L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la justice

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la justice

Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 17 octobre 1972 - Vol. 12 N° 100

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 59 — Code des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 59 - Code des loyers

Séance du mardi 17 octobre 1972

(Dix heures quinze minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

Ce matin, c'est la deuxième séance d'audition concernant le projet de loi 59 du code des loyers. Je vais immédiatement énumérer les organismes qui seront entendus aujourd'hui. En premier lieu, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec et autres associations, la Corporation des courtiers en immeubles du Québec et autres associations, la Chambre de commerce de la province de Québec, la Chambre de commerce et d'industries du Québec métropolitain, la Ligue des propriétaires de Laval. J'inviterais...

M. HARDY: C'est du bon monde ce matin.

M. LE PRESIDENT: Tous du bon monde. J'inviterais immédiatement Me Charles Stein, procureur de l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec. M. Stein.

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec

M. STEIN: M. le Président, si j'en juge par la hauteur des haut-parleurs, nous demeurons assis maintenant?

M. LE PRESIDENT: Certainement.

M. STEIN: Comme en haut, comme au Salon rouge.

M. CHOQUETTE: Mais, vous ne pourrez pas faire de gestes oratoires si vous restez assis.

M. STEIN: C'est bien dommage.

M. PAUL: Cela va distraire le ministre.

M. HARDY: C'est de cette façon, vous savez, qu'on tue peu à peu l'éloquence.

M. STEIN: M. le Président, je représente l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et l'association régionale, celle de la région de Québec, et un certain nombre de compagnies et de sociétés dont Trizec, les entreprises Couillard et autres dont la liste apparaît sur la couverture de notre mémoire et du résumé de notre mémoire que vous avez entre les mains.

Je me propose, si vous permettez, de vous exposer brièvement le point de vue de mes clients et ensuite, nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions et vous fournir les précisions dont vous pourriez avoir besoin. J'ai avec moi Me Nicol Henry, ici à ma gauche, qui est cosignataire du mémoire, un avocat de Québec. A ma droite, Me Roland Couillard, président des entreprises Couillard et Me Mon-geon, derrière moi, de l'étude Phillips Vineberg, les avocats de Trizec à Montréal; M. Jacques Plante de Trizec et de Place Québec — pas le gardien de buts, un autre — et Me Sauvage, avocat à Montréal de l'association provinciale dont j'ai parlé et d'autres.

Cette association provinciale, M. le Président, groupe neuf associations régionales et compte 2,900 membres qui sont des entrepreneurs, des sous-traitants, des fournisseurs de matériaux et des membres associés divers, comme des ingénieurs, des architectes, des courtiers en immeubles et d'autres.

L'association régionale, celle de la région de Québec, qui est évidemment affiliée à l'association provinciale, compte environ 500 membres, tant compagnies, sociétés et individus des mêmes catégories dont j'ai parlé. Il ne faut pas confondre ces associations de constructeurs d'habitations avec celles qui groupent les entrepreneurs généraux.

Les membres de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations et les autres signataires du mémoire possèdent ou administrent un grand nombre de locaux d'habitations — on peut dire plus de 6,000 dans la seule région de Québec — qui tomberaient sous le coup du projet de loi du code des loyers.

Et on peut estimer à au moins $75 millions, dont la moitié consacrée aux salaires, le coût annuel de la construction des maisons et appartements dans la région de Québec.

Bien entendu, nous ne nous opposons pas à des lois ou des règlements qui visent à protéger certaines catégories de citoyens qui ont besoin de protection à cause de leur degré d'instruction, leur situation sociale et financière ou d'un handicap quelconque qui les exposent plus que d'autres dans les relations contractuelles, plus particulièrement celles qui touchent les nécessités de la vie. Mais ce que nous prétendons est que la justice et la logique exigent qu'on traite également toutes les industries et tous les commerces, et qu'on n'impose pas une réglementation des prix à un seul secteur, les nécessités de la vie.

Et un régime juridique d'exception, comme celui qu'on propose, ne doit pas profiter indistinctement à ceux qui n'en ont aucun besoin, et il s'en trouve, aussi bien â ceux qui sont démunis ou économiquement faibles et qu'on veut protéger. D'après nous, le projet de loi 59, le code des loyers, tient pour acquis que tous les locataires sont à la merci de leur bailleur ou locateur et que ces derniers ont toujours le beau rôle et peuvent se défendre tout seuls et qu'ils doivent par conséquent faire tous les frais d'un régime spécial au bénéfice de tous les locataires, sans égard à la situation et aux moyens des locataires.

C'est pourquoi nous suggérons de restreindre

au moins la portée, l'application de cette loi projetée, par exemple, de ne l'appliquer qu'aux baux dont le loyer ne dépasse pas $150 par mois ou $1,800 par année.

Nous demandons à votre commission de songer plus particulièrement aux répercussions possibles sur l'économie de la province d'une mesure législative qui a pour objet et qui aurait pour effet, en tout cas, de freiner le progrès d'une industrie qui est aussi importante, d'une importance primordiale, que celle de la construction domiciliaire.

Nous recommandons aussi, au lieu d'une loi distincte qui comporte une réglementation assez minutieuse et complexe et qui institue de nouveaux organismes administratifs et judiciaires, qu'on se contente d'ajouter au code civil quelques articles, quelques dispositions qui permettraient aux tribunaux de droit commun, aux tribunaux ordinaires, de déroger aux règles ordinaires et aux règles de droit commun, qu'ils régissent les relations entre locataires et locateurs comme on l'a fait en 1964 quand on a ajouté au code la section intitulée "De l'équité dans certains contrats" et composée seulement de cinq articles qui touchent les sûretés réelles immobilières, les obligations monétaires découlant de prêts d'argent, la vente immobilière à réméré, à terme, à tempérament ou sous condition et la possession d'un immeuble avec promesse de vente ou option d'achat.

Nous croyons qu'on devrait aussi, si on ne l'a pas fait, se pencher sur l'aspect constitutionnel de la création d'une juridiction des commissaires de loyers et de tribunal des loyers à la lumière de la décision récente de la cour Suprême, vu la situation confuse et l'embarras dans lequel on se trouve déjà, par suite de cette décision, au sujet de la compétence de la cour Provinciale ou du pouvoir de nommer ou de rémunérer ces juges.

Est-ce qu'on a aussi suffisamment consulté l'Office de révision du code civil qui a, on le sait, proposé un projet sur le louage de choses? Est-ce qu'on a assez songé aux inconvénients de toute législation en marge du code civil? On sait les guets-apens que cela constitue pour les justiciables et les juristes que ces lois spéciales en marge du code civil, du droit commun.

Je me permets aussi, en passant, de me reporter aux remarques du ministre de la Justice, lors de la première séance de la commission, où, si j'ai bien compris, il a invoqué comme une raison de rendre permanente cette loi, ce régime d'exception, le besoin de sécurité tout à fait légitime du personnel de la Régie des loyers. Cela nous semble guère une raison valable de perpétuer un régime d'exception qui devait être transitoire.

Sous réserve de ces remarques et recommandations, voici les recommandations que nous formulons en plus.

D'abord au sujet du titre du projet de loi, si on insiste pour adopter ce projet de loi spécial en marge du code civil, il devrait au moins s'appeler le code des baux et non pas le code des loyers, parce qu'il déborde de beaucoup le domaine des loyers simplement.

A l'article 11 du projet, au sujet de l'application de la loi à certains locaux d'habitation, selon nous, le local d'habitation ne devrait tomber sous le coup de la loi qu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle il est devenu habitable. Cela devrait s'appliquer également à tous les locaux visés par la loi, au lieu de restreindre cet ajournement de l'application de la loi aux locaux devenus habitables après le 31 décembre 1971.

Au sujet des articles 14 et 15, nous demandons qu'on précise si le terme: "loyer en vigueur" signifie seulement le loyer stipulé dans un bail, à l'exclusion de celui qui est demandé ou mentionné dans une offre ou une annonce, quand il n'y a pas de bail en vigueur.

A l'article 16, que le commissaire aux loyers n'ait pas le pouvoir de fixer le loyer et la durée du bail d'un local qui n'est pas loué au moment où il tombe sous le coup de la loi.

Au sujet de l'article 17, qu'on n'exige pas la déclaration du loyer, et du reste, après chaque bail et après chaque renouvellement, mais si on conserve cette exigence, nous suggérons qu'on remplace les mots: "jugé nécessaire" par: "prescrit", et qu'on se contente de la déclaration du bailleur ou du locataire, qu'on ne demande pas la déclaration des deux.

Qu'on laisse les parties libres de convenir de toute augmentation du loyer, même au-delà de 5 p.c. par année. A notre avis, on devrait s'en remettre à la loi économique de l'offre et de la demande à laquelle on s'en remet pour les prix des autres nécessités de la vie. D'ailleurs, l'intérêt du locataire exige qu'il puisse convenir librement, avec son bailleur, d'un loyer qui permettra au bailleur d'entretenir et réparer convenablement le local, d'effectuer les rénovations et de fournir les aménagements, l'équipement et les services supplémentaires ou spéciaux que le locataire peut désirer: stationnement, ascenseur, gardien, piscine et autres. La loi devrait, tout au plus, prévoir un recours au commissaire des loyers en cas de désaccord sur une augmentation supérieure à 5 p.c. par année proposée par le bailleur.

Au sujet de l'article 20, nous recommandons que la permission du commissaire des loyers pour une augmentation supérieure à 5 p.c. par année ne soit nécessaire qu'à défaut d'accord entre le bailleur et le locataire, bien entendu, à proprement parler; aucun recours ni aucune permission ne devraient être nécessaires ou utiles à défaut d'accord, à moins que le bailleur ne puisse obliger quelqu'un à louer son local, ce dont il n'est pas question, pensons-nous. Cependant c'est, en somme, de l'inverse qu'il s'agit. Toute personne désirant un bail ou un renouvellement sans augmentation supérieure à 5 p.c. aurait un recours au commissaire pour l'imposer au bailleur.

Nous recommandons aussi que le délai minimum qui doit s'écouler entre la demande du bailleur au commissaire et la fin de son bail soit

de 60 jours au lieu de 120 et qu'on supprime la formalité de la déclaration sous serment, l'appui de la demande de majoration du bailleur, la majoration du loyer. Le délai de 60 jours que nous recommandons est celui qui est prévu à l'article 24 pour l'avis de l'intention du locataire de ne pas prolonger le bail et pour l'avis du locateur de son intention de ne pas prolonger le bail ou d'augmenter le loyer de plus de 5 p.c. par année.

A l'article 21, qu'on remplace les mots: "Le commissaire peut maintenir le loyer en vigueur ou le majorer", par les mots: "le commissaire dispose de la demande de majoration". Nous croyons que le texte actuel de l'article 21 peut être interprété comme permettant au commissaire, à sa discrétion, de maintenir le loyer en vigueur peut-être sans tenir compte des facteurs énumérés dans l'article. C'est une clarification sur ce point-là.

Aux articles 22 et 23, nous demandons la substitution à ces deux articles des dispositions suivant lesquelles les parties fixeraient d'un commun accord le début du bail à la date de leur choix et le propriétaire pourrait refuser un bail de moins d'un an. Qu'on s'en remette à la convention des parties du code civil quant au renouvellement du bail; si on conserve ces deux articles, qu'on précise si l'article 22 s'applique à un bail qui se termine ou se terminerait normalement avant le 30 avril 1973 et si l'article 23 s'applique seulement aux baux que vise l'article 22.

Pour ce qui est de la date à laquelle chaque bail doit commencer et se terminer, nous ne voyons aucun avantage à la fixation de la même date pour tous les baux et pour tout le monde. Une autre date que le 30 juin peut fort bien être plus avantageuse pour le locataire selon les circonstances du cas et l'expiration de tous les baux à la même date est de nature à occasionner des embouteillages, des difficultés, des inconvénients au commissaire des loyers, aux compagnies de téléphone, à l'Hydro-Québec, aux déménageurs, et autres, comme au locataire et au bailleur.

Je sais que vous avez entendu des interventions dans ce sens lors de la première séance du 17 septembre.

A l'article 24, si on rejette notre recommandation de s'en tenir à la convention des parties et au code civil, mais si on supprime la prolongation automatique, (articles 22 et 23) nous demandons qu'on remplace l'article 24 par une disposition prévoyant le renouvellement du bail pour sa durée initiale en l'absence d'un avis d'une partie à l'autre, donner 30 ou 60 jours avant l'expiration du terme ou d'un renouvellement.

A l'article 25, sous réserve de notre recommandation, à l'article 10, de permettre toute augmentation d'un commun accord, même supérieure à 5 p,c, par année, nous demandons qu'on accorde aux locataires un recours au commissaire pour la fixation du loyer seulement si le bailleur exige une augmentation de plus de 5 p.c; que le délai fixé par l'article 25 pour l'exercice de ce recours soit décrété de rigueur et prévalant sur le bail et le code civil. Il y a une disposition semblable ailleurs dans le projet.

A l'article 26, si on rejette notre suggestion de laisser le code civil régir le renouvellement ou la prolongation du bail, nous suggérons de laisser le code civil régir le renouvellement ou la prolongation du bail, nous suggérons que le comnvssaire n'ait pas le pouvoir de priver le locateur d'une majoration n'excédant pas 5 p.c. par année; que la durée d'une prolongation accordée par le commissaire ne puisse pas dépasser la durée initiale du bail, enfin que la décision du commissaire, au besoin, ait un effet rétroactif à l'expiration du bail.

Quant à l'article 27, nous demandons sa suppression mais, à tout le moins, que le droit du locataire de faire réduire le loyer par le commissaire (à cause d'une diminution des services en comparaison de ceux qui étaient fournis en vertu du bail précédent) ne soit pas conféré pour le bail en cours, mais seulement pour son renouvellement ou un nouveau bail; que, en contrepartie, on permette au locateur d'obtenir une majoration pour cause d'augmentation des services; enfin, qu'on exige à l'appui de toute demande un dépôt, qui pourrait être de $100 et qui serait confiscable en cas d'insuccès et ce, pour prévenir les demandes tracassiè-res ou abusives.

A l'article 28, nous recommandons que le locataire soit tenu, en attendant la décision sur sa demande de prolongation, de payer une augmentation de loyer qui n'excéderait pas 5 p.c. par année, si le bailleur en exige une, ce qui n'est pas nécessairement le cas; que l'immunité contre l'expulsion et contre une majoration du loyer en attendant l'issue des procédures soit au moins refusée au locataire dont le loyer est en souffrance et qu'on omette le deuxième alinéa de cet article 28.

D'abord parce que le locateur, le bailleur devrait au moins avoir droit à une majoration de 5 p.c, sans la permission du commissaire, et en second lieu, comme nous le recommandons à l'article 26, la décision du commissaire devrait prendre effet au début de la prolongation, c'est-à-dire à l'expiration du bail dont le locataire a demandé la prolongation.

Nous précisons que, quand nous revendiquons pour le bailleur le droit à une augmentation qui ne dépasse pas 5 p.c. par année, sans la permission du commissaire, nous ne songeons pas à une augmentation au cours du bail ou pour son renouvellement si la convention des parties l'interdit.

A l'expiration d'un bail qui ne prévoit pas son renouvellement sans augmentation du loyer, il devrait être loisible au bailleur d'essayer d'obtenir du même locataire ou d'un autre une majoration qui ne dépasse pas 5 p.c. par année.

A l'article 30, nous voudrions qu'on étende l'application de l'article au cas où le bailleur

désire loger, dans le local, soit son conjoint, soit une personne dont il est le principal soutien même s'il ne s'agit pas d'un parent ou d'un allié.

A l'article 36, qu'on permette au bailleur d'obliger son locataire à lui payer une indemnité de $10 pour chaque versement de loyer en retard et chaque chèque sans provision et qu'on lui permette également d'obtenir l'éviction du locataire quand le nombre des occupants du local dépasse celui convenu.

A l'article 38, une correction s'impose. Il faudrait remplacer le mot "évacuation" par "éviction" dans la quatrième ligne du texte français.

A l'article 39, nous demandons la suppression de l'article. Il paraît injustifiable puisqu'il pourrait entraîner l'évacuation même subite et simultanée de tous les locaux d'habitation d'un bailleur sans égard à ses baux en cours et cela au profit d'un concurrent exploitant un immeuble à loyer modique.

A l'article 40, nous recommandons la suppression du recours au commissaire ou qu'au moins la demande ne soit pas recevable sans un dépôt, de $100 peut-être, confiscable au cas d'insuccès, comme nous l'avons recommandé à l'article 27. Et l'on demande que soit clarifié le texte anglais du dernier alinéa. Les mots "Reestablishment of the reduce to rent" pourraient créer des ambiguïtés.

On pourrait peut-être dire: Reestablishment of the rent that had been reduced. A l'article 47, nous nous opposons à la centralisation, à Montréal, de l'administration du tribunal des loyers en y situant son unique greffe. Nous trouvons que c'est injuste envers les administrés et justiciables du reste du Québec.

A l'article 57...

M. CHOQUETTE: Et quel endroit suggérez-vous, M. Stein?

M. STEIN: II pourrait y en avoir un peu partout; à Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, enfin à travers la province, Rimouski, Chicoutimi... Je ne peux pas nommer tous les endroits, mais un peu partout dans les districts soi-disant ruraux, en province aussi bien qu'à Montréal.

A l'article 57, que le tribunal des loyers soit tenu de rendre sa décision non pas simplement avec toute la diligence possible, ce qui est assez vague, mais dans les 90 jours qui suivent l'institution de l'appel. A l'article 59, si on se propose d'imposer des droits, des honoraires, des frais de greffes ou autres ou de permettre au commissaire ou au tribunal des loyers de faire assumer une partie des frais de l'autre, il faudrait qu'on y pourvoie dans la loi, au moins en permettant expressément que les règles de procédure et de pratique statuent sur le sujet.

A l'article 64, nous demandons qu'on interdise la négociation des chèques ou autres effets postdatés remis par un locataire à son bailleur en paiement du loyer plutôt que d'interdire au bailleur d'imposer ce mode de paiement, plutôt que d'interdire au bailleur d'exiger des chèques postdatés de son locataire.

L'interdiction de négocier les chèques devrait probablement comporter seulement une sanction pénale et rester à l'écart du droit commercial et des lettres de change, pour éviter l'objection de droit constitutionnel. Si on maintenait l'interdiction actuelle du premier alinéa, il y aurait lieu d'y soustraire les chèques qui ne sont pas négociables.

A l'article 65, nous demandons qu'on permette au locateur d'exiger le paiement anticipé d'au plus trois mois de loyer et, dans le cas d'un local meublé, un dépôt qui pourrait être de $100 en garantie du soin des meubles. A l'article 69, qu'on soustraie expressément le paiement par une caution ou un garant à l'interdiction qui est faite de stipuler paiement du loyer par un autre que le locataire.

A l'article 73, que l'insolvabilité du locataire, l'absence ou l'insuffisance de garanties soit une cause licite de refus de louer de la part du bailleur. Cela aussi, il en a été question lors de la première séance. A l'article 74, qu'on spécifie que les dimensions du logement peuvent légitimer le refus de louer à un locataire qui a des enfants.

Enfin, à l'article 77, une simple clarification; on devrait préciser qu'il s'agit seulement des poursuites pénales dans cet article.

Alors, M. le Président, mes clients et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions, fournir des précisions s'il y a lieu, des renseignements.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je n'ai rien à dire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. Stein, je dois d'abord vous féliciter pour la qualité de votre mémoire.

M. STEIN: Merci.

M. PAUL: Non, je dis cela sans flagornerie.

M. HARDY: Parce qu'il le doit.

M. PAUL: Non, justement, c'est parce que je constate que le député de Terrebonne ne l'a pas lu.

M. HARDY: Je l'ai lu et relu.

M. PAUL: Le plus grave, c'est qu'il ne l'a pas compris.

M. HARDY: De toute façon, on en discutera.

M. PAUL: De toute façon...

M. BOSSE: Les roses avant le pot.

M. PAUL: ... je suis content de constater, M. le Président, qu'il y a des morts qui parlent ce matin.

M. BOSSE: Pas de morts, des vivants tout le temps.

M. PAUL: Alors, M. Stein, laissant de côté toutes nos flèches amicales, je dois vous dire qu'il y a deux choses cependant qui, à prime abord, me surprennent grandement. Je veux me référer à l'article 36 et à l'article 65. C'est cette pénalité que vous recommandez au législateur d'imposer lorsqu'un locataire donnerait un chèque sans provision ou qu'il ne respecterait pas ses engagements ou paierait son loyer en retard. Il ne faut pas oublier que beaucoup de locataires sont des gens extrêmement honnêtes et, par suite d'événements imprévus tels que la maladie ou l'habillement, ils sont parfois dans l'impossibilité d'honorer à la date fixée un chèque qu'ils auraient pu remettre à leur locateur, et les pénaliser davantage d'un montant de $10, cela me saute aux yeux. Pour quelle raison préconisez-vous une telle mesure de la part du législateur à l'endroit de locataires qui, de bonne foi, ne peuvent peut-être pas toujours remplir à la date leurs obligations?

M. HENRY: Voici, je représente entre autres un de ceux qui ont signé le mémoire, Couillard Entreprises, et il est au courant de ce que c'est que recevoir une série de chèques sans provision chaque mois, ce qui amène un paquet de complications pour le locateur. Alors, on s'est dit: Si on suggère une telle mesure, cela nous évitera pour l'avenir d'avoir à faire face à ces inconvénients mensuels.

M.PAUL: Vous prétendez, par exemple, qu'un chèque de $110 qui ne pourrait pas être honoré sur présentation, le serait s'il était de $120.

M. HENRY: II le serait évidemment.

M. PAUL: Evidemment. En vertu de quoi l'évidence est-elle si claire?

M. HENRY: J'ai mal compris la question.

M. PAUL: En vertu de quoi l'évidence est-elle si claire? Vous dites que vous êtes pris avec une série de chèques postdatés dont il vous est impossible de recouvrer le paiement ou le montant sur présentation. Votre solution à ce remède-là, c'est de leur imposer une charge additionnelle de $10 et, du même coup, vous dites que ce serait plus facile de récupérer une somme additionnelle de $10 que le montant initial du chèque?

M. HENRY: J'ai mal compris votre question, mais ce que je veux dire, c'est que notre demande est à l'effet d'inciter le locataire à bien nous payer. Ce que nous ne voulons pas, c'est de faire face au problème que nous avons mensuellement, de recevoir des chèques sans provision. On pense que si on impose une amende de $10 à celui qui fait un chèque sans provision, cela l'incitera davantage à payer son loyer à temps.

M. PAUL: Une amende ou une pénalité? M. HENRY: Une pénalité.

M. CHOQUETTE: Mais si vous ne voulez pas recevoir des chèques sans provision, monsieur, demandez d'être payé en argent comptant.

M. HENRY: Quand on pense qu'on a 5,000 ou 6,000 logements, à un moment donné, faire la cueillette des loyers tous les mois, cela devient un problème, auquel s'accroche aussi la demande des séries de chèques postdatés pour le paiement du loyer.

M. PAUL: Mais est-ce que vous y tenez beaucoup à cette clause-là?

M. HENRY: Non, on le suggère.

M. PAUL: Vous le suggérez. Un peu timidement.

M. HENRY: Timidement, en effet.

M. PAUL: Une autre objection que je verrais de prime abord dans le mémoire, c'est cette imposition à un locataire de fournir un dépôt de $100 pour garantir le soin des meubles d'un local d'habitation. Est-ce que vous réalisez toutes les implications et les charges que vous imposeriez à un père de famille, par exemple, qui gagne un salaire qui ne subvient même pas à tous les besoins impératifs de la vie si vous obligiez ce locataire, avant d'occuper un logement, à faire un dépôt de $100?

M. HENRY: Evidemment, nous pensons encore du côté des locateurs; c'est pour protéger nos clients. Nous nous disons, un moment donné, qu'il arrive souvent que lorsqu'un locataire quitte le logement, les meubles nous sont remis dans un état tel qu'il faut pratiquement les remplacer. Alors, on se dit: Si on exige du locataire un dépôt de $100, il verra sûrement à l'entretien des meubles et il y apportera un soin plus particulier.

M. PAUL: Qui déciderait de l'adjudication de cette somme de $100? Est-ce que c'est le locateur qui, à la suite de son jugement ou de la constatation de l'état des meubles, déciderait de garder les $100, en dédommagement?

M. HENRY: Je n'ai pas étudié cet aspect. Je ne sais pas si mon confrère, Me Stein...

M. STEIN: II pourrait y avoir un recours au commissaire; il n'y a pas d'objection à cela. Quant aux modalités...

M. PAUL: Alors, ce serait le commissaire qui déciderait du bien-fondé ou non de la réclamation de la part du locateur. Alors, je laisse la parole à mon bon ami, le député de Terrebonne.

M. HARDY: J'aurais seulement une courte observation sans me prononcer d'une façon ou de l'autre sur cette suggestion du dépôt de $100. Puis-je faire remarquer qu'une compagnie ou une entreprise qui n'est pas de la nature des entreprises capitalistes, une entreprise d'Etat qui s'appelle l'Hydro-Québec exige, dans bien des cas, un dépôt à l'avance pour garantir le paiement des comptes d'électricité?

M. PAUL: C'est $25 ou $35.

M. HARDY: Dans certains cas, c'est davantage.

M. PAUL: Pour un cas commercial, non privé.

M.HARDY: Non, privé. Je m'excuse. Je regrette, mais j'ai des noms de personnes qui sont venues me voir, se plaignant, évidemment, de cette situation. Des individus privés, en particulier des assistés sociaux qui sont obligés de déposer jusqu'à $50 d'avance.

M. PAUL: Mais, je pense bien...

M. HARDY: Je souligne bien que je ne me prononce ni sur l'attitude de l'Hydro-Québec ni sur la recommandation; je donne simplement cette...

M. PAUL: Est-ce que mon honorable ami me permet une question? Est-ce que, dans le cas d'un dépôt de la part de l'Hydro-Québec, ce n'est pas dans le but de recouvrer le paiement de la consommation de l'électricité?

M. BACON: C'est cela.

M.PAUL: Tandis qu'eux, le dépôt qu'ils demandent, c'est pour éviter la détérioration des meubles.

M. HARDY: Ou pour recouvrer le paiement de meubles brisés.

M. PAUL: Oui. Mais, en aucun temps il n'est question ici de recouvrement du coût du loyer. Le principe — et je comprends qu'il est reconnu par l'Hydro-Québec — est-ce que l'on doit l'appliquer et accorder ce pouvoir à tous les locataires ou locateurs au Québec? Je m'interroge.

M. CHOQUETTE: Vous faites bien de vous interroger, parce que cela n'a pas de bon sens.

M. PAUL: Je ne vais pas si vite que cela.

M. CHOQUETTE: C'est clair comme de l'eau de roche. Ce sont des suggestions qui n'ont ni queue ni tête.

M. PAUL: Cela va pour la tête, mais pour la queue... C'est tout, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: J'aurais une brève question pour Me Stein relativement à la disposition que vous avez incluse à l'article 73: "Que l'insolvabilité du locataire ou l'absence ou l'insuffisance de garanties soit une cause licite de refus de louer de la part du bailleur." Est-ce que vous pourriez clarifier votre position à ce sujet, principalement dans le cas des assistés sociaux?

M. STEIN: C'est justement parce que le texte actuel, plus particulièrement le terme "situation sociale", pourrait peut-être être interprété comme interdisant au bailleur de refuser de louer à quelqu'un qui n'a pas de garantie suffisante à offrir pour le paiement du loyer.

M. CHOQUETTE: Si vous me permettez. Je ne voudrais quand même pas avoir l'air plus méchant que je ne le suis et je ne dis pas que toutes vos suggestions sont mauvaises. Au contraire, nous les avons notées en rapport avec chacun des articles et elles sont considérées à leur mérite. Ce n'était sûrement pas un commentaire général sur vos observations, que j'ai trouvées objectives dans l'ensemble. Mais pour ce qui est de cette proposition d'un dépôt pour garantir des meubles dans des meublés, cela me semble clair et évident que c'est une affaire que le législateur ne fera pas. D est préférable de ne pas en discuter parce que pour moi, c'est le genre de mesure qui sent le capitalisme à plein nez dans le sens le plus rétrograde. Je suis pour le régime capitaliste mais je suis pour un régime capitaliste libéral et social. Je ne suis pas pour des mesures qui sentent l'oppression par les possédants contre les gens qui sont dans des situations sociales moins avantageuses. D'où ma sortie.

M. PAUL: II faut peut-être comprendre aussi la position de ceux qui ont préparé le mémoire. Peut-être ont-ils eu, à un certain moment, l'impression que le projet de loi 59 sentait le socialisme assez avancé. Il s'agirait peut-être de maintenir un équilibre entre les deux philosophies.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: Sans me déculpabiliser, je vais continuer ma question. Est-ce qu'à ce moment, dans votre esprit, il n'y aurait pas lieu d'introduire, au niveau du mécanisme de la loi, des dispositions relatives aux assistés sociaux? Parce qu'au point de vue juridique, ils peuvent être considérés comme des personnes ne pouvant fournir des garanties suffisantes. On peut prévoir que, dans les années à venir, le bien-être social sera une de nos principales industries au Québec, alors il faudrait peut-être le prévoir.

M. HARDY: Vous ne prendrez pas le pouvoir si vite que cela.

M. BROCHU: On vous laisse aller dans ce sens.

M. STEIN: Si l'Etat garantit le loyer, on répondra à l'exigence de cette façon.

M. BROCHU: Donc, cela sera à M. Caston-guay de donner la réponse. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, votre recommandation à l'article 11 me préoccupe beaucoup, quand vous dites qu'un local d'habitation ne devrait tomber sous le coup de la loi qu'après la cinquième année où il est devenu habitable. A première vue, si l'Assemblée nationale acceptait votre amendement, cela serait une incitation dans l'escalade des loyers durant cette période pour qu' on réussisse à se bâtir un loyer suffisamment élevé pour que, lorsque le loyer tombera sous le coup de la loi, les pourcentages pourront s'appliquer sur une base qui est de plus en plus élevée. Est-ce que vous avez quelque chose à dire sur mon inquiétude face à votre texte?

M. STEIN: Je pense que je vais laisser la parole à M. Couillard, en plus d'attirer votre attention sur notre mémoire où nous expliquons qu'il s'écoule toujours un certain temps avant qu'on puisse compléter l'aménagement paysager d'une propriété, d'un immeuble d'habitation, d'une maison, en déceler et corriger les défauts et en déterminer la rentabilité. Tout cela prend du temps.

M. COUILLARD : Les premières années de construction d'une propriété, à cause de la concurrence de nos compétiteurs qui sont ici, on loue toujours moins cher. Depuis une dizaine d'années, on sait qu'une bâtisse est rentable à peu près quatre ou cinq ans après sa construction. Actuellement, les loyers à Québec sont tous à peu près de $25 trop bon marché dans nos propriétés. Quand nous faisons nos chiffres de rentabilité, cela ne va pas, excepté pour les vieilles propriétés.

J'ai ici des chiffres qui viennent de Statistique Canada.

M. CHOQUETTE : Quels sont vos critères pour apprécier la rentabilité?

M. COUILLARD : Les dix chiffres qui existent dans la comptabilité, M. Choquette. Tout simplement.

M. CHOQUETTE: Mais qu'appelez-vous un revenu normal?

M. COUILLARD: Uniquement sur notre investissement, qui peut être de 10 p.c. par exemple, d'une bâtisse d'un million de dollars, normalement; nous devons alors investir $100,000. Alors, sur les $100,000, il est censé nous rester $10,000. Mais comme les intérêts sont rendus à 91/2 p.c, 9 3/4 p.c, 10, 10 1/2 p.c, la rentabilité sur $100,000 n'existe plus. C'est la première hypothèque qui mange tout, à cause du taux d'intérêt et des taxes qui ont doublé et triplé par ailleurs.

M. CHOQUETTE: Oui, mais vos 10 p.c. comprennent les remboursements de capital?

M. COUILLARD: Les 10 p.c. sont notre rendement sur notre investissement.

M. CHOQUETTE: Ils comprennent les remboursements de votre première hypothèque ou de votre valeur d'achat.

M. COUILLARD: Oui, il faut que les loyers puissent payer ces remboursements avec les taxes, etc.

M. GAGNON: Surplus net.

M. CHOQUETTE: Vous voulez 10 p.c. en plus de ce que vous capitalisez?

M. COUILLARD: C'est ce que tous ceux qui possèdent des propriétés calculent actuellement.

M. CHOQUETTE: Je commence à comprendre qu'on ait besoin de cette loi-ci, moi.

M. COUILLARD: Personne ne les a.

M. CHOQUETTE: Vous voulez rembourser du capital à un taux en somme qui est assez important parce qu'on sait que les compagnies prêteuses exigent certains remboursements de capital, elles exigent, enfin, certains remboursements. Vous voulez faire du remboursement de capital et, en plus, avoir un rendement de 10 p.c?

M. COUILLARD: M. le ministre, sur un prêt de 35 ans ou de 40 ans, 50 ans, comme on a actuellement, au bout de 20 ans, il n'y a même

pas le dixième du prêt de remboursé. Il n'y en a pas de capital. Ne pensons pas à cela, il n'y en a pas.

M. CHOQUETTE: On peut dire que la moyenne des prêts hypothécaires s'échelonne sur 20 et 25 ans.

M. COUILLARD: C'est 35, actuellement.

M. CHOQUETTE: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a peut-être une évolution actuellement, dans le sens que les prêts sont à plus long terme. Mais jusqu'à une époque assez récente, les compagnies prêteuses prêtaient pour 20 et 25 ans.

M. COUILLARD: Oui.

M. CHOQUETTE: Bon, alors, d'après vous, si vous remboursez un prêt hypothécaire sur une période de 20 ans ou 25 ans, en plus, vous voulez 10 p.c?

M. COUILLARD: Ce n'est pas moi, ce sont les investisseurs qui depuis toujours les ont demandés. Actuellement, personne ne les obtient. Il n'y a rien. Il n'y a plus de rentabilité dans les bâtisses depuis trois ou quatre ans. J'ai des chiffres, ici, que j'ai préparés, et je peux vous les laisser pour étude.

M. BACON: Pourquoi en bâtit-on autant alors?

M. CHOQUETTE: Prenons le cas, par exemple, d'une bâtisse de $1 million sur laquelle vous avez mis 10 p.c. comptant, c'est-à-dire $100,000. Vous avez une hypothèque de $900,000. Cette hypothèque de $900,000, supposons qu'elle soit remboursable en 25 ou 30 ans — d'ailleurs, elle ne sera pas remboursée en 25 ou 30 ans, il y en restera peut-être un résidu à refinancer à la fin — vous voulez, vous, avoir d'abord $10,000 sur le montant de $100,000 que vous investissez plus les remboursements de capital.

M. COUILLARD: Je veux avoir le même intérêt que les compagnies prêteuses.

M. CHOQUETTE: Mais c'est bien plus, parce que vous allez faire... Au taux que vous indiquez, cela fait des rendements de 20 p.c.

M. COUILLARD: Non. Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai inventé cette formule, elle existe. Vous pouvez demander aux compagnies prêteuses.

M. BACON: Vous avez raison.

M. COUILLARD: Si vous regardez actuellement... J'ai fait des chiffres ici, auxquels vous pouvez vous fier. Quand on investissait, en 1962, $100,000, on payait 6 p.c. d'intérêt. Aujourd'hui, le coût de la construction a augmenté de 86 p.c. Il faut investir $186,000 à 9 p.c. Seulement cela augmente les dépenses de 176 p.c. Même si vous ne le vouliez pas, c'est un fait.

M. CHOQUETTE: Non, non. Cela, je le comprends.

M. COUILLARD: Alors, qu'est-ce que ça fait? Cela baisse la rentabilité de l'investisseur en arrière à zéro et en bas de zéro. C'est pour cela qu'on dit que les loyers ne sont pas assez chers, actuellement.

M. CHOQUETTE: Bien, je pense qu'ils sont pas mal chers dans la ville de Québec. Ils sont plus chers qu'à Montréal.

M. COUILLARD: Est-ce que vous avez une idée, à peu près, de combien les salaires de la construction ont augmenté depuis les onze dernières années? De 135 p.c.

M. BACON: Ils n'ont pas été plus élevés ici, à Québec, qu'ailleurs.

M. COUILLARD: C'est la même chose partout.

M. BACON: Bon, alors votre loyer est plus élevé quand même. Faites le moindrement d'enquêtes, votre loyer est plus élevé à Québec qu'ailleurs.

M. COUILLARD : Non, je ne le crois pas.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je voulais vous demander ceci, quand vous avez expliqué tout à l'heure votre mémoire, vous avez suggéré que là où les parties conviendraient d'avoir une augmentation supérieure à 5 p. c, de laisser aller la loi de l'offre et de la demande,

Dans l'exposé des chiffres que votre voisin de droite vient de nous offrir, vous semblez démontrer que la loi de l'offre et de la demande joue actuellement en défaveur de l'investisseur. Puisque vous jugez que les loyers ne sont pas assez élevés, vous demandez une protection plus grande. Seriez-vous prêt, dans les mêmes statistiques que vous nous offrez, à nous donner les états financiers et les revenus de chacun des témoins qui sont ici, à les déposer aussi à l'Assemblée nationale?

M. COUILLARD: Pour donner un exemple, je ne cacherai pas mes chiffres, pour l'immeuble des Seigneurs, les édifices blancs, dans le rond-point, où sont mes bureaux, actuellement, je mets $18,000 qui viennent d'ailleurs, pour l'administrer. Venez voir mes chiffres, ils sont

ouverts à tous. Ce sont des logements de trois chambres loués $245 par mois et il manque $18,000 à la fin de l'année pour administrer la bâtisse.

M. BACON: Oui, mais vous capitalisez en plus.

M. COUILLARD: Je comprends qu'on capitalise sur 35 ans. Mais il en manque quand même. Celui qui veut se bâtir un édifice aujourd'hui, s'il faut que, pour capitaliser, il gagne de l'argent à côté, il ne sera pas capable d'arriver.

M. CHARRON: Moi, je ne comprends plus. Si la loi de l'offre et de la demande joue, comme on nous l'a dit la semaine dernière, dans mon comté en tout cas, pour l'avoir vu, contre les locataires et que, ce matin, vous venez me dire que la loi de l'offre et de la demande joue contre les investisseurs, bon Dieu, pourquoi dure-t-elle, cette loi-là? Pourquoi existe-t-elle si tout le monde y est perdant en fin de compte?

M. COUILLARD: Si vous étiez au courant de ce qui se passe dans la construction, vous sauriez pourquoi?

M. CHARRON: Je suis au courant de ce qui se passe dans la construction.

M. COUILLARD: Pourquoi y a-t-il 99 p.c. des constructeurs, sur une période de 30 ans, qui faillissent? Parce qu'ils ne savent pas administrer. Pendant qu'ils ne savent pas administrer, ils louent à meilleur marché que nous, et nous sommes obligés de les suivre et nous perdons. Et eux, ils perdent et, au bout de trois ans, ils font faillite.

M. CHARRON: Pendant que vous ne savez pas administrer...

M. COUILLARD: C'est ce qui est arrivé.

M. BACON: Vous n'avez pas tort là-dessus.

M. CHARRON: Pendant que vous ne savez pas administrer et que vous capitalisez à peu près sur chacun des points où vous pouvez le faire en tenant des positions qui sont à la fine pointe de l'arrière-garde, comme plusieurs le sont dans votre document ce matin, ce sont les locataires qui payent pendant ce temps-là, pendant que vous ne savez pas diriger vos affaires. Vous vous reprenez. Puisque vous ne voulez pas toucher au capital et que vous capitalisez toujours, même sur une période de 35 ans, parce qu'il y a toujours l'espoir de faire un profit et un gain quelque part, ce sont les locataires qui payent pendant ce temps-là.

M. COUILLARD: Quand je dis qu'on ne sait pas administrer, c'est l'autre compétiteur qui ne sait pas administrer. Et lui, pendant ce temps-là, il loue meilleur marché. Nous, nous sommes obligés de baisser nos loyers pour soutenir la concurrence. Lui, au bout de trois ans, il n'arrive pas et il déclare faillite.

M. CHARRON: Mais, finalement, qui paye la note de la concurrence? Est-ce que vous vous financez vous-même?

M. COUILLARD: Ce sont les fournisseurs de matériaux et les sous-entrepreneurs.

M. CHARRON: Dans votre recherche de profit, je suis bien d'accord puisque vous cherchez le profit, vous concurrencez les autres, mais qui paye finalement? Vous admettez vous-même que la conséquence ultime de votre concurrence et de votre recherche de profit et de votre maudite loi de l'offre et de la demande, c'est d'aboutir à une hausse de loyers. Et vous jugez qu'ils sont encore même trop bas aujourd'hui.

M. COUILLARD: Oui.

M. CHARRON: Alors qu'il y a à peine une semaine, il y avait des témoins d'une autre catégorie de population, la majorité celle-là d'ailleurs, je vous l'apprendrai, qui est venue dire ici que c'était déjà assez élevé, au point qu'ils demandent une protection et vous jugez même insuffisant ce que le ministre de la Justice offre.

M. COUILLARD: Ils sont venus dire ça avec quels chiffres à l'appui?

M. CHARRON: Avec le chiffre du coût de la vie et le chiffre de ce qu'ils font.

M. COUILLARD: Le chiffre du coût de la vie à 3 p.c. par année, il ne peut pas s'appliquer dans ça. Parce que ça augmenté de 8.6 p.c. depuis huit ans.

M. CHARRON: Ecoutez. Même dans des logements qui sont propriété publique, comme les habitations Jeanne-Mance dans Saint-Jacques, chez nous, le taux de loyer, pour des assistés sociaux ou pour des gens à faible revenu qui travaillent, est calculé à au moins 25 p.c. du salaire brut. Quand vous enlevez tout ce qui reste, ça fait 30 p.c. ou 35 p.c. du salaire net. Une personne actuellement, à n'importe laquelle échelle du Conseil économique du Canada, par exemple, sur l'état de la pauvreté, va vous dire que c'est une norme inacceptable. Il y a pourtant 40 p.c. de Montréalais qui vivent dans cette situation-là. Ne venez pas me dire que l'offre et la demande jouent aussi en leur faveur et que c'est vous les perdants dans cette affaire-là.

M. COUILLARD: Regardez, j'ai encore les

chiffres ici, En 1964, les logements que je louais $75, des studios, une chambre, $90; deux chambres, $125; trois chambres, $145, sont montés à $95, $120, $175 et $195. Cela fait une augmentation de 3.7 p.c...

M. CHARRON: Ils sont tous loués?

M. COUILLARD : Oui. Cela fait une augmentation de 3.7 p.c.

M. CHARRON: Les locataires n'ont pas le choix.

M. COUILLARD: Ecoutez, M. le député, 3.7 p.c. par année, et les coûts de la construction sont montés à 6.8 p.c. en même temps.

M. CHOQUETTE: Si vous me permettez de m'intégrer dans cette discussion intéressante entre le député de Saint-Jacques et le témoin à la barre, j'ai l'impression que vous ne parlez pas tout à fait des mêmes catégories de logements. J'ai l'impression que vous, monsieur, vous êtes un constructeur et que vous avez beaucoup de logements neufs. Tandis que, dans le comté de Saint-Jacques, le comté du député, ce sont plutôt des logements très anciens et c'est un des endroits où il y a réellement crise et où les familles ont de la difficulté à se loger.

Il y a de plus en plus de démolitions de ces anciens logements assez grands, mais qui sont devenus vétustes par le temps. Je ne crois pas que vous parliez tout à fait de la même chose.

M. CHARRON: J'admets la remarque du ministre de la Justice, mais je veux quand même dire qu'advenant le jour où l'on démolirait les taudis qu'il y a chez nous et où on remettrait aux mains de ces investisseurs la construction d'habitations nouvelles, le problème va se présenter chez nous. Avant que cela n'arrive, j'aime autant leur dire tout de suite ce que je vais penser de ce qu'ils vont faire chez nous. Parce qu'il y a déjà un capitaliste de basse zone, comme Marc Carrière, qui a construit chez nous des habitations à loyer modique, mais essayez de voir si c'est la population qui a été délogée qui réintègre les logements. Pour les mêmes maudites raisons que celles que vous venez de me donner: compétition, lois de l'offre et de la demande, les intérêts sont trop forts, vous êtes saignés à blanc partout! Les gens qui ont été délogés ne peuvent pas retourner dans les habitations comme celles que vous venez de me nommer à $95, $120 et $125 par mois.

M. COUILLARD: Pouvez-vous me répondre? Qu'est-ce que vous entendez par des logements à coût modique? Les HLM que les villes font?

M. CHARRON: Non, non. Ils sont censés être construits avec l'aide de la Société d'habitation du Québec et de la Société centrale d'hypothèques et de logement.

M. COUILLARD: Les logements à prix modique?

M. CHARRON: Oui, et il n'y a pas un assisté social qui soit capable de rester dedans.

M. COUILLARD: Des logements comme les miens que j'achetais à' $13,000 et qui nous coûtent $21,000... vous appelez cela des logements à prix modique?

M. CHARRON: Pardon?

M. COUILLARD: Les mêmes logements que vous faites à $21,000 me coûtent $13,000. Des pareils, même mieux finis. Vous appelez cela des logements à prix modique? Il y a quelqu'un qui paie derrière, ce sont les impôts des contribuables. Tout simplement. C'est bien beau de contribuer. Ce sont les impôts, derrière. Les logements que vous avez construits à Québec, à Place Bardy, sont des logements qu'il faudrait louer environ $350 par mois, et vous les louez $45. Où est la rentabilité? Ce sont les impôts. On ne peut pas discuter sur le même plancher.

M. CHARRON: Non, non. Ne parlez pas de ce qui est à...

M. CHOQUETTE: Pardon, monsieur. Je voulais simplement introduire la note suivante dans la discussion. Les propriétaires immobiliers ont un autre avantage qui leur est offert par le législateur, en plus des profits qu'ils retirent. C'est la dépréciation sur l'immeuble qu'ils peuvent imputer au revenu. Par conséquent, c'est pour cela qu'il y a des propriétaires immobiliers qui ne paient pas d'impôt, pour ainsi dire.

M. COUILLARD: Sur ce, M. le ministre, je vais vous faire remarquer une chose.

M. CHOQUETTE: II y a une récupération.

M. COUILLARD: Vous avez ouvert une porte. Je vais répondre à cela dans un sens.

M. CHOQUETTE: C'était peut-être encore plus vrai auparavant, que cela ne l'est actuellement, depuis les mesures adoptées par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

M. COUILLARD: Depuis le 1er janvier 1972, un professionnel n'a pas le droit de déprécier son salaire contre sa propriété. Mais pourquoi les prix des logements ne sont-ils pas assez hauts? Je vais vous dire pourquoi immédiatement. Je répondrai à votre affirmation. Depuis six ou sept ans, j'ai vendu des quantités de propriétés à des professionnels qui achetaient sans tenir compte de la rentabilité. Ils achetaient pour déprécier leur salaire. Leurs logements étaient loués peut-être $25 meilleur

marché, mais ils s'en balançaient, parce qu'ils épargnaient $75,000 d'impôt de l'autre côté. Il ne faut pas prendre cela comme mesure pour juger le prix des loyers. Aujourd'hui, ils se réveillent. Ils sont obligés d'augmenter les loyers de $30, sans cela, ils vont perdre leurs bâtisses. C'est la dépréciation qui leur a permis de les acheter; maintenant, ils n'ont plus le droit de les déprécier. Ils ont la réalité dans la figure. Leur comptable leur dit: II te manque $30 par année pour arriver. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont eux. Questionnez les professionnels, les médecins et les ingénieurs qui ont acheté des propriétés il y a cinq ou six ans.

M. CHOQUETTE: II ne faudrait quand même pas exagérer. Celui qui a acheté un immeuble doit s'attendre à y mettre un peu d'argent comptant.

M. COUILLARD: Ils en ont mis.

M. CHOQUETTE: Je veux dire que si quelqu'un veut acheter un immeuble avec trois hypothèques, je suis d'accord que cela peut être non rentable avec des logements loués à des taux normaux, mais si quelqu'un se contente d'une première hypothèque ou d'un restant de prix de vente à des taux d'intérêt relativement convenables — on sait que sur les restes de prix de vente, en général, le taux d'intérêt est assez convenable par rapport au taux courant — il n'y a pas de raison qu'un immeuble ne soit pas rentable, même avec des loyers qui ne sont pas excessifs. C'est pour cela que j'ai beaucoup de difficultés à me convaincre de la véracité de votre affirmation, savoir que ces professionnels seraient obligés d'augmenter des loyers de $30 pour rendre les immeubles rentables. Je ne crois pas à cela.

M. COUILLARD: Cela existe.

M. CHOQUETTE: Avec quelle sorte de financement, monsieur, pour qu'ils soient dans cette situation? D'abord, ce sont essentiellement des immeubles assez récents.

M. COUILLARD: Ce sont des immeubles de cinq ou six ans.

M. CHOQUETTE : C'est cela. Deuxièmement, quelle sorte de financement y a-t-il sur ces immeubles? Combien d'hypothèques?

M. COUILLARD: La première hypothèque à 75 p.c. probablement. Une deuxième de 10 p.c. de la première, ce qui fait 82 p.c.

M. CHOQUETTE: La deuxième, c'est un reste de prix de vente.

M. COUILLARD: Non, non. C'est avec une compagnie prêteuse.

M. CHOQUETTE : Oui, mais avec des taux de 14 p.c?

M. COUILLARD: De 10 p.c. ou 11 p.c.

Cela ne change pas grand chose; pour la deuxième, ce n'est que 10 p.c. de la première. Il n'y a pas de rentabilité dans ces propriétés actuellement. Il n'y en n'avait pas avant non plus, mais l'acheteur...

M. CHOQUETTE: Combien de comptant recevez-vous sur ça?

M. COUILLARD: Disons que cela représentait à peu près $2,000, $2,200 par logement.

M. CHOQUETTE: Combien de comptant? M. COUILLARD: Par logement, $2,200.

M. CHOQUETTE: Oui, mais sur combien de logements?

M. COUILLARD: Si c'est une maison de 18 logements, ça prend $40,000 à peu près.

M. CHOQUETTE: Qui s'était vendue $200,000?

M. COUILLARD: Dans ce temps-là, à peu près $180,000, $185,000, $190,000.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, monsieur, n'importe qui sait que ça se finance très bien ça.

M. COUILLARD: Oui, c'est évident.

M. CHOQUETTE: Si, à $40,000 sur un immeuble que vous avez acheté $180,000...

M. COUILLARD: C'est $140,000 en première hypothèque, $14,000 en deuxième et $35,000 de comptant. Cela fait à peu près $185,000.

M. CHOQUETTE: C'est bien cela.

M. COUILLARD: Il n'y a pas de rentabilité; le financement, nous n'en parlons pas, nous parlons de la rentabilité. Le type achetait pour soustraire ses impôts personnels; le type qui gagnait $75,000 achetait des propriétés pour $750,000 pour prendre une somme de $75,000...

M. CHOQUETTE: Je suis d'accord avec vous que s'il espère un rendement de 20 p.c. comprenant les remboursements de capital et le montant de $10,000 dont vous me parliez tout à l'heure, ce gars-là est obligé d'augmenter ses loyers mais moi je trouve que c'est fort.

M. COUILLARD: Tout le monde qui place

veut avoir 10 p.c. sur le rendement. Pourquoi donner tout ce que vous placez?

M. CHOQUETTE: Mais le capital que vous remboursez a une valeur, ça reste.

M. COUILLARD: Je comprends, mais celui qui a de l'argent aujourd'hui peut le placer à 12 p.c., 13 p.c., 14 p.c. et même 15 p.c., si vous voulez.

M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas tout le monde qui veut prêter en deuxième hypothèque et en troisième hypothèque pour des choses comme ça.

M. COUILLARD: Non, non.

M. CHOQUETTE: D'abord les taux d'intérêt ont baissé à l'heure actuelle, sur les obligations.

M. COUILLARD: Oui, mais ce n'est pas le même marché. Habituellement, c'est 9 p.c. dans la construction.

M. CHOQUETTE: En tout cas, nous ne sommes pas au sommet des taux d'intérêt.

Mais si nous prenons votre exemple, nous allons nous rendre jusqu'au bout de cette affaire, ce propriétaire qui a acheté une maison à $185,000 a mis $35,000 comptant.

M. COUILLARD: C'est à peu près $40,000.

M. CHOQUETTE: Bon, $40,000 et lui, s'attend à un rendement de combien sur ça?

M. COUILLARD: De 10 p.c, $4,000 par année.

M. CHOQUETTE: De $4,000 par année, plus ses remboursements de capital, qui représentent combien par année?

M. COUILLARD: Si c'est un prêt de 35 ans, ça va représenter $5,000.

M. CHOQUETTE: Ce serait $5,000 par année. Alors, ce gars-là, sur un placement de...

M. COUILLARD: Pas au début, après une quinzaine d'années. Prenons-le sur une base de 35 ans.

M. CHOQUETTE: Non, mais ce type-là, sur un investissement de $35,000, s'attend à recevoir $10,000 par année?

M. COUILLARD: Pas les premières années, les premières années, il en met dedans. Au bout de 35 ans, la propriété lui restera, mais il y a la dévaluation de cette propriété dont il faut tenir compte, il y a l'impôt à payer, dont il faut aussi tenir compte, et actuellement, il faut tenir compte des hausses du coût que nous avons subies avec les taxes et nous n'avons pas pu augmenter...

M. CHOQUETTE: Mais actuellement, il fait des remboursements de capital, votre propriétaire?

M. COUILLARD: Oui.

M. CHOQUETTE: Ces remboursements de capital représentent combien actuellement?

M. COUILLARD: Pas grand-chose les premières années, presque rien.

M. CHOQUETTE: II ne faut pas dire que ce n'est rien.

M. COUILLARD: Je n'ai pas de chiffres ici en main, mais les premières années, ça peut baisser peut-être de $2 les $1,000, quelque chose comme ça, pas plus.

M. CHOQUETTE: Je comprends...

M. COUILLARD: Le milieu du prêt se situe à peu près vers la 22e année je crois, sur un prêt de 35 ans. Les premières années, c'est $2, $2.50 les $1,000 que l'on rembourse.

M. GAGNON: Quel est le taux de dépréciation accordé sur un immeuble par les gouvernements?

M. COUILLARD: C'est 10 p.c. sur les bâtisses de bois et brique et 5 p.c. sur les bâtisses en béton.

M.GAGNON: Alors, c'est dire qu'après 20 ou 25 ans, votre bâtisse a été dépréciée entièrement.

M. COUILLARD: Oui.

M. GAGNON: Mais c'est dire que, par cette dépréciation que vous avez appliquée durant une période de 25 ans, alors qu'une bâtisse a une durée d'au moins 50 ans, vous avez bénéficié d'une réduction d'impôt pendant 25 ans sur la partie dépréciée de la bâtisse qui, elle, est dépréciée entièrement dans son coût total mais qui a une valeur peut-être encore de 50 p.c. de sa valeur primordiale, plus les 10 p.c. que vous voulez récolter comme profit, plus les intérêts que vous payez, à ce moment-là, ça peut représenter 22 p.c. ou 23 p.c. sur une propriété pour ces trois points.

M. COUILLARD: Je m'excuse, je vais vous reprendre sur une chose, nous n'avons pas évité l'impôt, on l'a retardé, avec la dépréciation.

M.GAGNON: Pour autant que vous ne vendez pas.

M. COUILLARD: Un jour ou l'autre nous vendons, il faut vendre.

M. CHOQUETTE: Cela, c'est une autre chose.

M. COUILLARD: Plus maintenant. M. CHOQUETTE: Toujours plus gros. M.GAGNON: Vous investissez...

M. COUILLARD: Non, il y a une catégorie pour chaque bâtisse. Alors, à l'inventaire, on ne peut pas tasser la dépréciation sur une autre. Il faut payer l'impôt.

M. CHOQUETTE: Vous établissez un fonds de dépréciation.

M. COUILLARD: Oui, mais aujourd'hui, les bâtisses sont reconnues distinctement.

M. CHOQUETTE: Vous voulez dire qu'on ne peut pas transporter la dépréciation d'une bâtisse à l'autre?

M. COUILLARD: Non, plus maintenant, depuis 1972.

M. CHARRON: Les professionnels dont vous parliez tantôt, qui ont une maison depuis cinq ou six ans et qui sont en difficulté, avez-vous une idée de la raison pour laquelle ces professionnels, médecins, avocats, se seraient lancés tout à coup dans la construction domiciliaire?

M. COUILLARD: Ils ne se sont pas lancés, ils achetaient tout fait. C'était celui qui gagnait $75,000,...

M. CHARRON: Vous savez pourquoi.

M. COUILLARD: Ils se dépêchaient, en novembre ou en décembre, à acheter pour $750,000 de propriétés pour ne pas payer d'impôt.

M. CHARRON: C'est ça.

M. COUILLARD: Pour retarder ces impôts, excusez.

M. CHARRON: Cela ne fait pas de tort qu'on les prenne sur le fait.

M. COUILLARD: Aujourd'hui, en revendant...

M. CHARRON: Ils ont assez volé.

M. COUILLARD: Là, je ne sais pas s'ils ont volé, mais dans l'administration de la propriété, ce n'est pas un vol, si la loi le permet, c'est là et tout le monde en bénéficie...

M. CHARRON: Si la loi le permet, d'accord.

M. COUILLARD: Si vous aviez des propriétés, vous feriez la même chose soit de retarder par la dépréciation.

M. CHARRON: Je n'en aurai pas. Le petit locataire qui paie $95 par mois dans votre maison, vous essaierez de lui trouver une formule pour les évasions fiscales.

M. COUILLARD: Je ne comprends pas pourquoi vous nous arrivez avec cela. Nous ne sommes pas responsables des hausses du crédit, des à-côtés que les unions nous font faire.

M. CHARRON: Non, vous n'êtes pas responsables de la Tour de Babel. Je ne vous ai pas tenu responsable de cela non plus. Mais j'ai trouvé carrément effronté que vous disiez, du même souffle, que la loi de l'offre et de la demande jouait contre vous et qu'en même temps vous demandiez, à l'article 19, qu'on vous laisse...

M. COUILLARD: Oui, on veut cela comme cela.

M. CHARRON: Je ne vous crois pas masochiste; c'est bien dommage; mais je ne pense pas que vous demandiez de réappliquer une loi qui joue contre vous.

M. COUILLARD: Cela fait 31 ans que je suis dans la construction à mon compte; cela fait 31 ans que cela existe et on veut cela comme cela; on veut que cela reste comme cela si vous êtes capables de le laisser.

M. CHARRON: Elle n'est pas si mauvaise que cela si j'ai bien compris.

M. COUILLARD: ... comme toujours, cela ne nous fait rien. Ceux qui ne savent pas administrer...

M. CHARRON: Elle ne vous a pas nui depuis le début, la loi du capitalisme.

M. COUILLARD: Non, mais elle nous retarde; cela prend cinq ou six ans avant d'avoir une bâtisse rentable.

M. CHARRON: Oui, là vous voudriez trois ans. Quitte à ce que ce soit le locataire qui doive payer le plus.

M. COUILLARD: Même si nous voulions louer plus cher, nous ne sommes pas capables, à cause de la compétition. Il ne faut pas oublier que le vieux logement qui est fait depuis sept ans, ou par exemple celui qui est fait depuis dix ans coûte 86 p.c. meilleur marché que celui que je fais aujourd'hui et ce monsieur a de l'intérêt à 6 p.c; aujourd'hui c'est de l'intérêt à 9 p.c. Alors, le type en 1962 a emprunté $100,000 à 6 p.c. et aujourd'hui il faut qu'il emprunte

$186,000 à 9 p.c. Où va l'argent? Ce n'est pas dans mes poches. L'argent va à New York, à Metropolitain Life ou un peu partout, aux compagnies prêteuses. La province emprunte à 8 p.c., vous le savez. Nous sommes dans le même cas que vous autres; cela coûte cher. Ce n'est pas nous qui faisons les profits. Venez voir nos bilans, si vous voulez. Le bureau est ouvert.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question relativement à l'article 74, lorsque vous demandez qu'on spécifie que les dimensions du logement peuvent légitimer le refus de louer à un locataire qui a des enfants. Est-ce que vous pourriez apporter les principales raisons qui vous motivent pour demander que de telles choses soient ajoutées pour préciser davantage l'article 74?

M. STEIN: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ou opportun de préciser dans la loi, du moment qu'on pose le principe qu'on puisse refuser, en tenant compte des dimensions pour qu'il n'y ait pas trop d'occupants dans un logement. Si le logement est trop exigu, on ne peut pas entasser les gens dans ce logement.

M. BELAND: A ce moment, ce serait pour limiter la quantité, d'après vos paroles. Ce n'est pas pour d'autres raisons que celles-là?

M. STEIN: Non.

M. BELAND: Bon, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, me permettrez-vous de poser une question à M. Stein? En me référant à la page deux du mémoire, au bas de la page, troisièmement: "de plus, nous pensons qu'il suffirait de quelques dispositions qu'on pourrait peut-être ajouter tout simplement au code civil..." Est-ce que vous vous êtes arrêté, M. Stein, à penser à ces amendements qui devraient être apportés au code civil ou si vous laissez le tout à l'Office de révision du code civil pour répondre aux idées que vous exposez dans votre mémoire?

M. STEIN: Je n'ai certainement pas essayé de rédiger ni de faire même un schéma des dispositions. D'abord, il faudrait qu'une décision soit prise sur la substance, quelle disposition on retiendrait dans tout ce projet qui est devant vous dans le moment. Je dis que si on en garde quelque chose, on devrait essayer de se contenter d'un chapitre ou d'un titre qu'on ajouterait au code civil, comme on a déjà fait dans l'exemple que j'ai donné.

M. PAUL: Alors, votre suggestion...

M. STEIN: En laissant les tribunaux ordinaires et en ne perpétuant pas un organisme spécial.

M.PAUL: Alors, vous me corrigerez si je vous interprète mal. Votre suggestion serait de voir à apporter les amendements qu'il faut au code civil, plutôt que de présenter une loi spécifique pour régir les relations entre propriétaires et locataires.

M. STEIN: Oui.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: Ce n'est pas une question, M. le Président. Pour terminer, je voudrais tout simplement dire, parce qu'on a qualifié tantôt votre mémoire, que je reconnais évidemment que certaines parties de votre mémoire peuvent s'inspirer de principes du libéralisme économique d'il y a quelques décennies.

Comme j'ai lu des mémoires d'autres organismes qui sont tout à fait à l'extrême opposé, je considère que vous avez joué un rôle important devant la commission. Votre mémoire aide à établir un certain équilibre et aidera sûrement le législateur à trouver une solution de bon sens et de juste milieu.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Stein.

M. STEIN: Merci, M. le Président.

M. COUILLARD: Je voudrais faire une remarque, si vous me le permettez. Si votre loi est trop radicale, les investisseurs se tourneront vers le commercial, ce qui est déjà commencé d'ailleurs. Moi-même, je délaisse un peu le logement depuis deux ans pour aller dans le domaine de l'entrepôt, des bureaux, de la construction générale qui ne regarde pas le logement. Et là, le problème du logement appartiendra tout entier au gouvernement, avec des coûts de construction et d'exploitation beaucoup plus élevés que les nôtres et avec des revenus beaucoup moindres. Cela signifie des impôts pour tous encore. N'essayez pas d'en sortir, c'est par là que cela va passer. Il y a seulement dix chiffres et ils marchent comme cela. Actuellement, beaucoup de constructeurs ont cessé de construire. Je vais vous en citer une grande partie. Les petits constructeurs qui construisaient deux bâtisses de 18 ou 20 logements pour revendre ne trouvent plus de clients. Donc, il ne font plus de logements. Les seuls qui construisent actuellement sont ceux qui sont capables de faire un projet, de le garder et de l'exploiter. Cela créera une rareté de logements. En plus de votre loi, ceux qui peuvent garder vont cesser de construire des logements pour construire des immeubles commerciaux. Vous allez vous retrouver avec une extrême rareté de logements et vous serez

obligés d'y combler par des HLM et des impôts.

M. PAUL: Vous vous référez au rapport de la ville de New York?

M. COUILLARD: Je n'ai pas lu ce rapport. Je constate ce qui va se passer, ce qui s'en vient.

M. PAUL: Le rapport Rand.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Me Jacques Viau, procureur de la Corporation des courtiers en immeuble du Québec.

Corporation des courtiers en immeuble du Québec

M. VIAU: M. le Président, contrairement au confrère qui m'a précédé, je vais parler debout, si vous n'avez pas d'objection, car je me souviens de cette boutade: "Je me lève pour être vu, je parlerai pour être entendu et je m'assoirai pour être apprécié." Je voudrais en premier lieu vous présenter ceux qui aujourd'hui sont présents ici et représentent les différents organismes qui ont présenté le mémoire. M. Claude Lefebvre, vice-président de la Corporation des courtiers en immeuble et président du comité interassociation. M. François Pigeon, de Québec, président de la Corporation des courtiers en immeuble, M. André Emond, de Québec, président de la Chambre d'immeuble de Québec, M. Luc Beaudouin, représentant l'Institut d'administration immobilière, M. Pacifique Desjardins, vice-président de Building Owners and Managers Association, M. Roméo Vézina, vice-président de l'Association générale des constructeurs, M. Lome Tracey, gérant général du Montreal Board of Trade, M. Guy Chenette, vice-président exécutif de la Corporation des courtiers en immeuble de la province, et Me Jean-Marie Paquet, mon associé.

Je voudrais au début faire une mise au point. Il y a demain un mémoire qui sera présenté par la Chambre de commerce et d'industries du Québec métropolitain. On y a également ajouté la Chambre d'immeuble de Québec. Il semble y avoir eu une méprise, parce que la Chambre d'immeuble de Québec a participé et participe au groupe qui a préparé le mémoire qui est devant vous ce matin.

C'est le mémoire, ce matin, que la Chambre d'immeuble de Québec partage et auquel elle s'associe. Il semble y avoir eu un manque de communication entre la Chambre de commerce et ce groupement ici à Québec. Sur ce, ce n'est pas mon intention de vous lire entièrement le mémoire qui est devant vous parce que je présume que la plupart d'entre vous, sinon tous, l'avez lu mais je veux simplement repasser d'une façon brève les points saillants de notre position. Je crois qu'il est facile de comprendre que nous avons attaché notre attention à l'aspect économique. Je ne veux pas qu'il y ait un malentendu. Ce n'est pas l'aspect capitaliste mais l'aspect économique du problème. Je crois que tous, nous pouvons avoir des divergences d'opinions sur certains aspects mais je pense que le problème de logement en est un de taille au point de vue économique dans notre province et ailleurs également.

Nous comprenons que l'objectif poursuivi par un projet de code des loyers est d'assurer à l'ensemble de la population des conditions de logement décentes qui correspondent à la dignité d'hommes de tous les Québécois. Il n'y a aucune ambiguïté sur cette prise de position. Nous reconnaissons que c'est une obligation pour le gouvernement de se pencher sur le problème du logement. Voyons maintenant les moyens. Nous soumettons qu'il s'agit là, non pas d'intervention de l'Etat pour simplement équilibrer, sur le marché, le jeu normal de l'offre et de la demande ou d'intervention pour s'assurer dans des cas exceptionnels que les propriétaires ne profitent pas des situations artificielles de rareté de logement pour exploiter sans vergogne les locataires qui, normalement, sont moins bien nantis au point de vue pécuniaire mais il s'agit bien pour l'Etat, par l'intermédiaire de nos régies, de mettre complètement de côté le marché immobilier et le jeu normal de l'offre et de la demande pour lui substituer des décisions unilatérales et pas nécessairement éclairées des fonctionnaires. Il s'agit là, à notre avis, d'une socialisation quasi intégrale, d'une tranche importante de notre économie, soit celle de la construction domiciliaire pour fins de location.

Notre position. Nous sommes fermement et catégoriquement opposés — je veux bien que l'on soit compris — à la forme de contrôle des loyers proposé dans le projet de loi. Et nous nous opposons à ce que l'Assemblée nationale, d'un seul coup de balai, soustraie au jeu de la libre entreprise tout un secteur de notre économie. S'est-on vraiment demandé si les problèmes actuels en matière de logement, problèmes qui sont bien réels, nous le reconnaissons volontiers, ne tiennent pas beaucoup plus à l'absence de planification d'urbanisme véritable, à l'absence, jusqu'à tout récemment, d'une politique sociale cohérente et au fardeau sans cesse croissant de la taxation foncière. Ou même, il faut bien regarder la vérité en face, dans le cas des unités de logement vieillissantes, à l'existence depuis l'après-guerre d'une forme de contrôle des loyers représenté par la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, qui a eu pour effet, dans bien des cas, de rendre au propriétaire la tâche d'entretenir et de renouveler les unités de logement qu'il loue impossible parce que le contrôle des loyers, le maintien officiel des taux de location bas qui n'ont pas augmenté dans la même proportion que les dépenses d'exploitation, a rendu indispensables pour le propriétaire les fonds nécessaires à un bon entretien et à la rénovation de ses unités de logement vieillissantes.

Les motifs de notre position, on peut les

résumer. A la page huit, on dirait en premier lieu: que nous ne croyons pas qu'il existe, à l'heure actuelle, une situation telle de rareté de logements qu'elle permette aux propriétaires, en l'absence de concurrence efficace sur le marché de l'offre en location d'unités de logement d'abuser des locataires. Deuxièmement, nous croyons que les moyens proposés ne réaliseront pas les objectifs visés par le législateur mais au contraire empireront la situation pour les locataires par les effets négatifs certains d'une telle formule de contrôle des loyers. Et troisièmement, à la lumière d'expériences des grandes villes américaines, en particulier la ville de New York, où on a fait l'expérience d'une formule de contrôle des loyers semblable à celle proposée.

On a constaté que les effets s'étaient avérés désastreux comme nous avons tenté de vous le résumer. D'ailleurs, nous avons produit, en annexe à ce rapport, des études qui ont été faites.

Premièrement, le marché comporte une offre suffisante pour permettre le jeu de la libre concurrence. On peut se poser la question, d'une façon claire et nette. Est-ce qu'il y a rareté? Nous savons que le taux général de vacance pour les propriétés de six logements et plus, et ceci on l'explique à la page 9, est de 5.6 p.c. qui est un taux normal. On dit un taux de 5.6 p.c. pour les logements financés à l'aide de fonds publics et de 4 p.c. pour ceux construits à l'aide de fonds publics. Ces statistiques démontrent également que les taux de vacance selon la taille des immeubles varient de 3.3 à 7 p.c. et que seules les structures de 200 unités et plus ont un taux de vacance inférieur à 5 p.c. Ces statistiques démontrent également que, pour les immeubles groupés sur le nombre de chambres, les taux de vacance varient de 2.4 p.c. à 9.9 p.c. avec le pourcentage le plus élevé de vacance se retrouvant dans les logements du genre "studio" ou, communément appelés, peut-être "bachelor". Je passe maintenant aux buts à atteindre pour rencontrer les objectifs. C'est pour l'ensemble de la population. Nous citons un certain nombre de moyens. Page 11. Pour atteindre les objectifs ci-haut définis, soit ceux de fournir à l'ensemble de la population des conditions de logement décentes, nous croyons que trois buts doivent être atteints. Les unités de logement disponibles doivent être préservées, et elles doivent être maintenues dans des conditions de sécurité et d'hygiène convenables. Les unités de logement qui ne répondent pas à ces standards minimaux doivent être améliorées de façon à correspondre au standard de vie minimum auxquel l'ensemble de la population a un droit indiscutable. Deuxièmement, l'offre d'unités de logement doit être suffisamment considérable pour permettre une liberté de choix, à un coût qui corresponde aux divers standards de logement, pour la population dont les besoins en matières de logement varient d'une année à l'autre et au cours des années.

Troisièmement, des incitations, et nous considérons que ceci est très important, à la construction de nouvelles unités domiciliaires doivent être prévues de façon à combler la demande, sans cesse croissante, et à remplacer les unités de logement existantes qui ne peuvent pas être améliorées de façon à répondre à des standards acceptables.

Le premier de ces buts, soit la préservation et l'amélioration de l'offre des unités de logement existantes, ne peut être atteint, à moins que cette commodité que constitue le logement puisse être offerte à un prix que peuvent payer les locataires et qui, en même temps, puisse rendre le maintien et l'amélioration de ces unités de logement économiquement réalisables. Je pense qu'il doit y avoir un équilibre entre ce qu'un homme peut payer et ce qu'un propriétaire peut dépenser pour maintenir dans les conditions normales.

Le second objectif, soit celui de maintenir une offre suffisamment considérable, ne peut certainement pas être maintenu en décourageant l'investissement dans la construction de nouvelles unités domiciliaires par le moyen d'une limite artificielle sur les revenus que peut procurer la location de ces unités. Quant aux mesures incitatrices à la construction de nouveaux logements, un contrôle des loyers est tout à fait à l'opposé d'un tel but.

Aux pages 14 et suivantes, nous faisons un résumé des effets néfastes qui se sont produits dans les grandes villes américaines telle que New York. Je voudrais simplement résumer d'une façon très simple et énumérer les effets néfastes qui ont été constatés et que vous trouverez dans les différents rapports, le rapport Backman, le rapport Kristof et le rapport Rand et les autres qui sont à l'annexe.

Premièrement, diminution progressive de l'inventaire d'unités de logement disponibles pour fins de location. Accélération rapide du nombre de bâtisses démolies ou abandonnées. Troisièmement, augmentation proportionnelle et absolue du nombre d'unités de logement classifiées comme sous-standard. Quatrièmement, augmentation des frais d'exploitation des propriétaires, comprenant les taxes, l'intérêt, la main-d'oeuvre, le combustible et l'entretien général, plusieurs fois supérieure à l'augmentation des loyers permise par les organismes de contrôle.

Absence d'uniformité dans l'application du contrôle des loyers. Sixièmement, diminution sensible de la construction de nouvelles unités de logement. Septièmement, refus systématique des sources de financement institutionnelles d'effectuer le financement de construction domiciliaire là où s'applique le contrôle des loyers. Huitièmement, désaffectation des professions de l'immeuble pour le marché des unités de logement à loyer...

Si on prend les diminutions d'inventaire, on peut constater que dans la ville de New York, en effet, le taux de vacance pour les unités de logement qui était de 3.2 p.c. en 1965 a été réduit à 1.2 p.c. en 1968. Ceci, vous le trouvez dans le rapport du New York City Rand Institute intitulé "Rental Housing in New York City".

Egalement, l'augmentation du nombre des bâtiments démolis ou abandonnés. Ainsi, dans la ville de New York, 18,000 unités furent démolies entre 1965 et 1967. Un grand nombre de bâtiments ont été abandonnés pour diverses raisons. Ainsi, en 1960, il y avait environ 1,000 bâtisses abandonnées dans la ville de New York alors qu'en 1968, il y en avait 7,100 contenant quelque 157,000 unités de logement. Ces bâtiments abandonnés se retrouvent vacants, fermés, etc.

Le rapport Rand signale également, en rappelant les mêmes statistiques, que quelque 114,000 unités de logement ont été retirées du marché entre 1965 et 1967 dans la seule ville de New York et ceci, en plus des 18,000 unités démolies.

Les ventes pour non-paiement des taxes, signale le rapport, ont doublé dans la ville de New York de 1965 à 1967. Le rapport signale également que des 126 bâtiments pris sous tutelle par la ville de New York depuis 1962 à cause de leur condition dangereuse, 17 seulement ont été repris par leur propriétaire. Le rapport signale que, dans au moins 80 p.c. des cas, les unités de logement qui ont été perdues étaient classifiées en 1965 comme bonnes ou en voie de détérioration, mais pas complètement détériorées.

Ce sont des bons logements mais, à un moment donné, vu le manque de revenus, le propriétaire n'avait pas d'autre choix que de les abandonner et ne pouvait plus dépenser et rien mettre... Si on regarde les statistiques que nous avons décrites à la page 19, on peut voir ce qui se passe de 1960 à 1968. Les logements ordinaires passent de 1,400,000 en 1960 à 1,181,000 dans la grande ville de New York.

Bonne condition, avec tous les services de plomberie, les unités passent de 1,173,000 à 894,000. En voie de détérioration, avec tous les services de plomberie, on voit là qu'il y a augmentation: 231,000 en 1960 et 286,000 en 1968. En fin de compte, si on prend l'ensemble, détériorés: 42,000 en 1960 contre 79,000 en 1968. Si on prend maintenant les disproportions entre les augmentations de loyer et les augmentations de frais d'exploitation, c'est là qu'on voit que, peut-être, il y a un réel problème et un problème plus sérieux qu'on peut le penser.

Ainsi, le rapport du comité du maire sur le contrôle des loyers de décembre 1969 signale que, depuis 1945, les frais d'entretien des bâtiments ont augmenté à une moyenne de 6 p.c. par année, ce qui comprend 3 p.c. attri-buable à l'inflation — ce qui est très conservateur, je pense — plus une augmentation générale de 3 p.c. dans le coût combiné des réparations, des services aux bâtisses, de l'administration, des utilités publiques et de l'assurance. En plus — il ne faut pas les oublier — les taxes, signale le rapport, ont augmenté à un rythme de 4 p.c. à 6 p.c. par année et les taux d'intérêt ont plus que doublé depuis 1945, alors que, par contraste, les loyers dans le secteur des loyers contrôlés ont augmenté, en moyenne, de 2 p.c. par année.

Le rapport signale que, comme résultat de ces pressions économiques, les propriétaires de ces unités de logement ont été forcés soit d'absorber les pertes, soit de réduire sensiblement l'entretien et que cette dernière alternative a été suivie de réductions de loyer et que des réductions de loyer ont été accordées, diminuant ainsi les revenus et amenant inévitablement une réduction de l'entretien et des services.

C'est un cercle vicieux parce qu'en fin de compte il n'y a pas de miracle dans ce domaine comme nulle part ailleurs. Alors, quand les coûts de production augmentent, le consomma--teur doit en payer une partie si on n'a pas les moyens de freiner ces augmentations. En fin de compte, si l'on regarde à la page 21, où on ne fait simplement que souligner quelques appréciations des volumineux rapports que vous trouvez à la fin, on voit que, dans tous ces rapports, comme le signale le professeur Back-man aux pages cinq à neuf de sa propre étude, une disproportion fantastique existe entre les augmentations des frais d'exploitation et les augmentations de loyer. Ainsi, le professeur Kristof signale que de 1943 à 1968, le loyer médian, brut, des unités sous contrôle des loyers n'a augmenté que de 110 p.c. alors que le loyer médian des unités qui n'étaient pas sous le contrôle des loyers a augmenté de 245 p.c. Alors, disproportion. Le rapport Kristof signale que, pour la même période, l'indice des frais d'exploitation du New York City Housing Authority, qui est l'équivalent de notre Société centrale d'hypothèques, pour les projets à loyer modique, a augmenté de 285 p.c. et que les taxes foncières de la ville de New York ont augmenté de 84 p.c. Montréal vient très près en arrière. Le rapport Kristof signale également qu'en 1960 et en 1968, le loyer médian des unités sous contrôle des loyers a augmenté de 22.2 alors que le loyer médian des unités qui ne sont pas sous contrôle a augmenté de 30.6 et que, durant la même période, les frais d'exploitation ont augmenté de 47.5 et le taux de taxation de 28.9.

Alors, diminution des nouvelles unités de construction. Le rapport du comité du maire, toujours de la ville de New York, signale que pour l'année 1960, qui était une année normale, l'émission des permis de construction a été de 26,600 unités. Pour l'année 1962, qui était une anormale à cause du changement de zonage et de l'empressement des constructeurs à construire pour profiter des droits acquis sous l'ancien règlement — parce qu'à ce moment-là, il y a eu

un nouveau règlement de zonage qui rendait plus sévère l'usage du sol — l'émission des permis a été de 40,300 unités. Alors qu'en 1968 — alors que là, on voit l'effet — 3,994 permis seulement ont été émis et que le nombre prévu pour 1969 était le même. Par ailleurs, dans la région de Boston, à la page 24, un document publié sur la situation des loyers en date du 13 mars 1972 signale que la construction avec financement privé de nouvelles unités de logement a diminué à Boston — et que je pense qu'on peut considérer Boston comme une ville à dimension semblable à Montréal — a diminué de 3,898 unités en 1970 à 1486 unités en 1971, soit une baisse de 62 p.c. à Brookline de 265 unités en 1970 à 39 unités en 1971, soit une baisse de 86 p.c; à Cambridge, de 548 unités à 278 unités, soit une baisse de 49 p.c. alors que partout ailleurs, dans le Commonwhealth du Massachusetts, on a enregistré une augmentation globale de 77 p.c. dans le nombre d'unités nouvelles construites par le financement privé. Dans le prochain rapport, je vous inviterais à lire attentivement également le rapport de M. Klives sur la fuite des prêteurs institutionnels. Je pense que c'est un aspect sur lequel il faut se pencher parce qu'en fin de compte on se plaint toujours que les investisseurs ont des craintes à venir investir au Québec. Je pense qu'il ne faut pas leur faire peur davantage. Alors, qu'il soit suffisant de citer ici le passage...

M. CHOQUETTE: Le Parti québécois dit que ce n'est pas vrai.

M. VIAU: Ah! vous savez, parfois, il faut voir une lumière même si on la trouve éblouissante.

M. PAUL: Vous ne parlez pas du député de Saint-Jacques quand vous parlez d'éblouissant.

M. VIAU: Non, monsieur. Je ne ferai pas de personnalité parce que je respecte tous et chacun de ceux qui sont à cette table. Qu'il soit suffisant de citer ici le passage suivant du rapport: "Interviews with banks and other mortgage lenders confirm our general impression that institutional investors are, as rapidly as possible, reducing their port-folios of controlled housing and of housing in deteriorated neighborhoods.

One industry spokesman said: "No major mortgage firm will now. take an application on rent-controlled buildings, nor can we help our owners renew their mortgages when they are coming due. We have taken a survey and we found out that rent-controlled appartment houses have dropped in sales value by 40 p.c. in the last two years."

On peut déjà remarquer d'après les statistiques — on revient chez nous — récentes de la Société centrale d'hypothèques et de logement des tendances accentuées à la baisse dans la proportion des prêts consentis par le secteur privé, qu'on appellera prêts conventionnels par rapport aux prêts consentis aux assurés par le secteur public au Québec. Ainsi, alors que, pour 1969, les prêts publics représentaient 39.8p.c, les prêts conventionnels représentaient 44 p.c. et les prêts privés 16 p.c. En 1971, la proportion est complètement renversée. Dans le secteur public, 58 p.c, soit une augmentation de 46 p.c., de prêts institutionnels — ici, malheureusement, il y a une erreur dans le texte, au lieu d'augmentation entre parenthèses, cela devrait être diminution — 21.9p.c. à comparer à 44 p.c. en 1969.

M. CHOQUETTE : A quoi attribuez-vous cela, M. Viau? D'après vous, quelle en est la cause?

M. VIAU: Je pense que l'économie est malade et je pense que c'est une des causes les plus fondamentales.

M.PAUL: Le Crédit social, la Banque du Canada.

M. VIAU: Je pense qu'il ne faut pas empirer la situation.

M. CHOQUETTE: Non, d'accord. Vous dites: L'économie est malade. Vous êtes comme un médecin.

M. VIAU: Non, je ne suis pas médecin.

M. CHOQUETTE: H faut que vous disiez où est la maladie d'après vous.

M. VIAU: Je pense qu'il y a un manque de confiance, une certaine hésitation, une certaine crainte de la part de ceux qui veulent investir, qui ne savent pas en fin de compte... devant l'augmentation des taxes. Prenez l'exemple de celui qui veut investir. Le bonhomme qui veut construire une maison d'appartements dans la ville de Montréal. Si on compare cela à 1969, dans l'île de Montréal, à ce moment-là, il pouvait calculer ce que cela lui coûtait en taxes. Mais depuis ce temps, il y a eu une augmentation considérable de taxes, de frais d'entretien, etc. Donc, à un certain moment, le bonhomme dit: Je suis aussi bien d'acheter des obligations de la province à 9 1/4 p.c. plutôt que de risquer d'avoir seulement 4 p.c. ou 5 p.c. sur mon investissement.

M. CHOQUETTE: Je ne dis pas que ce que vous venez de nous dire ne contient pas une partie de bon sens et nous pourrons même en parler tout à l'heure. Mais vous avez relevé des statistiques qui semblent indiquer une modification dans les prêts hypothécaires. C'était l'objet des statistiques que vous nous avez données.

M. VIAU: Oui.

M. CHOQUETTE : Et il semblait qu'il y avait eu un déplacement dans les prêts hypothécaires

de la part des prêteurs, si j'ai bien compris l'objet des statistiques. Vous nous avez dit en somme: II y a une chute des prêts hypothécaires consentis par les compagnies d'assurance, les fonds de pension. Je crois que c'est cela que vous aviez à l'idée, sans le dire.

M. VIAU: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Je crois que vous dites aussi que la chute est de 44 p.c. à 29 p.c. du total des prêts consentis dans le Québec. C'était bien cela?

M. VIAU: C'est cela. Les prêts conventionnels représentaient 44 p.c, alors cela se trouve le dernier paragraphe.

M. CHOQUETTE: D'accord. Je vous demande ici. Il y a évidemment les prêts qui n'ont pas été faits par les compagnies prêteuses ou les prêteurs institutionnels comme vous les appelez, compagnies d'assurance-vie, peut-être des banques, peut-être les fonds de pension, les compagnies de fiducie.

M.VIAU: C'est cela.

M. CHOQUETTE : Qui les a remplacés comme prêteurs?

M. VIAU: Le secteur public, la Société centrale d'hypothèques et de logement et la Société d'habitation du Québec, je présume. Parce que nous voyons qu'il y a augmentation du secteur public. Ce dernier prêtait, en 1969, 39.8 p.c. et 58 p.c, en 1971. C'est là que se trouve la différence.

M. CHOQUETTE: Cela, c'est pour toute construction au Québec?

M.VIAU: Ce sont les statistiques, M. le ministre, qui ont été publiées par la Société centrale d'hypothèques. C'est à l'avant-dernière page du mémoire.

M. CHOQUETTE: Attendez!

M. VIAU: Voici. Nous avons d'ailleurs plusieurs professionnels de l'immeuble qui pourront répondre de façon spécifique, M. le ministre, et si vous voulez avoir une réponse immédiatement, M. Lefebvre pourrait peut-être vous donner une explication; il est un professionnel de l'immeuble.

M. LEFEBVRE: Si vous permettez, M. le ministre, je vais essayer de répondre le plus clairement possible à votre question. Les institutions prêteuses, quelles qu'elles soient, que ce soit une compagnie de fiducie, une compagnie d'assurance, une banque, une succession, un fonds de pension, recherchent évidemment la sécurité de leur capital. Si elles investissent dans une hypothèque, il faut que leur capital soit assuré d'un rendement et d'une sécurité.

Les administrateurs de ces fonds, évidemment, ont des responsabilités vis-à-vis de leurs assurés ou de leurs actionnaires. Si, graduellement, ils pensent qu'un certain genre d'investissements, tel que l'investissement par fonds hypothécaires dans des propriétés à logements multiples, représente un risque accru qui ne justifie pas leur investissement ou que la demande de fonds peut être en plus grande sécurité dans une autre forme d'investissement, automatiquement, tranquillement, ils vont se retirer du marché ou ils n'accepteront que les prêts où la sécurité va être à toute épreuve. En d'autres mots, des prêts qui seraient demandés par un constructeur jouissant d'une excellente source de crédit ou d'une responsabilité très forte.

Mais, dès qu'un promoteur ou un constructeur va arriver avec une situation plutôt normale ou précaire, à ce moment, ils vont le refuser. Cela explique peut-être pourquoi le secteur public a compensé et augmenté sa participation.

M. CHOQUETTE: J'ai une charte ici qui illustre l'évolution de la nature des prêts dans l'habitation au Canada. On peut constater qu'il y a des fluctuations annuelles, 1961 à 1970, assez considérables dans l'étendue des prêts qu'accorde la Société centrale d'hypothèques et de logement. Par conséquent, même là, il y a des fluctuations qui dépendent, je pense bien, de la politique interne et de l'évolution de la construction et ceci entraîne d'autres rapports, changements, chez les prêteurs institutionnels auxquels vous avez parlé.

Il est évident que quelqu'un qui peut obtenir un prêt de la société centrale va aller emprunter à la société centrale plutôt qu'à une institution.

M. LEFEBVRE: Pas nécessairement, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Peut-être pas nécessairement, mais il me semble que la conclusion que vous tirez des modifications récentes dans l'intervention des compagnies prêteuses dans le marché hypothécaire... On ne peut pas en tirer la conclusion que c'est à cause d'une perte de confiance, d'une désaffection qu'on aurait pour l'immeuble. C'est peut-être qu'on a trouvé qu'il y avait d'autres endroits où le rendement de l'argent était aussi avantageux que le domaine du prêt hypothécaire, avec plus de liquidité que le domaine hypothécaire.

Les prêteurs regardent les différentes possibilités qu'ils ont au point de vue des prêts et ils balancent ça: liquidité, rendement et sécurité. Alors...

M. LEFEBVRE: Vous avez raison. Il n'y a pas seulement une cause; il y a plusieurs éléments de comparaison. C'est évident, vous avez parfaitement raison là-dessus.

M. CHOQUETTE: Probablement.

M. VIAU: Voici, à la page 28, nous disons: Tous ces effets pointent dans une seule direction: le contrôle des loyers entraîne un désinvestissement marqué dans le domaine du logement contrôlé. Nous cherchons encore la logique entre, d'une part, les efforts soutenus de l'Etat provincial pour attirer des investissements au Québec, et, d'autre part, le projet de code des loyers dont le plus sûr effet sera de décourager l'investissement dans un secteur vital de notre économie.

Facteur additionnel, la taxation. Qu'il nous suffise de signaler ici, une fois de plus, comme élément de la disproportion entre l'augmentation des revenus et l'augmentation des taxes, les augmentations chaotiques et périodiques, je pourrais dire, de la taxation foncière durant les dix dernières années dans une ville comme Montréal et ce, sans planification financière à plein terme. Nous n'avons qu'à regarder la reproduction d'un état financier que nous retrouvons à l'annexe 7.

C'est la photocopie d'une page du rapport financier de la ville de Montréal où on voit la montée plutôt étourdissante...

M. CHOQUETTE: Quelle page? M. VIAU: ... de 1963-1964 à... M. CHOQUETTE: Quelle page?

M. VIAU: Cela est à la page... Malheureusement, nous les avons mis par annexes; c'est à peu près à la dernière petite partie.

M. BACON: Tableau 5?

M. VIAU: Au tableau 7. Vous verrez que de 1963 à 1964, alors que la taxe était de $2.30, elle est rendue à $3.36, sans compter la taxe de luxe de $0.40 sur les immeubles de plus de $100,000.

M. CHOQUETTE: M. Viau, je suis d'accord avec vous et je déplore, je regrette avec tous les Montréalais, les habitants de l'île de Montréal, ces augmentations de taxes foncières et vous pouvez être sûr que nous sommes aussi sensibles à la question de ce côté-ci de la barre que vous pouvez l'être de l'autre côté. Mais si on compare le niveau de la taxation foncière à Montréal avec le niveau de la taxation foncière dans d'autres villes, pas seulement canadiennes, mais américaines, par exemple, est-ce que vous avez déjà fait des études sur cette question?

M. VIAU: M. Baudouin est capable de vous répondre, parce qu'il a étudié le problème à l'occasion.

M. BAUDOUIN : On a suivi la progression graduelle des taxes dans les grandes villes américaines et canadiennes, et Montréal a été, jusqu'à tout récemment, à l'avant-garde, de beaucoup. Toronto vient à peine de nous surpasser, mais cela dépend si on prend la taxe d'eau en considération ou non. Mais si on prend la taxe d'eau en considération, à ce moment-là, on garde notre avant-garde.

M. CHOQUETTE: Dans les villes américaines, M. Baudouin, dans les grandes villes...

M.BAUDOUIN: C'est dans l'ordre de 20 p.c. du revenu brut. Le fardeau de taxes municipales est dans l'ordre de 20 p.c. de la dépense du revenu brut, tandis que dans les propriétés à revenus — propriétés à immeubles multiples, les grosses bâtisses — à Montréal, c'était, l'an dernier, de l'ordre de 27 p.c. Je n'ai pas les derniers chiffres, mais mes immeubles, à moi, ont dépassé les 30 p.c. A Calgary, à Vancouver, c'est considérablement moins, c'est dans les 22 p.c. ou 24 p.c.

M. CHOQUETTE: Vous dites qu'à Toronto la taxe foncière est plus élevée?

M. BAUDOUIN: Comme je vous dis, si on met la taxe d'eau ou non. Avec la taxe d'eau, on est...

M. CHOQUETTE: Municipale et scolaire?

M. BAUDOUIN: Municipale et scolaire, le fardeau de taxation foncière sur un immeuble. Montréal est la ville où le fardeau est le plus fort sur les immeubles à revenus.

M. VIAU: Nous disons ici que c'est un phénomène connu que les municipalités, en particulier, se voient imposer par les autorités supérieures des responsabilités sans cesse croissantes qu'il suffise de signaler malheureusement les communautés urbaines, l'intégration des services de police, la régionalisation des évaluations foncières, l'inspection des aliments...

M. CHOQUETTE: Un autre beau sujet pour que vous reveniez ici.

M. VIAU: Je suis toujours prêt à répondre à votre invitation.

M. CHOQUETTE: Vous nous avez tellement dit que nous avions raison dans le temps.

M. PAUL: Est-ce que vous avez été consulté récemment par le maire de Pointe-Claire? Vous n'êtes pas obligé de me répondre.

M. VIAU: Je suis consulté à plusieurs reprises parce que je suis conseiller juridique, mais je ne suis pas toujours consulté... sans pour autant...

M. CHOQUETTE: On vous consulte après coup, quand on est mal pris.

M. VIAU: ... que les sources de revenu des municipalités soient augmentées en proportion.

Nous comprenons parfaitement bien que les difficultés de revenu des gouvernements locaux sont parties des difficultés de revenu de la province et du problème constitutionnel du partage de l'assiette fiscale.

Ainsi, on pourrait vous donner l'exemple de Montréal où la taxe d'eau a été augmentée de 50 p.c., alors que des propriétaires avaient des baux à long terme et ils ont été obligés d'absorber, sans être capables de pouvoir même récupérer. Ainsi sur une propriété de $1,000,000, cet état fait voir, entre 1963 et 1964, et 1972, 1973, une augmentation des taxes municipales et scolaires de 63.5 p.c. si la propriété appartient à un individu et de 66.5 p.c. si la propriété appartient à une société, parce qu'il y a la taxe scolaire qui donne une augmentation et aussi nous devons mentionner les $0.40 sur l'évaluation à l'excédent de $100,000. Nous avons toujours cru et nous répétons qu'il s'agit là d'un cataplasme qui n'a aucune base équitable en justice et en économie.

Alors, la conclusion sur les problèmes que nous pouvons constater à New York et à Boston. Le gel des loyers, immédiatement ou par personne interposée, sans un gel global des prix et des salaires, à notre avis, ne constitue pas une mesure réaliste dans l'état actuel des choses. Quand on parle de salaire, vous avez actuellement les coûts; ce n'est pas un reproche que les plombiers et que les menuisiers gagnent des salaires plus élevés mais quand les propriétaires sont rendus à payer $9.50, $9.75 l'heure pour un plombier, je crois qu'ils y pensent deux fois avant de le faire venir pour effectuer des réparations dans des logements qui leur rapportent très peu. Maintenant, nous avons un certain nombre de solutions à proposer qui se rapportent directement à ce problème du logement. En premier lieu, nous croyons qu'il est important d'avoir une loi de l'urbanisme. Cela fait déjà plusieurs années et les rumeurs veulent que bientôt cette loi soit déposée devant l'Assemblée nationale. Nous croyons que le marché de l'immeuble en général et le marché de la location seront grandement améliorés à tous points de vue si la loi de l'urbanisme actuellement en préparation s'inspire des concepts d'urbanisme modernes et incite les personnes ou organismes, y compris les municipalités, chargés de l'administration de l'urbanisme et du zonage à encourager la construction d'unités domiciliaires plutôt que de la décourager.

Planification financière. Il s'agit d'un point très important. Nous croyons que les gouvernements locaux devraient être forcés par législation à planifier à l'avance non seulement leurs dépenses capitales, mais également leurs besoins budgétaires, de telle sorte que la croissance et l'incidence du fardeau fiscal financier foncier puissent être prévues raisonnablement à l'avance. Dans le même ordre d'idées et de façon générale, nous croyons que dans ce domaine comme dans bien d'autres, un réaménagement fiscal, une fois pour toutes, entre les divers paliers de gouvernements fédéral, provincial, municipaux et scolaires s'impose et c'est peut-être un des points les plus importants. Parce qu'en fin de compte les municipalités, on le sait, fonctionnent au petit bonheur. Et que ce soit la grande ville de Montréal en descendant, on dépense, on dépense mais on ne planifie pas et les dépenses souvent dépassent ce que normalement le contribuable peut être en état de supporter. Que ce soit le gros, le moyen ou le petit contribuable. Et après cela, on vient se plaindre au gouvernement supérieur et on le lui demande parce que le gouvernement supérieur, ce sont toujours les mêmes citoyens qui payent. Que ce soit fédéral ou provincial, c'est toujours Jean-Baptiste qui paye et qui doit être taxé. Il est devenu évident que la taxation foncière comme source principale de revenus pour les municipalités et les gouvernements scolaires locaux est dépassée. Et tant et aussi longtemps que les gouvernements locaux seront forcés d'augmenter de façon inconsidérée la taxe foncière pour faire face à des besoins essentiels de revenus sans cesse grandissants, les coûts aux propriétaires d'unités de logement augmenteront dans la même proportion et en conséquence les loyers.

Code du bâtiment. Nous croyons qu'il est opportun d'avoir un code du bâtiment suivant des normes et des techniques modernes. Vous avez actuellement des codes de bâtiment, des règlements de construction qui varient d'un endroit à l'autre, en province. Et vous avez, même dans la ville de Montréal, le fameux règlement 1900 qui, dans certains cas, augmente le coût de construction de 20 p.c. à cause de certaines dispositions plus sévères et qui ne donne rien de plus à la sécurité. Je crois que ce serait un moyen.

Maintenant, des solutions particulières. L'information. Nous croyons que la mise sur pied d'une campagne d'information auprès de la population pour l'informer de ses droits et obligations en matière de logement pourrait faire beaucoup pour régler certains problèmes ou certaines carences en matière de logement. Carences ou problèmes qui tiennent avant tout de l'ignorance ou du manque d'information.

Nous croyons que l'existence de conseillers publics en matière de logement — ce qui pourrait très bien être une occupation pour ceux qui, actuellement, travaillent à la régie des loyers—...

L'accès à la justice. Alors, on a adopté cette loi des petites créances. Je vois le ministre qui sourit. C'est une loi dont le principe a été admis par tous, sans exception, et je tiens à le souligner. Aujourd'hui, il y a une facilité, même si on a empêché certains professionnels d'accompagner leurs clients.

Troisièmement: Assistance-loyer. Nous croyons qu'il s'agit là d'une mesure vitale. Nous croyons qu'à l'intérieur de la politique sociale

globale préconisée par le gouvernement, il devrait y avoir place pour une assistance directe de l'Etat aux économiquement faibles qui ne peuvent, avec leur revenu familial, se procurer des conditions de logement décentes, aux prix qui sont dictés par le marché.

Nous croyons que, du point de vue économique, il est plus sain de fournir une assistance à une couche de la population qui n'a pas les moyens de se procurer les conditions de logement décentes au prix du marché que de descendre artificiellement le prix du marché au moyen d'un contrôle des loyers, avec le résultat que l'inventaire d'unités de logement, comme ce fut le cas à New York, se détériorera et diminuera, rendant ainsi plus difficile encore la fourniture d'unités de logement convenables à l'ensemble de la population.

Nous croyons que l'Etat seul, sans le concours de l'entreprise privée, est incapable au moyen des seuls programmes publics d'habitation à loyer modique, de fournir rapidement à l'ensemble de la population défavorisée des conditions de logement acceptables. Nous pensons qu'il serait plus sage de laisser subsister côte à côte le secteur public et le secteur privé, de façon qu'ensemble les deux secteurs arrivent rapidement à une solution globale du problème du logement.

Mesures incitatrices. Nous croyons que les divers paliers de gouvernement devraient s'entendre pour développer ensemble des programmes d'incitation à la construction de nouvelles unités domiciliaires répondant aux standards requis et des programmes permettant l'amélioration et la transformation des unités. Il s'agit là d'une chose bien importante.

J'entendais le député de Saint-Jacques, tout à l'heure, qui parlait des cas de son comté, mais je crois que c'est l'ensemble...

M. CHOQUETTE: ... le mot "ensemble", d'après ce que je vois.

M. HARDY: Cela fait partisan, un peu, dans la campagne fédérale !

M. VIAU: Si cela vous fait plaisir, tant mieux !

M. VEILLEUX: Vous ne faites pas d'anti-campagne.

M. VIAU: Non. Je ne fais pas d'anticampagne, ni de campagne. Mes loisirs ne me le permettent pas, à ce temps-ci.

En particulier, nous croyons que l'Etat devrait se charger du paiement, pour une certaine période, des taxes foncières supplémentaires occasionnées suite à une hausse d'évaluation par la rénovation des unités de logement sous-standard. Je m'explique. Il y a actuellement même des dispositions dans la Loi des cités et villes qui permettent à une municipalité d'adopter un règlement pour dire que, s'il y a un permis de construction qui est émis pour réparer, l'augmentation d'évaluation ne sera pas imposée pendant un certain nombre d'années. C'est dans cette optique que l'on dit qu'il devrait y avoir une contribution.

Maintenant, les municipalités disent: Ecoutez, nous n'avons pas les moyens de donner des subventions. Ce serait peut-être une suggestion pour la Société centrale d'hypothèques de venir en aide aux municipalités de cette façon.

L'Etat pourrait également songer à permettre la dépréciation accélérée, du point de vue fiscal, de ces rénovations, de façon à favoriser l'investissement dans de telles améliorations.

La question des condominiums. Nous avons, au Québec, une nouvelle loi des condominiums. Je crois qu'il y aurait lieu de penser sérieusement à inciter le citoyen à revenu modique à devenir propriétaire d'une unité dans une maison à appartements. Vous le savez, aux Etats-Unis, ce système s'est développé d'une façon considérable. Vous avez des unités qui s'achètent pour des $12,000 ou $15,000 dans des maisons d'appartements où il y a des services d'ensemble.

M. CHOQUETTE: Me Viau, je m'étonne, moi aussi, que la formule de la copropriété ou du condominium n'ait pas eu plus de succès que cela au Québec et je me demande si vos clients sont en mesure de nous donner les raisons. C'est sûrement une formule qui a eu du succès en Europe, en France et aux Etats-Unis.

M. PAQUET: M. le ministre, il y a plusieurs raisons à cela, à mon avis.

Une des raisons qui n'est peut-être pas la principale mais qui est quand même existante, c'est que les investisseurs, les prêteurs hypothécaires sont normalement des gens timides qui sont hésitants devant une nouvelle formule comme celle-là, une formule qui comporte quand même certains aléas parce que, en vertu de la Loi des condominiums, l'administration revient à un groupe de personnes qui, collectivement, peuvent administrer, bien ou mal, mais enfin des gens qui ne sont pas nécessairement des professionnels qui ont des compétences particulières dans le domaine de l'administration d'un grand immeuble.

Je sais pertinemment que certains investisseurs à qui j'en causais me disaient: Si j'ai le choix de prêter $1 million à un groupe de 200 personnes ou si j'ai le choix de prêter $1 million à Campeau Corporation, je vais prêter un million à Campeau Corporation. C'est un élément de la réponse.

Le deuxième élément de la réponse, c'est que, semble-t-il, les sociétés publiques de logement, du genre de la Société centrale d'hypothèques, et de la Société d'habitation du Québec, jusqu'à ce jour, ne se sont pas lancées dans le domaine du condominium.

La Société centrale d'hypothèques va encourager la personne à revenu moyen ou à revenu

faible à s'acheter un bangalow en banlieue, à dix, quinze, vingt milles du centre-ville, mais ne va pas encore se lancer dans un programme d'investissements de condominium près d'un centre-ville, ce qui aurait pour effet de permettre aux gens qui achètent ces condominiums, d'abord au point de vue économique, de payer moins cher pour une unité de logement de X pieds carrés que de payer un terrain et un bungalow et, deuxièmement, de couper sur les frais de transport, les frais et le temps de déplacement, etc. Enfin, il me semble que ce serait une solution à explorer par les programmes publics.

M. CHOQUETTE: On pourrait économiser beaucoup dans les services municipaux...

M. PAQUET: Egalement.

M. CHOQUETTE: Merci, monsieur, c'était très intéressant.

M. LEFEBVRE: Permettez d'ajouter, M. le ministre, que je souscris entièrement à ce que Me Paquet a dit, il y a peut-être aussi un autre facteur. Il y a peut-être la mentalité des gens de notre province. C'est un concept, comme vous dites, qui est très populaire en Europe, qui est populaire aux Etats-Unis et qui, à Toronto, semble, depuis plusieurs années, avoir pris beaucoup d'élan quoique, actuellement, il y a là un surplus d'unités parce qu'on en a trop mis en chantier.

Dans la province de Québec, à Montréal particulièrement, on voit que le phénomène commence à se discerner depuis tout récemment, depuis une année ou deux. Et on le voit surtout du côté anglophone de Montréal, du côté ouest de Montréal. La formule commence à prendre mais, du côté francophone, à ma connaissance, cela ne semble pas encore avoir pris forme.

Une des explications est peut-être la mentalité des gens. Cela peut peut-être prendre du temps avant de s'habituer à cette formule.

M. CHOQUETTE: Pour acquérir de l'importance dans le marché immobilier, il doit y avoir des constructeurs qui se font les promoteurs de ces systèmes de copropriété.

M. LEFEBVRE: Si la demande n'existe pas beaucoup, si la demande...

M. CHOQUETTE: C'est là qu'il faut que les constructeurs suscitent la demande, intéressent le public.

M. VIAU: Je pense que, s'il pouvait y avoir des fonds disponibles, soit de la Société centrale d'hypothèques ou de la Société d'habitation du Québec qui consentiraient à prêter dans cette optique, ça pourrait aider. Il n'y a aucune expérience de faite du côté d'Ottawa ou de la province dans ce domaine-là. Ce serait extrêmement intéressant.

M. le ministre, je crois que nous pouvons arriver aux conclusions. Premièrement, nous sommes fermement opposés au concept de socialisation intégrale par la mainmise d'une régie d'Etat qui se substituerait aux conditions du marché pour fixer les conditions de la location d'unités domiciliaires dans tout le Québec.

Deuxièmement, nous croyons que la mise en place d'une telle solution aurait au Québec comme dans les villes de New-York et de Boston l'effet contraire de l'effet recherché, soit celui d'empirer les conditions de logement tout en tuant le marché de l'immeuble pour des fins de location domiciliaire, accélérant ainsi la détérioration des unités existantes et en empêchant ou en réduisant considérablement pour l'avenir tout investissement des unités de logement domiciliaire.

Nous croyons que la solution au problème du logement réside dans une collaboration positive entre le secteur public et le secteur privé qui aurait pour effet d'encourager le secteur privé à appuyer le secteur public dans ses efforts pour fournir à l'ensemble de la population — et nous sommes absolument catégoriques sur ce point — des conditions de logement acceptables et qui correspondent aux besoins et à la dignité humaine de l'ensemble des Québécois.

De même, nous croyons qu'une étude économique complète devra être entreprise sur la situation du logement au Québec de façon à identifier les besoins réels de telle sorte que, si une loi en matière de loyers est requise, cette loi réponde vraiment à des besoins concrets.

Malheureusement, le projet de loi ayant été déposé durant la période des vacances et les délais pour présentation ayant été limités — ce n'est pas un reproche mais une constatation — il nous a été physiquement impossible d'entreprendre une telle étude, ce qui aurait été l'intention bien arrêtée de nos mandants. Pourtant une telle étude est essentielle pour apprécier le projet de loi par rapport aux besoins réels.

Nous voudrions avoir le temps de faire une telle étude. Ainsi, nous demandons à cette commission de proroger pour une période de six mois le délai imparti pour la présentation des mémoires sur le projet de loi et l'autorisation de lui présenter un second mémoire après ce délai basé sur les données recueillies de cette étude économique. Si le gouvernement désire entreprendre lui-même cette étude, nous lui offrons notre franche et entière collaboration à cette oeuvre. Une telle étude permettrait de mettre en lumière les réalités économiques pertinentes au marché de la location d'immeubles pour fins résidentielles au Québec et de déterminer quelle forme d'intervention l'Etat doit faire sur ce marché pour qu'il soit économiquement viable et de nature à produire les

effets désirés par le projet de loi. Si tel est le cas, loin de nous opposer à une loi faite dans ce but et basée sur une étude économique sérieuse, nous travaillerons de concert avec le gouvernement à chercher des solutions pratiques pour réaliser les effets recherchés par cette loi.

En d'autres termes, M. le ministre, nous croyons que l'aspect économique n'a pas été étudié de la façon qu'il aurait dû l'être. Ce n'est pas un reproche à vos fonctionnaires qui ont travaillé en toute bonne foi pour préparer ce projet, mais il y a également un regret que j'exprime, et je le fais à titre d'avocat, c'est qu'on n'ait pas peut-être confié un travail au début à l'Office de révision du code civil, car, encore une fois, je fais miennes les remarques qui ont été faites ce matin, je trouve qu'on multiplie les lois.

Nous avons un livre au Québec qui s'appelle le code civil et il y a des dispositions qui concernent la location. Pourquoi toujours multiplier les lois, alors que nous allons nous retrouver avec deux lois parallèles et à nous demander à un certain moment laquelle devra s'appliquer?

Le problème est d'envergure. On me dira qu'on ne peut pas abandonner le contrôle, il y a des gens qui seront affectés, très bien. Mais je crois qu'avant d'adopter une loi de cette nature, il serait préférable simplement de renouveler le texte de la loi existante et, dans un second temps, dans quelques mois, tous les intéressés pourraient se pencher d'une façon sérieuse et à la lumière des expériences. D'ailleurs, si vous permettez, à New-York, il y a une évolution considérable.

Je puis vous lire ce document tout simplement, et ce sera le mot de la fin. C'est en anglais et je vais le lire en anglais, si vous le permettez. In June 1971, New York State enacted a law removing both rent controlled and stabilized apartments — parce qu'un système a été innové entre-temps — from all rental restrictions upon vacancy. A second law was enacted preventing New York City from inacting any rent control laws or regulations most stringent than those already in force. The purpose of these laws is to gradually phase out all control and provide — c'est important — incentives for new construction and rehabilitation. M. le Président, on a fait l'expérience pendant X années; des études nombreuses ont été faites. On a constaté qu'il y avait des défectuosités, que la ville de New York, surtout la ville de New York, était dans un état lamentable au point de vue du logement. Alors, l'expérience doit toujours être un guide, qu'elle soit à New York ou à Boston, et je crois qu'elle est valable. Messieurs, nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions, si vous en avez, sur l'aspect que nous avons présenté ce matin.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: J'ai des questions à poser à M. Viau.

M. LE PRESIDENT: II faudrait ajourner les débats pour midi et demi.

M. CHOQUETTE: Oui? Alors, on pourrait ajourner les travaux à midi et demi? D'accord. Alors, M. Viau, vous avez, dans vos observations, fait état du taux de vacance actuel qui prévaut, je ne sais pas si c'est à Montréal, à Québec ou en général, vous avez dit que le taux de vacance s'établissait à 5. 6 p.c, n'est-ce pas?

M. VIAU: Oui.

M. CHOQUETTE: Et ceci s'applique à Montréal ou à l'ensemble du Québec?

M. VIAU: A Montréal, au Montréal-métropolitain. Nous l'avons d'ailleurs dans l'annexe VIII, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Oui. De cela, vous avez tiré la conclusion — si j'ai bien compris — qu'il n'y avait pas de crise en somme dans le logement, qu'il n'y avait pas de problème important dans le logement, étant donné que ce facteur de vacance vient en somme permettre au marché normal de l'offre et de la demande de s'exercer dans des conditions de relative égalité entre propriétaires et locataires.

M. VIAU: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Mais j'attire votre attention sur le fait que le taux de vacance est beaucoup plus élevé dans les logements qu'on appelle studio ou "bachelor". D'ailleurs, vous l'avez reconnu vous-même au moment... Je ne dis pas que vous avez cherché d'aucune façon à dénaturer la situation, mais j'attire votre attention sur le fait que le taux de vacance est pour ainsi dire nul dans les logements qui méritent justement primordialement le contrôle des loyers, c'est-à-dire les logements assez anciens, assez spacieux pour loger des familles. C'est là où l'offre et la demande ne peuvent pas jouer dans des circonstances optimales, parce qu'il n'y a pas de taux de vacance dans ce genre de logement. C'est là qu'il y a une crise, un problème de logement. Tandis que lorsqu'on arrive dans le domaine du "bachelor", où il y a eu une surproduction à Montréal, on sait que le taux de vacance est élevé et que c'est un marché qui s'est effrondré depuis un an à peu près parce que les "bachelors" se vendent à peu près trois fois leur revenu.

Ce n'est sûrement pas la préoccupation principale du législateur que de réglementer les "bachelors". Je veux dire que si nous avions seulement ce problème, nous n'étudierions pas de loi aujourd'hui. Ce qui nous intéresse, ce sont les familles, les logements nécessaires à ces

familles, les gens économiquement défavorisés qui sont dans ces situations. C'est ce qui nous intéresse primordialement.

M. VIAU: M. le ministre, si vous le voulez, je vais vous référer au tableau IV. D'ailleurs, quand vous parlez de la question des "bachelors", ce sont des logements qui, pour la plupart, ne sont pas sous le contrôle des loyers. Si vous regardez le tableau IV, vous verrez que c'est exact que les studios — ce qu'on appelle les "bachelors"— représentaient en 1971-72, 10 p.c. des vacance. Si on parle des logements à deux chambres, nous retrouvons un taux de 5.8 p.c. et trois chambres et plus de 4.5 p.c. Je peux vous donner un exemple pratique. Je demeure dans la cité de Lachine. Il y avait au mois de mars environ 600 logements vacants. Je ne dis pas que c'étaient tous des logements de première qualité, mais cette augmentation des logements vacants a résulté de la construction d'un centre d'habitation de 400 unités, avec l'aide de la Société d'habitation. Nécessairement, il y a eu un drainage vers ces maisons et on se retrouve avec 600 unités vacantes dans les limites de Lachine, ville mixte où il y a population ouvrière à cause de ses nombreuses industries et c'est un taux qui est plutôt anormal.

Je peux vous dire que les unités familiales de deux ou trois chambres, il y en a tant et plus. On dit qu'il n'y a pas de rareté comme on peut le concevoir lorsque cela a été premièrement conçu durant la guerre et maintenu même après la guerre, alors qu'on n'avait pas pu encore construire assez d'unités, soit pendant la période..., je crois que la première loi de contrôle des loyers dans la province date de 1951. C'est cela, parce que, jusqu'en 1951, c'est le fédéral qui s'en occupait. La province a alors pris le tout en main. Mais je crois qu'il n'a pas de comparaison possible avec cette période, alors qu'aujourd'hui on veut étendre ce contrôle à toute unité de logement, quelle qu'elle soit, que se soit le "bachelor",...

M. CHOQUETTE: Mais, là, nous touchons à des notions précises.

M. VIAU: Nous en étions au taux de vacance...

Voici quel était le taux de vacance en 1972, par secteur à Montréal — c'est assez intéressant — pour les logements de trois pièces et plus, les logements qui en somme sont la principale préoccupation du législateur, c'est ce qui nous intéresse. Dans le centre, c'était 3. 2 p.c, dans le nord-ouest, c'était 3. 9 p.c, dans le nord-ouest 0 p.c, dans l'ouest, 5. 7 p.c, dans l'est, 1. 6 p.c. et dans le sud, 0. 2 p.c.

Alors, si on examine les quartiers où le taux de vacance est le plus bas, il se trouve que ce sont les quartiers les plus pauvres, ce qui nous conduit à la conclusion qu'il y a là un problème en ce sens que le jeu de l'offre et de la demande ne joue pas parfaitement et qu'il y a un avantage indu qui appartient aux propriétaires.

M. PAUL: Si vous permettez, M. Viau.

M'. VIAU: C'est sous contrôle, ces logements-là, à l'heure actuelle.

M. CHOQUETTE: C'est exact.

M. VIAU: C'est ce que donne le contrôle.

M. CHOQUETTE: Nous n'allons pas entreprendre une autre discussion. Je ne pense pas que nous puissions attribuer à la Régie actuelle des loyers la responsabilité qu'il n'y ait pas suffisamment de logements en chantier et en construction pour les familles à revenu modeste.

M. VIAU: D'accord.

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas que nous puissions faire ça et que personne ne portera cette accusation. La preuve en est qu'à Montréal les logements qui sont soumis à un contrôle sont seulement les logements construits antérieurement à 1951.

M. PAUL: Mais qu'est-ce qui empêche la ville de Montréal de prendre ses responsabilités, en vertu du bill 12, et de voter un règlement municipal, faire la demande au lieutenant-gouverneur en conseil?

M. CHOQUETTE: Vous devriez adresser cette question intéressante à son honneur le maire de la ville de Montréal lors de son prochain passage ici.

M. PAUL: Mais qui vous dit qu'en posant ma question ce n'était pas à lui que je la dirigeais?

M. CHOQUETTE: Nous avons des chiffres à peu près identiques pour Hull et Québec.

M. PAUL: En avez-vous pour le territoire du Québec en général?

M. CHOQUETTE: Je ne crois pas que ça puisse être fait.

M. VIAU: Non, parce qu'en fin de compte je pense qu'en dehors des grands centres, le problème est...

M. CHOQUETTE: Maintenant, il y a un point sur lequel vous attirez notre attention et je tiens à vous dire, M. Viau, que ce n'est pas parce que le groupe que vous représentez prend une position opposée au projet gouvernemental, d'abord que ça nous froisse, et, deuxièmement, que nous ne sommes pas prêts à dialoguer et à entendre les arguments de valeur que vous pourriez nous apporter pour modifier notre position, si nécessaire.

Alors, je veux, au début de mes observations, quand même dire que j'apprécie l'objectivité dont vous avez fait part et qui a présidé au observations que vous avez faites.

M. VIAU: J'apprécie les vôtres, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Je voulais que ce soit bien compris.

M.PAUL: C'est beau.

M. CHOQUETTE: Vous avez dit, par exemple, que dans le cas de New York le contrôle avait causé des problèmes considérables. Mais il faut dire quand même que le contrôle new-yorkais n'est pas du tout le même que celui envisagé par le projet de loi et je crois que vous devez quand même le reconnaître. A New-York, il y a eu un véritable gel des loyers, chose qui n'a jamais existé ou enfin pas dans les années récentes au Québec et chose qui n'est pas la solution préconisée par le projet de loi que nous avons présenté. Ce n'est pas un gel des loyers; on permet les augmentations de loyer, mais on veut éviter les abus, on veut éviter que des propriétaires, si minoritaires soient-ils, utilisent une position de force, le fait que le marché du logement n'est pas absolument fluide que c'est un marché où il y a des résistances, où il y a une certaine difficulté à déménager pour le locataire entre autres, il y a le taux de vacance dont on faisait état. Ce qui nous préoccupe, c'est d'éviter des abus et le législateur n'entend pas réglementer et arrêter l'augmentation des loyers pour permettre aux propriétaires d'avoir quand même un rendement normal sur le capital et payer leurs dépenses. Alors, je pense que vous devez reconnaître avec moi la différence entre ce qui est dans le projet de loi et la situation que vous déplorez à New York.

M. VIAU: Oui, mais il y a toujours un commencement et les précédents peuvent créer à un moment donné...

M. CHOQUETTE: Oui...

M. VIAU: Un instant. Le ministre parle des abus, je crois que c'est indiscutable, nous sommes tous convaincus, et mes clients sans exception, qu'il faut empêcher les abus. D'un autre côté, nous soumettons que le contrôle est un moyen de faire réfléchir et d'empêcher les investisseurs de venir construire, alors que nous avons un besoin urgent et un besoin aigu de nouveaux logements. Je crois qu'on peut avoir un certain contrôle mais pas â un moment donné mettre sous contrôle toute unité. Actuellement, est-ce qu'il y a eu des abus, est-ce qu'on peut me révéler des abus criants au niveau de la province? Je ne crois pas que les abus aient été si considérables que cela puisse justifier une loi qui aille aussi loin, parce qu'on dit qu'elle ne va pas aussi loin que celle de New York. Très bien, mais New York a commencé comme cela et cela a fini comme cela. Vous savez, c'est toujours le danger.

M. CHOQUETTE: Vous reconnaissez quand même qu'il y a une différence très profonde — comment pourrais-je dire — dans les mesures que nous préconisons par rapport aux mesures qui existent dans la ville de New York.

M. VIAU: Oui, ça...

M. CHOQUETTE: J'arrive à un autre point, M. Viau. Je suis prêt à reconnaître avec vous qu'il faut faire en sorte que les interventions du législateur soient calculées en fonction des besoins. Vous comprenez? Je suis prêt à reconnaître ça. Ainsi, et je l'ai dit tout à l'heure, ce qui nous intéresse, ce sont certains types de logement principalement et nous avons été amenés à envisager d'éviter les abus pour l'ensemble des logements du Québec parce qu'il y a des;.. Commencer à faire des distinctions entre tel groupe de logements ou tel autre groupe de logements, ça nous amenait à des distorsions possibles du marché parce qu'il y aurait une catégorie contrôlée et une catégorie non contrôlée. Je vous demandais ce que vous aviez à dire sur ce point.

M. VIAU: Je pense que les situations varient d'un endroit à l'autre dans la province parce que nous avons des secteurs qui sont plus favorisés que d'autres. Vous avez Sept-Iles— on en a entendu parler dernièrement un peu — c'est un des endroits, actuellement, les plus prospères dans la province. Le niveau des salaires est très élevé et tout ça.

Maintenant, si on prend une autre région, disons au Lac-Saint-Jean, on voit qu'il y a de la pauvreté, etc. La situation n'est pas la même. Les salaires étant plus élevés, ça va nécessairement coûter plus cher et je crois que les problèmes ne sont pas les mêmes d'un endroit à l'autre dans la province. Là, on fait une loi uniforme.

Prenez la question des 5 p.c. On dit qu'il peut y avoir entente pour augmentation jusqu'à 5 p.c. Cela ne veut pas dire qu'on peut augmenter de 5 p.c. S'il n'y a pas entente, si le locataire s'entête à ne pas accepter même 1 p.c. d'augmentation, le propriétaire doit se présenter chaque année devant le commissaire, ou tous les deux ans, chaque fois qu'il va vouloir avoir une augmentation.

Alors, à un moment donné, il est toujours obligé d'aller devant le commissaire. Cela est un gel en quelque sorte. Il ne peut même pas augmenter. Autrefois, il y avait une augmentation si le locataire trouvait l'augmentation raisonnable. Il y a eu des abus; cela, c'est sûr. Le jour où l'on va trouver une loi parfaite, on sera très âgé, ou on ne sera plus là du tout. Ce que l'on doit éviter, c'est cette crainte de

l'investissement. Plus l'Etat intervient dans les relations particulières, on tend à éloigner ceux qui pourraient investir et ceux qui pourraient contribuer à l'essort économique et surtout à créer de nouvelles unités domiciliaires au Québec.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

M. VIAU: Est-ce que vous avez des questions à nous poser?

M. LE PRESIDENT: Oui, il y en a plusieurs. (Suspension de la séance à 12 h 35)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la Justice): A l'ordre, messieurs !

Nous allons continuer les questions. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je n'ai plus de question.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je n'ai que quelques questions. Je voudrais demander à M. Viau s'il est en mesure de nous dire si, en se référant au rapport Rand de New York, cette baisse dans le nombre d'unités de logement dans la ville de New York a pu correspondre à une période de développement industriel ou de construction d'immeubles commerciaux dans la ville de New York?

M. VIAU: Non. Parce que, en fin de compte, il n'y a pas de nouvelles industries qui s'établissent dans la ville de New York même. Quand on connaît la composition physique de New York, il n'y a pas d'industrie complètement nouvelle.

M. PAUL: Je ne parle pas du côté industriel comme surtout commercial ou immobilier...

M. VIAU: On n'a pas étudié cet aspect, M. le député, mais on a simplement constaté ce qui avait été fait au cours des années. Si vous lisez le sommaire qu'on appelle "The Current Crisis in Rental Housing", immédiatement après la préface, à l'annexe V "The New York City Rand Institute", vous verrez qu'on donne les différents titres de chapitre et on parle justement de cette question de "building abandonment", "deterioration of the housing stock", "a shortage of rental housing", et tous les différents problèmes. Après cela, on en vient aussi à parler, dans cette question, de ce qui a amené le contrôle, à la page 12, de façon plus spécifique.

Quand on dit, à la page 12, dans le rapport Rand, "The City's system of rent control has achieved its principal objective, the protection of tenants from "unfair" rent increases in a tight housing market. But by preventing rents from rising in step with the costs of supplying rental housing, it has left owners with few alternatives to undermaintenance and reduction of building services. Its application has also been highly inequitable among both landlords and tenants". C'est l'observation qu'on retrouve dans le rapport Rand au sujet du contrôle comme effet direct et immédiat qui s'est fait à la suite du maintien du contrôle des loyers.

M. PAUL: M. Viau, une autre question. Est-ce que vous ne craignez pas qu'une régie des loyers finisse par établir définitivement un gel dans les loyers, tel que ç'a pu se produire à New York?

M. VIAU: La machine vous fait compétition, M. le député.

M. PAUL: Est-ce que vous ne craignez pas qu'une loi adoptée dans ses forme et teneur, comme nous la retrouvons dans le texte 59, aurait pour effet d'amener un gel des loyers à travers tout le Québec?

M. VIAU: C'est évident. Je pense que ce n'est qu'un premier pas, alors qu'on ne connaît pas toutes les implications économiques. C'est ce qui est notre crainte et c'est pour ça que nous entretenons des craintes sérieuses et que les associations que je représente se prononcent contre la forme telle que présentée dans cette loi, sans connaître toutes les répercussions, les ramifications que ça aurait éventuellement dans l'établissement de nouveaux logements.

Nous avons dit ce matin qu'il y avait 0.2 p.c. dans la partie est de Montréal... Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de logemnts qui sont sous le contrôle... Mais, comment remédier à avoir de nouveaux logements? Si, à un moment donné, on amplifie le contrôle, il y a un découragement de ceux qui sont prêts à investir. Ils vont dire: Ecoutez, plutôt que de risquer, je suis aussi bien d'acheter des obligations et de ne pas prendre de risque.

Parce que, en fin de compte, le bonhomme qui investit $200,000 ou $300,000, que ce soit seulement ce montant, sans parler d'édifices à millions, il prend toujours un certain risque parce qu'il ne sait pas quelle va être la situation économique qui va se présenter à un moment donné dans tel et tel secteur de la ville ou de n'importe quelle municipalité. Que ce soit à Montréal ou dans n'importe quelle ville de la province, il peut avoir actuellement un essor qui dépende de quelques industries. Mais que cet essor, pour une raison ou pour une autre, cesse du jour au lendemain, la maison qui aurait été construite, que ce soit un bloc de 40 unités seulement... Le bonhomme est exposé à avoir son revenu anticipé, revenu relativement normal sans parler seulement de capitalisme, sur l'argent qu'il a investi.

Il faut toujours que le bonhomme puisse anticiper d'avoir quelque chose pour le risque qu'il prend. Celui qui achète des obligations de la province à 9.25 p.c, il ne prend pas de risque, mais il sait qu'il va recevoir 9.25 p.c. pour le temps que l'obligation a été émise.

Même chose pour une obligation émise par le gouvernement du Canada. Mais celui qui prend le risque, je pense qu'il peut prendre le risque d'avoir 12 p.c. mais il peut également risquer de recevoir seulement 4 p.c. de rendement sur l'argent qu'il a placé. C'est la situation.

M. PAUL: Une dernière question. Dans votre mémoire, M. Viau, comme conclusion, vous invitez le gouvernement à reporter à six mois l'adoption de cette loi parce qu'entre-temps, vos clientes et clients seraient en mesure d'établir un relevé de la disponibilité de logements au Québec en même temps que vous seriez en mesure de mentionner aux membres de la commission quelle pourrait être la portée économique d'une telle législation. Est-ce que vos clients sont en mesure d'apporter plus de précisions que n'en contient votre mémoire tel que présenté?

M. VIAU: Sur ce point, notre mémoire est encore un sommaire parce que ce n'est pas dans l'espace de quelques semaines — et je puis vous dire que mon associé, Me Paquet, a travaillé d'arrache-pied pour pouvoir collectionner les faits et tirer les conclusions de ces différents travaux et études qui ont été faites ailleurs — ceci n'est que partiel. Alors, on pourra nous objecter: Vous nous donnez l'expérience de New York; vous nous donnez l'expérience de Boston; mais ce serait intéressant, vous savez, d'aller aussi à Toronto, dans les autres provinces du Canada, où il y a un problème de logements et où l'on n'a pas cru à propos d'aller instaurer un système de contrôle de loyers et de le rendre général, comme on tente de le faire présentement.

Maintenant, plusieurs problèmes n'ont pas pu être approfondis. Quelles sont les causes fondamentales de la rareté qui fait que des gens soient mal logés? Il ne faut pas se cacher les faits. Et on admet que des gens vivent dans des conditions minables. Et je crois qu'il n'y a personne dans cette salle qui ne soit pas pour l'amélioration de la situation actuelle. Mais d'un autre côté, je ne crois pas que ce soit le contrôle des loyers qui va résoudre le problème, alors que l'on va, d'un côté, limiter les loyers et que, de l'autre, on va faire craindre les investisseurs possibles. Parlons, si vous voulez, de ceux qui veulent construire. Il y en a que la construction intéresse. Mais c'est rendu aujourd'hui — et il y a des membres ici qui peuvent vous apporter le témoignage de ce qui se passe dans la construction — ce n'est presque plus rentable.

Je pourrais demander à M. Roméo Vézina d'expliquer la situation en quelques mots. Voici un bonhomme qui a construit des maisons où il y a des unités de deux, trois ou quatre appartements et demi, il vous dira l'expérience qu'il a acquise depuis quelques années. Je pense que cela sera intéressant. C'est un bonhomme qui est dans le champ d'activité.

M. VEZINA: M. le Président, l'expérience à laquelle se réfère M. Viau est une expérience que nous avons vécue, mes associés et moi-même, dans la municipalité de Saint-Laurent, dans le Montréal métropolitain où nous avons construit 450 logements depuis 1966. Nous avons subventionné depuis 1966 les deux bâtiments qui sont connus sous le nom du Frontenac et du Colbert — ce sont deux exemples en particulier — c'est-à-dire que nous avons été obligés de réinvestir à chaque année pour

protéger le capital initial. La difficulté principale, je dois l'avouer, a été, d'une part, l'augmentation continuelle des taxes — nous n'avons pas encore pu rattraper cette augmentation — et, d'autre part, le nombre de logements vacants chaque année.

Je peux dire, à partir de cette expérience et d'autres expériences dans d'autres secteurs de la ville de Montréal, en comparant les chiffres d'autres immeubles que nous possédons aussi avec ceux qui sont au Canada, à Toronto ou dans d'autres villes canadiennes, que les gros immeubles à Montréal sont en dépression depuis 1965, les loyers sont dépressifs dans ces bâtisses. Je parle de bâtisses de 50 logements et plus. Cette année, pour la première fois, avec le regain économique que nous connaissons, la diminution du pourcentage de logements vacants nous amène à équilibrer nos dépenses. Nous avons été obligés de financer les pertes accumulées dans les dernières années par une injection de capital additionnel ou des emprunts additionnels à court terme et cela prendra un certain nombre d'années pour pouvoir les faire disparaître. Après ces années, nous serons encore au niveau de dire: Nous sommes au point de départ dix ou onze ans après la construction. C'est un exemple patent.

Je peux vous fournir les chiffres de ces immeubles quand on aura eu le temps de les colliger. C'est un exemple pour décourager l'investissement dans ce genre de placement. Nous possédons, dans ces mêmes endroits, des terrains que nous essayons de vendre aujourd'hui à perte et il n'y a pas d'acheteur. Cela est un exemple précis.

M. VIAU: Est-ce que cela répond à votre question, M. le député?

M. PAUL: Oui, M. le Président. Pour conclure, avant de me prononcer pour l'appui ou le rejet des arguments apportés dans le mémoire qui vous a été présenté par M. Viau au nom de ses clients, je veux le féliciter ainsi que Me Paquet parce que c'est un travail extrêmement bien fait, nonobstant ce qu'il peut contenir mais c'est un mémoire très bien fait, très bien étoffé et qui ne peut que nous aider, nous les membres de la commission, à analyser le principe de la loi 59 et de ses répercussions dans la vie économique du Québec.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Viau, j'aurais quelques brèves questions à vous poser. D'abord, vous avez commencé votre plaidoyer en affirmant que vous vous en preniez — vous avez insisté pour que les membres de la commission écoutent attentivement le vocabulaire que vous avez employé à ce moment — que vous en aviez contre la forme de contrôle contenue dans le projet de loi 59 et vous avez dit: Non pas le contrôle, mais la forme de contrôle, si je vous ai bien compris parce que vous avez insisté vous-même. Par contre, tout au long de votre plaidoyer, après cette entrée en scène, je vous ai entendu critiquer, avec des arguments que le ministre ou d'autres collègues, je pense, ont refutés à ma place, d'autres étaient valables, la forme de contrôle prévue dans le bill 59. J'ai eu l'impression que, contrairement à ce que vous aviez affirmé au départ, c'est au contrôle lui-même que vous en avez et non pas nécessairement à la forme prévue dans le bill 59. En aucun temps, et pas plus dans les solutions que vous proposez, et qui, vous admettrez, sont du scoutisme par rapport aux problèmes auxquels nous faisons face, je ne vous ai vu suggérer une autre forme de contrôle que celle contenue dans le bill 59. Au contraire, tout votre plaidoyer a été contre l'existence même du contrôle. Vous vous en êtes pris à l'exemple américain; le ministre a parfaitement réfuté vos arguments là-dessus, je pense; et quand vous vantiez Toronto tout à l'heure, c'était pour dire que là-bas il n'existe aucune forme de contrôle. Alors, peut-être ai-je mal compris, peut-être n'est-ce pas clair, mais quelle est l'autre forme de contrôle que vous proposez puisque vous semblez admettre le principe qu'il doit exister un contrôle?

M. VIAU: Voici, M. le député. Actuellement, il y a un contrôle qui existe depuis 1951, à l'échelle de la province.

Auparavant, nous avions connu le contrôle du gouvernement fédéral qui avait été mis en place à l'occasion de la guerre et qui était devenu nécessaire, dans certaines régions du pays, à cause des déplacements de population provoqués par l'établissement d'industries urgentes pour la production de guerre.

Depuis 1951, cette loi a été amendée et, à un moment donné, on a apporté certaines réformes par lesquelles les municipalités peuvent demander à être soustraites de la juridiction de cette loi. Le contrôle actuel s'exerce sur une certaine catégorie d'immeubles, les immeubles construits avant 1951. Les immeubles construits depuis cette date ne sont pas soumis à la juridiction.

La nouvelle loi propose un contrôle général. Tout local d'habitation, quel qu'il soit, du local d'une pièce et demie à celui qui peut se louer $1,000 ou $1,200 par mois, ce qu'on appelle les appartements huppés... On dit ceci: II n'y a pas nécessité d'étendre cette forme de contrôle, quand on dit la forme de contrôle, c'est cela qu'on veut dire. A un moment donné, on veut tout contrôler, on veut tout soumettre. Dans la catégorie d'immeubles, d'unités de logements que M. Vézina a décrite, je peux vous dire que dans ce secteur les loyers sont plafonnés par une demande. Il n'y a jamais eu de problème. Personne ne s'est plaint qu'il y avait des abus à ce niveau. Il n'y a pas de doute. Où on trouve des abus, c'est dans les logements, dans les vieilles propriétés de cinq ou six pièces, pour les

familles nombreuses. Dans le même temps, on a, en quelque sorte, gelé les loyers à un montant qui ne correspond plus aux dépenses qui doivent être encourues pour maintenir ces logements.

Que ce soit dans votre propre comté de Saint-Jacques, un comté populeux, où il y a beaucoup de ces maisons, je serais extrêmement curieux de savoir quelle est la condition de ces logements qui sont sous contrôle. A un moment donné, avec l'augmentation des taxes dans un premier temps; dans un deuxième temps, l'augmentation du coût des services, que ce soient les salaires qu'on est obligé de payer au plombier, au menuisier, pour faire les réparations, il est sûr que le bonhomme qui demeure là ne peut certainement pas payer $125, mais il le devrait pour que le propriétaire puisse faire les réparations et encore retirer quelque chose.

M. CHARRON: Puisque vous parlez du comté de Saint-Jacques, je pourrais vous donner des statistiques sur la qualité de l'habitation chez nous, mais je vous ferai remarquer une seule statistique, que je veux glisser, c'est qu'à tout le moins 40 p.c, si ce n'est pas 50 p.c. des habitations, sont possédées par non pas de petits propriétaires, mais par la Société d'administration de fiducie ou des corporations ou des trusts de ce genre. C'est beaucoup. Ce n'est pas le genre du petit propriétaire saigné à blanc par le salaire du plombier.

M. VIAU: Je comprends, mais pourquoi, aujourd'hui, y a-t-il un si grand nombre de ces propriétés qui sont passées dans les mains des sociétés de fiducie, des trusts, des compagnies d'assurance? C'est parce que les propriétaires ont été obligés de les abandonner. Savez-vous combien d'unités...

M. CHOQUETTE: Je pense qu'ils administrent des patrimoines de successions.

M. VIAU: Un instant. Savez-vous combien la Société centrale d'hypothèques a été obligée...

M. BACON: Attendez un peu. Vous êtes plus loin. Une société d'administration et de fiducie ou une société de fiducie et une société centrale d'hypothèques et de logement, ce n'est pas pareil.

M. VIAU: Non, mais il parle...

M. BACON: Je ne suis pas avocat mais je fais la différence entre les deux.

M. VIAU: Je comprends, mais écoutez. J'essaye de répondre. Peut-être mais alors, messieurs, vous possédez...

M. BACON: Vous charriez un peu fort.

M. CHARRON: Qu'il possède ou qu'il administre?

M. BACON: Qu'il administre. Il ne possède pas, il administre.

M. CHARRON: C'est pour répondre à votre argument que vous étiez en train d'invoquer. J'étais certain que vous arriveriez au salaire des plombiers. Celui qui administre ou qui possède la maison, c'est lui qui va payer le salaire du plombier. Si c'est le petit bonhomme qui a bâti une maison avec ses épargnes pendant 35 ans de travail, j'admets que le travail du plombier peut être plus coûteux. Mais je vous dis que, chez nous, dans Saint-Jacques, puisque vous l'avez évoqué vous-même, 50 p.c. des maisons ou sont possédées ou sont administrées, comme dit le député de Trois-Rivières, par ces sociétés d'administration et de fiducie qui ont mauditement les moyens de payer les salaires des plombiers actuellement.

M. VIAU: Oui mais, en fin de compte, vous demandez à ces sociétés de devenir des entreprises de philanthropie.

M. CHARRON: Non, je n'ai jamais eu cette intention-là et je sais très bien qu'il y a beaucoup trop de distance entre la philanthropie et le profit pour que vous puissiez combler le fossé tout d'un coup.

M. VIAU: Oui mais, en fin de compte, si, à un moment donné, la société de fiducie administre un édifice de 40 logements dans n'importe quelle rue de votre comté, M. Charron c'est sûr que les comptes des plombiers vont être payés. Mais pour cette propriété donnée, si, à un moment donné, le loyer n'est pas suffisant, que va-t-il arriver? On va en faire le moins possible et c'est à ce moment-là que cette maison devient une maison presque inhabitable.

M. BACON: II administre sous mandat à ce moment-là. C'est le propriétaire qui décide, il administre sous mandat.

M. VIAU: Oui, je le sais mais, en fin de compte...

M. BACON: Je ne dis pas si la compagnie de fiducie, à un moment donné, ne veut pas améliorer; il administre sous mandat. Vous devez le savoir, vous êtes avocat.

M. VIAU: Oui, mais il faut qu'il y ait des revenus pour pouvoir le faire.

M. BACON: Non, ce n'est pas ça. S'ils ne font pas de réparations à un moment donné, c'est parce que le propriétaire dit: Moi, je décide de ne pas faire de réparations.

M. VIAU: Pas nécessairement. Il va se limiter à un moment donné parce qu'il n'a pas le revenu suffisant pour les faire.

M. BACON: C'est la décision du propriétaire, ce n'est pas la décision de la compagnie qui administre.

M. VIAU: Je comprends, mais même si c'est la décision du propriétaire, on parle de la question du revenu. On parle du contrôle des loyers. Je pense qu'on s'éloigne un peu du sujet. Supposons qu'une vieille propriété est sous contrôle, que le loyer est fixé à un montant de $75 par mois mais que, pour arriver, pour qu'il lui reste même 5 p.c, il faudrait que ce soit haussé à $90 mais que, à cause du contrôle, ça reste à ce montant-là. C'est là qu'il y a un fossé qu'on n'est pas capable de remplir et je dis que, à un moment donné, même si M. Charron a dit qu'on avait fait des propositions imbues de scoutisme, je pense que ce sont des propositions concrètes et qui répondent à la réalité.

Il y a des économiquement faibles et ça, nous sommes tous d'accord qu'il faut les aider, que ce soit par l'assurance sur le loyer ou par n'importe quel autre moyen. Prenez les habitations à loyer modique construites grâce au financement de la Société d'habitation du Québec, à un moment donné, vous allez avoir un logement qui, normalement, se louerait $160. Mais c'est un bonhomme qui ne peut pas en payer plus que $90, qui va payer la différence?

C'est la municipalité et la Société centrale d'hypothèques, c'est la Société d'habitation qui paye la différence. Là, on rend un service mais, d'un autre côté, selon ce système, cela veut dire à ce moment-là que la propriété privée va disparaître, vu qu'il n'y aura plus d'intérêt pour aucun investisseur privé à vouloir construire et à vouloir maintenir parce qu'il y a un contrôle tellement serré qu'il n'y a plus de jeu pour lui. Oui, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Sur la question de la détérioration des immeubles soumis à un contrôle, soit par voie de système tel que proposé dans notre loi, le projet de loi 59, soit sous la forme que ç'a actuellement en vertu de la Loi de la conciliation entre propriétaire et locataire, soit encore sous la forme de contrôle que ça prend à New York, je répète que la forme de contrôle est assez différente.

En somme à New-York, cela a été un gel de loyers au départ et c'est simplement par la suite qu'on a élargi, dans une certaine mesure — peut-être pas suffisante, remarquez bien — qu'on a tenté d'élargir pour permettre aux propriétaires d'avoir un retour normal sur leur capital investi. Je dis ceci. Je vais vous donner une citation que je prends du rapport Kristof que vous avez en annexe dans votre mémoire, le rapport Kristof, annexe 3, page 37 : "Rent Control is a relatively minor factor in the deterioration and demise of a substantial portion of the City's older and obsolete housing..." C'est-à-dire que le contrôle des loyers, nous dit l'auteur du rapport Kristof, dès qu'on lui donne la forme à New York qui est plus sévère que celle que nous avons au Québec, c'est un facteur assez secondaire dans la détérioration et l'abandon d'un certain nombre des plus vieilles propriétés de la ville de New York.

Il ne faudrait quand même pas inventer des épouvantails pour faire peur aux gens avec des choses qui dépendent du vieillissement normal des choses. Qu'est-ce que vous voulez? Si les propriétaires ne font pas toujours les réparations à leur propriété, ce n'est quand même pas la faute des locataires.

Pour ce qui est du cas de Montréal, je vais vous donner des chiffres qui vous diront le bénéfice net que reçoivent les propriétaires de maisons contrôlées actuellement par la Régie des loyers. Je ne parle pas des immeubles récents, je parle d'immeubles contrôlés et on sait qu'à Montréal le contrôle va seulement jusqu'en 1951. Les immeubles construits postérieurement à 1951 ne sont pas contrôlés par la Régie des loyers.

Voici, d'après une enquête faite par le vice-président de la Régie des loyers, les bénéfices nets fait par les propriétaires: 86.03 p.c. perçoivent un bénéfice net de 10 p.c. et plus; 82.13 p.c. perçoivent un bénéfice net de 11 p.c. et plus; 77.3 p.c. perçoivent un bénéfice net de 12 p.c. et plus; 72.85 p.c. perçoivent un bénéfice net de 13 p.c. et plus; 65.75 p.c. perçoivent un bénéfice net de 14 p.c; 56.70 p.c. perçoivent un bénéfice net de 15 p.c. et plus; 45.47 p.c. perçoivent un bénéfice net de 16 p.c. et plus; 34.32 p.c. perçoivent un bénéfice net de 17 p.c. et plus; 25.74 p.c. perçoivent un bénéfice net de 18 p.c. et plus; 17.55 p.c. perçoivent un bénéfice net de 19 p.c; 19.40 p.c. perçoivent un bénéfice net de 20 p.c. Et là, on peut continuer jusqu'à 25 p.c. Je ne suis pas pour donner... Parce que là, on arrive dans des proportions assez infimes, mais je dis qu'avec des revenus comme ceux-là, il me semble que les propriétaires ont amplement les moyens d'entretenir leur propriété et de prévenir un vieillissement prématuré.

M. VIAU: C'est sur un échantillonnage de combien de propriétés?

M. CHOQUETTE: C'est sur 1,200 propriétés prises au hasard.

M. VIAU: En quelle année? M. CHOQUETTE: En 1970.

M. BROCHU: M. le ministre, de quelle façon faites-vous vos relevés de statistiques pour arriver à 80 p.c, à 70 p.c, à 50 p.c?

M. CHOQUETTE: II faut comprendre... M. VIAU: Sur quel capital est-ce basé?

M. CHOQUETTE: C'est un peu comme la machine à piastres de M. Caouette.

M. VIAU: Sur quel capital? M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: C'est un peu comme la politique créditiste en matière monétaire.

M. BROCHU: Depuis le matin, on reproche aux créditistes certaines clauses, mais nous n'avons pas encore été au pouvoir Alors, les maux de la terre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: Je badine tout simplement.

M. VIAU: Basé sur quoi, M. le ministre? Quelle valeur prenez-vous pour cela?

M. CHOQUETTE: Je voudrais répondre au député d'abord, si vous me le permettez. Le député m'a interpellé.

M. VIAU: Allez-y.

M. BROCHU: C'est normal avec la compilation que vous avez faite.

M. CHOQUETTE: Je disais: 86 p.c. perçoivent un bénéfice net de 10 p.c. et plus. C'est évident qu'on retrouve ce même 86 p.c. dans le 25.74 p.c. qui perçoivent un bénéfice net de 18 p.c. et plus.

M. BROCHU:... la compilation... M. BACON: II a compris.

M. VIAU: Quand vous dites, à un certain moment, 11 p.c, c'est 11 p.c. de quoi? Est-ce que c'est sur l'évaluation municipale?

M. BACON: Dans la majorité de ces propriétés, M. Viau, les hypothèques ne sont pas tellement élevées, si vous regardez chacune de ces propriétés.

M. VIAU: Mais sur quoi se base-t-on en fin de compte pour établir les 11 p.c? 11 p.c. de quoi? Est-ce que c'est sur l'évaluation municipale, la valeur marchande? Sur le prix d'achat d'il y a quinze ou vingt ans? Ecoutez, je pense bien que c'est bien beau de nous donner des statistiques, mais je crois qu'il faut avoir une base.

M. CHOQUETTE : Voulez-vous que je vous donne lecture de cette lettre pour qu'on comprenne le sens?

M.VIAU: Ah! ce serait intéressant, parce qu'actuellement, mes lumières ne fonctionnent pas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE : La lettre est adressée au président de la Régie des loyers et signée par M. Gaston Massie, le vice-président, qui a fait l'enquête: Veuillez trouver ci-inclus l'original d'un tableau représentant un échantillonnage fait par la Commission des loyers sur 1281 immeubles situés dans la ville de Montréal et représentant 6001 logements situés dans les immeubles dont il est question plus haut. Le but de la présente enquête était de déterminer et de constater si la situation du placement immobilier était avantageuse ou non pour les citoyens d'une grande municipalité urbaine. La procédure suivie était la suivante. Nous avons désiré limiter l'enquête seulement sur les immeubles qui se trouvaient soumis à l'application de la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires pour l'année 1970. Comme ladite loi a été renouvelée et sanctionnée au mois de décembre 1969 et qu'elle exigeait que toute demande concernant la fixation d'un prix d'un loyer pour la période du 1er mai 1970 jusqu'au 30 avril 1971, soit produite au bureau de l'administrateur des loyers au plus tard le 31 mars 1970, nous avons demandé à l'administrateur des loyers de Montréal, pour, au moins, les 1200 premières qui seraient produites à son bureau, de faire parvenir à chacun des propriétaires des immeubles où se trouvait situé l'un de ses logements, une formule spécialement rédigée et sur laquelle chaque propriétaire pouvait détailler l'état complet de ses revenus et dépenses se rapportant à l'immeuble en question. Nous avons reçu réponse de 1281 propriétaires différents qui nous ont donné le bilan concernant leur immeuble. Ces immeubles sont de toutes les catégories, leur évaluation municipale étant, dans certains cas, aussi basse que $9000 et allant jusqu'à des évaluations dépassant $50,000. Les chiffres produits par les propriétaires n'ont pas été modifiés sauf dans les cas où il était représenté des réparations majeures faites à l'immeuble telles que, par exemple, remplacement d'une couverture, d'un système de chauffage, du système de plomberie ou d'électricité, car, dans ces cas, le montant total dépensé par des propriétaires dans la même année a été réparti sur une plus longue période pouvant s'étendre à trois ans dans le cas où l'immeuble a été peinturé à nouveau et de cinq, dix, quinze ou vingt ans, selon la nature de la dépense. Le tableau indique le nombre d'immeubles pour lesquels le pourcentage de bénéfice net a été perçu par un propriétaire en partant de 1 p.c. jusqu'à 36 p.c. et le résultat obtenu nous démontre par l'échelonnement reproduit en marge dudit tableau que: Et là, il y a la liste que j'ai établie tout à l'heure... sur la proportion du logement des immeubles qui ont fait sujet de l'enquête. Un fait à remarquer, c'est que dans le cas de ces 1281 immeubles, le propriétaire demandait une augmentation de loyer pour un ou plusieurs de ses locataires.

En conclusion, si l'on considère les faits connus par cette enquête, le placement immobi-

lier est avantageux et, en majorité, dépasse même les normes régulières connues pour tel placement d'argent.

Donc, ce sont les propriétaires qui ont donné leurs chiffres.

M. PAQUET: On peut quand même se poser la question à laquelle malheureusement la lettre de M. le vice-président de la Régie des loyers ne donne pas réponse. Quand on dit un profit net de 10 p.c, c'est 10 p.c. de quoi? Si c'est 10 p.c. d'un capital investi qui représente 5 p.c. de la valeur de la bâtisse, c'est une chose. Si c'est 10 p.c. de la valeur municipale de la bâtisse, c'est une autre et également, si c'est 10 p.c. de la valeur marchande. Alors, les 10 p.c, les 11 p.c. ou les 12 p.c. sont basés sur quoi?

M. VIAU: Si vous faites simplement...

M. CHOQUETTE: Le pourcentage est basé sur l'évaluation municipale de Montréal.

M. VIAU: Oui, mais est-ce que la différence serait entre les dépenses qu'il fait et les revenus et l'on dirait que cela lui rapporte tant par rapport à son revenu. Si on dit que je retire $2,000 et que cela me coûte $1,500, de mon revenu, j'ai alors 10 p.c. net. Est-ce que c'est cela? Cela me donne l'impression que c'est de cette façon que l'on calcule. On n'a pris ni l'évaluation, ni le prix d'achat, ni la valeur marchande.

M. CHOQUETTE: Je crois, M. Viau, que vous vous trompez, parce qu'il est manifeste d'après le contexte de la lettre que même les grosses réparations, on les a amorties sur quel ques années. Alors, il est manifeste qu'on a tenu compte de toutes les dépenses. Vous comprenez ceque je veux dire?

M. VIAU: Oui.

M. CHOQUETTE: C'est cela. Il est manifeste qu'on a pris le revenu brut des immeubles, on a déduit les dépenses et on a même, dans certains cas peut-être, amorti certaines grosses réparations sur une période de quelques années et on arrive à un revenu net.

M. VIAU: Oui, mais le revenu de quoi?

M. CHOQUETTE: Le revenu net est comparé sur la base de l'évaluation municipale de Montréal.

M. VIAU: C'est un revenu net de 10 p.c. de l'évaluation...

M. CHOQUETTE: ... municipale de Montréal. On sait que l'évaluation municipale de Montréal se situe environ à 85 p.c., 90 p.c. de la valeur réelle, c'est-à-dire de la valeur sur le marché.

M. VIAU: Tout dépend des quartiers, parce qu'en fin de compte... C'est supposé, mais on pourrait discuter longuement...

M. CHOQUETTE: On sait que les autorités municipales de Montréal font un effort pour rapprocher l'évaluation municipale des valeurs marchandes tout en gardant, peut-être, un certain pourcentage pour s'éviter des contestations devant le bureau de révision des évaluations.

M. VIAU: Oui, mais on nous apporte des chiffres faits sur un certain échantillonnage. C'est pour cela et je pense que vous venez simplement de prouver notre demande qui est à l'effet d'avoir une enquête générale et une étude véritablement approfondie. Parce que depuis 5 ou 10 ans, combien de causes vont devant la Régie des loyers, à Montréal, Québec, Trois-Rivières, dans les villes...

M. CHOQUETTE: Environ 10,000 par année, dans la province.

M. VIAU: Environ 10,000 dans la province. Combien y a-t-il d'unités de logement qui sont susceptibles d'être sous le contrôle de la Régie des loyers dans la province?

M. CHOQUETTE: A Montréal, 175,000.

M. VIAU: A Montréal, 175,000 et il y a eu 10,000 plaintes dans la province pour le contrôle des loyers. Vous trouvez qu'il y a un problème.

M. CHOQUETTE: Je trouve que 10,000 causes, c'est beaucoup.

M. VIAU: Dans toute la province, 10,000 causes?

M. CHOQUETTE: Cela dénote, en somme, l'inutilité du tribunal, parce que 10,000 causes, c'est pas mal.

M. VIAU: Oui, mais seulement dans la ville de Montréal, il y a 175,000 logements qui sont susceptibles d'être sous le contrôle de la Régie des loyers.

M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier non plus que la présente de la loi favorise, en de nombreuses circonstances, un accord mutuel entre les parties. C'est un autre facteur que vous devez considérer, M. Viau.

M. VIAU: Oui, mais cela encore, je crois que ce n'est pas si clair et nous ne pouvons pas être aussi positifs sur cette position, M. le ministre. On ne dit pas qu'il n'y a pas une nécessité de contrôle, qu'il n'y a pas nécessité, un moment donné, de modifier la loi! Même les dispositions du code civil sont dépassées dans certains cas et il faut qu'elles soient remises à jour;

d'ailleurs, l'Office de révision du code civil a cette mission. Je pense que, de notre côté, il faut insister sur l'aspect économique — nous avons insisté sur cet aspect dans notre mémoire — qui est actuellement un problème vital pour le Québec. Je n'ai pas besoin de vous faire la description. Je pense que tous, sans exception, admettront, quelles que soient les allégeances politiques, que nous avons un sérieux problème et qu'il faut tout faire pour essayer d'inciter, de développer davantage... et de régler le problème de l'habitation qui est un problème vital. Nous avons des sections défavorisées non seulement dans Montréal, mais dans certains secteurs de la province. Alors, je dis et nous le représentons dans notre mémoire: Faisons un travail sérieux et si, un moment donné — et ceci peut se faire dans un délai très raisonnable — la loi est continuée, disons, pour une période d'un mois, qu'on arrive avec des dispositions qui répondent réellement aux besoins de la province, de tous les secteurs et qu'on ait quelque chose qui soit souple pour réellement protéger ceux qui ont besoin de protection et favoriser également, dans un même temps, la construction dans différents secteurs de la province, à Montréal comme ailleurs et â Québec aussi. A Québec, on se plaint que les logements sont chers. J'ai entendu dire ce matin que les logements étaient chers.

M. BOSSE: Ils sont plus chers à Québec qu'à Montréal.

M. VIAU: II y a sûrement une raison. Est-ce qu'on peut dire pourquoi?

M. BOSSE: II y a cependant une chose qui me frappe.

Toute l'argumentation que vous utilisez nous amènerait à croire que les gens qui sont propriétaires d'immeubles régis par la régie actuelle se seraient départis de leur propriété. Or, à ma connaissance, nul d'entre eux n'a songé à se départir de cet investissement fort intéressant. Il faut aussi se rappeler que pour le législateur, et comme représentant d'une circonscription de Montréal, il y a 80 p.c. de la population dans Montréal qui est locataire et c'est le locataire qui a besoin de protection à ce moment-ci. Ce que cette loi offre en fait, ce n'est pas d'empêcher l'investissement dans la construction, ce n'est pas d'empêcher l'investisseur de réaliser des bénéfices, c'est tout simplement de permettre aux locataires, qui sont quand même le grand nombre, d'avoir une protection qu'ils ont su utiliser dans le passé. La Régie des loyers et les cas qui sont passés devant elle — Grand Dieu! j'ai eu l'occasion d'en vivre un bon nombre — ce n'étaient pas des inutilités.

Parce qu'en vertu de la loi actuelle même, combien d'abus ont été commis! Même en vertu de la loi actuelle, et grâce à la Régie des loyers, grâce au beau travail accompli par la Régie des loyers, il y a eu quand même un minimum de justice et c'est ce genre de justice, je pense que, par la loi actuelle, on veut apporter à l'ensemble des locataires qui sont couverts, soit par les constructions datant d'après 1951. Qu'économiquement vous sembliez vouloir nous dire que le législateur veut mettre ici un frein à l'investissement à la construction, cela m'apparaft une chose à être démontrée et à être démontrée d'une façon beaucoup plus claire que vous ne l'avez fait jusqu'à présent.

Pour votre présentation, je pense que vous méritez des félicitations pour la façon dont vous la faites. Cependant cela ne me convainc point et cela ne convainc pas non plus les locataires qui habitent dans mon comté ou qui habitent dans l'île de Montréal. Il y a de multiples griefs, par exemple. S'il y en a 10,000 qui ont été présentés devant la régie, à cause fréquemment du manque d'information, il y en a probablement trois ou cinq fois plus qui ne se sont jamais rendus à la régie parce que ces gens-là étaient tout simplement sous l'effet de diverses formes d'intimidation directe ou indirecte. Ici j'ai des expériences personnelles que j'ai constatées à l'occasion de mes activités, alors que j'étais à la CSN.

M. VIAU: M. le Président, je comprends les remarques appropriées du député Bossé. Mais je crois également, on l'a dit au début, malheureusement dans le court temps qui a été mis à notre disposition, que c'est un problème d'ampleur et je dis qu'il y a des problèmes qu'il faut étudier en profondeur pour connaître exactement quels seraient les effets et les ramifications pour les locataires. Je comprends que, politiquement, il y a 82 p.c. de locataires dans la ville de Montréal. Cela, je l'admets, c'est une classe qu'il ne faut pas négliger.

Mais, d'un autre côté, quand on dit qu'il y a un danger de freiner la volonté des personnes et des corporations qui pourraient investir, je crois que c'est un danger réel qu'il ne faut pas sous-estimer. On peut avoir des doutes, mais je crois que, si un bonhomme peut avoir le même rendement avec d'autres placements, il va aller vers d'autres placements parce qu'il y a beaucoup moins de problèmes en sachant qu'il s'en va vers l'inconnu.

M. BOSSE: Ce n'est pas le but d'empêcher la construction ou l'investissement, ni non plus de couper les bénéfices, mais d'empêcher des abus. Comme le disait ce matin le ministre, quand cela rapporte 20 p.c, à un moment donné, soit 10 p.c. de bénéfice net et 10 p.c. de capital et intérêts, de capitalisation, comme dirait mon collègue...

M. VIAU: M. Bossé, je représente en fin de compte...

M. BOSSE: Je n'ai pas dit que c'était général. Je ne généralise pas.

M. VIAU: Je représente ici des professionnels de l'immeuble et, en fin de compte, vous

avez été longtemps avec la CSN, vous connaissez les problèmes du travail; je suis avocat, je n'ai pas la science universelle, je discute les problèmes avec mes clients comme ils me les exposent, mais je pense que ce que j'ai exposé et ce que nous avons émis, c'est l'opinion de gens qui ont l'expérience de milliers et de dizaines de milliers de cas.

Nous représentons des milliers de personnes qui font leur vie avec ça, non pas pour exploiter mais qui disent que, si telle chose arrive, on va avoir tel effet.

Actuellement, ces professionnels de l'immeuble doivent transiger tous les jours avec de grandes institutions financières pour obtenir des fonds, pour pouvoir faire des aménagements.

M. BOSSE: Comprenez-moi bien. Je ne suis pas contre la rentabilité du capital dans le système dans lequel nous vivons.

M. VIAU: Je comprends.

M. BOSSE: Ceci étant dit, nous avons eu ici l'occasion d'entendre des gens d'autres secteurs, par exemple l'alimentation, où on est satisfait de 3 p.c. On trouve que c'est un gros bénéfice. Vous parlez d'investissements où, dans ce secteur-là, vous pouvez réaliser jusqu'à 20 p.c. Ne généralisons point, disons 10 p.c.

M.VIAU: Oui mais, actuellement, plus une maison est considérable, plus elle a d'unités de logement, plus le rendement est bon. Cela se trouve être inversement proportionnel.

M. BOSSE: Excepté que, là aussi, plus on a de propriétés, plus on adapte les réparations. On crée la relation avec la possibilité de déduire des impôts. La planification dans la question des réparations, je regrette, j'ai constaté ça personnellement...

M. VIAU: Oui, mais voici...

M. PAUL: Je fais un appel au règlement, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui, le député de Maskinongé.

M. VIAU: Je voudrais demander à M. Lefebvre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Est-ce qu'on pourrait obtenir de vous une directive pour connaître le processus que vous avez l'intention de tolérer pour l'étude de ce projet de loi? Depuis que les commissions parlementaires ont commencé leur travail, le tout consistait à entendre des mémoires et à interroger des témoins. Il me semble assister actuellement à une assemblée contradictoire entre, d'une part, le bouillant député de Dorion et, d'autre part, de savants procureurs des parties en cause.

Je vous demanderais, M. le Président, une directive aux fins de savoir s'il nous est permis de faire notre discours de deuxième lecture dès maintenant.

M. BOSSE: M. le Président, je voudrais tout simplement là-dessus rappeler au député de Maskinongé d'abord que je ne suis pas membre de la commission et que j'ai constaté certaines absences, dans Duplessis, d'autre part.

M. PAUL: II nous fait plaisir de constater que vous signalez votre premier passage devant la commission.

M. BOSSE: Ceci étant dit, pour la deuxième réunion, je crois qu'il ne s'agit pas d'une polémique; tout simplement, mais, peut-être — le ton est-il bouillant — l'argumentation comme telle demeure très sereine et je pense bien que le témoin à la barre en est conscient.

M. VIAU: Alors, sur ce point...

M. LE PRESIDENT: Je prends tout de même vos directives parce qu'il est 3 h 22. Dans l'ordre des choses, nous avons encore trois organismes à entendre cet après-midi. Pour répondre au député de Maskinongé, peut-être que certains feront leurs discours de deuxième lecture, pensant qu'ils n'y seront pas pour le faire en temps et lieu. Mais le député de Saint-Jacques tantôt, a demandé au député de Dorion de terminer sa question. Un tour de table très rapide pour ceux qui auront des questions à poser.

M. CHARRON : M. le Président, je rappellerai que...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Dorion a terminé?

M. BOSSE : En effet, pour le moment.

M. LE PRESIDENT: Pour le moment. Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: C'était sur ma première question et c'était en fait sur la réponse que M. Viau donnait à ma question que le ministre s'est permis de faire une intéressante intervention pour citer ses statistiques et c'est ce qui a fait dévier le débat. Je ne le lui reproche pas parce que je ne possédais pas les statistiques et elles arrivaient à point dans le débat. Mais avant de passer à l'autre question, je vais quand même vous dire que ma question première était: Avez-vous une forme de contrôle à proposer autre que celle du bill 59 ou, si vous en avez, comme je le crois, contre toute forme de contrôle?

Dans la réponse que vous étiez à me donner avant l'interruption du ministre, vous étiez à dire que le contrôle déjà prescrit par la Loi favorisant la conciliation entre propriétaires et locataires vous apparaissait comme excessive. C'est alors que le ministre a cru bon d'intervenir pour vous montrer que, même sous l'empire de ce contrôle, les profits sont déjà assez élevés.

Je vous donnerai l'occasion de revenir aux autres questions et de reprendre cette réponse sur la forme de contrôle que vous proposez mais j'aimerais grouper, pour aller plus vite et accélérer, les autres questions que j'ai à vous poser et vous pourrez me répondre totalement.

Si je prends le résumé de votre mémoire à la page 3, vous affirmez catégoriquement que les principaux effets du contrôle des loyers dans les grandes villes américaines — et encore j'ouvre une parenthèse pour signaler la remarque du ministre, ce n'est pas le contrôle comme celui que le bill 59 propose, je ferme la parenthèse — êtes-vous d'avis que les huit principaux effets, la cause première fondamentale, prioritaire dans l'apparition de ces malaises dans le domaine de l'habitation à New York et à Boston, ç'a été l'existence d'un contrôle des loyers? Ou la simple évolution du marché économique, en allant jusqu'à la guerre au Viet-Nam, si ça vous tente de passer par là, aurait-elle pu jouer aussi? Affirmez-vous catégoriquement que les principaux effets du contrôle ont été ces huit choses et qu'elles n'ont été à toutes fins pratiques que causées par le contrôle? Si vous permettez, j'aimerais mieux terminer mes questions.

M. VIAU: C'est parce que je ne veux pas les oublier, vous savez.

M. CHARRON: D'accord, alors répondez donc à ça. On passera ensuite au scoutisme.

M. VIAU: Je ne parlerai pas de la guerre du Viet-Nam parce que nous n'allons pas entrer dans les problèmes internationaux, mais nous allons rester dans un domaine plus près de nous, le contrôle des loyers. Je n'ai pas été contrôlé personnellement, mais c'est à la lumière de ces études que nous avons annexées à notre mémoire qu'il a été constaté que les principaux effets du contrôle avaient été les suivants. Ce sont des rapports que nous prenons au sérieux et vous verrez que la plupart sont unanimes. Ce ne sont pas seulement des études faites par des gens qui sont engagés professionnellement ou financièrement mais par des instituts qui ont surtout comme principal objet d'étudier les problèmes sociaux. Tous en sont venus à la conclusion que c'étaient les principaux effets du contrôle dans les villes de New York et de Boston.

D'ailleurs, ce matin, je vous ai donné l'augmentation du nombre de bâtiments démolis et abandonnés, je pense qu'il y a eu assez... j'ai eu l'occasion de lire dans différentes revues américaines que la situation à New York était devenue simplement pitoyable, que des rues entières étaient abandonnées alors qu'à un certain moment, les services de bien-être étaient obligés de payer. On a cité un cas où on logeait certaines familles dans des hôtels et ça coûtait quelque chose comme $50 par jour, je pense que ce sont des faits précis.

M. CHARRON: Au fond, M. Viau, les huit phénomènes que vous présentez, croyez-vous qu'ils auraient pu exister, apparaître? Au fond, ne sont-ils pas déjà apparents par exemple dans des villes québécoises comme Montréal et Québec avant même qu'il n'y ait un contrôle? Affirmer aussi catégoriquement que vous le faites que ces malaises sont apparus par l'effet du contrôle des loyers, vous ne trouvez pas ça un peu charrié?

M. VIAU: M. Charron, je ne charrie pas, parce qu'en fin de compte ce sont des constatations qui sont faites dans des rapports. Je ne suis pas allé sur place et vous savez, c'est pour ça que je dis qu'on devrait faire une étude sérieuse. Ce serait peut-être intéressant qu'une commission dont vous pourriez être membre, et ça me ferait plaisir de vous accompagner, aille sur place voir ce qui se passe à New York et à Boston...

M. VEILLEUX: Ils ne sont pas forts pour visiter.

M. CHARRON: Ce n'est pas une réflexion intelligente, continuez.

M. VIAU: Vous savez...

M. BOSSE : Leur dernier voyage était dans le nord.

M. VIAU: Encore là, M. Charron, ces rapports sont là et je n'ai pas été vérifier sur place, mais ce sont des documents écrits, publics et sérieux, si on n'y croit pas, à quoi croira-ton?

M. CHARRON: Le ministre, avec des documents aussi sérieux, tantôt, vous a répondu...

M. VIAU: Je n'ai pas dit que ce n'était pas sérieux.

Ce sont des études faites par des gens de l'extérieur et par des instituts qui ne sont engagés ni pécuniairement ni professionnellement. Je pense donc qu'on peut toujours attacher une certaine valeur aux conclusions tirées par ces rapports.

M. CHARRON: En tout cas, M. Viau, je pense faire une...

M. VIAU: Et nous demandons précisément de faire ici la même étude pour voir quel a été l'effet du contrôle actuel. On a parlé de 10,000 causes à travers la province, je ne sais pas

combien il y en a eu juste dans la ville de Montréal.

M. CHOQUETTE : Un nombre de 6,000 dans la ville de Montréal.

M. VIAU: Cela veut dire qu'il en reste 4,000 pour le reste de la province. Et là, on veut étendre le contrôle à tout local d'habitation quel qu'il soit dans toutes les municipalités mentionnées dans le projet de loi. Et il y en a toute une série; Vous avez je ne sais pas combien de municipalités où l'on veut étendre ce contrôle. Je suis sûr qu'il y a des municipalités où il n'y a pas eu un seul appel depuis X années. Je serais prêt à faire un pari et je serais pas mal sûr de le gagner.

M. CHARRON: Croyez-vous que les locataires en sont heureux? Est-ce que c'est parce que justement ils n'en ont pas le droit? Une fois qu'on leur donnera le droit...

M.VIAU: Ils ont le droit d'appel actuellement.

M. CHARRON: Avec le bill 59, la protection du locataire, il faut l'admettre, sera beaucoup plus substantielle qu'elle ne l'est actuellement.

M. VIAU: Est-ce que vous avez des chiffres?

M. CHARRON: Je ne veux pas tout de suite dire quelle utilisation ils en feront.

M. VIAU : Parce que vous non plus vous ne pouvez pas dire et je crois qu'on n'est pas en mesure actuellement — c'est la raison pour laquelle nous demandons une étude — de dire s'il y a eu une catégorie, s'il y en a eu 100, 10 ou 1,000 à travers la province qui ont été victimes d'abus parce qu'il n'y avait pas de contrôle des logements de 1951 jusqu'à maintenant. Est-ce qu'on a des chiffres sur cela?

M. CHARRON: Ce que fait la loi 59...

M. BOSSE: Pour un nombre de 10, je peux vous le garantir.

M. CHOQUETTE: Oui nous avons des chiffres.

M. CHARRON: ... elle ne fait que poser le droit.

M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas interrompre le député de Saint-Jacques mais je pourrai en faire état tout à l'heure.

M. VIAU: On en fait une loi. On dit que tout local d'habitation désormais sera sujet au contrôle et que, pour augmenter en haut de 5 p.c, il faudra aller devant la régie à chaque fois, devant le commissaire et que, s'il n'y a pas d'entente et si le bonhomme veut augmenter de 1 p.c, il faudra qu'il aille à la régie. C'est le sens de la loi. On généralise d'une façon absolue sans savoir si réellement il existe un besoin pour ce genre de contrôle. Qu'on prenne les moyens d'empêcher les abus, personne ne s'y oppose. Et je crois que c'est le devoir, c'est l'obligation du gouvernement d'avoir des lois qui empêchent les abus. Que ce soit pour les gens défavorisés ou les gens dans l'aisance, tous ont droit à une justice égale dans la province. Mais d'un autre côté, il ne faut pas qu'on généralise quand ce n'est pas nécessaire. Sachons où l'on va avant d'adopter une législation aussi générale et aussi radicale parce que je crois que la façon dont existera le contrôle des loyers au Québec sera à peu près la seule place au Canada où cela existera sous cette forme.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Seulement quelques brèves observations sur le délaissement des immeubles dans la ville de New York. Je crois que tout le monde sait que New York et son agglomération urbaine comprennent environ 10 millions d'habitants. Et je crois que, lorsqu'on parle du contrôle des loyers à New York, on parle du contrôle des loyers d'un certain secteur de cette agglomération urbaine qui comprend probablement Manhattan, le Bronx, Brooklyn, les cinq "burroughs" qui forment le territoire de la ville de New York. On sait aussi que dans ce territoire fortement urbanisé existent des problèmes incomparablement différents d'avec ceux que nous avons chez nous. Il y a des problèmes de ghettos véritables, que ce soit Harlem, que ce soit la population porto-ricaine qui vit dans certains secteurs de la ville. Le délaissement des immeubles et la détérioration générale vont un peu avec ce déclassement ou cette prolétarisation d'une large partie de la population newyorkaise avec l'augmentation énorme de la criminalité dans la ville de New York, comme tout le monde le sait. Il y a une série de phénomènes qui sont bien plus profonds et bien plus importants que le contrôle des loyers à proprement parler. Et j'ajouterai simplement ceci: Même certaines villes qui n'ont pas de contrôle des loyers aux Etats-Unis, par exemple, Chicago, Saint-Louis, d'après ce que mes experts me disent, connaissent un phénomène similaire d'abandon d'immeubles, de délaissement de propriétés, de vieillissement des anciennes propriétés.

Je ne crois pas qu'il soit juste de dire que nécessairement un contrôle va amener une détérioration générale de l'immeuble.

M. VIAU: Non, ce n'est pas le seul facteur. Loin de nous de prétendre que le contrôle serait le seul facteur qui provoque l'"abandonne-ment" mais le facteur de la taxation, je pense, en est un, parce que à un moment donné, les

taxes deviennent tellement élevées — d'ailleurs, j'ai cité des chiffres de New York ce matin, savoir qu'il y avait eu 126 propriétés en 1968 ou 1969, je ne sais pas trop, qui avaient été abandonnées pour non paiement de taxes — que le bonhomme se dit qu'il ne peut payer des réparations.

M. CHOQUETTE: Le rapport fait justement état de la situation du propriétaire qui a un revenu insuffisant de son immeuble et qui, face à l'accroissement des coûts, néglige les réparations et, au bout d'un certain temps, il y renonce. Parce que présentement, à New York, il y a un véritable gel de loyers.

M. VIAU: Oui, mais, indépendamment de cette question de contrôle, ne croyez-vous pas que le problème du logement, qui est un problème vital au Québec, ne nécessiterait pas de façon opportune une étude sérieuse et approfondie pour vider cette question, ou tenter, au moins, de la vider, une fois pour toutes.

M. CHOQUETTE: M. Viau, je suis de votre avis. Je crois qu'il devrait y avoir...

M. VIAU: Et les organismes que je représente sont prêts à collaborer. Je pense qu'on devrait avoir une collaboration de tout le monde pour ça.

M. CHOQUETTE: Je le crois. D'ailleurs, le problème du bill 59 et du code des loyers n'est pas une réponse totale au problème du logement au Québec. C'est une réponse bien partielle. Le gouvernement en est parfaitement conscient. Je n'écarte pas du tout la proposition que vous avez formulée, au nom de Vos clients, d'une étude de l'ensemble des problèmes du logement au Québec, de l'habitation et des problèmes du domicile.

M. VIAU: Mais je dis qu'avant d'aller plus loin, il serait peut-être bon de s'y pencher et de voir si réellement, sérieusement, on doit étendre de façon générale, le contrôle à tout local d'habitation, que ce soit à Sept-Iles, à Rouyn, à Chicoutimi, à Drummondville, à Sherbrooke, à Trois-Rivières, ou à Montréal, peu importe.

M. CHOQUETTE: Mais tout à l'heure, vous avez fait allusion aux besoins qu'il pouvait y avoir dans le domaine de l'arbitrage entre propriétaires et locataires dans les conditions financières lorsqu'ils n'arrivent pas à s'entendre. Et la régie a fait faire un certain sondage. Voici ce qu'on dit ici, parlant des résultats de ce sondage: La compilation fait état d'une augmentation annuelle de 10 p.c. et plus. En effet, les statistiques démontrent que l'augmentation annuelle moyenne du prix du loyer au Canada est de l'ordre d'environ 4 p.c. Il est par conséquent très raisonnable de considérer comme présumément abusive une augmentation annuelle de 10 p.c. et plus. Ainsi, le sondage démontre que sur 1,177 locataires interrogés, 255 ont subi une augmentation annuelle moyenne de 10 p.c. et plus. Donc, près d'un locataire sur quatre, soit 22 p.c. parmi ceux qui ont été appelés pour des renseignements aux bureaux locaux de la Régie des loyers, a subi annuellement une augmentation de 10 p.c. et plus, et ce, alors qu'il habitait le même logement. Cela illustre le besoin qu'il peut y avoir dans ce domaine, soit de réprimer des abus.

M. VIAU: Encore là, vous avez soulevé une autre facette du problème. Là, on y va par petits bouts à la fois. Vous donnez des statistiques sur une partie, puis sur une autre. Je crois que c'est l'ensemble de toutes ces données qui pourrait réellement donner une vue d'ensemble au gouvernement et aux législateurs pour en arriver à adopter une loi réaliste répondant réellement aux besoins de la société et aux besoins relatifs à l'économie de la province. C'est sur cette note que je veux terminer, s'il n'y a pas d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'en aurais trois petites, si vous voulez y répondre.

Dans les solutions proposées, vous indiquez à la troisième ligne — je parle toujours du résumé — une planification financière à long terme des corps publics; mentionnant les corps publics, quand vous avez expliqué ce passage de votre mémoire, vous avez mentionné les gouvernements fédéral, provincial et les autorités municipales. Est-ce que vos mandataires ont poussé plus loin la réflexion et, quitte à bousculer certains principes établis, ne se sont-ils pas demandé si une autorité publique dans le domaine de l'habitation...

M. PAUL: J'aimerais mieux, M. Viau, que vous répondiez au nom de vos mandants.

M. VIAU: M. Charron, je crois, vous savez, qu'il faut fonctionner dans le système de gouvernement qu'on a au pays. H y a un gouvernement fédéral qui a certains pouvoirs qui lui sont accordés par la constitution. La province a le pouvoir qui lui est accordé par les articles 92 de la constitution, de la propriété, et je crois qu'il faut travailler dans le cadre des institutions, à leur existence.

M. CHARRON: Dans l'hypothèse d'une très éventuelle réforme de la constitution, est-ce qu'une seule autorité publique, en vue d'une planification financière mieux faite dans le domaine de l'habitation, ne serait pas mieux que la concertation à trois?

M. VIAU: Je crois que c'est utopique, ce que

vous proposez, parce qu'en fin de compte, il y aura toujours des gouvernements municipaux, il y aura toujours un gouvernement provincial, il y aura toujours un gouvernement fédéral.

M. CHARRON: D'accord. Quand on heurte un mur, on ne frappe pas dessus!

Vous parlez de l'utilisation d'une formule de bail standard. Est-ce que vous seriez prêt à inclure un bail type dans le projet de loi?

M. VIAU: Je pense que pour la formule de bail standard, à un moment donné, la loi, comme le code civil, pourrait dire qu'il y aurait certaines dispositions qui sont automatiques. Je ne sais pas si vous êtes au courant de la loi des compagnies. Autrefois, quand on incorporait les compagnies, il fallait mettre dans notre demande, pour que cela se retrouve dans les lettres patentes, une série de pouvoirs. A un moment donné, le législateur a dit: II y a des redondances. On se répète. Alors, on a mis dans la loi que les corporations qui sont formées en vertu de la loi des compagnies, auraient telytel pouvoir. Il pourrait très bien être dit, et ceci pourrait se faire dans le code civil, qu'à un moment donné le bail pourrait contenir telle ou telle disposition qui serait ni plus ni moins presque obligatoire.

Nous avons les conditions statutaires qui apparaissent à la loi pour les compagnies d'assurance, pour les polices d'assurance. Il apparaît dans le code civil que les polices d'assurance doivent avoir telle et telle disposition. Maintenant, que nous ayons une formule, cela peut toujours se faire, mais, d'un autre côté, il y a toujours place à de l'amélioration. A un moment donné, il y en a qui ont un meilleur style que d'autres. Quand on parle d'un bail standard, je pense qu'on pourrait se référer à des dispositions dans la loi. Je crois que l'office de révision — je vois le président — semble d'accord pour cette suggestion. Cela pourrait se retrouver à l'intérieur du code civil.

M. CHARRON: Ma troisième et dernière question ne concerne pas les solutions.

M. BOSSE: Sur ce point, ne croyez-vous pas que l'accès en serait plus facile, cependant, si ce bail type se retrouvait, par exemple, au niveau de la loi 59 plutôt qu'au niveau du code civil? Je m'explique: Pour le locataire, disons le citoyen ordinaire, à moins d'accès comme vous pouvez en avoir comme avocat, est-ce que ce ne serait pas plus facile pour le citoyen, le locataire...

M. VIAU: M. Bossé, que le texte de loi se retrouve dans le code civil ou dans les statuts, je pense, en fin de compte, qu'il y a la même facilité d'approche. Ce matin, j'ai émis l'opinion en dehors du mandat, mais, comme avocat, je crois qu'on doit éviter de multiplier les lois. Pour ma part, je déplore la multiplication des lois pour régler différents problèmes, alors qu'on devrait rester, à mon sens —c'est une opinion personnelle — dans le cadre des lois existantes. Le code civil a déjà un chapitre qui concerne les relations entre le locataire et le locateur.

M. BOSSE: C'est aussi ce qui cause des problèmes aux locataires, par exemple, qui, eux, doivent faire de la consultation, parce que c'est bien évident que pour le locataire moyen, il n'a pas accès à ces services.

M. HARDY: II y aurait une solution bien facile au problème que semble se poser le député de Dorion, si jamais on arrivait à la conclusion que c'est un chapitre du code civil; on ferait un tiré à part de ce chapitre du code civil et on le distribuerait aux gens qui ont difficilement accès, comme le dit le député de Dorion, aux volumes du code civil. Je pense que ce n'est pas un problème bien grave.

M. VIAU: Et d'ailleurs, si vous vous rappelez, la loi pour faciliter l'accès...

M. BOSSE: Ce n'est peut-être pas un problème bien grave pour mon confrère...

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorion, s'il vous plaît. Je suis encore ici comme président, je donne la parole au député de Saint-Jacques.

M. BOSSE: Excusez-moi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Habituez-vous, s'il vous plait!

M. CHARRON: Ma dernière question était: Vu le refus que semble apporter le groupe que vous représentez au bill 59 et son adoption par l'Assemblée nationale qui, à mon avis, ne fera pas de doute, est-ce que, étant donné que la loi permet — je pense que c'est à l'article 19, si ma mémoire est fidèle — deux ans entre la construction d'une habitation et le fait qu'elle entre dans le champ d'application de la loi, cela n'aura pas comme conséquence que les entrepreneurs que vous représentez et les autres, sachant que dans deux ans ils seront soumis au 5 p.c. annuel, auront tendance, dès les deux premières années où la loi ne les touche pas, à augmenter le prix des loyers, à les mettre plus élevés qu'ils ne l'auraient été normalement, la loi n'ayant pas été appliquée? Ou croyez-vous que la loi du marché va les contenir?

M. VIAU: Actuellement, M. Charron, je l'ai dit précédemment, dans une certaine catégorie de logement, je crois que la compétition, l'offre et la demande conditionnent les loyers. Même si tel était le cas maintenant qu'une maison à logements multiples soit érigée qu'en novembre 1973 on voudrait louer les logements $200

alors que le prix normal serait de $130, j'ai l'impression qu'il y aura des vacances assez nombreuses et que le propriétaire n'y a pas intérêt.

Vous savez que dans un bloc de tant de logements, il faut qu'il y ait un strict minimum qui soit loué et il faut que ça rapporte tant pour payer les dépenses, les intérêts sur l'emprunt, etc..

M. CHARRON: D'accord, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Dorion a des questions?

M. BOSSE: Non.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je remercie M. Viau ainsi que les membres qu'il représente.

M. VIAU: Je vous remercie, M. le Président et MM. les membres, de votre bonne attention.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant M. Gilles Champagne au nom de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. LETOURNEAU: M. le Président, mon nom est Jean-Paul Létourneau; je suis le vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent pour la présentation de notre mémoire. A ma droite, M. Pierre Morin, directeur général des affaires publiques de notre organisme; à ma gauche, Me Gilles Champagne, directeur des recherches et de la législation et à ma droite, Mme Gisèle Baril, notre directeur pour l'information.

Ce n'est pas mon intention, M. le Président, de vous lire notre mémoire. Notre présence ici est surtout pour appliquer une politique en laquelle nous croyons beaucoup, qui est celle de notre organisme et qui se résume bien par les propos tenus récemment par notre président, propos qui ont d'ailleurs été rapportés dans notre mémoire et que je vais répéter. Ce n'est pas très long.

Cela se résume comme suit: L'appareil gouvernemental devient de plus en plus lourd et contraignant pour tout le monde. Il ne s'agit pas pour nous de nier le rôle du gouvernement à légiférer là où il y a des abus, il s'agit plutôt d'intervenir lorsque nous croyons que le prix â payer en termes de liberté individuelle est disproportionné par rapport aux abus à corriger.

Il s'agit aussi d'intervenir pour que les mécanismes de régularisation des activités touchées par ces lois atteignent vraiment leurs objectifs sans créer des monstres administratifs qui coûtent très cher et qui créent des embête- ments, des déboursés et des tracasseries inutiles aux citoyens et aux entreprises qui se comportent raisonnablement."

M. le Président, nous sommes en général d'accord sur les dispositions de la loi qui visent à établir une liste de prohibitions qui ne peuvent faire partie d'un bail, qui visent à prévoir des conditions de maintien d'un locataire dans les lieux, à prévoir des conditions de reprise de possession des lieux par le locateur, à prévoir des conditions générales d'éviction et de résiliation de bail et à briser cette coutume de la fin des baux au 1er mai.

Par contre, nous nous opposons à l'établissement du mécanisme gouvernemental très lourd que la loi propose de mettre en place et qui vise à réglementer et à trancher les désaccords quant au coût ou à l'augmentation du coût d'un loyer entre les parties à un bail de location de logement d'habitation. Dans toutes nos consultations, nous n'avons pas réussi — ici, nous allons peut-être entrer dans un débat du genre de celui que nous venons d'entendre sur la justification de la loi — à trouver des justifications satisfaisantes, à notre point de vue, à la mise en place d'une loi semblable.

Le ministre, lorsqu'il a présenté la loi à la première session de la commission parlementaire de la justice qui discutait ce projet de loi, à la page B-5908 du journal des Débats du 27 septembre 1972, a fait état, de statistiques où il est dit: "Le logement présente des tendances nettement plus inflationnistes que les autres secteurs de la consommation. Ainsi, l'indice des prix à la consommation était de 141.8 pour le logement en 1970, contre 129.7 pour l'indice global des prix à la même époque." Si mes informations sont correctes, je pense que le ministre se référait à des statistiques canadiennes, alors que nous avons l'impression que les statistiques québécoises ne présenteraient pas tout à fait la même proportion ou disproportion entre le coût général de la vie et l'indice de l'augmentation des prix du logement.

M. CHOQUETTE: M. Létourneau, je ne veux pas vous interrompre pendant votre exposé...

M. LETOURNEAU: Non, très bien.

M. CHOQUETTE: ... mais simplement dire que les statistiques pertinentes pour le Québec n'existent pas. Il n'y a pas de données statistiques pour le Québec seul. C'est la raison pour laquelle j'ai cité des statistiques canadiennes.

M. LETOURNEAU: Nous comprenons bien ce fait, M. le ministre, cependant, cela nous ramène au débat de tantôt, à savoir qu'il faudrait peut-être examiner de plus près la situation québécoise. Si nous regardons ici les statistiques dont nous disposons, qui sont reproduites dans un document qui s'intitule "La situation économique au Québec, 1971," publié

par le ministère de l'Industrie et du Commerce de la province de Québec, nous y trouvons en page 74 un tableau qui montre des indices de prix à la consommation pour l'habitation et d'une manière globale. Ces indices canadiens sont comparés aux mêmes indices pour Montréal et nous remarquons une différence très appréciable de l'indice du coût de l'habitation au Canada et au Québec, c'est-à-dire qu'au Québec il est très sensiblement moins élevé que dans le Canada en général.

Ce qui nous porte à croire que la situation devrait se refléter à l'envergure de la province également. C'est ce qui fait que nous appuyons évidemment cette position qui requiert que des études plus approfondies nous apportent une preuve bien étayée du besoin de la loi qui fait l'objet de l'étude aujourd'hui.

D'ailleurs, le député de Maisonneuve, je pense, au cours de la même session de la commission parlementaire, a cité de son côté que les augmentations de loyer à Montréal étaient de l'ordre d'environ 11/2 p.c. Ailleurs, on a vu aussi qu'à Québec, dans un document qu'on a cité tantôt, M. Couillard a indiqué que les augmentations étaient de l'ordre d'à peu près 3.7 p.c. annuellement depuis les huit dernières années. Ceci nous porte à croire que, d'une façon générale, il ne semble pas y avoir des abus marqués concernant les augmentations de loyer dans la province de Québec. Evidemment, nous sommes conscients qu'il y a une distinction ici entre les indices du coût de l'habitation qui inclut sans doute l'habitation unifamiliale et l'indice du coût du logement, mais même à cela, il y aurait des réconciliations à faire ainsi que des précisions.

Nous reconnaissons avec vous, M. le Président, que l'intention du législateur n'est pas nécessairement d'établir un gel des loyers. Cependant, dans l'application pratique que l'on fera de la législation qui est à l'étude, nous craignons fort que cette application pratique amène en pratique un gel des loyers. Parce que, s'il y a conflit entre le locateur et le locataire, quant à l'augmentation qui devait effectivement être acceptable, le tribunal devra juger à un moment donné de ces cas, selon certains critères. Nous avons toute raison de croire que ces critères, à un moment donné, seront établis selon des taux de rendement. Quels seront les taux de rendement que le tribunal établira comme étant raisonnable? Seront-ils uniformes à travers la province? Seront-ils flexibles? Tiendront-ils compte des variations dans les taux d'intérêt sur hypothèque, par exemple, qui, dans une bonne mesure, peuvent conditionner ce que les propriétaires estiment être un rendement raisonnable de leurs investissements dans le domaine du logement à revenu?

Ce sont autant de questions sur lesquelles nous nous inquiétons, parce qu'il est bien connu que, dès qu'on a établi des critères, il est bien difficile de les faire varier et, à toutes fins pratiques, cela pourra équivaloir à des maxi- mums qui, eux, résulteront à toutes fins pratiques aussi, en un plafonnement ou à un gel des loyers.

Dans les consultations que nous avons eues, M. le Président, il semble bien que la perception qu'on a eue de cette loi est mauvaise chez les propriétaires. On perçoit mal cette loi. Remarquez que ce projet de loi peut être très bon en soi, je ne pose pas de jugement et même ceux qui la regardent ou qui en entendent parler plutôt, perçoivent cela comme une nouvelle contrainte, comme de nouvelles formalités, comme l'intrusion du gouvernement dans leurs affaires, comme le plafonnement du revenu qu'ils pourront percevoir de leurs logements et aussi, comme beaucoup de tracasseries administratives et, Dieu sait s'ils en ont déjà beaucoup, et n'importe qui est réfractaire à ce genre de contrôle, de formules à remplir, etc.. Alors, nonobstant la qualité de la loi, si sa perception n'est pas bonne par ceux à qui elle s'applique, les effets et les conséquences de cette loi ne pourront pas être bénéfiques à l'ensemble.

M. CHOQUETTE: Je vous reprends un peu sur cela parce que, lorsque le projet de loi a été connu au début de juillet, je crois, j'ai lu des réactions instantanées qui ont paru dans la presse et je dirais qu'au total les réactions étaient dans l'ensemble assez favorables et du côté des locataires et du côté des propriétaires. En somme, la réaction initiale n'a pas été négative du tout. J'admets qu'il y a certains points qui ont certainement été l'objet de critiques. C'est tout à fait normal. Cela ne serait pas à moi de m'étonner de cela, mais je ne vois pas pourquoi vous pouvez dire que la perception est mauvaise.

M. LETOURNEAU: Ce sont des perceptions que nous avons eues en consultant des gens — propriétaires, petits, moyens et grands, de logements d'habitation — qui voient fondre sur eux une nouvelle loi à laquelle ils n'étaient pas soumis auparavant parce que la loi proposée couvrira tous les locaux d'habitation. On voit une nouvelle loi qui arrive et qui permettra, par exemple, à un locataire, au moindre conflit, d'aller devant...

M. BURNS: M. Létourneau, cela ne couvre pas tous les logements. C'est d'ailleurs une des critiques — vous m'avez cité tantôt et si vous avez lu tout mon texte à ce sujet, j'ai fait cette critique — à l'effet qu'il y a une partie des logements qui ne sont pas couverts par cette loi.

M. LETOURNEAU: Vous voulez dire les municipalités de la province qui ne sont pas couvertes?

M. BURNS: C'est cela.

M. LETOURNEAU: C'est une bien petite minorité.

M. BURNS: II y en a quand même.

M. LETOURNEAU: D'accord, mais je parle de celles qui sont couvertes ici.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous me permetteriez de poser une question à M. Létourneau? Vous avez fait allusion tantôt à la consultation que vous avez conduite. Quelle forme exactement cette consultation a-t-elle prise? Combien de personnes avez-vous pu rencontrer? De quelle façon cela s'est-il produit? Est-ce que cela a été une consultation dirigée ou très objective? Est-ce que vous avez donné votre opinion sur la loi avant de leur demander de l'exprimer ou vice versa?

M. LETOURNEAU: M. le Président, je vais demander à mon collègue, Me Champagne, qui a participé à cette consultation, de vous donner la réponse.

M. CHAMPAGNE : Nous n'avons pas fait une consultation systématique au Québec en disant: Demain matin, nous aurons la réponse. Vous avez deux personnes en arrière, juste à votre droite, qui étaient présentes à une réunion à Montréal pour donner de l'information à 150 propriétaires.

M. HARDY: Est-ce que cela était une information objective ou dirigée?

M. CHAMPAGNE: Disons qu'elle était très objective tout en étant bien dirigée.

M.HARDY: Ces personnes n'ont pas mené d'anti-campagne?

M. CHAMPAGNE: Non. Mais nous pouvons dire une chose. Heureusement qu'elles étaient en haut sur la tribune et non dans la salle, parce que cela brassait dans la salle. Il y en avait 150 qui étaient présents, de gros propriétaires, des moyens ou des petits et la réaction perçue par Me Alarie, Me Cardinal et M. Massie, qui représentait M. Ross à ce moment-là, a été assez véhémente. A Québec, c'est M. Ross qui est allé et il les a endormis un peu plus. Mais à Montréal, ce n'est pas lui qui est venu.

M. CHOQUETTE: C'est parce que M. Ross a une capacité formidable de parler.

UNE VOIX: C'est un ancien membre de l'Assemblée nationale.

M.HARDY: C'est par déformation professionnelle.

M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier qu'il a été député pendant seize ans. Il faut comprendre cela dans son background pour expliquer cela.

M. CHAMPAGNE: Ce n'est pas une critique contre M. Ross, parce que je pense qu'il est bien gentil, mais je pense concrètement que vous avez deux personnes qui ont pu assister devant 150 personnes au moins à des critiques très véhémentes sur beaucoup de points du projet de loi. Deuxièmement, il y a eu beaucoup de compagnies ou de membres qui nous ont appelés, nous avons eu des consultations et nous en avons parlé. M. Hardy était présent à une réunion, nous en avons parlé avec des gens autour, l'ensemble des gens contestait un peu le bien-fondé du bill dans certaines applications. Je pense que nous en avons fait une certaine consultation, peut-être pas aussi grande que celle de la Régie des loyers avant, mais quand même raisonnablement dans le contexte actuel.

M. CHOQUETTE: Le rapport que j'ai eu, M. Champagne, pour donner l'autre côté de la médaille est qu'il est vrai qu'au début il y avait des objections peut-être assez véhémentes de formulées, mais quand on a donné les explications, la plus grande partie des objections ont été réglées.

M. CHAMPAGNE: ... dissipées. M. CHOQUETTE: Oui.

M. CHAMPAGNE: Je pense qu'on peut interpréter différemment les choses quand on est au bord d'une table ou à l'arrière d'une salle. J'étais dans la salle et disons que les réactions, tout en étant pondérées à certains moments, ont été jsuqu'à la fin... A moins que je ne me trompe... mais disons que Me Cardinal et que Me Alarie ont fait un effort extraordinaire pour essayer de vendre à tout le monde le bill.

Je regrette que M. Ross n'ait pas été là parce que vraiment, Québec, cela a été un succès.

M. LETOURNEAU: Pour continuer, un autre facteur qui ne contribue pas à une bonne perception de la loi, c'est la réputation acquise par la régie actuelle et qui fait que depuis — enfin, je n'oserais pas mentionner de date précise — mais disons depuis quelques années, les propriétaires ne se donnent même plus la peine d'aller défendre leur point de vue devant la régie, tenant pour acquis, étant donné des précédents, qu'ils auront plus au moins raison, plus ou moins gain de cause. Il semble que dans plusieurs causes qui ont été entendues par la régie, les propriétaires ne prennent même plus la peine de se présenter. Alors, je ne peux pas poser de jugement sur la valeur de la régie, c'est tout simplement un fait que nous avons constaté. Ceci, étant donné qu'on élargit les pouvoirs de cette régie très considérablement, contribue pour une part à une mauvaise perception de l'établissement d'une législation telle que celle qui est ici proposée. Un autre aspect...

M. BURNS: M. Létourneau, est-ce que je pourrais poser une question?

M. LETOURNEAU: Oui.

M. BURNS: Est-ce que ce que vous venez de soutenir est appuyé par des avocats qui défendent des locataires ou des propriétaires devant la régie?

M. LETOURNEAU: Non.

M. BURNS: Parce que moi, je vais vous dire d'expérience — et il y en a d'autres, j'imagine, des avocats d'expérience, autour de la table — c'est très rare que j'ai vu le propriétaire ne pas se présenter ou le locataire ne pas se présenter. Evidemment si c'est le locataire qui en appelle, vous avez raison de dire qu'il est normal qu'il y soit. Dans les cas où j'ai représenté des locataires devant la régie, je vous avoue qu'en douze ans de pratique, je n'ai pas vu un propriétaire ne pas se présenter. Je ne vous dis pas que j'en plaide tous les jours non plus mais je vous avoue que votre affirmation m'étonne un peu, à l'effet que les propriétaires se sentent tellement défavorisés par la régie actuelle qu'ils ne se présentent pas.

M. LE PRESIDENT: Me Champagne.

M. CHAMPAGNE: M. Burns, vous avez raison de dire que ceux qui ont fait des demandes ou qui sont appelés à y aller se défendent. C'est évident parce qu'à ce moment, ils ont fait une demande devant la régie et, à moins d'être innocents, ils ne devraient pas la faire avant. S'ils décident d'y aller, qu'ils aillent jusqu'au bout. Mais où M. Létourneau veut en venir, dans la salle à Montréal, en tout cas, cela a été le sentiment, les gens, pour $2 par mois, n'y vont pas. $2 par mois, cela coûte $24 par année pour aller passer un certain temps devant la régie; cela ne valait pas la peine. C'est en ce sens que les propriétaires n'y allaient pas. Et non pas dans le sens que lorsque la demande était introduite, ils ne se présentaient pas. C'est plutôt dans le sens qu'ils trouvaient que cela ne valait presque pas la peine à un moment donné et qu'ils laissaient cela de côté.

M. BURNS: Et surtout que depuis quelques années, de part et d'autre et ça aussi, il faut l'ajouter, si on veut dire à un moment donné que cela coûtait trop cher d'être représenté par un avocat d'expérience, les gens, et propriétaires et locataires, y allaient seuls. Et c'est à mon avis quelque chose qu'on doit accorder à la régie actuelle, c'est-à-dire que les gens se sentaient dans une atmosphère non formaliste où l'on tentait de régler le problème équitablement. Moi, je conteste justement l'affirmation que M. Létourneau vient de faire à ce sujet. J'ai plutôt eu l'impression que depuis quelques années, les gens, et propriétaires et locataires, avaient confiance en cette espèce de pseudotribunal ou de tribunal quasi judiciaire qui tentait de voir équitablement la situation.

M. LETOURNEAU: M. le Président, je dois dire que la perception que nous avons eue auprès des personnes consultées, soit en groupe ou séparément, n'est pas du tout celle-là. Elle est à l'effet que le propriétaire n'a pas comme le locataire la confiance en la régie qu'il aura lorsqu'il s'y présente exactement à un jugement en toute équité. Il lui semble — remarquez qu'encore une fois, ce n'est pas un jugement de l'équité du tribunal — que cela ne vaut pas la peine et que, évidemment il est entendu que le locataire aura raison.

M. CHAMPAGNE: Je voudrais simplement ajouter qu'une des raisons pour laquelle on veut faire un code des loyers, une des raisons invoquées par M. le ministre, c'est que justement le personnel de la régie est un personnel engagé temporairement annuellement. C'est un personnel qui, à cause des rémunérations, n'est peut-être pas aussi qualifié qu'il aurait pu l'être et peut-être qu'à Montréal, c'était différent; je pense qu'on engageait à Montréal des avocats pour servir en première instance, alors que, dans d'autres régions, c'était différent. Et dans ce sens, peut-être que la perception des gens d'aller devant la régie pour $24 par année, cela ne vaut pas la peine. Cela était le départ de l'affirmation. Et à la réunion qu'on a eue à Montréal, plusieurs personnes ont affirmé qu'elles n'y allaient pas parce que cela ne valait pas la peine.

C'était le départ de l'affirmation. Quant à la réunion que nous avons eue à Montréal, beaucoup de gens ont dit: Nous n'y allons pas, ça ne vaut pas la peine! Evidemment, nous n'avons pas l'expérience de la régie, nous n'y allons pas régulièrement. C'est cette perception que nous avons.

M. CHOQUETTE: M. le juge Ross attire mon attention sur un fait qui est assez important. C'est que, sous la Loi de la conciliation entre propriétaires et locataires, c'était plutôt le locataire qui prenait l'initiative de procédures devant la régie, en ce sens que c'est lui qui demandait la prolongation et la fixation...

Le juge Ross me dit que, dans probablement au moins la moitié des causes entendues, des augmentations avaient été quand même décrétées par la régie pour rendre justice au propriétaire. Alors il serait peut-être...

M. LETOURNEAU: M. le Président, nous ne contestons pas cette dernière affirmation, mais nous constatons, à ce moment-ci, que nous sommes un peu dans la même position que le gouvernement, nous fonctionnons beaucoup selon des impressions. Nous pensons qu'il n'y a pas suffisamment d'information de base pour nous permettre de prouver, comme je l'ai dit au début, d'une manière, je ne dirai pas irréfutable, parce qu'il y a très peu...

M. BURNS: C'est un des cas où j'ai le goût de défendre le gouvernement, parce que, pour une fois, il ne fonctionne pas sur des impressions. J'ai l'impression que nous avons enfin une loi qui répond à un besoin.

M. LETOURNEAU: C'est justement parce que vos...

M. HARDY: Parce que vos impressions ne sont pas toujous compatibles avec celles du gouvernement.

M. BURNS: Tant mieux, c'est ça le rôle positif de l'Opposition.

M. LETOURNEAU: M. le Président, si vous le permettez, je vais continuer avec les autres points.

M. CHOQUETTE: A moins que la...

M. LE PRESIDENT: Je regrette, j'aimerais que l'on revienne au projet de loi no 59 et que l'on oublie, momentanément du moins, de faire le procès de la Régie des loyers.

M. LETOURNEAU: Alors je continue, M. le Président.

Au paragraphe 22 de notre mémoire, en page 6, nous faisons référence à l'organisme que le gouvernement veut mettre sur pied pour éviter les abus et nous nous posons des questions sérieuses quant au coût d'administration de la loi telle que proposée. La loi, telle que proposée, va amener le gouvernement ou la régie à recevoir des montagnes d'informations, c'est le moins que l'on puisse dire, et il faudra les colliger, les analyser; il faudra des tas de gens pour inspecter, vérifier. C'est en fait une machine administrative très considérable que l'on se propose de mettre sur pied, machine administrative qui coûtera sans doute passablement cher. Et nous avons noté que, dans d'autres secteurs d'activité où le gouvernement a mis sur pied des machines administratives dans des buts identiques, je pense par exemple à la protection du consommateur, dès la première année, on s'aperçoit que le gouvernement ne donne pas les crédits suffisants, — enfin, ceux qui ont à appliquer la loi le prétendent — pour une application adéquate des lois votées. Si une loi est votée, nous sommes, en principe, pour qu'elle soit appliquée. Et si l'on propose des structures administratives considérables, il faudra être prêt à en payer le prix, et c'est une autre chose qui nous inquiète. Quel sera le coût des organismes administratifs que l'on mettra en place à la suite d'une telle législation, et ce coût se compare-t-il raisonnablement avec la somme des abus que l'on veut corriger? Parce qu'en somme, ce sont tous les citoyens qui paieront par leurs taxes cette espèce de prime d'assurance afin d'éviter — c'est notre intention — que des gens se fassent avoir par ceux qui abuseront d'eux dans un sens ou dans l'autre.

C'est une autre analyse, selon nous, qu'il serait très intéressant de faire, parce que les coûts impliqués dans ce qu'on veut mettre en marche nous semblent très élevés.

Finalement, même si nous avons des objections de principe très fortes dans l'option d'un contrôle du prix des loyers, nous réalisons, comme l'a signalé tantôt un député, que probablement le gouvernement agira et, compte tenu de cette éventualité, nous devons essayer de proposer des améliorations à ce que nous avons devant nous comme projet de loi.

M. le ministre a dit plus tôt que le projet de loi était un document de travail. Nous en sommes très heureux et c'est pourquoi nous voulons y apporter quelques suggestions d'amendements et d'améliorations, nous l'espérons. Nous proposons, en somme, une nouvelle approche à cette question des abus dans le domaine des loyers.

C'est l'approche de l'exception. C'est-à-dire qu'au lieu de s'attaquer globalement à tout le monde, que l'on ne s'attaque qu'à des gens qui auront abusé dans un sens ou dans l'autre. Nous sommes d'accord qu'il y ait d'abord un souci d'équité pour toutes les parties en cause et ensuite un souci d'efficacité et de réalisme dans l'application de la loi.

M. le ministre a dit ce matin, c'est-à-dire juste avant l'ajournement: Ce qui nous intéresse, ce sont les familles défavorisées. Mais justement, le projet de loi couvre tout le monde. Si l'intérêt du gouvernement se porte surtout vers les défavorisés, pourquoi ne pas préparer la loi en fonction de ces gens en particulier, si ce sont eux particulièrement que l'on veut protéger? "Ce souci d'équité nous porte à croire que l'essence même de la loi doit maintenir toute la latitude possible pour que les parties à un bail en viennent à une entente mutuellement agréable sans intervention de l'Etat, d'abord. Et: "L'efficacité et le réalisme devraient se traduire dans ce projet de loi par une intervention de l'Etat seulement en cas de désaccord entre les parties, c'est-à-dire à partir d'une philosophie d'exception."

La déclaration du locateur prévue aux articles 14 et 17 du projet. Si nous faisions sauter ces deux articles, ça allégerait considérablement le fardeau administratif et les tracasseries de toutes sortes aux locateurs, surtout les propriétaires d'un ou de quelques logements. Je ne sais pas si on a imaginé la lourdeur de l'organisme administratif qu'on devrait mettre sur pied simplement pour satisfaire à ces deux articles du projet de loi et le coût impliqué.

Quatre autres dispositions devraient, par ailleurs, faire partie de la loi prévoyant, en cas de désaccord entre les parties — et ce sont des suggestions d'amendements que l'on retrouve au paragraphe 30, à la page 9 de notre mémoire — d'abord l'arbitrage global d'un im-

meuble ou d'un complexe immobilier, réduisant ainsi les occasions qu'un locateur ait à comparaître de nombreuses fois pour faire état d'une situation semblable de cas en cas. A ce moment, nous voulons parler de quelqu'un qui a une grande propriété, un grand complexe immobilier et si, chaque fois qu'un des locataires fait une plainte, il doit se rendre devant le tribunal, cela serait un perpétuel recommencement pour des cas qui sont absolument semblables de l'un à l'autre.

Ensuite, nous recommandons la convocation de tous les locataires habitant un même immeuble ou complexe immobilier pour l'audition d'une plainte portée par l'une des parties à un bail lors d'un désaccord sur la fixation du loyer. Cela se relie à la première proposition citée.

Troisièmement, la décision arrêtée suite à l'intervention de l'Etat devrait être en vigueur pour une période d'au moins douze mois après sa publication. C'est une autre suggestion d'amendement. Enfin, le déplacement du commissaire ou des membres du tribunal des loyers vers les justiciables plutôt que le déplacement des justiciables vers les instances administratives; une autre suggestion d'amendement.

A ce stade, M. le Président, mon collègue, M. Champagne, aimerait ajouter quelques commentaires.

M.CHAMPAGNE: M. le Président de la commission, je vais peut-être illustrer différemment. M. Létourneau a lu les textes sur lesquels on voulait procéder par philosophie d'exception. Je vais illustrer un peu rapidement comment nous voyons ça. Le gouvernement, dans son objectif de faire de la conciliation entre les deux groupes, décide de faire un cadre général. Tout le monde embarque, tout le monde fait des déclarations. Les déclarations sont envoyées selon l'article 14 ou 17.

Il y a 700,000 ou 800,000 déclarations qui doivent arriver, le nombre exact, je ne l'ai pas, qui arrivent à la Commission des loyers. Là, on doit recevoir toute cette information, la colliger, la tenir à jour, cela prend une petite armée de fonctionnaires. On ne voudrait pas créer la différence d'emplois qui manquent pour en faire des emplois pour les jeunes, mais il reste qu'on va créer des "jobs", on va mettre du monde partout. Alors, ça c'est le problème...

M. BURNS: II y a un gars qu'on appelle "Bob la job", qui s'occupe de cela.

M.CHAMPAGNE: Alors, disons que c'est une vue d'ensemble, un grand corps d'administration pour couvrir tout le monde. M. le ministre et les membres de la commission ont dit, les gens qui ont préparé le projet de loi l'ont dit aussi: On veut régler les cas d'abus. Or, nous disons: Procédez donc par exception. Par exception cela veut dire, pour ceux qui ont des problèmes, on les règle, les autres, on ne les importune pas. Cela s'appelle un peu la liberté contractuelle. Un peu comme M. Hardy avait dit l'autre jour. Restons donc des gens libres de faire des conventions entre eux et essayons donc de trouver un mécanisme simple de fonctionnement.

Or, la proposition de la Chambre de commerce est à l'effet qu'on enlève les déclarations de tout le monde, qu'on enlève les 5 p.c. obligatoires. Qu'on dise à ce moment-là: Appel devant le commissaire des loyers en tout temps, que ce soit de zéro jusqu'à n'importe quelle augmentation et, à ce moment-là, le commissaire va jouer son rôle. Il se déplacera, il ira dans le complexe immobilier, s'il a une chance d'avoir un local autour, il louera le local. Il favorisera la présence des locataires pour se défendre devant le propriétaire et le propriétaire pourra donner ses arguments. Deuxièmement, ne pas tramer devant le commissaire des loyers à longueur d'année. S'il a un complexe de 50 logements, il n'ira pas 50 fois, il va y aller une fois et, durant les douze prochains mois, il aura droit à 7 p.c. d'augmentation au maximum. Quand les autres arriveront au renouvellement de bail, à ce moment-là, on leur dira: Monsieur, vous avez votre bail à renouveler, j'ai droit jusqu'à 7 p.c. d'après la commission, d'accord, je vous alloue jusqu'à 6 p.c, vous, parce que, dans votre cas, c'est comme cela que je veux vous louer. Liberté des parties, ils contractent jusqu'à 6 p.c. Dépassé 7 p.c, le gars n'a pas le droit à moins de conditions exceptionnelles, taxes ou autres choses.

C'est dans ce sens-là, M. le ministre, MM. les membres de la commission, que la chambre a voulu être positive pour atteindre justement l'objectif dont vous parlez, l'abus, réduire les abus, mais diminuer les frais. Le juge Ross va être heureux quand même, même s'il y a moins de fonctionnaires, il va pouvoir créer son système quand même et cela va fonctionner.

Je suis convaincu que les pertes de temps que nous allons avoir vont permettre d'être plus habile parce qu'il va y avoir plus de temps à consacrer pour étudier vraiment les implications économiques de cela. Ce sont nos suggestions, des suggestions concrètes pour qu'on règle un problème pour que ce soit intéressant pour les propriétaires de ne pas avoir à tramer devant un commissaire et, d'un autre côté, que le législateur règle son problème en voulant contrer les abus, d'accord, mais par ce moyen-là. Alors, cela est notre suggestion concrète.

M. LETOURNEAU: M. le ministre, nous remarquons que, dans la loi, il n'y a pas de définition du mot "loyer". Nous croyons que, dans une loi semblable, le mot "loyer" devrait être défini parce qu'il semble bien que cela peut vouloir dire beaucoup de choses différentes selon l'endroit, etc., ce qu'est un loyer. S'agit-il du coût réel du local d'habitation, des biens meubles, du coût des services, du coût des taxes, etc.? Parce que là il pourrait y avoir des changements assez appréciables dans les condi-

tions périphériques à l'immeuble qui pourraient être interprétés d'une façon ou d'une autre devant la régie. Alors, nous croyons qu'il serait utile que le mot "loyer" soit défini dans cette loi.

M. CHOQUETTE: Evidemment, d'après le sens commun, c'est le prix de la location, ce n'est pas le local d'habitation, parce que le local d'habitation est défini dans l'article 1. Le loyer est le prix que l'on paie pour le contrat de louage.

M. LETOURNEAU: D'accord, mais aujourd'hui, il y a beaucoup de services, de plus en plus, qui sont attachés au loyer, que ce soit l'incinérateur, le stationnement, l'ascenseur, le nettoyage des corridors, le tapis, la réfrigération, la piscine, la salle de lavage, même une salle commune disponible aux locataires de l'édifice à des taux très avantageux ou gratuitement. Il y a un tas de facteurs comme cela qui peuvent entrer dans les conditions de loyer et qui conditionnent effectivement l'occupation du local et qui donnent de la qualité à l'environnement plus ou moins selon que ces services existent ou n'existent pas, ou ont existé et se détériorent.

Alors, ce sont, en somme, des conditions, attachées à l'occupation d'un local d'habitation, qu'il serait peut-être utile de déterminer pour savoir si oui ou non elles font partie de ce qu'on appelle le loyer.

A l'article 7 de la loi, on parle du fait que la décision du tribunal sera rendue avec diligence. Il y aurait peut-être lieu de préciser ce que veulent dire ces termes, de sorte qu'il n'y ait pas trop d'abus.

M. CHOQUETTE: M. Létourneau, vous comprenez que c'est difficile d'imposer un délai au juge, pour rendre jugement.

M. LETOURNEAU: Oui, nous comprenons cela, M. le Président. Mais il arrive souvent que le gouvernement veuille protéger les consommateurs contre ceux qui en abusent, dans le secteur privé, mais se garde bien de protéger le consommateur contre le gouvernement.

M. CHOQUETTE: II n'y a pas de loi qui peut, à mon sens, autoriser ou imposer à un juge l'obligation de rendre un jugement dans un délai déterminé, excepté peut-être la forme que cela a pris dans le cas de procédures civiles, où un jugement doit être rendu dans un certain délai, sinon le juge devient désaisi de la cause. Mais je ne pense pas que cela ne se soit jamais posé au niveau de la Régie des loyers, qu'on ait eu des délais considérables comme ceux-là.

M. CHAMPAGNE: M. le ministre, on pourrait facilement prévoir un délai de deux ou trois mois et que, lorsque le commissaire n'a pas rendu jugement, le dossier soit transféré immé- diatement au tribunal des loyers. A ce moment, ils rendent immédiatement jugement pour éviter, par exemple, que le commissaire se réfugie, possiblement toujours, derrière son droit d'attendre et de donner un jugement dès qu'il va le pouvoir, évidemment. Il peut dire: Je n'ai pas les études nécessaires; il me manque ceci; il me manque cela. A ce moment, vous savez pertinemment que les loyers ne sont pas augmentés et que les jugements ne sont pas rétroactifs. Les jugements n'étant pas rétroactifs, à ce moment, on a le problème...

M.HARDY: A partir du moment où le bail...

M. CHOQUETTE: Dans le cas d'une prolongation de bail avec une nouvelle fixation d'un loyer, il va de soi que l'augmentation rétroagit au premier mois de la prolongation.

M. CHAMPAGNE: Disons, M. le ministre, qu'il est possible sûrement de mettre un délai maximum pour éviter peut-être des abus.

M.HARDY: Le problème qui se pose, je pense — en tout cas à Montréal il se posait — c'est que, entre la fin du bail et le moment où l'audition avait lieu, il y avait une certaine période de temps.

M. CHAMPAGNE: Mais, quand la cause est entendue, le jugement est le lendemain.

M. HARDY: Oui. Il n'y a pas de période de temps entre l'audition de la cause et le jugement. Cela va très rapidement. Là où il y avait un laps de temps, c'était entre le moment de la fin d'un bail, quand il n'y avait pas eu entente, et le moment où on se faisait entendre. En particulier, il y a une année, à l'occasion de l'Expo, je pense qu'il y a eu des causes qui ont été entendues dans les mois d'août et septembre, pour des baux terminés au mois d'avril. Evidemment, pendant ce temps, le loyer était rétroactif s'il était augmenté, sauf que le propriétaire, pendant ces mois, n'avait pas joui du montant de l'augmentation. Il était payé seulement après la décision.

M. LETOURNEAU: M. le Président, concernant la date d'expiration du bail, l'article 22 de la loi, nous sommes très fortement favorables à l'élimination de toute date précise concernant la terminaison des baux au Québec. Nous sommes conscients d'entrer dans un débat qui a déjà fait l'objet de plusieurs discussions devant cette commission; mais nous croyons qu'il y a possibilité, par un amendement au code civil et par un amendement au projet de loi présenté ici, d'éliminer cet engorgement du besoin des services, à cause de déménagements. Pour toutes sortes de raisons qui ont déjà été exposées devant cette commission et qui le seront, nous croyons qu'il serait utile qu'il n'y ait plus de date fixe.

Quelqu'un, M. le ministre, a déjà signalé la difficulté de n'indiquer aucune date. Quelqu'un a suggéré un moyen assez astucieux devant cette commission — je pense que c'est le représentant de l'Association du camionnage — c'est de placer cette date à un moment très inopportun pour tout le monde, comme par exemple, le 1er janvier. Ceci ferait en sorte que chacun essayerait de s'entendre gré à gré de sorte qu'on place la date à un autre moment de l'année-ci qui étalerait sur l'année les déménagements dans la province de Québec. Ce serait une excellente chose, parce que cela crée toutes sortes de problèmes que tout le monde déménage en même temps. Actuellement, cela nous crée des problèmes supplémentaires parce que la date est le 1er mai et que cela tombe pendant a période scolaire. Que l'on change cette date au 30 juin ou au 1er juillet, cela éliminera peut-être les problèmes sur le plan scolaire, mais cela n'éliminera pas les nombreux autres problèmes sur le plan de l'utilisation des services de déménagement, sur le plan des compagnies de services publics qui doivent faire en bloc des milliers de changements au point de vue du téléphone, du service de gaz, de l'électricité, etc.

M. BELAND: Me permettriez-vous, à ce moment-ci, une question? Il n'est question en aucun moment dans le bill — et je ne pense pas non plus qu'on en ait fait état dans les commentaires, enfin dans les mémoires qui ont été présentés à ce jour — de modes de fin de bail. Est-ce que, compte tenu des observations que vous avez certainement eues, que votre organisme doit avoir eues de part et d'autre, vous auriez quelques idées à émettre là-dessus, sur certains modes, par exemple, de fin de bail?

M. LETOURNEAU: Je pense que le ministre a dit, le 27 septembre, qu'il s'agissait tout simplement d'une question de formulation législative, de faire en sorte que les baux ne se terminent pas à une date unique dans l'année. Pour la question de fin de bail, il y a plusieurs formules. Cela dépend. S'il y a un bail écrit, il n'y a pas de problème; s'il y a preuve de date d'occupation, il n'y a toujours pas de problème. Il s'agirait peut-être seulement des cas où on ne peut pas faire la preuve de la date d'occupation initiale. Là, cela peut peut-être devenir un peu plus compliqué, mais vraiment, je n'ai pas la réponse juridique à cette question, M. le député. Nous recherchons actuellement cette solution avec les autres parties concernées que j'ai mentionnées, c'est-à-dire les compagnies de services publics qui sont elles-mêmes très impliquées et qui sont très affectées par cette situation. Mais, nous ne l'avons pas actuellement; je regrette.

Concernant la résiliation du bail dont il est question à l'article 36 de la loi, l'article prévoit une attente de quatre semaines. Nous croyons que cette attente est un peu longue. Nous serions d'accord sur trois semaines, ce qui est la situation actuelle dans la loi qui est en vigueur présentement.

Concernant la location d'un local d'habitation dans un immeuble d'habitations à loyer modique dont il est question à l'article 39 de la loi, je demanderai à mon collègue, Me Champagne, de vous donner nos observations, M. le Président.

M.CHAMPAGNE: MM. les membres de la commission, nous assistons ici à une disposition législative rapide, bien écrite, qui se résume comme ceci: Demain matin, le type qui a un bail de 12 mois, qui est installé dans une maison, décide de déménager dans un HLM parce qu'il a eu un avantage. Il dit au propriétaire: Dans deux mois, je pars. Le propriétaire qui avait un bail de 12 mois avait une certaine sécurité. Il la perd par une disposition qui permet d'impliquer une loi sociale — c'est une loi sociale, en fait, d'aider les gens à se déplacer dans ces appartements — et à ce moment, pénaliser les gens qui font une liberté contractuelle. Alors, je pense qu'il existe actuellement, entre les gens, les ministres, les députés, par exemple... Lorsqu'ils signent leur bail à Québec, les locateurs ne sont pas trop durs, mais en cas d'élection et de perte d'élection le bail finira un mois ou deux après. Souvent, il y a des clauses qui sont mises parce qu'on ne sait jamais si les délais seront de quatre, huit ou dix ans...

M. CHOQUETTE: C'est plutôt dans les partis de l'Opposition qu'ils exigent cette clause.

M. BELAND: ... que le gars au pouvoir en 1974.

M. CHOQUETTE: Vous, vous savez que votre seul avenir est dans l'Oppostion.

M. PAUL : Remarquez que je n'ai rien dit.

M. CHAMPAGNE: Etant donné que l'avenir des députés est soit à l'Opposition ou au pouvoir, on va continuer à s'occuper de tous les partis. M. le ministre, comme on mentionnait tantôt, c'est que dans les contrats, actuellement, il est permis de faire des annulations pour des raisons soit de départ pour d'autres villes, soit de transfert et des choses semblables.

Mais dans tous les cas, on prévoit toujours au moins une pénalité de deux ou trois mois. Ici, on ne prévoit rien. Le gars annule son bail même si son propriétaire, deux mois avant, a peinturé, a fait tout le ménage; deux mois après, le gars déménage. Nous nous opposons — en ce sens que le locataire ne devrait pas bénéficier, en plus d'être logé par l'Etat — à pénaliser le pauvre gars qui, lui, va payer les taxes pour loger l'autre.

C'est dans ce sens-là qu'on demanderait, soit qu'il y ait deux mois de pénalité, soit qu'il y ait une entente, que les HLM, qui sont assez riches

actuellement, donnent les deux premiers mois gratuitement et que ces deux mois-là soient donnés en compensation au locateur. Il y a quelque chose qui peut se faire.

Je pense qu'on doit réviser cette clause qui permettrait, dans plusieurs cas, à des gens de partir. On va invoquer, par contre, que ces gens-là sont des insolvables, des pauvres. Mais ce n'est pas toujours vrai. Disons qu'on ne devrait pas se prévaloir de l'argument que ce sont peut-être des gens dont le gars se débarasse pour dire qu'à ce moment-là on a le droit d'annuler un bail qui a été bien fait entre deux parties consentantes.

Notre position signale qu'on devrait réviser, trouver une formule pour ne pas pénaliser le locateur tout en permettant au locataire d'aller dans les HLM dans des conditions acceptables pour les deux parties.

M. CHOQUETTE: ... c'est à considérer. Quelqu'un qui veut mettre fin à un bail, suivant la jurisprudence courante, ordinairement est astreint par le tribunal à payer trois mois d'indemnité. On le sait, c'est ça. Cela ne veut pas dire que c'est déterminé, c'est à la discrétion du tribunal. Ici, on a dit 60 jours, donc deux mois.

M.CHAMPAGNE: C'est deux mois d'avis, mais pas deux mois de pénalité. Ce n'est pas pareil.

M. CHOQUETTE: Je comprends, mais vous savez qu'une pénalité de trois mois à laquelle un locataire a été condamné en faveur d'un propriétaire, si le propriétaire loue dans le délai de trois mois, d'après la jurispuredence, je crois qu'il est astreint à remettre la part de la pénalité qui peut avoir été perçue en trop.

UNE VOIX: C'est même indiqué dans le jugement.

M. CHOQUETTE: Alors, le juge Ross dit que souvent, c'est indiqué dans le jugement même, savoir qu'on condamne à deux ou trois mois, tenant compte de la difficulté de la location. Le tribunal doit quand même tenir compte de ce facteur-là et il y a souvent une disposition insérée au jugement disant que, si le propriétaire reloue dans cet intervalle, il devra remettre la partie du jugement en vertu de la théorie de l'enrichissement sans cause.

M. CHAMPAGNE: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de repenser...

M. CHOQUETTE: C'est la question des grands principes, les contrats sont sacrés.

M. CHAMPAGNE: Je parle du gars qui a fait le ménage. Prenons l'exemple d'un cas où ça a coûté $50 ou $60 de peinture, pourquoi le gars serait-il pénalisé deux mois, trois mois ou quatre mois après? Parce qu'il dit: Je m'en vais rester dans un HLM? Il y a peut-être une raison. Peut-être que le ministre ou les membres de la commission devraient, dans leur méditation, se rappeler que, en dehors de Montréal et de Québec, il existe de petits centres et, dans les petits centres, si le gars qui a loué sa maison de peine et de misère et que, rendu en novembre, il commence à faire froid et il est obligé de la chauffer tout l'hiver, ce n'est pas bien drôle.

M. PAUL: Souvent, il n'y a pas de HLM dans ces petits centres.

M. CHAMPAGNE: Alors, on va en bâtir.

M. CHOQUETTE: C'est vrai que l'époque de l'année a aussi beaucoup d'importance. Un logement laissé vide au mois de juin, en général, ne représente pas tellement de difficulté au point de vue de la relocation. Un logement qui est laissé vide en novembre ou en décembre est extrêmement difficile à louer, parce que les gens se préparent pour Noël et tout ça. Les époques les plus propices pour la location sont mai et septembre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Nous avons eu l'occasion de discuter de ce point-là avec un autre groupe lors de la première séance. Je ne blâme pas les gens de la Chambre de commerce de soulever ce problème-là mais ils le soulèvent en pensant dans le contexte actuel. Et le contexte actuel veut que la location devienne difficile en dehors de la période d'été, c'est-à-dire la période qui suit immédiatement le mois de mai. Mais si, comme ça semble être un consensus qui, de plus en plus, s'établit tant autour de la table que par les interventions des gens, vous avez des dates d'expiration qui se répartissent tout au long de l'année, alors, il est peut-être possible d'envisager que ça va être moins difficile de louer un logement en décembre ou en février si vraiment il y a, excusez l'expression, une mobilité de locataires tout au long de l'année.

Et il n'y aurait pas de grosse période de concentration. Remarquez que je ne vous blâme pas de soulever ce problème-là. Mais le locataire reste pris avec son logement, il ne peut pas le louer jusqu'au mois de mai prochain parce que cela ne se loue pas avant mars, avril ou mai, mais si on change le concept, je pense que le dommage est beaucoup moins grand. En même temps, on permet quand même à cette catégorie de gens qui, non seulement n'ont pas décidé d'eux-mêmes, de s'en aller dans un HLM où ils ont été acceptés dans un HLM parce qu'ils respectent un certain nombre de critères. Je pense qu'au fond, c'est le contexte qu'il s'agit de changer. L'objection — même si elle existe encore pour une partie — deviendrait peut-être beaucoup moins pesante dans le cadre d'une réforme de l'expiration des dates.

M. LETOURNEAU: Pour faire suite aux remarques du député de Maisonneuve, mon collègue, M. Pierre Morin, aimerait apporter des éclaircissements additionnels sur notre position.

M. MORIN: La seule précision que j'aimerais apporter, c'est lorsqu'on parle du contexte que vous soulevez, M. le député. Il est aussi question de faire disparaître la date de terminaison des baux, et le simple fait de la faire disparaître dans une grande agglomération comme Montréal soulève en soi des problèmes, comme, par exemple, le fait d'avoir une date actuellement crée quand même pendant une période de deux ou trois mois un marché où les gens peuvent choisir à la fois l'endroit et le type de logement qu'ils recherchent. En faisant disparaître la date —et on souhaite que disparaisse cette date — on influe quand même sur le marché lui-même. C'est-à-dire que les frais d'annonces... il n'y a plus un marché existant à une période donnée. En fait, en permettant de quitter des logements qui sont souvent des logements vétustes, pour s'en aller dans des logements à loyer modique, on accentue en plus ce problème. On va créer une incitation peut-être à délaisser des logements, d'une part pour s'en aller vers les HLM —cela va créer une demande accrue sur les HLM — et, d'autre part, à quitter le coin de la ville.

M. BURNS: Si vous me le permettez, M. Morin, le délaissement vers le HLM n'est pas un phénomène qui ressort ou relève de la seule volonté du locataire quittant la place.

M. MORIN: Non. Effectivement.

M. BURNS: Alors, vous allez admettre que, déjà, il y a une restriction. La deuxième, je ne sais pas si vous admettez ce principe avec moi, par exemple, il n'y a pas de période au cours de l'année où la vente des chiens augmente, par exemple. Les gens achètent des chiens tout au long de l'année. Il y a des hauts pour les automobiles, pour certains produits domestiques, les périodes où les gens se marient davantage. En mai et juin, on sent que les appareils domestiques sont en grande demande.

M. MORIN : Effectivement. Mais ils sont liés à la préparation des maisons ou des nouveaux logements. Actuellement, tout le monde vise...

M. BURNS: Le seul point — je ne voulais pas vous interrompre — que je voulais mentionner, c'est que si non seulement la loi ne fixe pas une date absolue de terminaison des baux mais qu'au contraire, tout l'appareil favorise des dates d'expiration réparties, et selon les remarques qui nous ont été faites par un tas de personnes, je pense que votre association accepte ce point de vue, à ce moment-là, on risque de normaliser davantage cette situation et le dommage que vous craignez risque de devenir très marginal.

M. MORIN: On le souhaite.

M. BURNS: Je l'espère moi aussi, parce que je comprends le point de vue que vous soulevez.

M. LETOURNEAU: Nous inscrivons quand même notre requête à l'effet que ce dommage, s'il existe, et ce préjudice qui pourrait être causé aux locateurs soient prévus par la loi et qu'on prévoie une forme de compensation.

Passant à l'article 41 de la loi, où il est question de réparations ou d'améliorations d'un local d'habitation, nous reconnaissons le bien-fondé du principe de l'article. On sait que certains propriétaires abusent, qu'ils ne font pas en temps opportun des réparations devant être faites et l'article 41 veut corriger cette situation. Mais nous nous demandons si l'article 41 ne va pas trop loin et n'apportera peut-être pas des abus dans le sens contraire, c'est-à-dire qu'en permettant au locataire de retenir son loyer pour payer ses réparations ou améliorations, il nous semble que le texte n'est pas très clair et que le locataire, à ce moment-là, pourrait lui-même relativement abuser facilement de la situation et, comme on le dit, "charrier" dans les réparations ou les améliorations qu'il pourrait faire aux frais du propriétaire et ensuite faire payer en retenant son loyer.

M. PAUL: S'il arrivait que le propriétaire ne veuille pas faire ces réparations parce qu'il aurait l'intention de vendre sa maison, de la transformer ou de l'abandonner, il se trouverait à être pénalisé pour un projet qu'il aurait l'intention de mettre en exécution.

M. LETOURNEAU: Nous sommes d'accord pour quelque chose comme des réparations à caractère urgent et essentiel. Pour autant que ces réparations ont ce caractère, nous sommes d'accord.

Concernant l'article 24, en ce qui a trait au délai pour mettre fin à un bail affectant un local d'habitation, nous favorisons que l'on demeure dans la nouvelle loi avec la même disposition que nous avions, c'est-à-dire un avis de 90 jours. L'avis de 60 jours nous apparaît relativement court particulièrement dans le contexte ou l'on veut étaler la fin des baux pendant toute l'année. Le temps de recevoir l'avis, de prendre les dispositions pour annoncer la vacance du loyer et de trouver un locataire, tout cela prend un certain temps et, si on veut que la situation du marché amène une certaine stabilisation, nous croyons que le délai de 90 jours devrait demeurer, celui de 60 jours nous apparaissant un peu court.

En ce qui concerne notre recommandation, je désire souligner qu'à ce paragraphe 37 de la page 12 de notre mémoire, lorsque nous disons: "Avis de terminaison des baux, même pour la région de Montréal, nous voudrions ajouter ici: "... de même que les procédures de location." Je ne sais pas si on saisit le sens de cet

amendement que nous proposons à notre texte. Je demande à Me Gilles Champagne de donner des précisions.

M. CHAMPAGNE: Nous avons réalisé encore une fois queceluiàqui nous posons des questions, qui est absent, qui est à Montréal, avait fait peut-être dans le passé ou une autre personne avait fait une modification le 21 février 1957 — à moins que mon code ne soit pas à jour. "Lorsque le terme du bail est incertain ou que le bail est verbal et présumé tel que réglé en vertu de l'article 1608, aucune des parties ne peut y mettre fin sans en signifier un congé à l'autre avec un délai de trois mois." Je m'excuse, c'est en vertu de l'article 1641. C'est que dans la région de Montréal, une personne ne peut annoncer, louer, prendre des procédures de location, faire visiter les lieux, que seulement 60 jours, à moins d'une stipulation contraire. C'est un privilège spécial pour Montréal qui ne devrait pas être dans la loi générale. On devrait exclure l'article 1641 a) pour dire que 90 jours est pour tout le monde. L'article 1641 pour votre information se lit comme suit: "Un locataire dans l'île de Montréal n'est tenu de permettre la visite pour les fins de location du logement à louer et l'affichage sur la façade de son logement, d'annoncer aux mêmes fins qu'au cours des 60 jours qui précèdent la date d'expiration du bail à moins de convention contraire dans le bail." On demanderait que si on le fait à 90 jours, que cela soit partout 90 jours, que cela ne soit pas une disposition spéciale pour Montréal.

Si M. Ross parlait plus fort, nous comprendrions.

M. CHOQUETTE: Je pense qu'on peut quand même permettre au juge Ross de donner une explication sur ce point.

M. CROISETIERE: II va parler au nom du ministre.

M. PAUL: Approchez-vous de la table; cela va vous rappeler des souvenirs.

M. CHOQUBTTE: En vertu de la loi actuelle pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, le locataire a jusqu'au 31 mars à minuit pour donner avis qu'il s'oppose à la prolongation automatique du bail, c'est-à-dire qu'il quitte les lieux. Cela donne une période de location de marché d'un mois seulement. Les propriétaires nous ont fait valoir avec infiniment de raisons que cette période d'un mois n'était pas assez longue. La loi actuelle prévoit deux mois, 60 jours. Maintenant, ce que M. Champagne a déclaré tout à l'heure, l'article 1641 a) n'est pas pour la date de terminaison des baux mais pour permettre l'affichage. On avait la situation difficile qu'en vertu de la loi actuelle pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, le code civil permettait d'afficher deux mois à l'avance.

Mais si le propriétaire prenait le risque de louer à un autre, évidemment il était mal pris parce que le locataire avait jusqu'au 31 mars à minuit pour donner son avis qu'il quittait les lieux. C'est pour ça que nous avons établi un délai uniforme de 60 jours.

M. LETOURNEAU: Alors, M. le Président, nous signalons quand même notre recommandation à l'effet que ce délai soit porté à 90 jours et, comme on peut le voir, il y a inférence de cet article du code civil avec les dispositions de la loi proposée.

Concernant le loyer payé par une personne autre que le locataire, article 69, il semble qu'on veut faire disparaître cette possibilité et nous ne comprenons pas pourquoi. Si, à un moment donné, il arrive qu'une personne soit insolvable, pourquoi une autre personne ne pourrait-elle pas payer son loyer pour elle? A ce moment-là, ça favorise la personne qui est insolvable sans entrer dans un local d'habitation. Vraiment, nous recommandons que cette possibilité soit permise et qu'on ne l'exclue pas par la loi, parce que nous ne voyons pas de raisons sérieuses qui pourraient motiver cette exclusion. Si les parties sont d'accord, pourquoi pourrait-on empêcher une tierce partie de payer le loyer d'un locataire, si le locataire lui est dans une situation financière difficile?

M.CHAMPAGNE: MM. les membres de la commission, je voudrais aussi faire remarquer que l'exemple concret, c'est la mère de quelqu'un qui aurait plus de 60 ans ou 70 ans et le locateur exigerait que le tiers soit responsable du loyer. On n'empêche pas la caution par l'article, on ne peut pas forcer le tiers, mais il peut arriver qu'un locateur dise: Je veux que ce soit untel qui paie, autrement, je ne loue pas le logement. C'est le premier point.

Le deuxième, c'est que nous avons l'impression — mais ce n'est pas écrit — que le ministère des Affaires sociales n'est pas loin derrière les lignes, il est entre les lignes...

M. CHOQUETTE: Vous avez tout à fait raison.

M.CHAMPAGNE: II garantit le paiement des loyers et pour s'éviter des problèmes — on dit: La loi le défend, nous n'avons plus le droit de garantir les paiements — le ministère des Affaires sociales se lave les mains et c'est une des belles clauses...

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas dans ce sens-là que ça s'est présenté, c'est...

M. CHAMPAGNE: J'apprécierais des éclaircissements.

M. CHOQUETTE: C'est vrai, vous avez tout à fait raison de soupçonner la présence du ministère des Affaires sociales derrière cet article, mais c'est que nous n'avons pas voulu

consacrer ce genre de choses où le loyer serait payé directement par le ministère au propriétaire, parce que ce serait un peu, même s'ils sont dans la dèche et si ce sont des assistés, consacrer d'une certaine façon leur statut de personnes en tutelle d'un ministère qui paie leurs obligations pour elles.

Ceci ne veut pas dire qu'un propriétaire ne pourrait pas avoir une certaine assurance que la personne reçoit des prestations de bien-être social et que ça va aider à payer son loyer, mais nous ne voulons pas mettre les gens en tutelle au nom du fait qu'ils sont des assistés sociaux.

M. CHAMPAGNE: Mais, M. Choquette, vous savez bien — si vous avez un logement, vous êtes vous-même propriétaire, vous avez plusieurs logements — comment c'est compliqué d'administrer des logements...

M. CHOQUETTE: Très modestes.

M.CHAMPAGNE: Si vous avez, M. Choquette, un de vos locataires, et que vous ne soyez pas sûr de sa solvabilité mais que la conseillère sociale vous dise: Prenez-le, c'est un bon diable; le gars, il va le payer. Si, à la fin du mois, il prend le chèque et il le dépense, le mois d'après, vous avez un loyer dû, un mois dû. Le deuxième mois, vous dites: Ecoutez, je veux être payé, alors le chèque pourrait être fait au nom de M. Untel, plus M. Untel pour garantir le paiement. Il y a un tas de choses qui peuvent se faire. Je comprends que vous ne voulez pas abaisser la personne humaine, c'est très valable, et je pense que c'est une des grandes préoccupations du ministre d'être social dans ses interventions ou dans ses dispositions législatives. Mais je pense quand même qu'on ne devrait pas permettre d'enlever ces avantages à des locateurs et surtout permettre à des gens comme je l'ai dit, ma mère, qui veut rester dans un logement que je veux garantir au locateur, qu'il me force: actuellement je n'en ai pas le droit, avec le texte présent.

M. CHOQUETTE: On attire mon attention, M. Champagne, sur le fait qu'il n'est pas défendu qu'un tiers se porte caution pour un autre.

M. CHAMPAGNE: Le locateur ne peut le demander.

M. CHOQUETTE: II ne peut pas l'exiger, mais...

M. CHAMPAGNE: Alors, si le locateur le veut, il n'a pas le droit de le faire. C'est un peu dangereux d'empêcher que le locateur dise: Je loue à M. Untel à condition que ce soit M. Untel qui paie. Je pense que cela peut se faire, c'est une convention libre entre les parties.

M. LETOURNEAU: M. le Président, M. Morin a des éclaircissements à ajouter.

M. MORIN: C'est une question, M. le Président, que j'aimerais poser à M. le ministre Choquette. Actuellement, les loyers payés aux HLM par les gens qui les habitent, c'est fait selon l'échelle Rogers, l'échelle qui a été établie par la Société d'habitation. A ce moment-là, comme élément de solution, ne pourrait-on pas peut-être penser, dans le cas des assistés sociaux justement, à établir cette même échelle où ils contribuent une portion de leur revenu brut avec un supplément payé par le ministère des Affaires sociales.

Ce qui, à mon avis, pourrait maintenir justement leur dignité mais pourrait aussi les maintenir dans le logement qu'ils habitent et dans un logement convenable.

M. CHOQUETTE: Je ne peux pas répondre aujourd'hui, nous allons réfléchir à cette solution que vous apportez.

M. LETOURNEAU: M. le Président, il faudrait aussi penser au cas des étudiants mineurs par rapport à cette clause.

M. CHAMPAGNE: Le locateur ne peut exiger un tiers.

M. LETOURNEAU: Je continue, M. le Président, avec l'article suivant: La question de la clause d'échelle mobile qui pourrait être prévue dans le cadre des taxes municipales et scolaires, les taxes foncières. Nous sommes favorables à ce que l'on puisse inclure une clause d'échelle mobile pour les taxes foncières et la loi semble le défendre. Alors, nous aimerions que la loi puisse permettre l'introduction de la clause d'échelle mobile pour la taxe foncière, cela nous apparaît une façon très équitable de faire partager les impôts fonciers entre le locataire et le locateur.

M. CHOQUETTE: Mais franchement, M. Létourneau, j'ai vu des clauses d'échelle mobile dans des baux mais ce sont généralement des baux commerciaux, industriels, non pas des baux de locaux d'habitation. Alors, je trouve que vous allez...

M. PAUL: Je vous invite à regarder les baux du Montmorency, à Québec.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ma faute si vous restez dans des endroits de toute...

M. PAUL: Je n'ai pas dit que je restais là. Je vous ai invité à les regarder.

M. HARDY: II y aurait peut-être lieu... je ne veux pas me prononcer sur cette idée, mais il faudrait quand même la rattacher avec cette nouvelle évolution du droit municipal qui veut que les locataires votent maintenant au municipal. En d'autres termes, si jamais le législateur décidait d'accepter votre suggestion, on ne pourrait pas y opposer le principe "no taxation

without representation" puisque les locataires, maintenant, sont représentés, ont droit de vote au moins dans les villes et, éventuellement, j'ai l'impression que cela s'appliquera dans les municipalités rurales.

M. CHOQUETTE: Ce matin nous discutions de la répercussion des taxes foncières. Les propriétaires disaient que c'étaient eux qui assumaient les taxes foncières, municipales et scolaires, mais en fait, ce sont les locataires qui les assument. Parce que les taxes foncières sont transférées aux locataires. Maintenant, la clause d'échelle mobile permet de transférer immédiatement l'influence de la taxe tandis que dans un système plus conventionnel, plus traditionnel, la répercussion n'est pas immédiate sur le locataire, il y a un petit décalage, il y a un petit répit qui est donné au locataire.

M. LETOURNEAU: Justement, tout d'abord, M. le Président, nous reconnaissons la situation actuelle mais nous souhaitons qu'elle change. Comme l'a signalé le député de Maskinongé, elle commence à être introduite dans les baux de locaux d'habitation et au rythme des augmentations de taxes foncières, nous comprenons que cette pratique commence à se répandre et nous croyons qu'elle est très équitable et qu'elle fera ressentir immédiatement aux locataires les effets des politiques municipales. Ils n'auront pas deux ans avant de se rendre compte que la municipalité a augmenté les taxes, ils vont s'en rendre compte immédiatement.

M. HARDY: C'est-à-dire que les locataires alors ajusteraient peut-être leurs demandes à leurs administrations municipales, en fonction de leur capacité de payer.

M. LETOURNEAU: Ce serait peut-être plus réaliste en effet. Il y a aussi la question...

M. PAUL: Un instant. J'écoute avec intérêt mon bon ami le député de Terrebonne et je me demande s'il ne remplacerait pas avec avantage le ministre des Affaires municipales.

M. CHOQUETTE: C'est parce que vous dites qu'il a à peu près la même pensée.

M. PAUL: Continuez.

M. BURNS: J'ai l'impression que ce serait aussi grave.

M. LETOURNEAU: On sait aussi que cette fameuse question d'augmentation de taxes — on en a entendu parlé ce matin — c'est le prétexte, bien souvent, à des augmentations de loyers, et si cette clause d'échelle mobile était automatique ou se généralisait, les prétextes pour aller devant la régie diminueraient peut-être. Si l'histoire des taxes foncières était réglée par des clauses d'échelle mobile ou pouvait l'être, il nous apparaît que, selon toute logique, cela pourrait diminuer le nombre des appels à la régie parce que cet aspect de l'augmentation du coût du logement serait réglé d'une façon automatique.

Nous espérons que la loi permettra à ceux qui veulent le faire de plein gré de le faire.

Actuellement, la loi ne le permet pas, selon notre interprétation. Enfin, M. le Président, concernant l'appel du jugement du tribunal — c'est une question sur laquelle nous revenons dans un nombre considérable de projets de loi — nous croyons qu'il devrait y avoir appel. Si le tribunal dépasse sa juridiction pour toute autre raison... Dans ces questions, il peut y avoir des préjudices très graves de causés si le jugement n'est pas équitable, ce qui peut arriver, personne n'est parfait. Nous croyons, étant donné l'importance des préjudices qui pourraient être causés et la possibilité pour le tribunal de dépasser sa juridiction, qu'il devrait y avoir possibilité d'appel des décisions de ce tribunal.

M. CHOQUETTE: Appel où?

M. CHAMPAGNE: M. le Président, à part les appels comme tels, disons que, à un moment donné, on pourrait à l'extrême, dire que dans certains cas, ça ferait des frais pour rien; dans d'autres cas, ce serait bien utile. Disons qu'on peut reconnaître cette distinction entre les gros immeubles qui auraient des implications et les petits.

Mais ça va plus loin, c'est qu'on exempte l'article 33. Je ne sais pas si dans toutes les autres lois on le fait, mais l'article 33, c'est dans les cas où le tribunal excède sa juridiction. Ce n'est pas un jugement d'appel sur le fond, c'est un jugement d'appel sur le...

M. BURNS: Me Champagne, vous êtes au courant que dans tous les tribunaux, il y a une jurisprudence qui existe, qui remonte même jusqu'à la cour Suprême, qui est évidemment endossée par la cour d'Appel et par la cour Supérieure, à l'effet que, même dans les cas comme le code du travail où on défend toute intervention par voie d'évocation — dans le temps on appelait ça certiorari, etc. — c'est permis lorsqu'il y a excès de juridiction.

Ce texte a été éprouvé, il existe dans plusieurs de nos lois, dans la majorité de nos lois qui ont des tribunaux administratifs et les tribunaux, régulièrement, acceptent par voie d'évocation, de la cour Supérieure en montant, de reviser des décisions de tribunaux inférieurs lorsqu'ils excèdent leur juridiction. Je pense bien que tout le monde comprend ça, même quand on voit le texte de l'article tel qu'il est rédigé là.

M. CHAMPAGNE: M. Burns, vous avez une expérience plus grande étant donné que dans le syndicalisme, on appelle plus souvent les déci-

sions et que les juridictions ne sont pas toujours respectées. Mais nous, nous avons moins cet avantage et c'est pour ça que j'ai pris...

M. BURNS: En tout cas, je vous permets...

M. CHAMPAGNE: ... votre appréciation, votre information.

M. BURNS: ... de bénéficier de mon expérience.

M. CHAMPAGNE: Moi, ça m'a fait vraiment plaisir, surtout que je vais la lire dans le procès-verbal pour être bien sûr de comprendre.

M. BURNS: Sûrement; je pourrais vous citer des causes à part ça, en masse.

M. CHAMPAGNE: Vous avez sûrement plaidé. Si je comprends bien l'interprétation, c'est que l'article 33, même si on dit qu'il ne s'applique pas, il s'applique quand même.

M. CHOQUETTE: C'est ça, c'est exactement ça. Les tribunaux ne peuvent pas consacrer quelque chose qui est absolument nul par excès de juridiction. Il faut quand même qu'on inscrive la défense de recours à la cour Supérieure, elle garde son pouvoir de surveillance et il est impossible de dire qu'une chose illégale, parce qu'excédant la juridiction, est légale quand même.

M. LETOURNEAU: Alors, pourquoi l'exception à l'article 33?

M. CHOQUETTE: C'est pour éviter des abus.

M. BURNS: C'est ça.

M. CHOQUETTE: C'est pour éviter des procédures dilatoires qui peuvent être prises à l'égard de la régie avec l'objet d'empêcher la régie d'accomplir sa fonction. Le fait d'introduire cette défense... Malgré qu'elle ne soit pas absolue, comme j'ai dit tout à l'heure, comme l'a dit le député de Maisonneuve avant moi, elle a quand même l'effet d'empêcher un certain nombre de recours qui ont purement et simplement des fins dilatoires.

M. LETOURNEAU: Alors, le pauvre propriétaire...

M. CHAMPAGNE: Le député de Maisonneuve sera sûrement, peut-être un jour, procureur général.

M. CHOQUETTE: C'est une des belles... M. BURNS: Je m'y attends.

M. CHOQUETTE: Pour les avocats, c'est une des belles questions du droit administratif.

M. BACON: Quand le Ralliement créditiste sera au pouvoir.

M. HARDY: Je vous pensais plus réaliste. UNE VOIX: ... ils n'ont pas d'avocats.

M. BELAND: Au contraire, on en a plusieurs, mon "chum".

M. LETOURNEAU: M. le Président, ceci termine l'exposé de nos recommandations à cette commission concernant le projet de loi 59. Nous vous remercions beaucoup de nous avoir écoutés avec autant d'intérêt. Nous avons apprécié cet échange que nous avons pu avoir avec la commission sur les points de vue que nous avons exprimés et nous espérons que nos recommandations pourront être retenues.

Cependant, s'il y a d'autres questions, M. le Président, nous sommes à votre disposition.

M. CHOQUETTE: Moi, je voulais seulement dire que je trouve que le mémoire de la Chambre de commerce est bien fait, qu'il a été bien expliqué, bien exposé par ses trois représentants ici aujourd'hui et que nous allons considérer les suggestions qu'ils nous ont faites avec un esprit d'objectivité absolu.

M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président.

M. BURNS: Une minute! D'abord, je veux vous féliciter. Même si je n'ai jamais été bien en amour avec les chambres de commerce, je suis quand même assez objectif pour trouver, à votre page neuf, une suggestion très importante que j'ai l'intention de souligner au ministre. Plus particulièrement au bas de la page neuf, quand on suggère le déplacement du commissaire ou des membres du tribunal des loyers vers les justiciables. Et je peux vous dire qu'en pratique cela se fait déjà. Justement, on a parlé du code du travail tout à l'heure. Cela se fait et l'expérience est extraordinairement valable en vertu du code du travail. C'est-à-dire que la justice administrative, dans ce cas, devient beaucoup plus expéditive. Evidemment, cela coûte peut-être plus cher à l'administration du ministère mais, par contre, les justiciables dans l'ensemble sont justement des gens qui dans la plupart des cas ne sont pas à même de payer de très gros frais. Je pense que c'est le but de cette loi. Cela leur évite d'augmenter, dans les cas où ils se font représenter par procureur, le coût du déplacement. Je trouve cette suggestion très intéressante et je trouve qu'elle mérite d'être soulignée. Je regrette simplement de ne pas l'avoir suggérée moi-même. Alors, je vous en félicite.

Je dois d'autre part juste vous mettre en contradiction. Ce n'est pas une question de vous envoyer des fleurs avant le pot mais il y a une chose qui m'a assez fasciné. C'est que, d'une part, vous nous dites, au début de votre mémoire — je n'ai pas la page exacte — que tout

ce mécanisme, enlevant la remarque que je viens de faire s'y rapportant, est un peu lourd, qu'il amène des procédures lourdes. Je vous cite simplement la contradiction qui existe entre cette affirmation d'ordre général et votre suggestion, à la page neuf encore mais au paragraphe b) de l'article 30, où vous voulez convoquer tous les locataires habitant un même immeuble ou complexe immobilier pour l'audition d'une plainte portée par l'une des parties. Je veux dire que je comprends le sens que vous y mettez, Mais cela devient quelque chose d'assez extraordinaire, si vous parlez d'appareil lourd. Ou bien, j'ai mal compris, comme Me Champagne semble me faire signe. J'aimerais bien qu'on m'éclaire sur ce que j'ai mal compris dans votre suggestion...

M. LETOURNEAU: Selon notre recommandation au paragraphe b) de l'article 30 à la page neuf, nous croyons qu'elle pourrait simplifier au contraire les procédures, en ce sens que si un locataire, dans un grand complexe immobilier, va devant la régie pour faire des représentations parce qu'il estime, par exemple, que son loyer est trop élevé, qu'il obtient gain* de cause, dans une certaine mesure, devant la régie, si cela ne constitue qu'une cause, cela veut dire que chacun des autres locataires, quand il apprendra par la suite que le premier a eu gain de cause, pourra à son tour revenir et appeler le propriétaire devant la régie et on reprendra les procédures à chaque fois pour un nombre X d'occupants de ce complexe immobilier.

M. BURNS : Là, vous voulez parler de mise en cause des autres parties et non pas de convention. C'est-à-dire que vous leur dites: Vous êtes peut-être intéressés par le fait que M. X demande que son loyer ne soit pas augmenté. A ce moment, je suis complètement d'accord avec vous.

M. CHAMPAGNE: C'est...

M. BURNS: Mais là, vous ne convoquez pas les gens; vous les mettez en cause. Et ils interviennent s'ils le veulent bien. C'est cela?

M. CHAMPAGNE: Si vous me le permettez, je vous souligne qu'à la page quatre, on dit : Des déboursés et des tracasseries inutiles au citoyen et on dit avant: Un monstre administratif. Ce qu'on a voulu dire, c'est que le cadre général obligeait les déclarations quatorze et 17, par exemple. Toute cette procédure de centralisation faisait un cadre trop lourd. D'un autre côté, on est arrivé avec une proposition concrète parce qu'on n'arrive pas devant le législateur pour dire que cela n'est pas bon. On a dit: qu'on n'aime pas cela mais on va vous suggérer autre chose. Et on est arrivé avec cette formule. Et ce que vous dites, c'est que dans notre conception, le commissaire serait dans l'immeuble, l'immeuble voisin ou dans un local aux alentours, et réglerait le cas de tout l'immeuble pour l'année en faisant un montant maximum de 6 p.c, 7 p.c. ou 3 p.c. indépendamment et, durant l'année, ce serait toujours ce même montant. C'est cela qu'on dit et c'est en ce sens que vous nous approuvez.

M. LETOURNEAU: Alors...

M. BURNS: J'aurais une dernière question à poser. Je me réfère à votre page huit où vous dites que l'efficacité et le réalisme devraient se traduire dans ce projet de loi par une intervention de l'Etat seulement en cas de désaccord entre les parties, c'est-à-dire à partir d'une philosophie d'exception.

C'est-à-dire que, selon vous, toute intervention étatique dans ce domaine ne devrait être faite qu'en cas d'exception, que le reste devrait être laissé à la... C'est ce qui ressort de votre mémoire.

M. LETOURNEAU: M. le Président...

M. BURNS: Une minute! Ce qui ressort de votre mémoire, c'est que vous prônez la liberté totale de contracter, n'est-ce pas? Dans le fond. Alors, je me souviens — corrigez-moi si j'ai tort — que la Chambre de commerce était venue nous voir lors du bill 45 et nous avait dit qu'en principe elle ne s'opposait pas à ce que le consommateur soit protégé. Je pense, justement, que nous sommes dans un domaine où nous avons affaire à une catégorie particulière de consommateur, c'est-à-dire des locataires qui sont des consommateurs. Ils n'ont pas le choix. Que voulez-vous? Ils doivent absolument avoir un abri, je pense, surtout au Québec. Je me demande si, justement, ce même principe que vous aviez, semble-t-il, admis, même si dans les détails vous n'étiez pas d'accord, lors de l'adoption de la loi de protection des consommateurs, vous ne devriez pas également l'admettre ici et non seulement en matière d'exception ou d'abus, parce que ce n'est pas seulement dans ces cas que l'Etat doit intervenir. Il doit établir des normes d'ensemble pour protéger ce type particulier de consommateur qui s'appelle le locataire.

M. LETOURNEAU: M. le Président, si la commission le désire, nous pourrions recommencer l'explication de cette partie de notre mémoire que nous avons donnée en l'absence du député de Maisonneuve, tantôt. Je ne sais pas si c'est le désir de la commission.

M. BURNS: Je ne sais pas si j'étais absent quand vous l'avez expliqué, parce que j'ai pris des notes.

M. CHAMPAGNE: Le député de Maisonneuve avait un message et il était parti avec, tantôt.

M. BURNS: Oui. Mais ce n'est pas à ce

moment. Je suis parti lorsque vous avez abordé les parties moins intéressantes de votre mémoire.

M. CHAMPAGNE: Je dirais que le député...

M. BURNS: Parce qu'il y en a, vous savez. Il n'est pas drôle tout le long, votre mémoire!

M. CHAMPAGNE: Je dirais que le député de Maisonneuve est bien près de nous dans ce domaine et c'est dans ce sens, M. le député, si vous me le permettez en trente secondes, que nous sommes d'accord pour réglementer l'ensemble des loyers au Québec et le lien entre locataire et locateur. De plus, nous sommes d'accord pour contrer les abus. Et la proposition que nous faisons, justement, c'est de permettre un contrôle des abus sans contrôler tout le monde. Cela ne veut pas dire qu'on parle uniquement des cas extrêmes. Nous disons les abus, selon que la loi le déterminera.

M. BURNS: Ecoutez, je lis votre mémoire et vous dites: C'est-à-dire à partir d'une philosophie d'exception.

M. CHAMPAGNE: II faudrait relier, M. Burns, à l'aspect qu'il y a un grand cadre administratif qui était créé pour tout le monde, une déclaration... Nous disons: Enlevez tout cela. N'importe quel locataire qui a un problème va devant le commissaire et il fait régler le problème global. A ce moment, on admet que n'importe quel locataire peut le faire. Mais les cas d'exception, ce ne sont pas les exceptions chez les locataires, ce sont ceux qui ont des problèmes qui y vont et les autres, on ne les importune pas! En fait, cela permettrait un meilleur fonctionnement. A la page 8, on dit d'ailleurs: Un souci d'efficacité, de réalisme. Je suis certain qu'à ce moment on arriverait à quelque chose de bien plus concret et de pragmatique, tout en réglementant entre locataire et locateur. Deuxièmement, en contrant les abus.

M. BURNS: C'est là que vous rattachez cela à vos tracasseries administratives.

M. CHAMPAGNE: C'est cela. Oui. Parce que là, on parlait de la loi proposée dans le cadre général.

M. LETOURNEAU: Alors, M. le Président, dans notre esprit il n'y a pas de contradiction. En terminant, je voudrais rappeler que nous avons des restrictions et des objections sérieuses et profondes à l'adoption du projet de loi tel que conçu et particulièrement sur le principe du contrôle du prix des loyers. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Lé-tourneau. Nous allons entendre maintenant M.

Renaud Huot, représentant de la Chambre de commerce et d'industries du Québec métropolitain. M. Fernand Bélanger, de la Ligue des propriétaires de Laval.

M. LEFRANCOIS: Est-ce que vous confirmez, M. le Président, que nous sommes reportés à dix heures exactement, demain matin?

M. LE PRESIDENT: Exactement. Demain matin, dix heures.

Ligue des propriétaires de Laval

M. BELANGER: M. le Président, il me fait plaisir de savoir que vous pouvez nous recevoir, la Ligue des propriétaires de Laval. Je suis mandaté par le conseil exécutif de la ligue en tant que vice-président à l'information, président intérimaire et rédacteur du mémoire.

Je suis assisté par M. Jean-Claude DeLorme, qui est lui-même vice-président aux affaires locatives à la ligue, et M. Gilles Simard, à ma gauche, qui est un des membres du comité.

M. le Président, à Laval, on a un problème et le code des loyers va peut-être accentuer ce problème. C'est la deuxième ville du Québec, mais c'est la ville de la surtaxation apparemment. Pour en venir directement à notre mémoire et comme le temps court assez vite, je pense qu'on ferme à 6 heures, je vais commencer par la partie que vous avez identifiée comme le document 19-M, puis le détail dans le document 19-M au cas où nous n'aurions pas le temps de tout passer.

A la page 3, au sujet de la Ligue des propriétaires, j'ai donné un sommaire de ce que nous sommes. C'est un organisme existant pour la défense des droits des propriétaires, face à la taxation particulièrement. Il surveille, informe, se renseigne et fait les représentations nécessaires aux autorités compétentes concernant tous les domaines qui touchent le bien-être des propriétaires de près ou de loin.

Je vous fais grâce de l'historique et de la constitution. Je vais au dernier paragraphe, dans le bas, au bénévolat. A la ligue, personne n'est payé, chacun paye ses propres dépenses. A partir de Laval jusqu'ici, la ligue défraye les dépenses mais, sur place, personne n'est payé. La cotisation est de $2 par membre et on dit que la ligue n'a bénéficié d'aucune subvention, comme cela a été le cas pour les locataires, pour s'organiser à Montréal et dans toute la province. On n'a pas eu un demi million de dollars en subvention fédérale.

Je passe à la page 4. Le comité d'étude qui a travaillé sur ceci, je pense que je vais simplement le mentionner, a un caractère spécial. Toutes les personnes qui en étaient membres ont affaire directement à la location ou sont des locateurs. Ils ont été des locataires pour la plupart, à l'exception d'un.

Je vais à la page 5. Ville de Laval et les propriétaires. C'est un peu cet aspect que je

veux toucher ici, avant de passer au document d'étude. Laval est très peu développée. Ce sont surtout à 75 p.c. des familles de propriétaires et la majorité de ces gens sont de petits propriétaires de maisons unifamiliales. Nous avons très peu de résidences à haute densité, de sorte que les propriétaires-locateurs de Laval sont ce que j'appelle dans le document du nom de petits propriétaires-locateurs, ceux qui possèdent un duplex, un triplex un quadruplex et peut-être un quintuplex mais pas au-delà de cela, à part quelques maisons d'appartements, mais elles sont en nombre très minime. Donc, ce qu'on vient ici souligner, c'est le fait que Laval se compose surtout de petits propriétaires et parmi les propriétaires locateurs ils en sont de très petits.

Alors, on aura toujours cela à l'idée.

La plupart de ceux qui ont des propriétés en location, à Laval, des duplex ou triplex, ce sont pour la majorité des ouvriers et des gens de condition moyenne. Soit dit en passant, nous avons à Laval un taux de taxation de 5 p.c. sur notre évaluation municipale.

A la page 6, nous avons un résumé de ce que je vais détailler après. A la suite de ce qui a paru dans les journaux et du rapport du comité d'étude, la Ligue des propriétaires de Laval est amenée à faire les considérations suivantes.

Je permettrai aux membres de la commission de m'interrompre pour poser des questions au fur et à mesure. Cela simplifiera peut-être tout le travail. Nous pourrons terminer un peu plus à bonne heure.

Lors de l'élaboration du projet, les propriétaires ont-ils participé au travail du comité gouvernemental de même que les locataires? C'est une question que l'on se posait.

M. HARDY: Avez-vous la réponse?

M. BELANGER: Non.

M. HARDY: Vous n'avez pas de doute?

M. BELANGER: J'aimerais avoir une réponse, mais disons que nous la ferons un peu plus tard, tout à l'heure. Nous avons supposé que c'était peut-être une agglomération du code civil et peut-être de la Loi de la conciliation. Ce sont toutes des hypothèses que nous avons faites mais personne n'est venu nous confirmer si nous étions dans le vrai ou dans le faux et si ceux qui ont travaillé aussi avaient eu des incidences venant du secteur des locataires. Parce que, lorsque nous lisons le bill, nous avons cette impression — je vais faire une synthèse en trois mots — que c'est pour la protection des locataires. Autrement dit, tous les droits sont au locataire, tous les devoirs au propriétaire, sans compensation financière équivalente. C'est ce qui en ressortait au tout début. C'est pour cela que nous nous posions la question: Qui a travaillé à ce fameux comité? Peut-être que le ministre pourrait nous donner une réponse?

M. CHOQUETTE: Je suis très à l'aise pour vous donner une réponse. Il n'y a pas de groupe de propriétaires ou de locataires qui ont été intimement mêlés à la préparation ou à la conception de ce projet de loi, les séances de la commission parlementaire que nous avons actuellement ont pour but de tenir ces consultations qui sont nécessaires.

M. BELANGER: Donc, c'est bâti à partir du code civil et de la Loi de la conciliation qui existaient avant.

M. CHOQUETTE: Oui. L'expérience que nous avons acquise au niveau de la Régie des loyers, une analyse des problèmes dans le domaine des loyers dans le Québec, comparaisons avec des lois étrangères.

M. BELANGER: Merci, M. le ministre. Cela clarifie un point qui n'était pas très important mais c'était quand même un point d'interrogation. On semble dans ce projet de loi nier le droit de propriété — on va loin — la faculté qu'a un citoyen de disposer librement de ses biens. Quand nous étudierons les autres articles tout à l'heure, vous le verrez parce que cela revient en plusieurs occasions.

La ligue considère cette façon de réglementer le loyer comme une politique de fixation des prix, salaires et revenus, alors que rien de tel n'existe encore dans les autres sphères du monde des affaires. Cette façon de faire va empêcher la construction multifamiliale, la ralentir et éloigner les acheteurs éventuels, ce qui vient en contradiction avec la publicité et la promotion gouvernementales dans ce domaine. J'ai entendu dans d'autres mémoires tout à l'heure la même allusion. Vous savez qu'étant à environ 80 p.c. de petits propriétaires et assumant toute la taxation, nous avons hâte que de grosses bâtisses s'installent pour venir nous aider à Laval. Ce que nous avons comme retour de gens naturellement qui ont entendu parler du document, qui ne le connaissent pas, c'est que la peur les prend, on veut vendre et ceux qui voulaient acheter des duplex ou des triplex hésitent. Cela ne fait pas notre affaire.

M. HARDY: Avez-vous des faits là-dessus? M. BELANGER: J'ai dit que c'était... M. HARDY: ... une impression.

M. BELANGER: Non, mais des appels téléphoniques sont venus de Laval. Ce n'est pas seulement une impression. Je ne peux pas vous donner de chiffres. Je vous dis l'impression qui existe d'après nos contacts. Cette peur existe actuellement, et même chez des constructeurs de Laval, il en a été question.

Je passe maintenant au dernier point. Avec un tel projet, on vient fausser le jeu normal de l'offre et de la demande, qui est le principe fondamental de notre économie. J'ai vu dans un

autre document, dans le journal des Débats du 27 septembre, que quelqu'un avait dit que nous n'étions pas un pays socialiste; quasiment. C'est une remarque en passant qui avait été soulignée dans ceci.

La ligue constate aussi que le projet de loi compliquera les affaires des locateurs, les petits surtout: affidavits, significations, augmentation énorme des coûts d'administration dans la location, sans pour autant en être soulagés pour le montant du loyer.

M. HARDY: Je veux vous dire, monsieur, je ne sais pas si cela va vous réconforter, que je suis entièrement d'accord avec vous.

M. BELANGER: Merci, cela me fait plaisir.

M. HARDY: Les petits propriétaires, je considère qu'on les opprime.

M. BELANGER: Ici, je pourrais donner un exemple, ce serait peut-être un exemple pris dans mon environnement personnel. Vous avez un couple de 60 ans qui a une maison de six logements. Il ne sont pas instruits. Or, avec ceci, ils vont être obligés d'aller voir soit un notaire, soit un avocat ou un comptable pour les aider à passer à travers cette loi-là, si elle est appliquée telle quelle. Pour eux, ce seront des frais supplémentaires alors qu'actuellement...

M. LACROIX: S'ils ne sont pas instruits, ils feraient de bons fonctionnaires.

M. BELANGER: Cela, monsieur, je ne vous le fais pas dire.

M. LACROIX: Au moins, ils ne nous nuiraient pas.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais qu'il soit inscrit au journal des Débats que ces remarques du député des Iles-de-la-Madeleine étaient faites en riant.

M. BELANGER: Alors, je continue, M. le Président. On semble oublier dans ce projet de loi que le coût de la vie monte et continue de grimper en même temps qu'on tente de cette façon-là de geler les loyers d'une certaine façon. Alors, j'arrive avec des recommandations qui découlent du comité.

La ligue des propriétaires recommande donc à la commission de bien prendre en considération les observations précédentes, même celles que j'ai pu ajouter verbalement et qui ne sont pas contenues dans le texte, de faire en sorte que le locateur reste maître de sa propriété. C'est un aspect qui a été étudié. Les gens ont l'impression que le moindre geste qu'ils veulent poser, ils ne peuvent plus le poser de façon autonome, qu'ils sont obligés de passer devant le commissaire. En somme s'il veut modifier quelque chose, il n'est pas capable. En d'autres mots, il ne possède plus sa propriété de fait et cela devient un bien social. C'est une autre forme de bien-être social dans toute la province...

M. HARDY: Quand même, même si je concours moi aussi à l'énoncé de ce principe, ne reconnaissez-vous pas que malheureusement certains propriétaires, se fondant sur ce principe, abusent de leur droit?

M. BELANGER: Je suis d'accord avec vous, j'étais pour y venir; je peux vous le donner dès maintenant. La ligue est d'accord sur une formule de contrôle, nous sommes d'accord aussi qu'il y a eu des abus. Peut-être pas tellement à Laval parce que notre ville est à l'envers de Montréal, parce que nous n'avons pas tellement de locataires.

M. HARDY: II y a moins d'abus à Laval, parce qu'il y a moins de locataires?

M. BELANGER: En pourcentage, je n'ai aucun chiffre, mais nous sommes quand même...

M. HARDY: Cela ne me surprendrait pas qu'à Laval les propriétaires soient meilleurs qu'ailleurs parce qu'ils subissent sûrement l'influence de Terrebonne.

M. BELANGER: II y a toujours une rivière qui nous sépare mais il y a seulement un pont qui entre du côté de Terrebonne, parce qu'on ne prend plus le vieux pont.

Disons que, pour continuer dans la même veine, nous sommes d'accord qu'il y a dans la province des abus, particulièrement dans des villes comme Montréal, Québec. Alors, nous ne sommes pas contre le projet de loi, mais disons que le contrôle va trop loin et très loin. Nous voulons rester maîtres de nos propriétés, bien nous assurer que le futur code des loyers servira et protégera tout le monde. On a crié partout que le code des loyers, la Régie des loyers, c'est le chien de garde des locataires. Mais les propriétaires, eux, dans tout cela? Alors, ça, c'est une recommandation. On demande que la loi ne protège pas une catégorie d'individus mais qu'elle protège tout le monde de part et d'autre. On verra tout à l'heure dans les baux ce qui arrive. Nous recommandons de trouver une formule plus réaliste de déterminer le montant du loyer. A l'article 19, on vous en donne une formule comme suggestion, on la verra tout à l'heure. Nous recommandons d'inclure les maisons de chambres dans ce projet avec un statut particulier peut-être. Là, je ne ferai plus de commentaires, parce que cela va arriver dans les autres articles et ce sera plus facile. Nous recommandons d'exclure le petit locateur, tout comme la maison de chambre ou bien l'inclure avec un statut particulier aussi. En d'autres mots, actuellement, le projet de loi élimine les

maisons de chambres; or, on voudrait qu'elles soient dedans mais aussi avec un statut particulier, en d'autres mots, que la loi prévoie certaines modalités d'application pour ceux qui font réellement un commerce de louer de grosses bâtisses et que ceux qui veulent avoir un duplex, un triplex ou un quatriplex pour se faire une sorte de petite rente sur leurs vieux jours, ne soient pas soumis au bien-être social, de faire que le petit propriétaire locateur ne soit pas surchargé et puisse vivre comme tout autre homme d'affaires ou investisseur ou prêteur.

En d'autres mots, si l'investisseur veut dire $24,000 dans un duplex, il devra au moins recevoir l'intérêt minimal en usage dans le commerce ou à une caisse populaire ou autre, ou au taux que les obligations de la province nous donnent, entre 9 p.c. à 10 p.c.

M. HARDY: En tant que responsable d'une ligue de propriétaires, pouvez-vous nous dire à peu près quel est l'argent que vos membres investissent dans la propriété immobilière? Quelle est la moyenne de rentabilité?

M. BELANGER: Je n'ai pas de chiffres sur cela et je vais vous dire pourquoi. C'est une des remarques que je devais faire tout à l'heure et que j'ai oubliée. Le projet de loi a été publié avant l'été. En juillet et août, nous, à la ligue, on ne peut rien faire car les gens sont toujours en vacances d'un côté ou de l'autre. Et autre chose, assez importante et cruciale pour nous, c'est que le fameux projet de loi, on l'a eu à la dernière minute, il n'en restait plus, il n'était pas disponible. M. Gilles Simard, qui est à ma gauche, ici, a travaillé d'arrache-pied, finalement, on en a trouvé deux ou trois copies. Quand j'ai envoyé le télégramme disant qu'on ferait parvenir le mémoire au plus tard le 20 septembre, cela faisait à peu près une semaine que nous avions les documents.

Or, on a travaillé de nuit pour rédiger le mémoire. La rédaction, je l'ai faite durant une fin de semaine, vendredi, samedi, dimanche et lundi pour vous l'envoyer ici, au moins pour respecter la date donnée soit le 20 septembre. Tout cela causé par le manque de disponibilité d'un document. Et à Montréal, on vient tout récemment de recevoir le nouveau lot, il y a à peu près une semaine, ou trois ou quatre jours. C'est pour cela que je ne peux vous fournir un chiffre. On n'était pas organisé pour faire des inventaires. Donc, cela reviendrait un peu à ce qu'un autre groupe a demandé avant nous, à savoir si on reculait un peu l'adoption de la loi, on pourrait peut-être vous arriver avec des chiffres. Nous ne sommes pas mécanisés comme la ville de Laval ou encore, comme le gouvernement. Et comme nos membres nous paient seulement $2, qu'ils sont de petits propriétaires et ne paient pas comme la ligue de Montréal $15, composée de gros bonshommes qui louent de gros immeubles, les fonds, nous, nous n'en avons pas pour payer des avocats et spécialistes de la compilation. Ce sont des gens qui travaillent à temps partiel, comme bénévoles. On fait cela le soir, le samedi et en fin de semaine. Alors, venir ici et se présenter avec une feuille de chou semblable, il fallait avoir un certain culot. On vous sait gré de nous recevoir avec un tel document. Est-ce que j'ai quand même répondu à votre question?

M.CHOQUETTE: Vous êtes trop modeste.

M. HARDY: Vous êtes trop modeste parce qu'il y a dans votre document, qui est peut-être moins volumineux que celui des autres groupes, une philosophie de base qui est très facilement compréhensible.

M. PAUL: II est d'une sincérité qui vous honore.

M. BELANGER: Merci bien, monsieur.

M. BACON: Pour reprendre la question du député de Terrebonne. Vous parliez tantôt de choses ou de gens de votre entourage. Vous avez sûrement l'expérience de vos propres immeubles, des immeubles des collègues qui sont avec vous, des gens de votre entourage, des gens que vous côtoyez. Quel est à peu près le rendement sur les sommes que vous investissez dans des propriétés? Il me semble, si je comprends bien, que vous êtes des propriétaires de duplex, ou de triplex, disons que c'est à quatre logements. Vous investissez combien quand vous construisez un immeuble de quatre logements à Laval?

M. BELANGER: II y a quelques années, pour deux logements, un duplex, c'était $24,000. Ensuite, cela monte à $30,000 ou $35,000.

M. BACON: Sur $24,000, vous investissez combien? Oui, mais un duplex ne donne pas une bonne idée du rendement. J'aime mieux quatre logements. Avec un duplex, en fait, vous avez un loyer pas trop cher, vous êtes obligé de débourser un peu, vous n'avez pas de rendement en argent. Quand vous achetez un duplex, ce n'est pas pour investir mais plutôt pour vous loger à un prix pas trop élevé, par rapport à un "bungalow".

M. BELANGER: Cela dépend. M. BACON: Cela ne dépend pas.

M. BELANGER: Cela dépend de ce qu'on veut en faire. Il y en a plusieurs qui...

M. BACON: Pour en revenir à ma question originale...

M. BELANGER: ... avec un duplex veulent se faire un petit patrimoine pour leur vieillesse

et ils n'habitent pas leur duplex. A ce moment-là, ils se contentent de récupérer un certain capital qui, à la fin, se paye sur lui-même.

Mais à ce moment, le gars n'a jamais eu d'intérêts et a tout payé. Il fait ses propres modifications et réparations de sorte que, si on lui met des contrôles semblables, il va être drôlement serré de déclarer tout et ça ne va que lui causer des problèmes.

Disons que je n'ai en main aucun chiffre, je regrette. Je ne suis pas en mesure dans le moment. Mais si vous en voulez, on vous en fera parvenir dans quelques temps parce que la limite de temps était trop courte, comme j'ai expliqué tout à l'heure.

M. GAGNON: Au niveau du pourcentage, supposons qu'on acquière une propriété de $20,000 et de $30,000, est-ce que c'est 10 p.c, 15 p.c. ou 20 p.c. de l'immobilisation acquise qui sont investis par le nouvel acheteur? Cela représente combien?

M. BELANGER: En général, ça peut être 5 p.c, 10 p.c. à 15 p.c. et non pas au-delà, dans ces propriétés. Cela dépend; il y a différents groupes.

M. HARDY: Je pense qu'il y a ambiguïté là. Je pense que le député de Gaspé-Nord vous a demandé, sur le montant total de l'évaluation d'un immeuble, quelle est la part...

M. GAGNON: De la valeur d'achat de l'immeuble, quel est la part qui est investie et c'est ça que le député de Trois-Rivières...

M. HARDY: Non, le député de Trois-Rivières parlait du rendement net sur le capital.

M. BACON: Votre question est pertinente.

M. HARDY: C'est ça. Le député de Trois-Rivières demandait: Votre argent placé sur des propriétés rapporte-t-il du 8 p.c, du 10 p.c. ou du 15 p.c?

M. BELANGER: Non monsieur, je peux vous dire que dans les duplex, les triplex... Quand vous passez au quintuplex en montant, disons que la taxation est répartie sur plus et là, ça amortit plus. Mais pour le petit propriétaire comme ça, quand vous arrivez à 4 p.c. et à 5 p.c, c'est le maximum.

M. HARDY: De rendement net?

M. BELANGER: Oui.

M. BACON: Surtout sur un duplex.

M. HARDY: Le juge prétend qu'avec sa loi, vous allez être avantagé; il va vous en donner plus.

M. BELANGER: Voulez-vous que je vous donne un exemple d'un duplex payé $24,000?

M. HARDY: Oui.

M. BELANGER: Nous allons dire qu'ils sont loués les deux. Supposons que le type ait investi au complet; donc il devrait avoir au moins 9 p.c. à 10 p.c. d'intérêt. Cela est normal...

M. BACON: Attendez un peu, je vais vous suivre. Que signifie investit au complet?

M. BELANGER: C'est-à-dire qu'il a mis ses $24,000.

M. BACON: Comptant?

M. BELANGER: Oui, comptant.

M. BACON: Le gars ne fera pas ça.

M. BELANGER: Mais de toute façon, qu'il prenne une hypothèque ou non, ça revient au même parce que les hypothèques sont de 9 p.c. ou 10 p.c; elles sont assez hautes actuellement. Que ça sorte de sa poche ou que ça sorte de la poche d'un autre qui emprunte, c'est lui qui en est quand même le responsable. En somme, il investit. Donc, vous avez investi $24,000. Que ça sorte de votre poche ou que vous l'empruntiez à un autre, vous allez payer un intérêt. Pour simplifier, on dit qu'il doit avoir au moins entre 9p.c. et 10 p.c.

Pour faire un chiffre rond très rapidement, 10p.c, il faudrait que les logements, individuellement, soient loués à $100 par mois pour être capable d'arriver comme ça. Attendez une minute, je n'ai pas fini. Et vous avez à Laval 5 p.c. de taxation sur l'évaluation. Donc, ça monte à 15 p.c. Puis si vous admettez toute l'administration, la réparation et surtout le taux de remplacement sur un long terme, après avoir fait les contacts avec les gens de la centrale et depuis quelques années, on dit que l'administration et tout, ça pourrait aller dans un autre 5 p.c. Quand une maison est neuve, on ne remplace rien mais on n'est pas pour charger au locataire dans 30 ans le coût de la réparation.

Comme on dit, on fait une sorte de fonds de 5 p.c. qui va couvrir pour une période de 30 ou 40 ans. Or, à 20 p.c, ça veut dire que le logement devrait être loué à $200 par mois. Faites les calculs et vous allez voir que, actuelle-ment,les mêmes logements se louent, dans mon secteur, tout près de chez nous, je pourrais vous dire où, dans Duvernay, près du centre d'achats, $125, $135.

M. BACON: Des cinq pièces?

M. BELANGER: Cinq pièces. Or, en calculant ce que le locataire payait, vous disiez qu'il payait la taxe, à quelle place paye-t-il la taxe?

M. HARDY: Les loyers ne sont pas chers.

M. BELANGER: Ecoutez, c'est comme ça. On ne peut pas les louer plus cher. Quelqu'un disait: Si vous louez plus cher, vous n'êtes pas capables de louer. Or, ce problème est... Pardon?

M. HARDY: Est-ce qu'il y a plusieurs logements vacants dans ce secteur?

M. BELANGER: On commence à en avoir plusieurs, justement dans des duplex et des triplex.

M. HARDY: Des logements de cinq ou six pièces?

M. BELANGER: Oui, monsieur. Il y en a. On vient de me dire ici, d'après des chiffres, jusqu'à 6 p.c.

M. HARDY: De logements vacants.

M. BELANGER: Parce que, justement, on ne peut pas arriver à un prix qui colle avec... En somme quand vous passez de six logements en montant, le coût de la taxation est réparti sur la bâtisse en montant. Là, c'est plus rentable.

M. PAUL: Est-ce que vous tenez compte du coût du chauffage? Est-ce que les locataires sont chauffés?

M. BELANGER: Actuellement, dans les duplex dont je vous parle, les locataires se chauffent eux-mêmes; ils fournissent tout en d'autres mots; il n'y a rien. Il n'ont même pas droit à un stationnement, un garage; ils le payent en supplément. Je vous parlais simplement de ce que ça peut coûter.

M.CHOQUETTE: Est-ce que ce sont des "cold-flats"?

M. BELANGER: Pardon?

M. CHOQUETTE: Est-ce que ce sont des "cold-flats"?

M. BELANGER: Oui, c'est justement ça. Ce sont des plain-pieds non chauffés. C'est-à-dire que c'est le locataire qui se chauffe lui-même.

M. CHOQUETTE: On considère, en général, que les "cold-flats", c'est ça qui rapporte le mieux.

M. BELANGER: Actuellement, ce sont des chiffres que j'avais en main.

M. CHOQUETTE: C'est vrai. Pour les "cold flats", c'est le locataire qui paie le chauffage. Il paie la taxe d'eau aussi.

M. GAGNON: Quand nous vous posons des questions, évidemment, cela peut enchaîner une série de questions.

M. BELANGER: Oui.

M. GAGNON: Tout à l'heure, vous avez parlé de la taxe de Laval à 5 p.c. D'accord, c'est élevé. Mais est-ce que le rôle d'évaluation est à 50 p.c, 75 p.c, 90 p.c. de la valeur? Il est important pour nous de le savoir.

M. BELANGER: Je peux vous répondre parce que j'ai beaucoup travaillé là-dessus. Laval est la ville à l'avant-garde où nous avons travaillé à la Loi de l'évaluation qui s'en vient et à celle de l'urbanisation. C'est-à-dire que cette loi a été annoncée. Notre évaluation a été portée il y a deux ans à la valeur dite réelle ou marchande, conformément à la nouvelle loi 48. Comment évaluez-vous cela? A 98 p.c, à 100 p.c, à 90 p.c? Cela dépend.

M.GAGNON: Parfois, on peut aller à 110 p.c.

M. BELANGER: C'est selon la loi 48. D'ailleurs, c'est Laval qui a servi, je ne dirais pas de cobaye, mais de guide parce que nos employés ont été prêtés au ministère pour travailler au projet de loi 48 comme ils travaillent au document qui s'en vient de l'urbanisation.

M. HARDY: Ce n'est pas un critère.

M. BELANGER: Je n'ai pas dit que c'est un critère, mais on me pose une question à savoir si c'est à 80 p.c. ou à 90 p.c. Je dis que c'est selon la loi 48. A ce moment-là, vous êtes en mesure de juger quelle est la proportion de l'évaluation.

M. GAGNON: Et dans ces 5 p.c, le taux de taxe scolaire est inclus.

M. BELANGER: Oui. Je commence l'annexe "A" pour passer aux articles. Nous allons procéder assez rapidement, parce que j'ai déjà donné des commentaires. Le présent document provient d'une étude d'un comité. Naturellement, en fonction de la remarque que j'ai faite tout à l'heure, cette étude n'est nullement exhaustive et fut faite de façon rapide vu le court laps de temps disponible. Vous comprenez pourquoi j'ai écrit cela.

Le présent texte comporte des commentaires, des remarques et des modifications concernant les clauses. Ceci ne veut pas dire que le comité a cerné tous les aspects des problèmes de location et des loyers et que le présent document est définitif. En d'autres mots, ici, nous ne savions pas si nous allions être présents à la commission. Nous avons construit le tout en fonction de remarques, d'observations, de commentaires avant d'arriver à des recomman-

dations ou à des suggestions pour permettre aux membres de la commission de saisir un peu ce que nous voulions. C'est la raison pour laquelle le document est présenté sous cette forme.

En ce qui concerne l'article 1, le comité n'a fait ni remarque, ni commentaire, ni modification pour le moment. Donc, le texte actuel demeure.

De l'article 2 à l'article 8, nous n'avons rien à dire pour le moment. Le texte actuel prévaut. Le comité espère que le commissaire pourra vraiment faire diligence et qu'il aura tout l'appui administratif adéquat dès le début. Ici, je me réfère à l'article 7. Vous savez que cela fera une grosse besogne. Il y aura beaucoup de plaintes. Nous nous posons la question, à savoir s'il y aura tout le personnel. Est-ce que cela n'amènera pas encore... Cela va couper du chômage, comme quelqu'un disait. Peut-être que notre impôt sur le revenu va augmenter parce que cela va augmenter tous les frais du gouvernement.

Le comité espère, concernant les règlements, article 8, que les autorités compétentes consulteront les locateurs et les locataires avant leur promulgation ou leur mise en vigueur. En d'autres mots, après que le projet de loi aura été reformulé ou travaillé en deuxième lecture, si on pouvait arriver à statuer... parce qu'avec tout ce qui sort ici, nous aimerions quand même être capables de nous faire entendre ou envoyer un autre document pour traiter du document qui serait pratiquement final.

A l'article 9, nous n'avons rien à dire au sujet du premier alinéa. Quant au deuxième, commençant par: Toutefois la présente loi ne s'applique pas... Il y a ambiguïté et danger dans la définition et l'utilisation de l'expression "d'une maison de chambres". Disons que vous définissez une maison de chambres, à trois chambres et plus, et après cela, plus loin, vous l'excluez. Ce n'est pas clair, une maison de chambres. Je vais vous dire pourquoi.

Un locataire — je dis bien un locataire — pourrait louer un édifice de rapport avec des "bachelors" ou logements à pièce unique, en occuper un et louer les autres, échappant ainsi à la Régie des loyers en déclarant cet édifice maison de chambres. Pas bien loin de chez moi, il y en a un comme cela où je pourrais arriver et louer et dire: J'habite une des pièces. Je pourrais louer les autres et marquer sur la porte: Maison de chambres. Là, on vient d'échapper à la régie.

Tout local d'habitation offrant plus de deux chambres en location...

M. HARDY: Comme propriétaire, vous ne devriez pas nous dire cela. Si, comme propriétaire, vous voyez déjà des failles qui vont vous protéger dans la loi, ne dites pas un mot.

M. BELANGER: Cela fait le joint avec ce qu'a dit tout à l'heure, Me Paul, le député de Maskinongé; on a voulu être objectif, équitable, on a pris le document, on a dit: On va voir ce qui en est.

M. CHOQUETTE: Vous n'êtes pas venu ici pour plaider en avocat mais vous êtes venu pour plaider sincèrement.

M. BELANGER: Oui. Je voulais vous dire que je ne suis ni avocat, ni notaire, je suis un simple petit bonhomme. C'est tout.

En somme, quand on signale ceci et quand on a pris votre projet de loi, on a dit : Qu'est-ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, où sont les failles, peu importe, que ce soit un locataire ou un propriétaire? Ce que nous voulons, c'est l'égalité. On ne prendra peut-être pas les trois termes français, mais au moins on veut l'égalité et l'objectivité et que le futur code, que la Régie des loyers, ce ne soit pas le chien de garde des locataires seulement.

Tout local d'habitation offrant plus de deux chambres en location devra tomber sous le coup de la régie, alors que vous en faites une exclusion. Le champ de la location de chambres devrait faire le sujet d'une section autonome du code des loyers.

M.HARDY: Monsieur — cela me revient quand vous parlez des chambres — vous avez peut-être songé à ce qui s'est passé dans Saint-Jacques, il y a quelques années, où il y a eu une invasion de gens pour louer des chambres temporairement. C'est peut-être à cela que vous avez pensé. Ce serait bon que le député de Saint-Jacques soit ici.

M. BELANGER: En somme, on voudrait que le projet de loi, au lieu d'être très global, fasse beaucoup de distinctions par exemple, les gros complexes, les maisons de chambres, en somme, fasse dans le projet de loi des modalités s'appliquant aux maisons de chambres qui tombent sous le coup de la régie aussi, des modalités pour les petits propriétaires-locateurs, disons, et que vous pourriez peut-être déterminer ce que vous entendez par petits propriétaires, soit d'un duplex, d'un triplex, d'un quadruplex et au-delà de cela, du moment que cela devient rentable un peu, au point de vue commercial.

Notre but, c'est toujours le petit, parce qu'à Laval, on en a quelques gros. Alors, ici, on a un champ autonome.

Je continue. Les maisons de chambres ne devraient pas faire exception. Le comité est d'accord pour que les locaux industriels et commerciaux soient acceptés selon... Ici, il me manque un peu de texte.

Le troisième alinéa devrait être retiré et la loi devrait couvrir tous les locateurs et tous les locataires, quels qu'ils soient, employeurs, employés, gouvernement, particuliers, corporations ou sociétés. En somme, toujours l'égalité pour tout le monde face à la loi.

L'article 10. Le comité suggère le retrait pur

et simple dudit article dans sa teneur actuelle. Il recommande que de tels locaux d'habitation soient plutôt classés dans la catégorie industrielle et commerciale ne tombant pas sous la Régie des loyers. Un deuxième alinéa devrait être ajouté. Aucun locataire ne peut exercer sa profession, son art, son métier ou son négoce dans un local d'habitation sans le consentement, je devrais dire ici, exprès du locateur.

S'il exerce son métier, cela détruit le logement et cela fait des frais au propriétaire et assez souvent nous ne sommes pas capables de récupérer l'argent qu'on va mettre pour restaurer un logement pour le prochain locataire.

Article 11. Le comité recommande de préciser plus clairement le délai d'application comme suit. Tombe sous l'application de la loi à la fin de la deuxième année d'occupation après qu'il est devenu habitable. Autrement dit, au lieu de se fier au mois de l'année —j'ai actuellement un logement qui est en préparation, qui serait prêt dans un mois, au lieu de dire de décembre à décembre, on dirait deux mois ou un an après sa mise en marché; à ce moment-là, cela éviterait bien des problèmes.

Article 12: Afin que tous soient égaux devant la loi, le comité recommande le retrait dudit article, les exceptions engendrent de la discrimination et des passe-droits infailliblement dans des lois semblables. En somme, quand on fait trop de distinctions, à un moment donné, il se passe beaucoup de choses entre les deux.

Article 13: Afin d'être juste envers tout le monde, il est recommandé de modifier le texte de l'article de façon que la Régie des loyers couvre tous les locaux d'habitation dans la province: l'application du code des loyers devra être universelle pour tous les locaux d'habitation sans exception.

Je sais bien qu'on a fait une remarque à un moment donné, j'ai pris cela dans le journal, on disait que cela prendrait trop de personnel dans le moment mais qu'éventuellement le projet de loi pourrait le dire, mais avec une application retardée pour certains secteurs, mais que cela couvre quand même tous les secteurs et non pas laisser à la discrétion de quelques groupes, de se former et de demander à la régie qu'on mette telle ville sous la tutelle de la loi, si je peux appeler cela ainsi.

Alors, sur les articles 14 et 15, aucun commentaire pour le moment, excepté que ceci implique de l'administration supplémentaire pour le petit locateur.

Articles 16 et 17, rien de spécial à noter, si ce n'est que le comité trouve que le commissaire est tout-puissant et très autonome dans sa tâche et sa décision. On entend toujours ici que c'est un bonhomme qui va avoir à trancher tous les litiges et tout, alors cela lui demanderait une très grande capacité. On ne veut pas juger de la compétence de la personne mais on craint que cela puisse apporter de petits glissements.

Nous sommes d'accord sur le texte de l'article 18, mais à remarquer que ceci implique de l'administration supplémentaire. Alors, comme vous voyez, on revient toujours à l'administration pour le petit propriétaire et pour les individus qui ne sont pas trop instruits dans la province, qui ont des maisons et qui seraient obligés de payer autre chose.

Article 19. C'est le fameux article où je disais qu'il y aurait une suggestion sur la façon d'établir le loyer. Le comité est complètement en désaccord sur le contenu de cet article — le vôtre, pas le mien —. Les 5 p.c. d'augmentation sont de l'arbitraire et ne tiennent nullement compte des contingences locales, régionales, particulières, du coût de la vie, de l'augmentation des taxes, des salaires, des frais et dépenses sans oublier celles que le présent code des loyers va imposer aux locateurs. Beaucoup de petits locateurs ne seraient ni plus ni moins que des membres d'agences du bien-être social ou d'assistance sociale. Ce rôle est dévolu au gouvernement et n'est pas celui de particuliers. On est un peu méchant, mais qu'est-ce que vous voulez?

Le comité recommande le retrait du texte actuel dudit article pour le remplacer par un autre plus réaliste, plus juste et plus équitable pour les locateurs. Le comité suggère la méthode suivante de fixation du loyer par le commissaire en fonction des critères suivants.

Comme je le disais tout à l'heure, on considère ceci comme un placement ordinaire qui pourrait rapporter aux gens 9 p.c. ou 10 p.c. ; ça pourrait fluctuer. Si l'intérêt descend, le loyer pourrait descendre en fonction de l'intérêt.

M. CHOQUETTE: Peut-être 15 p.c. M. BELANGER: Peut-être 15 p.c.

M. CHOQUETTE: Peut-être 16 p.c. ou 17 p.c.

M. BELANGER: Oui, mais disons que c'est en fonction... Deuxièmement, les taxes payées. Et comme les taxes, actuellement, vont toujours en montant — les taxes scolaires et municipales montent continuellement on en sait quelque chose à Laval — avec toutes les décisions extérieures qui font qu'une ville est obligée de prendre des dispositions, je vous recommande un nouveau mémoire que la ligue a fait à la commission d'étude à Laval.

Vous verriez ceci et vous comprendriez pourquoi on dit que les taxes montent. Je pense que je vous en enverrai un, M. le ministre, pour que vous en preniez connaissance. Je crois que M. Tessier en a un en main et que le président de la Chambre en a également un parce que, après tout...

M. PAUL: Si M. Tessier en a une copie en main, on va en entendre parler.

M. BELANGER: Oui?

M. CHOQUETTE: Comment faites-vous pour garder un aussi bon moral et un sens de l'humour qui s'exprime aussi facilement avec une taxation foncière aussi épouvantable à Laval?

M. BELANGER: C'est un genre de défoulement, M. le ministre.

M. GAGNON: Si vous en avez donné une copie au ministre Tessier, vous allez placer le premier ministre dans une mauvaise situation.

M. BELANGER: En somme, ce document pourrait être appliqué aussi à toutes les municipalités de la province parce qu'il est aussi fait objectivement au point de vue de la taxation et des coûts qui nous tombent sur le dos. Je vous parle ce soir — parce que nous sommes rendus au soir — en tant que petit locateur, petit propriétaire qui essaye de se débattre pour gagner sa vie.

Nous continuons. Dans le domaine municipal, les taxes générales, spéciales, les améliorations locales et la fourniture d'eau montent. En somme, j'ajoute les autres articles à part les taxes et l'intérêt que devrait comprendre le coût du loyer. Il devrait comprendre les coûts administratifs, l'entretien et la réparation, tous autres frais inhérents à la location ou à la propriété, les services offerts...

M. PAUL: Cela comprendrait quelles dépenses exactement? Vous les avez toutes énumérées à Laval, avant. Là, vous dites: Cinquièmement, tous autres frais inhérents à la location ou à la propriété?

M. BELANGER: Disons que je fais comme tout projet de loi...

M. PAUL: Vous avez un bill omnibus.

M. BELANGER: Pour ne pas en oublier, nous avons un article-cadre ou comme on dit un article ouvert.

Vous savez, on apprend à coudoyer des avocats, des ministres et des députés.

M. CHOQUETTE: Nous voyons que vous êtes allé à la bonne école.

M. HARDY: Vous seriez bon au comité de législation, vous.

M. BELANGER: Merci, M. le député. Je ne sais pas votre nom mais quand même.

M. LE PRESIDENT: C'est le député de Terrebonne.

M. BELANGER: Excusez, M. le député de Terrebonne, de l'autre côté du pont.

Alors, je continue. De cette façon, le seul revenu du locateur serait celui de ses investissements. En somme, ce qu'on veut dire ici, c'est que le locateur recevrait, simplement l'intérêt d'un placement ordinaire; le reste serait toujours couvert. Alors si le taux de taxation baissait, le loyer baisserait, si le coût de la vie montait, ça monterait et si le taux des prêts ou de l'investissement baissait, ça baisserait. En somme, ce serait la règle du jeu des conditions du barème économique.

Le comité fait encore remarquer que la méthode de pourcentage va au détriment du locateur et du locataire parce qu'en certaines circonstances, c'est le locataire qui se fait jouer le tour, toujours par principe objectif — on traite des deux côtés — et cela va occasionner une baisse dans la construction multifamiliale en faisant fuir les investisseurs et éloigner les personnes qui désirent devenir propriétaires-locateurs. Le nombre de logements disponibles s'en ressentirait.

Je peux vous dire que, si vous me demandez des chiffres, je n'en n'ai pas, cette peur du blocage existe actuellement plus que vous pensez. Disons en passant que c'est peut-être un peu personnel. J'édite un journal et j'ai un programme de télévision où j'invite les gens. Des constructeurs m'ont dit qu'actuellement la construction ne se vend pas et qu'à Laval les multifamiliaux duplex, triplex, la vente est très très au ralenti.

M. HARDY: C'est peut-être parce qu'il y a assez de logements.

M. BELANGER: Non, il y en a...

M.HARDY: C'est peut-être que l'offre est plus grande que la demande.

M. PAUL: Cela revient à dire qu'il n'y aurait pas de crise.

M. HARDY: C'est parce que les gens de Laval s'en viennent dans Terrebonne.

M. BELANGER: Vous pensez.

M. HARDY: Oui parce que nous construisons.

M. LE PRESIDENT: Ce pourrait être le député de Terrebonne qui, à un moment donné, vous fait tort.

M. BELANGER: C'est probablement ça, M. le Président.

Alors ajouter l'alinéa suivant: "Le locataire ou le locateur peut en tout temps, au cours d'un bail, introduire une demande d'ajustement du loyer pour cause et selon les procédures de la présente loi." Vous voyez mes termes techniques juridiques: "pour cause". S'il arrivait, par exemple, un changement en cours de route,

plutôt que d'attendre à la fin de l'année, on pourrait faire une augmentation. Que voulez-vous, M. le Président, l'influence. Article 20.

M.CHOQUETTE: Ah! la tournure y est.

M. HARDY: Les membres de la commission qui ne sont pas avocats trouvent que vous en perdez; ils vous aimaient mieux quand vous étiez moins légaliste.

M. BELANGER: Oui. M. HARDY: Oui.

M. BELANGER: Merci, M. le député de Terrebonne. Vous sentez-vous visé, quoi?

M. PAUL: Faites attention, vous allez transiger avec lui avant longtemps. Attention!

M. BELANGER: Alors, en référence avec le texte actuel de l'article 19 du projet de loi, le comité ne voit rien de répréhensible dans le texte de la présente clause. En somme, en fonction de ce qu'on vient de donner, l'article 20 passe, mais selon la recommandation concernant l'article 19, le présent article n'a pas sa place et doit être retiré.

Or, si on laisse l'article 19 tel que vous l'avez pensé, on dit que cela s'applique mutatis mutandis.

M. CHOQUETTE: Pardon. Voulez-vous répéter?

M. BELANGER: Mutatis mutandis.

M. CHOQUETTE: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. BELANGER: Cela veut dire en corrélation habituelle, en fonction de. M. le ministre, vous avez fait votre cours classique, vous aussi.

M. HARDY: Franchement, je considère que votre traduction est pas mal libre.

M. BELANGER: Est-ce qu'on n'a pas dit que nous étions dans un pays libre, ici, au Québec, M. le député de Terrebonne? La liberté, on peut bien la traduire comme on veut! C'est méchant! Excusez-moi. Mais, selon la recommandation de l'article 19, le présent article n'a pas sa place et doit être retiré. Donc, si vous appliquez notre article 19 pour évaluer un loyer, naturellement cet article 20 tombe. Le comité fait encore remarquer que la procédure d'affidavit vient augmenter le temps et le coût d'administration. En vertu de la recommandation, à l'article 21, pour le nouveau texte de l'article 19, le présent article n'a pas sa raison d'être et doit être retiré, toujours en fonction de la nouvelle formulation.

Le comité note une fois de plus la toute-puissance du commissaire qui pourrait, à sa façon être ou devenir dictateur ou despote, avec le seul recours d'aller en appel, encore avec des frais et des dépenses supplémentaires.

L'article 22: Le comité fait remarquer que la date du 30 juin est fort discutable et peut causer autant et même plus de préjudices et au locateur et au locataire et ce, pour plus d'une raison. En somme, nous abondons un peu dans le sens des autres que ce pourrait être une date libre. Mais nous faisons une recommandation un peu spéciale, ici. Un peu comme dans le code civil, on dit: On recommande que la date de terminaison d'un bail soit à la discrétion des deux parties. Dans le cas de mésentente ou dans le cas où il n'y aurait pas de date, que ce soit celle du 30 juin.

M.PAUL: M. Bélanger, excusez-moi. Nous avons eu des représentations voulant que la date du 30 juin pourrait causer beaucoup de perturbations dans le monde syndical, notamment chez les employés de Bell Canada, de l'Hydro-Québec, parce que, en vertu de leur convention collective, la période des vacances est prévue comme devant débuter le 1er juillet pour se terminer à la fête du travail.

Les remarques que vous faites, nous les notons mais, d'un autre côté, nous sommes placés dans une contradiction entre le mémoire qui nous a été lu la semaine dernière et vos propos. Vous comprendrez que ce serait assez difficile pour les membres de la commission de se prononcer.

M. BELANGER: Je pourrais ajouter ici, M. le député de Maskinongé, si vous me permettez, M. le Président, que plusieurs locataires — vous allez dire qu'on travaille encore de l'autre côté — ont mentionné que pour eux, ils pourraient utiliser, comme ils sont des ouvriers ou autres, cette période-là, qui correspond assez souvent à leurs vacances, pour déménager tranquillement sans bousculade. En somme, il y a toujours plusieurs arguments pour le 30 juin.

C'est une remarque que j'ajoute au texte.

M. CROISETIERE: M. le Président, une question. Ne prévoyez-vous pas qu'il se produirait le même phénomène qui se produit le 1er mai — normalement, c'est une période de quelques jours qui est toujours en jeu — si vous donnez une date, par exemple le 30 juin, comme vous le mentionnez, que ce serait à peu près le même processus qui se produirait?

M. BELANGER: M. le député, si vous remarquez, c'est une date conditionnelle.

M. CROISETIERE: D'accord.

M. BELANGER: Je vous dis qu'elle est libre mais, dans le cas de mésentente ou qu'il n'y ait pas de date, que ce soit celle-là. Maintenant, il

est bien entendu que si tout le monde faisait ça comme au 1er mai, il y aurait le même problème. Notre attitude actuellement, à la ligue, c'est d'avoir une date flottante entre parties et, comme on disait dans d'autres mémoires tout à l'heure, que ce soit peut-être à l'année longue. Cela permettrait peut-être de louer des logements que certains ont quittés.

En somme, toute l'argumentation qui est sortie tout à l'heure à la Chambre de commerce ou de la part d'autres avant, on pourrait presque endosser ça les yeux fermés. Surtout le document de la Chambre de commerce de la province de Québec parce que c'est un peu dans le même style que ceci.

J'étais rendu où? Avec ça, je suis perdu. Alors, 23...

M. LE PRESIDENT: M. Bélanger, si je pouvais vous interrompre quelques minutes. Est-ce que vous pourriez, étant donné l'heure qui avance, sortir en quelques minutes les principaux points, si les membres de la commission n'ont pas d'objection, ce qui permettrait aux membres de la commission de vous questionner

M. BELANGER: Disons que...

M. LE PRESIDENT: ... plutôt que d'aller sur la présentation.

UNE VOIX: ... le 30 juin, c'en était un point bien important.

M. BELANGER: Je comprends.

M. CROISETIERE: Si vous en avez d'autres...

M. BELANGER: A l'article 72 et à l'article 73, il y en a qui trouvent que les pénalités...

M. CROISETIERE: Bon, très bien.

M. BELANGER: ... sont un peu fortes et il y en a même qui veulent que cela soit $1,000 et plus. Et il y a un terme qui est assez fatigant. On ne veut pas parler de discrimination raciale, religieuse, etc, parce que, dans votre article 73, c'est tout inclus mais il y en a un qui est fatigant: situation sociale.

M. CHOQUETTE: Nous allons l'enlever.

M. BELANGER: II est dangereux, parce qu'on pourrait dire, par exemple... Je n'ose pas parce qu'on pourrait m'accuser de discrimination... Je préfère ne pas dire ce que cela peut inclure.

M. LE PRESIDENT (Bacon): Vous pouvez le dire. Le ministre a dit qu'il l'enlèverait.

M. PAUL : II vient de vous donner raison. Il a dit qu'il l'enlèverait.

M. BELANGER: Est-ce que je pourrais être assuré que les membres de la commission pourraient lire les autres? J'ai une argumentation qui est déjà donnée un peu dedans, mais ce que j'ai donné tout à l'heure, c'étaient surtout les commentaires généraux. En somme, la partie 19 contient les commentaires généraux qui découlaient un peu du travail. J'ai précisé certains points qui m'intéressaient, comment fixer le loyer, la date du 30 juin. Est-ce qu'il y en aurait un autre? A l'article 74, c'est une modification comme on le fait au comité des bills privés quand on vient ici, on nous demande des papillons, c'est un papillon: compte tenu du nombre de chambres à coucher dans le logis et de leur superficie.

M. CHOQUETTE: Etes-vous un avocat populaire ou quelqu'un de cet acabit?

M. BELANGER: Je ne suis même pas avocat et vous dire ce que je suis, vous ne le croiriez pas. J'aime autant ne pas le dire, M. le ministre. En somme, j'ai beaucoup appris avec la ligne depuis 10 ans. Je suis venu ici au comité des bills privés pour défendre notre cause dans les bills concernant la ville de Laval.

M. PAUL: Avez-vous présenté un mémoire au sujet du bill 48 sur l'évaluation?

M. BELANGER: Si nous avons présenté un mémoire?

M. PAUL: Oui, vous-même, vous n'avez pas présenté un mémoire?

M. BELANGER: Non, nous n'avons pas présenté de mémoire parce que j'avais su à travers les branches où les ruisseaux coulent que c'était ni plus ni moins que toute la structure que nous avons à Laval. Et de fait...

M. PAUL: Les jardiniers maraîchers de Laval sont venus.

M. BELANGER: Oui, ils sont venus. D'ailleurs, ils étaient venus lors de la présentation du bill concernant la ville de Laval, parce qu'ils voulaient justement avoir un petit problème de ce côté-là et, finalement, le gouvernement a accepté d'enlever l'article que la ville de Laval demandait. Mais la loi 48 le ramenait.

M. PAUL: Cela vous démontre, mon cher ami, toute la besogne que nous avons, nous de l'Opposition, de toujours les surveiller.

M. BELANGER: Est-ce que je pourrais dire que c'est partial ce que vous venez de dire?

M. PAUL: Je peux vous dire seulement une chose: ce n'est que temporaire.

M. BELANGER: Ah bon! Alors, cela veut

dire que ce serait M. le ministre qui deviendrait impartial un jour?

M. CHOQUETTE: M. Bélanger, nous avons beaucoup apprécié votre exposé et nous l'avons trouvé rempli de toutes sortes de bonnes suggestions que nous allons étudier.

M. LE PRESIDENT (Bacon): Le député de Lotbinière...

M. BELANGER: Est-ce que vous me permettriez un autre article avant? Une remarque à l'article 73, quand on disait: De la solvabilité qu'on pourrait refuser des locataires. Au point de vue de la solvabilité, par exemple, on apprend qu'un locataire n'a pas payé ailleurs; alors si le projet de loi lui permet de voir le commissaire et de dire: Je veux avoir ce loyer; nous sommes obligés de le lui donner.

M. HARDY: Ne faites pas dire à la loi plus qu'elle ne dit pas; elle en dit déjà assez.

M. BELANGER: Vous savez...

M. HARDY: Ne donnez pas d'idées au ministre pour l'empirer; elle est déjà...

M. BELANGER: Oui, M. le député de Terrebonne.

M. CHOQUETTE: Voyez, monsieur, dans quelles conditions je suis obligé de travailler. Pour faire le bien, pour faire avancer la société, j'ai le député de Terrebonne.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Je n'ai que ceci à ajouter. Même si M. Bélanger n'a pas eu la possibilité ou enfin il a été entendu qu'il ne lisait pas tout le document, je tiendrais quand même à ce que tout le document soit, inclus dans le journal des Débats afin que justement lorsque nous réétudierons la loi à d'autres moments, nous puissions avoir...

M. LE PRESIDENT: Nous n'avons pas voulu le priver...

M. BELAND: Disons que je félicite ces messieurs d'avoir bien voulu venir se présenter et d'avoir préparé un document de la sorte. Il est bon que des personnes, que l'on appelle peut-être démunies, viennent s'exprimer dans leurs mots bien à eux et qui sont empreints d'une très grande logique. C'est tout ce que j'avais à dire.

M. BELANGER: Je remercie M. le Président et les membres de la commission. J'ai eu un réel plaisir à vous rencontrer. Si vous venez à Laval, vous viendrez faire un tour; on vous fera visiter; on vous montrera les logements qui sont libres, M. le député de Terrebonne.

M. LE PRESIDENT: Alors, M. Bélanger, au nom des membres de la commission, je vous remercie et nous ajournons à demain matin 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 10)

Séance du mercredi 18 octobre 1972 (Dix heures dix-neuf minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs !

Au début je vais énumérer l'ordre dans lequel les organismes vont être entendus. Le premier, M. Renaud Huot de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain; la Corporation des évaluateurs agréés du Québec; le Groupement des locataires du Québec métropolitain incorporé; la Fédération des associations des locataires du Québec; l'Association des locataires de l'Outaouais incorporée; la Confédération des syndicats nationaux. Nous entendrons immédiatement M. Huot.

Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain

M. HUOT: M. le Président, M. le ministre, messieurs de la commission parlementaire. Je me nomme Renaud Huot; je suis directeur général adjoint de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain. J'ai à mes côtés le président du comité des affaires urbaines et régionales de la Chambre, M. Gilles Lefrançois, également membre du conseil d'administration de la Chambre.

Le mémoire qui suit représente la position officielle de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain. Après des études du projet de loi par un comité ad hoc, de séances et d'information auprès des représentants du ministère de la Justice, le mémoire a été approuvé à l'unanimité par l'exécutif et le conseil d'administration de notre organisme.

En préparant le mémoire, nous avons d'ailleurs apprécié la participation des membres de la Chambre d'immeuble de Québec qui, à cause d'un manque de communication interne, voit son nom apparaître seulement sur un des mémoires précédents. Plusieurs de nos membres, qui sont touchés de près par le projet de loi 59 à titre de locateurs, nous ont demandé de présenter leurs objections et leurs suggestions afin d'améliorer le projet de loi 59. Nous nous devons de souligner le grand intérêt et la vive inquiétude que soulève le projet de loi parmi tous nos membres qui s'opposent fortement au contrôle des prix des loyers, surtout lorsque c'est le seul secteur de l'économie qui est affecté.

Nous apprécions à cette occasion de venir exprimer l'avis de nos membres et de contribuer au meilleur de nos connaissances à la solution des problèmes soulevés par le projet de loi 59.

Messieurs, je cède maintenant la parole à M. Gilles Lefrançois.

M. LEFRANÇOIS: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission. Le projet de loi 59 touche deux aspects bien distincts de l'habitation: Premièrement, la réglementation des rapports entre locateurs et locataires; deuxièmement, le prix des loyers.

Nous croyons que ces deux sujets, quoique reliés tous les deux au vaste problème de l'habitation, doivent être analysés séparément. Par conséquent, nous traiterons de ces deux aspects dans des chapitres séparés.

Premier chapitre, réglementation des rapports entre locateurs et locataires, a) Approbation de principe. Nous croyons qu'il est bon qu'une loi définisse, de façon aussi claire et précise que possible, les droits et obligations des locateurs...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais vous demander si vous avez l'intention de lire tout votre mémoire.

M. LEFRANÇOIS: Seulement certaines parties.

M. LE PRESIDENT: Seulement certaines parties.

M. LEFRANÇOIS: Je suis présentement à la page 5.

M. LE PRESIDENT: Oui, c'est pour ça, il y en a 28.

M. LEFRANÇOIS: Je vais vous faire grâce de certaines parties. Je vais répéter notre approbation de principe; pour une fois que nous sommes d'accord, on est aussi bien de le dire. a)Approbation de principe. Nous croyons qu'il est bon qu'une loi définisse, de façon aussi claire et précise que possible, les droits et obligations des locateurs et locataires et réglemente leurs rapports. b)Champs d'application de la loi. Au point de vue de la réglementation des rapports, nous considérons l'extension de l'application de la loi comme une amélioration importante et suggérons même, à la section d), de l'étendre encore davantage. c)Les clauses d'un bail. Nous approuvons le fait que le code définisse certaines clauses qui ne doivent pas être dans un bail et certaines autres qui doivent y être, plutôt que d'imposer un bail type. d)Les améliorations suggérées. Nous voulons cependant suggérer certaines améliorations au projet de loi en ce qui concerne la réglementation. Et dans ces améliorations, je vais m'en tenir, autant que possible, à celles qui n'ont pas été mentionnées dans les mémoires précédents.

Premièrement, concernant le champ d'application. A l'article 9, nous suggérons que les mots "31 décembre 1971" soient remplacés par "31 décembre 1970", et la même chose à l'article 11. Nous sommes d'accord quant au délai de deux ans avant l'application de la loi, tel qu'indiqué dans l'article 11.

Par conséquent, nous croyons juste d'accorder le même délai aux locaux qui sont devenus habités ou habitables en 1971, qui n'auraient qu'un an de délai si la loi n'était pas modifiée. Je pense que c'est une question technique qui a peut-être pu échapper à ceux qui ont rédigé le projet de loi.

Article 12. Les mots "la présente loi, sauf l'article 36" devraient être remplacés par "les dispositions de la présente loi relatives à la fixation du loyer."

Si les dispositions de la loi relatives aux rapports entre locateurs et locataires sont bonnes pour les entreprises privées, nous ne voyons pas pourquoi elles ne s'appliqueraient pas aussi aux immeubles faisant l'objet d'une aide financière à titre de prêt ou de subvention en vertu de la Loi de la Société d'habitation du Québec. Présentement, le texte tel que rédigé soumet ces habitations à la loi seulement pour des cas très précis, des cas d'éviction. Nous suggérons qu'elles soient soumises à la loi dans tous les cas, sur tous les aspects, excepté la fixation de prix.

Nous croyons aussi que la loi devrait s'appliquer également à tout immeuble d'habitation administré par le gouvernement fédéral.

Article 13. L'article devrait se lire comme suit: La présente loi s'applique à tout le territoire de la province de Québec. Nous croyons que les locateurs et les locataires, peu importe où ils se trouvent, devraient jouir de la protection du bill 59.

Deuxième section, reprise de possession. Nous croyons que les dispositions des articles 30 à 35 accordent au locateur à peine le minimum de droits et ne devraient en aucun cas être plus restrictives.

Concernant l'éviction et la résiliation de bail, le délai qui est présentement accordé de quatre semaines, ç'a été traité hier. Nous voudrions cependant attirer votre attention sur un autre aspect qui n'a pas été traité hier. Nous nous opposons surtout â ce que le locataire ait jusqu'à l'audition devant la commission pour acquitter son loyer, car ceci place le locateur dans une situation très difficile étant donné que, premièrement, il n'y a pas de délai maximum pour l'audition devant le commissaire. Deuxièmement, le locateur ne sait jamais si le locataire va finalement payer quand aura lieu l'audition. Et troisièmement, tel que le projet de loi est écrit, le locateur pourrait être obligé de poursuivre le locataire devant le commissaire de mois en mois sans jamais obtenir gain de cause.

Article 36. L'idée que nous suggérons à l'article 36, c'est de le rendre semblable à l'article 74, c'est-à-dire que les termes devraient être: Que le local d'habitation est devenu surhabité, compte tenu des conditions du logement, par suite de l'admission de résidants additionnels. A l'article 74, on permet au propriétaire de refuser de louer à une famille nombreuse, compte tenu des conditions du logement. Alors, on croit qu'à l'article 36 le propriétaire devrait avoir le droit de demander la résiliation si, quelques mois après que le locataire a occupé les lieux, le local devient trop habité.

Article 36 g). Nous croyons qu'il est important que ce paragraphe se lise comme suit: "Que le locataire ou des personnes dont il est responsable n'entretiennent pas de façon satisfaisante ou détériorent les lieux occupés." Nous ajoutons l'idée d'entretien physique et sanitaire car, sans être une détérioration directe, un entretien non satisfaisant peut causer énormément d'ennuis aux locataires voisins et des frais inutiles que le locateur devra récupérer des autres loyers. Il n'y a pas lieu de craindre qu'une telle addition soit utilisée de façon abusive par le locateur car toute cause d'éviction sera éventuellement jugée à sa juste valeur par le commissaire.

L'article 39 devrait être éliminé. Il s'agit du cas qui est prévu dans la loi où un locataire est admis dans une maison subventionnée, Un HLM. Nous disons: Si un logement subventionné devient disponible avant que le bail du locataire éventuel ne soit terminé, rien ne l'empêche de déménager immédiatement. Mais il devrait être tenu responsable du loyer pour le logement qu'il vient de quitter jusqu'à l'expiration de son bail à moins qu'il n'en vienne à une entente moins dispendieuse avec son ancien locateur. Et hier, on a mentionné qu'en temps normal, la cour fixerait cette pénalité à un maximum de trois mois. Nous croyons que ces frais devraient être payés par la corporation qui administre l'immeuble d'habitation à loyer modique.

Quatrième section: les prohibitions. L'article 64 concerne la permission d'exiger des chèques postdatés. Nous croyons que le propriétaire ou le locateur devrait en avoir le droit et nous expliquons pourquoi.

Nous suggérons l'addition de deux articles. D'abord l'article 70 a). Pour ceux qui viennent d'obtenir les documents, je suis rendu à la page 11. Rien dans la présente loi n'empêche le locateur de charger des intérêts sur tout loyer échu à un taux d'intérêt n'excédant pas le taux en vigueur pour les prêts en première hypothèque au moment du défaut de paiement. Nous suggérons l'article 70 b) qui se lirait comme suit: "Rien dans la présente loi n'empêche un locateur de charger des frais de manutention et d'administration n'excédant pas $10 pour chaque chèque ou effet négociable retourné impayé par la banque.

Il serait injuste de faire assumer par les autres locataires, qui ne sont pas en défaut, les frais additionnels qui sont occasionnés par les locataires qui eux sont en défaut. Dans les pénalités et poursuites, je pense que la question de situation sociale a déjà été traitée.

Section 6: les frais modérateurs. Nous suggérons que la loi contienne un ou des articles stipulant un montant non remboursable fixe

qui devrait accompagner toute demande faite auprès des commissaires pour éviter toute demande farfelue de la part de certains locateurs ou locataires. D'ailleurs le principe des frais modérateurs a été adopté dans beaucoup de services sociaux au Canada comme ailleurs.

Section 7 : conseil consultatif. Nous recommandons fortement qu'un conseil consultatif du logement soit constitué. Ce conseil aurait les mêmes attributions que le Conseil de protection du consommateur qui d'ailleurs a fait les preuves de sa valeur et de sa grande utilité. Nous reproduisons ici, à titre de référence, les articles pertinents du bill 45 ou Loi de protection du consommateur. Ces articles devraient être ajoutés mutatis mutandis, au bill 59. Comme tous les membres de la commission peuvent se procurer les bills facilement, je vais sauter les pages 13 et 14 qui reproduisent simplement les articles du bill 45 qui traitent du conseil de protection.

A la page 15, section 8: entrée en vigueur du bill 59. Nous sommes assurés que de graves préjudices pourraient être causés à de nombreux propriétaires si la loi entrait en vigueur trop hâtivement après l'adoption par l'Assemblée nationale. Si le bill n'est pas adopté en troisième lecture avant le 30 octobre — ce qui sera le cas, semble-t-il — nous croyons fermement qu'il sera impossible de nommer les membres de la commission consultative et de les consulter, puis de passer les règlements, de recruter le personnel requis, d'informer la population, de recevoir les avis dans les délais requis (120 jours pour les demandes d'augmentation, soit le 1er janvier pour la plupart des baux tels qu'ils existent présentement), de faire tout cela avant le 30 juin 1973. Il faudrait donc absolument que la mise en vigueur soit reportée au moins au 30 juin 1973, et il faudrait peut-être en plus prévoir une mise en vigueur progressive, c'est-à-dire en commençant par exemple le 30 juin 1973 avec les logements déjà soumis à la loi favorisant la conciliation entre propriétaires et locataires, pour ensuite inclure les autres logements à compter du 31 décembre 1973.

Date de terminaison des baux. Nous appuyons le mémoire présenté par l'Association du camionnage du Québec Inc., concernant la date de terminaison des baux.

Section 10 : dispositions transitoires. Un article devrait être ajouté à la section XIV, qui s'appelle: Dispositions diverses, transitoires et finales, pour stipuler que tout contrat de location à long terme, signé avant l'adoption de la présente loi, demeure valable, nonobstant les dispositions de la présente loi.

Alors, ceci termine le premier chapitre traitant de la réglementation. Nous allons maintenant prendre le chapitre II, page 17, qui parle du contrôle des prix.

Il y a deux aspects dans la question des prix des loyers. Premièrement, il y a un problème fondamental qui est la disproportion entre la capacité de payer de certains locataires et le coût réel que le locateur doit récupérer.

Et deuxièmement, les abus que certains locateurs commettent lorsqu'ils exigent un prix trop élevé. Nous allons d'abord traiter du problème fondamental, pour ensuite parler du contrôle des abus.

Première partie du chapitre II: le problème fondamental du prix des loyers. Les causes du problème fondamental. Les causes de la disproportion entre la capacité de payer du locataire ou de certains locataires et le coût du logis sont de deux ordres.

Premièrement, les raisons qui se rattachent à la capacité financière du locataire. Je pense qu'on ne vous apprendra rien de nouveau. Il y a aussi les facteurs qui déterminent le coût élevé de construction et d'exploitation des logements. Parmi ces facteurs, nous retrouvons le taux d'intérêt relativement très élevé; le coût de la main-d'oeuvre qui croît à un rythme très rapide; l'absence de recherche fondamentale et appliquée dans le domaine de la construction; l'absence d'une politique d'aménagement urbain; la très grande diversité, même l'incohérence, dans les normes de construction d'une région à l'autre et même d'une ville à l'autre; les taux de taxation municipale et scolaire qui sont de plus en plus élevés. On a peut-être là-dedans une des raisons pour lesquelles l'indice des prix des logements a grimpé plus vite que le reste de la moyenne. C'est peut-être la cause de certaines statistiques qui ont été mentionnées hier et précédemment. Et nous retrouvons également les inefficacités introduites dans le système par certaines conventions collectives. Que faut-il retenir de toute ces causes du problème fondamental? Premièrement, elles sont indépendantes du constructeur ou du locateur qui doit les subir.

Deuxièmement, un contrôle des prix, même s'il pouvait éliminer tous les abus, ne ferait rien pour changer quoi que ce soit au problème fondamental, soit la capacité financière, soit le coût réel des logements. L'Etat a assurément un rôle à remplir pour aider à régler ce problème fondamental et son action doit porter sur les deux aspects du problème, soit aider financièrement les locataires économiquement faibles par des subventions et une assistance appropriée, soit en aidant à diminuer le coût réel des logements, notamment dans les domaines suivants: encourager la recherche, développer une politique d'aménagement, uniformiser les normes de construction au moins à l'échelle provinciale, diminuer les taxes municipales et scolaires.

Nous abordons maintenant la deuxième partie du chapitre II: le contrôle des abus.

A quel genre d'abus? Il faut rappeler ici qu'un très grand nombre d'abus de la part des locateurs ou des locataires n'ont rien à voir avec les prix du loyer et que, par conséquent, ils seront éliminés dans la mesure du possible par les sections de la loi qui traitent des rapports entre propriétaires et locataires.

Comme nous l'avons d'ailleurs démontré dans le chapitre I, nous approuvons pleinement

le projet de loi à cet égard et nous avons même suggéré des améliorations pour rendre la loi plus efficace.

Il reste à traiter des abus dans les prix exigés par les locateurs. Ces abus se résument à deux catégories. D'abord, certains locateurs, tenant compte de la rareté de logements dans une grandeur donnée, dans une qualité donnée ou dans un secteur géographique donné, exigent des prix qui excèdent la valeur réelle du logement.

D'autre part, certains locateurs, tenant compte des frais qu'un locataire devrait payer s'il avait à déménager, exigent des augmentations injustifiées mais inférieures aux frais normaux de déménagement. On doit noter qu'il s'agit bien de certains locateurs et non pas de la majorité. Alors, quels seraient les effets du contrôle des prix imposé par le projet de loi 59?

Afin de contrôler les abus mentionnés plus haut, le projet de loi 59 propose une forme de contrôle des prix. Voyons quels seraient les effets d'un tel contrôle. Nous allons diviser les effets en deux groupes: premièrement, les effets de tout contrôle étatique des prix du logement; deuxièmement, les effets spécifiques du genre de contrôle préconisé par le projet de loi 59.

En ce qui concerne les effets de tout contrôle étatique, ces effets ont été exposés de façon assez élaborée dans un mémoire entendu hier.

On peut avoir des réserves concernant l'interprétation à donner aux statistiques, si c'est réellement l'effet du contrôle des prix ou si c'est l'effet d'autres choses en plus. Nous sommes d'avis que les statistiques apportées par l'autre partie, par exemple, concernant le taux de rentabilité, l'étude de rentabilité qui a été faite à Montréal et l'argument basé sur l'indice des prix, sont toutes aussi équivoques, ou peuvent être utilisées par les deux parties pour prouver leur point. Nous n'entrerons pas davantage là-dedans mais une chose est certaine c'est que, peu importent les statistiques, on ne peut sûrement pas sous-estimer les effets du projet de loi no 59 tel que rédigé.

Puisque ce sont les administrateurs et les investisseurs qui, par notre voix, viennent vous dire que le bill fera en sorte qu'ils délaisseront nécessairement le domaine de l'habitation, qu'ils aient tort ou raison, cela semble être leur intention. D'ailleurs, au sujet de certaines remarques qui ont été faites hier, concernant les séances d'information avec les officiers supérieurs du ministère de la Justice, c'est un peu vrai que M. Ross avait réussi à en endormir plusieurs. Disons qu'après avoir entendu les explications de MM. Ross, Cardinal et Alarie, nous avons pu rédiger ce mémoire qui est, je crois, passablement moins extrémiste que celui que nous aurions rédigé auparavant. Quand même, le lendemain matin après le cocktail...

M. CHOQUETTE: Félicitations.

M. LEFRANCOIS: Le lendemain matin, une fois que les effets du cocktail et les effets de l'art oratoire de M. Ross ont été évaporés, ces membres nous ont quand même demandé de rédiger un mémoire et l'ont approuvé à l'unanimité.

Quant aux effets spécifiques de la forme de contrôle proposée par le projet de loi no 59, nous croyons que ce projet de loi veut imposer un contrôle encore plus néfaste que ce qui existe présentement. Voici pourquoi. Le projet de loi no 59 exigerait que tout loyer soit rapporté, ce qui causerait des ennuis et des formalités additionnels et augmenterait encore plus le coût d'exploitation. Deuxièmement, dans le projet de loi, toute augmentation de plus de 5 p.c. devrait être approuvée par la régie, même si le locataire est d'accord, ce qui cause des délais inutiles et dispendieux. Troisièmement, le législateur, obligeant par cette loi tout locateur à déclarer les noms de ses locataires et le prix de ses loyers d'une part et, d'autre part, obligeant le tribunal des loyers à juger toute augmentation de loyer supérieure à 5 p.c, risque de retarder les causes litigieuses et de ne pas apporter l'attention nécessaire aux vrais problèmes. Quatrièmement, au point de vue du gouvernement, l'application du contrôle des prix exigerait des sommes très élevées qui pourraient beaucoup mieux être utilisées si elles étaient consacrées â la construction de nouveaux logements. Cinquièmement, la fuite des capitaux privés vers d'autres secteurs de l'économie. Sixièmement, les tracasseries administratives causées par le bill no 59 décourageront les petits propriétaires et les propriétaires moyens qui apportent et doivent continuer d'apporter une contribution importante dans le jeu de l'offre, compte tenu du fait que ces derniers pourvoient eux-mêmes à l'entretien et aux réparations des logements.

Nous sommes d'avis que le bill pénaliserait davantage les petits et les moyens propriétaires étant donné que les gros propriétaires qui ont déjà des administrateurs permanents vont, sans doute, réussir... cela leur coûtera plus cher mais ils auront au moins les ressources nécessaires pour aller devant la régie afin de faire valoir leur point de vue; tandis que, quant aux petits propriétaires et aux propriétaires moyens, les recours devant la régie, les déclarations, les exposés qu'ils doivent faire, les décourageront davantage.

Le contrôle (à la page 24) proposé est-il une bonne solution? A la lumière de ce qui précède, nous croyons que les effets négatifs réels apportés par le contrôle suggéré, créeront une situation plus grave que ce qui existe présentement. En temps de guerre et en temps de crise, le contrôle des prix était sans doute la seule solution possible.

Aujourd'hui, nous croyons qu'il faut se rendre compte que l'état de rareté a fait place à un taux de vacance assez appréciable. Un autre changement très important à considérer est que

les locataires qui, dans les années cinquante n'étaient pas organisés sont aujourd'hui de plus en plus groupés dans des associations dynamiques, parfois subventionnées directement ou indirectement par l'Etat et que, par conséquent, ils sont beaucoup plus informés et beaucoup mieux protégés.

D'ailleurs, les mémoires que vous allez entendre aujourd'hui sont la preuve tangible que les locataires sont beaucoup mieux organisés. Il ne faut pas oublier non plus qu'il n'y a pas des abus seulement dans le domaine du logement. Il y avait aussi des abus dans les taux que certaines compagnies de finance exigeaient, dans les prix que certains commerçants exigeaient.

Or, la solution adoptée par la Loi de protection du consommateur n'est pas de contrôler les prix, mais de réglementer d'une part les rapports entre le commerçant et le consommateur, par exemple en édictant des règles pour la publicité, les garanties, les clauses des contrats, la divulgation du taux réel d'intérêt, etc., et d'autre part, renseigner et défendre les intérêts des consommateurs en établissant l'Office de protection du consommateur et en donnant des subventions aux organismes voués à la défense des intérêts du consommateur.

On peut aussi se demander: Le contrôle des prix des loyers est-il juste? Présenté par le ministère de la Justice, cela devrait sans doute être un critère.

Nous croyons qu'il est injuste, parce qu'il fait endosser par une partie de la population les erreurs et les omissions des gouvernements qui n'ont pas pris leurs vraies responsabilités en matière de logement et les oblige à financer seuls une partie du fardeau de la sécurité sociale.

Il est injuste de plus, parce qu'il leur impose un système économique complètement différent des autres secteurs, soit un contrôle, non pas un gel mais quand même un contrôle absolu des prix, alors que le gouvernement n'a pas le courage, ni le mandat d'ailleurs, d'imposer les mêmes contrôles sur les salaires, les taxes, les taux d'intérêt et les autres prix.

M. PAUL: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de lire, c'est bien intéressant, ce paragraphe-là.

M. LEFRANCOIS: C'est à la page 25, deuxième paragraphe, M. le député de Maskinongé.

M. PAUL: C'est parce que, deux fois inscrit au journal des Débats, ce serait bon pour le lecteur, vous savez.

M. LEFRANCOIS: Disons que j'ai déjà pris assez de temps, nous allons continuer. Le gouvernement, d'ailleurs, a répété à plusieurs reprises, et avec raison, lors des négociations avec les employés des secteurs public et parapublic, qu'il n'avait pas le mandat de changer le système économique actuel. Puisque nous ne sommes pas en faveur du contrôle des prix tel que suggéré, est-ce que nous avons quelque chose à proposer?

La solution que nous proposons, section E, page 25, est celle-ci. Nous proposons tout simplement la même solution que celle qui a été adoptée dans le domaine général de la consommation, soit, premièrement, la réglementation des rapports dont nous avons parlé dans le chapitre 1; deuxièmement, la création d'une commission des loyers, telle que proposée dans le projet de loi 59; troisièmement, l'abandon de tout contrôle des prix des loyers par cette commission des loyers.

Dans les détails, nous proposons les modifications suivantes au projet de loi. Je ne vous les lirai pas, mais il s'agit simplement d'éliminer les références au contrôle des prix dans le projet de loi. C'est l'opinion de nos membres.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Monsieur, j'ai trouvé que, dans votre mémoire, il y a beaucoup de suggestions intéressantes. Je ne chercherai pas à répondre à toutes et chacune d'entre elles parce qu'un certain nombre, sinon la plupart, méritent d'être analysées avant qu'on n'y apporte une réponse.

Sur la question des besoins en matière d'habitation dans la région du Québec métropolitain, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le taux de vacance en 1971, pour l'ensemble du Québec métropolitain, se situait à 1.9 p.c, ce qui est un taux de vacance extrêmement bas. Evidemment, ici, je me réfère aux logements de trois pièces et plus. Dans d'autres types de logements, évidemment, le taux de vacance est plus considérable, ça va de soi.

Ainsi, dans les logements de deux pièces, il était de 3.4 p.c, dans les logements d'une pièce de 5.4 p.c, et dans le type d'appartement appelé studio ou "bachelor", il était de 6.2 p.c.

Mais dans les trois-pièces et plus, il était de 1.9 p.c.

Si on veut décomposer ce taux de vacance suivant les divers secteurs du Québec métropolitain, je vais vous donner des détails. Pour la ville de Québec, zone 1, c'est-à-dire la partie nord, il était de 1.5 p.c. Zone 2, partie sud, il était de 1.2 p.c. Excusez-moi. Pour la partie nord de la ville de Québec, c'est-à-dire la zone 1, 1.5 p.c. Pour la zone 2, partie sud, 0.5 p.c. Pour la zone 6, partie nord-ouest, 9.8 p.c. Cette partie nord-ouest de la ville de Québec, c'est la région des Saules, où il y a beaucoup d'aménagements immobiliers.

Alors, en moyenne, pour la ville de Québec, le taux de vacance pour les appartements de trois pièces et plus était de 1.6 p.c Pour les autres zones, la zone métropolitaine, zone 3, l'ouest, 1.6 p.c. Zone 4, le nord, 2.5 p.c. Zone 5, la rive sud, 7.4 p.c, c'est-à-dire la région de

Lévis, et la moyenne pour les autres zones était de 2.2 p.c. Alors, tout ceci se solde par un taux de vacance moyen de 1.9 p.c, ce qui est très, très bas.

M. LEFRANCOIS: M. le ministre, je pense que c'est exactement le genre de statistiques qui peuvent être interprétées des deux façons. Si vous remarquez, le taux de vacance est beaucoup plus bas dans une corrélation très forte entre les sections où le taux de vacance est très bas et les sections qui sont présentement sous la Régie des loyers. A Sainte-Foy, où il n'y a pas de Régie des loyers, le taux de vacance est très élevé. Alors, est-ce que cette situation est attribuable à la Régie des loyers, une situation qui a été causée par la Régie des loyers, et vous vous appuyez là-dessus pour maintenir la Régie des loyers parce qu'il n'y a pas de taux de vacance? Et aussi je pense qu'il faudrait dire que, dans les cas où vous avez mentionné un taux inférieur à 1 p.c, comme par exemple 0.5 dans Québec, peut-être qu'une partie du blâme devrait retomber sur les gouvernements, j'inclurais le municipal, le provincial et le fédéral, qui ont démoli énormément d'habitations et qui n'en ont pas construit suffisamment. Alors, si l'Etat cause une pénurie de loyers par son manque de prévoyance, je ne vois pas pourquoi ce seraient seulement les propriétaires qui devraient être pénalisés. Je pense que tous les citoyens devraient être pénalisés. C'est pour ça que je trouve que ces statistiques peuvent être interprétées tout autant en notre faveur qu'en votre faveur.

M. CHOQUETTE: Vous avez mentionné à Sainte-Foy. Tout le monde sait qu'à Sainte-Foy, premièrement, il y a beaucoup de "bachelors". Deuxièmement, il y a énormément de construction nouvelle d'appartements, par conséquent, il est assez normal de s'attendre à un taux de vacance élevé à Sainte-Foy.

M. LEFRANCOIS: Oui, mais, M. Choquette, on repose le problème dans ce cas-là. Alors, pourquoi y a-t-il beaucoup de construction nouvelle à Sainte-Foy et pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup de construction nouvelle dans d'autres secteurs de la ville? Est-ce que c'est à cause de la Régie des loyers? Cela semblerait un facteur.

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas, je pense que c'est plutôt le fait que Sainte-Foy est extrêmement étendue au point de vue du territoire. Sainte-Foy, de par sa situation géographique, était appelée naturellement à un développement immobilier très considérable. Tandis que, si on parle de la ville de Québec proprement dite, il y a fort peu d'espace à aménager sur le plan immobilier à l'heure actuelle dans la ville de Québec. Québec, c'est une ville qui est bâtie, Sainte-Foy est une ville qui est en train d'être bâtie. Je ne vois pas le rapport réel entre l'existence ou la non-existence de la Régie des loyers.

M. LEFRANCOIS : Alors, si vous reportez ça sur des causes purement économiques, le contrôle des prix ou la nouvelle loi ne changera rien à ça, il va toujours y avoir un taux de vacance; si la pénurie de logements au centre-ville est attribuable purement à des conditions économiques, ce n'est pas le bill 59 qui va changer ça.

M. CHOQUETTE : Oui, mais le bill 59 va quand même permettre que, dans un endroit où il n'y a pas un taux de vacance suffisant et où, par conséquent, ceux qui offrent des logements ont, en somme, un avantage économique sur ceux qui en demandent, il va éviter qu'il y ait des abus et des injustices de commis à l'égard de ceux qui ont besoin de logements. C'est ça qu'il va faire. Je n'ai jamais dit que le bill 59 était une réponse suffisante à l'ensemble du problème du logement dans le Québec.

Je n'aurais sûrement pas la prétention d'affirmer une telle chose. Je crois que le problème du logement déborde largement les cadres du bill 59. Et il faudra sûrement que l'Etat s'intéresse au problème du logement. D'ailleurs, on sait que dans le passé il y a eu, à divers moments, des efforts qui ont été faits au Canada pour s'intéresser à ce problème avec des solutions qui ont été apportées à la suite de ces efforts, solutions qui ont pu être controversées dans certains cas et mises en application partiellement.

La Société centrale d'hypothèques et de logement, dans les récents mois, a subi des critiques très dures de la part de gens qui ont été chargés par les autorités mêmes de la Société centrale de préparer des rapports sur les activités de cette dernière. Tout le monde se rend compte que l'action du gouvernement fédéral en matière de logement par l'intermédiaire de la Société centrale d'hypothèques et de logement depuis 1945 n'est pas suivant les expectatives qu'on aurait pu avoir d'une politique de logement qui serait valable.

Vous vous souvenez que M. Hellyer était parti dans une campagne toute personnelle aussitôt après que le gouvernement Trudeau eut été élu en 1968 et qu'il avait fait le tour du Canada en étudiant les problèmes du logement. Il est arrivé avec un rapport qui préconisait certaines solutions au problème du logement, solutions, d'ailleurs, qui n'ont pas été retenues. Il y a eu des conférences à l'échelle canadienne à de nombreuses reprises sur tous les problèmes du logement. Il est sûr qu'il y a des problèmes dans ce domaine. Je serais le dernier à affirmer que les solutions sont apportées à ces problèmes. D'ailleurs, vous-même avez signalé la démolition d'un certain nombre de logements anciens par suite de l'action des autorités, qu'elles soient municipales, provinciales ou fédérales. Il va de soi que ceci réduise, dans une

certaine mesure, le nombre de logements disponibles, surtout un certain type de logement qui est avantageux pour des familles ouvrières, en particulier.

Je ne nie pas du tout cette dimension et, au contraire, je la reconnais d'emblée aujourd'hui comme je l'ai reconnue hier quand M. Viau est venu nous parler au nom du groupe qu'il représentait. C'est-à-dire que je vois tout à fait l'intérêt qu'il y aurait d'une étude très poussée et très en profondeur de toute la question du logement pour établir une politique du logement qui pourrait répondre au besoin de la population québécoise et même canadienne, à long terme.

Mais ceci n'infirme pas la valeur du bill 59 dans la mesure où il cherche à éviter trop d'abus. Et hier, j'ai signalé que certains sondages que nous avions faits nous indiquaient qu'il y avait des abus dans une proportion importante, premièrement, que nous ne pouvons pas nier. Deuxièmement, l'appétit des propriétaires tel qu'il est ressorti par certaines expressions que nous avons eues hier à la commission parlementaire me parait quelque peu démesuré. Et je dis que c'est devant ce fait que l'Etat se dit qu'il a des responsabilités vis-à-vis de ceux qui souffrent de ces circonstances.

Ce n'est pas parce qu'en principe je ne vois pas d'inconvénient à des mécanismes de contrôle trop lourds. Je ne veux pas ériger cela en principe, je veux dire que souvent quand on peut éviter des contrôles, c'est mieux d'éviter des contrôles.

On peut jusqu'à un certain point accumuler de trop nombreux contrôles dans certains ordres d'activité, mais tout le monde admet aujourd'hui que l'Etat doit intervenir pour établir une certaine justice sociale quand c'est nécessaire.

Actuellement, je ne pense pas qu'on puisse dire et que personne prétende que la Régie des loyers, telle qu'elle existe, ne remplit pas un rôle utile.

M. LEFRANCOIS: On ne conteste pas que la Régie des loyers, dans certains cas, rende un rôle utile, mais il n'y a rien de parfait. Un contrôle des prix des loyers... Nous sommes d'accord à 75 p.c. sur la section du bill qui traite de la réglementation. Quant au contrôle des prix, cela peut avoir deux effets. H y a des effets bénéfiques pour empêcher les abus. Nous n'oserions pas dire qu'il n'y a pas d'abus, il y en a sûrement. Mais par contre, il y a d'autres effets qui vont aussi arriver et c'est une question de pesée. Est-ce que les effets négatifs vont être plus importants que les effets positifs? Là, c'est une question de jugement. Les associations de locataires vont sans doute vous dire que vous avez raison de penser que les effets positifs vont être plus importants; nous, nous sommes d'avis que les effets négatifs sont plus importants. Maintenant, il y a peut-être entre les deux un genre de contrôle qui est moins — pour em- ployer le terme du mémoire — néfaste que ce que vous voulez faire.

M. CHOQUETTE: Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que je ne suis pas pour le contrôle pour le contrôle.

M. LEFRANCOIS: Nous non plus.

M. CHOQUETTE: Cela n'est sûrement pas la philosophie du gouvernement. Ce n'est pas dans l'idée de contrôle qu'on voit nécessairement un bienfait. Il y a des situations qui requièrent l'intervention, qui requièrent certains contrôles; alors, il faut les adapter aux besoins et aux problèmes auxquels nous avons à faire face. C'est pour cela que nous avons des discussions à la commission parlementaire et cela nous intéresse d'entendre votre point de vue, parce que vous mettez l'accent sur le fait qu'une plus grande liberté dans ce domaine économique important est plus à l'avantage de la société à long terme. Nous allons prendre cela en considération dans les solutions finales qui seront retenues, monsieur, vous pouvez en être sûr.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser quelques questions à M. Lefrançoîs.

Je me réfère tout d'abord à la première page du mémoire où il est dit : Après des études du projet de loi par un comité ad hoc — cela va,— des séances d'information auprès des représentants du ministère de la Justice et de la Commission des loyers... Est-ce que M. Lefran-çois pourrait nous dire quand eurent lieu ces rencontres auprès de représentants du ministère de la Justice? Qui était présent? Sur convocation de qui avez-vous assisté à ces réunions? Quelles sont les recommandations que vous avez faites? Est-ce que ces recommandations ont été retenues?

M. LEFRANCOIS: La séance d'information a eu lieu le 28 septembre à 2 heures.

M. PAUL : Est-ce que vous voulez parler de la rencontre...

M. LEFRANCOIS: Oui, exactement.

M. PAUL: ... où l'honorable juge Ross aurait chloroformé son auditoire?

M. LEFRANCOIS: Cela dépend de l'interprétation que vous voulez donner, mais c'est la séance d'information où le juge Ross, Me Alarie et Me Cardinal sont venus exposer le projet devant 125 personnes qui avaient toutes eu d'avance copie du mémoire et qui ont posé de nombreuses questions et de nombreuses objections qui ont toutes été soumises par écrit et que nous avons gardées en note. D'après l'appui

unanime et très unanime du conseil d'administration à la suite de la préparation du mémoire, nous avons toutes les raisons de croire que nous représentons bien l'opinion de ces gens.

M. PAUL: Je vous remercie. Une autre question, toujours en me référant à la première page du mémoire; vous nous dites: Plusieurs de nos membres qui sont touchés de près par le projet de loi à titre de locateurs... Est-ce que vous avez également de vos membres qui sont touchés par cette loi à titre de locataires?

M. LEFRANCOIS: J'ai été moi-même locataire jusqu'à à peu près 15 jours. Il y en a plusieurs qui sont locataires, mais je pense que ceux qui sont locataires n'ont pas trop à se plaindre de leur propriétaire puisqu'ils ne nous en ont jamais fait part. Alors, il semblerait que ceux-là au moins trouvent qu'il n'y a pas d'abus de la part de leur propriétaire.

M. PAUL: Alors, c'est pourquoi votre mémoire a une tendance, remarquez bien...

M. LEFRANCOIS: Plus qu'une tendance.

M. PAUL: Et il a un accent dirigé vers la revendication des droits des locateurs. En référant à la page 7 de votre mémoire, j'y lis ceci: Article 13: L'article devrait se lire comme suit: La présente loi s'applique à tout le territoire de la province de Québec. C'est une recommandation que vous faites. En écoutant votre mémoire et par voie de référence aux mémoires qui ont été présentés hier, il semblerait que cette loi, si elle était adoptée, aurait pour effet de tuer l'économie en général de la construction au Québec. Pourquoi, si cette loi est si néfaste, voudriez-vous la voir s'étendre à tout le territoire du Québec?

M. LEFRANCOIS: Nous voulons qu'elle soit étendue à tout le territoire du Québec parce que nous espérons et nous demandons que la loi ne touche pas au contrôle des prix. Dans tous les mémoires précédents, la raison, même si la distinction n'a pas été faite explicitement, je pense qu'elle était implicite, est que ce qui serait dangereux pour l'industrie de la construction, c'est le contrôle des prix. Etant donné que nous voulons enlever de la loi le contrôle des prix nous trouvons qu'il serait normal de l'étendre à toute la province. D'ailleurs, une des raisons, je crois, pour laquelle, présentement, les municipalités de moins de 5,000 de population sont exclues, c'est à cause de difficultés administratives. Si on réduit la loi, si on lui enlève les sections qui parlent du contrôle des prix, je pense que les difficultés administratives n'existeraient plus et qu'on pourrait accorder la même protection à toutes les personnes au Québec, avec le moins d'exceptions possible. De la même façon que la Loi de la protection du consommateur s'applique à toutes les indus- tries, grosses ou petites, peu importe où elles se trouvent dans la province.

M. PAUL: Une autre question que je voudrais vous poser, M. Lefrançois. Par référence à votre chapitre 8, à la page 15 de votre mémoire, vous faites une recommandation pour que la loi ne s'applique qu'à compter du 31 décembre 1973. Qu'arriverait-il des loyers d'ici cette date du 31 décembre 1973? Vous ne craignez pas que certains locateurs exercent dans ce délai de grâce des représentations ou réclament un prix abusif pour des loyers occupés actuellement par des locataires?

M. LEFRANCOIS: Non, parce que dans notre esprit, la loi ne devrait pas toucher au contrôle des prix. Par conséquent, on n'inciterait pas les locateurs à augmenter les prix, puisque le marché deviendrait libre en ce qui concerne les prix. Alors, on ne voit aucun problème.

M. PAUL: En nous exposant cette requête, vous croyez, que le jeu de l'offre et de la demande va mettre un frein aux abus possibles de la part des locateurs?

M. LEFRANCOIS: II ne mettra pas un frein à tous les abus possibles, tout comme la Loi de la protection du consommateur ne met pas un frein à tous les abus possibles dans les taux d'intérêt qu'une compagnie de finance peut exiger. Mais aujourd'hui, les consommateurs sont beaucoup mieux renseignés; ils peuvent se défendre davantage; ils peuvent soumettre leurs cas à l'Office de protection du consommateur. Aujourd'hui, étant donné que les locataires sont de plus en plus organisés, de plus en plus renseignés, nous ne voyons pas pourquoi ils ne pourraient pas se défendre avec beaucoup plus d'égalité. On croit que le combat est beaucoup plus égal qu'il ne l'était dans les années quarante-cinq, où le propriétaire avait le beau jeu, puisqu'il y avait une pénurie énorme de logements, tandis qu'aujourd'hui, on pense que les chances sont pas mal égales. Il va sans doute y avoir encore des abus. Même avec la meilleure législation, il y aura encore des abus de la part de certains propriétaires, tout comme, avec la meilleure législation, il va y avoir encore des abus de la part de certains locataires. Mais, que voulez-vous, on ne peut pas avoir rien de parfait!

M. PAUL: Dans votre mémoire, à la page 11, vous nous recommandez l'adoption de deux articles, dont l'un se lirait comme suit: Rien, dans la présente loi, n'empêche un locateur de charger des frais de manutention et d'administration n'excédant pas $10 pour chaque chèque ou effet négociable retourné impayé par la banque.

Je ne sais si vous étiez ici hier. Le ministre a passé un commentaire sur cette disposition, ou

recommandation ou demande qui a été faite par d'autres organismes qui se sont présentés devant nous. Etes-vous bien sérieux en faisant une telle recommandation?

M. LEFRANCOIS: Nous croyons que c'est une question de justice parce que, si certains locataires donnent des chèques sans provision, le propriétaire aura des frais de $2 ou $1 à payer — je pense que présentement c'est rendu, dans certains cas, à $2 par la banque— parce qu'un chèque aura été retourné.

M. GAGNON: Un instant. La banque n'exige pas de frais au propriétaire mais au signataire du chèque. Elle déduit $2.50 à son compte. Mais à vous...

M. LEFRANCOIS : Oui monsieur.

M. GAGNON: Je suis gérant de banque et je n'ai jamais exigé cela au client mais à l'autre client.

M. LEFRANCOIS: Je ne sais pas quelle banque vous représentez, mais je sais que, là où je travaille, je suis responsable des services financiers, c'est une pratique reconnue dans le commerce...

M. GAGNON: Vous réclamez des frais aux deux.

M. LEFRANCOIS: ... que la banque nous réclame des frais pour chaque chèque déposé puis qui nous est retourné. D'ailleurs, en plus d'être locataire, j'étais aussi propriétaire et la même chose s'est produite lorsque, à un moment donné, un chèque est revenu. Alors, il y a des frais d'administration exigés par la banque, il y a des frais d'administration... En plus des frais d'administration exigés par la banque, il y a les frais d'administration parce que le propriétaire doit téléphoner au locataire pour lui demander s'il peut présenter le chèque à nouveau et la plupart des banques exigent que le chèque soit visé avant qu'il ne soit accepté. Le propriétaire doit donc aller le faire viser à la banque du locataire, qui n'est pas nécessairement près de l'immeuble. Alors, il y a des frais additionnels. C'est sûr que ces frais font partie des frais d'exploitation. Nous, nous croyons que celui qui en est reponsable devrait payer, et cela incitera le locataire à ne pas faire de chèque sans provision.

Lorsque vous avez parlé, hier, vous sembliez croire que les propriétaires sont nécessairement des exploiteurs et que si le chèque a été donné, ils le présenteraient nécessairement à la banque. N'importe quel administrateur sérieux, s'il est averti d'avance par son locataire de retarder le chèque d'une semaine ou deux, préférera retarder ainsi le dépôt du chèque parce que c'est encore moins ennuyeux que de le déposer, et que le chèque revienne, pour ensuite courir après lui. Moi, je trouve que c'est simplement de la justice pour les autres. Pourquoi faire encaisser ces coups par tout le monde?

M. HUOT: Je ferais remarquer aux membres de la commission que tout étudiant à l'université Laval, actuellement, qui fait un chèque sans provision, doit verser un montant de $10 à l'administration de l'université.

M. PAUL: Cela ne veut pas dire que c'est une bonne politique.

M. HUOT: Cela existe quand même.

M. PAUL: M. Lefrançois, n'avez-vous pas l'impression que les propriétaires réclameraient à tout coup $10 pour frais de manutention et d'administration?

M. LEFRANCOIS: Nous suggérons $10; si vous donnez $5, ce sera déjà la moitié. Ce n'est déjà pas si mal. Mais je pense que vous pourriez, si vous ne voulez pas mettre quelque chose comme cela dans la loi, suggérer qu'ils exigent les frais réels encourus. Mais, c'est difficile à calculer, quand il faut calculer le temps des personnes impliquées. Peut-être pourrait-on diminuer le montant, mais je pense que le principe devrait être reconnu.

M. PAUL: M. Lefrançois, je respecte votre opinion mais quant à moi, je trouve que c'est un principe usuraire, que c'est un principe antisocial et, personnellement, je ne l'appuierai jamais. Par contre, je veux vous féliciter de votre mémoire, il est très bien fait et il contient d'excellentes suggestions. Quant à moi — nous allons étudier l'article 70 — je crains d'avoir des haut-le-coeur si, par hasard, un collègue de l'Assemblée nationale veut proposer une telle mesure.

M. LEFRANCOIS: S'il y a seulement cela, M. le ministre, on vous le pardonnera.

M. PAUL: Je vous remercie de voir l'avenir avec beaucoup de confiance pour nous. Vous m'avez appelé, M. le ministre, c'est un retour à la réalité dans les quelques années à venir et veuillez croire que, même ministre, je n'accepterai jamais une telle mesure ou recommandation antisociale. Je n'en ai pas cependant contre votre mémoire. Encore une fois, je le répète, il est très bien fait et il contient d'excellentes recommandations. Mais cette clause, je ne la digère pas. Je le regrette. Alors, vous pouvez peut-être dire que vous avez eu beaucoup de succès devant la commission de l'Assemblée nationale mais quant à vos $10, c'est un peu comme la piastre créditiste, cela ne valait pas cher.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. CHOQUETTE: C'était pour préparer l'entrée en scène du député de Lotbinière.

M. BELAND: Outre l'histoire de la piastre créditiste, ce sont les folichonneries du l'Unité-Québec et du Parti libéral...

M. BROCHU: Elle ne vient pas de Frank Cotroni.

M. BELAND: Je n'avais qu'une question à poser étant donné que, dans votre mémoire, vous ne faites aucun commentaire relativement au commissaire ou au travail normal, en somme, du commissaire dans le cas de différends entre locateurs et locataires.

Etant donné qu'il y a eu une suggestion faite hier à l'effet que, justement, le commissaire n'intervienne que lorsqu'il y a un différend entre locateur et locataire soit du premier ou de l'autre, est-ce que vous auriez un commentaire quelconque sur cette affirmation?

M. LEFRANCOIS: Disons que, si nos recommandations sont acceptées, comme il n'y aurait pas de référence au contrôle des prix dans la réglementation excepté à un endroit, à la page 27, où l'on parle d'augmentation discriminatoire — et par là, on veut couvrir les augmentations — ce serait la seule référence au contrôle des prix, c'est-à-dire un propriétaire qui veut augmenter le loyer de son locataire de $20 par mois parce qu'il pense que ça lui coûterait plus que $240 pour déménager.

Nous avons couvert cela; on appelle ça les augmentations discriminatoires. Mais à part ça, il n'y aurait aucune référence au contrôle des prix. Le travail des commissaires serait d'écouter les revendications des propriétaires ou des locataires concernant les clauses qui ne devraient pas être déclarées nulles parce qu'elles ne devraient pas être dans un bail. Disons qu'une grande partie des cas traiterait de lu question des évictions, de la discrimination, de la prohibition et toutes ces choses.

Cela réduirait sans doute le travail des commissaires. Maintenant, si le gouvernement décidait que c'est absolument nécessaire d'avoir un contrôle des prix, à ce moment, nous serions pour le contrôle le moins néfaste possible, c'est-à-dire qu'il soit limité aux cas litigieux. On essaierait d'avoir le moins de cas inutiles possible. Nous serions complètement d'accord pour la suggestion qui a été faite par la chambre de la province, qui était moins optimiste que nous.

M. BELAND: A tout événement, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Simplement une question, M. Lefrançois. A la page 5, dans votre mémoire, sous le titre "clauses d'un bail", vous semblez rayer d'un trait de plume, sans plus d'explication, toute possibilité d'avoir un bail type dans la loi. Est-ce que vous avez des raisons particulières d'être contre le fait qu'un bail type apparaisse dans le code des loyers?

M. LEFRANCOIS: II est à peu près impossible d'avoir un bail type qui couvre toutes les circonstances. Par conséquent, je pense que la loi devrait permettre que les deux parties, d'un commun accord, puissent apporter des modifications au bail type. Si vous permettez que les deux parties, d'un commun accord, puissent apporter des modifications au bail type, à ce moment, la protection du bail type n'existe plus. Nous préférons la solution adoptée par, encore une fois, le ministère des Institutions financières et l'Office de protection du consommateur, c'est-à-dire déterminer le genre de clauses qui ne devraient pas être dans un bail, qui sont de nullité absolue si elles y sont et aussi, peut-être, déterminer, c'est un peu moins le cas ici mais dans le cas des contrats de crédit par exemple, les choses qui doivent y être.

Par exemple, dans le code de protection du consommateur, on exige même que le contrat contienne certains articles de loi qui définissent les droits du consommateur. Je trouve que c'est une solution plus pratique.

M. BURNS: Je vous fais la distinction suivante relativement au bill 45, la Loi de protection du consommateur. La loi est assez explicite sur un certain nombre de choses qui doivent apparaître dans le contrat, mais, d'autre part, je pense qu'on est dans un autre domaine puisque dans le cas des différends d'une série de contrats qui peuvent être faits en vertu de la Loi de protection du consommateur, ce n'est pas le cas bien précis d'un bail qui peut facilement se répéter d'un endroit à un autre.

Je vous pose la question tout simplement. Est-ce que vous ne croyez pas que, s'il n'y a pas de bail type, dans le fond, c'est le propriétaire qui va décider de la phraséologie du bail, comme ça se fait actuellement?

M. LEFRANCOIS: II y aurait peut-être une solution intermédiaire qui serait un bail type avec permission de le modifier, mais garder quand même dans la loi des choses précises qui ne doivent pas être dans un bail de façon que, s'il y a un bail type, il va falloir donner probablement la permission aux deux parties de le modifier. Cela donnerait une certaine protection parce qu'au moins le locataire saurait les choses que son propriétaire en particulier ajoute, mais, par contre, il ne faudrait pas que le propriétaire ait le droit d'ajouter n'importe quoi. Par conséquent, peut-être que les deux ensemble donneraient une meilleure protection.

M. BURNS: En somme, vous n'êtes pas contre le principe même d'un bail type, c'est plutôt le côté pratique de l'affaire.

M. LEFRANCOIS: Je suis contre l'aspect pratique du bail type.

M. BURNS: Bon, d'accord. Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. GAGNON: Un instant.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: J'ai bien compris votre mémoire, qui est excellent. Evidemment, je suis surpris parfois que vous n'alliez pas au fond des choses. Je crois, pour faire des remarques, que c'est la suite normale d'une mauvaise planification face au décret de la construction. D'abord, primo, c'est incontestable que chaque homme a en dedans de lui l'appât du gain. Vous n'enlèverez pas ça, c'est normal. Qu'il y ait un certain contrôle pour éviter l'appât abusif, c'est encore très normal, parce qu'il y a eu incontestablement dans le passé des abus; d'ailleurs, si la Régie des loyers a été établie en 1951, c'est qu'à ce moment-là les législateurs étaient d'opinion qu'il y avait abus et ça s'est avéré très utile. Mais, par ailleurs, il y a un problème qui se pose. Vous allez me dire: Je suis surpris de voir que vous ne vous portez pas à l'attaque; il a été soumis ici l'automne dernier des mémoires concernant le décret de la construction. On nous a fait part que le prix d'une maison de $14,000 construite en 1970, s'il y avait l'adoption de décrets de la construction, serait porté à $17,000, soit $3,000 simplement de coût additionnel attribuable aux salaires. Prenez une maison sur une période de 30 ans, avec emprunt de 30 ans, remboursement des intérêts sur $3,000 de différence, remboursement d'intérêt à 9 p.c, plus un profit pas de 10 p.c, 8 p.c. Je sais pertinemment que si je disais au ministre de la Justice aujourd'hui: Vous allez prêter de l'argent, vous n'aurez pas d'intérêt pendant 30 ans, mais, dans 30 ans, votre maison sera payée. Il dirait: A ce moment-là, j'aurai 90 ans, qu'est-ce que je vais faire de ça? C'est qu'il veut à ce moment-là qu'il ait un loyer d'argent, plus les intérêts sur le capital, sans que ce soit abusif. A ce moment-là, vous savez ce que ça représente. Cela représente tout de suite un coût de loyer additionnel de $25 mensuellement. Nécessairement, ça va retomber sur celui qui fait la location. A ce moment-là, c'est l'enchaînement des décrets de la construction à l'intérieur d'une planification mal pensée, mal orientée, parce qu'on ne s'est pas occupé des conséquences. Je crois que la Régie des loyers va être appelée dans les années à venir à voir une multidude, des dizaines et des dizaines de milliers de cas. Je me suis appliqué simplement à parler de salaires, sans parler de l'augmentation des matériaux de construction, sans parler de l'augmentation des salaires, sans parler de l'augmentation de l'électricité, de l'augmentation des taxes scolaires, des taxes municipales, de l'huile à chauffage. Il va y avoir des demandes d'augmentation de loyer prohibitives. Cela ne veut pas dire qu'elles ne seront pas justifiées, mais elles vont être prohibitives, mais, par voie de conséquence, ça va retomber devant la régie. Et là, je vois la conséquence normale de ce que, lorsqu'on a étudié les décrets de la construction l'année dernière, le gouvernement n'a pas planifié à l'intérieur de sa bébelle. Il vous a fourré une bébelle et là, son autre projet de règlement, ce sont des "avocasseries", comme disait souvent mon ami Maurice Bellemare. Quand les propriétaires vont faire des demandes à la régie, que le locataire ne peut pas aller là s'il n'est pas capable de s'expliquer, et si les avocats ont leur valeur d'être, on va demander à des avocats de les représenter. Imaginez-vous donc le tas d'argent qu'on va donner, que les propriétaires ou les locataires vont donner. A ce moment-là, vous allez voir monter les coûts qui se rapportent toujours au loyer; si on porte une cause devant la Régie des loyers, que ce soit le propriétaire ou le locataire, il va se dépenser de l'argent. Et cela va être un cercle vicieux; le locataire en donnera moins sur le loyer, mais il l'aura mis sur les avocats. Un avocat, ça ne se déplace pas à moins de $50 ou $75.

Et là, je relie cela au manque de planification, au décret de la construction pour lequel nous nous sommes battus et pour lequel nous disions qu'il fallait que cela soit beaucoup plus en profondeur. Nous n'avons pas été écoutés, mais vous êtes pris avec le bébé, les locataires sont pris avec le bébé, les propriétaires sont pris avec le bébé. Le domaine de la construction, selon moi, va s'en ressentir grandement parce qu'à ce moment-là, on a été irréaliste face à l'établissement de mesures qui entrafnaient des conséquences assez graves et assez profondes au niveau de l'économie et avec le taux d'inflation assez élevé. Ce sont les remarques que je voulais faire.

M. LEFRANCOIS: Nous ne nous sommes pas étendus sur le sujet, mais nous mentionnons quand même à la page 18, à l'avant-dernier paragraphe "Le coût de la main-d'oeuvre qui croît à un rythme très rapide" parmi les facteurs qui déterminent le coût élevé de construction et d'exploitation du logement. Et nous mentionnions aussi que ces choses étaient indépendantes...

M. CHOQUETTE : Vous n'êtes pas obligé de répondre à l'intervention du député de Gaspé-Nord parce qu'elle est très confuse et très difficile à saisir.

M. PAUL: C'est effrayant comme le ministre...

M. GAGNON: Un type qui ne connaît pas la finance n'est pas capable... J'en suis certain.

M. LEFRANCOIS: Je pense que son intervention...

M. GAGNON: L'avez-vous comprise?

M. LEFRANCOIS: ... dans bien des cas appuyait ce que nous disions.

M. GAGNON: Bon! Je savais que le ministre ne l'avait pas comprise, par exemple.

M. PAUL: II l'a comprise, mais il fait semblant de ne pas entendre.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous une autre question? A titre d'information, il s'agissait d'un discours en deuxième lecture.

M. PAUL: Ce n'est rien cela. Ce sera bien meilleur que cela dans un discours en deuxième lecture.

M. CHOQUETTE: Nous avons hâte de l'entendre en deuxième lecture avec un discours structuré à la Maurice Bellemare.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Lotbinière.

M. BELAND: II reste un fait quand même, c'est que je veux assurer tout simplement, comme député à cette table, ceux qui sont à la barre que, s'ils ont des observations à faire — parce que c'est drôlement réaliste ce que le député de Gaspé-Nord vient de dire, même après la courte intervention de l'honorable ministre — ils soient bien à l'aise pour les faire, parce que nous sommes ici pour vous entendre.

M. LEFRANCOIS: Nous voyons sûrement un problème dans le fait que les coûts de la main-d'oeuvre augmentent rapidement. Le danger que nous voyons est dans l'application de la loi. Si le contrôle des prix demeure soumis à une régie d'Etat, est-ce que cette régie n'aura pas tendance à faire passer le coût de l'imprévoyance gouvernementale? Cela ne date pas de 1960, ni de 1966; je pense qu'il y a un bon record d'imprévoyance là-dessus.

M. PAUL: C'est plus marqué depuis 1970.

M. LEFRANCOIS : Cela a toujours été très marqué.

M. PAUL: Cela s'accentue.

M. LEFRANCOIS: Le danger est que le propriétaire seul soit obligé de payer une bonne partie de l'imprévoyance ou, parfois même, cela peut être des choses qui ne dépendent pas des gouvernements comme l'augmentation des taux d'intérêt qui dépend très indirectement d'un gouvernement, lorsque l'hypothèque devient renégociable. Nous croyons que le propriétaire pourra probablement écoper plus que sa part.

M. CHOQUETTE: A part cela, même si ce que le député de Gaspé-Nord disait...

M. GAGNON: Le ministre a compris?

M. CHOQUETTE: ... était vrai...

M. GAGNON: Ah! Il a compris.

M. CHOQUETTE: Même si cela était vrai...

M. GAGNON: C'est clair que cela est vrai.

M. CHOQUETTE : Attendez. Même si c'était vrai, il n'en demeure pas moins vrai qu'il y a un fait sûr et certain, c'est que les conditions de travail de la main-d'oeuvre sont fixées par des conventions collectives négociées entre les patrons et les employeurs. Et lorsque le ministre du Travail passe un décret dans le domaine de la construction comme dans un autre domaine, il prolonge tout simplement une convention collective déjà négociée en vertu de notre système des lois du travail qui laisse à la libre négociation la détermination du prix et du salaire. Il la prolonge simplement à l'ensemble du secteur, de façon qu'il n'y ait pas d'employeurs défavorisés par suite du fait qu'ils auraient des conventions collectives où il y aurait des dispositions moins avantageuses pour les travailleurs. Il ne faudrait quand même pas faire porter la responsabilité des accroissements du prix dans la main-d'oeuvre, dans un certain nombre de secteurs, sur le ministre du Travail. Parce que la loi des décrets de la convention collective, M. le député de Gaspé-Nord, a été adoptée en 1936 sous le gouvernement Duplessis. Rappelez-vous en.

M. GAGNON: C'est vrai.

M. PAUL: M. le Président, le ministre ne peut pas se rappeler ce qui s'est passé exactement, parce qu'au moment où nous avons étudié le décret de la construction, le ministre du Travail était à négocier une convention collective avec les membres de la Sûreté du Québec, à sa place.

Mais je dirai au ministre de la Justice que ce qui existe actuellement dans le domaine de la construction, ce n'est pas à la suite d'une convention collective, c'est à la suite d'un décret que le lieutenant-gouverneur en conseil a adopté. Et je comprends que le ministre n'était peut-être pas présent parce que s'il avait été présent, je suis sûr que, conformément à la politique qu'il a toujours prônée alors qu'il était dans l'Opposition et lorsqu'il présentera sa motion en tant que député d'Outremont pour étudier le problème des locataires dans la ville d'Outremont, il se serait élevé contre l'adoption d'un tel arrêté en conseil.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, j'étais présent. M. PAUL: Est-ce que vous dormiez?

M. CHOQUETTE: Mais non! D'ailleurs, je pense que cette discussion est un peu hors d'ordre.

M. LE PRESIDENT: Pas d'autres questions?

Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission.

Il faudrait nommer un rapporteur de la commission parce qu'on a omis de le faire lors de la première séance.

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être proposer le député de Trois-Rivières. Même s'il est absent ce matin, je sais qu'il est supposé revenir.

M. BURNS: On ne sait pas s'il accepte. Vous avez un mandat écrit?

M. VEILLEUX: Oui, il accepte. On n'a pas besoin de cela.

M. PAUL: C'est votre directive.

M. LE PRESIDENT: C'est ma directive.

M. PAUL: Cela ne nous arrive pas souvent de voir des avocats accepter des directives des notaires mais pour une fois je l'accepte.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons maintenant la Corporation des évaluateurs agréés du Québec et son représentant et porte-parole, M. Gilles Dion, administrateur.

Corporation des évaluateurs agréés du Québec

M. PAQUET (Jean-Marie): M. le Président, mon nom est Jean-Marie Paquet, avocat et je représente la Corporation des évaluateurs agréés du Québec et j'ai avec moi le vice-président de la corporation, M. Yves Simard, évaluateur agréé qui est à ma gauche.

M. le Président, le mémoire que nous entendons vous présenter sera très bref et la brièveté, dirais-je, sera strictement proportionnelle à la différence d'épaisseur du mémoire d'hier.

La Corporation des évaluateurs agréés du Québec se présente devant vous ce matin, suite à une politique qu'elle a suivie depuis son incorporation en 1969. Politique qui est la suivante : Etre présente devant tous les processus de consultation de la Législature, dans tous les cas où elle croit que les intérêts professionnels des évaluateurs sont impliqués ou bien dans les cas où elle croit qu'elle peut apporter une contribution, la plus valable possible, à votre processus de consultation.

Tout ce que nous désirons vous dire ce matin, M. le Président, c'est que la corporation, sans prendre position, ni sur les principes sous-jacents à la législation, ni sur la nécessité ou l'opportunité de cette législation, ni sur ses effets économiques possibles ou probables, veut simplement vous dire ceci: Dans la mesure où cette loi serait adoptée, nous croyons que l'évaluateur agréé, à titre de professionnel, peut rendre des services appréciables dans la mise en oeuvre de cette loi. Nous avons dans une première partie du mémoire indiqué notre nombre de membres. Nous avons 730 membres agréés au Québec, 460 dans la région de Montréal, quelque 200 dans la région de Québec, 41 dans les Cantons de l'Est, 32 dans la région de Trois-Rivières. Nous vous indiquons dans le mémoire, aux pages 4 à 8, quelle est la structure de la corporation, quels sont ses comités, quelles sont les exigences d'entrée, quelles sont les qualifications de ses membres. Aux pages 9 à 30, nous vous indiquons quels sont les programmes de formation des évaluateurs dans les diverses universités du Québec. Il y a des cours en évaluation foncière qui se donnent à l'université Laval, à l'Université de Montréal; il y a un baccalauréat en administration avec concentration en évaluation foncière qui commence à l'Université du Québec à Montréal. La date limite des inscriptions est le 1er novembre. Tout cela pour vous dire que l'évaluateur agréé est un professionnel du domaine immobilier qui peut apporter une contribution valable à la mise en oeuvre de la loi. La contribution de l'évaluateur agréé, nous la voyons possiblement à trois paliers.

D'abord, il nous semble évident que le ministère de la Justice ou la Régie des loyers va devoir se constituer une équipe technique assez considérable pour la cueillette et l'analyse des données économiques pertinentes au marché de la location. Nous pensons que l'évaluateur, par son expérience, peut être un atout précieux. Nous pensons qu'au niveau des commissaires et commissaires adjoints qui rempliront ni plus ni moins les fonctions d'administrateurs des loyers, l'évaluateur, par sa formation et ses connaissances du marché immobilier, ses connaissances des coûts de construction et de tout ce qui touche le marché de la location, peut être un atout précieux. Nous croyons finalement que le tribunal d'appel, le tribunal des loyers, qui devra juger ces causes en appel des décisions des commissaires adjoints est un tribunal qui aura, en grande partie, à se prononcer sur des effets ou des aspects économiques du différend et que, là aussi, l'évaluateur agréé pourrait remplir un rôle. C'est-à-dire qu'où bien le tribunal, au lieu d'être un tribunal constitué d'éléments purement juridiques, pourrait très bien être un tribunal du type de la régie avec un président qui est un juge et des membres dont un pourrait être un évaluateur agréé ou, si dans la politique gouvernementale de restructuration des tribunaux, on voulait s'en tenir strictement à un tribunal de juriste, que, dans les cas où soit le tribunal ou soit les parties le jugent à propos, un évaluateur agréé pourrait facilement et utilement remplir le rôle d'un assesseur. C'est la solution qui avait été retenue par la Législature dans le cas de la Loi de l'évaluation foncière, le bill 48 où, à l'article 83, on disait qu'il était

loisible au tribunal d'appel, la cour Provinciale, de faire appel aux services d'un assesseur pour aider le tribunal à décider des aspects économiques de la question.

M. le Président, c'est la présentation que j'avais à vous faire ce matin.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Paquet.

Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. Paquet, je conçois très bien que les évaluateurs ont un rôle à jouer à l'intérieur du cadre de cette loi et nous allons prendre en considération vos suggestions.

M. PAQUET: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'ai été fort intéressé par la lecture du mémoire de la Corporation des évaluateurs agréés du Québec. Je suis sûr que Me Paquet conviendra qu'il y aurait avantage à ce que le ministre des Affaires municipales comprenne le rôle essentiel que peuvent jouer les évaluateurs agréés du Québec dans le domaine de l'évaluation, spécialement par référence au projet de loi no 48, par l'amendement de la loi 20 que nous avons étudié durant cette session et que nous devrons malheureusement être dans l'obligation d'étudier à nouveau dans la deuxième partie de notre session.

De toute façon, c'est un excellent mémoire d'information et je suis sûr que le ministre de la Justice se fera l'écho fidèle de l'Association de la corporation des évaluateurs agréés du Québec pour vendre l'excellent travail des membres de cette corporation à son collègue des Affaires municipales quand il sera en mesure de le rencontrer.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup, M. Paquet.

M. PAQUET: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant M. Simon Langlois, président de la Fédération des associations de locataires du Québec.

Fédération des associations de locataires du Québec

M. LANGLOIS: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, chers amis locataires, mesdames et messieurs.

Il y a des centaines de milliers de personnes au Québec qui s'intéressent de très près au projet de loi no 59, le code des loyers, que vous avez déposé devant l'Assemblée nationale.

Pourquoi cet intérêt si marqué? C'est très simple, c'est que, d'une part, le Québec est composé, en majorité, de locataires. Cette constatation est encore plus évidente lorsqu'on considère les grandes villes du Québec, où la proportion de locataires est extrêmement élevée, jusqu'à 80 p.c. dans le cas de Montréal, par exemple.

Donc, la population que vous représentez, MM. les députés, est concernée d'extrêmement près par ce projet de loi. Il revêt donc une importance majeure. La Fédération des associations de locataires du Québec regroupe actuellement 66 associations de locataires dans tout le Québec.

Une vingtaine de mémoires ont été soumis à la fédération et nous avons compilé ces mémoires. Nous les présentons à votre table sous forme d'un volumineux document qui présente plus de 50 amendements à la loi que vous avez proposée et une dizaine de nouveaux articles.

Je ne perdrai pas beaucoup de temps à vous énumérer l'ensemble de tous ces amendements que vous pouvez lire aussi bien que moi. Je vais plutôt essayer de dégager certaines lignes de force de ce mémoire, afin de vous convaincre de la pertinence de nos recommandations. Pour nous, ce mémoire amène un ensemble d'amendements qui constituent un minimum à assurer absolument.

En effet, le projet de loi, tel que proposé, est insatisfaisant. Il est insatisfaisant parce qu'il ne règle pas plusieurs problèmes majeurs que nous soulevons devant vous et que nous avons expliqués dans ce mémoire. Il est important de bien considérer toutes les propositions que nous vous soumettons et principalement celles que je vais vous expliquer à l'instant.

Nous proposons d'abord d'abaisser le seuil d'augmentation maximal de 5 p.c. à 3 p.c. Il nous apparaît essentiel d'assumer cette recommandation absolument sans faute, parce que l'augmentation actuelle de 5 p.c. risque de créer de sérieux préjudices aux locataires dans certaines régions du Québec.

Le premier argument que j'avance en faveur de cette première recommandation est le fait qu'au Québec nous avons de très grandes inégalités régionales. Alors, plusieurs associations de la province, en dehors des grands centres, nous ont demandé d'insister vigoureusement devant la commission pour qu'on abaisse ce seuil qui, dans certaines régions, ne correspond absolument pas à l'augmentation constatée.

Donc, nous voulons que le seuil maximal d'augmentation soit de 3 p.c. Nous voulons d'autre part introduire le principe que toute augmentation soit justifiée à partir de critères bien établis, afin qu'on ne tombe pas dans le mythe de l'inflation pour justifier certaines augmentations de $5 ou $10 qui sont maintenant courantes dans la plupart des centres du Québec.

Nous voulons donc, aussi, éviter une certaine confusion dans la population, une certaine inquiétude face à ce fameux critère. Nous voulons en fait que, même dans le cas d'une augmentation inférieure à notre seuil de 3 p.c, les locataires puissent encore avoir, évidem-

ment, la possibilité, tel que le permet d'ailleurs la loi, d'aller contester cette augmentation qui ne serait pas justifiée. Au-delà de 3 p.c, cette obligation d'aller demander devant la commission des loyers une justification pour cette augmentation incomberait au propriétaire.

Donc, le principe général que nous voulons, c'est que toute augmentation soit justifiée. En bas de 3 p.c, la démarche pourrait incomber au locataire et en haut de 3 p.c., ce serait le propriétaire qui, obligatoirement, devrait aller devant la Commission des loyers pour demander la permission de faire cette augmentation qui devra être justifiée.

Tout ça est, à notre avis, envisagé dans une perspective éminemment sociale, une perspective qui nous fait considérer le logement comme un bien essentiel et non plus uniquement comme un bien de consommation strictement soumis aux lois du marché comme, tout à l'heure, la chambre de commerce l'a laissé entendre.

Pour nous, le logement est absolument un bien essentiel au Québec, un bien que nous plaçons sous le même titre que l'éducation et la santé. Donc, les recommandations que nous faisons à ce chapitre des augmentations et les autres recommandations que nous allons faire plus tard nous apparaissent comme un minimum à assurer dans l'état actuel des discussions pour que le logement devienne, dans un proche avenir et plus tard, vraiment un bien social et non plus un bien économique.

Deuxièmement, nous voulons avoir une couverture générale de tous les loyers du Québec. Ceci comprend premièrement les logements municipaux qu'on appelle souvent HLM. A cet effet, j'aimerais vous demander de faire une correction dans notre mémoire, puisqu'il y a eu une erreur d'impression. L'article 12 nous voulons simplement demander de le biffer, de sorte que tous les locataires de logements municipaux puissent bénéficier des services de la commission des loyers.

J'ai ici à mes côtés une délégation qui représente les logements municipaux de Montréal, notamment le président du groupe des locataires de la Petite Bourgogne qui nous demande expressément que le code des loyers s'applique aussi dans le cas des HLM, des logements municipaux. Il faut que ces locataires soient considérés sur le même pied que les autres, il faut aussi qu'ils puissent bénéficier des mêmes avantages que procure la loi aux locataires d'habitations privées.

Nous voulons ensuite que tous les logements du Québec soient soumis à la loi, que tous les locataires, donc, soient sur un pied d'égalité partout au Québec.

Nous avons eu des expériences difficiles de négociation avec certains pouvoirs municipaux et nous ne voulons pas que, dans certains cas, des locataires soient aux prises avec les mêmes difficultés de négociation ou, encore, soient obligés de faire des démarches souvent très longues pour demander que leur municipalité de 5,000 habitants et moins soit soumise au code des loyers. Nous voulons une couverture automatique et obligatoire pour tout le monde.

Je vous parlerai tout à l'heure du cas de Sainte-Scholastique, qui m'apparaît extrêmement important, et je réserve un développement là-dessus, à la fin. J'aurai certaines interventions plus précises à faire.

Troisièmement, nous voulons appuyer le bail type qui a été rédigé par le Groupement des locataires du Québec métropolitain et qui apparaît dans le texte jaune que vous avez. Mon ami, Me Gaumond, pourra vous l'expliquer après que j'aurai terminé mon intervention.

Nous n'avons pas voulu introduire dans notre mémoire un bail type, puisque nous approuvons entièrement celui qui est présenté par le groupe de Québec dans le document jaune. Je voudrais seulement ici apporter à l'attention de la commission un commentaire qui est le suivant: Si on veut que la loi soit vraiment effective, si on veut qu'elle soit vraiment appliquée dans toutes les dimensions qu'elle contient, il faudra absolument, sans faute, que nous ayons un bail type qui vienne mettre fin à l'ensemble de toutes les dérogations que nous avons actuellement dans tous les baux. On retrouve des baux extrêmement disparates, qui sont souvent compliqués, imparfaits, etc., surtout les baux des grands trusts. Nous voulons mettre fin à ces abus et nous vous demandons, M. le ministre Choquette, de bien vouloir prévoir un bail type dans votre projet de loi.

Le bail type de Québec m'apparaît extrêmement bien fait et je vous demande, évidemment, de l'étudier avec attention.

Quatrièmement, nous voulons assurer une décentralisation des services de la Commission des loyers. Encore une fois, si on veut assurer l'efficacité de cette loi, il faudra absolument qu'on décentralise au maximum les services de la Commission des loyers, pour assurer une bonne application de cette loi et éviter les délais souvent nombreux. Actuellement, par exemple, à Montréal, il y a des problèmes sérieux qui se sont posés dans le cas de l'ancienne Régie des loyers, qui sera abolie bientôt, et nous ne voulons pas que ces délais se répètent. Nous vous demandons, M. le ministre, de considérer avec attention cet aspect de l'efficacité administrative de la Commission des loyers. Nous vous demandons, bien sûr, d'accepter notre recommandation de décentraliser au maximum les services de la Commission des loyers, afin d'éviter la lourdeur de l'administration.

Cinquièmement, nous voulons que le ministère de la Justice ait une vigoureuse politique d'information. Nous l'avons évidemment revendiquée à plusieurs reprises devant les représentants du ministère de la Justice, et cette politique d'information n'a jamais été assez vigoureuse, à mon avis. Par exemple, on a placé de petites annonces sur la Régie des loyers, en

page 42 de la Presse, à côté d'une immense annonce de Dupuis& Frères, ce qui fait que les locataires, évidemment, souvent, ne lisaient même pas ces annonces.

La politique d'information ne se réduit pas à certaines annonces dans les journaux. Ce doit être une politique vigoureuse qui se sert de tous les moyens modernes de communication et qui se sert aussi des ressources du ministère des Communications afin d'assurer une bonne application de la loi et une bonne connaissance de la loi pour tous les locataires.

Nous voulons aussi, dans cette politique d'information, que le ministère publie régulièrement des rapports de la jurisprudence, afin d'aider les différents groupes à manipuler davantage cette loi et à s'en servir. Nous voulons un rapport annuel distinct des activités de la Commission des loyers et enfin, nous voulons qu'on publie les statistiques sur le logement à partir de l'enregistrement que chaque propriétaire va faire de ses logements. Ces statistiques nous apparaîtraient une source extrêmement bien documentée pour que nous puissions travailler à l'élaboration d'une politique d'habitation à partir d'une véritable connaissance de la réalité de l'habitation au Québec.

Nous apportons aussi des amendements à l'article 9. Nous voulons que la loi s'applique au moment où un local devient habitable, ceci afin d'éviter que certains propriétaires se servent du moyen que je vais vous expliquer à Tintant pour attirer des locataires dans des logements. En effet, lorsqu'une nouvelle maison d'appartements est ouverte, dont la construction est terminée, souvent on loue les logements à un prix inférieur afin d'attirer du monde, parce que, souvent, c'est difficile à louer du jour au lendemain et, par après, dans les années qui suivent, on augmente exagérément le prix de ces logements afin de satisfaire aux coûts de la construction. Nous avons eu des cas dans l'ouest de Sainte-Foy, des cas extrêmement graves concernant cet aspect.

Nous voulons que la loi s'applique au moment où le local devient habitable. Nous voulons ensuite que tous les locaux d'habitation qui sont possédés par des employeurs soient soumis à la Commission des loyers. Je prends comme exemple les villes minières, Gagnonville, Shefferville, Quévillon, etc. Ce sont des villes dans lesquelles on trouve souvent une très forte proportion des logements qui sont possédés par la compagnie. Alors, même dans le cas où une compagnie, donc l'employeur, est propriétaire, nous voulons que les locataires de ces complexes d'habitation puissent bénéficier des avantages du code des loyers.

Nous voulons insister sur l'article 39, qui permet à des gens qui sont admis dans les locaux d'habitation publique, les HLM, de pouvoir casser leur bail. Les gens qui sont ici, qui représentent la Petite Bourgonne entre autres, appuient évidemment fortement cette recommandation, de même que toutes les asso- ciations de locataires des HLM, qui sont membres de notre fédération, afin d'assurer d'une part l'accessibilité des locataires aux logements municipaux, une accessibilité qui est actuellement souvent impossible lorsqu'une personne est aux prises avec un bail dont elle doit assurer la responsabilité jusqu'à la fin. Si un complexe de logements HLM ouvre en novembre, par exemple, et si la personne a un bail jusqu'en mai, nous avons plusieurs cas où des locataires ont été obligés de refuser d'aller dans ces HLM, dans ces logements municipaux, parce qu'ils étaient aux prises avec un bail actuellement en cours. Nous insistons fortement auprès du ministre de la Justice pour que le code des loyers conserve cet article 39. Il nous apparaît important d'assurer une concordance entre les lois et, si on veut assurer l'efficacité sociale de la loi de la SHQ, il faudra absolument qu'on conserve cet article.

Concernant la résiliation des baux, nous avons introduit deux nouveaux cas. Premièrement, dans le cas du décès d'un membre de la famille, nous voulons que les locataires puissent avoir la possibilité de résilier leur bail dans un délai raisonnable. Je pense à l'exemple d'un locataire de Québec qui avait un logement de six pièces. Du jour au lendemain, ce locataire a perdu ses trois enfants et sa femme, de sorte qu'il se trouvait aux prises avec un grand logement qu'il ne voulait plus conserver. Il me parait intéressant de prévoir des cas comme cela pour permettre au locataire de casser son bail dans un délai raisonnable lorsqu'il y a des circonstances indépendantes de sa volonté qui lui arrivent. Nous introduisons un deuxième aspect...

M. CHOQUETTE: A ce sujet-là, vous savez qu'en droit civil il y a un droit de sous-louer, c'est un droit fondamental qui appartient...

M. LANGLOIS: Mais nous, nous introduisons un nouveau principe, nous voulons une relocation qui enlève la responsabilité du bail à la personne qui sous-loue.

Nous voulons introduire une deuxième cause de résiliation, qui est la mobilité professionnelle. Lorsqu'une personne change d'emploi à plus de 25 milles de route, nous voulons qu'elle ait la possibilité de casser son bail afin d'assurer dans une société moderne une meilleure mobilité de la main-d'oeuvre. C'est maintenant un phénomène courant que les gens déménagent, que les gens changent d'emploi; la situation est courante dans toutes les sociétés modernes et nous voulons évidemment que la législation reconnaisse ce principe ou ce fait.

Nous voulons un autre point important; à l'article 70, nous demandons que la loi devienne impérative et non pas uniquement la section concernée. Il faut absolument s'assurer que tous les articles contenus dans le code des loyers soient impératifs, c'est-à-dire que le propriétaire ne puisse pas appliquer ou non certains articles qui font son affaire.

Nous avons introduit à l'article 95, parmi plusieurs une nouvelle proposition qui concerne la négociation collective des litiges. Lorsque des litiges se produisent dans un complexe d'habitation, nous voulons que les locataires aient la possibilité d'aller ensemble devant la Commission des loyers pour négocier collectivement la réglementation de ces litiges.

J'aborde maintenant le cas de Sainte-Scholastique que je porte à votre attention parce que cela m'apparaft extrêmement important. Vous savez que Sainte-Scholastique appartient maintenant au gouvernement fédéral. Il y a 14 paroisses qui forment maintenant une seule ville appartenant au gouvernement fédéral. Il y a 1441 familles de locataires qui représentent évidemment plusieurs milliers de personnes. Il y a, là-dessus, 892 résidants, 482 cultivateurs et 67 commerçants.

Or, Sainte-Scholastique est appelée à se développer beaucoup dans l'avenir. Nous avons donc introduit au nouvel article 97 qui demande au ministre de la Justice de dire explicitement que les villes possédées par le gouvernement fédéral, donc Sainte-Scholastique, seront aussi soumises au code des loyers. Actuellement, il y a des problèmes majeurs qui se posent à Sainte-Scholastique, des problèmes qui n'ont pas encore été rapportés par la presse tellement, des problèmes d'habitation, des problèmes des locataires eux-mêmes. Par exemple, vous savez que les baux à Sainte-Scholastique sont résiliables à 30 jours.

Vous savez que beaucoup de maisons requièrent des réparations majeures mais, comme la construction est gelée à Sainte-Scholastique, des centaines de locataires sont aux prises avec des difficultés énormes. Dans l'avenir, cette ville est appelée à se développer beaucoup et nous voulons absolument que ces locataires soient placés sur un même pied que les autres locataires du Québec. Actuellement, nous avons constaté — et j'aimerais beaucoup insister devant la commission parlementaire — une véritable arrogance du gouvernement fédéral face aux locataires de Sainte-Scholastique. Le gouvernement fédéral, c'est un propriétaire comme les autres; c'est avec lui que doivent négocier les locataires de Sainte-Scholastique. Alors, actuellement c'est presque impossible de communiquer collectivement, que l'Association des locataires de Sainte-Scholastique communique en tant que groupe avec l'administration fédérale qui s'occupe de l'aménagement du territoire. Cette administration refuse, par exemple, de reconnaître le groupe; pourtant, ce groupe englobe actuellement l'ensemble de tous les locataires. Il y a eu d'ailleurs, le 25 septembre, une grande assemblée qui regroupait plus de 500 personnes, assemblée de locataires, qui ont vraiment manifesté leur mécontentement face au gouvernement fédéral. Cette assemblée a été tenue à huis clos et c'est pour ça que personne n'en a entendu parler.

Il y a à Sainte-Scholastique un problème sérieux, un problème qui concerne la relation entre le gouvernement fédéral et un groupe de locataires du Québec. Alors, comme le gouvernement du Québec, actuellement, ne semble pas trop, trop s'intéresser de près à l'aménagement du territoire si ce n'est pour essayer d'attirer les industries dans ce territoire et organiser de la meilleure façon possible l'aménagement physique pour ces industries, il nous apparaît important de dire publiquement au gouvernement du Québec et au ministre qui représente le cabinet ici, M. Choquette, qu'il faut absolument que le gouvernement du Québec s'intéresse de près à la situation qui est faite au logement dans le cas de Sainte-Scholastique. Il faut que le ministre de la Justice, entre autres, applique le code des loyers spécifiquement dans le cas de Sainte-Scholastique et aussi dans tous les autres territoires fédéraux qui sont susceptibles de s'ouvrir au Québec et où des locataires sont susceptibles d'habiter.

Le gouvernement du Québec semble avoir souvent démissionné de ses responsabilités dans le cas de l'aménagement du territoire là-bas et il nous apparaît important d'insister pour que ce gouvernement, qui nous représente, défende vigoureusement les intérêts des locataires dans ce territoire et surtout que le gouvernement du Québec s'intéresse à l'aménagement de l'habitation dans une perspective sociale et qu'il fasse aussi participer les gens à cet aménagement des conditions d'habitation sur ce territoire. Ce territoire est un cas particulier, bien sûr, mais c'est quand même un cas important. Actuellement, on a beaucoup planifié les zones industrielles. On n'a pas encore assez planifié ou plutôt on n'a même pas planifié du tout presque les zones d'habitation. Alors, comme l'habitation relève du gouvernement du Québec, il m'apparaît important que ce gouvernement prenne ses responsabilités dans ce cas et mette un frein à cette arrogance du gouvernement fédéral à laquelle nous avons prise depuis le début de l'été.

J'aurais beaucoup d'autres choses à dire évidemment; j'ai encore peut-être une quarantaine d'amendements à apporter. Vous pouvez les lire aussi bien que moi dans le projet de loi. Je ne veux pas, évidemment, ennuyer l'auditoire et je fais confiance en tout cas aux membres de la commission parlementaire pour qu'ils lisent attentivement le reste de nos recommandations qui, souvent, sont des recommandations mineures qui apportent une plus grande efficacité à l'application de la loi.

Alors, si vous me permettez, j'aimerais répondre à certaines de vos questions et disons que je termine en disant ceci. Ce projet de loi, code des loyers, est en fait une première mesure, encore timide, pour assurer une politique d'habitation au Québec. Comme vous le savez, messieurs les députés, le Québec n'a pas de politique d'habitation. Comme vous le savez, messieurs les députés, l'habitation est quand même un aspect de la vie collective des Québé-

cois extrêmement important. Or, vous, en tant que députés, vous ne vous êtes pas encore penchés sur ce problème, sur cette dimension de l'habitation au Québec dans une véritable perspective intégrée. Nous avons actuellement un ensemble de mesures disparates; nous n'avons pas de politique d'habitation au Québec. Pourtant, la politique d'habitation, ça relève de la compétence de votre gouvernement. Cela relève de la compétence de notre province, de ma province autant que la vôtre. Alors, actuellement, on laisse, par exemple, le champ entièrement libre dans beaucoup de secteurs à l'intervention du gouvernement fédéral qui planifie, lui, dans une perspective d'ensemble "from coast to coast" et qui, souvent, ne tient pas du tout compte des particularités des provinces. Le Québec, par exemple, est un pays de locataires en ce sens qu'il y a près de 60 p.c. de la population du Québec qui est locataire, alors que, si vous allez en Ontario, les proportions sont nettement inversées. Le Québec a des problèmes particuliers qui souvent sont très différents des autres provinces, comme vous le savez et comme les ministres le répètent souvent.

Alors, ce que je voudrais, c'est tout simplement en conclusion dire ceci: Le code des loyers, c'est la première mesure encore partielle qui va venir apporter certains éléments de réglementation du problème de l'habitation, mais il faudra évidemment dépasser ces mesures, aller plus loin, s'intéresser à une politique globale de l'habitation que nous n'avons pas encore. Et j'espère que ces commentaires vont tomber évidemment dans de bonnes oreilles. Je compte beaucoup sur le ministre Choquette pour qu'il en parle au conseil des ministres et surtout aux autres ministres qui sont directement concernés par cette dimension du problème, par l'élaboration d'une politique d'habitation que nous n'avons pas.

Je vous remercie de votre attention et j'aimerais beaucoup répondre à vos questions, si vous en avez.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je dois féliciter la Fédération des associations de locataires du Québec pour un mémoire extrêmement considérable...

M. LANGLOIS: Au nom de la fédération, je vous remercie.

M. PAUL: Elle compte combien d'associations?

M. LANGLOIS: C'est 66 actuellement.

M. CHOQUETTE: ... un mémoire qui contient un certain nombre de suggestions et qui traite de presque tous les articles du projet de loi. Il serait, je crois, exagéré d'aborder toutes et chacune des suggestions qui nous sont faites. Sur l'esprit d'ensemble du mémoire, je crois qu'il procède incontestablement d'une vision très sociale de la question.

M. LANGLOIS: Je vous l'ai d'ailleurs déjà dit, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Oui. Cependant, je crois que, du côté des locataires, on devra comprendre que le gouvernement doit également tenir compte des aspects économiques, de la dimension économique du problème.

M. LANGLOIS: M. le ministre, si vous me permettez un commentaire, j'ai beaucoup insisté pour dire que le rôle principal du gouvernement du Québec est de tenir compte de l'aspect non pas économique mais de l'aspect social.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. LANGLOIS: Le logement est un bien social au même titre que l'éducation et la santé.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. LANGLOIS: Bien sûr, je reconnais que, dans le système actuel, on procède par l'économie de marché pour régler le problème de l'habitation, mais ce n'est peut-être pas la meilleure façon de le faire. Ce sur quoi je veux insister fortement, c'est sur la perspective sociale que nous devons avoir lorsque nous considérons la question de l'habitation et notamment, le code des loyers.

M. CHOQUETTE: Je comprends très bien que cela soit le point de vue que vous adoptiez, et c'est sûrement une dimension importante que la dimension sociale. Mais il ne faudrait pas négliger la dimension économique du problème non plus parce qu'une perspective purement et simplement sociale du problème qui ignorerait des effets économiques à long terme ne tiendrait pas compte de la réalité dans son ensemble. Après tout, je crois que les locataires comme les propriétaires, comme le gouvernement, qui les représente tous les deux, doivent quand même tenir en considération l'objectif essentiel, qui est de voir à ce qu'un stock assez considérable, offrant toute la variété voulue au point de vue des besoins des citoyens, se renouvelle constamment de façon à faire face aux besoins sociaux des personnes qui habitent chez nous.

M. LANGLOIS: M. Choquette, et je m'adresse aussi aux autres députés, en tant que représentants d'une population de locataires, il me parait aussi important que vous ayez cette préoccupation sociale que j'essayais d'expliquer, bien sûr brièvement, parce que le temps ne me permet pas de m'étendre plus longuement sur le sujet. C'est quand même une

perspective qui me paraît extrêmement valable et surtout nécessaire. Dans le contexte actuel, on insiste beaucoup, par exemple, sur le stock de logements. Entre autres, vous savez que la SCHL, par exemple, mesure à peu près uniquement la qualité de son intervention dans le domaine de l'habitation au Canada, au Québec aussi, à partir du nombre de nouveaux logements qui ont été construits. Par contre, elle ne considère pas du tout la détérioration du stock de logements. Elle considère très peu la rénovation urbaine, la rénovation vigoureuse du stock actuel de logements.

Vous avez 25,000 personnes — c'est le chiffre qui a paru officiellement dans le Soleil il y a à peu près un mois — à Québec qui vivent dans des conditions inadéquates de logement; cela me parait quand même un problème extrêmement grave et important qu'il faut régler. Il s'agit de circuler ici à Québec dans la basse-ville pour voir à quel point ce problème de l'habitation est crucial. Il s'agit de circuler dans les banlieues de Drummondville ou de Montréal pour s'apercevoir à quel point ce problème est crucial. A tel point que, si j'étais député d'un comté populaire, j'aurais quasiment honte parfois de visiter certaines rues, parce que j'aurais l'impression de ne pas faire assez d'efforts pour régler les problèmes auxquels sont confrontés les gens qui vivent dans ces quartiers.

Si je m'intéresse de près à l'habitation et si autant de personnes s'y intéressent depuis quelques années, c'est que le problème est devenu assez grave. Le problème est devenu assez important pour qu'on doive apporter les solutions les plus radicales qui s'imposent, et dans un très bref délai. C'est pour cela que j'ai insisté avec vigueur sur la nécessité d'avoir une politique d'habitation au Québec que nous n'avons pas encore.

J'ai insisté avec vigueur pour dépasser l'optique du code des loyers comme étant une première mesure minimale pour apporter des solutions à plus long terme, des solutions plus valables.

M. CHOQUETTE: Mais ce n'était pas une critique à l'égard de votre mémoire que vous teniez en considération et même que votre mémoire procède principalement d'une préoccupation sociale, mais pour vous dire que le gouvernement, dans sa fonction d'apprécier où se situe l'intérêt général, autant à court terme qu'à long terme, doit considérer évidemment la dimension sociale, mais doit également considérer la dimension économique du problème. Il faudra donc que nous équilibrions ces deux aspects du problème pour en arriver à une synthèse ou à un équilibre approprié.

Alors, je vous félicite de votre mémoire, vous pouvez être sûr qu'il sera analysé dans les moindres détails et que de nombreuses suggestions qui peuvent s'y trouver seront retenues, bien sûr.

M. LANGLOIS: M. le ministre, nous allons apprécier évidemment la qualité de la lecture que vous ferez de notre mémoire à la lumière des nombreux amendements que vous apporterez sans doute à votre projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Masknongé.

M. PAUL: M. le Président, cela me fait chaud au coeur, ce matin, d'entendre la voix des gagne-petit. Hier, nous avons eu un écho tout à fait différent, une voix tout à fait divergente du problème de l'habitation au Québec; nous avons surtout entendu des mémoires de la part de locateurs ou d'associations de locateurs, et le mémoire que la fédération a préparé est extrêmement intéressant. Comme le signalait le ministre, il y a des amendements qui doivent être retenus, il y en a d'autres qui ne pourront probablement pas l'être en raison, justement, de l'équilibre que doit rechercher le législateur dans l'adoption de cette loi 59. Mais, ce que j'ai" trouvé très intéressant ce matin, c'est que vous avez justement soulevé le véritable problème qui existe dans le domaine de l'habitation, c'est le manque d'une politique d'habitation au Québec qui résulte de différents facteurs qui, je l'espère, pourront être contournés pour que nous puissions avoir une loi qui corresponde à des besoins, surtout sociaux, tout en n'écartant pas, cependant, l'impératif économique que nous devons garder et envisager pour équilibrer la vie de la société québécoise.

Alors, je vous félicite et je félicite les membres des différentes associations de locataires qui s'intéressent de près aux lois présentées par le gouvernement et je suis sûr que nous de l'Unité-Québec, nous retiendrons avec beaucoup d'intérêt les nombreuses recommandations qu'on retrouve dans votre mémoire.

M. LANGLOIS: Si vous permettez, j'aurais un autre commentaire que j'ai malheureusement oublié. Il m'apparaît intéressant que le personnel qui va s'occuper d'étudier la loi, le code des loyers et nos recommandations, considère aussi la fameuse échelle des loyers que nous retrouvons dans les offices municipaux et l'échelle des loyers qui concerne les locataires d'habitations municipales. Il y a actuellement beaucoup de problèmes dans ces échelles de loyers et d'ailleurs, les locataires d'habitations publiques qui sont ici m'ont demandé d'insister vigoureusement auprès du ministre de la Justice pour que l'on considère cet aspect qui est inclus dans la loi de la SHQ et qu'on considère aussi une application possible ou une extension possible dans la loi du code des loyers, puisque nous recommandons une couverture des logements municipaux. Nous voulons, entre autres, que vous étudiiez les problèmes qui se posent. Comme nous avons déjà, à plusieurs reprises, fait des commentaires auprès de la Société d'habitation, auprès des offices municipaux, il nous fera plaisir, bien sûr, de vous les faire parvenir comme document d'appui dans votre

étude, afin qu'on règle aussi ces problèmes de coûts d'habitation même dans les loyers municipaux qui, souvent, sont plus chers dans certains cas que sur le marché libre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Après ce qui a été dit, il me resterait une couple de questions à vous poser. Auparavant, je tiens à signaler que, dans le résumé des recommandations de la Fédération des associations de locataires, vous avez, à l'article 15, construction d'une banque d'information publique sur le logement. Comme suggestion, je la trouve très valable, très bonne. Maintenant, j'arrive aux questions. Dans votre résumé, vous laissez entrevoir certaines choses sous-jacentes et cela m'amène à vous poser la question suivante :

Dans le cas de bris d'un bail pour aller demeurer, par exemple, dans un HLM, est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer une pénalité, étant donné qu'il en a été question déjà, hier, non pas ce matin, je crois?

M. LANGLOIS: Vous voulez dire suggérer une pénalité pour le propriétaire qui ne voudrait pas casser le bail?

M. BELAND: Non, pour le locataire qui, justement, casserait le bail ou abandonnerait le...

M. LANGLOIS: Pas du tout. Ce que nous voulons, c'est, dans le cas où une personne est habilitée à aller habiter dans un local d'habitation publique, qu'elle ait tout simplement la possibilité, dans le délai prévu par le code des loyers, de donner un avis au propriétaire et de dire : Je casse mon bail parce que je dois aller dans un local d'habitation. Elle fournit alors un affidavit montrant, bien sûr, qu'elle a été acceptée dans ce local d'habitation à partir de telle date. A ce moment-là, c'est automatique, elle y va.

Si le logement qu'elle occupait antérieurement est inadéquat, il pourra y avoir des recours, qui existent d'ailleurs, actuellement, dans les codes municipaux d'habitation pour demander au propriétaire, avant de relouer son local, de le transformer pour qu'il devienne adéquat.

M. BELAND: Quant au taux même du loyer, étant donné que vous avez fait certains commentaires, que penseriez-vous d'un taux flottant, par exemple, ajustable selon les données statistiques de chaque région? Après quoi, le commissaire pourrait suggérer un taux donné au lieutenant-gouverneur en conseil, lequel pourrait l'adopter et le rejeter.

M. LANGLOIS: Ce que je crains dans ce cas-là, c'est que, presque automatiquement ce taux flottant selon les régions devienne un taux automatique. D'ailleurs, la population, actuellement, perçoit la fameuse question des 5 p.c. Elle la perçoit comme étant une augmentation automatique que la loi va permettre.

Me Gaumond va parler de ce sujet abondamment cet après-midi, je n'insiste pas trop là-dessus. L'ensemble des commentaires que nous avons eus et qui viennent des locataires, du monde ordinaire, nous montre que les gens sont extrêmement inquiets de cette mesure. Ils pensent que le code des loyers accepte automatiquement une augmentation de 5 p.c. alors que la loi, bien sûr, permet de contester toute augmentation. Et nous, nous demandons que toute augmentation soit justifiée.

C'est pour ça que nous avons demandé au moins de baisser ce taux de 5 p.c. à 3 p.c. Donc, en bas de 3 p.c, évidemment, le locataire pourra contester l'augmentation si elle n'est pas justifiée et il pourra donc obtenir une augmentation moindre que 3 p.c. Et en haut de 3 p.c, le propriétaire serait obligatoirement obligé de justifier, pièces à l'appui, toute augmentation supérieure à ce seuil de 3 p.c. devant la commission des loyers.

M. BELAND: Mais, à ce moment-là, vous demandez, en quelque sorte, les 3 p.c, d'accord! Mais est-ce que ces 3 p.c. seraient la moyenne provinciale ou s'ils seraient applicables selon les régions?

M. LANGLOIS: Ce serait une proportion qui s'appliquerait à l'ensemble du territoire du Québec. D'ailleurs, nous avons discuté très longuement de tout ça. Nous avons envisagé plusieurs possibilités, nous avons pris plusieurs heures pour discuter de cette question-là. C'est une question extrêmement complexe et nous avons pensé la résoudre en faisant un compromis entre différentes suggestions qui nous étaient faites, en suggérant au ministre de la Justice de fixer un seuil de 3 p.c, seuil qui serait évidemment appliqué dans la perspective que j'ai élaborée devant vous.

M. BELAND: Très bien, merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Langlois, je veux, au nom du Parti québécois que je représente ici, vous remercier pour votre mémoire qui est très fouillé et qui, je pense, est assez clair pour qu'il me dispense de vous poser des questions. Je veux simplement vous dire que je partage votre opinion sur la fonction sociale du logement et je pense que si on a pris la peine de faire un code des loyers, c'est d'abord et avant tout pour protéger les locataires. Je pense qu'on devrait tenir compte de cet aspect-là tout au long de la discussion de ce projet de loi.

Encore une fois, je vous remercie pour cette

étude qui va sûrement être très utile à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale.

M. LANGLOIS: J'espère que tous les députés de l'Assemblée nationale seront aussi sensibilisés que vous aux recommandations que nous faisons.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup.

M. LANGLOIS: C'est moi qui vous remercie de votre attention.

M. LE PRESIDENT: Nous allons suspendre les travaux de la commission jusqu'à deux heures cet après-midi, en espérant pouvoir les terminer pour quatre heures, le ministre devant s'absenter à partir de quatre heures.

M. CHOQUETTE : Pardon?

M. BURNS: A quelle heure recommençons-nous?

A deux heures pour finir à quatre heures?

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez. La commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 15).

Reprise de la séance à 14 h 18

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

Nous nous excusons de commencer un quart d'heure en retard. Malheureusement, nous attendions quelques... Le député de Portneuf est arrivé.

M. DROLET: Vous n'avez pas attendu après moi, par exemple.

M. LAMONTAGNE: Non, non. Mais c'est un nouveau collègue à la commission depuis deux jours. Nous entendrons immédiatement le Groupement de locataires du Québec métropolitain Inc., et ses représentants. Je vous inviterais à les présenter pour le journal des Débats, s'il vous plaît.

Groupement de locataires du Québec métropolitain

M. GAUMOND: Mon nom est Gilles Gaumond, avocat du Groupement des locataires. Il y a présentement ici, à ma gauche, le président du Groupement des locataires, M. Roger Bourgeois et le vice-président, M. Wilfrid Métayer.

Le Québec est un pays de locataires et je crois qu'il était temps qu'il pense à se doter d'une législation et d'un code des loyers. Plus de 56 p.c. de la population dans la province de Québec est locataire. Dans la seule ville de Québec, 77 p.c. de la population est aussi locataire. Depuis sa fondation, en 1970, le Groupement des locataires a eu l'occasion d'acquérir une vaste expérience des problèmes des locataires parce qu'il les a vécus au ras du sol, dans leur quotidienneté. Nous avons connu le système ambivalent qui était en vigueur avec la Loi de la Régie des loyers. Nous avons dû rencontrer, une par une, une douzaine de municipalités du Québec métropolitain. Nous avons dû faire face à l'incompréhension, à l'intransigeance et, souventefois, à une appréciation qui était loin des problèmes alors soulevés de la part d'administrations municipales. Lors de nos cliniques juridiques qui ont lieu tous les mercredi soir, nous avons pu nous rendre compte des problèmes des locataires et je veux vous en citer quelques exemples. Entre autres, des gens venaient nous voir et nous disaient: On demeure dans la ville de Québec, dans la ville de Sainte-Foy et on a une augmentation de $25 à $30. Cela existait. La seule solution qu'on pouvait leur suggérer était de leur dire: Monsieur ou madame, vous n'avez qu'un choix, soit celui de déménager ou d'accepter l'augmentation.

Nous avons dû aussi répondre à des locataires dont le bail mentionnait expressément des services quelconques, soit un stationnement chauffé, l'électricité fournie, une sécheuse et autres. Nous avons dû leur dire qu'ils n'avaient

aucun recours mais qu'ils devaient s'adresser aux tribunaux. Nous avons dû voir ces gens abandonner leurs recours parce qu'ils n'osaient pas recourir au service d'un avocat et encourir les coûts que cela aurait représenté. Par contre, nous avons eu l'occasion de représenter devant la Régie des loyers à Québec de nombreux locataires pour de nombreuses causes, comme les augmentations, la résiliation du bail, la reprise de possession. Nous n'avons pas eu gain de cause dans chaque cas, mais à chaque reprise, on avait eu l'impression de se faire entendre, d'avoir fait valoir nos doléances. Nous avions l'impression de n'être plus des "minus" mais d'être capables de représenter nos propositions. C'est cet ensemble, à partir d'une constatation empirique, que je voudrais vous soumettre ici aujourd'hui.

Je ne m'attarderai pas davantage sur les causes et les difficultés soulevées dans le domaine du logement. J'ai lu avec attention les représentations que les différents représentants des partis ont faites au début de cette commission parlementaire.

En plus de cette expérience acquise au jour le jour, pour la préparation immédiate de ce mémoire, nous avons fait un questionnaire que nous avons envoyé à 500 locataires du Québec métropolitain. Il y en a d'ailleurs des copies qui sont à la disposition des membres de la commission. Et en plus de ce questionnaire, des bénévoles ont rencontré 125 de ces locataires pour leur demander ce qu'ils en pensaient et leur expliquer les principales clauses du logement. C'est seulement après cela que nous avons élaboré ce mémoire et, après l'avoir élaboré, nous avons fait dans la région de Québec trois ou quatre assemblées de locataires pour leur demander leur opinion sur le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Pour cette raison, nous croyons vous soumettre aujourd'hui les principales doléances des locataires et vous pouvez croire qu'elles sont fortes et que, vraiment, la situation a changé au Québec. Ces gens, d'une certaine façon, en ont assez.

Sans plus tarder, je vais procéder à l'analyse de quelques articles que nous avons soulevés dans le mémoire parce que nous avons fait plusieurs amendements et seulement les principaux. Et j'aimerais d'une façon particulière vous entretenir du bail type, mesure dont vous avez entendu parler par M. Charbonneau lors de la présentation de son mémoire, mesure aussi qui a été suscitée tout le long des débats jusqu'à aujourd'hui, mesure que le président de la fédération des locataires a approuvée ce matin, mesure aussi que, sans anticiper, la CSN approuve.

Je vous réfère à l'annexe A de notre mémoire où nous avons tenté d'établir ce que pourrait être un bail type, pour donner un exemple concret d'un bail et de son articulation dans le concret.

Aujourd'hui, dans la province de Québec nous rencontrons une infinie variété de baux, ce que j'appelle des baux de pharmacie, c'est-à-dire un ensemble de faux, tous hétéroclites, faits sur des formules imprimées d'avance, dans lesquels le locateur en profite pour se soustraire à ses obligations et dans lesquels on mentionne un ensemble de charges au locataire dans des termes qui ne sont pas toujours faciles à comprendre.

Je vous réfère au bail que nous avons fait. La qualité de ce bail, à notre avis, c'est qu'il se divise en deux. Premièrement, vous avez les obligations et devoirs juridiques des parties contractantes. C'est-à-dire qu'on a mentionné les obligations du locateur et celles du locataire. Nous avons essayé de les faire les plus générales possible sur les obligations juridiques. Dans un bail type, lorsqu'on parle de son application et de son élaboration, on soulève tout le temps le problème de la difficulté. Comment un bail peut-il s'appliquer à l'infinité de variétés qui peuvent se présenter dans la province de Québec? Pour cette raison, nous avons essayé de pallier cela en faisant une distinction entre les obligations légales ou juridiques et la description du logement. C'est-à-dire que souvent, dans toute la province, qu'est-ce qui varie? C'est la description du logement. Et compte tenu des particularités qu'il y a dans quelques régions, les obligations légales demeurent. La preuve, c'est que même les baux en pharmacie, auxquels je faisais allusion tout à l'heure, sont répandus dans toute la province. Donc, les obligations légales sont toujours les mêmes. Pour cette raison, et j'attirerais l'attention des membres de cette commission sur la description, on a voulu essayer d'apporter — nous ne disons pas que c'est la solution — un élément original, d'abord dans sa facture puis dans la mise en page du bail, il faudrait en tenir compte, deuxièmement, dans cette description du logement.

Vous voyez que, dès la première page, nous avons mis des espaces pointillés pour que les parties puissent exprimer la description complète du logement. Je vous réfère à la troisième page où on parle des services qui vont être offerts par l'une ou l'autre des parties, c'est-à-dire qui va assumer le coût des services qui sont offerts. Si on dit: Payer aux lieu et place du locataire la taxe des vidanges. Donc, si le locateur s'engage à payer la taxe des vidanges, il marque oui dans l'espace; s'il s'engage à payer le coût de l'électricité, du gaz du locataire, il marque oui; s'il ne s'y engage pas, il marque non, tout simplement.

S'il fournit un stationnement — et vous donnez un exemple de la mise en page, peut-être plus bas — alors on va décrire dans l'espace si c'est un stationnement extérieur ou si c'est un stationnement où l'on prévoit un endroit pour brancher l'automobile et une chaufferette. Si c'est un logement meublé — exactement le même cas — dans ce cas, on écrira: les appareils

et les meubles fournis avec le logement; la plupart du temps, c'est un poêle, un réfrigérateur, un fauteuil, une table, des lampes et un lit. On écrira de cette façon dans le bail ce qui fera l'objet du contrat, l'objet particularisé du contrat.

Les avantages à l'application d'un tel bail, un bail uniforme qui s'appliquerait à toute la province, sont nombreux. Premièrement, les locataires, aussi bien que les locateurs, prendront connaissance des obligations qui y sont contenues. Un locataire qui change de logement ne sera pas désorienté face à un bail parce que ce sera le même bail qu'il aura connu précédemment; ce sera seulement la description qui changera. Deuxièmement, dans ce bail on n'enlèvera pas toutes les obligations du locateur. Elles seront mentionnées et seront impératives. Dans ce bail aussi, les gens connaîtront d'une façon particulière ce à quoi ils s'engagent. Il est certain qu'il y a des termes juridiques là-dedans. On ne peut pas faire autrement que d'en avoir, mais les termes juridiques seront les mêmes aujourd'hui que dans trois ans, c'est-à- dire que les gens auront pu, si un moment donné un problème s'est soulevé dans l'application du bail, connaître la portée du terme juridique qui est là et cela leur servira d'expérience.

Je sais que vous allez m'objecter: Monsieur, que faites-vous de la liberté contractuelle? Nous sommes dans un régime de liberté contractuelle, la propriété privée est un principe pratiquement sacro-saint.

Ici, au sujet de la liberté contractuelle, j'aimerais vous apporter quelques observations. Premièrement, le contrat de bail a été à maintes et maintes reprises défini par la doctrine et la jurisprudence comme un contrat d'adhésion, c'est-à-dire que dans un bail, le locataire n'a pas la possibilité, pratiquement, de négocier des clauses du bail. La prémisse qui fait que chacune des parties est sur un pied d'égalité tout au moins dans le cas du bail, c'est une prémisse qui est fausse.

D'ailleurs le président de l'Office de révision du code civil, M. Crépeau, en introduction à son mémoire en 1970, le disait, systématiquement: Le bail est un contrat d'adhésion et on ne peut plus parler présentement de contrat synallagmatique où chacune des parties peut négocier ses clauses.

Je crois que cette affirmation correspond parfaitement à la réalité d'aujourd'hui. On a beau vanter les principes de liberté contractuelle et je considère aujourd'hui, donc j'en suis, qu'elle peut s'appliquer dans de très nombreux cas, par exemple dans la vente, etc. Dans le cas du logement, la conjoncture socio-économique a été à un tel point qu'on ne peut plus parler de liberté contractuelle. C'est pour cette raison, aujourd'hui, qu'on veut voir adopter ce bail.

Deuxièmement, on pourrait aussi m'objecter qu'on pourrait placer dans la loi des mesures impératives et prohibitives, tel que prévu aux articles 64 et suivants. Je dis, premièrement, que ceci n'est pas suffisant, parce que, même si on mentionne dans la loi des mesures impératives, ce n'est pas vider le débat. Qu'est-ce qui cause le problème? C'est dans son application quotidienne; ce n'est pas dans un principe mentionné dans la loi parce qu'on réussit toujours à le contourner; lorsqu'on vient pour signer le bail, c'est là que se pose le principe; c'est là que se posent les difficultés. Pour plusieurs personnes, le bail est le seul contrat après celui de mariage, qu'ils sont appelés à signer dans leur vie; véritablement, c'est le seul contrat. Même si on mentionne dans une loi des principes d'ordre prohibitif, j'en suis, mais qu'on fournisse à la population et aux locataires du Québec une formule par laquelle on pourra transiger un bail et par laquelle les obligations seront mentionnées clairement et nettement.

On pourra aussi — je pense que le problème a été soulevé au début de la commission parlementaire — référer tout simplement le cas à une autre commission de la justice ou lors de la présentation et de la discussion du chapitre de louage, en révision du code civil. Je crois que c'est à l'occasion d'une loi comme celle-là qu'on doit se pencher sur le problème. Premièrement, c'est compléter cette loi; deuxièmement, si on veut modifier le code civil et si on veut introduire cette loi dans le code civil, je crois que cela a des répercussions beaucoup plus grandes que dans une loi statutaire. Je ne veux pas dire qu'elle n'est pas importante, comprenez-moi bien, mais le code civil depuis son adoption en 1867, on y a touché avec précaution. Lorsqu'on a voulu l'amender, on a fait des grandes démarches.

Si, dans deux ans, à la commission, on en vient à la conclusion que le bail qu'on aura pu adopter aujourd'hui n'est pas une expérience valable, on ne modifiera pas notre code civil. Mais si cette expérience s'est montrée valable, on aura une expérience empirique pour dire qu'on peut modifier le code civil.

D'ailleurs, ce principe, on l'a déjà mis en brèche. On a adopté la Loi de la vente à tempérament sur laquelle on a établi une cédule, on a aussi établi récemment la Loi de la protection du consommateur. Je considère qu'un bail type — c'est une des mesures sur lesquelles nous insistons et nous donnons beaucoup plus d'importance — c'est vraiment une mesure qui va éviter des litiges, vraiment une mesure qui va permettre à chacune des parties, sans en favoriser l'une plus que l'autre, d'établir des relations en connaissance de cause. Et cela nous apparaît important.

Le deuxième point que je voudrais toucher — je ne voudrais pas être trop long — est la déclaration prévue à l'article 14. Encore là, nous avons pris la peine de vous donner un exemple de déclaration que nous voudrions voir adopter et qui est en annexe au mémoire. Cette déclaration, nous la calculons aussi comme importante. Premièrement, elle sera un instrument pour le commissaire qui sera appelé à

travailler au règlement des conflits entre les parties. Mais on dit: Profitons aussi de cette déclaration pour avoir des informations sur la description du logement et sur la qualité du logement.

Je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais lorsqu'on vient pour travailler dans le secteur du logement et qu'on veut ramasser des informations qualitatives et quantitatives, on a toujours la même difficulté, on n'a pas de source de renseignement. Alors le gouvernement, s'il fait une formule comme celle-là, pourra extrapoler les cas particuliers et créer des statistiques qui lui permettront d'adopter à l'avenir des lois, et ces lois seront faites en connaissance de cause.

De plus, cette formule empêche le principe qui était prévu à l'article 29 b) de l'ancienne loi. Lorsqu'un locataire quittait le logement, le propriétaire en profitait pour l'augmenter.. Il y avait toute une formule prévue qui était compliquée et qui était pratiquement irréalisable. Aujourd'hui, le commissaire va le voir, va en prendre connaissance parce que le taux du loyer va être déclaré.

Pour ma part, j'ai essayé de plaider l'article 29 b) deux fois, je n'en ai jamais été capable, étant donné qu'on était incapable de faire la preuve de l'ancien prix payé.

Aussi, sur les 5 p.c. de l'article 119, je voudrais faire deux observations: Pourquoi demandons-nous 3 p.c? C'est parce qu'au cours de notre enquête — et je pense que la commission devrait en être informée — nous nous sommes aperçus d'une chose, c'est que les locataires percevaient les 5 p.c. comme étant obligatoires, c'est-à-dire que, lorsqu'une permission était donnée aux propriétaires d'augmenter de 5 p.c, après cela, les locataires pouvaient contester. Nous savons parfaitement que cela n'est pas vrai. La législation prévoit un tout autre sens à cet article. Mais les locataires le perçoivent comme tel. Si c'est perçu comme cela, il y a de grandes possibilités que ce soit envisagé comme cela. Sans vouloir prendre à partie les propriétaires, ils vont se servir de cet argument pour dire: La loi nous permet 5 p.c, je vous demande 4 p.c. Ce n'est pas grave. Je vous demande seulement 5 p.c, je pourrais vous demander plus! Etant donné la perception que les locataires en avaient, nous disons: Diminuons ce problème et mettons-le à 3 p.c. Cela va encore être perçu ainsi, mais les conséquences seront moins graves, à ce moment-là. C'est la seule et unique raison. Je comprends les difficultés qu'ont eues les fonctionnaires du gouvernement à approuver une telle mesure. On s'est penché souvent là-dessus et la solution n'est pas facile à apporter, je suis d'accord avec vous.

D y a aussi un point à l'article 34, c'est-à-dire qu'on prévoit qu'un locateur pourra réduire son logement en des pièces plus petites. Nous demandons tout simplement de biffer ou tout au moins d'augmenter les charges et la preuve qui devront être faites par le propriétaire.

C'est un fait, aujourd'hui, nous manquons de grands logements. Tel que la loi est conçue présentement, c'est pratiquement automatique, on demande la permission et on l'obtient tout de suite, soit de subdiviser de grands logements en petits logements. On attire l'attention du législateur là-dessus en disant: Nous manquons de logements. Je ne crois pas que ce soit une solution à ce problème. C'est sûr que le ministère de la Justice n'aurait pas à envisager ce problème s'il y avait des réglementations beaucoup plus fortes et mieux observées, une réglementation municipale et un plan de zonage. Pour notre part, nous nous sommes opposés à plusieurs reprises à cela et nous avons eu gain de cause, mais à force de manifestations, de revendications sur des choses. Mais qu'on nous donne un instrument pour faire valoir notre opinion.

Prenons un exemple. Dans le quartier latin, il y a des bâtisses fantastiques, des logements qui sont habitables et qui sont divisés en une pièce et demie tout en respectant le cadre extérieur; mais à l'intérieur, on ne respecte pas les dispositions prévues au plan d'aménagement et au plan de zonage.

Au moins qu'on prévoie de respecter la réglementation municipale sur ce cas-là, c'était d'ailleurs prévu dans l'ancienne loi. Notre mémoire propose un nouvel article, l'article 38 a), disant qu'on met les causes de résiliation du bail en faveur du locataire. Premièrement, une des causes, c'est qu'on dit: Quelqu'un qui ne respecte pas les règlements d'ordre d'hygiène publique, de feu et d'incendie, problème avec lequel le locataire doit se débattre, que ce dernier puisse alors demander la résiliation du bail. Vous allez me répondre sur cette question que c'est déjà prévu dans l'article 40 du projet de loi. Mais ce n'est pas expressément mentionné. Ce n'est pas assez clair. Ce à quoi je fais référence aujourd'hui, c'est à des cas où il y a de la vermine dans les logements. Je sais que la jurisprudence a dit qu'on pouvait déguerpir du logement malgré la vermine. Mais, chaque fois, on se trouve devant le même problème, c'est qu'on est obligé d'aller devant les tribunaux judiciaires pour demander la résiliation du bail et, si on ne la demande pas, on a toujours la menace d'être poursuivi pour douze mois de loyer. Et souvent, c'est précédé d'une saisie avant jugement et pour quelqu'un qui est employé, ce lui est très préjudiciable.

Nous demandons que ce soit mentionné clairement, ces cas-là. Qu'on n'ait pas à le discuter. Il y en a douze qui sont mentionnés en faveur du locateur, mentionnons-en au moins une en faveur du locataire, clairement, pour qu'on puisse s'en servir.

L'autre point aussi, et c'est justement une mesure de caractère social, c'est qu'il y a certains locataires qui subissent un changement dans leur condition physique. Prenons quelqu'un, par exemple, demeurant au quatrième étage et qui, à un moment donné, a une crise du coeur ou autre chose du genre. On demande

qu'on puisse résilier le bail en cour, devant le commissaire, mais pas automatiquement, qu'on en fasse une preuve et que le commissaire, lui, en juge de l'opportunité ou pas et des conditions dans lesquelles cette résiliation du bail puisse être faite. On ne dit pas que, dans ce cas, ce doit être automatique, on dit tout simplement : Apprécions à son mérite le cas qui nous est présenté et donnons l'occasion au commissaire de l'apprécier.

Il y a un autre point aussi sur lequel on demande que cette commission se penche. Cela a été un cas soulevé ce matin par mon confrère, Me Simon Langlois, le cas de la mobilité de la main-d'oeuvre. Juste en terminant aussi, sur l'article qui prévoit l'adhésion des HLM, c'est sûr que nous y donnons notre entière adhésion. Premièrement, nous avons de très nombreux cas. Nous avons fait, au mois de décembre 1971, une campagne pour des gens qui n'avaient pratiquement pas de logement, afin qu'ils puissent entrer dans les HLM et de les forcer à rentrer dans les HLM. Ces gens-là ne pouvaient pas résilier leurs baux et vivaient tout simplement dans des taudis. C'est que les gens des HLM ont une capacité de payer. Je suis sûr qu'on ne tient pas compte de la capacité de payer dans la loi. Ces gens-là, lorsqu'ils sont dans un logement conventionnel, sur le marché public, vont souvent dépenser jusqu'à 20 p.c. ou même 22 p.c. de leur avoir en logement. Et à un moment donné, on leur offre la chance d'aller dans les HLM et de diminuer la proportion consacrée au logement.

Mais on leur oppose une fin de non-recevoir en leur mettant un bail qui est résilié et en plus de cela, on leur formule une autre exigence: Trouvez-nous un sous-locataire et rendez-vous responsables de la sous-location. Les HLM sont une mesure sociale, qu'on lui donne plein effet en y permettant l'adhésion des gens qui sont là.

Le dernier point que je voudrais soulever porte sur l'article 77. Nous voulons tout simplement que les poursuites soient intentées en vertu de la loi pénale, c'est-à-dire que les individus puissent poursuivre ceux qui ont enfreint la loi. Aujourd'hui, il faut demander la permission au procureur général, ce qui complique le processus. Il est temps aujourd'hui que les citoyens participent à l'administration de la justice. Il est temps que les gens qui voient une infraction devant leurs yeux n'aient pas à solliciter le procureur général pour en plus poursuivre pour cela. Les gens peuvent vérifier eux-mêmes et voir à l'application de cette loi. On évitera ainsi les délais, la surcharge du ministère de la Justice, les dépenses considérables qu'on est obligé de faire en payant des procureurs ad hoc et, de cette façon, on permettra une plus grande accessibilité.

Aujourd'hui, nous n'avons qu'à regarder la loi de l'étiquetage. Cette loi a des dents parce que ce sont les gens qui la font respecter. Quand cela n'a pas de bon sens, les gens perdent et en assument les frais, et quand cela a du bon sens, cela doit être respecté. Il est temps que les citoyens puissent avoir accès aux tribunaux et puissent aussi voir à l'administration de la justice. Quand quelqu'un enfreint une loi, ce sont les autres citoyens qui sont lésés et c'est le temps que les citoyens puissent dire à celui qui les lèse : Vous avez fait telle ou telle lésion, vous devez réparation. Et cela n'appartient pas qu'à un petit groupe de la population, mais à toute la population. Cela aussi est une mesure que nous considérons essentielle.

Pour terminer, vous nous avez dit ce matin: Vous présentez un mémoire à caractère social. Effectivement, c'est vrai. Mais on a dit qu'il y a 53 p.c. de la population qui est locataire mais on doit penser aussi au facteur économique. J'aimerais ici aborder rapidement ce que sont les facteurs économiques.

Premièrement, je voudrais prendre un cas particulier, celui de la ville de Charlesbourg, qui, après la création de notre front commun, a décidé d'adopter la Loi de la Régie des loyers. C'est une ville en pleine expansion, une ville nouvelle, une ville qui a beaucoup de terrains, une ville où il se fait beaucoup de construction. Allez demander à cette administration si le fait d'avoir adopté la loi a nui à la construction. Nullement. La construction y a augmenté de plus de $1 million.

M. CHOQUETTE: A Charlesbourg, est-ce que la réglementation s'applique aux maisons allant jusqu'en 1968?

M. GAUMOND: Oui. La ville de Charlesbourg l'a adoptée après la création de notre front commun. La ville de Québec et d'autres municipalités l'avaient adoptée.

M. CHOQUETTE: En quelle année?

M. GAUMOND: Cela a été fait en 1970. Ces villes ont décidé de se soumettre à la Loi de la Régie des loyers. Elles ont demandé au ministère de la Justice...

M. CHOQUETTE: ... est-ce que la ville de Charlesbourg avait demandé la réglementation des logements construits avant 1951 ou bien si c'est...

M. GAUMOND: Non. Il n'y avait absolument rien. Il y avait la ville de Québec, avant 1951 et nous avons fait des pressions pour l'avoir et elle l'a adoptée.

M. CHOQUETTE: A Québec aussi? M. GAUMOND: Oui.

M. CHOQUETTE: On a fixé la limite des loyers réglementés à $125.

M. GAUMOND : Oui et, à Charlesbourg, la limite a été fixée à $150.

Je pense qu'à ce moment, c'était une mesure que les conseillers municipaux ont voulu adopter; ceux qui paient plus de $150 ont le moyen de se défendre. Mais cela n'a pas nui à la construction. Deuxièmement, à l'heure actuelle... Dans l'ancien marché de la construction nous avions deux facteurs: d'abord, certaines parties du marché de la construction étaient sous la Régie des loyers, certaines autres ne l'étaient pas. Il aurait dû se faire une concurrence là-dedans. On nous dit: La construction aurait dû grossir dans certains secteurs où la Régie des loyers n'y est pas et diminuer dans les autres secteurs. Cela n'a pas été le cas, parce que si on parle de mesures économiques, ceux ici qui veulent protéger ces mesures économiques et le respect de la loi, ce sont ceux qui veulent protéger des profits abusifs parce que la loi telle qu'elle est faite aujourd'hui, c'est simple. Si vous avez tant de dépenses, vous les faites valoir et le commissaire peut vous donner raison. C'est simple, ça. C'est-à-dire que le commissaire va respecter un certain pourcentage, une certaine marge de profit, mais pas de marge de profit abusive. C'est le seul secteur, parce que c'est un bien essentiel, où la liberté est totale, où on peut se permettre des profits considérables et on nous objecte toujours que cela va nuire à la construction. Moi, je dis: C'est un faux-fuyant pour protéger des droits, des privilèges excessifs que l'on a présentement. J'invite ici les députés qui représentent des locataires — dans la plupart de vos comtés, vous représentez une majorité de locataires — à considérer les problèmes qu'ils ont et à prendre les mesures sociales qui, je suis certain de cela, lorsqu'on les analyse sérieusement, n'auront pas des répercussions économiques si graves que cela.

Ce sont à peu près les dernières considérations que j'avais à faire et je voudrais en faire une autre. On revendique une politique globale du logement. Est-ce que c'est un mot à la mode? Simplement: Qu'est-ce qu'on entend par là? Quand on parle d'une politique globale du logement, qu'est-ce qu'on dit? On dit: Ici, on a touché un secteur, les relations entre propriétaires et locataires. Une politique globale du logement, c'est la rénovation urbaine, les taudis que l'on défait, les HLM que l'on construit, le coût de construction, etc.; ils doivent être envisagés dans une perspective globale, en respectant l'homme. C'est ce pourquoi on fait des lois, c'est ce pourquoi on fait des Parlements, pour que l'homme soit davantage libéré et c'est de cette façon, c'est seulement en nous penchant sur notre province, sur ce problème vaste et compliqué et en l'envisageant dans toutes ses facettes. Aujourd'hui on regarde la SCHL, le gouvernement fédéral, il y a des scandales à tout défaire; on ne peut même plus publier cela dans les journaux, personne ne s'y intéresse tellement les gens sont habitués à cela, les scandales. C'est le secteur de la construction, la qualité du logement. Aujourd'hui, il y a des gens qui demeurent dans des immeubles qui ne sont pas insonorisés, on entend le voisin à l'extérieur. Ce sont toutes ces qualités qui doivent être respectées; c'est cela que l'on entend par une politique du logement.

Aujourd'hui, je crois que, si le Parlement adopte cette loi, il y aura un pas de fait, mais c'est un pas qui doit nous projeter en avant vers une autre loi qui aura une envergure plus considérable et qui respectera encore davantage les citoyens qui sont à la base. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je voudrais féliciter M. Gaumond de son exposé. Je crois qu'il a touché des points nouveaux qui n'avaient pas été abordés précédemment devant la commission. Je le remercie de ne pas être revenu sur des sujets qui avaient été explorés par la commission et par les personnes qui avaient comparu devant nous.

J'ai été particulièrement intéressé par la demande de la part de l'Association des locataires du Québec pour la formation législative, que ce soit dans le code civil ou dans une autre loi, d'un bail type. Je note ici, au mémoire qui nous a été présenté par le Groupement des locataires du Québec métropolitain, qu'on nous propose une formule de bail type, n'est-ce-pas? Je voulais demander à M. Gaumond s'il entendait que ce bail type soit obligatoire dans la forme qui devrait être adoptée par le législateur ou si on avait pensé à la possibilité que les parties puissent, de consentement mutuel, déroger aux conditions qui peuvent se trouver au bail type, et si on entend qu'il puisse y avoir dérogation aux conditions du bail type, quelle forme prendrait cette dérogation?

M. GAUMOND: J'ai très bien compris votre question. Je considère d'abord que ce bail, dans ses clauses les plus essentielles et dans sa perspective la plus grande, doit être impératif. Nous avons mentionné un ensemble d'obligations de part et d'autre. Quelques-unes sont peut-être superflues. Ces clauses pourraient être enlevées et on pourrait les négocier; elles pourraient ne pas être impératives mais être négociables de la part des parties. Cependant, nous soumettons à votre attention qu'aujourd'hui le locateur a pris l'habitude, de se dégager de ses responsabilités. Il ne faudrait pas aussi, par la convention, se dégager d'autres responsabilités. Pour répondre plus précisément à votre question, le bail que nous voulons est un bail impératif où les conditions, les obligations juridiques essentielles à un bon déroulement du contrat soient mentionnées clairement, pour que chacun puisse prendre parti et sache à quoi s'en tenir.

M. CHOQUETTE: Je comprends M. Gaumond mais vous ne répondez pas avec précision à la question que je vous pose parce que, à partir du moment où vous admettez qu'il y a

certaines clauses qui peuvent être éliminées du consentement des parties, vous allez également être forcé d'admettre qu'il y a certaines autres clauses qui peuvent être ajoutées ou modifiées du consentement des parties. Alors, je vous demande si vous avez réfléchi à cet aspect du problème et au cas où vous admettriez que des dérogations peuvent être apportées de consentement mutuel des parties, est-ce que vous avez pensé, par exemple, quelle forme devrait prendre ces dérogations? Je peux vous donner un exemple, enfin, qui n'est peut-être pas absolument comparable mais qui a une certaine analogie au bail type. Prenons, par exemple, les polices d'assurance-feu, incendie. On sait que la loi de l'assurance dispose d'un certain nombre de conditions dites statutaires qui s'appliquent mais on peut déroger à ces conditions statutaires et là, la loi exige que les dérogations doivent être écrites dans un caractère de telle grandeur ou doivent être écrites en rouge, si je me rappelle bien. Aujourd'hui, on trouve des polices d'assurance-incendie avec les conditions statutaires et ensuite en rouge, vous trouvez les dérogations. Alors, je voudrais vous demander si vous avez réfléchi à cet aspect du problème.

M. GAUMOND: Oui, nous avons absolument réfléchi à cet aspect du problème. Nous nous sommes dit: Nous présentons un bail, donc il va y avoir les obligations dont on ne peut pas déroger. Un ensemble d'obligations, toutes celles qu'on a présentées ici, théoriquement dans notre perspective, on ne pouvait pas y déroger. On pourra en enlever quelques-unes, mais quant aux autres, ce seront des choses qu'on va ajouter.

M. CHOQUETTE: Je peux donner des exemples. La condition no 16 : le locataire sera obligé d'effectuer dans le local loué les réparations mineures qui, selon l'usage, sont normalement à la charge du locataire. Bien là, en somme, vous exprimez par le bail ce qui existe déjà au code civil, c'est-à-dire l'obligation pour le propriétaire d'assumer les grosses réparations et, pour le locataire, d'assumer les petites réparations.

M. PAUL: Les réparations d'entretien.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est ça. Enfin, on les appelle les grosses et les petites dépenses locatives.

M. BURNS: Dépenses locatives.

M. CHOQUETTE: Mais il peut très bien se produire à un moment donné qu'un locataire et un propriétaire veuillent déroger à cette condition, veuillent déroger à la loi qui s'applique habituellement en l'absence d'une telle condition. Comment voyez-vous que, suivant la formule du bail type, les parties pourraient, si elles le désirent, y déroger?

M. GAUMOND: Elles ne pourront pas y déroger. Elles ne pourront absolument pas y déroger, ce sont les obligations qui sont mentionnées dans la loi. C'est vrai qu'on a répété les obligations qui sont mentionnées dans la loi, parce qu'on voulait voir sur un même document — un document de travail dans le fond — ce à quoi la partie qui le signait s'engageait. On dit: Ils vont le faire. Le locataire y est tenu par la loi, pourquoi pourrait-on l'obliger? Il y est tenu par la loi, de toute façon, même si on ne le mentionne pas. Donc, on le mentionne ainsi : II ne peut pas y déroger. Il sait à quoi il s'engage, il va faire les réparations locatives.

M. CHOQUETTE : Actuellement, le locataire est astreint par la loi à certaines obligations.

M. GAUMOND: C'est ça.

M. CHOQUETTE: Mais elles peuvent souffrir dérogation.

M. GAUMOND: Oui, c'est là justement le caractère impératif du bail, c'est qu'il n'y aura plus de dérogation.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que le ministre me permet un commentaire sur cette question-là? C'est un point qui m'intéresse depuis qu'on a commencé à en parler en 1970, lors de votre re, re, réadoption de ce projet de loi de la Régie des loyers. A ce moment-là, nous suggérerions, nous, le bail type — je m'excuse. Me Gaumond, si j'interviens — mais, au fond, l'idée de base du bail type, ce n'est pas nécessairement de dire: On va dire aux gens comment, à peu près, il peuvent faire un bail. L'intention de base, c'est de dire que le bail est au fond un contrat bilatéral, c'est-à-dire un contrat — je m'excuse du mot un peu pompeux — synallag-matique où chaque partie doit donner son consentement. Avec le temps et avec l'usage, on s'est rendu compte que ce n'était plus ça du tout parce qu'un gars qui se cherche un loyer, il veut avoir tel loyer dans tel secteur, dans tel endroit; il trouve un propriétaire qui lui dit: Si tu veux avoir mon logement, tu vas signer tel bail. De sorte que ce n'est plus un contrat synallagmatique, il n'a plus le caractère bilatéral du tout. Cela devient un contrat d'adhésion. Tu signes ce bail-là ou bien tu n'as pas mon logement! Et c'est ça qui est l'intention dans le fond du bail type. Pour cette raison je suis entièrement d'accord avec Me Gaumond quand il dit que les clauses de base du bail type ne devraient pas être des clauses dont on peut se départir. Parce que le propriétaire, à ce moment-là, reprend sa possibilité de dire au locataire qui veut absolument louer tel logement: Bien, si tu veux avoir mon logement, tu vas laisser tomber telle ou telle clause du bail type. Je ne dis pas, d'autre part, qu'on ne doive pas permettre aux gens d'ajouter des choses qui ne sont pas prohibées par la loi...

M. CHOQUETTE: II pourrait y avoir...

M. BURNS: ... mais tout simplement — c'était ça que je voulais dire — l'idée du bail type, ce n'est pas parce qu'on veut être plus fin que les autres et dire que tout le monde va avoir un bail semblable, c'est de dire qu'il y a certaines clauses de base desquelles on ne pourra pas déroger, ni du côté du locataire, ni du côté du locateur. Et pour en faire véritablement, du moins quant à ces clauses-là, un contrat où chaque partie pourra donner son consentement d'égal à égal, parce qu'actuellement le locataire n'est pas d'égal à égal quand il arrive pour louer un logement.

M. CHOQUETTE: Je crois que tout le monde le reconnaît, actuellement les formules de baux en circulation, dans l'ensemble ou pour une bonne majorité d'entre elles ont été rédigées nettement à l'avantage des propriétaires. Nous n'avons qu'à lire ces formules et nous sommes fixés sur le sens de ce que vous dites, sur le sens...

M. BURNS: Et demandez aux locataires qui ont tenté de faire changer les clauses.

M. CHOQUETTE: ... et ce n'est pas le locataire, en général, qui, au moment de la signature du bail, va se procurer les formules. C'est le propriétaire qui présente des formules, d'où le fait que c'est sûrement un contrat synallagmatique. Mais on pourrait tout autant reconnaître dans le bail type certaines obligations auxquelles on ne pourrait pas déroger, qui seraient d'ordre public en quelque sorte, et peut-être d'autres conditions qui pourraient être modifiées du consentement des parties.

Je crois qu'à ce moment-là il faudrait faire une analyse de toutes les conditions que vous proposez et voir lesquelles on devrait considérer comme étant impératives et lesquelles peuvent souffrir d'être modifiées ou abrogées du consentement mutuel des parties. C'est un aspect que nous allons étudier. Il y a des conditions, par exemple, sur le chauffage. Cela peut-être variable, le chauffage, ça peut dépendre...

M. GAUMOND: Oui, mais dans la province de Québec généralement, M. le ministre, on a les mêmes conditions climatiques. C'est-à-dire qu'on offre ou qu'on n'offre pas le chauffage, la plupart du temps. On ne chauffe pas à moitié un logement.

M. CHOQUETTE : II y a des logements où c'est le locataire qui se chauffe.

M. GAUMOND: Oui, c'est pour ça que c'est mentionné à la page 2 de notre bail, si le chauffage est fourni ou non. Si le locateur fournit le chauffage, il doit chauffer à 72 degrés, si c'est le locataire qui doit fournir le chauffage, la clause tombe par elle-même, parce qu'elle n'a plus de sens. Là, on se réfère à des principes d'interprétation des lois, lorsque ça ne va pas contre la volonté des parties et quand il n'y a pas d'application, on n'en tient pas compte.

M. CHOQUETTE: On me dit que le seul endroit au Canada où il existe un bail type, c'est l'Alberta.

M. GAUMOND: Le Manitoba.

M. CHOQUETTE: Le Manitoba. Est-ce que, dans la rédaction de votre propre projet, vous vous êtes inspirés du bail type manitobain?

M. GAUMOND: Nous nous sommes inspirés de certaines parties mais; par contre, le bail type manitobain ne répondait pas tout à fait aux exigences qu'on voulait. Nous, là où nous différons, c'est sur la description du logement qu'on a voulu rendre la plus versatile possible. C'est-à-dire qu'on a voulu véritablement en faire un contrat qui puisse servir aux deux parties.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y a d'autres pays dans le monde où il y a le bail type?

M. GAUMOND: A ma connaissance, il y a aussi en Nouvelle-Ecosse où on a un bail type qui est mitigé. C'est tout simplement que le gouvernement fournit une formule, mais elle n'est pas obligatoire. Il y a aussi dans certains pays de l'Est, dont la Suède, mais je dois vous dire que je n'en ai pas pris connaissance. Je sais que ça existe mais je n'ai pas pris connaissance de ces baux-là.

M. CHOQUETTE : Le juge Ross me dit que le Ontario Law Reform Commission — la Commission permanente de révision des lois onta-riennes — doit produire un rapport sur cette question d'ici un mois. Cela nous sera certainement utile parce que les conditions qui peuvent prévaloir dans le Québec et l'Ontario sont assez identiques.

M. GAUMOND: Nous avons essayé de l'obtenir mais, étant donné qu'il n'est pas terminé, qu'il n'est pas rendu officiel, nous n'avons pas pu en prendre connaissance.

M. CHOQUETTE: Monsieur, et les membres de la commission, il y a une chose qu'il faut noter qui est très importante, c'est que le Canada, comme pays — et je ne vois pas la raison pour laquelle le Québec ne serait pas dans la situation canadienne — est le pays où le logement occupe la principale partie du budget familial. Mondialement parlant, nous sommes le pays où le logement, au point de vue de la dépense pour le consommateur est la plus importante partie du budget.

Je pense que ceci souligne l'importance d'une légalisation.

M. GAUMOND: Vous avez absolument rai-

son, M. le ministre, d'autant plus que les statistiques disent que c'est de 18 p.c. à 25 p.c. du revenu des Canadiens qui est accaparé par ça alors qu'aux Etats-Unis, c'est 12 p.c.

M. CHOQUETTE: Maintenant, sur la question des facteurs sociaux et économiques à envisager dans une telle législation, il va de soi que le gouvernement est extrêmement sensible à l'aspect social d'une telle législation, comme de toute autre législation d'ailleurs. Mais je voulais simplement dire que notre intention n'est pas d'apporter une réglementation tellement excessive et tatillonne qu'en somme elle comporte plus d'embêtements que d'avantages, autant pour les propriétaires que pour les locataires. Par conséquent, les mesures que nous entendons apporter sont faites avec l'objet de remédier à des carences et de combler des besoins précis et réels.

Elles ne sont pas dans le but de bâtir une organisation tellement vaste et un appareil tellement lourd que, finalement, personne ne trouve son réel avantage à l'intérieur de cela. Je veux mettre cela comme "background". Il faut garder le sens des proportions, même quand on pense adopter des mesures sociales avantageuses pour la majorité des citoyens. Il ne faut pas dépasser la mesure dans la complexité de la réglementation et dans la lourdeur de l'appareil. Je voulais simplement dire cela pour que soit bien compris le sens des mesures que nous envisageons et également que les mesures que nous adoptons, tout en ayant pour objet la sauvegarde des droits des individus au niveau social et comme être humain, malgré tout ne doivent pas entraîner des effets secondaires qui aient des conséquences aussi graves ou plus graves dans un autre ordre, que ce soit dans le domaine économique ou dans un autre.

M. GAUMOND: M. le ministre, c'est exactement cela que nous demandons.

M. CHOQUETTE: Mais, vous pouvez être sûrs que nous ne reculons devant aucune...

M. BURNS: Vous êtes bien conservateur! Il faut dire que vous ne seriez pas le premier ministre de la Justice à devenir conservateur!

M. PAUL: Merci.

M. CHOQUETTE: II y en a qui ne me considèrent pas si conservateur que cela!

M. PAUL: Vous n'êtes pour le moins pas péquiste!

M. CHOQUETTE: Non.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, M. Gaumond nous a ouvert des volets nouveaux qui ne nous avaient pas été signalés sur toutes les implications de la loi 59, mais pour rependre un peu les remarques que vous a faites le ministre au sujet du bail type, vous voudriez que le texte que l'on retrouve dans votre modèle de bail soit intégralement respecté et que les parties ne puissent pas y déroger en aucune façon. Est-ce bien votre point de vue?

M. GAUMOND: Ce n'est pas tout à fait notre point de vue, M. le député. Nous avons donné un exemple de ce que pouvait être un bail. Une chose est certaine, c'est que le bail type qui sera adopté, on ne pourra pas y déroger.

M. PAUL: Supposons que nous gardions intégralement le modèle que vous avez préparé, qui est très intéressant. Je me référerais, par exemple, à la clause 7, quant aux obligations du locateur: Le locateur se charge d'enlever la neige et la glace des trottoirs, marches, balcons, chemin et entrées de garage, avec une diligence raisonnable durant les mois d'hiver. En été, le locateur devra entretenir les alentours du local loué: parterre, arbres, plantes, etc. Supposons que je possède un immeuble à Sainte-Foy; demeurant à Louiseville, vous conviendrez qu'il me sera assez difficile de faire diligence, à moins que je sois dans l'obligation de retenir les services de quelqu'un pour voir à l'entretien, au déblaiement de la neige, à l'entretien de l'entrée de garage du logement que pourrait occuper mon ami M. Bossé, et il me serait défendu d'en venir à une entente avec lui, disant: Considérant la situation particulière où vous êtes placé, je vais assumer les frais d'entretien et toutes les obligations mentionnées dans la clause 7 du bail. En été, je m'occuperai de faire couper ma pelouse, ou je la couperai moi-même. Il ne pourrait pas déroger à cela.

M. GAUMOND: M. le ministre, non, M. le député...

M. PAUL: Cela fait deux fois! Continuez, cela va bien! Deux fois depuis le matin. Cela va bien.

M. GAUMOND: Le problème auquel vous faites référence, c'est qu'il ne va pas contre le bail type. Ce à quoi vous faites référence, c'est que vous allez signer ou faire verbalement un autre contrat avec votre locataire. Vous allez faire un contrat de louage-service ou de louage d'ouvrage. Vous allez tout simplement lui dire: Je vous donne $5 ou $10 pour l'entretien de la galerie, pour l'entretien du gazon, etc.

M. PAUL: Vous voulez que l'on fasse indirectement ce que la loi défendrait de faire directement.

M. GAUMOND: Elle ne défend pas de le faire directement. S'il consent à faire un travail à l'extérieur de cela, cela n'influence pas sur la relation locateur-locataire dans la location d'un bail. Si par exemple, il veut consentir à des services en dehors de cela, il a le droit de le faire. Je ne pense pas que c'est aller contre la loi à ce moment. Quelqu'un est libre de louer ses services à une autre personne qui les requiert. Ce sera cette hypothèse à ce moment qui sera touchée.

M. PAUL: Au cours de vos remarques, vous avez dit textuellement ceci en vous référant à l'article 77 de la loi: "II est temps que les citoyens aient accès aux tribunaux." Est-ce que vous reconnaissez aujourd'hui que la loi 70 et la loi 10 permettent assez facilement aux citoyens d'avoir accès aux tribunaux?

M. GAUMOND: Peut-être que je n'ai pas tout à fait exprimé et développé...

M. PAUL: Je l'ai pris mot à mot ici.

M. GAUMOND: Oui c'est exactement cela que j'ai dit mais je n'ai pas assez développé. La loi 10 et la loi 70 permettent aux gens d'avoir la possibilité d'accès aux tribunaux en ne payant pas des avocats. C'est un point.

M. CHOQUETTE: C'est une autre des mesures conservatrices apportées par le ministre actuel.

M. GAUMOND: Ce que l'on dit, M. le député...

M. CHOQUETTE: C'est pour le bénéfice du député de Maisonneuve qui ne s'était pas aperçu que nous avions adopté ces lois.

M. BURNS: Au contraire, j'ai toujours dit que le ministre actuel aurait probablement le plus beau bilan législatif d'ici à la fin de la présente session. Je l'en félicite et je l'engage à continuer dans ce sens. Sauf que vos remarques m'ont porté à vous dire que vous étiez bien conservateur et que cela me surprenait. Mais par contre, je vous disais que cela n'était pas grave parce que vous n'auriez pas été le premier ministre de la Justice à le devenir.

M. PAUL: J'inviterais mon collègue à plus de prudence parce qu'il...

M. BURNS: Je ne parlais pas du député de Maskinongé. Je parle d'un autre ministre libéral.

M. PAUL: ... va falloir surveiller l'an prochain, après trois ans au pouvoir, la publication de M. Bourassa. Vous allez avoir un long chapitre sur la justice.

M. BURNS: Cela va être long. Cela va être extraordinaire.

M. CHOQUETTE: Nous allons inclure seulement l'essentiel. Cela va déjà être beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez m'informer si cela achève?

M. GAUMOND: Mais pour répondre à la question du député de Maskinongé, ce que je voulais dire c'est ceci. Il y a une loi mais il y a des gens qui peuvent déroger à cette loi. Mais c'est que les gens peuvent avoir un accès pour contrôler l'application de cette loi. Si quelqu'un déroge à une loi et on en a quelques exemples...

M. PAUL: Et que la victime ou tout intéressé puisse directement porter plainte.

M. GAUMOND: Oui, parce qu'il y a une faute de commise. Et ce n'est pas parce qu'elle n'est pas dénoncée qu'elle n'est pas commise.

M. PAUL: Vous n'avez pas confiance à la lenteur administrative de la justice?

M. GAUMOND: La lenteur administrative de la justice... Si la justice a des processus lents, c'est parce qu'on lui oppose des obligations aussi lourdes que celle-là. Qu'on donne aux citoyens le moyen de faire appliquer cette législation et cela va aller plus vite. Ce n'est pas parce que le gouvernement a fait une loi qu'il doit nécessairement la contrôler. Il y a les gens qui sont là. Ce sont les principaux intéressés. Je serai beaucoup plus intéressé à défendre un point de vue parce que je suis touché que si je dois d'abord aller le soumettre à un tiers qui est un procureur. Je comprends qu'il ne soit pas tout à fait intéressé, qu'il ne voit pas la pertinence du sujet. Je suis impliqué dans tel cas particulier. Je vais m'arranger pour le faire valoir. Et si je n'ai pas raison, j'en paierai les conséquences à l'autre bout. Cette manière de voir me parait juste. Ce n'est pas votre opinion mais...

M. PAUL: Vous nous avez signalé avec beaucoup d'intérêt le caractère social que devrait avoir le projet de loi 59. D'un autre côté, il faut, nous législateurs, nous arrêter également sur l'aspect économique de la loi. Nous ne sommes pas capables de séparer l'un et l'autre de ces problèmes majeurs que l'on doit retrouver dans le texte de la loi. Et il ne faudrait pas que vous taxiez les députés, si par hasard toutes vos clauses n'étaient pas reçues, de protecteurs de profiteurs abusifs. C'est le terme que vous avez employé tout à l'heure. Il nous faut établir un juste équilibre entre, d'une part, les justes revendications et l'exploitation abusive de la part de propriétaires à l'endroit de locataires et, d'un autre côté, il nous faut aussi tenir compte du capital investi par les constructeurs. Et je crois que c'est dans un juste équilibre que nous pourrons protéger les uns tout en sauvegardant le droit des autres.

M. GAUMOND: Ce que nous avons voulu souligner par notre intervention, c'étaient les choix qui permettent ce juste équilibre. C'est-à-dire que, si on peut prendre des choix dans une mesure législative, on choisit différentes mesures. Et on dit: Dans ce choix, vous devez garder une perspective sociale.

C'est sûr que nous ne demandons pas de jeter l'économie par terre, mais quand on nous objecte le facteur économique, nous disons: Un instant, analysons au mérite cette proposition qui dit qu'on va mettre l'économie en brèche. La preuve a démontré qu'on ne mettait pas l'économie en brèche dans un régime qui était parcellaire, c'est-à-dire que, dans des municipalités, cela s'appliquait intégralement, alors que dans d'autres municipalités à côté, cela ne s'appliquait pas. A cause de la concurrence, c'était là une grande chance de mettre notre régime en brèche, parce qu'il y en a qui pouvaient bénéficier d'un régime particulier tandis que d'autres ne le pouvaient pas. Et nous disons, nous, que ce n'est pas arrivé durant l'application de cette loi. Alors, on ne voit pas pourquoi cela arriverait alors que tout le monde serait sur un pied d'égalité et que d'autres ne pourraient pas bénéficier d'un régime particulier. C'est tout simplement ce qu'on a voulu soumettre aux députés, à leur appréciation, la connaissance des problèmes qu'on avait au jour le jour.

M. PAUL: Est-ce que votre groupement a fait des représentations auprès des autorités municipales de la ville de Sainte-Foy pour qu'une certaine catégorie, sinon toutes les catégories de logement, puisse être affectée par la Loi de conciliation entre locateurs et locataires?

M. GAUMOND: M. le député, vous me rappelez là un triste souvenir. Je dois malheureusement le dire. Nous nous sommes rendus à la ville de Sainte-Foy après de nombreuses démarches et tracasseries administratives et, le soir, nous nous sommes fait dire par le maire, avant même qu'on puisse analyser nos prétentions, que les gens de Sainte-Foy étaient prêts à payer de $15 à $25 de plus pour venir demeurer dans cette ville. C'est le seul point qu'on nous a renvoyé et on a dit: Nous nous sommes réunis tout à l'heure avant votre assemblée et nous avons décidé de rejeter votre proposition unanimement. On ne peut pas dire: Peut-être y avait-il des raisons pour refuser? On ne les a jamais connues. Et je ne pense pas qu'une telle affirmation, qui peut d'ailleurs être confirmée par les journalistes, puisse donner une ouverture et qu'on puisse dire que les intérêts des locataires ont été pris en considération, alors qu'on sait que ce ne sont pas tous des bien-nantis qui demeurent à Sainte-Foy. Tous les gens qui gravitent autour des centres d'achat, tous les gagne-petit autour de ces établissements sont obligés de demeurer à Sainte-Foy, eux aussi. On n'a donc pas apprécié cette réaction.

Je dois vous dire, M. le député, que les problèmes des locataires que nous avons rencontrés nous sont venus en grande partie de Sainte-Foy, parce que les augmentations de $40 arrivent souvent dans cette région. Et la région qui semble la moins touchée par ces problèmes, du moins à ce qu'on en sait, c'est la région de Charlesbourg où on a affronté deux fois moins de problèmes, de solutions, de tracasseries. Mais effectivement, à Sainte-Foy, on nous a refusés et pour les raisons mentionnées. Vous pouvez vérifier dans les journaux de ce temps, c'est exactement ce qu'on nous a répondu.

C'est pour cette raison que nous disons que quelqu'un qui a dans sa population plus que 60 p.c. de locataires et qui vient nous dire une telle chose, nous nous demandons s'il a vraiment analysé au mérite nos prétentions. Nous sommes alors portés à dire qu'il y avait là un parti-pris, ou tout au moins, les bons facteurs et les bonnes considérations n'ont pas été analysés dans le choix de sa décision.

M. PAUL: Un mot tout simplement pour féliciter M. Gaumond et les membres du Groupement de locataires du Québec métropolitain pour l'intérêt qu'ils ont apporté à l'étude du projet de loi et surtout pour les excellentes recommandations et suggestions contenues dans le mémoire.

M. GAUMOND: Merci, M. le député.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Merci beaucoup, M. Gaumond, ainsi que vos collaborateurs.

M. CHOQUETTE: Dans la région du Québec métropolitain, quelles sont les villes actuellement couvertes par la Régie des loyers? Il y a la ville de Québec jusqu'à...

M. GAUMOND: Québec, Courville, Charlesbourg — je peux en oublier — Limoilou, Gif-fard, à cause de l'annexion à Québec, Les Saules, une partie de Notre-Dame des Laurentides, Loretteville, la ville de Vanier n'y est pas.

M. CHOQUETTE: L'exception serait Sainte-Foy?

M. GAUMOND: Sainte-Foy et la ville de Vanier. Ce n'est peut-être pas tout à fait exact...

M. CHOQUETTE: Lévis?

M. GAUMOND: Lévis, c'est 1951.

M. CHOQUETTE: Ah! jusqu'en 1951.

M. GAUMOND: Oui, il y a aussi Sillery qui n'est pas sous la juridiction de la régie.

M. BOURGEOIS: M. le Président, est-ce que je pourrais dire un mot sans vous retarder? Je tiens à remercier la commission parlementaire

qui nous a entendus. Ce fait montre une fois de plus que le locataire a le droit de parole. Vous l'avez prouvé en nous écoutant. Je demande aussi que le projet de loi 59 soit adopté le plus tôt possible, non pas dans deux ans ou dans trois ans, mais si possible à la prochaine session. Merci beaucoup.

M. PAUL: Alors, vous ne voudriez pas qu'il soit adopté à cette session-ci.

M. BOURGEOIS: Oui, cette session-ci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un représentant de l'Association des locataires de l'Outaouais? M. Leboeuf? Si vous voulez vous identifier tous les deux pour le journal des Débats; à vous la parole.

Association des locataires de l'Outaouais

M. BONNEVILLE: Bruno Bonneville, président de l'Association des locataires de l'Outaouais et M. Fabien Leboeuf, anciennement président et membre de l'association.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je pense que, dans l'intérêt de tout le monde, il y aurait lieu d'être le plus bref possible.

C'est entendu que nous appuyons les mémoires des différentes associations de locataires, soit provinciales ou de Québec et de Montréal, dans les revendications qu'elles font auprès de vous. Je pense qu'il y aurait cependant lieu de profiter de l'occasion que vous nous donnez de représenter les locataires des cinq comtés de l'Outaouais pour que vous sachiez que tous les locataires du Québec attendent de votre part le geste qui mettra un peu d'ordre dans le logement au Québec. Je vais laisser la parole à M. Leboeuf qui va préciser un peu nos représentations dans ce sens-là.

M. LEBOEUF: M. le Président de la commission, M. le ministre, MM. les députés, il y a déjà la Fédération provinciale des associations de locataires et le Groupement des locataires du Québec métropolitain qui ont présenté leur mémoire. Notre mémoire, bien qu'il soit beaucoup plus bref et qu'il n'aborde pas tous les aspects du projet de loi no 59, va essentiellement dans le même sens; donc, je pense qu'il serait inutile d'insister sur les détails du projet de loi. J'aimerais quand même insister sur certains points fondamentaux et qui sont extrêmement importants pour les locataires.

M. le ministre Choquette, ce matin, et d'autres membres de la commission ont reconnu volontiers que le problème du logement dépassait largement les cadres du ministère de la Justice et du projet de loi no 59. Il m'a semblé aussi que vous acceptiez volontiers le jugement suivant: qu'il n'y avait pas au Québec présentement de politique sociale réelle et cohérente du logement. Cela montre, à mon avis, la très grande importance du projet de loi 59 puisque cela va être le premier élément éventuel pour mettre un peu d'ordre dans la situation du logement.

Evidemment, nous ne demandons pas de transformer le projet de loi 59 en une loi sociale du logement; je pense bien que, dans le cadre du ministère de la Justice, ce serait impossible. Je ne sais pas si je comprends bien le sens du projet de loi 59, mais c'est de mettre en place surtout des tribunaux pour régler des litiges qui peuvent naître dans le domaine du logement et fixer certaines normes pour régler ces litiges. Je suppose que mettre en place toute une politique du logement, c'est impossible dans le cadre du projet de loi no 59. Cependant, ce qui me semble extrêmement important, c'est que cet aspect limité de la législation sur le logement s'inspire non pas de la philosophie traditionnelle du louage des choses qu'on retrouve, par exemple, dans le code civil, mais s'inspire plutôt d'une réelle politique sociale du logement et de la reconnaissance du droit du citoyen à son logement. Et cela est possible, à mon avis, à la condition que l'on apporte des amendements majeurs à la loi actuelle. Encore une fois, non pas pour transformer ce projet de loi en une loi sociale du logement, mais pour au moins faire qu'elle ne se contente pas de consacrer la situation actuelle qui est chaotique, mais qu'elle commence à apporter certains éléments de cette politique sociale du logement. Je vais donner des exemples tout à l'heure.

Un deuxième point sur lequel j'aimerais insister au départ, un point général, c'est la relation qu'il peut y avoir entre l'aspect social et l'aspect économique du logement. On semble dire qu'il faut faire une sorte d'équilibre entre les deux et tenir compte des exigences posées par les deux côtés. Il me semble personnellement que c'est une mauvaise façon de vouloir tenir compte des deux côtés parce qu'il me semble que l'aspect économique doit être, non pas équilibré face à l'aspect social, mais doit être mis au service de l'aspect social.

Sinon, cela ne rapporte même pas à long terme puisque si ce sont des impératifs économiques qui dominent, l'aspect social sera tellement déprécié qu'il faudra investir de fortes sommes dans l'assistance sociale au moins, pour pouvoir pallier les inconvénients économiques.

Donc, il me semble que, pour que le projet de loi 59 atteigne véritablement son but, on doit lui apporter certaines modifications majeures. Je vais donner quelques exemples, sans les élaborer puisque déjà les autres associations de locataires ont insisté sur ces points. Une première correction qui me semble absolument essentielle, c'est d'affirmer sans aucune restriction le caractère universel de la loi. Que la loi s'applique sur l'ensemble du territoire québécois, qu'elle s'applique à toutes les maisons; qu'on évite de laisser un laps de temps de deux ans ou à peu près, où le propriétaire-locateur est entièrement libre de faire ce qu'il veut avec son

logement, et qu'on évite aussi de mettre à part certaines catégories de logements, par exemple les logements municipaux, les logements qui relèvent de la Société d'habitation du Québec. Sinon, il me semble que la loi perd une très grande partie de son efficacité, sans compter qu'on introduit deux poids deux mesures dans la justice, qui règlent les rapports entre locataires et propriétaires certains locataires jouissant de certains droits et d'autres locataires ne jouissant pas de ces droits.

D'autres amendements me semblent absolument essentiels concernent la fixation du prix du loyer. Nous aussi trouvons injustifiable et inadmissible le pourcentage de 5 p.c. proposé à l'article 19. Je pense que c'est peut-être ici qu'on parle de l'aspect économique, peut-être davantage de l'aspect économique du logement. Je ne suis pas très fort en statistiques mais je vais essayer de dire ce que j'ai compris des quelques statistiques que j'ai lues sur le logement. D'après certains chiffres compilés par la CSN et par la CEQ, l'augmentation annuelle du prix du loyer, dans les dernières années, se chiffrerait entre 2.5 p.c. et 3 p.c. D'autre part, d'autres chiffres compilés par la CSN, qu'on peut se procurer dans la petite brochure "La situation du logement au Québec", montrent que les profits nets des entrepreneurs en logement se situent au-delà de 11 p.c. Ce qui veut dire qu'introduire comme norme — parce qu'en réalité cela revient à introduire comme norme — ce pourcentage de 5 p.c, c'est simplement, finalement, établir en norme le fait de doubler les profits des entrepreneurs en construction et des propriétaires-locateurs. Alors, il me semble que réduire le pourcentage à 3 p.c, ce n'est pas inviter des gens à ne plus s'engager dans la construction mais c'est au contraire, finalement reconnaître dans la loi le marché actuel du logement. Cela me semble extrêmement important qu'on n'aille pas permettre aux propriétaires locateurs de doubler leur profit. Cela est d'autant plus grave que, comme le remarquait le ministre M. Choquette tout à l'heure, c'est au Québec que déjà le logement coûte le plus cher. Il me semble que permettre une augmentation du loyer annuel qui serait autour de 5 p.c. comme norme, en tout cas, c'est faire du logement un facteur d'appauvrissement de la population.

Alors, loin de reconnaître que le logement est quelque chose auquel on a droit, on ferait du logement un facteur d'appauvrissement de la population. Il me semble important que la norme, donc, soit la plus basse possible. Il semble aussi que la reprise de possession du logement par le locateur est rendue trop facile et qu'elle se fait au détriment du locataire. On voit ici comment le droit du locataire à son logement n'est pas reconnu.

Les articles 30 à 35 en particulier devraient stipuler que toute reprise du logement par le locateur doit se faire dans le respect des droits du locataire et en le dédommageant.

Dans la même veine, il faut prévoir que le locataire a parfois des raisons impérieuses de résilier un bail et cela doit être consigné dans la loi. Ici, nous appuyons entièrement ce que le Groupement des locataires du Québec métropolitain a dit à ce propos. Evidemment, nous appuyons aussi l'insertion dans la loi d'un bail type.

On a souligné certains avantages de ce bail type, mais il me semble qu'un autre avantage d'un bail type, ce serait de permettre de ne pas fixer une date fixe pour la fin du bail, ça permettrait d'introduire une date flottante pour la fin du bail puisqu'il devrait nécessairement y avoir un bail écrit avec une date sur le bail qui peut varier à l'intérieur d'une année, de sorte qu'on ne ferait pas le jeu des entrepreneurs en déménagement.

En ce qui concerne les structures administratives de la Commission des loyers, nous suggérons qu'elles ne soient pas uniformes afin qu'elles soient efficaces, c'est-à-dire que dans les grands centres urbains, par exemple, il pourrait y avoir une certaine décentralisation de la Commission des loyers pour permettre d'écouler rapidement la demande et dans d'autres régions moins populeuses, les commissions de loyers pourraient être régionales pour couvrir l'ensemble du territoire québécois, de sorte qu'on n'aurait pas besoin de nécessairement grouper 5,000 habitants ou 10,000 habitants pour mettre une Commission des loyers. On pourrait avoir des commissions de loyers régionales.

Enfin, le projet de loi 59 tel qu'il est actuellement contient certaines clauses qui doivent absolument demeurer, me semble-t-il, dans la rédaction finale de la loi. Nous pensons, en particulier, aux articles 14 et 16, sur les déclarations à produire par le locateur. Il nous semble que ces articles doivent être absolument maintenus, par exemple l'article 17 concernant les déclarations à produire par le locateur et le locataire. Nous pensons aussi à l'article 64, qui ne reconnaît pas au locateur le droit d'exiger des chèques postdatés. L'article 65 également qui interdit le dépôt. Il me semble que ces articles sont essentiels et doivent être maintenus. Nous pensons aussi aux articles 71 à 75, qui prévoient des amendes pour les locateurs qui feraient preuve de discrimination dans la location des logements. On a là précisément des exemples, disons, d'inspiration plus sociale d'une loi qui relève du ministère de la Justice. Il nous semble que, si on maintient ces articles essentiels et que si on introduit les amendements que nous suggérons sans faire du projet de loi 59 une loi sociale du logement, on va au moins permettre l'avènement, espérons le plus tôt possible, d'une réelle politique sociale du logement et non pas consacrer la situation actuelle.

Je vous remercie de votre attention.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Monsieur, vous avez fait état tout à l'heure de certaines croissances, n'est-ce pas, dans les loyers dans le Québec. Vous avez fait état de certains chiffres que vous nous avez dit avoir été recueillis, je crois, par la CSN.

M. LEBOEUF: La CEQ et la CSN.

M. CHOQUETTE: La CEQ et la CSN. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la région de Hull et la ville de Hull ont été une des régions du Québec où la croissance dans le prix des logements a été le plus considérable au Québec, puisque l'indice de l'accroissement du coût du logement entre 1969 et 1970, à Hull, est passé de 115.9 à 125.7, ce qui représente une augmentation de presque 10 points, ce qui est plus que la moyenne québécoise, ce qui est plus que la moyenne de la ville de Québec où ç'a crû environ de 6 points, et de Montréal où ç'a crû de presque 3 points ou 4 points.

M. LEBOEUF: C'est compréhensible parce que vous mentionniez ce matin que, pour la ville de Québec, le taux de flottement des logements de plus de trois chambres à coucher est de 1.9 p.c. seulement, alors que, dans la région de Hull, il est encore inférieur, il est de 1.7 p.c. Le taux de flottement global du logement est encore inférieur à ça de sorte que, à cause de la très grande rareté des logements, les propriétaires ont tout à fait beau jeu d'augmenter à volonté le prix du loyer. J'ajoute d'ailleurs, par rapport à ça, que nous avons aussi fait des pressions pour obtenir le bill 12 à Hull et à Gatineau précisément pour cette raison-là et ça nous avait été refusé.

M. CHOQUETTE: Actuellement, vous n'avez aucun contrôle des loyers?

M. LEBOEUF: A Hull et à Aylmer, il y a la Régie des loyers, mais dans les conseils municipaux, on a fait campagne durant près de huit mois pour obtenir l'application du bill 12 et ça nous avait été refusé. L'argument qu'on invoquait, c'est un argument qu'on a entendu ici aussi, c'est qu'un contrôle des loyers amènerait la diminution de l'industrie de la construction. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit tout à fait vrai parce que, partout où il y a des gains à faire, il va y avoir des gens pour aller faire ces gains et, en maintenant un contrôle encore plus sévère que celui qui est prévu dans la loi, le profit des propriétaires se maintiendrait sans doute encore autour de 10 p.c. à 11 p.c. de sorte que personne n'hésiterait à investir dans la construction.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Nous vous remercions beaucoup.

M. BONNEVILLE: C'est nous qui vous remercions.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant la Confédération des syndicats nationaux et ses représentants. Veuillez vous identifier pour le journal des Débats.

Centrales syndicales

M.THIBAULT (Jean): Oui, Jean Thibault, secrétaire général de la CSN. Quand vous avez parlé de CSN, vous avez vu des gens de la FTQ, de la CEQ se lever; Fernand Daoust qui est secrétaire général de la FTQ, Laval Grondines de la CEQ et Jean-Marcel Lapierre. La raison pour laquelle ces gens s'avancent avec nous, c'est que nous sommes à l'ère du front commun, comme vous savez, et deux des centrales syndicales ont produit des mémoires, la CEQ et la CSN. La FTQ ne l'a pas fait, mais les centrales se sont rencontrées et elles ont préparé un projet de déclaration conjoint, projet que vous n'avez pas en main. Nous avons des copies que nous pourrions vous distribuer si vous nous en donniez la permission et le texte en serait lu par le secrétaire général de la FTQ, Fernand Daoust.

Après quoi, nous procéderions à l'étude du mémoire de la CSN.

M. DAOUST: M. le Président, messieurs les députés. Il s'agit d'une déclaration conjointe des centrales syndicales sur le projet de loi 59. Les centrales syndicales tiennent à informer la commission qu'elles appuient, dans ses grandes lignes, le mémoire que vous a présenté dernièrement, ce matin, la Fédération des associations de locataires du Québec. Nous considérons que ce mémoire est des plus complets et qu'il soulève dans une juste perspective les problèmes nombreux auxquels sont soumis quotidiennement des milliers de Québécois.

Nous allons toutefois nous limiter, dans notre déclaration commune, à quatre problèmes qui nous paraissent des plus fondamentaux et sur lesquels nous vous demandons de bien vouloir apporter des modifications dans le sens suggéré. Nous estimons que, sans ces modifications majeures, le projet de loi 59 passe à côté du problème des locataires et que le gouvernement actuel n'aura, encore une fois, soulevé que des espoirs par son intervention mitigée dans un secteur aussi vital.

Première proposition: que le projet de loi s'applique à tous les locataires québécois. Nous sommes d'avis que le code des loyers doit s'appliquer sans distinction à toutes les municipalités du Québec et non seulement, comme il est prévu dans le projet de loi, aux municipalités de 5,000 habitants et plus. C'est pour nous une question d'équité envers tous les locateurs et locataires du Québec.

Une réglementation sur un problème aussi vital que le logement ne peut laisser pour compte plus de 10 p.c. des locataires québécois qui sont, la plupart du temps, les plus captifs d'un marché nécessairement limité et souvent des plus voraces.

Deuxième proposition: que l'augmentation annuelle des loyers soit limitée à 3 p.c. Compte tenu des conditions toute particulières du marché qui prévalent dans ce secteur, nous estimons qu'il est essentiel que l'Etat exerce un véritable droit de regard et un pouvoir de contrôle réel sur les prix. Or, la limite de 5 p.c. établie dans le projet de loi consacre, selon nous, dans les faits, l'inaction de l'Etat sur le contrôle des prix du logement.

Dans ce projet de loi, il est paradoxal que l'Etat reconnaisse un principe, celui du contrôle des prix, et le nie du même souffle dans le même article. La limite est tellement élevée et si irréaliste par rapport au comportement des prix durant les dix dernières années que tous les locateurs du Québec vont pouvoir continuer à passer leurs prix la tête haute.

Nous recommandons que toute hausse des prix soit obligatoirement justifiée et qu'au-delà de 3 p.c. elle soit en toute circonstance référée à la commission. Des critères précis devraient être élaborés par la commission pour consentir des hausses supérieures à la limite. Nous suggérons également que ces critères fassent l'objet d'une réglementation précise qui serait soumise à votre commission et pour laquelle vous devriez tenir des audiences publiques.

Troisième proposition: que l'on reconnaisse le droit au locataire de faire réévaluer le coût de son loyer. La proposition précédente a pour effet de vouloir contrôler à l'avenir les abus du prix des loyers. Or, elle serait incomplète si on ne tente pas de corriger les abus les plus criants survenus durant le trop long règne d'anarchie dans ce secteur. Le projet de loi actuel a pour effet de consacrer ces injustices. Nous pourrions vous citer des milliers de cas où, pour des loyers identiques, les prix varient honteusement.

De même, nous reconnaissons au propriétaire le droit de faire réévaluer au-delà de 3 p.c. le coût de son loyer, de même nous estimons qu'il n'est qu'équitable que le locataire, qui se croit exploité par son locateur, puisse jouir du même privilège et porter sa cause devant un commissaire. Ce pouvoir correcteur est essentiel pour parvenir à régulariser les prix dans ce secteur. La réévaluation pourrait se faire de façon fort simple par voie de comparaison, selon la moyenne existante dans la municipalité ou le quartier.

Quatrième proposition: que le projet de loi incorpore un bail type. Pour atteindre l'objectif fondamental de ce projet de loi qui est la conciliation entre locataires et propriétaires, il nous paraît alors essentiel que le législateur définisse les obligations générales des parties dans le cadre d'un bail type.

Une telle mesure, de par la standardisation qu'elle amènera, aura également pour effet de faciliter l'évaluation des hausses du prix du logement par les commissaires du travail. Soumis par les trois centrales.

M. THIBAULT: Alors, est-ce que vous avez des questions à poser?

M. LE PRESIDENT: Vous pourriez peut-être lire votre mémoire immédiatement.

M. THIBAULT: Je voudrais d'abord vous présenter mon confrère de la CSN, Jacques Trudel, qui est architecte urbaniste à la ville de Montréal, membre d'un syndicat affilié à la CSN et un des principaux artisans de la rédaction du mémoire de la CSN.

Vous avez constaté que ce mémoire est très court. Je vais en faire la lecture, devant vous, de façon rapide et ensuite, on pourra passer aux questions. Vous allez constater aussi que nous avons tenu compte des représentations des associations de locataires qui sont...

M. CHOQUETTE: Vous considérez M. Bossé comme un de vos membres, à l'heure actuelle?

M. THIBAULT: M. Bossé était membre du syndicat des permanents. Je ne sais pas s'il y est demeuré, s'il a continué de payer ses cotisations.

M. BOSSE: Oui.

M. THIBAULT: Vous avez continué de payer vos cotisations.

M. BOSSE : J'ai un congé sans solde.

M. BURNS: II est beaucoup plus près de la CSD que de la CSN.

M. PAUL: II est en état de transfert à la CSD.

M. BURNS: A l'état de transfert, c'est beaucoup dire. C'est déjà fait.

M. BOSSE : Je suis présentement permanent, avec congé sans solde, et je pense que le secrétaire général est très bien informé ou doit l'être.

M. THIBAULT: Est-ce que vous payez vos cotisations syndicales?

M. BOSSE: Ce n'est pas nécessaire pour le moment.

M. THIBAULT: II y a le confrère Burns aussi que je tiens bien à saluer.

La CSN reconnaît que le projet de loi 59 constitue une amélioration de la législation antérieure concernant les relations entre les locataires et les propriétaires, mais elle croit que ce projet de loi doit être amendé dans le sens du mémoire présenté à ce sujet par la Fédération des associations de locataires du Québec. La CSN préconise, notamment avec la FALQ, la décentralisation de la Commission des loyers, l'universalité d'application de la loi, la suppression de la reprise de possession pour modifier la taille d'un logement et l'incorporation d'un bail type obligatoire protégeant également le locataire et le locateur.

En ce qui concerne l'importante question du contrôle des hausses de loyer, la CSN veut insister particulièrement sur la nécessité d'un tel contrôle à cause du caractère particulier du marché du logement. En effet, ce contrôle est absolument nécessaire pour que la population puisse satisfaire ce besoin fondamental qu'est le logement sans être à la merci des fluctuations souvent artificielles et aléatoires du marché du logement. C'est pourquoi il est universellement reconnu que ce marché doit être réglementé.

Or, la hausse de 5 p.c. que la loi autorise sans contrôle automatique, pourra avoir un effet contraire à celui qui devrait être recherché en encourageant une hausse régulière excessive des loyers. La CSN endosse donc entièrement la demande de la FALQ de réduire à 3 p.c. cette limite au-delà de laquelle une augmentation doit être référée à un commissaire.

Mais encore là, il doit être clairement entendu que ces 3 p.c. sont une limite établie pour des fins administratives, et non l'augmentation annuelle normale de tout loyer.

En fait, toute l'application de la loi dans ce domaine reposera sur les critères d'augmentation qui seront reconnus, et dont un aperçu trop vague et général est donné à l'article 21 du projet de loi. Il est de première importance que ces critères soient définis par règlement de la manière la plus précise et objective possible, et qu'ils aient un caractère public et officiel. Toute augmentation, inférieure ou supérieure à 3 p.c, devra pouvoir se justifier en fonction de ces critères.

Ainsi la fixation d'un loyer au départ devra découler d'un calcul économique basé sur la rentabilité du capital investi. C'est bien la CSN qui parle.

Par la suite, seuls les facteurs directs et objectifs d'augmentation devront être considérés, dans chaque cas particulier, tels que les améliorations exceptionnelles apportées à un logement, l'entretien normal ne devant pas être un facteur de hausse de loyer, ou encore le taux d'augmentation du coût de la main-d'oeuvre et des matériaux applicable seulement à la part du revenu du logement consacre à l'entretien ou aux services, la proportion exacte d'augmentation de taxes municipales ou scolaires applicable à un logement.

Doivent être exclus par ailleurs des critères admis, les phénomènes de perturbation du marché, tels que la pression à la hausse due à la rareté causée par la démolition massive de logements à loyer modique et les augmentations dues à l'accroissement de la valeur d'un site, par exemple à proximité d'une station de métro.

En somme, le marché du logement ou la valeur locative comme tels ne devront pas être considérés à toutes fins pratiques comme des critères, ce qui, de toute façon, serait contradictoire puisque la loi a pour but précisément de contrôler ce marché. D'une manière générale, la CSN considère que le code des loyers n'atteindra son but que s'il place le droit au logement au moins sur le même pied que le droit de propriété. Le locataire est défavorisé fondamentalement du fait qu'il paie entièrement un logement qui ne lui appartiendra jamais. Aussi est-il juste qu'au moins il soit protégé contre les fluctuations du marché et contre tout déplacement arbitraire. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas faire des remarques très longues, mais simplement quelques observations sur les positions qui ont été exprimées par le front commun représenté par M. Thibault et M. Daoust. La question de l'application universelle de la loi et de l'exemption des municipalités de moins de 5,000 habitants est sûrement un point sur lequel nous sommes disposés à réexaminer la situation. Je voudrais seulement vous faire part du fait que si nous avions adopté ce critère, c'est parce que, d'une part, l'Association des locataires du Québec nous avait signalé dans un mémoire antérieur à la conception et la rédaction du projet de loi qu'il n'y avait pas lieu de réglementer dans les municipalités ou les agglomérations de moins de 5,000 âmes. Je voudrais que ceci soit bien compris. Les locataires ne réclamaient pas à ce moment-là de contrôle ou de surveillance des loyers dans ces municipalités de moins de 5,000 habitants.

M. THIBAULT: Ce qu'ils réclament maintenant.

M. CHOQUETTE: Ils ont changé de position. Apparamment, ils sont un peu comme les syndicats, ils en veulent toujours plus.

M. THIBAULT: Je pensais que c'étaient les libéraux qui étaient comme cela.

M. CHOQUETTE: Eux aussi à leur façon.

M. BURNS: C'est le propre des gens intelligents de changer d'idée de temps à autre.

M. CHOQUETTE: D'ailleurs, ce n'est pas nécessairement un changement d'idée, c'est une nouvelle optique sur ce problème. Mais nous allons l'examiner...

M. BOSSE: Etes-vous en train de nous indiquer des changements futurs?

M. CHOQUETTE: ... et, s'il s'avère qu'il y a des problèmes aussi caractéristiques dans les municipalités de moins de 5,000 âmes qu'il peut y en avoir dans de plus grandes agglomérations, la loi pourrait être étendue au point de vue de son application.

Quant à la question des 3 p.c. ou des 5 p.c, ce que vous avez dit ainsi que ce qui a été dit précédemment cet après-midi par d'autres re-

présentants d'association de locataires m'amène à réfléchir sur la perception qu'on se fait de 3 p.c. ou de 5 p.c.

Cela ne veut pas dire et cela ne voulait pas dire, dans l'idée de ceux qui ont préparé et rédigé ce projet de loi, que cela autorisait les propriétaires à obtenir une augmentation annuelle de 3 p.c. ou de 5 p.c. Mais je sens que la perception de ce chiffre, dans le public en général, est déformée et il faudra quand même tenir compte de ce fait dans la rédaction ultime de ce projet de loi.

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet un commentaire seulement sur ce point, avec la permission du président et de la commission? Je pense qu'il y a plus que la perception du public. Il y a aussi ce phénomène que, comme l'initiative de contester une augmentation allant jusqu'à 5 p.c, selon le projet de loi actuel, ou allant jusqu'à 3 p.c. selon la suggestion, étant donné que cette initiative devra venir du locataire, il est fort possible qu'un tas de gens — et je pense que là-dessus, le juge Ross et les autres personnes familières avec l'ancienne régie pourront partager cet avis — vont se demander s'ils vont aller contester cela. Il y a beaucoup de personnes qui vont l'accepter de façon passive, même si dans le fond elles ne sont pas d'accord; parce qu'elles vont se dire qu'elles ne pourront pas aller se battre contre ce gros appareil — cela semble un gros appareil, pour les gens qui n'y sont pas familiers — même si j'en rends hommage au juge Ross et à ses collaborateurs, même si ce n'était pas un gros appareil, même si ce n'était pas une bibite à grandes pattes qui faisait peur à tout le monde, c'est quand même une perception. Cela reste quand même un tribunal administratif et le gagne-petit en général, puisqu'on a utilisé cette expression ce matin, est plus ou moins intéressé à se présenter dans les pattes de cette histoire-là. Je pense que c'est là le phénomène psychologique en plus du fait que les propriétaires, d'une part, se sentiront autorisés à utiliser ce critère mais aussi, de façon négative, les gens se diront qu'ils n'iront pas parce que c'est compliqué et grave.

M. CHOQUETTE: La perception du même chiffre par les deux groupes en présence.

M. BURNS: Oui, oui, exactement.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'il y a une espèce de déformation de l'image de la réalité par l'introduction d'un chiffre quel qu'il soit dans le projet de loi et cela va requérir réflexion de notre part, je dois l'avouer, parce que tout à l'heure, je faisais état de la réaction de certains propriétaires et autant, on pourrait faire état, comme le fait le député de Maisonneuve, de la réaction de certains locataires devant un pourcentage, quel qu'il soit, mentionné au projet de loi comme étant en somme une espèce d'autori- sation morale de l'Etat à telle augmentation annuelle. On va y réfléchir, vous pouvez en être sûr.

M. THIBAULT: Si vous me le permettez, le confrère Trudel voudrait ajouter quelques commentaires.

M. TRUDEL: Sur ce point des 3 p.c, je pense qu'effectivement, ce que nous craignons, comme nous l'avons exposé dans notre mémoire, c'est que le chiffre de 5 p.c. ou encore celui de 3 p.c. soit considéré comme une augmentation automatique annuelle régulière. Maintenant, la question peut se renverser dans le sens suivant. Si tout le monde est d'accord pour admettre qu'il ne s'agit pas qu'un loyer soit augmenté de 5 p.c. chaque année, dans ce cas, pourquoi maintenir ce chiffre de 5 p.c? Quelle est la raison pour laquelle on maintiendrait ce chiffre de 5 p.c? Si la question est de permettre occasionnellement des hausses de 5 p.c, il y aurait peut-être des formules de rechange. Au lieu des 3 p.c, on pourrait peut-être suggérer que ce soit 5 p.c. sur deux ans, par exemple. Que l'augmentation puisse être de 5 p.c. mais à tous les deux ans seulement. Ce qui serait équivalent à notre proposition de 3 p.c. et qui serait peut-être plus pratique, étant donné que l'habitude dans le domaine des loyers, c'est que les loyers ne sont pas nécessairement augmentés à chaque renouvellement de bail, mais une fois à l'occasion.

Maintenant, dans un cas comme dans l'autre, nous voulons insister sur le fait que ce qui est important pour nous, ce sont les critères de fixation du loyer et à ce moment, que ce soit 5 p.c. ou 3 p.c, il faudrait informer la population qu'effectivement le propriétaire doit toujours pouvoir justifier toute augmentation. Et, je pense qu'il faudrait établir des critères beaucoup plus précis que ceux qui étaient appliqués par la Régie des loyers. Celle-ci appliquait des critères qui étaient méconnus de manière générale par la population. On ne savait pas à quoi s'en tenir exactement quant à la politique que la Régie des loyers pouvait suivre. A ce moment, les critères devraient être établis par règlement, rendus officiels, discutés, de telle façon que les gens connaissent ces critères, sachent à quoi s'en tenir et sachent quels sont leurs droits et quand ils peuvent effectivement faire des réclamations.

M. CHOQUETTE: Très bien. Maintenant, quant au bail type, nous en avons déjà discuté cet après-midi; alors nous allons considérer cet aspect. Quant aux critères, auxquels vous avez fait allusion, de détermination du loyer, nous avons déjà envisagé l'introduction d'un article dans le projet de loi qui créerait un service technique dont la responsabilité serait de faire des analyses économiques qui pourraient être faites, non seulement à l'échelle du Québec dans son entier, mais à cause des divers chiffres

que j'ai pu citer au cours des débats parlementaires, on a pu constater que les conditions sont variables d'agglomération en agglomération dans le Québec. Ainsi, les conditions ne sont pas nécessairement les mêmes à Montréal dans tous les quartiers, ni à Québec, ni à Hull et ni à Chicoutimi, etc. Alors, ce service technique pourrait avoir la responsabilité d'étudier les conditions qui peuvent prévaloir dans chacune des régions, soit au point de vue de la taxation, de l'impôt foncier et des autres facteurs qui influent sur le coût d'entretien des immeubles. Le commissaire aux loyers et ses délégués pourraient utiliser ces données techniques dans l'élaboration de leurs décisions dans les causes qui leur sont présentées. Je pense qu'à ce moment on atteindrait les résultats désirés, soit une certaine uniformité, en tenant compte quand même des conditions locales qui peuvent varier d'un endroit à l'autre.

Alors, c'est un des aspects que nous considérons dans la rédaction définitive du projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Merci beaucoup.

M. THIBAULT: C'est nous qui vous remercions.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux au mercredi 25 octobre, à 10 h.

(Fin de la séance à 15 h 56)

Document(s) associé(s) à la séance