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Commission permanente de la justice
Projet de loi no 59 Code des loyers
Séance du jeudi 2 novembre 1972
(Dix heures dix minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission de la justice): A
l'ordre, messieurs!
Avant le début de la cinquième séance, je voudrais
demander la collaboration des représentants des organismes pour essayer
d'activer les discussions, compte tenu que les travaux de la commission devront
être suspendus à midi pour permettre à certains membres de
la commission d'assister à des rencontres. L'ordre dans lequel les
organismes seront entendus est le suivant: La Ligue des propriétaires de
Montréal, par la suite et je suis très heureux la
Chambre des notaires du Québec et l'Association des locataires et des
petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles. Nous ajoutons, à
l'ordre du jour, la Société canadienne de courtage et son
représentant.
Ligue des propriétaires de
Montréal
M. PERRAS (Loyola): M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission. Nous allons continuer notre intervention interrompue,
l'autre jour, à cause de l'heure. Me Jean-Hubert Maranda exposera le
mémoire de la Ligue des propriétaires de Montréal.
M. MARANDA: Je vais essayer de lire le rapport assez vite pour activer,
comme vous l'avez dit.
Dans une première partie, nous essayerons de mettre en relief les
principales caractéristiques apportées par le code des loyers et
qui innovent sur l'actuelle Loi pour favoriser la conciliation entre locataires
et propriétaires, innovations qui jouent tant au détriment de la
propriété foncière que de la construction domiciliaire.
Dans une dernière partie, nous tirerons nos propres conclusions.
Les sept (7) principales caractéristiques que nous avons
notées sont: la permanence, l'universalité, la
perpétuité, l'exception, la contrainte, la prohibition et,
finalement, la pénalité.
La permanence. Le code des loyers est une loi à caractère
permanent contrairement à la Loi pour favoriser la conciliation entre
propriétaires et locataires, adoptée en 1951 par la
Législature provinciale pour une période d'un an et
renouvelée d'année en année, laissant ainsi aux
propriétaires le vague espoir qu'un jour elle ne serait plus reconduite.
Il est intéressant de noter ici que les autres provinces ont peu
à peu aboli la Régie des loyers qui existait chez elles, tandis
que le code des Loyers, s'il est adopté, s'installera à demeure
au Québec.
L'universalité quant au territoire. Avec la Loi pour favoriser la
conciliation entre locatai- res et propriétaires et les amendements qui
ont été apportés, tout municipalité pouvait, par un
vote de son conseil, soustraire les immeubles situés sur son territoire
de la juridiction de ladite loi. Le code des loyers s'applique obligatoirement
à toute municipalité de plus de cinq mille habitants. En outre,
il faut noter que, sur requête de cinquante locataires ou plus, habitant
une municipalité moindre, le lieutenant-gouverneur en conseil peut par
règlement rendre le code applicable à cette
municipalité.
Toute loi, aussi universelle soit-elle, souffre des exceptions. Il est
intéressant de constater que souvent le gouvernement n'aime pas se
soumettre à ses propres lois lorsqu'il y a des
intérêts.
En effet, l'article 12 stipule que la présente loi ne s'applique
pas à un local d'habitation situé dans un immeuble faisant
l'objet d'une aide financière à titre de prêt ou de
subvention en vertu de la Loi de la Société d'habitation du
Québec.
Quant au loyer payé, les immeubles construits avant le 1er
décembre 1962, et dont le loyer était inférieur à
$125 par mois, n'étaient pas visés par l'ancienne loi. Le code
des loyers englobe tout local d'habitation habité ou habitable au 31
décembre 1972, sans référence au loyer payé. Tel
que rédigé, le présent code s'applique même aux
résidences saisonnières. Le code des loyers, quant aux maisons
neuves, s'appliquera deux ans après que le logement sera devenu
habitable. Nous savons qu'à Paris, tout logement neuf jouit d'un
exception de taxe foncière pendant dix ans tandis qu'ici, les
encouragements au développement domiciliaire sont plutôt
inexistants.
L'article 23 du code des loyers prévoit que le bail sera
renouvelé automatiquement d'année en année. Le
propriétaire ou le locataire peut, dans un délai de 60 jours,
faire part de son intention de ne pas renouveler le bail. Toutefois, l'article
25 stipule que le commissaire doit prolonger le bail du locataire qui en fait
la demande. Considérant de plus que le bail entre dans la succession du
locataire, nous estimons qu'il s'agit d'un contrat pratiquement
perpétuel. Il est immoral d'obliger, pour dix, vingt, voire même
trente ans, un propriétaire qui aurait signé un bail d'un an, par
exemple, et qui n'a eu l'intention de s'obliger que pour un an.
Loi d'exception. Brime la liberté des parties. Le code des loyers
constitue un sérieux accroc au principe de la liberté
contractuelle. Pour ne citer qu'un exemple, une augmentation dépassant 5
p.c, même de l'accord des deux parties, est nulle sans la permission du
commissaire. Certains principes tels la liberté et la
responsabilité contractuelles, principes reconnus depuis des
siècles, sont tellement ignorés par le législateur moderne
que nous pouvons commencer à mettre en doute l'utilité du code
civil.
Loi qui favorise exclusivement une partie. Le code des loyers apporte au
locataire de nouveaux avantages et de nouvelles garanties mais
n'apporte aucune nouvelle protection au propriétaire. Nous
remarquons qu'aucun bien offert au public n'a jamais été
tellement réglementé. Jamais la loi économique de l'offre
et de la demande n'a autant été écartée d'un revers
de la main que ne le fait le code des loyers.
L'article 39 prévoit que le locataire peut demander la permission
de résilier son bail pour habiter un logement subventionné. Le
législateur permet donc à l'une des parties au contrat de briser
ce contrat si elle trouve des conditions plus avantageuses avec un autre
contractant. Que dirait-on d'un propriétaire qui demanderait la
permission de résilier son bail sous prétexte qu'il a
trouvé à louer plus cher à un autre locataire?
Qu'arriverait-il au propriétaire qui, à cause des logements
subventionnés, aurait le tiers ou le quart de ses logements
vidés? Qui le subventionnera pour payer son intérêt
hypothécaire, ses réparations, ses taxes et l'entretien de
l'immeuble?
Et, pourtant, on hausse les taxes continuellement et, avec cet argent,
on subventionne des logements. Combien de temps les propriétaires
pourront-ils tenir le coup en payant par leurs taxes les logements
subentionnnés, tout en devant faire compétition à ces
mêmes logements?
Voici l'une des conclusions au sujet du logement subventionné
à laquelle est arrivé le 22e congrès de l'Union
internationale de la propriété foncière bâtie, tenu
à Paris au mois de septembre dernier. Alors, je cite: "Divers Etats se
sont alors érigés en constructeurs de logements sociaux, mais, en
fait, les logements ainsi construits ne répondent que très
imparfaitement à leur définition, étant bien souvent
occupés par des ménages ayant des ressources qui ne peuvent
être qualifiées de faibles, si bien que la charge de loyer des
véritables économiquement faibles reste assurée par les
propriétaires privés dans des logements dont, d'une
manière paradoxale, les ressources sont réduites
d'autorité au-dessous d'un minimum nécessaire à leur
maintien en état d'habitabilité".
Contrainte: L'article 14 du code des loyers stipule que chaque locateur
doit produire au commissaire une déclaration indiquant le loyer en
vigueur pour chacun de ses locaux d'habitation, que sa déclaration doit
contenir tout autre renseignement prescrit et qu'elle doit être faite
dans les délais prescrits suivant la forme déterminée par
règlement. L'article 16 de la même loi va plus loin en permettant
au commissaire de fixer le loyer qui devient en vigueur pour la période
qu'il détermine dans les cas où, par exemple, la
déclaration n'est pas produite ou qu'elle contient de faux
renseignements ou encore qu'aucun loyer n'est en vigueur lorsque la
présente loi devient applicable. Il n'existe à notre connaissance
peu ou pas de lois qui obligent les producteurs de biens à
déclarer leurs revenus pour ensuite déterminer les prix de ces
biens.
Tout a été prévu, même le moindre oubli du
propriétaire sera pénalisé. En effet, l'article 17
prévoit que les parties doivent faire parvenir au commissaire une
déclaration indiquant le montant du loyer convenu et tout autre
renseignement jugé nécessaire dans les soixante (60) jours de la
passation ou du renouvellement d'un bail. A défaut de produire cet avis,
le loyer légal est celui qui était en vigueur avant la passation
ou le renouvellement de ce bail. Le locataire aura évidemment
intérêt à oublier de faire parvenir une telle
déclaration. Quant au propriétaire, si, par oubli,
négligence ou ignorance, il omet de faire parvenir sa
déclaration, il sera pénalisé et il subira ainsi des
pertes. Nous comprenons que ces dispositions ont pour but d'éviter que
les parties ne conviennent d'une augmentation plus haute que le plafonnement
prévu, soit 5 p.c. Toutefois, aucun commerce, industrie ou
activité humaine n'est plafonné de façon aussi stricte et
aussi irrémédiable.
L'article 41 prévoit que, si les réparations ne sont pas
faites dans un délai imparti, le locataire peut s'adresser au
commissaire pour obtenir la permission de les exécuter aux frais de son
propriétaire en retenant le loyer dû.
Nous comprenons que des réparations urgentes s'imposent souvent.
Toutefois, cet article laisse tellement de latitude au commissaire que nous
nous inquiétons de la nature et de la valeur des réparations qui
pourront être ordonnées. Souvent, le propriétaire, et
spécialement le petit propriétaire, n'aura pas le financement
nécessaire pour procéder aux réparations dans le
délai imparti. Le recours à l'emprunt n'est pas une solution
à cause des taux d'intérêt en vigueur. De plus, ceci est
une porte ouverte aux abus possibles de la part de certains locataires.
Fatalement, un tel procédé donnera lieu à l'enregistrement
de privilèges sur les immeubles des petits propriétaires qui,
dans certains cas, seront exposés à perdre leur
propriété.
Finalement, nous ne voyons aucune justification à l'article 36,
paragraphe a), qui étend de trois à quatre semaines le
délai pour produire une demande de résiliation de bail dans le
cas de non-paiement de loyer.
Prohibitions. Nous avons vu que le code des loyers impose plusieurs
prohibitions au propriétaire. Nous étudierons brièvement
sous ce chapitre les prohibitions imposées par les articles 64, 65, 69,
73 et 74.
L'article 64 stipule que le locateur ne peut exiger la remise de
chèques ou effets négociables postdatés et devant servir
au paiement du loyer. D'ailleurs, l'article 65 est très clair et
défend au locateur d'exiger quelque montant que ce soit autre que le
loyer échu pour permettre au locataire d'entrer en possession d'un local
d'habitation. Un locataire pourra ainsi louer trois ou quatre logements et en
choisir un à la dernière minute. Depuis quand peut-on
réserver un bien ou une marchandise sans faire un dépôt
préalable? Existe-t-il une législation prohibant les plans
"achat, mise de côté" prévoyant un dépôt
initial pour réserver
une marchandise, coutume, d'ailleurs, si fréquente dans nos
magasins?
Plusieurs locataires sont insolvables et l'exécution d'un
jugement obtenu devant les tribunaux est tout à fait aléatoire,
spécialement depuis l'exception de saisie pour une valeur de $1,000
introduite lors de la refonte du code de procédure civile. On permet au
locateur d'autres biens d'exiger de très sérieuses garanties, par
exemple dans le cas de location de véhicules automobiles, qui ont une
valeur bien moindre qu'un local d'habitation, alors que le code des loyers
prohibe toute garantie exigible de la part du propriétaire.
Le code des loyers prohibe même, à l'article 69, au
locateur d'exiger que le loyer d'un local d'habitation lui soit directement
payé par une personne autre que le locataire. Plusieurs personnes
à Montréal sont soutenues par des pensions provenant soit de
parents, soit du bien-être social. Dans quelle position placerez-vous le
propriétaire s'il est obligé de louer un local sans même
avoir la garantie que son loyer sera payé? Autant ordonner aux banques
à charte de prêter à tout venant en leur interdisant de
faire des enquêtes de crédit.
L'article 73 prohibe à un locateur de refuser la location d'un
local d'habitation à une personne en raison de sa race, croyance,
couleur, nationalité, origine ethnique, lieu de naissance, langue ou
situation sociale de ce locataire éventuel ou d'un membre de sa
famille.
Nous ne sommes pas en faveur de la ségrégation: mais cet
article oblige de louer à tout venant, qu'il soit insolvable, asocial,
vandale, voleur ou encore réputé une nuisance publique. En vertu
du code civil, le propriétaire est tenu de donner la jouissance paisible
des lieux à ses locataires. Avec l'article 73, comment un
propriétaire pourra-t-il assurer la jouissance paisible des lieux aux
colocataires d'un édifice à logements? Quant au
propriétaire lui-même, il verra quelquefois des situations
où il devra louer à une personne indésirable pour ensuite
devoir se soumettre à des tracasseries administratives consistant
à s'adresser au commissaire pour obtenir l'évacuation de
l'indésirable et évidemment devoir absorber les pertes pendant la
période de relocation.
Quant à l'article 74 prohibant le refus de location d'un local
d'habitation pour la seule raison que le locataire a un ou plusieurs enfants
compte tenu des conditions du logement, nous nous demandons sur quels
critères se basera le commissaire pour déterminer si un logement
particulier est apte ou non à abriter un nombre déterminé
d'enfants. Le propriétaire connaissant bien les lieux loués est
évidemment plus habilité à déterminer si oui ou non
il peut accepter une famille compte tenu du nombre d'enfants.
Pénalité. Finalement, nous constatons que le code des
loyers comporte un caractère pénal. En effet, nous y retrouvons
des amendes variant de $100 à $1,000. Nous n'avions pas l'habitude de
retrouver de telles amendes dans la loi pour favoriser la conciliation entre
locataires et propriétaires. Ces amendes sont unilatérales. En
effet, on ne prévoit pas d'amende contre le locataire au cas de
l'inexécution par ce dernier de quelqu'une des obligations de son
bail.
L'application par les commissaires. Avant de passer aux conclusions,
nous nous posons une question quant à l'administration de cette loi. Le
code des loyers remplaçant la loi actuelle de conciliation entre
propriétaires et locataires, est-ce que les critères concrets
comme les formules pour déterminer le loyer et les directives
relativement à l'application et à l'interprétation des
différents articles de la loi continueront à être
confidentiels au personnel chargé d'appliquer la loi comme c'est
présentement le cas à la Commission des loyers?
Nous croyons qu'il y aurait beaucoup moins de cas soumis aux
commissaires et beaucoup de démarches inutiles évitées si
ces directives étaient accessibles à tous les
intéressés.
Conclusions. Quelles conclusions tirer de tout cela? Nous diviserons nos
conclusions en trois parties. La première quant aux propriétaires
actuels, la deuxième quant au développement immobilier futur, la
troisième quant aux locataires eux-mêmes.
Quant aux propriétaires actuels. Le code des loyers, de par les
restrictions et la coercition contenues dans son esprit et dans ses divers
articles, nous est inacceptable.
Dans presque tous les domaines de l'activité économique,
le gouvernement accepte la loi de l'offre et de la demande. Aucun bien mis sur
le marché, sauf le logement, n'est soumis à une régie ou
à une telle loi lorsque le jeu de la libre concurrence existe.
Nous convenons que le logement est un bien essentiel et je cite le
rapport Hellyer: "Tous ont droit à un logement propre et bien
chauffé".
Pour y arriver est-il nécessaire d'imposer une telle régie
des prix, une telle loi? L'huile à chauffage, si essentielle pour
chauffer ces logements, a augmenté de $0.04 le gallon depuis un an. Qui
a demandé une régie des prix de l'huile? Nous comprenons qu'il
est plus facile de s'attaquer aux propriétaires qu'aux géants du
pétrole. Et, pourtant, il y a beaucoup de petits propriétaires,
qui ont investi les économies péniblement amassées au
cours de toute une vie dans quelques logements pour assurer leur retraite. Le
code des loyers les limite tellement que leur revenu ainsi investi non
seulement ne peut augmenter, mais ne suivra même pas la courbe ascendante
du coût de la vie, qui, très souvent, dépasse 5 p.c.
Le vêtement n'est-il pas, lui aussi, essentiel? Par qui est-il
régi?
Que dire de l'alimentation? Qui la régit? Le journal La Presse
coiffait un de ses articles du 17 octobre de ce titre: "Le prix des aliments a
augmenté de près de 9 p.c. depuis un an". Un article de la Presse
canadienne, reproduit dans le même journal en date du 12 octobre, sous
le
titre "Les aliments coûtent de plus en plus cher: à qui la
faute? " affirmait: "On peut s'attendre à voir le coût des
aliments monter de 7 p.c. à 30 p.c."
La plupart des grandes industries font encore des profits
énormes. Les propriétaires de logements ne sont pas aussi
gourmands; ils n'exigent qu'un revenu raisonnable de leurs investissements.
Quant au développement domiciliaire, pourrions-nous affirmer que
le code des loyers existe parce qu'il n'y a pas de logements disponibles?
Sûrement pas. Référons-nous aux statistiques de la
Société centrale d'hypothèques et de logement relativement
à Montréal et relativement à la moyenne nationale pour les
années 1968 à 1972 inclusivement.
Les logements disponibles: à Montréal, en 1968, il y en
avait 5 p.c. et la moyenne nationale était de 2.5 p.c. En 1969, il y en
avait 7.6p.c; la moyenne nationale était de 3.8 p.c. En 1970, il y en
avait 8.2 p.c. de disponibles et la moyenne nationale était de 4.74 p.c.
En 1971, 7.2 p.c. de logements disponibles à Montréal; la moyenne
nationale 4.8 p.c En 1972, 5.7p.c. disponibles à Montréal;
moyenne nationale 4.3 p.c.
Ces statistiques nous font constater deux choses: premièrement,
le taux de vacance a toujours été beaucoup plus
élevé à Montréal que la moyenne nationale;
deuxièmement, le taux de vacance à Montréal, depuis cinq
ans, a été de 5 p.c et plus, alors qu'un taux plus
élevé que 4 p.c. est néfaste aux propriétaires et
à l'économie en général.
Au Québec, l'industrie de la construction fonctionne
déjà au ralenti. Le code des loyers, avec toutes les contraintes,
prohibitions et coercitions qu'il recèle, va-t-il encourager le
développement domiciliaire?
Le Globe and Mail publiait, dans son édition du 22 septembre
1972, une étude du Canadian Real Estate Research Corp.
Voici une traduction libre d'un extrait de cette étude:
"L'entrepreneur privé ne construira pas de logements à moins
qu'il ne puisse anticiper de plus grands profits de la construction
domiciliaire que dans des investissements alternatifs. A moins que les loyers
ne montent beaucoup dans un proche avenir, le nombre des appartements en
construction réduira".
Le code des loyers ralentira le rythme déjà lent de
l'industrie de la construction et affectera d'une façon sensible
l'économie du Québec. Nul n'ignore que l'industrie
québécoise de la construction est celle qui emploie le plus les
ressources de chez nous comme main-d'oeuvre, bois, briques, vitres, portes,
fenêtres, etc. Le gouvernement semble avoir négligé ou
sous-estimé cet aspect dans le présent projet de loi. Et nos
gouvernements municipaux? Eux qui connaissent la situation du
propriétaire ou du moins qui sont présumés la
connaître, que font-ils pour nous venir en aide? Je cite les chiffres du
journal La Presse en date du 19 octobre 1972. "Le taux de la taxe de la
Communauté urbaine de Montréal qui était de $0.71 en 1972
passe à $0.85 en 1973, soit une augmentation de $0.14 par $100
d'évaluation, dont $0.12 pour la police seulement. "Si on ajoute cette
taxe aux impôts fonciers municipaux et à l'impôt scolaire,
de même qu'aux différentes taxes spéciales ou
d'améliorations locales, le compte global du propriétaire d'un
bungalow de $20,000 s'établira comme suit: taxe de la CUM, $170; taxe
municipale et spéciale, $300; taxe scolaire, $340; eau et service, $25;
total en 1973: $835. Cette somme représente près de $70 par mois,
soit l'équivalent d'un second loyer".
Quant à ceux qui se plaignent de la cherté du loyer,
à ceux qui osent même affirmer que le loyer à
Montréal est plus élevé que partout ailleurs, nous leur
disons, premièrement, que c'est faux. Poussez davantage votre
enquête et vous verrez qu'il y a un très grand nombre d'endroits
où les loyers sont plus chers qu'à Montréal.
Deuxièmement, s'il y a à Montréal une cherté
relative des loyers comparée à certains pays occidentaux, le
phénomène s'explique par trois facteurs.
Premièrement, notre climat exige une construction
spéciale, avec isolants, système de chauffage
élaboré, grande consommation d'huile durant la période de
chauffage, qui sont des facteurs qu'on ne retrouve pas dans des endroits plus
tempérés.
Deuxièmement, le coût de la vie. Le coût
élevé de la taxe foncière, de la main-d'oeuvre et des
matériaux pour l'entretien des immeubles, ainsi que le coût
élevé de l'intérêt hypothécaire rendent
inévitable une cherté relative du logement sans compter le
coût d'acquisition des logements eux-mêmes.
Troisièmement, le bien-être. Les standards de construction
et d'entretien des logements imposés par les gouvernements municipal,
provincial et fédéral sont très élevés.
D'ailleurs le rapport Hellyer affirme que le Canada est l'un des pays du monde
où les logements sont les plus confortables. De plus, ce même
rapport ajoute que 50 p.c. de tous les logements existant au Canada ont
été construits depuis 25 ans.
Divers organismes, dont les trois grandes centrales syndicales, sont non
seulement en faveur du code des loyers, mais veulent le rendre encore plus
"anti-économique" et plus radical. Par exemple, elles veulent plafonner
l'augmentation annuelle des loyers à 3 p.c. Nous voyons un certain
illogisme dans ces prises de position. Les ouvriers de la construction, tels
que peintres, maçons, menuisiers, plâtriers, plombiers et autres,
sont groupés autour de ces centrales syndicales. Les mêmes
centrales syndicales s'opposent à l'augmentation de 5 p.c, augmentation,
répétons-le, qui ne répond même pas à
l'augmentation du coût de la vie et ne contribue donc nullement à
enrichir les propriétaires.
Pourtant, le salaire de ces mêmes ouvriers
augmente rapidement et régulièrement. Nous avons vu, il
n'y a pas si longtemps, certaine centrale syndicale exiger une augmentation de
22 p.c. répartie sur 3 ans. Si on limite les loyers, où
prendrons-nous l'argent pour payer leur prochaine augmentation? Ces mêmes
ouvriers croient-ils faire vraiment avancer leur cause lorsqu'ils appuient un
projet de loi de nature à ralentir considérablement l'industrie
de la construction?
Que dire des enseignants qui viennent d'obtenir une augmentation de 6
p.c. pour chacune des deux prochaines années? Ignorent-ils que leur
salaire est en partie payé par la taxe scolaire, impôt foncier qui
augmente rapidement d'année en année?
Les propriétaires comme tels ne se sont pas prononcés
contre ou en faveur des mesures socialisantes. Toutefois, si de telles mesures
s'imposent au Québec, ils ne veulent pas être les seuls à
en faire les frais.
Quant aux locataires, le coût des loyers grève beaucoup
moins le budget des locataires qu'on ne veut nous le faire croire. Selon le
Bureau fédéral de la statistique, en 1937, le logement grevait
26.2 p.c. du budget familial, alors qu'en 1967 il n'en grevait que 15.9
p.c.
En nous basant sur l'indice du coût de la vie, fixé
à 100 p.c. en 1949, nous en arrivons, 20 ans après, à la
situation suivante. En 1969, l'indice général des prix
était de 241 p.c, soit une augmentation de 141 p.c; l'indice
général des salaires est passé à 330 p.c, soit une
augmentation de 230 p.c, tandis que l'indice général des loyers
n'est passé qu'à 180 p.c, soit une augmentation de 80 p.c.
L'augmentation des salaires a donc presque triplé par rapport à
l'augmentation des loyers.
Est-ce en prodiguant les allocations sociales sous toutes leurs formes,
telles le logement subventionné, que l'Etat parviendra à
établir la justice sociale? Non. Nous croyons que la seule façon
d'y parvenir est de faciliter l'accès à la
propriété foncière au plus grand nombre de personnes
possible. C'est, d'ailleurs, de cette façon qu'on bâtit une nation
responsable.
Est-ce le code des loyers qui empêchera celui qui est né
locataire de mourir locataire?
Ou le code des loyers n'a pas sa raison d'être ou il n'est qu'un
cataplasme pour masquer la réalité économique d'une
certaine catégorie de locataires qui ne peuvent, malgré leur
désir, accéder à la propriété de leur
logement.
Dans une partie de nos conclusions, nous avons tenté de
démontrer que le code des loyers nuira au secteur de la construction
domiciliaire; nous tenterons de démontrer maintenant que ce n'est pas en
surprotégeant les locataires que nous pourrons convertir ces mêmes
locataires en une nouvelle génération de
propriétaires.
La Ligue des propriétaires de Montréal a, entre autres
buts, la sauvegarde des intérêts de ses membres, mais elle se
donne aussi pour but d'accroître le nombre actuel des
propriétaires. C'est pourquoi juge-t-elle non seulement le code des
loyers défavorable sinon décourageant pour les
propriétaires, mais encore elle le juge inacceptable pour un pourcentage
élevé de locataires.
Il n'est pas étonnant que les locataires acceptent
d'emblée le code des loyers et même enchérissent sur
plusieurs points. La raison en est évidente: quelle alternative ont-ils?
Le code des loyers ou rien.
Les grandes sommes d'argent que nécessitera de toute
évidence l'administration du code des loyers pourraient être
employées à meilleur escient. Ces sommes pourraient, en effet,
être affectées de manière à faciliter l'accès
à la propriété pour le plus grand nombre possible de
locataires.
Pour y parvenir, nous préconisons la
copropriété.
Nous n'ignorons pas que certaines facilités sont mises à
la portée du consommateur pour l'acquisition de maisons unifamiliales en
périphérie des villes.
Et ces facilités, bien souvent, ne correspondent ni aux moyens
financiers ni aux désirs d'un bon nombre de locataires.
Qu'on se souvienne du tollé qu'a suscité l'expropriation
pour la construction de l'autoroute est-ouest au centre de Montréal.
Plusieurs gens sont attachés à leur quartier et ne semblent pas
vouloir en sortir. Certaines enquêtes sociologiques l'ont d'ailleurs
démontré éloquem ment. Même s'ils le voulaient, ces
locataires n'auraient pas les moyens financiers leur permettant de se procurer
les nouvelles habitations unifamiliales. La seule solution valable est de leur
faciliter l'achat de logements qu'ils occupent déjà. Il existe
à Montréal des dizaines de milliers de logements confortables qui
pourraient être acquis par les occupants, grâce à la
copropriété.
Comme solution de rechange au code des loyers, la Ligue des
propriétaires de Montréal préconise que le
législateur établisse dans les meilleurs délais tous les
mécanismes nécessaires afin de favoriser l'accès à
la propriété par la copropriété. Et c'est aussi,
croyons-nous, la meilleure lutte qui puisse être entreprise contre les
taudis.
M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire,
la Ligue des propriétaires de Montréal vous prie d'adopter une
législation qui puisse donner naissance à une nouvelle
génération de propriétaires. Je vous remercie de votre
attention.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: J'ai trouvé le mémoire, soumis par les
propriétaires, très intéressant même si, à
mon sens, il représente un point de vue particulier et qu'il fait
abstraction du problème de l'abus dans les accroissements de loyers qui
sont exigés des locataires en un certain nombre de circonstances.
Peut-être les
représentants de l'Association des propriétaires qui sont
présents ici, ce matin, n'étaient-ils pas présents
à la commission parlementaire, quand j'ai cité des chiffres qui
ont été recueillis par la Régie des loyers actuelle sur
des accroissements de loyers prélevés par des
propriétaires auprès de locataires.
Si je me souviens bien, dans 20 p.c. à 25 p.c. des cas de loyers
non contrôlés actuellement par la Régie des loyers, il y
avait eu des augmentations de loyer qui, à leur face même,
semblaient abusives et indiquer, de la part d'un certain nombre de
propriétaires, des exigences et des moyens de pression excessifs sur les
locataires.
Il y a toujours le fait que le locataire, avant de refuser une demande
d'augmentation, est obligé de considérer le
déménagement comme solution alternative et que, devant les frais
à encourir pour un tel déménagement, plus les autres
complications, sa situation, sa position, son "bargaining power" est
réduit d'autant.
En second lieu, vous avez cité des statistiques au point de vue
des vacances à Montréal. A une autre séance de la
commission parlementaire, j'avais exposé le fait que les logements
vacants à Montréal, ou encore les chiffres s'appliquant aux
logements vacants à Montréal sont soufflés par les
vacances très considérables qui existent dans un certain domaine
qui est le domaine des habitations appelées studios, "bachelors", qui
viennent boursoufler les statistiques.
Quand on va au fond du problème, pour certaines classes de
locataires, en particulier les locataires qui ont des familles nombreuses ou
des familles avec plusieurs enfants, on ne se trouve pas du tout devant les
taux de vacances tels que ceux qui vous avez cités dans votre
mémoire.
Je considère cependant que votre plaidoyer, Me Maranda, est
très éloquent du point de vue d'un propriétaire, et
très intéressant aussi. Je crois qu'il passe à
côté d'une des dimensions du problème qui est
l'infériorité économique dans laquelle se trouvent un
certain nombre de locataires du Québec face à des pressions ou
à des demandes abusives de la part de propriétaires. Je me
demande comment vous répondez à cette question.
M. MARANDA: Si nous n'avons pas parlé des abus, ce n'est pas
parce que nous ignorons qu'il puisse en exister. Mais nous ne croyons pas que
nous devons régir l'universalité des loyers à
Montréal et ceux de la province pour des abus que, somme toute, nous
croyons marginaux. Sur le nombre de baux qui se signent ou se renouvellent dans
la province en un an, j'aimerais savoir s'il y a des statistiques pour nous
mentionner le pourcentage des abus qui ont eu lieu.
Ce n'est pas parce qu'il y a des abus à certains endroits qu'on
doit tout réglementer.
M. CHOQUETTE: Mais une fois qu'on est amené à
réglementer des abus, ou enfin à trouver une méthode pour
contrôler les abus, par un système d'arbitrage, si on veut appeler
ainsi le système proposé, à ce moment-là, on est
amené tout naturellement à se demander jusqu'à quel point
on doit aller dans le contrôle des abus. Est-ce qu'on doit limiter
l'intervention du commissaire des loyers aux secteurs où on a
constaté le plus d'abus et, en ce faisant, est-ce qu'on n'impose pas,
par la force des choses, une espèce de distorsion dans le
développement du marché immobilier? C'est une question qui nous
préoccupe à l'heure actuelle. Parce que si on ne fait que
contrôler une certaine partie des logements, c'est-à-dire les
domaines où on a constaté des abus assez criants, et si on laisse
le reste du marché libre, ceci peut avoir des conséquences dans
le développement ultérieur de la construction de façon
à échapper à ce que l'on appelle un contrôle des
loyers. Malgré que je réitère que, dans le projet de loi
actuel, il ne s'agit pas d'un gel des loyers, il ne s'agit pas de freiner
artificiellement l'accroissement légitime des prix des loyers face
à l'accroissement des coûts, mais il s'agit de rétablir une
position d'égalité entre locataires et propriétaires dans
la négociation des conditions du bail. Ce sont un peu là des
aspects à l'arrière-plan de la loi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: Je dois d'abord féliciter ceux qui ont travaillé
à la rédaction de ce mémoire. Les statistiques qu'on y
trouve peuvent à prime abord contredire celles qui nous furent
communiquées dans des séances antérieures de la commission
de la justice. Il s'agit pour nous de trouver un équilibre pour limiter
autant que possible à mon point de vue l'intervention de l'Etat. Nous
vivons dans une société qui n'est pas encore socialiste dans
toute l'acception du terme et il ne faudrait pas que, sous prétexte de
corriger des abus, l'Etat vienne tuer toute initiative de progrès ou de
développement. Ce qui me frappe le plus à la suite de l'audition
de ces mémoires, ce sont les répercussions possibles d'une loi de
la nature de celle qui nous est présentée et j'ose croire
qu'elle n'est pas finale dans ses termes, dans son texte c'est ce danger
que l'on peut créer quant au développement de l'industrie
domiciliaire, de la construction domiciliaire au Québec. D'un autre
côté, je rejoins parfaitement le but visé par le ministre
et sa loi, celui de mettre fin à des abus criants qui existent. Mais il
faut aussi se dégager du contexte de la ville de Montréal, qui
est une entité importante de la population du Québec, car il n'y
a pas seulement à Montréal que les citoyens ont le droit de
vivre. Il nous faut toujours, nous, envisager d'un côté le bien
général de la population du Québec même si, presque
à 50 p.c, la population du Québec est concentrée dans
Montréal et sa périphérie. Est-ce que c'est la meilleure
façon de corriger
les abus dont le ministre parlait tout à l'heure en nous
présentant une législation avec toutes les
caractéristiques qu'on retrouve dans le texte actuel du bill 59? Je dois
dire que je m'interroge encore.
Mais je voudrais cependant assurer le ministre de la Justice que nous
réalisons la complexité du problème et celui qui vous
parle est à même de collaborer avec les membres de la Régie
des loyers, spécialement avec l'honorable juge Ross et tous les
fonctionnaires chargés de l'application de la Loi de conciliation entre
locateurs et locataires, mais je m'interroge toujours à savoir si nous
n'allons pas trop loin, si nous n'embrassons pas trop de terrain de cette
façon, de sorte que les répercussions seraient de jeter un
certain déséquilibre entre d'une part les droits que doivent
avoir les propriétaires et les droits que doivent avoir les
locataires.
C'est pourquoi, M. le Président, de plus en plus, à
l'étude des mémoires qui nous sont présentés,
à l'audition de ces mêmes mémoires, je m'interroge et
j'invite le ministre de la Justice à demander à ses conseillers
de faire une revue de tous ces mémoires, pour que nous puissions adopter
une loi qui sans, d'une part, brimer les droits des propriétaires,
puisse également sauvegarder les droits des locataires, en
évitant des abus. Il ne faudrait pas partir du principe que, parce qu'il
y a des propriétaires qui commettent des abus, tous doivent être
pénalisés, comme il ne faut pas, non plus, conclure, du fait que
certains locataires abusent de leur situation, parfois, d'insolvables pour
causer des torts aux propriétaires, que tous les locataires sont des
sujets indésirables, dans notre société.
Je félicite donc Me Maranda et toute son équipe, le Dr
Perras, M. Thérien, et tous ceux qui, de près ou de loin, ont
travaillé, avec beaucoup d'honnêteté, pour tâcher de
nous montrer une facette de ce problème de l'habitation au Québec
qui nous captive actuellement. Vous pouvez être assurés que c'est
dans le meilleur intérêt et des propriétaires et des
locataires que nous ferons, en temps opportun, les revendications et les
recommandations pour garder cet équilibre social et, du même coup,
essayer d'enrayer les abus qui découlent du système actuel que
nous connaissons au Québec.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Maranda, à la lecture de votre mémoire, il
m'apparaît que votre objection à une telle législation part
d'un critère ou d'un principe que je ne retrouve pas dans la loi,
c'est-à-dire que je comprends que tous les arguments que vous nous
donnez semblent nous dire que le prix des loyers, à l'avenir, sera
gelé ou, sinon gelé, qu'il n'évoluera pas selon une
certaine situation normale. Je ne sais pas mais, à moins que je ne me
trompe, c'est de ce principe, je pense, que part votre mémoire.
Or, le ministre de la Justice l'a répété à
plusieurs reprises, au cours des séances précédentes de
cette commission, il n'est évidemment pas question de geler les loyers.
Même le taux de 5 p.c. ou de 3 p.c. peu importe quel sera le
chiffre auquel on en arrivera qu'on fixe n'est pas nécessairement
un empêchement d'augmentation de loyer pour des raisons qui sont
démontrables devant le commissaire.
Je ne sais pas si je me trompe, mais c'est l'impression que me donne
votre mémoire, soit d'être parti d'un principe qui n'existe pas
dans la loi.
M. MARANDA: On comprend qu'il est évident qu'on peut demander au
commissaire, dans certains cas bien spéciaux, d'augmenter de plus de 5
p.c. On demande une permission. Mais si on regarde le texte de la loi et
l'esprit de la loi, c'est que chaque fois que le propriétaire veut faire
quelque chose, en fait, il n'est plus le propriétaire, puisqu'il faut
qu'il demande une permission. Pourquoi, à ce moment-là, fixer un
taux? Pourquoi dire 5 p.c. C'est aussi bien de ne pas en fixer, comme dans
l'ancienne loi. Qu'est-ce que cela donne de mettre un taux, si on peut demander
moins que l'augmentation de 5 p.c. et si on peut également demander la
permission de demander plus? Pourquoi mettre 5 p.c.? N'en mettez pas.
M. BURNS: C'est pour imposer, à un moment donné, le
fardeau, si vous voulez, de démontrer quand cela dépasse un taux
qui, apparemment, même, est très généreux, soit 5
p.c. Dans la région de Montréal, vous savez que, depuis 1962, le
taux du loyer a augmenté dans une proportion de 2. 25 p.c, je pense, ou
2. 5 p.c. C'est déjà même très
généreux, dans la région de Montréal.
Je pense que c'est pour dire: Vous voulez nous démontrer que vous
sortez des taux normaux d'augmentation, eh bien, venez nous le
démontrer, vous, M. le propriétaire.
M. MARANDA : Cela ne vous justifie pas, quand même, de mettre un
taux de 5 p.c, au contraire. Je vais vous retourner votre argument, en disant:
Les propriétaires se penseront obligés d'augmenter de 5 p.c.
à chaque année, si on fixe l'objectif à 5 p.c. N'en mettez
pas et chacun fera ce qu'il voudra. Le locataire qui se sent lésé
ira devant le commissaire, s'il pense que son augmentation n'est pas
justifiée. Cela évitera d'aller devant le commissaire trop
souvent, parce que c'est une source de tracasseries pour le propriétaire
d'aller chez le commissaire. Cela prend un tas d'avis. Souvent, il paie un
avocat pour se faire représenter. Cela lui coûte cher. Et il
arrive à quoi? Quelquefois, six mois après sa demande, il a un
jugement qui souvent ne l'accommode pas. De toute façon, notre
mémoire ne parle pas simplement des 5 p.c. Il parle de l'esprit en
général de la loi. Nous sommes contre cet esprit, comme je l'ai
mentionné au début, parce que cette loi, qui
apporte beaucoup d'avantages nouveaux aux locataires, n'apporte rien,
aucune protection au propriétaire. Toute la loi est faite en faveur du
locataire et il n'y a aucun avantage pour le propriétaire dans cette
loi. Nous voulons dire que cela favorise uniquement une partie au contrat, pas
l'autre. Les propriétaires n'y trouvent aucun avantage, aucun
bénéfice.
M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression qu'une loi que pourrait
proposer le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à l'effet que
toute augmentation de salaire au Québec ne devra pas dépasser 3
p.c, à compter, par exemple, du 1er janvier 1973 serait bien
reçue par les grandes centrales syndicales?
M. MARANDA: Oui, à condition de faire venir l'armée.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je voudrais seulement dire un mot sur la question des 5
p.c. A d'autres séances de la commission parlementaire auxquelles vous
n'avez probablement pas assisté, nous avons eu l'occasion
d'échanger des vues préliminaires sur la question des 5 p.c. ou
des 3 p.c, quel que soit le taux qui devrait ou pourrait être inscrit
dans un projet de loi définitif. Je crois que des députés
ici, autour de la table, ont conclu que ce taux avait été mal
compris ou perçu. D'un côté, il était perçu
comme une autorisation à augmenter jusqu'à 5 p.c. par
année pour tous les propriétaires, et même les locataires
l'ont compris dans ce sens. D'un autre côté, il a
été perçu par un certain nombre de propriétaires
comme une défense d'augmenter de plus de 5 p.c, même s'ils avaient
des bonnes raisons de le faire. Alors, l'intention initiale que nous avions en
fixant un taux était de lutter contre l'inflation. Nous voulions que le
taux général constitue une espèce de cran d'arrêt
aux pressions inflationnistes, pour autant qu'elles s'exercent dans le domaine
du logement. Ce n'était pas un taux fixe, comme l'a dit tout à
l'heure le député de Maisonneuve, mais quand même cela
constituait une espèce de défense générale de la
société contre des pressions inflationnistes.
Je suis bien obligé d'admettre que ce taux, quel qu'il soit, est
mal compris. Il est possible que, dans le projet définitif que nous
présenterons, il n'y ait pas un tel taux d'arrêté à
cause de la mauvaise perception que nous en avons reçue. Plutôt
que de nous arrêter à une telle solution, nous laisserions une
latitude plus considérable aux autorités de la future
régie pour déterminer les taux qu'elles jugeront opportuns,
suivant les conditions économiques et sociales qui pourront
prévaloir d'année en année ou de région en
région. Il est possible que nous allions vers une telle solution.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'avais demandé la parole un peu plus tôt,
avant la déclaration du ministre. Je me demande maintenant si je devrais
faire porter mon intervention sur la quasi-annonce que le ministre vient de
nous faire d'un amendement qui serait apporté à la loi, qui est
une surprise ce matin, ou si je dois la faire porter sur les commentaires que
je voulais présenter à la Ligue des propriétaires. Je vais
essayer de faire les deux en même temps.
M. Maranda, j'ai eu aussi à lire votre mémoire, j'ai
retrouvé l'impression que d'autres témoins à la commission
parlementaire m'avaient laissée à la suite de leur
témoignage, ceux qui, si on considère le marché de
l'habitation, se trouvent plutôt du côté des producteurs que
de celui des consommateurs, soit les constructeurs domiciliaires ou comme dans
votre cas les propriétaires.
J'ai eu l'impression qu'on fait facilement, au fond, dans chacun des
mémoires de ce groupe de producteurs du marché de l'habitation,
un parallèle parfois fondé, parfois carrément
exagéré, entre intervention de l'Etat et socialisme.
L'époque est révolue de tramer ce mot dans toutes les sauces,
mais on appelle quand même cela mesures socialisantes, entrée du
socialisme, on laisse "flirter" encore l'espèce de rapprochement entre
mesures dangereuses et mesures socialisantes.
Je vous rappellerai quand même que l'intervention de l'Etat est
loin d'être synonyme de socialisme, en particulier dans le bill 59. Il me
semble que l'intervention de l'Etat est une mesure profondément
libérale dans le cas actuel, dans le sens économique du mot. En
effet elle vient rétablir ou mettre de l'ordre dans des conditions de
marché et devrait favoriser l'expansion du marché, donc
éventuellement l'expansion des producteurs, l'expansion du profit des
producteurs dans le coin. Si on essaie de limiter les abus que peuvent
connaître les locataires dans certains domaines, c'est dans
l'intérêt des locataires, c'est pour que le consommateur dans le
domaine de l'habitation ait un plus grand pouvoir d'achat dans d'autres
domaines, pour que son pouvoir d'achat ne soit plus laissé à
l'initiative et à la flexibilité que connaît d'année
en année le renouvellement des baux, mais qu'on puisse prévoir
l'évolution du marché économique capitaliste dans ce
domaine-là comme dans d'autres.
J'aimerais avoir le temps de définir devant vous, avec un peu de
recherche, ce que serait une intervention véritablement socialiste dans
le domaine de l'habitation à Montréal. Je vous assure que vous
trouveriez raide le bill 59, à ce moment-là... vous sauteriez
dessus avec la même énergie, probablement, que vous avez eue pour
le condamner. Donc, je me méfie beaucoup des parallèles qu'on
peut faire entre intervention de
l'Etat et socialisme, d'autant plus que les interventions de l'Etat
faites par les gouvernements que nous avons connus ont toujours
été modérées, et il a suffi de très peu
d'opposition à un moment donné pour que ce qu'il y avait de bon
dans une loi comme intervention rigoureuse soit peu à peu retiré.
Par exemple, une loi pouvait comporter l'annonce d'un taux qu'on pouvait porter
comme limite d'augmentation de loyer, limite accordable. Ensuite, il faut aller
devant le commissaire et, peu à peu, il suffit de quelques
manifestations d'opposition des producteurs dans le marché quelconque
pour qu'un ministre annonce du même souffle que peut-être que, dans
l'aspect définitif du projet de loi, tel taux n'apparaîtra pas. On
voit tout de suite que ce qui apparaissait à certains comme une
intervention rigoureuse de l'Etat n'était qu'un pas timide dans la
réglementation des abus et que même là il a suffi d'un peu
de brouhaha du côté des producteurs d'un marché quelconque
pour que l'intervention timide de l'Etat soit encore plus floue qu'elle
n'apparaissait même dans un projet de loi à l'origine. Je pense
que la déclaration que le ministre vient de faire, si on doit y donner
une certaine pertinence dans le débat, il me semble qu'elle en a une ce
matin, est en fin de compte l'annonce que je ne veux pas abuser de ses
propos parce qu'il les a tenus délibérément vagues
le projet de loi dans sa figure définitive, ne porterait plus cette
intervention, cette mesure socialisante que vous avez condamnée. Vous
voyez que cela ne prend pas grand-chose pour faire reculer l'Etat dans ses
interventions. Il suffit que les producteurs lui demandent d'intervenir pour
qu'il intervienne et il suffit que les producteurs lui disent qu'il intervient
trop pour qu'il accepte de dire qu'il intervient trop et qu'il se retire.
Moi, je n'ai pas vu dans mes deux ans et demi ici au Parlement, ou
même depuis le temps que je fais de la politique, beaucoup de mesures
socialisantes dans les deux gouvernements...
M. HARDY: Combien d'années?
M. CHARRON: Cela doit faire à peu près une dizaine
d'années.
M. BACON: Ah! mon Dieu!
M. CHARRON: Cela ne me rajeunit pas.
M. HARDY: Vous n'aviez pas l'âge de raison?
M. CHARRON: Je sais très bien que cela ne me rajeunit pas mais
quand même...
M. BURNS: Vous avez commencé à la maternelle.
M. CHARRON: M. Maranda, je veux dire que le fond de votre intervention,
s'il peut y avoir des répercussions économiques, je l'admets bien
et tous les membres de la commission devraient y faire attention. Mais
attention à vous aussi de ne pas considérer une timidité
gouvernementale comme étant un affrontement prêt à vous
être lancé, je pense que c'est exagéré.
M. MARANDA: Je ne veux pas commencer une querelle de mots à
savoir si c'est du socialisme, des mesures socialisantes ou une intervention
timide ou non de l'Etat. Somme toute, si vous regardez votre mémoire, on
dit ceci: A Montréal c'est peut-être un peu
différent ailleurs il y a seulement 20 p.c. de
propriétaires. Donc 80 p.c. de locataires. D doit y avoir une raison
à cela. Comment cela se fait-il qu'on est arrivé à une
situation où on a si peu de propriétaires comparativement
à des villes comme Toronto? Pourquoi? Posons-nous la question et on
verra que les gens ne tiennent plus à être propriétaires.
D'ailleurs, il y a une grande partie des gens, de 20 p.c. à 30 p.c. des
locataires, qui sont locataires parce qu'ils ne veulent pas avoir les ennuis
d'être propriétaires dans une ville comme Montréal. Parce
que cela coûte cher et c'est une source de tracasseries.
Quant aux autres, il y a peut-être 20 p.c. de locataires qui sont
locataires parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Nous disons:
Plutôt que de dépenser des sommes considérables pour
administrer une loi qui est une loi de contrainte, qu'on ne trouve pas
ailleurs... c'est ce qu'on dit. Je comprends que, quelquefois, plutôt que
de déménager, un locataire va accepter des conditions, au
renouvellement de son bail, qui peuvent comporter une augmentation. Il est
peut-être en position d'infériorité. Quand vous allez chez
Steinberg, chez Dionne, chez Dominion, chez Cooprix ou ailleurs, et que cela
vous coûte la moitié de votre budget, la moitié du salaire
de la semaine pour vous nourrir, je pense que vous êtes dans une
drôle de condition d'infériorité, bien plus que dans la
condition du logement. Car vous payez le prix exigé, ou vous ne mangez
pas. C'est aussi simple que ça.
Nous voulons faire remarquer que nous sommes la seule catégorie
de producteurs de biens qui sont limités comme nous le sommes. Avec tout
cet argent qui sera utilisé pour administrer la loi, commençons
par essayer de favoriser la copropriété. C'est-à-dire
qu'il y a des gens, à Montréal, qui aiment leur quartier, qui
habitent dans des maisons encore habitables. Essayons de faire des prêts
pour que ces gens achètent leur logement. Etablissons des
mécanismes. Actuellement, on peut acheter, en périphérie,
des maisons financées par la Société centrale
d'hypothèques et de logement. Mais pour ceux qui ne veulent pas sortir
de leur quartier ou pour qui ce serait trop onéreux de s'acheter une
maison de $15,000, s'ils pouvaient acheter leur logement, voyons alors à
les subventionner de la même façon qu'on subven-
tionne pour une maison neuve. Pourquoi ne pourrait-on pas trouver le
moyen de subventionner le locataire qui veut devenir propriétaire de son
logement? En étant propriétaire de son logement, il va devenir un
homme responsable. Il va améliorer son logement et vous aurez moins de
taudis.
M. CHARRON: Vous voyez vous-même, M. Maranda, que si vous proposez
la création d'une espèce de banque de prêts, aux fins de,
comme dirait le député de Maskinongé, d'arriver à
la copropriété, vous faites vous-même état d'une
intervention possible du gouvernement qui ne serait pas du tout...
M. MARANDA: Non, pas du tout. M. THERIEN: ... cette intervention...
M. CHARRON: Vous voyez qu'une intervention de l'Etat...
M. THERIEN: Dans notre mémoire, non seulement nous ne sommes pas
opposés à cette intervention mais nous avons dit que nous
reconnaissons que la Société centrale d'hypothèques et de
logement a joué un rôle extrêmement intéressant dans
tout le pays en ce moment. Nous ne sommes pas opposés...
M. CHARRON: Non, ce n'est pas ce que je voulais...
M. THERIEN: ... non plus à l'urbanisme. Au contraire.
M. CHARRON: Ce n'est pas ce que je veux vous dire.
M. THERIEN: Laissez-moi vous parler, ensuite vous me répondrez.
Nous avons prouvé que ces interventions sont de nature à aider
l'accès à la propriété, le développement de
nouvelles maisons d'habitations, l'accès à la
copropriété et les condominiums; l'Etat a déjà fait
des lois et intervient pour aider. En ce moment, les syndicats ouvriers ont le
droit d'obtenir des prêts à 100 p.c. pour devenir
propriétaires des maisons. Pour quelles raisons n'utilisent-ils pas
cette loi pour procurer des logements à leurs membres? Nous avons
prouvé que l'augmentation du loyer, des prix comparatifs... vous avez
l'augmentation du loyer par rapport à l'augmentation des salaires en
vingt ans, cette augmentation des salaires a été de 330 p.c. par
rapport à l'année de base, alors que, pour les logements, dans
tout le Canada, elle n'a été que de 180 p.c.
Nous avons également une autre statistique qui prouve encore
qu'en 1937 26 p.c. du revenu familial allait à l'habitation alors qu'en
1967 cette partie consacrée à l'habitation était rendue
à seulement 16 p.c. En d'autre termes, nous prouvons, en ce moment, que
le logement a baissé depuis 30 ans. Il représente à peu
près la moitié, pas tout à fait, à peu près
60 p.c. de moins qu'il était il y a 30 ans.
Donc, nous croyons que ce qui est important vous êtes un
économiste, vous avez fait des études en économie
c'est d'avoir un revenu normal...
M. CHARRON: Comme Bourassa.
M. HARDY: Vous lui prêtez des talents autant que Bourassa.
M. CHARRON: Je suis aussi économiste que Bourassa.
M. THERIEN: De toute façon, c'est une question économique
et ce serait peut-être intéressant que vous appreniez
l'économique pour savoir qu'il faut que ce soit d'abord rentable et
qu'il faut que les propriétaires aient un revenu normal. Nous avons
même favorisé, dans notre mémoire, les allocations de
logement pour les familles nécessiteuses, pour les assistés
sociaux. Donc, nous ne sommes pas opposés à cela. Nous avons
prouvé également que le contrôle des loyers n'avait pas
aidé à construire un seul logement pour les familles. Nous avons
démontré par des statistiques, aussi bien de Toronto que de New
York, que les contrôles des loyers n'ont rien amélioré.
Justement, en parallèle, à Toronto, il n'y a pas de
contrôle, l'augmentation de logements a été
considérable, alors qu'à New York, vous avez eu un contrôle
et le nombre de logements a baissé, les investisseurs ne vont plus
là.
Je n'ai pas terminé. Attendez que j'aie terminé et puis
vous me parlerez.
A Montréal, la même chose se produit. En ce moment, si on
compare je n'ai pas malheureusement les chiffres, j'aurais voulu les
avoir les chiffres entre Toronto et Montréal, je ne dis pas que
c'est la seule question, il y a eu moins de construction de logements à
Montréal qu'à Toronto, et une des raisons est, justement, qu'il y
a un contrôle des loyers. Les nouveaux propriétaires subissent la
concurrence irrégulière des habitations contrôlées,
avec la conséquence et j'ai, sur Montréal, des statistiques que
je pourrai vous montrer, ce sont des statistiques prouvées qui me sont
d'ailleurs données par des...
M. BURNS: Je ne voudrais pas que vous repreniez votre
mémoire.
M. HARDY: On ne veut pas que vous repreniez votre mémoire
puisqu'on l'a déjà entendu.
M. BURNS: II reprend son mémoire et, à mon avis, ce n'est
pas là le problème.
M. PAUL: II est en train de le vulgariser...
M. HARDY: C'est cela la démocratie, des gens qui se
présentent à la commission parlementaire...
M. BURNS: Va donc chez le diable!
M. HARDY: C'est cela la démocratie de la participation.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. THERIEN : Le député de Maisonneuve ne pourra tout de
même pas dire que c'est un fait...
M. BURNS: Juste une minute, je voudrais vous dire quelque chose. Je veux
vous demander pourquoi vous voulez absolument que les logements augmentent,
alors qu'à la page 13 de votre document vous dites: C'est nous qui avons
les plus hauts taux de logements disponibles. En quoi votre affaire est-elle
logique, d'une part? D'autre part, je ne vois pas et dites-moi où
vous en trouvez dans le bill 59 de disposition qui vous empêche
d'avoir un rendement normal de votre industrie.
M. THERIEN: On veut avoir la liberté contractuelle. En ce moment,
le contrôle des loyers, à Montréal, empêche la
construction de nouvelles habitations parce que ces gens-là ne peuvent
pas obtenir un loyer raisonnable à cause de la concurrence, que je viens
de mentionner, qui est anormale.
M. CHOQUETTE: Ce que vous dites est, à mon sens, manifestement
faux, parce que le contrôle des loyers, à Montréal,
s'applique seulement aux maisons construites jusqu'en 1951. Alors ce n'est
sûrement pas cela qui empêche la construction de logements.
M. THERIEN: M. le ministre, permettez-moi de vous faire cette remarque.
En ce moment, parce qu'il y a un grand nombre de logements qui sont
contrôlés, qui se trouvent à un niveau
nécessairement inférieur à celui des nouveaux logements
qui peuvent être loués, avec la conséquence que... Ce que
je vous dis c'est mon expérience personnelle et c'est une des raisons
qui explique pourquoi Montréal a eu moins de construction de logements
que Toronto. C'est parce qu'il existe un contrôle. Même si
théoriquement cela n'affecte pas les maisons nouvellement
construites.
M. CHOQUETTE: Puis-je dire un mot, M. Thérien?
Premièrement, je ne crois pas que le contrôle actuel des
logements, à Montréal, joue d'une façon quelconque sur la
construction, et que ce sont des conditions économiques
générales qui ont fait qu'on a peut-être assisté
à plus de construction à Toronto et dans la région
métropolitaine de Toronto que dans la région
métropolitaine de Montréal.
En second lieu, si on regarde les statistiques, en Ontario, alors qu'en
1955 les mises en chantier de maisons individuelles étaient de 43,257,
en 1970, elles ne sont plus que de 21,577. Tandis que pour la construction de
logements dans des maisons d'appartements, les mises en chantier se sont
accrues, en 1955, de 7,019 à 42,344, ce qui fait qu'il est manifeste,
d'après ces statistiques, que même la région de Toronto
délaisse, dans une certaine mesure, la construction de maisons
individuelles pour la construction de logements en maisons d'appartements.
Pourtant, vous êtes dans un endroit où il n'y a pas de
contrôle des loyers.
Ceci nous démontre des vues très générales
sur la question du contrôle des loyers, à savoir s'il
empêche ou n'empêche pas la construction? Ces vues
généragles ne sont probantes d'aucune façon parce que,
dans ce domaine-là comme dans tous les autres domaines, il y a d'autres
conditions générales qui prévalent. Il y a des modes qui
existent aussi, des façons dont les gens veulent vivre qui s'expriment
également.
Je crois qu'il est erroné de prédire le pire parce que
l'Etat imposerait un certain arbitrage entre les propriétaires et les
locataires pour éviter des abus, compte tenu d'une situation où
il y a pénurie de logements et où, par conséquent, l'offre
de logements n'est pas suffisante par rapport à la demande.
M. MARANDA: Si vous permettez, M. le ministre, j'aimerais
répondre à M. Burns qui demandait de lui citer un seul article de
la loi qui nous empêche d'avoir un investissement de capital..
M. BURNS: Un rendement normal, j'ai pris l'expression de M.
Thérien.
M. MARANDA: Un rendement normal si vous voulez, ou encore un article de
la loi qui va empêcher le développement domiciliaire. Il est
évident que, dans aucun article de la loi, on nous dit qu'on n'aura pas
un rendement normal. On n'est pas pour nous dire ça. C'est dans l'esprit
général de la loi, c'est dans les sept principales
caractéristiques que je vous ai mentionnées tout à
l'heure, si vous lisez mon mémoire, qui font qu'il y a un esprit tel que
les gens ne seront plus intéressés à construire.
On ne dit pas qu'actuellement il n'y a pas de construction. Oui, il y a
précisément de la construction parce que la nouvelle
construction, avec la loi actuelle, n'est pas soumise à une
régie. C'est pour ça qu'il y a une certaine construction à
Montréal, même que M. le ministre disait: Vous avez un taux de
vacance élevé à Montréal, mais c'est à
cause, en bonne partie, des studios ou des "bachelors".
Les studios sont quand même des appartements qui ont
été construits assez récemment. Là-dedans, vous en
avez. Vous avez un choix, vous avez un marché de loyers.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. MARANDA: Précisément là-dedans. Mais
on se dit qu'avec la loi qui s'en vient, nous n'en aurons plus. Des gens
ont fait les nouveaux logements parce qu'ils savaient qu'il y avait un
investissement raisonnable. Mais mantenant, à la Régie des
loyers, on fait un savant calcul et on vous donne environ 10 p.c. de
l'investissement, compte tenu du risque du propriétaire, de
l'administration qui est quand même assez embêtante si vous avez
des logements. Vous savez comment ça peut être embêtant les
divers appels de locataires qui demandent des réparations et tout et
tout. Compte tenu de l'administration, du risque, vous avez un investissement
qui produit 10 p.c. A ce moment-là, vous faites mieux de vous acheter
des actions dans des compagnies, de rester chez vous et de ne pas avoir
d'ennuis et, bien souvent, vous allez faire plus d'argent. Vous êtes
mieux de faire un prêt hypothécaire où vous êtes
garanti en première hypothèque sans risque et avoir 8.5 p.c, 9
p.c. et 9. 25 p.c. Cela devient plus rentable.
Actuellement, le rendement de la régie est de 10 p.c.
M. CHARRON: Mais vous devriez quand même être satisfait de
l'annonce que le ministre vient de faire ce matin à l'effet que la loi
ne portera désormais plus de taux.
UNE VOIX: Vous n'avez rien compris.
M. CHARRON: Non, j'ai compris. Le ministre veut-il confirmer l'annonce
à l'intention du député de Terrebonne, son voisin de
droite? Est-ce vrai que la nouvelle version de la loi ne portera plus le taux
de 5 p.c?
M. CHOQUETTE: J'ai dit que nous examinions la question du taux, à
savoir si un taux devait être introduit dans la loi ou si une formule
plus flexible devrait être adoptée.
M. CHARRON: Et maintenant, dans l'idée du ministre, est-ce que
c'est plutôt la deuxième hypothèse?
M. CHOQUETTE: Je ne suis pas pour annoncer ce qu'il y a dans mon esprit
parce que ce sujet fait encore l'objet de réflexion. J'ai
constaté que, chez certains propriétaires, on tenait pour acquis
que l'introduction d'un taux de 5 p.c. indiquait une autorisation d'augmenter
annuellement les loyers de 5 p.c. Ce n'était pas ça du tout
l'intention du projet initial.
D'autre part, la même perception a existé chez certains
locataires, puisque des associations de locataires sont venues nous dire de
fixer le taux à 3 p.c. C'est donc manifeste qu'on n'a pas compris dans
quel esprit ce pourcentage était introduit dans la loi. C'est pour
éviter les abus de part et d'autre que je m'interroge sur cette
idée d'introduire un taux.
M. CHARRON: Ne vaudrait-il pas mieux garder le taux? C'était une
mesure excellente, à mon avis, à l'intérieur du projet de
loi. Je ne parle pas de 5 p.c. comme tels. Ce peut être 3 p.c. ou 4 p.c.
Mais l'existence d'un taux. Il vaudrait mieux s'assurer que l'explication qu'on
s'est efforcé de donner à tous les participants de la commission
parlementaire soit claire, qu'il n'y ait qu'un seul entendement possible de
l'existence de ce taux que de supprimer le taux parce que des gens l'entendent
de façon différente.
M. CHOQUETTE: Même en théorie, supposons qu'on introduit un
taux de 3 p.c, qu'est-ce que les propriétaires vont dire? Ils vont dire
à leurs locataires qu'ils ont le droit de les augmenter de 3 p.c. tous
les ans. Ce n'est pas nécessairement le but que recherche le
législateur. Il y a des montants où il faut que les taux de loyer
arrêtent d'augmenter carrément.
M. CHARRON: Mais cela s'explique. Il me semble que c'est assez simple de
comprendre l'existence du taux dans le projet de loi. Vous l'avez
expliqué plusieurs fois depuis le début de la commission. Il y a
seulement le député de Terrebonne qui n'a pas compris. Mais, pour
les autres membres de la commission, l'existence d'un taux, on sait ce que cela
veut dire. C'est la liberté contractuelle jusqu'à ce taux. On
peut toujours le dépasser, mais, cette fois, en allant devant le
commissaire. D me semble que ce n'est pas la fin du monde à comprendre.
Il faut volontairement ne pas vouloir le comprendre.
M. CHOQUETTE: Evidemment, pour un brillant esprit comme le
député de Saint-Jacques, cela se comprend.
M. CHARRON: II n'est pas question du brillant esprit du
député de Saint-Jacques; c'est dans la loi, selon la
rédaction faite par le brillant ministre de la Justice.
M. BURNS: D'ailleurs, on a déjà un précédent
je pense qu'on en a déjà parlé au cours de ces
séances car votre collègue des Institutions
financières a présenté le projet de loi 45, loi
protégeant le consommateur. D'ailleurs, cette loi a été
introduite sous le haut parrainage du ministre de la Justice. Il y a eu
énormément de publicité faite autour de cette loi et je
m'attends que le ministre de la Justice fasse la même chose lorsque le
code des loyers sera adopté.
M. BLANK: II y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas la Loi de la
protection du consommateur.
M. BURNS: II y en a plusieurs qui ne la comprennent pas, mais il y en a
moins qu'avant qui ne la comprennent pas.
M. BLANK: Je pense que j'ai plus d'appels de gens qui ne la comprennent
pas.
M. BURNS: C'est fort possible, cela.
M. CHARRON: Ce n'est pas parce qu'une chose est mal expliquée
qu'il faut la retirer. Si le ministre recule sur ce point, la loi devient
beaucoup moins intéressante à défendre et à
expliquer. Le débat en Chambre sera inévitablement plus long
parce que, là-dessus...
M. CHOQUETTE: On le verra. On le fera ensemble, ce débat.
M. CHARRON: Oui, d'accord. On le fera ensemble. Mais, quand même,
vous l'avez annoncé ce matin.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense qu'on perd du temps,
là.
M. LE PRESIDENT : Est-ce qu'il y a d'autres questions à
poser?
M. MARANDA: J'aurais aimé répondre à M. Burns. Les
10 p.c. qui actuellement sont donnés par la régie, ce n'est pas
une mesure incitatrice au développement domiciliaire, à la
construction. Je suis allé encore récemment en appel à la
régie et on m'a fait un grand exposé pour dire que, cette
année, on donnait un rendement de 10 p.c, pas plus. Avec tous les tracas
que comporte l'administration d'une maison, le risque financier, je ne crois
pas que ce soit un placement intéressant.
M. HARDY: 10 p.c. brut?
M. MARANDA: J'ai ici des formules confidentielles qui se passent
à la Régie des loyers. Je les ai trouvées une fois, par
hasard.
M. HARDY: Des fuites de documents?
M. MARANDA : Je les ai trouvées par hasard, parce que c'est
très confidentiel au personnel de la Régie des loyers. Même
les avocats qui vont plaider ne les ont pas. Je le mentionnais, d'ailleurs,
dans mon mémoire. C'est bien embêtant parce que, là-dedans,
on a des directives, par exemple, quant à l'application des
différents articles de la loi. Si, par hasard, on trouve cela
égaré sur une table, on peut s'en servir. Mais, si on l'avait, ce
serait beaucoup plus simple et, souvent, on n'irait pas plaider à la
régie parce qu'on saurait la façon dont ces choses vont
être accueillies.
M. HARDY: Cela diminuerait le volume des causes devant la
régie.
M. MARANDA: Je ne suis pas administrateur à la régie; ce
n'est donc pas à moi de répondre à cela.
M. HARDY: Mais, si vous pouvez répondre à ce qui
m'intéresse, vous avez lancé tout à l'heure un chiffre de
10 p.c. Apparemment, d'après les documents secrets et confidentiels que
vous avez pu vous procurer, il semblerait que la commission de la régie
se baserait sur un rendement de 10 p.c. pour rendre ses décisions.
Maintenant, est-ce que les documents que vous avez en votre possession sont
suffisamment explicites pour que vous puissiez dire s'il s'agit de 10 p.c. brut
ou de 10 p.c. net?
M. MARANDA: Les documents que j'ai sont de 1971. En 1971, c'était
12 p.c. Mais, cette année, à la cour d'Appel de la régie,
on a vraiment fait le calcul pour arriver à 10 p.c.
M. HARDY: Oui, mais brut ou net? M. MARANDA: Net. M.HARDY: 10 p.c.
net.
M. MARANDA: Oui, c'est-à-dire une fois les dépenses
enlevées.
M. HARDY: Vous voulez dire les taxes?
M. MARANDA: Moins les taxes, le chauffage...
M. HARDY: Oui. Mais 10 p.c, cela englobe l'administration,
c'est-à-dire le temps que le propriétaire consacre à
administrer.
M. MARANDA: Non, pas du tout, ce n'est pas englobé.
M. THERIEN: Cela ne comprend pas non plus la
dépréciation.
M. HARDY: C'est cela. Quand vous dites que le propriétaire retire
10 p.c. net, ce n'est pas seulement sur son investissement, c'est le temps.
M. MARANDA: C'est cela, oui.
M. HARDY: L'administration est comprise à même les 10
p.c.
M. MARANDA: Elle est comprise à même les 10 p.c.
M. HARDY: C'est dans ce sens que vous disiez tantôt qu'à ce
moment-là, il est plus rentable d'acheter des actions qui rapportent 10
p.c.
M. MARADA: C'est dans ce sens, surtout que l'on calcule le nombre de
logements qu'il y a dans un immeuble. Supposons qu'il y en a six.
L'administrateur, à la régie, ne prendra pas en ligne de compte
le fait que peut-être, pendant l'année, il y en a eu un ou deux
qui ont pu être libres pendant deux ou trois mois, pendant une certaine
période de relocation. De cela, il ne
tient pas compte. Il prend le revenu tel que cela devrait rapporter, si
tout était loué.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt, tout à l'heure, mon bon ami le
député de Saint-Jacques, qui disait: L'intervention de l'Etat a
toujours été modérée. Je veux le féliciter
pour son honnêteté intellectuelle, parce que c'est la
première fois, depuis les événements d'octobre 1970, qu'il
reconnaît que l'intervention du ministère de la Justice, à
l'époque, a été modérée.
M. BURNS: Je comprends, le ministère de la Justice n'est
même pas intervenu à ce moment-là. Vous vous souvenez que
c'était l'autre gouvernement qui s'en était
mêlé.
M. CHARRON: Nous n'avions plus de gouvernement à ce
moment-là.
M. BURNS: Nous n'avions pas de gouvernement. Nous n'en avons pas,
d'ailleurs, actuellement.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?
M. MARANDA: En terminant, le Dr Perras a demandé s'il pouvait
avoir la permission d'avoir accès à vos documents. Nous
comprenons que vous avez une documentation assez importante, des statistiques
assez intéressantes. Pourrions-nous avoir accès à cette
documentation? Pouvons-nous la consulter?
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous vous référez à la
documentation dont on a discuté avec M. Gadbois à la
dernière séance?
M. MARANDA: Oui, c'est cela que le Dr Perras aimerait voir.
M. CHOQUETTE: Je n'y ai pas d'objection.
M. MARANDA: Enfin, celle-là et toute la documentation qui peut
être rendue publique.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. MARANDA: Merci beaucoup.
M. PERRAS: Si vous me permettez, M. le Président, M. le ministre,
j'aimerais ajouter que je me souviens vous autres, vous êtes
probablement tous trop jeunes des premiers temps, quand le
contrôle des loyers a été appliqué, il y avait alors
une rareté de logements. Les logements vacants étaient à
zéro, non seulement à zéro, mais il y avait deux ou trois
familles qui habitaient par logement. Tous les magasins étaient
convertis en logements, les garages, les greniers, enfin tout. Il y avait
réellement rareté. Maintenant, c'était une loi temporaire
qu'on instituait à ce moment-là. Je comprends mal ce qui se passe
aujourd'hui, avec une vacance, à Montréal, de 5.7 p.c, en juin
dernier, il y avait 7.2 p.c. de logements vacants, M. le ministre. Vous avez
invoqué que ces vacances sont surtout dans des "bachelors", dans de
petits appartements. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a un facteur,
là-dedans, aussi, c'est que, dans un avenir très
rapproché, des grands logements, on n'en aura plus besoin. Vous avez
oublié la pilule, dans votre affaire.
Je crois tout de même qu'il y a tellement de contraste entre le
temps où on a appliqué un contrôle qui était tout
à fait raisonnable et aujourd'hui. J'ai l'impression qu'aujourd'hui ce
n'est pas tellement nécessaire ou qu'on devrait continuer à
l'appliquer à des logements construits avant 1951.
Il y a une autre chose que je voulais ajouter, pour que vous compreniez
bien, c'est que, quand on parle de condominium ou d'habitation en
copropriété, on veut surtout mentionner que les habitations
actuelles, les vieilles bâtisses soient rénovées par les
locataires actuels de ces logements, c'est-à-dire que la Loi du
condominium, de la copropriété devrait être
appliquée aux vieilles propriétés qui ont besoin
d'être rénovées.
Nous avons un exemple de cela en France. Je dois vous dire qu'à
Paris, il y a dix ans, la Chambre des propriétaires de Paris, qui
correspond à peu près à notre Ligue des
propriétaires de Montréal, comptait 400,000 membres. Ils ont
aujourd'hui 40,000 membres, parce que la plupart des habitations, à
Paris, ont été converties en logements, c'est-à-dire ont
été vendues par unité d'appartement, parce que la plupart
des constructions étaient des appartements.
On devrait donc, je crois, encourager les locataires actuels à
acheter leur logement. Si le locataire n'est pas capable d'acheter toute une
propriété, il pourrait au moins acheter son logement. S'il y a
une bâtisse où il y a six logements, il faudrait qu'un individu
puisse acheter sa partie seulement.
Je crois qu'il vaudrait la peine de faire une étude
sérieuse de cette situation. Alors, si nous obtenions un plus grand
nombre de propriétaires, nous aurions une société plus
responsable, plus solvable. Il y a une autre chose que je voulais mentionner
aussi. C'est que nous, propriétaires, sommes vulnérables. On peut
nous imposer n'importe quelle loi. Nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons
que nous y opposer verbalement. Tandis que, dans n'importe quelle autre partie
de l'économie, si on essaie d'appliquer une loi aux industriels, eh
bien, ils vont fermer boutique. Mais le propriétaire ne peut pas
déménager sa propriété, il est obligé de
rester là. Si on veut imposer une loi aux ouvriers, ils feront la
grève. Mais nous ne pouvons pas faire la grève. Nous sommes
très vulnérables. Il faut croire que cela vaut la peine
d'être pris en considération.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la
commission. Vous avez un dernier mot?
M. MARANDA: Oui. Si vous me le permettez, j'aimerais attirer l'attention
des gens intéressés sur un des articles de la loi, plus
précisément l'article 40.
Nous sommes soumis à tous les règlements municipaux,
c'est-à-dire que le gouvernement endosse sans plus d'enquête
l'application de tous les règlements municipaux. Et si on prend les
règlements municipaux de toutes les municipalités de
Saint-Glin-Glin et d'ailleurs, je les ignore, mais je connais un peu les
règlements municipaux de Montréal. Or, nous en avons quelques-uns
qui sont nettement idiots et qui sont même inapplicables.
Et ces règlements, en vertu de l'article 40, le commissaire les
appliquera. Pour n'en citer qu'un, à Montréal, toute maison doit
avoir une armoire basse d'une surface de travail d'une superficie minimum de
trois pieds carrés par pièce habitable. Par exemple, moi qui
habite un logement de huit pièces, cela voudrait dire que je devrais
avoir une armoire de cuisine d'une superficie de 24 pieds carrés. Il va
falloir que j'agrandisse la cuisine. Et, de plus, le même
règlement dit qu'on doit avoir une armoire de cuisine pour placer la
vaisselle et les ustensiles d'une superficie d'au moins douze pieds cubes par
pièce de logement. Cela voudrait dire qu'il faudrait que je transforme
ma cuisine en armoires de cuisine. Voilà un des règlements.
Il y a d'autres règlements, à Montréal, que
même les services intéressés ne mettent pas en application
parce qu'ils sont trop idiots ou nettement inapplicables. Alors, ici, le
gouvernement accepte automatiquement, sans plus d'enquête, que les
propriétaires devront se conformer à tous les règlements
municipaux, quels qu'ils soient. Je suis contre l'application instinctive ou
automatique de règlements dont on ne connaît pas la
portée.
M. HARDY: Quand vous avez affaire à un règlement municipal
ou à une loi et que vous êtes tenu de vous y conformer, qu'est-ce
qui arrive? Vous laissez entendre qu'il y a une foule de règlements
à Montréal qui n'ont pas de sens et qui ne sont pas
respectés.
M. MARANDA: Oui. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'à
Montréal nous sommes rendus à plus de 4,000 règlements. On
en a pondu depuis une dizaine d'années près de 2,000. On en pond
un pour corriger le précédent et on n'arrête pas de pondre
des règlements.
M. HARDY: II y a probablement une solution. C'est qu'il y ait moins
d'avocats au contentieux.
M. MARANDA: Cela aiderait énormément. Parce que, pour un
règlement particulier, si vous permettez de le citer rapidement, le
directeur de l'évaluation ou de l'estimation, à un moment
quelconque, a préparé un règlement pour l'aider dans son
travail et après avoir passé par les mains du service du
contentieux, j'ai demandé au directeur du contentieux: Qu'est-ce que
vous demandez dans ce règlement? Qu'est-ce que vous voulez avoir? Il m'a
répondu qu'il ne le savait pas, qu'il le savait quand il l'a
demandé, mais après être passé au service du
contentieux, il n'y a plus rien à comprendre; il avait apparemment la
formule légale, une formule inapplicable. Et si vous passez le
règlement tel quel, on en fera ce qu'on pourra, mais ce n'est pas le but
qu'on cherchait, a dit le directeur. Et ce n'est pas le seul règlement
qui est défiguré comme cela par le service du contentieux de
Montréal.
M. BACON: C'est épouvantable.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Je vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant les
représentants de la Chambre des notaires du Québec.
M. PERRAS: Merci, M. le ministre, de nous avoir permis d'exposer notre
point de vue sur le logement.
M. HARDY: Vous voyez que, même si vous êtes
vulnérables, vous avez quand même des droits. Vous avez pu vous
faire entendre.
M. LE PRESIDENT: Nous demandons aux représentants de la Chambre
des notaires de s'identifier pour le journal des Débats.
M. COSSETTE: André Cossette. M. AUDET: Jean-Marc Audet. M.
DEMERS: Gilles Demers.
Chambre des notaires du Québec
M. COSSETTE: M. le Président, M. le ministre de la Justice. Je
suis heureux de constater que la présidence de la commission
parlementaire de la justice revient à un notaire, un notaire qui a
été un de mes anciens élèves et parmi les plus
brillants et c'est pourquoi je voulais le souligner.
M. PAUL: Les membres de l'Assemblée nationale ont à coeur
de revaloriser votre profession.
M. COSSETTE: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, la Chambre des notaires est heureuse de vous
présenter son mémoire sur le code des loyers et de collaborer
ainsi à l'élaboration d'une loi qui améliorera
sensiblement la loi actuelle au sujet des relations entre
les locataires et les propriétaires. Nous avons beaucoup
apprécié par ailleurs la déclaration du ministre de la
Justice au cours de la semaine dernière, déclaration voulant que
l'Office de révision du code civil présente son rapport
incessemment de manière à le faire concorder avec les
dispositions de cette nouvelle loi. Ainsi, en révisant
complètement le chapitre du code civil sur le louage des choses, les
citoyens du Québec bénéficieront d'une législation
complète et nouvelle en cette matière. En plus de vous livrer ce
mémoire qui porte objectivement sur un projet de loi gouvernemental dont
elle n'a pas à discuter la philosophie, notre corporation
professionnelle n'a pas été sans remarquer les
phénomènes suivants dans la société
québécoise actuelle et elle veut tout simplement les souligner
à votre attention. Ces phénomènes sont les suivants:
En premier lieu, la réalisation des projets d'habitation à
loyer modique ou à loyer modéré, dits HLM se multiplie de
même que les centres communautaires d'habitation pour personnes
âgées ou pour d'autres catégories de personnes.
En second lieu, les immeubles dans lesquels certains citoyens trouvent
un foyer sont la plupart du temps la propriété du gouvernement
provincial ou du gouvernement municipal, ou de corporations publiques ou
semi-publiques, de telle sorte qu'il faut prévoir qu'un très
grand nombre de personnes seront ainsi logées dans des immeubles qui ne
seront pas une propriété privée mais une
propriété publique.
En troisième lieu, à compter du moment où un nombre
important de citoyens seront logés ou auront droit d'être
logés dans de tels immeubles, il faudra accorder un nouveau statut
juridique à l'occupant de ces immeubles, c'est-à-dire un statut
dissocié du droit de propriété.
En quatrième lieu, d'autre part, de plus en plus de citoyens
exigeront des corps publics que des logements leur soient fournis par quelque
palier de gouvernement que ce soit en raison de leur mobilité constante,
qui s'inscrit dans le cadre des mutations de population en
général ou en raison de leur situation de
défavorisés.
En cinquième lieu, ceux pour qui la prévision du futur est
presque une science affirment et c'est déjà
commencé dans certains pays que les gouvernements seront les
grands propriétaires de l'avenir. Cette tendance n'est pas
étrangère à notre province, où la municipalisation
du sol est de plus en plus fréquente, parce qu'elle présente des
avantages économiques et permet une planification plus rationnelle du
territoire. En outre, cette formule permet aussi de corriger des situations
sociales malheureuses, engendrées par notre société et
notre économie, qui non seulement tolèrent la pauvreté,
mais la créent, l'entretiennent et même l'aggravent. Tout ceci
pour en arriver à nous demander s'il ne serait pas opportun de songer
à établir, en dehors des cadres traditionnels des relations
propriétaires-locataires, rattachées au droit de
propriété, une nouvelle catégorie de droit qu'on pourrait
qualifier de quasi-propriété pour tous ces occupants d'immeubles
gouvernementaux. Ce droit à un logement en serait un de créance,
préférablement, et pourrait être à la fois cessible
et transmissible, dans le cadre d'une destination attachée à
l'immeuble ou suivant certaines normes préétablies.
Il comporterait une contrepartie pour le bénéfice du
locataire, mais les obligations qu'il devrait alors assumer seraient de nature
à lui faire prendre conscience de son rôle de citoyen et à
le faire participer efficacement à la vie communautaire.
Ces remarques s'inscriraient mieux dans le cadre d'une politique
générale de logement que dans un code des loyers. C'est pourquoi
nous les livrons tout simplement à votre attention, convaincus que vous
aurez à faire face à ces problèmes dans un avenir
prochain. Ces remarques n'en sont pas moins opportunes parce que, dans le
projet de code des loyers à l'étude, les locataires de ces
immeubles gouvernementaux seront tantôt régis par le code civil,
tantôt par le code des loyers, tantôt par des conventions types
régissant ces sortes d'immeubles assujettis à une certaine
réglementation gouvernementale. Nous croyons donc qu'il serait
préférable et souhaitable d'édicter un droit
spécial en cette matière afin de le faire concorder avec la
réalité sociale actuelle et en devenir. Je vous remercie de votre
attention et je demande au secrétaire de notre commission de
législation, Me Jean-Marc Audet, de vous présenter le
mémoire de la Chambre des notaires. Me Audet sera appuyé par Me
Gilles Demers, le président de cette même commission.
M. AUDET (Jean-Marc): M. le ministre, la plupart des organismes qui nous
ont précédés ont apporté beaucoup de commentaires
sur ce projet de loi. A la lecture du mémoire de la Chambre des
notaires, il faut quasiment en arriver à la conclusion que le
mémoire de la Chambre des notaires fait, à toutes fins pratiques,
une synthèse de ce qui a été dit
précédemment.
Le mémoire se divise en trois parties principales. On y aborde la
portée territoriale de la loi, la portée contractuelle de la loi,
la portée économique de la loi. Le mémoire se termine par
un commentaire sur plusieurs articles.
Relativement à la portée territoriale, nous croyons qu'il
serait préférable que tous les locataires du Québec soient
assujettis à cette loi. Nous comprenons que c'est probablement pour des
raisons d'ordre administratif qu'il est quasiment obligatoire
d'énumérer un certain nombre de municipalités où
les locataires relèveront de ce projet de loi. Nous considérons
que ce serait peut-être préférable d'assujettir tous les
locataires à ce projet de loi, compte tenu évidemment des
exceptions qui sont contenues dans le code des loyers.
Relativement à la rédaction, nous considérons que
rénumération, dans l'annexe A, d'un certain nombre de
municipalités est une technique de droit anglais. Nous croyons qu'il
serait préférable que la loi réfère aux
municipalités qui pourraient être énumérées
dans la Gazette officielle ou par règlement. Ainsi, comme la loi est
actuellement rédigée, si une nouvelle municipalité tombe
sous le coup de cette loi, ou cela fera l'objet d'une loi spéciale ou
cela fera l'objet de nouvelles techniques législatives. Nous croyons que
ce serait beaucoup plus logique d'énumérer les
municipalités assujetties à cette loi dans la Gazette officielle
ou par règlement.
Relativement à la portée contractuelle, il nous a fait
plaisir d'entendre, la semaine dernière, le ministre de la Justice
déclarer que le chapitre du bail au code civil serait modifié en
tenant compte de la présente rédaction du code des loyers.
Cependant, la Chambre des notaires estime qu'il y aurait justement lieu, que ce
serait justement le temps de bien délimiter la juridiction du code des
loyers et du code civil. Dans l'esprit de notre organisme, le code des loyers
devrait se restreindre à plusieurs points. Premièrement, au
problème de la prolongation ou de la durée du bail;
deuxièmement, au problème soulevé par les demandes
d'augmentation ou de majoration des loyers et, troisièmement, à
toute la technique administrative, à toute cette régie qui verra
à ce que les plaintes soient portées devant un organisme de
manière expéditive.
Si ces trois principes étaient acceptés, nous croyons que
toutes les autres dispositions actuellement contenues au code des loyers
pourraient être consignées dans le code civil. Cela permettrait
peut-être une meilleur interprétation des lois. En ce sens, il y a
certainement de nombreuses dispositions contenues au code civil qui sont
très équitables, très justes, très valables et qui,
une fois contenues au code civil, auraient pour effet de moderniser le chapitre
du louage au code civil.
Ainsi, les questions de prolongation automatique d'un bail, les
problèmes du retard dans le paiement d'un loyer, des causes
d'éviction d'un locataire, de certaines prohibitions dans son bail, de
refus de louer pour des motifs discriminatoires sont des positions qui
pourraient être facilement contenues au code civil et qui, par le fait
même, seraient applicables à tous les locataires. Il ne faut pas
oublier qu'en vertu du code des loyers il y a certaines exceptions. Les
locataires de nouvelles maisons d'habitation, les locataires non établis
dans les municipalités énumérées dans le code des
loyers ne sont pas assujettis à l'application de cette loi. Mais il
serait tout à fait normal que toutes les bonnes dispositions qui
pourraient concerner tous les locataires soient contenues au code civil.
Les propos tenus dans notre mémoire n'ont pas pour objet de
défendre le code civil parce que c'est le code civil. Il serait beaucoup
plus logique de tenter de concilier les dispositions générales et
universelles contenues dans le code civil avec les dispositions
spéciales et particulières contenues dans une loi statutaire
comme le code des loyers.
De toute manière, nous avons pris bonne note des commentaires du
ministre de la Justice et nous sommes très heureux de voir que
probablement des dispositions législatives seront apportées pour
modifier le code civil en conséquence. Nous aimerions qu'en toute
réalité et à toutes fins pratiques le code des loyers se
limite spécialement aux problèmes particuliers soulevés
par la prolongation du bail, le prix du bail et la technique
administrative.
Relativement à la portée économique, qui a fait
l'objet de nombreux commentaires à cette commission parlementaire, nous
estimons qu'il y aurait lieu de faire une distinction entre deux sortes de
propriétés, la propriété unifamiliale et la
propriété à revenu. Il est tout à fait logique de
considérer la propriété à revenu comme une forme de
placement. Les revenus constitués principalement des loyers provenant de
la location de logements servent à défrayer le coût
d'exploitation d'une telle propriété. Toute forme de placement
doit produire un rendement et, généralement, plus le risque est
élevé, plus le rendement est élevé. Nous croyons
que la solution serait peut-être, dans le projet de loi, de permettre aux
commissaires de considérer le rendement comme étant une ligne de
démarcation pour permettre l'augmentation des loyers. En d'autres
termes, le marché immobilier suit de très près la
situation économique générale. Si le taux d'inflation est
à la hausse, il va de soi que les dépenses d'exploitation
augmentent, que le loyer de l'argent monte et que, logiquement, le prix des
loyers soit majoré. En conséquence, si, sans mentionner de taux
dans le projet de loi, on permettait aux commissaires d'accorder une
augmentation de loyer, compte tenu d'un rendement normal dans le domaine
immobilier, nous considérons que ce serait certainement une solution qui
pourrait faire l'affaire de tout le monde.
Il ne faut pas oublier que le cycle économique est le suivant: un
créancier hypothécaire prêtera à la condition que
son prêt rapporte un intérêt, qui est le loyer de l'argent;
l'entrepreneur construira à la condition de pouvoir vendre son produit
avec profit; l'acquéreur acceptera d'acquérir la
propriété à la condition d'être certain d'avoir un
rendement et que son investissement rapportera un intérêt, un
loyer. Si, pour une raison quelconque, par des lois quelconques, on
décourage, pour ainsi dire, des individus ou des compagnies à
faire l'acquisition de propriétés à revenu, cela signifie
que les entrepreneurs ne pourront pas vendre leurs produits, qu'ils ne pourront
pas faire de profits et qu'en conséquence ils ne pourront pas
emprunter.
Alors, les créanciers hypothécaires ne pourront plus
prêter et ce sera un recul dans le cycle économique.
A toutes fins pratiques, nous estimons que si la loi permettait au
commissaire d'accorder une augmentation de logement compte tenu d'un rendement
raisonnable et inhérent au marché immobilier, ce serait
certainement alors une solution à moyen terme ou du moins une solution
pratique pour régler le problème de l'augmentation des
loyers.
Ceci dit, nous passons maintenant à l'étude de certains
articles de ce projet de loi. Tout d'abord, relativement au titre, code des
loyers, nous estimons que c'est un titre qui nous paraît un peu
prétentieux. Il est vrai que c'est avec peu de mots que l'on frappe
l'imagination mais il y aurait peut-être lieu de faire en sorte que le
mot "code" s'applique évidemment à un ensemble de lois qui
régissent ensemble un certain domaine, soit des individus ou des biens.
Code est certainement réservé à bon aloi aux termes comme
code civil, code criminel, qui forment un ensemble de lois qui
s'interprètent les unes par les autres.
Or, le code des loyers est une loi d'exception, une loi statutaire,
ça ne s'applique pas à tout le monde. Cela ne s'applique pas aux
loyers commerciaux, aux loyers industriels, aux nouveaux logements, à
certains locataires qui ne relèvent pas, à cause de leur
situation territoriale, de ce projet de loi. Par conséquent, nous
recommandons un titre beaucoup plus long mais qui rendrait beaucoup mieux
compte de la réalité et, en ce sens, nous suggérons un
titre comme celui-ci: Loi déterminant les rapports entre certains
locateurs et locataires.
Egalement sur le plan des commissaires, on s'est demandé la
semaine dernière s'il y avait lieu de permettre à des notaires de
devenir commissaires. Je crois qu'il est souvent arrivé que des
commissaires fussent notaires; disons que les notaires, tout comme les avocats,
sont là devant un domaine bien souvent juridique plus ou moins
contentieux mais la formation juridique peut aider à la solution de
problèmes à l'amiable.
A l'article 9, comme à l'article 33, on énumère
certains locaux qui sont exclus de ce projet de loi. Nous aimerions ajouter les
locaux ou les établissements professionnels aux établissements
industriels et commerciaux. L'article 11 est difficile à commenter vu
les amendements qu'a apportés le ministre de la Justice à la
rédaction de l'article 23. C'était tout simplement un
élément de concordance que nous voulions faire entre l'article 23
et l'article 11. Par conséquent, nous allons le laisser en suspens
à cause des modifications qui vont être probablement
apportées.
L'article 12 est évidemment un article qui restreint, pour ainsi
dire, le droit d'un locataire qui loge ou qui a loué un logement dans un
HLM. Nous croyons que le locataire, dans un tel type d'habitation, devrait
avoir les mêmes droits qu'un locataire dans un autre sorte de logement.
Par conséquent, si le locataire a des remarques à faire pour des
réparations ou des améliorations à son logement, il
devrait le faire au même titre qu'un locataire qui vit dans un logement
non subventionné.
Aux articles 14 et 17, il est question des déclarations annuelles
remplies par le locateur. Nous estimons qu'il ne faudrait pas créer un
fardeau inutile ou fastidieux à un locateur, notamment dans certaines
municipalités où il y a des rôles d'évaluation
établis. Il y aurait peut-être lieu de dire ici: Si un rôle
d'évaluation est établi dans une municipalité, le
commissaire ou la régie pourra se fier sur ce rôle pour
connaître le montant des loyers des logements de cette
municipalité.
Aux articles 33 et 34, il y aurait peut-être un amendement mineur
qu'on voudrait suggérer. Il est question de date, mais il y aurait
peut-être lieu de dire date approximative ou délai maximum, parce
qu'il est bien difficile pour un locateur de dire à quelle date
précise il peut faire des travaux, compléter des
améliorations dans un immeuble.
L'article 39 fait aussi l'objet de certains commentaires. Il s'agit de
ce droit qu'aurait le locataire d'abandonner son logement moyennant un avis de
soixante jours à son locateur pour aller habiter dans un HLM. Nous
croyons que cela a brisé la liberté contractuelle, le respect des
conventions contractuelles et nous croyons que les locataires habitant un
logement devraient attendre l'expiration de leur bail et, à ce
moment-là, aller habiter un HLM. Nous croyons que ce serait un
très mauvais précédent de permettre à un locataire
d'annuler son bail n'importe quand pendant la durée du bail. Nous
comprenons qu'un avis de soixante jours peut être donné mais nous
croyons également que le locataire doit être habitué ou
doit s'habituer à respecter les termes de son bail.
Au sujet des prohibitions dans un bail, évidemment, l'article 64
et le suivant, nous croyons que ces articles sont rédigés d'une
façon très rigide. L'article 64, en particulier, parle de cette
liberté qu'aurait le locataire de donner des chèques
postdatés à son locateur. Mais nous prétendons, nous, que
peut-être cet article veut peut-être dire qu'il voudrait
empêcher par exemple un locateur, détenteur d'effets
postdatés, d'escompter ses chèques à la banque et ensuite
vendre sa propriété. A ce moment-là, le nouveau
propriétaire pourrait exiger de nouveaux chèques à son
locataire. Nous croyons que ce serait tout à fait normal de permettre au
locateur d'exiger des chèques postdatés de son locataire.
Premièrement, parce que cela éviterait un tas de tracas et,
deuxièmement, parce que cela lui éviterait peut-être des
démarches administratives inutiles. Par contre, nous serions en faveur
de permettre au locateur ou d'obliger le locateur à exiger des effets
non négociables. Si on interprète l'article 64 comme
rédigé a contrario, cela reviendrait peut-être à
cela. L'article 64 dit qu'on ne peut pas exiger d'effets négociables
mais peut-être qu'on pourrait l'interpréter a contrario, dire
qu'on peut
exiger des effets non négociables. Alors, il y aurait
peut-être lieu de clarifier un peu cet article 64 d'une manière
plus précise.
Au sujet de l'article 65, du dépôt, nous sommes favorables
également à ce que le locateur puisse exiger un
dépôt, ne serait-ce que pour l'impact moral que cela pourrait
créer sur le locataire, notamment un locataire de logements
meublés. Ainsi, si le locataire abandonne son loyer à la fin et
qu'il laisse son logement dans un état complètement sale et
répugnant, s'il a fait un dépôt assez substantiel au
début de son bail, peut-être que le locataire fera un
ménage dans son logement avant de l'abandonner et ainsi le locateur
pourra remettre le dépôt ainsi fait par le locataire. Au sujet des
serrures, ce sont des problèmes très techniques, mais nous
croyons qu'on ne peut pas dans ces articles faire des règles
générales très strictes. Tout cela peut être
interprété selon les circonstances et notamment, si un locataire
abandonne son loyer et apporte les clefs, est-ce que le locateur devra attendre
à l'expiration du bail avant de changer les serrures et ainsi de suite?
Ce sont des articles rédigés peut-être de façon un
peu trop restrictive.
Enfin, il y a certaines remarques générales au sujet de
plusieurs articles. Il y a notamment le terme "signifier" qui apparaît
dans le texte de la loi.
Evidemment, s'il faut interpréter le terme "signifier" d'une
façon légale, cela signifie que la signification des divers avis
devrait être faite par voie de huissier ou voie de notaire, mais je crois
bien que ce n'est peut-être pas là le but du législateur.
Il y a peut-être des raisons particulières d'exiger que la
signification se fasse d'une façon bien précise. Mais dans
certains cas, si le locataire veut donner avis à son locateur, il
faudrait qu'il signifie un avis au locateur. Que veut dire exactement le terme
"signifier"? Est-ce que le législateur veut dire, par là, qu'un
simple envoi sous pli recommandé serait suffisant? Il y a certainement
là un moyen de preuve qu'il serait peut-être bon de
définir.
Egalement, dans le projet de loi, il n'est pas question du sort
réservé aux logements meublés, aux meubles dans un
logement meublé. Il y aurait peut-être lieu, dans ce projet de
loi, justement, et éventuellement dans le code civil, de dire que si un
locataire loue un logement meublé, les deux fassent ensemble un
inventaire des biens, des meubles qui se trouvent dans le logement lors de la
location, de façon à éviter des problèmes, plus
tard, pour savoir si un meuble appartenait au locataire ou au
propriétaire, ainsi de suite.
Aussi, à l'article 36 a), au sujet du retard de plus de quatre
semaines avant de permettre au locateur de faire des procédures, nous
croyons que le retard de quatre semaines est peut-être un peu trop
long.
Enfin, il y a les problèmes de sous-location. On sait très
bien que la jurisprudence interprète d'une manière ou d'une autre
la sous-location, suivant qu'il y a une clause à cet effet dans le bail,
suivant que le propriétaire peut permettre la sous-location, ainsi de
suite. Il y aurait peut-être lieu de mentionner très clairement,
dans la loi, et éventuellement dans le code civil, que le locateur ne
peut pas refuser, sans motif valable, un sous-locataire. Cela pourrait
peut-être, évidemment, permettre à des locataires qui
veulent s'en aller dans les HLM de pouvoir sous-louer. Cela pourrait être
une façon d'interpréter la loi. A ce moment-là, le
propriétaire est certain d'avoir un locataire jusqu'à
l'expiration du bail.
Ce sont là certains commentaires assez modérés et
assez pondérés que la Chambre des notaires voulait faire
relativement au projet de loi no 59. Nous croyons que nous avons probablement
certaines solutions à des problèmes mais nous nous attachons
surtout à deux problèmes particuliers, aux problèmes
concernant la portée contractuelle de cette loi, en rapport avec le code
civil et relativement à la portée économique, en
permettant au propriétaire d'être assuré, au moins, d'un
certain rendement raisonnable, compte tenu du marché immobilier qui est
toujours mouvant. Merci, M. le ministre.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je remercie la Chambre des
notaires pour le travail qu'elle a fait sur ce projet de loi. Je trouve qu'elle
a soulevé des questions qui avaient déjà été
l'objet de débats ici, à la commission parlementaire, et que,
sans s'étendre plus longuement qu'il ne le fallait, la Chambre des
notaires a quand même exposé sur ces diverses questions une
position qui est intéressante, entre autres sur la question du
pourcentage qui pourrait être prévu à la loi et qui
différencierait les accroissements de loyer négociés entre
les parties, mais néanmoins sujets à examen par le Commissaire
des loyers.
Nous avons d'ailleurs discuté de cette question tout à
l'heure et j'avais exposé les problèmes que la
détermination d'un tel pourcentage posait dans un projet de loi. J'avais
d'ailleurs mentionné que les conditions étant
nécessairement variables de région en région,
d'année en année, de quartier en quartier, il serait
peut-être plus logique, autant pour les locataires que les
propriétaires, d'instituer dans le projet de loi un service technique,
au sein de la commission, qui serait chargé de faire les études
de rentabilité ou de rendement et qui pourrait, par une étude
économique, donner au commissaire des loyers les bases
nécessaires à une appréciation de chaque situation qui
peut se présenter devant lui. C'est une façon de voir les choses
qui est certainement intéressante et je suis heureux que la Chambre des
notaires ait perçu l'intérêt d'examiner une autre solution
que celle du pourcentage qui serait, à toutes fins pratiques, fixe, de 5
p.c.
D'autre part, quant aux articles 14 et 17, je
me rends bien compte moi aussi que les obligations imposées quant
aux formules à être remplies par les propriétaires sont
lourdes, et là aussi, tout en adoptant une loi qui rende service et qui
comble les besoins, je l'ai déjà dit en d'autres circonstances,
nous ne voulons pas que cette loi devienne un énorme appareil
administratif trop lourd à manoeuvrer et qui imposerait des obligations
qui ne sont pas vraiment nécessaires pour l'administration efficace de
la loi, de telle sorte que les représentations de la Chambre des
notaires sur ce point seront sûrement considérées à
leur mérite.
A l'article 64, vous avez mentionné les chèques
postdatés et l'usage qui existe ou du moins la coutume qui tend à
se répandre pour les locataires de donner des chèques
postdatés pour leur loyer, ce qui évite des démarches de
part et d'autre, le premier de chaque mois, au moment où il faut que le
locataire paie son loyer.
Il y a quand même des obstacles à ce que ces chèques
soient rendus non négociables, parce qu'à ce moment-là, je
crois que les notaires se rendront compte, comme les autres juristes, qu'il
existe la Loi des lettres de change et qu'il n'est pas dans notre pouvoir de
modifier la législation générale s'appliquant aux lettres
de change et en particulier à des effets négociables comme dos
chèques. Alors, ceci est un obstacle à l'introduction, dans une
loi provinciale, de limites quant à la négociabilité
d'effets négociables tels que les chèques. Alors, nous devons
quand même prendre cet aspect en considération.
Je vous dirai que, lorsque nous avons adopté et discuté le
bill 45, la Loi de la protection du consommateur, nous avons eu les mêmes
difficultés en rapport avec des chèques qui pouvaient être
donnés par dos consommateurs à l'occasion d'achat de marchandises
ou de services et que nous avons dû prendre en considération les
obstacles que nous imposait la Loi des lettres de change qu'il n'est pas dans
notre pouvoir de modifier ou d'affecter.
Alors, je vous remercie et vous pouvez être assurés que vos
représentations générales, quant à introduire dans
le code civil les dispositions qui intéressent l'ensemble des
problèmes de la location, sont prises en considération par le
législateur et qu'il est sûrement dans notre intention
d'introduire toute cette législation générale, qui traite
du problème des baux de maison comme des baux en général,
dans le code civil, comme législation permanente, quitte à
laisser l'aspect administratif dans le contexte du bill 59.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je n'étais pas inquiet quant
à la qualité des remarques du ministre de la Justice, c'est
pourquoi j'ai succombé avec beaucoup de plaisir à l'aimable
invitation que me faisait un confrère de la profession, l'honorable
notaire président de l'Assemblée nationale, avec qui je discutais
un point de droit très particulier et à saveur
particulière surtout.
M. le Président, je vais m'associer aux félicitations et
aux remerciements que vous a présentés tout à l'heure le
ministre de la Justice et j'y ajouterai personnellement les
félicitations pour la qualité de votre mémoire et
l'objectivité avec laquelle vous avez soulevé certains
points.
Je voudrais tout simplement demander au notaire Cossette, le
président de la Chambre des notaires, parce qu'il a assisté
à presque toutes les séances de la commission, si ma
mémoire est fidèle, qu'il nous fasse part de ses commentaires ou
des commentaires de ses confrères de la profession sur
l'opportunité d'adopter un bail type au Québec.
M. COSSETTE: Pour vous répondre franchement, ce problème
n'a pas été soulevé à notre commission de
législation.
M. PAUL: Vous dissociant des lourdes responsabilités qui sont
vôtres pour le moment, est-ce que je puis m'adresser au notaire
Cossette?
M. COSSETTE: Oui.
M. PAUL: Est-ce que, vous, notaire, vous auriez objection à ce
que le législateur adopte un bail type qui devrait régir les
relations entre locateur et locataire? Je comprends que c'est assez
embarrassant parce que j'ai mémoire que d'excellents baux ont
été rédigés par des notaires, surtout en raison de
la complexité des lieux loués, des fins de la location. Mais dans
le cas d'une location normale d'un immeuble ou d'un logement, est-ce que vous
mettriez une objection à ce que le législateur adopte un bail
type?
M. COSSETTE: Personnellement, non. Je vais vous dire pourquoi. La
pratique notariale courante ne se préoccupe plus des baux pour les
maisons d'habitation. Parce que ce sont des baux annuels,
généralement. Je pense que cela coûterait plus cher au
client d'aller voir le notaire. La pratique notariale courante
s'intéresse davantage aux baux commerciaux. Notre pratique courante ne
nous permet pas de vous dire s'il serait opportun de réglementer dans le
sens que vous dites. Personnellement, je crois que ce serait bon d'adopter une
formule type pour le besoin des locataires en général.
M. PAUL: Comme dans l'exercice de votre profession vous avez l'habitude
de termes qui reviennent assez souvent, et surtout quant à l'emploi du
terme exact, est-ce qu'il y aurait possibilité d'inviter la Chambre des
notaires à préparer, pour la commission parlementaire, un projet
de bail type?
A l'avance, je ne voudrais pas m'engager à le soutenir ou
à le défendre, mais je me demande si les membres de la commission
parlementaire n'auraient pas avantage à prendre connaissance d'un tel
projet pour le comparer à celui qui nous a déjà
été soumis par la Fédération des locataires du
Québec, je crois, lors d'une séance qui a eu lieu il y a quinze
jours. C'était un bail type très intéressant, très
bien fait. Alors, nous ne voudrions pas que vous partiez en censeurs de cette
formule de bail type, mais peut-être pourriez-vous y ajouter davantage
pour que nous puissions avoir un excellent bail type?
M. COSSETTE: Je suis d'accord pour le faire. Je pourrais demander
à notre commission du formulaire de s'attaquer immédiatement
à la rédaction d'un pareil projet et de vous le transmettre au
plus tôt. Mon principal souci, en ce moment, serait de vous demander dans
quel délai il faudrait vous produire ce bail type.
M. PAUL: Pour autant, M. le Président, que ma demande convienne
aux membres de la commission je sais que les notaires ont toujours des
minutes précieuses, d'un autre côté, ils sont assez
peut-être d'ici une semaine.
M. CHOQUETTE: Je crois que c'est beaucoup exiger de la part d'un corps
professionnel. Si je me permets d'ajouter des observations à celles du
député de Maskinongé, j'ai demandé à
l'Office de révision du code civil de préparer un bail type qui
serait en annexe au chapitre du louage au code civil. Evidemment, cela pose des
problèmes, parce qu'il faudra d'abord élaborer une philosophie et
une rédaction modernes de ce que devrait être le chapitre du
louage. Le bail type nécessairement découlerait de cette
conception que nous pourrions proposer à la Chambre. Alors, je me
demande si la demande du député de Maskinongé n'obligera
pas la Chambre des notaires à faire un travail qui pourrait être,
en somme, inutile, ne connaissant pas, à l'heure actuelle, quelle
pourrait être la conception que nous nous faisons du louage en 1972. Je
sais que la Chambre des notaires, comme le Barreau, collabore avec l'Office de
révision du code civil. Je compte qu'il y aura des consultations avec
des corps professionnels avant que nous arrivions à une rédaction
définitive d'un nouveau chapitre sur le louage et possiblement d'un bail
type dans lequel nous pourrons introduire des facteurs de flexibilité
pour tenir compte des situations diverses qui peuvent se présenter
à l'occasion de négociations entre locataires et
propriétaires.
M. COSSETTE: J'aurais même suggéré que ce projet de
bail type soit préparé conjointement par le Barreau et la Chambre
des notaires. Je pense que ce serait peut-être la meilleure solution. Si
nous avions un certain délai...
M. PAUL: M. le Président, à la suite des remarques faites
par le ministre de la Justice, je retirerais ma demande parce que je suis
sûr que M. Crépeau, président de l'Office de
révision du code civil, ne sera pas sans consulter et des notaires et
des avocats pour trouver une formule excellente de bail type. Je retiens
cependant, M. le Président, vous qui êtes notaire, que le notaire
Cossette, au nom des confrères de la profession, en bon scout qu'il est,
avait répondu prêt.
Dans les circonstances, M. le Président, je remercie quand
même le notaire, le président de la Chambre des notaires et les
notaires qui étaient prêts à collaborer avec les
législateurs. Mais à la suite des remarques faites par le
ministre de la Justice, je tiens moins à la demande que j'avais
formulée et qui s'imposait dans les circonstances puisque le ministre
avait, en quelque sorte, devancé mon désir en demandant à
l'office la rédaction d'un tel projet de bail type.
M. COSSETTE: Si je pouvais ajouter quelque chose, vous êtes un
spécialiste en procédure parlementaire, si je suis hors d'ordre,
vous me le direz, tandis qu'on parle justement des projets de contrats types,
je me demande s'il ne faudrait pas songer en même temps, c'est d'ailleurs
une chose que nous avons déjà demandée, à penser
à la même formule au sujet des hypothèques ou des actes
d'obligation hypothécaires.
Vous n'êtes pas sans savoir que, à longueur de
journée nous répétons des formules d'hypothèques
parce que, justement, les dispositions de la loi nous obligent à
répéter, dans un contrat d'acte d'obligation hypothécaire,
des clauses qui sont à peu près les mêmes pour tous les
prêteurs hypothécaires. Il faudrait peut-être envisager dans
l'avenir que la loi spécifie qu'un contrat d'hypothèque comporte
nécessairement telle et telle clause que nous n'aurons pas, pour
l'avenir, à répéter.
M. PAUL : Sans les réciter dans le contrat.
M. COSSETTE: Sans les réciter dans le contrat. Autrement dit, le
fait de consentir une hypothèque, pour un individu, comporterait de
droit l'adhésion à certaines clauses types qui seraient dans une
loi...
M. PAUL: Vous ne trouvez pas que ce serait un peu gênant à
ce moment-là, quand vous présenteriez votre compte pour
honoraires professionnels?
M. COSSETTE: Pas nécessairement, parce que le compte qu'on
présente au client, ce n'est pas nécessairement pour la
préparation d'un acte. C'est surtout pour l'examen de la situation d'une
propriété, l'examen des titres, la composition d'un dossier.
Cependant, cela nous aidera au point de vue matériel.
Matériellement parlant, cela va nous enlever une routine à
laquelle nous sommes
obligés de nous astreindre dans l'exercice de notre profession.
Cela nous permettra de faire plus de droit et moins de chinoiseries.
M. CHOQUETTE: II y a des représentants de l'Office de
révision du code civil. Je suis sûr qu'ils ont
écouté vos observations et qu'ils en tiendront compte quand
viendra le temps de présenter un projet de code civil
renouvelé.
M. COSSETTE: D'accord. C'est un aparté. Merci beaucoup.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Je remercie beaucoup la Chambre des notaires, son président et
ses membres, d'être venus devant la commission de la justice et je les
invite personnellement à venir de nouveau.
La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi,
à quatre heures.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
Reprise de la séance à 16 h 23
M. PICARD: (président de la commission permanente de la justice):
A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la justice continuera l'étude du
projet de loi 59. Je cède la parole à Me Paul Baatz de
l'Association des locataires et des petits propriétaires de
Pointe-Saint-Charles.
Association des locataires et petits
propriétaires de Pointe-Saint-Charles
M. BAATZ: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
vous remercie de m'avoir accordé la permission de comparaître
devant vous de la part des locataires et des petits propriétaires de
Pointe-Saint-Charles.
Je m'appelle Paul Baatz, l'avocat qui représente cette
association. A ma droite, M. Rémi Favron, qui a plusieurs titres.
D'abord, il est locataire de Pointe-Saint-Charles. En deuxième lieu, il
est membre de l'exécutif de l'Association des locataires de
Pointe-Saint-Charles et, en troisième lieu, il a fait carrière
depuis deux ans comme travailleur dans le comité de logement de
Pointe-Saint-Charles. Il a donc deux ans d'expérience dans la solution
de problèmes de logement dans un quartier défavorisé.
D'abord, je devrais peut-être m'excuser du fait que le
mémoire que vous avez devant vous est très bref et n'est, en
fait, qu'un résumé des points essentiels qu'on voudrait vous
présenter. Cela s'explique peut-être en partie du fait que
l'association des locataires n'a pas les fonds voulus pour présenter un
mémoire en reliure très belle et très épaisse.
Deuxièmement, nous ne savions pas qu'il fallait présenter les
mémoires un mois d'avance. Nous étions en retard et on nous a
conseillé de vous présenter un mémoire très bref,
en résumé, et d'exposer nos points lors des séances de la
commission parlementaire.
Vous avez eu des représentations notamment du Barreau et de la
Chambre des notaires. Vous en avez également eu de la Ligue des
propriétaires et de la Société de courtage du Canada.
Donc, vous avez entendu les points de vue des propriétaires, vous avez
entendu les points de vue juridiques. Et nous sommes ici pour vous
présenter le point de vue social de la question. Le code des loyers est
évidemment une loi sociale. Tout d'abord, j'aimerais féliciter M.
le ministre d'une autre initiative en matière de législation
sociale.
Nous appuyons très fortement le principe de la législation
et, si nous avons des critiques, ce n'est pas pour détruire la loi, mais
pour apporter certaines modifications que nous croyons souhaitables.
Vous avez entendu dire par la Ligue des propriétaires que le
problème du logement n'est pas grave, qu'il y a 0.0 p.c. des Canadiens
qui croient que le logement est un problème important dans leur vie.
Moi, je dis carrément : Ce
n'est pas vrai, il y a beaucoup de Canadiens et beaucoup de
Québécois pour lesquels le logement est un problème
extraordinaire dans leur vie. Ils ne peuvent pas trouver de logements
convenables. Quand ils les trouvent, ils sont soumis...
M. le député de Maskinongé a posé la
question au notaire Cossette ce matin, à savoir s'il y avait
possibilité d'un bail type. Il existe déjà un bail type,
c'est le bail que vous présente le propriétaire quand vous allez
louer un logement, c'est le bail que nous connaissons si bien à
Pointe-Saint-Charles, qui contient des clauses comme: Le propriétaire
n'est tenu à aucune réparation, même celles exigées
par la loi, que le locataire se déclare satisfait et content des
lieux.
Toute cette question de logement, les conditions imposées aux
locataires, les possibilités du locataire de se trouver un logis
décent, c'est un problème majeur. Je félicite encore le
gouvernement d'avoir pris l'initiative, d'abord, de reconnaître le
problème et, deuxièmement, d'avoir fait quelque chose pour le
régler.
Nous avons affaire à deux parties à un contrat qui
s'appelle le contrat de louage. Ce sont presque par définition des
parties inégales économiquement, socialement et
légalement. Dans ce contexte, la liberté de contracter est une
farce cruelle pour le locataire. Il n'y a pas de liberté de contracter.
Le fameux principe de l'absolutisme du droit de propriété sur
lequel est fondé le code civil, c'est encore, pour le locataire, pour
bon nombre d'autres parties contractantes, soit pour achat de meubles, pour
achat d'alimentation, etc., pour ces gens-là la liberté de
contracter et, surtout pour le locataire, c'est la liberté du
propriétaire d'imposer ses conditions et la liberté du locataire
de les accepter, d'aller ailleurs ou de dormir dans la rue.
Plus j'entends parler de la liberté de contracter dans le code
civil, cette fameuse liberté sur laquelle est basée le code
civil, plus je me dis que le code civil n'a pas de place au Québec en
1972. Il faut peut-être le remplacer par un code social ou autre chose.
Le code civil est peut-être à la base de beaucoup des
défauts de notre système. Si le Barreau ou les notaires sont
très soucieux des conflits qu'il peut y avoir entre un code des loyers
et un code civil, que le code civil tombe. Qu'on recommence une nouvelle
législation civile de toutes pièces non plus basée sur le
droit de propriété mais basée sur les droits des
êtres humains d'avoir un logis décent, d'avoir une alimentation
à prix raisonnable, d'avoir tout ce qu'il faut pour vivre comme
être humain avec un peu de respect de soi.
Notre thèse de base, dans le mémoire, est le premier point
que j'ai intitulé: Champs d'application. Je pense que, pour ne pas
répéter plusieurs points des mémoires de la
Fédération des associations de locataires et de l'Association des
locataires de Montréal, j'insisterai surtout sur le premier point. C'est
qu'il nous faut un code global de logement qui sera fondé sur
l'idée que le logement est un besoin tellement fondamental que le droit
d'une personne à un logis décent doit l'emporter sur
l'absolutisme de la propriété, le caractère sacré
de la propriété sur la fameuse liberté de contracter. Il
ne faut plus parler de logement comme un domaine d'affaires et de profits,
c'est un service public, essentiel. Tout le monde doit se loger. Il ne faut pas
parler de profit au prix des logis décents, au prix de
l'habitabilité des maisons. C'est le point central de ce que nous
présentons devant vous comme argument. Je reprendrai ce point quand je
passerai le mémoire plus en détail.
Je pense que vous devez être surpris que nous venions devant vous
après la présentation des mémoires de la
Fédération des associations de locataires du Québec et de
l'Association des locataires de Montréal. Nous ne venons pas à
l'encontre de ce qu'elles ont dit ou pour contredire ce qu'elles ont dit, nous
appuyons fortement ce qu'elles ont dit.
Nous avons cru en lisant leur mémoire qu'ils insistaient un peu
trop sur le détail, ils ont repris le code des loyers article par
article, ils ont fait des suggestions, ils ont ajouté certains articles
à la fin, dans le mémoire de la FALQ.
Nous croyons qu'en faisant cela ils ont oublié le point
essentiel. Ce domaine jusqu'à maintenant municipal, soit les normes
d'habitabilité et d'entretien. Si la Fédération des
associations prétend représenter tous les locataires, ce n'est
pas tout à fait vrai, parce que, pour ma part, après avoir
reçu copie du bill, je l'ai expliqué à l'Association des
locataires, ces derniers m'ont posé un tas de questions qui m'ont
démontré qu'il y avait vraiment autre chose que la question des 5
p.c. ou du 30 juin ou de la discrimination. Il y a un problème beaucoup
plus global.
Pour ce qui est des autres représentations qui viennent du
Barreau et de la Chambre des notaires, j'aimerais d'abord féliciter la
Chambre des notaires d'avoir fait preuve de préoccupations plus sociales
que le Barreau. J'ai trouvé les commentaires du Barreau très
légalistes et techniques. Ils ont une valeur mais ils sont
complètement à côté des problèmes
réels. Ce sont des problèmes que vos légistes sont bien
capables de régler; mais je pense que, encore une fois, le Barreau a
fait défaut dans ses devoirs sociaux.
La Chambre des notaires a pris en considération l'aspect
économique et, jusqu'à un certain point, l'aspect social de la
question. Pour ce qui est des mémoires de la Ligue des
propriétaires et de la Société de courtage, celui de la
Société de courtage nous a révoltés. Si vous me le
permettez, je prends le petit livre écrit par M. Gadbois,
président de la Société canadienne de courtage, qui a
été soumis avec son mémoire, pour vous en citer une couple
de phrases qui m'ont particulièrement frappé. La première
apparaît sous le titre: La Régie des loyers, et dit : Dans
certains cas il est révoltant
de voir le cynisme de certains locataires qui défient jour
après jour l'autorité d'un propriétaire. C'est
incroyable!
Dans le chapitre qui s'intitule "Les locataires", la première
phrase de ce chapitre est: Dans les lignes qui suivent, il faut retenir que les
locataires ne sont pas tous, Dieu merci, des indésirables, des
insolvables, des ivrognes, des vandales, des malpropres ou des
révoltés. En le niant, il le dit.
Plus tard, à la page suivante...
M. CHARRON: ... en France aussi.
M. BAATZ: A la page suivante, il dit: II y a des locataires qui sont
très propres. Comme solution au problème de logement... Le titre
du bouquin est: Qui abuse? Il ne propose pas de vraies solutions mais il essaie
de voir qui est le plus en faute et il dit qu'il faut de toute urgence que le
gouvernement prenne immédiatement des mesures afin de corriger la fausse
mentalité qui existe parmi les gens qui ont une sorte de haine contre
tout ce qui est propriété, capital ou bien d'autrui.
Enseignons à nos classes dépourvues le respect de soi et
l'amour d'autrui. Que les responsables de l'éducation commencent par
enseigner à toutes ces familles les éléments de la
fierté humaine avant de les diriger vers les sphères
professionnelles qui en feront des savants capables de fractionner l'atome.
Il dit encore: La bonne volonté doit se manifester chez les
locataires qui doivent refuser de se laisser exploiter. C'est au locataire de
prendre le pouvoir, de mettre fin à l'exploitation des administrations
gouvernementales et des propriétaires qui les abritent.
En admettant qu'ils aient exploité les locataires, c'est un
non-sens de dire qu'ils peuvent revenir mettre fin à cette exploitation.
L'exploitation veut dire la soumission, l'impossibilité de sortir,
l'exploitation au point de vue personnel et je ne parle pas ici de
l'exploitation au point de vue industriel, l'exploitation de mines ou autre
chose, mais l'exploitation de la personne. A ce moment, il ne s'agit plus de
possibilité de mettre fin à une exploitation en lisant bien le
bail. Le propriétaire lui dit: Signez ou vous n'avez pas de logement et
allez chercher ailleurs.
Le mémoire de la Ligue des propriétaires. D y aurait
quelques points que j'aurais aimé vous souligner. Quand ils disent que
le logement ne semble pas être un problème pour les
Québécois, si on s'en rapporte au sondage, fait par le centre de
recherche sur l'opinion publique, publié dans la Presse du 7 octobre
1972 alors que 0.0 p.c. des répondants ont mentionné le logement
comme étant une question qui les préoccupait, si c'est le cas, je
dis qu'ils ont fait leur sondage à Westmount et à Mont-Royal.
Ils ne l'ont certainement pas fait à Saint-Jacques, à
Hochelaga, à Pointe-Saint-Charles. Je ne sais pas si les questions
portaient directement sur le problème.
M. CHOQUETTE: M. Baatz, est-ce que je peux vous interrompre?
M. BAATZ: Oui.
M. CHOQUETTE: Vous dirigez la clinique judiciaire de
Pointe-Saint-Charles. Dans les consultations que vous avez à votre
clinique, est-ce qu'il y a beaucoup de problèmes sur le logement, sur
les relations avec les propriétaires, sur les questions de
réparations, d'habitabilité, enfin, sur les questions que vous
avez soulevées tout à l'heure?
M. BAATZ: Enormément. Je pense que la chose la plus malheureuse
pour nous, c'est que, dans notre travail, cela forme un pourcentage entre 7
p.c. et 10 p.c. jusqu'à maintenant. Et, pour moi, une des raisons pour
cela, c'est que les locataires ont énormément peur de venir nous
voir parce que, du moment qu'ils exercent un recours quelconque contre leur
propriétaire, ils craignent les représailles. Chaque fois qu'ils
viennent nous voir, ils nous demandent ce qu'il adviendra s'ils font cela,
s'ils font telle réclamation, ce que le propriétaire va leur
faire, à eux et à leur famille. Ils ont peur que ce dernier les
jette dans la rue. Ils ne croient pas, les locataires, qu'ils ont des droits.
Et je pense que ce pourcentage-là cela ne veut pas dire qu'il n'y a que
7 p.c. à 10 p.c. de personnes à Pointe-Saint-Charles ayant des
problèmes de logement. Le pourcentage est beaucoup plus
élevé. Mais je pense que vous admettrez avec moi que, dans les
communautés défavorisées, ce n'est pas tout le monde qui a
le courage de venir vous en parler, le courage de vouloir faire quelque chose
malgré les conséquences. Il y a trop de gens qui ont trop peur et
qui veulent trop conserver le petit coin qu'ils se sont fait.
Je pense qu'il n'y a pas besoin de reprendre le mémoire de la
Ligue des propriétaires, mais, en résumé, je crois que,
jusqu'à maintenant, non seulement devant cette commission, mais dans
cette province, et peut-être partout, la voix des possédants a
été trop forte. C'est le temps d'écouter un peu les autres
qui sont aussi des êtres humains et qui ne sont pas nécessairement
sales ou vandales ou ivrognes, mais des êtres humains qui n'ont pas les
chances des autres.
Pour passer au mémoire, au premier point, l'association aimerait
voir un vrai code du logement qui comprenne, non seulement le contrôle
des augmentations de loyer, le contrôle des évictions,
réparations, résiliations, mais une question beaucoup plus
importante, surtout dans les quartiers défavorisés et les
quartiers un peu moins défavorisés. Il s'agit des normes
d'habitabilité et d'entretien, des responsabilités
précises du propriétaire et du locataire.
Disons quelque chose de plus utile que l'article 1635 du code civil qui
parle des foyers et un tas d'affaires qu'on trouve dans les maisons de campagne
et assez rarement dans les villes.
Etablissons des normes d'habitabilité et d'entretien avec des
sanctions qui vont beaucoup plus loin que le code du logement actuel de la
ville de Montréal. Quand le représentant de la Ligue des
propriétaires vous a parlé ce matin des défauts du code du
logement, nous étions tout à fait d'accord avec lui. Il y a des
articles qui n'ont pas de sens dans ce code et il y a certainement des
sanctions inefficaces. L'amende maximum est une peine de $100. Pour un
propriétaire de plusieurs maisons, c'est le prix du permis pour garder
ses maisons et c'est tout. J'ai vu trop de causes passer en cour Municipale
où le propriétaire payait $50 ou $100 d'amende et ne faisait
rien, absolument rien.
M. CHOQUETTE: Cette réglementation au sujet du logement, de
l'habitabilité des logements à Montréal, quelle est
l'"enforcement" excusez l'anglicisme qu'il y a derrière
cela? Parce que je pense bien qu'il n'est pas suffisant d'avoir un
règlement municipal mais jusqu'à quel point ce règlement
est-il appliqué?
M. BAATZ: L'expérience que j'ai eue avec le code du logement est
le règlement 3122 de la ville de Montréal qui s'applique à
toute la ville de Montréal, en principe depuis le mois d'août
1969. C'est administré par le service d'habitation de la ville de
Montréal et c'est le directeur de ce service qui est la personne de
dernier ressort quant à une ordonnance préparée pour
contravention au code. Le code du logement est un code qui s'intitule:
"Règlements régissant les normes d'habitabilité et
d'entretien des immeubles résidentiels", je crois. Il y a un
problème à Montréal, peut-être comme dans toute
grande ville; c'est un manque de personnel au service d'habitation. Il n'y a
pas assez d'inspecteurs pour visiter toutes les maisons qui ont besoin
d'inspection. Ils choisissent donc des zones prioritaires d'application du
code, ce qui s'appelle les zones d'application du code. A Pointe-Saint-Charles,
il y en a trois pour cette année. Et ils changent les zones à
chaque année. Dant ces zones, du moins en théorie, ils sont
supposés inspecter toutes les maisons dans un, deux ou quatre flots et
envoyer des avis dans le cas de contravention.
Suit tout un processus d'avis, de délais, de possibilités
d'appel par le propriétaire à une commission d'arbitrage qui est
composée, je crois d'architectes, d'ingénieurs, de membres du
service d'habitation et cela peut retarder de six mois devant la commission
d'arbitrage. La commission d'arbitrage rend sa décision et, si la
décision est que le propriétaire doit absolument réparer,
on envoie encore un autre avis au propriétaire disant: Réparez ou
bien... S'il ne le fait pas, une plainte est déposée en cour
Municipale, une sommation est émise contre le propriétaire et il
est forcé de venir en cour Municipale expliquer pourquoi il n'a pas fait
les réparations édictées. J'ai vu des cas en cour
Municipale où, pour des technicités légales ou pour des
excuses plus ou moins valables, il se voit ordonner de les faire dans un
délai et doit repasser devant la cour ou bien il est condamné
à une amende de $50 ou $100, mais le maximum d'amende est $100. Alors,
je pense que vous voyez que cela se peut et, dans mon expérience...
M. BLANK: La ville peut faire une nouvelle plainte chaque jour.
M. BAATZ: Elle le peut, mais elle ne le fait pas. Je n'ai jamais vu un
cas de renouvellement de plainte chaque jour, c'est vrai que...
M. BLANK: Je vous en montrerai à mon bureau. J'ai des plaintes de
jour en jour, à Pointe-Saint-Charles. On a payé des amendes de
$100 par jour.
M. BAATZ: Je pense qu'à moins que cela ait été
changé très récemment, on a enlevé la disposition
du code du logement qui permet l'application des amendes jour par jour. Cela ne
se fait plus.
M. BLANK: J'ai même eu des plaintes de troisième et
quatrième offenses jour par jour et l'amende augmente jusqu'à
dépasser le maximum de $100 pour la première offense; pour la
deuxième, c'est plus haut que cela.
M. BAATZ: Pour la deuxième, c'est plus haut que cela, mais on a
amendé le code du logement pour enlever la disposition qui permettait la
répétition des amendes de façon quotidienne; alors, il
faut recommencer la procédure et déposer une nouvelle
plainte.
M. HARDY: Oui, mais jour par jour, c'est une nouvelle plainte.
M. BLANK: Oui, jour par jour, c'est une nouvelle plainte et dans la
deuxième plainte il est dit que c'est la deuxième plainte,
c'est-à-dire qu'il y a une amende plus grande et le troisième
jour il est dit que c'est la troisième plainte.
M. BAATZ: Je n'ai jamais vu un cas où on dépose une
"première" plainte avant la disposition de la première.
M. BLANK: Oui, c'est vrai, mais cela prend combien de temps?
M. BAATZ: Cela peut prendre neuf mois à un an, c'est cela le
problème.
M. BLANK: Moi, je n'ai jamais eu la chance de défendre un client
et d'avoir des délais d'un an devant la cour Municipale,
particulièrement dans le cas des logements. Les inspecteurs viennent,
disent que c'est dangereux et nous avons le procès dans deux semaines.
Cela ne dure jamais autant. Il y a les deux côtés de la
médaille, Me Baatz.
M. BAATZ: Très respectueusement, je n'ai jamais eu de cas
semblable.
M. BLANK: On ne doit pas enlever le droit de justice aux citoyens
même lorsqu'ils sont propriétaires. La justice s'applique des deux
côtés. Ils ont droit à aller devant la cour, ils ont droit
d'aller en appel, ils ont droit à tous les droits que vous demandez pour
vos clients.
M. BAATZ: N'y a-t-il pas lieu quand même d'avoir une certaine
rapidité dans le cas de réparations urgentes, de maisons
dangereuses, de murs qui craquent, de rats, de vermine, etc., dans les maisons.
Il y a quand même lieu d'avoir une certaine vitesse dans les recours, ce
n'est pas une affaire de tramer trois mois, quant à moi. Je n'ai jamais
vu un cas prendre moins de trois mois.
M. BLANK: Vous voyez des détails.
M. CHARRON: Votre appréciation générale du
règlement municipal de Montréal qui affecte les citoyens de
Pointe- Saint-Charles est de quel ordre? Ce matin, un témoin de la Ligue
des propriétaires a fait allusion à un règlement
très spécifique quant à la grandeur des armoires dans les
cuisines pour démontrer que ce règlement est idiot. Est-ce que
les articles de cette espèce sont nombreux? Sont-ils encombrants et
est-ce parce qu'ils sont trop précis, trop spécieux dans leur
objet que leur application devient inutile? Est-ce qu'on n'aurait pas
été mieux d'avoir des normes plus générales et une
application plus vigoureuse?
M. BAATZ: Justement, ce que nous avons à proposer, c'est que
ça devrait être au provincial de prendre la compétence
exclusive en matière de logement et d'avoir des règlements
annexés à cette loi ou à une loi plus vaste qui
s'appellerait code du logement, afin d'avoir des sanctions et des recours plus
efficaces. Non seulement des recours d'une administration municipale mais aussi
des recours des locataires, des personnes vraiment intéressées.
Quand vous avez parlé des défauts comme ceux mentionnés ce
matin, pour la plupart des articles du code des logements, dont un a
été cité, il s'agit d'un strict minimum. Dans le cas du
logement, on parle de la nécessité d'avoir un bain ou une douche,
un chauffage qui va jusqu'à 68 degrés quand il fait vingt sous
zéro à l'extérieur, bref, des choses que tout le monde
s'attend d'avoir. Un certain espace pour chaque chambre à coucher,
peut-être est-ce exagéré pour les armoires de cuisine mais
c'est l'exception. C'est assez raisonnable comme code.
M. CHARRON: Votre appréciation, Me Baatz, si on faisait une
application rigoureuse de ce règlement sur le territoire de
Pointe-Saint-Charles ou chez nous, dans Saint-Jacques, dans le bas de la rue
Sherbrooke, combien de logements, sur un point ou sur l'autre, en moyenne,
pourrait-on prendre en flagrant délit?
M. BAATZ: Parlant de Pointe-Saint-Charles, quant aux contraventations
majeures, ça pourrait être entre 10 p.c. et 15 p.c. Des
contraventions qui ne mettent pas en danger la vie ou la santé des gens
mais qui sont quand même des contraventions, ça pourrait
être entre 40 p.c. et 50 p.c. des maisons. Peut-être que M.
Favron...
M. CHARRON: Considérez-vous, par exemple, l'existence d'un bain
ou douche comme étant majeure?
M. BAATZ: Essentielle. M. CHARRON: Essentielle. M. BAATZ:
Absolument.
M. CHARRON: Chez nous, c'est jusqu'à 32 p.c.
M. BAATZ: Sans bain et sans douche? M. CHARRON: Sans bain et sans
douche.
M. BAATZ: C'est possible. J'ai des cas litigieux qui me sont
référés par le comité de logements. Je pense que M.
Favron a plus de contacts quotidiens et il visite plus de logements. Je ne peux
pas visiter les logements chaque fois que quelqu'un vient me voir mais je suis
peut-être très modeste au point de vue du pourcentage.
Un deuxième aspect, après avoir parlé des normes
d'habitation qui, je pense, pourraient se faire par règlement à
l'intérieur d'un code plus global, c'est la question des loyers qui est
réglée par le code que vous proposez.
En troisième lieu, les baux. Je pense qu'un bail type serait fort
souhaitable; un bail type du genre CSN; je pense que c'est le modèle
qu'a utilisé plus ou moins la fédération des locataires,
avec, sinon un bail type ou un bail uniforme imposé, du moins des
clauses obligatoires dans les baux et des prohibitions très strictes. Et
aussi, un code qui régit les droits et obligations des parties
concernant les réparations. Je sais que c'est déjà
régi par le code civil, mais je pense que les recours et la façon
dont cela procède devant les tribunaux civils sont inefficaces.
M. CHOQUETTE: Je crois qu'en vertu du code civil actuel, il est possible
de déroger à ses règles voulant que les grosses
réparations incombent au propriétaire et les petites
réparations incombent au locataire.
M. BAATZ: Et on voit cette clause-là dans presque 99 p.c. des
baux à Pointe-Saint-Charles, à savoir que le locateur n'est tenu
à aucune réparation.
M. CHOQUETTE: Dans 99 p.c. des baux à Pointe-Saint-Charles?
M. BAATZ: II y a une formule de bail je n'ai pas de copie avec
moi où le mot "bail" est écrit en grosses lettres en haut,
lettres très minces, très hautes; c'est une page de format
légal. Ce détail apparaît vers le milieu de la page. Le
propriétaire ou le locateur ne sera tenu à aucune
réparation. Et c'est le bail le plus commun. Il y a deux ou trois
formules qu'on achète dans les librairies et c'est la formule le plus
souvent employée.
Le point "B" du champ d'application. Vous avez eu des
représentations d'autres voulant que l'application devrait être
universelle et immédiate. Et en lisant les remarques de M. le ministre
lors de la première séance de la commission, indiquant que seuls
des problèmes administratifs vous ont empêché de rendre
l'application universelle, très respectueusement, je pense que cela ne
devrait pas être un empêchement. S'il y avait moyen
d'établir des commissaires locaux ou des tribunaux régionaux pour
que cela puisse être répandu par toute la province, je pense que
tout Québécois devrait pouvoir bénéficier de ce
code.
Deux points de détail, les maisons louées par les
employeurs devraient être soumises aux mêmes obligations et leurs
locataires devraient avoir les mêmes droits. Logements de la
Société d'habitation: la même chose.
Un petit point de détail peut-être que cela vous a
été signalé par quelqu'un d'autre à
l'article 1 f), je pense qu'il y a une erreur de rédaction. Je ne sais
pas si on vous l'a soulignée: "Maison de chambres: un local d'habitation
dans lequel plus de deux pièces sont habitées, moyennant
paiement, par des personnes autres que celles de la famille du locataire. En
anglais, c'est "lessor". Alors, cela doit être l'un ou l'autre et je
pense que l'on doit dire "locateur". Voilà un petit point de
rédaction.
Pour ce qui est des organismes d'administration, l'administration de ce
code, les principes devraient être la décentralisation, non pas un
tribunal centralisé, mais des tribunaux régionaux, dans la mesure
du possible.
Quant à la participation à un certain niveau, je pense que
l'idée des représentants des locataires et des
propriétaires devant les tribunaux ou en un genre d'arbitrage serait
souhaitable. Vu l'intérêt public du logement, je pense que la
cueillette et la publication d'informations sont essentielles. Il en manque et
je pense que vous le constatez parce que les personnes qui se sont
présentées devant vous n'ont pu présenter beaucoup de
statistiques valables jusqu'ici, de la situation du logement, par exemple,
à Montréal. A Pointe-Saint-Charles je sais qu'il n'y en a pas. On
ne sait pas combien de maisons n'ont pas de bain. Alors il est très
difficile peut-être de justifier une argumentation en se basant sur les
statistiques mais ces statistiques n'existent pas ou, si elles existent, elles
restent dans les classeurs du service de l'habitation de la ville de
Montréal.
Les commissaires locaux, les commissaires de quartier, s'il y a
possibilité de les faire élire ou de les nommer parmi la
population du quartier, je pense que cela serait une très bonne chose,
à Montréal.
M. PAUL: Les commissaires pourraient être élus par qui? Par
les locataires et les propriétaires ou par la population en
général?
M. BAATZ: II me semble qu'ils devraient être élus par la
population en général. Si les locataires ont une voix plus forte,
c'est parce qu'il y en a plus et je pense que l'on devrait considérer
tout être humain comme ayant un droit égal en ce qui concerne les
personnes qui les gouvernent. Alors, j'appliquerais le principe
démocratique à ce moment et je ne donnerais pas plus de
voix...
M. HARDY: M. Baatz, la nature humaine étant ce qu'elle est, vous
ne craignez pas que les personnes élues comme cela... Seraient-elles
élues pour un terme seulement ou pour plusieurs?
M. BAATZ: Franchement, je n'ai pas...
M. HARDY: Le premier danger que je vois est que, si le terme est
renouvelable, j'appréhende un peu l'attitude que pourrait avoir le
commissaire, advenant le renouvellement de son mandat. Il pourrait se faire
toutes sortes de choses, ce qui pourrait influencer sa décision,
c'est-à-dire que, son intérêt électoral, à un
moment donné, pourrait influencer ou nuire à son
objectivité dans les décisions qu'il serait appelé
à prendre. A moins que l'on réussisse à trouver des hommes
et des femmes particulièrement vertueux ou vertueuses, qui ne seraient
pas sensibles à...
M. PAUL: S'il fallait qu'il y ait, à l'occasion de ces
élections, une anticampagne pour inviter la population à ne voter
pour aucun des candidats en liste, qu'est-ce qui arriverait?
M. BAATS: Cela pourrait porter à des abus comme on voit assez
souvent aux Etats-Unis dans l'élection des juges. Je suis tout à
fait d'accord.
Passons au prochain point. S'ils sont nommés, du moins qu'ils le
soient par des personnes qui ont une compétence particulière et
une connaissance du milieu dans lequel ils travailleront. Et qu'ils soient
également nommés pour des raisons objectives et parmi la
population, si possible. Je pense qu'il faut...
M. PAUL: Quand vous parlez de la population, voulez-vous parler de
citoyens résidant dans un secteur donné?
M. BAATZ: Si on a des bureaux de quartier, des commissaires de quartier,
oui. Un commissaire qui...
M. PAUL: Qui vient du milieu.
M. BAATZ: Qui vient du milieu. Disons, pour Pointe-Saint-Charles, que la
personne soit de Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Petite-Bourgogne; ce sont
les mêmes problèmes.
M. CHARRON: Une question, en particulier.
Peut-être étiez-vous ici au moment du témoignage du
Barreau. Les témoins du Barreau nous demandaient que les commissaires
soient des avocats. Notre parti a émis, à cette occasion, le
souhait que ce ne soient pas exclusivement des avocats, mais des gens du
milieu, des gens militant là-dedans. J'ai encore la même
opinion.
Le fait que vous le rappeliez ici est bon, mais de là à
penser que nous puissions espérer une élection, un système
électif pour ces postes-là... On pourrait s'empêtrer
longtemps à savoir le mode d'élection et tout ça. Le
compromis le plus utile qu'on pourrait atteindre avec le projet de loi tel
qu'il est, c'est de maintenir la nomination. Pour des postes aussi
administratifs que celui-là, on peut admettre qu'ils soient
nommés, mais en ayant, bien entendu, comme concession de la part
ministérielle, que cela ne se fera pas exclusivement dans le domaine
professionnel des avocats, mais que des gens du milieu y soient. C'est ce
point-là que nous allons faire valoir.
M. BAATZ : Je pense que les avocats seraient peut-être les pires
pour...
M. CHARRON: Je ne voulais pas vous le faire dire, mais...
M. BAATZ: Ils seraient trop légalistes d'abord. Ce n'est pas un
problème légal, c'est un problème économique,
politique et social.
M. PAUL: Vous avez la preuve qu'ils peuvent soulever à un moment
donné certains points de droit qui peuvent être
décidés avantageusement d'une façon bien objective par un
avocat.
M. BAATZ: Je pense que les avocats se leurrent un peu quand ils croient
qu'il n'y a qu'eux qui peuvent voir les subtilités légales d'une
question. J'ai été souvent surpris par des citoyens qui
comprennent nos subtilités et qui se demandent souvent pourquoi on s'y
attarde si longtemps, pourquoi on y attache une si grande importance parce que,
en s'y attardant, on met de côté la vraie question.
Les avocats ont souvent une leçon à apprendre parce qu'ils
sont un peu aveugles face aux vrais problèmes à cause de leur
formation même, la formation qui veut que tout soit logique, que tout
soit réglable. Je ne suis pas d'accord sur ce point de vue. Un homme
bien renseigné, intelligent, qui connaît le milieu serait capable
de régir ces subtilités. Les problèmes qui seront soumis
au commissaire seront des problèmes comme: Est-ce que l'augmentation est
justifiée? Est-ce que ça devrait être prolongé parce
que le locataire est coupable d'inconduite quelconque? Ce n'est pas un esprit
juridique qu'il faut à ce moment-là, c'est une
appréciation des faits et une décision juste en tenant compte des
circonstances. Pour moi, ce n'est pas un domaine qui exige absolument une
formation juridique.
M. CHARRON: Nous l'avons dit aux membres du Barreau quand ils sont
venus. J'admets entièrement ce que vous venez de dire quant à la
formation qui doit exister dans l'esprit de ceux qui vont occuper ces
postes-là, mais il se trouve aussi des avocats vous êtes
dans un milieu qui peut le prouver ayant cette conscience sociale, qui
vont être capables de le faire.
La formation juridique, à ce poste-là, ne me parait pas
nécessaire. Elle n'est pas condamnable, mais elle n'est pas
nécessaire.
M. BAATZ: Oui. Les autres points d'administration sont moins essentiels,
mais quand même importants. La question de la publicité des
enquêtes. Les enquêtes devraient être publiques comme toute
enquête de nature quasi judiciaire. Le droit d'être
représenté. Bien que ce ne soit pas exclu dans la loi, on peut
présumer que c'est permis; mais ce serait peut-être bon de le
mentionner quand même.
Les décisions des commissaires et des juges du tribunal devraient
être écrites et motivées dans le cas où il y a eu
une enquête avec des preuves présentées. Les renseignements
fournis devraient être publics, les renseignements fournis au niveau
individuel sur les logements, les loyers, etc. On devrait avoir accès
à ces renseignements et les renseignements fournis par le tribunal au
ministère de la Justice sur la nature des causes, etc., devraient
être publiés. Recueil des décisions, rapport annuel
à l'Assemblée nationale, ce sont des points qui ont
déjà été soulevés par la
fédération.
La question de l'immunité de certains recours exceptionnels me
fait peur.
Je parle peut-être en avocat, mais je n'aimerais pas voir le
tribunal des loyers exempté de cette surveillance de la cour
Supérieure. Je pense que les exceptions à cette règle sont
trop nombreuses déjà. Et l'impossibilité absolue,
même advenant la possibilité d'un commissaire ou d'un juge mal
nommé qui n'est vraiment pas objectif dans son appréciation de la
cause, qu'il n'y ait aucun moyen de réparer une injustice grave, je
trouve que c'est aller trop loin dans le sens de la protection des tribunaux
administratifs.
L'appel à la cour Supérieure, c'est aussi un point qui a
été soulevé par la fédération. C'est
peut-être encombrer la cour Supérieure, encore
une fois, d'une autre juridiction et, évidemment, ayant une
formation juridique, je pense que l'idée de l'appel serait souhaitable.
La possibilité que la décision ait été mal prise la
première fois, c'est toujours important au point de vue de la protection
des droits des plaideurs. Troisième point, c'est la question des
logements. Et je peux reprendre les principaux points numérotés.
On les a mis comme chapitres possibles d'une loi plus universelle. Cela couvre
plusieurs des chapitres qui existent déjà dans le code, mais je
pense qu'il y a peut-être lieu d'ajouter d'autres chapitres sur les
logements, les baux. Je pense qu'en fait ce sont les deux seuls qui n'existent
pas dans le code actuel. Je ne veux pas me répéter, mais
j'insiste beaucoup sur l'importance de cette question d'habitabilité.
C'est le fait que ce soit mentionné dans le code des loyers que des
locataires sont venus me dire: Mais qu'est-ce que cela veut dire, l'article 9,
qui parle de l'application de la loi? On y dit qu'une maison s'applique
à tout local d'habitation qui était habité ou habitable.
Le locataire me demande donc: Si la maison est habitable, le code ne
s'appliquerait jamais à moi. Ce n'est certainement pas le cas de ma
maison. A ce moment-là, on se dit que, peut-être, il y a lieu de
définir l'habitabilité.
M. CHOQUETTE: Je crois qu'habitée ou habitable, cela veut dire
qu'elle n'est peut-être pas habitable, mais elle est habitée.
M. BAATZ: Je suis tout à fait d'accord, mais cela m'a fait penser
à la question d'habitabilité. En fait, le seul endroit où
c'est mentionné dans la loi, c'est dans l'application.
M. CHOQUETTE: M. Baatz, j'attire votre attention sur l'article 40 et
l'article 41. Article 40 : Le locataire peut, après en avoir
signifié une copie au locateur, produire une demande au commissaire
petit (a) pour contraindre le locateur à faire les
réparations et améliorations stipulées au bail ou celles
auxquelles il est tenu par la loi ou par un règlement municipal. Le
commissaire fixe le délai dans lequel ces réparations ou
améliorations doivent être effectuées. Article 41: Si le
locateur n'a pas effectué les réparations ou améliorations
dans le délai fixé par le commissaire conformément au
paragraphe (a) de l'article 40, le locataire peut, après en avoir
signifié une copie, etc. C'est sûrement dans le sens de votre
idée d'habitabilité.
M. BAATZ: Je suis d'accord. C'est une grande amélioration sur ce
qui existait avant. Et je pense que là-dessus, ce qu'on aimerait voir,
c'est que cela soit compris dans une législation conséquente et,
disons, autonome. Que cela ne dépende pas d'un règlement
municipal, que, peut-être, l'Assemblée nationale ne connaît
pas, dans le cas d'un grand nombre de villes, que, moi, je ne connais pas, sauf
dans le cas de Montréal. Faire dépendre l'existence du recours
sur un règlement municipal, pour moi, c'est toujours faire défaut
dans la reconnaissance du besoin d'une politique globale de logement. Et c'est
là que j'aimerais voir une réglementation sur les normes. Une
réglementation provinciale.
M. CHARRON: Est-ce que je peux demander parce que cela
m'intéresse aussi au ministre pourquoi justement, tout ce qui
s'appelle le code des loyers ne s'est pas aventuré dans ce domaine de
l'établissement des critères d'habitabilité et,
deuxièmement, est-ce que le ministre est en possession, ou la
Régie des loyers, je ne sais trop, d'un inventaire des règlements
municipaux?
M. Baatz parle de celui de Montréal qu'il connaît, parce
qu'il y travaille, mais est-ce que les conditions varient beaucoup d'une
région à l'autre dans ce qui s'appelle un logement habitable dans
une région et qui pourrait ne pas l'être dans une autre?
M. CHOQUETTE : Je ne suis pas un spécialiste de la question mais
j'ai bien l'impression, sans consulter mes conseillers qu'il n'y a pas beaucoup
de règlements municipaux au Québec sur l'habitabilité.
M. CHARRON: Est-ce que la Société d'habitation s'y
intéresse?
M. CHOQUETTE: ... La Société d'habitation du Québec
est actuellement à faire des travaux pour la préparation d'une
réglementation générale à l'échelle du
Québec sur l'habitabilité.
M. CHARRON : Réglementation qui devrait éventuellement
être greffée à ce code des loyers.
M. CHOQUETTE: Soit greffée ou parallèle. Pour le moment,
nous ne sommes pas allés plus loin étant donné ces travaux
et, deuxièmement, parce que nous ne pouvons pas tout faire en même
temps. Mais il faut noter, M. Baatz, que vous êtes le premier à
avoir soulevé cette question devant la commission parlementaire.
M. BAATZ: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes venus
parce que je pense que, pour nous du moins, c'est le point qu'il faut soulever.
Regardons maintenant le sujet des baux. J'ai déjà dit que les
locataires aimeraient voir un bail uniforme qui ne serait pas le bail qui leur
est présenté par le propriétaire quand ils cherchent un
logement. Ou du moins si un bail uniforme ne fait pas partie de cette loi,
qu'il soit stipulé dans les prohibitions non seulement les prohibitions
expresses mais toute clause contraire au code... Je sais qu'étant
donné que c'est une loi administrative, toute disposition est
censée être obligatoire, ce qui n'est pas le cas du code civil,
mais peut-être cela serait-il une bonne idée de mettre
expressément dans le code que toute clause contraire serait
illégale et réputée non écrite parce que je pense
que les amendes, comme sanctions, sont trop souvent inefficaces.
Je n'insiste pas trop sur l'application de la Loi de la protection du
consommateur, mais peut-être y-a-t-il certains principes de cette loi
à l'effet qu'une personne qui signe un bail qui n'est pas un bail type
qu'on souhaiterait avoir mais un bail qui lui est soumis, pourrait
peut-être dans un certain délai annuler ce contrat, quand la
personne qui cherche des logements dans la période de
déménagement et qui trouve un logement se dit: Peut-être
que je n'en trouverai pas un autre, je signerai avec lui. Deux jours plus tard,
elle en voit un autre qui est beaucoup moins cher et qui lui convient mieux. A
ce moment-là, que cette personne ait une période de
négociations, qu'elle ne soit pas tenu absolument à occuper un
logement parce que, trop souvent, comme on l'a vu à
Pointe-Saint-Charles, elle se sent sous la pression énorme de trouver un
logement pour elle et sa famille, ce qui fait qu'elle n'est pas vraiment une
partie libre au contrat.
La question du 30 juin a été longuement discutée
par les représentants des services publics. Je ne le reprendrai pas sauf
pour dire que changer la date ne résoudra pas le problème. Je
pense qu'il faut essayer de trouver un système de prolongation
échelonné sur toute l'année.
Concernant la question des loyers, je pense qu'il faut un vrai
contrôle des loyers, certainement pour une assez grande proportion de la
population, qui n'a aucune liberté de négocier des loyers. Parler
de négocier des loyers, c'est un mythe pour moi. Vous ne négociez
pas votre loyer avec votre propriétaire. Il est imposé et c'est
l'expérience que nous avons toujours eue à Pointe-Saint-Charles.
Il n'est jamais question pour un propriétaire d'accepter volontairement
une augmentation du coût du loyer, sauf dans certains cas où des
réparations sont promises et faites dans un certain délai et le
locataire voit que ces réparations ont été faites et il
est d'accord pour payer une augmentation à ce moment-là.
Mais trop souvent on voit les augmentations faites sur promesse verbale
à faire ceci ou cela et je parle là de maisons qui ont besoin de
réparations. Ces réparations ne sont pas faites mais la personne
est liée par son consentement à l'augmentation. Sur la fameuse
question de 5 p.c, vous n'avez pas eu de statistique ici, mais nous avons eu
des statistiques qui disent que les augmentations de loyer par année en
moyenne se chiffrent par 2 p.c. à 2.5 p.c. Je me demande pourquoi donner
au propriétaire plus de droit qu'il en a déjà, pourquoi
lui donner ce droit qui, comme dans le cas du 30 juin, chaque fois que l'on
mentionne un chiffre dans une loi, devient un principe sacré, car tout
le monde croira que le propriétaire a droit à cette
augmentation.
M. CHOQUETTE: J'en arrive à cette conclu- sion-là moi
aussi, ce chiffre, quel qu'il soit, est rempli d'ambiguité pour tout le
monde et pour l'avenir; je crois qu'il est préférable qu'il n'y
ait pas de chiffre d'inscrit dans la loi.
M. CHARRON: A condition que l'on inscrive une autre protection quant aux
abus.
M. CHOQUETTE: C'est sûr.
M. CHARRON: Alors, avec cela, je pi.sse au prochain...
M. HARDY: C'est cela que le député de Saint-Jacques n'a
pas compris ce matin.
M. CHOQUETTE: Oui, le commissaire transmet. Je tiens à faire
remarquer, de façon à dissiper toute ambiguïté
même autour du débat qui a eu lieu ce matin, qu'il a toujours
été prévu dans le projet de loi que nous avons
présenté, que quelque augmentation que ce soit pouvait être
soumise au commissaire des loyers. Alors, il va de soi qu'il ne s'agissait
sûrement pas dans notre esprit d'exempter les augmentations de moins de 5
p.c. d'être examinées par le commissaire s'il y avait
désaccord. On avait pensé, dans une espèce d'effort
collectif de lutte à l'inflation ou aux pressions inflationnaires dans
le domaine du logement, de soumettre une augmentation même convenue entre
les parties et supérieure à 5 p.c, à un réexamen de
la part du commissaire des loyers, que cela pouvait être une protection
pour la société en général. Mais l'introduction
d'un chiffre est une notion qui, premièrement, manque de
flexibilité et on sait que les situations peuvent être très
diverses. Deuxièmement, cela ouvre la porte à une fausse
interprétation dans ce sens que les gens peuvent dire: J'ai droit
d'exiger une augmentation jusqu'à 5 p.c. et le locataire peut dire: Moi,
je suis pris, je suis obligé d'acquiescer parce que, si c'était
plus que 5 p.c, là je pourrais aller devant le commissaire des loyers.
Evidemment, ce ne serait pas une interprétation correcte du projet de
loi, mais vu qu'il faut que les lois soient perçues clairement par les
citoyens, c'est sûrement un des objectifs du législateur, et
même si nos lois sont de plus en plus complexes, et je crois qu'il est
préférable d'en revenir à une formule plus simple.
M. CHARRON: Je comprends, mais les 5 p.c. avaient le mérite
c'est ce que j'ai voulu expliquer ce matin au député de
Terrebonne, peut-être au désavantage des locataires, de laisser
croire que c'était permis d'aller jusqu'à 5 p.c. sans
problème, ce qui n'était pas le cas, mais au moins de ralentir
les aspirations d'un propriétaire parce que, là où il
dépassait 5 p.c, l'appel se trouvait automatiquement devant le
commissaire. Je suis à peu près convaincu qu'il est possible
maintenant qu'un propriétaire sachant qu'il n'y a plus de 5 p.c,
augmente de 8 p.c. pour négocier avec son locataire autour de 6 p.c.
Notez qu'il pourrait toujours faire
appel, s'il trouve que c'est trop, mais l'offre première pourra
se permettre d'être plus élevée maintenant de la part du
propriétaire. C'est pour cela que je voudrais qu'il y ait une autre
garantie.
M. HARDY: Cela se pouvait quand même, avec l'histoire des 5 p.c,
le propriétaire pouvait quand même demander...
M. CHARRON: Cela se pouvait quand même, mais il devait pour le
faire avoir la permission du commissaire.
M. HARDY: Oui, mais cela prouve...
M. CHARRON: Ce n'est même pas maintenant...
M.HARDY: On peut revenir à la même chose.
M. CHARRON: Non, je suis prêt à retirer les 5 p.c. mais ce
que je viens de dire, c'est à condition que l'on apporte d'autres
garanties. Cela dépendra du libellé du nouvel article, mais je ne
le sais pas.
M. HARDY: Qu'est-ce que vous voulez avoir de mieux que cela? Le
locataire n'est pas content de l'augmentation, même si elle est de 1 p.c,
il va devant le commissaire et le commissaire décide.
M. CHARRON: D'accord, cela a toujours existé dans le projet de
loi, l'avantage de l'existence d'un barème était de ralentir les
aspirations des propriétaires.
M. HARDY: J'ai l'impression que nous sommes encore pris avec ce qu'un
autre a appelé des chiures de mouche.
M. CHOQUETTE: Mais je crois que le député de Saint-Jacques
devrait compter avec cette réalité, c'est que, plus la demande
d'augmentation provenant du propriétaire sera élevée, plus
il y aura de résistance de la part du locataire à y acquiescer,
et, par conséquent, plus il y aura d'incitation pour le locataire
à aller faire trancher le litige devant le commissaire des loyers.
C'est déjà, en soi, un frein modérateur qui est
dans la nature des choses. En plus de ça, vu la diversité des
situations, parce que lorsqu'on parle des logements de Pointe-Saint-Charles, on
parle d'une catégorie de logements je crois qu'on peut le dire
franchement qui est extrêmement dépréciée, si
on la compare à la moyenne générale de la ville de
Montréal. De même, si on parlait des logements de certains autres
secteurs de la ville, je me souviens d'avoir vu des études sur ces
questions, en particulier dans un travail qui s'appelait "Opération
rénovation sociale" où l'on avait déterminé les
zones de pauvreté dans la ville de Montréal. On en avait
déterminé sept. Et l'on voyait qu'au point de vue du logement, de
la santé, de l'éducation, du travail, toutes ces zones
représentaient des situations beaucoup moins avantageuses que la moyenne
générale. Si on parle de secteurs de la ville vraiment
dépréciés sur le plan du logement, tels que
Pointe-Saint-Charles et d'autres secteurs, les critères à
appliquer dans ces endroits, pour les augmentations, devraient naturellement
être différents de ceux d'autres quartiers dans la ville de
Montréal où on se trouve devant des logements relativement neufs,
mieux entretenus. Il faudra qu'on ait un service technique qui étudie
les divers secteurs sur le plan de l'habitation et qui soit en mesure de
fournir une documentation de base à nos commissaires des loyers pour que
les décisions ne soient pas prises à l'aveuglette sans avoir de
relations avec les autres. C'est pour ça que je compte qu'un service
technique pourrait être très avantageux pour arriver à
trouver le juste point de la rentabilité qu'il faut donner aux
immeubles, que ces immeubles soient très anciens, très
dépréciés ou qu'ils soient dans un autre état.
M. CHARRON: Ces services techniques seront à la disposition des
commissaires?
M. CHOQUETTE: Oui, certainement.
M. CHARRON: Ils fonctionneront immédiatement avec la loi,
j'imagine. Parce que le commissaire sera appelé à trancher tout
de suite des querelles, dès l'entrée en vigueur de la loi.
M. CHOQUETTE: C'est sûr.
M. BOSSE: Vous vous rendez compte, lorsque vous demandez le retrait des
5 p.c, de l'implication de ça. En somme, on revient si je ne fais
erreur à l'esprit de la Régie des loyers actuelle,
c'est-à-dire qu'on laisse toute la latitude aux commissaires. Si on
enlève ce frein de 5 p.c. qui est uniquement un frein... En fait, il
n'empêchait pas de faire des appels. Un frein psychologique, si on veut.
J'aurais aimé mieux qu'à partir du moment où vous vous
opposiez, vous fassiez une proposition plus concrète dans le sens de
l'intervention du député de Saint-Jacques, soit une proposition
qui soit de nature à apporter une certaine sécurité pour
éviter des abus, par example que cela devienne 7 p.c. par la
décision d'un commissaire. C'est un danger aussi grand, à mon
avis.
M. BAATZ: Une possibilité qu'on a envisagée, c'est qu'une
augmentation là il faudrait trouver la formule qui
dépasserait le coût de la vie, devrait être assujettie
à un contrôle et à une justification. Je ne vois pas
pourquoi, quand le travailleur, le chômeur, l'assisté social sont
soumis aux augmentations du coût de la vie. Les taux de l'aide sociale
augmentent maintenant par année selon le coût de la vie. On
pourrait peut-être établir un contrôle de toute
augmentation qui dépasse le coût de la vie. A ce moment, il
faudrait peut-être que la loi réfère à une
statistique ou à un chiffre quelconque qui serait préparé
annuellement. Pour moi, c'est la seule possibilité, sauf d'imposer le
contrôle des augmentations, de toute augmentation qui aurait l'effet peu
souhaitable d'augmenter la bureaucratie nécessaire pour imposer ce
contrôle à tout logement. Une formule qui tient compte du
coût de la vie.
A ce moment-là, vous avez au moins un locataire qui peut
s'attendre à ne pas avoir une augmentation sans raison, qui
dépasse le coût de la vie pour lui.
M. BOSSE: Alors, votre point de repère, en somme, c'est
l'augmentation du coût de la vie.
M. BAATZ: J'admets franchement avec vous que c'est très difficile
de trouver une formule. Le taux de 5 p.c. n'est pas plus satisfaisant que les
autres.
M. BOSSE: Je sais que le taux de 5 p.c. est un maximum et cela
n'implique pas, par exemple, la moyenne que vous citiez tout à l'heure,
qui semble être de 2 1/2 p.c. annuellement, parce que nous savons tous
qu'on peut signer un bail pour trois ans au même prix, en fait. Alors
l'augmentation n'est pas nécessairement annuelle, contrairement à
la règle générale, qui est plutôt celle de baux qui
durent deux, trois ans et souvent plus longtemps.
M. CHOQUETTE : En général les propriétaires
cherchent à louer annuellement.
M. BAATZ: Par des baux de maisons familiales, mais qui sont normalement
annuels.
M. CHOQUETTE: Des baux de plusieurs années sont plutôt
à l'avantage des locataires, si je comprends bien la psychologie des
propriétaires. M. Baatz, est-ce la fin de vos observations? Si c'est la
fin, je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur un point
très important, celui de l'habitabilité. Nous notons cet aspect
avec beaucoup d'intérêt. Sur l'aspect statistique
également, vous avez signalé l'absence de données
actuellement sur les questions de logement et je partage tout à fait
votre avis. Les statistiques que nous possédons et qui ont
été citées devant nous, sur lesquelles il y a même
eu des divergences quant à l'interprétation, nous proviennent des
statistiques fédérales et elles sont très
grossières, en somme.
Il n'y a pas de doute que des données plus précises sur la
situation du logement au Québec sont nécessaires à l'heure
actuelle et il faudra...
M. BOSSE: Ce sont les données qui sont grossières.
M. CHOQUETTE : Je ne comprends pas la pensée subtile du
député.
M. BOSSE: Ce n'est pas parce qu'elles sont fédérales.
M. CHOQUETTE: Je veux dire qu'elles ne sont pas élaborées
de telle sorte qu'elles nous donnent suffisamment de renseignements sur la
situation de l'habitation et du logement au Québec. Quant à la
jurisprudence, vous avez signalé l'intérêt que les
décisions soient motivées et soient accessibles, au moins
publiées d'une certaine façon, même si c'était d'une
façon rudimentaire. Je suis de votre avis qu'il faudra qu'il
s'établisse une certaine tradition enfin, certains jugements, qui seront
des points de repère à la fois pour les propriétaires et
les locataires dans les recours qu'ils pourront exercer devant le commissaire
des loyers. Quant à l'immunité, cependant, je ne partage pas tout
à fait votre avis puisque nous avons déjà prévu un
mécanisme d'appel dans la Loi des décisions des commissaires. En
second lieu, la délégation de l'autorité de la cour
Supérieure, à l'égard d'un excès de juridiction par
un tribunal inférieur, n'a jamais réussi à empêcher
un recours légitime à la cour Supérieure s'il y avait
excès de juridiction. Par conséquent, la formule que nous avons
adoptée, même si elle n'est pas parfaitement satisfaisante sur le
plan intellectuel, a malgré tout fait ses preuves dans de nombreuses
autres lois.
M. BAATZ: Je pourrais peut-être soulever un dernier point. Quand
on parlait des règlements municipaux et du fait d'incorporer des
obligations imposées par les règlements municipaux dans la loi,
un problème qui existe dans le cas du logement à Montréal,
le code ne stipule pas qui a l'obligation, et la ville peut aussi bien forcer
le locataire que le propriétaire à faire des réparations
quelconques. Le code du logement de Montréal ne tient pas compte des
articles du code civil qui disent que les gros sont les petits.
Je pense qu'il y aurait lieu d'être plus spécifique
à l'égard des réparations et de l'entretien à
savoir qui a la responsabilité. Je vous remercie, MM. les commissaires
de m'avoir entendu.
M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie Me Baatz
et j'inviterais maintenant le porte-parole de la Société
canadienne de courtage, Inc., dont j'ai le nom ici, Me Réginald Boucher.
Vous avez la parole.
Société canadienne de courtage
M. BOUCHER: Merci, M. le Président. M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, je m'excuse au
nom de mon client, il n'a pas pu être ici cet après-midi pour vous
présenter le mémoire qu'il a lui-même
préparé. Croyez qu'il avait des raisons tout à fait
extraordinaires pour qu'il se prive du plaisir de venir vous rencontrer.
Je vais vous lire le mémoire tel qu'il me l'a soumis.
Le principe. Même en considérant toutes les raisons,
divulguées ou non, qui ont milité pour l'adoption d'une loi
concernant le contrôle des loyers, tant pour la fixation du prix du
logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement
à tout genre de législation qui aurait pour but un contrôle
quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une
province.
Le côté social du contrôle. Il faut que le
législateur se rende bien compte de l'état d'esprit qu'il a
engendré entre propriétaires et locataires par ce contrôle
des loyers et de la colère qu'il provoque en continuant ledit
contrôle. Il y a neuf locataires sur dix parmi ceux qui ont recours
à la régie qui sont en guerre avec leur propriétaire et
ces mêmes propriétaires sont dégoûtés de
l'ingérence de la Régie des loyers dans leurs relations avec
leurs locataires.
On en est rendu que le mot "indésirable" pour un locataire ne
signifie et ne touche que le côté physique du logement. Que le
locataire soit un bandit, un polluant, un effronté ou un insupportable,
le propriétaire, dans notre pays libre, est, avec cette régie,
obligé de l'endurer sans aucun recours en loi, tant à cause de la
loi qu'à cause de la non-solvabilité du locataire dans la plupart
des cas.
En ce qui concerne le problème des locataires qui sont des
assistés sociaux, nous demandons que le gouvernement se rende
responsable de tout bail d'un locataire qui devient un assisté social.
Il faut que le gouvernement voie à faire respecter les lois et cesse de
tolérer ces déménagements illégaux en pleine
période d'un bail légalement signé par les parties.
Je dois ouvrir ici une parenthèse et avouer que certains
assistés sociaux ont toute notre sympathie. Mais malheureusement, il y
en a d'autres qui ont tout notre mépris. Pour obliger cette classe de
locataires à suivre la loi comme les autres locataires et à
prévenir ces irresponsabilités, nous demandons donc,
premièrement, que le gouvernement se rende responsable du bail de tout
assisté social; deuxièmement, que le gouvernement paye sans
distinction et directement le loyer au locateur; troisièmement, que le
gouvernement cesse de verser cette sorte de salaire à tous les
assistés sociaux qui se rendent coupables d'une infraction aux clauses
d'un bail et qui se moquent de la responsabilité d'un tel bail et de la
loi en général; quatrièmement, que le gouvernement
obtienne de tout locataire assisté social qui veut
déménager l'autorisation écrite et contrôlée
de son propriétaire lui permettant d'annuler le bail existant et si
l'assisté social déménage sans cette autorisation,
l'allocation sociale devra lui être coupée
immédiatement.
Fruit de l'expérience. Après avoir étudié
pendant plus d'un quart de siècle je vous répète
qu'il s'agit de mon client les avantages et désavantages d'un
contrôle des loyers, nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper,
que les raisons qui ont motivé la continuation d'un contrôle des
loyers au Québec étaient à caractère politique et,
pour être plus précis, à caractère
électoral.
Il ne faut pas, en 1972, avoir honte de l'avouer. Si, au Québec,
nous avions eu l'avantage d'avoir, comme en Ontario, 80 p.c. de
propriétaires parmi la population, nous n'aurions plus, depuis 1945,
cette régie des loyers qui était et est une loi pour locataires
au détriment des propriétaires et au détriment d'une
justice sociale bien équilibrée.
M. le ministre, vous nous disiez la semaine dernière que vos
experts vous fournissent des chiffres et des statistiques. Même si je
leur accorde la bonne foi à vos experts, je me permets de vous souligner
que je cultive certains doutes sur la véracité des chiffres
qu'ils mettent dans votre bouche en rapport avec la situation actuelle dans
Montréal.
Malheureusement, au point de vue économique, c'est une erreur
monumentale de penser aux locataires en tant qu'électeurs au lieu de
tout mettre en oeuvre pour promouvoir la construction et, partant, les
bienfaits d'être propriétaires dans un pays libre. Quels sont ceux
parmi vous, messieurs, qui sont propriétaires d'immeubles à
logements multiples et qui ont vécu le stress du propriétaire de
1972?
Il faudrait être sérieux et comprendre que la
stabilité de l'économie d'une province ou d'un pays est
essentiellement et directement reliée au fait que la majorité de
la population est propriétaire, c'est-à-dire solvable et
responsable.
Ici, j'aimerais poser une question directe au gouvernement de notre
province. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire
disparaître les propriétaires dans la ville de Montréal et
dans la province?
Avec cette désuète Régie des loyers... Pardon?
M. HARDY: Est-ce que vous attendez une réponse?
M. BOUCHER: Si vous en avez une, je la prends avec plaisir, je la
communique à mon client.
M. PAUL: Dites-lui que c'est à l'étude.
M. BOUCHER: II m'avait dit que vous répondriez. Avec cette
désuète Régie des loyers, nous avons créé
une classe de locataires révoltés et parfois révoltante,
et nous avons diminué d'année en année le pourcentage de
ceux qui deviennent propriétaires. Même si nous ne regardons que
le côté social et moral de la situation créée par
cette Régie des loyers, il est inconcevable et impensable de
tolérer l'existence d'un tel contrôle d'un des secteurs les plus
importants d'une économie saine et progressive. Il y a
référence ici aux pages 19 et 23 du bouquin que mon
confrère Paul Baatz vous a montré tantôt.
II serait peut-être très intéressant et important de
compiler des chiffres sur le pourcentage des prêts immobiliers qui sont
accordés à des emprunteurs du Québec en regard du
pourcentage des prêts immobiliers que les compagnies prêteuses,
dont le bureau-chef est dans le Québec, consentent à des
emprunteurs établis en dehors de notre province. Je suis certain que les
experts de M. le ministre sont disposés à trouver ces
chiffres.
Le revenu d'une propriété. Lorsque des experts viennent
dire sur la place publique que les propriétés apportent 15 p.c.,
18 p.c. ou 20 p.c. à leurs propriétaires, j'ai de sérieux
doutes sur leur compétence et sur la véracité de leurs
chiffres. J'invite ces experts à descendre dans la rue, à visiter
les propriétés et à venir se renseigner à la vraie
source pour établir la rentabilité de la majorité des
propriétés à logements multiples. Il faut tenir compte du
capital et ce capital doit être basé sur la valeur réelle
de la propriété. Cette valeur réelle se trouve dans la
moyenne que l'on trouve par la valeur de remplacement, la valeur physique et la
valeur locative. Une fois cette valeur réelle établie, voyons ce
que la propriété peut donner comme revenu net annuel et, dans
l'établissement de ce revenu net, nous ne tenons pas compte du temps
qui vaut de l'argent que le propriétaire prend pour la
gestion de sa propriété et nous ne prenons évidemment pas
comme dépenses les remises de capital sur hypothèque.
J'ai pris au hasard une propriété de Montréal.
Alors, les trois paragraphes suivants illustrent que, pour ladite
propriété, il s'agit d'une maison de 35 à 40 ans qui donne
un revenu net de 6.1 p.c.
Quant au deuxième exemple, il s'agit d'une maison qui donne un
revenu net de 4.4 p.c. et on dit à la fin qu'il faudrait un revenu de
$1440 par année au lieu de $773 pour avoir un revenu de 7.9 p.c. qui
serait considéré comme normal.
M. HARDY: Comment expliquez-vous qu'un propriétaire ayant une
maison rapportant 4.4 p.c. n'essaie pas de la vendre? Il me semble que, si
j'étais propriétaire d'une maison qui me rapporte 4.4 p.c. alors
qu'on peut avoir des obligations à 8 1/2 p.c... Je ne comprends pas
comment il se fait que ce propriétaire n'essaie pas de vendre sa
maison.
M. BOUCHER: Ce qui arrive, c'est que probablement un propriétaire
qui se trouverait dans cette situation aurait beaucoup de difficulté
à vendre la maison sans perdre un montant très
élevé de l'argent qu'il a dépensé sur cette
maison.
M. HARDY: Oui, mais si elle est louée, est-ce une maison sous le
contrôle de la Régie des loyers?
M. BOUCHER: Si c'est une maison de 35 à 40 ans avec des logements
qui vont de $73 à $78, c'en est une.
M. HARDY: Et c'est la commission qui plafonne ce loyer qui rapporte 4
p.c?
M. BOUCHER: Je ne connais pas d'exemple, personnellement. Certainement
qu'on a tenté d'augmenter les loyers mais, si les loyers sont
restés à ce taux-là, je suppose, parce que je ne connais
pas le cas moi-même, qu'il y a eu des oppositions de portées
à la régie. Et c'est pour cela que les loyers sont restés
comme tels.
M. HARDY: Ce n'est pas une moyenne, cela. Ce sont des exemples pris au
hasard.
M. BOUCHER: Cela fait que la maison devient quasiment invendable. A
cause des contrôles qui sont imposés par la régie, il n'y a
plus moyen de vendre la maison sans le faire à un prix dérisoire
relativement au prix qui a été payé.
M. HARDY: Mais ce que j'ai de la difficulté à comprendre,
sans avoir fait une étude très poussée des
décisions de la régie, c'est que la régie actuelle
plafonne un loyer à ce point qu'il ne rapporterait que 4 et quelque
chose pour cent.
M. BOUCHER: Moi aussi.
M. LE PRESIDENT: J'aimerais savoir si les membres de la commission
seraient d'avis de faire transcrire au journal des Débats les deux ou
trois exemples qui apparaissent au mémoire.
M. BOUCHER: Si vous voulez que je vous en fasse lecture, c'est une
lecture qui est assez ardue, avec des tableaux.
M. LE PRESIDENT: Oui, on va tout simplement les transmettre...
M. BOUCHER: Les transmettre tels quels à la page 5 du texte de M.
Gadbois, si possible (Voir annexe).
M. CHOQUETTE: Ce qui me frappe, c'est la maison de huit logements dont
deux de trois pièces et six de quatre pièces payée $47,000
il y a six ans et $46.000 il y a quatre ans. Elle est à vendre
aujourd'hui au prix de $43,000 et il n'y a pas d'acheteur. Je regarde la liste
des loyers. Il y a un loyer qui est libre et l'autre également. IL y a
des loyers de $87, $78, $69, $75, $75, $76 et $25. Ce sont des loyers qui me
paraissent bas pour des logements de quatre pièces, même pour des
logements de trois pièces, excepté le loyer de $87. C'est une
maison non contrôlée.
UNE VOIX: C'est la loi de l'offre et de la demande.
M. HARDY: De toute façon, je pense que c'est bien difficile,
surtout à partir...
M. BOUCHER : C'est un exemple particulier
qui sert seulement d'illustration au principe que mon client a voulu
mettre dans son mémoire. On pourrait en sortir, je pense, des centaines
qui auraient exactement la même valeur.
Je continue. Offre et demande. Dernièrement, lors d'une
assemblée de 112 personnes venant de différents organismes et
intéressées à étudier les problèmes
causés par la Régie des loyers et, en plus, les problèmes
que causerait la loi 59, le code des loyers, la totalité des membres
présents ont désapprouvé toute ingérence de la part
d'un gouvernement quelconque je pense que mon client voulait dire de
tout gouvernement dans un secteur de l'économie...
M. CHARRON: ... il est quelconque quand même...
M. BOUCHER: ... où l'offre et la demande doivent, aujourd'hui
plus qu'auparavant, faire loi dans tout ce qui touche les problèmes
immobiliers et, en particulier, dans les transactions entre
propriétaires et locataires. Le raisonnement est bien simple. Il n'y a
pas de pénurie de logements dans la province de Québec et en
particulier à Montréal.
M. HARDY : Même à Pointe-Saint-Charles? M. BOUCHER : Je ne
pense pas.
M. HARDY: D'après vous, il n'y a pas de pénurie de
logement dans certains quartiers de Montréal?
M. BOUCHER: II y en a peut-être dans certains quartiers de
Montréal mais, dans Montréal en général, il me
semble qu'il n'y en a pas.
M. HARDY: Ce qui me frappe et qui m'étonne, je vais vous le dire
tout de suite, c'est de voir des idées aussi extrémistes. A mon
avis, tantôt on a vu des gens qui étaient partis pour la gloire
d'un côté et là, votre client part pour la gloire d'un
autre côté. Remarquez bien que c'est peut-être un moyen
d'arriver à un juste milieu pour le législateur mais, ce qui est
drôle, c'est que justement, en atteignant des extrémités
aussi différentes, vous prétendez, tout le monde, partir de la
réalité. Me Baatz tantôt prétendait et je
n'ai pas raison de mettre sa parole en doute partir de faits bien
réels pour arriver à des conclusions qui se situent à
l'autre pôle des vôtres. Et votre client prétend partir de
la réalité.
M. THERIEN: Me Baatz cependant tenait compte uniquement d'un
secteur...
M. HARDY: ... d'un quartier, oui.
M. THERIEN: ... très très petit de Montréal qui
n'est pas représentatif puisque, d'après la commission Hellyer,
il a été prouvé qu'au delà de 50 p.c. des logements
au Canada ont moins de 25 ans alors que dans Pointe-Saint-Charles, il n'y en a
probablement pas 5 p.c., s'il y en a 5 p.c, qui ont moins de 50 ans.
M. HARDY: Supposons que je vous donne raison, que Me Baatz a
limité son investigation à un secteur particulier; mais Me
Boucher prétend que même à Pointe-Saint-Charles, il n'y a
pas de problème.
M. BOUCHER: Mon client dit qu'il n'y a pas de problème à
Montréal, qu'il n'y a pas de pénurie de logements en
général dans la province de Québec et, en particulier,
à Montréal. Il ne dit pas en particulier à
Montréal, dans Pointe- Sainte-Charles, ou en particulier à
Montréal, dans Rosemont.
M. HARDY: C'est le danger d'un côté comme de l'autre. C'est
le danger devant ces problèmes d'arriver avec des visions globales qui
peuvent peut-être être vraies globalement mais qui ignorent des
réalités très concrètes dans des coins.
M. BOUCHET: Je l'ai dit tantôt quand j'ai cité deux cas qui
sont très particuliers.
Plus on définit la région où une chose va
s'appliquer, plus on arrive avec un problème réel et
spécifique. Alors, je ne pense pas que la loi soit faite pour
Pointe-Saint-Charles ou pour Rosemont ou par la basse ville de Québec.
La loi est faite pour l'ensemble du Québec. Je pense qu'il est normal de
parler de Montréal en particulier, parce que, comme vous l'avez dit ce
matin, il y avait 50 p.c. des locataires qui étaient dans la
région de Montréal. Maintenant, je parle pour Montréal et
pour le Québec.
M. HARDY: Nous sommes appelés pour un vote. Peut-être
pourrions-nous inscrire le reste de votre mémoire au journal des
Débats?
M. BOUCHER: Je n'ai pas d'objection. Si vous avez pris connaissance du
mémoire, peut-être avez-vous le temps de nous poser quelques
questions avant...
M. HARDY: Entre la première et la deuxième cloche?
M. BOUCHER: C'est cela. C'est pressé. Il n'y a pas
possibilité de continuer après le vote?
M. CHOQUETTE: Monsieur, il est six heures et le vote est assez long.
M. BOUCHER: Alors, on va demander que ce soit versé au dossier
tel quel.
M. CHOQUETTE: Voici, monsieur, nous allons verser le mémoire au
dossier...
M. LE PRESIDENT: Le mémoire sera versé au dossier tel quel
(Voir annexe).
M. CHOQUETTE: ... et vous pouvez être sûr que nous allons le
considérer dans tous ses aspects.
M. THERIEN: Si vous aviez des questions à poser, peut-être
par écrit, M. Gadbois se ferait un plaisir de vous répondre. La
consultation de personnes qui sont dans le domaine particulier, je pense aux
sociétés de fiducie, aux locateurs en général,
devrait être d'un précieux secours pour le gouvernement dans la
préparation d'une législation qui tiendrait compte des
réalités et non pas de cas trop spécifiques, aussi bien
dans un cas comme dans un autre.
M. CHOQUETTE: Très bien, merci beaucoup, messieurs. Alors, je
crois que ceci termine les auditions de cette commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Alors, la commission parlementaire ajourne...
M. PAUL: Est-ce que le ministre a l'intention de faire réimprimer
le projet de loi? Je ne veux pas le forcer dans sa réponse, mais est-ce
qu'il a déjà envisagé cette possibilité?
M. CHOQUETTE: Nous examinons le projet de loi et je répondrai
à la question du député de Maskinongé en temps et
lieu.
M. PAUL: Très bien, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 48)
ANNEXE
MEMOIRE REMANIE DE LA SOCIETE CANADIENNE DE
COURTAGE
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs.
Je regrette sincèrement que la commission parlementaire n'ait pas
pu entendre mon exposé sur un problème qui pourtant est un des
problèmes les plus importants de la génération
présente.
C'était mon devoir de me rendre dans la capitale pour unir mes
connaissances aux efforts que d'autres ont faits concernant cette loi, pour
soumettre une opinion qui se veut objective et qui reflète la situation
qui découle de la loi un peu trop socialisante que le gouvernement tente
de faire accepter contre ceux qui ont confiance à la
propriété, ceux-là mêmes qui forment la partie de la
population qui donne le ton à l'économie d'une province et d'un
pays... QUAND LE BÂTIMENT VA, TOUT VA.
Le mémoire devait être présenté le 18 octobre
et, par la suite, une lettre nous donnait rendez-vous pour le 25 octobre. Mais
un contretemps a obligé la commission parlementaire de lever son
audience à 13 heures le 25 octobre et de reporter au 2 novembre la
présentation de ce mémoire. Mais, à cette date, j'ai
expliqué aux membres de la commission que je serais en France à
la tête d'une délégation pour recevoir certaines
décorations dont l'honneur rejaillira sur tout le Québec.
On m'a donc offert à soumettre, par écrit, les remarques
que j'avais à faire en amendement à ce mémoire.
Avant d'entrer dans le vif du mémoire, je répondrai
à la question que vous vous posez à savoir qui je suis pour
parler avec tant de certitude dans mes convictions: j'étais le comptable
chef de l'ancien Syndicat national de l'électricité (une
corporation de la couronne) de 1940 à 1944.
En 1945, j'ai fondé une compagnie de courtage qui est aujourd'hui
la SOCIETE CANADIENNE DE COURTAGE; nous avons une gestion immobilière
actuelle qui comporte au-delà de 2,400 clients tant propriétaires
que locataires.
De 1947 à 1950, j'ai été conseiller municipal de la
ville de Montréal et, dans les archives de la ville, on peut facilement
se rendre compte du travail sérieux et constructif que j'y ai fait.
En 1962, avec la collaboration de l'honorable Jean Lesage, j'ai
mené à bonne fin la Loi du courtage immobilier pour la province
de Québec et ce, après 8 ans de travail et de
persévérance.
PRINCIPE
Même en considérant toutes les raisons divulguées ou
occultes qui ont milité pour la passation d'une législation
concernant le contrôle des loyers, tant pour la fixation du prix du
logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement
à tout genre de législation qui aurait pour but un contrôle
quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une
province.
LE CÔTÉ SOCIAL DU CONTROLE
II faut que le législateur se rende bien compte de l'état
d'esprit qu'il a engendré entre propriétaires et locataires par
ce contrôle des loyers et de la colère qu'il provoque en
continuant ledit contrôle.
Il y a 9 locataires sur 10, parmi ceux qui ont recours à la
régie, qui sont en guerre avec leur propriétaire et ces
mêmes propriétaires sont dégoûtés de
l'ingérence de la Régie des loyers dans leurs relations avec
leurs locataires; on en est rendu que le mot "indésirable" pour un
locataire ne signifie et ne touche que le côté physique du
logement.
Que le locataire soit un bandit, un polluant, un effronté ou un
insupportable, le propriétaire, dans notre pays libre est, avec cette
régie, obligé de l'endurer sans aucun recours en loi, tant
à cause de la loi qu'à cause de la non-solvabilité du
locataire dans la plupart des cas.
Pour ce qui concerne le problème des locataires qui sont des
assistés sociaux, nous demandons que le gouvernement se rende
responsable du tout bail d'un locataire qui devient un assisté
social.
Il faut que le gouvernement voie à faire respecter les lois et
cesse de tolérer ces déménagements illégaux en
pleine période d'un bail légalement signé par les
parties.
Je dois ici ouvrir une parenthèse et avouer que certains
assistés sociaux ont toute notre sympathie mais, malheureusement, il y
en a d'autres qui ont tout notre mépris. Pour obliger cette classe de
locataires à suivre la Loi comme les autres locataires et à
prévenir ces irresponsabilités, nous demandons donc: 1- Que le
gouvernement se rende responsable du bail de tout assisté social; 2- Que
le gouvernement paie sans distinction et directement le loyer aux locateurs; 3-
Que le gouvernement cesse de verser cette sorte de salaire à tous les
assistés sociaux qui se rendent coupables d'une infraction aux clauses
d'un bail et qui se foutent de la responsabilité d'un tel bail et de la
loi en général. 4- Que le gouvernement obtienne, de tout
locataire assisté social qui veut déménager,
l'autorisation écrite et contrôlée de son
propriétaire lui permettant d'annuler le bail existant et, si
l'assisté social déménage sans cette autorisation,
l'allocation sociale devra lui être coupée
immédiatement.
Il n'y a pas d'injustice lorsqu'on fait respecter la justice...
FRUIT DE L'EXPÉRIENCE
Après avoir étudié pendant plus d'un quart de
siècle les avantages et désavantages d'un contrôle des
loyers, nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper, que les raisons
qui ont motivé la continuation d'un contrôle des loyers au
Québec, étaient à caractère politique et, pour
être plus précis, à caractère électoral.
Il ne faut pas en 1972 avoir honte de l'avouer, si, au Québec,
nous avions eu l'avantage d'avoir comme en Ontario 80 p.c. de
propriétaires parmi la population, nous n'aurions plus depuis 1945 cette
Régie des loyers qui était et est une loi pour locataires au
détriment des propriétaires, et au détriment d'une justice
sociale bien équilibrée.
M. le ministre, vous nous disiez la semaine dernière que vos
EXPERTS vous fournissent des chiffres et des statistiques...
Même si je leur accorde la bonne foi, à vos experts, je me
permets de vous souligner que je cultive certains doutes sur la
véracité des chiffres qu'ils mettent dans votre bouche en rapport
avec la situation actuelle dans Montréal.
Malheureusement, au point de vue économique, c'est une erreur
monumentale de penser aux locataires en tant qu'électeurs au lieu de
tout mettre en oeuvre pour promouvoir la construction et partant les bienfaits
d'être propriétaire dans un pays libre.
Quels sont ceux parmi vous, messieurs, qui sont propriétaires
d'immeubles à logements multiples et qui ont vécu le stress du
propriétaire de 1972?
Il faudrait être sérieux et comprendre que la
stabilité de l'économie d'une province ou d'un pays est
essentiellement et directement liée au fait que la majorité de la
population est propriétaire, c'est-à-dire solvable et
responsable.
Ici j'aimerais poser une question directe au gouvernement de notre
province. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire
disparaître les propriétaires dans la ville de Montréal et
dans la province? Je pose la question.
Avec cette désuète Régie des loyers, nous avons
créé une classe de locataires révoltés et parfois
révoltants et nous avons diminué d'année en année
le pourcentage de ceux qui deviennent propriétaires. Même si nous
regardons que le côté social et moral de la situation
créée par cette Régie des Loyers, il est inconcevable et
impensable de tolérer l'existence d'un tel contrôle d'un des
secteurs les plus importants d'une économie saine et progressive (voir
"Qui Abuse ? ? ?" pages 19 à 23).
II serait peut-être très intéressant de compiler des
chiffres sur le pourcentage des prêts immobiliers qui sont
accordés à des emprunteurs du Québec en regard du
pourcentage des prêts immobiliers que les compagnies prêteuses,
dont le bureau chef est dans le Québec, consentent à des
emprunteurs établis en dehors de notre Province.
LE REVENU D'UNE PROPRIETE
Lorsque des experts viennent dire sur la place publique que les
propriétés apportent du 15, 18 ou 20 pour cent à leur
propriétaire, j'ai de sérieux doutes sur leur compétence
et sur la véracité de leurs chiffres.
J'invite ces experts à descendre dans la rue, à visiter
les propriétés et à venir se renseigner à la vraie
source pour établir la rentabilité de la majorité des
propriétés à logements multiples.
Il faut tenir compte du capital et ce capital doit être
basé sur la valeur réelle de la propriété. Cette
valeur réelle se trouve dans la moyenne que l'on trouve par la valeur de
remplacement, la valeur physique et la valeur locative.
Une fois cette valeur réelle établie, voyons ce que la
propriété peut donner comme revenu net annuel et, dans
l'établissement de ce revenu net, nous ne tenons pas compte du temps qui
vaut de l'argent que le propriétaire prend pour la gestion de sa
propriété et nous ne prenons évidemment pas comme
dépenses les remises de capital sur hypothèque.
J'ai pris au hasard une propriété à Montréal
:
Une maison de 35 à 40 ans sur une rue entre Sherbrooke et Rachel
et entre Papineau et Delorimier; un ancien secteur huppé du
centre-ville.
La propriété a été payée, il y a 8
ans, $20,000.
Il y a 3 logements avec chauffage individuel de 6 pièces par
logement.
Je vais en profiter pour vous donner les prix des logements depuis 4
ans: 1969 1970 1971 1972 Augmentation 3e étage 68.00 72.00 73.00 73.00
6.8 p.c. = 1.2 p.c. 2e étage 72.00 N.L. 76.00 78.00 78.00 7.7 p.c. = 1.5
p.c.
Bas 75.00 Rég. 75.00 76.00 78.00 3. p.c. = 0.75 p.c.
La propriété porte une hypothèque de $10,000 dont
le taux d'intérêt est 9 1/2 p.c. payable semi-annuellement en
même temps que les remises sur l'hypothèque au montant de $350. Le
REVENU brut pour 1972 est $2,748 s'il n'y a pas de logements vacants. Calculons
les dépenses de cette propriété bien ordinaire dans la
ville de Montréal.
Les taxes sont au montant de $ 569.33 (F. & S. 494.63 Cot
74.70 = $569.33)
La prime d'assurance annuelle 63.00 (pour $17,000.00 d'assurance)
Réparations et entretien 343.50 (12 1/2 p.c. des revenus
bruts)
Intérêts sur hypothèque 950.00 (Hypothèque de
$10,000 à 9 1/2 p.c.)
Total 1,925.83 Bal. nette= $822.17 = 8.2 p.c. sur $10,000.
Administration? 1/2 p.c. 206.10 Bal. nette = 616.0? = 6.1 p.c. sur
$10.000.
Une autre propriété à Montréal sur
Delorimier entre Jean-Talon et Jarry :
Une maison de 16 ans contenant 8 logements : 2 logements de 3
pièces, 6 logements de 4 pièces, des pièces
fermées.
La propriété a été payée $47,000 il y
a 6 ans et $46,000 il y a 4 ans. Elle est à vendre aujourd'hui au prix
de $43,000.00 et il n'y a pas d'acheteurs.
La propriété n'est pas sous la juridiction de la
Régie des loyers, le prix des loyers est justifié et
justifiable.
App. 1969 1970 1971 1972 1 s/s 47.00 51.00 52.50 libre vacant 2 s/s
50.00 51.00 51.00 vacant 3 rez de ch. 70.00 75.00 P. 87.00 M. 87.00 4 " 70.00
75.00 78.00 78.00 5 2e 72.00 75.00 78.00 69.00 6 2e 72.00 75.00 77.00 75.00 7
3e 72.00 75.00 75.00 75.00 8 3e 70.00 76.25 P. & F. 76.25 76.25
Comme vous voyez, il y a même diminution dans certains cas. La
propriété porte une hypothèque de $28,500 et le taux
d'intérêt est de 8 3/4 p.c. mais avec des remboursements mensuels,
ce qui élève le taux d'intérêt. Le revenu de 1972
sera de $6,336.00 (nous acceptons pour le calcul un seul logement vacant).
Taxes $1,567.88 Assurance 354.66
Int. 2,400.00 Dépréciation sur meubles 120.00
Administration et publicité 460.00 (adm 6.p.c.) Entretien &
réparations 700.00
Revenus $6,336. $5,562.54 : $773.46 comme rev. net =
4.4 p.c. pour $17,500. Cap. 5,562.54 $1,440.00 " 7.9 p.c.
OFFRE ET DEMANDE
Dernièrement, lors d'une assemblée de 112 personnes venant
de différents organismes et intéressées à
étudier les problèmes causés par la Régie des
loyers et en plus les problèmes que causerait la Loi 59, code des
Loyers, la totalité des membres présents ont
désapprouvé toute ingérence de la part d'un gouvernement
quelconque dans un secteur de l'économie où l'offre et la demande
doivent, aujourd'hui plus qu'auparavant, faire loi dans tout ce qui touche les
problèmes immobiliers et, en particulier, les transactions entre
propriétaires et locataires.
Le raisonnement est bien simple, il n'y a pas de pénurie de
logements dans la province de Québec et en particulier à
Montréal; il y a même un surplus de logements si l'on se donne la
peine de vérifier les statistiques et surtout si l'on enquête chez
les propriétaires, les administrateurs, les sociétés de
courtage, les fiducies et les trusts.
Voici quelques exemples par des chiffres vrais, en date du milieu
d'octobre 1972. Ce sont des statistiques signées par des hommes qui sont
au milieu même du problème immobilier et qui vivent jour
après jour la situation qui est plus grave pour le propriétaire
que plusieurs peuvent s'imaginer à cause du fait qu'ils ne sont pas ou
sont mal renseignés.
En ce qui concerne le nombre des logements libres dans Montréal,
voici quelques chiffres révélateurs :
A la Société nationale de fiducie, au 19 octobre 1972,
sous la signature de M. Robert Tessier:
Logements de $44.00 à $74.00 de $75.00 à $124.00 de
$125.00 et plus 3pièces 1 1 11 4pièces 1 12 7 5pièces 3 4
0 6pièces 110 soit un total de 52 logements vacants sur un total de
1,295 logements d'habitation, ce qui donne un pourcentage de 4.1 p.c. de
vacance pour cette importante firme.
Chez les fiduciaires de la cité et du district de
Montréal, au 20 octobre 1972, sous la signature de M. Couture, le
directeur adjoint au service d'administration d'immeuble:
Logements de $44.00 à $74.00 de $75.00 à $124.00 de
$125.00 et plus 3pièces 15 6 0 4pièces 61 21 3 5pièces 18
1 0 6pièces 7 3 0 soit un total de 132 logements vacants sur un total de
2,496 logements d'habitation, ce qui donne un pourcentage de 5.3 p.c. de
vacance pour cette autre maison spécialisée.
A la Société canadienne de courtage nous trouvons 4.9 p.c.
de vacance, c'est-à-dire 34 logements vacants en date du 6 octobre
1972.
Il est donc anadmissible qu'un propriétaire abuse actuellement
d'un locataire, car celui-ci peut très facilement, en toute
liberté, à la fin de son bail, trouver ailleurs un logement plus
adéquat à son statut social et financier.
Il faut donc en déduire qu'un propriétaire qui se
sentirait attiré par un prix trop élevé, pour un logement,
se réveillera avec un logement vacant, une perte de revenu et en
difficulté face à ses obligations financières.
LIBERTÉ POUR LE LOCATAIRE
On semble vouloir accorder une liberté presque sans limite aux
locataires, une liberté qui serait à l'encontre des lois et du
bon sens. Le locataire a, comme je le disais, Ia liberté de se trouver
un autre logement à la fin de son bail si celui qu'il occupe ne lui
convient pas.
Selon les chiffres que je vous ai fournis et les statistiques que l'on
trouve facilement n'importe où, la moyenne des logements vacants
à Montréal est d'environ 5 p.c. du total des logements
d'habitation; ceci veut donc dire qu'il y a à Montréal
au-delà de 9,500 logements disponibles à Montréal donc un
bon choix pour tous les locataires insatisfaits.
Mais s'il y a tant de liberté pour un locataire, pourquoi
cherche-t-on à tout enlever à un propriétaire qui ne fait
que gérer une chose qui lui appartient et qui ne force personne à
accepter ses revendications?
AMELIORATIONS VS TAXES FONCIERES
II faut regarder la réalité en face et étudier bien
objectivement. Certains propriétaires ne peuvent pas, avec les revenus
dont ils disposent, entretenir d'une manière adéquate
l'état des propriétés, et la Régie des loyers, et
nous pouvons le prouver n'importe quand avec des cas spécifiques,
n'accorde pas les augmentations qui donneraient une certaine rentabilité
à la propriété.
D'un autre côté, s'il fait des travaux
d'amélioration locative, il subira immédiatement une augmentation
de taxes par laquelle la ville de Montréal reprendra l'augmentation
qu'il aurait obtenue du locataire; le propriétaire est donc entre
Charybde et Scylla et ce, si le locataire accepte une augmentation pour son
loyer. En plus la ville de Montréal augmente les taxes sans tenir compte
de la dépréciation de ladite propriété.
D'ailleurs, on a vu souvent une très haute évaluation pour
une propriété, donc des taxes très élevées,
devenir du jour au lendemain impropre à l'habitation selon certains
experts de certains services municipaux.
Il serait donc opportun de prévoir une législation qui
aurait pour effet d'établir un barème d'évaluation qui
tiendrait compte de la dépréciation causée par les
ans.
La ville de Montréal, comme toute autre municipalité du
Québec, ne prend pas en considération, lors du paiement des
taxes, que tel ou tel propriétaire avait un ou deux logements vacants,
donc une diminution de revenus.
Les propriétaires sont pénalisés pour chaque jour
de retard dans le paiement de leurs taxes et aucune raison ne peut les exempter
de cette pénalité. Si un locataire est en retard dans le paiement
de son loyer, le locateur devrait pouvoir le pénaliser. Si quelqu'un est
en défaut dans l'exécution d'un contrat, l'autre partie doit et a
de fait des droits contre celui qui est en défaut; je ne suis pas
avocat, mais c'est de cette manière que je verrais les choses si je
l'étais.
CONTROLE DISCRIMINATOIRE
Le plombier, l'électricien, le menuisier, le plâtrier, et
le peintre ne couperont pas leurs prix à cause de la diminution de
revenus d'un propriétaire; d'ailleurs la loi leur enlève cette
liberté et les propriétaires, employeurs, sont dans l'obligation
de les payer selon un salaire obligatoire, dicté par un décret et
ce, sans tenir compte de la compétence individuelle de
l'employé.
Le salaire de ces employés, ouvriers avec carte de
"compétence" a plus que doublé depuis 15 ans, soit une
augmentation de 100 p.c. et pourtant le prix des logements n'ont
augmenté que de 30 à 40 p.c. et ce, avec beaucoup de
difficultés.
Pourquoi contrôler un secteur en particulier dans le domaine des
relations humaines? On n'a pas plus raison de contrôler les loyers que le
prix des aliments, des salaires, du transport, etc. Le transport en commun: 6
cents 1/4 à.30cents. C'est donc une atteinte au principe fondamental des
droits de l'homme et des libertés humaines que de contrôler, par
segrégation, le secteur immobilier qui, au contraire, devrait être
encouragé afin que ce facteur économique apporte une plus grande
richesse à la population en général et augmente, par le
fait même, la solvabilité, la responsabilité et le pouvoir
d'achat des citoyens. Nous avons l'impression que le gouvernement par ses porte
parole ne veut rien faire pour inciter les locataires à devenir
propriétaires. Veux-t-on garder au Québec le record de la
pauvreté?
JUSTICE POUR TOUS
II est donc temps de cesser tout contrôle des loyers et de laisser
à leurs problèmes légaux les propriétaires et
locataires qui abusent tant au point de vue financier qu'au point de vue social
ou matériel.
Nous ne nous attarderons pas à réfuter les 91 articles de
la Loi 59, nous demandons au nom d'une justice humaine bien comprise et
objective que ladite Loi 59 soit retirée de l'Assemblée nationale
et que la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires (Régie des loyers) soit abolie simplement et
complètement. Le gouvernement pourra, à son gré, placer
ailleurs les employés qui seront forcément obligés de
subir un changement dans leur travail.
TERME DES BAUX
Nonobstant l'opposition catégorique que nous faisons au projet de
Loi 59 nous sommes d'avis que la coutume qui veut que les baux se terminent le
30 avril soit abolie et que le gouvernement provincial décrète
par le code civil que tous les baux se terminant le 30 avril soient
prolongés, à la satisfaction de toute une population, au 30 juin
qui suit le 30 avril mentionné comme fin du bail.
COLLABORATION
Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement
provincial pour le plus grand bien de la population en général et
pour une saine économie dans notre province de Québec.
Mais nous sommes d'opinion que le gouvernement pourrait, dans le code
civil, faire les amendements nécessaires pour donner justice à
tous les contribuables sans distinction de classe et de statut social.
Mais il faudrait que le gouvernement de cette province nous demande
cette collaboration que nous lui offrons. Nous avons, dans les rangs des
comptables, des experts qui ont en main le problème des
propriétaires et, parmi ceux-ci, nous pourrons vous
déléguer des hommes de bonne volonté qui se feront un
plaisir de collaborer et étudier avec les fonctionnaires la VRAIE
FORMULE.
L'expérience vécue depuis plus d'un quart de siècle
(Livre: QUI ABUSE? ? ? ) nous dicte, sans l'ombre d'un doute, que le
contrôle des loyers est une atteinte à la vie économique
d'une province ou d'un pays.
Que les dirigeants fassent confiance à ceux qui, par une
économie saine et suivie, ont réussi à se bâtir un
petit capital et ont ainsi garanti la survivance des gouvernements à
tous les paliers.
Humblement soumis,
(signé) RAOUL D. GADBOIS, président
Société canadienne de courtage inc.