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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mercredi 25 octobre 1972 - Vol. 12 N° 102

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 59 — Code des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la iustice

Projet de loi no 59 - Code des loyers

Séance du mercredi 25 octobre 1972

(Dix heures vingt minutes)

M. CROISETIERE (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

Ce matin, la commission parlementaire permanente de la justice se réunit pour continuer l'étude du projet de loi 59 du code des loyers. S'il n'y a aucune objection de la part des membres de la commission, nous allons entendre d'abord les représentants de la compagnie Bell Canada. J'invite donc Me Annette April, procureur, à venir nous exposer son mémoire.

MLLE APRIL: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Maître, si vous voulez...

MLLE APRIL: Oui. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Egalement pour les autres porte-parole qui se feront entendre, y aurait-il possibilité de résumer assez brièvement le mémoire, parce que les membres en ont chacun une copie et ils en ont pris connaissance? Cela permettrait à la commission d'accélérer les travaux parce que beaucoup de mémoires doivent être entendus. Il y a aussi les travaux des membres qui participent à cette commission. Certains vaqueront à d'autres travaux dans le courant de la journée. Alors, Mlle April.

Bell Canada

MLLE APRIL: Avant de commencer l'exposé du mémoire, j'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Robert Bertrand qui est l'assistant du vice-président en relations publiques à Bell Canada, et, à ma gauche, M. Gérard Campeau, assistant du vice-président au réseau, aussi de Bell Canada qui pourra répondre, j'en suis sûre, à toutes vos questions concernant directement la compagnie.

Bell Canada est heureuse d'avoir l'occasion de présenter un mémoire à la commission parlementaire permanente de la justice sur le projet de loi 59 intitulé: "Code des loyers".

La compagnie a lu avec un grand intérêt ce projet de loi, mais son attention s'est arrêtée sur les articles 22 et 23 qui traitent de la date d'échéance des baux qui, désormais, d'après ce bill, est fixée au 30 juin à partir de 1974. La compagnie a donc analysé les répercussions que cette date pourrait avoir sur son exploitation, sur le service à ses abonnés et aussi sur la période de vacances d'un grand nombre de ses employés.

Les déménagements massifs du 1er mai dans la province de Québec sont exceptionnels, tant du point de vue de leur nombre que de la très courte période durant laquelle ils se produisent.

Pour le public en général, le temps des déménagements se limite aux quelques jours d'activité intense qui précèdent et qui suivent le 1er mai.

Mais pour Bell Canada, cette période s'étend sur onze semaines — je dis bien onze semaines parce que c'est très important — soit de six à huit semaines de travaux préparatoires et de deux à trois semaines consacrées à l'installation proprement dite. Au cours des années, cette période s'est prolongée, évidemment, au rythme de l'accroissement de la population et aussi du nombre de téléphones.

Bien entendu, les régions métropolitaines de Montréal et de Québec qui sont les centres les plus populeux comptent le plus grand nombre de déménagements, ce qui crée des problèmes d'organisation majeurs aux points de vue du personnel et de l'équipement.

Cette concentration de l'activité complique considérablement le fonctionnement des services publics et en particulier celui de Bell Canada qui a dû voir à interrompre 243,000 services et à raccorder ces 243,000 nouveaux services durant les mois d'avril et de mai 1972. Ce chiffre représente 35 p.c. des raccordements par rapport au total de l'année. La somme de travail exceptionnellement élevée qui en résulte ne peut être effectuée qu'au prix d'heures de travail supplémentaires, ce qui entraîne d'importantes dépenses d'exploitation et d'immobilisations additionnelles. Malgré tout, la compagnie n'arrive pas à maintenir la qualité de son service durant cette période.

Maintenant, quelles sont les mesures prises par Bell Canada pour faire face aux déménagements du 1er mai à l'heure actuelle? Tout porte à croire, d'abord, que le volume du travail, au lieu de diminuer, ne fera qu'augmenter d'année en année. La compagnie recherche constamment de nouvelles techniques pour s'acquitter plus efficacement de cette somme de travail sans cesse croissante. Dès la fin des déménagements, la compagnie commence à se préparer pour ceux de l'année suivante. Des spécialistes de chaque service compilent et analysent des données sur chaque aspect du travail. Ils forment un comité permanent chargé d'étudier les résultats obtenus et de recommander les changements à apporter aux méthodes de travail.

Bien que ce comité ait aidé, jusqu'à un certain point, la compagnie, la plus grande difficulté consiste à trouver le personnel qualifié pour accomplir, dans cette période relativement courte, la somme exceptionnelle de travail qui se présente chaque année à la même époque.

Seuls les employés qui possèdent la formation et l'expérience requises sont vraiment en mesure d'effectuer ces travaux que commande l'installation de nouveaux téléphones. Il est

financièrement impossible — et je tiens à le souligner — de garder à longueur d'année tous les effectifs supplémentaires requis pour cette période; il faut donc recourir à d'autres moyens.

Le premier des moyens: Les heures de travail supplémentaires n'offrent qu'une solution partielle, puisque Bell Canada est soumise aux dispositions du code canadien du travail. Pour les déménagements de mai 1972, les employés de la compagnie ont effectué 61,752 heures supplémentaires de travail. J'aimerais répéter ce chiffre, 61,752 heures supplémentaires de travail.

D'autre part, la compagnie engage temporairement des employés qu'elle affecte à certaines tâches qui n'exigent pas de formation particulière pour faire face à l'accroissement du travail dans de nombreux services à cette époque. Ainsi en 1972, 655 personnes ont été embauchées.

Mais, la principale mesure adoptée depuis quelques années consiste à emprunter des employés d'autres parties du territoire de la compagnie tant au Québec qu'en Ontario; la planification des effectifs prévoit le transfert de techniciens qualifiés et d'autres employés compétents pour la période de mai. Des équipes d'installateurs se rendent avec leurs camions et leurs outils dans les centres où ont lieu les déménagements massifs.

Les trois mesures précitées constituent un aspect fondamental des efforts que déploie la compagnie pour faire face à son obligation de compléter en une semaine 9.5 p.c, en moyenne, du travail d'installation qui doit être accompli dans toute la province au cours de l'année.

Passons maintenant aux répercussions sur l'exploitation et les dépenses de la compagnie. Tous les services de la compagnie subissent à divers degrés les effets de ce surcroît de travail. Les groupes les plus directement touchés sont évidemment ceux qui sont responsables des commandes et des installations proprement dites.

Une étude du déménagement de mai 1972, dans la province de Québec, a révélé une hausse sensible du volume de travail dans tous les services comparativement à des périodes de même durée dans l'année. Aux jours de pointe, les bureaux d'affaires, principaux points de liaison avec les abonnés, ont reçu 14 p.c. plus d'appels. Les téléphonistes du service de référence ont reçu et transféré 45 p.c. plus d'appels destinés à des postes débranchés, et l'assistan-ce-annuaire a reçu 10 p.c. plus d'appels. Le service de la comptabilité a exécuté 14 p.c. plus de commandes; le réseau a vu le volume de son travail augmenter en avril de 10 p.c. et en mai de 20 p.c.

Les employés de la compagnie dont le travail est relié aux déménagements de mai ne peuvent prendre de vacances durant ces deux mois, ce qui crée un taux anormal d'absences dues aux congés durant les dix autres mois. Il en résulte donc une baisse des effectifs et la compagnie doit faire appel à un personnel supplémentaire, ce qui entraîne d'autres dépenses d'exploitation. Tous ces facteurs, évidemment, contribuent à une hausse des dépenses d'exploitation et d'immobilisation de la compagnie, lesquelles s'élèvent à environ $10 millions à Québec et à Montréal.

Voyons quels sont les problèmes relatifs à la continuité du service. D'ordinaire, le service que Bell Canada fournit à ses abonnés est égal à tout autre au monde, sinon supérieur. Toutefois, durant la période des déménagements de mai, l'abonné voit diminuer la qualité de son service, malgré les efforts soutenus pour respecter les normes habituelles. J'aimerais vous souligner les principales conséquences des déménagements de mai sur le service de résidence.

Entre le 24 avril et le 20 mai, la compagnie ne peut prendre d'engagements avec ses abonnés, les délais prévus ne pouvant être que vagues et l'abonné doit donc attendre l'installateur.

De plus, certains abonnés sont privés du service téléphonique au moment où ils en ont le plus besoin et cette période varie de deux à cinq jours. Aussi, la compagnie ne peut terminer l'installation de l'équipement supplémentaire avant la fin de mai, même une fois que le service de base est fourni.

Le service d'affaires est également touché. Les périodes de temps nécessaire à l'exécution des commandes entre le 28 avril et le 10 mai doivent être prolongées d'une semaine. Aussi, la compagnie doit demander aux grandes entreprises de remettre à plus tard les projets qu'elle comptait réaliser durant la période dont nous parlons, quand ces projets entraînent des modifications à leurs installations téléphoniques.

Ces problèmes et bien d'autres seront occasionnés par les déménagements du 30 juin empêchant la compagnie de maintenir la qualité du service à laquelle ses abonnés sont habitués.

Maintenant, passons aux conséquences du changement de la date du 1er mai au 30 juin. Comme en témoigne le présent mémoire, le fait de reporter au 30 juin la date d'échéance des baux simplifierait le problème que pose l'année scolaire, surtout au niveau primaire, mais ne ferait qu'aggraver la situation en ce qui a trait au service téléphonique.

La longue période des déménagements de mai, qui s'étend déjà sur onze semaines, se prolongerait davantage parce que tout le travail devrait être fait en pleine période de vacances, durant les mois de juin et de juillet. Sans compter qu'au mois de juin, il y a environ 25,000 résidences d'été qui demandent l'installation du téléphone. Il serait surtout difficile d'obtenir l'effectif requis, localement ou de l'extérieur, même en engageant des employés temporaires, y compris les anciens employés. Il deviendrait nécessaire de refuser aux employés concernés le privilège de prendre leurs vacances en été.

L'insuffisance de personnel entraînerait d'au-

très restrictions quant au volume et à la nature des travaux à exécuter durant cette période de pointe, et retarderait aussi la marche des opérations dans la plupart des services. Les abonnés n'accepteraient pas pareils termes et les plaintes au sujet de la qualité du service se multiplieraient.

Bell Canada a réussi à modifier ses méthodes de travail pour satisfaire les besoins de la période des déménagements de mai, mais il lui serait beaucoup plus difficile de s'adapter à une période de déménagement au 30 juin.

Par conséquent, Bell Canada fait les deux suggestions suivantes:

Que les baux expirent tout au long de l'année aux dates sur lesquelles les propriétaires et les locataires seront d'un commun accord.

Ou, s'il est nécessaire de fixer une période, qu'ils expirent entre les mois d'avril et de novembre, à une date que les parties fixeront dans cette période.

Ainsi répartie, la somme de travail que Bell Canada doit effectuer bénéficierait, de plusieurs façons, aux abonnés ainsi qu'à la compagnie et à ses employés.

L'efficacité de la compagnie en serait accrue, parce qu'à l'abri de cette crise — je dis bien de cette crise — annuelle, en éliminant le besoin de muter ses employés, d'embaucher du personnel surnuméraire et de consacrer des sommes considérables aux heures de travail supplémentaires et à l'entretien d'équipements additionnels, Bell Canada pourrait réduire ses dépenses d'exploitation et d'immobilisation.

Du point de vue de l'abonné, le principal avantage consisterait à obtenir un service de la même haute qualité tout au long de l'année.

Quant aux 10,000 employés, dont le travail est relié directement aux déménagements, ceux-ci pourraient profiter des mois d'été pour prendre leurs vacances.

Voilà, M. le Président, ce que Bell Canada suggère pour le bien de ses abonnés et de ses employés. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci maître. J'inviterais l'honorable ministre à faire ses commentaires sur le mémoire qui nous est présenté.

M. CHOQUETTE: Voici, Me April, nous avons trouvé votre plaidoyer très intéressant et très documenté ainsi que très convaincant. Nous avions d'ailleurs entendu un point de vue similaire qui avait été exprimé devant la commission par les employés de Bell Canada ainsi que par d'autres firmes d'utilités publiques et leurs employés, telle la corporation de gaz naturel ou gaz métropolitain. Maintenant, mes officiers me signalent qu'il y a eu des rencontres avec vous au sujet de ce problème que vous avez soulevé ce matin, à très bon escient, et qu'on vous a fait des suggestions, n'est-ce-pas, pour tenter de remédier à cette situation des dates fixes, inscrites dans les lois, quant à la terminaison des baux. Et l'origine, évidemment, de la date fatidique du 1er mai se trouve au code civil ainsi que dans la coutume.

Pour le bénéfice de mes honorables collègues, je vais donner lecture de certains amendements qu'il serait possible d'apporter au projet de loi. Je ne dis pas qu'ils sont présentés d'une façon définitive mais peut-être que mes collègues pourront y réfléchir et juger, s'ils trouvent que ces amendements contournent les difficultés du problème, de nous désengager, en quelque sorte, du système de date fixe et faire en sorte que, pour l'avenir, on évolue vers une situation où les propriétaires et locataires seront plus libres de déterminer la fin des baux.

Alors, les articles 22, 23 et 24, sont remplacés par les suivants: Article 22. "Sous réserve de l'article 24, tout bail dont la date d'expiration est le 30 avril ou le 1er mai 1973 est, à compter de cette date, prolongé automatiquement pour une période de 14 mois aux mêmes conditions, sauf quant au loyer, s'il a été majoré conformément à l'article 21. Les parties peuvent cependant convenir dans un bail de toute période de prolongation plus courte ou plus longue que celles prévues au premier alinéa du présent article."

Article 23. "Après le 1er mai 1973, sous réserve de l'article 24, tout bail est, à l'expiration de son terme, prolongé automatiquement, d'année en année, pour une période de 12 mois, aux mêmes conditions, sauf quant au loyer, s'il a été majoré conformément à l'article 21.

Les parties peuvent, cependant, convenir dans un bail de toute période de prolongation plus courte ou plus longue que celle prévue au premier alinéa du présent article.

Article 24: La prolongation prévue aux articles 22 et 23 n'a pas lieu si, au plus tard 60 jours avant l'expiration du bail, a) le locataire donne par écrit au locateur avis de son intention de ne pas prolonger le bail, b) le locateur donne par écrit au locataire avis de son intention de ne pas prolonger le bail, d'en changer les conditions ou d'augmenter le loyer dans une proportion n'excédant pas 5 p.c. par an. Toutefois, dans le cas d'un bail dont le terme est de trois mois ou moins, l'avis prévu au paragraphe a) ou b) du présent article doit être donné au plus tard quinze jours avant l'expiration du bail. Ces délais sont d'ordre public et s'appliquent nonobstant toute disposition contraire dans le bail et le code civil. Ceci permettrait, dans un premier temps, de reporter la date présumée de terminaison des baux au 30 avril pour les baux qui existent à l'heure actuelle ou qui doivent être prolongés et, dans un deuxième temps, c'est-à-dire postérieurement au 1er mai 1973, les baux se renouvelleraient pour des périodes de douze mois de telle sorte qu'il n'y aurait plus, ni dans le code civil ni dans le code des loyers, une date statutaire, indicative même, de terminaison des baux. On pourrait présumer que, peu à peu, les citoyens vont s'adapter à cette nouvelle situation et fixeront la durée de leurs baux et surtout la fin de leurs baux

suivant leurs options personnelles. Ceci permettrait d'avoir une meilleure répartition au cours de l'année quant à la terminaison des baux, de telle sorte que, pour les compagnies d'utilités publiques et leurs employés ainsi que pour d'autres domaines de l'activité, on n'aura pas un afflux massif de déménagements à certaines périodes de l'année.

Evidemment, la solution proposée ne guérit pas le mal instantanément; elle l'annonce plutôt et fait en sorte que, sur une période d'année, on évoluera vers la situation que j'ai décrite.

MLLE APRIL: Evidemment, il est très difficile de rompre cette coutume. J'imagine que cela va prendre plusieurs années.

M. CHOQUETTE: Oui.

MLLE APRIL: Surtout parce que vous mentionnez à l'article 23 que les baux du 1er mai 1973 seront renouvelés pour douze mois. C'est au début de l'article 23, si je me rappelle bien.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire le 1er mai 1973.

MLLE APRIL : Oui.

M. CHOQUETTE: Mais, sous réserve de l'article 2, évidemment, tout le bail est prolongé automatiquement pour une durée de douze mois.

MLLE APRIL: Pour une durée de douze mois.

M. CHOQUETTE: Mais, on ne peut pas échapper à ça parce qu'il faut quand même trouver une période de prolongation. C'est pour cela que nous introduisons la notion de douze mois plutôt qu'une terminaison le 30 juin, tel que prévu pour les baux actuellement en vigueur. Si quelqu'un pense à une solution encore plus brillante que celle-ci, je suis sûrement disposé à l'étudier.

MLLE APRIL: C'est une grande amélioration sur le premier texte.

M. CHOQUETTE: Concrètement, auriez-vous une suggestion à nous faire?

MLLE APRIL: Tout à l'heure, j'avais suggéré — évidemment, c'est très vague — dans la deuxième... J'ai changé un peu ce que j'avais proposé dans le mémoire. Je suggérais une date entre le mois d'avril et le mois de novembre, que ces baux soient prolongés durant cette période qui est la période la plus favorable au déménagement, que les deux parties s'entendent pour fixer une date durant cette période. Je me demande si on pourrait le faire.

S'ils ne s'entendent pas, qu'ils aillent devant le commissaire. Est-ce que ce serait possible?

M. CHOQUETTE: Et le commissaire, en plus de fixer le loyer, si on ne s'entend pas sur le loyer, fixerait-il en plus la période du bail?

MLLE APRIL: Pour un certain temps; tous les baux qui se terminent à l'heure actuelle, le 1er mai, et qui tombent sous la Régie des loyers. Si on dit que les parties pourront à partir du 1er mai, s'entendre avec leur propriétaire pour fixer une autre date, du 1er mai au 1er novembre, durant cette période-là, si les deux parties ne s'entendent pas, qu'elles consultent le commissaire et le commissaire tranchera la question.

Je ne sais pas si mon idée est bonne.

M. CHOQUETTE: C'est sûrement une solution de rechange. Maintenant, est-ce qu'on devrait déterminer des critères au commissaire pour qu'il rende jugement dans un sens ou dans l'autre? Il faudrait quand même qu'il prenne en considération l'intérêt divergent des parties.

MLLE APRIL: Des deux parties.

M. CHOQUETTE: C'est là que cela peut être difficile pour lui de trancher dans un tel litige.

MLLE APRIL: Oui, mais autrement qui va briser la coutume?

M. CHOQUETTE: Là, on introduit quand même la notion de douze mois comme c'est le renouvellement traditionnel des baux. On a aboli le 1er mai, on a dit que c'était le 30 juin pour la première année et on introduit quand même fortement dans le texte la notion de la liberté de contracter des parties pour déterminer des périodes qui peuvent être plus courtes que douze mois ou même plus longues que douze mois.

Nous allons noter votre suggestion quand même, Me April, nous allons y réfléchir et voir si nous pouvons y donner suite.

MLLE APRIL: Merci, M. le ministre.

M. HARDY: II y aurait aussi, M. le Président, la possibilité que Bell Canada, comme d'autres compagnies, qui sont intéressées à ce que la coutume de la date fixe disparaisse, puisse faire une certaine publicité pour amener les gens à fixer d'eux-mêmes d'autres dates,

MLLE APRIL: Sûrement que la compagnie est prête à faire toute la publicité nécessaire dans tout le territoire qu'elle couvre.

M. CHARRON: Les taux vont augmenter. MLLE APRIL: Pas nécessairement.

M. CHOQUETTE: Oui, mais avec la théorie de M. Raymond Laliberté...

M. CHARRON: Je veux poser une question au ministre sur un amendement qu'il vient de proposer. En somme, la règle demeurera de douze mois mais on introduit la notion d'un commun accord entre locataire et propriétaire pour briser cette règle.

M. CHOQUETTE: Le grand problème, l'origine du problème, ce n'est pas sur les douze mois comme étant une période de renouvellement qui serait acceptée comme étant la période qui s'impose entre les parties à défaut d'accord entre elles. Ce n'est pas vraiment là l'origine du problème. L'origine du problème, c'est qu'il s'est établi dans le Québec une tradition qui a peut-être pris naissance, remarquez bien, dans le code civil qui précisait que les baux commençaient le 1er mai, tandis que dans tous les autres Etats et provinces de l'Amérique du Nord, il n'y a jamais eu telle tradition.

Alors, quant à nous, il faut nous départir de cette tradition. C'est très difficile de le faire, parce qu'on ne peut pas arriver du jour au lendemain et dire: Les baux vont se renouveler de douze mois en douze mois; sinon, on va revenir au 1er mai.

MLLE APRIL : C'est ce qui va arriver.

M. CHOQUETTE: II faut essayer de briser...

UNE VOIX: Le consentement mutuel fixera...

M. CHARRON: Alors, c'est pour cela qu'à partir du 1er mai 1973, ils seront reconduits de quatorze mois.

M. CHOQUETTE: C'est pour cela, c'est la raison. Même si on doit, dans une certaine mesure, vivre avec cette tradition déjà établie, il demeure, en analysant le reste des inconvénients, qu'il serait peut-être préférable, même si on doit avoir des renouvellements pour douze mois, qu'ils s'établissent à partir du 30 juin, à cause de l'aspect scolaire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. CHOQUETTE: Mais sans, d'aucune façon, que le législateur essaie de maintenir cette tradition.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Justement, M. le ministre, au sujet de la période de transition que vous avez mentionnée et pour la briser plus rapidement, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité que les baux durant cette année-là, c'est-à-dire 1973, soient de six, neuf ou douze mois? Automatiquement et plus rapidement, cela répartirait, seulement pour cette année de transition, je ne dis pas sur toute l'année... mais il y a plus de chances que l'année suivante les déménagements puissent s'effectuer tout en revenant à douze mois pour l'année suivante. Mais déjà, dès la première année, et cette année de transition, en en faisant une année exceptionnelle, de six, neuf ou douze mois, on pourrait peut-être faire trois mois.

Douze mois plus trois, cela ferait quinze mois à la fin de 1972, cela répartirait la période au moins en quatre parties. Après cette année de transition, on irait de douze mois en douze mois. Est-ce que ce serait possible?

M. CHOQUETTE: A quels baux s'appliqueront les renouvellements de six mois, neuf mois et douze mois?

M. PEARSON: Selon une entente entre les propriétaires pour modifier cela.

M. CHOQUETTE: On n'exclut aucunement l'entente entre les propriétaires pour modifier cela. Au contraire, le texte revient assez fréquemment sur le droit des citoyens de fixer eux-mêmes des dates appropriées quant au renouvellement de leurs baux.

Quelqu'un avait avancé une théorie assez paradoxale mais intéressante, à savoir qu'on devrait mettre la terminaison des baux à une date où personne n'en voudrait, par exemple le 30 décembre. Cela obligerait tout le monde à faire un choix. C'était paradoxal, mais pas si bête que ça.

Au point de vue législatif, je ne veux pas dire que je souscris à cette théorie, mais...

M. HARDY: La théorie du paradoxe.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je m'associe à tous mes collègues qui ressentent une certaine joie de voir que le ministre n'est pas captif du texte qu'il nous a proposé dans la rédaction à premier jet du bill 59. Il nous annonce un peu timidement certains amendements qu'il se propose d'apporter aux texte de loi et je suis sûr que c'est une porte ouverte à d'autres amendements que ses conseillers voudront bien lui suggérer et qui s'imposent d'ailleurs.

J'ai noté que le ministre ne retient pas, pour le moment, les recommandations qui nous furent faites à l'effet que l'augmentation permise aux locateurs devrait être de 3 p.c. au lieu de 5 p.c. parce que, dans le texte de ses amendements, le ministre retient encore ce taux de 5 p.c.

M. CHOQUETTE: Non, non. Est-ce que le député de Maskinongé me permettrait de faire une petite rectification?

M. PAUL: Certainement.

M. CHOQUETTE: Je n'ai voulu d'aucune façon consacrer les 5 p.c. Si j'ai mentionné 5 p.c. dans l'amendement proposé, c'est parce que je m'en reporte aux texte général tel qu'il existe dans le projet de loi, mais je ne me prononce pas sur cet aspect à l'heure actuelle.

M. PAUL: Vous voyez, M. le Président, que nous avons raison d'espérer encore plus du ministre, parce qu'il vient lui-même de confirmer sa bonne intention d'améliorer ce projet de loi.

M. DEMERS: II améliore son pourcentage.

M. PAUL: Je voudrais poser quelques questions à Me April, que je veux féliciter pour la qualité de son mémoire. Ce qui me surprend, c'est qu'il nous arrive très souvent de voir le même point de vue, d'entendre le même son de cloche entre employeurs et employés. Dans l'étude de ce projet de loi, les employés de Bell Canada et les directeurs de la compagnie, les administrateurs sont parfaitement d'accord sur les difficultés de la tâche qu'ils doivent accomplir à l'occasion des déménagements massifs que l'on connaît au Québec.

Vous me permettrez de vous demander si les difficultés que vous nous avez signalées, que l'on retrouve dans votre mémoire, existeraient quand même si, par hypothèse, en nous permettant de rêver en couleur quelques instants, il y avait étatisation ou nationalisation de Bell Canada. Est-ce que les difficultés seraient les mêmes? Parce que vous savez qu'il y a un certain chef politique qui, actuellement, à l'occasion d'une campagne, prêche la nationalisation. Il y en a un autre, qui n'est plus avec nous et qui a fait une expérience malheureuse avec la nationalisation de l'électricité. Il y a aussi le premier ministre de la Colombie-Britannique qui présentait hier un projet de loi pour nationaliser la BC Telephone. Est-ce que vous pensez que le problème de la nationalisation ou de l'étatisation du Bell Telephone créerait les mêmes difficultés administratives que celles que vous nous avez signalées ce matin?

MLLE APRIL: Elle en causerait peut-être davantage.

M. PAUL: Est-ce que vous croyez à une réduction du tarif si la nationalisation se produisait?

MLLE APRIL: Ce n'est pas mon domaine, je ne peux vraiment pas vous répondre sur la question des tarifs.

M. PAUL: II faut toujours faire un retour vers le passé pour éviter les erreurs de l'avenir. Tout en étant sérieux, puisque je n'ai aucune réaction, du moins pour le moment, je voudrais demander à Me April la portée précise des remarques que l'on retrouve au bas de la page 4 du mémoire où il est dit: "Bien que ce comité ait aidé jusqu'à un certain point la compagnie à faire face aux exigences, la plus grande difficulté consiste à trouver le personnel qualifié pour accomplir, dans cette période relativement courte, la somme exceptionnelle de travail qui se présente chaque année, à la même époque.

Si, d'un autre côté, je me réfère au nombre d'heures supplémentaires que les employés doivent faire et acceptent de faire, est-ce que vous voulez dire par là qu'il vous est impossible d'embaucher du personnel occasionnel ou pour une période donnée, pour compléter tout le travail qui s'impose ou si, à un moment donné, les employés de la compagnie refusent de faire davantage les heures supplémentaires de travail?

MLLE APRIL: J'ai mentionné, évidemment, que la compagnie est soumise aux dispositions du code canadien du travail. Alors, les heures supplémentaires sont limitées. Maintenant, la compagnie peut toujours engager du personnel supplémentaire, c'est ce qu'elle fait tous les mois de mai. Mais, au mois de juin, à cause de la période des vacances, il serait très difficile de trouver le personnel supplémentaire. On le trouverait, évidemment, mais le travail serait exécuté dans une période beaucoup plus longue et nous aurions énormément de plaintes de tous les abonnés. Le service ne serait pas de la même qualité. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.

M. PAUL: Oui, c'est parfait. Dans un autre domaine, vous avez mentionné qu'il y avait près de 243,000 raccordements qui devaient être effectués entre le 28 avril et le 20 mai environ, pour satisfaire aux besoins des abonnés. Est-ce que vous pourriez nous donner le pourcentage de ces raccordements nouveaux qui doivent être effectués, par exemple dans la ville de Montréal et dans la ville de Québec, et nous dire quel est le reste pour le territoire du Québec?

MLLE APRIL: Je pense que M. Campeau pourrait répondre à cette question.

M. CAMPEAU: Merci, Me April. M. le député de Maskinongé, M. le Président, pour répondre à votre question, je dois dire que le pourcentage de Montréal et de Québec se lit comme suit — cela varie d'année en année — environ 80 p.c. à Montréal et 20 p.c. dans le reste de la province de Québec. De ces 20 p.c. pour le reste de la province de Québec, il y a environ 15 p.c. dans le Québec métropolitain.

M. PAUL: Votre gros problème est dans la ville de Montréal. Cela se comprend, à cause des déménagements qui sont plus nombreux.

M. CAMPEAU: Toutes proportions gardées,

notre gros problème existe à Montréal et à Québec.

M. PAUL: Le retard des services doit surtout affecter les abonnés de Montréal et de Québec.

M. CAMPEAU: En fin de compte, cela regarde tous les services, non seulement ceux de l'installation mais aussi ceux de la réparation, étant donné que nos techniciens sont affectés à l'installation, nécessairement le service de la rectification des défectuosités en souffre aussi, parce que les réparateurs que nous avons là sont aussi affectés à l'installation des postes téléphoniques. Le problème existe et il est sérieux, à Québec et à Montréal surtout, Trois-Rivières vient en troisième place à ce point de vue, ainsi que Sherbrooke et Chicoutimi, dans cet ordre d'idées.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Campeau. Je voudrais m'informer si la convention collective qui lie la compagnie Bell Canada avec ses employés oblige la compagnie à donner à ses employés leurs vacances durant les mois de juillet et août.

MLLE APRIL: Est-ce que vous pouvez répondre à ceci, M. Campeau?

M. CAMPEAU: Je pourrais répondre à cette question, je crois. Pas nécessairement, les vacances sont données aux employés en considération des années de service à Bell Canada; les vacances sont données, en deuxième lieu, en tenant compte des demandes de service que nous avons à fournir à nos abonnés.

M. PAUL: Pour la date, c'est-à-dire l'option que pourrait faire un employé qui voudrait avoir une période de vacances de trois semaines, du 15 juillet au 7 août, est-ce que la compagnie peut lui refuser son droit de vacances?

M. CAMPEAU: Oui. C'est contenu dans la convention collective.

M. PAUL: Est-ce que c'est sujet à un grief?

M. CAMPEAU: Cela peut être sujet à un grief, s'il y a trop de refus, nécessairement, soit à cause du service que nous devons fournir, ou à cause d'autres éléments qui forceraient nos employés à retourner au travail et repousseraient leurs vacances durant la période d'hiver. Oui, ce serait sujet à grieï.

M. PAUL: Je voudrais demander à Me April de nous expliquer les conclusions de la page 10 du mémoire, où elle nous dit: L'efficacité de la compagnie en serait accrue, parce qu'à l'abri de cette crise annuelle, etc... et Bell Canada pourrait réduire ses dépenses d'exploitation et d'immobilisations, cela est normal.

Mais ce qui est suave, à mon point de vue, ce sont les mots suivants: "ce qui diminuerait d'autant les effets sur les tarifs téléphoniques." Est-ce que la compagnie a établi une projection quant à une diminution possible du tarif si cette crise annuelle, dont vous parlez dans votre mémoire, disparaissait ou si elle était répartie sur une période de douze mois?

M. CHARRON: Puis-je noter, avant que Me April me réponde, qu'il est bien écrit:... diminuerait non pas les tarifs téléphoniques mais les effets sur les tarifs téléphoniques.

M. PAUL: Oui, oui.

M. CHARRON: C'est-à-dire qu'au lieu d'augmenter au rythme catastrophique comme cela est le cas chaque année, la catastrophe pourrait être moindre. On a bien dit que c'est sur les effets qu'ils diminuaient, non pas sur les tarifs.

M. PAUL: D'ailleurs, c'est ce qui s'est passé à l'Hydro-Québec.

M. CHARRON: Cela est bien écrit en français.

MLLE APRIL: Evidemment, il y a un effet mais il est très faible sur les tarifs téléphoniques. Et de toute façon, hier soir, on a décidé de ne pas le mentionner. Si vous avez remarqué, lorsque j'en ai fait la lecture, je ne l'ai pas mentionné. Et il était trop tard ce matin pour faire passer un amendement. Alors, je m'en excuse.

M. PAUL: On ne vous le reproche pas.

MLLE APRIL: Je voulais corriger ceci parce que ce n'était pas d'une importance capitale.

M. PAUL: Non, non. On ne vous le reproche pas mais c'est peut-être par acquit de conscience que nous nous sommes interrogés sur cet argument qu'on retrouve dans votre mémoire.

MLLE APRIL: Mais cela a un effet très faible.

M. PAUL: Alors, je vous remercie, Me April et messieurs les vice-présidents de la compagnie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: Je pense que le mémoire qui a été présenté ce matin est passablement précis et passablement clair. Le principal aspect est celui de la date. On en a discuté lors de la déposition des autres mémoires. C'est le même problème qu'affrontent différents organismes, que ce soient les employés de Bell Canada ou les déménageurs professionnels et autres organis-

mes du genre. Ce qui a été présenté par le ministre, ce matin, est de nature à améliorer encore la situation mais je pense que nous pourrons en rediscuter et peut-être finir plus précisément le travail. Parce que les suggestions faites méritent d'être retenues, surtout la première qui est celle de l'expiration, tout au long de l'année, des baux. Alors, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Moi aussi, je serai très bref. D'abord, je voudrais signaler à Me April et aux dirigeants de la compangie qui l'accompagnent, que, dès l'ouverture des travaux de la commission sur le projet de loi 59, notre parti avait déposé quelques remarques qui nous semblaient devoir être étudiées au cours des séances de la commission, à l'aide de témoins, comme vous qui êtes venus ce matin. Et une de celles-là était justement d'enlever la date fixe et de poser une date variable à l'expiration des baux. Et il est rare que Bell Canada et le Parti québécois tombent d'accord. C'est pourquoi on peut le signaler ce matin. Il est également rare que nous ayons l'occasion, ici au gouvernement du Québec, d'avoir des représentants de la société Bell Canada parce que les québécois ne contrôlent pas ce précieux domaine des communications. Et c'est une autre majorité, un autre gouvernement, qui décide pour nous, ce qui fait que, comme le député de Maskinongé, il pourrait bien être tentant de poser plusieurs questions sur les agissements de Bell Canada.

M. HARDY: Je me demande si c'est bien pertinent à l'objet de nos travaux.

M. CHARRON: Je m'attendais à une telle intervention, peut-être pas du député de Terrebonne, peut-être de quelqu'un d'autre mais comme le député de Terrebonne a laissé aller la question du député de Maskinongé, j'imagine que, dans son même esprit, il ferait la même chose.

M. PAUL: ... faire appel au règlement?

M. CHARRON: Non, non. Pas du tout. Je vous permettais de le faire parce que...

M. PAUL: Est-ce que vous reprochez au député de Terrebonne de faire un appel au règlement si vous n'avez pas eu le courage de le faire vous-même?

M. CHARRON: Non, je ne demande pas un appel au règlement au député de Terrebonne. Je lui demande simplement un appel à la politesse et de me laisser faire ce qu'il vous à permis de faire.

M. PAUL: Non.

M. CHARRON: J'ai trouvé que vous aviez parfaitement le droit de le faire.

M. PAUL: Non. Pas plus le député de Terrebonne que d'autres m'ont permis de poser des questions que je jugeais pertinentes et le député de Terrebonne s'est interrogé quant à la pertinence de mes questions...

M. CHARRON: C'est cela. Et il avait parfaitement raison.

M. PAUL: Mais là, il va beaucoup plus loin. Il ne s'interroge plus; il constate que vos questions sont irrégulières et il soulève un point de règlement.

M. CHARRON: Mais je n'en ai même pas posé!

M. PAUL: Bien oui. Mais justement, on vous connaît. Quand vous partez, vous n'arrêtez plus!

M. CHARRON: Cela est flatteur!

M. PAUL: Ne pas avoir de contrôle verbal n'est pas flatteur du tout.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: Je pense que tous les spectateurs et auditeurs ici présents sont en mesure de constater jusqu'à quel point il est difficile de gouverner avec de telles oppositions.

M. CHARRON: Je voudrais vous demander, profitant de votre passage à la commission parlementaire, à combien on évalue les coûts qui, chaque année, sont occasionnés aux consommateurs québécois, le taux de réinstallation de téléphones occasionné par les déménagements. Parce que ça ne se fait pas sans frais et si j'ai bien remarqué, au cours des années, les frais de réinstallation de téléphones ont considérablement augmenté.

Je viens de déménager ici dans la ville de Québec et la réinstallation du téléphone a été quelque chose comme $13, si je ne m'abuse. Alors, quel est le taux?

M. HARDY: Cela dépend du nombre d'appareils.

M. CHARRON: Comment est fixé le taux de déménagement et comment rapporte-t-il annuellement à la compagnie, en proportion de ses revenus?

M. CAMPEAU: Le taux est fixé par la Commission fédérale des transports. Le taux pour un appareil individuel est de $9 et le montant d'argent que ça rapporte à la compagnie, que l'on devrait appeler une récupération

des dépenses et non pas un revenu comme tel —je parle de la zone est, étant donné que je suis affecté aux prévisions budgétaires pour la zone est principalement — se situe entre $15 millions et $18 millions par année, pour tous les raccordements qui sont faits vers les abonnés.

M. CHARRON: C'est-à-dire $15 millions à $18 millions par année, après avoir payé les employés.

M. CAMPEAU: Non.

M. CHARRON: Que reste-t-il net?

M. CAMPEAU: Me April a mentionné que les déménagements du mois de mai s'élevaient à environ $10 millions. Au point de vue de l'exploitaton, ce que nous appelons communément une dépense d'exploitation nette, la récupération que nous pouvons faire en demandant $9 pour réinstaller ou déménager un téléphone est exclue du montant de $10 millions qui devient une dépense nette.

Si nous avons 200,000 raccordements à $9 le raccordement, ça fait près de $2 millions de récupération. Parce que le téléphone même, à la compagnie, pour le raccorder, coûte plus cher que ça.

M. HARDY: II n'y a pas de bénéfice quand vous raccordez.

M. CAMPEAU: II n'y a pas de bénéfice. Ce n'est pas considéré comme un revenu comme tel.

M. HARDY: Alors vous n'êtes pas intéressé à accroître le nombre de raccordements.

M. CAMPEAU: Absolument pas.

M. CHARRON: Mais, si je comprends bien vos chiffres, allez-vous dire que la période de mai est une période où, à cause des raccordements justement, la compagnie fonctionne à perte?

M. CAMPEAU: Certainement, vers les raccordements, associés aux déménagements du mois de mai.

M. CHARRON: A quoi, alors, attribuez-vous — puisque d'année en année la compagnie n'est pas capable de récupérer ses pertes — la hausse du taux?

M. CAMPEAU: Cela relève du domaine de Me April.

M. HARDY: M. le Président, nous sommes vraiment dans un autre champ de juridiction.

M. CHOQUETTE: Je crois que le député de Terrebonne a tout à fait raison. Jusqu'ici, je pense que les questions du député de Saint-Jacques pouvaient être considérées comme pertinentes, mais quand nous arrivons dans...

M. CHARRON: Je l'admets, vous avez parfaitement raison, les questions que j'étais à poser n'ont... Mais, c'est parce qu'il y a certains moments où, du fait de notre impuissance, nous sommes incapables de poser des questions, de contrôler ça...

M.HARDY: M. le Président, le député de Saint-Jacques fait constamment de la projection, surtout en parlant d'impuissance.

M. PAUL:Cela a peu d'importance. M. CHARRON: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres qui désireraient poser des questions à nos invités?

Sinon, j'inviterais le ministre à donner la conclusion.

M. CHOQUETTE: Je désire simplement remercier Bell Canada.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions. J'invite maintenant Me Micheline Audette-Filion qui est le porte-parole du Barreau du Québec.

Je lui demanderais de bien vouloir nous présenter ses compagnons.

Barreau du Québec

MME AUDETTE-FILION: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, j'ai le plaisir de vous présenter à ma gauche, Me Gatien Roy de Québec; à ma droite, Me Jean Guilbeault de Montréal qui a eu l'occasion de siéger comme administrateur durant environ trois ans, je crois, à Montréal; Me Séverin Lachapelle qui a travaillé également avec nous, mais qui a été malheureusement dans l'impossibilité de venir vous rencontrer à cause d'une maladie soudaine.

En étudiant le projet de code des loyers, le Barreau du Québec s'est efforcé de s'en tenir le plus strictement possible à l'aspect juridique de la question. D'autres sont venus, devant vous, vous parler de l'aspect économique, d'autres de la nature sociale des mesures suggérées par le code des loyers. Nous n'avons pas l'intention ici de prendre parti ni pour les uns ni pour les autres, laissant aux membres de la commission et aux législateurs le choix et la responsabilité de faire la part des choses.

Nous sommes d'opinion que, dans le but de protéger le citoyen du Québec et de lui assurer des conditions de logement convenables, un certain contrôle et une certaine règlementation des rapports entre les locateurs et les locataires sont sans doute nécessaires.

Nous ne sommes pas sans savoir que plusieurs contrats de location deviennent trop facilement des contrats d'adhésion. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que les solutions proposées par le code des loyers soient les meilleures dans les circonstances. Nous ne sommes pas convaincus que le genre de contrôle proposé par le code des loyers soit le plus approprié. Nous ne sommes pas convaincus que ce genre de contrôle doive être étendu à toutes les catégories de locaux d'habitation dans la province, peu importent l'âge de ces locaux, leur dimension ou les qualités des occupants qui pourront en bénéficier.

En effet, le projet de loi qui nous est proposé a pour but — comme d'ailleurs le ministre de la Justice l'a fait remarquer au cours de la présentation du projet de loi devant la commission parlementaire — de rendre permanente et quasi générale une législation d'exception qui a été adoptée en 1951 pour pallier à ce moment une situation spéciale et exceptionnelle.

Nous nous demandons s'il est nécessaire aujourd'hui d'adopter une forme de contrôle qui va jusqu'à mettre de côté la liberté contractuelle qui est un principe fondamental dans notre droit et cela au profit d'une politique imposée de fixation des loyers et de prolongement des baux. En effet, le code des loyers, que vous nous proposez, va beaucoup plus loin que la loi de conciliation qui existe actuellement.

Nous pensons que, si un principe aussi fondamental que la liberté contractuelle doit être écarté, ce doit être avec une extrême prudence et après y avoir réfléchi mûrement.

Si le législateur en vient à la conclusion qu'une certaine forme d'intervention est nécessaire, que ce soit en imposant et en généralisant la fixation des loyers et la prolongation des baux, que ce soit en limitant cette intervention à une catégorie de locaux d'habitation, catégorie qui pourrait, semble-t-il, varier suivant les zones économiques, comme c'est d'ailleurs le cas avec la loi actuelle.

Nous soumettons avec insistance que cette intervention ne devrait avoir lieu que sur demande de l'une des parties. En conséquence, les articles 14 et 17 du projet de loi pourraient disparaître, ce qui éviterait aux législateurs et aux parties un fardeau administratif très lourd. Nous pensons qu'il n'y a pas lieu d'autre part de soumettre une modalité de la conclusion des contrats à la production ou à la non-production de formules administratives.

En dehors de ces remarques générales, l'étude du projet de loi nous a permis de constater que non seulement le projet de loi écarte le principe de la liberté contractuelle en matière de loc. et loc. mais également, que le projet de loi amène de sérieux inconvénients: dualité de recours, dualité de juridiction, dualité de législation. Dualité de législation. Nous avons déjà un chapitre au code civil sur le louage de choses en général et même une sous-section qui traite des règles particulières au bail de maison. Nous avons également une loi qui est prolongée d'année en année et qui est la loi de conciliation des propriétaires et des locataires, mais cette loi ne s'applique qu'à une certaine catégorie d'habitation.

On nous présente maintenant une législation nouvelle qui traite des mêmes sujets, en partie du moins, déjà traitées dans le code civil, soit les causes d'éviction et de résiliation des baux, les questions relatives aux réparations des locaux d'habitation, des avis de congé, etc., sans que pour autant les dispositions analogues ou semblables du code civil aient été abrogées ou mises de côté. Au contraire, l'article 42 stipule que rien dans la présente loi n'empêche l'exercice des recours prévus au code civil. Nous sommes donc, à ce moment, en face d'un conflit dans les deux textes de loi: Lequel a préséance? Dans certains cas, on peut même noter des contradictions et des problèmes qui résulteront de l'interprétation des deux lois et de la coexistence des deux textes. Par exemple, l'article 22 et l'article 23 du code des loyers sont proposés sans que l'article 1658 du code civil, qui précise que les baux écrits se terminent à la date mentionnée dans le bail, soit abrogé.

Dualité de recours. On en vient à créer deux recours distincts qui s'appliquent tantôt et tantôt ne s'appliquent pas, c'est-à-dire qu'on a un recours devant les commissaires, qui sont des fonctionnaires de l'Etat, et un recours en vertu du code civil devant la cour de droit commun. Prenons un exemple — celui qui saute aux yeux d'ailleurs lorsqu'on étudie le projet de loi — soit la résiliation du bail et l'éviction dans le cas de non-paiement du prix du loyer. Nous sommes en face d'une situation par laquelle nous pouvons demander et l'éviction et la résiliation du bail, soit devant le commissaire, soit devant la cour ordinaire. Mais cette demande ne peut se faire devant le commissaire que quatre semaines après le défaut de paiement. D'autre part, si les textes restent tels qu'ils sont, le locateur pourrait, quand même, dès le troisième jour après le défaut, si le loyer est stipulé payable le 1er du mois, le 3, intenter devant la cour ordinaire son recours en réclamation du loyer. Son recours en dommages pourrait également être intenté à cet endroit ainsi que les mesures conservatoires, saisie-gagerie ou autres, qui pourraient se greffer à son action.

M. PAUL: Tout en n'oubliant pas la loi 70.

MME AUDETTE-FILION: Egalement. Je ne peux pas parler de trois juridictions puisque la division des petites créances de la cour Provinciale est simplement une division de la cour Provinciale. Mais, évidemment, la réclamation pourrait aller soit devant un commissaire soit devant un tribunal de droit commun, et, selon le montant de l'action, peut-être devant la division des petites créances où il semblerait,

d'après la jurisprudence qui s'établit, que les mesures conservatoires ne soient pas possibles.

Egalement la question de la litispendance n'est pas réglée par le code des loyers. On pourrait arriver à une situation en vertu de laquelle une des parties pourrait former une réclamation devant le commissaire tandis que l'autre pourrait le faire devant la cour. On donne donc en vertu du code des loyers, une juridiction nouvelle qui fonctionne en parallèle, celle des fonctionnaires nommés par l'Etat. Au surplus, ces fonctionnaires ne sont pas soumis au droit de surveillance et de contrôle de la cour Supérieure et les mesures extraordinaires, injonction et autres recours sont écartés.

Nous pouvons supposer que les commissaires adopteront des règles de procédure et de preuve qui pourront être différentes de pelles qui sont appliquées devant les tribunaux de droit commun et cela, toujours, je le rappelle, pour la même matière et le même objet.

Il est aussi question de la formation d'un tribunal d'appel des décisions des commissaires. Nous pensons qu'il n'y a pas lieu de multiplier les tribunaux administratifs et que l'appel pourrait fort bien se faire directement aux tribunaux de droit commun ou probablement à la cour Provinciale. C'est d'ailleurs ce qui est prévu par le bill 48, la Loi de l'évaluation municipale, où l'on crée un recours d'un tribunal quasi administratif à la cour de droit commun.

Dans le cas du bill 65, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on crée également un recours, une juridiction d'appel qui va directement à la cour Provinciale, ce qui évidemment, permettrait... On a suggéré la semaine dernière que le tribunal soit itinérant, puisse se déplacer à travers la province, mais si on donnait la juridiction d'appel directement au tribunal de droit commun, les causes iraient naturellement au district judiciaire où elles s'appliquent. Le juge en chef pourrait alors, si le volume est suffisant, affecter un juge spécialement à l'audition de ces causes-là. Mais, de toute façon, déjà en vertu du code civil, la cour de droit commun a déjà une juridiction en matière "loc. et loc", ce qui n'augmenterait sûremeni pas énormément son fardeau et permettrait au justiciable d'avoir accès à la cour de son district plutôt que de devoir attendre soit la venue du tribunal du loyer ou de voir à se présenter à Montréal au siège social du tribunal.

Maintenant, en matière d'habitation et de logement, nous pensons que le problème principal n'est peut-être pas comme tel le contrôle du coût du loyer et que, si on veut vraiment protéger le locataire, ce n'est pas une loi ou ce n'est pas seulement une loi qui fixe le coût du loyer qui va résoudre le problème. Evidemment, le problème est beaucoup plus complexe. On a parlé devant vous de politique d'habitation et tout. Nous pensons qu'on aurait pu envisager ou qu'on pourrait envisager une loi semblable à la Loi de la protection du consommateur, une loi pouvant être soit dans le code civil ou dans une loi séparée. On peut envisager un recours ou une action possible semblable à celui de l'article 1040 du code civil ou la Loi de la protection du consommateur elle-même, qui crée la possibilité de demander l'annulation d'un contrat là où le contrat est grossièrement exagéré ou disproportionné, où les obligations réciproques des parties sont disproportionnées. Nous soulignons que la Loi de la protection du consommateur, qui a pour but de protéger le consommateur, fait en sorte d'avertir le consommateur, de l'informer de façon qu'il contracte en toute connaissance de cause. On le protège également contre certaines clauses que l'on considère abusives, mais on ne va pas jusqu'à fixer le prix des objets vendus, non plus qu'à obliger les parties à contracter, ce que le code des loyers fait.

Maintenant, j'aimerais prendre rapidement le mémoire, article par article, mais sans le lire; je vais simplement souligner les principales recommandations.

A l'article 2, nous pensons que puisque les commissaires doivent entendre et décider des litiges, ils ont donc un pouvoir judiciaire. Il serait donc bon qu'ils aient une formation juridique et qu'ils soient avocats. Je pense qu'en général, en vertu de la Loi de la conciliation, c'est habituellement ce qui se fait, mais il serait peut-être bon que ce soit mentionné dans la loi.

A l'article 7, c'est un problème qui a été soulevé déjà devant vous, la question du jugement du commissaire qui doit être rendu avec diligence, nous suggérons un texte semblable à celui qui est dans le code de procédure civile à l'effet qu'il soit possible de s'adresser au chef commissaire aux loyers pour faire replacer la cause au rôle, lorsqu'après un délai raisonnable il n'y a pas de jugement de rendu.

L'article 14 rejoint nos recommandations antérieures, à l'effet qu'il n'y a pas lieu de créer une banque administrative de données qui fera que tous les renseignements concernant les baux d'habitation au Québec seront codifiés dans ce genre de banque de données. Nous soumettons de toute façon que, si le législateur tient à cet article, on devrait au moins prévoir quels sont les renseignements qui pourraient être prescrits par la réglementation. Nous soumettons que ces renseignements ne devraient porter que sur la qualité du local d'habitation et non pas sur la qualité des personnes; par exemple, on ne pourrait demander au locataire quel est son salaire, ou au propriétaire combien il lui en a coûté l'année dernière pour refaire la toiture.

Sur cette question justement de la réglementation, nous soumettons que nulle part dans le projet de loi il n'est question des matières dans lesquelles la réglementation peut être adoptée.

L'ancienne loi de la conciliation avait un article à cet effet. Nous pensons que la loi doit énumérer les matières susceptibles de réglementation et que cette réglementation devrait être publiée et peut-être être entendue en commis-

sion parlementaire ou autrement avant d'être adoptée.

Sur les articles 15, 19 et 20, la question des 5 p.c. a longuement été débattue par tous et chacun. Nous n'avons pas d'opinion particulière sur cette question et surtout pas sur le montant ou sur le pourcentage. Nous soumettons que l'intention du législateur semble être que les 5 p.c. sont indicatifs seulement et que, de toute façon, il pourrait y avoir, dans tous les cas, une demande de révision. Si on enlève les déclarations automatiques à chaque fois qu'un bail est conclu et que l'intervention des commissaires ne vient que sur demande, nous croyons qu'il n'y a pas lieu de conserver ce montant de 5 p.c. Evidemment les locataires prétendent aussi qu'il y a danger d'institutionnalisation du montant.

Le mécanisme de la demande pourrait être celui qui est prévu par la loi actuelle à l'article 20. Quant aux articles 22 et 23, nous nous sommes demandé, d'ailleurs nous avons posé la question lorsque vous avez soumis votre amendement, M. le ministre, si les baux à durée indéterminée — soit les baux faits à la semaine, ceux qui sont payables tant par semaine, tant par mois — sont visés par cette loi. Cela ne nous semble pas clair d'après le texte qui est proposé. Quant à l'amendement proposé, tantôt, à l'article 24, il est question d'un avis de quinze jours si le bail est de moins de trois mois. Nous demandons ce qui se produirait dans le cas d'un bail à la semaine, savoir si on devrait donner encore un avis de quinze jours pour un bail à la semaine. C'est le problème que nous voyons.

A l'article 24 b), nous pensons qu'il y aurait lieu d'ajouter un changement dans les conditions du bail. Si le locateur veut augmenter le loyer ou changer une des conditions du bail, il semble que c'est un changement contractuel. Par exemple, on pense aux modifications d'espace, de services pour certains appartements. Il y a souvent des salles communes prévues à l'usage des locataires; à un moment donné, le locateur peut penser qu'il est préférable de convertir ces salles en logements. C'est un changement dans les services. Nous pensons que cela devrait être prévu à l'article 24 b).

A l'article 25, nous croyons que le mécanisme serait plus clair si on prévoyait que le locataire, sur réception de l'avis prévu au paragraphe b) de l'article 24, devait signifier au propriétaire avis de son intention de s'y conformer dans les quinze jours. C'est à peu près la formule qui était proposée par l'ancienne loi. A défaut de le faire ou de produire une demande au commissaire, il serait réputé avoir accepté, soit d'évacuer les lieux si c'était la demande du locateur, soit l'augmentation du loyer ou la modification aux conditions du bail.

A l'article 27, nous pensons qu'il faudrait prévoir le cas de diminution d'espace. D'autre part, vu que nous préconisons l'intervention du commissaire sur demande seulement, nous pensons qu'il faut ajouter une disposition analogue à celle qui figurait dans l'ancienne loi, soit de permettre au locataire de faire une demande de réduction de loyer au cas où ce qu'il aurait consenti à payer dans son bail — nous parlons d'un nouveau bail — serait de beaucoup supérieur ou exagéré par rapport au loyer payé par le locataire précédent. Cette demande devrait être faite dans les soixante jours après la prise de possession dans le sens de l'article 29 b) de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

A l'article 30, nous rappelons encore des dispositions de l'ancienne loi qui prévoyait que le locateur pouvait reprendre possession d'un local d'habitation pour y loger le nu-propriétaire, l'usufruitier, l'appelé, le grevé de substitution. A l'article 33 et à l'article 34, nous pensons qu'une cause également qui justifierait la reprise de possession de la part du locateur serait le désir de convertir ses logements en copropriété. Nous pensons que ceci aurait pour effet de favoriser le régime de la copropriété dans la province et de faire bénéficier certaines personnes du pouvoir d'avoir un appartement.

Sous l'article 36 a), nous pensons que le retard de quatre semaines qui est mentionné est trop long et devrait être réduit à trois semaines, tel que l'ancienne loi le prévoyait. La jurisprudence et la coutume sont déjà en ce sens et nous ne voyons pas de raison de prolonger ce délai. D'autant plus que, si nous fixons ce délai à quatre semaines, nous pouvons supposer que tous les derniers mois d'un bail ne seront éventuellement pas payés.

Sur la question de l'article 39, qui fait bénéficier le locataire du droit de quitter son local d'habitation pour aller habiter dans un HLM, nous pensons que le locataire pourrait proposer un nouveau locataire et présenter au locateur un bail signé ou enfin un nouveau locataire solvable. Nous croyons qu'il n'y a pas lieu d'encourager indûment les personnes à faire fi en fait de leurs obligations. Lorsqu'un bail est prévu et qu'une personne s'engage pour un certain montant, si, automatiquement, il est possible de déroger aux conventions prévues, celles-ci n'ont plus aucune valeur. Quant aux réparations, nous sommes tout à fait favorables à cet article, qui est l'article 41. Nous aimerions cependant que le commissaire soit en mesure de fixer le montant qui pourra être retenu sur le loyer. C'est-à-dire que ce montant devra être fixé sur production de pièces justificatives ou d'estimations de réparations de façon que, évidemment, on ne fasse pas de réparations exagérées et que le tout soit contrôlé par le commissaire. D'autre part, ce serait au locataire et non au locateur de fournir par la suite la preuve qu'effectivement les réparations ont été faites puisque c'est lui qui a disposé du montant, et également, que les réparations ont été payées.

A l'article 63, il s'agit de l'appel. Nous soumettons qu'il est absolument nécessaire de mentionner que l'appel suspend l'exécution de la décision du commissaire, parce, tel que

l'article est rédigé, la décision devient exécutoire après l'expiration du délai d'appel.

A l'article 65, nous revenons sur une question qui a déjà été discutée. Nous pensons que le locateur devrait pouvoir exiger, sous forme de dépôt ou autrement, un montant équivalent à un mois de loyer, surtout dans les cas où il s'agit de locaux qui sont loués meublés. Parce qu'à ce moment-là, ce serait la contrepartie du privilège du locateur existant au Code civil et qui précise que le locateur a un privilège sur les meubles qui garnissent les lieux loués. Ce privilège n'existant pas dans le cas d'un local meublé, nous pensons que le locateur devrait avoir quand même une certaine garantie. D'autant plus que l'article, tel que rédigé, aurait pour conséquence que, par exemple, un locataire louerait un local d'habitation trois mois avant d'en prendre possession et le locateur ne pourrait lui demander de dépôt. Ce qui fait qu'un locataire pourrait louer deux ou trois locaux d'habitation et, à la dernière minute, ne pas se présenter et le locateur serait aux prises avec ce bail et croirait avoir un locataire alors qu'il n'en a pas.

Ce sont nos principales recommandations. Si vous avez des questions, il nous fera plaisir d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: Très bien, maître. Etant donné que le ministre a dû s'absenter pour quelques minutes, en attendant son retour, j'inviterais le député de Maskinongé à vous poser quelques questions ou à faire des commentaires.

M. PAUL: A moins que l'honorable député de Saint-Henri désire faire des commentaires ou poser des questions au nom du gouvernement.

M. SHANKS: Je ne voudrais pas compromettre le ministre !

M. PAUL: Cela correspond un peu aux remarques du député de Springate qui dit qu'il n'y en a que trois ou quatre qui mènent dans ce parti.

De toute façon, M. le Président, je vais féliciter Me Filion et ses collaborateurs qui ont préparé ce mémoire. Je suis certain que ceux qui ne possèdent pas de code civil vont se dépêcher d'aller à la bibliothèque pour suivre toutes les implications du code des loyers que l'on retrouve dans le texte actuel, en regard des dispositions de notre code.

Je m'en voudrais de ne pas vous interroger, Me Filion, ou un autre de mes confrères, sur la position du juge qui devrait interpréter possiblement deux documents, ou du moins un document, à la suite d'une procédure entreprise par le locateur, en vertu des principes de droit commun, et, d'un autre côté, en vertu d'une procédure entreprise par un locataire, devant un commissaire. Qu'arriverait-il des règles de l'interprétation 1013 et suivantes du code civil?

MME AUDETTE-FILION: L'article 42 du code des loyers mentionne que rien dans la présente loi n'empêche un locateur ou un locataire d'exercer devant une cour de justice compétente les recours prévus aux articles 1624 et 1641 du code civil, sauf que le retard dans le paiement du loyer n'est une cause de résiliation, nonobstant l'article 1624 du code civil, que s'il excède quatre semaines. D'abord, nous nous sommes demandé si vraiment l'intention du législateur était de dire: Rien dans la présente loi, ou dans la présente section.

M. PAUL: C'est cela.

MME AUDETTE-FILION: D'autre part, pour autant qu'il s'agit d'expulsion et de résiliation du bail, il semble bien que, sauf pour la question des quatre semaines, les deux recours soient également disponibles et possibles et que les deux textes législatifs s'appliqueraient, à moins que l'un ne contredise complètement l'autre. C'est ce qui arrive dans certains cas. J'imagine que le code des loyers aurait peut-être préséance, vu qu'il s'agit d'une législation particulière, tandis que le code civil est une législation générale qui s'applique à tous les baux, même en matière commerciale et autre.

M. PAUL: Mais ce seront les tribunaux qui auront à le décider.

MME AUDETTE-FILION: Je pense que les tribunaux, à un certain moment, seront très confus devant cette situation, d'autant plus qu'en certains cas nous avons relevé un certain nombre d'exemples où c'est strictement contradictoire.

M. PAUL: M. le ministre, j'ai posé la question suivante à Me Audette-Filion: Qu'arrivera -t-il des règles de l'interprétation, suivant les articles 1013 et suivants du code civil, en tenant compte que, d'une part, la procédure peut être prise par un locateur, en vertu du droit commun, et, d'autre part, en vertu d'un locataire devant le commissaire. Et Me Audette-Filion nous a fait part de ses remarques.

Je voudrais également lui demander ce qui pourrait arriver au locateur qui ne se conformerait pas à une décision du commissaire, quant à des réparations devant être effectuées à son immeuble, de la part de l'ouvrier ou du fournisseur de matériaux qui pourrait prendre un privilège en donnant l'avis prévu par la loi. C'est donc dire, à ce moment-là, que le locateur devrait subir tous les inconvénients d'une décision du commissaire, et subir tous les ennuis des procédures éventuelles de la part, soit du privilège du fournisseur de matériaux ou de l'ouvrier.

N'y a-t-il pas encore un danger si les articles 2013 et suivants ne sont pas également amendés en regard de ces dispositions particulières, précises et exorbitantes, en ce sens qu'elles

sortent des règles générales de notre code civil?

MME AUDETTE-FILION: II est évident que c'est encore un des cas où on peut envisager que les conséquences du code des loyers seront beaucoup plus grandes qu'on ne l'avait prévu, en tenant compte de toute la législation actuelle et de l'ensemble, du reste du code civil. Evidemment, les articles tels que proposés sont quand même assez prudents en ce sens qu'ils obligent le locataire à demander d'abord une ordonnance pour faire faire les réparations comme première étape et que là également il y a un droit d'appel. Si le locateur ne fait pas les réparations, il doit encore revenir devant le commissaire pour demander le droit de retenir le paiement du loyer. Là aussi encore, il y a un droit d'appel. Les articles sont quand même assez prudents, en ce sens qu'ils prévoient un contrôle du commissaire aux deux étapes.

Enfin, il y a également les problèmes qui pourront en découler. De toute façon, je pense que, sur décision avec appel, le locateur n'aura vraiment pas le choix; il devra les faire, sinon il risque que le locataire les fasse faire à ses frais et, tel que le texte est dans le moment, il n'est pas assez précis. Au moins, le commissaire devrait dire: Les réparations ne devront pas dépasser tel montant, sur présentation d'estimation de réparations. Sinon, il n'y a pas de limite et, d'autre part, le locateur, comme vous le mentionnez justement, s'expose à l'enregistrement d'un privilège sur sa propriété.

Non seulement il est appelé à payer un prix qu'il ne contrôlera pas et des réparations dont il ne contrôlera pas l'amplitude, il est appelé également...

M. PAUL: En plus, il doit faire une espèce de reddition de comptes à son locataire suivant le dernier paragraphe de l'article 41, parce que le locateur devra fournir au locataire et au commissaire, à la date indiquée, la preuve que les réparations et améliorations ont été effectuées. Cela, c'est en admettant qu'il se soumette à la décision du commissaire.

MME AUDETTE-FILION: Sur cette question, j'ai l'impression qu'il y a peut-être une erreur dans le texte. Ce paragraphe venant à la suite de l'article qui prévoit que les réparations seraient faites par le locataire, nous pensons qu'il y a sans doute une erreur et c'est le locataire qui devrait produire au commissaire la preuve et qu'il a fait faire les réparations et qu'il a effectivement payé.

M. CHOQUETTE : C'est une erreur.

MME AUDETTE-FILION: Parce qu'encore là, nous revenons au même problème; s'il obtient la permission de retenir le montant du loyer et fait faire des réparations et ne les paie pas, le propriétaire va avoir le problème, peut-être justement du privilège.

M. PAUL: Le locataire, pour bénéficier de la retenue que lui avait autorisée le commissaire, devrait fournir la preuve qu'il a réellement acquitté les factures et payé le coût de la main-d'oeuvre.

MME AUDETTE-FILION: C'est ça. Ou même une renonciation; évidemment, ça dépend du cas. On pourrait même exiger une renonciation de privilèges.

M. PAUL: Le Barreau possède-t-il des statistiques quant à la disponibilté des logements, par exemple, dans la ville de Montréal?

MME AUDETTE-FILION: Non; nous ne nous sommes pas attachés du tout à ce problème. Nous avons pensé qu'il y avait d'autres organismes qui étaient beaucoup plus compétents que nous pour présenter une opinion sur ce sujet. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons présenté le mémoire en disant: Nous ne sommes pas convaincus qu'il faille une législation aussi draconienne; c'est au législateur de juger si vraiment la situation est à ce point effroyable qu'il doive vraiment intervenir et intervenir complètement, de façon à fixer, à toutes fins utiles, le coût des loyers dans tous les locaux d'habitation de la province, de façon à écarter complètement la liberté contractuelle dans le domaine de l'habitation.

M. PAUL: Vous ne vous êtes arrêtés qu'à l'aspect juridique, la portée juridique, sans ordonner ou sans posséder des statistiques pouvant inviter le législateur à agir avec prudence, sans nous démontrer s'il y avait carence de logements ou nécessité d'intervenir.

MME AUDETTE-FILION: C'est ça; nous nous bornons à dire au législateur: II est extrêmement grave de mettre de côté, dans un domaine en particulier et de façon complète, la liberté contractuelle. Est-ce que vraiment c'est la solution nécessaire? Nous n'en sommes pas convaincus, mais nous n'avons pas fait d'étude. Alors, disons que nous n'en jugeons pas. Mais nous soulignons qu'il est très grave de mettre de côté la liberté contractuelle et de prendre un contrôle aussi étendu et que cela doit être fait avec extrêmement de prudence et seulement dans les situations vraiment exceptionnelles, parce que c'est une situation d'exception, c'est une législation d'exception.

M.PAUL: Est-ce que ce n'est pas votre opinion que la loi 59 adoptée dans une version plus aérée ou dans ses grands principes actuels imposera la nécessité d'amender le code civil pour que nous ayons une similitude de textes au moins dans le code civil et dans le texte "code des loyers".

MME AUDETTE-FILION: Cela nous semble évident et c'est pour cela que notre première

recommandation est de réétudier la question; peut-être que ceci pourrait être étudié par l'Office de révision, qui a déjà d'ailleurs soumis des rapports dans ce domaine, en particulier sur la date de terminaison des baux et sur le contrat de louage en général. Nous pensons qu'il faut vraiment reprendre les deux textes parce qu'il y a vraiment une dualité de juridiction, une dualité de recours de juridiction et de textes. Nous aboutissons nécessairement avec le texte actuel à des problèmes juridiques considérables et à des situations complètement loufoques, en fait. L'exemple que je donnais tantôt, c'était que le locateur qui se trouvait devant le non-paiement pouvait réclamer des dommages et son loyer devant la cour ordinaire mais pouvait réclamer l'éviction devant le commissaire ou devant la cour ordinaire. Dans un cas, il doit attendre trois semaines, dans l'autre cas, il peut le faire dès le premier du mois, dès le défaut. H y a sûrement un ajustement à faire dans ce domaine, à tout le moins, et il y a aussi le problème de la litispendance.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Madame, on aura noté la présence ici, à cette séance de la commission parlementaire comme aux séances précédentes, du président de l'Office de révision du code civil, M. Crépeau, ainsi que son collaborateur, Me Jacoby.

Ceci indique bien que nous sommes très semsibles à la nécessité de faire en sorte que le texte définitif qui pourrait être adopté d'une loi intitulée "code des loyers" devra être concordant avec les amendements à apporter au chapitre du louage du code civil. J'ai même donné des instructions à l'Office de révision du code civil de reprendre toutes les études qu'il avait faites à ce jour sur différentes parties de ce chapitre et, en plus de cela, de continuer ses études de façon que, simultanément, nous apportions une législation, en somme, administrative, telle que celle prévue au projet de loi 59, et que nous apportions également un chapitre moderne et adapté qui traitera du louage au code civil. Ce sera donc au moins une des parties du code civil qui aura été rénovée, même si c'est prématurément, par rapport à ce que nous envisagions comme échéance, c'est-à-dire la présentation d'un nouveau code civil à la suite des études de l'Office de révision vers 1974. On peut donc être assuré qu'il est probable que le bill 59 sera accompagné d'un autre bill qui verra à modifier, dans la mesure où cela sera nécessaire, le chapitre du louage qui se trouve au code civil.

MME AUDETTE-FILION: Nous sommes très heureux de vous entendre sur cette question, M. le ministre; nous avions d'ailleurs noté la présence de Me Crépeau et de Me Jacoby avec satisfaction.

M. CHOQUETTE: II y a des questions fort intéressantes en droit que vous avez soulevées, en particulier la question des doubles recours, et je n'ignore pas que cela est un problème sur lequel nous devons nous interroger. Je ne suis pas en mesure de répondre ce matin dans quel sens nous allons pencher.

D'autre part, j'écarte pour le moment tout recours à une solution de l'ordre de la Loi de la protection du consommateur qui me paraîtrait insuffisante dans le contexte actuel, parce qu'il faut quand même se rendre compte que cela fait 21 ou 22 ans que nous avons une législation sur la réglementation des loyers.

C'est une législation administrative qui, il est vrai, a été renouvelée d'année en année. Mais, quand cela fait vingt ans que ça dure, c'est parce qu'il y avait d'assez bonnes raisons pour lesquelles cette législation existait. Or, je ne pense pas que nous puissions revenir à des solutions plutôt incitatrices et qui ne vont pas jusqu'à la racine du problème qui, à mon sens, est en grande partie la détermination du loyer. Je dis, d'autre part, que nos études, celles qui ont été faites par nos administrateurs de loyers, ont révélé qu'il y avait dans le domaine des loyers un certain nombre d'abus. Je ne dis pas qu'ils sont universels et qu'ils existent dans toutes les augmentations qui sont demandées par des propriétaires. Il ne faudrait quand même pas me faire dire des choses que je n'ai pas dites. Je dis qu'il y a un problème qui a une telle envergure que ça mérite une intervention du législateur. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas, franchement, à l'heure actuelle, avec les renseignements que j'ai en ma possession, me rallier à une solution édulcorée d'une réglementation adéquate des loyers. Je ne peux pas, non plus, me rallier à une solution qui ferait qu'il appartiendrait au juge, soit de la cour Provinciale ou de la cour Supérieure, suivant le cas, de réduire les obligations du locataire et même du propriétaire au cas où on découvrirait des abus, par exemple, dans les loyers qui sont imposés, de la même manière que vous avez cite certains articles du code dont je ne me souviens plus des numéros. Vous comprenez que, comme ministre de la Justice, je suis moins les numéros maintenant qu'autrefois. Mais j'essaie de garder le fond.

M. PAUL: Vous gardez votre promotion.

M. CHOQUETTE: On sait que dans le cas de prêts, par exemple, si un prêt est usuraire ou impose des conditions trop draconiennes, les juge est habilité à réduire les obligations du débiteur. C'est sûrement une excellente législation. Je ne crois pas qu'elle ait beaucoup de pertinence pour les fins de la réglementation des loyers. Dans la réglementation des loyers, il n'y a quand même pas seulement le prix; il y a toutes les autres conditions générales qui peuvent être arrêtées dans un bail et là, est-ce qu'on

va demander au juge de la cour Provinciale ou de la cour Supérieure de refaire, en quelque sorte, les contrats que les parties n'ont pas faits? Je pense qu'à ce moment, ce serait encore une plus grande intervention dans la liberté de contracter sur laquelle le Barreau insiste, d'autant plus, qu'à mon sens, elle ne serait pas pratique.

Le Barreau semble avoir quelques réticences à voir encore un nouveau tribunal administratif se former.

MME AUDETTE-FILION: Avec juridiction d'appel, surtout.

M. CHOQUETTE : Je conçois qu'on puisse soulever au moins la question. Par contre, toute la législation moderne déborde en quelque sorte les textes fondamentaux de loi. Je vais donner l'exemple le plus classique, soit celui de l'assurance. Nous avons un chapitre sur l'assurance dans le code civil. Ceci n'empêche pas d'avoir une loi de 200 articles qui parle de l'assurance dans les Statuts révisés du Québec et qui vient en quelque sorte compléter le code civil. J'admets, avec le Barreau, qu'il ne faut pas qu'il y ait contradiction entre les deux. A ce moment, s'il y a contradiction entre les deux, on est dans une situation où le citoyen ne sait pas à quoi s'en tenir. Mais, le développement du droit statutaire est inscrit dans la réalité moderne. On ne peut pas y échapper. De plus en plus l'intervention de l'Etat se fait sentir dans un certain nombre de domaines. L'Etat tente d'agir comme régulateur. L'Etat tente de réduire les abus qui peuvent se commettre et c'est comme ça qu'il est amené à réduire, dans une certaine mesure, la liberté absolue de contracter dont le Barreau se réclame et qui est sans doute à la base du code civil.

Quant à la portée de la législation régulatrice, là, je crois, se trouve tout le débat. Il s'agit d'adapter la législation régulatrice aux besoins, aux difficultés et aux problèmes auquels on fait face ou, en somme, un grand nombre de citoyens font face. Pour ce qui est de la portée de cette législation, le Barreau semble trouver que le bill 59 va un peu loin, même tellement loin qu'il voudrait que nous revenions à un système encore plus modéré que celui qui existait sous la Régie des loyers, tel que nous l'avions en vertu de la Loi de la conciliation entre propriétaire et locataire. Cela ne me parait pas adapté aux besoins auquels nous faisons face.

Cependant, je dis aux représentants du Barreau et à nos collègues qui sont ici présents que — et je le répète parce que je l'ai dit en d'autres occasions à cette commission — le but du gouvernement n'est pas d'établir une réglementation qui soit inutile ou une structure qui s'avère strictement une structure et qui ne corresponde pas à des besoins réels de la population. Alors, le texte définitif de ce projet de loi sera arrêté, pour autant que je suis concerné comme responsable de ce projet de loi, en fonction des besoins concrets et réels de la population du Québec.

MME AUDETTE-FILION: Au sujet de la juridiction administrative, je ne crois pas que l'on ait donné l'impression que le Barreau s'opposait à la juridiction des commissaires. D'abord, comme vous le mentionniez tantôt, cela fait déjà 20 ans que cela existe; enfin, il y a des précédents, j'imagine que cela répond à un certain besoin. C'est surtout au sujet de la question du tribunal que nous nous demandons si, pour la juridiction d'appel, il est nécessaire de créer un tribunal séparé et si on ne pourrait pas tout simplement créer le recours à la cour Provinciale directement, comme c'est le cas pour le bill 48, la Loi sur l'évaluation municipale et le bill 65 également, la Loi sur les services de santé où il y a une juridiction qui est confiée à des organismes administratifs en première instance, mais où l'appel va directement aux tribunaux de droit commun.

M. CHOQUETTE: Par contre, vous allez admettre avec moi, Me Filion, que le tribunal d'appel des loyers, qui existe à l'heure actuelle, existe quand même depuis 20 ans. Il est distinct de la cour Provinciale.

MME AUDETTE-FILION: La cour Provinciale a également une juridiction en matière de loc. et loc.

M. CHOQUETTE: Elle a une juridiction lorsqu'il s'agit de la pure application des articles du code civil, je pense, peut-on dire en gros.

MME AUDETTE-FILION: Oui.

M. CHOQUETTE: Malgré que j'admette que, peut-être, elle peut s'introduire sous certains aspects ou rendre exécutoires certaines décisions qui ont été prises par la commission d'appel des loyers ou les administrateurs des loyers, tel qu'on les appelle à l'heure actuelle. C'est parce que, à un moment donné, je crois qu'il faut qu'il y ait un mode d'exécution des jugements et que le rôle de la cour Provinciale ou de la cour Supérieure devient un rôle d'exécutant de certaines décisions qui ont pu être prises par ailleurs dans le tribunal administratif.

Quoi qu'il en soit, je voudrais féliciter le Barreau, et en particulier Me Audette-Filion, pour le travail extrêmement intéressant qu'il a présenté à la commission. Le gouvernement ne pense pas être en possession totale de la vérité, le gouvernement est toujours prêt à discuter de ses projets de loi et à les modifier. C'est la raison profonde de ces commissions parlementaires qui siègent à l'occasion des grands projets de loi qui sont présentés par le gouvernement. Je crois que les commissions nous permettent de nous rendre compte jusqu'à quel point elles

sont utiles pour faire en sorte que les projets qui finissent par être le résultat de ces travaux, travaux qui sont faits conjointement par les différents partis de la Chambre et avec la collaboration des organismes extérieurs, nous permettent d'approcher des solutions que nous considérons idéales pour les problèmes auxquels nous devons faire face.

Alors, dans cet esprit, je félicite le Barreau de son apport et vous pouvez être assurés que nous prenons en très sérieuse considération les nombreuses suggestions que vous nous avez faites au sujet d'un certain nombre d'articles dont, en particulier, des questions de technique juridique, qui, je le reconnais moi-même, n'avaient peut-être pas été mûrement mises au point, qui méritaient une discussion approfondie parce qu'il s'agit de questions juridiques complexes et vos observations nous permettront de réfléchir et d'apporter des solutions à certains des points sur lesquels vous avez eu des interrogations.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: II m'a fait plaisir de laisser à l'honorable ministre l'occasion de poser ses questions et je n'en aurais que deux pour terminer non pas mon inquisition, mais mon sens d'information.

Est-ce que le Barreau aurait objection à ajouter à l'article 2 de sa recommandation: Les commissaires, devant "entendre et décider toute demande faite en vertu de la loi", devraient être des avocats? Est-ce que le Barreau pourrait accepter également des notaires? Tout ça en prévision d'un mariage éloigné, futur, désiré ou désirable des deux professions.

MME AUDETTE-FILION: Est-ce que vous voulez rouvrir une vieille plaie, monsieur? Je pense que les notaires ont sûrement une formation juridique mais ils n'ont peut-être pas l'expérience du tribunal et de l'application des règles de la preuve que les avocats peuvent avoir.

M. PAUL: C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas cru bon de placer sur le même pied les notaires, non pas en raison de leur formation juridique mais en raison de leur manque de connaissances pratiques devant les tribunaux et de l'interprétation des règles de droit.

MME AUDETTE-FILION: Sans doute les notaires, M. Paul, sont-ils en mesure de faire leur propre recommandation. Nous ne voulons pas faire de recommandation pour eux.

M. PAUL: Un autre point de votre mémoire, Me Filion, c'est que vous recommandez au gouvernement, aux législateurs, d'ajouter à l'article 9, dans les exclusions de l'application de la loi, les habitations saisonnières.

MME AUDETTE-FILION: Nous avons pensé que l'esprit de la loi était surtout d'envisager l'habitation principale des individus, le but de la loi étant d'assurer à chacun une habitation convenable. Nous avons pensé qu'il n'était pas nécessaire que la loi s'applique également aux habitations saisonnières ou secondaires, comme nous pensions qu'il n'était peut-être pas nécessaire que la loi s'applique aux locaux d'habitation luxueux ou d'une certaine catégorie. C'est ce qui ressort de la question de catégorie que nous avons soulevée, s'il y a lieu de faire des catégories.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y a pas lieu de retenir cependant que, dans son texte actuel, la loi ne s'appliquerait pas dans les municipalités où il y a moins que 5,000 de population et que la plupart des résidences saisonnières ou d'été, les propriétés saisonnières, sont situées en campagne. C'est peut-être la raison pour laquelle le législateur n'a pas inclus cette catégorie de logements.

MME AUDETTE-FILION: C'est possible. Par contre, vous-même, M. Paul, avez peut-être une résidence à Louiseville et une à Québec. C'est une habitation secondaire.

M. PAUL: Mais il y a une différence entre une habitation secondaire et une habitation saisonnière dans le sens de votre recommandation que l'on retrouve à l'article 9. Parce qu'a ce moment, il y aurait aussi nécessité d'exclure les propriétés rurales. Il arrive que dans les milieux ruraux, un cultivateur, un propriétaire va louer sa résidence et sa terre. Encore là, à mon humble point de vue, il n'y a pas nécessité de l'inclure parce que souvent, sinon dans la totalité des cas, nous n'avons pas le critère de base de population de 5,000 âmes pour assujettir ces habitations aux impératifs de la loi.

MME AUDETTE-FILION: Je vous reporte à l'article 1 j) où nous avons tenté de donner une définition d'habitation saisonnière en se ralliant surtout à l'idée d'un local d'habitation ordinairement occupé à des fins saisonnières et qui ne constitue pas un local d'habitation principal. C'était peut-être l'idée principale de notre suggestion d'exclure les résidences secondaires.

M. PAUL: Me Filion, je pense que les membres de la commission et mes confrères doivent vous remercier pour le sérieux avec lequel vous nous avez présenté votre mémoire tout en attirant notre attention sur les implications dans la bonne administration de la justice et je suis sûr que le ministre de la Justice a été sensibilisé aux arguments que vous nous avez apportés ce matin. Vous pouvez être assuré que c'est dans un bon esprit de coopération que nous tâcherons d'appuyer — 'ouvre une parenthèse — s'il y a lieu — je ferme la parenthèse — en deuxième lecture, ce projet de loi sans doute réimprimé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'aurais des questions assez précises à poser à Me Filion à partir des recommandations, article par article.

A l'article 2, le député de Maskinongé vous a posé la question: Peut-on étendre cette catégorie aux notaires? Je vais aller plus loin et vous demander si on ne peut pas l'étendre à d'autres catégories de citoyens. Vous avez vous-même mentionné tout à l'heure dans votre réponse, lorsque le député de Maskinongé vous demandait si vous étiez détenteur de statistiques sur les habitations, qu'il y avait — je pense vous citer textuellement — d'autres organismes beaucoup plus habilités que le Barreau sur cette question, des gens qui y militent, des gens qui y travaillent, des gens qui, à cause de leur poste dans la fonction publique ou dans des organismes issus des citoyens, se sont intéressés à la question du logement, de l'habitation en général. Et je me demande si ce ne serait pas une occasion, en instituant un nouveau tribunal, ni plus ni moins, par le code des loyers, d'ouvrir le poste de commissaire à d'autres gens. J'admets pertinemment que les gens de formation juridique devront y être, que leur présence sera nécessaire, mais que les assistants des commissaires ou, à certains endroits, les commissaires eux-mêmes soient des citoyens qui, n'ayant pas la formation juridique traditionnelle, subi l'examen du Barreau au sortir de la faculté de Droit, peuvent quand même, à cause de leur expérience dans ce domaine, faire d'excellents commissaires. On a vu des "monsieur tout-le-monde venir", à un moment donné, dans un poste quelconque, des gens très appliqués et donnant souvent d'excellents résultats. Je me demande si, à cause du type de tribunal et des problèmes particuliers que ce tribunal aura à trancher, ce n'est pas l'occasion de faire appel à d'autres gens que des avocats, pour une fois.

MME AUDETTE-FILION: Disons que nous ne tenons pas mordicus à cette recommandation. Il est certain que l'avocat serait très bien préparé pour jouer ce rôle, tenant compte de son expérience des tribunaux. Mais, il est certain aussi qu'on pourrait envisager des assesseurs en matière d'évaluation qui pourraient sans doute être très utiles, soit à côté du président, soit à côté du commissaire ou même comme commissaire, dans certains cas. Enfin, c'est une question de modalité.

M. CHARRON : L'esprit de votre article n'est pas une réserve pour les avocats seulement. Vous admettez qu'il peut être ouvert à d'autres catégories de citoyens également.

MME AUDETTE-FILION: Certainement.

M. CHARRON: A l'article 7, je veux simplement signaler que j'endosse entièrement votre recommandation quant à la diligence. C'est un point que nous avions signalé également et qui devrait être précisé à l'intérieur du projet de loi. Tombons sur un article un peu litigieux sur lequel tous les témoins de la commission se sont à peu près accrochés à un moment ou à un autre, ce sont les fameux 5 p.c. Vous proposez d'éviter ces 5 p.c. mentionné dans la loi pour qu'ils ne soient pas institutionnalisés. Est-ce que je dois entendre que vous avez la même opinion qu'un certain groupe d'entrepreneurs en construction, de gens du milieu qui sont venus défendre le fait que nous devrions laisser ce domaine à la loi de l'offre et de la demande? Ce sont eux-mêmes qui avaient exprimé cette loi ainsi.

MME AUDETTE-FILION: Je ne veux endosser aucune recommandation particulière, mais il est certain qu'en préconisant un recours sur demande... De toute façon, c'est ce qui existe actuellement. Les 5 p.c. sont indicatifs seulement et permettent le recours; que ce soit plus si on l'oblige, que ce soit moins, ils permettent le recours. Nous préconisons que le recours se fasse sur demande seulement de l'une des parties, de façon à éviter aux parties qui s'entendent d'avoir à passer par toutes ces formalités administratives ou par la fixation du loyer.

M. CHARRON: Mais actuellement, dans le projet de loi, si on parvient à une entente, d'environ 2 p.c. ou 3 p.c. par exemple, entre un locataire et un locateur, il n'y a pas besoin de remonter au commissaire. C'est déjà dans le projet de loi.

MME AUDETTE-FILION: D'autre part, nous nous interrogeons sur l'opportunité de mentionner le pourcentage dans le texte de loi. Il serait peut-être préférable que ce soit une espèce de coutume qui soit adoptée à un moment donné par les commissaires et qui pourra varier selon les conditions économiques, qui peut varier même avec les zones économiques et avec les années. Cela pourrait aussi être mentionné dans les règlements. Nous pensons qu'il n'est pas nécessaire que ce soit dans la loi comme telle. D'autant plus que c'est strictement indicatif. Mais, sur le montant en particulier, sur le pourcentage, nous n'avons pas d'opinion. Que ce soit 2 p.c, 3 p.c, ou 5 p.c, cela ne nous concerne pas.

M. CHARRON: C'est ce que je voulais vous entendre dire, parce que c'est aussi une position que Me Burns, député de Maisonneuve, a prise au nom du Parti québécois sur cette question, l'indice variable selon les régions économiques qui pourrait très bien apparaître plutôt dans la réglementation que dans la loi issue du lieutenant-gouverneur en conseil.

Maintenant, il me reste une autre question. C'est à l'article 39, là où vous demandez qu'un

locataire qui bénéficierait de cet article, c'est-à-dire la possibilité de déménager dans un HLM, soit tenu de présenter un nouveau locataire, j'imagine aux mêmes conditions que son bail, sans renégociation du bail, au locateur. Je voulais vous dire que ce sera certainement un point qui va beaucoup attirer l'attention de l'Assemblée nationale quand nous débattrons cette loi.

Une des raisons pour lesquelles j'avais des réticences à accepter cette recommandation, c'est à cause de la catégorie particulière de personnes visées à l'article 39. Des gens qui attendent l'ouverture d'un HLM pour aller s'y établir, ce n'est pas tout le monde, c'est une catégorie socio-économique, pour employer le langage habituel, très particulière. Ce sont, par exemple, des gens, chez nous, dans mon comté, qui actuellement sont des assistés sociaux ou des travailleurs à très faible revenu; ils vivent dans des taudis parce qu'ils n'ont pas le choix et ils ne peuvent espérer améliorer leurs conditions de logement que si des habitations à loyer modique, vraiment modique, pas celles qu'on a affichées, s'ouvrent. Ces gens —je peux vous témoigner de cas quotidiens à mon bureau; j'ai tous les jours des demandes d'intervention dans ce sens-là — constituent un marché très restreint parce qu'il ne s'ouvre pas tous les jours des HLM.

Par contre, le nombre de gens qui attendent ces HLM est très élevé. C'est pourquoi, quand un HLM s'ouvre, quand, par exemple, les habitations Jeanne-Mance, dans le comté de Saint-Jacques, on un logement libre, un quatre-pièces ou un cinq-pièces, c'est comme ça qu'il y a des gens qui se ruent au bureau de l'administrateur pour l'avoir. Si nous ajoutons des obligations au locataire qui quitte cette maison pour aller habiter le HLM, nous compliquons déjà l'existence de ces gens. Il me semble que le rôle du législateur, c'est comme ça que j'ai compris le sens de l'article 39 dans le projet de loi, c'est justement que cette catégorie, la plus faible peut-être des locataires, puisse bénéficier d'une espèce de privilège que lui reconnaît l'article 39, mais qu'on s'efforce aussi, comme législateur, de lui enlever tous les autres tracas qu'elle a. Je crains de lui ajouter cette obligation de chercher un nouveau locataire, de faire une renégociation de bail, de nouvelles conditions; peut-être que le nouveau locataire exigera du locateur des améliorations au logement que celui qui était là avait fini par se résigner à ne plus demander. Je crains que tout ceci complique l'existence de celui qui voit un HLM s'ouvrir devant lui et le retarde, le remette au no 15 ou 25 dans la liste de ceux qui attendent.

Je vous assure que c'est en connaissance de cause que je parle ce matin parce qu'il n'y a pas une journée où mon secrétaire ou moi-même n'avons à intervenir parce que, aussitôt qu'un logement convenable s'ouvre, c'est par dizaines que les gens se présentent pour le louer.

Je pense que le législateur doit faire son effort également dans ce sens.

MME AUDETTE-FILION: Je crois d'abord que des HLM, il y en a de plus en plus qui s'ouvrent et nous pouvons espérer que, si le législateur adopte une politique d'habitation, il y en aura de plus en plus également.

Vous semblez, d'autre part, tenir pour acquis que tous les locaux d'habitation qui sont libérés sont nécessairement des taudis. Il faut tenir compte du fait que le locataire s'est engagé à un certain nombre d'obligations. Il ne peut pas s'en départir aussi facilement que cela, à moins qu'on veuille mettre de côté complètement toute la philosophie contractuelle. D'autre part, il faut penser aussi que tout en donnant certains avantages aux uns, vous pouvez causer un grave préjudice à d'autres. Le locataire vient peut-être de faire un ménage dans le logement; le locateur a eu des frais, sûrement, pour louer son logement. On en est peut-être au deuxième mois du bail, ou même au premier mois du bail. Il est en droit d'avoir tenu pour acquis qu'une fois son logement loué il a quand même une certaine sécurité pour une période donnée.

Je pense qu'il est tout à fait juste de prévoir une indemnité pour bris de contrat. C'est la théorie contractuelle normale. Soit que le locataire amène un nouveau locataire pour le remplacer dans ses obligations ou soit que le législateur qui veut donner des facilités dans les HLM, paie une indemnité. Cela pourrait être une autre solution, mais qu'il n'y ait pas un bris de contrat strict comme cela, laissant une des parties complètement dépourvue.

M. CHARRON: II est évident qu'il ne faut pas faire injustice à l'autre partie non plus. Mais j'ai toujours compris le sens de l'article 39, encore une fois, comme visant une catégorie de population bien précise. Il s'agit, dans bien des cas, par exemple, puisque c'est de Montréal qu'on parle en particulier, d'assistés sociaux. Donc, ce serait peut-être au gouvernement, au ministère des Affaires sociales de veiller à se charger de l'indemnité, si indemnité il doit y avoir.

MME AUDETTE-FILION: Peut-être.

M. CHARRON: Mais je ne voulais pas dire tout à l'heure que ceux qui quittent ces maisons pour des HLM vivaient dans des taudis. Pour la plupart, c'est une amélioration de conditions. Si on doit faire des statistiques quelconques, c'est une amélioration de conditions. Le moyen d'éviter qu'une injustice soit faite au locateur serait peut-être de définir mieux dans le projet de loi ce qu'est une habitation à loyer modique.

Je pense que, pour quelqu'un qui quitterait un logement pour aller s'installer dans un des rares aménagements domiciliaires de la ville de Montréal — et là je réfute un peu votre argumentation à l'effet que les HLM s'ouvrent en quantité, ce n'est pas le cas, je ne crois pas en tout cas sur le territoire de Montréal — on devrait définir le type de loyer modique qui donnerait le droit au locataire de se prévaloir de l'article 39.

M. PAUL: Vous n'avez pas l'impression d'imposer une tâche impossible au ministre de la Justice, soit d'essayer de s'entendre avec le ministre des Affaires municipales qui a charge de l'application de la loi?

M CHARRON: C'est leur problème. Ce n'est pas le mien.

M. DEMERS: II va peut-être s'entendre, mais l'autre no comprendra pas.

M. CHARRON: Je vais expliquer au ministre...

M. CHOQUETTE: Je ne voudrais pas laisser passer ces observations sans les relever. Je m'entends très bien avec le ministre des Affaires municipales.

M. PAUL: Est-ce qu'il vous comprend toujours?

M. CHOQUETTE: Oui. Il me comprend.

M. DEMERS: Mais, vous, c'était le Solliciteur général qui était votre homme fort, l'ancien!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: Je voulais demander au ministre si, justement, soit dans la loi ou dans la réglementation, on permettra au locataire de recourir à l'article 39 et, donc, de quitter, même en bris de contrat, son logement.

M. CHOQUETTE: C'est nettement bien défini, à mon sens, parce que si on lit l'article 39, on voit que c'est une habitation à loyer modique administrée par une corporation constituée conformément à l'article 55 de la Loi de la Société d'habitation du Québec, 1967, chapitre 55. Alors, ce sont évidemment les logements subventionnés en vertu de cette loi, enfin, subventionnés par la Société d'habitation avec le concours des municipalités. Alors, c'est un type bien particulier de logement. Le locataire ne peut pas s'en aller, en vertu de l'article 39, en disant qu'il a trouvé un logement moins cher et demander au propriétaire de le dégager de son contrat. Non, non. Ici, il s'agit d'une habitation à loyer modique au sens de cette loi. C'est assez clair.

M. CHARRON: D'accord. C'était la remarque que je voulais faire.

Dans l'ensemble, j'apprécie le mémoire du Barreau.

MME AUDETTE-FILION: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Nous remercions beaucoup... Pardon? Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: J'aimerais connaître l'opinion du Barreau. Je crois que le papillon que le ministre a déposé concernant les amendements au projet de loi sur les articles 22, 23 et 24 sont des amendements qui emprisonnent quelque peu. Evidemment, ipso facto, les baux seront renouvelés. Et aujourd'hui, de plus en plus, même à l'intérieur du gouvernement, il y a des gens qui déménagent et qui connaissent la décision au mois de juin ou juillet. Il y a surtout les commissions scolaires régionales qui oeuvrent dans des territoires immenses. Dans ma région, la commission scolaire régionale fonctionne dans un territoire de 150 milles. Les années scolaires se terminent le 30 juin. Les normes ou les directives du ministère de l'Education entrent habituellement toujours à la fin de l'année scolaire, ou au début d'une autre. Alors, relativement à un projet de loi éventuel des professeurs seront appelés à déménager — et cela arrive assez souvent à l'intérieur des commissions scolaires régionales et même à l'intérieur des commissions scolaires locales —. Par rapport au regroupement, on les retrouve dans des territoires allant jusqu'à cent milles de parcours et on les renferme à l'intérieur de lois qui les empêcheront de se défaire de leurs baux, ou du moins de se faire entendre. Et je crois qu'à l'intérieur de ces articles, le ministère devrait prévoir certaines soupapes ou des cas d'exception, non pas comme a dit le ministre tout à l'heure, lorsqu'il s'agit de diminuer le loyer mais lorsqu'il s'agit de déménagement.

Encore un autre exemple, je sais qu'en Gaspésie, dans ma région... il y a des gens qui travaillaient ici à Québec, des anciens Gaspé-siens, que le gouvernement a transférés en Gaspésie, avec leur consentement, je l'admets mais tout de même, c'est là qu'on s'aperçoit que, de plus en plus, il y a ces déménagements. Il y a également des compagnies multirégionales qui sont établies un peu partout dans la province et qui demandent à leurs employés de se déplacer.

Je ne sais pas si, à l'intérieur de ces articles, il n'y aurait pas une soupape, que dans des cas d'exception, on puisse en appeler peut-être à un commissaire dans un délai raisonné et raisonnable qui pourrait demander peut-être l'annulation du bail. Si un professeur apprend le 15 juillet qu'il doit déménager à cent milles plus loin et que son bail est automatiquement renouvelé par les articles 22, 23 et 24, alors il ne peut plus rien faire. Il dit à la commission scolaire, ou l'employé du gouvernement dit au gouvernement: Payez mon loyer qui se termine simplement dans neuf mois et alors c'est encore une autre dépense qui vient retomber sur les contribuables.

Ne pourrait-on pas prévoir dans ces articles qu'il y ait un commissaire qui entende les parties, essaie de trouver une solution de bonne entente ou, du moins, rende une décision face à des cas? Un projet de loi vise certainement à

venir en aide à ceux qui en ont besoin. Un projet de loi qui ne touche personne ou qui obtient l'assentiment de tous ne comporte pas de problème. Lorsqu'on adopte une loi, on est conscient que des gens en auront besoin et qu'ils auront à s'en servir.

Je suis convaincu que, si les membres du Barreau avaient connu ces articles avant de se présenter à la barre, comme les groupements de propriétaires ou de locataires, on aurait certainement fait des suggestions. Mais ils ne reviendront certainement pas ici pour présenter un autre mémoire en fonction des amendements que le ministre est susceptible d'apporter ici à la commission.

M. DEMERS: Je pourrais parler dans le même sens; il faudrait peut-être prévoir aussi l'échéance d'une défaite électorale pour les députés et les ministres. Ces gens-là qui ont des logements à Québec seront obligés de les garder jusqu'à la fin. Il s'agirait peut-être de se protéger.

M.GAGNON: C'est conséquent plus qu'on ne le croit.

M. CHOQUETTE: Quand on voit les résultats des dernières élections partielles, je pense qu'il serait préférable que vous preniez ces bons conseils pour vous.

M. DEMERS: Vous voulez parler des bulletins? Vous voulez nous parler des bulletins numérotés comme ministre de la Justice?

M. PAUL: Est-ce que le ministre a été saisi d'une demande d'enquête policière?

M. CHOQUETTE: Certainement, oui, une enquête est en marche.

M. PAUL: Cela marche bien?

M. CHOQUETTE: Oui, elle se déroule comme toutes nos enquêtes, dans la légalité.

M. DEMERS: Est-ce qu'on va avoir le résultat avant le 15?

M. CHOQUETTE: Les résultats seront communiqués aussitôt qj'ils seront disponibles au président des élections, qui en disposera comme il le jugera à propos. Je crois que c'est à lui qu'il appartient...

M. PAUL: Est-ce que le ministre se propose d'étudier la demande qui a été faite pour une enquête judiciaire, cet après-midi, à l'occasion de la réunion du conseil des ministres?

M. CHOQUETTE: Cette demande ne m'a pas paru particulièrement sérieuse.

M. PAUL: Particulièrement... Dans le parti- culier, on s'en reparlera. Je n'aurais pas cru que les juges...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Maskinongé a consulté le jugement du juge Labbé?

M.PAUL: Quel abbé? M. CHOQUETTE: Labbé.

M. PAUL: Non, j'attendais que le ministre de la Justice m'en fasse parvenir une photocopie.

M. CHOQUETTE: Je vais le faire cet après-midi même.

M. PAUL: Très bien. Je vous remercie, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Maskinongé pourrait noter que le juge Labbé dit qu'il s'agit d'une faute involontaire qui s'est produite dans son jugement?

M. PAUL: C'est tout honorable pour lui.

M. DEMERS: ... qui lui ont été soumis avant l'enquête.

M. CHOQUETTE: En tout cas, il a entendu les parties, ce qui s'est déroulé.

M. PAUL: De toute façon, c'était simplement une petite parenthèse.

M. CHOQUETTE: Une petite parenthèse, mais oui. Mais pour revenir au sujet qui a été abordé — sérieusement — par le député de Gaspé-Nord, je crois qu'il faut quand même considérer le propriétaire dans tout cela. Le propriétaire ne peut pas vivre dans un état d'indétermination, un système de baux indéterminé. Il faut qu'il ait certaines garanties que les lieux vont être occupés pendant certain temps et que le loyer sera payé. Alors, l'introduction d'une très grande flexibilité permettant au locataire de quitter les lieux à volonté plonge le propriétaire dans l'insécurité.

M. GAGNON: Non, soumis à la régie, soumis à un commissaire qui pourrait l'étudier. Evidemment, ce n'est pas unilatéral.

M. CHOQUETTE: Ce n'est peut-être pas unilatéral mais...

MME AUDETTE-FILION: La sous-location existe encore au code civil.

M. CHOQUETTE: C'est vrai et c'est même un droit, en principe, que le droit de sous-louer lorsqu'on quitte un logement. Evidemment, je sais bien qu'il y a des baux qui le défendent

sans le consentement du propriétaire mais, même là, la jurisprudence reconnaît que le propriétaire ne peut pas refuser son consentement, sauf pour une raison valable importante. C'est vous dire que le locataire, qui est obligé de quitter des lieux, peut quand même bénéficier de cette soupape de sûreté qui est la sous-location.

M. GAGNON: Alors, il va falloir qu'il y ait concordance entre le code civil et cette loi.

M. LE PRESIDENT: Nous remercions les représentants du Barreau du Québec de leur mémoire et des explications qu'ils ont bien voulu donner aux membres de la commission.

MME AUDETTE-FILION: Merci de nous avoir entendus.

M. LE PRESIDENT: Nous invitons maintenant le représentant de la Ligue des propriétaires de Montréal, Dr Loyola Perras, président. Et j'aimerais souligner, suivant le consentement des membres de la commission, que nous ajournerons les travaux à une heure. Nous allons commencer à vous entendre et, à une heure, la commission va ajourner ses travaux jusqu'au jeudi 2 novembre, à dix heures.

Ligue des propriétaires de Montréal

M. PERRAS: Je vous remercie de la part des propriétaires de Montréal de nous donner le privilège d'émettre notre opinion sur le code des loyers. Nous avons, pour nous représenter aujourd'hui, M. Marcel Thérien qui est ici à ma droite, qui s'est joint à d'autres associations dont le Comité des propriétaires de Trois-Rivières et l'Institut d'immeuble et de planisme. Nous avons aussi un porte-parole, Me Jean-Hubert Maranda, à ma gauche, qui discutera de l'opportunité ou des conséquences du projet de loi no 59 pour les propriétaires. M. Marcel Thérien, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: Votre nom, monsieur? M. PERRAS: Docteur Loyola Perras.

M. THERIEN: M. le Président, messieurs les membres de la commission...

M. DEMERS: Est-ce qu'il y aurait moyen de vous identifier?

M. THERIEN: Oui. Marcel Thérien. Le mémoire que nous avons présenté est celui de personnes directement intéressées au progrès immobilier du Québec. Je pense que les propriétaires grands, petits ou moyens, qui ont des capitaux extrêmement importants d'engagés dans la propriété immobilière, ont droit de se faire entendre parce que le droit de propriété est sacré et la liberté d'entreprise doit être préservée. Cependant, nous sommes conscients de nos responsabilités sociales et nous faisons nôtre l'article 2 de la déclaration de principes adoptée par la commission Hellyer qui, en 1968, avait fait une étude du problème de l'habitation au Canada. Je cite: "Tout canadien devrait avoir accès à un logis propre et bien chauffé, ceci étant un droit fondamental de l'homme". Nous estimons que le système en vigueur au Canada n'est pas trop mauvais puisque les logements au Canada sont les plus spacieux dans tout le monde occidental selon le rapport de la même commission, lequel a démontré que près de 50 p.c. de tous les logements existants au Canada ont été construits au cours des 25 dernières années.

Nous notons encore que le logement quoi qu'en pensent certaines personnes, n'est pas un problème pour les Québécois si on s'en rapporte au sondage qui a été publié dans la Presse et qui a été réalisé par le Centre de recherche sur l'opinion publique, alors que 0.0 p.c. des répondants, c'est-à-dire une fraction de 1/10 de 1 p.c. pas assez importante pour qu'on la mentionne, ont dit que le logement était une question qui les préoccupait. Quant au coût des loyers, ils atteignaient en 1969 l'indice de 116.3 par rapport à l'année 1961, alors que l'index général des prix était beaucoup plus élevé. Notons également que la part du budget familial consacrée à l'habitation non seulement n'a pas augmenté mais a même baissé considérablement depuis 1937.

C'est donc dire que, si le logement est une préoccupation pour certaines familles, le nombre de celles-ci est tellement faible qu'il ne justifie pas, selon nous, une loi d'exception qui vient briser le mécanisme de la législation actuelle et qui sabote les conventions entre locateurs et locataires.

Nous avons quelques statistiques que nous avons prises dans les rapports du Bureau fédéral de la statistique. Nous constatons, en comparant les coûts avec 1949, que l'indice des loyers est à 180 p.c. alors que celui des salaires est de 330 p.c. Ce qui veut dire que la situation des locataires ne s'est pas détériorée; au contraire elle s'est grandement améliorée.

Nous constatons d'ailleurs que la loi dite pour faciliter la conciliation entre propriétaires et locataires a joué ici très peu et qu'elle a contribué à réduire dans les grandes villes, comme Montréal par exemple, le nombre d'unités de logements qui ont été construites au Québec au cours des dernières années, si on compare avec la situation à Toronto, en Ontario.

Nous constatons, en particulier, si nous examinons le situation à New York, qui a maintenu un contrôle des loyers, que cette ville a vu le nombre de taudis croître d'une façon effarante alors que le nombre d'unités de logements a diminué considérablement, parce que les propriétaires n'ont plus les revenus et ne sont plus intéressés à effectuer les réparations qui étaient nécessaires.

Nous estimons qu'il serait préférable pour le gouvernement, s'il veut améliorer la qualité des logements au Québec, de voir à augmenter la quantité de logements offerts afin que la loi de l'offre et de la demande puisse jouer.

En d'autres termes, nous croyons que le code des loyers ne contribuera pas à donner un seul logement de plus aux mal logés. Alors, il y aurait lieu d'encourager, de toute façon, l'accession à la propriété privée, que ce soit celle d'une habitation unifamiliale ou celle d'un logement dans des immeubles multifamiliaux.

Nous verrions d'un bon oeil l'encouragement des coopératives et des condominiums. Nous souhaiterions voir les syndicats de travailleurs et les organismes sans but lucratif utiliser davantage les dispositions de la Loi nationale de l'habitation pour construire un plus grand nombre de logements.

Nous soumettons qu'il y a lieu pour les ligues de propriétaires d'engager le dialogue avec les associations de locataires.

Nous pouvons dire qu'à la Ligue des propriétaires de Montréal nous avons déjà commencé à le faire même si c'est parfois difficile. Mais je pense que les locataires en général aimeront toujours mieux faire affaires avec un propriétaire qu'ils connaissent plutôt qu'avec un représentant d'une société de la couronne qui sera lié par des règlements extrêmement rigides.

Nous aimerions souligner le rôle extrêmement important qu'a joué la Société centrale d'hypothèques et de logement pour améliorer la situation des logements au Canada. Je pense que ce que nous avons fait au Canada, grâce à l'entreprise privée et grâce à la collaboration de l'Etat, est déjà énorme. Nous sommes d'accord, à la Ligue des propriétaires de Montréal et chez les autres organismes qui ont soumis ce mémoire, sur le rapport de la commission Hellyer, qui estimait en 1968 que le contrôle des loyers n'est pas le meilleur moyen de résoudre le problème de l'habitation pour les masses populaires. Nous voudrions insister sur le fait que les propriétaires fonciers sont des entrepreneurs et que, comme tels, ils ont droit à un revenu normal et qu'ils ont droit aussi à la protection gouvernementale pour leurs investissements. Je pense que c'est un des éléments fondamentaux sur lesquels nous devrions nous baser pour établir les relations entre propriétaires et locataires.

Nous soumettons que l'impôt foncier, l'impôt sur le revenu et tous les autres impôts que le propriétaire paie sont importants et on ne saurait leur imposer davantage de charges comme celles de les limiter ou de leur causer des ennuis par une paperasse extraordinaire. Je signale que de nombreux propriétaires apportent déjà beaucoup plus fréquemment qu'on semble le croire une aide à des personnes dans le besoin pour leur procurer des logements. Ils font leur part pour les défavorisés. Nous admetons sans doute qu'il y a peut-être certains abus mais nous, à la Ligue des propriétaires de

Montréal, nous essayons, par un code d'éthique, d'améliorer la situation des relations entre propriétaires et locataires.

Je pense que nous devrions nous efforcer de trouver ce qu'est un loyer normal. Et si on examinait les statistiques — c'est facile d'examiner les statistiques des grandes sociétés qui administrent pour d'autres des immeubles —je pourrais vous dire que la situation en ce moment est extrêmement difficile pour les propriétaires.

On devrait aussi savoir ce qu'est un loyer excessif et voir ce que doit comprendre un loyer normal. En somme, le propriétaire investit des capitaux, il met à la disposition d'un locataire une somme assez considérable, cela peut varier selon les cas mais cela peut être $5,000, $10,000, $15,000 ou $20,000. Il prend des risques, il a un placement qui n'est pas liquide, il a des problèmes administratifs. Encore là, avec la loi, si elle était acceptée telle que rédigée, on verrait les problèmes accrus, parce qu'en ce moment, par exemple, ce n'est pas le propriétaire qui fait les réparations selon sa capacité de payer mais c'est un commissaire, peut-être renseigné, mais certainement pas suffisamment au courant des données particulières à tel immeuble, qui va décider si les réparations sont nécessaires.

Nous avons fait un certain nombre de suggestions d'ordre juridique, tantôt; peut-être que mon confrère, Me Maranda, pourra s'attacher à ces problèmes particuliers. Mais je voudrais, en conclusion, pour ma part, signaler que vous ne vous étonnez pas que nous réitérions notre opposition au principe du projet de loi, vu que, selon nous, la situation dans notre pays est convenable et qu'elle pourrait être améliorée de multiples façons avec la contribution de l'Etat. Nous considérons que la libre concurrence, la construction de nouveaux logements modestes vont contribuer plus que toute autre chose à maintenir des loyers à un niveau raisonnable. On a tort de croire, je pense, que le locataire est une espèce de prisonnier entre les mains d'un propriétaire qui est intransigeant.

En ce moment, on pourra vous donner des statistiques, il y a au-delà de 5 p.c. des logements qui ne sont pas occupés dans une ville comme Montréal, ce qui n'est pas exagéré.

Mais, d'autre part, cela prouve qu'il y a des personnes qui peuvent facilement changer de logement. Si les pouvoirs publics veulent contribuer à réduire le coût des loyers, ils devraient voir à limiter les impôts fonciers qui grugent parfois jusqu'à 20 p.c, et dans certains cas jusqu'à 25 p.c. et 30 p.c, les revenus bruts des propriétaires, alors que certains de ces impôts fonciers sont des impôts qui ne s'appliquent pas exclusivement à la propriété mais qui viennent payer des dépenses qui sont pout toute la communauté.

Nous estimons que la richesse des Québécois n'est pas uniquement la propriété et que, par conséquent, il n'est pas juste d'imposer la

propriété qui, à son tour, contribue peut-être à augmenter, dans certains cas, le loyer. Nous estimons, encore une fois en accord avec la commission Hellyer, que les gouvernements doivent établir les règlements nécessaires de façon à encourager et non pas à décourager l'industrie de la construction à servir la population en général.

Nous faisons nôtres certaines suggestions. Tantôt, j'entendais le ministre suggérer à la compagnie Bell Canada de faire de la publicité autour de la possibilité d'étendre l'époque des déménagements. Je pense que l'éducation dans le domaine de l'habitation est absolument nécessaire et je crois que les propriétaires sont prêts à collaborer avec le gouvernement.

Nous estimons qu'il y a beaucoup d'idées erronées qui circulent en ce moment et qui justifient parfois les braillards à se plaindre des propriétaires. Nous croyons que nous, les propriétaires, avons peut-être fait une erreur en ne montrant pas suffisamment la situation réelle des placements immobiliers, la situation qui est faite aux propriétaires actuellement avec l'augmentation des salaires, des taxes, les difficultés énormes qui existent. Je pense que les journaux, la radio et la télévision devraient davantage faire connaître la situation exacte, comme le fait, par exemple, que dans le buddet de la famille canadienne, le logement ait baissé considérablement depuis 30 ans.

On n'entend pas beaucoup dire que ce sont l'alcool, les frais d'automobiles, les loisirs qui en accaparent en ce moment une plus grande partie qu'il y a 30 ans tandis que le budget de l'habitation a baissé.

Et si on veut aider les locataires, nous serions plutôt favorables à l'allocation de logements plutôt qu'à la création de ghettos pour les pauvres. Et je pense que les pouvoirs publics, et dans certains cas, cela se fait, devraient encourager l'entretien et l'amélioration de certaines propriétés qui sont un peu vieillies et que cette amélioration et cet entretien soient le fait non pas uniquement des propriétaires, qui souvent reçoivent un salaire minime, mais aussi des locataires qui vivent dans ces logements. Je sais que par le truchement des initiatives locales, le gouvernement fédéral a aidé certains groupes à améliorer les locaux d'habitation des familles dans les quartiers défavorisés.

Et il faudrait surtout faire disparaître le plus tôt possible l'idée fausse qu'on se fait, soit que le propriétaire doit être considéré comme un exploiteur. Les propriétaires constituent la force de la nation et c'est par leur travail incessant, par leur esprit d'économie qu'ils contribuent à la stabilité du pays.

Et nous souhaiterions qu'il y ait peut-être un ombudsman du logement, une personne dont le travail consisterait à exercer son influence tant auprès des propriétaires que des locataires pour permettre que s'améliore le patrimoine immobilier et que l'on puisse contribuer aux meilleures relations entre les propriétaires et les locataires.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie de votre exposé.

M. PERRAS: Est-ce que vous permettriez que Me Maranda poursuive son exposé vu que l'heure avance, avant de poser des questions?

M. LE PRESIDENT: Me Maranda, nous vous écoutons.

M. MARANDA: M. le Président, si vous permettez, il reste seulement un quart d'heure avant l'ajournement prévu pour une heure et je pense bien qu'en un quart d'heure il est absolument impossible de vous faire sentir comment les propriétaires de Montréal jugent le code des loyers.

Personnellement, je préférerais attendre et revenir une autre journée devant vous, si vous m'en donnez la permission évidemment.

M. LE PRESIDENT: Nous nous excusons. Cet après-midi, le ministre est retenu par le conseil des ministres et il est très difficile de continuer d'entendre les mémoires.

Nous nous excusons aussi auprès des autres organismes qui ont été convoqués et n'ont pas eu l'avantage d'être entendus ce matin. Nous allons les inviter è revenir le jeudi 2 novembre, à dix heures.

M. GADBOIS: M. le Président, M. le ministre, à ce sujet, je devais passer cet après-midi et le gouvernement français m'a invité, à la tête d'une délégation, à recevoir deux décorations en Europe; je pars le 1er novembre. Serait-il possible, — je comprends que la session ouvre le 31 octobre — de remettre ça après le 10 novembre?

M. CHOQUETTE: Monsieur, est-ce que vous auriez objection à exposer votre point de vue immédiatement?

M. GADBOIS: II est plus long que le mémoire que je vous ai envoyé.

M. LE PRESIDENT: Vous représentez quel organisme?

M. GADBOIS: Raoul Gadbois, Société canadienne de courtage. J'étais le suivant sur la liste. Est-ce qu'il y aurait objection à remettre ça le 15 ou le 16 novembre, si M. le ministre n'a pas d'objection technique?

M. CHOQUETTE: J'aimerais bien vous accommoder. Le seul problème est que nous sommes, jusqu'à un certain point, assez pressés de terminer les séances de la commission parlementaire et ne pas les éterniser. Ce que je pourrais vous offrir, c'est de nous faire un exposé tout de suite. Nous sommes prêts à vous donner le temps. Voulez-vous compléter votre exposé par des observations écrites ou déléguer quelqu'un de votre groupement?

M. GADBOIS: Dans la semaine du 15 novembre, jour et nuit, ça ne me fait rien. Je serai à votre disposition. J'aimerais subir le matraille des questions, car je crois que mon exposé en vaut la peine, avec les amendements que j'ai apportés depuis la semaine dernière. Je suis venu la semaine dernière pour écouter, entendre et comprendre les deux côtés de la tribune et je crois que le problème économique en vaut la chandelle.

M. CHOQUETTE: Je ne dis pas que ce n'est pas sérieux, M. Gadbois, mais comprenez que nous avons ici oeaucoup de députés et, si on devait fixer une autre séance vers le 15 novembre, cela fait beaucoup de séances partielles.

M. GADBOIS: Si les autres n'ont pas d'objection, au lieu du 2 novembre, fixez-là au 15 novembre, 16 novembre ou 17 novembre.

M. CHOQUETTE: Cela nous avance trop loin dans le temps. Pourquoi ne nous dites-vous pas ce que vous pensez ce matin? Nous allons vous donner le temps nécessaire, je pense que les députés vous donneraient le temps voulu. On a déjà entendu les courtiers.

M. GADBOIS: Je ne veux pas prendre la place de la Ligue des propriétaires ou des locataires.

M. CHOQUETTE: Ils sont prêts à céder leur tour. Me Maranda vient de...

Me MARANDA: Je suis même prêt à demander une remise pour une cause que j'ai pour le 2 novembre, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Nous sommes parfaitement prêts à recevoir l'Association des propriétaires de Montréal le 2 novembre et on vous donne tout de suite l'occasion de vous faire entendre.

M. PAUL: M. le Président, tout en acceptant la recommandation du ministre, j'aimerais avoir l'occasion de poser quelques questions à M. Thérien.

M. CHOQUETTE : Mais il reviendra.

M. PAUL: Est-ce que vous pourriez revenir, M. Thérien?

M. THERIEN: Je reviendrai le 2 novembre. M. PAUL: Le jeudi 2 novembre.

M. THERIEN: Pour subir la foudre de vos questions.

M. PAUL: Non, pas la foudre. Nous sommes à la recherche de la lumière.

M. DEMERS: On n'est pas de l'équipe du tonnerre.

M. LE PRESIDENT: M. Gadbois, nous vous écoutons.

Société canadienne de courtage

M. GADBOIS: M. le President, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée nationale, Mesdames et Messieurs, je crois que c'était de mon devoir de venir jusqu'ici, dans la capitale, même si c'est aujourd'hui l'hiver, vous soumettre une opinion qui se veut objective et qui réflète la situation qui découle de la loi un peu trop socialisante que le gouvernement tente de faire accepter contre ceux qui ont confiance en la propriété, ceux-là même qui forment la partie de la population qui donne le ton à l'économie d'une province et d'un pays. Tout le monde le sait: Quand le bâtiment va tout va.

Etablissons, premièrement, le principe qui m'attire ici aujourd'hui. Même en considérant toutes les raisons divulguées ou occultes qui ont milité en faveur d'une législation concernant un contrôle des loyers, tant pour la fixation du prix du logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement à tout genre de législation concernant un contrôle quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une province.

M. le ministre, vous nous disiez la semaine dernière que vos experts vous fournissaient des chiffres. Vous n'avez jamais mentionné les noms de ces experts. Est-ce un bureau de Montréal, un bureau de Québec?

M. CHOQUETTE: Les chiffres que j'ai cités la semaine dernière, à la commission parlementaire, étaient tirés soit de rapports statistiques fédéraux ou, quand j'ai parlé d'un sondage qui avait été fait auprès d'un certain nombre de locataires, cela avait été fait par des administrateurs de la Régie des loyers actuelle. C'étaient des chiffres qui avaient été préparés chez nous au ministère de la Justice.

Je crois que chaque fois que j'ai cité des chiffres, j'ai donné la source, M. Gadbois.

M. GADBOIS: Vous avez dit les experts.

M. CHOQUETTE : Je crois que j'ai donné la source à chaque fois. Quels chiffres vous ont...

M. GADBOIS: Ce sont les pourcentages des...

M. CHOQUETTE: ... des profits?

M. GADBOIS: Des profits et des...

M. CHOQUETTE: La lettre de M. Massie?

M. GADBOIS: Les locations et tout ça.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'était la lettre de M. Massie dont j'ai donné lecture avec les pourcentages...

M. GADBOIS: C'en était un. M. CHOQUETTE: ... de profits? M. GADBOIS: Oui.

M. CHOQUETTE: C'était le résultat d'un questionnaire qui a été envoyé à un certain nombre de propriétaires...

UNE VOIX: A 1,200.

M. CHOQUETTE: A 1,200 propriétaires de logements non contrôlés par la régie.

M. GADBOIS: Nous avons connu M. Massie lors d'une assemblée à la Chambre de commerce de Montréal.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: II y avait plus de 130 personnes. Maintenant, pourquoi ne peut-on pas avoir accès à la vérification de ces statistiques?

M. PAUL: Vous avez combien de membres dans votre association?

M. GADBOIS: II y en a 1,408. M. PAUL: Est-ce que vous...

M. GADBOIS: Pardon! Ce n'est pas une association, c'est une société de courtage qui...

M. LE PRESIDENT: La Société canadienne de courtage Inc.

M. GADBOIS: ... a 1,408 clients, tant propriétaires que locataires.

M. PAUL: Est-ce que vous avez fait des consultations auprès de vos clients?

M. GADBOIS: Oui, auprès de tous les propriétaires et après ça, j'ai eu des consultations des autres maisons de fiducie, de courtage et de trust.

M. PAUL: II n'y a rien qui vous empêche de donner vos statistiques et il nous appartiendra de faire la juste part, l'analyse de la valeur de ces statistiques.

M. GADBOIS: M. le ministre, nous aimerions étudier les statistiques à tête reposée, en un autre temps, pour savoir si, réellement, les experts méritent notre attention sur des chiffres aussi importants.

M. CHOQUETTE: Je n'ai aucune objection,

M. Gadbois, à ce que vous consultiez le juge Ross et M. Massie pour savoir comment ces chiffres ont été préparés.

M. GADBOIS: II y a plusieurs manières de présenter des statistiques et des chiffres. En ma qualité d'ancien comptable, je peux vous dire que l'on peut fournir des conclusions tout à fait différentes selon le chiffre de base dont on se sert pour le calcul. Après avoir étudié le problème du contrôle des loyers pendant un quart de siècle, ses avantages et ses désavantages, depuis 1945...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse un instant. M. le ministre vient de vous inviter à rencontrer M. le juge...

M. CHOQUETTE: Le juge Ross et M. Massie, le vice-président de la Commission des loyers, pour étudier avec eux comment ces chiffres ont été préparés.

M. GADBOIS: J'irai avec plaisir.

M. CHOQUETTE: Et si vous pouvez trouver des failles là-dedans, je serai heureux de le savoir parce que, comme le disait le député de Maskinongé, nous sommes ici pour chercher la vérité, non pas pour faire triompher un point de vue préconçu.

M. GADBOIS: Comme un médecin, j'aimerais préparer la chose avant d'aller faire l'opération.

M. CHOQUETTE: Oui, bien sûr.

M. LE PRESIDENT: Vous vouliez peut-être, par la suite, aussi faire vos recommandations à la suite...

M. GADBOIS: Oui, si M. Ross le permet, j'irai au bureau faire l'enquête nécessaire que l'on jugera à propos de...

M. LE PRESIDENT: Et transmettre vos recommandations et votre appréciation à l'honorable ministre par la suite.

M. GADBOIS: Exactement; je remercie le ministre de m'avoir...

M. PAUL: M. Gadbois, vous allez plus loin que la consultation. Vous parlez d'une enquête à la Régie des loyers. C'est peut-être un peu fort. Je ne sais pas si c'est ça que vous visez exactement...

M. GADBOIS: Non, pas une enquête.

M. PAUL: ... Ou si c'est tout simplement une discussion pour connaître la méthode de renseignements, leurs sources et leurs méthodes d'enquête, les moyens de vérification, comment

on a procédé et ainsi de suite; et non pas à faire une enquête sur l'administration de la Régie des loyers.

M. GADBOIS: Non, je n'irais pas jusqu'à demander une enquête. Mais, par exemple, s'il y a des statistiques qui disent que tel propriétaire, dans telle circonstance, a fait tel abus, est-ce qu'on ne pourrait pas en avoir quelques exemples? C'est ça que je veux avoir.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas pour me mettre à donner des noms.

M. GADBOIS: Non, non.

M. CHOQUETTE: Mais voici, monsieur, pour les chiffres que j'ai cités à la dernière commission parlementaire et qui étaient des chiffres qui ne se trouvent pas dans les statistiques officielles canadiennes, je vous invite formellement à rencontrer les autorités de la Régie des loyers qui vont vous montrer comment ils ont fait leurs études et leurs sondages. Est-ce que vous pouvez avoir une meilleure offre que ça? Bon!

M. GADBOIS: Non, j'accepte l'offre et je vous en remercie.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, est-ce qu'il y aurait possibilité de brosser un tableau de votre mémoire le plus rapidement possible?

M. GADBOIS: Dans quinze minutes, c'est impossible. M. le ministre, si vous avez à l'idée de remettre ça après le 15...

M. LE PRESIDENT: J'ai une suggestion. Est-ce que nous pourrions vous inviter à rencontrer les officiers du ministre à votre retour et ainsi soumettre ce que vous aviez pu constater à la suite des chiffres.

M. CHOQUETTE: Pour poursuivre la suggestion du président, étant donné que nous sommes pris par le temps et que vous, vous avez des occupations qui vont vous empêcher d'être ici à la séance du 2, donc, d'ici à quelque deux semaines, je vous invite à rencontrer les autorités de la régie, et là, de nous envoyer vos observations par écrit.

M. PAUL : En plus du mémoire que nous avons déjà et qui pourrait être inscrit, M. le Président, pour la satisfaction de M. Gadbois, au journal des Débats.

M. CHOQUETTE: Je n'ai aucune objection à ça.

M. PAUL: Votre mémoire sera inscrit au journal des Débats, quitte à compléter les informations à la suite de la rencontre que vous pourriez avoir avec MM. les membres de la régie, comme vous l'a offert M. le ministre. (Voir annexe).

M. GADBOIS: C'est une solution que je crois pratique dans les circonstances.

M. PAUL: Cela vous irait?

M. GADBOIS: A quelle date pourrais-je vous envoyer ça?

M. CHOQUETTE: Vous allez d'abord rencontrer les autorités de la régie. M. Massie sera à votre disposition pour vous rencontrer et envoyez-moi ça aussitôt que vous pourrez, d'ici une dizaine ou une quinzaine de jours.

M. PAUL: Est-ce qu'il ne serait pas plus sage, M. le Président — non pas parce que je n'ai pas confiance au ministre, mais le ministre de la Justice reçoit tellement de courrier — que le mémoire de M. Gadbois soit envoyé au secrétaire des commissions parlementaires, M. Pouliot, ou au notaire Pérusse, ici?

M. GADBOIS: Je pourrais en faire des copies.

M. PAUL: SI vous avez des notes particulières et confidentielles au ministre, vous pourriez les lui envoyer. Mais vos commentaires devraient être ouverts.

M. GADBOIS: Le ministre a un courrier ouvert et moi aussi...

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas d'objection.

M. DEMERS: De petites lettres intimes entre vous.

M. CHOQUETTE: Très bien, M. Gadbois. Alors, on va procéder de cette façon. Je pense que vous devez cependant faire cela d'ici quinze jours.

M. PAUL : Vous partez le deux?

M. GADBOIS: Le premier.

UNE VOIX: Le lendemain des élections.

UNE VOIX: Le jour des morts.

M. PAUL: Vous attendiez après les élections, quoi.

M. GADBOIS: Je n'entends pas perdre mon vote.

M. PAUL: Vous auriez pu aller voter, samedi ou lundi.

M. GADBOIS: Je pars après les élections, je ne pouvais pas voter avant.

M. LE PRESIDENT: Alors, cela vous irait, de cette façon? Et le mémoire que vous nous avez présenté ce matin sera inscrit dans le journal des Débats et, par la suite, vos recommandations, à la suite de votre visite en France.

M. GADBOIS: Je ne connais pas la procédure parlementaire. Est-ce qu'à un autre moment un homme du peuple peut venir discuter encore une autre fois dans une autre occasion?

M. LE PRESIDENT: Cela prend absolument une séance de la commission permanente de la Justice dont le sujet particulier serait le projet de loi 59, code des loyers.

M. GADBOIS: Pour en discuter, il faudrait que je me fasse élire député.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre vient de vous dire qu'il y a urgence pour qu'il puisse faire analyser toutes les recommandations et les mémoires qui ont été présentés à la commission même.

M. GADBOIS: Mais ce serait si simple si vous pouviez faire un miracle. Le frère André n'est pas mort, vous savez. On pourrait peut-être dans la semaine du 15.

M. LE PRESIDENT: C'était un M. Bessette et il vient de mon côté, le frère André. Je crois qu'il y a quelqu'un parmi l'assistance qui avait été invité ce matin.

M.PAUL: La Chambre des notaires.

UNE VOIX: Je serai prêt à me faire entendre le 2 novembre, à dix heures.

M. CHOQUETTE : Mais, dans votre association, vous n'êtes pas seul, M. Gadbois. Il n'y a personne d'autre qui peut venir?

M. GADBOIS: C'est moi qui ai bâti, pondu le mémoire et cherché toutes les statistiques.

M. PAUL: C'est vous qui contrôlez tout, toutes les informations.

M. GADBOIS: Exactement comme un premier ministre.

M. PAUL: A ce compte-là, le premier ministre ne contrôle pas grand-chose.

M. GADBOIS: Je remonte à 25 ans, 30 ans passés, moi. Je suis plus vieux que vous, moi. C'est pourquoi je remonte à trente ans passés.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, je pense que vous n'employez pas les bons arguments.

M. GADBOIS: Actuellement, non. Mais c'était pour donner une note...

M. CHOQUETTE: ... une note humoristique.

M. GADBOIS: Comme vous le faites avec plaisir souvent et nous l'endurons.

M. CHOQUETTE: Nous comprenons cela très bien.

M. LE PRESIDENT: II y a une autre personne.

UNE VOIX: M. le Président, serait-il possible de savoir quand nous allons être entendus?

M. LE PRESIDENT: Oui, Nous continuerons le jeudi 2 novembre à 10 heures à entendre le mémoire de la Ligue des propriétaires de Montréal et, par la suite, la Chambre des notaires du Québec et l'Association des locataires et des petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles.

M. BAATZ: Est-ce que vous prévoyez une séance du matin seulement ou une séance dans l'après-midi également? Je pense que les mémoires de ces associations vous retiendront assez longtemps.

M. LE PRESIDENT: Nous serons, à ce moment-là, en session. Alors, si nous avons notre réunion à 10 heures et que nous n'avons pas terminé, cela pourrait peut-être aller à 4 heures après la période des questions.

M. BAATZ: Entendu, merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela vous va? Est-ce que le ministre a quelque chose à ajouter? Nous ajournons, comme mentionné tantôt, au jeudi 2 novembre à 10 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 13 h 2)

ANNEXE Mémoire de la Société canadienne de courtage Inc. Principe

Même en considérant toutes les raisons divulguées ou occultes qui ont milité en faveur d'une législation concernant un contrôle des loyers tant pour la fixation du prix d'un logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement à tout genre de législation concernant un contrôle quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une province. Fruit de l'expérience

Après avoir étudié pendant plus d'un quart de siècle les avantages et désavantages d'un contrôle des loyers, nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper que les raisons qui ont motivé la continuation d'un contrôle des loyers au Québec, étaient à caractère politique et pour être plus précis, à caractère électoral.

Il ne faut pas en 1972 avoir honte de l'avouer, si, au Québec, nous avions eu l'avantage d'avoir comme en Ontario 80 p.c. de propriétaires parmi la population, nous n'aurions plus depuis 1945 cette Régie des loyers qui était et est une loi pour locataires au détriment des propriétaires.

Malheureusement, au point de vue économique, c'est une erreur monumentale de penser aux locataires en tant qu'électeurs au lieu de tout mettre en oeuvre pour promouvoir la construction et partant les bienfaits d'être propriétaire dans un pays libre.

Il faudrait être sérieux et comprendre que la stabilité de l'économie d'une province ou d'un pays est essentiellement et directement liée au fait que la majorité de la population est propriétaire, c'est-à-dire solvable et responsable.

Avec cette désuète Régie des loyers, nous avons créé une classe de locataires révoltés et parfois révoltants et nous avons diminué d'année en année le pourcentage de ceux qui deviennent propriétaires.

Même si nous regardons que le côté social et moral de la situation créée par cette Régie des loyers, il est inconcevable et impensable de tolérer l'existence d'un tel contrôle d'un des secteurs les plus importants d'une économie saine et progressive (voir QUI ABUSE ??? pages 19 et 23).

Il faut que le législateur se rende bien compte de l'état d'esprit qu'il a engendré par ce contrôle des loyers et de la colère qu'il provoque en continuant ledit contrôle.

Il y a 9 locataires sur 10, parmi ceux qui ont recours à la régie, qui sont en guerre avec leur propriétaire et ces mêmes propriétaires sont dégoûtés de l'ingérence de la Régie des loyers dans leurs relations avec leurs locataires; on en est rendu que le mot indésirable pour un locataire ne signifie et ne touche que le côté physique du logement.

Que le locataire soit un bandit, un polluant, un effronté ou un insupportable, le propriétaire, dans notre pays libre, est, avec cette régie, obligé de l'endurer sans aucun recours en loi, tant à cause de la loi qu'à cause de la non solvabilité du locataire dans la plupart des cas. Offre et demande

Dernièrement lors d'une assemblée de 112 personnes intéressées à étudier les problèmes causés par la Régie des loyers et de plus, les problèmes que causeraient la Loi 59: code des loyers, la totalité des membres présents ont désapprouvé toute ingérence de la part d'un gouvernement quelconque dans un secteur de l'économie où l'offre et la demande doivent aujourd'hui plus qu'auparavant, faire loi dans tout ce qui touche les problèmes immobiliers et en particulier, les transactions entre propriétaires et locataires.

Le raisonnement est bien simple, il n'y a pas de pénurie de logements dans la province et en particulier à Montréal; il y a même un surplus de logements si l'on se fie aux vraies statistiques et surtout si l'on enquête chez les propriétaires, les administrateurs, les sociétés de courtage, les fiducies et les trusts. Liberté pour le locataire

II est donc inadmissible qu'un propriétaire abuse actuellement d'un locataire, car celui-ci peut très facilement, en toute liberté, à la fin de son bail, peut très facilement trouver ailleurs un logement plus adéquat à son statut social et financier.

Il faut donc en déduire qu'un propriétaire qui se sentirait attiré par un prix trop élevé pour tel ou tel logement se réveillera avec un logement à louer; une perte de revenu et une difficulté à surmonter face à ses obligations financières.

Améliorations vs taxes foncières

II faut regarder la réalité en face et étudier bien objectivement. Certains propriétaires ne peuvent pas, avec les revenus dont ils disposent, entretenir d'une manière adéquate l'état des propriétés, et la Régie des loyers, et nous pouvons le prouver n'importe quand avec des cas spécifiques, n'accorde pas les augmentations qui donneraient une certaine rentabilité à la propriété.

D'un autre côté, s'il fait des travaux d'améliorations locatives, il subira immédiatement une augmentation de taxes par laquelle la ville de Montréal reprendra l'augmentation qu'il aurait obtenue du locataire; le propriétaire est donc entre Charybde et Scylla et ce, si le locataire accepte une augmentation pour son loyer. En plus la ville de Montréal augmente les taxes sans tenir compte de la dépréciation de ladite propriété.

D'ailleurs, on a vu souvent une très haute évaluation pour une propriété donc des taxes très élevées, devenir du jour au lendemain impropre à l'habitation selon certains experts de certains services municipaux.

Il serait donc opportun de prévoir une législation qui aurait pour effet d'établir un barème d'évaluation qui tiendrait compte de la dépréciation causée par les ans.

La ville de Montréal, comme toute autre municipalité du Québec, ne prend pas en considération, lors du paiement des taxes, que tel ou tel propriétaire avait un ou deux logements vacants, donc une diminution de revenus. Contrôle discriminatoire

Le plombier, l'électricien, le menuisier, le plâtrier, et le peintre ne couperont pas leurs prix à cause de la diminuation de revenus d'un propriétaire, d'ailleurs la loi leur enlève cette liberté et les propriétaires, employeurs, sont dans l'obligation de les payer selon un salaire obligatoire, dicté par un décret et ce, sans tenir compte de la compétence individuelle de l'employé.

Le salaire de ces employés, ouvriers avec carte de compétence a plus que doublé depuis 15 ans, soit une augmentation de 100 p.c. et pourtant le prix des logements n'a augmenté que de 30 à 40 p.c. et ce, avec beaucoup de difficultés.

Pourquoi contrôler un secteur en particulier dans le domaine des relations humaines; on n'a pas plus raison de contrôler les loyers que le prix des aliments, des salaires, du transport, etc.

C'est donc une atteinte au principe fondamental des droits de l'homme et des libertés humaines que de contrôler, par ségrégation, le secteur immobilier qui, au contraire, devrait être encouragé afin que ce facteur économique apporte une plus grande richesse à la population en général et augmente, par le fait même la solvabilité, la responsabilité et le pouvoir d'achat des citoyens. Justice pour tous

II est donc temps de cesser tout contrôle des loyers et de laisser à leurs problèmes légaux les propriétaires et locataires qui abusent tant au point de vue financier qu'au point de vue social ou matériel.

Nous ne nous attarderons pas à réfuter les 91 articles de la Loi 59, nous demandons au nom d'une justice humaine bien comprise et objective que ladite Loi 59 soit retirée de l'Assemblée nationale et que la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires (Régie des loyers) soit abolie simplement et complètement.

Le gouvernement pourra, à son gré, placer ailleurs les employés qui seront forcément obligés de subir un changement dans leur travail. Terme des baux

Nonobstant l'opposition catégorique que nous faisons au projet de loi 59 nous sommes d'avis que la coutume qui veut que les baux se terminent le 30 avril soit abolie et que le gouvernement provincial décrète que tous les baux se terminant le 30 avril soient prolongés, à la satisfaction de toute une population, au 30 juin qui suit le 30 avril mentionné comme fin du bail. Collaboration

Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement provincial pour le plus grand bien de la population en général et pour une saine économie dans notre province de Québec.

L'expérience vécue depuis plus d'un quart de siècle (Livre: QUI ABUSE ??? nous dicte, sans l'ombre d'un doute, que le contrôle des loyers est une atteinte à la vie économique d'une province ou d'un pays.

Que les dirigeants fassent confiance à ceux qui, par une économie saine et suivie, ont réussi à se bâtir un petit capital et ont ainsi garanti la survivance des gouvernements à tous les paliers.

Humblement soumis,

RAOUL D. GADBOIS, président

Société canadienne de courtage Inc. 68 Boul. St-Joseph-Ouest, Montréal, 288-1233

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