aspects particuliers touchés par ce code. Nous croyons cependant que le coût élevé du logement a des conséquences sociales désastreuses et que les mesures adoptées pour remédier à la situation ne doivent pas être des mesures incomplètes.

Le code des loyers, nous l'admettons, s'attaque partiellement au projet du logement et il doit apporter dans son domaine un ensemble de mesures constituant un système de défense complet pour tous les locataires contre les abus dont ils peuvent être victimes. La CEQ est donc favorable au code des loyers présenté, mais elle croit qu'il doit y avoir des modifications sur les points suivants: la question de l'universalité, la question du 5 p.c, et certains autres pouvoirs du commissaire.

En ce qui concerne l'universalité, nous ne voyons aucune raison de faire une discrimination dans le code des loyers lui-même en ce qui concerne le lieu entre les locataires. Nous avons pris note des difficultés administratives prévues par le ministre concernant l'extension immédiate de ce code des loyers à toutes les localités et nous voyons qu'il y a un grand pas de l'avant de fait en touchant déjà 88 p.c. au départ, mais nous devons soutenir, quant à nous, que tous les locataires doivent bénéficicier, en principe, par la loi, d'une égale protection, quitte à ce qu'il y ait une assurance de cette protection par étape prévue par le législateur ou par réglementation. Mais il nous semble que dans le projet de loi, il ne devrait pas y avoir au départ ce partage qui engendre, je crois, une certaine inéquité pour certains groupes de locataires, même s'ils peuvent demander à être couverts en formant des groupes de 50. Quand nous regardons la réalité, les localités de moins de 5,000 de population, regrouper déjà 50 locataires pour faire connaître le code des loyers et faire un mouvement dans ce sens-là, je crois que c'est beaucoup demander dans des petits villages ou les petites localités dont il s'agit.

On pourrait peut-être prévoir, à ce moment-là, un nombre requis de locataires moindre de 50 pour montrer vraiment que le législateur, en principe, est favorable à ce qu'il n'y ait aucune discrimination ou différence de principe au départ dans la loi elle-même. Nous devons aussi vous souligner que, quant à nous, nous représentons des enseignants mais bien aussi des locataires qui se retrouvent dans toutes les localités du Québec, y compris celles de moins de 5,000 habitants.

Nous trouvons également nécessaire qu'un local qui devient habitable soit immédiatement soumis à un contrôle afin d'assurer, dès le départ, la fixation d'un loyer juste.

Nous savons que c'est une demande d'un esprit passablement différent des propos préliminaires tenus par le ministre de la Justice tout à l'heure, mais nous croyons que l'intervention de l'Etat en matière de loyer doit se situer dans la ligne générale des interventions de l'Etat dans la protection du consommateur.

Nous croyons que le loyer est un bien de consommation finalement ou assimilable à un bien de consommation et qu'il prend une partie suffisamment grande des dépenses annuelles d'une famille pour être contrôlé, dans un certain cadre relativement souple mais contrôlé quand même dès le départ par certaines interventions du législateur et non seulement contrôlé quant à un rythme d'augmentation. Si on ne contrôle pas le départ ou la base, la fixation initiale du taux, je crois que le reste devient plutôt un contrôle de fait, de portée secondaire.

Troisième point, sous ce chapitre, c'est l'exclusion des logements loués par un employeur à ses employés. A notre avis, la loi en question doit s'appliquer et les baux doivent être prolongés de la même manière que dans les autres cas. La loi ne doit pas privilégier une catégorie de locateurs, même s'il s'agit d'un employeur envers ses employés.

Le deuxième élément de notre intervention se rapporte au taux de 5 p.c. La limite d'augmentation de 5 p.c. nous semble ouvrir la porte à la perpétuation d'une situation déplorable. Sans prétendre faire le tour de la question de fond en comble, nous avons quand même relevé certaines statistiques quant à l'indice des prix à l'habitation de 1961 à 1971. Nous savons bien sûr que l'indice des prix à l'habitation est une notion plus large que seulement l'aspect location. Tout de même, de 1961 à 1971, il y a eu une variation de plus de 3.5 par année en moyenne. Je crois que quelqu'un a parlé tout à l'heure de 2.5 p.c. Alors, nous pensons que c'est nettement exagéré d'indiquer dans la loi qu'il y ait une possibilité, sans trop de difficultés administratives pour le locateur ou le propriétaire, de demander une augmentation annuelle de 5 p.c. Nous pensons que c'est être beaucoup trop large, que l'on pourrait parler de 3 p.c. dans la loi. D'autres parlent de laisser un taux variable selon les régions. Nous avons étudié brièvement ce point de vue mais, à défaut de mieux, de pouvoir s'entendre sur une formule qui serait forcément assez complexe, nous préférons émettre l'opinion que 3 p.c. correspondrait beaucoup mieux à la réalité des choses, en tout cas à une augmentation admissible concevable du taux de loyer par année.

Troisième point. Si le propriétaire peut demander d'augmenter son loyer au-delà de la limite, nous estimons que le locataire devrait pouvoir, en contrepartie, demander une diminution, sans qu'il soit nécessaire de baser sa

demande sur une diminution de services, comme le demande l'article 27. Parce que nous n'avons pas vu que le propriétaire, pour avoir le droit d'augmenter son loyer au-delà des limites, devait prouver augmentation des services ou augmentation de la qualité des services. Nous ne voyons pas pourquoi, en contre-partie, le locataire serait handicapé par une telle restriction, à savoir de devoir prouver une diminution de services, selon l'article 27. Le commissaire devrait pouvoir se baser sur des critères déterminés pour diminuer un loyer comme pour l'augmenter au-delà de la limite prévue par les articles 20 et 21. Ces critères, nous aimerions qu'ils soient les plus objectifs possibles mais qu'ils ne soient pas soumis à des conditions particulières telles que la fluctuation du marché, c'est-à-dire, la disponibilité plus ou moins grande, ou la rareté des loyers dans telle ou telle région.

Nous savons que ce facteur fait passablement varier le taux de base des loyers ou le rythme d'augmentation des loyers dans certaines régions et nous ne pensons pas que le législateur devrait permettre que les consommateurs locataires soient soumis à ce genre de fluctuation qui est conditionné souvent lui-même par des facilités au point de vue prêt et qui sont dans le cadre des législations de l'Etat, soit fédéral, soit provincial, puisque l'Etat permet, par ses politiques d'aide à la construction de logements, qu'il y ait essor dans telle ou telle région. Nous pensons que le consommateur ne devrait pas, lui, avoir à écoper d'une espèce de conséquence à ces politiques d'essor très, très rapide dans des régions, ou manque dans d'autres régions au point de vue disponibilité de logements.

Quant aux critères objectifs ou une espèce d'échelle de normes au point de vue du logement, à notre avis, ceci pourrait être élaboré de plusieurs manières, mais nous faisons la suggestion qu'ils pourraient être élaborés par le Conseil de protection du consommateur. Je sais qu'il y a peut-être des difficultés au point de vue juridique ou des mandats accordés à cet organisme, nous n'avons pas étudié la question à fond, mais nous croyons, encore une fois, qu'il est tout juste sain et réaliste de rappeler que le loyer, la location d'habitation, toutes les politiques qui touchent cela doivent se situer dans la ligne des politiques qui assurent une certaine protection aux consommateurs en général. Le Conseil de protection du consommateur n'a peut-être pas encore eu un mandat dans ce sens-là, mais nous ne croyons pas qu'il soit, à première vue, ridicule de croire que ces gens, quitte à se faire conseiller par des personnes appropriées, à consulter tous les gens intéressés, que ces gens-là puissent avoir une opinion valable en la matière étant donné qu'ils étudient plusieurs autres secteurs ou chapitres de la consommation au Québec.

Nous avons aussi quelques points d'un certain intérêt à soumettre, à part ces trois points premiers.

Nous avons établi une certaine concertation dans la préparation de ces notes avec la Fédération des associations de locataires du Québec. Si nous avions parlé après eux, nous aurions pu marquer notre appui à plusieurs des recommandations qu'ils vous formulent. Tout de même, nous nous opposons à la possibilité de reprise de possession, par le locateur, des logements pour division ou conversion. Il nous paraît important, dans plusieurs régions où il y a pénurie de logements convenables, surtout de logements suffisamment spacieux pour des familles d'au-delà de trois enfants, il nous parait important que le locateur ne puisse pas reprendre son logement pour le subdiviser, le convertir en appartements ou en pièces plus petites. Nous savons qu'il y a là un profit habituellement admis, il y a un intérêt pour le propriétaire ou le locateur à savoir plus d'unités petites qui peut souvent l'amener à diviser ou à subdiviser les logements spacieux, mais nous croyons que, du point de vue social, le législateur devrait poser des restrictions sur cet aspect-là.

Nous avons pris note des dispositions que le projet de code contient au sujet de la discrimination et elles nous semblent bonnes dans l'ensemble. Nous suggérons toutefois d'ajouter, aux infractions déjà mentionnées, le refus de louer en raison d'opinions politiques. D'après certaines consultations faites auprès de nos syndicats, c'est arrivé, dans certains cas, pour un motif non pas allégué clairement, naturellement. Comme dans tout cas de discrimination, quand a-t-on vu une affirmation claire dans ce domaine-là de la part de celui qui refuse de louer?

M. CHOQUETTE: Mais dans l'état actuel des choses, M. Charbonneau, est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait ajouter aussi: pour opinions syndicales? Les opinions syndicales, de nos jours, semblent assez partagées, d'après ce que je vois, d'après le résultat de certains votes qui sont exprimés.

M. CHARBONNEAU: Oui. Alors, la farce s'applique sans doute mieux à d'autres, pour le moment, mais en tout cas j'ajouterais opinions politiques et syndicales, si vous le voulez.

M. LOUBIER: M. Charbonneau, il s'agirait de ne pas tomber dans le piège tendu par le ministre parce que ça pourrait dégénérer en discussions très longues.

M.CHARBONNEAU: Mais nous voyons que les problèmes syndicaux occupent toujours l'esprit du ministre, comme depuis plusieurs mois.

Nous avons aussi émis une certaine opinion concernant la prolongation des baux. Nous avions déjà réclamé que les baux se terminent de préférence le 30 juin plutôt que le 1er mai. C'est, à notre avis, une question qui va dans le sens de l'intérêt des élèves, des parents et des

enseignants que les déménagements se fassent en dehors de la période d'activité scolaire, quoique vous soyez, vous-même, sensible à ce genre d'arguments, certaines de vos interventions l'ont bien révélé tout à l'heure. Il est vrai que depuis la régionalisation du niveau secondaire, une certaine partie du problème peut être atténuée en autant qu'il s'agit de déménagement initial ou antérieur parce que, du moment qu'on franchit un certain nombre de milles, on change de secteur d'aménagment et la régionalisation ne règle pas le problème.

Du côté donc de l'élémentaire, le problème reste entier en dépit des changements de structure scolaire. Les écoles restent où elles sont et du moment qu'on change de localité d'un mille ou deux, je crois que, généralement, on change également d'école élémentaire. De nombreux problèmes se posent ainsi pour les parents et pour les enseignants. Ce n'est pas seulement une question d'une année. Le problème se pose également au niveau du changement de lieu de travail pour un bon nombre d'entre eux, et que leur contrat se renouvelle ou non le 1er mai, il reste que les deux derniers mois doivent être des mois de prestation de service. La situation est très difficile pour quelqu'un qui sait que l'année suivante il devra enseigner à un autre endroit, à plusieurs milles. Il devra payer à la fois pour mai, juin, parfois juillet et déjà obtenir un logement pour l'année suivante. Alors, nous pensons qu'une date se situant autour du 30 juin ou après, mais dans les mois d'été, serait la meilleure façon de résoudre ce problème.

Nous pensons que fixer une nouvelle date, comme le 30 juin, peut engendrer une nouvelle habitude et une certaine rigidité qui peut aussi favoriser une augmentation exagérée des prix demandés par les agences de déménagement, comme le 1er mai d'ailleurs. Quand tout arrive en même temps, il y a sûrement des frais pour ces gens, ils les font payer par les gens qui se servent de leurs services. Donc, le 30 juin, le problème pourrait être un peu de même nature et alors, il faudrait que le gouvernement surveille encore une fois l'intérêt des consommateurs locataires et ne pas permettre un abus de la part de ces agences de déménagement, un abus dans les prix, s'il doit y avoir une autre date fixe. Mais nous suggérons vraiment aux législateurs de permettre aux locataires et aux propriétaires de convenir d'une autre date que le 30 juin, soit entre le 30 juin et le 1er septembre. Cela pourrait répondre au problème soulevé par ceux qui nous ont précédés ici. Il y aurait donc un échelonnage sur une base de deux mois. Pour l'aspect scolaire, le tout sera réglé, et en ce qui concerne la possibilité de profits exagérés de la part des agences de déménagement, je crois que ce serait réglé aussi, étant donné que cela pourrait s'échelonner sur deux mois.

Alors, si les deux parties, locataire et locateur, s'entendent pour une date entre les deux, ce sera cette date. A défaut de s'entendre, il pourrait y avoir une disposition qui parlerait du 30 juin.

M. CHOQUETTE: M. Charbonneau je tiens à vous indiquer que l'intention du gouvernement n'a jamais été d'imposer une date aux propriétaires et aux locataires. Ils ont toujours été libres, remarquez bien, en vertu de l'ancienne loi, et ils auraient, de toute façon, conservé leur liberté selon la loi que nous proposons à l'heure actuelle. Mais toute la question est de savoir jusqu'à quel point la loi doit favoriser une date. C'est là où les écoles de pensées peuvent diverger, certaines disant: Le gouvernement ne doit faire aucun effort en vue de favoriser une date; et d'autres disant: A la rigueur, le gouvernement doit maintenir une date suggérée pour les cas où les parties n'ont pu s'entendre, c'est-à-dire le 30 juin.

Je suis particulièrement content que vous interveniez immédiatement après les employés de la compagnie Bell qui nous ont fait entendre un son de cloche intéressant, sans aucun doute, mais vous, vous êtes particulièrement en mesure, je pense, de renseigner les membres de la commission sur l'aspect année scolaire qui était sous-jacent à la suggestion du 30 juin qui est contenue dans le projet de loi. Je suis donc très heureux que vous arriviez à ce moment-ci des débats.

M. CHARBONNEAU: M. le ministre, je crois qu'au fond, nos interventions vont dans le sens de vos préoccupations et avec les assouplissements possibles qui pourraient se situer durant la période d'été, il y aurait vraiment une amélioration de la situation. Mais quand vous dites qu'il s'agit de ne pas fixer dans la loi une nouvelle date qui soit imperative, nous sommes tout de même conscients que dans l'ancienne loi non plus, il n'y avait pas de date de fixée.

Mais tout de même, la mention du 1er mai a fait que l'habitude... Enfin, il y a eu une convergence et finalement, on sait qu'il y a des déménagements en très grand nombre le 1er mai, même si ce n'était pas impératif par la loi. Cela a donc un effet d'entraînement indéniable et il me semble que, à ce propos le fait d'indiquer le 30 juin de la même manière, à savoir que ce soit une suggestion, cela aura un effet d'entraînement qui sera sain, mais cela laissera quand même deux mois aux gens pour se placer autrement selon cette suggestion.

M. CHOQUETTE : Mais, concrètement parlant, actuellement dans le système scolaire tel que nous l'avons au Québec, le déménagement des parents le 1er mai... Est-ce que, d'après vous, avec le nombre de déménagements que nous connaissons habituellement à Montréal et dans les autres régions du Québec à ce moment de l'année, ça apporte des inconvénients majeurs pour les enfants qui sont dans notre système scolaire, soit élémentaire, secondaire, CEGEP et même universitaire? J'aimerais avoir votre point de vue comme une personne qui

connaît ce domaine pratique pour que nous tenions compte de l'importance de ce fait dans la loi que nous allons adopter définitivement.

M.CHARBONNEAU: Dans ma réponse, j'exclus au départ le niveau CEGEP et le niveau universitaire. A ces niveaux, les années scolaires sont à peu près terminées le 1er mai; enfin, ça va vers le 15 ou 20 mai. Le problème n'est pas vraiment grave à ce niveau. Mais aux niveaux élémentaire et secondaire, c'est très néfaste, un changement d'école pour un élève le 1er mai.

Il y a un tas de dates qui seraient meilleures que le 1er mai. Le 1er novembre, le 1er décembre, le 1er janvier, on peut plaider que c'est relativement secondaire ou indifférent. Mais le 1er mai, alors qu'arrivent les derniers contrôles, alors qu'entre en ligne de compte ce qu'il a acquis durant l'année, imposer à des élèves — surtout ici, ça toucherait durement les élèves de l'élémentaire — continuer de leur imposer un changement de professeurs, de contexte, d'école, de compagnons à cette date c'est vraiment ce qu'il y a de plus néfaste qu'on puisse imaginer. Pire que ça, ça pourrait être le 1er juin, mais à part ça, c'est vraiment le maximum.

M. CHOQUETTE: Mais le déménagement des parents le 1er mai entraîne-t-il nécessairement le transfert d'école de l'enfant ou s'il peut continuer à fréquenter l'école où il avait été inscrit depuis le début de l'année?

M. CHARBONNEAU: Oui, cela rejoint les remarques que je faisais tout à l'heure. Au niveau secondaire, depuis la régionalisation, le déménagement, s'il est à courte distance, n'empêche pas l'élève de continuer à aller à l'école du secteur où il était, à cause du système de transport qui lui facilite cela.

S'il s'agit d'un déménagement, ne serait-ce souvent que de quinze, 20 ou 25 milles, il peut engendrer un changement de secteur d'aménagement dans la commission scolaire régionale et à ce moment, c'est vraiment un changement d'école et de contexte qu'on impose au jeune.

A l'élémentaire, d'après ce que je sais, un déménagement, même à courte distance, occasionne généralement un changement d'école puisqu'il n'y a pas de regroupement. Les écoles sont tout près du domicile des parents et très souvent, à moins d'un mille, dans un arrondissement immédiat.

A ce moment, c'est un contexte différent sur le plan scolaire qu'on impose presque à tout coup, s'il y a un déménagement de moindre importance...

M. LOUBIER: Monsieur...

M. CHARBONNEAU: ... même en milieu urbain.

M. LOUBIER: Si vous me permettez, M.

Charbonneau, est-ce que vous avez fait une analyse ou est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de déplacements pour les parents qui ont des enfants à l'élémentaire ou si vous n'avez aucun document de base sur ça? Ce que je voudrais éviter, c'est qu'on s'en tienne strictement au niveau des principes ou d'une école de pensée, sans tenir compte des faits concrets.

Si cela rejoint 1 p.c. ou 1/2 p.c. de la population, est-ce que cela vaut la peine de changer complètement les dispositions que nous avons dans la loi? Si par ailleurs, vous avez des statistiques à l'effet que cela rejoint un nombre considérable de personnes, cela pourrait peut-être aider le législateur à prendre une autre attitude.

M. CHARBONNEAU: En réponse à cela, je dois dire que nous n'avons pas de statistiques récentes sur la question. Cependant, notre expérience d'enseignants nous laisse croire que 10 p.c. à l'élémentaire, c'est un chiffre qui est dans la normale des choses. Trois sur trente.

M. LOUBIER: Maintenant, ces 10 p.c, est-ce qu'on les retrouve surtout dans la région de Montréal ou dans la région limitrophe de Montréal? Si tel est le cas, je ne pense pas que cela occasionne alors de problème sérieux.

M.CHARBONNEAU: Je crois qu'il y a environ 325 ou 350 écoles élémentaires seulement dans Montréal. C'est dire que, pour les parents de Montréal, les changements par voie de déménagement, même s'il ne s'agit pas de changement de localité, peuvent imposer un changement d'école. Les écoles élémentaires sont assez rapprochées des lieux d'habitation des parents, à Montréal. Même là, en milieu urbain, je crois que notre chiffre de 10 p.c. vaut. Par région, je ne peux pas vous donner la réponse à votre question, à savoir si c'est plus fort à Montréal qu'ailleurs, en milieu urbain qu'en milieu rural. Notre expérience nous laisse croire qu'à l'élémentaire trois sur trente, c'est-à-dire 10 p.c, est un chiffre assez réaliste. Au secondaire, il faudrait faire de nouveaux relevés, car il y a des transformations de structures, mais ce doit être un peu moins fort.

M. CHOQUETTE: Le président de la Régie des loyers me communique un fait pertinent à la discussion. L'année dernière, au 1er mai, il y a eu 80,000 déménagements sur l'île de Montréal. Alors, on peut calculer l'impact de ces déménagements sur l'ensemble de la population, qui est d'environ 2,200,000 sur l'île de Montréal. Si on dit que la famille moyenne est en moyenne de quatre personnes et une fraction, 80,000 déménagements impliquent environ 300,000 personnes qui ont été dérangées sur une population de 2,200,000. On peut dire qu'environ 10 p.c. de la population a subi un changement.

M. CHARBONNEAU: Ce qui veut dire un peu plus de 10 p.c, mais il faut tenir compte de ceux qui déménagent sans enfant ou qui ont des enfants d'âge non scolaire.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est très approximatif. Environ 10 p.c.

M. LOUBIER: II y a le fait aussi que, pour plusieurs, selon un pourcentage que je ne peux pas évaluer, c'est un déménagement dans le même quartier ou à un coin de rue plus loin. A ce moment-là, cela n'affecte aucunement les enfants, ni les parents.

M. CHOQUETTE: Aviez-vous autre chose?

M. CHARBONNEAU: Nous avions à souligner que l'article 39 qui permet à un locataire de résilier son bail lorsqu'il obtient la permission de louer un logement à prix modique nous parait absolument nécessaire pour permettre l'accès des familles peu fortunées à ces logements. Nous espérons bien que cet article sera maintenu. Quant à l'idée d'un bail type, nous avions déjà réclamé devant l'Office de révision du code civil qu'il y ait un bail type qui s'appliquerait obligatoirement au louage de locaux d'habitation. Nous pensons qu'un tel bail type devrait être incorporé au code et que ses dispositions devraient assurer la protection des droits des locataires.

Un peu plus tard, sans doute, vous aurez l'occasion de prendre officiellement connaissance de la formule de bail type suggérée par le Groupement des locataires du Québec métropolitain et, quant à nous, c'est une formule qui nous conviendrait. Nous souhaitons avoir l'occasion de nous exprimer devant une commission parlementaire qui traiterait d'ici peu de temps des problème globaux de l'habitation. Nous pensons que cette législation que vous proposez maintenant constitue quand même un certain pas en avant pour le secteur précis des locataires au sens du projet de loi 56.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: A la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez à l'article 2: Discrimination: Les dispositions que le projet de code contient au sujet de la discrimination nous semblent bonnes dans l'ensemble. Nous suggérons cependant d'ajouter aux infractions déjà mentionnées le refus de louer en raison d'opinions politiques. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu davantage ce que vous voulez dire par refus de louer en raison d'opinions politiques?

M. CHARBONNEAU: Cela se situe dans le contexte de l'article du projet de code de loyer. Il y a plusieurs sujets qui sont mentionnés comme pouvant faire l'objet de discrimination.

Pour autant que je me souvienne, on parle de la langue, du sexe, d'une foule de questions: la religion, le nombre d'enfants dans la famille. Nous pensons qu'on peut ajouter le refus de louer pour des opinions politiques. C'est une question de la part du législateur d'éviter qu'une injustice soit créée à l'égard de certains locataires potentiels parce qu'ils ont une opinion politique connue. Ce pourrait devenir très difficile à certaines personnes, à un moment donné, de loger dans certains arrondissements. Ce pourrait les forcer à changer d'arrondissement ou même de localité si on ne pouvait pas prévoir cette possibilité. On ajouterait même pour ses opinions syndicales, selon la suggestion de M. Choquette.

M. LOUBIER: Si vous me permettez, M. Charbonneau, est-ce que, dans votre esprit, cela irait aussi loin qu'un propriétaire refuserait hypothétiquement de louer à un membre influent du FLQ? C'est un exemple que je donne. On pourrait en trouver d'autres. Est-ce que vous considéreriez que le propriétaire n'en aurait pas le droit, parce que le bonhomme dirait que ce sont des activités politiques uniquement faites à sa façon? J'explicite davantage ma pensée. Je me vois propriétaire et je sais qu'un tel est un membre influent du FLQ. Je n'aimerais pas trop lui louer un appartement, pour toutes sortes de raisons, les petits colloques, les petites bombes qu'on manufacture, etc. Je pense que cela pourrait, si on introduisait ce terme, aller très loin et, entre nous, je ne veux pas à ce moment-là vous prêter des sentiments, des arrière-pensées. Pas du tout.

Mais, à ce moment-là, si on imbriquait ce terme, le propriétaire, au moins de façon épidermique, ou en surface, serait obligé de louer parce que le gars lui dirait: Je suis un gars du FLQ, d'accord, je me fais de petites bombes, de petits pétards mais vous n'avez pas le droit de refuser de me louer.

M. CHARBONNEAU: Est-ce que vous me permettez de poser certaines questions avant de répondre une fois pour toutes? Est-ce que, dans l'exemple que vous citez, quand vous parlez du FLQ, il s'agit d'un organisme qui est hors la loi actuellement?

M. LOUBIER: Non, voici, je donnais un exemple.

M. CHARBONNEAU: Je comprends, oui.

M. LOUBIER: Non. Je pourrais vous en donner un autre. Vous savez fort bien, M. Charbonneau, qu'il y a eu controverse à savoir si c'étaient plutôt des prisonniers politiques, etc. Je pose cet exemple comme je pourrais en choisir d'autres. Ainsi, quelqu'un arrivant de l'extérieur et... je ne sais pas... vous en connaissez peut-être plus que moi, des exemples?

M. CHARBONNEAU: J'ai moins de maisons à louer que vous.

M. LOUBIER: Pardon? Je n'en ai aucune. M. CHARBONNEAU: Excusez-moi.

M. LOUBIER: Si j'en avais une, peut-être qu'à ce moment-là, ce serait bon d'inscrire: pour activités syndicales.

M. CHARBONNEAU: Alors, notre réponse sur cette question ne fait l'objet d'aucune hésitation quant au fond et non quant à l'application à tel ou tel groupe particulier. C'est que, d'après nous, l'occupation d'un logement ne doit pas contrevenir à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Et là, nous prendrions la position défendue dans le mémoire de la Fédération des Associations des locataires du Québec, dans leurs commentaires en marge de l'article 36. Vous avez un paragraphe qui souligne une position que nous jugeons acceptable. L'occupation de certains lieux ne doit pas être contraire à l'ordre public.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de Terrebonne.

M. HARDY: Dans le même sens que le député de Bellechasse, supposons que je sois un propriétaire juif actuellement au Canada et qu'un individu reconnu pour ses sympathies pour le mouvement palestinien s'amène pour louer. Strictement pour des raisons politiques, je pense que j'aurais des raisons de refuser. Je suis juif et je sais que le bonhomme a des sympathies... Je refuserais donc de lui louer. Evidemment, on peut prendre toutes sortes de prétextes mais, au fond, ce serait pour des raisons politiques. Dans un cas pareil, même si, à première vue, l'ordre public est garanti, vous ne croyez pas que, psychologiquement, ce propriétaire aurait certaines raisons de craindre, même s'il n'y a rien, à première vue. Même si le locataire potentiel semble vouloir se conformer à toutes les lois, à cause du contexte actuel, des faits qui se passent, ne croyez-vous pas que, tout en admettant le grand principe de discrimination sur lequel tout le monde s'accorde, je pense que c'est différent quand on arrive dans l'application pratique. Puisque j'ai la parole, j'accroche une autre question à cette première question, partant encore d'un fait bien concret, il arrive très souvent, je ne sais pas à Montréal mais en tout cas dans les milieux semi-ruraux, que des gens d'un certain âge possèdent une maison à deux logements. Ce sont des rentiers, qui ont accumulé certaines épargnes et se sont fait construire une maison. Ils habitent un palier, un étage et ont des locataires à l'autre étage.

Moi, j'imagine que ces gens-là — encore là, c'est une question purement psychologique mais c'est drôlement important — pourraient craindre certains locataires, à cause de leur aspect extérieur, de leurs activités qui sont connues dans le village, la municipalité. Ils pourraient avoir des craintes psychologiques de leur louer. Si on rend la discrimination trop précise, on va obliger des gens d'un certain âge à louer à des personnes qui, d'une façon constante à l'année longue, vont les mettre dans un "stress", vont les faire craindre. Je ne dis pas que leur crainte est fondée ou non. Il ne s'agit pas de se poser la question, c'est une question subjective, mais elle est là, la crainte. Est-ce qu'il n'y aurait pas danger, même si le postulat est très bien, de placer des gens dans des situations difficiles?

M. CHARBONNEAU: Puisque vous posez la question, votre question initiale sur la nationalité et le reste, est-ce que vous voudriez suggérer de retirer de votre projet de loi 73 l'article nous protégeant de la discrimation?

M. HARDY: Non, justement, je ne l'ai pas posée sur le plan de la nationalité, car ce n'est pas tellement la nationalité qui cause un problème que certaines activités.

M. CHARBONNEAU: Vous avez parlé de Juifs, au départ, je croyais...

M. HARDY: C'est parce que je voulais rattacher la question à un cas bien précis à cause du contexte actuel. Mais il arrive que la nationalité peut être greffée à un autre problème. C'est pour cela que la question de la nationalité, je la maintiendrais.

M. CHOQUETTE: Si le député de Terrebonne me le permet, M. Charbonneau, si on lit le texte de l'article 73 sur la discrimination, on y voit: En raison de la race, de la croyance — d'ailleurs je pense que ce devrait être plutôt les croyances — la couleur, la nationalité, l'origine ethnique, le lieu de naissance, la langue ou la situation sociale de ce locataire. Je crois que les croyances, cela comprend beaucoup de choses. Cela peut comprendre les opinions politiques ou même...

M. HARDY: Dans l'interprétation générale, ce qu'on a admis ici, c'est que, lorsqu'on parlait de croyance, de credo, on rattachait plutôt cela à la foi qu'aux opinions politiques. En tous les cas, je pense qu'il faudrait quand même être prudent pour ne pas placer dans des situations difficiles des individus qui sont de bonne foi, des gens parfaitement honnêtes, qui ne veulent pas être méchants à l'égard de tel ou tel secteur de la société mais qui peuvent avoir des raisons psychologiques valables. Il faudrait faire attention.

M. BURNS: Faire attention aussi pour ne pas créer des ghettos.

M. HARDY: Oui, oui.

M. BURNS: Créer un secteur où des gens qui ont certaines opinions politiques vont résider parce que c'est la seule place où ils peuvent le faire. Ce serait la création d'un ghetto.

M. HARDY: II faut éviter les deux dangers, je pense.

M. BURNS: Je suis d'accord avec le député de Terrebonne que le mot croyance dans cette loi, ainsi que dans la loi concernant la discrimination dans l'emploi, vise les croyances religieuses. Et si le ministre veut lui donner une plus grande extension, je pense qu'il faudrait le signaler clairement dans la loi. Parce que cela a toujours été interprété ainsi. Cela vient du mot d'origine anglaise "creed". On l'a adapté ici, on en a fait une traduction anglaise avec "belief" mais je n'ai pas l'impression que nos tribunaux — en tout cas, je ne suis pas un expert — lui donneraient cette étendue.

M. LE PRESIDENT: M. Charbonneau.

M. CHARBONNEAU: En ce qui concerne cette question de discrimination, il ne faudrait pas en parler plus qu'il ne le faut, mais j'aimerais rappeler que le problème s'est toujours posé sur le plan psychologique. Sur le plan des principes, des textes de loi, généralement, on s'entend pour avoir des textes assez généraux. Le problème que soulève le député de Terrebonne est réel, mais on doit essayer d'avoir des législations qui provoquent des ouvertures, qui sont éducatrices, d'une certaine façon. Non pas qui suscitent plutôt des possibilités de mettre des freins. La question des ghettos est soulevée. Elle se pose aussi pour les étudiants d'un certain âge. Parce qu'ils ont telle ou telle apparence, tel genre de vêtements ou telle apparence physique, barbe, cheveux, etc., on n'a pas à avoir peur de ces gens parce qu'ils sont habillés ou coiffés de telle manière.

Je crois que cela est vraiment aller plus loin et quand on veut dire que telle personne peut avoir des activités qui seraient contraires à l'ordre public, à partir du seul indice qu'elle est de telle nationalité ou qu'elle a émis telle opinion politique, je crois que cela n'est pas admissible. Même si cela peut causer des difficultés à des personnes d'un certain âge ne possédant qu'un logement ou qui sont dans le milieu rural. Je crois que le législateur n'a pas d'abord à se situer dans ce cadre. Il n'a pas à favoriser à certains citoyens l'interprétation d'opinion politique d'autres ou présumer que leurs activités seront automatiquement hors la loi ou causeront un danger. A ce compte-là, je ferai remarquer qu'on peut poser la question au sujet de n'importe quel citoyen, savoir des hommes politiques, des syndicalistes, n'importe qui. Il peut arriver que des gens, de n'importe quel métier qu'ils soient, puissent poser des gestes hors la loi.

M. HARDY: Un ouvrier peut avoir peur de louer à un avocat parce que selon la croyance populaire, les avocats sont des gens plus ou moins...

M. CHARBONNEAU: II ne faut pas présumer que les activités de tel groupe de personnes seront contraires à l'ordre public, qu'ils soient des étudiants habillés de telle ou telle manière, qu'ils soient des personnes engagées dans telle ou telle formation ou sens politique. Je crois qu'il faut aller au-delà de ça.

M. LOUB1ER: M. Charbonneau, vous insistez énormément sur tous les droits, toute la latitude, toute la protection que l'on doit accorder aux locataires. Je pense qu'il y a également certains droits et une certaine latitude qu'il est important d'accorder aux propriétaires, à moins que le terme même "propriétaire" soit modifié et que ce bonhomme soit tout simplement au service de l'Etat pour faire telle ou telle chose, sans utiliser et sans avoir les droits de sa propriété. Je pense qu'il faut tirer une ligne mitoyenne.

Vous aviez raison d'insister tout à l'heure. Dans cette philosophie moderne où est nécessaire la protection du consommateur, vous assimilez à juste titre les locataires à cette philosophie de la protection des consommateurs. Mais à moins de tout changer notre système, il faut qu'il y ait également, du côté des propriétaires, certains privilèges et certains droits.

M. HARDY: Pas trop.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de Maskinongé.

M. BURNS: M. le Président, si vous permettez, dès qu'on parle des privilèges et des droits du propriétaire, on oublie complètement la fonction sociale de l'habitation. Et je pense que c'est incompatible.

M. LOUBIER: Voici, ce n'est tellement pas...

M. BURNS: Je n'ai pas le droit d'avoir une maison qui peut loger des gens si je ne favorise pas la fonction sociale de ce logement. Et à partir du moment où on commence à mettre des latitudes et des normes...

M. LOUBIER: Je comprends très bien, et c'est tellement vrai que c'est pour ça qu'on intervient avec des lois pour protéger le consommateur, protéger le plus profondément possible le locataire. C'est là qu'on remplit véritablement cette obligation sociale, mais d'autre part, il faut tout de même y aller avec une certaine mesure dans la conjoncture dans laquelle nous vivons.

Si nous vivions dans un système socialiste, intégral ou non, je changerais complètement mon argumentation, sauf que tant et aussi longtemps que nous vivrons dans le système

actuel nord-américain, il faut accorder le plus de protection possible à ceux qui sont défavorisés et adopter des lois comme la Loi de la protection du consommateur.

C'est le rôle social que l'on veut atteindre mais pas à un point tel qu'il n'y ait plus aucune possibilité d'exercer un droit de propriété et que, à ce moment-là, on puisse dire que l'expression "raisons politiques" a un sens très large et on peut même permettre à n'importe qui de dire que vous êtes obligé de le recevoir ou de l'héberger chez vous. Je pense que, à ce moment-là, cela doit jouer un petit peu sur les deux côtés et il faut prévoir la fonction sociale de l'habitation dans un code du loyer tel que nous avons ici, mais seulement en y allant avec une certaine mesure.

M. BURNS: Mais le député de Bellechasse a l'air de dire: L'habitation a un petit peu une fonction sociale, elle n'en a peut-être pas une au complet. Elle a une fonction sociale ou elle n'en a pas, c'est tout.

M. LOUBIER: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. BURNS: Vous dites oui, mais il ne faut pas aller trop loin.

M. LOUBIER : Sous prétexte de dire que cela a une fonction sociale, on peut pousser beaucoup plus loin et dire que l'Etat, partout, devra s'occuper non seulement de la propriété, de la construction, des normes d'hygiène, de tout ce que vous voudrez, mais que, également, ce sera l'Etat qui dictera dans tous les domaines aux propriétaires quoi faire, quand le faire, à telle date, etc. et que le propriétaire n'a aucun moyen de faire valoir ses droits.

Je pense qu'à ce moment-là, il y a une certaine mesure.

M. BURNS: Si l'Etat agit dans le sens de la collectivité, à ce moment-là, il n'y a pas de problème.

M. LOUBIER: Un instant. On le prévoit dans la loi, et je pense que le député de Terrebonne l'a soulevé tout à l'heure, il y en a encore plusieurs qui croient à la liberté contractuelle et je pense qu'à ce moment-là, les termes d'un bail sont écrits, conçus et accouchés selon le consentement des parties.

M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, nous allons arrêter, nous avons dépassé de beaucoup les bornes de la discrimination. Le député de Maskinongé et le député de l'Assomption sur le même sujet.

M. PAUL: M. le Président, je ne voudrais pas que M. Charbonneau, par ma question, me prête l'intention de lui attribuer une sympathie quelconque pour un parti politique, mais je me demande si cela correspondrait à l'opinion que vous avez émise au nom des membres de la CEQ. Si les membres de la commission et le législateur retenaient votre point de vue d'affiliation politique et que, du même coup, on écartât toutes ces possibilités qui nous ont été signalées entre autres par le député de Terrebonne, si on disait, par exemple, que le locateur ne peut pas refuser de louer en raison de la sympathie ou de l'adhésion à un parti politique reconnu au sens de la Loi électorale du Québec, est-ce que cela correspondrait à vos vues?

M. CHARBONNEAU: II me semble que c'est une solution qui se situe à mi-chemin, à savoir que là vous faites porter l'amendement sur un parti politique reconnu.

M. PAUL: A un parti politique reconnu au Québec et, du même coup, on pourrait mettre le propriétaire à l'abri de ces poursuites ou de ces revendications de gens que l'on a décrits comme étant des membres du FLQ ou encore des sympathisants palestiniens, pour m'en rapporter exclusivement aux deux cas qui ont été soulevés par les membres de la commission.

M. CHARBONNEAU: C'est une suggestion que, quant à nous, nous pourrions étudier. Vos collègues l'étudieront aussi. C'est sûr que, sous un certain aspect, cela a l'air très très facile d'application, parce que les partis politiques reconnus au sens de la loi, sans doute qu'on peut toujours les compter et qu'on peut toujours s'entendre là-dessus. Mais il y a des opinions politiques que les gens ont le droit d'avoir, qui ne se retrouvent dans aucun des partis politiques reconnus aussi. Je ne crois pas qu'il soit de votre intention de dire que, sous cet aspect des choses, il pourrait y avoir discrimination.

M. PAUL: En suivant votre raisonnement, voulez-vous laisser entendre ou soumettre aux membres de la commission que, quelles que soient les idées politiques d'un locataire, un propriétaire se devrait, et serait obligé en vertu de la loi, d'accepter comme locataire celui-là qui, à un moment donné, pourrait prêcher la révolte au Québec? Il émettrait des opinions politiques et, du même coup, on serait obligé de l'accepter.

M. CHARBONNEAU: Je crois qu'il ne peut pas refuser le logement à une personne en vertu de ses opinions politiques, parce que ce serait présumer que ces opinions conduisent inévitablement à des activités qui sont contraires à l'ordre.

M. PAUL: Si c'est reconnu dans le milieu?

M. CHARBONNEAU: Si c'est reconnu dans le milieu, c'est une hypothèse qui reste toujours à vérifier. Vous savez comme c'est difficile à vérifier. Il y a des instances judiciaires pour

reconnaître cela et on ne doit pas se fier à l'opinion prévalant dans un milieu.

M. PAUL: II y a des déclarations de faits qui, d'elles-mêmes, laissent supposer les intentions d'un individu et les actes qu'il peut poser.

M. CHARBONNEAU: II me semble que c'est vraiment à l'ordre judiciaire de reconnaître si une personne est hors la loi.

M. PAUL: A ce moment-là, vous placeriez le locateur dans l'obligation de faire face à toute poursuite éventuelle. Il aurait le fardeau de la preuve devant les commissaires de la régie, pour dire: Je n'ai pas accepté parce que... si on accepte sans réserve l'opinion que vous nous avez émise, la recommandation que vous nous faites aux fins de retenir comme étant de la discrimination le fait, pour un propriétaire, de regarder les opinions politiques, quelles qu'elles soient, d'un réclamant ou d'un aspirant locataire d'un logement.

M. CHARBONNEAU: Est-ce que le propriétaire a le fardeau de la preuve dans le contexte du projet de loi présenté par le ministre de la Justice?

M. PAUL: Oui, mais dans des cas bien déterminés. Mais, si vous allez jusqu'à obliger le propriétaire à accepter un locataire, même s'il avait des idées que tout le monde, à l'exception peut-être de 0.5 p.c, pourrait condamner, je crois qu'à ce moment-là nous ne rencontrons pas les buts des membres de votre association.

Je dis les buts des membres de votre association, de la majorité des membres de votre association et vous ne rencontriez pas non plus les idées que vous voulez porter à notre attention ce matin.

M. BURNS: M. le Président, il ne faut pas oublier aussi que sur toute cette question de poursuite, il faut bien lire l'article 77 qui met un drôle de tempérament à ces poursuites-là. C'est le procureur général qui intente les poursuites.

J'imagine que le procureur général, peu importe la personne qui occupe le poste, peu importe qui travaille sous ses ordres, va user de discernement dans des lois administratives comme celles-là. On n'a jamais dit que le procureur général en prenait trop d'actions jusqu'à maintenant.

M. HARDY: Vous nous assurez que vous ne serez jamais procureur général?

M. BURNS: Ah! je ne peux pas vous assurer de ça, mais... J'oserais même essayer de vous assurer du contraire.

M. CHARBONNEAU: Pour revenir brièvement sur la question de la fonction sociale d'une législation comme celle-là qui a été abordée tout à l'heure, M. Loubier disait jusqu'à quel point on doit aller dans ce sens-là, on doit se limiter, etc. Quant à moi, je pense que globalement, pour le gouvernement du Québec, ça devrait être corollaire à ce qui se fait à la réalité québécoise. Quand on regarde les statistiques, on s'aperçoit que les citoyens du Québec dépensent plus du côté logement à Montréal et à Québec et dans la moyenne, dans l'ensemble, que pour l'ensemble des citoyens canadiens.

A ce moment-là il me semble que, corollaire-ment, il devrait y avoir un souci social plus poussé, pour correspondre plus simplement à cet état de chose. Cela me semble être normal.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais tout simplement faire une mise au point. Certains membres de la commission, dont le ministre, ont des engagements très tôt cet après-midi. Comme plusieurs mémoires traitent des mêmes sujets, avec votre permission, nous pourrions continuer à entendre tout le monde jusqu'à la fin, tous les organismes, avant le déjeuner.

M. PERREAULT: On va être rendu à trois heures.

UNE VOIX: D'accord.

M.PERREAULT: II en reste trois, mais deux au moins traitent exactement du même sujet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: Seulement une brève question, M. Charbonneau. Est-ce qu'il arrive à votre connaissance, assez souvent, que des locataires — et je parle entre autres de maisons où il y a plusieurs habitations, je ne sais pas si c'est un mot français — soient "discriminateurs" ou s'opposent à ce que telle ou telle sorte d'individus viennent?

Non pas le propriétaire, ce sont les locataires eux-mêmes. Est-ce que cet aspect du problème a été porté à votre connaissance?

M. CHARBONNEAU: C'est possible, mais à cela je vois deux éléments de réponse rapide. La discrimination exercée par des locataires n'est pas meilleure que celle exercée par des propriétaires. Deuxièmement, la discrimination ou enfin l'antipathie d'un groupe de locataires envers tel autre locataire dans un même immeuble ne pourra se matérialiser que s'ils réussissent à faire des pressions sur le propriétaire. La décision finale devra quand même passer par lui.

M. HARDY: Vous reconnaissez que ça peut venir des locataires?

M. CHARBONNEAU: Et ce n'est pas mieux que dans le cas des propriétaires.

M. HARDY: Je ne vous posais pas la question sur le plan qualitatif.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Je suis heureux de constater que la question que j'ai posée en premier lieu ait soulevé tant d'intérêt chez les membres de la commission. Suite à ces remarques, quel serait le processus que vous suggéreriez dans de pareils cas?

M. CHARBONNEAU: De discrimination?

M. CARPENTIER: Oui, de refus de louer en raison d'opinions politiques. Quel est, d'après vous, selon les remarques des membres de la commission, le processus que vous pourriez suggérer à la commission pour régler ce genre de problème?

M. CHARBONNEAU: Nous suggérons les mêmes processus que ceux qui sont prévus à l'article 73 pour les autres raisons, langue, couleur, race, etc., la philosophie de base du projet de loi qui nous occupe.

M. HARDY: Tout ce que vous suggérez, c'est qu'on ajoute, parmi la liste de l'article 73, opinions politiques?

M. CHARBONNEAU: Cela manifesterait le libéralisme de ce gouvernement.

M. CARPENTIER: Une autre question sur le rapport que vous avez présenté, au sujet de la date du 30 juin que vous suggérez dans l'intérêt des élèves, des parents et des enseignants. Est-ce que vous croyez — c'est une remarque que j'ai faite tantôt lors de la présentation de l'autre mémoire — qu'il y a présentement un dérangement pour les étudiants lorsqu'ils doivent subir des déménagements entre la date actuelle et celle que vous suggérez?

M. CHARBONNEAU: C'est certain qu'un enfant qui doit s'adapter à un nouveau contexte scolaire, le ou vers le 1er mai, subit un handicap. Ce n'est pas toujours un handicap qui conduit à un échec, je veux bien le croire, mais c'est une situation néfaste au point de vue pédagogique et éducatif. Entre le 1er mai et le 30 juin, tout le monde sait par expérience ce qui se passe dans les écoles, dans les commissions scolaires. C'est la date des derniers contrôles, des examens, des révisions, enfin de la démonstration des connaissances acquises durant l'année. C'est le moment où un élève doit s'être intégré à son milieu scolaire, il doit avoir eu l'occasion à ce moment-là de surmonter certaines difficultés qui existent à chaque année scolaire. Sur le plan social, il doit être tout à fait au point, de même que sur le plan des connaissances du milieu, des règlements. Il doit avoir à l'esprit le genre de contrôle des connaissances qu'il y a eu dans les mois précédents pour savoir où il en est. L'enseignement varie un peu selon certaines habitudes, certains contextes locaux. C'est un des plus mauvais moments choisis. Pire que ça, il n'y a qu'une autre date, c'est le 1er juin.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Si on peut demander la collaboration de tout le monde, une question très courte, s'il vous plait.

M. HARDY: C'est assez important, M. le Président. Je veux bien croire que le temps presse mais je pense que c'est assez important pour permettre à tous les députés de poser toutes les questions qu'ils ont à poser, étant donné surtout la représentativité du témoin.

M. LE PRESIDENT: Cela ne m'empêche pas de demander de la collaboration, pour éviter la grande dissertation politique que quelques-uns ont tendance à faire.

Le député de Laviolette.

M. HARDY: Les notaires ne parlent pas, ils écrivent.

M. CARPENTIER: M. le Président, ce n'est pas mon intention de faire une dissertation politique, loin de là. Je voudrais tout simplement revenir à la page 5 du mémoire, à l'article 4: Résiliation du bail par un locataire qui obtient un logement à prix modique. L'article se lit comme suit: L'article 39 qui permet à un locataire de résilier son bail lorsqu'il obtient la permission de louer un logement à prix modique nous apparaît absolument nécessaire pour permettre l'accès précisément des familles peu fortunées à ces logements.

Ne croyez-vous pas qu'il n'y aura pas seulement les familles peu fortunées qui vont se prévaloir de cet article de la loi et que, du même coup, on ne brimera pas les droits de l'entreprise privée?

Par exemple, vous avez quelqu'un, soit à Québec, à Montréal, Sherbrooke ou Trois-Rivières, peu importe la ville, où il y a surtout des centres universitaires, qui possède un bail, il doit le respecter. Et tout simplement parce qu'il peut habiter un loyer à prix modique, qui est souvent l'oeuvre d'initiatives locales ou d'entreprises privées qui ont reçu des subventions fédérales ou provinciales, il peut s'en aller à n'importe quel moment, sans avis préalable, parce qu'il s'en va dans un logement à prix modique.

Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a un danger pour l'entreprise privée? C'est une remarque qui m'a été faite par de nombreux propriétaires de maisons d'appartements, et je

pense que leur revendication est valable jusqu'à un certain point. Que suggérez-vous à cet effet? Je pose la question à M. Charbonneau.

M. CHARBONNEAU: II faudrait regarder les conditions requises de la part d'une personne pour se prévaloir de ces logements à prix modiques. Je ne crois pas que le problème se pose exactement comme vous l'avez formulé, sauf erreur de ma part. Vous semblez émettre l'opinion que n'importe qui peut se prévaloir de ces logements à prix modiques.

D'après ce que j'en sais, sans tout savoir, il me semble qu'il faut avoir certaines qualifications pour avoir droit à ces logements. Le problème est beaucoup plus limité que posé par vous. Quant à voir à protéger les intérêts des entreprises privées, des constructeurs, je crois que si le législateur a décidé de remplacer l'ancienne loi par cette nouvelle, elle doit vraiment permettre que les programmes d'habitations à loyers modiques soient utilisés, que les gens qui doivent s'en prévaloir puissent le faire sans être empêtrés dans des délais ou des complications juridiques. Que ce soit facile pour eux puisque, d'une main, l'Etat investit ou consent des prêts ou quelque forme d'aide pour qu'il y ait ces facilités ou ces avantages pour tel type de citoyens, mais de l'autre main, il ne peut pas poser des contraintes à ces gens-là pour les empêcher de s'en servir. C'est une même caisse qui est là-dessous.

Il me semble qu'il devrait y avoir une convergence dans la loi plutôt qu'une contradiction ou l'empêchement de l'une par l'autre. Les citoyens doivent avoir le droit de se servir de ces mesures-là puisque, finalement, ils financent directement ce genre de logements à loyers modiques.

M. CARPENTIER: Je suis parfaitement d'accord, mais est-ce que vous n'entrevoyez pas un certain danger envers certaines catégories de personnes? Vous mentionnez précisément: permettre l'accès des familles peu fortunées à ces logements. Ne croyez-vous pas que ça s'est déjà produit? Que d'autres groupes de personnes se prévalent des mêmes avantages?

M. CHARBONNEAU: Sur cette question, je n'ai pas de réponse précise à faire parce que je ne peux pas savoir à quoi exactement vous vous référez. Vous voulez sans doute dire qu'il y a eu des abus, des gens qui se sont prévalus de ce type de logements sans qu'ils soient les gens les mieux qualifiés pour s'en prévaloir? C'est ça que vous voulez dire? Est-ce que ce sont là des dérogations à la loi ou si ce sont des moyens détournés tout en satisfaisant la lettre de la loi, de s'en prévaloir?

M. CARPENTIER: Dans certains cas, c'est dans cette optique que les gens portent plainte.

M. CHARBONNEAU: II y a sans doute une réglementation qui peut voir à resserrer la vis, s'il le faut.

M. CHOQUETTE: Le problème du code des loyers.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: J'aimerais revenir sur un des paragraphes de votre mémoire, à la page 4, sur la date de prolongation des baux. Vous ajoutez, au second paragraphe de l'article 3: Cependant, la concentration des déménagements favorisant l'augmentation des prix, nous suggérons que le gouvernement étudie la possibilité de permettre aux locataires et aux propriétaires de convenir d'une autre date entre le 30 juin et le 1er septembre. Et vous avez ajouté: Par les agences de déménagement. Que je sache, le prix des loyers dépend aussi de l'offre et de la demande, de la disponibilité dans l'économie où nous vivons, et plus il y a de logements disponibles, plus il y a de chances d'avoir une plus faible augmentation de loyer.

J'aimerais vous poser une question bien typique; il est malheureux que le député de Maisonneuve ait dû s'absenter quelques minutes, mais j'ai vécu dans le comté de Maisonneuve pendant de nombreuses années.

On sait là-bas que les gens aiment à déménager dans le quartier. Supposons que le 30 juin, il y a 1,000 logements disponibles dans le quartier Maisonneuve et que le 15 juillet, plusieurs baux se termineraient. Alors on aurait plus que dix logements disponibles pour quelqu'un qui veut déménager. On voit que deux choses interviennent. Je veux avoir votre opinion là-dessus; le choix est diminué pour la personne qui veut se loger convenablement et le fait que l'offre n'est plus que de dix logements au lieu de mille, je crois qu'il y a une tendance à augmenter le coût des loyers.

Tout à l'heure, dans votre mémoire, vous n'avez pas spécifié si cela peut s'appliquer à toutes les agences de déménagement. Je voudrais savoir si vous avez visé le contexte économique.

M. CHARBONNEAU: Je crois avoir mentionné que nous nous opposions à ce qu'il y ait une fixation du taux de base, soit la fixation du taux d'augmentation, à ce que tout cela soit variable selon la disponibilité des logements. Nous croyons que c'est un facteur qui devrait être vraiment encadré par l'action du législateur. S'il y a des poussées de construction dans telle ou telle région du Québec, il est de notoriété publique que le gouvernement n'est pas toujours très loin de cela. Il y a des manières d'inciter la construction, soit au niveau des municipalités ou au niveau du gouvernement. On ne devrait pas, s'il y a pénurie de logements dans une région, pénaliser en plus le locataire consommateur, quoique cela est un

effet déplorable de ce que vous appelez la Loi du marché. Quant à nous, nous croyons que cela devrait être encadré et c'est pourquoi nous avons l'autre demande de 3 p.c. comme norme au lieu de 5 p.c. Alors, en mettant le cran d'arrêt à ce niveau, c'est plus près de la réalité que de la moyenne des augmentations et, à partir de là, il doit y avoir discussion, mais ne pas permettre l'ouverture à 5 p.c.

Enfin, je vous ferai remarquer que nous n'avons pas été particulièrement précis dans ce deuxième paragraphe. Nous suggérons que le gouvernement étudie la possibilité de permettre aux locataires et propriétaires de convenir d'une autre date entre le 30 juin et le 1er septembre. Cela ne veut pas dire qu'on ait une opinion très précise, à savoir laquelle de ces dates est la meilleure. Nous pensons qu'il y a quelque chose à faire, il y a une idée à décortiquer et un profit à en tirer plutôt que d'avoir le 30 juin comme date fixe.

M. PERREAULT: La question que je veux vous poser est celle-ci. Si en étalant sur une longue période les différents baux, vous avez moins de logements disponibles à une date donnée, qui est le 30 juin, alors que tout le monde déménage, vous avez un très grand nombre de logis disponibles, il y a un choix pour le locataire qui veut déménager. Si le bail du locataire se termine, par exemple, le 15 juillet, dans le quartier Maisonneuve, il ne reste plus que dix logements disponibles ce jour-là, le locataire n'a pas grand choix à ce moment.

M. BURNS: II n'y a pas de locataire qui en cherche à ce moment. Cela s'équivaut.

M. PERREAULT: Cela ne s'équivaut pas.

M. BURNS : Actuellement, vous avez un gros choix au mois de mai mais vous avez beaucoup de gens qui en cherchent. Cela se vaut.

M. PERREAULT: Cela ne se vaut pas. L'autre question...

M. CHOQUETTE: Sauf si...

M. HARDY: Cela se vaut, il y a moins d'offres et moins de demandes.

M. PERREAULT : Non, ce n'est pas en relation directe, au point de vue mathématique.

M. CHOQUETTE: II y a un autre aspect qu'il faudrait étudier en temps et lieu quant à cette date de terminaison des baux, c'est la question de l'industrie de la construction par rapport à ce phénomène.

M. PERREAULT: Deuxième question que j'aimerais poser: Ne croyez-vous pas qu'on pourrait faire deux classes de logements? Les logements familiaux, les "bachelors" où les enfants ne sont pas affectés, avec tous les immeubles d'habitation où les gens n'ont qu'un enfant en bas de l'âge de l'école, ces logements pourraient s'étaler... Ne croyez-vous pas que ce serait une solution de faire deux classes de logements?

M. CHARBONNEAU: Ce serait déterminé par la grandeur du logement?

M. PERREAULT: Par la grandeur du logement.

M. CHARBONNEAU: Problème à étudier.

M. PERREAULT: Parce que dans un "bachelor" où une personne reste seule, soit un professeur, soit un employé de bureau, n'importe qui, l'occupant peut facilement déménager sans affecter qui que ce soit, il n'y a pas d'enfant, ou s'il y en a un, il est en bas âge.

M. CHARBONNEAU: Oui, mais c'est peut-être le moment de greffer cette intervention. Les étudiants au niveau du CEGEP et au niveau universitaire sont souvent appelés à payer sur une base de douze mois.

C'est l'un d'entre vous, tout à l'heure, qui soulignait ce problème. Je crois qu'il devrait y avoir plus de souplesse pour ces gens. Peut-être que la formule que vous suggérez pourrait les satisfaire en partie.

M. PERREAULT: J'ai vécu ce que vous avez dit, tout à l'heure, pour les enfants d'école. J'ai vécu ça. Nous avons fait de multiples déménagements. Je suis issu d'une famille de onze enfants et c'étaient onze enfants qui changeaient d'école. C'était tragique, ces changements dans notre vie.

M. BACON: II y en a qui ont mal tourné!

M. PERREAULT: Non, non! mais les parents, qui ont plusieurs enfants, n'ont pas d'auto pour aller conduire leurs enfants à une école plus loin. Il faut considérer ça.

M. BURNS: Que cela a été tragique!

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. HARDY: Juste une question. M. Char-bonneau, vous avez parlé, au début de vos remarques, du coût du logement. Vous avez dit qu'à cause de l'inflation le coût du logement, c'était une des choses les plus exorbitantes dans l'ensemble du coût de la vie. En contre-partie, dans vos études à ce sujet, est-ce que vous avez pu identifier quelles étaient les raisons de cet état de choses? Quelles sont les raisons pour lesquelles le logement coûte si cher, premièrement? Deuxièmement, est-ce qu'il vous a été donné, dans vos études, de voir quelle est la

rentabilité des capitaux investis dans l'industrie du logement? Est-ce que vous avez une idée de ce que les investissements rapportent dans le domaine de l'habitation?

M. CHARBONNEAU: Je n'ai pas d'opinion précise quant â la deuxième question.

M. HARDY: Le logement, vous ne savez pas ce que ça rapporte aux gens?

M. CHARBONNEAU: Je ne peux pas vous dire si c'est 8 p.c, 7 p.c. ou 12 p.c. Je ne le sais pas. Mais, quant à la première question: Pourquoi est-ce que ça coûte si cher? Ce qu'on entend dire souvent, c'est que le Canada est, comme on sait, un pays froid. Les habitations doivent être construites de telle et telle manière et cela coûte cher. C'est normal que ça coûte cher. Si on était dans le sud, cela coûterait moins cher.

Nous avons fait certains relevés du pourcentage des dépenses de consommation affectées au logement pour une vingtaine de pays. De tous ces pays, c'est au Canada que ça coûte le plus cher. C'est un relevé tiré de l'Observateur de l'OCDE. Cela date de 1966. Nous avons un relevé d'une vingtaine de pays. Au Canada, il s'agissait, en 1963, d'un pourcentage de dépenses de consommation de 16.4 pour l'habitation. Donc, il serait au premier rang.

Nous avons aussi les statistiques pour la Suède, par exemple, où on peut comparer le climat.

M. HARDY: C'est bien intéressant ce que vous dites, mais...

M. CHARBONNEAU: C'est pour éliminer au moins le facteur climatique.

M. HARDY: ... on le sait. On admet que ça coûte plus cher. Là, ce ne sont pas les raisons. Vous nous dites que ça coûte plus cher. Vous avez mentionné une raison, le climat, mais j'aimerais savoir s'il y en a d'autres, d'après vous, qui font que ça coûte si cher. La réalité, c'est un fait. Les statistiques, on peut les voir.

M. CHOQUETTE: La faible densité de la population par rapport au territoire me paraît un facteur très important. Tout le monde sait que le coût de l'infrastructure, c'est-à-dire des services municipaux, que ce soit les égouts, l'eau, l'électricité, se répercute sur le logement. Or, on sait que le Canada est un pays à faible densité de population. Par conséquent, le coût par unité de logement est plus élevé probablement qu'ailleurs.

Un troisième facteur, c'est probablement les goûts des Canadiens en matière de logement. Je pense qu'il faut tenir pour acquis que les Canadiens veulent être logés plutôt confortablement comparativement aux Européens et en particulier, peut-être, aux Français. Ils veulent avoir un standard du côté du logement qui se compare au standard américain. Alors, tout ça a des répercussions, je pense, sur le logement moyen des Canadiens.

Le député de Terrebonne mentionne le coût de la main-d'oeuvre. C'est sans doute un autre facteur très important.

M. BURNS: Comment expliquer cela alors que la main-d'oeuvre coûte plus cher aux Etats-Unis?

M. CHOQUETTE: Probablement que le coût de la main-d'oeuvre américaine est plus élevé dans la construction.

M. BURNS: Bien oui. Le taux de salaire est carrément plus élevé aux Etats-Unis.

M. HARDY: Une dernière question, M. Charbonneau, qui se greffe aux deux antérieures. Est-ce que vous considérez, quand même, que l'on doit envisager le problème de l'investissement dans le domaine de l'habitation? Quand on adopte une loi comme celle-là, est-ce une des facettes que l'on doit envisager ou est-ce que l'on doit totalement ignorer cet aspect?

M. CHARBONNEAU: Si on veut entreprendre une discussion sur tout le problème de l'habitation, je crois qu'il y a d'autres occasions que les séances sur le code des loyers pour ce faire. Même M. Choquette, tout à l'heure, a dit à quelques-uns de ses collègues que cela n'était pas tout le problème de l'habitation que nous discutions ici, mais que c'est un aspect, soit la protection des droits des locataires et des locateurs dans l'établissement d'un contrat de location entre eux. Si on veut entreprendre une discussion sur l'ensemble des politiques d'habitation, je crois que nous ferons tout notre possible, comme organisme syndical, pour contribuer positivement à cette discussion et en étudier auparavant tous les aspects avant de nous présenter devant vous.

M. HARDY: Si je comprends bien votre réponse, vous prétendez qu'une loi comme celle que nous étudions actuellement ne peut avoir aucun effet sur le problème que je vous ai soumis.

M. CHARBONNEAU: C'est une interprétation abusive de ce que je n'ai pas dit.

M. HARDY: Qu'est-ce que vous avez dit? Est-ce qu'une loi semblable, selon vous, influence oui ou non les investissements?

M. CHARBONNEAU: Selon moi, cela influence de façon minimale les investissements.

M. HARDY: C'est ce que je voulais savoir de vous.

M. CHARBONNEAU: C'est un aspect très parcellaire du problème global de l'habitation que nous avons sous les yeux ici.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous nous avez fait des remarques sur l'article 73 et vous nous suggérez d'y ajouter l'aspect discrimination en raison d'opinions politiques. D'autre part, je ne vous ai pas entendu nous suggérer d'ajouter de la... Parce je pense qu'il y en a, à moins que quelqu'un me dise que cela n'existe plus. Il y a une autre forme de discrimination qui existe actuellement et que ne semble pas viser l'article 73, c'est celle du nombre d'enfants dans une famille. Je ne sais pas comment on pourrait l'exprimer dans une loi. Il est prévu ailleurs?

M. CHOQUETTE: A l'article 74.

M. BURNS: Ah bon! Je m'excuse. Cela m'a échappé.

M. CHOQUETTE: Lisez l'article 74.

M. BURNS: D'accord. J'ai passé vite sur l'article 74.

M. CHOQUETTE: Parce que l'article 74 porte exclusivement sur la question des enfants.

M. BURNS: D'accord. Merci. J'ai comme sauté par-dessus.

M. CHARBONNEAU: Merci, messieurs. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons maintenant M. J.-H. Archambault, vice-président du Gaz Métropolitain Inc.

Gaz Métropolitain Inc.

M. LAMONTAGNE: Je ne suis pas M. Archambault. Je suis assisté aujourd'hui de M. Longval, le directeur du personnel du Gaz Métropolitain et de M. Di Fruscia, gérant des relations avec les abonnés. Je n'ai pas grand-chose à dire, sauf que j'appuie entièrement les remarques faites par l'Association des employés de Bell Canada. Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire, il a déjà été soumis. Ce que nous demandons de corriger dans le projet de loi, ce sont les articles 22 et 23, qui concernent la date d'expiration des baux. J'ai apporté à ce sujet certains documents que l'on pourrait peut-être distribuer.

Le problème, M. le Président, c'est qu'en vertu de notre convention collective et en vertu de conventions collectives antérieures et présumément en vertu de conventions collectives qui suivront, la période de vacances des employés de Gaz Métropolitain commence le 1er juin et se termine à la fête du Travail, et les employés ont le droit absolu de prendre leurs vacances durant cette période à la condition qu'ils donnent un avis préalable de la date à laquelle ils prendront leurs vacances. Alors, si on prend le "rush" du 1er mai et si on le transporte le 30 juin, c'est déjà assez compliqué le 1er mai, comme vous le verrez d'après les tableaux que je vous présente, et si donc on le transporte le 30 juin, on entre dans de très gros problèmes pour le public que le Gaz Métropolitain dessert. Cela nous prend actuellement environ un mois et demi pour nous remettre du gros déménagement du mois de mai dans la région métropolitaine. Si ce déménagement se faisait le 30 juin, à ce moment-là, nous serions obligés de travailler avec la moitié ou les deux-tiers des effectifs normaux de nos employés de services et de tous les employés qui doivent s'occuper des changements, des déménagements et, à ce moment-là, cela serait absolument impossible. C'est déjà très difficile, avec notre personnel au complet et avec tout le temps supplémentaire nécessaire, de donner le service au déménagement du 1er mai. Mais nous vous soumettons que si le déménagement se faisait le 30 juin, c'est-à-dire que si on prenait la date magique du 1er mai et qu'on en faisait une nouvelle date magique du 30 juin, il serait virtuellement impossible de donner un service aussi bon que celui que nous donnons actuellement et effectivement, un service auquel la population que nous desservons, comme service public, a le droit de s'attendre.

Je comprends, M. le ministre, que vous avez suggéré tout à l'heure qu'il y aurait probablement des changements dans les articles 22 et 23 mais que le problème était la première date de continuation.

Je vous suggère que, si effectivement une première date, juste pour une année, est fixée au 30 juin, ça présente deux inconvénients.

Premièrement, par la suite les baux vont être continués de douze mois en douze mois. Alors, ils risquent fort d'être continués de 30 juin en 30 juin. Deuxièmement, le seul fait pour le gouvernement, dans une loi, de suggérer une date, même seulement pour une fois, a un gros effet psychologique sur les gens qui ne sont pas trop sûrs quand ils vont faire terminer leur bail. Je pense à l'exemple classique du couple qui se marierait le 15 décembre et qui déménagerait à cette date dans un appartement. C'est peu probable que le propriétaire et le locataire conviennent d'une date de terminaison du bail au 15 décembre. La coutume c'est de mettre le 30 avril. Le bail va donc être pour un an et demi ou deux ans et demi.

Une loi comme celle-ci, lorsqu'elle va être adoptée, va avoir énormément d'impact sur le public en général. Je pense que le seul fait de suggérer une date risque de la rendre presque sacrée. Lorsque les gens vont se demander

quand ils vont faire terminer leur bail, la date du 30 juin va leur venir presque automatiquement à l'esprit.

Il y a un problème pour les services publics. Je suis persuadé que c'est la même chose pour l'Hydro-Québec; en tout cas, on a entendu ce matin l'Association canadienne des employés de téléphone chez Gaz Métropolitain, il y a la période des vacances, les droits acquis des employés. Ce n'est pas une question de les empêcher de prendre des vacances. Comme l'Association des employés de téléphone le suggérait ce matin, ils ont le droit absolu, en vertu de la convention collective, de prendre ces vacances à ce moment-là. Effectivement, la majorité des employés prennent leurs vacances au mois de juillet.

Cela commence au mois de juin tranquillement. La première semaine il n'y en a virtuellement pas; la quatrième semaine, il y en a une centaine — sur à peu près 1,000 employés. Mais à la deuxième semaine de juillet, on est déjà rendu autour de 275 employés en vacances et, dans la troisième semaine, ça dépasse les 330 ou 340. A ce moment-là, c'est absolument impossible pour nous de donner au public — on peut lui donner un certain service — le service auquel nous pensons qu'il a droit.

C'est à peu près les remarques que j'avais à faire. S'il y a des questions techniques ou autres, ça me fera plaisir d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: Les documents que vous deviez distribuer...

M. LAMONTAGNE (Pierre): Ils sont ici, si quelqu'un veut les distribuer.

Vous allez remarquer qu'il y a plusieurs documents auxquels je n'ai pas fait référence. Ils sont là simplement pour expliquer certaines habitudes de la compagnies. Le premier est une copie du mémoire; ensuite vous avez une copie de la convention collective — c'est à l'article 12 que je faisais référence, les deux premières lignes surtout. Les deux tableaux importants montrent le nombre total d'employés en vacances, pour l'année 1972-1973, et également les avis de déménagement reçus par Gaz Métropolitain en 1971. Vous allez voir que la croissance se retrouve entre mars et avril et, effectivement, c'est en avril que nous recevons la majorité de nos avis de déménagement

Cela reflète simplement la situation du fameux déménagement du 1er mai. Je suggère respectueusement qu'il n'y ait pas de date, que les baux soient continués pour une période de douze mois, peu importe quand ils finissent, en espérant que, soit par l'entremise de ce bill, soit autrement, les autorités gouvernementales puissent être capables de persuader les gens de ne plus avoir de date sacrée pour leur déménagement.

M. CHOQUETTE: Et le code civil qu'est-ce qu'on en fait?

M. LAMONTAGNE (Pierre): L'article 1642, si je me souviens bien, existe depuis 1866. Je pense qu'il n'y a pas eu d'amendement.

M. CHOQUETTE: Si nous maintenons l'article 1642, sans le modifier, est-ce qu'on ne perpétue pas la tradition existante? C'est le problème que j'ai.

M. LAMONTAGNE (Pierre): Oui mais si je comprends bien, M. le ministre, la Commission de révision du code civil et également une commission spéciale, dont je ne me souviens plus du nom, ou bien ont fait une étude, ou bien sont en train de faire une étude de ce problème. Mais je pense que cette disposition, qui avait sûrement sa raison d'être en 1866, ne l'a plus probablement aujourd'hui.

M. BURNS: La Commission de révision du code civil, d'ailleurs, suggère une période de douze mois de l'occupation effective. Il resterait une question de preuve, j'imagine, mais, sauf erreur, c'est ce qu'elle suggère dans son document.

M. CHOQUETTE: Mais que peut-elle faire avec le dernier alinéa de l'article 1642: "Si rien ne constate un montant de loyer pour un terme fixe, la durée du bail est réglée par l'usage du lieu"? Faudrait-il abolir l'usage?

M. LAMONTAGNE (Pierre): Je pense, M. le ministre, si vous me permettez, qu'aujourd'hui, on voit très peu de baux qui ne sont pas écrits, qui n'ont pas une date de commencement et une date de fin. Il y a eu évidemment une époque où ce n'était pas toujours comme cela mais je pense qu'aujourd'hui, dans l'immense majorité des cas, quand quelqu'un loue une maison, il y a un bail de signé.

Une autre chose, c'est que l'article 1642... Non, l'article 1642 s'applique uniquement aux maisons, si je me rappelle bien.

M. CHOQUETTE: Oui, aux baux des maisons.

M. LAMONTAGNE (Pierre): C'est une disposition spéciale pour les maisons.

M. LAMONTAGNE (Pierre): J'aurais dû apporter mon code civil.

M. CHOQUETTE: Alors, merci beaucoup, monsieur. Nous allons prendre votre suggestion en considération.

M. LAMONTAGNE (Pierre): Merci, M. le ministre.

Association du camionnage du Québec Inc.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons main-

tenant l'Association du camionnage du Québec et son représentant, M. Archambault.

M. BLOUIN: Je viens à la place de M. Archambault, je suis Roméo Blouin, secrétaire de l'Association du camionnage du Québec. J'ai à ma droite M. Fernand Couture, administrateur de l'Association du camionnage du Québec et président de la section des déménageurs de notre association. A ma gauche, M. Yves Côté, qui est membre actif de l'association et directeur du comité des déménageurs. Je demanderais à M. Couture de vous faire part des remarques de notre association sur le bill 59.

M. COUTURE: Merci, M. Blouin. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je me fais le porte-parole de notre association, en vertu d'un extrait du procès verbal d'une assemblée générale annuelle, qui s'intitule "Elimination des déménagements massifs le 1er mai."

L'Association du camionnage du Québec croit que les déménagements massifs empêchent les compagnies de services publics, téléphone, Hydro-Québec, nous-mêmes, déménageurs, de donner à leurs usagers le rendement habituel et obligent de 30,000 à 40,000 élèves, dans la région de Montréal seulement, à changer d'école un mois avant les examens.

Ailleurs au Canada, et dans la majorité des pays européens, même en Russie, dont présentement, on entend plutôt parler à cause du conditionnement physique, on voit les gens déménager d'une façon normale, douze mois par année, sans mouvement d'ensemble concentré dans une seule période.

Les effets principaux d'une date ou d'une période fixe pour la terminaison d'un bail, sont, pour les compagnies de déménagement: —L'impossibilité, pour toutes les compagnies, d'offrir le service que le client serait censé attendre d'elles, à cause du surcroît d'ouvrage dans une même période donnée. —L'obligation de faire des déménagements à des taux et demi, à des tarifs doubles, ceci étant très onéreux pour les locataires ou les propriétaires, à l'occasion. —L'impossibilité de donner un service spécialisé — nous nous vantons toujours d'être des déménageurs spécialisés — car le personnel requis pour les déménagements est tout simplement introuvable. Il est inconcevable de trouver du personnel compétent pour une période de trois mois et encore moins si c'est à une date fixe. —Le manque d'équipement pour servir une clientèle, fait qu'il est financièrement irréalisable d'acheter des véhicules spécialisés pour les faire travailler quelques mois et les laisser dans la cour pendant les autres mois de l'année.

Donc, investissement définitivement non rentable.

L'Association du camionnage de Québec Inc. recommande que l'article 1642 du code civil de la province soit amendé de façon que la présomption à l'effet que le bail prenne fin le 1er mai en l'absence de toute stipulation contraire ne soit plus retenue, que le même article soit amendé de façon que la durée du bail soit d'une année à compter de la possession légale du logement par le locataire.

Qu'une loi soit promulguée à l'effet d'empêcher les propriétaires d'exiger de leurs locataires ayant des enfants à l'école primaire que leur bail se termine durant l'année scolaire afin de permettre à ces locataires de déménager le 1er jour du mois de juillet, août ou septembre. Cette loi permettra l'échelonnement des déménagements sur ces trois mois et fournira aux parents, soucieux de l'instruction et de l'éducation de leurs enfants, une occasion de leur faciliter la tâche.

Ceci n'empêche pas tous ceux qui n'ont pas d'enfants aux études de déménager à toute autre date dans l'année. Que le gouvernement participe, comme il le fait, je crois, très bien actuellement, à une campagne d'éducation populaire, afin de sensibiliser la population à toutes les conséquences du déménagement massif le 1er mai.

Nous tenons à appuyer fortement le mémoire présenté par nos prédécesseurs à la table ici, soit l'Association canadiennne des employés du téléphone et de tous les autres corps publics. Nous tenons à les remercier du travail fait en ce sens qui va certainement contribuer à instituer une période idéale de terminaison de baux, pour toute la population, tant propriétaire que locataire.

Nous, déménageurs, serions très affectés par le changement du 1er mai au 30 juin, car ceci restreindrait encore plus l'efficacité de tous les services que nous pouvons donner aux personnes qui doivent déménager. Une petite suggestion à M. le ministre de la Justice, qui, selon le code civil, doit peut-être avoir une date fixe: pour forcer les locataires à déménager à l'année longue et en arriver à fixer une date de terminaison de baux, il suffirait peut-être de fixer une date impraticable et pour les locataires et pour les propriétaires. Nous voulons parler d'une date comme celle du 1er janvier. Cette date ne serait jamais acceptée étant donné la période des fêtes, mais cette date serait le point tournant et les locataires choisiraient eux-mêmes une date de terminaison de leurs baux.

Merci.

M. CHOQUETTE: J'ai pensé à votre idée.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y en a qui ont des questions spéciales dans le même esprit que les mémoires précédents?

M. PAUL: Dans le même esprit que les autres.

M. LE PRESIDENT: Je remercie beaucoup

les représentants de l'association. Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association des propriétaires de Québec. Est-ce que vous voulez vous nommer, pour le bénéfice du journal des Débats.

Association des propriétaires

M. TREMBLAY (Marcel): Marcel Tremblay, président de l'Association des propriétaires, et le secrétaire-trésorier à ma droite, et M. Va-chon, vice-président.

Me Gérald Coote n'a pu venir ce matin, de toute façon je ferai moi-même la présentation du mémoire.

Voici, vous avez le mémoire et tout en étant un résumé, on essaie de faire ressortir un peu les principaux articles auxquels nous nous objectons, particulièrement l'article 39: "Tout locataire ayant obtenu la permission de louer un local d'habitation dans un domaine d'habitation à loyer modique administré par une corporation constituée, conformément à l'article 55 de la Loi de la Société d'habitation du Québec." Or, sur cela je voudrais apporter la précision suivante: la Société d'habitation du Québec a été formée pour évacuer les zones grises et dans le but de la rénovation.

Or, nous voudrions qu'elle garde, à mon sens, cette fonction-là, non pas devenir concurrente dans l'entreprise privée. Alors, nous proposons que vous ajoutiez, à l'article 39 : "Pour les logements dans les zones de rénovation et les logements déclarés taudis."

Autrement dit, toute personne voulant entrer dans un HLM pourrait, dans les soixante jours, si elle habite dans une zone de rénovation, parce qu'après tout on ne doit pas sortir les gens d'un logement adéquat dans le milieu privé pour l'entrer dans un HLM... Le but de la Société d'habitation du Québec, ce n'est pas d'entrer en concurrence avec l'entreprise privée, ce n'est pas de la socialisation de l'habitation, je ne le crois pas, nous sommes en pays démocratique. Alors, ce serait donc, à mon sens, très judicieux d'introduire cet article-là pour ceux qui demeurent dans les zones de rénovation.

Vous avez le rapport Martin, par exemple, ici à Québec, qui précise d'une façon très claire les zones d'habitation inadéquate. Il y a aussi des règlements annexés à cela selon lesquels on peut déclarer un logement taudis. Alors, pour les personnes demeurant justement dans une habitation qui est déclarée taudis et dans une zone de rénovation... Alors, nous n'avons pas objection à cet article, à condition qu'on y ajoute ça; sans cela, réellement, nous croyons que l'article 39 devient préjudiciable pour toute l'industrie de la construction. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques d'administrateurs de compagnie d'assurances et je dois vous dire l'inquiétude de ces gens-là qui administrent tout de même des fonds publics aussi. Et je pense que si l'article 39 était adopté comme tel, il serait très dangereux éventuellement pour les placements de capitaux de l'industrie privée, c'est-à-dire de compagnies d'assurances qui prêtent actuellement chez nous.

Quant aux articles 73 et 74, à 73 précisément on parle de la situation sociale de ce locataire éventuel. Or, il est très facile de mêler tout de suite les questions. Situation sociale, autrement dit, si vous avez un type du bien-être social, si vous avez un type qui est insolvable, c'est une situation sociale. A ce moment-là, ce même individu sachant qu'il ne peut payer son logement peut se servir de cet article-là pour se présenter au commissaire des loyers et nous obliger, enfin, à payer une amende de $1,000.

M. HARDY: Vous ne pensez pas que vous assimilez situation sociale avec insolvabilité ou solvabilité?

M. TREMBLAY (Marcel): Bien, de toute façon, il y a les abus des enquêteurs sociaux.

M. HARDY: Ce serait plutôt la situation financière. A un moment donné, moi, je peux refuser de louer à quelqu'un à cause de sa situation financière et je ne pense pas que ce soit prévu par l'article 73.

M. TREMBLAY (Marcel): II y a les abus des enquêteurs sociaux, des travailleurs sociaux, dans les bureaux du bien-être social. Quant à moi, j'en suis victime pour quatre locataires. Ces gens-là se sont introduits dans mes logements sous le conseil du service social et ils ont été pendant un mois, deux mois, trois mois sans payer. Et ils se réfugient maintenant dans les HLM. Alors, voyez-vous le jeu qui se fait actuellement? Et le même gars du service social m'a dit: Si les articles 73 et 74 peuvent être adoptés, tu ne chiâleras pas longtemps! Alors, de toute façon, je pense qu'il y a des abus dans toute la politique sociale actuellement et nous ne sommes pas en pays socialiste. Il arrive que certains fonctionnaires ont décidé d'introduire le socialisme d'Etat ici.

M.HARDY: M. Tremblay, je pense que l'interprétation de votre locataire, assisté social, n'est pas très juridique. Vous ne devriez pas vous fier à lui, vous auriez été mieux de consulter... Situation sociale et situation financière, ce n'est pas la même chose.

M. CHOQUETTE: Me permettez-vous? Il peut y avoir une ambiguïté sur le contenu exactement de "situation sociale". Enfin, c'est peut-être une suggestion qui mériterait d'être étudiée, remplacer "situation sociale" par "occupation". Parce que le propriétaire a quand même le droit de considérer la solvabilité du locataire éventuel.

M. HARDY: Oui, c'est sûr.

M. CHOQUETTE: Le propriétaire n'est pas

une oeuvre sociale, il faut qu'il puisse espérer normalement recevoir son loyer tous les mois. Alors, je lance ce mot dans la discussion pour être...

M. TREMBLAY: Ce serait bon d'inclure sous les conseils du député de gauche, l'élément...

M. CHOQUETTE: Je suis à gauche par rapport à vous.

M. TREMBLAY: Ce serait aussi bon d'y inclure l'élément de solvabilité.

M. CHOQUETTE: Mais non, on n'est pas obligé de l'inclure. Le propriétaire va y penser, d'abord, qu'on n'exclut pas l'élément de solvabilité; le propriétaire va prendre ça en considération.

M. HARDY: Tout ce qui n'est pas défendu est permis.

M. TREMBLAY C'est parce que...

M. CHOQUETTE: Attention, n'oubliez pas une chose. Ces articles-là contre la discrimination, il ne faut pas tellement avoir peur de ça, monsieur. Parce que, avant qu'on réussisse à prouver qu'un propriétaire a pratiqué la discrimination, ça prend une preuve assez lourde. Il y a toutes sortes d'échappatoires possibles à l'égard de causes comme ça. E ne faudrait pas craindre.

M. TREMBLAY: Le juge devient le commissaire des loyers et on est presque présumé coupable à ce moment-là. On va se défendre.

M. CHOQUETTE: Mais il n'y a pas seulement des présomptions à l'article?

M. TRREMBLAY :Oui mais, "commet une infraction et est passible d'au plus $1,000". Mais qui est le juge de ça? C'est le commissaire.

M. CHOQUETTE: C'est un juge. Ce n'est pas le juge des loyers, c'est le juge de la cour des sessions de la paix ou de la cour Provinciale.

M. TREMBLAY: C'est ça, c'est un juge...

M. CHOQUETTE: ... qui n'a rien à voir aux loyers.

M. BURNS: Un autre phénomène. Je reviens là-dessus comme je le mentionnais tantôt, si c'est le procureur général qui autorise une personne à intenter la poursuite, ce n'est pas n'importe qui qui s'en vient sur la rue et qui porte une plainte. Evidemment, il y a une dénonciation à l'origine, mais le procureur général en vertu de l'article 77, doit autoriser une personne à intenter des poursuites.

M. TREMBLAY: A l'article 74 qui découle de l'article 73, où un type, par exemple, un Noir ou un Chinois, peut se servir de la question raciale pour dire: On ne veut pas nous accepter. J'ai le cas d'une religieuse de Hong Kong qui est arrivée avec sept enfants chez moi. Je lui ai dit: Je ne peux pas accepter sept enfants dans un logement de trois pièces.

Elle dit: Ecoutez docteur, chez nous, à Hong Kong, on peut même demeurer 40 personnes dans 20 pieds carrés. Ne vous en faites pas. De toute façon, je pense que c'est important de faire ressortir que le propriétaire ne soit pas non plus comme...

M. CHOQUETTE: M. Tremblay, vous avez dans la loi les mots: "compte tenu des conditions du logement", et cela s'interprète suivant les usages et les coutumes québécoises, pas suivant les usages et coutumes asiatiques.

M. TREMBLAY: C'est justement, les conditions du logement ne sont pas définies.

M. CHOQUETTE: Oui, mais c'est une question de jugement. Le bénéfice du doute va à l'accusé dans ce domaine-là. Par conséquent, s'il y avait un doute à l'égard d'une cause de discrimination pour ne pas avoir loué parce qu'il y avait des enfants, c'est quand même l'inculpé qui a le bénéfice du doute parce que le fardeau de la preuve appartient à la poursuite.

M. TREMBLAY: Mais ici, on voit que toutes les amendes sont données aux propriétaires. Il n'y a pas d'amende pour les locataires, nulle part.

M. BURNS: Pourquoi y en aurait-il? Est-ce qu'il y a des articles où vous trouvez qu'il devrait y en avoir?

M. TREMBLAY: Certainement, monsieur. Lorsqu'on locataire défait tout un logement, lorsqu'un locataire...

M. BURNS: Faites votre suggestion et on va l'écouter.

M. TREMBLAY: ... on est obligé d'aller devant les tribunaux ordinaires, on ne peut s'adresser au commissaire des loyers, on ne peut pas avoir cet organisme qui permet ce qu'on appelle la conciliation entre locataire et propriétaire.

M. BURNS: Faites vos suggestions aux endroits où vous trouvez qu'il devrait y avoir des amendes contre les locataires, et on va les écouter.

M. TREMBLAY: De toute façon, je pense qu'il devrait y avoir un article qui parlerait justement du locataire qui brise le logement et qui crée des problèmes vis-à-vis des autres

locataires, non pas simplement de le faire quitter la place parce que, actuellement, c'est le phénomène de l'irresponsabilité. Le gars n'a rien.

M. BURNS: Mais vous avez...

M. TREMBLAY: II sait qu'il ne sera pas saisi par personne, il n'a absolument rien à perdre. Le type insolvable brise tout, il s'en va, il n'y a aucune punition contre lui. Je pense que, de cette façon-là...

M. CHOQUETTE: D'abord, vous avez une action en dommages, premièrement.

M. TREMBLAY: Oui mais...

M. CHOQUETTE: Deuxièmement, il y a l'article 36. Vous l'avez lu l'article 36? Il donne toutes sortes de droits aux propriétaires contre les locataires qui se comportent mal dans les...

M. TREMBLAY: Oui, il peut le sortir si vous voulez. On peut l'évincer, on peut recourir aux tribunaux ordinaires.

M. CHOQUETTE: Mais vous n'évoquez pas le droit pénal pour mieux soutenir les propriétaires dans leurs droits à l'égard des locataires, j'espère. Ce serait contraire à toute l'évolution du droit depuis le Moyen-Age, à peu près.

M. TREMBLAY: Non, mais de toute façon, je pense que le droit de propriété est un droit, à mon sens, naturel qui existe depuis que le monde est monde. Je crois que les propriétaires, actuellement, sont devant l'alternative suivante: vis-à-vis le nombre d'insolvables qui brisent les logements et qui créent des problèmes, le commissaire n'intervient pas et ne fait que les évincer. Bon, allez-vous en, on vous permet de vous en aller.

M. CHOQUETTE: Mais que voulez-vous qu'il fasse?

M. TREMBLAY: Actuellement...

M. CHOQUETTE: Qu'il leur donne une amende en plus?

M. TREMBLAY: II règne ce qu'on appelle un principe d'irresponsabilité chez certains locataires.

Vous n'avez pas bien lu l'article 36 parce que vous en avez beaucoup de recours. Je vais vous dire, au départ, que je suis très sympathique au propriétaire; je ne m'en cache pas. Selon l'article 36 si vous avez des locataires qui vous causent des tracasseries — c'est pas mal général — vous pouvez vous adresser au commissaire pour obtenir la résiliation du bail.

M. CHOQUETTE: Article 36 g), monsieur: "Que le locataire ou des personnes dont il est responsable détériorent les lieux loués".

M. TREMBLAY (Marcel): La seule peine que le commissaire a le droit de lui imposer, c'est de quitter la place.

M. PAUL: Le point soulevé par le Dr Tremblay, c'est dans le cas de mauvaise occupation.

M. TREMBLAY (Marcel): C'est ça.

M. PAUL: Ou de jouissance abusive des lieux loués.

M. TREMBLAY (Marcel): C'est ça.

M. PAUL: D'un autre côté, docteur, en vertu des amendements que nous avons apportés à une loi que nous avons adoptée, la loi 70, il est facile et rapide aujourd'hui de s'adresser à la cour Provinciale pour obtenir immédiatement des procédures contre un locataire qui aurait causé des dommages, pour autant que ces dommages sont inférieurs à $300. Vous obtenez rapidement un jugement, sans avoir à passer par tout le mécanisme déjà connu, soit le recours à un avocat, l'action, la signification et tout ce que vous voudrez.

M. TREMBLAY (Marcel): De toute façon, il y a peut-être d'autres points, mais nous sommes d'accord sur les 5 p.c. d'augmentation. Nous sommes aussi d'accord sur la date du 30 juin.

M. BURNS: Nous nous attendions bien que vous soyez d'accord.

M. TREMBLAY (Marcel): Maintenant, bien entendu, les petits propriétaires en général sont inquiets et c'est normal. Actuellement, les HLM ont vidé pratiquement tout l'entourage. J'ai, par exemple, une veuve qui, actuellement, a cinq logements à louer, elle a, tout de même, une famille de quatre ou cinq enfants et sa maison sera saisie bientôt. Je pense que c'est très important qu'on apporte la modification à l'article 39. Réellement, le HLM devient tout simplement la concurrence normale à l'entreprise privée. Je pense qu'il y a tout de même 70 p.c. des capitaux privés qui viennent ici dans le domaine de l'habitation. La Société centrale d'hypothèques et la Société d'habitation du Québec n'ont pas les moyens d'introduire 70 p.c. des capitaux. Il faut tout de même, à mon sens, en tenir compte. A l'article 39, je tiendrais beaucoup, justement, à cette modification.

M. HARDY: Si on disait 90 jours au lieu de 60 jours?

M. TREMBLAY (Marcel): Le principe reste le même. La Société d'habitation a été créée pour les zones grises-, elle a été créée pour

évacuer les zones de rénovation et pour faciliter justement la rénovation. Nous sommes d'accord sur ça, mais reste le principe de la concurrence.

M. HARDY: Vous voulez que même une personne qui est éligible à être locataire dans une habitation à loyer modique termine son bail?

M. TREMBLAY (Marcel): Oui, c'est sûr. Si elle est dans un logement adéquat, je pense qu'il est normal qu'elle respecte ça.

M. HARDY: Si, à un moment donné, cette personne paie chez vous un loyer X et que ses revenus ne lui permettent pas de payer ce loyer, vous voulez que ce soit l'aide sociale qui paie pour elle?

M.TREMBLAY (Marcel): Le citoyen canadien paie $280 par logement HLM, si on rapporte les échéances de 40 ans à 25 ou 20 ans comme dans l'entreprise privée. Je pense que ça peut répondre un peu à votre question.

M. HARDY: C'est un autre problème sur lequel je suis partiellement d'accord avec vous. C'est une grande fumisterie de prétendre que les logis construits par des offices d'habitation coûtent moins cher que ceux construits par l'entreprise privée; je suis d'accord avec vous.

M. BURNS: M. Tremblay, ne trouvez-vous pas que votre problème va être sensiblement diminué si vous n'avez pas de périodes concentrées de déménagement? Si les dates d'expiration des baux se répartissaient tout au long de l'année, ne trouvez-vous pas que votre problème en serait d'autant diminué?

M. TREMBLAY (Marcel): Non, je ne suis pas d'accord.

M. BURNS: Vos dates d'expiration pourraient se répartir sur toute une année et vous auriez des gens qui chercheraient des loyers tout au cours d'une année.

M. TREMBLAY (Marcel): Je ne suis pas d'accord, parce que, réellement, le petit propriétaire, surtout avec le bill 32 qui dit qu'il devra engager quelqu'un, un courtier, pour faire la location des logements, n'a pas les moyens de faire ça; seulement les gros ensembles pourront le faire, pas le petit. Lorsque vous avez une période de location précise, tous les gens s'y mettent pour faire la location. Le petit propriétaire n'a pas les moyens d'engager des gens à longueur d'année ou des courtiers, comme l'indique le bill 32.

M. BURNS: La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est qu'actuellement vous dites, dans votre mémoire, qu'il y a des périodes au cours de l'année — je pense que vous mentionnez octobre...

M. TREMBLAY (Marcel): Du 15 novembre jusqu'au 30 avril.

M. BURNS: Bon, du 15 novembre au 30 avril de l'année suivante. Vous dites que c'est particulièrement...

M. TREMBLAY (Marcel): Vous prenez un logement...

M. BURNS: ... difficile de louer à ce moment-là.

M. TREMBLAY (Marcel): ... non meublé; vous n'avez pratiquement pas de demandes de ce temps-là.

M. BURNS: C'est ce que vous nous dites et je vous crois. Là, il n'y a pas de problèmes. C'est de par la situation actuelle de la date d'expiration des loyers quasi automatique au 1er mai. Si, au contraire, les gens prennent l'habitude de déménager tout au long de l'année, ne croyez-vous pas que votre affirmation ne pourrait être soutenue? C'est-à-dire qu'entre le 15 novembre et le 31 avril cela ne sera pas aussi difficile que cela de louer. C'est justement à cause de la date de l'expiration que c'est difficile.

M. TREMBLAY (Marcel): Je tiens à la date d'expiration. Lorsqu'un type s'intéresse à l'investissement dans une propriété...

M. BURNS: J'essaie de vous démontrer que c'est autant dans votre intérêt que dans celui de toute la population que cela soit réparti.

M. TREMBLAY (Marcel): Je ne suis pas prêt à consacrer toute mon année, abandonner ma profession pour me mettre simplement à faire de la location de logements. On demandait tout à l'heure des congés pour des gars de Bell Canada, etc. mais je pense que le propriétaire a droit de temps à autre à des congés. Il y a tout de même une situation épouvantable pour le propriétaire.

M. BURNS: A moins d'être propriétaire de nombreux logements, je ne pense pas que vous passerez votre année à essayer de louer.

M. TREMBLAY (Marcel): Vous seriez surpris du nombre de démarches qu'on fait.

M. BURNS: Si vous avez beaucoup de logements à louer, vous êtes typiquement de ceux que vous mentionniez tantôt, qui peuvent se payer des agents d'affaires pour ça.

M. TREMBLAY (Marcel): Non, pas dans mon cas.

M. BURNS: Je ne vous parle pas de votre cas, un propriétaire qui a plusieurs logements est évidemment plus apte à le faire. C'est du moins votre affirmation de tantôt.

M. TREMBLAY (Marcel): De toute façon, nous tenons à ce que soit le 30 juin, tel que stipulé dans votre projet. Est-ce que le secrétaire pourrait poser une question?

M. BEDARD: Dans la loi actuelle de la Régie des loyers, l'article 25 favorise les propriétaires quand les locataires sont en retard dans le paiement de leur loyer. Le propriétaire peut l'évincer sans passer par la régie. Pourquoi a-t-on enlevé cet article?

Il peut les envoyer à n'importe quelle période de l'année, en janvier, mars, octobre.

M. BURNS: S'il y a quelque chose, c'est dans l'intérêt des propriétaires, l'article 36 actuellement. Vous n'avez pas besoin de passer par les tribunaux réguliers pour obtenir une résiliation.

M. CHOQUETTE: A l'article 36 a), on dit: Que le locataire est en retard de plus de quatre semaines dans le paiement de son loyer et que ledit loyer n'a pas été payé avant l'audition tenue devant le commissaire. Par conséquent, au lieu de trois semaines, c'est quatre semaines.

M. BEDARD: II faut qu'il passe par le commissaire tandis qu'à l'article 25 il n'a pas besoin de tribunaux.

M. BURNS: C'est bien mieux pour vous comme ça.

M. BEDARD: Vous pensez?

M. BURNS: Vous n'avez pas besoin de passer devant les tribunaux. C'est un tribunal administratif, qui est le commissaire, qui peut prendre la décision. Cela vous épargne des frais. Vous n'avez même pas besoin d'avoir un avocat.

M. BEDARD: Le commissaire peut retarder...

M. HARDY: Les avocats peuvent se plaindre de cet article, pas vous.

M. CHOQUETTE: Monsieur, vous avez aussi l'article 42: "Rien, dans la présente loi, n'empêche...

M. BEDARD: Je le connais.

M. CHOQUETTE: Cela vous donne des recours à la fois au civil et devant la commission.

M. BEDARD : Je trouve que le délai est trop long. Dans la loi de la régie, c'est trois semaines; maintenant, c'est quatre semaines en retard. Les gens qui investissent dans la propriété et qui ont des locataires qui paient après quatre semaines trouvent le délai trop long.

Parce que le bail spécifie bien que le paiement doit se faire le premier jour du mois. Le code civil dit la même chose. On étend la période pour payer sur plus de quatre semaines. On ne peut pas évincer le locataire avant les délais fixés par les articles 36 et 42. H n'y aurait pas lieu de raccourcir ces délais?

M. CHOQUETTE: On va y penser, monsieur, sérieusement.

M. TREMBLAY (Marcel): Le bill des droits de l'homme traite aussi de l'article 73.

UNE VOIX: Cela contredit le bill des droits de l'homme.

M. TREMBLAY (Marcel): Non, cela infirme le bill des droits de l'homme.

M. BURNS: On a pas de bill des droits de l'homme au Québec, monsieur. C'est d'ailleurs une des critiques qu'on fait constamment au ministre de la Justice.

M. TREMBLAY (Marcel): Vous avez un bill des droits de l'homme au Canada.

M. BURNS: II ne s'applique pas aux lois provinciales.

M. PAUL: Pour le député de Maisonneuve, c'est un pays étranger !

M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve serait mieux de s'occuper de ce qui se passe ici.

M. BURNS: Ce n'est pas moi qui le dis; c'est la cour Suprême qui dit que cela ne s'applique pas aux lois provinciales, qu'est-ce que vous voulez?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez d'autres questions à poser?

M. BEDARD: J'aurais une autre question générale qui est la suivante: Le ministre de la Justice, au début de ses remarques, a dit que la loi datant de 1941 a été abandonnée par le fédéral parce que la cour Suprême l'avait jugée inconstitutionnelle. Est-ce que la présente loi ne serait pas inconstitutionnelle?

M. CHOQUETTE: C'est la loi...

M. BEDARD: Je ne suis pas avocat, moi!

M. CHOQUETTE: ...fédérale qui avait été déclarée inconstitutionnelle. C'est donc qu'on était dans un domaine de compétence provinciale. C'est la raison pour laquelle la loi provin-

ciale de conciliation entre locataires et propriétaires, depuis 1951, a été valable et que celle-ci vient, en somme, en faire une loi permanente.

M. HARDY: C'est une hypothèse. Elle sera peut-être inconstitutionnelle. Mais attendez qu'on l'adopte avant de demander son inconsti-tutionnalité.

M. TREMBLAY (Marcel): Peut-être que c'est hors d'ordre parce que ce n'est pas le même bill, c'est le bill 32, mais il nous touche également. Les petits propriétaires n'ont pas les moyens d'engager un courtier pour louer leurs logements. Si vous pouviez nous apporter quelque aide sur ça, parce qu'on n'a pas été averti de ça, malgré toute l'implication du bill 32.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est la loi...

M. TREMBLAY (Marcel): Des valeurs mobilières.

M. CHOQUETTE: ...des biens immobiliers?

M. TREMBLAY (Marcel): Oui. Parce que les petits propriétaires n'ont pas les moyens d'engager justement des courtiers pour faire la location.

M. HARDY: Elle n'est pas adoptée; elle est simplement devant la commission. Vous pouvez vous présenter devant la commission parlementaire.

M. BURNS: La commission des institutions financières.

M. TREMBLAY (Marcel): Oui. Il doit être tard un peu, n'est-ce pas?

M. HARDY: Communiquez avec eux.

M. CHOQUETTE: Ecrivez à M. Tetley, le ministre des Institutions financières.

M. PAUL: II va vous répondre.

M. LE PRESIDENT: On vous remercie beaucoup. La commission ajourne ses travaux au...

M. CHOQUETTE: Au 17 octobre, si vous le voulez, à dix heures du matin.

M. LE PRESIDENT: ...17 octobre, à dix heures du matin.

(Fin de la séance à 13 h 43)

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