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Commission permanente de la justice
Projet de loi no 59 - Code des loyers
Séance du mardi 17 octobre 1972
(Dix heures quinze minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Ce matin, c'est la deuxième séance d'audition concernant
le projet de loi 59 du code des loyers. Je vais immédiatement
énumérer les organismes qui seront entendus aujourd'hui. En
premier lieu, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du
Québec et autres associations, la Corporation des courtiers en immeubles
du Québec et autres associations, la Chambre de commerce de la province
de Québec, la Chambre de commerce et d'industries du Québec
métropolitain, la Ligue des propriétaires de Laval.
J'inviterais...
M. HARDY: C'est du bon monde ce matin.
M. LE PRESIDENT: Tous du bon monde. J'inviterais immédiatement Me
Charles Stein, procureur de l'Association provinciale des constructeurs
d'habitation du Québec. M. Stein.
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec
M. STEIN: M. le Président, si j'en juge par la hauteur des
haut-parleurs, nous demeurons assis maintenant?
M. LE PRESIDENT: Certainement.
M. STEIN: Comme en haut, comme au Salon rouge.
M. CHOQUETTE: Mais, vous ne pourrez pas faire de gestes oratoires si
vous restez assis.
M. STEIN: C'est bien dommage.
M. PAUL: Cela va distraire le ministre.
M. HARDY: C'est de cette façon, vous savez, qu'on tue peu
à peu l'éloquence.
M. STEIN: M. le Président, je représente l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et l'association
régionale, celle de la région de Québec, et un certain
nombre de compagnies et de sociétés dont Trizec, les entreprises
Couillard et autres dont la liste apparaît sur la couverture de notre
mémoire et du résumé de notre mémoire que vous avez
entre les mains.
Je me propose, si vous permettez, de vous exposer brièvement le
point de vue de mes clients et ensuite, nous ferons de notre mieux pour
répondre à vos questions et vous fournir les précisions
dont vous pourriez avoir besoin. J'ai avec moi Me Nicol Henry, ici à ma
gauche, qui est cosignataire du mémoire, un avocat de Québec. A
ma droite, Me Roland Couillard, président des entreprises Couillard et
Me Mon-geon, derrière moi, de l'étude Phillips Vineberg, les
avocats de Trizec à Montréal; M. Jacques Plante de Trizec et de
Place Québec pas le gardien de buts, un autre et Me
Sauvage, avocat à Montréal de l'association provinciale dont j'ai
parlé et d'autres.
Cette association provinciale, M. le Président, groupe neuf
associations régionales et compte 2,900 membres qui sont des
entrepreneurs, des sous-traitants, des fournisseurs de matériaux et des
membres associés divers, comme des ingénieurs, des architectes,
des courtiers en immeubles et d'autres.
L'association régionale, celle de la région de
Québec, qui est évidemment affiliée à l'association
provinciale, compte environ 500 membres, tant compagnies,
sociétés et individus des mêmes catégories dont j'ai
parlé. Il ne faut pas confondre ces associations de constructeurs
d'habitations avec celles qui groupent les entrepreneurs
généraux.
Les membres de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations
et les autres signataires du mémoire possèdent ou administrent un
grand nombre de locaux d'habitations on peut dire plus de 6,000 dans la
seule région de Québec qui tomberaient sous le coup du
projet de loi du code des loyers.
Et on peut estimer à au moins $75 millions, dont la moitié
consacrée aux salaires, le coût annuel de la construction des
maisons et appartements dans la région de Québec.
Bien entendu, nous ne nous opposons pas à des lois ou des
règlements qui visent à protéger certaines
catégories de citoyens qui ont besoin de protection à cause de
leur degré d'instruction, leur situation sociale et financière ou
d'un handicap quelconque qui les exposent plus que d'autres dans les relations
contractuelles, plus particulièrement celles qui touchent les
nécessités de la vie. Mais ce que nous prétendons est que
la justice et la logique exigent qu'on traite également toutes les
industries et tous les commerces, et qu'on n'impose pas une
réglementation des prix à un seul secteur, les
nécessités de la vie.
Et un régime juridique d'exception, comme celui qu'on propose, ne
doit pas profiter indistinctement à ceux qui n'en ont aucun besoin, et
il s'en trouve, aussi bien â ceux qui sont démunis ou
économiquement faibles et qu'on veut protéger. D'après
nous, le projet de loi 59, le code des loyers, tient pour acquis que tous les
locataires sont à la merci de leur bailleur ou locateur et que ces
derniers ont toujours le beau rôle et peuvent se défendre tout
seuls et qu'ils doivent par conséquent faire tous les frais d'un
régime spécial au bénéfice de tous les locataires,
sans égard à la situation et aux moyens des locataires.
C'est pourquoi nous suggérons de restreindre
au moins la portée, l'application de cette loi projetée,
par exemple, de ne l'appliquer qu'aux baux dont le loyer ne dépasse pas
$150 par mois ou $1,800 par année.
Nous demandons à votre commission de songer plus
particulièrement aux répercussions possibles sur
l'économie de la province d'une mesure législative qui a pour
objet et qui aurait pour effet, en tout cas, de freiner le progrès d'une
industrie qui est aussi importante, d'une importance primordiale, que celle de
la construction domiciliaire.
Nous recommandons aussi, au lieu d'une loi distincte qui comporte une
réglementation assez minutieuse et complexe et qui institue de nouveaux
organismes administratifs et judiciaires, qu'on se contente d'ajouter au code
civil quelques articles, quelques dispositions qui permettraient aux tribunaux
de droit commun, aux tribunaux ordinaires, de déroger aux règles
ordinaires et aux règles de droit commun, qu'ils régissent les
relations entre locataires et locateurs comme on l'a fait en 1964 quand on a
ajouté au code la section intitulée "De l'équité
dans certains contrats" et composée seulement de cinq articles qui
touchent les sûretés réelles immobilières, les
obligations monétaires découlant de prêts d'argent, la
vente immobilière à réméré, à terme,
à tempérament ou sous condition et la possession d'un immeuble
avec promesse de vente ou option d'achat.
Nous croyons qu'on devrait aussi, si on ne l'a pas fait, se pencher sur
l'aspect constitutionnel de la création d'une juridiction des
commissaires de loyers et de tribunal des loyers à la lumière de
la décision récente de la cour Suprême, vu la situation
confuse et l'embarras dans lequel on se trouve déjà, par suite de
cette décision, au sujet de la compétence de la cour Provinciale
ou du pouvoir de nommer ou de rémunérer ces juges.
Est-ce qu'on a aussi suffisamment consulté l'Office de
révision du code civil qui a, on le sait, proposé un projet sur
le louage de choses? Est-ce qu'on a assez songé aux inconvénients
de toute législation en marge du code civil? On sait les guets-apens que
cela constitue pour les justiciables et les juristes que ces lois
spéciales en marge du code civil, du droit commun.
Je me permets aussi, en passant, de me reporter aux remarques du
ministre de la Justice, lors de la première séance de la
commission, où, si j'ai bien compris, il a invoqué comme une
raison de rendre permanente cette loi, ce régime d'exception, le besoin
de sécurité tout à fait légitime du personnel de la
Régie des loyers. Cela nous semble guère une raison valable de
perpétuer un régime d'exception qui devait être
transitoire.
Sous réserve de ces remarques et recommandations, voici les
recommandations que nous formulons en plus.
D'abord au sujet du titre du projet de loi, si on insiste pour adopter
ce projet de loi spécial en marge du code civil, il devrait au moins
s'appeler le code des baux et non pas le code des loyers, parce qu'il
déborde de beaucoup le domaine des loyers simplement.
A l'article 11 du projet, au sujet de l'application de la loi à
certains locaux d'habitation, selon nous, le local d'habitation ne devrait
tomber sous le coup de la loi qu'à la fin de la cinquième
année qui suit celle au cours de laquelle il est devenu habitable. Cela
devrait s'appliquer également à tous les locaux visés par
la loi, au lieu de restreindre cet ajournement de l'application de la loi aux
locaux devenus habitables après le 31 décembre 1971.
Au sujet des articles 14 et 15, nous demandons qu'on précise si
le terme: "loyer en vigueur" signifie seulement le loyer stipulé dans un
bail, à l'exclusion de celui qui est demandé ou mentionné
dans une offre ou une annonce, quand il n'y a pas de bail en vigueur.
A l'article 16, que le commissaire aux loyers n'ait pas le pouvoir de
fixer le loyer et la durée du bail d'un local qui n'est pas loué
au moment où il tombe sous le coup de la loi.
Au sujet de l'article 17, qu'on n'exige pas la déclaration du
loyer, et du reste, après chaque bail et après chaque
renouvellement, mais si on conserve cette exigence, nous suggérons qu'on
remplace les mots: "jugé nécessaire" par: "prescrit", et qu'on se
contente de la déclaration du bailleur ou du locataire, qu'on ne demande
pas la déclaration des deux.
Qu'on laisse les parties libres de convenir de toute augmentation du
loyer, même au-delà de 5 p.c. par année. A notre avis, on
devrait s'en remettre à la loi économique de l'offre et de la
demande à laquelle on s'en remet pour les prix des autres
nécessités de la vie. D'ailleurs, l'intérêt du
locataire exige qu'il puisse convenir librement, avec son bailleur, d'un loyer
qui permettra au bailleur d'entretenir et réparer convenablement le
local, d'effectuer les rénovations et de fournir les
aménagements, l'équipement et les services supplémentaires
ou spéciaux que le locataire peut désirer: stationnement,
ascenseur, gardien, piscine et autres. La loi devrait, tout au plus,
prévoir un recours au commissaire des loyers en cas de désaccord
sur une augmentation supérieure à 5 p.c. par année
proposée par le bailleur.
Au sujet de l'article 20, nous recommandons que la permission du
commissaire des loyers pour une augmentation supérieure à 5 p.c.
par année ne soit nécessaire qu'à défaut d'accord
entre le bailleur et le locataire, bien entendu, à proprement parler;
aucun recours ni aucune permission ne devraient être nécessaires
ou utiles à défaut d'accord, à moins que le bailleur ne
puisse obliger quelqu'un à louer son local, ce dont il n'est pas
question, pensons-nous. Cependant c'est, en somme, de l'inverse qu'il s'agit.
Toute personne désirant un bail ou un renouvellement sans augmentation
supérieure à 5 p.c. aurait un recours au commissaire pour
l'imposer au bailleur.
Nous recommandons aussi que le délai minimum qui doit
s'écouler entre la demande du bailleur au commissaire et la fin de son
bail soit
de 60 jours au lieu de 120 et qu'on supprime la formalité de la
déclaration sous serment, l'appui de la demande de majoration du
bailleur, la majoration du loyer. Le délai de 60 jours que nous
recommandons est celui qui est prévu à l'article 24 pour l'avis
de l'intention du locataire de ne pas prolonger le bail et pour l'avis du
locateur de son intention de ne pas prolonger le bail ou d'augmenter le loyer
de plus de 5 p.c. par année.
A l'article 21, qu'on remplace les mots: "Le commissaire peut maintenir
le loyer en vigueur ou le majorer", par les mots: "le commissaire dispose de la
demande de majoration". Nous croyons que le texte actuel de l'article 21 peut
être interprété comme permettant au commissaire, à
sa discrétion, de maintenir le loyer en vigueur peut-être sans
tenir compte des facteurs énumérés dans l'article. C'est
une clarification sur ce point-là.
Aux articles 22 et 23, nous demandons la substitution à ces deux
articles des dispositions suivant lesquelles les parties fixeraient d'un commun
accord le début du bail à la date de leur choix et le
propriétaire pourrait refuser un bail de moins d'un an. Qu'on s'en
remette à la convention des parties du code civil quant au
renouvellement du bail; si on conserve ces deux articles, qu'on précise
si l'article 22 s'applique à un bail qui se termine ou se terminerait
normalement avant le 30 avril 1973 et si l'article 23 s'applique seulement aux
baux que vise l'article 22.
Pour ce qui est de la date à laquelle chaque bail doit commencer
et se terminer, nous ne voyons aucun avantage à la fixation de la
même date pour tous les baux et pour tout le monde. Une autre date que le
30 juin peut fort bien être plus avantageuse pour le locataire selon les
circonstances du cas et l'expiration de tous les baux à la même
date est de nature à occasionner des embouteillages, des
difficultés, des inconvénients au commissaire des loyers, aux
compagnies de téléphone, à l'Hydro-Québec, aux
déménageurs, et autres, comme au locataire et au bailleur.
Je sais que vous avez entendu des interventions dans ce sens lors de la
première séance du 17 septembre.
A l'article 24, si on rejette notre recommandation de s'en tenir
à la convention des parties et au code civil, mais si on supprime la
prolongation automatique, (articles 22 et 23) nous demandons qu'on remplace
l'article 24 par une disposition prévoyant le renouvellement du bail
pour sa durée initiale en l'absence d'un avis d'une partie à
l'autre, donner 30 ou 60 jours avant l'expiration du terme ou d'un
renouvellement.
A l'article 25, sous réserve de notre recommandation, à
l'article 10, de permettre toute augmentation d'un commun accord, même
supérieure à 5 p,c, par année, nous demandons qu'on
accorde aux locataires un recours au commissaire pour la fixation du loyer
seulement si le bailleur exige une augmentation de plus de 5 p.c; que le
délai fixé par l'article 25 pour l'exercice de ce recours soit
décrété de rigueur et prévalant sur le bail et le
code civil. Il y a une disposition semblable ailleurs dans le projet.
A l'article 26, si on rejette notre suggestion de laisser le code civil
régir le renouvellement ou la prolongation du bail, nous
suggérons de laisser le code civil régir le renouvellement ou la
prolongation du bail, nous suggérons que le comnvssaire n'ait pas le
pouvoir de priver le locateur d'une majoration n'excédant pas 5 p.c. par
année; que la durée d'une prolongation accordée par le
commissaire ne puisse pas dépasser la durée initiale du bail,
enfin que la décision du commissaire, au besoin, ait un effet
rétroactif à l'expiration du bail.
Quant à l'article 27, nous demandons sa suppression mais,
à tout le moins, que le droit du locataire de faire réduire le
loyer par le commissaire (à cause d'une diminution des services en
comparaison de ceux qui étaient fournis en vertu du bail
précédent) ne soit pas conféré pour le bail en
cours, mais seulement pour son renouvellement ou un nouveau bail; que, en
contrepartie, on permette au locateur d'obtenir une majoration pour cause
d'augmentation des services; enfin, qu'on exige à l'appui de toute
demande un dépôt, qui pourrait être de $100 et qui serait
confiscable en cas d'insuccès et ce, pour prévenir les demandes
tracassiè-res ou abusives.
A l'article 28, nous recommandons que le locataire soit tenu, en
attendant la décision sur sa demande de prolongation, de payer une
augmentation de loyer qui n'excéderait pas 5 p.c. par année, si
le bailleur en exige une, ce qui n'est pas nécessairement le cas; que
l'immunité contre l'expulsion et contre une majoration du loyer en
attendant l'issue des procédures soit au moins refusée au
locataire dont le loyer est en souffrance et qu'on omette le deuxième
alinéa de cet article 28.
D'abord parce que le locateur, le bailleur devrait au moins avoir droit
à une majoration de 5 p.c, sans la permission du commissaire, et en
second lieu, comme nous le recommandons à l'article 26, la
décision du commissaire devrait prendre effet au début de la
prolongation, c'est-à-dire à l'expiration du bail dont le
locataire a demandé la prolongation.
Nous précisons que, quand nous revendiquons pour le bailleur le
droit à une augmentation qui ne dépasse pas 5 p.c. par
année, sans la permission du commissaire, nous ne songeons pas à
une augmentation au cours du bail ou pour son renouvellement si la convention
des parties l'interdit.
A l'expiration d'un bail qui ne prévoit pas son renouvellement
sans augmentation du loyer, il devrait être loisible au bailleur
d'essayer d'obtenir du même locataire ou d'un autre une majoration qui ne
dépasse pas 5 p.c. par année.
A l'article 30, nous voudrions qu'on étende l'application de
l'article au cas où le bailleur
désire loger, dans le local, soit son conjoint, soit une personne
dont il est le principal soutien même s'il ne s'agit pas d'un parent ou
d'un allié.
A l'article 36, qu'on permette au bailleur d'obliger son locataire
à lui payer une indemnité de $10 pour chaque versement de loyer
en retard et chaque chèque sans provision et qu'on lui permette
également d'obtenir l'éviction du locataire quand le nombre des
occupants du local dépasse celui convenu.
A l'article 38, une correction s'impose. Il faudrait remplacer le mot
"évacuation" par "éviction" dans la quatrième ligne du
texte français.
A l'article 39, nous demandons la suppression de l'article. Il
paraît injustifiable puisqu'il pourrait entraîner
l'évacuation même subite et simultanée de tous les locaux
d'habitation d'un bailleur sans égard à ses baux en cours et cela
au profit d'un concurrent exploitant un immeuble à loyer modique.
A l'article 40, nous recommandons la suppression du recours au
commissaire ou qu'au moins la demande ne soit pas recevable sans un
dépôt, de $100 peut-être, confiscable au cas
d'insuccès, comme nous l'avons recommandé à l'article 27.
Et l'on demande que soit clarifié le texte anglais du dernier
alinéa. Les mots "Reestablishment of the reduce to rent" pourraient
créer des ambiguïtés.
On pourrait peut-être dire: Reestablishment of the rent that had
been reduced. A l'article 47, nous nous opposons à la centralisation,
à Montréal, de l'administration du tribunal des loyers en y
situant son unique greffe. Nous trouvons que c'est injuste envers les
administrés et justiciables du reste du Québec.
A l'article 57...
M. CHOQUETTE: Et quel endroit suggérez-vous, M. Stein?
M. STEIN: II pourrait y en avoir un peu partout; à Québec,
Trois-Rivières, Sherbrooke, enfin à travers la province,
Rimouski, Chicoutimi... Je ne peux pas nommer tous les endroits, mais un peu
partout dans les districts soi-disant ruraux, en province aussi bien
qu'à Montréal.
A l'article 57, que le tribunal des loyers soit tenu de rendre sa
décision non pas simplement avec toute la diligence possible, ce qui est
assez vague, mais dans les 90 jours qui suivent l'institution de l'appel. A
l'article 59, si on se propose d'imposer des droits, des honoraires, des frais
de greffes ou autres ou de permettre au commissaire ou au tribunal des loyers
de faire assumer une partie des frais de l'autre, il faudrait qu'on y pourvoie
dans la loi, au moins en permettant expressément que les règles
de procédure et de pratique statuent sur le sujet.
A l'article 64, nous demandons qu'on interdise la négociation des
chèques ou autres effets postdatés remis par un locataire
à son bailleur en paiement du loyer plutôt que d'interdire au
bailleur d'imposer ce mode de paiement, plutôt que d'interdire au
bailleur d'exiger des chèques postdatés de son locataire.
L'interdiction de négocier les chèques devrait
probablement comporter seulement une sanction pénale et rester à
l'écart du droit commercial et des lettres de change, pour éviter
l'objection de droit constitutionnel. Si on maintenait l'interdiction actuelle
du premier alinéa, il y aurait lieu d'y soustraire les chèques
qui ne sont pas négociables.
A l'article 65, nous demandons qu'on permette au locateur d'exiger le
paiement anticipé d'au plus trois mois de loyer et, dans le cas d'un
local meublé, un dépôt qui pourrait être de $100 en
garantie du soin des meubles. A l'article 69, qu'on soustraie
expressément le paiement par une caution ou un garant à
l'interdiction qui est faite de stipuler paiement du loyer par un autre que le
locataire.
A l'article 73, que l'insolvabilité du locataire, l'absence ou
l'insuffisance de garanties soit une cause licite de refus de louer de la part
du bailleur. Cela aussi, il en a été question lors de la
première séance. A l'article 74, qu'on spécifie que les
dimensions du logement peuvent légitimer le refus de louer à un
locataire qui a des enfants.
Enfin, à l'article 77, une simple clarification; on devrait
préciser qu'il s'agit seulement des poursuites pénales dans cet
article.
Alors, M. le Président, mes clients et moi sommes à votre
disposition pour répondre à vos questions, fournir des
précisions s'il y a lieu, des renseignements.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je n'ai rien à dire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. Stein, je dois d'abord vous féliciter pour la
qualité de votre mémoire.
M. STEIN: Merci.
M. PAUL: Non, je dis cela sans flagornerie.
M. HARDY: Parce qu'il le doit.
M. PAUL: Non, justement, c'est parce que je constate que le
député de Terrebonne ne l'a pas lu.
M. HARDY: Je l'ai lu et relu.
M. PAUL: Le plus grave, c'est qu'il ne l'a pas compris.
M. HARDY: De toute façon, on en discutera.
M. PAUL: De toute façon...
M. BOSSE: Les roses avant le pot.
M. PAUL: ... je suis content de constater, M. le Président, qu'il
y a des morts qui parlent ce matin.
M. BOSSE: Pas de morts, des vivants tout le temps.
M. PAUL: Alors, M. Stein, laissant de côté toutes nos
flèches amicales, je dois vous dire qu'il y a deux choses cependant qui,
à prime abord, me surprennent grandement. Je veux me
référer à l'article 36 et à l'article 65. C'est
cette pénalité que vous recommandez au législateur
d'imposer lorsqu'un locataire donnerait un chèque sans provision ou
qu'il ne respecterait pas ses engagements ou paierait son loyer en retard. Il
ne faut pas oublier que beaucoup de locataires sont des gens extrêmement
honnêtes et, par suite d'événements imprévus tels
que la maladie ou l'habillement, ils sont parfois dans l'impossibilité
d'honorer à la date fixée un chèque qu'ils auraient pu
remettre à leur locateur, et les pénaliser davantage d'un montant
de $10, cela me saute aux yeux. Pour quelle raison préconisez-vous une
telle mesure de la part du législateur à l'endroit de locataires
qui, de bonne foi, ne peuvent peut-être pas toujours remplir à la
date leurs obligations?
M. HENRY: Voici, je représente entre autres un de ceux qui ont
signé le mémoire, Couillard Entreprises, et il est au courant de
ce que c'est que recevoir une série de chèques sans provision
chaque mois, ce qui amène un paquet de complications pour le locateur.
Alors, on s'est dit: Si on suggère une telle mesure, cela nous
évitera pour l'avenir d'avoir à faire face à ces
inconvénients mensuels.
M.PAUL: Vous prétendez, par exemple, qu'un chèque de $110
qui ne pourrait pas être honoré sur présentation, le serait
s'il était de $120.
M. HENRY: II le serait évidemment.
M. PAUL: Evidemment. En vertu de quoi l'évidence est-elle si
claire?
M. HENRY: J'ai mal compris la question.
M. PAUL: En vertu de quoi l'évidence est-elle si claire? Vous
dites que vous êtes pris avec une série de chèques
postdatés dont il vous est impossible de recouvrer le paiement ou le
montant sur présentation. Votre solution à ce
remède-là, c'est de leur imposer une charge additionnelle de $10
et, du même coup, vous dites que ce serait plus facile de
récupérer une somme additionnelle de $10 que le montant initial
du chèque?
M. HENRY: J'ai mal compris votre question, mais ce que je veux dire,
c'est que notre demande est à l'effet d'inciter le locataire à
bien nous payer. Ce que nous ne voulons pas, c'est de faire face au
problème que nous avons mensuellement, de recevoir des chèques
sans provision. On pense que si on impose une amende de $10 à celui qui
fait un chèque sans provision, cela l'incitera davantage à payer
son loyer à temps.
M. PAUL: Une amende ou une pénalité? M. HENRY: Une
pénalité.
M. CHOQUETTE: Mais si vous ne voulez pas recevoir des chèques
sans provision, monsieur, demandez d'être payé en argent
comptant.
M. HENRY: Quand on pense qu'on a 5,000 ou 6,000 logements, à un
moment donné, faire la cueillette des loyers tous les mois, cela devient
un problème, auquel s'accroche aussi la demande des séries de
chèques postdatés pour le paiement du loyer.
M. PAUL: Mais est-ce que vous y tenez beaucoup à cette
clause-là?
M. HENRY: Non, on le suggère.
M. PAUL: Vous le suggérez. Un peu timidement.
M. HENRY: Timidement, en effet.
M. PAUL: Une autre objection que je verrais de prime abord dans le
mémoire, c'est cette imposition à un locataire de fournir un
dépôt de $100 pour garantir le soin des meubles d'un local
d'habitation. Est-ce que vous réalisez toutes les implications et les
charges que vous imposeriez à un père de famille, par exemple,
qui gagne un salaire qui ne subvient même pas à tous les besoins
impératifs de la vie si vous obligiez ce locataire, avant d'occuper un
logement, à faire un dépôt de $100?
M. HENRY: Evidemment, nous pensons encore du côté des
locateurs; c'est pour protéger nos clients. Nous nous disons, un moment
donné, qu'il arrive souvent que lorsqu'un locataire quitte le logement,
les meubles nous sont remis dans un état tel qu'il faut pratiquement les
remplacer. Alors, on se dit: Si on exige du locataire un dépôt de
$100, il verra sûrement à l'entretien des meubles et il y
apportera un soin plus particulier.
M. PAUL: Qui déciderait de l'adjudication de cette somme de $100?
Est-ce que c'est le locateur qui, à la suite de son jugement ou de la
constatation de l'état des meubles, déciderait de garder les
$100, en dédommagement?
M. HENRY: Je n'ai pas étudié cet aspect. Je ne sais pas si
mon confrère, Me Stein...
M. STEIN: II pourrait y avoir un recours au commissaire; il n'y a pas
d'objection à cela. Quant aux modalités...
M. PAUL: Alors, ce serait le commissaire qui déciderait du
bien-fondé ou non de la réclamation de la part du locateur.
Alors, je laisse la parole à mon bon ami, le député de
Terrebonne.
M. HARDY: J'aurais seulement une courte observation sans me prononcer
d'une façon ou de l'autre sur cette suggestion du dépôt de
$100. Puis-je faire remarquer qu'une compagnie ou une entreprise qui n'est pas
de la nature des entreprises capitalistes, une entreprise d'Etat qui s'appelle
l'Hydro-Québec exige, dans bien des cas, un dépôt à
l'avance pour garantir le paiement des comptes d'électricité?
M. PAUL: C'est $25 ou $35.
M. HARDY: Dans certains cas, c'est davantage.
M. PAUL: Pour un cas commercial, non privé.
M.HARDY: Non, privé. Je m'excuse. Je regrette, mais j'ai des noms
de personnes qui sont venues me voir, se plaignant, évidemment, de cette
situation. Des individus privés, en particulier des assistés
sociaux qui sont obligés de déposer jusqu'à $50
d'avance.
M. PAUL: Mais, je pense bien...
M. HARDY: Je souligne bien que je ne me prononce ni sur l'attitude de
l'Hydro-Québec ni sur la recommandation; je donne simplement
cette...
M. PAUL: Est-ce que mon honorable ami me permet une question? Est-ce
que, dans le cas d'un dépôt de la part de l'Hydro-Québec,
ce n'est pas dans le but de recouvrer le paiement de la consommation de
l'électricité?
M. BACON: C'est cela.
M.PAUL: Tandis qu'eux, le dépôt qu'ils demandent, c'est
pour éviter la détérioration des meubles.
M. HARDY: Ou pour recouvrer le paiement de meubles brisés.
M. PAUL: Oui. Mais, en aucun temps il n'est question ici de recouvrement
du coût du loyer. Le principe et je comprends qu'il est reconnu
par l'Hydro-Québec est-ce que l'on doit l'appliquer et accorder
ce pouvoir à tous les locataires ou locateurs au Québec? Je
m'interroge.
M. CHOQUETTE: Vous faites bien de vous interroger, parce que cela n'a
pas de bon sens.
M. PAUL: Je ne vais pas si vite que cela.
M. CHOQUETTE: C'est clair comme de l'eau de roche. Ce sont des
suggestions qui n'ont ni queue ni tête.
M. PAUL: Cela va pour la tête, mais pour la queue... C'est tout,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: J'aurais une brève question pour Me Stein relativement
à la disposition que vous avez incluse à l'article 73: "Que
l'insolvabilité du locataire ou l'absence ou l'insuffisance de garanties
soit une cause licite de refus de louer de la part du bailleur." Est-ce que
vous pourriez clarifier votre position à ce sujet, principalement dans
le cas des assistés sociaux?
M. STEIN: C'est justement parce que le texte actuel, plus
particulièrement le terme "situation sociale", pourrait peut-être
être interprété comme interdisant au bailleur de refuser de
louer à quelqu'un qui n'a pas de garantie suffisante à offrir
pour le paiement du loyer.
M. CHOQUETTE: Si vous me permettez. Je ne voudrais quand même pas
avoir l'air plus méchant que je ne le suis et je ne dis pas que toutes
vos suggestions sont mauvaises. Au contraire, nous les avons notées en
rapport avec chacun des articles et elles sont considérées
à leur mérite. Ce n'était sûrement pas un
commentaire général sur vos observations, que j'ai
trouvées objectives dans l'ensemble. Mais pour ce qui est de cette
proposition d'un dépôt pour garantir des meubles dans des
meublés, cela me semble clair et évident que c'est une affaire
que le législateur ne fera pas. D est préférable de ne pas
en discuter parce que pour moi, c'est le genre de mesure qui sent le
capitalisme à plein nez dans le sens le plus rétrograde. Je suis
pour le régime capitaliste mais je suis pour un régime
capitaliste libéral et social. Je ne suis pas pour des mesures qui
sentent l'oppression par les possédants contre les gens qui sont dans
des situations sociales moins avantageuses. D'où ma sortie.
M. PAUL: II faut peut-être comprendre aussi la position de ceux
qui ont préparé le mémoire. Peut-être ont-ils eu,
à un certain moment, l'impression que le projet de loi 59 sentait le
socialisme assez avancé. Il s'agirait peut-être de maintenir un
équilibre entre les deux philosophies.
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: Sans me déculpabiliser, je vais continuer ma question.
Est-ce qu'à ce moment, dans votre esprit, il n'y aurait pas lieu
d'introduire, au niveau du mécanisme de la loi, des dispositions
relatives aux assistés sociaux? Parce qu'au point de vue juridique, ils
peuvent être considérés comme des personnes ne pouvant
fournir des garanties suffisantes. On peut prévoir que, dans les
années à venir, le bien-être social sera une de nos
principales industries au Québec, alors il faudrait peut-être le
prévoir.
M. HARDY: Vous ne prendrez pas le pouvoir si vite que cela.
M. BROCHU: On vous laisse aller dans ce sens.
M. STEIN: Si l'Etat garantit le loyer, on répondra à
l'exigence de cette façon.
M. BROCHU: Donc, cela sera à M. Caston-guay de donner la
réponse. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, votre recommandation à
l'article 11 me préoccupe beaucoup, quand vous dites qu'un local
d'habitation ne devrait tomber sous le coup de la loi qu'après la
cinquième année où il est devenu habitable. A
première vue, si l'Assemblée nationale acceptait votre
amendement, cela serait une incitation dans l'escalade des loyers durant cette
période pour qu' on réussisse à se bâtir un loyer
suffisamment élevé pour que, lorsque le loyer tombera sous le
coup de la loi, les pourcentages pourront s'appliquer sur une base qui est de
plus en plus élevée. Est-ce que vous avez quelque chose à
dire sur mon inquiétude face à votre texte?
M. STEIN: Je pense que je vais laisser la parole à M. Couillard,
en plus d'attirer votre attention sur notre mémoire où nous
expliquons qu'il s'écoule toujours un certain temps avant qu'on puisse
compléter l'aménagement paysager d'une propriété,
d'un immeuble d'habitation, d'une maison, en déceler et corriger les
défauts et en déterminer la rentabilité. Tout cela prend
du temps.
M. COUILLARD : Les premières années de construction d'une
propriété, à cause de la concurrence de nos
compétiteurs qui sont ici, on loue toujours moins cher. Depuis une
dizaine d'années, on sait qu'une bâtisse est rentable à peu
près quatre ou cinq ans après sa construction. Actuellement, les
loyers à Québec sont tous à peu près de $25 trop
bon marché dans nos propriétés. Quand nous faisons nos
chiffres de rentabilité, cela ne va pas, excepté pour les
vieilles propriétés.
J'ai ici des chiffres qui viennent de Statistique Canada.
M. CHOQUETTE : Quels sont vos critères pour apprécier la
rentabilité?
M. COUILLARD : Les dix chiffres qui existent dans la
comptabilité, M. Choquette. Tout simplement.
M. CHOQUETTE: Mais qu'appelez-vous un revenu normal?
M. COUILLARD: Uniquement sur notre investissement, qui peut être
de 10 p.c. par exemple, d'une bâtisse d'un million de dollars,
normalement; nous devons alors investir $100,000. Alors, sur les $100,000, il
est censé nous rester $10,000. Mais comme les intérêts sont
rendus à 91/2 p.c, 9 3/4 p.c, 10, 10 1/2 p.c, la rentabilité sur
$100,000 n'existe plus. C'est la première hypothèque qui mange
tout, à cause du taux d'intérêt et des taxes qui ont
doublé et triplé par ailleurs.
M. CHOQUETTE: Oui, mais vos 10 p.c. comprennent les remboursements de
capital?
M. COUILLARD: Les 10 p.c. sont notre rendement sur notre
investissement.
M. CHOQUETTE: Ils comprennent les remboursements de votre
première hypothèque ou de votre valeur d'achat.
M. COUILLARD: Oui, il faut que les loyers puissent payer ces
remboursements avec les taxes, etc.
M. GAGNON: Surplus net.
M. CHOQUETTE: Vous voulez 10 p.c. en plus de ce que vous
capitalisez?
M. COUILLARD: C'est ce que tous ceux qui possèdent des
propriétés calculent actuellement.
M. CHOQUETTE: Je commence à comprendre qu'on ait besoin de cette
loi-ci, moi.
M. COUILLARD: Personne ne les a.
M. CHOQUETTE: Vous voulez rembourser du capital à un taux en
somme qui est assez important parce qu'on sait que les compagnies
prêteuses exigent certains remboursements de capital, elles exigent,
enfin, certains remboursements. Vous voulez faire du remboursement de capital
et, en plus, avoir un rendement de 10 p.c?
M. COUILLARD: M. le ministre, sur un prêt de 35 ans ou de 40 ans,
50 ans, comme on a actuellement, au bout de 20 ans, il n'y a même
pas le dixième du prêt de remboursé. Il n'y en a pas
de capital. Ne pensons pas à cela, il n'y en a pas.
M. CHOQUETTE: On peut dire que la moyenne des prêts
hypothécaires s'échelonne sur 20 et 25 ans.
M. COUILLARD: C'est 35, actuellement.
M. CHOQUETTE: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a peut-être une
évolution actuellement, dans le sens que les prêts sont à
plus long terme. Mais jusqu'à une époque assez récente,
les compagnies prêteuses prêtaient pour 20 et 25 ans.
M. COUILLARD: Oui.
M. CHOQUETTE: Bon, alors, d'après vous, si vous remboursez un
prêt hypothécaire sur une période de 20 ans ou 25 ans, en
plus, vous voulez 10 p.c?
M. COUILLARD: Ce n'est pas moi, ce sont les investisseurs qui depuis
toujours les ont demandés. Actuellement, personne ne les obtient. Il n'y
a rien. Il n'y a plus de rentabilité dans les bâtisses depuis
trois ou quatre ans. J'ai des chiffres, ici, que j'ai préparés,
et je peux vous les laisser pour étude.
M. BACON: Pourquoi en bâtit-on autant alors?
M. CHOQUETTE: Prenons le cas, par exemple, d'une bâtisse de $1
million sur laquelle vous avez mis 10 p.c. comptant, c'est-à-dire
$100,000. Vous avez une hypothèque de $900,000. Cette hypothèque
de $900,000, supposons qu'elle soit remboursable en 25 ou 30 ans
d'ailleurs, elle ne sera pas remboursée en 25 ou 30 ans, il y en restera
peut-être un résidu à refinancer à la fin
vous voulez, vous, avoir d'abord $10,000 sur le montant de $100,000 que vous
investissez plus les remboursements de capital.
M. COUILLARD: Je veux avoir le même intérêt que les
compagnies prêteuses.
M. CHOQUETTE: Mais c'est bien plus, parce que vous allez faire... Au
taux que vous indiquez, cela fait des rendements de 20 p.c.
M. COUILLARD: Non. Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai inventé cette
formule, elle existe. Vous pouvez demander aux compagnies prêteuses.
M. BACON: Vous avez raison.
M. COUILLARD: Si vous regardez actuellement... J'ai fait des chiffres
ici, auxquels vous pouvez vous fier. Quand on investissait, en 1962, $100,000,
on payait 6 p.c. d'intérêt. Aujourd'hui, le coût de la
construction a augmenté de 86 p.c. Il faut investir $186,000 à 9
p.c. Seulement cela augmente les dépenses de 176 p.c. Même si vous
ne le vouliez pas, c'est un fait.
M. CHOQUETTE: Non, non. Cela, je le comprends.
M. COUILLARD: Alors, qu'est-ce que ça fait? Cela baisse la
rentabilité de l'investisseur en arrière à zéro et
en bas de zéro. C'est pour cela qu'on dit que les loyers ne sont pas
assez chers, actuellement.
M. CHOQUETTE: Bien, je pense qu'ils sont pas mal chers dans la ville de
Québec. Ils sont plus chers qu'à Montréal.
M. COUILLARD: Est-ce que vous avez une idée, à peu
près, de combien les salaires de la construction ont augmenté
depuis les onze dernières années? De 135 p.c.
M. BACON: Ils n'ont pas été plus élevés ici,
à Québec, qu'ailleurs.
M. COUILLARD: C'est la même chose partout.
M. BACON: Bon, alors votre loyer est plus élevé quand
même. Faites le moindrement d'enquêtes, votre loyer est plus
élevé à Québec qu'ailleurs.
M. COUILLARD : Non, je ne le crois pas.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Je voulais vous demander ceci, quand vous avez
expliqué tout à l'heure votre mémoire, vous avez
suggéré que là où les parties conviendraient
d'avoir une augmentation supérieure à 5 p. c, de laisser aller la
loi de l'offre et de la demande,
Dans l'exposé des chiffres que votre voisin de droite vient de
nous offrir, vous semblez démontrer que la loi de l'offre et de la
demande joue actuellement en défaveur de l'investisseur. Puisque vous
jugez que les loyers ne sont pas assez élevés, vous demandez une
protection plus grande. Seriez-vous prêt, dans les mêmes
statistiques que vous nous offrez, à nous donner les états
financiers et les revenus de chacun des témoins qui sont ici, à
les déposer aussi à l'Assemblée nationale?
M. COUILLARD: Pour donner un exemple, je ne cacherai pas mes chiffres,
pour l'immeuble des Seigneurs, les édifices blancs, dans le rond-point,
où sont mes bureaux, actuellement, je mets $18,000 qui viennent
d'ailleurs, pour l'administrer. Venez voir mes chiffres, ils sont
ouverts à tous. Ce sont des logements de trois chambres
loués $245 par mois et il manque $18,000 à la fin de
l'année pour administrer la bâtisse.
M. BACON: Oui, mais vous capitalisez en plus.
M. COUILLARD: Je comprends qu'on capitalise sur 35 ans. Mais il en
manque quand même. Celui qui veut se bâtir un édifice
aujourd'hui, s'il faut que, pour capitaliser, il gagne de l'argent à
côté, il ne sera pas capable d'arriver.
M. CHARRON: Moi, je ne comprends plus. Si la loi de l'offre et de la
demande joue, comme on nous l'a dit la semaine dernière, dans mon
comté en tout cas, pour l'avoir vu, contre les locataires et que, ce
matin, vous venez me dire que la loi de l'offre et de la demande joue contre
les investisseurs, bon Dieu, pourquoi dure-t-elle, cette loi-là?
Pourquoi existe-t-elle si tout le monde y est perdant en fin de compte?
M. COUILLARD: Si vous étiez au courant de ce qui se passe dans la
construction, vous sauriez pourquoi?
M. CHARRON: Je suis au courant de ce qui se passe dans la
construction.
M. COUILLARD: Pourquoi y a-t-il 99 p.c. des constructeurs, sur une
période de 30 ans, qui faillissent? Parce qu'ils ne savent pas
administrer. Pendant qu'ils ne savent pas administrer, ils louent à
meilleur marché que nous, et nous sommes obligés de les suivre et
nous perdons. Et eux, ils perdent et, au bout de trois ans, ils font
faillite.
M. CHARRON: Pendant que vous ne savez pas administrer...
M. COUILLARD: C'est ce qui est arrivé.
M. BACON: Vous n'avez pas tort là-dessus.
M. CHARRON: Pendant que vous ne savez pas administrer et que vous
capitalisez à peu près sur chacun des points où vous
pouvez le faire en tenant des positions qui sont à la fine pointe de
l'arrière-garde, comme plusieurs le sont dans votre document ce matin,
ce sont les locataires qui payent pendant ce temps-là, pendant que vous
ne savez pas diriger vos affaires. Vous vous reprenez. Puisque vous ne voulez
pas toucher au capital et que vous capitalisez toujours, même sur une
période de 35 ans, parce qu'il y a toujours l'espoir de faire un profit
et un gain quelque part, ce sont les locataires qui payent pendant ce
temps-là.
M. COUILLARD: Quand je dis qu'on ne sait pas administrer, c'est l'autre
compétiteur qui ne sait pas administrer. Et lui, pendant ce
temps-là, il loue meilleur marché. Nous, nous sommes
obligés de baisser nos loyers pour soutenir la concurrence. Lui, au bout
de trois ans, il n'arrive pas et il déclare faillite.
M. CHARRON: Mais, finalement, qui paye la note de la concurrence? Est-ce
que vous vous financez vous-même?
M. COUILLARD: Ce sont les fournisseurs de matériaux et les
sous-entrepreneurs.
M. CHARRON: Dans votre recherche de profit, je suis bien d'accord
puisque vous cherchez le profit, vous concurrencez les autres, mais qui paye
finalement? Vous admettez vous-même que la conséquence ultime de
votre concurrence et de votre recherche de profit et de votre maudite loi de
l'offre et de la demande, c'est d'aboutir à une hausse de loyers. Et
vous jugez qu'ils sont encore même trop bas aujourd'hui.
M. COUILLARD: Oui.
M. CHARRON: Alors qu'il y a à peine une semaine, il y avait des
témoins d'une autre catégorie de population, la majorité
celle-là d'ailleurs, je vous l'apprendrai, qui est venue dire ici que
c'était déjà assez élevé, au point qu'ils
demandent une protection et vous jugez même insuffisant ce que le
ministre de la Justice offre.
M. COUILLARD: Ils sont venus dire ça avec quels chiffres à
l'appui?
M. CHARRON: Avec le chiffre du coût de la vie et le chiffre de ce
qu'ils font.
M. COUILLARD: Le chiffre du coût de la vie à 3 p.c. par
année, il ne peut pas s'appliquer dans ça. Parce que ça
augmenté de 8.6 p.c. depuis huit ans.
M. CHARRON: Ecoutez. Même dans des logements qui sont
propriété publique, comme les habitations Jeanne-Mance dans
Saint-Jacques, chez nous, le taux de loyer, pour des assistés sociaux ou
pour des gens à faible revenu qui travaillent, est calculé
à au moins 25 p.c. du salaire brut. Quand vous enlevez tout ce qui
reste, ça fait 30 p.c. ou 35 p.c. du salaire net. Une personne
actuellement, à n'importe laquelle échelle du Conseil
économique du Canada, par exemple, sur l'état de la
pauvreté, va vous dire que c'est une norme inacceptable. Il y a pourtant
40 p.c. de Montréalais qui vivent dans cette situation-là. Ne
venez pas me dire que l'offre et la demande jouent aussi en leur faveur et que
c'est vous les perdants dans cette affaire-là.
M. COUILLARD: Regardez, j'ai encore les
chiffres ici, En 1964, les logements que je louais $75, des studios, une
chambre, $90; deux chambres, $125; trois chambres, $145, sont montés
à $95, $120, $175 et $195. Cela fait une augmentation de 3.7 p.c...
M. CHARRON: Ils sont tous loués?
M. COUILLARD : Oui. Cela fait une augmentation de 3.7 p.c.
M. CHARRON: Les locataires n'ont pas le choix.
M. COUILLARD: Ecoutez, M. le député, 3.7 p.c. par
année, et les coûts de la construction sont montés à
6.8 p.c. en même temps.
M. CHOQUETTE: Si vous me permettez de m'intégrer dans cette
discussion intéressante entre le député de Saint-Jacques
et le témoin à la barre, j'ai l'impression que vous ne parlez pas
tout à fait des mêmes catégories de logements. J'ai
l'impression que vous, monsieur, vous êtes un constructeur et que vous
avez beaucoup de logements neufs. Tandis que, dans le comté de
Saint-Jacques, le comté du député, ce sont plutôt
des logements très anciens et c'est un des endroits où il y a
réellement crise et où les familles ont de la difficulté
à se loger.
Il y a de plus en plus de démolitions de ces anciens logements
assez grands, mais qui sont devenus vétustes par le temps. Je ne crois
pas que vous parliez tout à fait de la même chose.
M. CHARRON: J'admets la remarque du ministre de la Justice, mais je veux
quand même dire qu'advenant le jour où l'on démolirait les
taudis qu'il y a chez nous et où on remettrait aux mains de ces
investisseurs la construction d'habitations nouvelles, le problème va se
présenter chez nous. Avant que cela n'arrive, j'aime autant leur dire
tout de suite ce que je vais penser de ce qu'ils vont faire chez nous. Parce
qu'il y a déjà un capitaliste de basse zone, comme Marc
Carrière, qui a construit chez nous des habitations à loyer
modique, mais essayez de voir si c'est la population qui a été
délogée qui réintègre les logements. Pour les
mêmes maudites raisons que celles que vous venez de me donner:
compétition, lois de l'offre et de la demande, les intérêts
sont trop forts, vous êtes saignés à blanc partout! Les
gens qui ont été délogés ne peuvent pas retourner
dans les habitations comme celles que vous venez de me nommer à $95,
$120 et $125 par mois.
M. COUILLARD: Pouvez-vous me répondre? Qu'est-ce que vous
entendez par des logements à coût modique? Les HLM que les villes
font?
M. CHARRON: Non, non. Ils sont censés être construits avec
l'aide de la Société d'habitation du Québec et de la
Société centrale d'hypothèques et de logement.
M. COUILLARD: Les logements à prix modique?
M. CHARRON: Oui, et il n'y a pas un assisté social qui soit
capable de rester dedans.
M. COUILLARD: Des logements comme les miens que j'achetais à'
$13,000 et qui nous coûtent $21,000... vous appelez cela des logements
à prix modique?
M. CHARRON: Pardon?
M. COUILLARD: Les mêmes logements que vous faites à $21,000
me coûtent $13,000. Des pareils, même mieux finis. Vous appelez
cela des logements à prix modique? Il y a quelqu'un qui paie
derrière, ce sont les impôts des contribuables. Tout simplement.
C'est bien beau de contribuer. Ce sont les impôts, derrière. Les
logements que vous avez construits à Québec, à Place
Bardy, sont des logements qu'il faudrait louer environ $350 par mois, et vous
les louez $45. Où est la rentabilité? Ce sont les impôts.
On ne peut pas discuter sur le même plancher.
M. CHARRON: Non, non. Ne parlez pas de ce qui est à...
M. CHOQUETTE: Pardon, monsieur. Je voulais simplement introduire la note
suivante dans la discussion. Les propriétaires immobiliers ont un autre
avantage qui leur est offert par le législateur, en plus des profits
qu'ils retirent. C'est la dépréciation sur l'immeuble qu'ils
peuvent imputer au revenu. Par conséquent, c'est pour cela qu'il y a des
propriétaires immobiliers qui ne paient pas d'impôt, pour ainsi
dire.
M. COUILLARD: Sur ce, M. le ministre, je vais vous faire remarquer une
chose.
M. CHOQUETTE: II y a une récupération.
M. COUILLARD: Vous avez ouvert une porte. Je vais répondre
à cela dans un sens.
M. CHOQUETTE: C'était peut-être encore plus vrai
auparavant, que cela ne l'est actuellement, depuis les mesures adoptées
par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
M. COUILLARD: Depuis le 1er janvier 1972, un professionnel n'a pas le
droit de déprécier son salaire contre sa propriété.
Mais pourquoi les prix des logements ne sont-ils pas assez hauts? Je vais vous
dire pourquoi immédiatement. Je répondrai à votre
affirmation. Depuis six ou sept ans, j'ai vendu des quantités de
propriétés à des professionnels qui achetaient sans tenir
compte de la rentabilité. Ils achetaient pour déprécier
leur salaire. Leurs logements étaient loués peut-être $25
meilleur
marché, mais ils s'en balançaient, parce qu'ils
épargnaient $75,000 d'impôt de l'autre côté. Il ne
faut pas prendre cela comme mesure pour juger le prix des loyers. Aujourd'hui,
ils se réveillent. Ils sont obligés d'augmenter les loyers de
$30, sans cela, ils vont perdre leurs bâtisses. C'est la
dépréciation qui leur a permis de les acheter; maintenant, ils
n'ont plus le droit de les déprécier. Ils ont la
réalité dans la figure. Leur comptable leur dit: II te manque $30
par année pour arriver. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont eux.
Questionnez les professionnels, les médecins et les ingénieurs
qui ont acheté des propriétés il y a cinq ou six ans.
M. CHOQUETTE: II ne faudrait quand même pas exagérer. Celui
qui a acheté un immeuble doit s'attendre à y mettre un peu
d'argent comptant.
M. COUILLARD: Ils en ont mis.
M. CHOQUETTE: Je veux dire que si quelqu'un veut acheter un immeuble
avec trois hypothèques, je suis d'accord que cela peut être non
rentable avec des logements loués à des taux normaux, mais si
quelqu'un se contente d'une première hypothèque ou d'un restant
de prix de vente à des taux d'intérêt relativement
convenables on sait que sur les restes de prix de vente, en
général, le taux d'intérêt est assez convenable par
rapport au taux courant il n'y a pas de raison qu'un immeuble ne soit
pas rentable, même avec des loyers qui ne sont pas excessifs. C'est pour
cela que j'ai beaucoup de difficultés à me convaincre de la
véracité de votre affirmation, savoir que ces professionnels
seraient obligés d'augmenter des loyers de $30 pour rendre les immeubles
rentables. Je ne crois pas à cela.
M. COUILLARD: Cela existe.
M. CHOQUETTE: Avec quelle sorte de financement, monsieur, pour qu'ils
soient dans cette situation? D'abord, ce sont essentiellement des immeubles
assez récents.
M. COUILLARD: Ce sont des immeubles de cinq ou six ans.
M. CHOQUETTE : C'est cela. Deuxièmement, quelle sorte de
financement y a-t-il sur ces immeubles? Combien d'hypothèques?
M. COUILLARD: La première hypothèque à 75 p.c.
probablement. Une deuxième de 10 p.c. de la première, ce qui fait
82 p.c.
M. CHOQUETTE: La deuxième, c'est un reste de prix de vente.
M. COUILLARD: Non, non. C'est avec une compagnie prêteuse.
M. CHOQUETTE : Oui, mais avec des taux de 14 p.c?
M. COUILLARD: De 10 p.c. ou 11 p.c.
Cela ne change pas grand chose; pour la deuxième, ce n'est que 10
p.c. de la première. Il n'y a pas de rentabilité dans ces
propriétés actuellement. Il n'y en n'avait pas avant non plus,
mais l'acheteur...
M. CHOQUETTE: Combien de comptant recevez-vous sur ça?
M. COUILLARD: Disons que cela représentait à peu
près $2,000, $2,200 par logement.
M. CHOQUETTE: Combien de comptant? M. COUILLARD: Par logement,
$2,200.
M. CHOQUETTE: Oui, mais sur combien de logements?
M. COUILLARD: Si c'est une maison de 18 logements, ça prend
$40,000 à peu près.
M. CHOQUETTE: Qui s'était vendue $200,000?
M. COUILLARD: Dans ce temps-là, à peu près
$180,000, $185,000, $190,000.
M. CHOQUETTE: Ecoutez, monsieur, n'importe qui sait que ça se
finance très bien ça.
M. COUILLARD: Oui, c'est évident.
M. CHOQUETTE: Si, à $40,000 sur un immeuble que vous avez
acheté $180,000...
M. COUILLARD: C'est $140,000 en première hypothèque,
$14,000 en deuxième et $35,000 de comptant. Cela fait à peu
près $185,000.
M. CHOQUETTE: C'est bien cela.
M. COUILLARD: Il n'y a pas de rentabilité; le financement, nous
n'en parlons pas, nous parlons de la rentabilité. Le type achetait pour
soustraire ses impôts personnels; le type qui gagnait $75,000 achetait
des propriétés pour $750,000 pour prendre une somme de
$75,000...
M. CHOQUETTE: Je suis d'accord avec vous que s'il espère un
rendement de 20 p.c. comprenant les remboursements de capital et le montant de
$10,000 dont vous me parliez tout à l'heure, ce gars-là est
obligé d'augmenter ses loyers mais moi je trouve que c'est fort.
M. COUILLARD: Tout le monde qui place
veut avoir 10 p.c. sur le rendement. Pourquoi donner tout ce que vous
placez?
M. CHOQUETTE: Mais le capital que vous remboursez a une valeur,
ça reste.
M. COUILLARD: Je comprends, mais celui qui a de l'argent aujourd'hui
peut le placer à 12 p.c., 13 p.c., 14 p.c. et même 15 p.c., si
vous voulez.
M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas tout le monde qui veut prêter
en deuxième hypothèque et en troisième hypothèque
pour des choses comme ça.
M. COUILLARD: Non, non.
M. CHOQUETTE: D'abord les taux d'intérêt ont baissé
à l'heure actuelle, sur les obligations.
M. COUILLARD: Oui, mais ce n'est pas le même marché.
Habituellement, c'est 9 p.c. dans la construction.
M. CHOQUETTE: En tout cas, nous ne sommes pas au sommet des taux
d'intérêt.
Mais si nous prenons votre exemple, nous allons nous rendre jusqu'au
bout de cette affaire, ce propriétaire qui a acheté une maison
à $185,000 a mis $35,000 comptant.
M. COUILLARD: C'est à peu près $40,000.
M. CHOQUETTE: Bon, $40,000 et lui, s'attend à un rendement de
combien sur ça?
M. COUILLARD: De 10 p.c, $4,000 par année.
M. CHOQUETTE: De $4,000 par année, plus ses remboursements de
capital, qui représentent combien par année?
M. COUILLARD: Si c'est un prêt de 35 ans, ça va
représenter $5,000.
M. CHOQUETTE: Ce serait $5,000 par année. Alors, ce
gars-là, sur un placement de...
M. COUILLARD: Pas au début, après une quinzaine
d'années. Prenons-le sur une base de 35 ans.
M. CHOQUETTE: Non, mais ce type-là, sur un investissement de
$35,000, s'attend à recevoir $10,000 par année?
M. COUILLARD: Pas les premières années, les
premières années, il en met dedans. Au bout de 35 ans, la
propriété lui restera, mais il y a la dévaluation de cette
propriété dont il faut tenir compte, il y a l'impôt
à payer, dont il faut aussi tenir compte, et actuellement, il faut tenir
compte des hausses du coût que nous avons subies avec les taxes et nous
n'avons pas pu augmenter...
M. CHOQUETTE: Mais actuellement, il fait des remboursements de capital,
votre propriétaire?
M. COUILLARD: Oui.
M. CHOQUETTE: Ces remboursements de capital représentent combien
actuellement?
M. COUILLARD: Pas grand-chose les premières années,
presque rien.
M. CHOQUETTE: II ne faut pas dire que ce n'est rien.
M. COUILLARD: Je n'ai pas de chiffres ici en main, mais les
premières années, ça peut baisser peut-être de $2
les $1,000, quelque chose comme ça, pas plus.
M. CHOQUETTE: Je comprends...
M. COUILLARD: Le milieu du prêt se situe à peu près
vers la 22e année je crois, sur un prêt de 35 ans. Les
premières années, c'est $2, $2.50 les $1,000 que l'on
rembourse.
M. GAGNON: Quel est le taux de dépréciation accordé
sur un immeuble par les gouvernements?
M. COUILLARD: C'est 10 p.c. sur les bâtisses de bois et brique et
5 p.c. sur les bâtisses en béton.
M.GAGNON: Alors, c'est dire qu'après 20 ou 25 ans, votre
bâtisse a été dépréciée
entièrement.
M. COUILLARD: Oui.
M. GAGNON: Mais c'est dire que, par cette dépréciation que
vous avez appliquée durant une période de 25 ans, alors qu'une
bâtisse a une durée d'au moins 50 ans, vous avez
bénéficié d'une réduction d'impôt pendant 25
ans sur la partie dépréciée de la bâtisse qui, elle,
est dépréciée entièrement dans son coût total
mais qui a une valeur peut-être encore de 50 p.c. de sa valeur
primordiale, plus les 10 p.c. que vous voulez récolter comme profit,
plus les intérêts que vous payez, à ce moment-là,
ça peut représenter 22 p.c. ou 23 p.c. sur une
propriété pour ces trois points.
M. COUILLARD: Je m'excuse, je vais vous reprendre sur une chose, nous
n'avons pas évité l'impôt, on l'a retardé, avec la
dépréciation.
M.GAGNON: Pour autant que vous ne vendez pas.
M. COUILLARD: Un jour ou l'autre nous vendons, il faut vendre.
M. CHOQUETTE: Cela, c'est une autre chose.
M. COUILLARD: Plus maintenant. M. CHOQUETTE: Toujours plus gros.
M.GAGNON: Vous investissez...
M. COUILLARD: Non, il y a une catégorie pour chaque
bâtisse. Alors, à l'inventaire, on ne peut pas tasser la
dépréciation sur une autre. Il faut payer l'impôt.
M. CHOQUETTE: Vous établissez un fonds de
dépréciation.
M. COUILLARD: Oui, mais aujourd'hui, les bâtisses sont reconnues
distinctement.
M. CHOQUETTE: Vous voulez dire qu'on ne peut pas transporter la
dépréciation d'une bâtisse à l'autre?
M. COUILLARD: Non, plus maintenant, depuis 1972.
M. CHARRON: Les professionnels dont vous parliez tantôt, qui ont
une maison depuis cinq ou six ans et qui sont en difficulté, avez-vous
une idée de la raison pour laquelle ces professionnels, médecins,
avocats, se seraient lancés tout à coup dans la construction
domiciliaire?
M. COUILLARD: Ils ne se sont pas lancés, ils achetaient tout
fait. C'était celui qui gagnait $75,000,...
M. CHARRON: Vous savez pourquoi.
M. COUILLARD: Ils se dépêchaient, en novembre ou en
décembre, à acheter pour $750,000 de propriétés
pour ne pas payer d'impôt.
M. CHARRON: C'est ça.
M. COUILLARD: Pour retarder ces impôts, excusez.
M. CHARRON: Cela ne fait pas de tort qu'on les prenne sur le fait.
M. COUILLARD: Aujourd'hui, en revendant...
M. CHARRON: Ils ont assez volé.
M. COUILLARD: Là, je ne sais pas s'ils ont volé, mais dans
l'administration de la propriété, ce n'est pas un vol, si la loi
le permet, c'est là et tout le monde en bénéficie...
M. CHARRON: Si la loi le permet, d'accord.
M. COUILLARD: Si vous aviez des propriétés, vous feriez la
même chose soit de retarder par la dépréciation.
M. CHARRON: Je n'en aurai pas. Le petit locataire qui paie $95 par mois
dans votre maison, vous essaierez de lui trouver une formule pour les
évasions fiscales.
M. COUILLARD: Je ne comprends pas pourquoi vous nous arrivez avec cela.
Nous ne sommes pas responsables des hausses du crédit, des
à-côtés que les unions nous font faire.
M. CHARRON: Non, vous n'êtes pas responsables de la Tour de Babel.
Je ne vous ai pas tenu responsable de cela non plus. Mais j'ai trouvé
carrément effronté que vous disiez, du même souffle, que la
loi de l'offre et de la demande jouait contre vous et qu'en même temps
vous demandiez, à l'article 19, qu'on vous laisse...
M. COUILLARD: Oui, on veut cela comme cela.
M. CHARRON: Je ne vous crois pas masochiste; c'est bien dommage; mais je
ne pense pas que vous demandiez de réappliquer une loi qui joue contre
vous.
M. COUILLARD: Cela fait 31 ans que je suis dans la construction à
mon compte; cela fait 31 ans que cela existe et on veut cela comme cela; on
veut que cela reste comme cela si vous êtes capables de le laisser.
M. CHARRON: Elle n'est pas si mauvaise que cela si j'ai bien
compris.
M. COUILLARD: ... comme toujours, cela ne nous fait rien. Ceux qui ne
savent pas administrer...
M. CHARRON: Elle ne vous a pas nui depuis le début, la loi du
capitalisme.
M. COUILLARD: Non, mais elle nous retarde; cela prend cinq ou six ans
avant d'avoir une bâtisse rentable.
M. CHARRON: Oui, là vous voudriez trois ans. Quitte à ce
que ce soit le locataire qui doive payer le plus.
M. COUILLARD: Même si nous voulions louer plus cher, nous ne
sommes pas capables, à cause de la compétition. Il ne faut pas
oublier que le vieux logement qui est fait depuis sept ans, ou par exemple
celui qui est fait depuis dix ans coûte 86 p.c. meilleur marché
que celui que je fais aujourd'hui et ce monsieur a de l'intérêt
à 6 p.c; aujourd'hui c'est de l'intérêt à 9 p.c.
Alors, le type en 1962 a emprunté $100,000 à 6 p.c. et
aujourd'hui il faut qu'il emprunte
$186,000 à 9 p.c. Où va l'argent? Ce n'est pas dans mes
poches. L'argent va à New York, à Metropolitain Life ou un peu
partout, aux compagnies prêteuses. La province emprunte à 8 p.c.,
vous le savez. Nous sommes dans le même cas que vous autres; cela
coûte cher. Ce n'est pas nous qui faisons les profits. Venez voir nos
bilans, si vous voulez. Le bureau est ouvert.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question relativement
à l'article 74, lorsque vous demandez qu'on spécifie que les
dimensions du logement peuvent légitimer le refus de louer à un
locataire qui a des enfants. Est-ce que vous pourriez apporter les principales
raisons qui vous motivent pour demander que de telles choses soient
ajoutées pour préciser davantage l'article 74?
M. STEIN: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ou opportun de
préciser dans la loi, du moment qu'on pose le principe qu'on puisse
refuser, en tenant compte des dimensions pour qu'il n'y ait pas trop
d'occupants dans un logement. Si le logement est trop exigu, on ne peut pas
entasser les gens dans ce logement.
M. BELAND: A ce moment, ce serait pour limiter la quantité,
d'après vos paroles. Ce n'est pas pour d'autres raisons que
celles-là?
M. STEIN: Non.
M. BELAND: Bon, d'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, me permettrez-vous de poser une
question à M. Stein? En me référant à la page deux
du mémoire, au bas de la page, troisièmement: "de plus, nous
pensons qu'il suffirait de quelques dispositions qu'on pourrait peut-être
ajouter tout simplement au code civil..." Est-ce que vous vous êtes
arrêté, M. Stein, à penser à ces amendements qui
devraient être apportés au code civil ou si vous laissez le tout
à l'Office de révision du code civil pour répondre aux
idées que vous exposez dans votre mémoire?
M. STEIN: Je n'ai certainement pas essayé de rédiger ni de
faire même un schéma des dispositions. D'abord, il faudrait qu'une
décision soit prise sur la substance, quelle disposition on retiendrait
dans tout ce projet qui est devant vous dans le moment. Je dis que si on en
garde quelque chose, on devrait essayer de se contenter d'un chapitre ou d'un
titre qu'on ajouterait au code civil, comme on a déjà fait dans
l'exemple que j'ai donné.
M. PAUL: Alors, votre suggestion...
M. STEIN: En laissant les tribunaux ordinaires et en ne
perpétuant pas un organisme spécial.
M.PAUL: Alors, vous me corrigerez si je vous interprète mal.
Votre suggestion serait de voir à apporter les amendements qu'il faut au
code civil, plutôt que de présenter une loi spécifique pour
régir les relations entre propriétaires et locataires.
M. STEIN: Oui.
M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.
M. HARDY: Ce n'est pas une question, M. le Président. Pour
terminer, je voudrais tout simplement dire, parce qu'on a qualifié
tantôt votre mémoire, que je reconnais évidemment que
certaines parties de votre mémoire peuvent s'inspirer de principes du
libéralisme économique d'il y a quelques décennies.
Comme j'ai lu des mémoires d'autres organismes qui sont tout
à fait à l'extrême opposé, je considère que
vous avez joué un rôle important devant la commission. Votre
mémoire aide à établir un certain équilibre et
aidera sûrement le législateur à trouver une solution de
bon sens et de juste milieu.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Stein.
M. STEIN: Merci, M. le Président.
M. COUILLARD: Je voudrais faire une remarque, si vous me le permettez.
Si votre loi est trop radicale, les investisseurs se tourneront vers le
commercial, ce qui est déjà commencé d'ailleurs.
Moi-même, je délaisse un peu le logement depuis deux ans pour
aller dans le domaine de l'entrepôt, des bureaux, de la construction
générale qui ne regarde pas le logement. Et là, le
problème du logement appartiendra tout entier au gouvernement, avec des
coûts de construction et d'exploitation beaucoup plus
élevés que les nôtres et avec des revenus beaucoup
moindres. Cela signifie des impôts pour tous encore. N'essayez pas d'en
sortir, c'est par là que cela va passer. Il y a seulement dix chiffres
et ils marchent comme cela. Actuellement, beaucoup de constructeurs ont
cessé de construire. Je vais vous en citer une grande partie. Les petits
constructeurs qui construisaient deux bâtisses de 18 ou 20 logements pour
revendre ne trouvent plus de clients. Donc, il ne font plus de logements. Les
seuls qui construisent actuellement sont ceux qui sont capables de faire un
projet, de le garder et de l'exploiter. Cela créera une rareté de
logements. En plus de votre loi, ceux qui peuvent garder vont cesser de
construire des logements pour construire des immeubles commerciaux. Vous allez
vous retrouver avec une extrême rareté de logements et vous
serez
obligés d'y combler par des HLM et des impôts.
M. PAUL: Vous vous référez au rapport de la ville de New
York?
M. COUILLARD: Je n'ai pas lu ce rapport. Je constate ce qui va se
passer, ce qui s'en vient.
M. PAUL: Le rapport Rand.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Me Jacques
Viau, procureur de la Corporation des courtiers en immeuble du
Québec.
Corporation des courtiers en immeuble du
Québec
M. VIAU: M. le Président, contrairement au confrère qui
m'a précédé, je vais parler debout, si vous n'avez pas
d'objection, car je me souviens de cette boutade: "Je me lève pour
être vu, je parlerai pour être entendu et je m'assoirai pour
être apprécié." Je voudrais en premier lieu vous
présenter ceux qui aujourd'hui sont présents ici et
représentent les différents organismes qui ont
présenté le mémoire. M. Claude Lefebvre,
vice-président de la Corporation des courtiers en immeuble et
président du comité interassociation. M. François Pigeon,
de Québec, président de la Corporation des courtiers en immeuble,
M. André Emond, de Québec, président de la Chambre
d'immeuble de Québec, M. Luc Beaudouin, représentant l'Institut
d'administration immobilière, M. Pacifique Desjardins,
vice-président de Building Owners and Managers Association, M.
Roméo Vézina, vice-président de l'Association
générale des constructeurs, M. Lome Tracey, gérant
général du Montreal Board of Trade, M. Guy Chenette,
vice-président exécutif de la Corporation des courtiers en
immeuble de la province, et Me Jean-Marie Paquet, mon associé.
Je voudrais au début faire une mise au point. Il y a demain un
mémoire qui sera présenté par la Chambre de commerce et
d'industries du Québec métropolitain. On y a également
ajouté la Chambre d'immeuble de Québec. Il semble y avoir eu une
méprise, parce que la Chambre d'immeuble de Québec a
participé et participe au groupe qui a préparé le
mémoire qui est devant vous ce matin.
C'est le mémoire, ce matin, que la Chambre d'immeuble de
Québec partage et auquel elle s'associe. Il semble y avoir eu un manque
de communication entre la Chambre de commerce et ce groupement ici à
Québec. Sur ce, ce n'est pas mon intention de vous lire
entièrement le mémoire qui est devant vous parce que je
présume que la plupart d'entre vous, sinon tous, l'avez lu mais je veux
simplement repasser d'une façon brève les points saillants de
notre position. Je crois qu'il est facile de comprendre que nous avons
attaché notre attention à l'aspect économique. Je ne veux
pas qu'il y ait un malentendu. Ce n'est pas l'aspect capitaliste mais l'aspect
économique du problème. Je crois que tous, nous pouvons avoir des
divergences d'opinions sur certains aspects mais je pense que le
problème de logement en est un de taille au point de vue
économique dans notre province et ailleurs également.
Nous comprenons que l'objectif poursuivi par un projet de code des
loyers est d'assurer à l'ensemble de la population des conditions de
logement décentes qui correspondent à la dignité d'hommes
de tous les Québécois. Il n'y a aucune ambiguïté sur
cette prise de position. Nous reconnaissons que c'est une obligation pour le
gouvernement de se pencher sur le problème du logement. Voyons
maintenant les moyens. Nous soumettons qu'il s'agit là, non pas
d'intervention de l'Etat pour simplement équilibrer, sur le
marché, le jeu normal de l'offre et de la demande ou d'intervention pour
s'assurer dans des cas exceptionnels que les propriétaires ne profitent
pas des situations artificielles de rareté de logement pour exploiter
sans vergogne les locataires qui, normalement, sont moins bien nantis au point
de vue pécuniaire mais il s'agit bien pour l'Etat, par
l'intermédiaire de nos régies, de mettre complètement de
côté le marché immobilier et le jeu normal de l'offre et de
la demande pour lui substituer des décisions unilatérales et pas
nécessairement éclairées des fonctionnaires. Il s'agit
là, à notre avis, d'une socialisation quasi intégrale,
d'une tranche importante de notre économie, soit celle de la
construction domiciliaire pour fins de location.
Notre position. Nous sommes fermement et catégoriquement
opposés je veux bien que l'on soit compris à la
forme de contrôle des loyers proposé dans le projet de loi. Et
nous nous opposons à ce que l'Assemblée nationale, d'un seul coup
de balai, soustraie au jeu de la libre entreprise tout un secteur de notre
économie. S'est-on vraiment demandé si les problèmes
actuels en matière de logement, problèmes qui sont bien
réels, nous le reconnaissons volontiers, ne tiennent pas beaucoup plus
à l'absence de planification d'urbanisme véritable, à
l'absence, jusqu'à tout récemment, d'une politique sociale
cohérente et au fardeau sans cesse croissant de la taxation
foncière. Ou même, il faut bien regarder la vérité
en face, dans le cas des unités de logement vieillissantes, à
l'existence depuis l'après-guerre d'une forme de contrôle des
loyers représenté par la loi pour favoriser la conciliation entre
locataires et propriétaires, qui a eu pour effet, dans bien des cas, de
rendre au propriétaire la tâche d'entretenir et de renouveler les
unités de logement qu'il loue impossible parce que le contrôle des
loyers, le maintien officiel des taux de location bas qui n'ont pas
augmenté dans la même proportion que les dépenses
d'exploitation, a rendu indispensables pour le propriétaire les fonds
nécessaires à un bon entretien et à la rénovation
de ses unités de logement vieillissantes.
Les motifs de notre position, on peut les
résumer. A la page huit, on dirait en premier lieu: que nous ne
croyons pas qu'il existe, à l'heure actuelle, une situation telle de
rareté de logements qu'elle permette aux propriétaires, en
l'absence de concurrence efficace sur le marché de l'offre en location
d'unités de logement d'abuser des locataires. Deuxièmement, nous
croyons que les moyens proposés ne réaliseront pas les objectifs
visés par le législateur mais au contraire empireront la
situation pour les locataires par les effets négatifs certains d'une
telle formule de contrôle des loyers. Et troisièmement, à
la lumière d'expériences des grandes villes américaines,
en particulier la ville de New York, où on a fait l'expérience
d'une formule de contrôle des loyers semblable à celle
proposée.
On a constaté que les effets s'étaient
avérés désastreux comme nous avons tenté de vous le
résumer. D'ailleurs, nous avons produit, en annexe à ce rapport,
des études qui ont été faites.
Premièrement, le marché comporte une offre suffisante pour
permettre le jeu de la libre concurrence. On peut se poser la question, d'une
façon claire et nette. Est-ce qu'il y a rareté? Nous savons que
le taux général de vacance pour les propriétés de
six logements et plus, et ceci on l'explique à la page 9, est de 5.6
p.c. qui est un taux normal. On dit un taux de 5.6 p.c. pour les logements
financés à l'aide de fonds publics et de 4 p.c. pour ceux
construits à l'aide de fonds publics. Ces statistiques démontrent
également que les taux de vacance selon la taille des immeubles varient
de 3.3 à 7 p.c. et que seules les structures de 200 unités et
plus ont un taux de vacance inférieur à 5 p.c. Ces statistiques
démontrent également que, pour les immeubles groupés sur
le nombre de chambres, les taux de vacance varient de 2.4 p.c. à 9.9
p.c. avec le pourcentage le plus élevé de vacance se retrouvant
dans les logements du genre "studio" ou, communément appelés,
peut-être "bachelor". Je passe maintenant aux buts à atteindre
pour rencontrer les objectifs. C'est pour l'ensemble de la population. Nous
citons un certain nombre de moyens. Page 11. Pour atteindre les objectifs
ci-haut définis, soit ceux de fournir à l'ensemble de la
population des conditions de logement décentes, nous croyons que trois
buts doivent être atteints. Les unités de logement disponibles
doivent être préservées, et elles doivent être
maintenues dans des conditions de sécurité et d'hygiène
convenables. Les unités de logement qui ne répondent pas à
ces standards minimaux doivent être améliorées de
façon à correspondre au standard de vie minimum auxquel
l'ensemble de la population a un droit indiscutable. Deuxièmement,
l'offre d'unités de logement doit être suffisamment
considérable pour permettre une liberté de choix, à un
coût qui corresponde aux divers standards de logement, pour la population
dont les besoins en matières de logement varient d'une année
à l'autre et au cours des années.
Troisièmement, des incitations, et nous considérons que
ceci est très important, à la construction de nouvelles
unités domiciliaires doivent être prévues de façon
à combler la demande, sans cesse croissante, et à remplacer les
unités de logement existantes qui ne peuvent pas être
améliorées de façon à répondre à des
standards acceptables.
Le premier de ces buts, soit la préservation et
l'amélioration de l'offre des unités de logement existantes, ne
peut être atteint, à moins que cette commodité que
constitue le logement puisse être offerte à un prix que peuvent
payer les locataires et qui, en même temps, puisse rendre le maintien et
l'amélioration de ces unités de logement économiquement
réalisables. Je pense qu'il doit y avoir un équilibre entre ce
qu'un homme peut payer et ce qu'un propriétaire peut dépenser
pour maintenir dans les conditions normales.
Le second objectif, soit celui de maintenir une offre suffisamment
considérable, ne peut certainement pas être maintenu en
décourageant l'investissement dans la construction de nouvelles
unités domiciliaires par le moyen d'une limite artificielle sur les
revenus que peut procurer la location de ces unités. Quant aux mesures
incitatrices à la construction de nouveaux logements, un contrôle
des loyers est tout à fait à l'opposé d'un tel but.
Aux pages 14 et suivantes, nous faisons un résumé des
effets néfastes qui se sont produits dans les grandes villes
américaines telle que New York. Je voudrais simplement résumer
d'une façon très simple et énumérer les effets
néfastes qui ont été constatés et que vous
trouverez dans les différents rapports, le rapport Backman, le rapport
Kristof et le rapport Rand et les autres qui sont à l'annexe.
Premièrement, diminution progressive de l'inventaire
d'unités de logement disponibles pour fins de location.
Accélération rapide du nombre de bâtisses démolies
ou abandonnées. Troisièmement, augmentation proportionnelle et
absolue du nombre d'unités de logement classifiées comme
sous-standard. Quatrièmement, augmentation des frais d'exploitation des
propriétaires, comprenant les taxes, l'intérêt, la
main-d'oeuvre, le combustible et l'entretien général, plusieurs
fois supérieure à l'augmentation des loyers permise par les
organismes de contrôle.
Absence d'uniformité dans l'application du contrôle des
loyers. Sixièmement, diminution sensible de la construction de nouvelles
unités de logement. Septièmement, refus systématique des
sources de financement institutionnelles d'effectuer le financement de
construction domiciliaire là où s'applique le contrôle des
loyers. Huitièmement, désaffectation des professions de
l'immeuble pour le marché des unités de logement à
loyer...
Si on prend les diminutions d'inventaire, on peut constater que dans la
ville de New York, en effet, le taux de vacance pour les unités de
logement qui était de 3.2 p.c. en 1965 a été réduit
à 1.2 p.c. en 1968. Ceci, vous le trouvez dans le rapport du New York
City Rand Institute intitulé "Rental Housing in New York City".
Egalement, l'augmentation du nombre des bâtiments démolis
ou abandonnés. Ainsi, dans la ville de New York, 18,000 unités
furent démolies entre 1965 et 1967. Un grand nombre de bâtiments
ont été abandonnés pour diverses raisons. Ainsi, en 1960,
il y avait environ 1,000 bâtisses abandonnées dans la ville de New
York alors qu'en 1968, il y en avait 7,100 contenant quelque 157,000
unités de logement. Ces bâtiments abandonnés se retrouvent
vacants, fermés, etc.
Le rapport Rand signale également, en rappelant les mêmes
statistiques, que quelque 114,000 unités de logement ont
été retirées du marché entre 1965 et 1967 dans la
seule ville de New York et ceci, en plus des 18,000 unités
démolies.
Les ventes pour non-paiement des taxes, signale le rapport, ont
doublé dans la ville de New York de 1965 à 1967. Le rapport
signale également que des 126 bâtiments pris sous tutelle par la
ville de New York depuis 1962 à cause de leur condition dangereuse, 17
seulement ont été repris par leur propriétaire. Le rapport
signale que, dans au moins 80 p.c. des cas, les unités de logement qui
ont été perdues étaient classifiées en 1965 comme
bonnes ou en voie de détérioration, mais pas complètement
détériorées.
Ce sont des bons logements mais, à un moment donné, vu le
manque de revenus, le propriétaire n'avait pas d'autre choix que de les
abandonner et ne pouvait plus dépenser et rien mettre... Si on regarde
les statistiques que nous avons décrites à la page 19, on peut
voir ce qui se passe de 1960 à 1968. Les logements ordinaires passent de
1,400,000 en 1960 à 1,181,000 dans la grande ville de New York.
Bonne condition, avec tous les services de plomberie, les unités
passent de 1,173,000 à 894,000. En voie de détérioration,
avec tous les services de plomberie, on voit là qu'il y a augmentation:
231,000 en 1960 et 286,000 en 1968. En fin de compte, si on prend l'ensemble,
détériorés: 42,000 en 1960 contre 79,000 en 1968. Si on
prend maintenant les disproportions entre les augmentations de loyer et les
augmentations de frais d'exploitation, c'est là qu'on voit que,
peut-être, il y a un réel problème et un problème
plus sérieux qu'on peut le penser.
Ainsi, le rapport du comité du maire sur le contrôle des
loyers de décembre 1969 signale que, depuis 1945, les frais d'entretien
des bâtiments ont augmenté à une moyenne de 6 p.c. par
année, ce qui comprend 3 p.c. attri-buable à l'inflation
ce qui est très conservateur, je pense plus une augmentation
générale de 3 p.c. dans le coût combiné des
réparations, des services aux bâtisses, de l'administration, des
utilités publiques et de l'assurance. En plus il ne faut pas les
oublier les taxes, signale le rapport, ont augmenté à un
rythme de 4 p.c. à 6 p.c. par année et les taux
d'intérêt ont plus que doublé depuis 1945, alors que, par
contraste, les loyers dans le secteur des loyers contrôlés ont
augmenté, en moyenne, de 2 p.c. par année.
Le rapport signale que, comme résultat de ces pressions
économiques, les propriétaires de ces unités de logement
ont été forcés soit d'absorber les pertes, soit de
réduire sensiblement l'entretien et que cette dernière
alternative a été suivie de réductions de loyer et que des
réductions de loyer ont été accordées, diminuant
ainsi les revenus et amenant inévitablement une réduction de
l'entretien et des services.
C'est un cercle vicieux parce qu'en fin de compte il n'y a pas de
miracle dans ce domaine comme nulle part ailleurs. Alors, quand les coûts
de production augmentent, le consomma--teur doit en payer une partie si on n'a
pas les moyens de freiner ces augmentations. En fin de compte, si l'on regarde
à la page 21, où on ne fait simplement que souligner quelques
appréciations des volumineux rapports que vous trouvez à la fin,
on voit que, dans tous ces rapports, comme le signale le professeur Back-man
aux pages cinq à neuf de sa propre étude, une disproportion
fantastique existe entre les augmentations des frais d'exploitation et les
augmentations de loyer. Ainsi, le professeur Kristof signale que de 1943
à 1968, le loyer médian, brut, des unités sous
contrôle des loyers n'a augmenté que de 110 p.c. alors que le
loyer médian des unités qui n'étaient pas sous le
contrôle des loyers a augmenté de 245 p.c. Alors, disproportion.
Le rapport Kristof signale que, pour la même période, l'indice des
frais d'exploitation du New York City Housing Authority, qui est
l'équivalent de notre Société centrale
d'hypothèques, pour les projets à loyer modique, a
augmenté de 285 p.c. et que les taxes foncières de la ville de
New York ont augmenté de 84 p.c. Montréal vient très
près en arrière. Le rapport Kristof signale également
qu'en 1960 et en 1968, le loyer médian des unités sous
contrôle des loyers a augmenté de 22.2 alors que le loyer
médian des unités qui ne sont pas sous contrôle a
augmenté de 30.6 et que, durant la même période, les frais
d'exploitation ont augmenté de 47.5 et le taux de taxation de 28.9.
Alors, diminution des nouvelles unités de construction. Le
rapport du comité du maire, toujours de la ville de New York, signale
que pour l'année 1960, qui était une année normale,
l'émission des permis de construction a été de 26,600
unités. Pour l'année 1962, qui était une anormale à
cause du changement de zonage et de l'empressement des constructeurs à
construire pour profiter des droits acquis sous l'ancien règlement
parce qu'à ce moment-là, il y a eu
un nouveau règlement de zonage qui rendait plus
sévère l'usage du sol l'émission des permis a
été de 40,300 unités. Alors qu'en 1968 alors que
là, on voit l'effet 3,994 permis seulement ont été
émis et que le nombre prévu pour 1969 était le même.
Par ailleurs, dans la région de Boston, à la page 24, un document
publié sur la situation des loyers en date du 13 mars 1972 signale que
la construction avec financement privé de nouvelles unités de
logement a diminué à Boston et que je pense qu'on peut
considérer Boston comme une ville à dimension semblable à
Montréal a diminué de 3,898 unités en 1970 à
1486 unités en 1971, soit une baisse de 62 p.c. à Brookline de
265 unités en 1970 à 39 unités en 1971, soit une baisse de
86 p.c; à Cambridge, de 548 unités à 278 unités,
soit une baisse de 49 p.c. alors que partout ailleurs, dans le Commonwhealth du
Massachusetts, on a enregistré une augmentation globale de 77 p.c. dans
le nombre d'unités nouvelles construites par le financement
privé. Dans le prochain rapport, je vous inviterais à lire
attentivement également le rapport de M. Klives sur la fuite des
prêteurs institutionnels. Je pense que c'est un aspect sur lequel il faut
se pencher parce qu'en fin de compte on se plaint toujours que les
investisseurs ont des craintes à venir investir au Québec. Je
pense qu'il ne faut pas leur faire peur davantage. Alors, qu'il soit suffisant
de citer ici le passage...
M. CHOQUETTE: Le Parti québécois dit que ce n'est pas
vrai.
M. VIAU: Ah! vous savez, parfois, il faut voir une lumière
même si on la trouve éblouissante.
M. PAUL: Vous ne parlez pas du député de Saint-Jacques
quand vous parlez d'éblouissant.
M. VIAU: Non, monsieur. Je ne ferai pas de personnalité parce que
je respecte tous et chacun de ceux qui sont à cette table. Qu'il soit
suffisant de citer ici le passage suivant du rapport: "Interviews with banks
and other mortgage lenders confirm our general impression that institutional
investors are, as rapidly as possible, reducing their port-folios of controlled
housing and of housing in deteriorated neighborhoods.
One industry spokesman said: "No major mortgage firm will now. take an
application on rent-controlled buildings, nor can we help our owners renew
their mortgages when they are coming due. We have taken a survey and we found
out that rent-controlled appartment houses have dropped in sales value by 40
p.c. in the last two years."
On peut déjà remarquer d'après les statistiques
on revient chez nous récentes de la Société
centrale d'hypothèques et de logement des tendances accentuées
à la baisse dans la proportion des prêts consentis par le secteur
privé, qu'on appellera prêts conventionnels par rapport aux
prêts consentis aux assurés par le secteur public au
Québec. Ainsi, alors que, pour 1969, les prêts publics
représentaient 39.8p.c, les prêts conventionnels
représentaient 44 p.c. et les prêts privés 16 p.c. En 1971,
la proportion est complètement renversée. Dans le secteur public,
58 p.c, soit une augmentation de 46 p.c., de prêts institutionnels
ici, malheureusement, il y a une erreur dans le texte, au lieu d'augmentation
entre parenthèses, cela devrait être diminution 21.9p.c.
à comparer à 44 p.c. en 1969.
M. CHOQUETTE : A quoi attribuez-vous cela, M. Viau? D'après vous,
quelle en est la cause?
M. VIAU: Je pense que l'économie est malade et je pense que c'est
une des causes les plus fondamentales.
M.PAUL: Le Crédit social, la Banque du Canada.
M. VIAU: Je pense qu'il ne faut pas empirer la situation.
M. CHOQUETTE: Non, d'accord. Vous dites: L'économie est malade.
Vous êtes comme un médecin.
M. VIAU: Non, je ne suis pas médecin.
M. CHOQUETTE: H faut que vous disiez où est la maladie
d'après vous.
M. VIAU: Je pense qu'il y a un manque de confiance, une certaine
hésitation, une certaine crainte de la part de ceux qui veulent
investir, qui ne savent pas en fin de compte... devant l'augmentation des
taxes. Prenez l'exemple de celui qui veut investir. Le bonhomme qui veut
construire une maison d'appartements dans la ville de Montréal. Si on
compare cela à 1969, dans l'île de Montréal, à ce
moment-là, il pouvait calculer ce que cela lui coûtait en taxes.
Mais depuis ce temps, il y a eu une augmentation considérable de taxes,
de frais d'entretien, etc. Donc, à un certain moment, le bonhomme dit:
Je suis aussi bien d'acheter des obligations de la province à 9 1/4 p.c.
plutôt que de risquer d'avoir seulement 4 p.c. ou 5 p.c. sur mon
investissement.
M. CHOQUETTE: Je ne dis pas que ce que vous venez de nous dire ne
contient pas une partie de bon sens et nous pourrons même en parler tout
à l'heure. Mais vous avez relevé des statistiques qui semblent
indiquer une modification dans les prêts hypothécaires.
C'était l'objet des statistiques que vous nous avez données.
M. VIAU: Oui.
M. CHOQUETTE : Et il semblait qu'il y avait eu un déplacement
dans les prêts hypothécaires
de la part des prêteurs, si j'ai bien compris l'objet des
statistiques. Vous nous avez dit en somme: II y a une chute des prêts
hypothécaires consentis par les compagnies d'assurance, les fonds de
pension. Je crois que c'est cela que vous aviez à l'idée, sans le
dire.
M. VIAU: C'est cela.
M. CHOQUETTE: Je crois que vous dites aussi que la chute est de 44 p.c.
à 29 p.c. du total des prêts consentis dans le Québec.
C'était bien cela?
M. VIAU: C'est cela. Les prêts conventionnels
représentaient 44 p.c, alors cela se trouve le dernier paragraphe.
M. CHOQUETTE: D'accord. Je vous demande ici. Il y a évidemment
les prêts qui n'ont pas été faits par les compagnies
prêteuses ou les prêteurs institutionnels comme vous les appelez,
compagnies d'assurance-vie, peut-être des banques, peut-être les
fonds de pension, les compagnies de fiducie.
M.VIAU: C'est cela.
M. CHOQUETTE : Qui les a remplacés comme prêteurs?
M. VIAU: Le secteur public, la Société centrale
d'hypothèques et de logement et la Société d'habitation du
Québec, je présume. Parce que nous voyons qu'il y a augmentation
du secteur public. Ce dernier prêtait, en 1969, 39.8 p.c. et 58 p.c, en
1971. C'est là que se trouve la différence.
M. CHOQUETTE: Cela, c'est pour toute construction au Québec?
M.VIAU: Ce sont les statistiques, M. le ministre, qui ont
été publiées par la Société centrale
d'hypothèques. C'est à l'avant-dernière page du
mémoire.
M. CHOQUETTE: Attendez!
M. VIAU: Voici. Nous avons d'ailleurs plusieurs professionnels de
l'immeuble qui pourront répondre de façon spécifique, M.
le ministre, et si vous voulez avoir une réponse immédiatement,
M. Lefebvre pourrait peut-être vous donner une explication; il est un
professionnel de l'immeuble.
M. LEFEBVRE: Si vous permettez, M. le ministre, je vais essayer de
répondre le plus clairement possible à votre question. Les
institutions prêteuses, quelles qu'elles soient, que ce soit une
compagnie de fiducie, une compagnie d'assurance, une banque, une succession, un
fonds de pension, recherchent évidemment la sécurité de
leur capital. Si elles investissent dans une hypothèque, il faut que
leur capital soit assuré d'un rendement et d'une
sécurité.
Les administrateurs de ces fonds, évidemment, ont des
responsabilités vis-à-vis de leurs assurés ou de leurs
actionnaires. Si, graduellement, ils pensent qu'un certain genre
d'investissements, tel que l'investissement par fonds hypothécaires dans
des propriétés à logements multiples, représente un
risque accru qui ne justifie pas leur investissement ou que la demande de fonds
peut être en plus grande sécurité dans une autre forme
d'investissement, automatiquement, tranquillement, ils vont se retirer du
marché ou ils n'accepteront que les prêts où la
sécurité va être à toute épreuve. En d'autres
mots, des prêts qui seraient demandés par un constructeur
jouissant d'une excellente source de crédit ou d'une
responsabilité très forte.
Mais, dès qu'un promoteur ou un constructeur va arriver avec une
situation plutôt normale ou précaire, à ce moment, ils vont
le refuser. Cela explique peut-être pourquoi le secteur public a
compensé et augmenté sa participation.
M. CHOQUETTE: J'ai une charte ici qui illustre l'évolution de la
nature des prêts dans l'habitation au Canada. On peut constater qu'il y a
des fluctuations annuelles, 1961 à 1970, assez considérables dans
l'étendue des prêts qu'accorde la Société centrale
d'hypothèques et de logement. Par conséquent, même
là, il y a des fluctuations qui dépendent, je pense bien, de la
politique interne et de l'évolution de la construction et ceci
entraîne d'autres rapports, changements, chez les prêteurs
institutionnels auxquels vous avez parlé.
Il est évident que quelqu'un qui peut obtenir un prêt de la
société centrale va aller emprunter à la
société centrale plutôt qu'à une institution.
M. LEFEBVRE: Pas nécessairement, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Peut-être pas nécessairement, mais il me
semble que la conclusion que vous tirez des modifications récentes dans
l'intervention des compagnies prêteuses dans le marché
hypothécaire... On ne peut pas en tirer la conclusion que c'est à
cause d'une perte de confiance, d'une désaffection qu'on aurait pour
l'immeuble. C'est peut-être qu'on a trouvé qu'il y avait d'autres
endroits où le rendement de l'argent était aussi avantageux que
le domaine du prêt hypothécaire, avec plus de liquidité que
le domaine hypothécaire.
Les prêteurs regardent les différentes possibilités
qu'ils ont au point de vue des prêts et ils balancent ça:
liquidité, rendement et sécurité. Alors...
M. LEFEBVRE: Vous avez raison. Il n'y a pas seulement une cause; il y a
plusieurs éléments de comparaison. C'est évident, vous
avez parfaitement raison là-dessus.
M. CHOQUETTE: Probablement.
M. VIAU: Voici, à la page 28, nous disons: Tous ces effets
pointent dans une seule direction: le contrôle des loyers entraîne
un désinvestissement marqué dans le domaine du logement
contrôlé. Nous cherchons encore la logique entre, d'une part, les
efforts soutenus de l'Etat provincial pour attirer des investissements au
Québec, et, d'autre part, le projet de code des loyers dont le plus
sûr effet sera de décourager l'investissement dans un secteur
vital de notre économie.
Facteur additionnel, la taxation. Qu'il nous suffise de signaler ici,
une fois de plus, comme élément de la disproportion entre
l'augmentation des revenus et l'augmentation des taxes, les augmentations
chaotiques et périodiques, je pourrais dire, de la taxation
foncière durant les dix dernières années dans une ville
comme Montréal et ce, sans planification financière à
plein terme. Nous n'avons qu'à regarder la reproduction d'un état
financier que nous retrouvons à l'annexe 7.
C'est la photocopie d'une page du rapport financier de la ville de
Montréal où on voit la montée plutôt
étourdissante...
M. CHOQUETTE: Quelle page? M. VIAU: ... de 1963-1964 à... M.
CHOQUETTE: Quelle page?
M. VIAU: Cela est à la page... Malheureusement, nous les avons
mis par annexes; c'est à peu près à la dernière
petite partie.
M. BACON: Tableau 5?
M. VIAU: Au tableau 7. Vous verrez que de 1963 à 1964, alors que
la taxe était de $2.30, elle est rendue à $3.36, sans compter la
taxe de luxe de $0.40 sur les immeubles de plus de $100,000.
M. CHOQUETTE: M. Viau, je suis d'accord avec vous et je déplore,
je regrette avec tous les Montréalais, les habitants de l'île de
Montréal, ces augmentations de taxes foncières et vous pouvez
être sûr que nous sommes aussi sensibles à la question de ce
côté-ci de la barre que vous pouvez l'être de l'autre
côté. Mais si on compare le niveau de la taxation foncière
à Montréal avec le niveau de la taxation foncière dans
d'autres villes, pas seulement canadiennes, mais américaines, par
exemple, est-ce que vous avez déjà fait des études sur
cette question?
M. VIAU: M. Baudouin est capable de vous répondre, parce qu'il a
étudié le problème à l'occasion.
M. BAUDOUIN : On a suivi la progression graduelle des taxes dans les
grandes villes américaines et canadiennes, et Montréal a
été, jusqu'à tout récemment, à
l'avant-garde, de beaucoup. Toronto vient à peine de nous surpasser,
mais cela dépend si on prend la taxe d'eau en considération ou
non. Mais si on prend la taxe d'eau en considération, à ce
moment-là, on garde notre avant-garde.
M. CHOQUETTE: Dans les villes américaines, M. Baudouin, dans les
grandes villes...
M.BAUDOUIN: C'est dans l'ordre de 20 p.c. du revenu brut. Le fardeau de
taxes municipales est dans l'ordre de 20 p.c. de la dépense du revenu
brut, tandis que dans les propriétés à revenus
propriétés à immeubles multiples, les grosses
bâtisses à Montréal, c'était, l'an dernier,
de l'ordre de 27 p.c. Je n'ai pas les derniers chiffres, mais mes immeubles,
à moi, ont dépassé les 30 p.c. A Calgary, à
Vancouver, c'est considérablement moins, c'est dans les 22 p.c. ou 24
p.c.
M. CHOQUETTE: Vous dites qu'à Toronto la taxe foncière est
plus élevée?
M. BAUDOUIN: Comme je vous dis, si on met la taxe d'eau ou non. Avec la
taxe d'eau, on est...
M. CHOQUETTE: Municipale et scolaire?
M. BAUDOUIN: Municipale et scolaire, le fardeau de taxation
foncière sur un immeuble. Montréal est la ville où le
fardeau est le plus fort sur les immeubles à revenus.
M. VIAU: Nous disons ici que c'est un phénomène connu que
les municipalités, en particulier, se voient imposer par les
autorités supérieures des responsabilités sans cesse
croissantes qu'il suffise de signaler malheureusement les communautés
urbaines, l'intégration des services de police, la
régionalisation des évaluations foncières, l'inspection
des aliments...
M. CHOQUETTE: Un autre beau sujet pour que vous reveniez ici.
M. VIAU: Je suis toujours prêt à répondre à
votre invitation.
M. CHOQUETTE: Vous nous avez tellement dit que nous avions raison dans
le temps.
M. PAUL: Est-ce que vous avez été consulté
récemment par le maire de Pointe-Claire? Vous n'êtes pas
obligé de me répondre.
M. VIAU: Je suis consulté à plusieurs reprises parce que
je suis conseiller juridique, mais je ne suis pas toujours consulté...
sans pour autant...
M. CHOQUETTE: On vous consulte après coup, quand on est mal
pris.
M. VIAU: ... que les sources de revenu des municipalités soient
augmentées en proportion.
Nous comprenons parfaitement bien que les difficultés de revenu
des gouvernements locaux sont parties des difficultés de revenu de la
province et du problème constitutionnel du partage de l'assiette
fiscale.
Ainsi, on pourrait vous donner l'exemple de Montréal où la
taxe d'eau a été augmentée de 50 p.c., alors que des
propriétaires avaient des baux à long terme et ils ont
été obligés d'absorber, sans être capables de
pouvoir même récupérer. Ainsi sur une
propriété de $1,000,000, cet état fait voir, entre 1963 et
1964, et 1972, 1973, une augmentation des taxes municipales et scolaires de
63.5 p.c. si la propriété appartient à un individu et de
66.5 p.c. si la propriété appartient à une
société, parce qu'il y a la taxe scolaire qui donne une
augmentation et aussi nous devons mentionner les $0.40 sur l'évaluation
à l'excédent de $100,000. Nous avons toujours cru et nous
répétons qu'il s'agit là d'un cataplasme qui n'a aucune
base équitable en justice et en économie.
Alors, la conclusion sur les problèmes que nous pouvons constater
à New York et à Boston. Le gel des loyers, immédiatement
ou par personne interposée, sans un gel global des prix et des salaires,
à notre avis, ne constitue pas une mesure réaliste dans
l'état actuel des choses. Quand on parle de salaire, vous avez
actuellement les coûts; ce n'est pas un reproche que les plombiers et que
les menuisiers gagnent des salaires plus élevés mais quand les
propriétaires sont rendus à payer $9.50, $9.75 l'heure pour un
plombier, je crois qu'ils y pensent deux fois avant de le faire venir pour
effectuer des réparations dans des logements qui leur rapportent
très peu. Maintenant, nous avons un certain nombre de solutions à
proposer qui se rapportent directement à ce problème du logement.
En premier lieu, nous croyons qu'il est important d'avoir une loi de
l'urbanisme. Cela fait déjà plusieurs années et les
rumeurs veulent que bientôt cette loi soit déposée devant
l'Assemblée nationale. Nous croyons que le marché de l'immeuble
en général et le marché de la location seront grandement
améliorés à tous points de vue si la loi de l'urbanisme
actuellement en préparation s'inspire des concepts d'urbanisme modernes
et incite les personnes ou organismes, y compris les municipalités,
chargés de l'administration de l'urbanisme et du zonage à
encourager la construction d'unités domiciliaires plutôt que de la
décourager.
Planification financière. Il s'agit d'un point très
important. Nous croyons que les gouvernements locaux devraient être
forcés par législation à planifier à l'avance non
seulement leurs dépenses capitales, mais également leurs besoins
budgétaires, de telle sorte que la croissance et l'incidence du fardeau
fiscal financier foncier puissent être prévues raisonnablement
à l'avance. Dans le même ordre d'idées et de façon
générale, nous croyons que dans ce domaine comme dans bien
d'autres, un réaménagement fiscal, une fois pour toutes, entre
les divers paliers de gouvernements fédéral, provincial,
municipaux et scolaires s'impose et c'est peut-être un des points les
plus importants. Parce qu'en fin de compte les municipalités, on le
sait, fonctionnent au petit bonheur. Et que ce soit la grande ville de
Montréal en descendant, on dépense, on dépense mais on ne
planifie pas et les dépenses souvent dépassent ce que normalement
le contribuable peut être en état de supporter. Que ce soit le
gros, le moyen ou le petit contribuable. Et après cela, on vient se
plaindre au gouvernement supérieur et on le lui demande parce que le
gouvernement supérieur, ce sont toujours les mêmes citoyens qui
payent. Que ce soit fédéral ou provincial, c'est toujours
Jean-Baptiste qui paye et qui doit être taxé. Il est devenu
évident que la taxation foncière comme source principale de
revenus pour les municipalités et les gouvernements scolaires locaux est
dépassée. Et tant et aussi longtemps que les gouvernements locaux
seront forcés d'augmenter de façon inconsidérée la
taxe foncière pour faire face à des besoins essentiels de revenus
sans cesse grandissants, les coûts aux propriétaires
d'unités de logement augmenteront dans la même proportion et en
conséquence les loyers.
Code du bâtiment. Nous croyons qu'il est opportun d'avoir un code
du bâtiment suivant des normes et des techniques modernes. Vous avez
actuellement des codes de bâtiment, des règlements de construction
qui varient d'un endroit à l'autre, en province. Et vous avez,
même dans la ville de Montréal, le fameux règlement 1900
qui, dans certains cas, augmente le coût de construction de 20 p.c.
à cause de certaines dispositions plus sévères et qui ne
donne rien de plus à la sécurité. Je crois que ce serait
un moyen.
Maintenant, des solutions particulières. L'information. Nous
croyons que la mise sur pied d'une campagne d'information auprès de la
population pour l'informer de ses droits et obligations en matière de
logement pourrait faire beaucoup pour régler certains problèmes
ou certaines carences en matière de logement. Carences ou
problèmes qui tiennent avant tout de l'ignorance ou du manque
d'information.
Nous croyons que l'existence de conseillers publics en matière de
logement ce qui pourrait très bien être une occupation pour
ceux qui, actuellement, travaillent à la régie des
loyers...
L'accès à la justice. Alors, on a adopté cette loi
des petites créances. Je vois le ministre qui sourit. C'est une loi dont
le principe a été admis par tous, sans exception, et je tiens
à le souligner. Aujourd'hui, il y a une facilité, même si
on a empêché certains professionnels d'accompagner leurs
clients.
Troisièmement: Assistance-loyer. Nous croyons qu'il s'agit
là d'une mesure vitale. Nous croyons qu'à l'intérieur de
la politique sociale
globale préconisée par le gouvernement, il devrait y avoir
place pour une assistance directe de l'Etat aux économiquement faibles
qui ne peuvent, avec leur revenu familial, se procurer des conditions de
logement décentes, aux prix qui sont dictés par le
marché.
Nous croyons que, du point de vue économique, il est plus sain de
fournir une assistance à une couche de la population qui n'a pas les
moyens de se procurer les conditions de logement décentes au prix du
marché que de descendre artificiellement le prix du marché au
moyen d'un contrôle des loyers, avec le résultat que l'inventaire
d'unités de logement, comme ce fut le cas à New York, se
détériorera et diminuera, rendant ainsi plus difficile encore la
fourniture d'unités de logement convenables à l'ensemble de la
population.
Nous croyons que l'Etat seul, sans le concours de l'entreprise
privée, est incapable au moyen des seuls programmes publics d'habitation
à loyer modique, de fournir rapidement à l'ensemble de la
population défavorisée des conditions de logement acceptables.
Nous pensons qu'il serait plus sage de laisser subsister côte à
côte le secteur public et le secteur privé, de façon
qu'ensemble les deux secteurs arrivent rapidement à une solution globale
du problème du logement.
Mesures incitatrices. Nous croyons que les divers paliers de
gouvernement devraient s'entendre pour développer ensemble des
programmes d'incitation à la construction de nouvelles unités
domiciliaires répondant aux standards requis et des programmes
permettant l'amélioration et la transformation des unités. Il
s'agit là d'une chose bien importante.
J'entendais le député de Saint-Jacques, tout à
l'heure, qui parlait des cas de son comté, mais je crois que c'est
l'ensemble...
M. CHOQUETTE: ... le mot "ensemble", d'après ce que je vois.
M. HARDY: Cela fait partisan, un peu, dans la campagne
fédérale !
M. VIAU: Si cela vous fait plaisir, tant mieux !
M. VEILLEUX: Vous ne faites pas d'anti-campagne.
M. VIAU: Non. Je ne fais pas d'anticampagne, ni de campagne. Mes loisirs
ne me le permettent pas, à ce temps-ci.
En particulier, nous croyons que l'Etat devrait se charger du paiement,
pour une certaine période, des taxes foncières
supplémentaires occasionnées suite à une hausse
d'évaluation par la rénovation des unités de logement
sous-standard. Je m'explique. Il y a actuellement même des dispositions
dans la Loi des cités et villes qui permettent à une
municipalité d'adopter un règlement pour dire que, s'il y a un
permis de construction qui est émis pour réparer, l'augmentation
d'évaluation ne sera pas imposée pendant un certain nombre
d'années. C'est dans cette optique que l'on dit qu'il devrait y avoir
une contribution.
Maintenant, les municipalités disent: Ecoutez, nous n'avons pas
les moyens de donner des subventions. Ce serait peut-être une suggestion
pour la Société centrale d'hypothèques de venir en aide
aux municipalités de cette façon.
L'Etat pourrait également songer à permettre la
dépréciation accélérée, du point de vue
fiscal, de ces rénovations, de façon à favoriser
l'investissement dans de telles améliorations.
La question des condominiums. Nous avons, au Québec, une nouvelle
loi des condominiums. Je crois qu'il y aurait lieu de penser
sérieusement à inciter le citoyen à revenu modique
à devenir propriétaire d'une unité dans une maison
à appartements. Vous le savez, aux Etats-Unis, ce système s'est
développé d'une façon considérable. Vous avez des
unités qui s'achètent pour des $12,000 ou $15,000 dans des
maisons d'appartements où il y a des services d'ensemble.
M. CHOQUETTE: Me Viau, je m'étonne, moi aussi, que la formule de
la copropriété ou du condominium n'ait pas eu plus de
succès que cela au Québec et je me demande si vos clients sont en
mesure de nous donner les raisons. C'est sûrement une formule qui a eu du
succès en Europe, en France et aux Etats-Unis.
M. PAQUET: M. le ministre, il y a plusieurs raisons à cela,
à mon avis.
Une des raisons qui n'est peut-être pas la principale mais qui est
quand même existante, c'est que les investisseurs, les prêteurs
hypothécaires sont normalement des gens timides qui sont
hésitants devant une nouvelle formule comme celle-là, une formule
qui comporte quand même certains aléas parce que, en vertu de la
Loi des condominiums, l'administration revient à un groupe de personnes
qui, collectivement, peuvent administrer, bien ou mal, mais enfin des gens qui
ne sont pas nécessairement des professionnels qui ont des
compétences particulières dans le domaine de l'administration
d'un grand immeuble.
Je sais pertinemment que certains investisseurs à qui j'en
causais me disaient: Si j'ai le choix de prêter $1 million à un
groupe de 200 personnes ou si j'ai le choix de prêter $1 million à
Campeau Corporation, je vais prêter un million à Campeau
Corporation. C'est un élément de la réponse.
Le deuxième élément de la réponse, c'est
que, semble-t-il, les sociétés publiques de logement, du genre de
la Société centrale d'hypothèques, et de la
Société d'habitation du Québec, jusqu'à ce jour, ne
se sont pas lancées dans le domaine du condominium.
La Société centrale d'hypothèques va encourager la
personne à revenu moyen ou à revenu
faible à s'acheter un bangalow en banlieue, à dix, quinze,
vingt milles du centre-ville, mais ne va pas encore se lancer dans un programme
d'investissements de condominium près d'un centre-ville, ce qui aurait
pour effet de permettre aux gens qui achètent ces condominiums, d'abord
au point de vue économique, de payer moins cher pour une unité de
logement de X pieds carrés que de payer un terrain et un bungalow et,
deuxièmement, de couper sur les frais de transport, les frais et le
temps de déplacement, etc. Enfin, il me semble que ce serait une
solution à explorer par les programmes publics.
M. CHOQUETTE: On pourrait économiser beaucoup dans les services
municipaux...
M. PAQUET: Egalement.
M. CHOQUETTE: Merci, monsieur, c'était très
intéressant.
M. LEFEBVRE: Permettez d'ajouter, M. le ministre, que je souscris
entièrement à ce que Me Paquet a dit, il y a peut-être
aussi un autre facteur. Il y a peut-être la mentalité des gens de
notre province. C'est un concept, comme vous dites, qui est très
populaire en Europe, qui est populaire aux Etats-Unis et qui, à Toronto,
semble, depuis plusieurs années, avoir pris beaucoup d'élan
quoique, actuellement, il y a là un surplus d'unités parce qu'on
en a trop mis en chantier.
Dans la province de Québec, à Montréal
particulièrement, on voit que le phénomène commence
à se discerner depuis tout récemment, depuis une année ou
deux. Et on le voit surtout du côté anglophone de Montréal,
du côté ouest de Montréal. La formule commence à
prendre mais, du côté francophone, à ma connaissance, cela
ne semble pas encore avoir pris forme.
Une des explications est peut-être la mentalité des gens.
Cela peut peut-être prendre du temps avant de s'habituer à cette
formule.
M. CHOQUETTE: Pour acquérir de l'importance dans le marché
immobilier, il doit y avoir des constructeurs qui se font les promoteurs de ces
systèmes de copropriété.
M. LEFEBVRE: Si la demande n'existe pas beaucoup, si la demande...
M. CHOQUETTE: C'est là qu'il faut que les constructeurs suscitent
la demande, intéressent le public.
M. VIAU: Je pense que, s'il pouvait y avoir des fonds disponibles, soit
de la Société centrale d'hypothèques ou de la
Société d'habitation du Québec qui consentiraient à
prêter dans cette optique, ça pourrait aider. Il n'y a aucune
expérience de faite du côté d'Ottawa ou de la province dans
ce domaine-là. Ce serait extrêmement intéressant.
M. le ministre, je crois que nous pouvons arriver aux conclusions.
Premièrement, nous sommes fermement opposés au concept de
socialisation intégrale par la mainmise d'une régie d'Etat qui se
substituerait aux conditions du marché pour fixer les conditions de la
location d'unités domiciliaires dans tout le Québec.
Deuxièmement, nous croyons que la mise en place d'une telle
solution aurait au Québec comme dans les villes de New-York et de Boston
l'effet contraire de l'effet recherché, soit celui d'empirer les
conditions de logement tout en tuant le marché de l'immeuble pour des
fins de location domiciliaire, accélérant ainsi la
détérioration des unités existantes et en empêchant
ou en réduisant considérablement pour l'avenir tout
investissement des unités de logement domiciliaire.
Nous croyons que la solution au problème du logement
réside dans une collaboration positive entre le secteur public et le
secteur privé qui aurait pour effet d'encourager le secteur privé
à appuyer le secteur public dans ses efforts pour fournir à
l'ensemble de la population et nous sommes absolument
catégoriques sur ce point des conditions de logement acceptables
et qui correspondent aux besoins et à la dignité humaine de
l'ensemble des Québécois.
De même, nous croyons qu'une étude économique
complète devra être entreprise sur la situation du logement au
Québec de façon à identifier les besoins réels de
telle sorte que, si une loi en matière de loyers est requise, cette loi
réponde vraiment à des besoins concrets.
Malheureusement, le projet de loi ayant été
déposé durant la période des vacances et les délais
pour présentation ayant été limités ce n'est
pas un reproche mais une constatation il nous a été
physiquement impossible d'entreprendre une telle étude, ce qui aurait
été l'intention bien arrêtée de nos mandants.
Pourtant une telle étude est essentielle pour apprécier le projet
de loi par rapport aux besoins réels.
Nous voudrions avoir le temps de faire une telle étude. Ainsi,
nous demandons à cette commission de proroger pour une période de
six mois le délai imparti pour la présentation des
mémoires sur le projet de loi et l'autorisation de lui présenter
un second mémoire après ce délai basé sur les
données recueillies de cette étude économique. Si le
gouvernement désire entreprendre lui-même cette étude, nous
lui offrons notre franche et entière collaboration à cette
oeuvre. Une telle étude permettrait de mettre en lumière les
réalités économiques pertinentes au marché de la
location d'immeubles pour fins résidentielles au Québec et de
déterminer quelle forme d'intervention l'Etat doit faire sur ce
marché pour qu'il soit économiquement viable et de nature
à produire les
effets désirés par le projet de loi. Si tel est le cas,
loin de nous opposer à une loi faite dans ce but et basée sur une
étude économique sérieuse, nous travaillerons de concert
avec le gouvernement à chercher des solutions pratiques pour
réaliser les effets recherchés par cette loi.
En d'autres termes, M. le ministre, nous croyons que l'aspect
économique n'a pas été étudié de la
façon qu'il aurait dû l'être. Ce n'est pas un reproche
à vos fonctionnaires qui ont travaillé en toute bonne foi pour
préparer ce projet, mais il y a également un regret que
j'exprime, et je le fais à titre d'avocat, c'est qu'on n'ait pas
peut-être confié un travail au début à l'Office de
révision du code civil, car, encore une fois, je fais miennes les
remarques qui ont été faites ce matin, je trouve qu'on multiplie
les lois.
Nous avons un livre au Québec qui s'appelle le code civil et il y
a des dispositions qui concernent la location. Pourquoi toujours multiplier les
lois, alors que nous allons nous retrouver avec deux lois parallèles et
à nous demander à un certain moment laquelle devra
s'appliquer?
Le problème est d'envergure. On me dira qu'on ne peut pas
abandonner le contrôle, il y a des gens qui seront affectés,
très bien. Mais je crois qu'avant d'adopter une loi de cette nature, il
serait préférable simplement de renouveler le texte de la loi
existante et, dans un second temps, dans quelques mois, tous les
intéressés pourraient se pencher d'une façon
sérieuse et à la lumière des expériences.
D'ailleurs, si vous permettez, à New-York, il y a une évolution
considérable.
Je puis vous lire ce document tout simplement, et ce sera le mot de la
fin. C'est en anglais et je vais le lire en anglais, si vous le permettez. In
June 1971, New York State enacted a law removing both rent controlled and
stabilized apartments parce qu'un système a été
innové entre-temps from all rental restrictions upon vacancy. A
second law was enacted preventing New York City from inacting any rent control
laws or regulations most stringent than those already in force. The purpose of
these laws is to gradually phase out all control and provide c'est
important incentives for new construction and rehabilitation. M. le
Président, on a fait l'expérience pendant X années; des
études nombreuses ont été faites. On a constaté
qu'il y avait des défectuosités, que la ville de New York,
surtout la ville de New York, était dans un état lamentable au
point de vue du logement. Alors, l'expérience doit toujours être
un guide, qu'elle soit à New York ou à Boston, et je crois
qu'elle est valable. Messieurs, nous sommes à votre disposition pour
répondre aux questions, si vous en avez, sur l'aspect que nous avons
présenté ce matin.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: J'ai des questions à poser à M. Viau.
M. LE PRESIDENT: II faudrait ajourner les débats pour midi et
demi.
M. CHOQUETTE: Oui? Alors, on pourrait ajourner les travaux à midi
et demi? D'accord. Alors, M. Viau, vous avez, dans vos observations, fait
état du taux de vacance actuel qui prévaut, je ne sais pas si
c'est à Montréal, à Québec ou en
général, vous avez dit que le taux de vacance
s'établissait à 5. 6 p.c, n'est-ce pas?
M. VIAU: Oui.
M. CHOQUETTE: Et ceci s'applique à Montréal ou à
l'ensemble du Québec?
M. VIAU: A Montréal, au Montréal-métropolitain.
Nous l'avons d'ailleurs dans l'annexe VIII, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Oui. De cela, vous avez tiré la conclusion
si j'ai bien compris qu'il n'y avait pas de crise en somme dans le
logement, qu'il n'y avait pas de problème important dans le logement,
étant donné que ce facteur de vacance vient en somme permettre au
marché normal de l'offre et de la demande de s'exercer dans des
conditions de relative égalité entre propriétaires et
locataires.
M. VIAU: C'est cela.
M. CHOQUETTE: Mais j'attire votre attention sur le fait que le taux de
vacance est beaucoup plus élevé dans les logements qu'on appelle
studio ou "bachelor". D'ailleurs, vous l'avez reconnu vous-même au
moment... Je ne dis pas que vous avez cherché d'aucune façon
à dénaturer la situation, mais j'attire votre attention sur le
fait que le taux de vacance est pour ainsi dire nul dans les logements qui
méritent justement primordialement le contrôle des loyers,
c'est-à-dire les logements assez anciens, assez spacieux pour loger des
familles. C'est là où l'offre et la demande ne peuvent pas jouer
dans des circonstances optimales, parce qu'il n'y a pas de taux de vacance dans
ce genre de logement. C'est là qu'il y a une crise, un problème
de logement. Tandis que lorsqu'on arrive dans le domaine du "bachelor",
où il y a eu une surproduction à Montréal, on sait que le
taux de vacance est élevé et que c'est un marché qui s'est
effrondré depuis un an à peu près parce que les
"bachelors" se vendent à peu près trois fois leur revenu.
Ce n'est sûrement pas la préoccupation principale du
législateur que de réglementer les "bachelors". Je veux dire que
si nous avions seulement ce problème, nous n'étudierions pas de
loi aujourd'hui. Ce qui nous intéresse, ce sont les familles, les
logements nécessaires à ces
familles, les gens économiquement défavorisés qui
sont dans ces situations. C'est ce qui nous intéresse
primordialement.
M. VIAU: M. le ministre, si vous le voulez, je vais vous
référer au tableau IV. D'ailleurs, quand vous parlez de la
question des "bachelors", ce sont des logements qui, pour la plupart, ne sont
pas sous le contrôle des loyers. Si vous regardez le tableau IV, vous
verrez que c'est exact que les studios ce qu'on appelle les
"bachelors" représentaient en 1971-72, 10 p.c. des vacance. Si on
parle des logements à deux chambres, nous retrouvons un taux de 5.8 p.c.
et trois chambres et plus de 4.5 p.c. Je peux vous donner un exemple pratique.
Je demeure dans la cité de Lachine. Il y avait au mois de mars environ
600 logements vacants. Je ne dis pas que c'étaient tous des logements de
première qualité, mais cette augmentation des logements vacants a
résulté de la construction d'un centre d'habitation de 400
unités, avec l'aide de la Société d'habitation.
Nécessairement, il y a eu un drainage vers ces maisons et on se retrouve
avec 600 unités vacantes dans les limites de Lachine, ville mixte
où il y a population ouvrière à cause de ses nombreuses
industries et c'est un taux qui est plutôt anormal.
Je peux vous dire que les unités familiales de deux ou trois
chambres, il y en a tant et plus. On dit qu'il n'y a pas de rareté comme
on peut le concevoir lorsque cela a été premièrement
conçu durant la guerre et maintenu même après la guerre,
alors qu'on n'avait pas pu encore construire assez d'unités, soit
pendant la période..., je crois que la première loi de
contrôle des loyers dans la province date de 1951. C'est cela, parce que,
jusqu'en 1951, c'est le fédéral qui s'en occupait. La province a
alors pris le tout en main. Mais je crois qu'il n'a pas de comparaison possible
avec cette période, alors qu'aujourd'hui on veut étendre ce
contrôle à toute unité de logement, quelle qu'elle soit,
que se soit le "bachelor",...
M. CHOQUETTE: Mais, là, nous touchons à des notions
précises.
M. VIAU: Nous en étions au taux de vacance...
Voici quel était le taux de vacance en 1972, par secteur à
Montréal c'est assez intéressant pour les logements
de trois pièces et plus, les logements qui en somme sont la principale
préoccupation du législateur, c'est ce qui nous intéresse.
Dans le centre, c'était 3. 2 p.c, dans le nord-ouest, c'était 3.
9 p.c, dans le nord-ouest 0 p.c, dans l'ouest, 5. 7 p.c, dans l'est, 1. 6 p.c.
et dans le sud, 0. 2 p.c.
Alors, si on examine les quartiers où le taux de vacance est le
plus bas, il se trouve que ce sont les quartiers les plus pauvres, ce qui nous
conduit à la conclusion qu'il y a là un problème en ce
sens que le jeu de l'offre et de la demande ne joue pas parfaitement et qu'il y
a un avantage indu qui appartient aux propriétaires.
M. PAUL: Si vous permettez, M. Viau.
M'. VIAU: C'est sous contrôle, ces logements-là, à
l'heure actuelle.
M. CHOQUETTE: C'est exact.
M. VIAU: C'est ce que donne le contrôle.
M. CHOQUETTE: Nous n'allons pas entreprendre une autre discussion. Je ne
pense pas que nous puissions attribuer à la Régie actuelle des
loyers la responsabilité qu'il n'y ait pas suffisamment de logements en
chantier et en construction pour les familles à revenu modeste.
M. VIAU: D'accord.
M. CHOQUETTE: Je ne pense pas que nous puissions faire ça et que
personne ne portera cette accusation. La preuve en est qu'à
Montréal les logements qui sont soumis à un contrôle sont
seulement les logements construits antérieurement à 1951.
M. PAUL: Mais qu'est-ce qui empêche la ville de Montréal de
prendre ses responsabilités, en vertu du bill 12, et de voter un
règlement municipal, faire la demande au lieutenant-gouverneur en
conseil?
M. CHOQUETTE: Vous devriez adresser cette question intéressante
à son honneur le maire de la ville de Montréal lors de son
prochain passage ici.
M. PAUL: Mais qui vous dit qu'en posant ma question ce n'était
pas à lui que je la dirigeais?
M. CHOQUETTE: Nous avons des chiffres à peu près
identiques pour Hull et Québec.
M. PAUL: En avez-vous pour le territoire du Québec en
général?
M. CHOQUETTE: Je ne crois pas que ça puisse être fait.
M. VIAU: Non, parce qu'en fin de compte je pense qu'en dehors des grands
centres, le problème est...
M. CHOQUETTE: Maintenant, il y a un point sur lequel vous attirez notre
attention et je tiens à vous dire, M. Viau, que ce n'est pas parce que
le groupe que vous représentez prend une position opposée au
projet gouvernemental, d'abord que ça nous froisse, et,
deuxièmement, que nous ne sommes pas prêts à dialoguer et
à entendre les arguments de valeur que vous pourriez nous apporter pour
modifier notre position, si nécessaire.
Alors, je veux, au début de mes observations, quand même
dire que j'apprécie l'objectivité dont vous avez fait part et qui
a présidé au observations que vous avez faites.
M. VIAU: J'apprécie les vôtres, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Je voulais que ce soit bien compris.
M.PAUL: C'est beau.
M. CHOQUETTE: Vous avez dit, par exemple, que dans le cas de New York le
contrôle avait causé des problèmes considérables.
Mais il faut dire quand même que le contrôle new-yorkais n'est pas
du tout le même que celui envisagé par le projet de loi et je
crois que vous devez quand même le reconnaître. A New-York, il y a
eu un véritable gel des loyers, chose qui n'a jamais existé ou
enfin pas dans les années récentes au Québec et chose qui
n'est pas la solution préconisée par le projet de loi que nous
avons présenté. Ce n'est pas un gel des loyers; on permet les
augmentations de loyer, mais on veut éviter les abus, on veut
éviter que des propriétaires, si minoritaires soient-ils,
utilisent une position de force, le fait que le marché du logement n'est
pas absolument fluide que c'est un marché où il y a des
résistances, où il y a une certaine difficulté à
déménager pour le locataire entre autres, il y a le taux de
vacance dont on faisait état. Ce qui nous préoccupe, c'est
d'éviter des abus et le législateur n'entend pas
réglementer et arrêter l'augmentation des loyers pour permettre
aux propriétaires d'avoir quand même un rendement normal sur le
capital et payer leurs dépenses. Alors, je pense que vous devez
reconnaître avec moi la différence entre ce qui est dans le projet
de loi et la situation que vous déplorez à New York.
M. VIAU: Oui, mais il y a toujours un commencement et les
précédents peuvent créer à un moment
donné...
M. CHOQUETTE: Oui...
M. VIAU: Un instant. Le ministre parle des abus, je crois que c'est
indiscutable, nous sommes tous convaincus, et mes clients sans exception, qu'il
faut empêcher les abus. D'un autre côté, nous soumettons que
le contrôle est un moyen de faire réfléchir et
d'empêcher les investisseurs de venir construire, alors que nous avons un
besoin urgent et un besoin aigu de nouveaux logements. Je crois qu'on peut
avoir un certain contrôle mais pas â un moment donné mettre
sous contrôle toute unité. Actuellement, est-ce qu'il y a eu des
abus, est-ce qu'on peut me révéler des abus criants au niveau de
la province? Je ne crois pas que les abus aient été si
considérables que cela puisse justifier une loi qui aille aussi loin,
parce qu'on dit qu'elle ne va pas aussi loin que celle de New York. Très
bien, mais New York a commencé comme cela et cela a fini comme cela.
Vous savez, c'est toujours le danger.
M. CHOQUETTE: Vous reconnaissez quand même qu'il y a une
différence très profonde comment pourrais-je dire
dans les mesures que nous préconisons par rapport aux mesures qui
existent dans la ville de New York.
M. VIAU: Oui, ça...
M. CHOQUETTE: J'arrive à un autre point, M. Viau. Je suis
prêt à reconnaître avec vous qu'il faut faire en sorte que
les interventions du législateur soient calculées en fonction des
besoins. Vous comprenez? Je suis prêt à reconnaître
ça. Ainsi, et je l'ai dit tout à l'heure, ce qui nous
intéresse, ce sont certains types de logement principalement et nous
avons été amenés à envisager d'éviter les
abus pour l'ensemble des logements du Québec parce qu'il y a des;..
Commencer à faire des distinctions entre tel groupe de logements ou tel
autre groupe de logements, ça nous amenait à des distorsions
possibles du marché parce qu'il y aurait une catégorie
contrôlée et une catégorie non contrôlée. Je
vous demandais ce que vous aviez à dire sur ce point.
M. VIAU: Je pense que les situations varient d'un endroit à
l'autre dans la province parce que nous avons des secteurs qui sont plus
favorisés que d'autres. Vous avez Sept-Iles on en a entendu parler
dernièrement un peu c'est un des endroits, actuellement, les plus
prospères dans la province. Le niveau des salaires est très
élevé et tout ça.
Maintenant, si on prend une autre région, disons au
Lac-Saint-Jean, on voit qu'il y a de la pauvreté, etc. La situation
n'est pas la même. Les salaires étant plus élevés,
ça va nécessairement coûter plus cher et je crois que les
problèmes ne sont pas les mêmes d'un endroit à l'autre dans
la province. Là, on fait une loi uniforme.
Prenez la question des 5 p.c. On dit qu'il peut y avoir entente pour
augmentation jusqu'à 5 p.c. Cela ne veut pas dire qu'on peut augmenter
de 5 p.c. S'il n'y a pas entente, si le locataire s'entête à ne
pas accepter même 1 p.c. d'augmentation, le propriétaire doit se
présenter chaque année devant le commissaire, ou tous les deux
ans, chaque fois qu'il va vouloir avoir une augmentation.
Alors, à un moment donné, il est toujours obligé
d'aller devant le commissaire. Cela est un gel en quelque sorte. Il ne peut
même pas augmenter. Autrefois, il y avait une augmentation si le
locataire trouvait l'augmentation raisonnable. Il y a eu des abus; cela, c'est
sûr. Le jour où l'on va trouver une loi parfaite, on sera
très âgé, ou on ne sera plus là du tout. Ce que l'on
doit éviter, c'est cette crainte de
l'investissement. Plus l'Etat intervient dans les relations
particulières, on tend à éloigner ceux qui pourraient
investir et ceux qui pourraient contribuer à l'essort économique
et surtout à créer de nouvelles unités domiciliaires au
Québec.
M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h
30.
M. VIAU: Est-ce que vous avez des questions à nous poser?
M. LE PRESIDENT: Oui, il y en a plusieurs. (Suspension de la
séance à 12 h 35)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs !
Nous allons continuer les questions. Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je n'ai plus de question.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je n'ai que quelques questions. Je
voudrais demander à M. Viau s'il est en mesure de nous dire si, en se
référant au rapport Rand de New York, cette baisse dans le nombre
d'unités de logement dans la ville de New York a pu correspondre
à une période de développement industriel ou de
construction d'immeubles commerciaux dans la ville de New York?
M. VIAU: Non. Parce que, en fin de compte, il n'y a pas de nouvelles
industries qui s'établissent dans la ville de New York même. Quand
on connaît la composition physique de New York, il n'y a pas d'industrie
complètement nouvelle.
M. PAUL: Je ne parle pas du côté industriel comme surtout
commercial ou immobilier...
M. VIAU: On n'a pas étudié cet aspect, M. le
député, mais on a simplement constaté ce qui avait
été fait au cours des années. Si vous lisez le sommaire
qu'on appelle "The Current Crisis in Rental Housing", immédiatement
après la préface, à l'annexe V "The New York City Rand
Institute", vous verrez qu'on donne les différents titres de chapitre et
on parle justement de cette question de "building abandonment", "deterioration
of the housing stock", "a shortage of rental housing", et tous les
différents problèmes. Après cela, on en vient aussi
à parler, dans cette question, de ce qui a amené le
contrôle, à la page 12, de façon plus
spécifique.
Quand on dit, à la page 12, dans le rapport Rand, "The City's
system of rent control has achieved its principal objective, the protection of
tenants from "unfair" rent increases in a tight housing market. But by
preventing rents from rising in step with the costs of supplying rental
housing, it has left owners with few alternatives to undermaintenance and
reduction of building services. Its application has also been highly
inequitable among both landlords and tenants". C'est l'observation qu'on
retrouve dans le rapport Rand au sujet du contrôle comme effet direct et
immédiat qui s'est fait à la suite du maintien du contrôle
des loyers.
M. PAUL: M. Viau, une autre question. Est-ce que vous ne craignez pas
qu'une régie des loyers finisse par établir définitivement
un gel dans les loyers, tel que ç'a pu se produire à New
York?
M. VIAU: La machine vous fait compétition, M. le
député.
M. PAUL: Est-ce que vous ne craignez pas qu'une loi adoptée dans
ses forme et teneur, comme nous la retrouvons dans le texte 59, aurait pour
effet d'amener un gel des loyers à travers tout le Québec?
M. VIAU: C'est évident. Je pense que ce n'est qu'un premier pas,
alors qu'on ne connaît pas toutes les implications économiques.
C'est ce qui est notre crainte et c'est pour ça que nous entretenons des
craintes sérieuses et que les associations que je représente se
prononcent contre la forme telle que présentée dans cette loi,
sans connaître toutes les répercussions, les ramifications que
ça aurait éventuellement dans l'établissement de nouveaux
logements.
Nous avons dit ce matin qu'il y avait 0.2 p.c. dans la partie est de
Montréal... Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de logemnts qui sont
sous le contrôle... Mais, comment remédier à avoir de
nouveaux logements? Si, à un moment donné, on amplifie le
contrôle, il y a un découragement de ceux qui sont prêts
à investir. Ils vont dire: Ecoutez, plutôt que de risquer, je suis
aussi bien d'acheter des obligations et de ne pas prendre de risque.
Parce que, en fin de compte, le bonhomme qui investit $200,000 ou
$300,000, que ce soit seulement ce montant, sans parler d'édifices
à millions, il prend toujours un certain risque parce qu'il ne sait pas
quelle va être la situation économique qui va se présenter
à un moment donné dans tel et tel secteur de la ville ou de
n'importe quelle municipalité. Que ce soit à Montréal ou
dans n'importe quelle ville de la province, il peut avoir actuellement un essor
qui dépende de quelques industries. Mais que cet essor, pour une raison
ou pour une autre, cesse du jour au lendemain, la maison qui aurait
été construite, que ce soit un bloc de 40 unités
seulement... Le bonhomme est exposé à avoir son revenu
anticipé, revenu relativement normal sans parler seulement de
capitalisme, sur l'argent qu'il a investi.
Il faut toujours que le bonhomme puisse anticiper d'avoir quelque chose
pour le risque qu'il prend. Celui qui achète des obligations de la
province à 9.25 p.c, il ne prend pas de risque, mais il sait qu'il va
recevoir 9.25 p.c. pour le temps que l'obligation a été
émise.
Même chose pour une obligation émise par le gouvernement du
Canada. Mais celui qui prend le risque, je pense qu'il peut prendre le risque
d'avoir 12 p.c. mais il peut également risquer de recevoir seulement 4
p.c. de rendement sur l'argent qu'il a placé. C'est la situation.
M. PAUL: Une dernière question. Dans votre mémoire, M.
Viau, comme conclusion, vous invitez le gouvernement à reporter à
six mois l'adoption de cette loi parce qu'entre-temps, vos clientes et clients
seraient en mesure d'établir un relevé de la disponibilité
de logements au Québec en même temps que vous seriez en mesure de
mentionner aux membres de la commission quelle pourrait être la
portée économique d'une telle législation. Est-ce que vos
clients sont en mesure d'apporter plus de précisions que n'en contient
votre mémoire tel que présenté?
M. VIAU: Sur ce point, notre mémoire est encore un sommaire parce
que ce n'est pas dans l'espace de quelques semaines et je puis vous dire
que mon associé, Me Paquet, a travaillé d'arrache-pied pour
pouvoir collectionner les faits et tirer les conclusions de ces
différents travaux et études qui ont été faites
ailleurs ceci n'est que partiel. Alors, on pourra nous objecter: Vous
nous donnez l'expérience de New York; vous nous donnez
l'expérience de Boston; mais ce serait intéressant, vous savez,
d'aller aussi à Toronto, dans les autres provinces du Canada, où
il y a un problème de logements et où l'on n'a pas cru à
propos d'aller instaurer un système de contrôle de loyers et de le
rendre général, comme on tente de le faire
présentement.
Maintenant, plusieurs problèmes n'ont pas pu être
approfondis. Quelles sont les causes fondamentales de la rareté qui fait
que des gens soient mal logés? Il ne faut pas se cacher les faits. Et on
admet que des gens vivent dans des conditions minables. Et je crois qu'il n'y a
personne dans cette salle qui ne soit pas pour l'amélioration de la
situation actuelle. Mais d'un autre côté, je ne crois pas que ce
soit le contrôle des loyers qui va résoudre le problème,
alors que l'on va, d'un côté, limiter les loyers et que, de
l'autre, on va faire craindre les investisseurs possibles. Parlons, si vous
voulez, de ceux qui veulent construire. Il y en a que la construction
intéresse. Mais c'est rendu aujourd'hui et il y a des membres ici
qui peuvent vous apporter le témoignage de ce qui se passe dans la
construction ce n'est presque plus rentable.
Je pourrais demander à M. Roméo Vézina d'expliquer
la situation en quelques mots. Voici un bonhomme qui a construit des maisons
où il y a des unités de deux, trois ou quatre appartements et
demi, il vous dira l'expérience qu'il a acquise depuis quelques
années. Je pense que cela sera intéressant. C'est un bonhomme qui
est dans le champ d'activité.
M. VEZINA: M. le Président, l'expérience à laquelle
se réfère M. Viau est une expérience que nous avons
vécue, mes associés et moi-même, dans la
municipalité de Saint-Laurent, dans le Montréal
métropolitain où nous avons construit 450 logements depuis 1966.
Nous avons subventionné depuis 1966 les deux bâtiments qui sont
connus sous le nom du Frontenac et du Colbert ce sont deux exemples en
particulier c'est-à-dire que nous avons été
obligés de réinvestir à chaque année pour
protéger le capital initial. La difficulté principale, je
dois l'avouer, a été, d'une part, l'augmentation continuelle des
taxes nous n'avons pas encore pu rattraper cette augmentation et,
d'autre part, le nombre de logements vacants chaque année.
Je peux dire, à partir de cette expérience et d'autres
expériences dans d'autres secteurs de la ville de Montréal, en
comparant les chiffres d'autres immeubles que nous possédons aussi avec
ceux qui sont au Canada, à Toronto ou dans d'autres villes canadiennes,
que les gros immeubles à Montréal sont en dépression
depuis 1965, les loyers sont dépressifs dans ces bâtisses. Je
parle de bâtisses de 50 logements et plus. Cette année, pour la
première fois, avec le regain économique que nous connaissons, la
diminution du pourcentage de logements vacants nous amène à
équilibrer nos dépenses. Nous avons été
obligés de financer les pertes accumulées dans les
dernières années par une injection de capital additionnel ou des
emprunts additionnels à court terme et cela prendra un certain nombre
d'années pour pouvoir les faire disparaître. Après ces
années, nous serons encore au niveau de dire: Nous sommes au point de
départ dix ou onze ans après la construction. C'est un exemple
patent.
Je peux vous fournir les chiffres de ces immeubles quand on aura eu le
temps de les colliger. C'est un exemple pour décourager l'investissement
dans ce genre de placement. Nous possédons, dans ces mêmes
endroits, des terrains que nous essayons de vendre aujourd'hui à perte
et il n'y a pas d'acheteur. Cela est un exemple précis.
M. VIAU: Est-ce que cela répond à votre question, M. le
député?
M. PAUL: Oui, M. le Président. Pour conclure, avant de me
prononcer pour l'appui ou le rejet des arguments apportés dans le
mémoire qui vous a été présenté par M. Viau
au nom de ses clients, je veux le féliciter ainsi que Me Paquet parce
que c'est un travail extrêmement bien fait, nonobstant ce qu'il peut
contenir mais c'est un mémoire très bien fait, très bien
étoffé et qui ne peut que nous aider, nous les membres de la
commission, à analyser le principe de la loi 59 et de ses
répercussions dans la vie économique du Québec.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. Viau, j'aurais quelques brèves questions à
vous poser. D'abord, vous avez commencé votre plaidoyer en affirmant que
vous vous en preniez vous avez insisté pour que les membres de la
commission écoutent attentivement le vocabulaire que vous avez
employé à ce moment que vous en aviez contre la forme de
contrôle contenue dans le projet de loi 59 et vous avez dit: Non pas le
contrôle, mais la forme de contrôle, si je vous ai bien compris
parce que vous avez insisté vous-même. Par contre, tout au long de
votre plaidoyer, après cette entrée en scène, je vous ai
entendu critiquer, avec des arguments que le ministre ou d'autres
collègues, je pense, ont refutés à ma place, d'autres
étaient valables, la forme de contrôle prévue dans le bill
59. J'ai eu l'impression que, contrairement à ce que vous aviez
affirmé au départ, c'est au contrôle lui-même que
vous en avez et non pas nécessairement à la forme prévue
dans le bill 59. En aucun temps, et pas plus dans les solutions que vous
proposez, et qui, vous admettrez, sont du scoutisme par rapport aux
problèmes auxquels nous faisons face, je ne vous ai vu suggérer
une autre forme de contrôle que celle contenue dans le bill 59. Au
contraire, tout votre plaidoyer a été contre l'existence
même du contrôle. Vous vous en êtes pris à l'exemple
américain; le ministre a parfaitement réfuté vos arguments
là-dessus, je pense; et quand vous vantiez Toronto tout à
l'heure, c'était pour dire que là-bas il n'existe aucune forme de
contrôle. Alors, peut-être ai-je mal compris, peut-être
n'est-ce pas clair, mais quelle est l'autre forme de contrôle que vous
proposez puisque vous semblez admettre le principe qu'il doit exister un
contrôle?
M. VIAU: Voici, M. le député. Actuellement, il y a un
contrôle qui existe depuis 1951, à l'échelle de la
province.
Auparavant, nous avions connu le contrôle du gouvernement
fédéral qui avait été mis en place à
l'occasion de la guerre et qui était devenu nécessaire, dans
certaines régions du pays, à cause des déplacements de
population provoqués par l'établissement d'industries urgentes
pour la production de guerre.
Depuis 1951, cette loi a été amendée et, à
un moment donné, on a apporté certaines réformes par
lesquelles les municipalités peuvent demander à être
soustraites de la juridiction de cette loi. Le contrôle actuel s'exerce
sur une certaine catégorie d'immeubles, les immeubles construits avant
1951. Les immeubles construits depuis cette date ne sont pas soumis à la
juridiction.
La nouvelle loi propose un contrôle général. Tout
local d'habitation, quel qu'il soit, du local d'une pièce et demie
à celui qui peut se louer $1,000 ou $1,200 par mois, ce qu'on appelle
les appartements huppés... On dit ceci: II n'y a pas
nécessité d'étendre cette forme de contrôle, quand
on dit la forme de contrôle, c'est cela qu'on veut dire. A un moment
donné, on veut tout contrôler, on veut tout soumettre. Dans la
catégorie d'immeubles, d'unités de logements que M. Vézina
a décrite, je peux vous dire que dans ce secteur les loyers sont
plafonnés par une demande. Il n'y a jamais eu de problème.
Personne ne s'est plaint qu'il y avait des abus à ce niveau. Il n'y a
pas de doute. Où on trouve des abus, c'est dans les logements, dans les
vieilles propriétés de cinq ou six pièces, pour les
familles nombreuses. Dans le même temps, on a, en quelque sorte,
gelé les loyers à un montant qui ne correspond plus aux
dépenses qui doivent être encourues pour maintenir ces
logements.
Que ce soit dans votre propre comté de Saint-Jacques, un
comté populeux, où il y a beaucoup de ces maisons, je serais
extrêmement curieux de savoir quelle est la condition de ces logements
qui sont sous contrôle. A un moment donné, avec l'augmentation des
taxes dans un premier temps; dans un deuxième temps, l'augmentation du
coût des services, que ce soient les salaires qu'on est obligé de
payer au plombier, au menuisier, pour faire les réparations, il est
sûr que le bonhomme qui demeure là ne peut certainement pas payer
$125, mais il le devrait pour que le propriétaire puisse faire les
réparations et encore retirer quelque chose.
M. CHARRON: Puisque vous parlez du comté de Saint-Jacques, je
pourrais vous donner des statistiques sur la qualité de l'habitation
chez nous, mais je vous ferai remarquer une seule statistique, que je veux
glisser, c'est qu'à tout le moins 40 p.c, si ce n'est pas 50 p.c. des
habitations, sont possédées par non pas de petits
propriétaires, mais par la Société d'administration de
fiducie ou des corporations ou des trusts de ce genre. C'est beaucoup. Ce n'est
pas le genre du petit propriétaire saigné à blanc par le
salaire du plombier.
M. VIAU: Je comprends, mais pourquoi, aujourd'hui, y a-t-il un si grand
nombre de ces propriétés qui sont passées dans les mains
des sociétés de fiducie, des trusts, des compagnies d'assurance?
C'est parce que les propriétaires ont été obligés
de les abandonner. Savez-vous combien d'unités...
M. CHOQUETTE: Je pense qu'ils administrent des patrimoines de
successions.
M. VIAU: Un instant. Savez-vous combien la Société
centrale d'hypothèques a été obligée...
M. BACON: Attendez un peu. Vous êtes plus loin. Une
société d'administration et de fiducie ou une
société de fiducie et une société centrale
d'hypothèques et de logement, ce n'est pas pareil.
M. VIAU: Non, mais il parle...
M. BACON: Je ne suis pas avocat mais je fais la différence entre
les deux.
M. VIAU: Je comprends, mais écoutez. J'essaye de répondre.
Peut-être mais alors, messieurs, vous possédez...
M. BACON: Vous charriez un peu fort.
M. CHARRON: Qu'il possède ou qu'il administre?
M. BACON: Qu'il administre. Il ne possède pas, il administre.
M. CHARRON: C'est pour répondre à votre argument que vous
étiez en train d'invoquer. J'étais certain que vous arriveriez au
salaire des plombiers. Celui qui administre ou qui possède la maison,
c'est lui qui va payer le salaire du plombier. Si c'est le petit bonhomme qui a
bâti une maison avec ses épargnes pendant 35 ans de travail,
j'admets que le travail du plombier peut être plus coûteux. Mais je
vous dis que, chez nous, dans Saint-Jacques, puisque vous l'avez
évoqué vous-même, 50 p.c. des maisons ou sont
possédées ou sont administrées, comme dit le
député de Trois-Rivières, par ces sociétés
d'administration et de fiducie qui ont mauditement les moyens de payer les
salaires des plombiers actuellement.
M. VIAU: Oui mais, en fin de compte, vous demandez à ces
sociétés de devenir des entreprises de philanthropie.
M. CHARRON: Non, je n'ai jamais eu cette intention-là et je sais
très bien qu'il y a beaucoup trop de distance entre la philanthropie et
le profit pour que vous puissiez combler le fossé tout d'un coup.
M. VIAU: Oui mais, en fin de compte, si, à un moment
donné, la société de fiducie administre un édifice
de 40 logements dans n'importe quelle rue de votre comté, M. Charron
c'est sûr que les comptes des plombiers vont être payés.
Mais pour cette propriété donnée, si, à un moment
donné, le loyer n'est pas suffisant, que va-t-il arriver? On va en faire
le moins possible et c'est à ce moment-là que cette maison
devient une maison presque inhabitable.
M. BACON: II administre sous mandat à ce moment-là. C'est
le propriétaire qui décide, il administre sous mandat.
M. VIAU: Oui, je le sais mais, en fin de compte...
M. BACON: Je ne dis pas si la compagnie de fiducie, à un moment
donné, ne veut pas améliorer; il administre sous mandat. Vous
devez le savoir, vous êtes avocat.
M. VIAU: Oui, mais il faut qu'il y ait des revenus pour pouvoir le
faire.
M. BACON: Non, ce n'est pas ça. S'ils ne font pas de
réparations à un moment donné, c'est parce que le
propriétaire dit: Moi, je décide de ne pas faire de
réparations.
M. VIAU: Pas nécessairement. Il va se limiter à un moment
donné parce qu'il n'a pas le revenu suffisant pour les faire.
M. BACON: C'est la décision du propriétaire, ce n'est pas
la décision de la compagnie qui administre.
M. VIAU: Je comprends, mais même si c'est la décision du
propriétaire, on parle de la question du revenu. On parle du
contrôle des loyers. Je pense qu'on s'éloigne un peu du sujet.
Supposons qu'une vieille propriété est sous contrôle, que
le loyer est fixé à un montant de $75 par mois mais que, pour
arriver, pour qu'il lui reste même 5 p.c, il faudrait que ce soit
haussé à $90 mais que, à cause du contrôle,
ça reste à ce montant-là. C'est là qu'il y a un
fossé qu'on n'est pas capable de remplir et je dis que, à un
moment donné, même si M. Charron a dit qu'on avait fait des
propositions imbues de scoutisme, je pense que ce sont des propositions
concrètes et qui répondent à la réalité.
Il y a des économiquement faibles et ça, nous sommes tous
d'accord qu'il faut les aider, que ce soit par l'assurance sur le loyer ou par
n'importe quel autre moyen. Prenez les habitations à loyer modique
construites grâce au financement de la Société d'habitation
du Québec, à un moment donné, vous allez avoir un logement
qui, normalement, se louerait $160. Mais c'est un bonhomme qui ne peut pas en
payer plus que $90, qui va payer la différence?
C'est la municipalité et la Société centrale
d'hypothèques, c'est la Société d'habitation qui paye la
différence. Là, on rend un service mais, d'un autre
côté, selon ce système, cela veut dire à ce
moment-là que la propriété privée va
disparaître, vu qu'il n'y aura plus d'intérêt pour aucun
investisseur privé à vouloir construire et à vouloir
maintenir parce qu'il y a un contrôle tellement serré qu'il n'y a
plus de jeu pour lui. Oui, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Sur la question de la détérioration des
immeubles soumis à un contrôle, soit par voie de système
tel que proposé dans notre loi, le projet de loi 59, soit sous la forme
que ç'a actuellement en vertu de la Loi de la conciliation entre
propriétaire et locataire, soit encore sous la forme de contrôle
que ça prend à New York, je répète que la forme de
contrôle est assez différente.
En somme à New-York, cela a été un gel de loyers au
départ et c'est simplement par la suite qu'on a élargi, dans une
certaine mesure peut-être pas suffisante, remarquez bien
qu'on a tenté d'élargir pour permettre aux propriétaires
d'avoir un retour normal sur leur capital investi. Je dis ceci. Je vais vous
donner une citation que je prends du rapport Kristof que vous avez en annexe
dans votre mémoire, le rapport Kristof, annexe 3, page 37 : "Rent
Control is a relatively minor factor in the deterioration and demise of a
substantial portion of the City's older and obsolete housing..."
C'est-à-dire que le contrôle des loyers, nous dit l'auteur du
rapport Kristof, dès qu'on lui donne la forme à New York qui est
plus sévère que celle que nous avons au Québec, c'est un
facteur assez secondaire dans la détérioration et l'abandon d'un
certain nombre des plus vieilles propriétés de la ville de New
York.
Il ne faudrait quand même pas inventer des épouvantails
pour faire peur aux gens avec des choses qui dépendent du vieillissement
normal des choses. Qu'est-ce que vous voulez? Si les propriétaires ne
font pas toujours les réparations à leur propriété,
ce n'est quand même pas la faute des locataires.
Pour ce qui est du cas de Montréal, je vais vous donner des
chiffres qui vous diront le bénéfice net que reçoivent les
propriétaires de maisons contrôlées actuellement par la
Régie des loyers. Je ne parle pas des immeubles récents, je parle
d'immeubles contrôlés et on sait qu'à Montréal le
contrôle va seulement jusqu'en 1951. Les immeubles construits
postérieurement à 1951 ne sont pas contrôlés par la
Régie des loyers.
Voici, d'après une enquête faite par le
vice-président de la Régie des loyers, les
bénéfices nets fait par les propriétaires: 86.03 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 10 p.c. et plus; 82.13 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 11 p.c. et plus; 77.3 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 12 p.c. et plus; 72.85 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 13 p.c. et plus; 65.75 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 14 p.c; 56.70 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 15 p.c. et plus; 45.47 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 16 p.c. et plus; 34.32 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 17 p.c. et plus; 25.74 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 18 p.c. et plus; 17.55 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 19 p.c; 19.40 p.c.
perçoivent un bénéfice net de 20 p.c. Et là, on
peut continuer jusqu'à 25 p.c. Je ne suis pas pour donner... Parce que
là, on arrive dans des proportions assez infimes, mais je dis qu'avec
des revenus comme ceux-là, il me semble que les propriétaires ont
amplement les moyens d'entretenir leur propriété et de
prévenir un vieillissement prématuré.
M. VIAU: C'est sur un échantillonnage de combien de
propriétés?
M. CHOQUETTE: C'est sur 1,200 propriétés prises au
hasard.
M. VIAU: En quelle année? M. CHOQUETTE: En 1970.
M. BROCHU: M. le ministre, de quelle façon faites-vous vos
relevés de statistiques pour arriver à 80 p.c, à 70 p.c,
à 50 p.c?
M. CHOQUETTE: II faut comprendre... M. VIAU: Sur quel capital est-ce
basé?
M. CHOQUETTE: C'est un peu comme la machine à piastres de M.
Caouette.
M. VIAU: Sur quel capital? M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: C'est un peu comme la politique créditiste en
matière monétaire.
M. BROCHU: Depuis le matin, on reproche aux créditistes certaines
clauses, mais nous n'avons pas encore été au pouvoir Alors, les
maux de la terre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Je badine tout simplement.
M. VIAU: Basé sur quoi, M. le ministre? Quelle valeur prenez-vous
pour cela?
M. CHOQUETTE: Je voudrais répondre au député
d'abord, si vous me le permettez. Le député m'a
interpellé.
M. VIAU: Allez-y.
M. BROCHU: C'est normal avec la compilation que vous avez faite.
M. CHOQUETTE: Je disais: 86 p.c. perçoivent un
bénéfice net de 10 p.c. et plus. C'est évident qu'on
retrouve ce même 86 p.c. dans le 25.74 p.c. qui perçoivent un
bénéfice net de 18 p.c. et plus.
M. BROCHU:... la compilation... M. BACON: II a compris.
M. VIAU: Quand vous dites, à un certain moment, 11 p.c, c'est 11
p.c. de quoi? Est-ce que c'est sur l'évaluation municipale?
M. BACON: Dans la majorité de ces propriétés, M.
Viau, les hypothèques ne sont pas tellement élevées, si
vous regardez chacune de ces propriétés.
M. VIAU: Mais sur quoi se base-t-on en fin de compte pour établir
les 11 p.c? 11 p.c. de quoi? Est-ce que c'est sur l'évaluation
municipale, la valeur marchande? Sur le prix d'achat d'il y a quinze ou vingt
ans? Ecoutez, je pense bien que c'est bien beau de nous donner des
statistiques, mais je crois qu'il faut avoir une base.
M. CHOQUETTE : Voulez-vous que je vous donne lecture de cette lettre
pour qu'on comprenne le sens?
M.VIAU: Ah! ce serait intéressant, parce qu'actuellement, mes
lumières ne fonctionnent pas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE : La lettre est adressée au président de la
Régie des loyers et signée par M. Gaston Massie, le
vice-président, qui a fait l'enquête: Veuillez trouver ci-inclus
l'original d'un tableau représentant un échantillonnage fait par
la Commission des loyers sur 1281 immeubles situés dans la ville de
Montréal et représentant 6001 logements situés dans les
immeubles dont il est question plus haut. Le but de la présente
enquête était de déterminer et de constater si la situation
du placement immobilier était avantageuse ou non pour les citoyens d'une
grande municipalité urbaine. La procédure suivie était la
suivante. Nous avons désiré limiter l'enquête seulement sur
les immeubles qui se trouvaient soumis à l'application de la loi pour
favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires pour
l'année 1970. Comme ladite loi a été renouvelée et
sanctionnée au mois de décembre 1969 et qu'elle exigeait que
toute demande concernant la fixation d'un prix d'un loyer pour la
période du 1er mai 1970 jusqu'au 30 avril 1971, soit produite au bureau
de l'administrateur des loyers au plus tard le 31 mars 1970, nous avons
demandé à l'administrateur des loyers de Montréal, pour,
au moins, les 1200 premières qui seraient produites à son bureau,
de faire parvenir à chacun des propriétaires des immeubles
où se trouvait situé l'un de ses logements, une formule
spécialement rédigée et sur laquelle chaque
propriétaire pouvait détailler l'état complet de ses
revenus et dépenses se rapportant à l'immeuble en question. Nous
avons reçu réponse de 1281 propriétaires différents
qui nous ont donné le bilan concernant leur immeuble. Ces immeubles sont
de toutes les catégories, leur évaluation municipale
étant, dans certains cas, aussi basse que $9000 et allant jusqu'à
des évaluations dépassant $50,000. Les chiffres produits par les
propriétaires n'ont pas été modifiés sauf dans les
cas où il était représenté des réparations
majeures faites à l'immeuble telles que, par exemple, remplacement d'une
couverture, d'un système de chauffage, du système de plomberie ou
d'électricité, car, dans ces cas, le montant total
dépensé par des propriétaires dans la même
année a été réparti sur une plus longue
période pouvant s'étendre à trois ans dans le cas
où l'immeuble a été peinturé à nouveau et de
cinq, dix, quinze ou vingt ans, selon la nature de la dépense. Le
tableau indique le nombre d'immeubles pour lesquels le pourcentage de
bénéfice net a été perçu par un
propriétaire en partant de 1 p.c. jusqu'à 36 p.c. et le
résultat obtenu nous démontre par l'échelonnement
reproduit en marge dudit tableau que: Et là, il y a la liste que j'ai
établie tout à l'heure... sur la proportion du logement des
immeubles qui ont fait sujet de l'enquête. Un fait à remarquer,
c'est que dans le cas de ces 1281 immeubles, le propriétaire demandait
une augmentation de loyer pour un ou plusieurs de ses locataires.
En conclusion, si l'on considère les faits connus par cette
enquête, le placement immobi-
lier est avantageux et, en majorité, dépasse même
les normes régulières connues pour tel placement d'argent.
Donc, ce sont les propriétaires qui ont donné leurs
chiffres.
M. PAQUET: On peut quand même se poser la question à
laquelle malheureusement la lettre de M. le vice-président de la
Régie des loyers ne donne pas réponse. Quand on dit un profit net
de 10 p.c, c'est 10 p.c. de quoi? Si c'est 10 p.c. d'un capital investi qui
représente 5 p.c. de la valeur de la bâtisse, c'est une chose. Si
c'est 10 p.c. de la valeur municipale de la bâtisse, c'est une autre et
également, si c'est 10 p.c. de la valeur marchande. Alors, les 10 p.c,
les 11 p.c. ou les 12 p.c. sont basés sur quoi?
M. VIAU: Si vous faites simplement...
M. CHOQUETTE: Le pourcentage est basé sur l'évaluation
municipale de Montréal.
M. VIAU: Oui, mais est-ce que la différence serait entre les
dépenses qu'il fait et les revenus et l'on dirait que cela lui rapporte
tant par rapport à son revenu. Si on dit que je retire $2,000 et que
cela me coûte $1,500, de mon revenu, j'ai alors 10 p.c. net. Est-ce que
c'est cela? Cela me donne l'impression que c'est de cette façon que l'on
calcule. On n'a pris ni l'évaluation, ni le prix d'achat, ni la valeur
marchande.
M. CHOQUETTE: Je crois, M. Viau, que vous vous trompez, parce qu'il est
manifeste d'après le contexte de la lettre que même les grosses
réparations, on les a amorties sur quel ques années. Alors, il
est manifeste qu'on a tenu compte de toutes les dépenses. Vous comprenez
ceque je veux dire?
M. VIAU: Oui.
M. CHOQUETTE: C'est cela. Il est manifeste qu'on a pris le revenu brut
des immeubles, on a déduit les dépenses et on a même, dans
certains cas peut-être, amorti certaines grosses réparations sur
une période de quelques années et on arrive à un revenu
net.
M. VIAU: Oui, mais le revenu de quoi?
M. CHOQUETTE: Le revenu net est comparé sur la base de
l'évaluation municipale de Montréal.
M. VIAU: C'est un revenu net de 10 p.c. de l'évaluation...
M. CHOQUETTE: ... municipale de Montréal. On sait que
l'évaluation municipale de Montréal se situe environ à 85
p.c., 90 p.c. de la valeur réelle, c'est-à-dire de la valeur sur
le marché.
M. VIAU: Tout dépend des quartiers, parce qu'en fin de compte...
C'est supposé, mais on pourrait discuter longuement...
M. CHOQUETTE: On sait que les autorités municipales de
Montréal font un effort pour rapprocher l'évaluation municipale
des valeurs marchandes tout en gardant, peut-être, un certain pourcentage
pour s'éviter des contestations devant le bureau de révision des
évaluations.
M. VIAU: Oui, mais on nous apporte des chiffres faits sur un certain
échantillonnage. C'est pour cela et je pense que vous venez simplement
de prouver notre demande qui est à l'effet d'avoir une enquête
générale et une étude véritablement approfondie.
Parce que depuis 5 ou 10 ans, combien de causes vont devant la Régie des
loyers, à Montréal, Québec, Trois-Rivières, dans
les villes...
M. CHOQUETTE: Environ 10,000 par année, dans la province.
M. VIAU: Environ 10,000 dans la province. Combien y a-t-il
d'unités de logement qui sont susceptibles d'être sous le
contrôle de la Régie des loyers dans la province?
M. CHOQUETTE: A Montréal, 175,000.
M. VIAU: A Montréal, 175,000 et il y a eu 10,000 plaintes dans la
province pour le contrôle des loyers. Vous trouvez qu'il y a un
problème.
M. CHOQUETTE: Je trouve que 10,000 causes, c'est beaucoup.
M. VIAU: Dans toute la province, 10,000 causes?
M. CHOQUETTE: Cela dénote, en somme, l'inutilité du
tribunal, parce que 10,000 causes, c'est pas mal.
M. VIAU: Oui, mais seulement dans la ville de Montréal, il y a
175,000 logements qui sont susceptibles d'être sous le contrôle de
la Régie des loyers.
M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier non plus que la présente de
la loi favorise, en de nombreuses circonstances, un accord mutuel entre les
parties. C'est un autre facteur que vous devez considérer, M. Viau.
M. VIAU: Oui, mais cela encore, je crois que ce n'est pas si clair et
nous ne pouvons pas être aussi positifs sur cette position, M. le
ministre. On ne dit pas qu'il n'y a pas une nécessité de
contrôle, qu'il n'y a pas nécessité, un moment
donné, de modifier la loi! Même les dispositions du code civil
sont dépassées dans certains cas et il faut qu'elles soient
remises à jour;
d'ailleurs, l'Office de révision du code civil a cette mission.
Je pense que, de notre côté, il faut insister sur l'aspect
économique nous avons insisté sur cet aspect dans notre
mémoire qui est actuellement un problème vital pour le
Québec. Je n'ai pas besoin de vous faire la description. Je pense que
tous, sans exception, admettront, quelles que soient les allégeances
politiques, que nous avons un sérieux problème et qu'il faut tout
faire pour essayer d'inciter, de développer davantage... et de
régler le problème de l'habitation qui est un problème
vital. Nous avons des sections défavorisées non seulement dans
Montréal, mais dans certains secteurs de la province. Alors, je dis et
nous le représentons dans notre mémoire: Faisons un travail
sérieux et si, un moment donné et ceci peut se faire dans
un délai très raisonnable la loi est continuée,
disons, pour une période d'un mois, qu'on arrive avec des dispositions
qui répondent réellement aux besoins de la province, de tous les
secteurs et qu'on ait quelque chose qui soit souple pour réellement
protéger ceux qui ont besoin de protection et favoriser
également, dans un même temps, la construction dans
différents secteurs de la province, à Montréal comme
ailleurs et â Québec aussi. A Québec, on se plaint que les
logements sont chers. J'ai entendu dire ce matin que les logements
étaient chers.
M. BOSSE: Ils sont plus chers à Québec qu'à
Montréal.
M. VIAU: II y a sûrement une raison. Est-ce qu'on peut dire
pourquoi?
M. BOSSE: II y a cependant une chose qui me frappe.
Toute l'argumentation que vous utilisez nous amènerait à
croire que les gens qui sont propriétaires d'immeubles régis par
la régie actuelle se seraient départis de leur
propriété. Or, à ma connaissance, nul d'entre eux n'a
songé à se départir de cet investissement fort
intéressant. Il faut aussi se rappeler que pour le législateur,
et comme représentant d'une circonscription de Montréal, il y a
80 p.c. de la population dans Montréal qui est locataire et c'est le
locataire qui a besoin de protection à ce moment-ci. Ce que cette loi
offre en fait, ce n'est pas d'empêcher l'investissement dans la
construction, ce n'est pas d'empêcher l'investisseur de réaliser
des bénéfices, c'est tout simplement de permettre aux locataires,
qui sont quand même le grand nombre, d'avoir une protection qu'ils ont su
utiliser dans le passé. La Régie des loyers et les cas qui sont
passés devant elle Grand Dieu! j'ai eu l'occasion d'en vivre un
bon nombre ce n'étaient pas des inutilités.
Parce qu'en vertu de la loi actuelle même, combien d'abus ont
été commis! Même en vertu de la loi actuelle, et
grâce à la Régie des loyers, grâce au beau travail
accompli par la Régie des loyers, il y a eu quand même un minimum
de justice et c'est ce genre de justice, je pense que, par la loi actuelle, on
veut apporter à l'ensemble des locataires qui sont couverts, soit par
les constructions datant d'après 1951. Qu'économiquement vous
sembliez vouloir nous dire que le législateur veut mettre ici un frein
à l'investissement à la construction, cela m'apparaft une chose
à être démontrée et à être
démontrée d'une façon beaucoup plus claire que vous ne
l'avez fait jusqu'à présent.
Pour votre présentation, je pense que vous méritez des
félicitations pour la façon dont vous la faites. Cependant cela
ne me convainc point et cela ne convainc pas non plus les locataires qui
habitent dans mon comté ou qui habitent dans l'île de
Montréal. Il y a de multiples griefs, par exemple. S'il y en a 10,000
qui ont été présentés devant la régie,
à cause fréquemment du manque d'information, il y en a
probablement trois ou cinq fois plus qui ne se sont jamais rendus à la
régie parce que ces gens-là étaient tout simplement sous
l'effet de diverses formes d'intimidation directe ou indirecte. Ici j'ai des
expériences personnelles que j'ai constatées à l'occasion
de mes activités, alors que j'étais à la CSN.
M. VIAU: M. le Président, je comprends les remarques
appropriées du député Bossé. Mais je crois
également, on l'a dit au début, malheureusement dans le court
temps qui a été mis à notre disposition, que c'est un
problème d'ampleur et je dis qu'il y a des problèmes qu'il faut
étudier en profondeur pour connaître exactement quels seraient les
effets et les ramifications pour les locataires. Je comprends que,
politiquement, il y a 82 p.c. de locataires dans la ville de Montréal.
Cela, je l'admets, c'est une classe qu'il ne faut pas négliger.
Mais, d'un autre côté, quand on dit qu'il y a un danger de
freiner la volonté des personnes et des corporations qui pourraient
investir, je crois que c'est un danger réel qu'il ne faut pas
sous-estimer. On peut avoir des doutes, mais je crois que, si un bonhomme peut
avoir le même rendement avec d'autres placements, il va aller vers
d'autres placements parce qu'il y a beaucoup moins de problèmes en
sachant qu'il s'en va vers l'inconnu.
M. BOSSE: Ce n'est pas le but d'empêcher la construction ou
l'investissement, ni non plus de couper les bénéfices, mais
d'empêcher des abus. Comme le disait ce matin le ministre, quand cela
rapporte 20 p.c, à un moment donné, soit 10 p.c. de
bénéfice net et 10 p.c. de capital et intérêts, de
capitalisation, comme dirait mon collègue...
M. VIAU: M. Bossé, je représente en fin de compte...
M. BOSSE: Je n'ai pas dit que c'était général. Je
ne généralise pas.
M. VIAU: Je représente ici des professionnels de l'immeuble et,
en fin de compte, vous
avez été longtemps avec la CSN, vous connaissez les
problèmes du travail; je suis avocat, je n'ai pas la science
universelle, je discute les problèmes avec mes clients comme ils me les
exposent, mais je pense que ce que j'ai exposé et ce que nous avons
émis, c'est l'opinion de gens qui ont l'expérience de milliers et
de dizaines de milliers de cas.
Nous représentons des milliers de personnes qui font leur vie
avec ça, non pas pour exploiter mais qui disent que, si telle chose
arrive, on va avoir tel effet.
Actuellement, ces professionnels de l'immeuble doivent transiger tous
les jours avec de grandes institutions financières pour obtenir des
fonds, pour pouvoir faire des aménagements.
M. BOSSE: Comprenez-moi bien. Je ne suis pas contre la
rentabilité du capital dans le système dans lequel nous
vivons.
M. VIAU: Je comprends.
M. BOSSE: Ceci étant dit, nous avons eu ici l'occasion d'entendre
des gens d'autres secteurs, par exemple l'alimentation, où on est
satisfait de 3 p.c. On trouve que c'est un gros bénéfice. Vous
parlez d'investissements où, dans ce secteur-là, vous pouvez
réaliser jusqu'à 20 p.c. Ne généralisons point,
disons 10 p.c.
M.VIAU: Oui mais, actuellement, plus une maison est considérable,
plus elle a d'unités de logement, plus le rendement est bon. Cela se
trouve être inversement proportionnel.
M. BOSSE: Excepté que, là aussi, plus on a de
propriétés, plus on adapte les réparations. On crée
la relation avec la possibilité de déduire des impôts. La
planification dans la question des réparations, je regrette, j'ai
constaté ça personnellement...
M. VIAU: Oui, mais voici...
M. PAUL: Je fais un appel au règlement, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Oui, le député de Maskinongé.
M. VIAU: Je voudrais demander à M. Lefebvre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Maskinongé.
M. PAUL: Est-ce qu'on pourrait obtenir de vous une directive pour
connaître le processus que vous avez l'intention de tolérer pour
l'étude de ce projet de loi? Depuis que les commissions parlementaires
ont commencé leur travail, le tout consistait à entendre des
mémoires et à interroger des témoins. Il me semble
assister actuellement à une assemblée contradictoire entre, d'une
part, le bouillant député de Dorion et, d'autre part, de savants
procureurs des parties en cause.
Je vous demanderais, M. le Président, une directive aux fins de
savoir s'il nous est permis de faire notre discours de deuxième lecture
dès maintenant.
M. BOSSE: M. le Président, je voudrais tout simplement
là-dessus rappeler au député de Maskinongé d'abord
que je ne suis pas membre de la commission et que j'ai constaté
certaines absences, dans Duplessis, d'autre part.
M. PAUL: II nous fait plaisir de constater que vous signalez votre
premier passage devant la commission.
M. BOSSE: Ceci étant dit, pour la deuxième réunion,
je crois qu'il ne s'agit pas d'une polémique; tout simplement, mais,
peut-être le ton est-il bouillant l'argumentation comme
telle demeure très sereine et je pense bien que le témoin
à la barre en est conscient.
M. VIAU: Alors, sur ce point...
M. LE PRESIDENT: Je prends tout de même vos directives parce qu'il
est 3 h 22. Dans l'ordre des choses, nous avons encore trois organismes
à entendre cet après-midi. Pour répondre au
député de Maskinongé, peut-être que certains feront
leurs discours de deuxième lecture, pensant qu'ils n'y seront pas pour
le faire en temps et lieu. Mais le député de Saint-Jacques
tantôt, a demandé au député de Dorion de terminer sa
question. Un tour de table très rapide pour ceux qui auront des
questions à poser.
M. CHARRON : M. le Président, je rappellerai que...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Dorion a
terminé?
M. BOSSE : En effet, pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Pour le moment. Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: C'était sur ma première question et
c'était en fait sur la réponse que M. Viau donnait à ma
question que le ministre s'est permis de faire une intéressante
intervention pour citer ses statistiques et c'est ce qui a fait dévier
le débat. Je ne le lui reproche pas parce que je ne possédais pas
les statistiques et elles arrivaient à point dans le débat. Mais
avant de passer à l'autre question, je vais quand même vous dire
que ma question première était: Avez-vous une forme de
contrôle à proposer autre que celle du bill 59 ou, si vous en
avez, comme je le crois, contre toute forme de contrôle?
Dans la réponse que vous étiez à me donner avant
l'interruption du ministre, vous étiez à dire que le
contrôle déjà prescrit par la Loi favorisant la
conciliation entre propriétaires et locataires vous apparaissait comme
excessive. C'est alors que le ministre a cru bon d'intervenir pour vous montrer
que, même sous l'empire de ce contrôle, les profits sont
déjà assez élevés.
Je vous donnerai l'occasion de revenir aux autres questions et de
reprendre cette réponse sur la forme de contrôle que vous proposez
mais j'aimerais grouper, pour aller plus vite et accélérer, les
autres questions que j'ai à vous poser et vous pourrez me
répondre totalement.
Si je prends le résumé de votre mémoire à la
page 3, vous affirmez catégoriquement que les principaux effets du
contrôle des loyers dans les grandes villes américaines et
encore j'ouvre une parenthèse pour signaler la remarque du ministre, ce
n'est pas le contrôle comme celui que le bill 59 propose, je ferme la
parenthèse êtes-vous d'avis que les huit principaux effets,
la cause première fondamentale, prioritaire dans l'apparition de ces
malaises dans le domaine de l'habitation à New York et à Boston,
ç'a été l'existence d'un contrôle des loyers? Ou la
simple évolution du marché économique, en allant
jusqu'à la guerre au Viet-Nam, si ça vous tente de passer par
là, aurait-elle pu jouer aussi? Affirmez-vous catégoriquement que
les principaux effets du contrôle ont été ces huit choses
et qu'elles n'ont été à toutes fins pratiques que
causées par le contrôle? Si vous permettez, j'aimerais mieux
terminer mes questions.
M. VIAU: C'est parce que je ne veux pas les oublier, vous savez.
M. CHARRON: D'accord, alors répondez donc à ça. On
passera ensuite au scoutisme.
M. VIAU: Je ne parlerai pas de la guerre du Viet-Nam parce que nous
n'allons pas entrer dans les problèmes internationaux, mais nous allons
rester dans un domaine plus près de nous, le contrôle des loyers.
Je n'ai pas été contrôlé personnellement, mais c'est
à la lumière de ces études que nous avons annexées
à notre mémoire qu'il a été constaté que les
principaux effets du contrôle avaient été les suivants. Ce
sont des rapports que nous prenons au sérieux et vous verrez que la
plupart sont unanimes. Ce ne sont pas seulement des études faites par
des gens qui sont engagés professionnellement ou financièrement
mais par des instituts qui ont surtout comme principal objet d'étudier
les problèmes sociaux. Tous en sont venus à la conclusion que
c'étaient les principaux effets du contrôle dans les villes de New
York et de Boston.
D'ailleurs, ce matin, je vous ai donné l'augmentation du nombre
de bâtiments démolis et abandonnés, je pense qu'il y a eu
assez... j'ai eu l'occasion de lire dans différentes revues
américaines que la situation à New York était devenue
simplement pitoyable, que des rues entières étaient
abandonnées alors qu'à un certain moment, les services de
bien-être étaient obligés de payer. On a cité un cas
où on logeait certaines familles dans des hôtels et ça
coûtait quelque chose comme $50 par jour, je pense que ce sont des faits
précis.
M. CHARRON: Au fond, M. Viau, les huit phénomènes que vous
présentez, croyez-vous qu'ils auraient pu exister, apparaître? Au
fond, ne sont-ils pas déjà apparents par exemple dans des villes
québécoises comme Montréal et Québec avant
même qu'il n'y ait un contrôle? Affirmer aussi
catégoriquement que vous le faites que ces malaises sont apparus par
l'effet du contrôle des loyers, vous ne trouvez pas ça un peu
charrié?
M. VIAU: M. Charron, je ne charrie pas, parce qu'en fin de compte ce
sont des constatations qui sont faites dans des rapports. Je ne suis pas
allé sur place et vous savez, c'est pour ça que je dis qu'on
devrait faire une étude sérieuse. Ce serait peut-être
intéressant qu'une commission dont vous pourriez être membre, et
ça me ferait plaisir de vous accompagner, aille sur place voir ce qui se
passe à New York et à Boston...
M. VEILLEUX: Ils ne sont pas forts pour visiter.
M. CHARRON: Ce n'est pas une réflexion intelligente,
continuez.
M. VIAU: Vous savez...
M. BOSSE : Leur dernier voyage était dans le nord.
M. VIAU: Encore là, M. Charron, ces rapports sont là et je
n'ai pas été vérifier sur place, mais ce sont des
documents écrits, publics et sérieux, si on n'y croit pas,
à quoi croira-ton?
M. CHARRON: Le ministre, avec des documents aussi sérieux,
tantôt, vous a répondu...
M. VIAU: Je n'ai pas dit que ce n'était pas sérieux.
Ce sont des études faites par des gens de l'extérieur et
par des instituts qui ne sont engagés ni pécuniairement ni
professionnellement. Je pense donc qu'on peut toujours attacher une certaine
valeur aux conclusions tirées par ces rapports.
M. CHARRON: En tout cas, M. Viau, je pense faire une...
M. VIAU: Et nous demandons précisément de faire ici la
même étude pour voir quel a été l'effet du
contrôle actuel. On a parlé de 10,000 causes à travers la
province, je ne sais pas
combien il y en a eu juste dans la ville de Montréal.
M. CHOQUETTE : Un nombre de 6,000 dans la ville de Montréal.
M. VIAU: Cela veut dire qu'il en reste 4,000 pour le reste de la
province. Et là, on veut étendre le contrôle à tout
local d'habitation quel qu'il soit dans toutes les municipalités
mentionnées dans le projet de loi. Et il y en a toute une série;
Vous avez je ne sais pas combien de municipalités où l'on veut
étendre ce contrôle. Je suis sûr qu'il y a des
municipalités où il n'y a pas eu un seul appel depuis X
années. Je serais prêt à faire un pari et je serais pas mal
sûr de le gagner.
M. CHARRON: Croyez-vous que les locataires en sont heureux? Est-ce que
c'est parce que justement ils n'en ont pas le droit? Une fois qu'on leur
donnera le droit...
M.VIAU: Ils ont le droit d'appel actuellement.
M. CHARRON: Avec le bill 59, la protection du locataire, il faut
l'admettre, sera beaucoup plus substantielle qu'elle ne l'est actuellement.
M. VIAU: Est-ce que vous avez des chiffres?
M. CHARRON: Je ne veux pas tout de suite dire quelle utilisation ils en
feront.
M. VIAU : Parce que vous non plus vous ne pouvez pas dire et je crois
qu'on n'est pas en mesure actuellement c'est la raison pour laquelle
nous demandons une étude de dire s'il y a eu une
catégorie, s'il y en a eu 100, 10 ou 1,000 à travers la province
qui ont été victimes d'abus parce qu'il n'y avait pas de
contrôle des logements de 1951 jusqu'à maintenant. Est-ce qu'on a
des chiffres sur cela?
M. CHARRON: Ce que fait la loi 59...
M. BOSSE: Pour un nombre de 10, je peux vous le garantir.
M. CHOQUETTE: Oui nous avons des chiffres.
M. CHARRON: ... elle ne fait que poser le droit.
M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas interrompre le député de
Saint-Jacques mais je pourrai en faire état tout à l'heure.
M. VIAU: On en fait une loi. On dit que tout local d'habitation
désormais sera sujet au contrôle et que, pour augmenter en haut de
5 p.c, il faudra aller devant la régie à chaque fois, devant le
commissaire et que, s'il n'y a pas d'entente et si le bonhomme veut augmenter
de 1 p.c, il faudra qu'il aille à la régie. C'est le sens de la
loi. On généralise d'une façon absolue sans savoir si
réellement il existe un besoin pour ce genre de contrôle. Qu'on
prenne les moyens d'empêcher les abus, personne ne s'y oppose. Et je
crois que c'est le devoir, c'est l'obligation du gouvernement d'avoir des lois
qui empêchent les abus. Que ce soit pour les gens
défavorisés ou les gens dans l'aisance, tous ont droit à
une justice égale dans la province. Mais d'un autre côté,
il ne faut pas qu'on généralise quand ce n'est pas
nécessaire. Sachons où l'on va avant d'adopter une
législation aussi générale et aussi radicale parce que je
crois que la façon dont existera le contrôle des loyers au
Québec sera à peu près la seule place au Canada où
cela existera sous cette forme.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Seulement quelques brèves observations sur le
délaissement des immeubles dans la ville de New York. Je crois que tout
le monde sait que New York et son agglomération urbaine comprennent
environ 10 millions d'habitants. Et je crois que, lorsqu'on parle du
contrôle des loyers à New York, on parle du contrôle des
loyers d'un certain secteur de cette agglomération urbaine qui comprend
probablement Manhattan, le Bronx, Brooklyn, les cinq "burroughs" qui forment le
territoire de la ville de New York. On sait aussi que dans ce territoire
fortement urbanisé existent des problèmes incomparablement
différents d'avec ceux que nous avons chez nous. Il y a des
problèmes de ghettos véritables, que ce soit Harlem, que ce soit
la population porto-ricaine qui vit dans certains secteurs de la ville. Le
délaissement des immeubles et la détérioration
générale vont un peu avec ce déclassement ou cette
prolétarisation d'une large partie de la population newyorkaise avec
l'augmentation énorme de la criminalité dans la ville de New
York, comme tout le monde le sait. Il y a une série de
phénomènes qui sont bien plus profonds et bien plus importants
que le contrôle des loyers à proprement parler. Et j'ajouterai
simplement ceci: Même certaines villes qui n'ont pas de contrôle
des loyers aux Etats-Unis, par exemple, Chicago, Saint-Louis, d'après ce
que mes experts me disent, connaissent un phénomène similaire
d'abandon d'immeubles, de délaissement de propriétés, de
vieillissement des anciennes propriétés.
Je ne crois pas qu'il soit juste de dire que nécessairement un
contrôle va amener une détérioration générale
de l'immeuble.
M. VIAU: Non, ce n'est pas le seul facteur. Loin de nous de
prétendre que le contrôle serait le seul facteur qui provoque
l'"abandonne-ment" mais le facteur de la taxation, je pense, en est un, parce
que à un moment donné, les
taxes deviennent tellement élevées d'ailleurs, j'ai
cité des chiffres de New York ce matin, savoir qu'il y avait eu 126
propriétés en 1968 ou 1969, je ne sais pas trop, qui avaient
été abandonnées pour non paiement de taxes que le
bonhomme se dit qu'il ne peut payer des réparations.
M. CHOQUETTE: Le rapport fait justement état de la situation du
propriétaire qui a un revenu insuffisant de son immeuble et qui, face
à l'accroissement des coûts, néglige les réparations
et, au bout d'un certain temps, il y renonce. Parce que présentement,
à New York, il y a un véritable gel de loyers.
M. VIAU: Oui, mais, indépendamment de cette question de
contrôle, ne croyez-vous pas que le problème du logement, qui est
un problème vital au Québec, ne nécessiterait pas de
façon opportune une étude sérieuse et approfondie pour
vider cette question, ou tenter, au moins, de la vider, une fois pour
toutes.
M. CHOQUETTE: M. Viau, je suis de votre avis. Je crois qu'il devrait y
avoir...
M. VIAU: Et les organismes que je représente sont prêts
à collaborer. Je pense qu'on devrait avoir une collaboration de tout le
monde pour ça.
M. CHOQUETTE: Je le crois. D'ailleurs, le problème du bill 59 et
du code des loyers n'est pas une réponse totale au problème du
logement au Québec. C'est une réponse bien partielle. Le
gouvernement en est parfaitement conscient. Je n'écarte pas du tout la
proposition que vous avez formulée, au nom de Vos clients, d'une
étude de l'ensemble des problèmes du logement au Québec,
de l'habitation et des problèmes du domicile.
M. VIAU: Mais je dis qu'avant d'aller plus loin, il serait
peut-être bon de s'y pencher et de voir si réellement,
sérieusement, on doit étendre de façon
générale, le contrôle à tout local d'habitation, que
ce soit à Sept-Iles, à Rouyn, à Chicoutimi, à
Drummondville, à Sherbrooke, à Trois-Rivières, ou à
Montréal, peu importe.
M. CHOQUETTE: Mais tout à l'heure, vous avez fait allusion aux
besoins qu'il pouvait y avoir dans le domaine de l'arbitrage entre
propriétaires et locataires dans les conditions financières
lorsqu'ils n'arrivent pas à s'entendre. Et la régie a fait faire
un certain sondage. Voici ce qu'on dit ici, parlant des résultats de ce
sondage: La compilation fait état d'une augmentation annuelle de 10 p.c.
et plus. En effet, les statistiques démontrent que l'augmentation
annuelle moyenne du prix du loyer au Canada est de l'ordre d'environ 4 p.c. Il
est par conséquent très raisonnable de considérer comme
présumément abusive une augmentation annuelle de 10 p.c. et plus.
Ainsi, le sondage démontre que sur 1,177 locataires interrogés,
255 ont subi une augmentation annuelle moyenne de 10 p.c. et plus. Donc,
près d'un locataire sur quatre, soit 22 p.c. parmi ceux qui ont
été appelés pour des renseignements aux bureaux locaux de
la Régie des loyers, a subi annuellement une augmentation de 10 p.c. et
plus, et ce, alors qu'il habitait le même logement. Cela illustre le
besoin qu'il peut y avoir dans ce domaine, soit de réprimer des
abus.
M. VIAU: Encore là, vous avez soulevé une autre facette du
problème. Là, on y va par petits bouts à la fois. Vous
donnez des statistiques sur une partie, puis sur une autre. Je crois que c'est
l'ensemble de toutes ces données qui pourrait réellement donner
une vue d'ensemble au gouvernement et aux législateurs pour en arriver
à adopter une loi réaliste répondant réellement aux
besoins de la société et aux besoins relatifs à
l'économie de la province. C'est sur cette note que je veux terminer,
s'il n'y a pas d'autres questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'en aurais trois petites, si vous voulez y
répondre.
Dans les solutions proposées, vous indiquez à la
troisième ligne je parle toujours du résumé
une planification financière à long terme des corps publics;
mentionnant les corps publics, quand vous avez expliqué ce passage de
votre mémoire, vous avez mentionné les gouvernements
fédéral, provincial et les autorités municipales. Est-ce
que vos mandataires ont poussé plus loin la réflexion et, quitte
à bousculer certains principes établis, ne se sont-ils pas
demandé si une autorité publique dans le domaine de
l'habitation...
M. PAUL: J'aimerais mieux, M. Viau, que vous répondiez au nom de
vos mandants.
M. VIAU: M. Charron, je crois, vous savez, qu'il faut fonctionner dans
le système de gouvernement qu'on a au pays. H y a un gouvernement
fédéral qui a certains pouvoirs qui lui sont accordés par
la constitution. La province a le pouvoir qui lui est accordé par les
articles 92 de la constitution, de la propriété, et je crois
qu'il faut travailler dans le cadre des institutions, à leur
existence.
M. CHARRON: Dans l'hypothèse d'une très éventuelle
réforme de la constitution, est-ce qu'une seule autorité
publique, en vue d'une planification financière mieux faite dans le
domaine de l'habitation, ne serait pas mieux que la concertation à
trois?
M. VIAU: Je crois que c'est utopique, ce que
vous proposez, parce qu'en fin de compte, il y aura toujours des
gouvernements municipaux, il y aura toujours un gouvernement provincial, il y
aura toujours un gouvernement fédéral.
M. CHARRON: D'accord. Quand on heurte un mur, on ne frappe pas
dessus!
Vous parlez de l'utilisation d'une formule de bail standard. Est-ce que
vous seriez prêt à inclure un bail type dans le projet de loi?
M. VIAU: Je pense que pour la formule de bail standard, à un
moment donné, la loi, comme le code civil, pourrait dire qu'il y aurait
certaines dispositions qui sont automatiques. Je ne sais pas si vous êtes
au courant de la loi des compagnies. Autrefois, quand on incorporait les
compagnies, il fallait mettre dans notre demande, pour que cela se retrouve
dans les lettres patentes, une série de pouvoirs. A un moment
donné, le législateur a dit: II y a des redondances. On se
répète. Alors, on a mis dans la loi que les corporations qui sont
formées en vertu de la loi des compagnies, auraient telytel
pouvoir. Il pourrait très bien être dit, et ceci pourrait se faire
dans le code civil, qu'à un moment donné le bail pourrait
contenir telle ou telle disposition qui serait ni plus ni moins presque
obligatoire.
Nous avons les conditions statutaires qui apparaissent à la loi
pour les compagnies d'assurance, pour les polices d'assurance. Il
apparaît dans le code civil que les polices d'assurance doivent avoir
telle et telle disposition. Maintenant, que nous ayons une formule, cela peut
toujours se faire, mais, d'un autre côté, il y a toujours place
à de l'amélioration. A un moment donné, il y en a qui ont
un meilleur style que d'autres. Quand on parle d'un bail standard, je pense
qu'on pourrait se référer à des dispositions dans la loi.
Je crois que l'office de révision je vois le président
semble d'accord pour cette suggestion. Cela pourrait se retrouver
à l'intérieur du code civil.
M. CHARRON: Ma troisième et dernière question ne concerne
pas les solutions.
M. BOSSE: Sur ce point, ne croyez-vous pas que l'accès en serait
plus facile, cependant, si ce bail type se retrouvait, par exemple, au niveau
de la loi 59 plutôt qu'au niveau du code civil? Je m'explique: Pour le
locataire, disons le citoyen ordinaire, à moins d'accès comme
vous pouvez en avoir comme avocat, est-ce que ce ne serait pas plus facile pour
le citoyen, le locataire...
M. VIAU: M. Bossé, que le texte de loi se retrouve dans le code
civil ou dans les statuts, je pense, en fin de compte, qu'il y a la même
facilité d'approche. Ce matin, j'ai émis l'opinion en dehors du
mandat, mais, comme avocat, je crois qu'on doit éviter de multiplier les
lois. Pour ma part, je déplore la multiplication des lois pour
régler différents problèmes, alors qu'on devrait rester,
à mon sens c'est une opinion personnelle dans le cadre des
lois existantes. Le code civil a déjà un chapitre qui concerne
les relations entre le locataire et le locateur.
M. BOSSE: C'est aussi ce qui cause des problèmes aux locataires,
par exemple, qui, eux, doivent faire de la consultation, parce que c'est bien
évident que pour le locataire moyen, il n'a pas accès à
ces services.
M. HARDY: II y aurait une solution bien facile au problème que
semble se poser le député de Dorion, si jamais on arrivait
à la conclusion que c'est un chapitre du code civil; on ferait un
tiré à part de ce chapitre du code civil et on le distribuerait
aux gens qui ont difficilement accès, comme le dit le
député de Dorion, aux volumes du code civil. Je pense que ce
n'est pas un problème bien grave.
M. VIAU: Et d'ailleurs, si vous vous rappelez, la loi pour faciliter
l'accès...
M. BOSSE: Ce n'est peut-être pas un problème bien grave
pour mon confrère...
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorion, s'il vous
plaît. Je suis encore ici comme président, je donne la parole au
député de Saint-Jacques.
M. BOSSE: Excusez-moi, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Habituez-vous, s'il vous plait!
M. CHARRON: Ma dernière question était: Vu le refus que
semble apporter le groupe que vous représentez au bill 59 et son
adoption par l'Assemblée nationale qui, à mon avis, ne fera pas
de doute, est-ce que, étant donné que la loi permet je
pense que c'est à l'article 19, si ma mémoire est fidèle
deux ans entre la construction d'une habitation et le fait qu'elle entre
dans le champ d'application de la loi, cela n'aura pas comme conséquence
que les entrepreneurs que vous représentez et les autres, sachant que
dans deux ans ils seront soumis au 5 p.c. annuel, auront tendance, dès
les deux premières années où la loi ne les touche pas,
à augmenter le prix des loyers, à les mettre plus
élevés qu'ils ne l'auraient été normalement, la loi
n'ayant pas été appliquée? Ou croyez-vous que la loi du
marché va les contenir?
M. VIAU: Actuellement, M. Charron, je l'ai dit
précédemment, dans une certaine catégorie de logement, je
crois que la compétition, l'offre et la demande conditionnent les
loyers. Même si tel était le cas maintenant qu'une maison à
logements multiples soit érigée qu'en novembre 1973 on voudrait
louer les logements $200
alors que le prix normal serait de $130, j'ai l'impression qu'il y aura
des vacances assez nombreuses et que le propriétaire n'y a pas
intérêt.
Vous savez que dans un bloc de tant de logements, il faut qu'il y ait un
strict minimum qui soit loué et il faut que ça rapporte tant pour
payer les dépenses, les intérêts sur l'emprunt, etc..
M. CHARRON: D'accord, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Dorion a des
questions?
M. BOSSE: Non.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je remercie M.
Viau ainsi que les membres qu'il représente.
M. VIAU: Je vous remercie, M. le Président et MM. les membres, de
votre bonne attention.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant M. Gilles Champagne au nom de
la Chambre de commerce de la province de Québec.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. LETOURNEAU: M. le Président, mon nom est Jean-Paul
Létourneau; je suis le vice-président exécutif de la
Chambre de commerce de la province de Québec. Je vous présente
les personnes qui m'accompagnent pour la présentation de notre
mémoire. A ma droite, M. Pierre Morin, directeur général
des affaires publiques de notre organisme; à ma gauche, Me Gilles
Champagne, directeur des recherches et de la législation et à ma
droite, Mme Gisèle Baril, notre directeur pour l'information.
Ce n'est pas mon intention, M. le Président, de vous lire notre
mémoire. Notre présence ici est surtout pour appliquer une
politique en laquelle nous croyons beaucoup, qui est celle de notre organisme
et qui se résume bien par les propos tenus récemment par notre
président, propos qui ont d'ailleurs été rapportés
dans notre mémoire et que je vais répéter. Ce n'est pas
très long.
Cela se résume comme suit: L'appareil gouvernemental devient de
plus en plus lourd et contraignant pour tout le monde. Il ne s'agit pas pour
nous de nier le rôle du gouvernement à légiférer
là où il y a des abus, il s'agit plutôt d'intervenir
lorsque nous croyons que le prix â payer en termes de liberté
individuelle est disproportionné par rapport aux abus à
corriger.
Il s'agit aussi d'intervenir pour que les mécanismes de
régularisation des activités touchées par ces lois
atteignent vraiment leurs objectifs sans créer des monstres
administratifs qui coûtent très cher et qui créent des
embête- ments, des déboursés et des tracasseries inutiles
aux citoyens et aux entreprises qui se comportent raisonnablement."
M. le Président, nous sommes en général d'accord
sur les dispositions de la loi qui visent à établir une liste de
prohibitions qui ne peuvent faire partie d'un bail, qui visent à
prévoir des conditions de maintien d'un locataire dans les lieux,
à prévoir des conditions de reprise de possession des lieux par
le locateur, à prévoir des conditions générales
d'éviction et de résiliation de bail et à briser cette
coutume de la fin des baux au 1er mai.
Par contre, nous nous opposons à l'établissement du
mécanisme gouvernemental très lourd que la loi propose de mettre
en place et qui vise à réglementer et à trancher les
désaccords quant au coût ou à l'augmentation du coût
d'un loyer entre les parties à un bail de location de logement
d'habitation. Dans toutes nos consultations, nous n'avons pas réussi
ici, nous allons peut-être entrer dans un débat du genre de
celui que nous venons d'entendre sur la justification de la loi à
trouver des justifications satisfaisantes, à notre point de vue,
à la mise en place d'une loi semblable.
Le ministre, lorsqu'il a présenté la loi à la
première session de la commission parlementaire de la justice qui
discutait ce projet de loi, à la page B-5908 du journal des
Débats du 27 septembre 1972, a fait état, de statistiques
où il est dit: "Le logement présente des tendances nettement plus
inflationnistes que les autres secteurs de la consommation. Ainsi, l'indice des
prix à la consommation était de 141.8 pour le logement en 1970,
contre 129.7 pour l'indice global des prix à la même
époque." Si mes informations sont correctes, je pense que le ministre se
référait à des statistiques canadiennes, alors que nous
avons l'impression que les statistiques québécoises ne
présenteraient pas tout à fait la même proportion ou
disproportion entre le coût général de la vie et l'indice
de l'augmentation des prix du logement.
M. CHOQUETTE: M. Létourneau, je ne veux pas vous interrompre
pendant votre exposé...
M. LETOURNEAU: Non, très bien.
M. CHOQUETTE: ... mais simplement dire que les statistiques pertinentes
pour le Québec n'existent pas. Il n'y a pas de données
statistiques pour le Québec seul. C'est la raison pour laquelle j'ai
cité des statistiques canadiennes.
M. LETOURNEAU: Nous comprenons bien ce fait, M. le ministre, cependant,
cela nous ramène au débat de tantôt, à savoir qu'il
faudrait peut-être examiner de plus près la situation
québécoise. Si nous regardons ici les statistiques dont nous
disposons, qui sont reproduites dans un document qui s'intitule "La situation
économique au Québec, 1971," publié
par le ministère de l'Industrie et du Commerce de la province de
Québec, nous y trouvons en page 74 un tableau qui montre des indices de
prix à la consommation pour l'habitation et d'une manière
globale. Ces indices canadiens sont comparés aux mêmes indices
pour Montréal et nous remarquons une différence très
appréciable de l'indice du coût de l'habitation au Canada et au
Québec, c'est-à-dire qu'au Québec il est très
sensiblement moins élevé que dans le Canada en
général.
Ce qui nous porte à croire que la situation devrait se
refléter à l'envergure de la province également. C'est ce
qui fait que nous appuyons évidemment cette position qui requiert que
des études plus approfondies nous apportent une preuve bien
étayée du besoin de la loi qui fait l'objet de l'étude
aujourd'hui.
D'ailleurs, le député de Maisonneuve, je pense, au cours
de la même session de la commission parlementaire, a cité de son
côté que les augmentations de loyer à Montréal
étaient de l'ordre d'environ 11/2 p.c. Ailleurs, on a vu aussi
qu'à Québec, dans un document qu'on a cité tantôt,
M. Couillard a indiqué que les augmentations étaient de l'ordre
d'à peu près 3.7 p.c. annuellement depuis les huit
dernières années. Ceci nous porte à croire que, d'une
façon générale, il ne semble pas y avoir des abus
marqués concernant les augmentations de loyer dans la province de
Québec. Evidemment, nous sommes conscients qu'il y a une distinction ici
entre les indices du coût de l'habitation qui inclut sans doute
l'habitation unifamiliale et l'indice du coût du logement, mais
même à cela, il y aurait des réconciliations à faire
ainsi que des précisions.
Nous reconnaissons avec vous, M. le Président, que l'intention du
législateur n'est pas nécessairement d'établir un gel des
loyers. Cependant, dans l'application pratique que l'on fera de la
législation qui est à l'étude, nous craignons fort que
cette application pratique amène en pratique un gel des loyers. Parce
que, s'il y a conflit entre le locateur et le locataire, quant à
l'augmentation qui devait effectivement être acceptable, le tribunal
devra juger à un moment donné de ces cas, selon certains
critères. Nous avons toute raison de croire que ces critères,
à un moment donné, seront établis selon des taux de
rendement. Quels seront les taux de rendement que le tribunal établira
comme étant raisonnable? Seront-ils uniformes à travers la
province? Seront-ils flexibles? Tiendront-ils compte des variations dans les
taux d'intérêt sur hypothèque, par exemple, qui, dans une
bonne mesure, peuvent conditionner ce que les propriétaires estiment
être un rendement raisonnable de leurs investissements dans le domaine du
logement à revenu?
Ce sont autant de questions sur lesquelles nous nous inquiétons,
parce qu'il est bien connu que, dès qu'on a établi des
critères, il est bien difficile de les faire varier et, à toutes
fins pratiques, cela pourra équivaloir à des maxi- mums qui, eux,
résulteront à toutes fins pratiques aussi, en un plafonnement ou
à un gel des loyers.
Dans les consultations que nous avons eues, M. le Président, il
semble bien que la perception qu'on a eue de cette loi est mauvaise chez les
propriétaires. On perçoit mal cette loi. Remarquez que ce projet
de loi peut être très bon en soi, je ne pose pas de jugement et
même ceux qui la regardent ou qui en entendent parler plutôt,
perçoivent cela comme une nouvelle contrainte, comme de nouvelles
formalités, comme l'intrusion du gouvernement dans leurs affaires, comme
le plafonnement du revenu qu'ils pourront percevoir de leurs logements et
aussi, comme beaucoup de tracasseries administratives et, Dieu sait s'ils en
ont déjà beaucoup, et n'importe qui est réfractaire
à ce genre de contrôle, de formules à remplir, etc.. Alors,
nonobstant la qualité de la loi, si sa perception n'est pas bonne par
ceux à qui elle s'applique, les effets et les conséquences de
cette loi ne pourront pas être bénéfiques à
l'ensemble.
M. CHOQUETTE: Je vous reprends un peu sur cela parce que, lorsque le
projet de loi a été connu au début de juillet, je crois,
j'ai lu des réactions instantanées qui ont paru dans la presse et
je dirais qu'au total les réactions étaient dans l'ensemble assez
favorables et du côté des locataires et du côté des
propriétaires. En somme, la réaction initiale n'a pas
été négative du tout. J'admets qu'il y a certains points
qui ont certainement été l'objet de critiques. C'est tout
à fait normal. Cela ne serait pas à moi de m'étonner de
cela, mais je ne vois pas pourquoi vous pouvez dire que la perception est
mauvaise.
M. LETOURNEAU: Ce sont des perceptions que nous avons eues en consultant
des gens propriétaires, petits, moyens et grands, de logements
d'habitation qui voient fondre sur eux une nouvelle loi à
laquelle ils n'étaient pas soumis auparavant parce que la loi
proposée couvrira tous les locaux d'habitation. On voit une nouvelle loi
qui arrive et qui permettra, par exemple, à un locataire, au moindre
conflit, d'aller devant...
M. BURNS: M. Létourneau, cela ne couvre pas tous les logements.
C'est d'ailleurs une des critiques vous m'avez cité tantôt
et si vous avez lu tout mon texte à ce sujet, j'ai fait cette critique
à l'effet qu'il y a une partie des logements qui ne sont pas
couverts par cette loi.
M. LETOURNEAU: Vous voulez dire les municipalités de la province
qui ne sont pas couvertes?
M. BURNS: C'est cela.
M. LETOURNEAU: C'est une bien petite minorité.
M. BURNS: II y en a quand même.
M. LETOURNEAU: D'accord, mais je parle de celles qui sont couvertes
ici.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous me permetteriez de
poser une question à M. Létourneau? Vous avez fait allusion
tantôt à la consultation que vous avez conduite. Quelle forme
exactement cette consultation a-t-elle prise? Combien de personnes avez-vous pu
rencontrer? De quelle façon cela s'est-il produit? Est-ce que cela a
été une consultation dirigée ou très objective?
Est-ce que vous avez donné votre opinion sur la loi avant de leur
demander de l'exprimer ou vice versa?
M. LETOURNEAU: M. le Président, je vais demander à mon
collègue, Me Champagne, qui a participé à cette
consultation, de vous donner la réponse.
M. CHAMPAGNE : Nous n'avons pas fait une consultation
systématique au Québec en disant: Demain matin, nous aurons la
réponse. Vous avez deux personnes en arrière, juste à
votre droite, qui étaient présentes à une réunion
à Montréal pour donner de l'information à 150
propriétaires.
M. HARDY: Est-ce que cela était une information objective ou
dirigée?
M. CHAMPAGNE: Disons qu'elle était très objective tout en
étant bien dirigée.
M.HARDY: Ces personnes n'ont pas mené d'anti-campagne?
M. CHAMPAGNE: Non. Mais nous pouvons dire une chose. Heureusement
qu'elles étaient en haut sur la tribune et non dans la salle, parce que
cela brassait dans la salle. Il y en avait 150 qui étaient
présents, de gros propriétaires, des moyens ou des petits et la
réaction perçue par Me Alarie, Me Cardinal et M. Massie, qui
représentait M. Ross à ce moment-là, a été
assez véhémente. A Québec, c'est M. Ross qui est
allé et il les a endormis un peu plus. Mais à Montréal, ce
n'est pas lui qui est venu.
M. CHOQUETTE: C'est parce que M. Ross a une capacité formidable
de parler.
UNE VOIX: C'est un ancien membre de l'Assemblée nationale.
M.HARDY: C'est par déformation professionnelle.
M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier qu'il a été
député pendant seize ans. Il faut comprendre cela dans son
background pour expliquer cela.
M. CHAMPAGNE: Ce n'est pas une critique contre M. Ross, parce que je
pense qu'il est bien gentil, mais je pense concrètement que vous avez
deux personnes qui ont pu assister devant 150 personnes au moins à des
critiques très véhémentes sur beaucoup de points du projet
de loi. Deuxièmement, il y a eu beaucoup de compagnies ou de membres qui
nous ont appelés, nous avons eu des consultations et nous en avons
parlé. M. Hardy était présent à une réunion,
nous en avons parlé avec des gens autour, l'ensemble des gens contestait
un peu le bien-fondé du bill dans certaines applications. Je pense que
nous en avons fait une certaine consultation, peut-être pas aussi grande
que celle de la Régie des loyers avant, mais quand même
raisonnablement dans le contexte actuel.
M. CHOQUETTE: Le rapport que j'ai eu, M. Champagne, pour donner l'autre
côté de la médaille est qu'il est vrai qu'au début
il y avait des objections peut-être assez véhémentes de
formulées, mais quand on a donné les explications, la plus grande
partie des objections ont été réglées.
M. CHAMPAGNE: ... dissipées. M. CHOQUETTE: Oui.
M. CHAMPAGNE: Je pense qu'on peut interpréter différemment
les choses quand on est au bord d'une table ou à l'arrière d'une
salle. J'étais dans la salle et disons que les réactions, tout en
étant pondérées à certains moments, ont
été jsuqu'à la fin... A moins que je ne me trompe... mais
disons que Me Cardinal et que Me Alarie ont fait un effort extraordinaire pour
essayer de vendre à tout le monde le bill.
Je regrette que M. Ross n'ait pas été là parce que
vraiment, Québec, cela a été un succès.
M. LETOURNEAU: Pour continuer, un autre facteur qui ne contribue pas
à une bonne perception de la loi, c'est la réputation acquise par
la régie actuelle et qui fait que depuis enfin, je n'oserais pas
mentionner de date précise mais disons depuis quelques
années, les propriétaires ne se donnent même plus la peine
d'aller défendre leur point de vue devant la régie, tenant pour
acquis, étant donné des précédents, qu'ils auront
plus au moins raison, plus ou moins gain de cause. Il semble que dans plusieurs
causes qui ont été entendues par la régie, les
propriétaires ne prennent même plus la peine de se
présenter. Alors, je ne peux pas poser de jugement sur la valeur de la
régie, c'est tout simplement un fait que nous avons constaté.
Ceci, étant donné qu'on élargit les pouvoirs de cette
régie très considérablement, contribue pour une part
à une mauvaise perception de l'établissement d'une
législation telle que celle qui est ici proposée. Un autre
aspect...
M. BURNS: M. Létourneau, est-ce que je pourrais poser une
question?
M. LETOURNEAU: Oui.
M. BURNS: Est-ce que ce que vous venez de soutenir est appuyé par
des avocats qui défendent des locataires ou des propriétaires
devant la régie?
M. LETOURNEAU: Non.
M. BURNS: Parce que moi, je vais vous dire d'expérience et
il y en a d'autres, j'imagine, des avocats d'expérience, autour de la
table c'est très rare que j'ai vu le propriétaire ne pas
se présenter ou le locataire ne pas se présenter. Evidemment si
c'est le locataire qui en appelle, vous avez raison de dire qu'il est normal
qu'il y soit. Dans les cas où j'ai représenté des
locataires devant la régie, je vous avoue qu'en douze ans de pratique,
je n'ai pas vu un propriétaire ne pas se présenter. Je ne vous
dis pas que j'en plaide tous les jours non plus mais je vous avoue que votre
affirmation m'étonne un peu, à l'effet que les
propriétaires se sentent tellement défavorisés par la
régie actuelle qu'ils ne se présentent pas.
M. LE PRESIDENT: Me Champagne.
M. CHAMPAGNE: M. Burns, vous avez raison de dire que ceux qui ont fait
des demandes ou qui sont appelés à y aller se défendent.
C'est évident parce qu'à ce moment, ils ont fait une demande
devant la régie et, à moins d'être innocents, ils ne
devraient pas la faire avant. S'ils décident d'y aller, qu'ils aillent
jusqu'au bout. Mais où M. Létourneau veut en venir, dans la salle
à Montréal, en tout cas, cela a été le sentiment,
les gens, pour $2 par mois, n'y vont pas. $2 par mois, cela coûte $24 par
année pour aller passer un certain temps devant la régie; cela ne
valait pas la peine. C'est en ce sens que les propriétaires n'y allaient
pas. Et non pas dans le sens que lorsque la demande était introduite,
ils ne se présentaient pas. C'est plutôt dans le sens qu'ils
trouvaient que cela ne valait presque pas la peine à un moment
donné et qu'ils laissaient cela de côté.
M. BURNS: Et surtout que depuis quelques années, de part et
d'autre et ça aussi, il faut l'ajouter, si on veut dire à un
moment donné que cela coûtait trop cher d'être
représenté par un avocat d'expérience, les gens, et
propriétaires et locataires, y allaient seuls. Et c'est à mon
avis quelque chose qu'on doit accorder à la régie actuelle,
c'est-à-dire que les gens se sentaient dans une atmosphère non
formaliste où l'on tentait de régler le problème
équitablement. Moi, je conteste justement l'affirmation que M.
Létourneau vient de faire à ce sujet. J'ai plutôt eu
l'impression que depuis quelques années, les gens, et
propriétaires et locataires, avaient confiance en cette espèce de
pseudotribunal ou de tribunal quasi judiciaire qui tentait de voir
équitablement la situation.
M. LETOURNEAU: M. le Président, je dois dire que la perception
que nous avons eue auprès des personnes consultées, soit en
groupe ou séparément, n'est pas du tout celle-là. Elle est
à l'effet que le propriétaire n'a pas comme le locataire la
confiance en la régie qu'il aura lorsqu'il s'y présente
exactement à un jugement en toute équité. Il lui semble
remarquez qu'encore une fois, ce n'est pas un jugement de
l'équité du tribunal que cela ne vaut pas la peine et que,
évidemment il est entendu que le locataire aura raison.
M. CHAMPAGNE: Je voudrais simplement ajouter qu'une des raisons pour
laquelle on veut faire un code des loyers, une des raisons invoquées par
M. le ministre, c'est que justement le personnel de la régie est un
personnel engagé temporairement annuellement. C'est un personnel qui,
à cause des rémunérations, n'est peut-être pas aussi
qualifié qu'il aurait pu l'être et peut-être qu'à
Montréal, c'était différent; je pense qu'on engageait
à Montréal des avocats pour servir en première instance,
alors que, dans d'autres régions, c'était différent. Et
dans ce sens, peut-être que la perception des gens d'aller devant la
régie pour $24 par année, cela ne vaut pas la peine. Cela
était le départ de l'affirmation. Et à la réunion
qu'on a eue à Montréal, plusieurs personnes ont affirmé
qu'elles n'y allaient pas parce que cela ne valait pas la peine.
C'était le départ de l'affirmation. Quant à la
réunion que nous avons eue à Montréal, beaucoup de gens
ont dit: Nous n'y allons pas, ça ne vaut pas la peine! Evidemment, nous
n'avons pas l'expérience de la régie, nous n'y allons pas
régulièrement. C'est cette perception que nous avons.
M. CHOQUETTE: M. le juge Ross attire mon attention sur un fait qui est
assez important. C'est que, sous la Loi de la conciliation entre
propriétaires et locataires, c'était plutôt le locataire
qui prenait l'initiative de procédures devant la régie, en ce
sens que c'est lui qui demandait la prolongation et la fixation...
Le juge Ross me dit que, dans probablement au moins la moitié des
causes entendues, des augmentations avaient été quand même
décrétées par la régie pour rendre justice au
propriétaire. Alors il serait peut-être...
M. LETOURNEAU: M. le Président, nous ne contestons pas cette
dernière affirmation, mais nous constatons, à ce moment-ci, que
nous sommes un peu dans la même position que le gouvernement, nous
fonctionnons beaucoup selon des impressions. Nous pensons qu'il n'y a pas
suffisamment d'information de base pour nous permettre de prouver, comme je
l'ai dit au début, d'une manière, je ne dirai pas
irréfutable, parce qu'il y a très peu...
M. BURNS: C'est un des cas où j'ai le goût de
défendre le gouvernement, parce que, pour une fois, il ne fonctionne pas
sur des impressions. J'ai l'impression que nous avons enfin une loi qui
répond à un besoin.
M. LETOURNEAU: C'est justement parce que vos...
M. HARDY: Parce que vos impressions ne sont pas toujous compatibles avec
celles du gouvernement.
M. BURNS: Tant mieux, c'est ça le rôle positif de
l'Opposition.
M. LETOURNEAU: M. le Président, si vous le permettez, je vais
continuer avec les autres points.
M. CHOQUETTE: A moins que la...
M. LE PRESIDENT: Je regrette, j'aimerais que l'on revienne au projet de
loi no 59 et que l'on oublie, momentanément du moins, de faire le
procès de la Régie des loyers.
M. LETOURNEAU: Alors je continue, M. le Président.
Au paragraphe 22 de notre mémoire, en page 6, nous faisons
référence à l'organisme que le gouvernement veut mettre
sur pied pour éviter les abus et nous nous posons des questions
sérieuses quant au coût d'administration de la loi telle que
proposée. La loi, telle que proposée, va amener le gouvernement
ou la régie à recevoir des montagnes d'informations, c'est le
moins que l'on puisse dire, et il faudra les colliger, les analyser; il faudra
des tas de gens pour inspecter, vérifier. C'est en fait une machine
administrative très considérable que l'on se propose de mettre
sur pied, machine administrative qui coûtera sans doute passablement
cher. Et nous avons noté que, dans d'autres secteurs d'activité
où le gouvernement a mis sur pied des machines administratives dans des
buts identiques, je pense par exemple à la protection du consommateur,
dès la première année, on s'aperçoit que le
gouvernement ne donne pas les crédits suffisants, enfin, ceux qui
ont à appliquer la loi le prétendent pour une application
adéquate des lois votées. Si une loi est votée, nous
sommes, en principe, pour qu'elle soit appliquée. Et si l'on propose des
structures administratives considérables, il faudra être
prêt à en payer le prix, et c'est une autre chose qui nous
inquiète. Quel sera le coût des organismes administratifs que l'on
mettra en place à la suite d'une telle législation, et ce
coût se compare-t-il raisonnablement avec la somme des abus que l'on veut
corriger? Parce qu'en somme, ce sont tous les citoyens qui paieront par leurs
taxes cette espèce de prime d'assurance afin d'éviter
c'est notre intention que des gens se fassent avoir par ceux qui
abuseront d'eux dans un sens ou dans l'autre.
C'est une autre analyse, selon nous, qu'il serait très
intéressant de faire, parce que les coûts impliqués dans ce
qu'on veut mettre en marche nous semblent très élevés.
Finalement, même si nous avons des objections de principe
très fortes dans l'option d'un contrôle du prix des loyers, nous
réalisons, comme l'a signalé tantôt un
député, que probablement le gouvernement agira et, compte tenu de
cette éventualité, nous devons essayer de proposer des
améliorations à ce que nous avons devant nous comme projet de
loi.
M. le ministre a dit plus tôt que le projet de loi était un
document de travail. Nous en sommes très heureux et c'est pourquoi nous
voulons y apporter quelques suggestions d'amendements et
d'améliorations, nous l'espérons. Nous proposons, en somme, une
nouvelle approche à cette question des abus dans le domaine des
loyers.
C'est l'approche de l'exception. C'est-à-dire qu'au lieu de
s'attaquer globalement à tout le monde, que l'on ne s'attaque
qu'à des gens qui auront abusé dans un sens ou dans l'autre. Nous
sommes d'accord qu'il y ait d'abord un souci d'équité pour toutes
les parties en cause et ensuite un souci d'efficacité et de
réalisme dans l'application de la loi.
M. le ministre a dit ce matin, c'est-à-dire juste avant
l'ajournement: Ce qui nous intéresse, ce sont les familles
défavorisées. Mais justement, le projet de loi couvre tout le
monde. Si l'intérêt du gouvernement se porte surtout vers les
défavorisés, pourquoi ne pas préparer la loi en fonction
de ces gens en particulier, si ce sont eux particulièrement que l'on
veut protéger? "Ce souci d'équité nous porte à
croire que l'essence même de la loi doit maintenir toute la latitude
possible pour que les parties à un bail en viennent à une entente
mutuellement agréable sans intervention de l'Etat, d'abord. Et:
"L'efficacité et le réalisme devraient se traduire dans ce projet
de loi par une intervention de l'Etat seulement en cas de désaccord
entre les parties, c'est-à-dire à partir d'une philosophie
d'exception."
La déclaration du locateur prévue aux articles 14 et 17 du
projet. Si nous faisions sauter ces deux articles, ça allégerait
considérablement le fardeau administratif et les tracasseries de toutes
sortes aux locateurs, surtout les propriétaires d'un ou de quelques
logements. Je ne sais pas si on a imaginé la lourdeur de l'organisme
administratif qu'on devrait mettre sur pied simplement pour satisfaire à
ces deux articles du projet de loi et le coût impliqué.
Quatre autres dispositions devraient, par ailleurs, faire partie de la
loi prévoyant, en cas de désaccord entre les parties et ce
sont des suggestions d'amendements que l'on retrouve au paragraphe 30, à
la page 9 de notre mémoire d'abord l'arbitrage global d'un
im-
meuble ou d'un complexe immobilier, réduisant ainsi les occasions
qu'un locateur ait à comparaître de nombreuses fois pour faire
état d'une situation semblable de cas en cas. A ce moment, nous voulons
parler de quelqu'un qui a une grande propriété, un grand complexe
immobilier et si, chaque fois qu'un des locataires fait une plainte, il doit se
rendre devant le tribunal, cela serait un perpétuel recommencement pour
des cas qui sont absolument semblables de l'un à l'autre.
Ensuite, nous recommandons la convocation de tous les locataires
habitant un même immeuble ou complexe immobilier pour l'audition d'une
plainte portée par l'une des parties à un bail lors d'un
désaccord sur la fixation du loyer. Cela se relie à la
première proposition citée.
Troisièmement, la décision arrêtée suite
à l'intervention de l'Etat devrait être en vigueur pour une
période d'au moins douze mois après sa publication. C'est une
autre suggestion d'amendement. Enfin, le déplacement du commissaire ou
des membres du tribunal des loyers vers les justiciables plutôt que le
déplacement des justiciables vers les instances administratives; une
autre suggestion d'amendement.
A ce stade, M. le Président, mon collègue, M. Champagne,
aimerait ajouter quelques commentaires.
M.CHAMPAGNE: M. le Président de la commission, je vais
peut-être illustrer différemment. M. Létourneau a lu les
textes sur lesquels on voulait procéder par philosophie d'exception. Je
vais illustrer un peu rapidement comment nous voyons ça. Le
gouvernement, dans son objectif de faire de la conciliation entre les deux
groupes, décide de faire un cadre général. Tout le monde
embarque, tout le monde fait des déclarations. Les déclarations
sont envoyées selon l'article 14 ou 17.
Il y a 700,000 ou 800,000 déclarations qui doivent arriver, le
nombre exact, je ne l'ai pas, qui arrivent à la Commission des loyers.
Là, on doit recevoir toute cette information, la colliger, la tenir
à jour, cela prend une petite armée de fonctionnaires. On ne
voudrait pas créer la différence d'emplois qui manquent pour en
faire des emplois pour les jeunes, mais il reste qu'on va créer des
"jobs", on va mettre du monde partout. Alors, ça c'est le
problème...
M. BURNS: II y a un gars qu'on appelle "Bob la job", qui s'occupe de
cela.
M.CHAMPAGNE: Alors, disons que c'est une vue d'ensemble, un grand corps
d'administration pour couvrir tout le monde. M. le ministre et les membres de
la commission ont dit, les gens qui ont préparé le projet de loi
l'ont dit aussi: On veut régler les cas d'abus. Or, nous disons:
Procédez donc par exception. Par exception cela veut dire, pour ceux qui
ont des problèmes, on les règle, les autres, on ne les importune
pas. Cela s'appelle un peu la liberté contractuelle. Un peu comme M.
Hardy avait dit l'autre jour. Restons donc des gens libres de faire des
conventions entre eux et essayons donc de trouver un mécanisme simple de
fonctionnement.
Or, la proposition de la Chambre de commerce est à l'effet qu'on
enlève les déclarations de tout le monde, qu'on enlève les
5 p.c. obligatoires. Qu'on dise à ce moment-là: Appel devant le
commissaire des loyers en tout temps, que ce soit de zéro jusqu'à
n'importe quelle augmentation et, à ce moment-là, le commissaire
va jouer son rôle. Il se déplacera, il ira dans le complexe
immobilier, s'il a une chance d'avoir un local autour, il louera le local. Il
favorisera la présence des locataires pour se défendre devant le
propriétaire et le propriétaire pourra donner ses arguments.
Deuxièmement, ne pas tramer devant le commissaire des loyers à
longueur d'année. S'il a un complexe de 50 logements, il n'ira pas 50
fois, il va y aller une fois et, durant les douze prochains mois, il aura droit
à 7 p.c. d'augmentation au maximum. Quand les autres arriveront au
renouvellement de bail, à ce moment-là, on leur dira: Monsieur,
vous avez votre bail à renouveler, j'ai droit jusqu'à 7 p.c.
d'après la commission, d'accord, je vous alloue jusqu'à 6 p.c,
vous, parce que, dans votre cas, c'est comme cela que je veux vous louer.
Liberté des parties, ils contractent jusqu'à 6 p.c.
Dépassé 7 p.c, le gars n'a pas le droit à moins de
conditions exceptionnelles, taxes ou autres choses.
C'est dans ce sens-là, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, que la chambre a voulu être positive pour atteindre justement
l'objectif dont vous parlez, l'abus, réduire les abus, mais diminuer les
frais. Le juge Ross va être heureux quand même, même s'il y a
moins de fonctionnaires, il va pouvoir créer son système quand
même et cela va fonctionner.
Je suis convaincu que les pertes de temps que nous allons avoir vont
permettre d'être plus habile parce qu'il va y avoir plus de temps
à consacrer pour étudier vraiment les implications
économiques de cela. Ce sont nos suggestions, des suggestions
concrètes pour qu'on règle un problème pour que ce soit
intéressant pour les propriétaires de ne pas avoir à
tramer devant un commissaire et, d'un autre côté, que le
législateur règle son problème en voulant contrer les
abus, d'accord, mais par ce moyen-là. Alors, cela est notre suggestion
concrète.
M. LETOURNEAU: M. le ministre, nous remarquons que, dans la loi, il n'y
a pas de définition du mot "loyer". Nous croyons que, dans une loi
semblable, le mot "loyer" devrait être défini parce qu'il semble
bien que cela peut vouloir dire beaucoup de choses différentes selon
l'endroit, etc., ce qu'est un loyer. S'agit-il du coût réel du
local d'habitation, des biens meubles, du coût des services, du
coût des taxes, etc.? Parce que là il pourrait y avoir des
changements assez appréciables dans les condi-
tions périphériques à l'immeuble qui pourraient
être interprétés d'une façon ou d'une autre devant
la régie. Alors, nous croyons qu'il serait utile que le mot "loyer" soit
défini dans cette loi.
M. CHOQUETTE: Evidemment, d'après le sens commun, c'est le prix
de la location, ce n'est pas le local d'habitation, parce que le local
d'habitation est défini dans l'article 1. Le loyer est le prix que l'on
paie pour le contrat de louage.
M. LETOURNEAU: D'accord, mais aujourd'hui, il y a beaucoup de services,
de plus en plus, qui sont attachés au loyer, que ce soit
l'incinérateur, le stationnement, l'ascenseur, le nettoyage des
corridors, le tapis, la réfrigération, la piscine, la salle de
lavage, même une salle commune disponible aux locataires de
l'édifice à des taux très avantageux ou gratuitement. Il y
a un tas de facteurs comme cela qui peuvent entrer dans les conditions de loyer
et qui conditionnent effectivement l'occupation du local et qui donnent de la
qualité à l'environnement plus ou moins selon que ces services
existent ou n'existent pas, ou ont existé et se
détériorent.
Alors, ce sont, en somme, des conditions, attachées à
l'occupation d'un local d'habitation, qu'il serait peut-être utile de
déterminer pour savoir si oui ou non elles font partie de ce qu'on
appelle le loyer.
A l'article 7 de la loi, on parle du fait que la décision du
tribunal sera rendue avec diligence. Il y aurait peut-être lieu de
préciser ce que veulent dire ces termes, de sorte qu'il n'y ait pas trop
d'abus.
M. CHOQUETTE: M. Létourneau, vous comprenez que c'est difficile
d'imposer un délai au juge, pour rendre jugement.
M. LETOURNEAU: Oui, nous comprenons cela, M. le Président. Mais
il arrive souvent que le gouvernement veuille protéger les consommateurs
contre ceux qui en abusent, dans le secteur privé, mais se garde bien de
protéger le consommateur contre le gouvernement.
M. CHOQUETTE: II n'y a pas de loi qui peut, à mon sens, autoriser
ou imposer à un juge l'obligation de rendre un jugement dans un
délai déterminé, excepté peut-être la forme
que cela a pris dans le cas de procédures civiles, où un jugement
doit être rendu dans un certain délai, sinon le juge devient
désaisi de la cause. Mais je ne pense pas que cela ne se soit jamais
posé au niveau de la Régie des loyers, qu'on ait eu des
délais considérables comme ceux-là.
M. CHAMPAGNE: M. le ministre, on pourrait facilement prévoir un
délai de deux ou trois mois et que, lorsque le commissaire n'a pas rendu
jugement, le dossier soit transféré immé- diatement au
tribunal des loyers. A ce moment, ils rendent immédiatement jugement
pour éviter, par exemple, que le commissaire se réfugie,
possiblement toujours, derrière son droit d'attendre et de donner un
jugement dès qu'il va le pouvoir, évidemment. Il peut dire: Je
n'ai pas les études nécessaires; il me manque ceci; il me manque
cela. A ce moment, vous savez pertinemment que les loyers ne sont pas
augmentés et que les jugements ne sont pas rétroactifs. Les
jugements n'étant pas rétroactifs, à ce moment, on a le
problème...
M.HARDY: A partir du moment où le bail...
M. CHOQUETTE: Dans le cas d'une prolongation de bail avec une nouvelle
fixation d'un loyer, il va de soi que l'augmentation rétroagit au
premier mois de la prolongation.
M. CHAMPAGNE: Disons, M. le ministre, qu'il est possible sûrement
de mettre un délai maximum pour éviter peut-être des
abus.
M.HARDY: Le problème qui se pose, je pense en tout cas
à Montréal il se posait c'est que, entre la fin du bail et
le moment où l'audition avait lieu, il y avait une certaine
période de temps.
M. CHAMPAGNE: Mais, quand la cause est entendue, le jugement est le
lendemain.
M. HARDY: Oui. Il n'y a pas de période de temps entre l'audition
de la cause et le jugement. Cela va très rapidement. Là où
il y avait un laps de temps, c'était entre le moment de la fin d'un
bail, quand il n'y avait pas eu entente, et le moment où on se faisait
entendre. En particulier, il y a une année, à l'occasion de
l'Expo, je pense qu'il y a eu des causes qui ont été entendues
dans les mois d'août et septembre, pour des baux terminés au mois
d'avril. Evidemment, pendant ce temps, le loyer était rétroactif
s'il était augmenté, sauf que le propriétaire, pendant ces
mois, n'avait pas joui du montant de l'augmentation. Il était
payé seulement après la décision.
M. LETOURNEAU: M. le Président, concernant la date d'expiration
du bail, l'article 22 de la loi, nous sommes très fortement favorables
à l'élimination de toute date précise concernant la
terminaison des baux au Québec. Nous sommes conscients d'entrer dans un
débat qui a déjà fait l'objet de plusieurs discussions
devant cette commission; mais nous croyons qu'il y a possibilité, par un
amendement au code civil et par un amendement au projet de loi
présenté ici, d'éliminer cet engorgement du besoin des
services, à cause de déménagements. Pour toutes sortes de
raisons qui ont déjà été exposées devant
cette commission et qui le seront, nous croyons qu'il serait utile qu'il n'y
ait plus de date fixe.
Quelqu'un, M. le ministre, a déjà signalé la
difficulté de n'indiquer aucune date. Quelqu'un a suggéré
un moyen assez astucieux devant cette commission je pense que c'est le
représentant de l'Association du camionnage c'est de placer cette
date à un moment très inopportun pour tout le monde, comme par
exemple, le 1er janvier. Ceci ferait en sorte que chacun essayerait de
s'entendre gré à gré de sorte qu'on place la date à
un autre moment de l'année-ci qui étalerait sur l'année
les déménagements dans la province de Québec. Ce serait
une excellente chose, parce que cela crée toutes sortes de
problèmes que tout le monde déménage en même temps.
Actuellement, cela nous crée des problèmes supplémentaires
parce que la date est le 1er mai et que cela tombe pendant a période
scolaire. Que l'on change cette date au 30 juin ou au 1er juillet, cela
éliminera peut-être les problèmes sur le plan scolaire,
mais cela n'éliminera pas les nombreux autres problèmes sur le
plan de l'utilisation des services de déménagement, sur le plan
des compagnies de services publics qui doivent faire en bloc des milliers de
changements au point de vue du téléphone, du service de gaz, de
l'électricité, etc.
M. BELAND: Me permettriez-vous, à ce moment-ci, une question? Il
n'est question en aucun moment dans le bill et je ne pense pas non plus
qu'on en ait fait état dans les commentaires, enfin dans les
mémoires qui ont été présentés à ce
jour de modes de fin de bail. Est-ce que, compte tenu des observations
que vous avez certainement eues, que votre organisme doit avoir eues de part et
d'autre, vous auriez quelques idées à émettre
là-dessus, sur certains modes, par exemple, de fin de bail?
M. LETOURNEAU: Je pense que le ministre a dit, le 27 septembre, qu'il
s'agissait tout simplement d'une question de formulation législative, de
faire en sorte que les baux ne se terminent pas à une date unique dans
l'année. Pour la question de fin de bail, il y a plusieurs formules.
Cela dépend. S'il y a un bail écrit, il n'y a pas de
problème; s'il y a preuve de date d'occupation, il n'y a toujours pas de
problème. Il s'agirait peut-être seulement des cas où on ne
peut pas faire la preuve de la date d'occupation initiale. Là, cela peut
peut-être devenir un peu plus compliqué, mais vraiment, je n'ai
pas la réponse juridique à cette question, M. le
député. Nous recherchons actuellement cette solution avec les
autres parties concernées que j'ai mentionnées,
c'est-à-dire les compagnies de services publics qui sont
elles-mêmes très impliquées et qui sont très
affectées par cette situation. Mais, nous ne l'avons pas actuellement;
je regrette.
Concernant la résiliation du bail dont il est question à
l'article 36 de la loi, l'article prévoit une attente de quatre
semaines. Nous croyons que cette attente est un peu longue. Nous serions
d'accord sur trois semaines, ce qui est la situation actuelle dans la loi qui
est en vigueur présentement.
Concernant la location d'un local d'habitation dans un immeuble
d'habitations à loyer modique dont il est question à l'article 39
de la loi, je demanderai à mon collègue, Me Champagne, de vous
donner nos observations, M. le Président.
M.CHAMPAGNE: MM. les membres de la commission, nous assistons ici
à une disposition législative rapide, bien écrite, qui se
résume comme ceci: Demain matin, le type qui a un bail de 12 mois, qui
est installé dans une maison, décide de déménager
dans un HLM parce qu'il a eu un avantage. Il dit au propriétaire: Dans
deux mois, je pars. Le propriétaire qui avait un bail de 12 mois avait
une certaine sécurité. Il la perd par une disposition qui permet
d'impliquer une loi sociale c'est une loi sociale, en fait, d'aider les
gens à se déplacer dans ces appartements et à ce
moment, pénaliser les gens qui font une liberté contractuelle.
Alors, je pense qu'il existe actuellement, entre les gens, les ministres, les
députés, par exemple... Lorsqu'ils signent leur bail à
Québec, les locateurs ne sont pas trop durs, mais en cas
d'élection et de perte d'élection le bail finira un mois ou deux
après. Souvent, il y a des clauses qui sont mises parce qu'on ne sait
jamais si les délais seront de quatre, huit ou dix ans...
M. CHOQUETTE: C'est plutôt dans les partis de l'Opposition qu'ils
exigent cette clause.
M. BELAND: ... que le gars au pouvoir en 1974.
M. CHOQUETTE: Vous, vous savez que votre seul avenir est dans
l'Oppostion.
M. PAUL : Remarquez que je n'ai rien dit.
M. CHAMPAGNE: Etant donné que l'avenir des députés
est soit à l'Opposition ou au pouvoir, on va continuer à
s'occuper de tous les partis. M. le ministre, comme on mentionnait
tantôt, c'est que dans les contrats, actuellement, il est permis de faire
des annulations pour des raisons soit de départ pour d'autres villes,
soit de transfert et des choses semblables.
Mais dans tous les cas, on prévoit toujours au moins une
pénalité de deux ou trois mois. Ici, on ne prévoit rien.
Le gars annule son bail même si son propriétaire, deux mois avant,
a peinturé, a fait tout le ménage; deux mois après, le
gars déménage. Nous nous opposons en ce sens que le
locataire ne devrait pas bénéficier, en plus d'être
logé par l'Etat à pénaliser le pauvre gars qui,
lui, va payer les taxes pour loger l'autre.
C'est dans ce sens-là qu'on demanderait, soit qu'il y ait deux
mois de pénalité, soit qu'il y ait une entente, que les HLM, qui
sont assez riches
actuellement, donnent les deux premiers mois gratuitement et que ces
deux mois-là soient donnés en compensation au locateur. Il y a
quelque chose qui peut se faire.
Je pense qu'on doit réviser cette clause qui permettrait, dans
plusieurs cas, à des gens de partir. On va invoquer, par contre, que ces
gens-là sont des insolvables, des pauvres. Mais ce n'est pas toujours
vrai. Disons qu'on ne devrait pas se prévaloir de l'argument que ce sont
peut-être des gens dont le gars se débarasse pour dire qu'à
ce moment-là on a le droit d'annuler un bail qui a été
bien fait entre deux parties consentantes.
Notre position signale qu'on devrait réviser, trouver une formule
pour ne pas pénaliser le locateur tout en permettant au locataire
d'aller dans les HLM dans des conditions acceptables pour les deux parties.
M. CHOQUETTE: ... c'est à considérer. Quelqu'un qui veut
mettre fin à un bail, suivant la jurisprudence courante, ordinairement
est astreint par le tribunal à payer trois mois d'indemnité. On
le sait, c'est ça. Cela ne veut pas dire que c'est
déterminé, c'est à la discrétion du tribunal. Ici,
on a dit 60 jours, donc deux mois.
M.CHAMPAGNE: C'est deux mois d'avis, mais pas deux mois de
pénalité. Ce n'est pas pareil.
M. CHOQUETTE: Je comprends, mais vous savez qu'une
pénalité de trois mois à laquelle un locataire a
été condamné en faveur d'un propriétaire, si le
propriétaire loue dans le délai de trois mois, d'après la
jurispuredence, je crois qu'il est astreint à remettre la part de la
pénalité qui peut avoir été perçue en
trop.
UNE VOIX: C'est même indiqué dans le jugement.
M. CHOQUETTE: Alors, le juge Ross dit que souvent, c'est indiqué
dans le jugement même, savoir qu'on condamne à deux ou trois mois,
tenant compte de la difficulté de la location. Le tribunal doit quand
même tenir compte de ce facteur-là et il y a souvent une
disposition insérée au jugement disant que, si le
propriétaire reloue dans cet intervalle, il devra remettre la partie du
jugement en vertu de la théorie de l'enrichissement sans cause.
M. CHAMPAGNE: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de
repenser...
M. CHOQUETTE: C'est la question des grands principes, les contrats sont
sacrés.
M. CHAMPAGNE: Je parle du gars qui a fait le ménage. Prenons
l'exemple d'un cas où ça a coûté $50 ou $60 de
peinture, pourquoi le gars serait-il pénalisé deux mois, trois
mois ou quatre mois après? Parce qu'il dit: Je m'en vais rester dans un
HLM? Il y a peut-être une raison. Peut-être que le ministre ou les
membres de la commission devraient, dans leur méditation, se rappeler
que, en dehors de Montréal et de Québec, il existe de petits
centres et, dans les petits centres, si le gars qui a loué sa maison de
peine et de misère et que, rendu en novembre, il commence à faire
froid et il est obligé de la chauffer tout l'hiver, ce n'est pas bien
drôle.
M. PAUL: Souvent, il n'y a pas de HLM dans ces petits centres.
M. CHAMPAGNE: Alors, on va en bâtir.
M. CHOQUETTE: C'est vrai que l'époque de l'année a aussi
beaucoup d'importance. Un logement laissé vide au mois de juin, en
général, ne représente pas tellement de difficulté
au point de vue de la relocation. Un logement qui est laissé vide en
novembre ou en décembre est extrêmement difficile à louer,
parce que les gens se préparent pour Noël et tout ça. Les
époques les plus propices pour la location sont mai et septembre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Nous avons eu l'occasion de discuter de ce point-là
avec un autre groupe lors de la première séance. Je ne
blâme pas les gens de la Chambre de commerce de soulever ce
problème-là mais ils le soulèvent en pensant dans le
contexte actuel. Et le contexte actuel veut que la location devienne difficile
en dehors de la période d'été, c'est-à-dire la
période qui suit immédiatement le mois de mai. Mais si, comme
ça semble être un consensus qui, de plus en plus, s'établit
tant autour de la table que par les interventions des gens, vous avez des dates
d'expiration qui se répartissent tout au long de l'année, alors,
il est peut-être possible d'envisager que ça va être moins
difficile de louer un logement en décembre ou en février si
vraiment il y a, excusez l'expression, une mobilité de locataires tout
au long de l'année.
Et il n'y aurait pas de grosse période de concentration.
Remarquez que je ne vous blâme pas de soulever ce
problème-là. Mais le locataire reste pris avec son logement, il
ne peut pas le louer jusqu'au mois de mai prochain parce que cela ne se loue
pas avant mars, avril ou mai, mais si on change le concept, je pense que le
dommage est beaucoup moins grand. En même temps, on permet quand
même à cette catégorie de gens qui, non seulement n'ont pas
décidé d'eux-mêmes, de s'en aller dans un HLM où ils
ont été acceptés dans un HLM parce qu'ils respectent un
certain nombre de critères. Je pense qu'au fond, c'est le contexte qu'il
s'agit de changer. L'objection même si elle existe encore pour une
partie deviendrait peut-être beaucoup moins pesante dans le cadre
d'une réforme de l'expiration des dates.
M. LETOURNEAU: Pour faire suite aux remarques du député de
Maisonneuve, mon collègue, M. Pierre Morin, aimerait apporter des
éclaircissements additionnels sur notre position.
M. MORIN: La seule précision que j'aimerais apporter, c'est
lorsqu'on parle du contexte que vous soulevez, M. le député. Il
est aussi question de faire disparaître la date de terminaison des baux,
et le simple fait de la faire disparaître dans une grande
agglomération comme Montréal soulève en soi des
problèmes, comme, par exemple, le fait d'avoir une date actuellement
crée quand même pendant une période de deux ou trois mois
un marché où les gens peuvent choisir à la fois l'endroit
et le type de logement qu'ils recherchent. En faisant disparaître la date
et on souhaite que disparaisse cette date on influe quand
même sur le marché lui-même. C'est-à-dire que les
frais d'annonces... il n'y a plus un marché existant à une
période donnée. En fait, en permettant de quitter des logements
qui sont souvent des logements vétustes, pour s'en aller dans des
logements à loyer modique, on accentue en plus ce problème. On va
créer une incitation peut-être à délaisser des
logements, d'une part pour s'en aller vers les HLM cela va créer
une demande accrue sur les HLM et, d'autre part, à quitter le
coin de la ville.
M. BURNS: Si vous me le permettez, M. Morin, le délaissement vers
le HLM n'est pas un phénomène qui ressort ou relève de la
seule volonté du locataire quittant la place.
M. MORIN: Non. Effectivement.
M. BURNS: Alors, vous allez admettre que, déjà, il y a une
restriction. La deuxième, je ne sais pas si vous admettez ce principe
avec moi, par exemple, il n'y a pas de période au cours de
l'année où la vente des chiens augmente, par exemple. Les gens
achètent des chiens tout au long de l'année. Il y a des hauts
pour les automobiles, pour certains produits domestiques, les périodes
où les gens se marient davantage. En mai et juin, on sent que les
appareils domestiques sont en grande demande.
M. MORIN : Effectivement. Mais ils sont liés à la
préparation des maisons ou des nouveaux logements. Actuellement, tout le
monde vise...
M. BURNS: Le seul point je ne voulais pas vous interrompre
que je voulais mentionner, c'est que si non seulement la loi ne fixe pas une
date absolue de terminaison des baux mais qu'au contraire, tout l'appareil
favorise des dates d'expiration réparties, et selon les remarques qui
nous ont été faites par un tas de personnes, je pense que votre
association accepte ce point de vue, à ce moment-là, on risque de
normaliser davantage cette situation et le dommage que vous craignez risque de
devenir très marginal.
M. MORIN: On le souhaite.
M. BURNS: Je l'espère moi aussi, parce que je comprends le point
de vue que vous soulevez.
M. LETOURNEAU: Nous inscrivons quand même notre requête
à l'effet que ce dommage, s'il existe, et ce préjudice qui
pourrait être causé aux locateurs soient prévus par la loi
et qu'on prévoie une forme de compensation.
Passant à l'article 41 de la loi, où il est question de
réparations ou d'améliorations d'un local d'habitation, nous
reconnaissons le bien-fondé du principe de l'article. On sait que
certains propriétaires abusent, qu'ils ne font pas en temps opportun des
réparations devant être faites et l'article 41 veut corriger cette
situation. Mais nous nous demandons si l'article 41 ne va pas trop loin et
n'apportera peut-être pas des abus dans le sens contraire,
c'est-à-dire qu'en permettant au locataire de retenir son loyer pour
payer ses réparations ou améliorations, il nous semble que le
texte n'est pas très clair et que le locataire, à ce
moment-là, pourrait lui-même relativement abuser facilement de la
situation et, comme on le dit, "charrier" dans les réparations ou les
améliorations qu'il pourrait faire aux frais du propriétaire et
ensuite faire payer en retenant son loyer.
M. PAUL: S'il arrivait que le propriétaire ne veuille pas faire
ces réparations parce qu'il aurait l'intention de vendre sa maison, de
la transformer ou de l'abandonner, il se trouverait à être
pénalisé pour un projet qu'il aurait l'intention de mettre en
exécution.
M. LETOURNEAU: Nous sommes d'accord pour quelque chose comme des
réparations à caractère urgent et essentiel. Pour autant
que ces réparations ont ce caractère, nous sommes d'accord.
Concernant l'article 24, en ce qui a trait au délai pour mettre
fin à un bail affectant un local d'habitation, nous favorisons que l'on
demeure dans la nouvelle loi avec la même disposition que nous avions,
c'est-à-dire un avis de 90 jours. L'avis de 60 jours nous apparaît
relativement court particulièrement dans le contexte ou l'on veut
étaler la fin des baux pendant toute l'année. Le temps de
recevoir l'avis, de prendre les dispositions pour annoncer la vacance du loyer
et de trouver un locataire, tout cela prend un certain temps et, si on veut que
la situation du marché amène une certaine stabilisation, nous
croyons que le délai de 90 jours devrait demeurer, celui de 60 jours
nous apparaissant un peu court.
En ce qui concerne notre recommandation, je désire souligner
qu'à ce paragraphe 37 de la page 12 de notre mémoire, lorsque
nous disons: "Avis de terminaison des baux, même pour la région de
Montréal, nous voudrions ajouter ici: "... de même que les
procédures de location." Je ne sais pas si on saisit le sens de cet
amendement que nous proposons à notre texte. Je demande à
Me Gilles Champagne de donner des précisions.
M. CHAMPAGNE: Nous avons réalisé encore une fois
queceluiàqui nous posons des questions, qui est absent, qui est à
Montréal, avait fait peut-être dans le passé ou une autre
personne avait fait une modification le 21 février 1957 à
moins que mon code ne soit pas à jour. "Lorsque le terme du bail est
incertain ou que le bail est verbal et présumé tel que
réglé en vertu de l'article 1608, aucune des parties ne peut y
mettre fin sans en signifier un congé à l'autre avec un
délai de trois mois." Je m'excuse, c'est en vertu de l'article 1641.
C'est que dans la région de Montréal, une personne ne peut
annoncer, louer, prendre des procédures de location, faire visiter les
lieux, que seulement 60 jours, à moins d'une stipulation contraire.
C'est un privilège spécial pour Montréal qui ne devrait
pas être dans la loi générale. On devrait exclure l'article
1641 a) pour dire que 90 jours est pour tout le monde. L'article 1641 pour
votre information se lit comme suit: "Un locataire dans l'île de
Montréal n'est tenu de permettre la visite pour les fins de location du
logement à louer et l'affichage sur la façade de son logement,
d'annoncer aux mêmes fins qu'au cours des 60 jours qui
précèdent la date d'expiration du bail à moins de
convention contraire dans le bail." On demanderait que si on le fait à
90 jours, que cela soit partout 90 jours, que cela ne soit pas une disposition
spéciale pour Montréal.
Si M. Ross parlait plus fort, nous comprendrions.
M. CHOQUETTE: Je pense qu'on peut quand même permettre au juge
Ross de donner une explication sur ce point.
M. CROISETIERE: II va parler au nom du ministre.
M. PAUL: Approchez-vous de la table; cela va vous rappeler des
souvenirs.
M. CHOQUBTTE: En vertu de la loi actuelle pour favoriser la conciliation
entre locataires et propriétaires, le locataire a jusqu'au 31 mars
à minuit pour donner avis qu'il s'oppose à la prolongation
automatique du bail, c'est-à-dire qu'il quitte les lieux. Cela donne une
période de location de marché d'un mois seulement. Les
propriétaires nous ont fait valoir avec infiniment de raisons que cette
période d'un mois n'était pas assez longue. La loi actuelle
prévoit deux mois, 60 jours. Maintenant, ce que M. Champagne a
déclaré tout à l'heure, l'article 1641 a) n'est pas pour
la date de terminaison des baux mais pour permettre l'affichage. On avait la
situation difficile qu'en vertu de la loi actuelle pour favoriser la
conciliation entre locataires et propriétaires, le code civil permettait
d'afficher deux mois à l'avance.
Mais si le propriétaire prenait le risque de louer à un
autre, évidemment il était mal pris parce que le locataire avait
jusqu'au 31 mars à minuit pour donner son avis qu'il quittait les lieux.
C'est pour ça que nous avons établi un délai uniforme de
60 jours.
M. LETOURNEAU: Alors, M. le Président, nous signalons quand
même notre recommandation à l'effet que ce délai soit
porté à 90 jours et, comme on peut le voir, il y a
inférence de cet article du code civil avec les dispositions de la loi
proposée.
Concernant le loyer payé par une personne autre que le locataire,
article 69, il semble qu'on veut faire disparaître cette
possibilité et nous ne comprenons pas pourquoi. Si, à un moment
donné, il arrive qu'une personne soit insolvable, pourquoi une autre
personne ne pourrait-elle pas payer son loyer pour elle? A ce moment-là,
ça favorise la personne qui est insolvable sans entrer dans un local
d'habitation. Vraiment, nous recommandons que cette possibilité soit
permise et qu'on ne l'exclue pas par la loi, parce que nous ne voyons pas de
raisons sérieuses qui pourraient motiver cette exclusion. Si les parties
sont d'accord, pourquoi pourrait-on empêcher une tierce partie de payer
le loyer d'un locataire, si le locataire lui est dans une situation
financière difficile?
M.CHAMPAGNE: MM. les membres de la commission, je voudrais aussi faire
remarquer que l'exemple concret, c'est la mère de quelqu'un qui aurait
plus de 60 ans ou 70 ans et le locateur exigerait que le tiers soit responsable
du loyer. On n'empêche pas la caution par l'article, on ne peut pas
forcer le tiers, mais il peut arriver qu'un locateur dise: Je veux que ce soit
untel qui paie, autrement, je ne loue pas le logement. C'est le premier
point.
Le deuxième, c'est que nous avons l'impression mais ce
n'est pas écrit que le ministère des Affaires sociales
n'est pas loin derrière les lignes, il est entre les lignes...
M. CHOQUETTE: Vous avez tout à fait raison.
M.CHAMPAGNE: II garantit le paiement des loyers et pour s'éviter
des problèmes on dit: La loi le défend, nous n'avons plus
le droit de garantir les paiements le ministère des Affaires
sociales se lave les mains et c'est une des belles clauses...
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas dans ce sens-là que ça s'est
présenté, c'est...
M. CHAMPAGNE: J'apprécierais des éclaircissements.
M. CHOQUETTE: C'est vrai, vous avez tout à fait raison de
soupçonner la présence du ministère des Affaires sociales
derrière cet article, mais c'est que nous n'avons pas voulu
consacrer ce genre de choses où le loyer serait payé
directement par le ministère au propriétaire, parce que ce serait
un peu, même s'ils sont dans la dèche et si ce sont des
assistés, consacrer d'une certaine façon leur statut de personnes
en tutelle d'un ministère qui paie leurs obligations pour elles.
Ceci ne veut pas dire qu'un propriétaire ne pourrait pas avoir
une certaine assurance que la personne reçoit des prestations de
bien-être social et que ça va aider à payer son loyer, mais
nous ne voulons pas mettre les gens en tutelle au nom du fait qu'ils sont des
assistés sociaux.
M. CHAMPAGNE: Mais, M. Choquette, vous savez bien si vous avez un
logement, vous êtes vous-même propriétaire, vous avez
plusieurs logements comment c'est compliqué d'administrer des
logements...
M. CHOQUETTE: Très modestes.
M.CHAMPAGNE: Si vous avez, M. Choquette, un de vos locataires, et que
vous ne soyez pas sûr de sa solvabilité mais que la
conseillère sociale vous dise: Prenez-le, c'est un bon diable; le gars,
il va le payer. Si, à la fin du mois, il prend le chèque et il le
dépense, le mois d'après, vous avez un loyer dû, un mois
dû. Le deuxième mois, vous dites: Ecoutez, je veux être
payé, alors le chèque pourrait être fait au nom de M.
Untel, plus M. Untel pour garantir le paiement. Il y a un tas de choses qui
peuvent se faire. Je comprends que vous ne voulez pas abaisser la personne
humaine, c'est très valable, et je pense que c'est une des grandes
préoccupations du ministre d'être social dans ses interventions ou
dans ses dispositions législatives. Mais je pense quand même qu'on
ne devrait pas permettre d'enlever ces avantages à des locateurs et
surtout permettre à des gens comme je l'ai dit, ma mère, qui veut
rester dans un logement que je veux garantir au locateur, qu'il me force:
actuellement je n'en ai pas le droit, avec le texte présent.
M. CHOQUETTE: On attire mon attention, M. Champagne, sur le fait qu'il
n'est pas défendu qu'un tiers se porte caution pour un autre.
M. CHAMPAGNE: Le locateur ne peut le demander.
M. CHOQUETTE: II ne peut pas l'exiger, mais...
M. CHAMPAGNE: Alors, si le locateur le veut, il n'a pas le droit de le
faire. C'est un peu dangereux d'empêcher que le locateur dise: Je loue
à M. Untel à condition que ce soit M. Untel qui paie. Je pense
que cela peut se faire, c'est une convention libre entre les parties.
M. LETOURNEAU: M. le Président, M. Morin a des
éclaircissements à ajouter.
M. MORIN: C'est une question, M. le Président, que j'aimerais
poser à M. le ministre Choquette. Actuellement, les loyers payés
aux HLM par les gens qui les habitent, c'est fait selon l'échelle
Rogers, l'échelle qui a été établie par la
Société d'habitation. A ce moment-là, comme
élément de solution, ne pourrait-on pas peut-être penser,
dans le cas des assistés sociaux justement, à établir
cette même échelle où ils contribuent une portion de leur
revenu brut avec un supplément payé par le ministère des
Affaires sociales.
Ce qui, à mon avis, pourrait maintenir justement leur
dignité mais pourrait aussi les maintenir dans le logement qu'ils
habitent et dans un logement convenable.
M. CHOQUETTE: Je ne peux pas répondre aujourd'hui, nous allons
réfléchir à cette solution que vous apportez.
M. LETOURNEAU: M. le Président, il faudrait aussi penser au cas
des étudiants mineurs par rapport à cette clause.
M. CHAMPAGNE: Le locateur ne peut exiger un tiers.
M. LETOURNEAU: Je continue, M. le Président, avec l'article
suivant: La question de la clause d'échelle mobile qui pourrait
être prévue dans le cadre des taxes municipales et scolaires, les
taxes foncières. Nous sommes favorables à ce que l'on puisse
inclure une clause d'échelle mobile pour les taxes foncières et
la loi semble le défendre. Alors, nous aimerions que la loi puisse
permettre l'introduction de la clause d'échelle mobile pour la taxe
foncière, cela nous apparaît une façon très
équitable de faire partager les impôts fonciers entre le locataire
et le locateur.
M. CHOQUETTE: Mais franchement, M. Létourneau, j'ai vu des
clauses d'échelle mobile dans des baux mais ce sont
généralement des baux commerciaux, industriels, non pas des baux
de locaux d'habitation. Alors, je trouve que vous allez...
M. PAUL: Je vous invite à regarder les baux du Montmorency,
à Québec.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ma faute si vous restez dans des endroits de
toute...
M. PAUL: Je n'ai pas dit que je restais là. Je vous ai
invité à les regarder.
M. HARDY: II y aurait peut-être lieu... je ne veux pas me
prononcer sur cette idée, mais il faudrait quand même la rattacher
avec cette nouvelle évolution du droit municipal qui veut que les
locataires votent maintenant au municipal. En d'autres termes, si jamais le
législateur décidait d'accepter votre suggestion, on ne pourrait
pas y opposer le principe "no taxation
without representation" puisque les locataires, maintenant, sont
représentés, ont droit de vote au moins dans les villes et,
éventuellement, j'ai l'impression que cela s'appliquera dans les
municipalités rurales.
M. CHOQUETTE: Ce matin nous discutions de la répercussion des
taxes foncières. Les propriétaires disaient que c'étaient
eux qui assumaient les taxes foncières, municipales et scolaires, mais
en fait, ce sont les locataires qui les assument. Parce que les taxes
foncières sont transférées aux locataires. Maintenant, la
clause d'échelle mobile permet de transférer immédiatement
l'influence de la taxe tandis que dans un système plus conventionnel,
plus traditionnel, la répercussion n'est pas immédiate sur le
locataire, il y a un petit décalage, il y a un petit répit qui
est donné au locataire.
M. LETOURNEAU: Justement, tout d'abord, M. le Président, nous
reconnaissons la situation actuelle mais nous souhaitons qu'elle change. Comme
l'a signalé le député de Maskinongé, elle commence
à être introduite dans les baux de locaux d'habitation et au
rythme des augmentations de taxes foncières, nous comprenons que cette
pratique commence à se répandre et nous croyons qu'elle est
très équitable et qu'elle fera ressentir immédiatement aux
locataires les effets des politiques municipales. Ils n'auront pas deux ans
avant de se rendre compte que la municipalité a augmenté les
taxes, ils vont s'en rendre compte immédiatement.
M. HARDY: C'est-à-dire que les locataires alors ajusteraient
peut-être leurs demandes à leurs administrations municipales, en
fonction de leur capacité de payer.
M. LETOURNEAU: Ce serait peut-être plus réaliste en effet.
Il y a aussi la question...
M. PAUL: Un instant. J'écoute avec intérêt mon bon
ami le député de Terrebonne et je me demande s'il ne remplacerait
pas avec avantage le ministre des Affaires municipales.
M. CHOQUETTE: C'est parce que vous dites qu'il a à peu
près la même pensée.
M. PAUL: Continuez.
M. BURNS: J'ai l'impression que ce serait aussi grave.
M. LETOURNEAU: On sait aussi que cette fameuse question d'augmentation
de taxes on en a entendu parlé ce matin c'est le
prétexte, bien souvent, à des augmentations de loyers, et si
cette clause d'échelle mobile était automatique ou se
généralisait, les prétextes pour aller devant la
régie diminueraient peut-être. Si l'histoire des taxes
foncières était réglée par des clauses
d'échelle mobile ou pouvait l'être, il nous apparaît que,
selon toute logique, cela pourrait diminuer le nombre des appels à la
régie parce que cet aspect de l'augmentation du coût du logement
serait réglé d'une façon automatique.
Nous espérons que la loi permettra à ceux qui veulent le
faire de plein gré de le faire.
Actuellement, la loi ne le permet pas, selon notre
interprétation. Enfin, M. le Président, concernant l'appel du
jugement du tribunal c'est une question sur laquelle nous revenons dans
un nombre considérable de projets de loi nous croyons qu'il
devrait y avoir appel. Si le tribunal dépasse sa juridiction pour toute
autre raison... Dans ces questions, il peut y avoir des préjudices
très graves de causés si le jugement n'est pas équitable,
ce qui peut arriver, personne n'est parfait. Nous croyons, étant
donné l'importance des préjudices qui pourraient être
causés et la possibilité pour le tribunal de dépasser sa
juridiction, qu'il devrait y avoir possibilité d'appel des
décisions de ce tribunal.
M. CHOQUETTE: Appel où?
M. CHAMPAGNE: M. le Président, à part les appels comme
tels, disons que, à un moment donné, on pourrait à
l'extrême, dire que dans certains cas, ça ferait des frais pour
rien; dans d'autres cas, ce serait bien utile. Disons qu'on peut
reconnaître cette distinction entre les gros immeubles qui auraient des
implications et les petits.
Mais ça va plus loin, c'est qu'on exempte l'article 33. Je ne
sais pas si dans toutes les autres lois on le fait, mais l'article 33, c'est
dans les cas où le tribunal excède sa juridiction. Ce n'est pas
un jugement d'appel sur le fond, c'est un jugement d'appel sur le...
M. BURNS: Me Champagne, vous êtes au courant que dans tous les
tribunaux, il y a une jurisprudence qui existe, qui remonte même
jusqu'à la cour Suprême, qui est évidemment endossée
par la cour d'Appel et par la cour Supérieure, à l'effet que,
même dans les cas comme le code du travail où on défend
toute intervention par voie d'évocation dans le temps on appelait
ça certiorari, etc. c'est permis lorsqu'il y a excès de
juridiction.
Ce texte a été éprouvé, il existe dans
plusieurs de nos lois, dans la majorité de nos lois qui ont des
tribunaux administratifs et les tribunaux, régulièrement,
acceptent par voie d'évocation, de la cour Supérieure en montant,
de reviser des décisions de tribunaux inférieurs lorsqu'ils
excèdent leur juridiction. Je pense bien que tout le monde comprend
ça, même quand on voit le texte de l'article tel qu'il est
rédigé là.
M. CHAMPAGNE: M. Burns, vous avez une expérience plus grande
étant donné que dans le syndicalisme, on appelle plus souvent les
déci-
sions et que les juridictions ne sont pas toujours respectées.
Mais nous, nous avons moins cet avantage et c'est pour ça que j'ai
pris...
M. BURNS: En tout cas, je vous permets...
M. CHAMPAGNE: ... votre appréciation, votre information.
M. BURNS: ... de bénéficier de mon expérience.
M. CHAMPAGNE: Moi, ça m'a fait vraiment plaisir, surtout que je
vais la lire dans le procès-verbal pour être bien sûr de
comprendre.
M. BURNS: Sûrement; je pourrais vous citer des causes à
part ça, en masse.
M. CHAMPAGNE: Vous avez sûrement plaidé. Si je comprends
bien l'interprétation, c'est que l'article 33, même si on dit
qu'il ne s'applique pas, il s'applique quand même.
M. CHOQUETTE: C'est ça, c'est exactement ça. Les tribunaux
ne peuvent pas consacrer quelque chose qui est absolument nul par excès
de juridiction. Il faut quand même qu'on inscrive la défense de
recours à la cour Supérieure, elle garde son pouvoir de
surveillance et il est impossible de dire qu'une chose illégale, parce
qu'excédant la juridiction, est légale quand même.
M. LETOURNEAU: Alors, pourquoi l'exception à l'article 33?
M. CHOQUETTE: C'est pour éviter des abus.
M. BURNS: C'est ça.
M. CHOQUETTE: C'est pour éviter des procédures dilatoires
qui peuvent être prises à l'égard de la régie avec
l'objet d'empêcher la régie d'accomplir sa fonction. Le fait
d'introduire cette défense... Malgré qu'elle ne soit pas absolue,
comme j'ai dit tout à l'heure, comme l'a dit le député de
Maisonneuve avant moi, elle a quand même l'effet d'empêcher un
certain nombre de recours qui ont purement et simplement des fins
dilatoires.
M. LETOURNEAU: Alors, le pauvre propriétaire...
M. CHAMPAGNE: Le député de Maisonneuve sera
sûrement, peut-être un jour, procureur général.
M. CHOQUETTE: C'est une des belles... M. BURNS: Je m'y attends.
M. CHOQUETTE: Pour les avocats, c'est une des belles questions du droit
administratif.
M. BACON: Quand le Ralliement créditiste sera au pouvoir.
M. HARDY: Je vous pensais plus réaliste. UNE VOIX: ... ils n'ont
pas d'avocats.
M. BELAND: Au contraire, on en a plusieurs, mon "chum".
M. LETOURNEAU: M. le Président, ceci termine l'exposé de
nos recommandations à cette commission concernant le projet de loi 59.
Nous vous remercions beaucoup de nous avoir écoutés avec autant
d'intérêt. Nous avons apprécié cet échange
que nous avons pu avoir avec la commission sur les points de vue que nous avons
exprimés et nous espérons que nos recommandations pourront
être retenues.
Cependant, s'il y a d'autres questions, M. le Président, nous
sommes à votre disposition.
M. CHOQUETTE: Moi, je voulais seulement dire que je trouve que le
mémoire de la Chambre de commerce est bien fait, qu'il a
été bien expliqué, bien exposé par ses trois
représentants ici aujourd'hui et que nous allons considérer les
suggestions qu'ils nous ont faites avec un esprit d'objectivité
absolu.
M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président.
M. BURNS: Une minute! D'abord, je veux vous féliciter. Même
si je n'ai jamais été bien en amour avec les chambres de
commerce, je suis quand même assez objectif pour trouver, à votre
page neuf, une suggestion très importante que j'ai l'intention de
souligner au ministre. Plus particulièrement au bas de la page neuf,
quand on suggère le déplacement du commissaire ou des membres du
tribunal des loyers vers les justiciables. Et je peux vous dire qu'en pratique
cela se fait déjà. Justement, on a parlé du code du
travail tout à l'heure. Cela se fait et l'expérience est
extraordinairement valable en vertu du code du travail. C'est-à-dire que
la justice administrative, dans ce cas, devient beaucoup plus
expéditive. Evidemment, cela coûte peut-être plus cher
à l'administration du ministère mais, par contre, les
justiciables dans l'ensemble sont justement des gens qui dans la plupart des
cas ne sont pas à même de payer de très gros frais. Je
pense que c'est le but de cette loi. Cela leur évite d'augmenter, dans
les cas où ils se font représenter par procureur, le coût
du déplacement. Je trouve cette suggestion très
intéressante et je trouve qu'elle mérite d'être
soulignée. Je regrette simplement de ne pas l'avoir
suggérée moi-même. Alors, je vous en félicite.
Je dois d'autre part juste vous mettre en contradiction. Ce n'est pas
une question de vous envoyer des fleurs avant le pot mais il y a une chose qui
m'a assez fasciné. C'est que, d'une part, vous nous dites, au
début de votre mémoire je n'ai pas la page exacte
que tout
ce mécanisme, enlevant la remarque que je viens de faire s'y
rapportant, est un peu lourd, qu'il amène des procédures lourdes.
Je vous cite simplement la contradiction qui existe entre cette affirmation
d'ordre général et votre suggestion, à la page neuf encore
mais au paragraphe b) de l'article 30, où vous voulez convoquer tous les
locataires habitant un même immeuble ou complexe immobilier pour
l'audition d'une plainte portée par l'une des parties. Je veux dire que
je comprends le sens que vous y mettez, Mais cela devient quelque chose d'assez
extraordinaire, si vous parlez d'appareil lourd. Ou bien, j'ai mal compris,
comme Me Champagne semble me faire signe. J'aimerais bien qu'on
m'éclaire sur ce que j'ai mal compris dans votre suggestion...
M. LETOURNEAU: Selon notre recommandation au paragraphe b) de l'article
30 à la page neuf, nous croyons qu'elle pourrait simplifier au contraire
les procédures, en ce sens que si un locataire, dans un grand complexe
immobilier, va devant la régie pour faire des représentations
parce qu'il estime, par exemple, que son loyer est trop élevé,
qu'il obtient gain* de cause, dans une certaine mesure, devant la régie,
si cela ne constitue qu'une cause, cela veut dire que chacun des autres
locataires, quand il apprendra par la suite que le premier a eu gain de cause,
pourra à son tour revenir et appeler le propriétaire devant la
régie et on reprendra les procédures à chaque fois pour un
nombre X d'occupants de ce complexe immobilier.
M. BURNS : Là, vous voulez parler de mise en cause des autres
parties et non pas de convention. C'est-à-dire que vous leur dites: Vous
êtes peut-être intéressés par le fait que M. X
demande que son loyer ne soit pas augmenté. A ce moment, je suis
complètement d'accord avec vous.
M. CHAMPAGNE: C'est...
M. BURNS: Mais là, vous ne convoquez pas les gens; vous les
mettez en cause. Et ils interviennent s'ils le veulent bien. C'est cela?
M. CHAMPAGNE: Si vous me le permettez, je vous souligne qu'à la
page quatre, on dit : Des déboursés et des tracasseries inutiles
au citoyen et on dit avant: Un monstre administratif. Ce qu'on a voulu dire,
c'est que le cadre général obligeait les déclarations
quatorze et 17, par exemple. Toute cette procédure de centralisation
faisait un cadre trop lourd. D'un autre côté, on est arrivé
avec une proposition concrète parce qu'on n'arrive pas devant le
législateur pour dire que cela n'est pas bon. On a dit: qu'on n'aime pas
cela mais on va vous suggérer autre chose. Et on est arrivé avec
cette formule. Et ce que vous dites, c'est que dans notre conception, le
commissaire serait dans l'immeuble, l'immeuble voisin ou dans un local aux
alentours, et réglerait le cas de tout l'immeuble pour l'année en
faisant un montant maximum de 6 p.c, 7 p.c. ou 3 p.c. indépendamment et,
durant l'année, ce serait toujours ce même montant. C'est cela
qu'on dit et c'est en ce sens que vous nous approuvez.
M. LETOURNEAU: Alors...
M. BURNS: J'aurais une dernière question à poser. Je me
réfère à votre page huit où vous dites que
l'efficacité et le réalisme devraient se traduire dans ce projet
de loi par une intervention de l'Etat seulement en cas de désaccord
entre les parties, c'est-à-dire à partir d'une philosophie
d'exception.
C'est-à-dire que, selon vous, toute intervention étatique
dans ce domaine ne devrait être faite qu'en cas d'exception, que le reste
devrait être laissé à la... C'est ce qui ressort de votre
mémoire.
M. LETOURNEAU: M. le Président...
M. BURNS: Une minute! Ce qui ressort de votre mémoire, c'est que
vous prônez la liberté totale de contracter, n'est-ce pas? Dans le
fond. Alors, je me souviens corrigez-moi si j'ai tort que la
Chambre de commerce était venue nous voir lors du bill 45 et nous avait
dit qu'en principe elle ne s'opposait pas à ce que le consommateur soit
protégé. Je pense, justement, que nous sommes dans un domaine
où nous avons affaire à une catégorie particulière
de consommateur, c'est-à-dire des locataires qui sont des consommateurs.
Ils n'ont pas le choix. Que voulez-vous? Ils doivent absolument avoir un abri,
je pense, surtout au Québec. Je me demande si, justement, ce même
principe que vous aviez, semble-t-il, admis, même si dans les
détails vous n'étiez pas d'accord, lors de l'adoption de la loi
de protection des consommateurs, vous ne devriez pas également
l'admettre ici et non seulement en matière d'exception ou d'abus, parce
que ce n'est pas seulement dans ces cas que l'Etat doit intervenir. Il doit
établir des normes d'ensemble pour protéger ce type particulier
de consommateur qui s'appelle le locataire.
M. LETOURNEAU: M. le Président, si la commission le
désire, nous pourrions recommencer l'explication de cette partie de
notre mémoire que nous avons donnée en l'absence du
député de Maisonneuve, tantôt. Je ne sais pas si c'est le
désir de la commission.
M. BURNS: Je ne sais pas si j'étais absent quand vous l'avez
expliqué, parce que j'ai pris des notes.
M. CHAMPAGNE: Le député de Maisonneuve avait un message et
il était parti avec, tantôt.
M. BURNS: Oui. Mais ce n'est pas à ce
moment. Je suis parti lorsque vous avez abordé les parties moins
intéressantes de votre mémoire.
M. CHAMPAGNE: Je dirais que le député...
M. BURNS: Parce qu'il y en a, vous savez. Il n'est pas drôle tout
le long, votre mémoire!
M. CHAMPAGNE: Je dirais que le député de Maisonneuve est
bien près de nous dans ce domaine et c'est dans ce sens, M. le
député, si vous me le permettez en trente secondes, que nous
sommes d'accord pour réglementer l'ensemble des loyers au Québec
et le lien entre locataire et locateur. De plus, nous sommes d'accord pour
contrer les abus. Et la proposition que nous faisons, justement, c'est de
permettre un contrôle des abus sans contrôler tout le monde. Cela
ne veut pas dire qu'on parle uniquement des cas extrêmes. Nous disons les
abus, selon que la loi le déterminera.
M. BURNS: Ecoutez, je lis votre mémoire et vous dites:
C'est-à-dire à partir d'une philosophie d'exception.
M. CHAMPAGNE: II faudrait relier, M. Burns, à l'aspect qu'il y a
un grand cadre administratif qui était créé pour tout le
monde, une déclaration... Nous disons: Enlevez tout cela. N'importe quel
locataire qui a un problème va devant le commissaire et il fait
régler le problème global. A ce moment, on admet que n'importe
quel locataire peut le faire. Mais les cas d'exception, ce ne sont pas les
exceptions chez les locataires, ce sont ceux qui ont des problèmes qui y
vont et les autres, on ne les importune pas! En fait, cela permettrait un
meilleur fonctionnement. A la page 8, on dit d'ailleurs: Un souci
d'efficacité, de réalisme. Je suis certain qu'à ce moment
on arriverait à quelque chose de bien plus concret et de pragmatique,
tout en réglementant entre locataire et locateur. Deuxièmement,
en contrant les abus.
M. BURNS: C'est là que vous rattachez cela à vos
tracasseries administratives.
M. CHAMPAGNE: C'est cela. Oui. Parce que là, on parlait de la loi
proposée dans le cadre général.
M. LETOURNEAU: Alors, M. le Président, dans notre esprit il n'y a
pas de contradiction. En terminant, je voudrais rappeler que nous avons des
restrictions et des objections sérieuses et profondes à
l'adoption du projet de loi tel que conçu et particulièrement sur
le principe du contrôle du prix des loyers. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Lé-tourneau. Nous allons
entendre maintenant M.
Renaud Huot, représentant de la Chambre de commerce et
d'industries du Québec métropolitain. M. Fernand Bélanger,
de la Ligue des propriétaires de Laval.
M. LEFRANCOIS: Est-ce que vous confirmez, M. le Président, que
nous sommes reportés à dix heures exactement, demain matin?
M. LE PRESIDENT: Exactement. Demain matin, dix heures.
Ligue des propriétaires de Laval
M. BELANGER: M. le Président, il me fait plaisir de savoir que
vous pouvez nous recevoir, la Ligue des propriétaires de Laval. Je suis
mandaté par le conseil exécutif de la ligue en tant que
vice-président à l'information, président
intérimaire et rédacteur du mémoire.
Je suis assisté par M. Jean-Claude DeLorme, qui est
lui-même vice-président aux affaires locatives à la ligue,
et M. Gilles Simard, à ma gauche, qui est un des membres du
comité.
M. le Président, à Laval, on a un problème et le
code des loyers va peut-être accentuer ce problème. C'est la
deuxième ville du Québec, mais c'est la ville de la surtaxation
apparemment. Pour en venir directement à notre mémoire et comme
le temps court assez vite, je pense qu'on ferme à 6 heures, je vais
commencer par la partie que vous avez identifiée comme le document 19-M,
puis le détail dans le document 19-M au cas où nous n'aurions pas
le temps de tout passer.
A la page 3, au sujet de la Ligue des propriétaires, j'ai
donné un sommaire de ce que nous sommes. C'est un organisme existant
pour la défense des droits des propriétaires, face à la
taxation particulièrement. Il surveille, informe, se renseigne et fait
les représentations nécessaires aux autorités
compétentes concernant tous les domaines qui touchent le bien-être
des propriétaires de près ou de loin.
Je vous fais grâce de l'historique et de la constitution. Je vais
au dernier paragraphe, dans le bas, au bénévolat. A la ligue,
personne n'est payé, chacun paye ses propres dépenses. A partir
de Laval jusqu'ici, la ligue défraye les dépenses mais, sur
place, personne n'est payé. La cotisation est de $2 par membre et on dit
que la ligue n'a bénéficié d'aucune subvention, comme cela
a été le cas pour les locataires, pour s'organiser à
Montréal et dans toute la province. On n'a pas eu un demi million de
dollars en subvention fédérale.
Je passe à la page 4. Le comité d'étude qui a
travaillé sur ceci, je pense que je vais simplement le mentionner, a un
caractère spécial. Toutes les personnes qui en étaient
membres ont affaire directement à la location ou sont des locateurs. Ils
ont été des locataires pour la plupart, à l'exception
d'un.
Je vais à la page 5. Ville de Laval et les propriétaires.
C'est un peu cet aspect que je
veux toucher ici, avant de passer au document d'étude. Laval est
très peu développée. Ce sont surtout à 75 p.c. des
familles de propriétaires et la majorité de ces gens sont de
petits propriétaires de maisons unifamiliales. Nous avons très
peu de résidences à haute densité, de sorte que les
propriétaires-locateurs de Laval sont ce que j'appelle dans le document
du nom de petits propriétaires-locateurs, ceux qui possèdent un
duplex, un triplex un quadruplex et peut-être un quintuplex mais pas
au-delà de cela, à part quelques maisons d'appartements, mais
elles sont en nombre très minime. Donc, ce qu'on vient ici souligner,
c'est le fait que Laval se compose surtout de petits propriétaires et
parmi les propriétaires locateurs ils en sont de très petits.
Alors, on aura toujours cela à l'idée.
La plupart de ceux qui ont des propriétés en location,
à Laval, des duplex ou triplex, ce sont pour la majorité des
ouvriers et des gens de condition moyenne. Soit dit en passant, nous avons
à Laval un taux de taxation de 5 p.c. sur notre évaluation
municipale.
A la page 6, nous avons un résumé de ce que je vais
détailler après. A la suite de ce qui a paru dans les journaux et
du rapport du comité d'étude, la Ligue des propriétaires
de Laval est amenée à faire les considérations
suivantes.
Je permettrai aux membres de la commission de m'interrompre pour poser
des questions au fur et à mesure. Cela simplifiera peut-être tout
le travail. Nous pourrons terminer un peu plus à bonne heure.
Lors de l'élaboration du projet, les propriétaires ont-ils
participé au travail du comité gouvernemental de même que
les locataires? C'est une question que l'on se posait.
M. HARDY: Avez-vous la réponse?
M. BELANGER: Non.
M. HARDY: Vous n'avez pas de doute?
M. BELANGER: J'aimerais avoir une réponse, mais disons que nous
la ferons un peu plus tard, tout à l'heure. Nous avons supposé
que c'était peut-être une agglomération du code civil et
peut-être de la Loi de la conciliation. Ce sont toutes des
hypothèses que nous avons faites mais personne n'est venu nous confirmer
si nous étions dans le vrai ou dans le faux et si ceux qui ont
travaillé aussi avaient eu des incidences venant du secteur des
locataires. Parce que, lorsque nous lisons le bill, nous avons cette impression
je vais faire une synthèse en trois mots que c'est pour la
protection des locataires. Autrement dit, tous les droits sont au locataire,
tous les devoirs au propriétaire, sans compensation financière
équivalente. C'est ce qui en ressortait au tout début. C'est pour
cela que nous nous posions la question: Qui a travaillé à ce
fameux comité? Peut-être que le ministre pourrait nous donner une
réponse?
M. CHOQUETTE: Je suis très à l'aise pour vous donner une
réponse. Il n'y a pas de groupe de propriétaires ou de locataires
qui ont été intimement mêlés à la
préparation ou à la conception de ce projet de loi, les
séances de la commission parlementaire que nous avons actuellement ont
pour but de tenir ces consultations qui sont nécessaires.
M. BELANGER: Donc, c'est bâti à partir du code civil et de
la Loi de la conciliation qui existaient avant.
M. CHOQUETTE: Oui. L'expérience que nous avons acquise au niveau
de la Régie des loyers, une analyse des problèmes dans le domaine
des loyers dans le Québec, comparaisons avec des lois
étrangères.
M. BELANGER: Merci, M. le ministre. Cela clarifie un point qui
n'était pas très important mais c'était quand même
un point d'interrogation. On semble dans ce projet de loi nier le droit de
propriété on va loin la faculté qu'a un
citoyen de disposer librement de ses biens. Quand nous étudierons les
autres articles tout à l'heure, vous le verrez parce que cela revient en
plusieurs occasions.
La ligue considère cette façon de réglementer le
loyer comme une politique de fixation des prix, salaires et revenus, alors que
rien de tel n'existe encore dans les autres sphères du monde des
affaires. Cette façon de faire va empêcher la construction
multifamiliale, la ralentir et éloigner les acheteurs éventuels,
ce qui vient en contradiction avec la publicité et la promotion
gouvernementales dans ce domaine. J'ai entendu dans d'autres mémoires
tout à l'heure la même allusion. Vous savez qu'étant
à environ 80 p.c. de petits propriétaires et assumant toute la
taxation, nous avons hâte que de grosses bâtisses s'installent pour
venir nous aider à Laval. Ce que nous avons comme retour de gens
naturellement qui ont entendu parler du document, qui ne le connaissent pas,
c'est que la peur les prend, on veut vendre et ceux qui voulaient acheter des
duplex ou des triplex hésitent. Cela ne fait pas notre affaire.
M. HARDY: Avez-vous des faits là-dessus? M. BELANGER: J'ai dit
que c'était... M. HARDY: ... une impression.
M. BELANGER: Non, mais des appels téléphoniques sont venus
de Laval. Ce n'est pas seulement une impression. Je ne peux pas vous donner de
chiffres. Je vous dis l'impression qui existe d'après nos contacts.
Cette peur existe actuellement, et même chez des constructeurs de Laval,
il en a été question.
Je passe maintenant au dernier point. Avec un tel projet, on vient
fausser le jeu normal de l'offre et de la demande, qui est le principe
fondamental de notre économie. J'ai vu dans un
autre document, dans le journal des Débats du 27 septembre, que
quelqu'un avait dit que nous n'étions pas un pays socialiste; quasiment.
C'est une remarque en passant qui avait été soulignée dans
ceci.
La ligue constate aussi que le projet de loi compliquera les affaires
des locateurs, les petits surtout: affidavits, significations, augmentation
énorme des coûts d'administration dans la location, sans pour
autant en être soulagés pour le montant du loyer.
M. HARDY: Je veux vous dire, monsieur, je ne sais pas si cela va vous
réconforter, que je suis entièrement d'accord avec vous.
M. BELANGER: Merci, cela me fait plaisir.
M. HARDY: Les petits propriétaires, je considère qu'on les
opprime.
M. BELANGER: Ici, je pourrais donner un exemple, ce serait
peut-être un exemple pris dans mon environnement personnel. Vous avez un
couple de 60 ans qui a une maison de six logements. Il ne sont pas instruits.
Or, avec ceci, ils vont être obligés d'aller voir soit un notaire,
soit un avocat ou un comptable pour les aider à passer à travers
cette loi-là, si elle est appliquée telle quelle. Pour eux, ce
seront des frais supplémentaires alors qu'actuellement...
M. LACROIX: S'ils ne sont pas instruits, ils feraient de bons
fonctionnaires.
M. BELANGER: Cela, monsieur, je ne vous le fais pas dire.
M. LACROIX: Au moins, ils ne nous nuiraient pas.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais qu'il soit inscrit au
journal des Débats que ces remarques du député des
Iles-de-la-Madeleine étaient faites en riant.
M. BELANGER: Alors, je continue, M. le Président. On semble
oublier dans ce projet de loi que le coût de la vie monte et continue de
grimper en même temps qu'on tente de cette façon-là de
geler les loyers d'une certaine façon. Alors, j'arrive avec des
recommandations qui découlent du comité.
La ligue des propriétaires recommande donc à la commission
de bien prendre en considération les observations
précédentes, même celles que j'ai pu ajouter verbalement et
qui ne sont pas contenues dans le texte, de faire en sorte que le locateur
reste maître de sa propriété. C'est un aspect qui a
été étudié. Les gens ont l'impression que le
moindre geste qu'ils veulent poser, ils ne peuvent plus le poser de
façon autonome, qu'ils sont obligés de passer devant le
commissaire. En somme s'il veut modifier quelque chose, il n'est pas capable.
En d'autres mots, il ne possède plus sa propriété de fait
et cela devient un bien social. C'est une autre forme de bien-être social
dans toute la province...
M. HARDY: Quand même, même si je concours moi aussi à
l'énoncé de ce principe, ne reconnaissez-vous pas que
malheureusement certains propriétaires, se fondant sur ce principe,
abusent de leur droit?
M. BELANGER: Je suis d'accord avec vous, j'étais pour y venir; je
peux vous le donner dès maintenant. La ligue est d'accord sur une
formule de contrôle, nous sommes d'accord aussi qu'il y a eu des abus.
Peut-être pas tellement à Laval parce que notre ville est à
l'envers de Montréal, parce que nous n'avons pas tellement de
locataires.
M. HARDY: II y a moins d'abus à Laval, parce qu'il y a moins de
locataires?
M. BELANGER: En pourcentage, je n'ai aucun chiffre, mais nous sommes
quand même...
M. HARDY: Cela ne me surprendrait pas qu'à Laval les
propriétaires soient meilleurs qu'ailleurs parce qu'ils subissent
sûrement l'influence de Terrebonne.
M. BELANGER: II y a toujours une rivière qui nous sépare
mais il y a seulement un pont qui entre du côté de Terrebonne,
parce qu'on ne prend plus le vieux pont.
Disons que, pour continuer dans la même veine, nous sommes
d'accord qu'il y a dans la province des abus, particulièrement dans des
villes comme Montréal, Québec. Alors, nous ne sommes pas contre
le projet de loi, mais disons que le contrôle va trop loin et très
loin. Nous voulons rester maîtres de nos propriétés, bien
nous assurer que le futur code des loyers servira et protégera tout le
monde. On a crié partout que le code des loyers, la Régie des
loyers, c'est le chien de garde des locataires. Mais les propriétaires,
eux, dans tout cela? Alors, ça, c'est une recommandation. On demande que
la loi ne protège pas une catégorie d'individus mais qu'elle
protège tout le monde de part et d'autre. On verra tout à l'heure
dans les baux ce qui arrive. Nous recommandons de trouver une formule plus
réaliste de déterminer le montant du loyer. A l'article 19, on
vous en donne une formule comme suggestion, on la verra tout à l'heure.
Nous recommandons d'inclure les maisons de chambres dans ce projet avec un
statut particulier peut-être. Là, je ne ferai plus de
commentaires, parce que cela va arriver dans les autres articles et ce sera
plus facile. Nous recommandons d'exclure le petit locateur, tout comme la
maison de chambre ou bien l'inclure avec un statut particulier aussi. En
d'autres mots, actuellement, le projet de loi élimine les
maisons de chambres; or, on voudrait qu'elles soient dedans mais aussi
avec un statut particulier, en d'autres mots, que la loi prévoie
certaines modalités d'application pour ceux qui font réellement
un commerce de louer de grosses bâtisses et que ceux qui veulent avoir un
duplex, un triplex ou un quatriplex pour se faire une sorte de petite rente sur
leurs vieux jours, ne soient pas soumis au bien-être social, de faire que
le petit propriétaire locateur ne soit pas surchargé et puisse
vivre comme tout autre homme d'affaires ou investisseur ou prêteur.
En d'autres mots, si l'investisseur veut dire $24,000 dans un duplex, il
devra au moins recevoir l'intérêt minimal en usage dans le
commerce ou à une caisse populaire ou autre, ou au taux que les
obligations de la province nous donnent, entre 9 p.c. à 10 p.c.
M. HARDY: En tant que responsable d'une ligue de propriétaires,
pouvez-vous nous dire à peu près quel est l'argent que vos
membres investissent dans la propriété immobilière? Quelle
est la moyenne de rentabilité?
M. BELANGER: Je n'ai pas de chiffres sur cela et je vais vous dire
pourquoi. C'est une des remarques que je devais faire tout à l'heure et
que j'ai oubliée. Le projet de loi a été publié
avant l'été. En juillet et août, nous, à la ligue,
on ne peut rien faire car les gens sont toujours en vacances d'un
côté ou de l'autre. Et autre chose, assez importante et cruciale
pour nous, c'est que le fameux projet de loi, on l'a eu à la
dernière minute, il n'en restait plus, il n'était pas disponible.
M. Gilles Simard, qui est à ma gauche, ici, a travaillé
d'arrache-pied, finalement, on en a trouvé deux ou trois copies. Quand
j'ai envoyé le télégramme disant qu'on ferait parvenir le
mémoire au plus tard le 20 septembre, cela faisait à peu
près une semaine que nous avions les documents.
Or, on a travaillé de nuit pour rédiger le mémoire.
La rédaction, je l'ai faite durant une fin de semaine, vendredi, samedi,
dimanche et lundi pour vous l'envoyer ici, au moins pour respecter la date
donnée soit le 20 septembre. Tout cela causé par le manque de
disponibilité d'un document. Et à Montréal, on vient tout
récemment de recevoir le nouveau lot, il y a à peu près
une semaine, ou trois ou quatre jours. C'est pour cela que je ne peux vous
fournir un chiffre. On n'était pas organisé pour faire des
inventaires. Donc, cela reviendrait un peu à ce qu'un autre groupe a
demandé avant nous, à savoir si on reculait un peu l'adoption de
la loi, on pourrait peut-être vous arriver avec des chiffres. Nous ne
sommes pas mécanisés comme la ville de Laval ou encore, comme le
gouvernement. Et comme nos membres nous paient seulement $2, qu'ils sont de
petits propriétaires et ne paient pas comme la ligue de Montréal
$15, composée de gros bonshommes qui louent de gros immeubles, les
fonds, nous, nous n'en avons pas pour payer des avocats et spécialistes
de la compilation. Ce sont des gens qui travaillent à temps partiel,
comme bénévoles. On fait cela le soir, le samedi et en fin de
semaine. Alors, venir ici et se présenter avec une feuille de chou
semblable, il fallait avoir un certain culot. On vous sait gré de nous
recevoir avec un tel document. Est-ce que j'ai quand même répondu
à votre question?
M.CHOQUETTE: Vous êtes trop modeste.
M. HARDY: Vous êtes trop modeste parce qu'il y a dans votre
document, qui est peut-être moins volumineux que celui des autres
groupes, une philosophie de base qui est très facilement
compréhensible.
M. PAUL: II est d'une sincérité qui vous honore.
M. BELANGER: Merci bien, monsieur.
M. BACON: Pour reprendre la question du député de
Terrebonne. Vous parliez tantôt de choses ou de gens de votre entourage.
Vous avez sûrement l'expérience de vos propres immeubles, des
immeubles des collègues qui sont avec vous, des gens de votre entourage,
des gens que vous côtoyez. Quel est à peu près le rendement
sur les sommes que vous investissez dans des propriétés? Il me
semble, si je comprends bien, que vous êtes des propriétaires de
duplex, ou de triplex, disons que c'est à quatre logements. Vous
investissez combien quand vous construisez un immeuble de quatre logements
à Laval?
M. BELANGER: II y a quelques années, pour deux logements, un
duplex, c'était $24,000. Ensuite, cela monte à $30,000 ou
$35,000.
M. BACON: Sur $24,000, vous investissez combien? Oui, mais un duplex ne
donne pas une bonne idée du rendement. J'aime mieux quatre logements.
Avec un duplex, en fait, vous avez un loyer pas trop cher, vous êtes
obligé de débourser un peu, vous n'avez pas de rendement en
argent. Quand vous achetez un duplex, ce n'est pas pour investir mais
plutôt pour vous loger à un prix pas trop élevé, par
rapport à un "bungalow".
M. BELANGER: Cela dépend. M. BACON: Cela ne dépend
pas.
M. BELANGER: Cela dépend de ce qu'on veut en faire. Il y en a
plusieurs qui...
M. BACON: Pour en revenir à ma question originale...
M. BELANGER: ... avec un duplex veulent se faire un petit patrimoine
pour leur vieillesse
et ils n'habitent pas leur duplex. A ce moment-là, ils se
contentent de récupérer un certain capital qui, à la fin,
se paye sur lui-même.
Mais à ce moment, le gars n'a jamais eu d'intérêts
et a tout payé. Il fait ses propres modifications et réparations
de sorte que, si on lui met des contrôles semblables, il va être
drôlement serré de déclarer tout et ça ne va que lui
causer des problèmes.
Disons que je n'ai en main aucun chiffre, je regrette. Je ne suis pas en
mesure dans le moment. Mais si vous en voulez, on vous en fera parvenir dans
quelques temps parce que la limite de temps était trop courte, comme
j'ai expliqué tout à l'heure.
M. GAGNON: Au niveau du pourcentage, supposons qu'on acquière une
propriété de $20,000 et de $30,000, est-ce que c'est 10 p.c, 15
p.c. ou 20 p.c. de l'immobilisation acquise qui sont investis par le nouvel
acheteur? Cela représente combien?
M. BELANGER: En général, ça peut être 5 p.c,
10 p.c. à 15 p.c. et non pas au-delà, dans ces
propriétés. Cela dépend; il y a différents
groupes.
M. HARDY: Je pense qu'il y a ambiguïté là. Je pense
que le député de Gaspé-Nord vous a demandé, sur le
montant total de l'évaluation d'un immeuble, quelle est la part...
M. GAGNON: De la valeur d'achat de l'immeuble, quel est la part qui est
investie et c'est ça que le député de
Trois-Rivières...
M. HARDY: Non, le député de Trois-Rivières parlait
du rendement net sur le capital.
M. BACON: Votre question est pertinente.
M. HARDY: C'est ça. Le député de
Trois-Rivières demandait: Votre argent placé sur des
propriétés rapporte-t-il du 8 p.c, du 10 p.c. ou du 15 p.c?
M. BELANGER: Non monsieur, je peux vous dire que dans les duplex, les
triplex... Quand vous passez au quintuplex en montant, disons que la taxation
est répartie sur plus et là, ça amortit plus. Mais pour le
petit propriétaire comme ça, quand vous arrivez à 4 p.c.
et à 5 p.c, c'est le maximum.
M. HARDY: De rendement net?
M. BELANGER: Oui.
M. BACON: Surtout sur un duplex.
M. HARDY: Le juge prétend qu'avec sa loi, vous allez être
avantagé; il va vous en donner plus.
M. BELANGER: Voulez-vous que je vous donne un exemple d'un duplex
payé $24,000?
M. HARDY: Oui.
M. BELANGER: Nous allons dire qu'ils sont loués les deux.
Supposons que le type ait investi au complet; donc il devrait avoir au moins 9
p.c. à 10 p.c. d'intérêt. Cela est normal...
M. BACON: Attendez un peu, je vais vous suivre. Que signifie investit au
complet?
M. BELANGER: C'est-à-dire qu'il a mis ses $24,000.
M. BACON: Comptant?
M. BELANGER: Oui, comptant.
M. BACON: Le gars ne fera pas ça.
M. BELANGER: Mais de toute façon, qu'il prenne une
hypothèque ou non, ça revient au même parce que les
hypothèques sont de 9 p.c. ou 10 p.c; elles sont assez hautes
actuellement. Que ça sorte de sa poche ou que ça sorte de la
poche d'un autre qui emprunte, c'est lui qui en est quand même le
responsable. En somme, il investit. Donc, vous avez investi $24,000. Que
ça sorte de votre poche ou que vous l'empruntiez à un autre, vous
allez payer un intérêt. Pour simplifier, on dit qu'il doit avoir
au moins entre 9p.c. et 10 p.c.
Pour faire un chiffre rond très rapidement, 10p.c, il faudrait
que les logements, individuellement, soient loués à $100 par mois
pour être capable d'arriver comme ça. Attendez une minute, je n'ai
pas fini. Et vous avez à Laval 5 p.c. de taxation sur
l'évaluation. Donc, ça monte à 15 p.c. Puis si vous
admettez toute l'administration, la réparation et surtout le taux de
remplacement sur un long terme, après avoir fait les contacts avec les
gens de la centrale et depuis quelques années, on dit que
l'administration et tout, ça pourrait aller dans un autre 5 p.c. Quand
une maison est neuve, on ne remplace rien mais on n'est pas pour charger au
locataire dans 30 ans le coût de la réparation.
Comme on dit, on fait une sorte de fonds de 5 p.c. qui va couvrir pour
une période de 30 ou 40 ans. Or, à 20 p.c, ça veut dire
que le logement devrait être loué à $200 par mois. Faites
les calculs et vous allez voir que, actuelle-ment,les mêmes logements se
louent, dans mon secteur, tout près de chez nous, je pourrais vous dire
où, dans Duvernay, près du centre d'achats, $125, $135.
M. BACON: Des cinq pièces?
M. BELANGER: Cinq pièces. Or, en calculant ce que le locataire
payait, vous disiez qu'il payait la taxe, à quelle place paye-t-il la
taxe?
M. HARDY: Les loyers ne sont pas chers.
M. BELANGER: Ecoutez, c'est comme ça. On ne peut pas les louer
plus cher. Quelqu'un disait: Si vous louez plus cher, vous n'êtes pas
capables de louer. Or, ce problème est... Pardon?
M. HARDY: Est-ce qu'il y a plusieurs logements vacants dans ce
secteur?
M. BELANGER: On commence à en avoir plusieurs, justement dans des
duplex et des triplex.
M. HARDY: Des logements de cinq ou six pièces?
M. BELANGER: Oui, monsieur. Il y en a. On vient de me dire ici,
d'après des chiffres, jusqu'à 6 p.c.
M. HARDY: De logements vacants.
M. BELANGER: Parce que, justement, on ne peut pas arriver à un
prix qui colle avec... En somme quand vous passez de six logements en montant,
le coût de la taxation est réparti sur la bâtisse en
montant. Là, c'est plus rentable.
M. PAUL: Est-ce que vous tenez compte du coût du chauffage? Est-ce
que les locataires sont chauffés?
M. BELANGER: Actuellement, dans les duplex dont je vous parle, les
locataires se chauffent eux-mêmes; ils fournissent tout en d'autres mots;
il n'y a rien. Il n'ont même pas droit à un stationnement, un
garage; ils le payent en supplément. Je vous parlais simplement de ce
que ça peut coûter.
M.CHOQUETTE: Est-ce que ce sont des "cold-flats"?
M. BELANGER: Pardon?
M. CHOQUETTE: Est-ce que ce sont des "cold-flats"?
M. BELANGER: Oui, c'est justement ça. Ce sont des plain-pieds non
chauffés. C'est-à-dire que c'est le locataire qui se chauffe
lui-même.
M. CHOQUETTE: On considère, en général, que les
"cold-flats", c'est ça qui rapporte le mieux.
M. BELANGER: Actuellement, ce sont des chiffres que j'avais en main.
M. CHOQUETTE: C'est vrai. Pour les "cold flats", c'est le locataire qui
paie le chauffage. Il paie la taxe d'eau aussi.
M. GAGNON: Quand nous vous posons des questions, évidemment, cela
peut enchaîner une série de questions.
M. BELANGER: Oui.
M. GAGNON: Tout à l'heure, vous avez parlé de la taxe de
Laval à 5 p.c. D'accord, c'est élevé. Mais est-ce que le
rôle d'évaluation est à 50 p.c, 75 p.c, 90 p.c. de la
valeur? Il est important pour nous de le savoir.
M. BELANGER: Je peux vous répondre parce que j'ai beaucoup
travaillé là-dessus. Laval est la ville à l'avant-garde
où nous avons travaillé à la Loi de l'évaluation
qui s'en vient et à celle de l'urbanisation. C'est-à-dire que
cette loi a été annoncée. Notre évaluation a
été portée il y a deux ans à la valeur dite
réelle ou marchande, conformément à la nouvelle loi 48.
Comment évaluez-vous cela? A 98 p.c, à 100 p.c, à 90 p.c?
Cela dépend.
M.GAGNON: Parfois, on peut aller à 110 p.c.
M. BELANGER: C'est selon la loi 48. D'ailleurs, c'est Laval qui a servi,
je ne dirais pas de cobaye, mais de guide parce que nos employés ont
été prêtés au ministère pour travailler au
projet de loi 48 comme ils travaillent au document qui s'en vient de
l'urbanisation.
M. HARDY: Ce n'est pas un critère.
M. BELANGER: Je n'ai pas dit que c'est un critère, mais on me
pose une question à savoir si c'est à 80 p.c. ou à 90 p.c.
Je dis que c'est selon la loi 48. A ce moment-là, vous êtes en
mesure de juger quelle est la proportion de l'évaluation.
M. GAGNON: Et dans ces 5 p.c, le taux de taxe scolaire est inclus.
M. BELANGER: Oui. Je commence l'annexe "A" pour passer aux articles.
Nous allons procéder assez rapidement, parce que j'ai déjà
donné des commentaires. Le présent document provient d'une
étude d'un comité. Naturellement, en fonction de la remarque que
j'ai faite tout à l'heure, cette étude n'est nullement exhaustive
et fut faite de façon rapide vu le court laps de temps disponible. Vous
comprenez pourquoi j'ai écrit cela.
Le présent texte comporte des commentaires, des remarques et des
modifications concernant les clauses. Ceci ne veut pas dire que le
comité a cerné tous les aspects des problèmes de location
et des loyers et que le présent document est définitif. En
d'autres mots, ici, nous ne savions pas si nous allions être
présents à la commission. Nous avons construit le tout en
fonction de remarques, d'observations, de commentaires avant d'arriver à
des recomman-
dations ou à des suggestions pour permettre aux membres de la
commission de saisir un peu ce que nous voulions. C'est la raison pour laquelle
le document est présenté sous cette forme.
En ce qui concerne l'article 1, le comité n'a fait ni remarque,
ni commentaire, ni modification pour le moment. Donc, le texte actuel
demeure.
De l'article 2 à l'article 8, nous n'avons rien à dire
pour le moment. Le texte actuel prévaut. Le comité espère
que le commissaire pourra vraiment faire diligence et qu'il aura tout l'appui
administratif adéquat dès le début. Ici, je me
réfère à l'article 7. Vous savez que cela fera une grosse
besogne. Il y aura beaucoup de plaintes. Nous nous posons la question, à
savoir s'il y aura tout le personnel. Est-ce que cela n'amènera pas
encore... Cela va couper du chômage, comme quelqu'un disait.
Peut-être que notre impôt sur le revenu va augmenter parce que cela
va augmenter tous les frais du gouvernement.
Le comité espère, concernant les règlements,
article 8, que les autorités compétentes consulteront les
locateurs et les locataires avant leur promulgation ou leur mise en vigueur. En
d'autres mots, après que le projet de loi aura été
reformulé ou travaillé en deuxième lecture, si on pouvait
arriver à statuer... parce qu'avec tout ce qui sort ici, nous aimerions
quand même être capables de nous faire entendre ou envoyer un autre
document pour traiter du document qui serait pratiquement final.
A l'article 9, nous n'avons rien à dire au sujet du premier
alinéa. Quant au deuxième, commençant par: Toutefois la
présente loi ne s'applique pas... Il y a ambiguïté et danger
dans la définition et l'utilisation de l'expression "d'une maison de
chambres". Disons que vous définissez une maison de chambres, à
trois chambres et plus, et après cela, plus loin, vous l'excluez. Ce
n'est pas clair, une maison de chambres. Je vais vous dire pourquoi.
Un locataire je dis bien un locataire pourrait louer un
édifice de rapport avec des "bachelors" ou logements à
pièce unique, en occuper un et louer les autres, échappant ainsi
à la Régie des loyers en déclarant cet édifice
maison de chambres. Pas bien loin de chez moi, il y en a un comme cela
où je pourrais arriver et louer et dire: J'habite une des pièces.
Je pourrais louer les autres et marquer sur la porte: Maison de chambres.
Là, on vient d'échapper à la régie.
Tout local d'habitation offrant plus de deux chambres en location...
M. HARDY: Comme propriétaire, vous ne devriez pas nous dire cela.
Si, comme propriétaire, vous voyez déjà des failles qui
vont vous protéger dans la loi, ne dites pas un mot.
M. BELANGER: Cela fait le joint avec ce qu'a dit tout à l'heure,
Me Paul, le député de Maskinongé; on a voulu être
objectif, équitable, on a pris le document, on a dit: On va voir ce qui
en est.
M. CHOQUETTE: Vous n'êtes pas venu ici pour plaider en avocat mais
vous êtes venu pour plaider sincèrement.
M. BELANGER: Oui. Je voulais vous dire que je ne suis ni avocat, ni
notaire, je suis un simple petit bonhomme. C'est tout.
En somme, quand on signale ceci et quand on a pris votre projet de loi,
on a dit : Qu'est-ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, où sont les
failles, peu importe, que ce soit un locataire ou un propriétaire? Ce
que nous voulons, c'est l'égalité. On ne prendra peut-être
pas les trois termes français, mais au moins on veut
l'égalité et l'objectivité et que le futur code, que la
Régie des loyers, ce ne soit pas le chien de garde des locataires
seulement.
Tout local d'habitation offrant plus de deux chambres en location devra
tomber sous le coup de la régie, alors que vous en faites une exclusion.
Le champ de la location de chambres devrait faire le sujet d'une section
autonome du code des loyers.
M.HARDY: Monsieur cela me revient quand vous parlez des chambres
vous avez peut-être songé à ce qui s'est
passé dans Saint-Jacques, il y a quelques années, où il y
a eu une invasion de gens pour louer des chambres temporairement. C'est
peut-être à cela que vous avez pensé. Ce serait bon que le
député de Saint-Jacques soit ici.
M. BELANGER: En somme, on voudrait que le projet de loi, au lieu
d'être très global, fasse beaucoup de distinctions par exemple,
les gros complexes, les maisons de chambres, en somme, fasse dans le projet de
loi des modalités s'appliquant aux maisons de chambres qui tombent sous
le coup de la régie aussi, des modalités pour les petits
propriétaires-locateurs, disons, et que vous pourriez peut-être
déterminer ce que vous entendez par petits propriétaires, soit
d'un duplex, d'un triplex, d'un quadruplex et au-delà de cela, du moment
que cela devient rentable un peu, au point de vue commercial.
Notre but, c'est toujours le petit, parce qu'à Laval, on en a
quelques gros. Alors, ici, on a un champ autonome.
Je continue. Les maisons de chambres ne devraient pas faire exception.
Le comité est d'accord pour que les locaux industriels et commerciaux
soient acceptés selon... Ici, il me manque un peu de texte.
Le troisième alinéa devrait être retiré et la
loi devrait couvrir tous les locateurs et tous les locataires, quels qu'ils
soient, employeurs, employés, gouvernement, particuliers, corporations
ou sociétés. En somme, toujours l'égalité pour tout
le monde face à la loi.
L'article 10. Le comité suggère le retrait pur
et simple dudit article dans sa teneur actuelle. Il recommande que de
tels locaux d'habitation soient plutôt classés dans la
catégorie industrielle et commerciale ne tombant pas sous la
Régie des loyers. Un deuxième alinéa devrait être
ajouté. Aucun locataire ne peut exercer sa profession, son art, son
métier ou son négoce dans un local d'habitation sans le
consentement, je devrais dire ici, exprès du locateur.
S'il exerce son métier, cela détruit le logement et cela
fait des frais au propriétaire et assez souvent nous ne sommes pas
capables de récupérer l'argent qu'on va mettre pour restaurer un
logement pour le prochain locataire.
Article 11. Le comité recommande de préciser plus
clairement le délai d'application comme suit. Tombe sous l'application
de la loi à la fin de la deuxième année d'occupation
après qu'il est devenu habitable. Autrement dit, au lieu de se fier au
mois de l'année j'ai actuellement un logement qui est en
préparation, qui serait prêt dans un mois, au lieu de dire de
décembre à décembre, on dirait deux mois ou un an
après sa mise en marché; à ce moment-là, cela
éviterait bien des problèmes.
Article 12: Afin que tous soient égaux devant la loi, le
comité recommande le retrait dudit article, les exceptions engendrent de
la discrimination et des passe-droits infailliblement dans des lois semblables.
En somme, quand on fait trop de distinctions, à un moment donné,
il se passe beaucoup de choses entre les deux.
Article 13: Afin d'être juste envers tout le monde, il est
recommandé de modifier le texte de l'article de façon que la
Régie des loyers couvre tous les locaux d'habitation dans la province:
l'application du code des loyers devra être universelle pour tous les
locaux d'habitation sans exception.
Je sais bien qu'on a fait une remarque à un moment donné,
j'ai pris cela dans le journal, on disait que cela prendrait trop de personnel
dans le moment mais qu'éventuellement le projet de loi pourrait le dire,
mais avec une application retardée pour certains secteurs, mais que cela
couvre quand même tous les secteurs et non pas laisser à la
discrétion de quelques groupes, de se former et de demander à la
régie qu'on mette telle ville sous la tutelle de la loi, si je peux
appeler cela ainsi.
Alors, sur les articles 14 et 15, aucun commentaire pour le moment,
excepté que ceci implique de l'administration supplémentaire pour
le petit locateur.
Articles 16 et 17, rien de spécial à noter, si ce n'est
que le comité trouve que le commissaire est tout-puissant et très
autonome dans sa tâche et sa décision. On entend toujours ici que
c'est un bonhomme qui va avoir à trancher tous les litiges et tout,
alors cela lui demanderait une très grande capacité. On ne veut
pas juger de la compétence de la personne mais on craint que cela puisse
apporter de petits glissements.
Nous sommes d'accord sur le texte de l'article 18, mais à
remarquer que ceci implique de l'administration supplémentaire. Alors,
comme vous voyez, on revient toujours à l'administration pour le petit
propriétaire et pour les individus qui ne sont pas trop instruits dans
la province, qui ont des maisons et qui seraient obligés de payer autre
chose.
Article 19. C'est le fameux article où je disais qu'il y aurait
une suggestion sur la façon d'établir le loyer. Le comité
est complètement en désaccord sur le contenu de cet article
le vôtre, pas le mien . Les 5 p.c. d'augmentation sont de
l'arbitraire et ne tiennent nullement compte des contingences locales,
régionales, particulières, du coût de la vie, de
l'augmentation des taxes, des salaires, des frais et dépenses sans
oublier celles que le présent code des loyers va imposer aux locateurs.
Beaucoup de petits locateurs ne seraient ni plus ni moins que des membres
d'agences du bien-être social ou d'assistance sociale. Ce rôle est
dévolu au gouvernement et n'est pas celui de particuliers. On est un peu
méchant, mais qu'est-ce que vous voulez?
Le comité recommande le retrait du texte actuel dudit article
pour le remplacer par un autre plus réaliste, plus juste et plus
équitable pour les locateurs. Le comité suggère la
méthode suivante de fixation du loyer par le commissaire en fonction des
critères suivants.
Comme je le disais tout à l'heure, on considère ceci comme
un placement ordinaire qui pourrait rapporter aux gens 9 p.c. ou 10 p.c. ;
ça pourrait fluctuer. Si l'intérêt descend, le loyer
pourrait descendre en fonction de l'intérêt.
M. CHOQUETTE: Peut-être 15 p.c. M. BELANGER: Peut-être 15
p.c.
M. CHOQUETTE: Peut-être 16 p.c. ou 17 p.c.
M. BELANGER: Oui, mais disons que c'est en fonction...
Deuxièmement, les taxes payées. Et comme les taxes, actuellement,
vont toujours en montant les taxes scolaires et municipales montent
continuellement on en sait quelque chose à Laval avec toutes les
décisions extérieures qui font qu'une ville est obligée de
prendre des dispositions, je vous recommande un nouveau mémoire que la
ligue a fait à la commission d'étude à Laval.
Vous verriez ceci et vous comprendriez pourquoi on dit que les taxes
montent. Je pense que je vous en enverrai un, M. le ministre, pour que vous en
preniez connaissance. Je crois que M. Tessier en a un en main et que le
président de la Chambre en a également un parce que, après
tout...
M. PAUL: Si M. Tessier en a une copie en main, on va en entendre
parler.
M. BELANGER: Oui?
M. CHOQUETTE: Comment faites-vous pour garder un aussi bon moral et un
sens de l'humour qui s'exprime aussi facilement avec une taxation
foncière aussi épouvantable à Laval?
M. BELANGER: C'est un genre de défoulement, M. le ministre.
M. GAGNON: Si vous en avez donné une copie au ministre Tessier,
vous allez placer le premier ministre dans une mauvaise situation.
M. BELANGER: En somme, ce document pourrait être appliqué
aussi à toutes les municipalités de la province parce qu'il est
aussi fait objectivement au point de vue de la taxation et des coûts qui
nous tombent sur le dos. Je vous parle ce soir parce que nous sommes
rendus au soir en tant que petit locateur, petit propriétaire qui
essaye de se débattre pour gagner sa vie.
Nous continuons. Dans le domaine municipal, les taxes
générales, spéciales, les améliorations locales et
la fourniture d'eau montent. En somme, j'ajoute les autres articles à
part les taxes et l'intérêt que devrait comprendre le coût
du loyer. Il devrait comprendre les coûts administratifs, l'entretien et
la réparation, tous autres frais inhérents à la location
ou à la propriété, les services offerts...
M. PAUL: Cela comprendrait quelles dépenses exactement? Vous les
avez toutes énumérées à Laval, avant. Là,
vous dites: Cinquièmement, tous autres frais inhérents à
la location ou à la propriété?
M. BELANGER: Disons que je fais comme tout projet de loi...
M. PAUL: Vous avez un bill omnibus.
M. BELANGER: Pour ne pas en oublier, nous avons un article-cadre ou
comme on dit un article ouvert.
Vous savez, on apprend à coudoyer des avocats, des ministres et
des députés.
M. CHOQUETTE: Nous voyons que vous êtes allé à la
bonne école.
M. HARDY: Vous seriez bon au comité de législation,
vous.
M. BELANGER: Merci, M. le député. Je ne sais pas votre nom
mais quand même.
M. LE PRESIDENT: C'est le député de Terrebonne.
M. BELANGER: Excusez, M. le député de Terrebonne, de
l'autre côté du pont.
Alors, je continue. De cette façon, le seul revenu du locateur
serait celui de ses investissements. En somme, ce qu'on veut dire ici, c'est
que le locateur recevrait, simplement l'intérêt d'un placement
ordinaire; le reste serait toujours couvert. Alors si le taux de taxation
baissait, le loyer baisserait, si le coût de la vie montait, ça
monterait et si le taux des prêts ou de l'investissement baissait,
ça baisserait. En somme, ce serait la règle du jeu des conditions
du barème économique.
Le comité fait encore remarquer que la méthode de
pourcentage va au détriment du locateur et du locataire parce qu'en
certaines circonstances, c'est le locataire qui se fait jouer le tour, toujours
par principe objectif on traite des deux côtés et
cela va occasionner une baisse dans la construction multifamiliale en faisant
fuir les investisseurs et éloigner les personnes qui désirent
devenir propriétaires-locateurs. Le nombre de logements disponibles s'en
ressentirait.
Je peux vous dire que, si vous me demandez des chiffres, je n'en n'ai
pas, cette peur du blocage existe actuellement plus que vous pensez. Disons en
passant que c'est peut-être un peu personnel. J'édite un journal
et j'ai un programme de télévision où j'invite les gens.
Des constructeurs m'ont dit qu'actuellement la construction ne se vend pas et
qu'à Laval les multifamiliaux duplex, triplex, la vente est très
très au ralenti.
M. HARDY: C'est peut-être parce qu'il y a assez de logements.
M. BELANGER: Non, il y en a...
M.HARDY: C'est peut-être que l'offre est plus grande que la
demande.
M. PAUL: Cela revient à dire qu'il n'y aurait pas de crise.
M. HARDY: C'est parce que les gens de Laval s'en viennent dans
Terrebonne.
M. BELANGER: Vous pensez.
M. HARDY: Oui parce que nous construisons.
M. LE PRESIDENT: Ce pourrait être le député de
Terrebonne qui, à un moment donné, vous fait tort.
M. BELANGER: C'est probablement ça, M. le Président.
Alors ajouter l'alinéa suivant: "Le locataire ou le locateur peut
en tout temps, au cours d'un bail, introduire une demande d'ajustement du loyer
pour cause et selon les procédures de la présente loi." Vous
voyez mes termes techniques juridiques: "pour cause". S'il arrivait, par
exemple, un changement en cours de route,
plutôt que d'attendre à la fin de l'année, on
pourrait faire une augmentation. Que voulez-vous, M. le Président,
l'influence. Article 20.
M.CHOQUETTE: Ah! la tournure y est.
M. HARDY: Les membres de la commission qui ne sont pas avocats trouvent
que vous en perdez; ils vous aimaient mieux quand vous étiez moins
légaliste.
M. BELANGER: Oui. M. HARDY: Oui.
M. BELANGER: Merci, M. le député de Terrebonne. Vous
sentez-vous visé, quoi?
M. PAUL: Faites attention, vous allez transiger avec lui avant
longtemps. Attention!
M. BELANGER: Alors, en référence avec le texte actuel de
l'article 19 du projet de loi, le comité ne voit rien de
répréhensible dans le texte de la présente clause. En
somme, en fonction de ce qu'on vient de donner, l'article 20 passe, mais selon
la recommandation concernant l'article 19, le présent article n'a pas sa
place et doit être retiré.
Or, si on laisse l'article 19 tel que vous l'avez pensé, on dit
que cela s'applique mutatis mutandis.
M. CHOQUETTE: Pardon. Voulez-vous répéter?
M. BELANGER: Mutatis mutandis.
M. CHOQUETTE: Qu'est-ce que cela veut dire?
M. BELANGER: Cela veut dire en corrélation habituelle, en
fonction de. M. le ministre, vous avez fait votre cours classique, vous
aussi.
M. HARDY: Franchement, je considère que votre traduction est pas
mal libre.
M. BELANGER: Est-ce qu'on n'a pas dit que nous étions dans un
pays libre, ici, au Québec, M. le député de Terrebonne? La
liberté, on peut bien la traduire comme on veut! C'est méchant!
Excusez-moi. Mais, selon la recommandation de l'article 19, le présent
article n'a pas sa place et doit être retiré. Donc, si vous
appliquez notre article 19 pour évaluer un loyer, naturellement cet
article 20 tombe. Le comité fait encore remarquer que la
procédure d'affidavit vient augmenter le temps et le coût
d'administration. En vertu de la recommandation, à l'article 21, pour le
nouveau texte de l'article 19, le présent article n'a pas sa raison
d'être et doit être retiré, toujours en fonction de la
nouvelle formulation.
Le comité note une fois de plus la toute-puissance du commissaire
qui pourrait, à sa façon être ou devenir dictateur ou
despote, avec le seul recours d'aller en appel, encore avec des frais et des
dépenses supplémentaires.
L'article 22: Le comité fait remarquer que la date du 30 juin est
fort discutable et peut causer autant et même plus de préjudices
et au locateur et au locataire et ce, pour plus d'une raison. En somme, nous
abondons un peu dans le sens des autres que ce pourrait être une date
libre. Mais nous faisons une recommandation un peu spéciale, ici. Un peu
comme dans le code civil, on dit: On recommande que la date de terminaison d'un
bail soit à la discrétion des deux parties. Dans le cas de
mésentente ou dans le cas où il n'y aurait pas de date, que ce
soit celle du 30 juin.
M.PAUL: M. Bélanger, excusez-moi. Nous avons eu des
représentations voulant que la date du 30 juin pourrait causer beaucoup
de perturbations dans le monde syndical, notamment chez les employés de
Bell Canada, de l'Hydro-Québec, parce que, en vertu de leur convention
collective, la période des vacances est prévue comme devant
débuter le 1er juillet pour se terminer à la fête du
travail.
Les remarques que vous faites, nous les notons mais, d'un autre
côté, nous sommes placés dans une contradiction entre le
mémoire qui nous a été lu la semaine dernière et
vos propos. Vous comprendrez que ce serait assez difficile pour les membres de
la commission de se prononcer.
M. BELANGER: Je pourrais ajouter ici, M. le député de
Maskinongé, si vous me permettez, M. le Président, que plusieurs
locataires vous allez dire qu'on travaille encore de l'autre
côté ont mentionné que pour eux, ils pourraient
utiliser, comme ils sont des ouvriers ou autres, cette
période-là, qui correspond assez souvent à leurs vacances,
pour déménager tranquillement sans bousculade. En somme, il y a
toujours plusieurs arguments pour le 30 juin.
C'est une remarque que j'ajoute au texte.
M. CROISETIERE: M. le Président, une question. Ne
prévoyez-vous pas qu'il se produirait le même
phénomène qui se produit le 1er mai normalement, c'est une
période de quelques jours qui est toujours en jeu si vous donnez
une date, par exemple le 30 juin, comme vous le mentionnez, que ce serait
à peu près le même processus qui se produirait?
M. BELANGER: M. le député, si vous remarquez, c'est une
date conditionnelle.
M. CROISETIERE: D'accord.
M. BELANGER: Je vous dis qu'elle est libre mais, dans le cas de
mésentente ou qu'il n'y ait pas de date, que ce soit celle-là.
Maintenant, il
est bien entendu que si tout le monde faisait ça comme au 1er
mai, il y aurait le même problème. Notre attitude actuellement,
à la ligue, c'est d'avoir une date flottante entre parties et, comme on
disait dans d'autres mémoires tout à l'heure, que ce soit
peut-être à l'année longue. Cela permettrait
peut-être de louer des logements que certains ont quittés.
En somme, toute l'argumentation qui est sortie tout à l'heure
à la Chambre de commerce ou de la part d'autres avant, on pourrait
presque endosser ça les yeux fermés. Surtout le document de la
Chambre de commerce de la province de Québec parce que c'est un peu dans
le même style que ceci.
J'étais rendu où? Avec ça, je suis perdu. Alors,
23...
M. LE PRESIDENT: M. Bélanger, si je pouvais vous interrompre
quelques minutes. Est-ce que vous pourriez, étant donné l'heure
qui avance, sortir en quelques minutes les principaux points, si les membres de
la commission n'ont pas d'objection, ce qui permettrait aux membres de la
commission de vous questionner
M. BELANGER: Disons que...
M. LE PRESIDENT: ... plutôt que d'aller sur la
présentation.
UNE VOIX: ... le 30 juin, c'en était un point bien important.
M. BELANGER: Je comprends.
M. CROISETIERE: Si vous en avez d'autres...
M. BELANGER: A l'article 72 et à l'article 73, il y en a qui
trouvent que les pénalités...
M. CROISETIERE: Bon, très bien.
M. BELANGER: ... sont un peu fortes et il y en a même qui veulent
que cela soit $1,000 et plus. Et il y a un terme qui est assez fatigant. On ne
veut pas parler de discrimination raciale, religieuse, etc, parce que, dans
votre article 73, c'est tout inclus mais il y en a un qui est fatigant:
situation sociale.
M. CHOQUETTE: Nous allons l'enlever.
M. BELANGER: II est dangereux, parce qu'on pourrait dire, par exemple...
Je n'ose pas parce qu'on pourrait m'accuser de discrimination... Je
préfère ne pas dire ce que cela peut inclure.
M. LE PRESIDENT (Bacon): Vous pouvez le dire. Le ministre a dit qu'il
l'enlèverait.
M. PAUL : II vient de vous donner raison. Il a dit qu'il
l'enlèverait.
M. BELANGER: Est-ce que je pourrais être assuré que les
membres de la commission pourraient lire les autres? J'ai une argumentation qui
est déjà donnée un peu dedans, mais ce que j'ai
donné tout à l'heure, c'étaient surtout les commentaires
généraux. En somme, la partie 19 contient les commentaires
généraux qui découlaient un peu du travail. J'ai
précisé certains points qui m'intéressaient, comment fixer
le loyer, la date du 30 juin. Est-ce qu'il y en aurait un autre? A l'article
74, c'est une modification comme on le fait au comité des bills
privés quand on vient ici, on nous demande des papillons, c'est un
papillon: compte tenu du nombre de chambres à coucher dans le logis et
de leur superficie.
M. CHOQUETTE: Etes-vous un avocat populaire ou quelqu'un de cet
acabit?
M. BELANGER: Je ne suis même pas avocat et vous dire ce que je
suis, vous ne le croiriez pas. J'aime autant ne pas le dire, M. le ministre. En
somme, j'ai beaucoup appris avec la ligne depuis 10 ans. Je suis venu ici au
comité des bills privés pour défendre notre cause dans les
bills concernant la ville de Laval.
M. PAUL: Avez-vous présenté un mémoire au sujet du
bill 48 sur l'évaluation?
M. BELANGER: Si nous avons présenté un mémoire?
M. PAUL: Oui, vous-même, vous n'avez pas présenté un
mémoire?
M. BELANGER: Non, nous n'avons pas présenté de
mémoire parce que j'avais su à travers les branches où les
ruisseaux coulent que c'était ni plus ni moins que toute la structure
que nous avons à Laval. Et de fait...
M. PAUL: Les jardiniers maraîchers de Laval sont venus.
M. BELANGER: Oui, ils sont venus. D'ailleurs, ils étaient venus
lors de la présentation du bill concernant la ville de Laval, parce
qu'ils voulaient justement avoir un petit problème de ce
côté-là et, finalement, le gouvernement a accepté
d'enlever l'article que la ville de Laval demandait. Mais la loi 48 le
ramenait.
M. PAUL: Cela vous démontre, mon cher ami, toute la besogne que
nous avons, nous de l'Opposition, de toujours les surveiller.
M. BELANGER: Est-ce que je pourrais dire que c'est partial ce que vous
venez de dire?
M. PAUL: Je peux vous dire seulement une chose: ce n'est que
temporaire.
M. BELANGER: Ah bon! Alors, cela veut
dire que ce serait M. le ministre qui deviendrait impartial un jour?
M. CHOQUETTE: M. Bélanger, nous avons beaucoup
apprécié votre exposé et nous l'avons trouvé rempli
de toutes sortes de bonnes suggestions que nous allons étudier.
M. LE PRESIDENT (Bacon): Le député de
Lotbinière...
M. BELANGER: Est-ce que vous me permettriez un autre article avant? Une
remarque à l'article 73, quand on disait: De la solvabilité qu'on
pourrait refuser des locataires. Au point de vue de la solvabilité, par
exemple, on apprend qu'un locataire n'a pas payé ailleurs; alors si le
projet de loi lui permet de voir le commissaire et de dire: Je veux avoir ce
loyer; nous sommes obligés de le lui donner.
M. HARDY: Ne faites pas dire à la loi plus qu'elle ne dit pas;
elle en dit déjà assez.
M. BELANGER: Vous savez...
M. HARDY: Ne donnez pas d'idées au ministre pour l'empirer; elle
est déjà...
M. BELANGER: Oui, M. le député de Terrebonne.
M. CHOQUETTE: Voyez, monsieur, dans quelles conditions je suis
obligé de travailler. Pour faire le bien, pour faire avancer la
société, j'ai le député de Terrebonne.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Je n'ai que ceci à ajouter. Même si M.
Bélanger n'a pas eu la possibilité ou enfin il a
été entendu qu'il ne lisait pas tout le document, je tiendrais
quand même à ce que tout le document soit, inclus dans le journal
des Débats afin que justement lorsque nous réétudierons la
loi à d'autres moments, nous puissions avoir...
M. LE PRESIDENT: Nous n'avons pas voulu le priver...
M. BELAND: Disons que je félicite ces messieurs d'avoir bien
voulu venir se présenter et d'avoir préparé un document de
la sorte. Il est bon que des personnes, que l'on appelle peut-être
démunies, viennent s'exprimer dans leurs mots bien à eux et qui
sont empreints d'une très grande logique. C'est tout ce que j'avais
à dire.
M. BELANGER: Je remercie M. le Président et les membres de la
commission. J'ai eu un réel plaisir à vous rencontrer. Si vous
venez à Laval, vous viendrez faire un tour; on vous fera visiter; on
vous montrera les logements qui sont libres, M. le député de
Terrebonne.
M. LE PRESIDENT: Alors, M. Bélanger, au nom des membres de la
commission, je vous remercie et nous ajournons à demain matin 10
heures.
(Fin de la séance à 18 h 10)
Séance du mercredi 18 octobre 1972 (Dix heures dix-neuf
minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs !
Au début je vais énumérer l'ordre dans lequel les
organismes vont être entendus. Le premier, M. Renaud Huot de la Chambre
de commerce et d'industrie du Québec métropolitain; la
Corporation des évaluateurs agréés du Québec; le
Groupement des locataires du Québec métropolitain
incorporé; la Fédération des associations des locataires
du Québec; l'Association des locataires de l'Outaouais
incorporée; la Confédération des syndicats nationaux. Nous
entendrons immédiatement M. Huot.
Chambre de commerce et d'industrie du Québec
métropolitain
M. HUOT: M. le Président, M. le ministre, messieurs de la
commission parlementaire. Je me nomme Renaud Huot; je suis directeur
général adjoint de la Chambre de commerce et d'industrie du
Québec métropolitain. J'ai à mes côtés le
président du comité des affaires urbaines et régionales de
la Chambre, M. Gilles Lefrançois, également membre du conseil
d'administration de la Chambre.
Le mémoire qui suit représente la position officielle de
la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain.
Après des études du projet de loi par un comité ad hoc, de
séances et d'information auprès des représentants du
ministère de la Justice, le mémoire a été
approuvé à l'unanimité par l'exécutif et le conseil
d'administration de notre organisme.
En préparant le mémoire, nous avons d'ailleurs
apprécié la participation des membres de la Chambre d'immeuble de
Québec qui, à cause d'un manque de communication interne, voit
son nom apparaître seulement sur un des mémoires
précédents. Plusieurs de nos membres, qui sont touchés de
près par le projet de loi 59 à titre de locateurs, nous ont
demandé de présenter leurs objections et leurs suggestions afin
d'améliorer le projet de loi 59. Nous nous devons de souligner le grand
intérêt et la vive inquiétude que soulève le projet
de loi parmi tous nos membres qui s'opposent fortement au contrôle des
prix des loyers, surtout lorsque c'est le seul secteur de l'économie qui
est affecté.
Nous apprécions à cette occasion de venir exprimer l'avis
de nos membres et de contribuer au meilleur de nos connaissances à la
solution des problèmes soulevés par le projet de loi 59.
Messieurs, je cède maintenant la parole à M. Gilles
Lefrançois.
M. LEFRANÇOIS: M. le Président, M. le ministre, messieurs
les membres de la commission. Le projet de loi 59 touche deux aspects bien
distincts de l'habitation: Premièrement, la réglementation des
rapports entre locateurs et locataires; deuxièmement, le prix des
loyers.
Nous croyons que ces deux sujets, quoique reliés tous les deux au
vaste problème de l'habitation, doivent être analysés
séparément. Par conséquent, nous traiterons de ces deux
aspects dans des chapitres séparés.
Premier chapitre, réglementation des rapports entre locateurs et
locataires, a) Approbation de principe. Nous croyons qu'il est bon qu'une loi
définisse, de façon aussi claire et précise que possible,
les droits et obligations des locateurs...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais vous demander si vous avez l'intention de
lire tout votre mémoire.
M. LEFRANÇOIS: Seulement certaines parties.
M. LE PRESIDENT: Seulement certaines parties.
M. LEFRANÇOIS: Je suis présentement à la page
5.
M. LE PRESIDENT: Oui, c'est pour ça, il y en a 28.
M. LEFRANÇOIS: Je vais vous faire grâce de certaines
parties. Je vais répéter notre approbation de principe; pour une
fois que nous sommes d'accord, on est aussi bien de le dire. a)Approbation de
principe. Nous croyons qu'il est bon qu'une loi définisse, de
façon aussi claire et précise que possible, les droits et
obligations des locateurs et locataires et réglemente leurs rapports.
b)Champs d'application de la loi. Au point de vue de la réglementation
des rapports, nous considérons l'extension de l'application de la loi
comme une amélioration importante et suggérons même,
à la section d), de l'étendre encore davantage. c)Les clauses
d'un bail. Nous approuvons le fait que le code définisse certaines
clauses qui ne doivent pas être dans un bail et certaines autres qui
doivent y être, plutôt que d'imposer un bail type. d)Les
améliorations suggérées. Nous voulons cependant
suggérer certaines améliorations au projet de loi en ce qui
concerne la réglementation. Et dans ces améliorations, je vais
m'en tenir, autant que possible, à celles qui n'ont pas
été mentionnées dans les mémoires
précédents.
Premièrement, concernant le champ d'application. A l'article 9,
nous suggérons que les mots "31 décembre 1971" soient
remplacés par "31 décembre 1970", et la même chose à
l'article 11. Nous sommes d'accord quant au délai de deux ans avant
l'application de la loi, tel qu'indiqué dans l'article 11.
Par conséquent, nous croyons juste d'accorder le même
délai aux locaux qui sont devenus habités ou habitables en 1971,
qui n'auraient qu'un an de délai si la loi n'était pas
modifiée. Je pense que c'est une question technique qui a
peut-être pu échapper à ceux qui ont rédigé
le projet de loi.
Article 12. Les mots "la présente loi, sauf l'article 36"
devraient être remplacés par "les dispositions de la
présente loi relatives à la fixation du loyer."
Si les dispositions de la loi relatives aux rapports entre locateurs et
locataires sont bonnes pour les entreprises privées, nous ne voyons pas
pourquoi elles ne s'appliqueraient pas aussi aux immeubles faisant l'objet
d'une aide financière à titre de prêt ou de subvention en
vertu de la Loi de la Société d'habitation du Québec.
Présentement, le texte tel que rédigé soumet ces
habitations à la loi seulement pour des cas très précis,
des cas d'éviction. Nous suggérons qu'elles soient soumises
à la loi dans tous les cas, sur tous les aspects, excepté la
fixation de prix.
Nous croyons aussi que la loi devrait s'appliquer également
à tout immeuble d'habitation administré par le gouvernement
fédéral.
Article 13. L'article devrait se lire comme suit: La présente loi
s'applique à tout le territoire de la province de Québec. Nous
croyons que les locateurs et les locataires, peu importe où ils se
trouvent, devraient jouir de la protection du bill 59.
Deuxième section, reprise de possession. Nous croyons que les
dispositions des articles 30 à 35 accordent au locateur à peine
le minimum de droits et ne devraient en aucun cas être plus
restrictives.
Concernant l'éviction et la résiliation de bail, le
délai qui est présentement accordé de quatre semaines,
ç'a été traité hier. Nous voudrions cependant
attirer votre attention sur un autre aspect qui n'a pas été
traité hier. Nous nous opposons surtout â ce que le locataire ait
jusqu'à l'audition devant la commission pour acquitter son loyer, car
ceci place le locateur dans une situation très difficile étant
donné que, premièrement, il n'y a pas de délai maximum
pour l'audition devant le commissaire. Deuxièmement, le locateur ne sait
jamais si le locataire va finalement payer quand aura lieu l'audition. Et
troisièmement, tel que le projet de loi est écrit, le locateur
pourrait être obligé de poursuivre le locataire devant le
commissaire de mois en mois sans jamais obtenir gain de cause.
Article 36. L'idée que nous suggérons à l'article
36, c'est de le rendre semblable à l'article 74, c'est-à-dire que
les termes devraient être: Que le local d'habitation est devenu
surhabité, compte tenu des conditions du logement, par suite de
l'admission de résidants additionnels. A l'article 74, on permet au
propriétaire de refuser de louer à une famille nombreuse, compte
tenu des conditions du logement. Alors, on croit qu'à l'article 36 le
propriétaire devrait avoir le droit de demander la résiliation
si, quelques mois après que le locataire a occupé les lieux, le
local devient trop habité.
Article 36 g). Nous croyons qu'il est important que ce paragraphe se
lise comme suit: "Que le locataire ou des personnes dont il est responsable
n'entretiennent pas de façon satisfaisante ou détériorent
les lieux occupés." Nous ajoutons l'idée d'entretien physique et
sanitaire car, sans être une détérioration directe, un
entretien non satisfaisant peut causer énormément d'ennuis aux
locataires voisins et des frais inutiles que le locateur devra
récupérer des autres loyers. Il n'y a pas lieu de craindre qu'une
telle addition soit utilisée de façon abusive par le locateur car
toute cause d'éviction sera éventuellement jugée à
sa juste valeur par le commissaire.
L'article 39 devrait être éliminé. Il s'agit du cas
qui est prévu dans la loi où un locataire est admis dans une
maison subventionnée, Un HLM. Nous disons: Si un logement
subventionné devient disponible avant que le bail du locataire
éventuel ne soit terminé, rien ne l'empêche de
déménager immédiatement. Mais il devrait être tenu
responsable du loyer pour le logement qu'il vient de quitter jusqu'à
l'expiration de son bail à moins qu'il n'en vienne à une entente
moins dispendieuse avec son ancien locateur. Et hier, on a mentionné
qu'en temps normal, la cour fixerait cette pénalité à un
maximum de trois mois. Nous croyons que ces frais devraient être
payés par la corporation qui administre l'immeuble d'habitation à
loyer modique.
Quatrième section: les prohibitions. L'article 64 concerne la
permission d'exiger des chèques postdatés. Nous croyons que le
propriétaire ou le locateur devrait en avoir le droit et nous expliquons
pourquoi.
Nous suggérons l'addition de deux articles. D'abord l'article 70
a). Pour ceux qui viennent d'obtenir les documents, je suis rendu à la
page 11. Rien dans la présente loi n'empêche le locateur de
charger des intérêts sur tout loyer échu à un taux
d'intérêt n'excédant pas le taux en vigueur pour les
prêts en première hypothèque au moment du défaut de
paiement. Nous suggérons l'article 70 b) qui se lirait comme suit: "Rien
dans la présente loi n'empêche un locateur de charger des frais de
manutention et d'administration n'excédant pas $10 pour chaque
chèque ou effet négociable retourné impayé par la
banque.
Il serait injuste de faire assumer par les autres locataires, qui ne
sont pas en défaut, les frais additionnels qui sont occasionnés
par les locataires qui eux sont en défaut. Dans les
pénalités et poursuites, je pense que la question de situation
sociale a déjà été traitée.
Section 6: les frais modérateurs. Nous suggérons que la
loi contienne un ou des articles stipulant un montant non remboursable fixe
qui devrait accompagner toute demande faite auprès des
commissaires pour éviter toute demande farfelue de la part de certains
locateurs ou locataires. D'ailleurs le principe des frais modérateurs a
été adopté dans beaucoup de services sociaux au Canada
comme ailleurs.
Section 7 : conseil consultatif. Nous recommandons fortement qu'un
conseil consultatif du logement soit constitué. Ce conseil aurait les
mêmes attributions que le Conseil de protection du consommateur qui
d'ailleurs a fait les preuves de sa valeur et de sa grande utilité. Nous
reproduisons ici, à titre de référence, les articles
pertinents du bill 45 ou Loi de protection du consommateur. Ces articles
devraient être ajoutés mutatis mutandis, au bill 59. Comme tous
les membres de la commission peuvent se procurer les bills facilement, je vais
sauter les pages 13 et 14 qui reproduisent simplement les articles du bill 45
qui traitent du conseil de protection.
A la page 15, section 8: entrée en vigueur du bill 59. Nous
sommes assurés que de graves préjudices pourraient être
causés à de nombreux propriétaires si la loi entrait en
vigueur trop hâtivement après l'adoption par l'Assemblée
nationale. Si le bill n'est pas adopté en troisième lecture avant
le 30 octobre ce qui sera le cas, semble-t-il nous croyons
fermement qu'il sera impossible de nommer les membres de la commission
consultative et de les consulter, puis de passer les règlements, de
recruter le personnel requis, d'informer la population, de recevoir les avis
dans les délais requis (120 jours pour les demandes d'augmentation, soit
le 1er janvier pour la plupart des baux tels qu'ils existent
présentement), de faire tout cela avant le 30 juin 1973. Il faudrait
donc absolument que la mise en vigueur soit reportée au moins au 30 juin
1973, et il faudrait peut-être en plus prévoir une mise en vigueur
progressive, c'est-à-dire en commençant par exemple le 30 juin
1973 avec les logements déjà soumis à la loi favorisant la
conciliation entre propriétaires et locataires, pour ensuite inclure les
autres logements à compter du 31 décembre 1973.
Date de terminaison des baux. Nous appuyons le mémoire
présenté par l'Association du camionnage du Québec Inc.,
concernant la date de terminaison des baux.
Section 10 : dispositions transitoires. Un article devrait être
ajouté à la section XIV, qui s'appelle: Dispositions diverses,
transitoires et finales, pour stipuler que tout contrat de location à
long terme, signé avant l'adoption de la présente loi, demeure
valable, nonobstant les dispositions de la présente loi.
Alors, ceci termine le premier chapitre traitant de la
réglementation. Nous allons maintenant prendre le chapitre II, page 17,
qui parle du contrôle des prix.
Il y a deux aspects dans la question des prix des loyers.
Premièrement, il y a un problème fondamental qui est la
disproportion entre la capacité de payer de certains locataires et le
coût réel que le locateur doit récupérer.
Et deuxièmement, les abus que certains locateurs commettent
lorsqu'ils exigent un prix trop élevé. Nous allons d'abord
traiter du problème fondamental, pour ensuite parler du contrôle
des abus.
Première partie du chapitre II: le problème fondamental du
prix des loyers. Les causes du problème fondamental. Les causes de la
disproportion entre la capacité de payer du locataire ou de certains
locataires et le coût du logis sont de deux ordres.
Premièrement, les raisons qui se rattachent à la
capacité financière du locataire. Je pense qu'on ne vous
apprendra rien de nouveau. Il y a aussi les facteurs qui déterminent le
coût élevé de construction et d'exploitation des logements.
Parmi ces facteurs, nous retrouvons le taux d'intérêt relativement
très élevé; le coût de la main-d'oeuvre qui
croît à un rythme très rapide; l'absence de recherche
fondamentale et appliquée dans le domaine de la construction; l'absence
d'une politique d'aménagement urbain; la très grande
diversité, même l'incohérence, dans les normes de
construction d'une région à l'autre et même d'une ville
à l'autre; les taux de taxation municipale et scolaire qui sont de plus
en plus élevés. On a peut-être là-dedans une des
raisons pour lesquelles l'indice des prix des logements a grimpé plus
vite que le reste de la moyenne. C'est peut-être la cause de certaines
statistiques qui ont été mentionnées hier et
précédemment. Et nous retrouvons également les
inefficacités introduites dans le système par certaines
conventions collectives. Que faut-il retenir de toute ces causes du
problème fondamental? Premièrement, elles sont
indépendantes du constructeur ou du locateur qui doit les subir.
Deuxièmement, un contrôle des prix, même s'il pouvait
éliminer tous les abus, ne ferait rien pour changer quoi que ce soit au
problème fondamental, soit la capacité financière, soit le
coût réel des logements. L'Etat a assurément un rôle
à remplir pour aider à régler ce problème
fondamental et son action doit porter sur les deux aspects du problème,
soit aider financièrement les locataires économiquement faibles
par des subventions et une assistance appropriée, soit en aidant
à diminuer le coût réel des logements, notamment dans les
domaines suivants: encourager la recherche, développer une politique
d'aménagement, uniformiser les normes de construction au moins à
l'échelle provinciale, diminuer les taxes municipales et scolaires.
Nous abordons maintenant la deuxième partie du chapitre II: le
contrôle des abus.
A quel genre d'abus? Il faut rappeler ici qu'un très grand nombre
d'abus de la part des locateurs ou des locataires n'ont rien à voir avec
les prix du loyer et que, par conséquent, ils seront
éliminés dans la mesure du possible par les sections de la loi
qui traitent des rapports entre propriétaires et locataires.
Comme nous l'avons d'ailleurs démontré dans le chapitre I,
nous approuvons pleinement
le projet de loi à cet égard et nous avons même
suggéré des améliorations pour rendre la loi plus
efficace.
Il reste à traiter des abus dans les prix exigés par les
locateurs. Ces abus se résument à deux catégories.
D'abord, certains locateurs, tenant compte de la rareté de logements
dans une grandeur donnée, dans une qualité donnée ou dans
un secteur géographique donné, exigent des prix qui
excèdent la valeur réelle du logement.
D'autre part, certains locateurs, tenant compte des frais qu'un
locataire devrait payer s'il avait à déménager, exigent
des augmentations injustifiées mais inférieures aux frais normaux
de déménagement. On doit noter qu'il s'agit bien de certains
locateurs et non pas de la majorité. Alors, quels seraient les effets du
contrôle des prix imposé par le projet de loi 59?
Afin de contrôler les abus mentionnés plus haut, le projet
de loi 59 propose une forme de contrôle des prix. Voyons quels seraient
les effets d'un tel contrôle. Nous allons diviser les effets en deux
groupes: premièrement, les effets de tout contrôle étatique
des prix du logement; deuxièmement, les effets spécifiques du
genre de contrôle préconisé par le projet de loi 59.
En ce qui concerne les effets de tout contrôle étatique,
ces effets ont été exposés de façon assez
élaborée dans un mémoire entendu hier.
On peut avoir des réserves concernant l'interprétation
à donner aux statistiques, si c'est réellement l'effet du
contrôle des prix ou si c'est l'effet d'autres choses en plus. Nous
sommes d'avis que les statistiques apportées par l'autre partie, par
exemple, concernant le taux de rentabilité, l'étude de
rentabilité qui a été faite à Montréal et
l'argument basé sur l'indice des prix, sont toutes aussi
équivoques, ou peuvent être utilisées par les deux parties
pour prouver leur point. Nous n'entrerons pas davantage là-dedans mais
une chose est certaine c'est que, peu importent les statistiques, on ne peut
sûrement pas sous-estimer les effets du projet de loi no 59 tel que
rédigé.
Puisque ce sont les administrateurs et les investisseurs qui, par notre
voix, viennent vous dire que le bill fera en sorte qu'ils délaisseront
nécessairement le domaine de l'habitation, qu'ils aient tort ou raison,
cela semble être leur intention. D'ailleurs, au sujet de certaines
remarques qui ont été faites hier, concernant les séances
d'information avec les officiers supérieurs du ministère de la
Justice, c'est un peu vrai que M. Ross avait réussi à en endormir
plusieurs. Disons qu'après avoir entendu les explications de MM. Ross,
Cardinal et Alarie, nous avons pu rédiger ce mémoire qui est, je
crois, passablement moins extrémiste que celui que nous aurions
rédigé auparavant. Quand même, le lendemain matin
après le cocktail...
M. CHOQUETTE: Félicitations.
M. LEFRANCOIS: Le lendemain matin, une fois que les effets du cocktail
et les effets de l'art oratoire de M. Ross ont été
évaporés, ces membres nous ont quand même demandé de
rédiger un mémoire et l'ont approuvé à
l'unanimité.
Quant aux effets spécifiques de la forme de contrôle
proposée par le projet de loi no 59, nous croyons que ce projet de loi
veut imposer un contrôle encore plus néfaste que ce qui existe
présentement. Voici pourquoi. Le projet de loi no 59 exigerait que tout
loyer soit rapporté, ce qui causerait des ennuis et des
formalités additionnels et augmenterait encore plus le coût
d'exploitation. Deuxièmement, dans le projet de loi, toute augmentation
de plus de 5 p.c. devrait être approuvée par la régie,
même si le locataire est d'accord, ce qui cause des délais
inutiles et dispendieux. Troisièmement, le législateur, obligeant
par cette loi tout locateur à déclarer les noms de ses locataires
et le prix de ses loyers d'une part et, d'autre part, obligeant le tribunal des
loyers à juger toute augmentation de loyer supérieure à 5
p.c, risque de retarder les causes litigieuses et de ne pas apporter
l'attention nécessaire aux vrais problèmes. Quatrièmement,
au point de vue du gouvernement, l'application du contrôle des prix
exigerait des sommes très élevées qui pourraient beaucoup
mieux être utilisées si elles étaient consacrées
â la construction de nouveaux logements. Cinquièmement, la fuite
des capitaux privés vers d'autres secteurs de l'économie.
Sixièmement, les tracasseries administratives causées par le bill
no 59 décourageront les petits propriétaires et les
propriétaires moyens qui apportent et doivent continuer d'apporter une
contribution importante dans le jeu de l'offre, compte tenu du fait que ces
derniers pourvoient eux-mêmes à l'entretien et aux
réparations des logements.
Nous sommes d'avis que le bill pénaliserait davantage les petits
et les moyens propriétaires étant donné que les gros
propriétaires qui ont déjà des administrateurs permanents
vont, sans doute, réussir... cela leur coûtera plus cher mais ils
auront au moins les ressources nécessaires pour aller devant la
régie afin de faire valoir leur point de vue; tandis que, quant aux
petits propriétaires et aux propriétaires moyens, les recours
devant la régie, les déclarations, les exposés qu'ils
doivent faire, les décourageront davantage.
Le contrôle (à la page 24) proposé est-il une bonne
solution? A la lumière de ce qui précède, nous croyons que
les effets négatifs réels apportés par le contrôle
suggéré, créeront une situation plus grave que ce qui
existe présentement. En temps de guerre et en temps de crise, le
contrôle des prix était sans doute la seule solution possible.
Aujourd'hui, nous croyons qu'il faut se rendre compte que l'état
de rareté a fait place à un taux de vacance assez
appréciable. Un autre changement très important à
considérer est que
les locataires qui, dans les années cinquante n'étaient
pas organisés sont aujourd'hui de plus en plus groupés dans des
associations dynamiques, parfois subventionnées directement ou
indirectement par l'Etat et que, par conséquent, ils sont beaucoup plus
informés et beaucoup mieux protégés.
D'ailleurs, les mémoires que vous allez entendre aujourd'hui sont
la preuve tangible que les locataires sont beaucoup mieux organisés. Il
ne faut pas oublier non plus qu'il n'y a pas des abus seulement dans le domaine
du logement. Il y avait aussi des abus dans les taux que certaines compagnies
de finance exigeaient, dans les prix que certains commerçants
exigeaient.
Or, la solution adoptée par la Loi de protection du consommateur
n'est pas de contrôler les prix, mais de réglementer d'une part
les rapports entre le commerçant et le consommateur, par exemple en
édictant des règles pour la publicité, les garanties, les
clauses des contrats, la divulgation du taux réel
d'intérêt, etc., et d'autre part, renseigner et défendre
les intérêts des consommateurs en établissant l'Office de
protection du consommateur et en donnant des subventions aux organismes
voués à la défense des intérêts du
consommateur.
On peut aussi se demander: Le contrôle des prix des loyers est-il
juste? Présenté par le ministère de la Justice, cela
devrait sans doute être un critère.
Nous croyons qu'il est injuste, parce qu'il fait endosser par une partie
de la population les erreurs et les omissions des gouvernements qui n'ont pas
pris leurs vraies responsabilités en matière de logement et les
oblige à financer seuls une partie du fardeau de la
sécurité sociale.
Il est injuste de plus, parce qu'il leur impose un système
économique complètement différent des autres secteurs,
soit un contrôle, non pas un gel mais quand même un contrôle
absolu des prix, alors que le gouvernement n'a pas le courage, ni le mandat
d'ailleurs, d'imposer les mêmes contrôles sur les salaires, les
taxes, les taux d'intérêt et les autres prix.
M. PAUL: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de lire,
c'est bien intéressant, ce paragraphe-là.
M. LEFRANCOIS: C'est à la page 25, deuxième paragraphe, M.
le député de Maskinongé.
M. PAUL: C'est parce que, deux fois inscrit au journal des
Débats, ce serait bon pour le lecteur, vous savez.
M. LEFRANCOIS: Disons que j'ai déjà pris assez de temps,
nous allons continuer. Le gouvernement, d'ailleurs, a
répété à plusieurs reprises, et avec raison, lors
des négociations avec les employés des secteurs public et
parapublic, qu'il n'avait pas le mandat de changer le système
économique actuel. Puisque nous ne sommes pas en faveur du
contrôle des prix tel que suggéré, est-ce que nous avons
quelque chose à proposer?
La solution que nous proposons, section E, page 25, est celle-ci. Nous
proposons tout simplement la même solution que celle qui a
été adoptée dans le domaine général de la
consommation, soit, premièrement, la réglementation des rapports
dont nous avons parlé dans le chapitre 1; deuxièmement, la
création d'une commission des loyers, telle que proposée dans le
projet de loi 59; troisièmement, l'abandon de tout contrôle des
prix des loyers par cette commission des loyers.
Dans les détails, nous proposons les modifications suivantes au
projet de loi. Je ne vous les lirai pas, mais il s'agit simplement
d'éliminer les références au contrôle des prix dans
le projet de loi. C'est l'opinion de nos membres.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Monsieur, j'ai trouvé que, dans votre
mémoire, il y a beaucoup de suggestions intéressantes. Je ne
chercherai pas à répondre à toutes et chacune d'entre
elles parce qu'un certain nombre, sinon la plupart, méritent
d'être analysées avant qu'on n'y apporte une réponse.
Sur la question des besoins en matière d'habitation dans la
région du Québec métropolitain, je voudrais attirer votre
attention sur le fait que le taux de vacance en 1971, pour l'ensemble du
Québec métropolitain, se situait à 1.9 p.c, ce qui est un
taux de vacance extrêmement bas. Evidemment, ici, je me
réfère aux logements de trois pièces et plus. Dans
d'autres types de logements, évidemment, le taux de vacance est plus
considérable, ça va de soi.
Ainsi, dans les logements de deux pièces, il était de 3.4
p.c, dans les logements d'une pièce de 5.4 p.c, et dans le type
d'appartement appelé studio ou "bachelor", il était de 6.2
p.c.
Mais dans les trois-pièces et plus, il était de 1.9
p.c.
Si on veut décomposer ce taux de vacance suivant les divers
secteurs du Québec métropolitain, je vais vous donner des
détails. Pour la ville de Québec, zone 1, c'est-à-dire la
partie nord, il était de 1.5 p.c. Zone 2, partie sud, il était de
1.2 p.c. Excusez-moi. Pour la partie nord de la ville de Québec,
c'est-à-dire la zone 1, 1.5 p.c. Pour la zone 2, partie sud, 0.5 p.c.
Pour la zone 6, partie nord-ouest, 9.8 p.c. Cette partie nord-ouest de la ville
de Québec, c'est la région des Saules, où il y a beaucoup
d'aménagements immobiliers.
Alors, en moyenne, pour la ville de Québec, le taux de vacance
pour les appartements de trois pièces et plus était de 1.6 p.c
Pour les autres zones, la zone métropolitaine, zone 3, l'ouest, 1.6 p.c.
Zone 4, le nord, 2.5 p.c. Zone 5, la rive sud, 7.4 p.c, c'est-à-dire la
région de
Lévis, et la moyenne pour les autres zones était de 2.2
p.c. Alors, tout ceci se solde par un taux de vacance moyen de 1.9 p.c, ce qui
est très, très bas.
M. LEFRANCOIS: M. le ministre, je pense que c'est exactement le genre de
statistiques qui peuvent être interprétées des deux
façons. Si vous remarquez, le taux de vacance est beaucoup plus bas dans
une corrélation très forte entre les sections où le taux
de vacance est très bas et les sections qui sont présentement
sous la Régie des loyers. A Sainte-Foy, où il n'y a pas de
Régie des loyers, le taux de vacance est très
élevé. Alors, est-ce que cette situation est attribuable à
la Régie des loyers, une situation qui a été causée
par la Régie des loyers, et vous vous appuyez là-dessus pour
maintenir la Régie des loyers parce qu'il n'y a pas de taux de vacance?
Et aussi je pense qu'il faudrait dire que, dans les cas où vous avez
mentionné un taux inférieur à 1 p.c, comme par exemple 0.5
dans Québec, peut-être qu'une partie du blâme devrait
retomber sur les gouvernements, j'inclurais le municipal, le provincial et le
fédéral, qui ont démoli énormément
d'habitations et qui n'en ont pas construit suffisamment. Alors, si l'Etat
cause une pénurie de loyers par son manque de prévoyance, je ne
vois pas pourquoi ce seraient seulement les propriétaires qui devraient
être pénalisés. Je pense que tous les citoyens devraient
être pénalisés. C'est pour ça que je trouve que ces
statistiques peuvent être interprétées tout autant en notre
faveur qu'en votre faveur.
M. CHOQUETTE: Vous avez mentionné à Sainte-Foy. Tout le
monde sait qu'à Sainte-Foy, premièrement, il y a beaucoup de
"bachelors". Deuxièmement, il y a énormément de
construction nouvelle d'appartements, par conséquent, il est assez
normal de s'attendre à un taux de vacance élevé à
Sainte-Foy.
M. LEFRANCOIS: Oui, mais, M. Choquette, on repose le problème
dans ce cas-là. Alors, pourquoi y a-t-il beaucoup de construction
nouvelle à Sainte-Foy et pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup de
construction nouvelle dans d'autres secteurs de la ville? Est-ce que c'est
à cause de la Régie des loyers? Cela semblerait un facteur.
M. CHOQUETTE: Je ne pense pas, je pense que c'est plutôt le fait
que Sainte-Foy est extrêmement étendue au point de vue du
territoire. Sainte-Foy, de par sa situation géographique, était
appelée naturellement à un développement immobilier
très considérable. Tandis que, si on parle de la ville de
Québec proprement dite, il y a fort peu d'espace à
aménager sur le plan immobilier à l'heure actuelle dans la ville
de Québec. Québec, c'est une ville qui est bâtie,
Sainte-Foy est une ville qui est en train d'être bâtie. Je ne vois
pas le rapport réel entre l'existence ou la non-existence de la
Régie des loyers.
M. LEFRANCOIS : Alors, si vous reportez ça sur des causes
purement économiques, le contrôle des prix ou la nouvelle loi ne
changera rien à ça, il va toujours y avoir un taux de vacance; si
la pénurie de logements au centre-ville est attribuable purement
à des conditions économiques, ce n'est pas le bill 59 qui va
changer ça.
M. CHOQUETTE : Oui, mais le bill 59 va quand même permettre que,
dans un endroit où il n'y a pas un taux de vacance suffisant et
où, par conséquent, ceux qui offrent des logements ont, en somme,
un avantage économique sur ceux qui en demandent, il va éviter
qu'il y ait des abus et des injustices de commis à l'égard de
ceux qui ont besoin de logements. C'est ça qu'il va faire. Je n'ai
jamais dit que le bill 59 était une réponse suffisante à
l'ensemble du problème du logement dans le Québec.
Je n'aurais sûrement pas la prétention d'affirmer une telle
chose. Je crois que le problème du logement déborde largement les
cadres du bill 59. Et il faudra sûrement que l'Etat s'intéresse au
problème du logement. D'ailleurs, on sait que dans le passé il y
a eu, à divers moments, des efforts qui ont été faits au
Canada pour s'intéresser à ce problème avec des solutions
qui ont été apportées à la suite de ces efforts,
solutions qui ont pu être controversées dans certains cas et mises
en application partiellement.
La Société centrale d'hypothèques et de logement,
dans les récents mois, a subi des critiques très dures de la part
de gens qui ont été chargés par les autorités
mêmes de la Société centrale de préparer des
rapports sur les activités de cette dernière. Tout le monde se
rend compte que l'action du gouvernement fédéral en
matière de logement par l'intermédiaire de la
Société centrale d'hypothèques et de logement depuis 1945
n'est pas suivant les expectatives qu'on aurait pu avoir d'une politique de
logement qui serait valable.
Vous vous souvenez que M. Hellyer était parti dans une campagne
toute personnelle aussitôt après que le gouvernement Trudeau eut
été élu en 1968 et qu'il avait fait le tour du Canada en
étudiant les problèmes du logement. Il est arrivé avec un
rapport qui préconisait certaines solutions au problème du
logement, solutions, d'ailleurs, qui n'ont pas été retenues. Il y
a eu des conférences à l'échelle canadienne à de
nombreuses reprises sur tous les problèmes du logement. Il est sûr
qu'il y a des problèmes dans ce domaine. Je serais le dernier à
affirmer que les solutions sont apportées à ces problèmes.
D'ailleurs, vous-même avez signalé la démolition d'un
certain nombre de logements anciens par suite de l'action des autorités,
qu'elles soient municipales, provinciales ou fédérales. Il va de
soi que ceci réduise, dans une
certaine mesure, le nombre de logements disponibles, surtout un certain
type de logement qui est avantageux pour des familles ouvrières, en
particulier.
Je ne nie pas du tout cette dimension et, au contraire, je la reconnais
d'emblée aujourd'hui comme je l'ai reconnue hier quand M. Viau est venu
nous parler au nom du groupe qu'il représentait. C'est-à-dire que
je vois tout à fait l'intérêt qu'il y aurait d'une
étude très poussée et très en profondeur de toute
la question du logement pour établir une politique du logement qui
pourrait répondre au besoin de la population québécoise et
même canadienne, à long terme.
Mais ceci n'infirme pas la valeur du bill 59 dans la mesure où il
cherche à éviter trop d'abus. Et hier, j'ai signalé que
certains sondages que nous avions faits nous indiquaient qu'il y avait des abus
dans une proportion importante, premièrement, que nous ne pouvons pas
nier. Deuxièmement, l'appétit des propriétaires tel qu'il
est ressorti par certaines expressions que nous avons eues hier à la
commission parlementaire me parait quelque peu démesuré. Et je
dis que c'est devant ce fait que l'Etat se dit qu'il a des
responsabilités vis-à-vis de ceux qui souffrent de ces
circonstances.
Ce n'est pas parce qu'en principe je ne vois pas d'inconvénient
à des mécanismes de contrôle trop lourds. Je ne veux pas
ériger cela en principe, je veux dire que souvent quand on peut
éviter des contrôles, c'est mieux d'éviter des
contrôles.
On peut jusqu'à un certain point accumuler de trop nombreux
contrôles dans certains ordres d'activité, mais tout le monde
admet aujourd'hui que l'Etat doit intervenir pour établir une certaine
justice sociale quand c'est nécessaire.
Actuellement, je ne pense pas qu'on puisse dire et que personne
prétende que la Régie des loyers, telle qu'elle existe, ne
remplit pas un rôle utile.
M. LEFRANCOIS: On ne conteste pas que la Régie des loyers, dans
certains cas, rende un rôle utile, mais il n'y a rien de parfait. Un
contrôle des prix des loyers... Nous sommes d'accord à 75 p.c. sur
la section du bill qui traite de la réglementation. Quant au
contrôle des prix, cela peut avoir deux effets. H y a des effets
bénéfiques pour empêcher les abus. Nous n'oserions pas dire
qu'il n'y a pas d'abus, il y en a sûrement. Mais par contre, il y a
d'autres effets qui vont aussi arriver et c'est une question de pesée.
Est-ce que les effets négatifs vont être plus importants que les
effets positifs? Là, c'est une question de jugement. Les associations de
locataires vont sans doute vous dire que vous avez raison de penser que les
effets positifs vont être plus importants; nous, nous sommes d'avis que
les effets négatifs sont plus importants. Maintenant, il y a
peut-être entre les deux un genre de contrôle qui est moins
pour em- ployer le terme du mémoire néfaste que ce que
vous voulez faire.
M. CHOQUETTE: Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que je
ne suis pas pour le contrôle pour le contrôle.
M. LEFRANCOIS: Nous non plus.
M. CHOQUETTE: Cela n'est sûrement pas la philosophie du
gouvernement. Ce n'est pas dans l'idée de contrôle qu'on voit
nécessairement un bienfait. Il y a des situations qui requièrent
l'intervention, qui requièrent certains contrôles; alors, il faut
les adapter aux besoins et aux problèmes auxquels nous avons à
faire face. C'est pour cela que nous avons des discussions à la
commission parlementaire et cela nous intéresse d'entendre votre point
de vue, parce que vous mettez l'accent sur le fait qu'une plus grande
liberté dans ce domaine économique important est plus à
l'avantage de la société à long terme. Nous allons prendre
cela en considération dans les solutions finales qui seront retenues,
monsieur, vous pouvez en être sûr.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser quelques questions
à M. Lefrançoîs.
Je me réfère tout d'abord à la première page
du mémoire où il est dit : Après des études du
projet de loi par un comité ad hoc cela va, des
séances d'information auprès des représentants du
ministère de la Justice et de la Commission des loyers... Est-ce que M.
Lefran-çois pourrait nous dire quand eurent lieu ces rencontres
auprès de représentants du ministère de la Justice? Qui
était présent? Sur convocation de qui avez-vous assisté
à ces réunions? Quelles sont les recommandations que vous avez
faites? Est-ce que ces recommandations ont été retenues?
M. LEFRANCOIS: La séance d'information a eu lieu le 28 septembre
à 2 heures.
M. PAUL : Est-ce que vous voulez parler de la rencontre...
M. LEFRANCOIS: Oui, exactement.
M. PAUL: ... où l'honorable juge Ross aurait chloroformé
son auditoire?
M. LEFRANCOIS: Cela dépend de l'interprétation que vous
voulez donner, mais c'est la séance d'information où le juge
Ross, Me Alarie et Me Cardinal sont venus exposer le projet devant 125
personnes qui avaient toutes eu d'avance copie du mémoire et qui ont
posé de nombreuses questions et de nombreuses objections qui ont toutes
été soumises par écrit et que nous avons gardées en
note. D'après l'appui
unanime et très unanime du conseil d'administration à la
suite de la préparation du mémoire, nous avons toutes les raisons
de croire que nous représentons bien l'opinion de ces gens.
M. PAUL: Je vous remercie. Une autre question, toujours en me
référant à la première page du mémoire; vous
nous dites: Plusieurs de nos membres qui sont touchés de près par
le projet de loi à titre de locateurs... Est-ce que vous avez
également de vos membres qui sont touchés par cette loi à
titre de locataires?
M. LEFRANCOIS: J'ai été moi-même locataire
jusqu'à à peu près 15 jours. Il y en a plusieurs qui sont
locataires, mais je pense que ceux qui sont locataires n'ont pas trop à
se plaindre de leur propriétaire puisqu'ils ne nous en ont jamais fait
part. Alors, il semblerait que ceux-là au moins trouvent qu'il n'y a pas
d'abus de la part de leur propriétaire.
M. PAUL: Alors, c'est pourquoi votre mémoire a une tendance,
remarquez bien...
M. LEFRANCOIS: Plus qu'une tendance.
M. PAUL: Et il a un accent dirigé vers la revendication des
droits des locateurs. En référant à la page 7 de votre
mémoire, j'y lis ceci: Article 13: L'article devrait se lire comme suit:
La présente loi s'applique à tout le territoire de la province de
Québec. C'est une recommandation que vous faites. En écoutant
votre mémoire et par voie de référence aux mémoires
qui ont été présentés hier, il semblerait que cette
loi, si elle était adoptée, aurait pour effet de tuer
l'économie en général de la construction au Québec.
Pourquoi, si cette loi est si néfaste, voudriez-vous la voir
s'étendre à tout le territoire du Québec?
M. LEFRANCOIS: Nous voulons qu'elle soit étendue à tout le
territoire du Québec parce que nous espérons et nous demandons
que la loi ne touche pas au contrôle des prix. Dans tous les
mémoires précédents, la raison, même si la
distinction n'a pas été faite explicitement, je pense qu'elle
était implicite, est que ce qui serait dangereux pour l'industrie de la
construction, c'est le contrôle des prix. Etant donné que nous
voulons enlever de la loi le contrôle des prix nous trouvons qu'il serait
normal de l'étendre à toute la province. D'ailleurs, une des
raisons, je crois, pour laquelle, présentement, les municipalités
de moins de 5,000 de population sont exclues, c'est à cause de
difficultés administratives. Si on réduit la loi, si on lui
enlève les sections qui parlent du contrôle des prix, je pense que
les difficultés administratives n'existeraient plus et qu'on pourrait
accorder la même protection à toutes les personnes au
Québec, avec le moins d'exceptions possible. De la même
façon que la Loi de la protection du consommateur s'applique à
toutes les indus- tries, grosses ou petites, peu importe où elles se
trouvent dans la province.
M. PAUL: Une autre question que je voudrais vous poser, M.
Lefrançois. Par référence à votre chapitre 8,
à la page 15 de votre mémoire, vous faites une recommandation
pour que la loi ne s'applique qu'à compter du 31 décembre 1973.
Qu'arriverait-il des loyers d'ici cette date du 31 décembre 1973? Vous
ne craignez pas que certains locateurs exercent dans ce délai de
grâce des représentations ou réclament un prix abusif pour
des loyers occupés actuellement par des locataires?
M. LEFRANCOIS: Non, parce que dans notre esprit, la loi ne devrait pas
toucher au contrôle des prix. Par conséquent, on n'inciterait pas
les locateurs à augmenter les prix, puisque le marché deviendrait
libre en ce qui concerne les prix. Alors, on ne voit aucun problème.
M. PAUL: En nous exposant cette requête, vous croyez, que le jeu
de l'offre et de la demande va mettre un frein aux abus possibles de la part
des locateurs?
M. LEFRANCOIS: II ne mettra pas un frein à tous les abus
possibles, tout comme la Loi de la protection du consommateur ne met pas un
frein à tous les abus possibles dans les taux d'intérêt
qu'une compagnie de finance peut exiger. Mais aujourd'hui, les consommateurs
sont beaucoup mieux renseignés; ils peuvent se défendre
davantage; ils peuvent soumettre leurs cas à l'Office de protection du
consommateur. Aujourd'hui, étant donné que les locataires sont de
plus en plus organisés, de plus en plus renseignés, nous ne
voyons pas pourquoi ils ne pourraient pas se défendre avec beaucoup plus
d'égalité. On croit que le combat est beaucoup plus égal
qu'il ne l'était dans les années quarante-cinq, où le
propriétaire avait le beau jeu, puisqu'il y avait une pénurie
énorme de logements, tandis qu'aujourd'hui, on pense que les chances
sont pas mal égales. Il va sans doute y avoir encore des abus.
Même avec la meilleure législation, il y aura encore des abus de
la part de certains propriétaires, tout comme, avec la meilleure
législation, il va y avoir encore des abus de la part de certains
locataires. Mais, que voulez-vous, on ne peut pas avoir rien de parfait!
M. PAUL: Dans votre mémoire, à la page 11, vous nous
recommandez l'adoption de deux articles, dont l'un se lirait comme suit: Rien,
dans la présente loi, n'empêche un locateur de charger des frais
de manutention et d'administration n'excédant pas $10 pour chaque
chèque ou effet négociable retourné impayé par la
banque.
Je ne sais si vous étiez ici hier. Le ministre a passé un
commentaire sur cette disposition, ou
recommandation ou demande qui a été faite par d'autres
organismes qui se sont présentés devant nous. Etes-vous bien
sérieux en faisant une telle recommandation?
M. LEFRANCOIS: Nous croyons que c'est une question de justice parce que,
si certains locataires donnent des chèques sans provision, le
propriétaire aura des frais de $2 ou $1 à payer je pense
que présentement c'est rendu, dans certains cas, à $2 par la
banque parce qu'un chèque aura été
retourné.
M. GAGNON: Un instant. La banque n'exige pas de frais au
propriétaire mais au signataire du chèque. Elle déduit
$2.50 à son compte. Mais à vous...
M. LEFRANCOIS : Oui monsieur.
M. GAGNON: Je suis gérant de banque et je n'ai jamais
exigé cela au client mais à l'autre client.
M. LEFRANCOIS: Je ne sais pas quelle banque vous représentez,
mais je sais que, là où je travaille, je suis responsable des
services financiers, c'est une pratique reconnue dans le commerce...
M. GAGNON: Vous réclamez des frais aux deux.
M. LEFRANCOIS: ... que la banque nous réclame des frais pour
chaque chèque déposé puis qui nous est retourné.
D'ailleurs, en plus d'être locataire, j'étais aussi
propriétaire et la même chose s'est produite lorsque, à un
moment donné, un chèque est revenu. Alors, il y a des frais
d'administration exigés par la banque, il y a des frais
d'administration... En plus des frais d'administration exigés par la
banque, il y a les frais d'administration parce que le propriétaire doit
téléphoner au locataire pour lui demander s'il peut
présenter le chèque à nouveau et la plupart des banques
exigent que le chèque soit visé avant qu'il ne soit
accepté. Le propriétaire doit donc aller le faire viser à
la banque du locataire, qui n'est pas nécessairement près de
l'immeuble. Alors, il y a des frais additionnels. C'est sûr que ces frais
font partie des frais d'exploitation. Nous, nous croyons que celui qui en est
reponsable devrait payer, et cela incitera le locataire à ne pas faire
de chèque sans provision.
Lorsque vous avez parlé, hier, vous sembliez croire que les
propriétaires sont nécessairement des exploiteurs et que si le
chèque a été donné, ils le présenteraient
nécessairement à la banque. N'importe quel administrateur
sérieux, s'il est averti d'avance par son locataire de retarder le
chèque d'une semaine ou deux, préférera retarder ainsi le
dépôt du chèque parce que c'est encore moins ennuyeux que
de le déposer, et que le chèque revienne, pour ensuite courir
après lui. Moi, je trouve que c'est simplement de la justice pour les
autres. Pourquoi faire encaisser ces coups par tout le monde?
M. HUOT: Je ferais remarquer aux membres de la commission que tout
étudiant à l'université Laval, actuellement, qui fait un
chèque sans provision, doit verser un montant de $10 à
l'administration de l'université.
M. PAUL: Cela ne veut pas dire que c'est une bonne politique.
M. HUOT: Cela existe quand même.
M. PAUL: M. Lefrançois, n'avez-vous pas l'impression que les
propriétaires réclameraient à tout coup $10 pour frais de
manutention et d'administration?
M. LEFRANCOIS: Nous suggérons $10; si vous donnez $5, ce sera
déjà la moitié. Ce n'est déjà pas si mal.
Mais je pense que vous pourriez, si vous ne voulez pas mettre quelque chose
comme cela dans la loi, suggérer qu'ils exigent les frais réels
encourus. Mais, c'est difficile à calculer, quand il faut calculer le
temps des personnes impliquées. Peut-être pourrait-on diminuer le
montant, mais je pense que le principe devrait être reconnu.
M. PAUL: M. Lefrançois, je respecte votre opinion mais quant
à moi, je trouve que c'est un principe usuraire, que c'est un principe
antisocial et, personnellement, je ne l'appuierai jamais. Par contre, je veux
vous féliciter de votre mémoire, il est très bien fait et
il contient d'excellentes suggestions. Quant à moi nous allons
étudier l'article 70 je crains d'avoir des haut-le-coeur si, par
hasard, un collègue de l'Assemblée nationale veut proposer une
telle mesure.
M. LEFRANCOIS: S'il y a seulement cela, M. le ministre, on vous le
pardonnera.
M. PAUL: Je vous remercie de voir l'avenir avec beaucoup de confiance
pour nous. Vous m'avez appelé, M. le ministre, c'est un retour à
la réalité dans les quelques années à venir et
veuillez croire que, même ministre, je n'accepterai jamais une telle
mesure ou recommandation antisociale. Je n'en ai pas cependant contre votre
mémoire. Encore une fois, je le répète, il est très
bien fait et il contient d'excellentes recommandations. Mais cette clause, je
ne la digère pas. Je le regrette. Alors, vous pouvez peut-être
dire que vous avez eu beaucoup de succès devant la commission de
l'Assemblée nationale mais quant à vos $10, c'est un peu comme la
piastre créditiste, cela ne valait pas cher.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. CHOQUETTE: C'était pour préparer l'entrée en
scène du député de Lotbinière.
M. BELAND: Outre l'histoire de la piastre créditiste, ce sont les
folichonneries du l'Unité-Québec et du Parti
libéral...
M. BROCHU: Elle ne vient pas de Frank Cotroni.
M. BELAND: Je n'avais qu'une question à poser étant
donné que, dans votre mémoire, vous ne faites aucun commentaire
relativement au commissaire ou au travail normal, en somme, du commissaire dans
le cas de différends entre locateurs et locataires.
Etant donné qu'il y a eu une suggestion faite hier à
l'effet que, justement, le commissaire n'intervienne que lorsqu'il y a un
différend entre locateur et locataire soit du premier ou de l'autre,
est-ce que vous auriez un commentaire quelconque sur cette affirmation?
M. LEFRANCOIS: Disons que, si nos recommandations sont acceptées,
comme il n'y aurait pas de référence au contrôle des prix
dans la réglementation excepté à un endroit, à la
page 27, où l'on parle d'augmentation discriminatoire et par
là, on veut couvrir les augmentations ce serait la seule
référence au contrôle des prix, c'est-à-dire un
propriétaire qui veut augmenter le loyer de son locataire de $20 par
mois parce qu'il pense que ça lui coûterait plus que $240 pour
déménager.
Nous avons couvert cela; on appelle ça les augmentations
discriminatoires. Mais à part ça, il n'y aurait aucune
référence au contrôle des prix. Le travail des commissaires
serait d'écouter les revendications des propriétaires ou des
locataires concernant les clauses qui ne devraient pas être
déclarées nulles parce qu'elles ne devraient pas être dans
un bail. Disons qu'une grande partie des cas traiterait de lu question des
évictions, de la discrimination, de la prohibition et toutes ces
choses.
Cela réduirait sans doute le travail des commissaires.
Maintenant, si le gouvernement décidait que c'est absolument
nécessaire d'avoir un contrôle des prix, à ce moment, nous
serions pour le contrôle le moins néfaste possible,
c'est-à-dire qu'il soit limité aux cas litigieux. On essaierait
d'avoir le moins de cas inutiles possible. Nous serions complètement
d'accord pour la suggestion qui a été faite par la chambre de la
province, qui était moins optimiste que nous.
M. BELAND: A tout événement, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Simplement une question, M. Lefrançois. A la page 5,
dans votre mémoire, sous le titre "clauses d'un bail", vous semblez
rayer d'un trait de plume, sans plus d'explication, toute possibilité
d'avoir un bail type dans la loi. Est-ce que vous avez des raisons
particulières d'être contre le fait qu'un bail type apparaisse
dans le code des loyers?
M. LEFRANCOIS: II est à peu près impossible d'avoir un
bail type qui couvre toutes les circonstances. Par conséquent, je pense
que la loi devrait permettre que les deux parties, d'un commun accord, puissent
apporter des modifications au bail type. Si vous permettez que les deux
parties, d'un commun accord, puissent apporter des modifications au bail type,
à ce moment, la protection du bail type n'existe plus. Nous
préférons la solution adoptée par, encore une fois, le
ministère des Institutions financières et l'Office de protection
du consommateur, c'est-à-dire déterminer le genre de clauses qui
ne devraient pas être dans un bail, qui sont de nullité absolue si
elles y sont et aussi, peut-être, déterminer, c'est un peu moins
le cas ici mais dans le cas des contrats de crédit par exemple, les
choses qui doivent y être.
Par exemple, dans le code de protection du consommateur, on exige
même que le contrat contienne certains articles de loi qui
définissent les droits du consommateur. Je trouve que c'est une solution
plus pratique.
M. BURNS: Je vous fais la distinction suivante relativement au bill 45,
la Loi de protection du consommateur. La loi est assez explicite sur un certain
nombre de choses qui doivent apparaître dans le contrat, mais, d'autre
part, je pense qu'on est dans un autre domaine puisque dans le cas des
différends d'une série de contrats qui peuvent être faits
en vertu de la Loi de protection du consommateur, ce n'est pas le cas bien
précis d'un bail qui peut facilement se répéter d'un
endroit à un autre.
Je vous pose la question tout simplement. Est-ce que vous ne croyez pas
que, s'il n'y a pas de bail type, dans le fond, c'est le propriétaire
qui va décider de la phraséologie du bail, comme ça se
fait actuellement?
M. LEFRANCOIS: II y aurait peut-être une solution
intermédiaire qui serait un bail type avec permission de le modifier,
mais garder quand même dans la loi des choses précises qui ne
doivent pas être dans un bail de façon que, s'il y a un bail type,
il va falloir donner probablement la permission aux deux parties de le
modifier. Cela donnerait une certaine protection parce qu'au moins le locataire
saurait les choses que son propriétaire en particulier ajoute, mais, par
contre, il ne faudrait pas que le propriétaire ait le droit d'ajouter
n'importe quoi. Par conséquent, peut-être que les deux ensemble
donneraient une meilleure protection.
M. BURNS: En somme, vous n'êtes pas contre le principe même
d'un bail type, c'est plutôt le côté pratique de
l'affaire.
M. LEFRANCOIS: Je suis contre l'aspect pratique du bail type.
M. BURNS: Bon, d'accord. Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. GAGNON: Un instant.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.
M. GAGNON: J'ai bien compris votre mémoire, qui est excellent.
Evidemment, je suis surpris parfois que vous n'alliez pas au fond des choses.
Je crois, pour faire des remarques, que c'est la suite normale d'une mauvaise
planification face au décret de la construction. D'abord, primo, c'est
incontestable que chaque homme a en dedans de lui l'appât du gain. Vous
n'enlèverez pas ça, c'est normal. Qu'il y ait un certain
contrôle pour éviter l'appât abusif, c'est encore
très normal, parce qu'il y a eu incontestablement dans le passé
des abus; d'ailleurs, si la Régie des loyers a été
établie en 1951, c'est qu'à ce moment-là les
législateurs étaient d'opinion qu'il y avait abus et ça
s'est avéré très utile. Mais, par ailleurs, il y a un
problème qui se pose. Vous allez me dire: Je suis surpris de voir que
vous ne vous portez pas à l'attaque; il a été soumis ici
l'automne dernier des mémoires concernant le décret de la
construction. On nous a fait part que le prix d'une maison de $14,000
construite en 1970, s'il y avait l'adoption de décrets de la
construction, serait porté à $17,000, soit $3,000 simplement de
coût additionnel attribuable aux salaires. Prenez une maison sur une
période de 30 ans, avec emprunt de 30 ans, remboursement des
intérêts sur $3,000 de différence, remboursement
d'intérêt à 9 p.c, plus un profit pas de 10 p.c, 8 p.c. Je
sais pertinemment que si je disais au ministre de la Justice aujourd'hui: Vous
allez prêter de l'argent, vous n'aurez pas d'intérêt pendant
30 ans, mais, dans 30 ans, votre maison sera payée. Il dirait: A ce
moment-là, j'aurai 90 ans, qu'est-ce que je vais faire de ça?
C'est qu'il veut à ce moment-là qu'il ait un loyer d'argent, plus
les intérêts sur le capital, sans que ce soit abusif. A ce
moment-là, vous savez ce que ça représente. Cela
représente tout de suite un coût de loyer additionnel de $25
mensuellement. Nécessairement, ça va retomber sur celui qui fait
la location. A ce moment-là, c'est l'enchaînement des
décrets de la construction à l'intérieur d'une
planification mal pensée, mal orientée, parce qu'on ne s'est pas
occupé des conséquences. Je crois que la Régie des loyers
va être appelée dans les années à venir à
voir une multidude, des dizaines et des dizaines de milliers de cas. Je me suis
appliqué simplement à parler de salaires, sans parler de
l'augmentation des matériaux de construction, sans parler de
l'augmentation des salaires, sans parler de l'augmentation de
l'électricité, de l'augmentation des taxes scolaires, des taxes
municipales, de l'huile à chauffage. Il va y avoir des demandes
d'augmentation de loyer prohibitives. Cela ne veut pas dire qu'elles ne seront
pas justifiées, mais elles vont être prohibitives, mais, par voie
de conséquence, ça va retomber devant la régie. Et
là, je vois la conséquence normale de ce que, lorsqu'on a
étudié les décrets de la construction l'année
dernière, le gouvernement n'a pas planifié à
l'intérieur de sa bébelle. Il vous a fourré une
bébelle et là, son autre projet de règlement, ce sont des
"avocasseries", comme disait souvent mon ami Maurice Bellemare. Quand les
propriétaires vont faire des demandes à la régie, que le
locataire ne peut pas aller là s'il n'est pas capable de s'expliquer, et
si les avocats ont leur valeur d'être, on va demander à des
avocats de les représenter. Imaginez-vous donc le tas d'argent qu'on va
donner, que les propriétaires ou les locataires vont donner. A ce
moment-là, vous allez voir monter les coûts qui se rapportent
toujours au loyer; si on porte une cause devant la Régie des loyers, que
ce soit le propriétaire ou le locataire, il va se dépenser de
l'argent. Et cela va être un cercle vicieux; le locataire en donnera
moins sur le loyer, mais il l'aura mis sur les avocats. Un avocat, ça ne
se déplace pas à moins de $50 ou $75.
Et là, je relie cela au manque de planification, au décret
de la construction pour lequel nous nous sommes battus et pour lequel nous
disions qu'il fallait que cela soit beaucoup plus en profondeur. Nous n'avons
pas été écoutés, mais vous êtes pris avec le
bébé, les locataires sont pris avec le bébé, les
propriétaires sont pris avec le bébé. Le domaine de la
construction, selon moi, va s'en ressentir grandement parce qu'à ce
moment-là, on a été irréaliste face à
l'établissement de mesures qui entrafnaient des conséquences
assez graves et assez profondes au niveau de l'économie et avec le taux
d'inflation assez élevé. Ce sont les remarques que je voulais
faire.
M. LEFRANCOIS: Nous ne nous sommes pas étendus sur le sujet, mais
nous mentionnons quand même à la page 18, à l'avant-dernier
paragraphe "Le coût de la main-d'oeuvre qui croît à un
rythme très rapide" parmi les facteurs qui déterminent le
coût élevé de construction et d'exploitation du logement.
Et nous mentionnions aussi que ces choses étaient
indépendantes...
M. CHOQUETTE : Vous n'êtes pas obligé de répondre
à l'intervention du député de Gaspé-Nord parce
qu'elle est très confuse et très difficile à saisir.
M. PAUL: C'est effrayant comme le ministre...
M. GAGNON: Un type qui ne connaît pas la finance n'est pas
capable... J'en suis certain.
M. LEFRANCOIS: Je pense que son intervention...
M. GAGNON: L'avez-vous comprise?
M. LEFRANCOIS: ... dans bien des cas appuyait ce que nous disions.
M. GAGNON: Bon! Je savais que le ministre ne l'avait pas comprise, par
exemple.
M. PAUL: II l'a comprise, mais il fait semblant de ne pas entendre.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous une autre question? A titre d'information, il
s'agissait d'un discours en deuxième lecture.
M. PAUL: Ce n'est rien cela. Ce sera bien meilleur que cela dans un
discours en deuxième lecture.
M. CHOQUETTE: Nous avons hâte de l'entendre en deuxième
lecture avec un discours structuré à la Maurice Bellemare.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Lotbinière.
M. BELAND: II reste un fait quand même, c'est que je veux assurer
tout simplement, comme député à cette table, ceux qui sont
à la barre que, s'ils ont des observations à faire parce
que c'est drôlement réaliste ce que le député de
Gaspé-Nord vient de dire, même après la courte intervention
de l'honorable ministre ils soient bien à l'aise pour les faire,
parce que nous sommes ici pour vous entendre.
M. LEFRANCOIS: Nous voyons sûrement un problème dans le
fait que les coûts de la main-d'oeuvre augmentent rapidement. Le danger
que nous voyons est dans l'application de la loi. Si le contrôle des prix
demeure soumis à une régie d'Etat, est-ce que cette régie
n'aura pas tendance à faire passer le coût de
l'imprévoyance gouvernementale? Cela ne date pas de 1960, ni de 1966; je
pense qu'il y a un bon record d'imprévoyance là-dessus.
M. PAUL: C'est plus marqué depuis 1970.
M. LEFRANCOIS : Cela a toujours été très
marqué.
M. PAUL: Cela s'accentue.
M. LEFRANCOIS: Le danger est que le propriétaire seul soit
obligé de payer une bonne partie de l'imprévoyance ou, parfois
même, cela peut être des choses qui ne dépendent pas des
gouvernements comme l'augmentation des taux d'intérêt qui
dépend très indirectement d'un gouvernement, lorsque
l'hypothèque devient renégociable. Nous croyons que le
propriétaire pourra probablement écoper plus que sa part.
M. CHOQUETTE: A part cela, même si ce que le député
de Gaspé-Nord disait...
M. GAGNON: Le ministre a compris?
M. CHOQUETTE: ... était vrai...
M. GAGNON: Ah! Il a compris.
M. CHOQUETTE: Même si cela était vrai...
M. GAGNON: C'est clair que cela est vrai.
M. CHOQUETTE : Attendez. Même si c'était vrai, il n'en
demeure pas moins vrai qu'il y a un fait sûr et certain, c'est que les
conditions de travail de la main-d'oeuvre sont fixées par des
conventions collectives négociées entre les patrons et les
employeurs. Et lorsque le ministre du Travail passe un décret dans le
domaine de la construction comme dans un autre domaine, il prolonge tout
simplement une convention collective déjà négociée
en vertu de notre système des lois du travail qui laisse à la
libre négociation la détermination du prix et du salaire. Il la
prolonge simplement à l'ensemble du secteur, de façon qu'il n'y
ait pas d'employeurs défavorisés par suite du fait qu'ils
auraient des conventions collectives où il y aurait des dispositions
moins avantageuses pour les travailleurs. Il ne faudrait quand même pas
faire porter la responsabilité des accroissements du prix dans la
main-d'oeuvre, dans un certain nombre de secteurs, sur le ministre du Travail.
Parce que la loi des décrets de la convention collective, M. le
député de Gaspé-Nord, a été adoptée
en 1936 sous le gouvernement Duplessis. Rappelez-vous en.
M. GAGNON: C'est vrai.
M. PAUL: M. le Président, le ministre ne peut pas se rappeler ce
qui s'est passé exactement, parce qu'au moment où nous avons
étudié le décret de la construction, le ministre du
Travail était à négocier une convention collective avec
les membres de la Sûreté du Québec, à sa place.
Mais je dirai au ministre de la Justice que ce qui existe actuellement
dans le domaine de la construction, ce n'est pas à la suite d'une
convention collective, c'est à la suite d'un décret que le
lieutenant-gouverneur en conseil a adopté. Et je comprends que le
ministre n'était peut-être pas présent parce que s'il avait
été présent, je suis sûr que, conformément
à la politique qu'il a toujours prônée alors qu'il
était dans l'Opposition et lorsqu'il présentera sa motion en tant
que député d'Outremont pour étudier le problème des
locataires dans la ville d'Outremont, il se serait élevé contre
l'adoption d'un tel arrêté en conseil.
M. CHOQUETTE: Ecoutez, j'étais présent. M. PAUL: Est-ce
que vous dormiez?
M. CHOQUETTE: Mais non! D'ailleurs, je pense que cette discussion est un
peu hors d'ordre.
M. LE PRESIDENT: Pas d'autres questions?
Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission.
Il faudrait nommer un rapporteur de la commission parce qu'on a omis de
le faire lors de la première séance.
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être proposer le
député de Trois-Rivières. Même s'il est absent ce
matin, je sais qu'il est supposé revenir.
M. BURNS: On ne sait pas s'il accepte. Vous avez un mandat
écrit?
M. VEILLEUX: Oui, il accepte. On n'a pas besoin de cela.
M. PAUL: C'est votre directive.
M. LE PRESIDENT: C'est ma directive.
M. PAUL: Cela ne nous arrive pas souvent de voir des avocats accepter
des directives des notaires mais pour une fois je l'accepte.
M. LE PRESIDENT: Nous entendrons maintenant la Corporation des
évaluateurs agréés du Québec et son
représentant et porte-parole, M. Gilles Dion, administrateur.
Corporation des évaluateurs
agréés du Québec
M. PAQUET (Jean-Marie): M. le Président, mon nom est Jean-Marie
Paquet, avocat et je représente la Corporation des évaluateurs
agréés du Québec et j'ai avec moi le vice-président
de la corporation, M. Yves Simard, évaluateur agréé qui
est à ma gauche.
M. le Président, le mémoire que nous entendons vous
présenter sera très bref et la brièveté, dirais-je,
sera strictement proportionnelle à la différence
d'épaisseur du mémoire d'hier.
La Corporation des évaluateurs agréés du
Québec se présente devant vous ce matin, suite à une
politique qu'elle a suivie depuis son incorporation en 1969. Politique qui est
la suivante : Etre présente devant tous les processus de consultation de
la Législature, dans tous les cas où elle croit que les
intérêts professionnels des évaluateurs sont
impliqués ou bien dans les cas où elle croit qu'elle peut
apporter une contribution, la plus valable possible, à votre processus
de consultation.
Tout ce que nous désirons vous dire ce matin, M. le
Président, c'est que la corporation, sans prendre position, ni sur les
principes sous-jacents à la législation, ni sur la
nécessité ou l'opportunité de cette législation, ni
sur ses effets économiques possibles ou probables, veut simplement vous
dire ceci: Dans la mesure où cette loi serait adoptée, nous
croyons que l'évaluateur agréé, à titre de
professionnel, peut rendre des services appréciables dans la mise en
oeuvre de cette loi. Nous avons dans une première partie du
mémoire indiqué notre nombre de membres. Nous avons 730 membres
agréés au Québec, 460 dans la région de
Montréal, quelque 200 dans la région de Québec, 41 dans
les Cantons de l'Est, 32 dans la région de Trois-Rivières. Nous
vous indiquons dans le mémoire, aux pages 4 à 8, quelle est la
structure de la corporation, quels sont ses comités, quelles sont les
exigences d'entrée, quelles sont les qualifications de ses membres. Aux
pages 9 à 30, nous vous indiquons quels sont les programmes de formation
des évaluateurs dans les diverses universités du Québec.
Il y a des cours en évaluation foncière qui se donnent à
l'université Laval, à l'Université de Montréal; il
y a un baccalauréat en administration avec concentration en
évaluation foncière qui commence à l'Université du
Québec à Montréal. La date limite des inscriptions est le
1er novembre. Tout cela pour vous dire que l'évaluateur
agréé est un professionnel du domaine immobilier qui peut
apporter une contribution valable à la mise en oeuvre de la loi. La
contribution de l'évaluateur agréé, nous la voyons
possiblement à trois paliers.
D'abord, il nous semble évident que le ministère de la
Justice ou la Régie des loyers va devoir se constituer une équipe
technique assez considérable pour la cueillette et l'analyse des
données économiques pertinentes au marché de la location.
Nous pensons que l'évaluateur, par son expérience, peut
être un atout précieux. Nous pensons qu'au niveau des commissaires
et commissaires adjoints qui rempliront ni plus ni moins les fonctions
d'administrateurs des loyers, l'évaluateur, par sa formation et ses
connaissances du marché immobilier, ses connaissances des coûts de
construction et de tout ce qui touche le marché de la location, peut
être un atout précieux. Nous croyons finalement que le tribunal
d'appel, le tribunal des loyers, qui devra juger ces causes en appel des
décisions des commissaires adjoints est un tribunal qui aura, en grande
partie, à se prononcer sur des effets ou des aspects économiques
du différend et que, là aussi, l'évaluateur
agréé pourrait remplir un rôle. C'est-à-dire
qu'où bien le tribunal, au lieu d'être un tribunal
constitué d'éléments purement juridiques, pourrait
très bien être un tribunal du type de la régie avec un
président qui est un juge et des membres dont un pourrait être un
évaluateur agréé ou, si dans la politique gouvernementale
de restructuration des tribunaux, on voulait s'en tenir strictement à un
tribunal de juriste, que, dans les cas où soit le tribunal ou soit les
parties le jugent à propos, un évaluateur agréé
pourrait facilement et utilement remplir le rôle d'un assesseur. C'est la
solution qui avait été retenue par la Législature dans le
cas de la Loi de l'évaluation foncière, le bill 48 où,
à l'article 83, on disait qu'il était
loisible au tribunal d'appel, la cour Provinciale, de faire appel aux
services d'un assesseur pour aider le tribunal à décider des
aspects économiques de la question.
M. le Président, c'est la présentation que j'avais
à vous faire ce matin.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Paquet.
Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. Paquet, je conçois très bien que les
évaluateurs ont un rôle à jouer à l'intérieur
du cadre de cette loi et nous allons prendre en considération vos
suggestions.
M. PAQUET: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, j'ai été fort
intéressé par la lecture du mémoire de la Corporation des
évaluateurs agréés du Québec. Je suis sûr que
Me Paquet conviendra qu'il y aurait avantage à ce que le ministre des
Affaires municipales comprenne le rôle essentiel que peuvent jouer les
évaluateurs agréés du Québec dans le domaine de
l'évaluation, spécialement par référence au projet
de loi no 48, par l'amendement de la loi 20 que nous avons étudié
durant cette session et que nous devrons malheureusement être dans
l'obligation d'étudier à nouveau dans la deuxième partie
de notre session.
De toute façon, c'est un excellent mémoire d'information
et je suis sûr que le ministre de la Justice se fera l'écho
fidèle de l'Association de la corporation des évaluateurs
agréés du Québec pour vendre l'excellent travail des
membres de cette corporation à son collègue des Affaires
municipales quand il sera en mesure de le rencontrer.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup, M. Paquet.
M. PAQUET: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant M. Simon Langlois,
président de la Fédération des associations de locataires
du Québec.
Fédération des associations de
locataires du Québec
M. LANGLOIS: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, chers amis locataires, mesdames et messieurs.
Il y a des centaines de milliers de personnes au Québec qui
s'intéressent de très près au projet de loi no 59, le code
des loyers, que vous avez déposé devant l'Assemblée
nationale.
Pourquoi cet intérêt si marqué? C'est très
simple, c'est que, d'une part, le Québec est composé, en
majorité, de locataires. Cette constatation est encore plus
évidente lorsqu'on considère les grandes villes du Québec,
où la proportion de locataires est extrêmement
élevée, jusqu'à 80 p.c. dans le cas de Montréal,
par exemple.
Donc, la population que vous représentez, MM. les
députés, est concernée d'extrêmement près par
ce projet de loi. Il revêt donc une importance majeure. La
Fédération des associations de locataires du Québec
regroupe actuellement 66 associations de locataires dans tout le
Québec.
Une vingtaine de mémoires ont été soumis à
la fédération et nous avons compilé ces mémoires.
Nous les présentons à votre table sous forme d'un volumineux
document qui présente plus de 50 amendements à la loi que vous
avez proposée et une dizaine de nouveaux articles.
Je ne perdrai pas beaucoup de temps à vous énumérer
l'ensemble de tous ces amendements que vous pouvez lire aussi bien que moi. Je
vais plutôt essayer de dégager certaines lignes de force de ce
mémoire, afin de vous convaincre de la pertinence de nos
recommandations. Pour nous, ce mémoire amène un ensemble
d'amendements qui constituent un minimum à assurer absolument.
En effet, le projet de loi, tel que proposé, est insatisfaisant.
Il est insatisfaisant parce qu'il ne règle pas plusieurs
problèmes majeurs que nous soulevons devant vous et que nous avons
expliqués dans ce mémoire. Il est important de bien
considérer toutes les propositions que nous vous soumettons et
principalement celles que je vais vous expliquer à l'instant.
Nous proposons d'abord d'abaisser le seuil d'augmentation maximal de 5
p.c. à 3 p.c. Il nous apparaît essentiel d'assumer cette
recommandation absolument sans faute, parce que l'augmentation actuelle de 5
p.c. risque de créer de sérieux préjudices aux locataires
dans certaines régions du Québec.
Le premier argument que j'avance en faveur de cette première
recommandation est le fait qu'au Québec nous avons de très
grandes inégalités régionales. Alors, plusieurs
associations de la province, en dehors des grands centres, nous ont
demandé d'insister vigoureusement devant la commission pour qu'on
abaisse ce seuil qui, dans certaines régions, ne correspond absolument
pas à l'augmentation constatée.
Donc, nous voulons que le seuil maximal d'augmentation soit de 3 p.c.
Nous voulons d'autre part introduire le principe que toute augmentation soit
justifiée à partir de critères bien établis, afin
qu'on ne tombe pas dans le mythe de l'inflation pour justifier certaines
augmentations de $5 ou $10 qui sont maintenant courantes dans la plupart des
centres du Québec.
Nous voulons donc, aussi, éviter une certaine confusion dans la
population, une certaine inquiétude face à ce fameux
critère. Nous voulons en fait que, même dans le cas d'une
augmentation inférieure à notre seuil de 3 p.c, les locataires
puissent encore avoir, évidem-
ment, la possibilité, tel que le permet d'ailleurs la loi,
d'aller contester cette augmentation qui ne serait pas justifiée.
Au-delà de 3 p.c, cette obligation d'aller demander devant la commission
des loyers une justification pour cette augmentation incomberait au
propriétaire.
Donc, le principe général que nous voulons, c'est que
toute augmentation soit justifiée. En bas de 3 p.c, la démarche
pourrait incomber au locataire et en haut de 3 p.c., ce serait le
propriétaire qui, obligatoirement, devrait aller devant la Commission
des loyers pour demander la permission de faire cette augmentation qui devra
être justifiée.
Tout ça est, à notre avis, envisagé dans une
perspective éminemment sociale, une perspective qui nous fait
considérer le logement comme un bien essentiel et non plus uniquement
comme un bien de consommation strictement soumis aux lois du marché
comme, tout à l'heure, la chambre de commerce l'a laissé
entendre.
Pour nous, le logement est absolument un bien essentiel au
Québec, un bien que nous plaçons sous le même titre que
l'éducation et la santé. Donc, les recommandations que nous
faisons à ce chapitre des augmentations et les autres recommandations
que nous allons faire plus tard nous apparaissent comme un minimum à
assurer dans l'état actuel des discussions pour que le logement
devienne, dans un proche avenir et plus tard, vraiment un bien social et non
plus un bien économique.
Deuxièmement, nous voulons avoir une couverture
générale de tous les loyers du Québec. Ceci comprend
premièrement les logements municipaux qu'on appelle souvent HLM. A cet
effet, j'aimerais vous demander de faire une correction dans notre
mémoire, puisqu'il y a eu une erreur d'impression. L'article 12 nous
voulons simplement demander de le biffer, de sorte que tous les locataires de
logements municipaux puissent bénéficier des services de la
commission des loyers.
J'ai ici à mes côtés une délégation
qui représente les logements municipaux de Montréal, notamment le
président du groupe des locataires de la Petite Bourgogne qui nous
demande expressément que le code des loyers s'applique aussi dans le cas
des HLM, des logements municipaux. Il faut que ces locataires soient
considérés sur le même pied que les autres, il faut aussi
qu'ils puissent bénéficier des mêmes avantages que procure
la loi aux locataires d'habitations privées.
Nous voulons ensuite que tous les logements du Québec soient
soumis à la loi, que tous les locataires, donc, soient sur un pied
d'égalité partout au Québec.
Nous avons eu des expériences difficiles de négociation
avec certains pouvoirs municipaux et nous ne voulons pas que, dans certains
cas, des locataires soient aux prises avec les mêmes difficultés
de négociation ou, encore, soient obligés de faire des
démarches souvent très longues pour demander que leur
municipalité de 5,000 habitants et moins soit soumise au code des
loyers. Nous voulons une couverture automatique et obligatoire pour tout le
monde.
Je vous parlerai tout à l'heure du cas de Sainte-Scholastique,
qui m'apparaît extrêmement important, et je réserve un
développement là-dessus, à la fin. J'aurai certaines
interventions plus précises à faire.
Troisièmement, nous voulons appuyer le bail type qui a
été rédigé par le Groupement des locataires du
Québec métropolitain et qui apparaît dans le texte jaune
que vous avez. Mon ami, Me Gaumond, pourra vous l'expliquer après que
j'aurai terminé mon intervention.
Nous n'avons pas voulu introduire dans notre mémoire un bail
type, puisque nous approuvons entièrement celui qui est
présenté par le groupe de Québec dans le document jaune.
Je voudrais seulement ici apporter à l'attention de la commission un
commentaire qui est le suivant: Si on veut que la loi soit vraiment effective,
si on veut qu'elle soit vraiment appliquée dans toutes les dimensions
qu'elle contient, il faudra absolument, sans faute, que nous ayons un bail type
qui vienne mettre fin à l'ensemble de toutes les dérogations que
nous avons actuellement dans tous les baux. On retrouve des baux
extrêmement disparates, qui sont souvent compliqués, imparfaits,
etc., surtout les baux des grands trusts. Nous voulons mettre fin à ces
abus et nous vous demandons, M. le ministre Choquette, de bien vouloir
prévoir un bail type dans votre projet de loi.
Le bail type de Québec m'apparaît extrêmement bien
fait et je vous demande, évidemment, de l'étudier avec
attention.
Quatrièmement, nous voulons assurer une décentralisation
des services de la Commission des loyers. Encore une fois, si on veut assurer
l'efficacité de cette loi, il faudra absolument qu'on
décentralise au maximum les services de la Commission des loyers, pour
assurer une bonne application de cette loi et éviter les délais
souvent nombreux. Actuellement, par exemple, à Montréal, il y a
des problèmes sérieux qui se sont posés dans le cas de
l'ancienne Régie des loyers, qui sera abolie bientôt, et nous ne
voulons pas que ces délais se répètent. Nous vous
demandons, M. le ministre, de considérer avec attention cet aspect de
l'efficacité administrative de la Commission des loyers. Nous vous
demandons, bien sûr, d'accepter notre recommandation de
décentraliser au maximum les services de la Commission des loyers, afin
d'éviter la lourdeur de l'administration.
Cinquièmement, nous voulons que le ministère de la Justice
ait une vigoureuse politique d'information. Nous l'avons évidemment
revendiquée à plusieurs reprises devant les représentants
du ministère de la Justice, et cette politique d'information n'a jamais
été assez vigoureuse, à mon avis. Par exemple, on a
placé de petites annonces sur la Régie des loyers, en
page 42 de la Presse, à côté d'une immense annonce
de Dupuis& Frères, ce qui fait que les locataires,
évidemment, souvent, ne lisaient même pas ces annonces.
La politique d'information ne se réduit pas à certaines
annonces dans les journaux. Ce doit être une politique vigoureuse qui se
sert de tous les moyens modernes de communication et qui se sert aussi des
ressources du ministère des Communications afin d'assurer une bonne
application de la loi et une bonne connaissance de la loi pour tous les
locataires.
Nous voulons aussi, dans cette politique d'information, que le
ministère publie régulièrement des rapports de la
jurisprudence, afin d'aider les différents groupes à manipuler
davantage cette loi et à s'en servir. Nous voulons un rapport annuel
distinct des activités de la Commission des loyers et enfin, nous
voulons qu'on publie les statistiques sur le logement à partir de
l'enregistrement que chaque propriétaire va faire de ses logements. Ces
statistiques nous apparaîtraient une source extrêmement bien
documentée pour que nous puissions travailler à
l'élaboration d'une politique d'habitation à partir d'une
véritable connaissance de la réalité de l'habitation au
Québec.
Nous apportons aussi des amendements à l'article 9. Nous voulons
que la loi s'applique au moment où un local devient habitable, ceci afin
d'éviter que certains propriétaires se servent du moyen que je
vais vous expliquer à Tintant pour attirer des locataires dans des
logements. En effet, lorsqu'une nouvelle maison d'appartements est ouverte,
dont la construction est terminée, souvent on loue les logements
à un prix inférieur afin d'attirer du monde, parce que, souvent,
c'est difficile à louer du jour au lendemain et, par après, dans
les années qui suivent, on augmente exagérément le prix de
ces logements afin de satisfaire aux coûts de la construction. Nous avons
eu des cas dans l'ouest de Sainte-Foy, des cas extrêmement graves
concernant cet aspect.
Nous voulons que la loi s'applique au moment où le local devient
habitable. Nous voulons ensuite que tous les locaux d'habitation qui sont
possédés par des employeurs soient soumis à la Commission
des loyers. Je prends comme exemple les villes minières, Gagnonville,
Shefferville, Quévillon, etc. Ce sont des villes dans lesquelles on
trouve souvent une très forte proportion des logements qui sont
possédés par la compagnie. Alors, même dans le cas
où une compagnie, donc l'employeur, est propriétaire, nous
voulons que les locataires de ces complexes d'habitation puissent
bénéficier des avantages du code des loyers.
Nous voulons insister sur l'article 39, qui permet à des gens qui
sont admis dans les locaux d'habitation publique, les HLM, de pouvoir casser
leur bail. Les gens qui sont ici, qui représentent la Petite Bourgonne
entre autres, appuient évidemment fortement cette recommandation, de
même que toutes les asso- ciations de locataires des HLM, qui sont
membres de notre fédération, afin d'assurer d'une part
l'accessibilité des locataires aux logements municipaux, une
accessibilité qui est actuellement souvent impossible lorsqu'une
personne est aux prises avec un bail dont elle doit assurer la
responsabilité jusqu'à la fin. Si un complexe de logements HLM
ouvre en novembre, par exemple, et si la personne a un bail jusqu'en mai, nous
avons plusieurs cas où des locataires ont été
obligés de refuser d'aller dans ces HLM, dans ces logements municipaux,
parce qu'ils étaient aux prises avec un bail actuellement en cours. Nous
insistons fortement auprès du ministre de la Justice pour que le code
des loyers conserve cet article 39. Il nous apparaît important d'assurer
une concordance entre les lois et, si on veut assurer l'efficacité
sociale de la loi de la SHQ, il faudra absolument qu'on conserve cet
article.
Concernant la résiliation des baux, nous avons introduit deux
nouveaux cas. Premièrement, dans le cas du décès d'un
membre de la famille, nous voulons que les locataires puissent avoir la
possibilité de résilier leur bail dans un délai
raisonnable. Je pense à l'exemple d'un locataire de Québec qui
avait un logement de six pièces. Du jour au lendemain, ce locataire a
perdu ses trois enfants et sa femme, de sorte qu'il se trouvait aux prises avec
un grand logement qu'il ne voulait plus conserver. Il me parait
intéressant de prévoir des cas comme cela pour permettre au
locataire de casser son bail dans un délai raisonnable lorsqu'il y a des
circonstances indépendantes de sa volonté qui lui arrivent. Nous
introduisons un deuxième aspect...
M. CHOQUETTE: A ce sujet-là, vous savez qu'en droit civil il y a
un droit de sous-louer, c'est un droit fondamental qui appartient...
M. LANGLOIS: Mais nous, nous introduisons un nouveau principe, nous
voulons une relocation qui enlève la responsabilité du bail
à la personne qui sous-loue.
Nous voulons introduire une deuxième cause de résiliation,
qui est la mobilité professionnelle. Lorsqu'une personne change d'emploi
à plus de 25 milles de route, nous voulons qu'elle ait la
possibilité de casser son bail afin d'assurer dans une
société moderne une meilleure mobilité de la
main-d'oeuvre. C'est maintenant un phénomène courant que les gens
déménagent, que les gens changent d'emploi; la situation est
courante dans toutes les sociétés modernes et nous voulons
évidemment que la législation reconnaisse ce principe ou ce
fait.
Nous voulons un autre point important; à l'article 70, nous
demandons que la loi devienne impérative et non pas uniquement la
section concernée. Il faut absolument s'assurer que tous les articles
contenus dans le code des loyers soient impératifs, c'est-à-dire
que le propriétaire ne puisse pas appliquer ou non certains articles qui
font son affaire.
Nous avons introduit à l'article 95, parmi plusieurs une nouvelle
proposition qui concerne la négociation collective des litiges. Lorsque
des litiges se produisent dans un complexe d'habitation, nous voulons que les
locataires aient la possibilité d'aller ensemble devant la Commission
des loyers pour négocier collectivement la réglementation de ces
litiges.
J'aborde maintenant le cas de Sainte-Scholastique que je porte à
votre attention parce que cela m'apparaft extrêmement important. Vous
savez que Sainte-Scholastique appartient maintenant au gouvernement
fédéral. Il y a 14 paroisses qui forment maintenant une seule
ville appartenant au gouvernement fédéral. Il y a 1441 familles
de locataires qui représentent évidemment plusieurs milliers de
personnes. Il y a, là-dessus, 892 résidants, 482 cultivateurs et
67 commerçants.
Or, Sainte-Scholastique est appelée à se développer
beaucoup dans l'avenir. Nous avons donc introduit au nouvel article 97 qui
demande au ministre de la Justice de dire explicitement que les villes
possédées par le gouvernement fédéral, donc
Sainte-Scholastique, seront aussi soumises au code des loyers. Actuellement, il
y a des problèmes majeurs qui se posent à Sainte-Scholastique,
des problèmes qui n'ont pas encore été rapportés
par la presse tellement, des problèmes d'habitation, des
problèmes des locataires eux-mêmes. Par exemple, vous savez que
les baux à Sainte-Scholastique sont résiliables à 30
jours.
Vous savez que beaucoup de maisons requièrent des
réparations majeures mais, comme la construction est gelée
à Sainte-Scholastique, des centaines de locataires sont aux prises avec
des difficultés énormes. Dans l'avenir, cette ville est
appelée à se développer beaucoup et nous voulons
absolument que ces locataires soient placés sur un même pied que
les autres locataires du Québec. Actuellement, nous avons
constaté et j'aimerais beaucoup insister devant la commission
parlementaire une véritable arrogance du gouvernement
fédéral face aux locataires de Sainte-Scholastique. Le
gouvernement fédéral, c'est un propriétaire comme les
autres; c'est avec lui que doivent négocier les locataires de
Sainte-Scholastique. Alors, actuellement c'est presque impossible de
communiquer collectivement, que l'Association des locataires de
Sainte-Scholastique communique en tant que groupe avec l'administration
fédérale qui s'occupe de l'aménagement du territoire.
Cette administration refuse, par exemple, de reconnaître le groupe;
pourtant, ce groupe englobe actuellement l'ensemble de tous les locataires. Il
y a eu d'ailleurs, le 25 septembre, une grande assemblée qui regroupait
plus de 500 personnes, assemblée de locataires, qui ont vraiment
manifesté leur mécontentement face au gouvernement
fédéral. Cette assemblée a été tenue
à huis clos et c'est pour ça que personne n'en a entendu
parler.
Il y a à Sainte-Scholastique un problème sérieux,
un problème qui concerne la relation entre le gouvernement
fédéral et un groupe de locataires du Québec. Alors, comme
le gouvernement du Québec, actuellement, ne semble pas trop, trop
s'intéresser de près à l'aménagement du territoire
si ce n'est pour essayer d'attirer les industries dans ce territoire et
organiser de la meilleure façon possible l'aménagement physique
pour ces industries, il nous apparaît important de dire publiquement au
gouvernement du Québec et au ministre qui représente le cabinet
ici, M. Choquette, qu'il faut absolument que le gouvernement du Québec
s'intéresse de près à la situation qui est faite au
logement dans le cas de Sainte-Scholastique. Il faut que le ministre de la
Justice, entre autres, applique le code des loyers spécifiquement dans
le cas de Sainte-Scholastique et aussi dans tous les autres territoires
fédéraux qui sont susceptibles de s'ouvrir au Québec et
où des locataires sont susceptibles d'habiter.
Le gouvernement du Québec semble avoir souvent
démissionné de ses responsabilités dans le cas de
l'aménagement du territoire là-bas et il nous apparaît
important d'insister pour que ce gouvernement, qui nous représente,
défende vigoureusement les intérêts des locataires dans ce
territoire et surtout que le gouvernement du Québec s'intéresse
à l'aménagement de l'habitation dans une perspective sociale et
qu'il fasse aussi participer les gens à cet aménagement des
conditions d'habitation sur ce territoire. Ce territoire est un cas
particulier, bien sûr, mais c'est quand même un cas important.
Actuellement, on a beaucoup planifié les zones industrielles. On n'a pas
encore assez planifié ou plutôt on n'a même pas
planifié du tout presque les zones d'habitation. Alors, comme
l'habitation relève du gouvernement du Québec, il
m'apparaît important que ce gouvernement prenne ses
responsabilités dans ce cas et mette un frein à cette arrogance
du gouvernement fédéral à laquelle nous avons prise depuis
le début de l'été.
J'aurais beaucoup d'autres choses à dire évidemment; j'ai
encore peut-être une quarantaine d'amendements à apporter. Vous
pouvez les lire aussi bien que moi dans le projet de loi. Je ne veux pas,
évidemment, ennuyer l'auditoire et je fais confiance en tout cas aux
membres de la commission parlementaire pour qu'ils lisent attentivement le
reste de nos recommandations qui, souvent, sont des recommandations mineures
qui apportent une plus grande efficacité à l'application de la
loi.
Alors, si vous me permettez, j'aimerais répondre à
certaines de vos questions et disons que je termine en disant ceci. Ce projet
de loi, code des loyers, est en fait une première mesure, encore timide,
pour assurer une politique d'habitation au Québec. Comme vous le savez,
messieurs les députés, le Québec n'a pas de politique
d'habitation. Comme vous le savez, messieurs les députés,
l'habitation est quand même un aspect de la vie collective des
Québé-
cois extrêmement important. Or, vous, en tant que
députés, vous ne vous êtes pas encore penchés sur ce
problème, sur cette dimension de l'habitation au Québec dans une
véritable perspective intégrée. Nous avons actuellement un
ensemble de mesures disparates; nous n'avons pas de politique d'habitation au
Québec. Pourtant, la politique d'habitation, ça relève de
la compétence de votre gouvernement. Cela relève de la
compétence de notre province, de ma province autant que la vôtre.
Alors, actuellement, on laisse, par exemple, le champ entièrement libre
dans beaucoup de secteurs à l'intervention du gouvernement
fédéral qui planifie, lui, dans une perspective d'ensemble "from
coast to coast" et qui, souvent, ne tient pas du tout compte des
particularités des provinces. Le Québec, par exemple, est un pays
de locataires en ce sens qu'il y a près de 60 p.c. de la population du
Québec qui est locataire, alors que, si vous allez en Ontario, les
proportions sont nettement inversées. Le Québec a des
problèmes particuliers qui souvent sont très différents
des autres provinces, comme vous le savez et comme les ministres le
répètent souvent.
Alors, ce que je voudrais, c'est tout simplement en conclusion dire
ceci: Le code des loyers, c'est la première mesure encore partielle qui
va venir apporter certains éléments de réglementation du
problème de l'habitation, mais il faudra évidemment
dépasser ces mesures, aller plus loin, s'intéresser à une
politique globale de l'habitation que nous n'avons pas encore. Et
j'espère que ces commentaires vont tomber évidemment dans de
bonnes oreilles. Je compte beaucoup sur le ministre Choquette pour qu'il en
parle au conseil des ministres et surtout aux autres ministres qui sont
directement concernés par cette dimension du problème, par
l'élaboration d'une politique d'habitation que nous n'avons pas.
Je vous remercie de votre attention et j'aimerais beaucoup
répondre à vos questions, si vous en avez.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je dois féliciter la Fédération des
associations de locataires du Québec pour un mémoire
extrêmement considérable...
M. LANGLOIS: Au nom de la fédération, je vous
remercie.
M. PAUL: Elle compte combien d'associations?
M. LANGLOIS: C'est 66 actuellement.
M. CHOQUETTE: ... un mémoire qui contient un certain nombre de
suggestions et qui traite de presque tous les articles du projet de loi. Il
serait, je crois, exagéré d'aborder toutes et chacune des
suggestions qui nous sont faites. Sur l'esprit d'ensemble du mémoire, je
crois qu'il procède incontestablement d'une vision très sociale
de la question.
M. LANGLOIS: Je vous l'ai d'ailleurs déjà dit, M. le
ministre.
M. CHOQUETTE: Oui. Cependant, je crois que, du côté des
locataires, on devra comprendre que le gouvernement doit également tenir
compte des aspects économiques, de la dimension économique du
problème.
M. LANGLOIS: M. le ministre, si vous me permettez un commentaire, j'ai
beaucoup insisté pour dire que le rôle principal du gouvernement
du Québec est de tenir compte de l'aspect non pas économique mais
de l'aspect social.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. LANGLOIS: Le logement est un bien social au même titre que
l'éducation et la santé.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. LANGLOIS: Bien sûr, je reconnais que, dans le système
actuel, on procède par l'économie de marché pour
régler le problème de l'habitation, mais ce n'est peut-être
pas la meilleure façon de le faire. Ce sur quoi je veux insister
fortement, c'est sur la perspective sociale que nous devons avoir lorsque nous
considérons la question de l'habitation et notamment, le code des
loyers.
M. CHOQUETTE: Je comprends très bien que cela soit le point de
vue que vous adoptiez, et c'est sûrement une dimension importante que la
dimension sociale. Mais il ne faudrait pas négliger la dimension
économique du problème non plus parce qu'une perspective purement
et simplement sociale du problème qui ignorerait des effets
économiques à long terme ne tiendrait pas compte de la
réalité dans son ensemble. Après tout, je crois que les
locataires comme les propriétaires, comme le gouvernement, qui les
représente tous les deux, doivent quand même tenir en
considération l'objectif essentiel, qui est de voir à ce qu'un
stock assez considérable, offrant toute la variété voulue
au point de vue des besoins des citoyens, se renouvelle constamment de
façon à faire face aux besoins sociaux des personnes qui habitent
chez nous.
M. LANGLOIS: M. Choquette, et je m'adresse aussi aux autres
députés, en tant que représentants d'une population de
locataires, il me parait aussi important que vous ayez cette
préoccupation sociale que j'essayais d'expliquer, bien sûr
brièvement, parce que le temps ne me permet pas de m'étendre plus
longuement sur le sujet. C'est quand même une
perspective qui me paraît extrêmement valable et surtout
nécessaire. Dans le contexte actuel, on insiste beaucoup, par exemple,
sur le stock de logements. Entre autres, vous savez que la SCHL, par exemple,
mesure à peu près uniquement la qualité de son
intervention dans le domaine de l'habitation au Canada, au Québec aussi,
à partir du nombre de nouveaux logements qui ont été
construits. Par contre, elle ne considère pas du tout la
détérioration du stock de logements. Elle considère
très peu la rénovation urbaine, la rénovation vigoureuse
du stock actuel de logements.
Vous avez 25,000 personnes c'est le chiffre qui a paru
officiellement dans le Soleil il y a à peu près un mois
à Québec qui vivent dans des conditions inadéquates de
logement; cela me parait quand même un problème extrêmement
grave et important qu'il faut régler. Il s'agit de circuler ici à
Québec dans la basse-ville pour voir à quel point ce
problème de l'habitation est crucial. Il s'agit de circuler dans les
banlieues de Drummondville ou de Montréal pour s'apercevoir à
quel point ce problème est crucial. A tel point que, si j'étais
député d'un comté populaire, j'aurais quasiment honte
parfois de visiter certaines rues, parce que j'aurais l'impression de ne pas
faire assez d'efforts pour régler les problèmes auxquels sont
confrontés les gens qui vivent dans ces quartiers.
Si je m'intéresse de près à l'habitation et si
autant de personnes s'y intéressent depuis quelques années, c'est
que le problème est devenu assez grave. Le problème est devenu
assez important pour qu'on doive apporter les solutions les plus radicales qui
s'imposent, et dans un très bref délai. C'est pour cela que j'ai
insisté avec vigueur sur la nécessité d'avoir une
politique d'habitation au Québec que nous n'avons pas encore.
J'ai insisté avec vigueur pour dépasser l'optique du code
des loyers comme étant une première mesure minimale pour apporter
des solutions à plus long terme, des solutions plus valables.
M. CHOQUETTE: Mais ce n'était pas une critique à
l'égard de votre mémoire que vous teniez en considération
et même que votre mémoire procède principalement d'une
préoccupation sociale, mais pour vous dire que le gouvernement, dans sa
fonction d'apprécier où se situe l'intérêt
général, autant à court terme qu'à long terme, doit
considérer évidemment la dimension sociale, mais doit
également considérer la dimension économique du
problème. Il faudra donc que nous équilibrions ces deux aspects
du problème pour en arriver à une synthèse ou à un
équilibre approprié.
Alors, je vous félicite de votre mémoire, vous pouvez
être sûr qu'il sera analysé dans les moindres détails
et que de nombreuses suggestions qui peuvent s'y trouver seront retenues, bien
sûr.
M. LANGLOIS: M. le ministre, nous allons apprécier
évidemment la qualité de la lecture que vous ferez de notre
mémoire à la lumière des nombreux amendements que vous
apporterez sans doute à votre projet de loi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Masknongé.
M. PAUL: M. le Président, cela me fait chaud au coeur, ce matin,
d'entendre la voix des gagne-petit. Hier, nous avons eu un écho tout
à fait différent, une voix tout à fait divergente du
problème de l'habitation au Québec; nous avons surtout entendu
des mémoires de la part de locateurs ou d'associations de locateurs, et
le mémoire que la fédération a préparé est
extrêmement intéressant. Comme le signalait le ministre, il y a
des amendements qui doivent être retenus, il y en a d'autres qui ne
pourront probablement pas l'être en raison, justement, de
l'équilibre que doit rechercher le législateur dans l'adoption de
cette loi 59. Mais, ce que j'ai" trouvé très intéressant
ce matin, c'est que vous avez justement soulevé le véritable
problème qui existe dans le domaine de l'habitation, c'est le manque
d'une politique d'habitation au Québec qui résulte de
différents facteurs qui, je l'espère, pourront être
contournés pour que nous puissions avoir une loi qui corresponde
à des besoins, surtout sociaux, tout en n'écartant pas,
cependant, l'impératif économique que nous devons garder et
envisager pour équilibrer la vie de la société
québécoise.
Alors, je vous félicite et je félicite les membres des
différentes associations de locataires qui s'intéressent de
près aux lois présentées par le gouvernement et je suis
sûr que nous de l'Unité-Québec, nous retiendrons avec
beaucoup d'intérêt les nombreuses recommandations qu'on retrouve
dans votre mémoire.
M. LANGLOIS: Si vous permettez, j'aurais un autre commentaire que j'ai
malheureusement oublié. Il m'apparaît intéressant que le
personnel qui va s'occuper d'étudier la loi, le code des loyers et nos
recommandations, considère aussi la fameuse échelle des loyers
que nous retrouvons dans les offices municipaux et l'échelle des loyers
qui concerne les locataires d'habitations municipales. Il y a actuellement
beaucoup de problèmes dans ces échelles de loyers et d'ailleurs,
les locataires d'habitations publiques qui sont ici m'ont demandé
d'insister vigoureusement auprès du ministre de la Justice pour que l'on
considère cet aspect qui est inclus dans la loi de la SHQ et qu'on
considère aussi une application possible ou une extension possible dans
la loi du code des loyers, puisque nous recommandons une couverture des
logements municipaux. Nous voulons, entre autres, que vous étudiiez les
problèmes qui se posent. Comme nous avons déjà, à
plusieurs reprises, fait des commentaires auprès de la
Société d'habitation, auprès des offices municipaux, il
nous fera plaisir, bien sûr, de vous les faire parvenir comme document
d'appui dans votre
étude, afin qu'on règle aussi ces problèmes de
coûts d'habitation même dans les loyers municipaux qui, souvent,
sont plus chers dans certains cas que sur le marché libre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Après ce qui a été dit, il me resterait
une couple de questions à vous poser. Auparavant, je tiens à
signaler que, dans le résumé des recommandations de la
Fédération des associations de locataires, vous avez, à
l'article 15, construction d'une banque d'information publique sur le logement.
Comme suggestion, je la trouve très valable, très bonne.
Maintenant, j'arrive aux questions. Dans votre résumé, vous
laissez entrevoir certaines choses sous-jacentes et cela m'amène
à vous poser la question suivante :
Dans le cas de bris d'un bail pour aller demeurer, par exemple, dans un
HLM, est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer une
pénalité, étant donné qu'il en a été
question déjà, hier, non pas ce matin, je crois?
M. LANGLOIS: Vous voulez dire suggérer une pénalité
pour le propriétaire qui ne voudrait pas casser le bail?
M. BELAND: Non, pour le locataire qui, justement, casserait le bail ou
abandonnerait le...
M. LANGLOIS: Pas du tout. Ce que nous voulons, c'est, dans le cas
où une personne est habilitée à aller habiter dans un
local d'habitation publique, qu'elle ait tout simplement la possibilité,
dans le délai prévu par le code des loyers, de donner un avis au
propriétaire et de dire : Je casse mon bail parce que je dois aller dans
un local d'habitation. Elle fournit alors un affidavit montrant, bien
sûr, qu'elle a été acceptée dans ce local
d'habitation à partir de telle date. A ce moment-là, c'est
automatique, elle y va.
Si le logement qu'elle occupait antérieurement est
inadéquat, il pourra y avoir des recours, qui existent d'ailleurs,
actuellement, dans les codes municipaux d'habitation pour demander au
propriétaire, avant de relouer son local, de le transformer pour qu'il
devienne adéquat.
M. BELAND: Quant au taux même du loyer, étant donné
que vous avez fait certains commentaires, que penseriez-vous d'un taux
flottant, par exemple, ajustable selon les données statistiques de
chaque région? Après quoi, le commissaire pourrait
suggérer un taux donné au lieutenant-gouverneur en conseil,
lequel pourrait l'adopter et le rejeter.
M. LANGLOIS: Ce que je crains dans ce cas-là, c'est que, presque
automatiquement ce taux flottant selon les régions devienne un taux
automatique. D'ailleurs, la population, actuellement, perçoit la fameuse
question des 5 p.c. Elle la perçoit comme étant une augmentation
automatique que la loi va permettre.
Me Gaumond va parler de ce sujet abondamment cet après-midi, je
n'insiste pas trop là-dessus. L'ensemble des commentaires que nous avons
eus et qui viennent des locataires, du monde ordinaire, nous montre que les
gens sont extrêmement inquiets de cette mesure. Ils pensent que le code
des loyers accepte automatiquement une augmentation de 5 p.c. alors que la loi,
bien sûr, permet de contester toute augmentation. Et nous, nous demandons
que toute augmentation soit justifiée.
C'est pour ça que nous avons demandé au moins de baisser
ce taux de 5 p.c. à 3 p.c. Donc, en bas de 3 p.c, évidemment, le
locataire pourra contester l'augmentation si elle n'est pas justifiée et
il pourra donc obtenir une augmentation moindre que 3 p.c. Et en haut de 3 p.c,
le propriétaire serait obligatoirement obligé de justifier,
pièces à l'appui, toute augmentation supérieure à
ce seuil de 3 p.c. devant la commission des loyers.
M. BELAND: Mais, à ce moment-là, vous demandez, en quelque
sorte, les 3 p.c, d'accord! Mais est-ce que ces 3 p.c. seraient la moyenne
provinciale ou s'ils seraient applicables selon les régions?
M. LANGLOIS: Ce serait une proportion qui s'appliquerait à
l'ensemble du territoire du Québec. D'ailleurs, nous avons
discuté très longuement de tout ça. Nous avons
envisagé plusieurs possibilités, nous avons pris plusieurs heures
pour discuter de cette question-là. C'est une question extrêmement
complexe et nous avons pensé la résoudre en faisant un compromis
entre différentes suggestions qui nous étaient faites, en
suggérant au ministre de la Justice de fixer un seuil de 3 p.c, seuil
qui serait évidemment appliqué dans la perspective que j'ai
élaborée devant vous.
M. BELAND: Très bien, merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Langlois, je veux, au nom du Parti québécois
que je représente ici, vous remercier pour votre mémoire qui est
très fouillé et qui, je pense, est assez clair pour qu'il me
dispense de vous poser des questions. Je veux simplement vous dire que je
partage votre opinion sur la fonction sociale du logement et je pense que si on
a pris la peine de faire un code des loyers, c'est d'abord et avant tout pour
protéger les locataires. Je pense qu'on devrait tenir compte de cet
aspect-là tout au long de la discussion de ce projet de loi.
Encore une fois, je vous remercie pour cette
étude qui va sûrement être très utile à
l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale.
M. LANGLOIS: J'espère que tous les députés de
l'Assemblée nationale seront aussi sensibilisés que vous aux
recommandations que nous faisons.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup.
M. LANGLOIS: C'est moi qui vous remercie de votre attention.
M. LE PRESIDENT: Nous allons suspendre les travaux de la commission
jusqu'à deux heures cet après-midi, en espérant pouvoir
les terminer pour quatre heures, le ministre devant s'absenter à partir
de quatre heures.
M. CHOQUETTE : Pardon?
M. BURNS: A quelle heure recommençons-nous?
A deux heures pour finir à quatre heures?
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez. La commission suspend ses travaux
jusqu'à deux heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 15).
Reprise de la séance à 14 h 18
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Nous nous excusons de commencer un quart d'heure en retard.
Malheureusement, nous attendions quelques... Le député de
Portneuf est arrivé.
M. DROLET: Vous n'avez pas attendu après moi, par exemple.
M. LAMONTAGNE: Non, non. Mais c'est un nouveau collègue à
la commission depuis deux jours. Nous entendrons immédiatement le
Groupement de locataires du Québec métropolitain Inc., et ses
représentants. Je vous inviterais à les présenter pour le
journal des Débats, s'il vous plaît.
Groupement de locataires du Québec
métropolitain
M. GAUMOND: Mon nom est Gilles Gaumond, avocat du Groupement des
locataires. Il y a présentement ici, à ma gauche, le
président du Groupement des locataires, M. Roger Bourgeois et le
vice-président, M. Wilfrid Métayer.
Le Québec est un pays de locataires et je crois qu'il
était temps qu'il pense à se doter d'une législation et
d'un code des loyers. Plus de 56 p.c. de la population dans la province de
Québec est locataire. Dans la seule ville de Québec, 77 p.c. de
la population est aussi locataire. Depuis sa fondation, en 1970, le Groupement
des locataires a eu l'occasion d'acquérir une vaste expérience
des problèmes des locataires parce qu'il les a vécus au ras du
sol, dans leur quotidienneté. Nous avons connu le système
ambivalent qui était en vigueur avec la Loi de la Régie des
loyers. Nous avons dû rencontrer, une par une, une douzaine de
municipalités du Québec métropolitain. Nous avons dû
faire face à l'incompréhension, à l'intransigeance et,
souventefois, à une appréciation qui était loin des
problèmes alors soulevés de la part d'administrations
municipales. Lors de nos cliniques juridiques qui ont lieu tous les mercredi
soir, nous avons pu nous rendre compte des problèmes des locataires et
je veux vous en citer quelques exemples. Entre autres, des gens venaient nous
voir et nous disaient: On demeure dans la ville de Québec, dans la ville
de Sainte-Foy et on a une augmentation de $25 à $30. Cela existait. La
seule solution qu'on pouvait leur suggérer était de leur dire:
Monsieur ou madame, vous n'avez qu'un choix, soit celui de
déménager ou d'accepter l'augmentation.
Nous avons dû aussi répondre à des locataires dont
le bail mentionnait expressément des services quelconques, soit un
stationnement chauffé, l'électricité fournie, une
sécheuse et autres. Nous avons dû leur dire qu'ils n'avaient
aucun recours mais qu'ils devaient s'adresser aux tribunaux. Nous avons
dû voir ces gens abandonner leurs recours parce qu'ils n'osaient pas
recourir au service d'un avocat et encourir les coûts que cela aurait
représenté. Par contre, nous avons eu l'occasion de
représenter devant la Régie des loyers à Québec de
nombreux locataires pour de nombreuses causes, comme les augmentations, la
résiliation du bail, la reprise de possession. Nous n'avons pas eu gain
de cause dans chaque cas, mais à chaque reprise, on avait eu
l'impression de se faire entendre, d'avoir fait valoir nos doléances.
Nous avions l'impression de n'être plus des "minus" mais d'être
capables de représenter nos propositions. C'est cet ensemble, à
partir d'une constatation empirique, que je voudrais vous soumettre ici
aujourd'hui.
Je ne m'attarderai pas davantage sur les causes et les
difficultés soulevées dans le domaine du logement. J'ai lu avec
attention les représentations que les différents
représentants des partis ont faites au début de cette commission
parlementaire.
En plus de cette expérience acquise au jour le jour, pour la
préparation immédiate de ce mémoire, nous avons fait un
questionnaire que nous avons envoyé à 500 locataires du
Québec métropolitain. Il y en a d'ailleurs des copies qui sont
à la disposition des membres de la commission. Et en plus de ce
questionnaire, des bénévoles ont rencontré 125 de ces
locataires pour leur demander ce qu'ils en pensaient et leur expliquer les
principales clauses du logement. C'est seulement après cela que nous
avons élaboré ce mémoire et, après l'avoir
élaboré, nous avons fait dans la région de Québec
trois ou quatre assemblées de locataires pour leur demander leur opinion
sur le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Pour cette
raison, nous croyons vous soumettre aujourd'hui les principales
doléances des locataires et vous pouvez croire qu'elles sont fortes et
que, vraiment, la situation a changé au Québec. Ces gens, d'une
certaine façon, en ont assez.
Sans plus tarder, je vais procéder à l'analyse de quelques
articles que nous avons soulevés dans le mémoire parce que nous
avons fait plusieurs amendements et seulement les principaux. Et j'aimerais
d'une façon particulière vous entretenir du bail type, mesure
dont vous avez entendu parler par M. Charbonneau lors de la présentation
de son mémoire, mesure aussi qui a été suscitée
tout le long des débats jusqu'à aujourd'hui, mesure que le
président de la fédération des locataires a
approuvée ce matin, mesure aussi que, sans anticiper, la CSN
approuve.
Je vous réfère à l'annexe A de notre mémoire
où nous avons tenté d'établir ce que pourrait être
un bail type, pour donner un exemple concret d'un bail et de son articulation
dans le concret.
Aujourd'hui, dans la province de Québec nous rencontrons une
infinie variété de baux, ce que j'appelle des baux de pharmacie,
c'est-à-dire un ensemble de faux, tous hétéroclites, faits
sur des formules imprimées d'avance, dans lesquels le locateur en
profite pour se soustraire à ses obligations et dans lesquels on
mentionne un ensemble de charges au locataire dans des termes qui ne sont pas
toujours faciles à comprendre.
Je vous réfère au bail que nous avons fait. La
qualité de ce bail, à notre avis, c'est qu'il se divise en deux.
Premièrement, vous avez les obligations et devoirs juridiques des
parties contractantes. C'est-à-dire qu'on a mentionné les
obligations du locateur et celles du locataire. Nous avons essayé de les
faire les plus générales possible sur les obligations juridiques.
Dans un bail type, lorsqu'on parle de son application et de son
élaboration, on soulève tout le temps le problème de la
difficulté. Comment un bail peut-il s'appliquer à
l'infinité de variétés qui peuvent se présenter
dans la province de Québec? Pour cette raison, nous avons essayé
de pallier cela en faisant une distinction entre les obligations légales
ou juridiques et la description du logement. C'est-à-dire que souvent,
dans toute la province, qu'est-ce qui varie? C'est la description du logement.
Et compte tenu des particularités qu'il y a dans quelques
régions, les obligations légales demeurent. La preuve, c'est que
même les baux en pharmacie, auxquels je faisais allusion tout à
l'heure, sont répandus dans toute la province. Donc, les obligations
légales sont toujours les mêmes. Pour cette raison, et
j'attirerais l'attention des membres de cette commission sur la description, on
a voulu essayer d'apporter nous ne disons pas que c'est la solution
un élément original, d'abord dans sa facture puis dans la
mise en page du bail, il faudrait en tenir compte, deuxièmement, dans
cette description du logement.
Vous voyez que, dès la première page, nous avons mis des
espaces pointillés pour que les parties puissent exprimer la description
complète du logement. Je vous réfère à la
troisième page où on parle des services qui vont être
offerts par l'une ou l'autre des parties, c'est-à-dire qui va assumer le
coût des services qui sont offerts. Si on dit: Payer aux lieu et place du
locataire la taxe des vidanges. Donc, si le locateur s'engage à payer la
taxe des vidanges, il marque oui dans l'espace; s'il s'engage à payer le
coût de l'électricité, du gaz du locataire, il marque oui;
s'il ne s'y engage pas, il marque non, tout simplement.
S'il fournit un stationnement et vous donnez un exemple de la
mise en page, peut-être plus bas alors on va décrire dans
l'espace si c'est un stationnement extérieur ou si c'est un
stationnement où l'on prévoit un endroit pour brancher
l'automobile et une chaufferette. Si c'est un logement meublé
exactement le même cas dans ce cas, on écrira: les
appareils
et les meubles fournis avec le logement; la plupart du temps, c'est un
poêle, un réfrigérateur, un fauteuil, une table, des lampes
et un lit. On écrira de cette façon dans le bail ce qui fera
l'objet du contrat, l'objet particularisé du contrat.
Les avantages à l'application d'un tel bail, un bail uniforme qui
s'appliquerait à toute la province, sont nombreux. Premièrement,
les locataires, aussi bien que les locateurs, prendront connaissance des
obligations qui y sont contenues. Un locataire qui change de logement ne sera
pas désorienté face à un bail parce que ce sera le
même bail qu'il aura connu précédemment; ce sera seulement
la description qui changera. Deuxièmement, dans ce bail on
n'enlèvera pas toutes les obligations du locateur. Elles seront
mentionnées et seront impératives. Dans ce bail aussi, les gens
connaîtront d'une façon particulière ce à quoi ils
s'engagent. Il est certain qu'il y a des termes juridiques là-dedans. On
ne peut pas faire autrement que d'en avoir, mais les termes juridiques seront
les mêmes aujourd'hui que dans trois ans, c'est-à- dire que les
gens auront pu, si un moment donné un problème s'est
soulevé dans l'application du bail, connaître la portée du
terme juridique qui est là et cela leur servira d'expérience.
Je sais que vous allez m'objecter: Monsieur, que faites-vous de la
liberté contractuelle? Nous sommes dans un régime de
liberté contractuelle, la propriété privée est un
principe pratiquement sacro-saint.
Ici, au sujet de la liberté contractuelle, j'aimerais vous
apporter quelques observations. Premièrement, le contrat de bail a
été à maintes et maintes reprises défini par la
doctrine et la jurisprudence comme un contrat d'adhésion,
c'est-à-dire que dans un bail, le locataire n'a pas la
possibilité, pratiquement, de négocier des clauses du bail. La
prémisse qui fait que chacune des parties est sur un pied
d'égalité tout au moins dans le cas du bail, c'est une
prémisse qui est fausse.
D'ailleurs le président de l'Office de révision du code
civil, M. Crépeau, en introduction à son mémoire en 1970,
le disait, systématiquement: Le bail est un contrat d'adhésion et
on ne peut plus parler présentement de contrat synallagmatique où
chacune des parties peut négocier ses clauses.
Je crois que cette affirmation correspond parfaitement à la
réalité d'aujourd'hui. On a beau vanter les principes de
liberté contractuelle et je considère aujourd'hui, donc j'en
suis, qu'elle peut s'appliquer dans de très nombreux cas, par exemple
dans la vente, etc. Dans le cas du logement, la conjoncture
socio-économique a été à un tel point qu'on ne peut
plus parler de liberté contractuelle. C'est pour cette raison,
aujourd'hui, qu'on veut voir adopter ce bail.
Deuxièmement, on pourrait aussi m'objecter qu'on pourrait placer
dans la loi des mesures impératives et prohibitives, tel que
prévu aux articles 64 et suivants. Je dis, premièrement, que ceci
n'est pas suffisant, parce que, même si on mentionne dans la loi des
mesures impératives, ce n'est pas vider le débat. Qu'est-ce qui
cause le problème? C'est dans son application quotidienne; ce n'est pas
dans un principe mentionné dans la loi parce qu'on réussit
toujours à le contourner; lorsqu'on vient pour signer le bail, c'est
là que se pose le principe; c'est là que se posent les
difficultés. Pour plusieurs personnes, le bail est le seul contrat
après celui de mariage, qu'ils sont appelés à signer dans
leur vie; véritablement, c'est le seul contrat. Même si on
mentionne dans une loi des principes d'ordre prohibitif, j'en suis, mais qu'on
fournisse à la population et aux locataires du Québec une formule
par laquelle on pourra transiger un bail et par laquelle les obligations seront
mentionnées clairement et nettement.
On pourra aussi je pense que le problème a
été soulevé au début de la commission parlementaire
référer tout simplement le cas à une autre
commission de la justice ou lors de la présentation et de la discussion
du chapitre de louage, en révision du code civil. Je crois que c'est
à l'occasion d'une loi comme celle-là qu'on doit se pencher sur
le problème. Premièrement, c'est compléter cette loi;
deuxièmement, si on veut modifier le code civil et si on veut introduire
cette loi dans le code civil, je crois que cela a des répercussions
beaucoup plus grandes que dans une loi statutaire. Je ne veux pas dire qu'elle
n'est pas importante, comprenez-moi bien, mais le code civil depuis son
adoption en 1867, on y a touché avec précaution. Lorsqu'on a
voulu l'amender, on a fait des grandes démarches.
Si, dans deux ans, à la commission, on en vient à la
conclusion que le bail qu'on aura pu adopter aujourd'hui n'est pas une
expérience valable, on ne modifiera pas notre code civil. Mais si cette
expérience s'est montrée valable, on aura une expérience
empirique pour dire qu'on peut modifier le code civil.
D'ailleurs, ce principe, on l'a déjà mis en brèche.
On a adopté la Loi de la vente à tempérament sur laquelle
on a établi une cédule, on a aussi établi récemment
la Loi de la protection du consommateur. Je considère qu'un bail type
c'est une des mesures sur lesquelles nous insistons et nous donnons
beaucoup plus d'importance c'est vraiment une mesure qui va
éviter des litiges, vraiment une mesure qui va permettre à
chacune des parties, sans en favoriser l'une plus que l'autre, d'établir
des relations en connaissance de cause. Et cela nous apparaît
important.
Le deuxième point que je voudrais toucher je ne voudrais
pas être trop long est la déclaration prévue
à l'article 14. Encore là, nous avons pris la peine de vous
donner un exemple de déclaration que nous voudrions voir adopter et qui
est en annexe au mémoire. Cette déclaration, nous la calculons
aussi comme importante. Premièrement, elle sera un instrument pour le
commissaire qui sera appelé à
travailler au règlement des conflits entre les parties. Mais on
dit: Profitons aussi de cette déclaration pour avoir des informations
sur la description du logement et sur la qualité du logement.
Je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais lorsqu'on
vient pour travailler dans le secteur du logement et qu'on veut ramasser des
informations qualitatives et quantitatives, on a toujours la même
difficulté, on n'a pas de source de renseignement. Alors le
gouvernement, s'il fait une formule comme celle-là, pourra extrapoler
les cas particuliers et créer des statistiques qui lui permettront
d'adopter à l'avenir des lois, et ces lois seront faites en connaissance
de cause.
De plus, cette formule empêche le principe qui était
prévu à l'article 29 b) de l'ancienne loi. Lorsqu'un locataire
quittait le logement, le propriétaire en profitait pour l'augmenter.. Il
y avait toute une formule prévue qui était compliquée et
qui était pratiquement irréalisable. Aujourd'hui, le commissaire
va le voir, va en prendre connaissance parce que le taux du loyer va être
déclaré.
Pour ma part, j'ai essayé de plaider l'article 29 b) deux fois,
je n'en ai jamais été capable, étant donné qu'on
était incapable de faire la preuve de l'ancien prix payé.
Aussi, sur les 5 p.c. de l'article 119, je voudrais faire deux
observations: Pourquoi demandons-nous 3 p.c? C'est parce qu'au cours de notre
enquête et je pense que la commission devrait en être
informée nous nous sommes aperçus d'une chose, c'est que
les locataires percevaient les 5 p.c. comme étant obligatoires,
c'est-à-dire que, lorsqu'une permission était donnée aux
propriétaires d'augmenter de 5 p.c, après cela, les locataires
pouvaient contester. Nous savons parfaitement que cela n'est pas vrai. La
législation prévoit un tout autre sens à cet article. Mais
les locataires le perçoivent comme tel. Si c'est perçu comme
cela, il y a de grandes possibilités que ce soit envisagé comme
cela. Sans vouloir prendre à partie les propriétaires, ils vont
se servir de cet argument pour dire: La loi nous permet 5 p.c, je vous demande
4 p.c. Ce n'est pas grave. Je vous demande seulement 5 p.c, je pourrais vous
demander plus! Etant donné la perception que les locataires en avaient,
nous disons: Diminuons ce problème et mettons-le à 3 p.c. Cela va
encore être perçu ainsi, mais les conséquences seront moins
graves, à ce moment-là. C'est la seule et unique raison. Je
comprends les difficultés qu'ont eues les fonctionnaires du gouvernement
à approuver une telle mesure. On s'est penché souvent
là-dessus et la solution n'est pas facile à apporter, je suis
d'accord avec vous.
D y a aussi un point à l'article 34, c'est-à-dire qu'on
prévoit qu'un locateur pourra réduire son logement en des
pièces plus petites. Nous demandons tout simplement de biffer ou tout au
moins d'augmenter les charges et la preuve qui devront être faites par le
propriétaire.
C'est un fait, aujourd'hui, nous manquons de grands logements. Tel que
la loi est conçue présentement, c'est pratiquement automatique,
on demande la permission et on l'obtient tout de suite, soit de subdiviser de
grands logements en petits logements. On attire l'attention du
législateur là-dessus en disant: Nous manquons de logements. Je
ne crois pas que ce soit une solution à ce problème. C'est
sûr que le ministère de la Justice n'aurait pas à envisager
ce problème s'il y avait des réglementations beaucoup plus fortes
et mieux observées, une réglementation municipale et un plan de
zonage. Pour notre part, nous nous sommes opposés à plusieurs
reprises à cela et nous avons eu gain de cause, mais à force de
manifestations, de revendications sur des choses. Mais qu'on nous donne un
instrument pour faire valoir notre opinion.
Prenons un exemple. Dans le quartier latin, il y a des bâtisses
fantastiques, des logements qui sont habitables et qui sont divisés en
une pièce et demie tout en respectant le cadre extérieur; mais
à l'intérieur, on ne respecte pas les dispositions prévues
au plan d'aménagement et au plan de zonage.
Au moins qu'on prévoie de respecter la réglementation
municipale sur ce cas-là, c'était d'ailleurs prévu dans
l'ancienne loi. Notre mémoire propose un nouvel article, l'article 38
a), disant qu'on met les causes de résiliation du bail en faveur du
locataire. Premièrement, une des causes, c'est qu'on dit: Quelqu'un qui
ne respecte pas les règlements d'ordre d'hygiène publique, de feu
et d'incendie, problème avec lequel le locataire doit se
débattre, que ce dernier puisse alors demander la résiliation du
bail. Vous allez me répondre sur cette question que c'est
déjà prévu dans l'article 40 du projet de loi. Mais ce
n'est pas expressément mentionné. Ce n'est pas assez clair. Ce
à quoi je fais référence aujourd'hui, c'est à des
cas où il y a de la vermine dans les logements. Je sais que la
jurisprudence a dit qu'on pouvait déguerpir du logement malgré la
vermine. Mais, chaque fois, on se trouve devant le même problème,
c'est qu'on est obligé d'aller devant les tribunaux judiciaires pour
demander la résiliation du bail et, si on ne la demande pas, on a
toujours la menace d'être poursuivi pour douze mois de loyer. Et souvent,
c'est précédé d'une saisie avant jugement et pour
quelqu'un qui est employé, ce lui est très
préjudiciable.
Nous demandons que ce soit mentionné clairement, ces
cas-là. Qu'on n'ait pas à le discuter. Il y en a douze qui sont
mentionnés en faveur du locateur, mentionnons-en au moins une en faveur
du locataire, clairement, pour qu'on puisse s'en servir.
L'autre point aussi, et c'est justement une mesure de caractère
social, c'est qu'il y a certains locataires qui subissent un changement dans
leur condition physique. Prenons quelqu'un, par exemple, demeurant au
quatrième étage et qui, à un moment donné, a une
crise du coeur ou autre chose du genre. On demande
qu'on puisse résilier le bail en cour, devant le commissaire,
mais pas automatiquement, qu'on en fasse une preuve et que le commissaire, lui,
en juge de l'opportunité ou pas et des conditions dans lesquelles cette
résiliation du bail puisse être faite. On ne dit pas que, dans ce
cas, ce doit être automatique, on dit tout simplement : Apprécions
à son mérite le cas qui nous est présenté et
donnons l'occasion au commissaire de l'apprécier.
Il y a un autre point aussi sur lequel on demande que cette commission
se penche. Cela a été un cas soulevé ce matin par mon
confrère, Me Simon Langlois, le cas de la mobilité de la
main-d'oeuvre. Juste en terminant aussi, sur l'article qui prévoit
l'adhésion des HLM, c'est sûr que nous y donnons notre
entière adhésion. Premièrement, nous avons de très
nombreux cas. Nous avons fait, au mois de décembre 1971, une campagne
pour des gens qui n'avaient pratiquement pas de logement, afin qu'ils puissent
entrer dans les HLM et de les forcer à rentrer dans les HLM. Ces
gens-là ne pouvaient pas résilier leurs baux et vivaient tout
simplement dans des taudis. C'est que les gens des HLM ont une capacité
de payer. Je suis sûr qu'on ne tient pas compte de la capacité de
payer dans la loi. Ces gens-là, lorsqu'ils sont dans un logement
conventionnel, sur le marché public, vont souvent dépenser
jusqu'à 20 p.c. ou même 22 p.c. de leur avoir en logement. Et
à un moment donné, on leur offre la chance d'aller dans les HLM
et de diminuer la proportion consacrée au logement.
Mais on leur oppose une fin de non-recevoir en leur mettant un bail qui
est résilié et en plus de cela, on leur formule une autre
exigence: Trouvez-nous un sous-locataire et rendez-vous responsables de la
sous-location. Les HLM sont une mesure sociale, qu'on lui donne plein effet en
y permettant l'adhésion des gens qui sont là.
Le dernier point que je voudrais soulever porte sur l'article 77. Nous
voulons tout simplement que les poursuites soient intentées en vertu de
la loi pénale, c'est-à-dire que les individus puissent poursuivre
ceux qui ont enfreint la loi. Aujourd'hui, il faut demander la permission au
procureur général, ce qui complique le processus. Il est temps
aujourd'hui que les citoyens participent à l'administration de la
justice. Il est temps que les gens qui voient une infraction devant leurs yeux
n'aient pas à solliciter le procureur général pour en plus
poursuivre pour cela. Les gens peuvent vérifier eux-mêmes et voir
à l'application de cette loi. On évitera ainsi les délais,
la surcharge du ministère de la Justice, les dépenses
considérables qu'on est obligé de faire en payant des procureurs
ad hoc et, de cette façon, on permettra une plus grande
accessibilité.
Aujourd'hui, nous n'avons qu'à regarder la loi de
l'étiquetage. Cette loi a des dents parce que ce sont les gens qui la
font respecter. Quand cela n'a pas de bon sens, les gens perdent et en assument
les frais, et quand cela a du bon sens, cela doit être respecté.
Il est temps que les citoyens puissent avoir accès aux tribunaux et
puissent aussi voir à l'administration de la justice. Quand quelqu'un
enfreint une loi, ce sont les autres citoyens qui sont lésés et
c'est le temps que les citoyens puissent dire à celui qui les
lèse : Vous avez fait telle ou telle lésion, vous devez
réparation. Et cela n'appartient pas qu'à un petit groupe de la
population, mais à toute la population. Cela aussi est une mesure que
nous considérons essentielle.
Pour terminer, vous nous avez dit ce matin: Vous présentez un
mémoire à caractère social. Effectivement, c'est vrai.
Mais on a dit qu'il y a 53 p.c. de la population qui est locataire mais on doit
penser aussi au facteur économique. J'aimerais ici aborder rapidement ce
que sont les facteurs économiques.
Premièrement, je voudrais prendre un cas particulier, celui de la
ville de Charlesbourg, qui, après la création de notre front
commun, a décidé d'adopter la Loi de la Régie des loyers.
C'est une ville en pleine expansion, une ville nouvelle, une ville qui a
beaucoup de terrains, une ville où il se fait beaucoup de construction.
Allez demander à cette administration si le fait d'avoir adopté
la loi a nui à la construction. Nullement. La construction y a
augmenté de plus de $1 million.
M. CHOQUETTE: A Charlesbourg, est-ce que la réglementation
s'applique aux maisons allant jusqu'en 1968?
M. GAUMOND: Oui. La ville de Charlesbourg l'a adoptée
après la création de notre front commun. La ville de
Québec et d'autres municipalités l'avaient adoptée.
M. CHOQUETTE: En quelle année?
M. GAUMOND: Cela a été fait en 1970. Ces villes ont
décidé de se soumettre à la Loi de la Régie des
loyers. Elles ont demandé au ministère de la Justice...
M. CHOQUETTE: ... est-ce que la ville de Charlesbourg avait
demandé la réglementation des logements construits avant 1951 ou
bien si c'est...
M. GAUMOND: Non. Il n'y avait absolument rien. Il y avait la ville de
Québec, avant 1951 et nous avons fait des pressions pour l'avoir et elle
l'a adoptée.
M. CHOQUETTE: A Québec aussi? M. GAUMOND: Oui.
M. CHOQUETTE: On a fixé la limite des loyers
réglementés à $125.
M. GAUMOND : Oui et, à Charlesbourg, la limite a
été fixée à $150.
Je pense qu'à ce moment, c'était une mesure que les
conseillers municipaux ont voulu adopter; ceux qui paient plus de $150 ont le
moyen de se défendre. Mais cela n'a pas nui à la construction.
Deuxièmement, à l'heure actuelle... Dans l'ancien marché
de la construction nous avions deux facteurs: d'abord, certaines parties du
marché de la construction étaient sous la Régie des
loyers, certaines autres ne l'étaient pas. Il aurait dû se faire
une concurrence là-dedans. On nous dit: La construction aurait dû
grossir dans certains secteurs où la Régie des loyers n'y est pas
et diminuer dans les autres secteurs. Cela n'a pas été le cas,
parce que si on parle de mesures économiques, ceux ici qui veulent
protéger ces mesures économiques et le respect de la loi, ce sont
ceux qui veulent protéger des profits abusifs parce que la loi telle
qu'elle est faite aujourd'hui, c'est simple. Si vous avez tant de
dépenses, vous les faites valoir et le commissaire peut vous donner
raison. C'est simple, ça. C'est-à-dire que le commissaire va
respecter un certain pourcentage, une certaine marge de profit, mais pas de
marge de profit abusive. C'est le seul secteur, parce que c'est un bien
essentiel, où la liberté est totale, où on peut se
permettre des profits considérables et on nous objecte toujours que cela
va nuire à la construction. Moi, je dis: C'est un faux-fuyant pour
protéger des droits, des privilèges excessifs que l'on a
présentement. J'invite ici les députés qui
représentent des locataires dans la plupart de vos comtés,
vous représentez une majorité de locataires à
considérer les problèmes qu'ils ont et à prendre les
mesures sociales qui, je suis certain de cela, lorsqu'on les analyse
sérieusement, n'auront pas des répercussions économiques
si graves que cela.
Ce sont à peu près les dernières
considérations que j'avais à faire et je voudrais en faire une
autre. On revendique une politique globale du logement. Est-ce que c'est un mot
à la mode? Simplement: Qu'est-ce qu'on entend par là? Quand on
parle d'une politique globale du logement, qu'est-ce qu'on dit? On dit: Ici, on
a touché un secteur, les relations entre propriétaires et
locataires. Une politique globale du logement, c'est la rénovation
urbaine, les taudis que l'on défait, les HLM que l'on construit, le
coût de construction, etc.; ils doivent être envisagés dans
une perspective globale, en respectant l'homme. C'est ce pourquoi on fait des
lois, c'est ce pourquoi on fait des Parlements, pour que l'homme soit davantage
libéré et c'est de cette façon, c'est seulement en nous
penchant sur notre province, sur ce problème vaste et compliqué
et en l'envisageant dans toutes ses facettes. Aujourd'hui on regarde la SCHL,
le gouvernement fédéral, il y a des scandales à tout
défaire; on ne peut même plus publier cela dans les journaux,
personne ne s'y intéresse tellement les gens sont habitués
à cela, les scandales. C'est le secteur de la construction, la
qualité du logement. Aujourd'hui, il y a des gens qui demeurent dans des
immeubles qui ne sont pas insonorisés, on entend le voisin à
l'extérieur. Ce sont toutes ces qualités qui doivent être
respectées; c'est cela que l'on entend par une politique du
logement.
Aujourd'hui, je crois que, si le Parlement adopte cette loi, il y aura
un pas de fait, mais c'est un pas qui doit nous projeter en avant vers une
autre loi qui aura une envergure plus considérable et qui respectera
encore davantage les citoyens qui sont à la base. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je voudrais féliciter M. Gaumond de son
exposé. Je crois qu'il a touché des points nouveaux qui n'avaient
pas été abordés précédemment devant la
commission. Je le remercie de ne pas être revenu sur des sujets qui
avaient été explorés par la commission et par les
personnes qui avaient comparu devant nous.
J'ai été particulièrement intéressé
par la demande de la part de l'Association des locataires du Québec pour
la formation législative, que ce soit dans le code civil ou dans une
autre loi, d'un bail type. Je note ici, au mémoire qui nous a
été présenté par le Groupement des locataires du
Québec métropolitain, qu'on nous propose une formule de bail
type, n'est-ce-pas? Je voulais demander à M. Gaumond s'il entendait que
ce bail type soit obligatoire dans la forme qui devrait être
adoptée par le législateur ou si on avait pensé à
la possibilité que les parties puissent, de consentement mutuel,
déroger aux conditions qui peuvent se trouver au bail type, et si on
entend qu'il puisse y avoir dérogation aux conditions du bail type,
quelle forme prendrait cette dérogation?
M. GAUMOND: J'ai très bien compris votre question. Je
considère d'abord que ce bail, dans ses clauses les plus essentielles et
dans sa perspective la plus grande, doit être impératif. Nous
avons mentionné un ensemble d'obligations de part et d'autre.
Quelques-unes sont peut-être superflues. Ces clauses pourraient
être enlevées et on pourrait les négocier; elles pourraient
ne pas être impératives mais être négociables de la
part des parties. Cependant, nous soumettons à votre attention
qu'aujourd'hui le locateur a pris l'habitude, de se dégager de ses
responsabilités. Il ne faudrait pas aussi, par la convention, se
dégager d'autres responsabilités. Pour répondre plus
précisément à votre question, le bail que nous voulons est
un bail impératif où les conditions, les obligations juridiques
essentielles à un bon déroulement du contrat soient
mentionnées clairement, pour que chacun puisse prendre parti et sache
à quoi s'en tenir.
M. CHOQUETTE: Je comprends M. Gaumond mais vous ne répondez pas
avec précision à la question que je vous pose parce que, à
partir du moment où vous admettez qu'il y a
certaines clauses qui peuvent être éliminées du
consentement des parties, vous allez également être forcé
d'admettre qu'il y a certaines autres clauses qui peuvent être
ajoutées ou modifiées du consentement des parties. Alors, je vous
demande si vous avez réfléchi à cet aspect du
problème et au cas où vous admettriez que des dérogations
peuvent être apportées de consentement mutuel des parties, est-ce
que vous avez pensé, par exemple, quelle forme devrait prendre ces
dérogations? Je peux vous donner un exemple, enfin, qui n'est
peut-être pas absolument comparable mais qui a une certaine analogie au
bail type. Prenons, par exemple, les polices d'assurance-feu, incendie. On sait
que la loi de l'assurance dispose d'un certain nombre de conditions dites
statutaires qui s'appliquent mais on peut déroger à ces
conditions statutaires et là, la loi exige que les dérogations
doivent être écrites dans un caractère de telle grandeur ou
doivent être écrites en rouge, si je me rappelle bien.
Aujourd'hui, on trouve des polices d'assurance-incendie avec les conditions
statutaires et ensuite en rouge, vous trouvez les dérogations. Alors, je
voudrais vous demander si vous avez réfléchi à cet aspect
du problème.
M. GAUMOND: Oui, nous avons absolument réfléchi à
cet aspect du problème. Nous nous sommes dit: Nous présentons un
bail, donc il va y avoir les obligations dont on ne peut pas déroger. Un
ensemble d'obligations, toutes celles qu'on a présentées ici,
théoriquement dans notre perspective, on ne pouvait pas y
déroger. On pourra en enlever quelques-unes, mais quant aux autres, ce
seront des choses qu'on va ajouter.
M. CHOQUETTE: Je peux donner des exemples. La condition no 16 : le
locataire sera obligé d'effectuer dans le local loué les
réparations mineures qui, selon l'usage, sont normalement à la
charge du locataire. Bien là, en somme, vous exprimez par le bail ce qui
existe déjà au code civil, c'est-à-dire l'obligation pour
le propriétaire d'assumer les grosses réparations et, pour le
locataire, d'assumer les petites réparations.
M. PAUL: Les réparations d'entretien.
M. CHOQUETTE: Oui, c'est ça. Enfin, on les appelle les grosses et
les petites dépenses locatives.
M. BURNS: Dépenses locatives.
M. CHOQUETTE: Mais il peut très bien se produire à un
moment donné qu'un locataire et un propriétaire veuillent
déroger à cette condition, veuillent déroger à la
loi qui s'applique habituellement en l'absence d'une telle condition. Comment
voyez-vous que, suivant la formule du bail type, les parties pourraient, si
elles le désirent, y déroger?
M. GAUMOND: Elles ne pourront pas y déroger. Elles ne pourront
absolument pas y déroger, ce sont les obligations qui sont
mentionnées dans la loi. C'est vrai qu'on a répété
les obligations qui sont mentionnées dans la loi, parce qu'on voulait
voir sur un même document un document de travail dans le fond
ce à quoi la partie qui le signait s'engageait. On dit: Ils vont
le faire. Le locataire y est tenu par la loi, pourquoi pourrait-on l'obliger?
Il y est tenu par la loi, de toute façon, même si on ne le
mentionne pas. Donc, on le mentionne ainsi : II ne peut pas y déroger.
Il sait à quoi il s'engage, il va faire les réparations
locatives.
M. CHOQUETTE : Actuellement, le locataire est astreint par la loi
à certaines obligations.
M. GAUMOND: C'est ça.
M. CHOQUETTE: Mais elles peuvent souffrir dérogation.
M. GAUMOND: Oui, c'est là justement le caractère
impératif du bail, c'est qu'il n'y aura plus de dérogation.
M. BURNS: M. le Président, est-ce que le ministre me permet un
commentaire sur cette question-là? C'est un point qui m'intéresse
depuis qu'on a commencé à en parler en 1970, lors de votre re,
re, réadoption de ce projet de loi de la Régie des loyers. A ce
moment-là, nous suggérerions, nous, le bail type je
m'excuse. Me Gaumond, si j'interviens mais, au fond, l'idée de
base du bail type, ce n'est pas nécessairement de dire: On va dire aux
gens comment, à peu près, il peuvent faire un bail. L'intention
de base, c'est de dire que le bail est au fond un contrat bilatéral,
c'est-à-dire un contrat je m'excuse du mot un peu pompeux
synallag-matique où chaque partie doit donner son consentement. Avec le
temps et avec l'usage, on s'est rendu compte que ce n'était plus
ça du tout parce qu'un gars qui se cherche un loyer, il veut avoir tel
loyer dans tel secteur, dans tel endroit; il trouve un propriétaire qui
lui dit: Si tu veux avoir mon logement, tu vas signer tel bail. De sorte que ce
n'est plus un contrat synallagmatique, il n'a plus le caractère
bilatéral du tout. Cela devient un contrat d'adhésion. Tu signes
ce bail-là ou bien tu n'as pas mon logement! Et c'est ça qui est
l'intention dans le fond du bail type. Pour cette raison je suis
entièrement d'accord avec Me Gaumond quand il dit que les clauses de
base du bail type ne devraient pas être des clauses dont on peut se
départir. Parce que le propriétaire, à ce
moment-là, reprend sa possibilité de dire au locataire qui veut
absolument louer tel logement: Bien, si tu veux avoir mon logement, tu vas
laisser tomber telle ou telle clause du bail type. Je ne dis pas, d'autre part,
qu'on ne doive pas permettre aux gens d'ajouter des choses qui ne sont pas
prohibées par la loi...
M. CHOQUETTE: II pourrait y avoir...
M. BURNS: ... mais tout simplement c'était ça que
je voulais dire l'idée du bail type, ce n'est pas parce qu'on
veut être plus fin que les autres et dire que tout le monde va avoir un
bail semblable, c'est de dire qu'il y a certaines clauses de base desquelles on
ne pourra pas déroger, ni du côté du locataire, ni du
côté du locateur. Et pour en faire véritablement, du moins
quant à ces clauses-là, un contrat où chaque partie pourra
donner son consentement d'égal à égal, parce
qu'actuellement le locataire n'est pas d'égal à égal quand
il arrive pour louer un logement.
M. CHOQUETTE: Je crois que tout le monde le reconnaît,
actuellement les formules de baux en circulation, dans l'ensemble ou pour une
bonne majorité d'entre elles ont été
rédigées nettement à l'avantage des propriétaires.
Nous n'avons qu'à lire ces formules et nous sommes fixés sur le
sens de ce que vous dites, sur le sens...
M. BURNS: Et demandez aux locataires qui ont tenté de faire
changer les clauses.
M. CHOQUETTE: ... et ce n'est pas le locataire, en
général, qui, au moment de la signature du bail, va se procurer
les formules. C'est le propriétaire qui présente des formules,
d'où le fait que c'est sûrement un contrat synallagmatique. Mais
on pourrait tout autant reconnaître dans le bail type certaines
obligations auxquelles on ne pourrait pas déroger, qui seraient d'ordre
public en quelque sorte, et peut-être d'autres conditions qui pourraient
être modifiées du consentement des parties.
Je crois qu'à ce moment-là il faudrait faire une analyse
de toutes les conditions que vous proposez et voir lesquelles on devrait
considérer comme étant impératives et lesquelles peuvent
souffrir d'être modifiées ou abrogées du consentement
mutuel des parties. C'est un aspect que nous allons étudier. Il y a des
conditions, par exemple, sur le chauffage. Cela peut-être variable, le
chauffage, ça peut dépendre...
M. GAUMOND: Oui, mais dans la province de Québec
généralement, M. le ministre, on a les mêmes conditions
climatiques. C'est-à-dire qu'on offre ou qu'on n'offre pas le chauffage,
la plupart du temps. On ne chauffe pas à moitié un logement.
M. CHOQUETTE : II y a des logements où c'est le locataire qui se
chauffe.
M. GAUMOND: Oui, c'est pour ça que c'est mentionné
à la page 2 de notre bail, si le chauffage est fourni ou non. Si le
locateur fournit le chauffage, il doit chauffer à 72 degrés, si
c'est le locataire qui doit fournir le chauffage, la clause tombe par
elle-même, parce qu'elle n'a plus de sens. Là, on se
réfère à des principes d'interprétation des lois,
lorsque ça ne va pas contre la volonté des parties et quand il
n'y a pas d'application, on n'en tient pas compte.
M. CHOQUETTE: On me dit que le seul endroit au Canada où il
existe un bail type, c'est l'Alberta.
M. GAUMOND: Le Manitoba.
M. CHOQUETTE: Le Manitoba. Est-ce que, dans la rédaction de votre
propre projet, vous vous êtes inspirés du bail type
manitobain?
M. GAUMOND: Nous nous sommes inspirés de certaines parties mais;
par contre, le bail type manitobain ne répondait pas tout à fait
aux exigences qu'on voulait. Nous, là où nous différons,
c'est sur la description du logement qu'on a voulu rendre la plus versatile
possible. C'est-à-dire qu'on a voulu véritablement en faire un
contrat qui puisse servir aux deux parties.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y a d'autres pays dans le monde où il
y a le bail type?
M. GAUMOND: A ma connaissance, il y a aussi en Nouvelle-Ecosse où
on a un bail type qui est mitigé. C'est tout simplement que le
gouvernement fournit une formule, mais elle n'est pas obligatoire. Il y a aussi
dans certains pays de l'Est, dont la Suède, mais je dois vous dire que
je n'en ai pas pris connaissance. Je sais que ça existe mais je n'ai pas
pris connaissance de ces baux-là.
M. CHOQUETTE : Le juge Ross me dit que le Ontario Law Reform Commission
la Commission permanente de révision des lois onta-riennes
doit produire un rapport sur cette question d'ici un mois. Cela nous sera
certainement utile parce que les conditions qui peuvent prévaloir dans
le Québec et l'Ontario sont assez identiques.
M. GAUMOND: Nous avons essayé de l'obtenir mais, étant
donné qu'il n'est pas terminé, qu'il n'est pas rendu officiel,
nous n'avons pas pu en prendre connaissance.
M. CHOQUETTE: Monsieur, et les membres de la commission, il y a une
chose qu'il faut noter qui est très importante, c'est que le Canada,
comme pays et je ne vois pas la raison pour laquelle le Québec ne
serait pas dans la situation canadienne est le pays où le
logement occupe la principale partie du budget familial. Mondialement parlant,
nous sommes le pays où le logement, au point de vue de la dépense
pour le consommateur est la plus importante partie du budget.
Je pense que ceci souligne l'importance d'une légalisation.
M. GAUMOND: Vous avez absolument rai-
son, M. le ministre, d'autant plus que les statistiques disent que c'est
de 18 p.c. à 25 p.c. du revenu des Canadiens qui est accaparé par
ça alors qu'aux Etats-Unis, c'est 12 p.c.
M. CHOQUETTE: Maintenant, sur la question des facteurs sociaux et
économiques à envisager dans une telle législation, il va
de soi que le gouvernement est extrêmement sensible à l'aspect
social d'une telle législation, comme de toute autre législation
d'ailleurs. Mais je voulais simplement dire que notre intention n'est pas
d'apporter une réglementation tellement excessive et tatillonne qu'en
somme elle comporte plus d'embêtements que d'avantages, autant pour les
propriétaires que pour les locataires. Par conséquent, les
mesures que nous entendons apporter sont faites avec l'objet de remédier
à des carences et de combler des besoins précis et
réels.
Elles ne sont pas dans le but de bâtir une organisation tellement
vaste et un appareil tellement lourd que, finalement, personne ne trouve son
réel avantage à l'intérieur de cela. Je veux mettre cela
comme "background". Il faut garder le sens des proportions, même quand on
pense adopter des mesures sociales avantageuses pour la majorité des
citoyens. Il ne faut pas dépasser la mesure dans la complexité de
la réglementation et dans la lourdeur de l'appareil. Je voulais
simplement dire cela pour que soit bien compris le sens des mesures que nous
envisageons et également que les mesures que nous adoptons, tout en
ayant pour objet la sauvegarde des droits des individus au niveau social et
comme être humain, malgré tout ne doivent pas entraîner des
effets secondaires qui aient des conséquences aussi graves ou plus
graves dans un autre ordre, que ce soit dans le domaine économique ou
dans un autre.
M. GAUMOND: M. le ministre, c'est exactement cela que nous
demandons.
M. CHOQUETTE: Mais, vous pouvez être sûrs que nous ne
reculons devant aucune...
M. BURNS: Vous êtes bien conservateur! Il faut dire que vous ne
seriez pas le premier ministre de la Justice à devenir conservateur!
M. PAUL: Merci.
M. CHOQUETTE: II y en a qui ne me considèrent pas si conservateur
que cela!
M. PAUL: Vous n'êtes pour le moins pas péquiste!
M. CHOQUETTE: Non.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, M. Gaumond nous a ouvert des volets
nouveaux qui ne nous avaient pas été signalés sur toutes
les implications de la loi 59, mais pour rependre un peu les remarques que vous
a faites le ministre au sujet du bail type, vous voudriez que le texte que l'on
retrouve dans votre modèle de bail soit intégralement
respecté et que les parties ne puissent pas y déroger en aucune
façon. Est-ce bien votre point de vue?
M. GAUMOND: Ce n'est pas tout à fait notre point de vue, M. le
député. Nous avons donné un exemple de ce que pouvait
être un bail. Une chose est certaine, c'est que le bail type qui sera
adopté, on ne pourra pas y déroger.
M. PAUL: Supposons que nous gardions intégralement le
modèle que vous avez préparé, qui est très
intéressant. Je me référerais, par exemple, à la
clause 7, quant aux obligations du locateur: Le locateur se charge d'enlever la
neige et la glace des trottoirs, marches, balcons, chemin et entrées de
garage, avec une diligence raisonnable durant les mois d'hiver. En
été, le locateur devra entretenir les alentours du local
loué: parterre, arbres, plantes, etc. Supposons que je possède un
immeuble à Sainte-Foy; demeurant à Louiseville, vous conviendrez
qu'il me sera assez difficile de faire diligence, à moins que je sois
dans l'obligation de retenir les services de quelqu'un pour voir à
l'entretien, au déblaiement de la neige, à l'entretien de
l'entrée de garage du logement que pourrait occuper mon ami M.
Bossé, et il me serait défendu d'en venir à une entente
avec lui, disant: Considérant la situation particulière où
vous êtes placé, je vais assumer les frais d'entretien et toutes
les obligations mentionnées dans la clause 7 du bail. En
été, je m'occuperai de faire couper ma pelouse, ou je la couperai
moi-même. Il ne pourrait pas déroger à cela.
M. GAUMOND: M. le ministre, non, M. le député...
M. PAUL: Cela fait deux fois! Continuez, cela va bien! Deux fois depuis
le matin. Cela va bien.
M. GAUMOND: Le problème auquel vous faites
référence, c'est qu'il ne va pas contre le bail type. Ce à
quoi vous faites référence, c'est que vous allez signer ou faire
verbalement un autre contrat avec votre locataire. Vous allez faire un contrat
de louage-service ou de louage d'ouvrage. Vous allez tout simplement lui dire:
Je vous donne $5 ou $10 pour l'entretien de la galerie, pour l'entretien du
gazon, etc.
M. PAUL: Vous voulez que l'on fasse indirectement ce que la loi
défendrait de faire directement.
M. GAUMOND: Elle ne défend pas de le faire directement. S'il
consent à faire un travail à l'extérieur de cela, cela
n'influence pas sur la relation locateur-locataire dans la location d'un bail.
Si par exemple, il veut consentir à des services en dehors de cela, il a
le droit de le faire. Je ne pense pas que c'est aller contre la loi à ce
moment. Quelqu'un est libre de louer ses services à une autre personne
qui les requiert. Ce sera cette hypothèse à ce moment qui sera
touchée.
M. PAUL: Au cours de vos remarques, vous avez dit textuellement ceci en
vous référant à l'article 77 de la loi: "II est temps que
les citoyens aient accès aux tribunaux." Est-ce que vous reconnaissez
aujourd'hui que la loi 70 et la loi 10 permettent assez facilement aux citoyens
d'avoir accès aux tribunaux?
M. GAUMOND: Peut-être que je n'ai pas tout à fait
exprimé et développé...
M. PAUL: Je l'ai pris mot à mot ici.
M. GAUMOND: Oui c'est exactement cela que j'ai dit mais je n'ai pas
assez développé. La loi 10 et la loi 70 permettent aux gens
d'avoir la possibilité d'accès aux tribunaux en ne payant pas des
avocats. C'est un point.
M. CHOQUETTE: C'est une autre des mesures conservatrices
apportées par le ministre actuel.
M. GAUMOND: Ce que l'on dit, M. le député...
M. CHOQUETTE: C'est pour le bénéfice du
député de Maisonneuve qui ne s'était pas aperçu que
nous avions adopté ces lois.
M. BURNS: Au contraire, j'ai toujours dit que le ministre actuel aurait
probablement le plus beau bilan législatif d'ici à la fin de la
présente session. Je l'en félicite et je l'engage à
continuer dans ce sens. Sauf que vos remarques m'ont porté à vous
dire que vous étiez bien conservateur et que cela me surprenait. Mais
par contre, je vous disais que cela n'était pas grave parce que vous
n'auriez pas été le premier ministre de la Justice à le
devenir.
M. PAUL: J'inviterais mon collègue à plus de prudence
parce qu'il...
M. BURNS: Je ne parlais pas du député de
Maskinongé. Je parle d'un autre ministre libéral.
M. PAUL: ... va falloir surveiller l'an prochain, après trois ans
au pouvoir, la publication de M. Bourassa. Vous allez avoir un long chapitre
sur la justice.
M. BURNS: Cela va être long. Cela va être
extraordinaire.
M. CHOQUETTE: Nous allons inclure seulement l'essentiel. Cela va
déjà être beaucoup.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez m'informer si cela
achève?
M. GAUMOND: Mais pour répondre à la question du
député de Maskinongé, ce que je voulais dire c'est ceci.
Il y a une loi mais il y a des gens qui peuvent déroger à cette
loi. Mais c'est que les gens peuvent avoir un accès pour contrôler
l'application de cette loi. Si quelqu'un déroge à une loi et on
en a quelques exemples...
M. PAUL: Et que la victime ou tout intéressé puisse
directement porter plainte.
M. GAUMOND: Oui, parce qu'il y a une faute de commise. Et ce n'est pas
parce qu'elle n'est pas dénoncée qu'elle n'est pas commise.
M. PAUL: Vous n'avez pas confiance à la lenteur administrative de
la justice?
M. GAUMOND: La lenteur administrative de la justice... Si la justice a
des processus lents, c'est parce qu'on lui oppose des obligations aussi lourdes
que celle-là. Qu'on donne aux citoyens le moyen de faire appliquer cette
législation et cela va aller plus vite. Ce n'est pas parce que le
gouvernement a fait une loi qu'il doit nécessairement la
contrôler. Il y a les gens qui sont là. Ce sont les principaux
intéressés. Je serai beaucoup plus intéressé
à défendre un point de vue parce que je suis touché que si
je dois d'abord aller le soumettre à un tiers qui est un procureur. Je
comprends qu'il ne soit pas tout à fait intéressé, qu'il
ne voit pas la pertinence du sujet. Je suis impliqué dans tel cas
particulier. Je vais m'arranger pour le faire valoir. Et si je n'ai pas raison,
j'en paierai les conséquences à l'autre bout. Cette
manière de voir me parait juste. Ce n'est pas votre opinion mais...
M. PAUL: Vous nous avez signalé avec beaucoup
d'intérêt le caractère social que devrait avoir le projet
de loi 59. D'un autre côté, il faut, nous législateurs,
nous arrêter également sur l'aspect économique de la loi.
Nous ne sommes pas capables de séparer l'un et l'autre de ces
problèmes majeurs que l'on doit retrouver dans le texte de la loi. Et il
ne faudrait pas que vous taxiez les députés, si par hasard toutes
vos clauses n'étaient pas reçues, de protecteurs de profiteurs
abusifs. C'est le terme que vous avez employé tout à l'heure. Il
nous faut établir un juste équilibre entre, d'une part, les
justes revendications et l'exploitation abusive de la part de
propriétaires à l'endroit de locataires et, d'un autre
côté, il nous faut aussi tenir compte du capital investi par les
constructeurs. Et je crois que c'est dans un juste équilibre que nous
pourrons protéger les uns tout en sauvegardant le droit des autres.
M. GAUMOND: Ce que nous avons voulu souligner par notre intervention,
c'étaient les choix qui permettent ce juste équilibre.
C'est-à-dire que, si on peut prendre des choix dans une mesure
législative, on choisit différentes mesures. Et on dit: Dans ce
choix, vous devez garder une perspective sociale.
C'est sûr que nous ne demandons pas de jeter l'économie par
terre, mais quand on nous objecte le facteur économique, nous disons: Un
instant, analysons au mérite cette proposition qui dit qu'on va mettre
l'économie en brèche. La preuve a démontré qu'on ne
mettait pas l'économie en brèche dans un régime qui
était parcellaire, c'est-à-dire que, dans des
municipalités, cela s'appliquait intégralement, alors que dans
d'autres municipalités à côté, cela ne s'appliquait
pas. A cause de la concurrence, c'était là une grande chance de
mettre notre régime en brèche, parce qu'il y en a qui pouvaient
bénéficier d'un régime particulier tandis que d'autres ne
le pouvaient pas. Et nous disons, nous, que ce n'est pas arrivé durant
l'application de cette loi. Alors, on ne voit pas pourquoi cela arriverait
alors que tout le monde serait sur un pied d'égalité et que
d'autres ne pourraient pas bénéficier d'un régime
particulier. C'est tout simplement ce qu'on a voulu soumettre aux
députés, à leur appréciation, la connaissance des
problèmes qu'on avait au jour le jour.
M. PAUL: Est-ce que votre groupement a fait des représentations
auprès des autorités municipales de la ville de Sainte-Foy pour
qu'une certaine catégorie, sinon toutes les catégories de
logement, puisse être affectée par la Loi de conciliation entre
locateurs et locataires?
M. GAUMOND: M. le député, vous me rappelez là un
triste souvenir. Je dois malheureusement le dire. Nous nous sommes rendus
à la ville de Sainte-Foy après de nombreuses démarches et
tracasseries administratives et, le soir, nous nous sommes fait dire par le
maire, avant même qu'on puisse analyser nos prétentions, que les
gens de Sainte-Foy étaient prêts à payer de $15 à
$25 de plus pour venir demeurer dans cette ville. C'est le seul point qu'on
nous a renvoyé et on a dit: Nous nous sommes réunis tout à
l'heure avant votre assemblée et nous avons décidé de
rejeter votre proposition unanimement. On ne peut pas dire: Peut-être y
avait-il des raisons pour refuser? On ne les a jamais connues. Et je ne pense
pas qu'une telle affirmation, qui peut d'ailleurs être confirmée
par les journalistes, puisse donner une ouverture et qu'on puisse dire que les
intérêts des locataires ont été pris en
considération, alors qu'on sait que ce ne sont pas tous des bien-nantis
qui demeurent à Sainte-Foy. Tous les gens qui gravitent autour des
centres d'achat, tous les gagne-petit autour de ces établissements sont
obligés de demeurer à Sainte-Foy, eux aussi. On n'a donc pas
apprécié cette réaction.
Je dois vous dire, M. le député, que les problèmes
des locataires que nous avons rencontrés nous sont venus en grande
partie de Sainte-Foy, parce que les augmentations de $40 arrivent souvent dans
cette région. Et la région qui semble la moins touchée par
ces problèmes, du moins à ce qu'on en sait, c'est la
région de Charlesbourg où on a affronté deux fois moins de
problèmes, de solutions, de tracasseries. Mais effectivement, à
Sainte-Foy, on nous a refusés et pour les raisons mentionnées.
Vous pouvez vérifier dans les journaux de ce temps, c'est exactement ce
qu'on nous a répondu.
C'est pour cette raison que nous disons que quelqu'un qui a dans sa
population plus que 60 p.c. de locataires et qui vient nous dire une telle
chose, nous nous demandons s'il a vraiment analysé au mérite nos
prétentions. Nous sommes alors portés à dire qu'il y avait
là un parti-pris, ou tout au moins, les bons facteurs et les bonnes
considérations n'ont pas été analysés dans le choix
de sa décision.
M. PAUL: Un mot tout simplement pour féliciter M. Gaumond et les
membres du Groupement de locataires du Québec métropolitain pour
l'intérêt qu'ils ont apporté à l'étude du
projet de loi et surtout pour les excellentes recommandations et suggestions
contenues dans le mémoire.
M. GAUMOND: Merci, M. le député.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Merci beaucoup, M.
Gaumond, ainsi que vos collaborateurs.
M. CHOQUETTE: Dans la région du Québec
métropolitain, quelles sont les villes actuellement couvertes par la
Régie des loyers? Il y a la ville de Québec jusqu'à...
M. GAUMOND: Québec, Courville, Charlesbourg je peux en
oublier Limoilou, Gif-fard, à cause de l'annexion à
Québec, Les Saules, une partie de Notre-Dame des Laurentides,
Loretteville, la ville de Vanier n'y est pas.
M. CHOQUETTE: L'exception serait Sainte-Foy?
M. GAUMOND: Sainte-Foy et la ville de Vanier. Ce n'est peut-être
pas tout à fait exact...
M. CHOQUETTE: Lévis?
M. GAUMOND: Lévis, c'est 1951.
M. CHOQUETTE: Ah! jusqu'en 1951.
M. GAUMOND: Oui, il y a aussi Sillery qui n'est pas sous la juridiction
de la régie.
M. BOURGEOIS: M. le Président, est-ce que je pourrais dire un mot
sans vous retarder? Je tiens à remercier la commission parlementaire
qui nous a entendus. Ce fait montre une fois de plus que le locataire a
le droit de parole. Vous l'avez prouvé en nous écoutant. Je
demande aussi que le projet de loi 59 soit adopté le plus tôt
possible, non pas dans deux ans ou dans trois ans, mais si possible à la
prochaine session. Merci beaucoup.
M. PAUL: Alors, vous ne voudriez pas qu'il soit adopté à
cette session-ci.
M. BOURGEOIS: Oui, cette session-ci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un représentant de
l'Association des locataires de l'Outaouais? M. Leboeuf? Si vous voulez vous
identifier tous les deux pour le journal des Débats; à vous la
parole.
Association des locataires de l'Outaouais
M. BONNEVILLE: Bruno Bonneville, président de l'Association des
locataires de l'Outaouais et M. Fabien Leboeuf, anciennement président
et membre de l'association.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
je pense que, dans l'intérêt de tout le monde, il y aurait lieu
d'être le plus bref possible.
C'est entendu que nous appuyons les mémoires des
différentes associations de locataires, soit provinciales ou de
Québec et de Montréal, dans les revendications qu'elles font
auprès de vous. Je pense qu'il y aurait cependant lieu de profiter de
l'occasion que vous nous donnez de représenter les locataires des cinq
comtés de l'Outaouais pour que vous sachiez que tous les locataires du
Québec attendent de votre part le geste qui mettra un peu d'ordre dans
le logement au Québec. Je vais laisser la parole à M. Leboeuf qui
va préciser un peu nos représentations dans ce
sens-là.
M. LEBOEUF: M. le Président de la commission, M. le ministre, MM.
les députés, il y a déjà la
Fédération provinciale des associations de locataires et le
Groupement des locataires du Québec métropolitain qui ont
présenté leur mémoire. Notre mémoire, bien qu'il
soit beaucoup plus bref et qu'il n'aborde pas tous les aspects du projet de loi
no 59, va essentiellement dans le même sens; donc, je pense qu'il serait
inutile d'insister sur les détails du projet de loi. J'aimerais quand
même insister sur certains points fondamentaux et qui sont
extrêmement importants pour les locataires.
M. le ministre Choquette, ce matin, et d'autres membres de la commission
ont reconnu volontiers que le problème du logement dépassait
largement les cadres du ministère de la Justice et du projet de loi no
59. Il m'a semblé aussi que vous acceptiez volontiers le jugement
suivant: qu'il n'y avait pas au Québec présentement de politique
sociale réelle et cohérente du logement. Cela montre, à
mon avis, la très grande importance du projet de loi 59 puisque cela va
être le premier élément éventuel pour mettre un peu
d'ordre dans la situation du logement.
Evidemment, nous ne demandons pas de transformer le projet de loi 59 en
une loi sociale du logement; je pense bien que, dans le cadre du
ministère de la Justice, ce serait impossible. Je ne sais pas si je
comprends bien le sens du projet de loi 59, mais c'est de mettre en place
surtout des tribunaux pour régler des litiges qui peuvent naître
dans le domaine du logement et fixer certaines normes pour régler ces
litiges. Je suppose que mettre en place toute une politique du logement, c'est
impossible dans le cadre du projet de loi no 59. Cependant, ce qui me semble
extrêmement important, c'est que cet aspect limité de la
législation sur le logement s'inspire non pas de la philosophie
traditionnelle du louage des choses qu'on retrouve, par exemple, dans le code
civil, mais s'inspire plutôt d'une réelle politique sociale du
logement et de la reconnaissance du droit du citoyen à son logement. Et
cela est possible, à mon avis, à la condition que l'on apporte
des amendements majeurs à la loi actuelle. Encore une fois, non pas pour
transformer ce projet de loi en une loi sociale du logement, mais pour au moins
faire qu'elle ne se contente pas de consacrer la situation actuelle qui est
chaotique, mais qu'elle commence à apporter certains
éléments de cette politique sociale du logement. Je vais donner
des exemples tout à l'heure.
Un deuxième point sur lequel j'aimerais insister au
départ, un point général, c'est la relation qu'il peut y
avoir entre l'aspect social et l'aspect économique du logement. On
semble dire qu'il faut faire une sorte d'équilibre entre les deux et
tenir compte des exigences posées par les deux côtés. Il me
semble personnellement que c'est une mauvaise façon de vouloir tenir
compte des deux côtés parce qu'il me semble que l'aspect
économique doit être, non pas équilibré face
à l'aspect social, mais doit être mis au service de l'aspect
social.
Sinon, cela ne rapporte même pas à long terme puisque si ce
sont des impératifs économiques qui dominent, l'aspect social
sera tellement déprécié qu'il faudra investir de fortes
sommes dans l'assistance sociale au moins, pour pouvoir pallier les
inconvénients économiques.
Donc, il me semble que, pour que le projet de loi 59 atteigne
véritablement son but, on doit lui apporter certaines modifications
majeures. Je vais donner quelques exemples, sans les élaborer puisque
déjà les autres associations de locataires ont insisté sur
ces points. Une première correction qui me semble absolument
essentielle, c'est d'affirmer sans aucune restriction le caractère
universel de la loi. Que la loi s'applique sur l'ensemble du territoire
québécois, qu'elle s'applique à toutes les maisons; qu'on
évite de laisser un laps de temps de deux ans ou à peu
près, où le propriétaire-locateur est entièrement
libre de faire ce qu'il veut avec son
logement, et qu'on évite aussi de mettre à part certaines
catégories de logements, par exemple les logements municipaux, les
logements qui relèvent de la Société d'habitation du
Québec. Sinon, il me semble que la loi perd une très grande
partie de son efficacité, sans compter qu'on introduit deux poids deux
mesures dans la justice, qui règlent les rapports entre locataires et
propriétaires certains locataires jouissant de certains droits et
d'autres locataires ne jouissant pas de ces droits.
D'autres amendements me semblent absolument essentiels concernent la
fixation du prix du loyer. Nous aussi trouvons injustifiable et inadmissible le
pourcentage de 5 p.c. proposé à l'article 19. Je pense que c'est
peut-être ici qu'on parle de l'aspect économique, peut-être
davantage de l'aspect économique du logement. Je ne suis pas très
fort en statistiques mais je vais essayer de dire ce que j'ai compris des
quelques statistiques que j'ai lues sur le logement. D'après certains
chiffres compilés par la CSN et par la CEQ, l'augmentation annuelle du
prix du loyer, dans les dernières années, se chiffrerait entre
2.5 p.c. et 3 p.c. D'autre part, d'autres chiffres compilés par la CSN,
qu'on peut se procurer dans la petite brochure "La situation du logement au
Québec", montrent que les profits nets des entrepreneurs en logement se
situent au-delà de 11 p.c. Ce qui veut dire qu'introduire comme norme
parce qu'en réalité cela revient à introduire comme
norme ce pourcentage de 5 p.c, c'est simplement, finalement,
établir en norme le fait de doubler les profits des entrepreneurs en
construction et des propriétaires-locateurs. Alors, il me semble que
réduire le pourcentage à 3 p.c, ce n'est pas inviter des gens
à ne plus s'engager dans la construction mais c'est au contraire,
finalement reconnaître dans la loi le marché actuel du logement.
Cela me semble extrêmement important qu'on n'aille pas permettre aux
propriétaires locateurs de doubler leur profit. Cela est d'autant plus
grave que, comme le remarquait le ministre M. Choquette tout à l'heure,
c'est au Québec que déjà le logement coûte le plus
cher. Il me semble que permettre une augmentation du loyer annuel qui serait
autour de 5 p.c. comme norme, en tout cas, c'est faire du logement un facteur
d'appauvrissement de la population.
Alors, loin de reconnaître que le logement est quelque chose
auquel on a droit, on ferait du logement un facteur d'appauvrissement de la
population. Il me semble important que la norme, donc, soit la plus basse
possible. Il semble aussi que la reprise de possession du logement par le
locateur est rendue trop facile et qu'elle se fait au détriment du
locataire. On voit ici comment le droit du locataire à son logement
n'est pas reconnu.
Les articles 30 à 35 en particulier devraient stipuler que toute
reprise du logement par le locateur doit se faire dans le respect des droits du
locataire et en le dédommageant.
Dans la même veine, il faut prévoir que le locataire a
parfois des raisons impérieuses de résilier un bail et cela doit
être consigné dans la loi. Ici, nous appuyons entièrement
ce que le Groupement des locataires du Québec métropolitain a dit
à ce propos. Evidemment, nous appuyons aussi l'insertion dans la loi
d'un bail type.
On a souligné certains avantages de ce bail type, mais il me
semble qu'un autre avantage d'un bail type, ce serait de permettre de ne pas
fixer une date fixe pour la fin du bail, ça permettrait d'introduire une
date flottante pour la fin du bail puisqu'il devrait nécessairement y
avoir un bail écrit avec une date sur le bail qui peut varier à
l'intérieur d'une année, de sorte qu'on ne ferait pas le jeu des
entrepreneurs en déménagement.
En ce qui concerne les structures administratives de la Commission des
loyers, nous suggérons qu'elles ne soient pas uniformes afin qu'elles
soient efficaces, c'est-à-dire que dans les grands centres urbains, par
exemple, il pourrait y avoir une certaine décentralisation de la
Commission des loyers pour permettre d'écouler rapidement la demande et
dans d'autres régions moins populeuses, les commissions de loyers
pourraient être régionales pour couvrir l'ensemble du territoire
québécois, de sorte qu'on n'aurait pas besoin de
nécessairement grouper 5,000 habitants ou 10,000 habitants pour mettre
une Commission des loyers. On pourrait avoir des commissions de loyers
régionales.
Enfin, le projet de loi 59 tel qu'il est actuellement contient certaines
clauses qui doivent absolument demeurer, me semble-t-il, dans la
rédaction finale de la loi. Nous pensons, en particulier, aux articles
14 et 16, sur les déclarations à produire par le locateur. Il
nous semble que ces articles doivent être absolument maintenus, par
exemple l'article 17 concernant les déclarations à produire par
le locateur et le locataire. Nous pensons aussi à l'article 64, qui ne
reconnaît pas au locateur le droit d'exiger des chèques
postdatés. L'article 65 également qui interdit le
dépôt. Il me semble que ces articles sont essentiels et doivent
être maintenus. Nous pensons aussi aux articles 71 à 75, qui
prévoient des amendes pour les locateurs qui feraient preuve de
discrimination dans la location des logements. On a là
précisément des exemples, disons, d'inspiration plus sociale
d'une loi qui relève du ministère de la Justice. Il nous semble
que, si on maintient ces articles essentiels et que si on introduit les
amendements que nous suggérons sans faire du projet de loi 59 une loi
sociale du logement, on va au moins permettre l'avènement,
espérons le plus tôt possible, d'une réelle politique
sociale du logement et non pas consacrer la situation actuelle.
Je vous remercie de votre attention.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Monsieur, vous avez fait état tout à l'heure
de certaines croissances, n'est-ce pas, dans les loyers dans le Québec.
Vous avez fait état de certains chiffres que vous nous avez dit avoir
été recueillis, je crois, par la CSN.
M. LEBOEUF: La CEQ et la CSN.
M. CHOQUETTE: La CEQ et la CSN. Je voudrais attirer votre attention sur
le fait que la région de Hull et la ville de Hull ont été
une des régions du Québec où la croissance dans le prix
des logements a été le plus considérable au Québec,
puisque l'indice de l'accroissement du coût du logement entre 1969 et
1970, à Hull, est passé de 115.9 à 125.7, ce qui
représente une augmentation de presque 10 points, ce qui est plus que la
moyenne québécoise, ce qui est plus que la moyenne de la ville de
Québec où ç'a crû environ de 6 points, et de
Montréal où ç'a crû de presque 3 points ou 4
points.
M. LEBOEUF: C'est compréhensible parce que vous mentionniez ce
matin que, pour la ville de Québec, le taux de flottement des logements
de plus de trois chambres à coucher est de 1.9 p.c. seulement, alors
que, dans la région de Hull, il est encore inférieur, il est de
1.7 p.c. Le taux de flottement global du logement est encore inférieur
à ça de sorte que, à cause de la très grande
rareté des logements, les propriétaires ont tout à fait
beau jeu d'augmenter à volonté le prix du loyer. J'ajoute
d'ailleurs, par rapport à ça, que nous avons aussi fait des
pressions pour obtenir le bill 12 à Hull et à Gatineau
précisément pour cette raison-là et ça nous avait
été refusé.
M. CHOQUETTE: Actuellement, vous n'avez aucun contrôle des
loyers?
M. LEBOEUF: A Hull et à Aylmer, il y a la Régie des
loyers, mais dans les conseils municipaux, on a fait campagne durant
près de huit mois pour obtenir l'application du bill 12 et ça
nous avait été refusé. L'argument qu'on invoquait, c'est
un argument qu'on a entendu ici aussi, c'est qu'un contrôle des loyers
amènerait la diminution de l'industrie de la construction. D'ailleurs,
je ne pense pas que ce soit tout à fait vrai parce que, partout
où il y a des gains à faire, il va y avoir des gens pour aller
faire ces gains et, en maintenant un contrôle encore plus
sévère que celui qui est prévu dans la loi, le profit des
propriétaires se maintiendrait sans doute encore autour de 10 p.c.
à 11 p.c. de sorte que personne n'hésiterait à investir
dans la construction.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Nous vous
remercions beaucoup.
M. BONNEVILLE: C'est nous qui vous remercions.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant la Confédération
des syndicats nationaux et ses représentants. Veuillez vous identifier
pour le journal des Débats.
Centrales syndicales
M.THIBAULT (Jean): Oui, Jean Thibault, secrétaire
général de la CSN. Quand vous avez parlé de CSN, vous avez
vu des gens de la FTQ, de la CEQ se lever; Fernand Daoust qui est
secrétaire général de la FTQ, Laval Grondines de la CEQ et
Jean-Marcel Lapierre. La raison pour laquelle ces gens s'avancent avec nous,
c'est que nous sommes à l'ère du front commun, comme vous savez,
et deux des centrales syndicales ont produit des mémoires, la CEQ et la
CSN. La FTQ ne l'a pas fait, mais les centrales se sont rencontrées et
elles ont préparé un projet de déclaration conjoint,
projet que vous n'avez pas en main. Nous avons des copies que nous pourrions
vous distribuer si vous nous en donniez la permission et le texte en serait lu
par le secrétaire général de la FTQ, Fernand Daoust.
Après quoi, nous procéderions à l'étude du
mémoire de la CSN.
M. DAOUST: M. le Président, messieurs les députés.
Il s'agit d'une déclaration conjointe des centrales syndicales sur le
projet de loi 59. Les centrales syndicales tiennent à informer la
commission qu'elles appuient, dans ses grandes lignes, le mémoire que
vous a présenté dernièrement, ce matin, la
Fédération des associations de locataires du Québec. Nous
considérons que ce mémoire est des plus complets et qu'il
soulève dans une juste perspective les problèmes nombreux
auxquels sont soumis quotidiennement des milliers de
Québécois.
Nous allons toutefois nous limiter, dans notre déclaration
commune, à quatre problèmes qui nous paraissent des plus
fondamentaux et sur lesquels nous vous demandons de bien vouloir apporter des
modifications dans le sens suggéré. Nous estimons que, sans ces
modifications majeures, le projet de loi 59 passe à côté du
problème des locataires et que le gouvernement actuel n'aura, encore une
fois, soulevé que des espoirs par son intervention mitigée dans
un secteur aussi vital.
Première proposition: que le projet de loi s'applique à
tous les locataires québécois. Nous sommes d'avis que le code des
loyers doit s'appliquer sans distinction à toutes les
municipalités du Québec et non seulement, comme il est
prévu dans le projet de loi, aux municipalités de 5,000 habitants
et plus. C'est pour nous une question d'équité envers tous les
locateurs et locataires du Québec.
Une réglementation sur un problème aussi vital que le
logement ne peut laisser pour compte plus de 10 p.c. des locataires
québécois qui sont, la plupart du temps, les plus captifs d'un
marché nécessairement limité et souvent des plus
voraces.
Deuxième proposition: que l'augmentation annuelle des loyers soit
limitée à 3 p.c. Compte tenu des conditions toute
particulières du marché qui prévalent dans ce secteur,
nous estimons qu'il est essentiel que l'Etat exerce un véritable droit
de regard et un pouvoir de contrôle réel sur les prix. Or, la
limite de 5 p.c. établie dans le projet de loi consacre, selon nous,
dans les faits, l'inaction de l'Etat sur le contrôle des prix du
logement.
Dans ce projet de loi, il est paradoxal que l'Etat reconnaisse un
principe, celui du contrôle des prix, et le nie du même souffle
dans le même article. La limite est tellement élevée et si
irréaliste par rapport au comportement des prix durant les dix
dernières années que tous les locateurs du Québec vont
pouvoir continuer à passer leurs prix la tête haute.
Nous recommandons que toute hausse des prix soit obligatoirement
justifiée et qu'au-delà de 3 p.c. elle soit en toute circonstance
référée à la commission. Des critères
précis devraient être élaborés par la commission
pour consentir des hausses supérieures à la limite. Nous
suggérons également que ces critères fassent l'objet d'une
réglementation précise qui serait soumise à votre
commission et pour laquelle vous devriez tenir des audiences publiques.
Troisième proposition: que l'on reconnaisse le droit au locataire
de faire réévaluer le coût de son loyer. La proposition
précédente a pour effet de vouloir contrôler à
l'avenir les abus du prix des loyers. Or, elle serait incomplète si on
ne tente pas de corriger les abus les plus criants survenus durant le trop long
règne d'anarchie dans ce secteur. Le projet de loi actuel a pour effet
de consacrer ces injustices. Nous pourrions vous citer des milliers de cas
où, pour des loyers identiques, les prix varient honteusement.
De même, nous reconnaissons au propriétaire le droit de
faire réévaluer au-delà de 3 p.c. le coût de son
loyer, de même nous estimons qu'il n'est qu'équitable que le
locataire, qui se croit exploité par son locateur, puisse jouir du
même privilège et porter sa cause devant un commissaire. Ce
pouvoir correcteur est essentiel pour parvenir à régulariser les
prix dans ce secteur. La réévaluation pourrait se faire de
façon fort simple par voie de comparaison, selon la moyenne existante
dans la municipalité ou le quartier.
Quatrième proposition: que le projet de loi incorpore un bail
type. Pour atteindre l'objectif fondamental de ce projet de loi qui est la
conciliation entre locataires et propriétaires, il nous paraît
alors essentiel que le législateur définisse les obligations
générales des parties dans le cadre d'un bail type.
Une telle mesure, de par la standardisation qu'elle amènera, aura
également pour effet de faciliter l'évaluation des hausses du
prix du logement par les commissaires du travail. Soumis par les trois
centrales.
M. THIBAULT: Alors, est-ce que vous avez des questions à
poser?
M. LE PRESIDENT: Vous pourriez peut-être lire votre mémoire
immédiatement.
M. THIBAULT: Je voudrais d'abord vous présenter mon
confrère de la CSN, Jacques Trudel, qui est architecte urbaniste
à la ville de Montréal, membre d'un syndicat affilié
à la CSN et un des principaux artisans de la rédaction du
mémoire de la CSN.
Vous avez constaté que ce mémoire est très court.
Je vais en faire la lecture, devant vous, de façon rapide et ensuite, on
pourra passer aux questions. Vous allez constater aussi que nous avons tenu
compte des représentations des associations de locataires qui
sont...
M. CHOQUETTE: Vous considérez M. Bossé comme un de vos
membres, à l'heure actuelle?
M. THIBAULT: M. Bossé était membre du syndicat des
permanents. Je ne sais pas s'il y est demeuré, s'il a continué de
payer ses cotisations.
M. BOSSE: Oui.
M. THIBAULT: Vous avez continué de payer vos cotisations.
M. BOSSE : J'ai un congé sans solde.
M. BURNS: II est beaucoup plus près de la CSD que de la CSN.
M. PAUL: II est en état de transfert à la CSD.
M. BURNS: A l'état de transfert, c'est beaucoup dire. C'est
déjà fait.
M. BOSSE : Je suis présentement permanent, avec congé sans
solde, et je pense que le secrétaire général est
très bien informé ou doit l'être.
M. THIBAULT: Est-ce que vous payez vos cotisations syndicales?
M. BOSSE: Ce n'est pas nécessaire pour le moment.
M. THIBAULT: II y a le confrère Burns aussi que je tiens bien
à saluer.
La CSN reconnaît que le projet de loi 59 constitue une
amélioration de la législation antérieure concernant les
relations entre les locataires et les propriétaires, mais elle croit que
ce projet de loi doit être amendé dans le sens du mémoire
présenté à ce sujet par la Fédération des
associations de locataires du Québec. La CSN préconise, notamment
avec la FALQ, la décentralisation de la Commission des loyers,
l'universalité d'application de la loi, la suppression de la reprise de
possession pour modifier la taille d'un logement et l'incorporation d'un bail
type obligatoire protégeant également le locataire et le
locateur.
En ce qui concerne l'importante question du contrôle des hausses
de loyer, la CSN veut insister particulièrement sur la
nécessité d'un tel contrôle à cause du
caractère particulier du marché du logement. En effet, ce
contrôle est absolument nécessaire pour que la population puisse
satisfaire ce besoin fondamental qu'est le logement sans être à la
merci des fluctuations souvent artificielles et aléatoires du
marché du logement. C'est pourquoi il est universellement reconnu que ce
marché doit être réglementé.
Or, la hausse de 5 p.c. que la loi autorise sans contrôle
automatique, pourra avoir un effet contraire à celui qui devrait
être recherché en encourageant une hausse régulière
excessive des loyers. La CSN endosse donc entièrement la demande de la
FALQ de réduire à 3 p.c. cette limite au-delà de laquelle
une augmentation doit être référée à un
commissaire.
Mais encore là, il doit être clairement entendu que ces 3
p.c. sont une limite établie pour des fins administratives, et non
l'augmentation annuelle normale de tout loyer.
En fait, toute l'application de la loi dans ce domaine reposera sur les
critères d'augmentation qui seront reconnus, et dont un aperçu
trop vague et général est donné à l'article 21 du
projet de loi. Il est de première importance que ces critères
soient définis par règlement de la manière la plus
précise et objective possible, et qu'ils aient un caractère
public et officiel. Toute augmentation, inférieure ou supérieure
à 3 p.c, devra pouvoir se justifier en fonction de ces
critères.
Ainsi la fixation d'un loyer au départ devra découler d'un
calcul économique basé sur la rentabilité du capital
investi. C'est bien la CSN qui parle.
Par la suite, seuls les facteurs directs et objectifs d'augmentation
devront être considérés, dans chaque cas particulier, tels
que les améliorations exceptionnelles apportées à un
logement, l'entretien normal ne devant pas être un facteur de hausse de
loyer, ou encore le taux d'augmentation du coût de la main-d'oeuvre et
des matériaux applicable seulement à la part du revenu du
logement consacre à l'entretien ou aux services, la proportion exacte
d'augmentation de taxes municipales ou scolaires applicable à un
logement.
Doivent être exclus par ailleurs des critères admis, les
phénomènes de perturbation du marché, tels que la pression
à la hausse due à la rareté causée par la
démolition massive de logements à loyer modique et les
augmentations dues à l'accroissement de la valeur d'un site, par exemple
à proximité d'une station de métro.
En somme, le marché du logement ou la valeur locative comme tels
ne devront pas être considérés à toutes fins
pratiques comme des critères, ce qui, de toute façon, serait
contradictoire puisque la loi a pour but précisément de
contrôler ce marché. D'une manière générale,
la CSN considère que le code des loyers n'atteindra son but que s'il
place le droit au logement au moins sur le même pied que le droit de
propriété. Le locataire est défavorisé
fondamentalement du fait qu'il paie entièrement un logement qui ne lui
appartiendra jamais. Aussi est-il juste qu'au moins il soit
protégé contre les fluctuations du marché et contre tout
déplacement arbitraire. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas faire des remarques très
longues, mais simplement quelques observations sur les positions qui ont
été exprimées par le front commun représenté
par M. Thibault et M. Daoust. La question de l'application universelle de la
loi et de l'exemption des municipalités de moins de 5,000 habitants est
sûrement un point sur lequel nous sommes disposés à
réexaminer la situation. Je voudrais seulement vous faire part du fait
que si nous avions adopté ce critère, c'est parce que, d'une
part, l'Association des locataires du Québec nous avait signalé
dans un mémoire antérieur à la conception et la
rédaction du projet de loi qu'il n'y avait pas lieu de
réglementer dans les municipalités ou les agglomérations
de moins de 5,000 âmes. Je voudrais que ceci soit bien compris. Les
locataires ne réclamaient pas à ce moment-là de
contrôle ou de surveillance des loyers dans ces municipalités de
moins de 5,000 habitants.
M. THIBAULT: Ce qu'ils réclament maintenant.
M. CHOQUETTE: Ils ont changé de position. Apparamment, ils sont
un peu comme les syndicats, ils en veulent toujours plus.
M. THIBAULT: Je pensais que c'étaient les libéraux qui
étaient comme cela.
M. CHOQUETTE: Eux aussi à leur façon.
M. BURNS: C'est le propre des gens intelligents de changer d'idée
de temps à autre.
M. CHOQUETTE: D'ailleurs, ce n'est pas nécessairement un
changement d'idée, c'est une nouvelle optique sur ce problème.
Mais nous allons l'examiner...
M. BOSSE: Etes-vous en train de nous indiquer des changements
futurs?
M. CHOQUETTE: ... et, s'il s'avère qu'il y a des problèmes
aussi caractéristiques dans les municipalités de moins de 5,000
âmes qu'il peut y en avoir dans de plus grandes agglomérations, la
loi pourrait être étendue au point de vue de son application.
Quant à la question des 3 p.c. ou des 5 p.c, ce que vous avez dit
ainsi que ce qui a été dit précédemment cet
après-midi par d'autres re-
présentants d'association de locataires m'amène à
réfléchir sur la perception qu'on se fait de 3 p.c. ou de 5
p.c.
Cela ne veut pas dire et cela ne voulait pas dire, dans l'idée de
ceux qui ont préparé et rédigé ce projet de loi,
que cela autorisait les propriétaires à obtenir une augmentation
annuelle de 3 p.c. ou de 5 p.c. Mais je sens que la perception de ce chiffre,
dans le public en général, est déformée et il
faudra quand même tenir compte de ce fait dans la rédaction ultime
de ce projet de loi.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet un commentaire seulement sur
ce point, avec la permission du président et de la commission? Je pense
qu'il y a plus que la perception du public. Il y a aussi ce
phénomène que, comme l'initiative de contester une augmentation
allant jusqu'à 5 p.c, selon le projet de loi actuel, ou allant
jusqu'à 3 p.c. selon la suggestion, étant donné que cette
initiative devra venir du locataire, il est fort possible qu'un tas de gens
et je pense que là-dessus, le juge Ross et les autres personnes
familières avec l'ancienne régie pourront partager cet avis
vont se demander s'ils vont aller contester cela. Il y a beaucoup de
personnes qui vont l'accepter de façon passive, même si dans le
fond elles ne sont pas d'accord; parce qu'elles vont se dire qu'elles ne
pourront pas aller se battre contre ce gros appareil cela semble un gros
appareil, pour les gens qui n'y sont pas familiers même si j'en
rends hommage au juge Ross et à ses collaborateurs, même si ce
n'était pas un gros appareil, même si ce n'était pas une
bibite à grandes pattes qui faisait peur à tout le monde, c'est
quand même une perception. Cela reste quand même un tribunal
administratif et le gagne-petit en général, puisqu'on a
utilisé cette expression ce matin, est plus ou moins
intéressé à se présenter dans les pattes de cette
histoire-là. Je pense que c'est là le phénomène
psychologique en plus du fait que les propriétaires, d'une part, se
sentiront autorisés à utiliser ce critère mais aussi, de
façon négative, les gens se diront qu'ils n'iront pas parce que
c'est compliqué et grave.
M. CHOQUETTE: La perception du même chiffre par les deux groupes
en présence.
M. BURNS: Oui, oui, exactement.
M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'il y a une espèce de
déformation de l'image de la réalité par l'introduction
d'un chiffre quel qu'il soit dans le projet de loi et cela va requérir
réflexion de notre part, je dois l'avouer, parce que tout à
l'heure, je faisais état de la réaction de certains
propriétaires et autant, on pourrait faire état, comme le fait le
député de Maisonneuve, de la réaction de certains
locataires devant un pourcentage, quel qu'il soit, mentionné au projet
de loi comme étant en somme une espèce d'autori- sation morale de
l'Etat à telle augmentation annuelle. On va y réfléchir,
vous pouvez en être sûr.
M. THIBAULT: Si vous me le permettez, le confrère Trudel voudrait
ajouter quelques commentaires.
M. TRUDEL: Sur ce point des 3 p.c, je pense qu'effectivement, ce que
nous craignons, comme nous l'avons exposé dans notre mémoire,
c'est que le chiffre de 5 p.c. ou encore celui de 3 p.c. soit
considéré comme une augmentation automatique annuelle
régulière. Maintenant, la question peut se renverser dans le sens
suivant. Si tout le monde est d'accord pour admettre qu'il ne s'agit pas qu'un
loyer soit augmenté de 5 p.c. chaque année, dans ce cas, pourquoi
maintenir ce chiffre de 5 p.c? Quelle est la raison pour laquelle on
maintiendrait ce chiffre de 5 p.c? Si la question est de permettre
occasionnellement des hausses de 5 p.c, il y aurait peut-être des
formules de rechange. Au lieu des 3 p.c, on pourrait peut-être
suggérer que ce soit 5 p.c. sur deux ans, par exemple. Que
l'augmentation puisse être de 5 p.c. mais à tous les deux ans
seulement. Ce qui serait équivalent à notre proposition de 3 p.c.
et qui serait peut-être plus pratique, étant donné que
l'habitude dans le domaine des loyers, c'est que les loyers ne sont pas
nécessairement augmentés à chaque renouvellement de bail,
mais une fois à l'occasion.
Maintenant, dans un cas comme dans l'autre, nous voulons insister sur le
fait que ce qui est important pour nous, ce sont les critères de
fixation du loyer et à ce moment, que ce soit 5 p.c. ou 3 p.c, il
faudrait informer la population qu'effectivement le propriétaire doit
toujours pouvoir justifier toute augmentation. Et, je pense qu'il faudrait
établir des critères beaucoup plus précis que ceux qui
étaient appliqués par la Régie des loyers. Celle-ci
appliquait des critères qui étaient méconnus de
manière générale par la population. On ne savait pas
à quoi s'en tenir exactement quant à la politique que la
Régie des loyers pouvait suivre. A ce moment, les critères
devraient être établis par règlement, rendus officiels,
discutés, de telle façon que les gens connaissent ces
critères, sachent à quoi s'en tenir et sachent quels sont leurs
droits et quand ils peuvent effectivement faire des réclamations.
M. CHOQUETTE: Très bien. Maintenant, quant au bail type, nous en
avons déjà discuté cet après-midi; alors nous
allons considérer cet aspect. Quant aux critères, auxquels vous
avez fait allusion, de détermination du loyer, nous avons
déjà envisagé l'introduction d'un article dans le projet
de loi qui créerait un service technique dont la responsabilité
serait de faire des analyses économiques qui pourraient être
faites, non seulement à l'échelle du Québec dans son
entier, mais à cause des divers chiffres
que j'ai pu citer au cours des débats parlementaires, on a pu
constater que les conditions sont variables d'agglomération en
agglomération dans le Québec. Ainsi, les conditions ne sont pas
nécessairement les mêmes à Montréal dans tous les
quartiers, ni à Québec, ni à Hull et ni à
Chicoutimi, etc. Alors, ce service technique pourrait avoir la
responsabilité d'étudier les conditions qui peuvent
prévaloir dans chacune des régions, soit au point de vue de la
taxation, de l'impôt foncier et des autres facteurs qui influent sur le
coût d'entretien des immeubles. Le commissaire aux loyers et ses
délégués pourraient utiliser ces données techniques
dans l'élaboration de leurs décisions dans les causes qui leur
sont présentées. Je pense qu'à ce moment on atteindrait
les résultats désirés, soit une certaine
uniformité, en tenant compte quand même des conditions locales qui
peuvent varier d'un endroit à l'autre.
Alors, c'est un des aspects que nous considérons dans la
rédaction définitive du projet de loi.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Merci beaucoup.
M. THIBAULT: C'est nous qui vous remercions.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux au
mercredi 25 octobre, à 10 h.
(Fin de la séance à 15 h 56)