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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 2 novembre 1972 - Vol. 12 N° 105

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 59 — Code des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 59 — Code des loyers

Séance du jeudi 2 novembre 1972

(Dix heures dix minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission de la justice): A l'ordre, messieurs!

Avant le début de la cinquième séance, je voudrais demander la collaboration des représentants des organismes pour essayer d'activer les discussions, compte tenu que les travaux de la commission devront être suspendus à midi pour permettre à certains membres de la commission d'assister à des rencontres. L'ordre dans lequel les organismes seront entendus est le suivant: La Ligue des propriétaires de Montréal, par la suite — et je suis très heureux — la Chambre des notaires du Québec et l'Association des locataires et des petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles. Nous ajoutons, à l'ordre du jour, la Société canadienne de courtage et son représentant.

Ligue des propriétaires de Montréal

M. PERRAS (Loyola): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Nous allons continuer notre intervention interrompue, l'autre jour, à cause de l'heure. Me Jean-Hubert Maranda exposera le mémoire de la Ligue des propriétaires de Montréal.

M. MARANDA: Je vais essayer de lire le rapport assez vite pour activer, comme vous l'avez dit.

Dans une première partie, nous essayerons de mettre en relief les principales caractéristiques apportées par le code des loyers et qui innovent sur l'actuelle Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, innovations qui jouent tant au détriment de la propriété foncière que de la construction domiciliaire. Dans une dernière partie, nous tirerons nos propres conclusions.

Les sept (7) principales caractéristiques que nous avons notées sont: la permanence, l'universalité, la perpétuité, l'exception, la contrainte, la prohibition et, finalement, la pénalité.

La permanence. Le code des loyers est une loi à caractère permanent contrairement à la Loi pour favoriser la conciliation entre propriétaires et locataires, adoptée en 1951 par la Législature provinciale pour une période d'un an et renouvelée d'année en année, laissant ainsi aux propriétaires le vague espoir qu'un jour elle ne serait plus reconduite. Il est intéressant de noter ici que les autres provinces ont peu à peu aboli la Régie des loyers qui existait chez elles, tandis que le code des Loyers, s'il est adopté, s'installera à demeure au Québec.

L'universalité quant au territoire. Avec la Loi pour favoriser la conciliation entre locatai- res et propriétaires et les amendements qui ont été apportés, tout municipalité pouvait, par un vote de son conseil, soustraire les immeubles situés sur son territoire de la juridiction de ladite loi. Le code des loyers s'applique obligatoirement à toute municipalité de plus de cinq mille habitants. En outre, il faut noter que, sur requête de cinquante locataires ou plus, habitant une municipalité moindre, le lieutenant-gouverneur en conseil peut par règlement rendre le code applicable à cette municipalité.

Toute loi, aussi universelle soit-elle, souffre des exceptions. Il est intéressant de constater que souvent le gouvernement n'aime pas se soumettre à ses propres lois lorsqu'il y a des intérêts.

En effet, l'article 12 stipule que la présente loi ne s'applique pas à un local d'habitation situé dans un immeuble faisant l'objet d'une aide financière à titre de prêt ou de subvention en vertu de la Loi de la Société d'habitation du Québec.

Quant au loyer payé, les immeubles construits avant le 1er décembre 1962, et dont le loyer était inférieur à $125 par mois, n'étaient pas visés par l'ancienne loi. Le code des loyers englobe tout local d'habitation habité ou habitable au 31 décembre 1972, sans référence au loyer payé. Tel que rédigé, le présent code s'applique même aux résidences saisonnières. Le code des loyers, quant aux maisons neuves, s'appliquera deux ans après que le logement sera devenu habitable. Nous savons qu'à Paris, tout logement neuf jouit d'un exception de taxe foncière pendant dix ans tandis qu'ici, les encouragements au développement domiciliaire sont plutôt inexistants.

L'article 23 du code des loyers prévoit que le bail sera renouvelé automatiquement d'année en année. Le propriétaire ou le locataire peut, dans un délai de 60 jours, faire part de son intention de ne pas renouveler le bail. Toutefois, l'article 25 stipule que le commissaire doit prolonger le bail du locataire qui en fait la demande. Considérant de plus que le bail entre dans la succession du locataire, nous estimons qu'il s'agit d'un contrat pratiquement perpétuel. Il est immoral d'obliger, pour dix, vingt, voire même trente ans, un propriétaire qui aurait signé un bail d'un an, par exemple, et qui n'a eu l'intention de s'obliger que pour un an.

Loi d'exception. Brime la liberté des parties. Le code des loyers constitue un sérieux accroc au principe de la liberté contractuelle. Pour ne citer qu'un exemple, une augmentation dépassant 5 p.c, même de l'accord des deux parties, est nulle sans la permission du commissaire. Certains principes tels la liberté et la responsabilité contractuelles, principes reconnus depuis des siècles, sont tellement ignorés par le législateur moderne que nous pouvons commencer à mettre en doute l'utilité du code civil.

Loi qui favorise exclusivement une partie. Le code des loyers apporte au locataire de nouveaux avantages et de nouvelles garanties mais

n'apporte aucune nouvelle protection au propriétaire. Nous remarquons qu'aucun bien offert au public n'a jamais été tellement réglementé. Jamais la loi économique de l'offre et de la demande n'a autant été écartée d'un revers de la main que ne le fait le code des loyers.

L'article 39 prévoit que le locataire peut demander la permission de résilier son bail pour habiter un logement subventionné. Le législateur permet donc à l'une des parties au contrat de briser ce contrat si elle trouve des conditions plus avantageuses avec un autre contractant. Que dirait-on d'un propriétaire qui demanderait la permission de résilier son bail sous prétexte qu'il a trouvé à louer plus cher à un autre locataire? Qu'arriverait-il au propriétaire qui, à cause des logements subventionnés, aurait le tiers ou le quart de ses logements vidés? Qui le subventionnera pour payer son intérêt hypothécaire, ses réparations, ses taxes et l'entretien de l'immeuble?

Et, pourtant, on hausse les taxes continuellement et, avec cet argent, on subventionne des logements. Combien de temps les propriétaires pourront-ils tenir le coup en payant par leurs taxes les logements subentionnnés, tout en devant faire compétition à ces mêmes logements?

Voici l'une des conclusions au sujet du logement subventionné à laquelle est arrivé le 22e congrès de l'Union internationale de la propriété foncière bâtie, tenu à Paris au mois de septembre dernier. Alors, je cite: "Divers Etats se sont alors érigés en constructeurs de logements sociaux, mais, en fait, les logements ainsi construits ne répondent que très imparfaitement à leur définition, étant bien souvent occupés par des ménages ayant des ressources qui ne peuvent être qualifiées de faibles, si bien que la charge de loyer des véritables économiquement faibles reste assurée par les propriétaires privés dans des logements dont, d'une manière paradoxale, les ressources sont réduites d'autorité au-dessous d'un minimum nécessaire à leur maintien en état d'habitabilité".

Contrainte: L'article 14 du code des loyers stipule que chaque locateur doit produire au commissaire une déclaration indiquant le loyer en vigueur pour chacun de ses locaux d'habitation, que sa déclaration doit contenir tout autre renseignement prescrit et qu'elle doit être faite dans les délais prescrits suivant la forme déterminée par règlement. L'article 16 de la même loi va plus loin en permettant au commissaire de fixer le loyer qui devient en vigueur pour la période qu'il détermine dans les cas où, par exemple, la déclaration n'est pas produite ou qu'elle contient de faux renseignements ou encore qu'aucun loyer n'est en vigueur lorsque la présente loi devient applicable. Il n'existe à notre connaissance peu ou pas de lois qui obligent les producteurs de biens à déclarer leurs revenus pour ensuite déterminer les prix de ces biens.

Tout a été prévu, même le moindre oubli du propriétaire sera pénalisé. En effet, l'article 17 prévoit que les parties doivent faire parvenir au commissaire une déclaration indiquant le montant du loyer convenu et tout autre renseignement jugé nécessaire dans les soixante (60) jours de la passation ou du renouvellement d'un bail. A défaut de produire cet avis, le loyer légal est celui qui était en vigueur avant la passation ou le renouvellement de ce bail. Le locataire aura évidemment intérêt à oublier de faire parvenir une telle déclaration. Quant au propriétaire, si, par oubli, négligence ou ignorance, il omet de faire parvenir sa déclaration, il sera pénalisé et il subira ainsi des pertes. Nous comprenons que ces dispositions ont pour but d'éviter que les parties ne conviennent d'une augmentation plus haute que le plafonnement prévu, soit 5 p.c. Toutefois, aucun commerce, industrie ou activité humaine n'est plafonné de façon aussi stricte et aussi irrémédiable.

L'article 41 prévoit que, si les réparations ne sont pas faites dans un délai imparti, le locataire peut s'adresser au commissaire pour obtenir la permission de les exécuter aux frais de son propriétaire en retenant le loyer dû.

Nous comprenons que des réparations urgentes s'imposent souvent. Toutefois, cet article laisse tellement de latitude au commissaire que nous nous inquiétons de la nature et de la valeur des réparations qui pourront être ordonnées. Souvent, le propriétaire, et spécialement le petit propriétaire, n'aura pas le financement nécessaire pour procéder aux réparations dans le délai imparti. Le recours à l'emprunt n'est pas une solution à cause des taux d'intérêt en vigueur. De plus, ceci est une porte ouverte aux abus possibles de la part de certains locataires. Fatalement, un tel procédé donnera lieu à l'enregistrement de privilèges sur les immeubles des petits propriétaires qui, dans certains cas, seront exposés à perdre leur propriété.

Finalement, nous ne voyons aucune justification à l'article 36, paragraphe a), qui étend de trois à quatre semaines le délai pour produire une demande de résiliation de bail dans le cas de non-paiement de loyer.

Prohibitions. Nous avons vu que le code des loyers impose plusieurs prohibitions au propriétaire. Nous étudierons brièvement sous ce chapitre les prohibitions imposées par les articles 64, 65, 69, 73 et 74.

L'article 64 stipule que le locateur ne peut exiger la remise de chèques ou effets négociables postdatés et devant servir au paiement du loyer. D'ailleurs, l'article 65 est très clair et défend au locateur d'exiger quelque montant que ce soit autre que le loyer échu pour permettre au locataire d'entrer en possession d'un local d'habitation. Un locataire pourra ainsi louer trois ou quatre logements et en choisir un à la dernière minute. Depuis quand peut-on réserver un bien ou une marchandise sans faire un dépôt préalable? Existe-t-il une législation prohibant les plans "achat, mise de côté" prévoyant un dépôt initial pour réserver

une marchandise, coutume, d'ailleurs, si fréquente dans nos magasins?

Plusieurs locataires sont insolvables et l'exécution d'un jugement obtenu devant les tribunaux est tout à fait aléatoire, spécialement depuis l'exception de saisie pour une valeur de $1,000 introduite lors de la refonte du code de procédure civile. On permet au locateur d'autres biens d'exiger de très sérieuses garanties, par exemple dans le cas de location de véhicules automobiles, qui ont une valeur bien moindre qu'un local d'habitation, alors que le code des loyers prohibe toute garantie exigible de la part du propriétaire.

Le code des loyers prohibe même, à l'article 69, au locateur d'exiger que le loyer d'un local d'habitation lui soit directement payé par une personne autre que le locataire. Plusieurs personnes à Montréal sont soutenues par des pensions provenant soit de parents, soit du bien-être social. Dans quelle position placerez-vous le propriétaire s'il est obligé de louer un local sans même avoir la garantie que son loyer sera payé? Autant ordonner aux banques à charte de prêter à tout venant en leur interdisant de faire des enquêtes de crédit.

L'article 73 prohibe à un locateur de refuser la location d'un local d'habitation à une personne en raison de sa race, croyance, couleur, nationalité, origine ethnique, lieu de naissance, langue ou situation sociale de ce locataire éventuel ou d'un membre de sa famille.

Nous ne sommes pas en faveur de la ségrégation: mais cet article oblige de louer à tout venant, qu'il soit insolvable, asocial, vandale, voleur ou encore réputé une nuisance publique. En vertu du code civil, le propriétaire est tenu de donner la jouissance paisible des lieux à ses locataires. Avec l'article 73, comment un propriétaire pourra-t-il assurer la jouissance paisible des lieux aux colocataires d'un édifice à logements? Quant au propriétaire lui-même, il verra quelquefois des situations où il devra louer à une personne indésirable pour ensuite devoir se soumettre à des tracasseries administratives consistant à s'adresser au commissaire pour obtenir l'évacuation de l'indésirable et évidemment devoir absorber les pertes pendant la période de relocation.

Quant à l'article 74 prohibant le refus de location d'un local d'habitation pour la seule raison que le locataire a un ou plusieurs enfants compte tenu des conditions du logement, nous nous demandons sur quels critères se basera le commissaire pour déterminer si un logement particulier est apte ou non à abriter un nombre déterminé d'enfants. Le propriétaire connaissant bien les lieux loués est évidemment plus habilité à déterminer si oui ou non il peut accepter une famille compte tenu du nombre d'enfants.

Pénalité. Finalement, nous constatons que le code des loyers comporte un caractère pénal. En effet, nous y retrouvons des amendes variant de $100 à $1,000. Nous n'avions pas l'habitude de retrouver de telles amendes dans la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Ces amendes sont unilatérales. En effet, on ne prévoit pas d'amende contre le locataire au cas de l'inexécution par ce dernier de quelqu'une des obligations de son bail.

L'application par les commissaires. Avant de passer aux conclusions, nous nous posons une question quant à l'administration de cette loi. Le code des loyers remplaçant la loi actuelle de conciliation entre propriétaires et locataires, est-ce que les critères concrets comme les formules pour déterminer le loyer et les directives relativement à l'application et à l'interprétation des différents articles de la loi continueront à être confidentiels au personnel chargé d'appliquer la loi comme c'est présentement le cas à la Commission des loyers?

Nous croyons qu'il y aurait beaucoup moins de cas soumis aux commissaires et beaucoup de démarches inutiles évitées si ces directives étaient accessibles à tous les intéressés.

Conclusions. Quelles conclusions tirer de tout cela? Nous diviserons nos conclusions en trois parties. La première quant aux propriétaires actuels, la deuxième quant au développement immobilier futur, la troisième quant aux locataires eux-mêmes.

Quant aux propriétaires actuels. Le code des loyers, de par les restrictions et la coercition contenues dans son esprit et dans ses divers articles, nous est inacceptable.

Dans presque tous les domaines de l'activité économique, le gouvernement accepte la loi de l'offre et de la demande. Aucun bien mis sur le marché, sauf le logement, n'est soumis à une régie ou à une telle loi lorsque le jeu de la libre concurrence existe.

Nous convenons que le logement est un bien essentiel et je cite le rapport Hellyer: "Tous ont droit à un logement propre et bien chauffé".

Pour y arriver est-il nécessaire d'imposer une telle régie des prix, une telle loi? L'huile à chauffage, si essentielle pour chauffer ces logements, a augmenté de $0.04 le gallon depuis un an. Qui a demandé une régie des prix de l'huile? Nous comprenons qu'il est plus facile de s'attaquer aux propriétaires qu'aux géants du pétrole. Et, pourtant, il y a beaucoup de petits propriétaires, qui ont investi les économies péniblement amassées au cours de toute une vie dans quelques logements pour assurer leur retraite. Le code des loyers les limite tellement que leur revenu ainsi investi non seulement ne peut augmenter, mais ne suivra même pas la courbe ascendante du coût de la vie, qui, très souvent, dépasse 5 p.c.

Le vêtement n'est-il pas, lui aussi, essentiel? Par qui est-il régi?

Que dire de l'alimentation? Qui la régit? Le journal La Presse coiffait un de ses articles du 17 octobre de ce titre: "Le prix des aliments a augmenté de près de 9 p.c. depuis un an". Un article de la Presse canadienne, reproduit dans le même journal en date du 12 octobre, sous le

titre "Les aliments coûtent de plus en plus cher: à qui la faute? " affirmait: "On peut s'attendre à voir le coût des aliments monter de 7 p.c. à 30 p.c."

La plupart des grandes industries font encore des profits énormes. Les propriétaires de logements ne sont pas aussi gourmands; ils n'exigent qu'un revenu raisonnable de leurs investissements.

Quant au développement domiciliaire, pourrions-nous affirmer que le code des loyers existe parce qu'il n'y a pas de logements disponibles? Sûrement pas. Référons-nous aux statistiques de la Société centrale d'hypothèques et de logement relativement à Montréal et relativement à la moyenne nationale pour les années 1968 à 1972 inclusivement.

Les logements disponibles: à Montréal, en 1968, il y en avait 5 p.c. et la moyenne nationale était de 2.5 p.c. En 1969, il y en avait 7.6p.c; la moyenne nationale était de 3.8 p.c. En 1970, il y en avait 8.2 p.c. de disponibles et la moyenne nationale était de 4.74 p.c. En 1971, 7.2 p.c. de logements disponibles à Montréal; la moyenne nationale 4.8 p.c En 1972, 5.7p.c. disponibles à Montréal; moyenne nationale 4.3 p.c.

Ces statistiques nous font constater deux choses: premièrement, le taux de vacance a toujours été beaucoup plus élevé à Montréal que la moyenne nationale; deuxièmement, le taux de vacance à Montréal, depuis cinq ans, a été de 5 p.c et plus, alors qu'un taux plus élevé que 4 p.c. est néfaste aux propriétaires et à l'économie en général.

Au Québec, l'industrie de la construction fonctionne déjà au ralenti. Le code des loyers, avec toutes les contraintes, prohibitions et coercitions qu'il recèle, va-t-il encourager le développement domiciliaire?

Le Globe and Mail publiait, dans son édition du 22 septembre 1972, une étude du Canadian Real Estate Research Corp.

Voici une traduction libre d'un extrait de cette étude: "L'entrepreneur privé ne construira pas de logements à moins qu'il ne puisse anticiper de plus grands profits de la construction domiciliaire que dans des investissements alternatifs. A moins que les loyers ne montent beaucoup dans un proche avenir, le nombre des appartements en construction réduira".

Le code des loyers ralentira le rythme déjà lent de l'industrie de la construction et affectera d'une façon sensible l'économie du Québec. Nul n'ignore que l'industrie québécoise de la construction est celle qui emploie le plus les ressources de chez nous comme main-d'oeuvre, bois, briques, vitres, portes, fenêtres, etc. Le gouvernement semble avoir négligé ou sous-estimé cet aspect dans le présent projet de loi. Et nos gouvernements municipaux? Eux qui connaissent la situation du propriétaire ou du moins qui sont présumés la connaître, que font-ils pour nous venir en aide? Je cite les chiffres du journal La Presse en date du 19 octobre 1972. "Le taux de la taxe de la Communauté urbaine de Montréal qui était de $0.71 en 1972 passe à $0.85 en 1973, soit une augmentation de $0.14 par $100 d'évaluation, dont $0.12 pour la police seulement. "Si on ajoute cette taxe aux impôts fonciers municipaux et à l'impôt scolaire, de même qu'aux différentes taxes spéciales ou d'améliorations locales, le compte global du propriétaire d'un bungalow de $20,000 s'établira comme suit: taxe de la CUM, $170; taxe municipale et spéciale, $300; taxe scolaire, $340; eau et service, $25; total en 1973: $835. Cette somme représente près de $70 par mois, soit l'équivalent d'un second loyer".

Quant à ceux qui se plaignent de la cherté du loyer, à ceux qui osent même affirmer que le loyer à Montréal est plus élevé que partout ailleurs, nous leur disons, premièrement, que c'est faux. Poussez davantage votre enquête et vous verrez qu'il y a un très grand nombre d'endroits où les loyers sont plus chers qu'à Montréal. Deuxièmement, s'il y a à Montréal une cherté relative des loyers comparée à certains pays occidentaux, le phénomène s'explique par trois facteurs.

Premièrement, notre climat exige une construction spéciale, avec isolants, système de chauffage élaboré, grande consommation d'huile durant la période de chauffage, qui sont des facteurs qu'on ne retrouve pas dans des endroits plus tempérés.

Deuxièmement, le coût de la vie. Le coût élevé de la taxe foncière, de la main-d'oeuvre et des matériaux pour l'entretien des immeubles, ainsi que le coût élevé de l'intérêt hypothécaire rendent inévitable une cherté relative du logement sans compter le coût d'acquisition des logements eux-mêmes.

Troisièmement, le bien-être. Les standards de construction et d'entretien des logements imposés par les gouvernements municipal, provincial et fédéral sont très élevés. D'ailleurs le rapport Hellyer affirme que le Canada est l'un des pays du monde où les logements sont les plus confortables. De plus, ce même rapport ajoute que 50 p.c. de tous les logements existant au Canada ont été construits depuis 25 ans.

Divers organismes, dont les trois grandes centrales syndicales, sont non seulement en faveur du code des loyers, mais veulent le rendre encore plus "anti-économique" et plus radical. Par exemple, elles veulent plafonner l'augmentation annuelle des loyers à 3 p.c. Nous voyons un certain illogisme dans ces prises de position. Les ouvriers de la construction, tels que peintres, maçons, menuisiers, plâtriers, plombiers et autres, sont groupés autour de ces centrales syndicales. Les mêmes centrales syndicales s'opposent à l'augmentation de 5 p.c, augmentation, répétons-le, qui ne répond même pas à l'augmentation du coût de la vie et ne contribue donc nullement à enrichir les propriétaires.

Pourtant, le salaire de ces mêmes ouvriers

augmente rapidement et régulièrement. Nous avons vu, il n'y a pas si longtemps, certaine centrale syndicale exiger une augmentation de 22 p.c. répartie sur 3 ans. Si on limite les loyers, où prendrons-nous l'argent pour payer leur prochaine augmentation? Ces mêmes ouvriers croient-ils faire vraiment avancer leur cause lorsqu'ils appuient un projet de loi de nature à ralentir considérablement l'industrie de la construction?

Que dire des enseignants qui viennent d'obtenir une augmentation de 6 p.c. pour chacune des deux prochaines années? Ignorent-ils que leur salaire est en partie payé par la taxe scolaire, impôt foncier qui augmente rapidement d'année en année?

Les propriétaires comme tels ne se sont pas prononcés contre ou en faveur des mesures socialisantes. Toutefois, si de telles mesures s'imposent au Québec, ils ne veulent pas être les seuls à en faire les frais.

Quant aux locataires, le coût des loyers grève beaucoup moins le budget des locataires qu'on ne veut nous le faire croire. Selon le Bureau fédéral de la statistique, en 1937, le logement grevait 26.2 p.c. du budget familial, alors qu'en 1967 il n'en grevait que 15.9 p.c.

En nous basant sur l'indice du coût de la vie, fixé à 100 p.c. en 1949, nous en arrivons, 20 ans après, à la situation suivante. En 1969, l'indice général des prix était de 241 p.c, soit une augmentation de 141 p.c; l'indice général des salaires est passé à 330 p.c, soit une augmentation de 230 p.c, tandis que l'indice général des loyers n'est passé qu'à 180 p.c, soit une augmentation de 80 p.c. L'augmentation des salaires a donc presque triplé par rapport à l'augmentation des loyers.

Est-ce en prodiguant les allocations sociales sous toutes leurs formes, telles le logement subventionné, que l'Etat parviendra à établir la justice sociale? Non. Nous croyons que la seule façon d'y parvenir est de faciliter l'accès à la propriété foncière au plus grand nombre de personnes possible. C'est, d'ailleurs, de cette façon qu'on bâtit une nation responsable.

Est-ce le code des loyers qui empêchera celui qui est né locataire de mourir locataire?

Ou le code des loyers n'a pas sa raison d'être ou il n'est qu'un cataplasme pour masquer la réalité économique d'une certaine catégorie de locataires qui ne peuvent, malgré leur désir, accéder à la propriété de leur logement.

Dans une partie de nos conclusions, nous avons tenté de démontrer que le code des loyers nuira au secteur de la construction domiciliaire; nous tenterons de démontrer maintenant que ce n'est pas en surprotégeant les locataires que nous pourrons convertir ces mêmes locataires en une nouvelle génération de propriétaires.

La Ligue des propriétaires de Montréal a, entre autres buts, la sauvegarde des intérêts de ses membres, mais elle se donne aussi pour but d'accroître le nombre actuel des propriétaires. C'est pourquoi juge-t-elle non seulement le code des loyers défavorable sinon décourageant pour les propriétaires, mais encore elle le juge inacceptable pour un pourcentage élevé de locataires.

Il n'est pas étonnant que les locataires acceptent d'emblée le code des loyers et même enchérissent sur plusieurs points. La raison en est évidente: quelle alternative ont-ils? Le code des loyers ou rien.

Les grandes sommes d'argent que nécessitera de toute évidence l'administration du code des loyers pourraient être employées à meilleur escient. Ces sommes pourraient, en effet, être affectées de manière à faciliter l'accès à la propriété pour le plus grand nombre possible de locataires.

Pour y parvenir, nous préconisons la copropriété.

Nous n'ignorons pas que certaines facilités sont mises à la portée du consommateur pour l'acquisition de maisons unifamiliales en périphérie des villes.

Et ces facilités, bien souvent, ne correspondent ni aux moyens financiers ni aux désirs d'un bon nombre de locataires.

Qu'on se souvienne du tollé qu'a suscité l'expropriation pour la construction de l'autoroute est-ouest au centre de Montréal. Plusieurs gens sont attachés à leur quartier et ne semblent pas vouloir en sortir. Certaines enquêtes sociologiques l'ont d'ailleurs démontré éloquem ment. Même s'ils le voulaient, ces locataires n'auraient pas les moyens financiers leur permettant de se procurer les nouvelles habitations unifamiliales. La seule solution valable est de leur faciliter l'achat de logements qu'ils occupent déjà. Il existe à Montréal des dizaines de milliers de logements confortables qui pourraient être acquis par les occupants, grâce à la copropriété.

Comme solution de rechange au code des loyers, la Ligue des propriétaires de Montréal préconise que le législateur établisse dans les meilleurs délais tous les mécanismes nécessaires afin de favoriser l'accès à la propriété par la copropriété. Et c'est aussi, croyons-nous, la meilleure lutte qui puisse être entreprise contre les taudis.

M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, la Ligue des propriétaires de Montréal vous prie d'adopter une législation qui puisse donner naissance à une nouvelle génération de propriétaires. Je vous remercie de votre attention.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: J'ai trouvé le mémoire, soumis par les propriétaires, très intéressant même si, à mon sens, il représente un point de vue particulier et qu'il fait abstraction du problème de l'abus dans les accroissements de loyers qui sont exigés des locataires en un certain nombre de circonstances. Peut-être les

représentants de l'Association des propriétaires qui sont présents ici, ce matin, n'étaient-ils pas présents à la commission parlementaire, quand j'ai cité des chiffres qui ont été recueillis par la Régie des loyers actuelle sur des accroissements de loyers prélevés par des propriétaires auprès de locataires.

Si je me souviens bien, dans 20 p.c. à 25 p.c. des cas de loyers non contrôlés actuellement par la Régie des loyers, il y avait eu des augmentations de loyer qui, à leur face même, semblaient abusives et indiquer, de la part d'un certain nombre de propriétaires, des exigences et des moyens de pression excessifs sur les locataires.

Il y a toujours le fait que le locataire, avant de refuser une demande d'augmentation, est obligé de considérer le déménagement comme solution alternative et que, devant les frais à encourir pour un tel déménagement, plus les autres complications, sa situation, sa position, son "bargaining power" est réduit d'autant.

En second lieu, vous avez cité des statistiques au point de vue des vacances à Montréal. A une autre séance de la commission parlementaire, j'avais exposé le fait que les logements vacants à Montréal, ou encore les chiffres s'appliquant aux logements vacants à Montréal sont soufflés par les vacances très considérables qui existent dans un certain domaine qui est le domaine des habitations appelées studios, "bachelors", qui viennent boursoufler les statistiques.

Quand on va au fond du problème, pour certaines classes de locataires, en particulier les locataires qui ont des familles nombreuses ou des familles avec plusieurs enfants, on ne se trouve pas du tout devant les taux de vacances tels que ceux qui vous avez cités dans votre mémoire.

Je considère cependant que votre plaidoyer, Me Maranda, est très éloquent du point de vue d'un propriétaire, et très intéressant aussi. Je crois qu'il passe à côté d'une des dimensions du problème qui est l'infériorité économique dans laquelle se trouvent un certain nombre de locataires du Québec face à des pressions ou à des demandes abusives de la part de propriétaires. Je me demande comment vous répondez à cette question.

M. MARANDA: Si nous n'avons pas parlé des abus, ce n'est pas parce que nous ignorons qu'il puisse en exister. Mais nous ne croyons pas que nous devons régir l'universalité des loyers à Montréal et ceux de la province pour des abus que, somme toute, nous croyons marginaux. Sur le nombre de baux qui se signent ou se renouvellent dans la province en un an, j'aimerais savoir s'il y a des statistiques pour nous mentionner le pourcentage des abus qui ont eu lieu.

Ce n'est pas parce qu'il y a des abus à certains endroits qu'on doit tout réglementer.

M. CHOQUETTE: Mais une fois qu'on est amené à réglementer des abus, ou enfin à trouver une méthode pour contrôler les abus, par un système d'arbitrage, si on veut appeler ainsi le système proposé, à ce moment-là, on est amené tout naturellement à se demander jusqu'à quel point on doit aller dans le contrôle des abus. Est-ce qu'on doit limiter l'intervention du commissaire des loyers aux secteurs où on a constaté le plus d'abus et, en ce faisant, est-ce qu'on n'impose pas, par la force des choses, une espèce de distorsion dans le développement du marché immobilier? C'est une question qui nous préoccupe à l'heure actuelle. Parce que si on ne fait que contrôler une certaine partie des logements, c'est-à-dire les domaines où on a constaté des abus assez criants, et si on laisse le reste du marché libre, ceci peut avoir des conséquences dans le développement ultérieur de la construction de façon à échapper à ce que l'on appelle un contrôle des loyers. Malgré que je réitère que, dans le projet de loi actuel, il ne s'agit pas d'un gel des loyers, il ne s'agit pas de freiner artificiellement l'accroissement légitime des prix des loyers face à l'accroissement des coûts, mais il s'agit de rétablir une position d'égalité entre locataires et propriétaires dans la négociation des conditions du bail. Ce sont un peu là des aspects à l'arrière-plan de la loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Je dois d'abord féliciter ceux qui ont travaillé à la rédaction de ce mémoire. Les statistiques qu'on y trouve peuvent à prime abord contredire celles qui nous furent communiquées dans des séances antérieures de la commission de la justice. Il s'agit pour nous de trouver un équilibre pour limiter autant que possible à mon point de vue l'intervention de l'Etat. Nous vivons dans une société qui n'est pas encore socialiste dans toute l'acception du terme et il ne faudrait pas que, sous prétexte de corriger des abus, l'Etat vienne tuer toute initiative de progrès ou de développement. Ce qui me frappe le plus à la suite de l'audition de ces mémoires, ce sont les répercussions possibles d'une loi de la nature de celle qui nous est présentée — et j'ose croire qu'elle n'est pas finale dans ses termes, dans son texte — c'est ce danger que l'on peut créer quant au développement de l'industrie domiciliaire, de la construction domiciliaire au Québec. D'un autre côté, je rejoins parfaitement le but visé par le ministre et sa loi, celui de mettre fin à des abus criants qui existent. Mais il faut aussi se dégager du contexte de la ville de Montréal, qui est une entité importante de la population du Québec, car il n'y a pas seulement à Montréal que les citoyens ont le droit de vivre. Il nous faut toujours, nous, envisager d'un côté le bien général de la population du Québec même si, presque à 50 p.c, la population du Québec est concentrée dans Montréal et sa périphérie. Est-ce que c'est la meilleure façon de corriger

les abus dont le ministre parlait tout à l'heure en nous présentant une législation avec toutes les caractéristiques qu'on retrouve dans le texte actuel du bill 59? Je dois dire que je m'interroge encore.

Mais je voudrais cependant assurer le ministre de la Justice que nous réalisons la complexité du problème et celui qui vous parle est à même de collaborer avec les membres de la Régie des loyers, spécialement avec l'honorable juge Ross et tous les fonctionnaires chargés de l'application de la Loi de conciliation entre locateurs et locataires, mais je m'interroge toujours à savoir si nous n'allons pas trop loin, si nous n'embrassons pas trop de terrain de cette façon, de sorte que les répercussions seraient de jeter un certain déséquilibre entre d'une part les droits que doivent avoir les propriétaires et les droits que doivent avoir les locataires.

C'est pourquoi, M. le Président, de plus en plus, à l'étude des mémoires qui nous sont présentés, à l'audition de ces mêmes mémoires, je m'interroge et j'invite le ministre de la Justice à demander à ses conseillers de faire une revue de tous ces mémoires, pour que nous puissions adopter une loi qui sans, d'une part, brimer les droits des propriétaires, puisse également sauvegarder les droits des locataires, en évitant des abus. Il ne faudrait pas partir du principe que, parce qu'il y a des propriétaires qui commettent des abus, tous doivent être pénalisés, comme il ne faut pas, non plus, conclure, du fait que certains locataires abusent de leur situation, parfois, d'insolvables pour causer des torts aux propriétaires, que tous les locataires sont des sujets indésirables, dans notre société.

Je félicite donc Me Maranda et toute son équipe, le Dr Perras, M. Thérien, et tous ceux qui, de près ou de loin, ont travaillé, avec beaucoup d'honnêteté, pour tâcher de nous montrer une facette de ce problème de l'habitation au Québec qui nous captive actuellement. Vous pouvez être assurés que c'est dans le meilleur intérêt et des propriétaires et des locataires que nous ferons, en temps opportun, les revendications et les recommandations pour garder cet équilibre social et, du même coup, essayer d'enrayer les abus qui découlent du système actuel que nous connaissons au Québec.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Maranda, à la lecture de votre mémoire, il m'apparaît que votre objection à une telle législation part d'un critère ou d'un principe que je ne retrouve pas dans la loi, c'est-à-dire que je comprends que tous les arguments que vous nous donnez semblent nous dire que le prix des loyers, à l'avenir, sera gelé ou, sinon gelé, qu'il n'évoluera pas selon une certaine situation normale. Je ne sais pas mais, à moins que je ne me trompe, c'est de ce principe, je pense, que part votre mémoire.

Or, le ministre de la Justice l'a répété à plusieurs reprises, au cours des séances précédentes de cette commission, il n'est évidemment pas question de geler les loyers. Même le taux de 5 p.c. ou de 3 p.c. — peu importe quel sera le chiffre auquel on en arrivera — qu'on fixe n'est pas nécessairement un empêchement d'augmentation de loyer pour des raisons qui sont démontrables devant le commissaire.

Je ne sais pas si je me trompe, mais c'est l'impression que me donne votre mémoire, soit d'être parti d'un principe qui n'existe pas dans la loi.

M. MARANDA: On comprend qu'il est évident qu'on peut demander au commissaire, dans certains cas bien spéciaux, d'augmenter de plus de 5 p.c. On demande une permission. Mais si on regarde le texte de la loi et l'esprit de la loi, c'est que chaque fois que le propriétaire veut faire quelque chose, en fait, il n'est plus le propriétaire, puisqu'il faut qu'il demande une permission. Pourquoi, à ce moment-là, fixer un taux? Pourquoi dire 5 p.c. C'est aussi bien de ne pas en fixer, comme dans l'ancienne loi. Qu'est-ce que cela donne de mettre un taux, si on peut demander moins que l'augmentation de 5 p.c. et si on peut également demander la permission de demander plus? Pourquoi mettre 5 p.c.? N'en mettez pas.

M. BURNS: C'est pour imposer, à un moment donné, le fardeau, si vous voulez, de démontrer quand cela dépasse un taux qui, apparemment, même, est très généreux, soit 5 p.c. Dans la région de Montréal, vous savez que, depuis 1962, le taux du loyer a augmenté dans une proportion de 2. 25 p.c, je pense, ou 2. 5 p.c. C'est déjà même très généreux, dans la région de Montréal.

Je pense que c'est pour dire: Vous voulez nous démontrer que vous sortez des taux normaux d'augmentation, eh bien, venez nous le démontrer, vous, M. le propriétaire.

M. MARANDA : Cela ne vous justifie pas, quand même, de mettre un taux de 5 p.c, au contraire. Je vais vous retourner votre argument, en disant: Les propriétaires se penseront obligés d'augmenter de 5 p.c. à chaque année, si on fixe l'objectif à 5 p.c. N'en mettez pas et chacun fera ce qu'il voudra. Le locataire qui se sent lésé ira devant le commissaire, s'il pense que son augmentation n'est pas justifiée. Cela évitera d'aller devant le commissaire trop souvent, parce que c'est une source de tracasseries pour le propriétaire d'aller chez le commissaire. Cela prend un tas d'avis. Souvent, il paie un avocat pour se faire représenter. Cela lui coûte cher. Et il arrive à quoi? Quelquefois, six mois après sa demande, il a un jugement qui souvent ne l'accommode pas. De toute façon, notre mémoire ne parle pas simplement des 5 p.c. Il parle de l'esprit en général de la loi. Nous sommes contre cet esprit, comme je l'ai mentionné au début, parce que cette loi, qui

apporte beaucoup d'avantages nouveaux aux locataires, n'apporte rien, aucune protection au propriétaire. Toute la loi est faite en faveur du locataire et il n'y a aucun avantage pour le propriétaire dans cette loi. Nous voulons dire que cela favorise uniquement une partie au contrat, pas l'autre. Les propriétaires n'y trouvent aucun avantage, aucun bénéfice.

M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression qu'une loi que pourrait proposer le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à l'effet que toute augmentation de salaire au Québec ne devra pas dépasser 3 p.c, à compter, par exemple, du 1er janvier 1973 serait bien reçue par les grandes centrales syndicales?

M. MARANDA: Oui, à condition de faire venir l'armée.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je voudrais seulement dire un mot sur la question des 5 p.c. A d'autres séances de la commission parlementaire auxquelles vous n'avez probablement pas assisté, nous avons eu l'occasion d'échanger des vues préliminaires sur la question des 5 p.c. ou des 3 p.c, quel que soit le taux qui devrait ou pourrait être inscrit dans un projet de loi définitif. Je crois que des députés ici, autour de la table, ont conclu que ce taux avait été mal compris ou perçu. D'un côté, il était perçu comme une autorisation à augmenter jusqu'à 5 p.c. par année pour tous les propriétaires, et même les locataires l'ont compris dans ce sens. D'un autre côté, il a été perçu par un certain nombre de propriétaires comme une défense d'augmenter de plus de 5 p.c, même s'ils avaient des bonnes raisons de le faire. Alors, l'intention initiale que nous avions en fixant un taux était de lutter contre l'inflation. Nous voulions que le taux général constitue une espèce de cran d'arrêt aux pressions inflationnistes, pour autant qu'elles s'exercent dans le domaine du logement. Ce n'était pas un taux fixe, comme l'a dit tout à l'heure le député de Maisonneuve, mais quand même cela constituait une espèce de défense générale de la société contre des pressions inflationnistes.

Je suis bien obligé d'admettre que ce taux, quel qu'il soit, est mal compris. Il est possible que, dans le projet définitif que nous présenterons, il n'y ait pas un tel taux d'arrêté à cause de la mauvaise perception que nous en avons reçue. Plutôt que de nous arrêter à une telle solution, nous laisserions une latitude plus considérable aux autorités de la future régie pour déterminer les taux qu'elles jugeront opportuns, suivant les conditions économiques et sociales qui pourront prévaloir d'année en année ou de région en région. Il est possible que nous allions vers une telle solution.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'avais demandé la parole un peu plus tôt, avant la déclaration du ministre. Je me demande maintenant si je devrais faire porter mon intervention sur la quasi-annonce que le ministre vient de nous faire d'un amendement qui serait apporté à la loi, qui est une surprise ce matin, ou si je dois la faire porter sur les commentaires que je voulais présenter à la Ligue des propriétaires. Je vais essayer de faire les deux en même temps.

M. Maranda, j'ai eu aussi à lire votre mémoire, j'ai retrouvé l'impression que d'autres témoins à la commission parlementaire m'avaient laissée à la suite de leur témoignage, ceux qui, si on considère le marché de l'habitation, se trouvent plutôt du côté des producteurs que de celui des consommateurs, soit les constructeurs domiciliaires ou comme dans votre cas les propriétaires.

J'ai eu l'impression qu'on fait facilement, au fond, dans chacun des mémoires de ce groupe de producteurs du marché de l'habitation, un parallèle parfois fondé, parfois carrément exagéré, entre intervention de l'Etat et socialisme. L'époque est révolue de tramer ce mot dans toutes les sauces, mais on appelle quand même cela mesures socialisantes, entrée du socialisme, on laisse "flirter" encore l'espèce de rapprochement entre mesures dangereuses et mesures socialisantes.

Je vous rappellerai quand même que l'intervention de l'Etat est loin d'être synonyme de socialisme, en particulier dans le bill 59. Il me semble que l'intervention de l'Etat est une mesure profondément libérale dans le cas actuel, dans le sens économique du mot. En effet elle vient rétablir ou mettre de l'ordre dans des conditions de marché et devrait favoriser l'expansion du marché, donc éventuellement l'expansion des producteurs, l'expansion du profit des producteurs dans le coin. Si on essaie de limiter les abus que peuvent connaître les locataires dans certains domaines, c'est dans l'intérêt des locataires, c'est pour que le consommateur dans le domaine de l'habitation ait un plus grand pouvoir d'achat dans d'autres domaines, pour que son pouvoir d'achat ne soit plus laissé à l'initiative et à la flexibilité que connaît d'année en année le renouvellement des baux, mais qu'on puisse prévoir l'évolution du marché économique capitaliste dans ce domaine-là comme dans d'autres.

J'aimerais avoir le temps de définir devant vous, avec un peu de recherche, ce que serait une intervention véritablement socialiste dans le domaine de l'habitation à Montréal. Je vous assure que vous trouveriez raide le bill 59, à ce moment-là... vous sauteriez dessus avec la même énergie, probablement, que vous avez eue pour le condamner. Donc, je me méfie beaucoup des parallèles qu'on peut faire entre intervention de

l'Etat et socialisme, d'autant plus que les interventions de l'Etat faites par les gouvernements que nous avons connus ont toujours été modérées, et il a suffi de très peu d'opposition à un moment donné pour que ce qu'il y avait de bon dans une loi comme intervention rigoureuse soit peu à peu retiré. Par exemple, une loi pouvait comporter l'annonce d'un taux qu'on pouvait porter comme limite d'augmentation de loyer, limite accordable. Ensuite, il faut aller devant le commissaire et, peu à peu, il suffit de quelques manifestations d'opposition des producteurs dans le marché quelconque pour qu'un ministre annonce du même souffle que peut-être que, dans l'aspect définitif du projet de loi, tel taux n'apparaîtra pas. On voit tout de suite que ce qui apparaissait à certains comme une intervention rigoureuse de l'Etat n'était qu'un pas timide dans la réglementation des abus et que même là il a suffi d'un peu de brouhaha du côté des producteurs d'un marché quelconque pour que l'intervention timide de l'Etat soit encore plus floue qu'elle n'apparaissait même dans un projet de loi à l'origine. Je pense que la déclaration que le ministre vient de faire, si on doit y donner une certaine pertinence dans le débat, il me semble qu'elle en a une ce matin, est en fin de compte l'annonce que — je ne veux pas abuser de ses propos parce qu'il les a tenus délibérément vagues — le projet de loi dans sa figure définitive, ne porterait plus cette intervention, cette mesure socialisante que vous avez condamnée. Vous voyez que cela ne prend pas grand-chose pour faire reculer l'Etat dans ses interventions. Il suffit que les producteurs lui demandent d'intervenir pour qu'il intervienne et il suffit que les producteurs lui disent qu'il intervient trop pour qu'il accepte de dire qu'il intervient trop et qu'il se retire.

Moi, je n'ai pas vu dans mes deux ans et demi ici au Parlement, ou même depuis le temps que je fais de la politique, beaucoup de mesures socialisantes dans les deux gouvernements...

M. HARDY: Combien d'années?

M. CHARRON: Cela doit faire à peu près une dizaine d'années.

M. BACON: Ah! mon Dieu!

M. CHARRON: Cela ne me rajeunit pas.

M. HARDY: Vous n'aviez pas l'âge de raison?

M. CHARRON: Je sais très bien que cela ne me rajeunit pas mais quand même...

M. BURNS: Vous avez commencé à la maternelle.

M. CHARRON: M. Maranda, je veux dire que le fond de votre intervention, s'il peut y avoir des répercussions économiques, je l'admets bien et tous les membres de la commission devraient y faire attention. Mais attention à vous aussi de ne pas considérer une timidité gouvernementale comme étant un affrontement prêt à vous être lancé, je pense que c'est exagéré.

M. MARANDA: Je ne veux pas commencer une querelle de mots à savoir si c'est du socialisme, des mesures socialisantes ou une intervention timide ou non de l'Etat. Somme toute, si vous regardez votre mémoire, on dit ceci: A Montréal — c'est peut-être un peu différent ailleurs — il y a seulement 20 p.c. de propriétaires. Donc 80 p.c. de locataires. D doit y avoir une raison à cela. Comment cela se fait-il qu'on est arrivé à une situation où on a si peu de propriétaires comparativement à des villes comme Toronto? Pourquoi? Posons-nous la question et on verra que les gens ne tiennent plus à être propriétaires. D'ailleurs, il y a une grande partie des gens, de 20 p.c. à 30 p.c. des locataires, qui sont locataires parce qu'ils ne veulent pas avoir les ennuis d'être propriétaires dans une ville comme Montréal. Parce que cela coûte cher et c'est une source de tracasseries.

Quant aux autres, il y a peut-être 20 p.c. de locataires qui sont locataires parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Nous disons: Plutôt que de dépenser des sommes considérables pour administrer une loi qui est une loi de contrainte, qu'on ne trouve pas ailleurs... c'est ce qu'on dit. Je comprends que, quelquefois, plutôt que de déménager, un locataire va accepter des conditions, au renouvellement de son bail, qui peuvent comporter une augmentation. Il est peut-être en position d'infériorité. Quand vous allez chez Steinberg, chez Dionne, chez Dominion, chez Cooprix ou ailleurs, et que cela vous coûte la moitié de votre budget, la moitié du salaire de la semaine pour vous nourrir, je pense que vous êtes dans une drôle de condition d'infériorité, bien plus que dans la condition du logement. Car vous payez le prix exigé, ou vous ne mangez pas. C'est aussi simple que ça.

Nous voulons faire remarquer que nous sommes la seule catégorie de producteurs de biens qui sont limités comme nous le sommes. Avec tout cet argent qui sera utilisé pour administrer la loi, commençons par essayer de favoriser la copropriété. C'est-à-dire qu'il y a des gens, à Montréal, qui aiment leur quartier, qui habitent dans des maisons encore habitables. Essayons de faire des prêts pour que ces gens achètent leur logement. Etablissons des mécanismes. Actuellement, on peut acheter, en périphérie, des maisons financées par la Société centrale d'hypothèques et de logement. Mais pour ceux qui ne veulent pas sortir de leur quartier ou pour qui ce serait trop onéreux de s'acheter une maison de $15,000, s'ils pouvaient acheter leur logement, voyons alors à les subventionner de la même façon qu'on subven-

tionne pour une maison neuve. Pourquoi ne pourrait-on pas trouver le moyen de subventionner le locataire qui veut devenir propriétaire de son logement? En étant propriétaire de son logement, il va devenir un homme responsable. Il va améliorer son logement et vous aurez moins de taudis.

M. CHARRON: Vous voyez vous-même, M. Maranda, que si vous proposez la création d'une espèce de banque de prêts, aux fins de, comme dirait le député de Maskinongé, d'arriver à la copropriété, vous faites vous-même état d'une intervention possible du gouvernement qui ne serait pas du tout...

M. MARANDA: Non, pas du tout. M. THERIEN: ... cette intervention...

M. CHARRON: Vous voyez qu'une intervention de l'Etat...

M. THERIEN: Dans notre mémoire, non seulement nous ne sommes pas opposés à cette intervention mais nous avons dit que nous reconnaissons que la Société centrale d'hypothèques et de logement a joué un rôle extrêmement intéressant dans tout le pays en ce moment. Nous ne sommes pas opposés...

M. CHARRON: Non, ce n'est pas ce que je voulais...

M. THERIEN: ... non plus à l'urbanisme. Au contraire.

M. CHARRON: Ce n'est pas ce que je veux vous dire.

M. THERIEN: Laissez-moi vous parler, ensuite vous me répondrez. Nous avons prouvé que ces interventions sont de nature à aider l'accès à la propriété, le développement de nouvelles maisons d'habitations, l'accès à la copropriété et les condominiums; l'Etat a déjà fait des lois et intervient pour aider. En ce moment, les syndicats ouvriers ont le droit d'obtenir des prêts à 100 p.c. pour devenir propriétaires des maisons. Pour quelles raisons n'utilisent-ils pas cette loi pour procurer des logements à leurs membres? Nous avons prouvé que l'augmentation du loyer, des prix comparatifs... vous avez l'augmentation du loyer par rapport à l'augmentation des salaires en vingt ans, cette augmentation des salaires a été de 330 p.c. par rapport à l'année de base, alors que, pour les logements, dans tout le Canada, elle n'a été que de 180 p.c.

Nous avons également une autre statistique qui prouve encore qu'en 1937 26 p.c. du revenu familial allait à l'habitation alors qu'en 1967 cette partie consacrée à l'habitation était rendue à seulement 16 p.c. En d'autre termes, nous prouvons, en ce moment, que le logement a baissé depuis 30 ans. Il représente à peu près la moitié, pas tout à fait, à peu près 60 p.c. de moins qu'il était il y a 30 ans.

Donc, nous croyons que ce qui est important — vous êtes un économiste, vous avez fait des études en économie — c'est d'avoir un revenu normal...

M. CHARRON: Comme Bourassa.

M. HARDY: Vous lui prêtez des talents autant que Bourassa.

M. CHARRON: Je suis aussi économiste que Bourassa.

M. THERIEN: De toute façon, c'est une question économique et ce serait peut-être intéressant que vous appreniez l'économique pour savoir qu'il faut que ce soit d'abord rentable et qu'il faut que les propriétaires aient un revenu normal. Nous avons même favorisé, dans notre mémoire, les allocations de logement pour les familles nécessiteuses, pour les assistés sociaux. Donc, nous ne sommes pas opposés à cela. Nous avons prouvé également que le contrôle des loyers n'avait pas aidé à construire un seul logement pour les familles. Nous avons démontré par des statistiques, aussi bien de Toronto que de New York, que les contrôles des loyers n'ont rien amélioré. Justement, en parallèle, à Toronto, il n'y a pas de contrôle, l'augmentation de logements a été considérable, alors qu'à New York, vous avez eu un contrôle et le nombre de logements a baissé, les investisseurs ne vont plus là.

Je n'ai pas terminé. Attendez que j'aie terminé et puis vous me parlerez.

A Montréal, la même chose se produit. En ce moment, si on compare — je n'ai pas malheureusement les chiffres, j'aurais voulu les avoir — les chiffres entre Toronto et Montréal, je ne dis pas que c'est la seule question, il y a eu moins de construction de logements à Montréal qu'à Toronto, et une des raisons est, justement, qu'il y a un contrôle des loyers. Les nouveaux propriétaires subissent la concurrence irrégulière des habitations contrôlées, avec la conséquence et j'ai, sur Montréal, des statistiques que je pourrai vous montrer, ce sont des statistiques prouvées qui me sont d'ailleurs données par des...

M. BURNS: Je ne voudrais pas que vous repreniez votre mémoire.

M. HARDY: On ne veut pas que vous repreniez votre mémoire puisqu'on l'a déjà entendu.

M. BURNS: II reprend son mémoire et, à mon avis, ce n'est pas là le problème.

M. PAUL: II est en train de le vulgariser...

M. HARDY: C'est cela la démocratie, des gens qui se présentent à la commission parlementaire...

M. BURNS: Va donc chez le diable!

M. HARDY: C'est cela la démocratie de la participation.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. THERIEN : Le député de Maisonneuve ne pourra tout de même pas dire que c'est un fait...

M. BURNS: Juste une minute, je voudrais vous dire quelque chose. Je veux vous demander pourquoi vous voulez absolument que les logements augmentent, alors qu'à la page 13 de votre document vous dites: C'est nous qui avons les plus hauts taux de logements disponibles. En quoi votre affaire est-elle logique, d'une part? D'autre part, je ne vois pas —et dites-moi où vous en trouvez — dans le bill 59 de disposition qui vous empêche d'avoir un rendement normal de votre industrie.

M. THERIEN: On veut avoir la liberté contractuelle. En ce moment, le contrôle des loyers, à Montréal, empêche la construction de nouvelles habitations parce que ces gens-là ne peuvent pas obtenir un loyer raisonnable à cause de la concurrence, que je viens de mentionner, qui est anormale.

M. CHOQUETTE: Ce que vous dites est, à mon sens, manifestement faux, parce que le contrôle des loyers, à Montréal, s'applique seulement aux maisons construites jusqu'en 1951. Alors ce n'est sûrement pas cela qui empêche la construction de logements.

M. THERIEN: M. le ministre, permettez-moi de vous faire cette remarque. En ce moment, parce qu'il y a un grand nombre de logements qui sont contrôlés, qui se trouvent à un niveau nécessairement inférieur à celui des nouveaux logements qui peuvent être loués, avec la conséquence que... Ce que je vous dis c'est mon expérience personnelle et c'est une des raisons qui explique pourquoi Montréal a eu moins de construction de logements que Toronto. C'est parce qu'il existe un contrôle. Même si théoriquement cela n'affecte pas les maisons nouvellement construites.

M. CHOQUETTE: Puis-je dire un mot, M. Thérien? Premièrement, je ne crois pas que le contrôle actuel des logements, à Montréal, joue d'une façon quelconque sur la construction, et que ce sont des conditions économiques générales qui ont fait qu'on a peut-être assisté à plus de construction à Toronto et dans la région métropolitaine de Toronto que dans la région métropolitaine de Montréal.

En second lieu, si on regarde les statistiques, en Ontario, alors qu'en 1955 les mises en chantier de maisons individuelles étaient de 43,257, en 1970, elles ne sont plus que de 21,577. Tandis que pour la construction de logements dans des maisons d'appartements, les mises en chantier se sont accrues, en 1955, de 7,019 à 42,344, ce qui fait qu'il est manifeste, d'après ces statistiques, que même la région de Toronto délaisse, dans une certaine mesure, la construction de maisons individuelles pour la construction de logements en maisons d'appartements. Pourtant, vous êtes dans un endroit où il n'y a pas de contrôle des loyers.

Ceci nous démontre des vues très générales sur la question du contrôle des loyers, à savoir s'il empêche ou n'empêche pas la construction? Ces vues généragles ne sont probantes d'aucune façon parce que, dans ce domaine-là comme dans tous les autres domaines, il y a d'autres conditions générales qui prévalent. Il y a des modes qui existent aussi, des façons dont les gens veulent vivre qui s'expriment également.

Je crois qu'il est erroné de prédire le pire parce que l'Etat imposerait un certain arbitrage entre les propriétaires et les locataires pour éviter des abus, compte tenu d'une situation où il y a pénurie de logements et où, par conséquent, l'offre de logements n'est pas suffisante par rapport à la demande.

M. MARANDA: Si vous permettez, M. le ministre, j'aimerais répondre à M. Burns qui demandait de lui citer un seul article de la loi qui nous empêche d'avoir un investissement de capital..

M. BURNS: Un rendement normal, j'ai pris l'expression de M. Thérien.

M. MARANDA: Un rendement normal si vous voulez, ou encore un article de la loi qui va empêcher le développement domiciliaire. Il est évident que, dans aucun article de la loi, on nous dit qu'on n'aura pas un rendement normal. On n'est pas pour nous dire ça. C'est dans l'esprit général de la loi, c'est dans les sept principales caractéristiques que je vous ai mentionnées tout à l'heure, si vous lisez mon mémoire, qui font qu'il y a un esprit tel que les gens ne seront plus intéressés à construire.

On ne dit pas qu'actuellement il n'y a pas de construction. Oui, il y a précisément de la construction parce que la nouvelle construction, avec la loi actuelle, n'est pas soumise à une régie. C'est pour ça qu'il y a une certaine construction à Montréal, même que M. le ministre disait: Vous avez un taux de vacance élevé à Montréal, mais c'est à cause, en bonne partie, des studios ou des "bachelors".

Les studios sont quand même des appartements qui ont été construits assez récemment. Là-dedans, vous en avez. Vous avez un choix, vous avez un marché de loyers.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. MARANDA: Précisément là-dedans. Mais

on se dit qu'avec la loi qui s'en vient, nous n'en aurons plus. Des gens ont fait les nouveaux logements parce qu'ils savaient qu'il y avait un investissement raisonnable. Mais mantenant, à la Régie des loyers, on fait un savant calcul et on vous donne environ 10 p.c. de l'investissement, compte tenu du risque du propriétaire, de l'administration qui est quand même assez embêtante si vous avez des logements. Vous savez comment ça peut être embêtant les divers appels de locataires qui demandent des réparations et tout et tout. Compte tenu de l'administration, du risque, vous avez un investissement qui produit 10 p.c. A ce moment-là, vous faites mieux de vous acheter des actions dans des compagnies, de rester chez vous et de ne pas avoir d'ennuis et, bien souvent, vous allez faire plus d'argent. Vous êtes mieux de faire un prêt hypothécaire où vous êtes garanti en première hypothèque sans risque et avoir 8.5 p.c, 9 p.c. et 9. 25 p.c. Cela devient plus rentable.

Actuellement, le rendement de la régie est de 10 p.c.

M. CHARRON: Mais vous devriez quand même être satisfait de l'annonce que le ministre vient de faire ce matin à l'effet que la loi ne portera désormais plus de taux.

UNE VOIX: Vous n'avez rien compris.

M. CHARRON: Non, j'ai compris. Le ministre veut-il confirmer l'annonce à l'intention du député de Terrebonne, son voisin de droite? Est-ce vrai que la nouvelle version de la loi ne portera plus le taux de 5 p.c?

M. CHOQUETTE: J'ai dit que nous examinions la question du taux, à savoir si un taux devait être introduit dans la loi ou si une formule plus flexible devrait être adoptée.

M. CHARRON: Et maintenant, dans l'idée du ministre, est-ce que c'est plutôt la deuxième hypothèse?

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas pour annoncer ce qu'il y a dans mon esprit parce que ce sujet fait encore l'objet de réflexion. J'ai constaté que, chez certains propriétaires, on tenait pour acquis que l'introduction d'un taux de 5 p.c. indiquait une autorisation d'augmenter annuellement les loyers de 5 p.c. Ce n'était pas ça du tout l'intention du projet initial.

D'autre part, la même perception a existé chez certains locataires, puisque des associations de locataires sont venues nous dire de fixer le taux à 3 p.c. C'est donc manifeste qu'on n'a pas compris dans quel esprit ce pourcentage était introduit dans la loi. C'est pour éviter les abus de part et d'autre que je m'interroge sur cette idée d'introduire un taux.

M. CHARRON: Ne vaudrait-il pas mieux garder le taux? C'était une mesure excellente, à mon avis, à l'intérieur du projet de loi. Je ne parle pas de 5 p.c. comme tels. Ce peut être 3 p.c. ou 4 p.c. Mais l'existence d'un taux. Il vaudrait mieux s'assurer que l'explication qu'on s'est efforcé de donner à tous les participants de la commission parlementaire soit claire, qu'il n'y ait qu'un seul entendement possible de l'existence de ce taux que de supprimer le taux parce que des gens l'entendent de façon différente.

M. CHOQUETTE: Même en théorie, supposons qu'on introduit un taux de 3 p.c, qu'est-ce que les propriétaires vont dire? Ils vont dire à leurs locataires qu'ils ont le droit de les augmenter de 3 p.c. tous les ans. Ce n'est pas nécessairement le but que recherche le législateur. Il y a des montants où il faut que les taux de loyer arrêtent d'augmenter carrément.

M. CHARRON: Mais cela s'explique. Il me semble que c'est assez simple de comprendre l'existence du taux dans le projet de loi. Vous l'avez expliqué plusieurs fois depuis le début de la commission. Il y a seulement le député de Terrebonne qui n'a pas compris. Mais, pour les autres membres de la commission, l'existence d'un taux, on sait ce que cela veut dire. C'est la liberté contractuelle jusqu'à ce taux. On peut toujours le dépasser, mais, cette fois, en allant devant le commissaire. D me semble que ce n'est pas la fin du monde à comprendre. Il faut volontairement ne pas vouloir le comprendre.

M. CHOQUETTE: Evidemment, pour un brillant esprit comme le député de Saint-Jacques, cela se comprend.

M. CHARRON: II n'est pas question du brillant esprit du député de Saint-Jacques; c'est dans la loi, selon la rédaction faite par le brillant ministre de la Justice.

M. BURNS: D'ailleurs, on a déjà un précédent — je pense qu'on en a déjà parlé au cours de ces séances — car votre collègue des Institutions financières a présenté le projet de loi 45, loi protégeant le consommateur. D'ailleurs, cette loi a été introduite sous le haut parrainage du ministre de la Justice. Il y a eu énormément de publicité faite autour de cette loi et je m'attends que le ministre de la Justice fasse la même chose lorsque le code des loyers sera adopté.

M. BLANK: II y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas la Loi de la protection du consommateur.

M. BURNS: II y en a plusieurs qui ne la comprennent pas, mais il y en a moins qu'avant qui ne la comprennent pas.

M. BLANK: Je pense que j'ai plus d'appels de gens qui ne la comprennent pas.

M. BURNS: C'est fort possible, cela.

M. CHARRON: Ce n'est pas parce qu'une chose est mal expliquée qu'il faut la retirer. Si le ministre recule sur ce point, la loi devient beaucoup moins intéressante à défendre et à expliquer. Le débat en Chambre sera inévitablement plus long parce que, là-dessus...

M. CHOQUETTE: On le verra. On le fera ensemble, ce débat.

M. CHARRON: Oui, d'accord. On le fera ensemble. Mais, quand même, vous l'avez annoncé ce matin.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense qu'on perd du temps, là.

M. LE PRESIDENT : Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser?

M. MARANDA: J'aurais aimé répondre à M. Burns. Les 10 p.c. qui actuellement sont donnés par la régie, ce n'est pas une mesure incitatrice au développement domiciliaire, à la construction. Je suis allé encore récemment en appel à la régie et on m'a fait un grand exposé pour dire que, cette année, on donnait un rendement de 10 p.c, pas plus. Avec tous les tracas que comporte l'administration d'une maison, le risque financier, je ne crois pas que ce soit un placement intéressant.

M. HARDY: 10 p.c. brut?

M. MARANDA: J'ai ici des formules confidentielles qui se passent à la Régie des loyers. Je les ai trouvées une fois, par hasard.

M. HARDY: Des fuites de documents?

M. MARANDA : Je les ai trouvées par hasard, parce que c'est très confidentiel au personnel de la Régie des loyers. Même les avocats qui vont plaider ne les ont pas. Je le mentionnais, d'ailleurs, dans mon mémoire. C'est bien embêtant parce que, là-dedans, on a des directives, par exemple, quant à l'application des différents articles de la loi. Si, par hasard, on trouve cela égaré sur une table, on peut s'en servir. Mais, si on l'avait, ce serait beaucoup plus simple et, souvent, on n'irait pas plaider à la régie parce qu'on saurait la façon dont ces choses vont être accueillies.

M. HARDY: Cela diminuerait le volume des causes devant la régie.

M. MARANDA: Je ne suis pas administrateur à la régie; ce n'est donc pas à moi de répondre à cela.

M. HARDY: Mais, si vous pouvez répondre à ce qui m'intéresse, vous avez lancé tout à l'heure un chiffre de 10 p.c. Apparemment, d'après les documents secrets et confidentiels que vous avez pu vous procurer, il semblerait que la commission de la régie se baserait sur un rendement de 10 p.c. pour rendre ses décisions. Maintenant, est-ce que les documents que vous avez en votre possession sont suffisamment explicites pour que vous puissiez dire s'il s'agit de 10 p.c. brut ou de 10 p.c. net?

M. MARANDA: Les documents que j'ai sont de 1971. En 1971, c'était 12 p.c. Mais, cette année, à la cour d'Appel de la régie, on a vraiment fait le calcul pour arriver à 10 p.c.

M. HARDY: Oui, mais brut ou net? M. MARANDA: Net. M.HARDY: 10 p.c. net.

M. MARANDA: Oui, c'est-à-dire une fois les dépenses enlevées.

M. HARDY: Vous voulez dire les taxes?

M. MARANDA: Moins les taxes, le chauffage...

M. HARDY: Oui. Mais 10 p.c, cela englobe l'administration, c'est-à-dire le temps que le propriétaire consacre à administrer.

M. MARANDA: Non, pas du tout, ce n'est pas englobé.

M. THERIEN: Cela ne comprend pas non plus la dépréciation.

M. HARDY: C'est cela. Quand vous dites que le propriétaire retire 10 p.c. net, ce n'est pas seulement sur son investissement, c'est le temps.

M. MARANDA: C'est cela, oui.

M. HARDY: L'administration est comprise à même les 10 p.c.

M. MARANDA: Elle est comprise à même les 10 p.c.

M. HARDY: C'est dans ce sens que vous disiez tantôt qu'à ce moment-là, il est plus rentable d'acheter des actions qui rapportent 10 p.c.

M. MARADA: C'est dans ce sens, surtout que l'on calcule le nombre de logements qu'il y a dans un immeuble. Supposons qu'il y en a six. L'administrateur, à la régie, ne prendra pas en ligne de compte le fait que peut-être, pendant l'année, il y en a eu un ou deux qui ont pu être libres pendant deux ou trois mois, pendant une certaine période de relocation. De cela, il ne

tient pas compte. Il prend le revenu tel que cela devrait rapporter, si tout était loué.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, tout à l'heure, mon bon ami le député de Saint-Jacques, qui disait: L'intervention de l'Etat a toujours été modérée. Je veux le féliciter pour son honnêteté intellectuelle, parce que c'est la première fois, depuis les événements d'octobre 1970, qu'il reconnaît que l'intervention du ministère de la Justice, à l'époque, a été modérée.

M. BURNS: Je comprends, le ministère de la Justice n'est même pas intervenu à ce moment-là. Vous vous souvenez que c'était l'autre gouvernement qui s'en était mêlé.

M. CHARRON: Nous n'avions plus de gouvernement à ce moment-là.

M. BURNS: Nous n'avions pas de gouvernement. Nous n'en avons pas, d'ailleurs, actuellement.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?

M. MARANDA: En terminant, le Dr Perras a demandé s'il pouvait avoir la permission d'avoir accès à vos documents. Nous comprenons que vous avez une documentation assez importante, des statistiques assez intéressantes. Pourrions-nous avoir accès à cette documentation? Pouvons-nous la consulter?

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous vous référez à la documentation dont on a discuté avec M. Gadbois à la dernière séance?

M. MARANDA: Oui, c'est cela que le Dr Perras aimerait voir.

M. CHOQUETTE: Je n'y ai pas d'objection.

M. MARANDA: Enfin, celle-là et toute la documentation qui peut être rendue publique.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. MARANDA: Merci beaucoup.

M. PERRAS: Si vous me permettez, M. le Président, M. le ministre, j'aimerais ajouter que je me souviens — vous autres, vous êtes probablement tous trop jeunes — des premiers temps, quand le contrôle des loyers a été appliqué, il y avait alors une rareté de logements. Les logements vacants étaient à zéro, non seulement à zéro, mais il y avait deux ou trois familles qui habitaient par logement. Tous les magasins étaient convertis en logements, les garages, les greniers, enfin tout. Il y avait réellement rareté. Maintenant, c'était une loi temporaire qu'on instituait à ce moment-là. Je comprends mal ce qui se passe aujourd'hui, avec une vacance, à Montréal, de 5.7 p.c, en juin dernier, il y avait 7.2 p.c. de logements vacants, M. le ministre. Vous avez invoqué que ces vacances sont surtout dans des "bachelors", dans de petits appartements. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a un facteur, là-dedans, aussi, c'est que, dans un avenir très rapproché, des grands logements, on n'en aura plus besoin. Vous avez oublié la pilule, dans votre affaire.

Je crois tout de même qu'il y a tellement de contraste entre le temps où on a appliqué un contrôle qui était tout à fait raisonnable et aujourd'hui. J'ai l'impression qu'aujourd'hui ce n'est pas tellement nécessaire ou qu'on devrait continuer à l'appliquer à des logements construits avant 1951.

Il y a une autre chose que je voulais ajouter, pour que vous compreniez bien, c'est que, quand on parle de condominium ou d'habitation en copropriété, on veut surtout mentionner que les habitations actuelles, les vieilles bâtisses soient rénovées par les locataires actuels de ces logements, c'est-à-dire que la Loi du condominium, de la copropriété devrait être appliquée aux vieilles propriétés qui ont besoin d'être rénovées.

Nous avons un exemple de cela en France. Je dois vous dire qu'à Paris, il y a dix ans, la Chambre des propriétaires de Paris, qui correspond à peu près à notre Ligue des propriétaires de Montréal, comptait 400,000 membres. Ils ont aujourd'hui 40,000 membres, parce que la plupart des habitations, à Paris, ont été converties en logements, c'est-à-dire ont été vendues par unité d'appartement, parce que la plupart des constructions étaient des appartements.

On devrait donc, je crois, encourager les locataires actuels à acheter leur logement. Si le locataire n'est pas capable d'acheter toute une propriété, il pourrait au moins acheter son logement. S'il y a une bâtisse où il y a six logements, il faudrait qu'un individu puisse acheter sa partie seulement.

Je crois qu'il vaudrait la peine de faire une étude sérieuse de cette situation. Alors, si nous obtenions un plus grand nombre de propriétaires, nous aurions une société plus responsable, plus solvable. Il y a une autre chose que je voulais mentionner aussi. C'est que nous, propriétaires, sommes vulnérables. On peut nous imposer n'importe quelle loi. Nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons que nous y opposer verbalement. Tandis que, dans n'importe quelle autre partie de l'économie, si on essaie d'appliquer une loi aux industriels, eh bien, ils vont fermer boutique. Mais le propriétaire ne peut pas déménager sa propriété, il est obligé de rester là. Si on veut imposer une loi aux ouvriers, ils feront la grève. Mais nous ne pouvons pas faire la grève. Nous sommes très vulnérables. Il faut croire que cela vaut la peine d'être pris en considération.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission. Vous avez un dernier mot?

M. MARANDA: Oui. Si vous me le permettez, j'aimerais attirer l'attention des gens intéressés sur un des articles de la loi, plus précisément l'article 40.

Nous sommes soumis à tous les règlements municipaux, c'est-à-dire que le gouvernement endosse sans plus d'enquête l'application de tous les règlements municipaux. Et si on prend les règlements municipaux de toutes les municipalités de Saint-Glin-Glin et d'ailleurs, je les ignore, mais je connais un peu les règlements municipaux de Montréal. Or, nous en avons quelques-uns qui sont nettement idiots et qui sont même inapplicables.

Et ces règlements, en vertu de l'article 40, le commissaire les appliquera. Pour n'en citer qu'un, à Montréal, toute maison doit avoir une armoire basse d'une surface de travail d'une superficie minimum de trois pieds carrés par pièce habitable. Par exemple, moi qui habite un logement de huit pièces, cela voudrait dire que je devrais avoir une armoire de cuisine d'une superficie de 24 pieds carrés. Il va falloir que j'agrandisse la cuisine. Et, de plus, le même règlement dit qu'on doit avoir une armoire de cuisine pour placer la vaisselle et les ustensiles d'une superficie d'au moins douze pieds cubes par pièce de logement. Cela voudrait dire qu'il faudrait que je transforme ma cuisine en armoires de cuisine. Voilà un des règlements.

Il y a d'autres règlements, à Montréal, que même les services intéressés ne mettent pas en application parce qu'ils sont trop idiots ou nettement inapplicables. Alors, ici, le gouvernement accepte automatiquement, sans plus d'enquête, que les propriétaires devront se conformer à tous les règlements municipaux, quels qu'ils soient. Je suis contre l'application instinctive ou automatique de règlements dont on ne connaît pas la portée.

M. HARDY: Quand vous avez affaire à un règlement municipal ou à une loi et que vous êtes tenu de vous y conformer, qu'est-ce qui arrive? Vous laissez entendre qu'il y a une foule de règlements à Montréal qui n'ont pas de sens et qui ne sont pas respectés.

M. MARANDA: Oui. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'à Montréal nous sommes rendus à plus de 4,000 règlements. On en a pondu depuis une dizaine d'années près de 2,000. On en pond un pour corriger le précédent et on n'arrête pas de pondre des règlements.

M. HARDY: II y a probablement une solution. C'est qu'il y ait moins d'avocats au contentieux.

M. MARANDA: Cela aiderait énormément. Parce que, pour un règlement particulier, si vous permettez de le citer rapidement, le directeur de l'évaluation ou de l'estimation, à un moment quelconque, a préparé un règlement pour l'aider dans son travail et après avoir passé par les mains du service du contentieux, j'ai demandé au directeur du contentieux: Qu'est-ce que vous demandez dans ce règlement? Qu'est-ce que vous voulez avoir? Il m'a répondu qu'il ne le savait pas, qu'il le savait quand il l'a demandé, mais après être passé au service du contentieux, il n'y a plus rien à comprendre; il avait apparemment la formule légale, une formule inapplicable. Et si vous passez le règlement tel quel, on en fera ce qu'on pourra, mais ce n'est pas le but qu'on cherchait, a dit le directeur. Et ce n'est pas le seul règlement qui est défiguré comme cela par le service du contentieux de Montréal.

M. BACON: C'est épouvantable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Je vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec.

M. PERRAS: Merci, M. le ministre, de nous avoir permis d'exposer notre point de vue sur le logement.

M. HARDY: Vous voyez que, même si vous êtes vulnérables, vous avez quand même des droits. Vous avez pu vous faire entendre.

M. LE PRESIDENT: Nous demandons aux représentants de la Chambre des notaires de s'identifier pour le journal des Débats.

M. COSSETTE: André Cossette. M. AUDET: Jean-Marc Audet. M. DEMERS: Gilles Demers.

Chambre des notaires du Québec

M. COSSETTE: M. le Président, M. le ministre de la Justice. Je suis heureux de constater que la présidence de la commission parlementaire de la justice revient à un notaire, un notaire qui a été un de mes anciens élèves et parmi les plus brillants et c'est pourquoi je voulais le souligner.

M. PAUL: Les membres de l'Assemblée nationale ont à coeur de revaloriser votre profession.

M. COSSETTE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, la Chambre des notaires est heureuse de vous présenter son mémoire sur le code des loyers et de collaborer ainsi à l'élaboration d'une loi qui améliorera sensiblement la loi actuelle au sujet des relations entre

les locataires et les propriétaires. Nous avons beaucoup apprécié par ailleurs la déclaration du ministre de la Justice au cours de la semaine dernière, déclaration voulant que l'Office de révision du code civil présente son rapport incessemment de manière à le faire concorder avec les dispositions de cette nouvelle loi. Ainsi, en révisant complètement le chapitre du code civil sur le louage des choses, les citoyens du Québec bénéficieront d'une législation complète et nouvelle en cette matière. En plus de vous livrer ce mémoire qui porte objectivement sur un projet de loi gouvernemental dont elle n'a pas à discuter la philosophie, notre corporation professionnelle n'a pas été sans remarquer les phénomènes suivants dans la société québécoise actuelle et elle veut tout simplement les souligner à votre attention. Ces phénomènes sont les suivants:

En premier lieu, la réalisation des projets d'habitation à loyer modique ou à loyer modéré, dits HLM se multiplie de même que les centres communautaires d'habitation pour personnes âgées ou pour d'autres catégories de personnes.

En second lieu, les immeubles dans lesquels certains citoyens trouvent un foyer sont la plupart du temps la propriété du gouvernement provincial ou du gouvernement municipal, ou de corporations publiques ou semi-publiques, de telle sorte qu'il faut prévoir qu'un très grand nombre de personnes seront ainsi logées dans des immeubles qui ne seront pas une propriété privée mais une propriété publique.

En troisième lieu, à compter du moment où un nombre important de citoyens seront logés ou auront droit d'être logés dans de tels immeubles, il faudra accorder un nouveau statut juridique à l'occupant de ces immeubles, c'est-à-dire un statut dissocié du droit de propriété.

En quatrième lieu, d'autre part, de plus en plus de citoyens exigeront des corps publics que des logements leur soient fournis par quelque palier de gouvernement que ce soit en raison de leur mobilité constante, qui s'inscrit dans le cadre des mutations de population en général ou en raison de leur situation de défavorisés.

En cinquième lieu, ceux pour qui la prévision du futur est presque une science affirment — et c'est déjà commencé dans certains pays — que les gouvernements seront les grands propriétaires de l'avenir. Cette tendance n'est pas étrangère à notre province, où la municipalisation du sol est de plus en plus fréquente, parce qu'elle présente des avantages économiques et permet une planification plus rationnelle du territoire. En outre, cette formule permet aussi de corriger des situations sociales malheureuses, engendrées par notre société et notre économie, qui non seulement tolèrent la pauvreté, mais la créent, l'entretiennent et même l'aggravent. Tout ceci pour en arriver à nous demander s'il ne serait pas opportun de songer à établir, en dehors des cadres traditionnels des relations propriétaires-locataires, rattachées au droit de propriété, une nouvelle catégorie de droit qu'on pourrait qualifier de quasi-propriété pour tous ces occupants d'immeubles gouvernementaux. Ce droit à un logement en serait un de créance, préférablement, et pourrait être à la fois cessible et transmissible, dans le cadre d'une destination attachée à l'immeuble ou suivant certaines normes préétablies.

Il comporterait une contrepartie pour le bénéfice du locataire, mais les obligations qu'il devrait alors assumer seraient de nature à lui faire prendre conscience de son rôle de citoyen et à le faire participer efficacement à la vie communautaire.

Ces remarques s'inscriraient mieux dans le cadre d'une politique générale de logement que dans un code des loyers. C'est pourquoi nous les livrons tout simplement à votre attention, convaincus que vous aurez à faire face à ces problèmes dans un avenir prochain. Ces remarques n'en sont pas moins opportunes parce que, dans le projet de code des loyers à l'étude, les locataires de ces immeubles gouvernementaux seront tantôt régis par le code civil, tantôt par le code des loyers, tantôt par des conventions types régissant ces sortes d'immeubles assujettis à une certaine réglementation gouvernementale. Nous croyons donc qu'il serait préférable et souhaitable d'édicter un droit spécial en cette matière afin de le faire concorder avec la réalité sociale actuelle et en devenir. Je vous remercie de votre attention et je demande au secrétaire de notre commission de législation, Me Jean-Marc Audet, de vous présenter le mémoire de la Chambre des notaires. Me Audet sera appuyé par Me Gilles Demers, le président de cette même commission.

M. AUDET (Jean-Marc): M. le ministre, la plupart des organismes qui nous ont précédés ont apporté beaucoup de commentaires sur ce projet de loi. A la lecture du mémoire de la Chambre des notaires, il faut quasiment en arriver à la conclusion que le mémoire de la Chambre des notaires fait, à toutes fins pratiques, une synthèse de ce qui a été dit précédemment.

Le mémoire se divise en trois parties principales. On y aborde la portée territoriale de la loi, la portée contractuelle de la loi, la portée économique de la loi. Le mémoire se termine par un commentaire sur plusieurs articles.

Relativement à la portée territoriale, nous croyons qu'il serait préférable que tous les locataires du Québec soient assujettis à cette loi. Nous comprenons que c'est probablement pour des raisons d'ordre administratif qu'il est quasiment obligatoire d'énumérer un certain nombre de municipalités où les locataires relèveront de ce projet de loi. Nous considérons que ce serait peut-être préférable d'assujettir tous les locataires à ce projet de loi, compte tenu évidemment des exceptions qui sont contenues dans le code des loyers.

Relativement à la rédaction, nous considérons que rénumération, dans l'annexe A, d'un certain nombre de municipalités est une technique de droit anglais. Nous croyons qu'il serait préférable que la loi réfère aux municipalités qui pourraient être énumérées dans la Gazette officielle ou par règlement. Ainsi, comme la loi est actuellement rédigée, si une nouvelle municipalité tombe sous le coup de cette loi, ou cela fera l'objet d'une loi spéciale ou cela fera l'objet de nouvelles techniques législatives. Nous croyons que ce serait beaucoup plus logique d'énumérer les municipalités assujetties à cette loi dans la Gazette officielle ou par règlement.

Relativement à la portée contractuelle, il nous a fait plaisir d'entendre, la semaine dernière, le ministre de la Justice déclarer que le chapitre du bail au code civil serait modifié en tenant compte de la présente rédaction du code des loyers. Cependant, la Chambre des notaires estime qu'il y aurait justement lieu, que ce serait justement le temps de bien délimiter la juridiction du code des loyers et du code civil. Dans l'esprit de notre organisme, le code des loyers devrait se restreindre à plusieurs points. Premièrement, au problème de la prolongation ou de la durée du bail; deuxièmement, au problème soulevé par les demandes d'augmentation ou de majoration des loyers et, troisièmement, à toute la technique administrative, à toute cette régie qui verra à ce que les plaintes soient portées devant un organisme de manière expéditive.

Si ces trois principes étaient acceptés, nous croyons que toutes les autres dispositions actuellement contenues au code des loyers pourraient être consignées dans le code civil. Cela permettrait peut-être une meilleur interprétation des lois. En ce sens, il y a certainement de nombreuses dispositions contenues au code civil qui sont très équitables, très justes, très valables et qui, une fois contenues au code civil, auraient pour effet de moderniser le chapitre du louage au code civil.

Ainsi, les questions de prolongation automatique d'un bail, les problèmes du retard dans le paiement d'un loyer, des causes d'éviction d'un locataire, de certaines prohibitions dans son bail, de refus de louer pour des motifs discriminatoires sont des positions qui pourraient être facilement contenues au code civil et qui, par le fait même, seraient applicables à tous les locataires. Il ne faut pas oublier qu'en vertu du code des loyers il y a certaines exceptions. Les locataires de nouvelles maisons d'habitation, les locataires non établis dans les municipalités énumérées dans le code des loyers ne sont pas assujettis à l'application de cette loi. Mais il serait tout à fait normal que toutes les bonnes dispositions qui pourraient concerner tous les locataires soient contenues au code civil.

Les propos tenus dans notre mémoire n'ont pas pour objet de défendre le code civil parce que c'est le code civil. Il serait beaucoup plus logique de tenter de concilier les dispositions générales et universelles contenues dans le code civil avec les dispositions spéciales et particulières contenues dans une loi statutaire comme le code des loyers.

De toute manière, nous avons pris bonne note des commentaires du ministre de la Justice et nous sommes très heureux de voir que probablement des dispositions législatives seront apportées pour modifier le code civil en conséquence. Nous aimerions qu'en toute réalité et à toutes fins pratiques le code des loyers se limite spécialement aux problèmes particuliers soulevés par la prolongation du bail, le prix du bail et la technique administrative.

Relativement à la portée économique, qui a fait l'objet de nombreux commentaires à cette commission parlementaire, nous estimons qu'il y aurait lieu de faire une distinction entre deux sortes de propriétés, la propriété unifamiliale et la propriété à revenu. Il est tout à fait logique de considérer la propriété à revenu comme une forme de placement. Les revenus constitués principalement des loyers provenant de la location de logements servent à défrayer le coût d'exploitation d'une telle propriété. Toute forme de placement doit produire un rendement et, généralement, plus le risque est élevé, plus le rendement est élevé. Nous croyons que la solution serait peut-être, dans le projet de loi, de permettre aux commissaires de considérer le rendement comme étant une ligne de démarcation pour permettre l'augmentation des loyers. En d'autres termes, le marché immobilier suit de très près la situation économique générale. Si le taux d'inflation est à la hausse, il va de soi que les dépenses d'exploitation augmentent, que le loyer de l'argent monte et que, logiquement, le prix des loyers soit majoré. En conséquence, si, sans mentionner de taux dans le projet de loi, on permettait aux commissaires d'accorder une augmentation de loyer, compte tenu d'un rendement normal dans le domaine immobilier, nous considérons que ce serait certainement une solution qui pourrait faire l'affaire de tout le monde.

Il ne faut pas oublier que le cycle économique est le suivant: un créancier hypothécaire prêtera à la condition que son prêt rapporte un intérêt, qui est le loyer de l'argent; l'entrepreneur construira à la condition de pouvoir vendre son produit avec profit; l'acquéreur acceptera d'acquérir la propriété à la condition d'être certain d'avoir un rendement et que son investissement rapportera un intérêt, un loyer. Si, pour une raison quelconque, par des lois quelconques, on décourage, pour ainsi dire, des individus ou des compagnies à faire l'acquisition de propriétés à revenu, cela signifie que les entrepreneurs ne pourront pas vendre leurs produits, qu'ils ne pourront pas faire de profits et qu'en conséquence ils ne pourront pas emprunter.

Alors, les créanciers hypothécaires ne pourront plus prêter et ce sera un recul dans le cycle économique.

A toutes fins pratiques, nous estimons que si la loi permettait au commissaire d'accorder une augmentation de logement compte tenu d'un rendement raisonnable et inhérent au marché immobilier, ce serait certainement alors une solution à moyen terme ou du moins une solution pratique pour régler le problème de l'augmentation des loyers.

Ceci dit, nous passons maintenant à l'étude de certains articles de ce projet de loi. Tout d'abord, relativement au titre, code des loyers, nous estimons que c'est un titre qui nous paraît un peu prétentieux. Il est vrai que c'est avec peu de mots que l'on frappe l'imagination mais il y aurait peut-être lieu de faire en sorte que le mot "code" s'applique évidemment à un ensemble de lois qui régissent ensemble un certain domaine, soit des individus ou des biens. Code est certainement réservé à bon aloi aux termes comme code civil, code criminel, qui forment un ensemble de lois qui s'interprètent les unes par les autres.

Or, le code des loyers est une loi d'exception, une loi statutaire, ça ne s'applique pas à tout le monde. Cela ne s'applique pas aux loyers commerciaux, aux loyers industriels, aux nouveaux logements, à certains locataires qui ne relèvent pas, à cause de leur situation territoriale, de ce projet de loi. Par conséquent, nous recommandons un titre beaucoup plus long mais qui rendrait beaucoup mieux compte de la réalité et, en ce sens, nous suggérons un titre comme celui-ci: Loi déterminant les rapports entre certains locateurs et locataires.

Egalement sur le plan des commissaires, on s'est demandé la semaine dernière s'il y avait lieu de permettre à des notaires de devenir commissaires. Je crois qu'il est souvent arrivé que des commissaires fussent notaires; disons que les notaires, tout comme les avocats, sont là devant un domaine bien souvent juridique plus ou moins contentieux mais la formation juridique peut aider à la solution de problèmes à l'amiable.

A l'article 9, comme à l'article 33, on énumère certains locaux qui sont exclus de ce projet de loi. Nous aimerions ajouter les locaux ou les établissements professionnels aux établissements industriels et commerciaux. L'article 11 est difficile à commenter vu les amendements qu'a apportés le ministre de la Justice à la rédaction de l'article 23. C'était tout simplement un élément de concordance que nous voulions faire entre l'article 23 et l'article 11. Par conséquent, nous allons le laisser en suspens à cause des modifications qui vont être probablement apportées.

L'article 12 est évidemment un article qui restreint, pour ainsi dire, le droit d'un locataire qui loge ou qui a loué un logement dans un HLM. Nous croyons que le locataire, dans un tel type d'habitation, devrait avoir les mêmes droits qu'un locataire dans un autre sorte de logement. Par conséquent, si le locataire a des remarques à faire pour des réparations ou des améliorations à son logement, il devrait le faire au même titre qu'un locataire qui vit dans un logement non subventionné.

Aux articles 14 et 17, il est question des déclarations annuelles remplies par le locateur. Nous estimons qu'il ne faudrait pas créer un fardeau inutile ou fastidieux à un locateur, notamment dans certaines municipalités où il y a des rôles d'évaluation établis. Il y aurait peut-être lieu de dire ici: Si un rôle d'évaluation est établi dans une municipalité, le commissaire ou la régie pourra se fier sur ce rôle pour connaître le montant des loyers des logements de cette municipalité.

Aux articles 33 et 34, il y aurait peut-être un amendement mineur qu'on voudrait suggérer. Il est question de date, mais il y aurait peut-être lieu de dire date approximative ou délai maximum, parce qu'il est bien difficile pour un locateur de dire à quelle date précise il peut faire des travaux, compléter des améliorations dans un immeuble.

L'article 39 fait aussi l'objet de certains commentaires. Il s'agit de ce droit qu'aurait le locataire d'abandonner son logement moyennant un avis de soixante jours à son locateur pour aller habiter dans un HLM. Nous croyons que cela a brisé la liberté contractuelle, le respect des conventions contractuelles et nous croyons que les locataires habitant un logement devraient attendre l'expiration de leur bail et, à ce moment-là, aller habiter un HLM. Nous croyons que ce serait un très mauvais précédent de permettre à un locataire d'annuler son bail n'importe quand pendant la durée du bail. Nous comprenons qu'un avis de soixante jours peut être donné mais nous croyons également que le locataire doit être habitué ou doit s'habituer à respecter les termes de son bail.

Au sujet des prohibitions dans un bail, évidemment, l'article 64 et le suivant, nous croyons que ces articles sont rédigés d'une façon très rigide. L'article 64, en particulier, parle de cette liberté qu'aurait le locataire de donner des chèques postdatés à son locateur. Mais nous prétendons, nous, que peut-être cet article veut peut-être dire qu'il voudrait empêcher par exemple un locateur, détenteur d'effets postdatés, d'escompter ses chèques à la banque et ensuite vendre sa propriété. A ce moment-là, le nouveau propriétaire pourrait exiger de nouveaux chèques à son locataire. Nous croyons que ce serait tout à fait normal de permettre au locateur d'exiger des chèques postdatés de son locataire. Premièrement, parce que cela éviterait un tas de tracas et, deuxièmement, parce que cela lui éviterait peut-être des démarches administratives inutiles. Par contre, nous serions en faveur de permettre au locateur ou d'obliger le locateur à exiger des effets non négociables. Si on interprète l'article 64 comme rédigé a contrario, cela reviendrait peut-être à cela. L'article 64 dit qu'on ne peut pas exiger d'effets négociables mais peut-être qu'on pourrait l'interpréter a contrario, dire qu'on peut

exiger des effets non négociables. Alors, il y aurait peut-être lieu de clarifier un peu cet article 64 d'une manière plus précise.

Au sujet de l'article 65, du dépôt, nous sommes favorables également à ce que le locateur puisse exiger un dépôt, ne serait-ce que pour l'impact moral que cela pourrait créer sur le locataire, notamment un locataire de logements meublés. Ainsi, si le locataire abandonne son loyer à la fin et qu'il laisse son logement dans un état complètement sale et répugnant, s'il a fait un dépôt assez substantiel au début de son bail, peut-être que le locataire fera un ménage dans son logement avant de l'abandonner et ainsi le locateur pourra remettre le dépôt ainsi fait par le locataire. Au sujet des serrures, ce sont des problèmes très techniques, mais nous croyons qu'on ne peut pas dans ces articles faire des règles générales très strictes. Tout cela peut être interprété selon les circonstances et notamment, si un locataire abandonne son loyer et apporte les clefs, est-ce que le locateur devra attendre à l'expiration du bail avant de changer les serrures et ainsi de suite? Ce sont des articles rédigés peut-être de façon un peu trop restrictive.

Enfin, il y a certaines remarques générales au sujet de plusieurs articles. Il y a notamment le terme "signifier" qui apparaît dans le texte de la loi.

Evidemment, s'il faut interpréter le terme "signifier" d'une façon légale, cela signifie que la signification des divers avis devrait être faite par voie de huissier ou voie de notaire, mais je crois bien que ce n'est peut-être pas là le but du législateur. Il y a peut-être des raisons particulières d'exiger que la signification se fasse d'une façon bien précise. Mais dans certains cas, si le locataire veut donner avis à son locateur, il faudrait qu'il signifie un avis au locateur. Que veut dire exactement le terme "signifier"? Est-ce que le législateur veut dire, par là, qu'un simple envoi sous pli recommandé serait suffisant? Il y a certainement là un moyen de preuve qu'il serait peut-être bon de définir.

Egalement, dans le projet de loi, il n'est pas question du sort réservé aux logements meublés, aux meubles dans un logement meublé. Il y aurait peut-être lieu, dans ce projet de loi, justement, et éventuellement dans le code civil, de dire que si un locataire loue un logement meublé, les deux fassent ensemble un inventaire des biens, des meubles qui se trouvent dans le logement lors de la location, de façon à éviter des problèmes, plus tard, pour savoir si un meuble appartenait au locataire ou au propriétaire, ainsi de suite.

Aussi, à l'article 36 a), au sujet du retard de plus de quatre semaines avant de permettre au locateur de faire des procédures, nous croyons que le retard de quatre semaines est peut-être un peu trop long.

Enfin, il y a les problèmes de sous-location. On sait très bien que la jurisprudence interprète d'une manière ou d'une autre la sous-location, suivant qu'il y a une clause à cet effet dans le bail, suivant que le propriétaire peut permettre la sous-location, ainsi de suite. Il y aurait peut-être lieu de mentionner très clairement, dans la loi, et éventuellement dans le code civil, que le locateur ne peut pas refuser, sans motif valable, un sous-locataire. Cela pourrait peut-être, évidemment, permettre à des locataires qui veulent s'en aller dans les HLM de pouvoir sous-louer. Cela pourrait être une façon d'interpréter la loi. A ce moment-là, le propriétaire est certain d'avoir un locataire jusqu'à l'expiration du bail.

Ce sont là certains commentaires assez modérés et assez pondérés que la Chambre des notaires voulait faire relativement au projet de loi no 59. Nous croyons que nous avons probablement certaines solutions à des problèmes mais nous nous attachons surtout à deux problèmes particuliers, aux problèmes concernant la portée contractuelle de cette loi, en rapport avec le code civil et relativement à la portée économique, en permettant au propriétaire d'être assuré, au moins, d'un certain rendement raisonnable, compte tenu du marché immobilier qui est toujours mouvant. Merci, M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je remercie la Chambre des notaires pour le travail qu'elle a fait sur ce projet de loi. Je trouve qu'elle a soulevé des questions qui avaient déjà été l'objet de débats ici, à la commission parlementaire, et que, sans s'étendre plus longuement qu'il ne le fallait, la Chambre des notaires a quand même exposé sur ces diverses questions une position qui est intéressante, entre autres sur la question du pourcentage qui pourrait être prévu à la loi et qui différencierait les accroissements de loyer négociés entre les parties, mais néanmoins sujets à examen par le Commissaire des loyers.

Nous avons d'ailleurs discuté de cette question tout à l'heure et j'avais exposé les problèmes que la détermination d'un tel pourcentage posait dans un projet de loi. J'avais d'ailleurs mentionné que les conditions étant nécessairement variables de région en région, d'année en année, de quartier en quartier, il serait peut-être plus logique, autant pour les locataires que les propriétaires, d'instituer dans le projet de loi un service technique, au sein de la commission, qui serait chargé de faire les études de rentabilité ou de rendement et qui pourrait, par une étude économique, donner au commissaire des loyers les bases nécessaires à une appréciation de chaque situation qui peut se présenter devant lui. C'est une façon de voir les choses qui est certainement intéressante et je suis heureux que la Chambre des notaires ait perçu l'intérêt d'examiner une autre solution que celle du pourcentage qui serait, à toutes fins pratiques, fixe, de 5 p.c.

D'autre part, quant aux articles 14 et 17, je

me rends bien compte moi aussi que les obligations imposées quant aux formules à être remplies par les propriétaires sont lourdes, et là aussi, tout en adoptant une loi qui rende service et qui comble les besoins, je l'ai déjà dit en d'autres circonstances, nous ne voulons pas que cette loi devienne un énorme appareil administratif trop lourd à manoeuvrer et qui imposerait des obligations qui ne sont pas vraiment nécessaires pour l'administration efficace de la loi, de telle sorte que les représentations de la Chambre des notaires sur ce point seront sûrement considérées à leur mérite.

A l'article 64, vous avez mentionné les chèques postdatés et l'usage qui existe ou du moins la coutume qui tend à se répandre pour les locataires de donner des chèques postdatés pour leur loyer, ce qui évite des démarches de part et d'autre, le premier de chaque mois, au moment où il faut que le locataire paie son loyer.

Il y a quand même des obstacles à ce que ces chèques soient rendus non négociables, parce qu'à ce moment-là, je crois que les notaires se rendront compte, comme les autres juristes, qu'il existe la Loi des lettres de change et qu'il n'est pas dans notre pouvoir de modifier la législation générale s'appliquant aux lettres de change et en particulier à des effets négociables comme dos chèques. Alors, ceci est un obstacle à l'introduction, dans une loi provinciale, de limites quant à la négociabilité d'effets négociables tels que les chèques. Alors, nous devons quand même prendre cet aspect en considération.

Je vous dirai que, lorsque nous avons adopté et discuté le bill 45, la Loi de la protection du consommateur, nous avons eu les mêmes difficultés en rapport avec des chèques qui pouvaient être donnés par dos consommateurs à l'occasion d'achat de marchandises ou de services et que nous avons dû prendre en considération les obstacles que nous imposait la Loi des lettres de change qu'il n'est pas dans notre pouvoir de modifier ou d'affecter.

Alors, je vous remercie et vous pouvez être assurés que vos représentations générales, quant à introduire dans le code civil les dispositions qui intéressent l'ensemble des problèmes de la location, sont prises en considération par le législateur et qu'il est sûrement dans notre intention d'introduire toute cette législation générale, qui traite du problème des baux de maison comme des baux en général, dans le code civil, comme législation permanente, quitte à laisser l'aspect administratif dans le contexte du bill 59.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je n'étais pas inquiet quant à la qualité des remarques du ministre de la Justice, c'est pourquoi j'ai succombé avec beaucoup de plaisir à l'aimable invitation que me faisait un confrère de la profession, l'honorable notaire président de l'Assemblée nationale, avec qui je discutais un point de droit très particulier et à saveur particulière surtout.

M. le Président, je vais m'associer aux félicitations et aux remerciements que vous a présentés tout à l'heure le ministre de la Justice et j'y ajouterai personnellement les félicitations pour la qualité de votre mémoire et l'objectivité avec laquelle vous avez soulevé certains points.

Je voudrais tout simplement demander au notaire Cossette, le président de la Chambre des notaires, parce qu'il a assisté à presque toutes les séances de la commission, si ma mémoire est fidèle, qu'il nous fasse part de ses commentaires ou des commentaires de ses confrères de la profession sur l'opportunité d'adopter un bail type au Québec.

M. COSSETTE: Pour vous répondre franchement, ce problème n'a pas été soulevé à notre commission de législation.

M. PAUL: Vous dissociant des lourdes responsabilités qui sont vôtres pour le moment, est-ce que je puis m'adresser au notaire Cossette?

M. COSSETTE: Oui.

M. PAUL: Est-ce que, vous, notaire, vous auriez objection à ce que le législateur adopte un bail type qui devrait régir les relations entre locateur et locataire? Je comprends que c'est assez embarrassant parce que j'ai mémoire que d'excellents baux ont été rédigés par des notaires, surtout en raison de la complexité des lieux loués, des fins de la location. Mais dans le cas d'une location normale d'un immeuble ou d'un logement, est-ce que vous mettriez une objection à ce que le législateur adopte un bail type?

M. COSSETTE: Personnellement, non. Je vais vous dire pourquoi. La pratique notariale courante ne se préoccupe plus des baux pour les maisons d'habitation. Parce que ce sont des baux annuels, généralement. Je pense que cela coûterait plus cher au client d'aller voir le notaire. La pratique notariale courante s'intéresse davantage aux baux commerciaux. Notre pratique courante ne nous permet pas de vous dire s'il serait opportun de réglementer dans le sens que vous dites. Personnellement, je crois que ce serait bon d'adopter une formule type pour le besoin des locataires en général.

M. PAUL: Comme dans l'exercice de votre profession vous avez l'habitude de termes qui reviennent assez souvent, et surtout quant à l'emploi du terme exact, est-ce qu'il y aurait possibilité d'inviter la Chambre des notaires à préparer, pour la commission parlementaire, un projet de bail type?

A l'avance, je ne voudrais pas m'engager à le soutenir ou à le défendre, mais je me demande si les membres de la commission parlementaire n'auraient pas avantage à prendre connaissance d'un tel projet pour le comparer à celui qui nous a déjà été soumis par la Fédération des locataires du Québec, je crois, lors d'une séance qui a eu lieu il y a quinze jours. C'était un bail type très intéressant, très bien fait. Alors, nous ne voudrions pas que vous partiez en censeurs de cette formule de bail type, mais peut-être pourriez-vous y ajouter davantage pour que nous puissions avoir un excellent bail type?

M. COSSETTE: Je suis d'accord pour le faire. Je pourrais demander à notre commission du formulaire de s'attaquer immédiatement à la rédaction d'un pareil projet et de vous le transmettre au plus tôt. Mon principal souci, en ce moment, serait de vous demander dans quel délai il faudrait vous produire ce bail type.

M. PAUL: Pour autant, M. le Président, que ma demande convienne aux membres de la commission — je sais que les notaires ont toujours des minutes précieuses, d'un autre côté, ils sont assez — peut-être d'ici une semaine.

M. CHOQUETTE: Je crois que c'est beaucoup exiger de la part d'un corps professionnel. Si je me permets d'ajouter des observations à celles du député de Maskinongé, j'ai demandé à l'Office de révision du code civil de préparer un bail type qui serait en annexe au chapitre du louage au code civil. Evidemment, cela pose des problèmes, parce qu'il faudra d'abord élaborer une philosophie et une rédaction modernes de ce que devrait être le chapitre du louage. Le bail type nécessairement découlerait de cette conception que nous pourrions proposer à la Chambre. Alors, je me demande si la demande du député de Maskinongé n'obligera pas la Chambre des notaires à faire un travail qui pourrait être, en somme, inutile, ne connaissant pas, à l'heure actuelle, quelle pourrait être la conception que nous nous faisons du louage en 1972. Je sais que la Chambre des notaires, comme le Barreau, collabore avec l'Office de révision du code civil. Je compte qu'il y aura des consultations avec des corps professionnels avant que nous arrivions à une rédaction définitive d'un nouveau chapitre sur le louage et possiblement d'un bail type dans lequel nous pourrons introduire des facteurs de flexibilité pour tenir compte des situations diverses qui peuvent se présenter à l'occasion de négociations entre locataires et propriétaires.

M. COSSETTE: J'aurais même suggéré que ce projet de bail type soit préparé conjointement par le Barreau et la Chambre des notaires. Je pense que ce serait peut-être la meilleure solution. Si nous avions un certain délai...

M. PAUL: M. le Président, à la suite des remarques faites par le ministre de la Justice, je retirerais ma demande parce que je suis sûr que M. Crépeau, président de l'Office de révision du code civil, ne sera pas sans consulter et des notaires et des avocats pour trouver une formule excellente de bail type. Je retiens cependant, M. le Président, vous qui êtes notaire, que le notaire Cossette, au nom des confrères de la profession, en bon scout qu'il est, avait répondu prêt.

Dans les circonstances, M. le Président, je remercie quand même le notaire, le président de la Chambre des notaires et les notaires qui étaient prêts à collaborer avec les législateurs. Mais à la suite des remarques faites par le ministre de la Justice, je tiens moins à la demande que j'avais formulée et qui s'imposait dans les circonstances puisque le ministre avait, en quelque sorte, devancé mon désir en demandant à l'office la rédaction d'un tel projet de bail type.

M. COSSETTE: Si je pouvais ajouter quelque chose, vous êtes un spécialiste en procédure parlementaire, si je suis hors d'ordre, vous me le direz, tandis qu'on parle justement des projets de contrats types, je me demande s'il ne faudrait pas songer en même temps, c'est d'ailleurs une chose que nous avons déjà demandée, à penser à la même formule au sujet des hypothèques ou des actes d'obligation hypothécaires.

Vous n'êtes pas sans savoir que, à longueur de journée nous répétons des formules d'hypothèques parce que, justement, les dispositions de la loi nous obligent à répéter, dans un contrat d'acte d'obligation hypothécaire, des clauses qui sont à peu près les mêmes pour tous les prêteurs hypothécaires. Il faudrait peut-être envisager dans l'avenir que la loi spécifie qu'un contrat d'hypothèque comporte nécessairement telle et telle clause que nous n'aurons pas, pour l'avenir, à répéter.

M. PAUL : Sans les réciter dans le contrat.

M. COSSETTE: Sans les réciter dans le contrat. Autrement dit, le fait de consentir une hypothèque, pour un individu, comporterait de droit l'adhésion à certaines clauses types qui seraient dans une loi...

M. PAUL: Vous ne trouvez pas que ce serait un peu gênant à ce moment-là, quand vous présenteriez votre compte pour honoraires professionnels?

M. COSSETTE: Pas nécessairement, parce que le compte qu'on présente au client, ce n'est pas nécessairement pour la préparation d'un acte. C'est surtout pour l'examen de la situation d'une propriété, l'examen des titres, la composition d'un dossier.

Cependant, cela nous aidera au point de vue matériel. Matériellement parlant, cela va nous enlever une routine à laquelle nous sommes

obligés de nous astreindre dans l'exercice de notre profession. Cela nous permettra de faire plus de droit et moins de chinoiseries.

M. CHOQUETTE: II y a des représentants de l'Office de révision du code civil. Je suis sûr qu'ils ont écouté vos observations et qu'ils en tiendront compte quand viendra le temps de présenter un projet de code civil renouvelé.

M. COSSETTE: D'accord. C'est un aparté. Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Je remercie beaucoup la Chambre des notaires, son président et ses membres, d'être venus devant la commission de la justice et je les invite personnellement à venir de nouveau.

La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, à quatre heures.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

Reprise de la séance à 16 h 23

M. PICARD: (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de la justice continuera l'étude du projet de loi 59. Je cède la parole à Me Paul Baatz de l'Association des locataires et des petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles.

Association des locataires et petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles

M. BAATZ: M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous remercie de m'avoir accordé la permission de comparaître devant vous de la part des locataires et des petits propriétaires de Pointe-Saint-Charles.

Je m'appelle Paul Baatz, l'avocat qui représente cette association. A ma droite, M. Rémi Favron, qui a plusieurs titres. D'abord, il est locataire de Pointe-Saint-Charles. En deuxième lieu, il est membre de l'exécutif de l'Association des locataires de Pointe-Saint-Charles et, en troisième lieu, il a fait carrière depuis deux ans comme travailleur dans le comité de logement de Pointe-Saint-Charles. Il a donc deux ans d'expérience dans la solution de problèmes de logement dans un quartier défavorisé.

D'abord, je devrais peut-être m'excuser du fait que le mémoire que vous avez devant vous est très bref et n'est, en fait, qu'un résumé des points essentiels qu'on voudrait vous présenter. Cela s'explique peut-être en partie du fait que l'association des locataires n'a pas les fonds voulus pour présenter un mémoire en reliure très belle et très épaisse. Deuxièmement, nous ne savions pas qu'il fallait présenter les mémoires un mois d'avance. Nous étions en retard et on nous a conseillé de vous présenter un mémoire très bref, en résumé, et d'exposer nos points lors des séances de la commission parlementaire.

Vous avez eu des représentations notamment du Barreau et de la Chambre des notaires. Vous en avez également eu de la Ligue des propriétaires et de la Société de courtage du Canada. Donc, vous avez entendu les points de vue des propriétaires, vous avez entendu les points de vue juridiques. Et nous sommes ici pour vous présenter le point de vue social de la question. Le code des loyers est évidemment une loi sociale. Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. le ministre d'une autre initiative en matière de législation sociale.

Nous appuyons très fortement le principe de la législation et, si nous avons des critiques, ce n'est pas pour détruire la loi, mais pour apporter certaines modifications que nous croyons souhaitables.

Vous avez entendu dire par la Ligue des propriétaires que le problème du logement n'est pas grave, qu'il y a 0.0 p.c. des Canadiens qui croient que le logement est un problème important dans leur vie. Moi, je dis carrément : Ce

n'est pas vrai, il y a beaucoup de Canadiens et beaucoup de Québécois pour lesquels le logement est un problème extraordinaire dans leur vie. Ils ne peuvent pas trouver de logements convenables. Quand ils les trouvent, ils sont soumis...

M. le député de Maskinongé a posé la question au notaire Cossette ce matin, à savoir s'il y avait possibilité d'un bail type. Il existe déjà un bail type, c'est le bail que vous présente le propriétaire quand vous allez louer un logement, c'est le bail que nous connaissons si bien à Pointe-Saint-Charles, qui contient des clauses comme: Le propriétaire n'est tenu à aucune réparation, même celles exigées par la loi, que le locataire se déclare satisfait et content des lieux.

Toute cette question de logement, les conditions imposées aux locataires, les possibilités du locataire de se trouver un logis décent, c'est un problème majeur. Je félicite encore le gouvernement d'avoir pris l'initiative, d'abord, de reconnaître le problème et, deuxièmement, d'avoir fait quelque chose pour le régler.

Nous avons affaire à deux parties à un contrat qui s'appelle le contrat de louage. Ce sont presque par définition des parties inégales économiquement, socialement et légalement. Dans ce contexte, la liberté de contracter est une farce cruelle pour le locataire. Il n'y a pas de liberté de contracter. Le fameux principe de l'absolutisme du droit de propriété sur lequel est fondé le code civil, c'est encore, pour le locataire, pour bon nombre d'autres parties contractantes, soit pour achat de meubles, pour achat d'alimentation, etc., pour ces gens-là la liberté de contracter et, surtout pour le locataire, c'est la liberté du propriétaire d'imposer ses conditions et la liberté du locataire de les accepter, d'aller ailleurs ou de dormir dans la rue.

Plus j'entends parler de la liberté de contracter dans le code civil, cette fameuse liberté sur laquelle est basée le code civil, plus je me dis que le code civil n'a pas de place au Québec en 1972. Il faut peut-être le remplacer par un code social ou autre chose. Le code civil est peut-être à la base de beaucoup des défauts de notre système. Si le Barreau ou les notaires sont très soucieux des conflits qu'il peut y avoir entre un code des loyers et un code civil, que le code civil tombe. Qu'on recommence une nouvelle législation civile de toutes pièces non plus basée sur le droit de propriété mais basée sur les droits des êtres humains d'avoir un logis décent, d'avoir une alimentation à prix raisonnable, d'avoir tout ce qu'il faut pour vivre comme être humain avec un peu de respect de soi.

Notre thèse de base, dans le mémoire, est le premier point que j'ai intitulé: Champs d'application. Je pense que, pour ne pas répéter plusieurs points des mémoires de la Fédération des associations de locataires et de l'Association des locataires de Montréal, j'insisterai surtout sur le premier point. C'est qu'il nous faut un code global de logement qui sera fondé sur l'idée que le logement est un besoin tellement fondamental que le droit d'une personne à un logis décent doit l'emporter sur l'absolutisme de la propriété, le caractère sacré de la propriété sur la fameuse liberté de contracter. Il ne faut plus parler de logement comme un domaine d'affaires et de profits, c'est un service public, essentiel. Tout le monde doit se loger. Il ne faut pas parler de profit au prix des logis décents, au prix de l'habitabilité des maisons. C'est le point central de ce que nous présentons devant vous comme argument. Je reprendrai ce point quand je passerai le mémoire plus en détail.

Je pense que vous devez être surpris que nous venions devant vous après la présentation des mémoires de la Fédération des associations de locataires du Québec et de l'Association des locataires de Montréal. Nous ne venons pas à l'encontre de ce qu'elles ont dit ou pour contredire ce qu'elles ont dit, nous appuyons fortement ce qu'elles ont dit.

Nous avons cru en lisant leur mémoire qu'ils insistaient un peu trop sur le détail, ils ont repris le code des loyers article par article, ils ont fait des suggestions, ils ont ajouté certains articles à la fin, dans le mémoire de la FALQ.

Nous croyons qu'en faisant cela ils ont oublié le point essentiel. Ce domaine jusqu'à maintenant municipal, soit les normes d'habitabilité et d'entretien. Si la Fédération des associations prétend représenter tous les locataires, ce n'est pas tout à fait vrai, parce que, pour ma part, après avoir reçu copie du bill, je l'ai expliqué à l'Association des locataires, ces derniers m'ont posé un tas de questions qui m'ont démontré qu'il y avait vraiment autre chose que la question des 5 p.c. ou du 30 juin ou de la discrimination. Il y a un problème beaucoup plus global.

Pour ce qui est des autres représentations qui viennent du Barreau et de la Chambre des notaires, j'aimerais d'abord féliciter la Chambre des notaires d'avoir fait preuve de préoccupations plus sociales que le Barreau. J'ai trouvé les commentaires du Barreau très légalistes et techniques. Ils ont une valeur mais ils sont complètement à côté des problèmes réels. Ce sont des problèmes que vos légistes sont bien capables de régler; mais je pense que, encore une fois, le Barreau a fait défaut dans ses devoirs sociaux.

La Chambre des notaires a pris en considération l'aspect économique et, jusqu'à un certain point, l'aspect social de la question. Pour ce qui est des mémoires de la Ligue des propriétaires et de la Société de courtage, celui de la Société de courtage nous a révoltés. Si vous me le permettez, je prends le petit livre écrit par M. Gadbois, président de la Société canadienne de courtage, qui a été soumis avec son mémoire, pour vous en citer une couple de phrases qui m'ont particulièrement frappé. La première apparaît sous le titre: La Régie des loyers, et dit : Dans certains cas il est révoltant

de voir le cynisme de certains locataires qui défient jour après jour l'autorité d'un propriétaire. C'est incroyable!

Dans le chapitre qui s'intitule "Les locataires", la première phrase de ce chapitre est: Dans les lignes qui suivent, il faut retenir que les locataires ne sont pas tous, Dieu merci, des indésirables, des insolvables, des ivrognes, des vandales, des malpropres ou des révoltés. En le niant, il le dit.

Plus tard, à la page suivante...

M. CHARRON: ... en France aussi.

M. BAATZ: A la page suivante, il dit: II y a des locataires qui sont très propres. Comme solution au problème de logement... Le titre du bouquin est: Qui abuse? Il ne propose pas de vraies solutions mais il essaie de voir qui est le plus en faute et il dit qu'il faut de toute urgence que le gouvernement prenne immédiatement des mesures afin de corriger la fausse mentalité qui existe parmi les gens qui ont une sorte de haine contre tout ce qui est propriété, capital ou bien d'autrui.

Enseignons à nos classes dépourvues le respect de soi et l'amour d'autrui. Que les responsables de l'éducation commencent par enseigner à toutes ces familles les éléments de la fierté humaine avant de les diriger vers les sphères professionnelles qui en feront des savants capables de fractionner l'atome.

Il dit encore: La bonne volonté doit se manifester chez les locataires qui doivent refuser de se laisser exploiter. C'est au locataire de prendre le pouvoir, de mettre fin à l'exploitation des administrations gouvernementales et des propriétaires qui les abritent.

En admettant qu'ils aient exploité les locataires, c'est un non-sens de dire qu'ils peuvent revenir mettre fin à cette exploitation. L'exploitation veut dire la soumission, l'impossibilité de sortir, l'exploitation au point de vue personnel et je ne parle pas ici de l'exploitation au point de vue industriel, l'exploitation de mines ou autre chose, mais l'exploitation de la personne. A ce moment, il ne s'agit plus de possibilité de mettre fin à une exploitation en lisant bien le bail. Le propriétaire lui dit: Signez ou vous n'avez pas de logement et allez chercher ailleurs.

Le mémoire de la Ligue des propriétaires. D y aurait quelques points que j'aurais aimé vous souligner. Quand ils disent que le logement ne semble pas être un problème pour les Québécois, si on s'en rapporte au sondage, fait par le centre de recherche sur l'opinion publique, publié dans la Presse du 7 octobre 1972 alors que 0.0 p.c. des répondants ont mentionné le logement comme étant une question qui les préoccupait, si c'est le cas, je dis qu'ils ont fait leur sondage à Westmount et à Mont-Royal.

Ils ne l'ont certainement pas fait à Saint-Jacques, à Hochelaga, à Pointe-Saint-Charles. Je ne sais pas si les questions portaient directement sur le problème.

M. CHOQUETTE: M. Baatz, est-ce que je peux vous interrompre?

M. BAATZ: Oui.

M. CHOQUETTE: Vous dirigez la clinique judiciaire de Pointe-Saint-Charles. Dans les consultations que vous avez à votre clinique, est-ce qu'il y a beaucoup de problèmes sur le logement, sur les relations avec les propriétaires, sur les questions de réparations, d'habitabilité, enfin, sur les questions que vous avez soulevées tout à l'heure?

M. BAATZ: Enormément. Je pense que la chose la plus malheureuse pour nous, c'est que, dans notre travail, cela forme un pourcentage entre 7 p.c. et 10 p.c. jusqu'à maintenant. Et, pour moi, une des raisons pour cela, c'est que les locataires ont énormément peur de venir nous voir parce que, du moment qu'ils exercent un recours quelconque contre leur propriétaire, ils craignent les représailles. Chaque fois qu'ils viennent nous voir, ils nous demandent ce qu'il adviendra s'ils font cela, s'ils font telle réclamation, ce que le propriétaire va leur faire, à eux et à leur famille. Ils ont peur que ce dernier les jette dans la rue. Ils ne croient pas, les locataires, qu'ils ont des droits. Et je pense que ce pourcentage-là cela ne veut pas dire qu'il n'y a que 7 p.c. à 10 p.c. de personnes à Pointe-Saint-Charles ayant des problèmes de logement. Le pourcentage est beaucoup plus élevé. Mais je pense que vous admettrez avec moi que, dans les communautés défavorisées, ce n'est pas tout le monde qui a le courage de venir vous en parler, le courage de vouloir faire quelque chose malgré les conséquences. Il y a trop de gens qui ont trop peur et qui veulent trop conserver le petit coin qu'ils se sont fait.

Je pense qu'il n'y a pas besoin de reprendre le mémoire de la Ligue des propriétaires, mais, en résumé, je crois que, jusqu'à maintenant, non seulement devant cette commission, mais dans cette province, et peut-être partout, la voix des possédants a été trop forte. C'est le temps d'écouter un peu les autres qui sont aussi des êtres humains et qui ne sont pas nécessairement sales ou vandales ou ivrognes, mais des êtres humains qui n'ont pas les chances des autres.

Pour passer au mémoire, au premier point, l'association aimerait voir un vrai code du logement qui comprenne, non seulement le contrôle des augmentations de loyer, le contrôle des évictions, réparations, résiliations, mais une question beaucoup plus importante, surtout dans les quartiers défavorisés et les quartiers un peu moins défavorisés. Il s'agit des normes d'habitabilité et d'entretien, des responsabilités précises du propriétaire et du locataire.

Disons quelque chose de plus utile que l'article 1635 du code civil qui parle des foyers et un tas d'affaires qu'on trouve dans les maisons de campagne et assez rarement dans les villes.

Etablissons des normes d'habitabilité et d'entretien avec des sanctions qui vont beaucoup plus loin que le code du logement actuel de la ville de Montréal. Quand le représentant de la Ligue des propriétaires vous a parlé ce matin des défauts du code du logement, nous étions tout à fait d'accord avec lui. Il y a des articles qui n'ont pas de sens dans ce code et il y a certainement des sanctions inefficaces. L'amende maximum est une peine de $100. Pour un propriétaire de plusieurs maisons, c'est le prix du permis pour garder ses maisons et c'est tout. J'ai vu trop de causes passer en cour Municipale où le propriétaire payait $50 ou $100 d'amende et ne faisait rien, absolument rien.

M. CHOQUETTE: Cette réglementation au sujet du logement, de l'habitabilité des logements à Montréal, quelle est l'"enforcement" — excusez l'anglicisme — qu'il y a derrière cela? Parce que je pense bien qu'il n'est pas suffisant d'avoir un règlement municipal mais jusqu'à quel point ce règlement est-il appliqué?

M. BAATZ: L'expérience que j'ai eue avec le code du logement est le règlement 3122 de la ville de Montréal qui s'applique à toute la ville de Montréal, en principe depuis le mois d'août 1969. C'est administré par le service d'habitation de la ville de Montréal et c'est le directeur de ce service qui est la personne de dernier ressort quant à une ordonnance préparée pour contravention au code. Le code du logement est un code qui s'intitule: "Règlements régissant les normes d'habitabilité et d'entretien des immeubles résidentiels", je crois. Il y a un problème à Montréal, peut-être comme dans toute grande ville; c'est un manque de personnel au service d'habitation. Il n'y a pas assez d'inspecteurs pour visiter toutes les maisons qui ont besoin d'inspection. Ils choisissent donc des zones prioritaires d'application du code, ce qui s'appelle les zones d'application du code. A Pointe-Saint-Charles, il y en a trois pour cette année. Et ils changent les zones à chaque année. Dant ces zones, du moins en théorie, ils sont supposés inspecter toutes les maisons dans un, deux ou quatre flots et envoyer des avis dans le cas de contravention.

Suit tout un processus d'avis, de délais, de possibilités d'appel par le propriétaire à une commission d'arbitrage qui est composée, je crois d'architectes, d'ingénieurs, de membres du service d'habitation et cela peut retarder de six mois devant la commission d'arbitrage. La commission d'arbitrage rend sa décision et, si la décision est que le propriétaire doit absolument réparer, on envoie encore un autre avis au propriétaire disant: Réparez ou bien... S'il ne le fait pas, une plainte est déposée en cour Municipale, une sommation est émise contre le propriétaire et il est forcé de venir en cour Municipale expliquer pourquoi il n'a pas fait les réparations édictées. J'ai vu des cas en cour Municipale où, pour des technicités légales ou pour des excuses plus ou moins valables, il se voit ordonner de les faire dans un délai et doit repasser devant la cour ou bien il est condamné à une amende de $50 ou $100, mais le maximum d'amende est $100. Alors, je pense que vous voyez que cela se peut et, dans mon expérience...

M. BLANK: La ville peut faire une nouvelle plainte chaque jour.

M. BAATZ: Elle le peut, mais elle ne le fait pas. Je n'ai jamais vu un cas de renouvellement de plainte chaque jour, c'est vrai que...

M. BLANK: Je vous en montrerai à mon bureau. J'ai des plaintes de jour en jour, à Pointe-Saint-Charles. On a payé des amendes de $100 par jour.

M. BAATZ: Je pense qu'à moins que cela ait été changé très récemment, on a enlevé la disposition du code du logement qui permet l'application des amendes jour par jour. Cela ne se fait plus.

M. BLANK: J'ai même eu des plaintes de troisième et quatrième offenses jour par jour et l'amende augmente jusqu'à dépasser le maximum de $100 pour la première offense; pour la deuxième, c'est plus haut que cela.

M. BAATZ: Pour la deuxième, c'est plus haut que cela, mais on a amendé le code du logement pour enlever la disposition qui permettait la répétition des amendes de façon quotidienne; alors, il faut recommencer la procédure et déposer une nouvelle plainte.

M. HARDY: Oui, mais jour par jour, c'est une nouvelle plainte.

M. BLANK: Oui, jour par jour, c'est une nouvelle plainte et dans la deuxième plainte il est dit que c'est la deuxième plainte, c'est-à-dire qu'il y a une amende plus grande et le troisième jour il est dit que c'est la troisième plainte.

M. BAATZ: Je n'ai jamais vu un cas où on dépose une "première" plainte avant la disposition de la première.

M. BLANK: Oui, c'est vrai, mais cela prend combien de temps?

M. BAATZ: Cela peut prendre neuf mois à un an, c'est cela le problème.

M. BLANK: Moi, je n'ai jamais eu la chance de défendre un client et d'avoir des délais d'un an devant la cour Municipale, particulièrement dans le cas des logements. Les inspecteurs viennent, disent que c'est dangereux et nous avons le procès dans deux semaines. Cela ne dure jamais autant. Il y a les deux côtés de la médaille, Me Baatz.

M. BAATZ: Très respectueusement, je n'ai jamais eu de cas semblable.

M. BLANK: On ne doit pas enlever le droit de justice aux citoyens même lorsqu'ils sont propriétaires. La justice s'applique des deux côtés. Ils ont droit à aller devant la cour, ils ont droit d'aller en appel, ils ont droit à tous les droits que vous demandez pour vos clients.

M. BAATZ: N'y a-t-il pas lieu quand même d'avoir une certaine rapidité dans le cas de réparations urgentes, de maisons dangereuses, de murs qui craquent, de rats, de vermine, etc., dans les maisons. Il y a quand même lieu d'avoir une certaine vitesse dans les recours, ce n'est pas une affaire de tramer trois mois, quant à moi. Je n'ai jamais vu un cas prendre moins de trois mois.

M. BLANK: Vous voyez des détails.

M. CHARRON: Votre appréciation générale du règlement municipal de Montréal qui affecte les citoyens de Pointe- Saint-Charles est de quel ordre? Ce matin, un témoin de la Ligue des propriétaires a fait allusion à un règlement très spécifique quant à la grandeur des armoires dans les cuisines pour démontrer que ce règlement est idiot. Est-ce que les articles de cette espèce sont nombreux? Sont-ils encombrants et est-ce parce qu'ils sont trop précis, trop spécieux dans leur objet que leur application devient inutile? Est-ce qu'on n'aurait pas été mieux d'avoir des normes plus générales et une application plus vigoureuse?

M. BAATZ: Justement, ce que nous avons à proposer, c'est que ça devrait être au provincial de prendre la compétence exclusive en matière de logement et d'avoir des règlements annexés à cette loi ou à une loi plus vaste qui s'appellerait code du logement, afin d'avoir des sanctions et des recours plus efficaces. Non seulement des recours d'une administration municipale mais aussi des recours des locataires, des personnes vraiment intéressées. Quand vous avez parlé des défauts comme ceux mentionnés ce matin, pour la plupart des articles du code des logements, dont un a été cité, il s'agit d'un strict minimum. Dans le cas du logement, on parle de la nécessité d'avoir un bain ou une douche, un chauffage qui va jusqu'à 68 degrés quand il fait vingt sous zéro à l'extérieur, bref, des choses que tout le monde s'attend d'avoir. Un certain espace pour chaque chambre à coucher, peut-être est-ce exagéré pour les armoires de cuisine mais c'est l'exception. C'est assez raisonnable comme code.

M. CHARRON: Votre appréciation, Me Baatz, si on faisait une application rigoureuse de ce règlement sur le territoire de Pointe-Saint-Charles ou chez nous, dans Saint-Jacques, dans le bas de la rue Sherbrooke, combien de logements, sur un point ou sur l'autre, en moyenne, pourrait-on prendre en flagrant délit?

M. BAATZ: Parlant de Pointe-Saint-Charles, quant aux contraventations majeures, ça pourrait être entre 10 p.c. et 15 p.c. Des contraventions qui ne mettent pas en danger la vie ou la santé des gens mais qui sont quand même des contraventions, ça pourrait être entre 40 p.c. et 50 p.c. des maisons. Peut-être que M. Favron...

M. CHARRON: Considérez-vous, par exemple, l'existence d'un bain ou douche comme étant majeure?

M. BAATZ: Essentielle. M. CHARRON: Essentielle. M. BAATZ: Absolument.

M. CHARRON: Chez nous, c'est jusqu'à 32 p.c.

M. BAATZ: Sans bain et sans douche? M. CHARRON: Sans bain et sans douche.

M. BAATZ: C'est possible. J'ai des cas litigieux qui me sont référés par le comité de logements. Je pense que M. Favron a plus de contacts quotidiens et il visite plus de logements. Je ne peux pas visiter les logements chaque fois que quelqu'un vient me voir mais je suis peut-être très modeste au point de vue du pourcentage.

Un deuxième aspect, après avoir parlé des normes d'habitation qui, je pense, pourraient se faire par règlement à l'intérieur d'un code plus global, c'est la question des loyers qui est réglée par le code que vous proposez.

En troisième lieu, les baux. Je pense qu'un bail type serait fort souhaitable; un bail type du genre CSN; je pense que c'est le modèle qu'a utilisé plus ou moins la fédération des locataires, avec, sinon un bail type ou un bail uniforme imposé, du moins des clauses obligatoires dans les baux et des prohibitions très strictes. Et aussi, un code qui régit les droits et obligations des parties concernant les réparations. Je sais que c'est déjà régi par le code civil, mais je pense que les recours et la façon dont cela procède devant les tribunaux civils sont inefficaces.

M. CHOQUETTE: Je crois qu'en vertu du code civil actuel, il est possible de déroger à ses règles voulant que les grosses réparations incombent au propriétaire et les petites réparations incombent au locataire.

M. BAATZ: Et on voit cette clause-là dans presque 99 p.c. des baux à Pointe-Saint-Charles, à savoir que le locateur n'est tenu à aucune réparation.

M. CHOQUETTE: Dans 99 p.c. des baux à Pointe-Saint-Charles?

M. BAATZ: II y a une formule de bail — je n'ai pas de copie avec moi — où le mot "bail" est écrit en grosses lettres en haut, lettres très minces, très hautes; c'est une page de format légal. Ce détail apparaît vers le milieu de la page. Le propriétaire ou le locateur ne sera tenu à aucune réparation. Et c'est le bail le plus commun. Il y a deux ou trois formules qu'on achète dans les librairies et c'est la formule le plus souvent employée.

Le point "B" du champ d'application. Vous avez eu des représentations d'autres voulant que l'application devrait être universelle et immédiate. Et en lisant les remarques de M. le ministre lors de la première séance de la commission, indiquant que seuls des problèmes administratifs vous ont empêché de rendre l'application universelle, très respectueusement, je pense que cela ne devrait pas être un empêchement. S'il y avait moyen d'établir des commissaires locaux ou des tribunaux régionaux pour que cela puisse être répandu par toute la province, je pense que tout Québécois devrait pouvoir bénéficier de ce code.

Deux points de détail, les maisons louées par les employeurs devraient être soumises aux mêmes obligations et leurs locataires devraient avoir les mêmes droits. Logements de la Société d'habitation: la même chose.

Un petit point de détail — peut-être que cela vous a été signalé par quelqu'un d'autre — à l'article 1 f), je pense qu'il y a une erreur de rédaction. Je ne sais pas si on vous l'a soulignée: "Maison de chambres: un local d'habitation dans lequel plus de deux pièces sont habitées, moyennant paiement, par des personnes autres que celles de la famille du locataire. En anglais, c'est "lessor". Alors, cela doit être l'un ou l'autre et je pense que l'on doit dire "locateur". Voilà un petit point de rédaction.

Pour ce qui est des organismes d'administration, l'administration de ce code, les principes devraient être la décentralisation, non pas un tribunal centralisé, mais des tribunaux régionaux, dans la mesure du possible.

Quant à la participation à un certain niveau, je pense que l'idée des représentants des locataires et des propriétaires devant les tribunaux ou en un genre d'arbitrage serait souhaitable. Vu l'intérêt public du logement, je pense que la cueillette et la publication d'informations sont essentielles. Il en manque et je pense que vous le constatez parce que les personnes qui se sont présentées devant vous n'ont pu présenter beaucoup de statistiques valables jusqu'ici, de la situation du logement, par exemple, à Montréal. A Pointe-Saint-Charles je sais qu'il n'y en a pas. On ne sait pas combien de maisons n'ont pas de bain. Alors il est très difficile peut-être de justifier une argumentation en se basant sur les statistiques mais ces statistiques n'existent pas ou, si elles existent, elles restent dans les classeurs du service de l'habitation de la ville de Montréal.

Les commissaires locaux, les commissaires de quartier, s'il y a possibilité de les faire élire ou de les nommer parmi la population du quartier, je pense que cela serait une très bonne chose, à Montréal.

M. PAUL: Les commissaires pourraient être élus par qui? Par les locataires et les propriétaires ou par la population en général?

M. BAATZ: II me semble qu'ils devraient être élus par la population en général. Si les locataires ont une voix plus forte, c'est parce qu'il y en a plus et je pense que l'on devrait considérer tout être humain comme ayant un droit égal en ce qui concerne les personnes qui les gouvernent. Alors, j'appliquerais le principe démocratique à ce moment et je ne donnerais pas plus de voix...

M. HARDY: M. Baatz, la nature humaine étant ce qu'elle est, vous ne craignez pas que les personnes élues comme cela... Seraient-elles élues pour un terme seulement ou pour plusieurs?

M. BAATZ: Franchement, je n'ai pas...

M. HARDY: Le premier danger que je vois est que, si le terme est renouvelable, j'appréhende un peu l'attitude que pourrait avoir le commissaire, advenant le renouvellement de son mandat. Il pourrait se faire toutes sortes de choses, ce qui pourrait influencer sa décision, c'est-à-dire que, son intérêt électoral, à un moment donné, pourrait influencer ou nuire à son objectivité dans les décisions qu'il serait appelé à prendre. A moins que l'on réussisse à trouver des hommes et des femmes particulièrement vertueux ou vertueuses, qui ne seraient pas sensibles à...

M. PAUL: S'il fallait qu'il y ait, à l'occasion de ces élections, une anticampagne pour inviter la population à ne voter pour aucun des candidats en liste, qu'est-ce qui arriverait?

M. BAATS: Cela pourrait porter à des abus comme on voit assez souvent aux Etats-Unis dans l'élection des juges. Je suis tout à fait d'accord.

Passons au prochain point. S'ils sont nommés, du moins qu'ils le soient par des personnes qui ont une compétence particulière et une connaissance du milieu dans lequel ils travailleront. Et qu'ils soient également nommés pour des raisons objectives et parmi la population, si possible. Je pense qu'il faut...

M. PAUL: Quand vous parlez de la population, voulez-vous parler de citoyens résidant dans un secteur donné?

M. BAATZ: Si on a des bureaux de quartier, des commissaires de quartier, oui. Un commissaire qui...

M. PAUL: Qui vient du milieu.

M. BAATZ: Qui vient du milieu. Disons, pour Pointe-Saint-Charles, que la personne soit de Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Petite-Bourgogne; ce sont les mêmes problèmes.

M. CHARRON: Une question, en particulier.

Peut-être étiez-vous ici au moment du témoignage du Barreau. Les témoins du Barreau nous demandaient que les commissaires soient des avocats. Notre parti a émis, à cette occasion, le souhait que ce ne soient pas exclusivement des avocats, mais des gens du milieu, des gens militant là-dedans. J'ai encore la même opinion.

Le fait que vous le rappeliez ici est bon, mais de là à penser que nous puissions espérer une élection, un système électif pour ces postes-là... On pourrait s'empêtrer longtemps à savoir le mode d'élection et tout ça. Le compromis le plus utile qu'on pourrait atteindre avec le projet de loi tel qu'il est, c'est de maintenir la nomination. Pour des postes aussi administratifs que celui-là, on peut admettre qu'ils soient nommés, mais en ayant, bien entendu, comme concession de la part ministérielle, que cela ne se fera pas exclusivement dans le domaine professionnel des avocats, mais que des gens du milieu y soient. C'est ce point-là que nous allons faire valoir.

M. BAATZ : Je pense que les avocats seraient peut-être les pires pour...

M. CHARRON: Je ne voulais pas vous le faire dire, mais...

M. BAATZ: Ils seraient trop légalistes d'abord. Ce n'est pas un problème légal, c'est un problème économique, politique et social.

M. PAUL: Vous avez la preuve qu'ils peuvent soulever à un moment donné certains points de droit qui peuvent être décidés avantageusement d'une façon bien objective par un avocat.

M. BAATZ: Je pense que les avocats se leurrent un peu quand ils croient qu'il n'y a qu'eux qui peuvent voir les subtilités légales d'une question. J'ai été souvent surpris par des citoyens qui comprennent nos subtilités et qui se demandent souvent pourquoi on s'y attarde si longtemps, pourquoi on y attache une si grande importance parce que, en s'y attardant, on met de côté la vraie question.

Les avocats ont souvent une leçon à apprendre parce qu'ils sont un peu aveugles face aux vrais problèmes à cause de leur formation même, la formation qui veut que tout soit logique, que tout soit réglable. Je ne suis pas d'accord sur ce point de vue. Un homme bien renseigné, intelligent, qui connaît le milieu serait capable de régir ces subtilités. Les problèmes qui seront soumis au commissaire seront des problèmes comme: Est-ce que l'augmentation est justifiée? Est-ce que ça devrait être prolongé parce que le locataire est coupable d'inconduite quelconque? Ce n'est pas un esprit juridique qu'il faut à ce moment-là, c'est une appréciation des faits et une décision juste en tenant compte des circonstances. Pour moi, ce n'est pas un domaine qui exige absolument une formation juridique.

M. CHARRON: Nous l'avons dit aux membres du Barreau quand ils sont venus. J'admets entièrement ce que vous venez de dire quant à la formation qui doit exister dans l'esprit de ceux qui vont occuper ces postes-là, mais il se trouve aussi des avocats — vous êtes dans un milieu qui peut le prouver — ayant cette conscience sociale, qui vont être capables de le faire.

La formation juridique, à ce poste-là, ne me parait pas nécessaire. Elle n'est pas condamnable, mais elle n'est pas nécessaire.

M. BAATZ: Oui. Les autres points d'administration sont moins essentiels, mais quand même importants. La question de la publicité des enquêtes. Les enquêtes devraient être publiques comme toute enquête de nature quasi judiciaire. Le droit d'être représenté. Bien que ce ne soit pas exclu dans la loi, on peut présumer que c'est permis; mais ce serait peut-être bon de le mentionner quand même.

Les décisions des commissaires et des juges du tribunal devraient être écrites et motivées dans le cas où il y a eu une enquête avec des preuves présentées. Les renseignements fournis devraient être publics, les renseignements fournis au niveau individuel sur les logements, les loyers, etc. On devrait avoir accès à ces renseignements et les renseignements fournis par le tribunal au ministère de la Justice sur la nature des causes, etc., devraient être publiés. Recueil des décisions, rapport annuel à l'Assemblée nationale, ce sont des points qui ont déjà été soulevés par la fédération.

La question de l'immunité de certains recours exceptionnels me fait peur.

Je parle peut-être en avocat, mais je n'aimerais pas voir le tribunal des loyers exempté de cette surveillance de la cour Supérieure. Je pense que les exceptions à cette règle sont trop nombreuses déjà. Et l'impossibilité absolue, même advenant la possibilité d'un commissaire ou d'un juge mal nommé qui n'est vraiment pas objectif dans son appréciation de la cause, qu'il n'y ait aucun moyen de réparer une injustice grave, je trouve que c'est aller trop loin dans le sens de la protection des tribunaux administratifs.

L'appel à la cour Supérieure, c'est aussi un point qui a été soulevé par la fédération. C'est peut-être encombrer la cour Supérieure, encore

une fois, d'une autre juridiction et, évidemment, ayant une formation juridique, je pense que l'idée de l'appel serait souhaitable. La possibilité que la décision ait été mal prise la première fois, c'est toujours important au point de vue de la protection des droits des plaideurs. Troisième point, c'est la question des logements. Et je peux reprendre les principaux points numérotés. On les a mis comme chapitres possibles d'une loi plus universelle. Cela couvre plusieurs des chapitres qui existent déjà dans le code, mais je pense qu'il y a peut-être lieu d'ajouter d'autres chapitres sur les logements, les baux. Je pense qu'en fait ce sont les deux seuls qui n'existent pas dans le code actuel. Je ne veux pas me répéter, mais j'insiste beaucoup sur l'importance de cette question d'habitabilité. C'est le fait que ce soit mentionné dans le code des loyers que des locataires sont venus me dire: Mais qu'est-ce que cela veut dire, l'article 9, qui parle de l'application de la loi? On y dit qu'une maison s'applique à tout local d'habitation qui était habité ou habitable. Le locataire me demande donc: Si la maison est habitable, le code ne s'appliquerait jamais à moi. Ce n'est certainement pas le cas de ma maison. A ce moment-là, on se dit que, peut-être, il y a lieu de définir l'habitabilité.

M. CHOQUETTE: Je crois qu'habitée ou habitable, cela veut dire qu'elle n'est peut-être pas habitable, mais elle est habitée.

M. BAATZ: Je suis tout à fait d'accord, mais cela m'a fait penser à la question d'habitabilité. En fait, le seul endroit où c'est mentionné dans la loi, c'est dans l'application.

M. CHOQUETTE: M. Baatz, j'attire votre attention sur l'article 40 et l'article 41. Article 40 : Le locataire peut, après en avoir signifié une copie au locateur, produire une demande au commissaire — petit (a)— pour contraindre le locateur à faire les réparations et améliorations stipulées au bail ou celles auxquelles il est tenu par la loi ou par un règlement municipal. Le commissaire fixe le délai dans lequel ces réparations ou améliorations doivent être effectuées. Article 41: Si le locateur n'a pas effectué les réparations ou améliorations dans le délai fixé par le commissaire conformément au paragraphe (a) de l'article 40, le locataire peut, après en avoir signifié une copie, etc. C'est sûrement dans le sens de votre idée d'habitabilité.

M. BAATZ: Je suis d'accord. C'est une grande amélioration sur ce qui existait avant. Et je pense que là-dessus, ce qu'on aimerait voir, c'est que cela soit compris dans une législation conséquente et, disons, autonome. Que cela ne dépende pas d'un règlement municipal, que, peut-être, l'Assemblée nationale ne connaît pas, dans le cas d'un grand nombre de villes, que, moi, je ne connais pas, sauf dans le cas de Montréal. Faire dépendre l'existence du recours sur un règlement municipal, pour moi, c'est toujours faire défaut dans la reconnaissance du besoin d'une politique globale de logement. Et c'est là que j'aimerais voir une réglementation sur les normes. Une réglementation provinciale.

M. CHARRON: Est-ce que je peux demander — parce que cela m'intéresse aussi — au ministre pourquoi justement, tout ce qui s'appelle le code des loyers ne s'est pas aventuré dans ce domaine de l'établissement des critères d'habitabilité et, deuxièmement, est-ce que le ministre est en possession, ou la Régie des loyers, je ne sais trop, d'un inventaire des règlements municipaux?

M. Baatz parle de celui de Montréal qu'il connaît, parce qu'il y travaille, mais est-ce que les conditions varient beaucoup d'une région à l'autre dans ce qui s'appelle un logement habitable dans une région et qui pourrait ne pas l'être dans une autre?

M. CHOQUETTE : Je ne suis pas un spécialiste de la question mais j'ai bien l'impression, sans consulter mes conseillers qu'il n'y a pas beaucoup de règlements municipaux au Québec sur l'habitabilité.

M. CHARRON: Est-ce que la Société d'habitation s'y intéresse?

M. CHOQUETTE: ... La Société d'habitation du Québec est actuellement à faire des travaux pour la préparation d'une réglementation générale à l'échelle du Québec sur l'habitabilité.

M. CHARRON : Réglementation qui devrait éventuellement être greffée à ce code des loyers.

M. CHOQUETTE: Soit greffée ou parallèle. Pour le moment, nous ne sommes pas allés plus loin étant donné ces travaux et, deuxièmement, parce que nous ne pouvons pas tout faire en même temps. Mais il faut noter, M. Baatz, que vous êtes le premier à avoir soulevé cette question devant la commission parlementaire.

M. BAATZ: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes venus parce que je pense que, pour nous du moins, c'est le point qu'il faut soulever. Regardons maintenant le sujet des baux. J'ai déjà dit que les locataires aimeraient voir un bail uniforme qui ne serait pas le bail qui leur est présenté par le propriétaire quand ils cherchent un logement. Ou du moins si un bail uniforme ne fait pas partie de cette loi, qu'il soit stipulé dans les prohibitions non seulement les prohibitions expresses mais toute clause contraire au code... Je sais qu'étant donné que c'est une loi administrative, toute disposition est censée être obligatoire, ce qui n'est pas le cas du code civil, mais peut-être cela serait-il une bonne idée de mettre

expressément dans le code que toute clause contraire serait illégale et réputée non écrite parce que je pense que les amendes, comme sanctions, sont trop souvent inefficaces.

Je n'insiste pas trop sur l'application de la Loi de la protection du consommateur, mais peut-être y-a-t-il certains principes de cette loi à l'effet qu'une personne qui signe un bail qui n'est pas un bail type qu'on souhaiterait avoir mais un bail qui lui est soumis, pourrait peut-être dans un certain délai annuler ce contrat, quand la personne qui cherche des logements dans la période de déménagement et qui trouve un logement se dit: Peut-être que je n'en trouverai pas un autre, je signerai avec lui. Deux jours plus tard, elle en voit un autre qui est beaucoup moins cher et qui lui convient mieux. A ce moment-là, que cette personne ait une période de négociations, qu'elle ne soit pas tenu absolument à occuper un logement parce que, trop souvent, comme on l'a vu à Pointe-Saint-Charles, elle se sent sous la pression énorme de trouver un logement pour elle et sa famille, ce qui fait qu'elle n'est pas vraiment une partie libre au contrat.

La question du 30 juin a été longuement discutée par les représentants des services publics. Je ne le reprendrai pas sauf pour dire que changer la date ne résoudra pas le problème. Je pense qu'il faut essayer de trouver un système de prolongation échelonné sur toute l'année.

Concernant la question des loyers, je pense qu'il faut un vrai contrôle des loyers, certainement pour une assez grande proportion de la population, qui n'a aucune liberté de négocier des loyers. Parler de négocier des loyers, c'est un mythe pour moi. Vous ne négociez pas votre loyer avec votre propriétaire. Il est imposé et c'est l'expérience que nous avons toujours eue à Pointe-Saint-Charles. Il n'est jamais question pour un propriétaire d'accepter volontairement une augmentation du coût du loyer, sauf dans certains cas où des réparations sont promises et faites dans un certain délai et le locataire voit que ces réparations ont été faites et il est d'accord pour payer une augmentation à ce moment-là.

Mais trop souvent on voit les augmentations faites sur promesse verbale à faire ceci ou cela et je parle là de maisons qui ont besoin de réparations. Ces réparations ne sont pas faites mais la personne est liée par son consentement à l'augmentation. Sur la fameuse question de 5 p.c, vous n'avez pas eu de statistique ici, mais nous avons eu des statistiques qui disent que les augmentations de loyer par année en moyenne se chiffrent par 2 p.c. à 2.5 p.c. Je me demande pourquoi donner au propriétaire plus de droit qu'il en a déjà, pourquoi lui donner ce droit qui, comme dans le cas du 30 juin, chaque fois que l'on mentionne un chiffre dans une loi, devient un principe sacré, car tout le monde croira que le propriétaire a droit à cette augmentation.

M. CHOQUETTE: J'en arrive à cette conclu- sion-là moi aussi, ce chiffre, quel qu'il soit, est rempli d'ambiguité pour tout le monde et pour l'avenir; je crois qu'il est préférable qu'il n'y ait pas de chiffre d'inscrit dans la loi.

M. CHARRON: A condition que l'on inscrive une autre protection quant aux abus.

M. CHOQUETTE: C'est sûr.

M. CHARRON: Alors, avec cela, je pi.sse au prochain...

M. HARDY: C'est cela que le député de Saint-Jacques n'a pas compris ce matin.

M. CHOQUETTE: Oui, le commissaire transmet. Je tiens à faire remarquer, de façon à dissiper toute ambiguïté même autour du débat qui a eu lieu ce matin, qu'il a toujours été prévu dans le projet de loi que nous avons présenté, que quelque augmentation que ce soit pouvait être soumise au commissaire des loyers. Alors, il va de soi qu'il ne s'agissait sûrement pas dans notre esprit d'exempter les augmentations de moins de 5 p.c. d'être examinées par le commissaire s'il y avait désaccord. On avait pensé, dans une espèce d'effort collectif de lutte à l'inflation ou aux pressions inflationnaires dans le domaine du logement, de soumettre une augmentation même convenue entre les parties et supérieure à 5 p.c, à un réexamen de la part du commissaire des loyers, que cela pouvait être une protection pour la société en général. Mais l'introduction d'un chiffre est une notion qui, premièrement, manque de flexibilité et on sait que les situations peuvent être très diverses. Deuxièmement, cela ouvre la porte à une fausse interprétation dans ce sens que les gens peuvent dire: J'ai droit d'exiger une augmentation jusqu'à 5 p.c. et le locataire peut dire: Moi, je suis pris, je suis obligé d'acquiescer parce que, si c'était plus que 5 p.c, là je pourrais aller devant le commissaire des loyers. Evidemment, ce ne serait pas une interprétation correcte du projet de loi, mais vu qu'il faut que les lois soient perçues clairement par les citoyens, c'est sûrement un des objectifs du législateur, et même si nos lois sont de plus en plus complexes, et je crois qu'il est préférable d'en revenir à une formule plus simple.

M. CHARRON: Je comprends, mais les 5 p.c. avaient le mérite — c'est ce que j'ai voulu expliquer ce matin au député de Terrebonne, peut-être au désavantage des locataires, de laisser croire que c'était permis d'aller jusqu'à 5 p.c. sans problème, ce qui n'était pas le cas, mais au moins de ralentir les aspirations d'un propriétaire parce que, là où il dépassait 5 p.c, l'appel se trouvait automatiquement devant le commissaire. Je suis à peu près convaincu qu'il est possible maintenant qu'un propriétaire sachant qu'il n'y a plus de 5 p.c, augmente de 8 p.c. pour négocier avec son locataire autour de 6 p.c. Notez qu'il pourrait toujours faire

appel, s'il trouve que c'est trop, mais l'offre première pourra se permettre d'être plus élevée maintenant de la part du propriétaire. C'est pour cela que je voudrais qu'il y ait une autre garantie.

M. HARDY: Cela se pouvait quand même, avec l'histoire des 5 p.c, le propriétaire pouvait quand même demander...

M. CHARRON: Cela se pouvait quand même, mais il devait pour le faire avoir la permission du commissaire.

M. HARDY: Oui, mais cela prouve...

M. CHARRON: Ce n'est même pas maintenant...

M.HARDY: On peut revenir à la même chose.

M. CHARRON: Non, je suis prêt à retirer les 5 p.c. mais ce que je viens de dire, c'est à condition que l'on apporte d'autres garanties. Cela dépendra du libellé du nouvel article, mais je ne le sais pas.

M. HARDY: Qu'est-ce que vous voulez avoir de mieux que cela? Le locataire n'est pas content de l'augmentation, même si elle est de 1 p.c, il va devant le commissaire et le commissaire décide.

M. CHARRON: D'accord, cela a toujours existé dans le projet de loi, l'avantage de l'existence d'un barème était de ralentir les aspirations des propriétaires.

M. HARDY: J'ai l'impression que nous sommes encore pris avec ce qu'un autre a appelé des chiures de mouche.

M. CHOQUETTE: Mais je crois que le député de Saint-Jacques devrait compter avec cette réalité, c'est que, plus la demande d'augmentation provenant du propriétaire sera élevée, plus il y aura de résistance de la part du locataire à y acquiescer, et, par conséquent, plus il y aura d'incitation pour le locataire à aller faire trancher le litige devant le commissaire des loyers.

C'est déjà, en soi, un frein modérateur qui est dans la nature des choses. En plus de ça, vu la diversité des situations, parce que lorsqu'on parle des logements de Pointe-Saint-Charles, on parle d'une catégorie de logements — je crois qu'on peut le dire franchement — qui est extrêmement dépréciée, si on la compare à la moyenne générale de la ville de Montréal. De même, si on parlait des logements de certains autres secteurs de la ville, je me souviens d'avoir vu des études sur ces questions, en particulier dans un travail qui s'appelait "Opération rénovation sociale" où l'on avait déterminé les zones de pauvreté dans la ville de Montréal. On en avait déterminé sept. Et l'on voyait qu'au point de vue du logement, de la santé, de l'éducation, du travail, toutes ces zones représentaient des situations beaucoup moins avantageuses que la moyenne générale. Si on parle de secteurs de la ville vraiment dépréciés sur le plan du logement, tels que Pointe-Saint-Charles et d'autres secteurs, les critères à appliquer dans ces endroits, pour les augmentations, devraient naturellement être différents de ceux d'autres quartiers dans la ville de Montréal où on se trouve devant des logements relativement neufs, mieux entretenus. Il faudra qu'on ait un service technique qui étudie les divers secteurs sur le plan de l'habitation et qui soit en mesure de fournir une documentation de base à nos commissaires des loyers pour que les décisions ne soient pas prises à l'aveuglette sans avoir de relations avec les autres. C'est pour ça que je compte qu'un service technique pourrait être très avantageux pour arriver à trouver le juste point de la rentabilité qu'il faut donner aux immeubles, que ces immeubles soient très anciens, très dépréciés ou qu'ils soient dans un autre état.

M. CHARRON: Ces services techniques seront à la disposition des commissaires?

M. CHOQUETTE: Oui, certainement.

M. CHARRON: Ils fonctionneront immédiatement avec la loi, j'imagine. Parce que le commissaire sera appelé à trancher tout de suite des querelles, dès l'entrée en vigueur de la loi.

M. CHOQUETTE: C'est sûr.

M. BOSSE: Vous vous rendez compte, lorsque vous demandez le retrait des 5 p.c, de l'implication de ça. En somme, on revient — si je ne fais erreur — à l'esprit de la Régie des loyers actuelle, c'est-à-dire qu'on laisse toute la latitude aux commissaires. Si on enlève ce frein de 5 p.c. qui est uniquement un frein... En fait, il n'empêchait pas de faire des appels. Un frein psychologique, si on veut. J'aurais aimé mieux qu'à partir du moment où vous vous opposiez, vous fassiez une proposition plus concrète dans le sens de l'intervention du député de Saint-Jacques, soit une proposition qui soit de nature à apporter une certaine sécurité pour éviter des abus, par example que cela devienne 7 p.c. par la décision d'un commissaire. C'est un danger aussi grand, à mon avis.

M. BAATZ: Une possibilité qu'on a envisagée, c'est qu'une augmentation — là il faudrait trouver la formule — qui dépasserait le coût de la vie, devrait être assujettie à un contrôle et à une justification. Je ne vois pas pourquoi, quand le travailleur, le chômeur, l'assisté social sont soumis aux augmentations du coût de la vie. Les taux de l'aide sociale augmentent maintenant par année selon le coût de la vie. On pourrait peut-être établir un contrôle de toute

augmentation qui dépasse le coût de la vie. A ce moment, il faudrait peut-être que la loi réfère à une statistique ou à un chiffre quelconque qui serait préparé annuellement. Pour moi, c'est la seule possibilité, sauf d'imposer le contrôle des augmentations, de toute augmentation qui aurait l'effet peu souhaitable d'augmenter la bureaucratie nécessaire pour imposer ce contrôle à tout logement. Une formule qui tient compte du coût de la vie.

A ce moment-là, vous avez au moins un locataire qui peut s'attendre à ne pas avoir une augmentation sans raison, qui dépasse le coût de la vie pour lui.

M. BOSSE: Alors, votre point de repère, en somme, c'est l'augmentation du coût de la vie.

M. BAATZ: J'admets franchement avec vous que c'est très difficile de trouver une formule. Le taux de 5 p.c. n'est pas plus satisfaisant que les autres.

M. BOSSE: Je sais que le taux de 5 p.c. est un maximum et cela n'implique pas, par exemple, la moyenne que vous citiez tout à l'heure, qui semble être de 2 1/2 p.c. annuellement, parce que nous savons tous qu'on peut signer un bail pour trois ans au même prix, en fait. Alors l'augmentation n'est pas nécessairement annuelle, contrairement à la règle générale, qui est plutôt celle de baux qui durent deux, trois ans et souvent plus longtemps.

M. CHOQUETTE : En général les propriétaires cherchent à louer annuellement.

M. BAATZ: Par des baux de maisons familiales, mais qui sont normalement annuels.

M. CHOQUETTE: Des baux de plusieurs années sont plutôt à l'avantage des locataires, si je comprends bien la psychologie des propriétaires. M. Baatz, est-ce la fin de vos observations? Si c'est la fin, je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur un point très important, celui de l'habitabilité. Nous notons cet aspect avec beaucoup d'intérêt. Sur l'aspect statistique également, vous avez signalé l'absence de données actuellement sur les questions de logement et je partage tout à fait votre avis. Les statistiques que nous possédons et qui ont été citées devant nous, sur lesquelles il y a même eu des divergences quant à l'interprétation, nous proviennent des statistiques fédérales et elles sont très grossières, en somme.

Il n'y a pas de doute que des données plus précises sur la situation du logement au Québec sont nécessaires à l'heure actuelle et il faudra...

M. BOSSE: Ce sont les données qui sont grossières.

M. CHOQUETTE : Je ne comprends pas la pensée subtile du député.

M. BOSSE: Ce n'est pas parce qu'elles sont fédérales.

M. CHOQUETTE: Je veux dire qu'elles ne sont pas élaborées de telle sorte qu'elles nous donnent suffisamment de renseignements sur la situation de l'habitation et du logement au Québec. Quant à la jurisprudence, vous avez signalé l'intérêt que les décisions soient motivées et soient accessibles, au moins publiées d'une certaine façon, même si c'était d'une façon rudimentaire. Je suis de votre avis qu'il faudra qu'il s'établisse une certaine tradition enfin, certains jugements, qui seront des points de repère à la fois pour les propriétaires et les locataires dans les recours qu'ils pourront exercer devant le commissaire des loyers. Quant à l'immunité, cependant, je ne partage pas tout à fait votre avis puisque nous avons déjà prévu un mécanisme d'appel dans la Loi des décisions des commissaires. En second lieu, la délégation de l'autorité de la cour Supérieure, à l'égard d'un excès de juridiction par un tribunal inférieur, n'a jamais réussi à empêcher un recours légitime à la cour Supérieure s'il y avait excès de juridiction. Par conséquent, la formule que nous avons adoptée, même si elle n'est pas parfaitement satisfaisante sur le plan intellectuel, a malgré tout fait ses preuves dans de nombreuses autres lois.

M. BAATZ: Je pourrais peut-être soulever un dernier point. Quand on parlait des règlements municipaux et du fait d'incorporer des obligations imposées par les règlements municipaux dans la loi, un problème qui existe dans le cas du logement à Montréal, le code ne stipule pas qui a l'obligation, et la ville peut aussi bien forcer le locataire que le propriétaire à faire des réparations quelconques. Le code du logement de Montréal ne tient pas compte des articles du code civil qui disent que les gros sont les petits.

Je pense qu'il y aurait lieu d'être plus spécifique à l'égard des réparations et de l'entretien à savoir qui a la responsabilité. Je vous remercie, MM. les commissaires de m'avoir entendu.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie Me Baatz et j'inviterais maintenant le porte-parole de la Société canadienne de courtage, Inc., dont j'ai le nom ici, Me Réginald Boucher. Vous avez la parole.

Société canadienne de courtage

M. BOUCHER: Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, je m'excuse au nom de mon client, il n'a pas pu être ici cet après-midi pour vous présenter le mémoire qu'il a lui-même préparé. Croyez qu'il avait des raisons tout à fait extraordinaires pour qu'il se prive du plaisir de venir vous rencontrer.

Je vais vous lire le mémoire tel qu'il me l'a soumis.

Le principe. Même en considérant toutes les raisons, divulguées ou non, qui ont milité pour l'adoption d'une loi concernant le contrôle des loyers, tant pour la fixation du prix du logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement à tout genre de législation qui aurait pour but un contrôle quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une province.

Le côté social du contrôle. Il faut que le législateur se rende bien compte de l'état d'esprit qu'il a engendré entre propriétaires et locataires par ce contrôle des loyers et de la colère qu'il provoque en continuant ledit contrôle. Il y a neuf locataires sur dix parmi ceux qui ont recours à la régie qui sont en guerre avec leur propriétaire et ces mêmes propriétaires sont dégoûtés de l'ingérence de la Régie des loyers dans leurs relations avec leurs locataires.

On en est rendu que le mot "indésirable" pour un locataire ne signifie et ne touche que le côté physique du logement. Que le locataire soit un bandit, un polluant, un effronté ou un insupportable, le propriétaire, dans notre pays libre, est, avec cette régie, obligé de l'endurer sans aucun recours en loi, tant à cause de la loi qu'à cause de la non-solvabilité du locataire dans la plupart des cas.

En ce qui concerne le problème des locataires qui sont des assistés sociaux, nous demandons que le gouvernement se rende responsable de tout bail d'un locataire qui devient un assisté social. Il faut que le gouvernement voie à faire respecter les lois et cesse de tolérer ces déménagements illégaux en pleine période d'un bail légalement signé par les parties.

Je dois ouvrir ici une parenthèse et avouer que certains assistés sociaux ont toute notre sympathie. Mais malheureusement, il y en a d'autres qui ont tout notre mépris. Pour obliger cette classe de locataires à suivre la loi comme les autres locataires et à prévenir ces irresponsabilités, nous demandons donc, premièrement, que le gouvernement se rende responsable du bail de tout assisté social; deuxièmement, que le gouvernement paye sans distinction et directement le loyer au locateur; troisièmement, que le gouvernement cesse de verser cette sorte de salaire à tous les assistés sociaux qui se rendent coupables d'une infraction aux clauses d'un bail et qui se moquent de la responsabilité d'un tel bail et de la loi en général; quatrièmement, que le gouvernement obtienne de tout locataire assisté social qui veut déménager l'autorisation écrite et contrôlée de son propriétaire lui permettant d'annuler le bail existant et si l'assisté social déménage sans cette autorisation, l'allocation sociale devra lui être coupée immédiatement.

Fruit de l'expérience. Après avoir étudié pendant plus d'un quart de siècle —je vous répète qu'il s'agit de mon client — les avantages et désavantages d'un contrôle des loyers, nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper, que les raisons qui ont motivé la continuation d'un contrôle des loyers au Québec étaient à caractère politique et, pour être plus précis, à caractère électoral.

Il ne faut pas, en 1972, avoir honte de l'avouer. Si, au Québec, nous avions eu l'avantage d'avoir, comme en Ontario, 80 p.c. de propriétaires parmi la population, nous n'aurions plus, depuis 1945, cette régie des loyers qui était et est une loi pour locataires au détriment des propriétaires et au détriment d'une justice sociale bien équilibrée.

M. le ministre, vous nous disiez la semaine dernière que vos experts vous fournissent des chiffres et des statistiques. Même si je leur accorde la bonne foi à vos experts, je me permets de vous souligner que je cultive certains doutes sur la véracité des chiffres qu'ils mettent dans votre bouche en rapport avec la situation actuelle dans Montréal.

Malheureusement, au point de vue économique, c'est une erreur monumentale de penser aux locataires en tant qu'électeurs au lieu de tout mettre en oeuvre pour promouvoir la construction et, partant, les bienfaits d'être propriétaires dans un pays libre. Quels sont ceux parmi vous, messieurs, qui sont propriétaires d'immeubles à logements multiples et qui ont vécu le stress du propriétaire de 1972?

Il faudrait être sérieux et comprendre que la stabilité de l'économie d'une province ou d'un pays est essentiellement et directement reliée au fait que la majorité de la population est propriétaire, c'est-à-dire solvable et responsable.

Ici, j'aimerais poser une question directe au gouvernement de notre province. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire disparaître les propriétaires dans la ville de Montréal et dans la province?

Avec cette désuète Régie des loyers... Pardon?

M. HARDY: Est-ce que vous attendez une réponse?

M. BOUCHER: Si vous en avez une, je la prends avec plaisir, je la communique à mon client.

M. PAUL: Dites-lui que c'est à l'étude.

M. BOUCHER: II m'avait dit que vous répondriez. Avec cette désuète Régie des loyers, nous avons créé une classe de locataires révoltés et parfois révoltante, et nous avons diminué d'année en année le pourcentage de ceux qui deviennent propriétaires. Même si nous ne regardons que le côté social et moral de la situation créée par cette Régie des loyers, il est inconcevable et impensable de tolérer l'existence d'un tel contrôle d'un des secteurs les plus importants d'une économie saine et progressive. Il y a référence ici aux pages 19 et 23 du bouquin que mon confrère Paul Baatz vous a montré tantôt.

II serait peut-être très intéressant et important de compiler des chiffres sur le pourcentage des prêts immobiliers qui sont accordés à des emprunteurs du Québec en regard du pourcentage des prêts immobiliers que les compagnies prêteuses, dont le bureau-chef est dans le Québec, consentent à des emprunteurs établis en dehors de notre province. Je suis certain que les experts de M. le ministre sont disposés à trouver ces chiffres.

Le revenu d'une propriété. Lorsque des experts viennent dire sur la place publique que les propriétés apportent 15 p.c., 18 p.c. ou 20 p.c. à leurs propriétaires, j'ai de sérieux doutes sur leur compétence et sur la véracité de leurs chiffres. J'invite ces experts à descendre dans la rue, à visiter les propriétés et à venir se renseigner à la vraie source pour établir la rentabilité de la majorité des propriétés à logements multiples. Il faut tenir compte du capital et ce capital doit être basé sur la valeur réelle de la propriété. Cette valeur réelle se trouve dans la moyenne que l'on trouve par la valeur de remplacement, la valeur physique et la valeur locative. Une fois cette valeur réelle établie, voyons ce que la propriété peut donner comme revenu net annuel et, dans l'établissement de ce revenu net, nous ne tenons pas compte du temps — qui vaut de l'argent — que le propriétaire prend pour la gestion de sa propriété et nous ne prenons évidemment pas comme dépenses les remises de capital sur hypothèque.

J'ai pris au hasard une propriété de Montréal. Alors, les trois paragraphes suivants illustrent que, pour ladite propriété, il s'agit d'une maison de 35 à 40 ans qui donne un revenu net de 6.1 p.c.

Quant au deuxième exemple, il s'agit d'une maison qui donne un revenu net de 4.4 p.c. et on dit à la fin qu'il faudrait un revenu de $1440 par année au lieu de $773 pour avoir un revenu de 7.9 p.c. qui serait considéré comme normal.

M. HARDY: Comment expliquez-vous qu'un propriétaire ayant une maison rapportant 4.4 p.c. n'essaie pas de la vendre? Il me semble que, si j'étais propriétaire d'une maison qui me rapporte 4.4 p.c. alors qu'on peut avoir des obligations à 8 1/2 p.c... Je ne comprends pas comment il se fait que ce propriétaire n'essaie pas de vendre sa maison.

M. BOUCHER: Ce qui arrive, c'est que probablement un propriétaire qui se trouverait dans cette situation aurait beaucoup de difficulté à vendre la maison sans perdre un montant très élevé de l'argent qu'il a dépensé sur cette maison.

M. HARDY: Oui, mais si elle est louée, est-ce une maison sous le contrôle de la Régie des loyers?

M. BOUCHER: Si c'est une maison de 35 à 40 ans avec des logements qui vont de $73 à $78, c'en est une.

M. HARDY: Et c'est la commission qui plafonne ce loyer qui rapporte 4 p.c?

M. BOUCHER: Je ne connais pas d'exemple, personnellement. Certainement qu'on a tenté d'augmenter les loyers mais, si les loyers sont restés à ce taux-là, je suppose, parce que je ne connais pas le cas moi-même, qu'il y a eu des oppositions de portées à la régie. Et c'est pour cela que les loyers sont restés comme tels.

M. HARDY: Ce n'est pas une moyenne, cela. Ce sont des exemples pris au hasard.

M. BOUCHER: Cela fait que la maison devient quasiment invendable. A cause des contrôles qui sont imposés par la régie, il n'y a plus moyen de vendre la maison sans le faire à un prix dérisoire relativement au prix qui a été payé.

M. HARDY: Mais ce que j'ai de la difficulté à comprendre, sans avoir fait une étude très poussée des décisions de la régie, c'est que la régie actuelle plafonne un loyer à ce point qu'il ne rapporterait que 4 et quelque chose pour cent.

M. BOUCHER: Moi aussi.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais savoir si les membres de la commission seraient d'avis de faire transcrire au journal des Débats les deux ou trois exemples qui apparaissent au mémoire.

M. BOUCHER: Si vous voulez que je vous en fasse lecture, c'est une lecture qui est assez ardue, avec des tableaux.

M. LE PRESIDENT: Oui, on va tout simplement les transmettre...

M. BOUCHER: Les transmettre tels quels à la page 5 du texte de M. Gadbois, si possible (Voir annexe).

M. CHOQUETTE: Ce qui me frappe, c'est la maison de huit logements dont deux de trois pièces et six de quatre pièces payée $47,000 il y a six ans et $46.000 il y a quatre ans. Elle est à vendre aujourd'hui au prix de $43,000 et il n'y a pas d'acheteur. Je regarde la liste des loyers. Il y a un loyer qui est libre et l'autre également. IL y a des loyers de $87, $78, $69, $75, $75, $76 et $25. Ce sont des loyers qui me paraissent bas pour des logements de quatre pièces, même pour des logements de trois pièces, excepté le loyer de $87. C'est une maison non contrôlée.

UNE VOIX: C'est la loi de l'offre et de la demande.

M. HARDY: De toute façon, je pense que c'est bien difficile, surtout à partir...

M. BOUCHER : C'est un exemple particulier

qui sert seulement d'illustration au principe que mon client a voulu mettre dans son mémoire. On pourrait en sortir, je pense, des centaines qui auraient exactement la même valeur.

Je continue. Offre et demande. Dernièrement, lors d'une assemblée de 112 personnes venant de différents organismes et intéressées à étudier les problèmes causés par la Régie des loyers et, en plus, les problèmes que causerait la loi 59, le code des loyers, la totalité des membres présents ont désapprouvé toute ingérence de la part d'un gouvernement quelconque — je pense que mon client voulait dire de tout gouvernement — dans un secteur de l'économie...

M. CHARRON: ... il est quelconque quand même...

M. BOUCHER: ... où l'offre et la demande doivent, aujourd'hui plus qu'auparavant, faire loi dans tout ce qui touche les problèmes immobiliers et, en particulier, dans les transactions entre propriétaires et locataires. Le raisonnement est bien simple. Il n'y a pas de pénurie de logements dans la province de Québec et en particulier à Montréal.

M. HARDY : Même à Pointe-Saint-Charles? M. BOUCHER : Je ne pense pas.

M. HARDY: D'après vous, il n'y a pas de pénurie de logement dans certains quartiers de Montréal?

M. BOUCHER: II y en a peut-être dans certains quartiers de Montréal mais, dans Montréal en général, il me semble qu'il n'y en a pas.

M. HARDY: Ce qui me frappe et qui m'étonne, je vais vous le dire tout de suite, c'est de voir des idées aussi extrémistes. A mon avis, tantôt on a vu des gens qui étaient partis pour la gloire d'un côté et là, votre client part pour la gloire d'un autre côté. Remarquez bien que c'est peut-être un moyen d'arriver à un juste milieu pour le législateur mais, ce qui est drôle, c'est que justement, en atteignant des extrémités aussi différentes, vous prétendez, tout le monde, partir de la réalité. Me Baatz tantôt prétendait — et je n'ai pas raison de mettre sa parole en doute — partir de faits bien réels pour arriver à des conclusions qui se situent à l'autre pôle des vôtres. Et votre client prétend partir de la réalité.

M. THERIEN: Me Baatz cependant tenait compte uniquement d'un secteur...

M. HARDY: ... d'un quartier, oui.

M. THERIEN: ... très très petit de Montréal qui n'est pas représentatif puisque, d'après la commission Hellyer, il a été prouvé qu'au delà de 50 p.c. des logements au Canada ont moins de 25 ans alors que dans Pointe-Saint-Charles, il n'y en a probablement pas 5 p.c., s'il y en a 5 p.c, qui ont moins de 50 ans.

M. HARDY: Supposons que je vous donne raison, que Me Baatz a limité son investigation à un secteur particulier; mais Me Boucher prétend que même à Pointe-Saint-Charles, il n'y a pas de problème.

M. BOUCHER: Mon client dit qu'il n'y a pas de problème à Montréal, qu'il n'y a pas de pénurie de logements en général dans la province de Québec et, en particulier, à Montréal. Il ne dit pas en particulier à Montréal, dans Pointe- Sainte-Charles, ou en particulier à Montréal, dans Rosemont.

M. HARDY: C'est le danger d'un côté comme de l'autre. C'est le danger devant ces problèmes d'arriver avec des visions globales qui peuvent peut-être être vraies globalement mais qui ignorent des réalités très concrètes dans des coins.

M. BOUCHET: Je l'ai dit tantôt quand j'ai cité deux cas qui sont très particuliers.

Plus on définit la région où une chose va s'appliquer, plus on arrive avec un problème réel et spécifique. Alors, je ne pense pas que la loi soit faite pour Pointe-Saint-Charles ou pour Rosemont ou par la basse ville de Québec. La loi est faite pour l'ensemble du Québec. Je pense qu'il est normal de parler de Montréal en particulier, parce que, comme vous l'avez dit ce matin, il y avait 50 p.c. des locataires qui étaient dans la région de Montréal. Maintenant, je parle pour Montréal et pour le Québec.

M. HARDY: Nous sommes appelés pour un vote. Peut-être pourrions-nous inscrire le reste de votre mémoire au journal des Débats?

M. BOUCHER: Je n'ai pas d'objection. Si vous avez pris connaissance du mémoire, peut-être avez-vous le temps de nous poser quelques questions avant...

M. HARDY: Entre la première et la deuxième cloche?

M. BOUCHER: C'est cela. C'est pressé. Il n'y a pas possibilité de continuer après le vote?

M. CHOQUETTE: Monsieur, il est six heures et le vote est assez long.

M. BOUCHER: Alors, on va demander que ce soit versé au dossier tel quel.

M. CHOQUETTE: Voici, monsieur, nous allons verser le mémoire au dossier...

M. LE PRESIDENT: Le mémoire sera versé au dossier tel quel (Voir annexe).

M. CHOQUETTE: ... et vous pouvez être sûr que nous allons le considérer dans tous ses aspects.

M. THERIEN: Si vous aviez des questions à poser, peut-être par écrit, M. Gadbois se ferait un plaisir de vous répondre. La consultation de personnes qui sont dans le domaine particulier, je pense aux sociétés de fiducie, aux locateurs en général, devrait être d'un précieux secours pour le gouvernement dans la préparation d'une législation qui tiendrait compte des réalités et non pas de cas trop spécifiques, aussi bien dans un cas comme dans un autre.

M. CHOQUETTE: Très bien, merci beaucoup, messieurs. Alors, je crois que ceci termine les auditions de cette commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: Alors, la commission parlementaire ajourne...

M. PAUL: Est-ce que le ministre a l'intention de faire réimprimer le projet de loi? Je ne veux pas le forcer dans sa réponse, mais est-ce qu'il a déjà envisagé cette possibilité?

M. CHOQUETTE: Nous examinons le projet de loi et je répondrai à la question du député de Maskinongé en temps et lieu.

M. PAUL: Très bien, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 48)

ANNEXE

MEMOIRE REMANIE DE LA SOCIETE CANADIENNE DE COURTAGE

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs.

Je regrette sincèrement que la commission parlementaire n'ait pas pu entendre mon exposé sur un problème qui pourtant est un des problèmes les plus importants de la génération présente.

C'était mon devoir de me rendre dans la capitale pour unir mes connaissances aux efforts que d'autres ont faits concernant cette loi, pour soumettre une opinion qui se veut objective et qui reflète la situation qui découle de la loi un peu trop socialisante que le gouvernement tente de faire accepter contre ceux qui ont confiance à la propriété, ceux-là mêmes qui forment la partie de la population qui donne le ton à l'économie d'une province et d'un pays... QUAND LE BÂTIMENT VA, TOUT VA.

Le mémoire devait être présenté le 18 octobre et, par la suite, une lettre nous donnait rendez-vous pour le 25 octobre. Mais un contretemps a obligé la commission parlementaire de lever son audience à 13 heures le 25 octobre et de reporter au 2 novembre la présentation de ce mémoire. Mais, à cette date, j'ai expliqué aux membres de la commission que je serais en France à la tête d'une délégation pour recevoir certaines décorations dont l'honneur rejaillira sur tout le Québec.

On m'a donc offert à soumettre, par écrit, les remarques que j'avais à faire en amendement à ce mémoire.

Avant d'entrer dans le vif du mémoire, je répondrai à la question que vous vous posez à savoir qui je suis pour parler avec tant de certitude dans mes convictions: j'étais le comptable chef de l'ancien Syndicat national de l'électricité (une corporation de la couronne) de 1940 à 1944.

En 1945, j'ai fondé une compagnie de courtage qui est aujourd'hui la SOCIETE CANADIENNE DE COURTAGE; nous avons une gestion immobilière actuelle qui comporte au-delà de 2,400 clients tant propriétaires que locataires.

De 1947 à 1950, j'ai été conseiller municipal de la ville de Montréal et, dans les archives de la ville, on peut facilement se rendre compte du travail sérieux et constructif que j'y ai fait.

En 1962, avec la collaboration de l'honorable Jean Lesage, j'ai mené à bonne fin la Loi du courtage immobilier pour la province de Québec et ce, après 8 ans de travail et de persévérance.

PRINCIPE

Même en considérant toutes les raisons divulguées ou occultes qui ont milité pour la passation d'une législation concernant le contrôle des loyers, tant pour la fixation du prix du logement que pour la durée d'un bail, nous nous opposons fermement à tout genre de législation qui aurait pour but un contrôle quelconque d'un des plus importants facteurs de l'économie d'une province.

LE CÔTÉ SOCIAL DU CONTROLE

II faut que le législateur se rende bien compte de l'état d'esprit qu'il a engendré entre propriétaires et locataires par ce contrôle des loyers et de la colère qu'il provoque en continuant ledit contrôle.

Il y a 9 locataires sur 10, parmi ceux qui ont recours à la régie, qui sont en guerre avec leur propriétaire et ces mêmes propriétaires sont dégoûtés de l'ingérence de la Régie des loyers dans leurs relations avec leurs locataires; on en est rendu que le mot "indésirable" pour un locataire ne signifie et ne touche que le côté physique du logement.

Que le locataire soit un bandit, un polluant, un effronté ou un insupportable, le propriétaire, dans notre pays libre est, avec cette régie, obligé de l'endurer sans aucun recours en loi, tant à cause de la loi qu'à cause de la non-solvabilité du locataire dans la plupart des cas.

Pour ce qui concerne le problème des locataires qui sont des assistés sociaux, nous demandons que le gouvernement se rende responsable du tout bail d'un locataire qui devient un assisté social.

Il faut que le gouvernement voie à faire respecter les lois et cesse de tolérer ces déménagements illégaux en pleine période d'un bail légalement signé par les parties.

Je dois ici ouvrir une parenthèse et avouer que certains assistés sociaux ont toute notre sympathie mais, malheureusement, il y en a d'autres qui ont tout notre mépris. Pour obliger cette classe de locataires à suivre la Loi comme les autres locataires et à prévenir ces irresponsabilités, nous demandons donc: 1- Que le gouvernement se rende responsable du bail de tout assisté social; 2- Que le gouvernement paie sans distinction et directement le loyer aux locateurs; 3- Que le gouvernement cesse de verser cette sorte de salaire à tous les assistés sociaux qui se rendent coupables d'une infraction aux clauses d'un bail et qui se foutent de la responsabilité d'un tel bail et de la loi en général. 4- Que le gouvernement obtienne, de tout locataire assisté social qui veut déménager, l'autorisation écrite et contrôlée de son propriétaire lui permettant d'annuler le bail existant et, si l'assisté social déménage sans cette autorisation, l'allocation sociale devra lui être coupée immédiatement.

Il n'y a pas d'injustice lorsqu'on fait respecter la justice...

FRUIT DE L'EXPÉRIENCE

Après avoir étudié pendant plus d'un quart de siècle les avantages et désavantages d'un contrôle des loyers, nous pouvons affirmer, sans crainte de nous tromper, que les raisons qui ont motivé la continuation d'un contrôle des loyers au Québec, étaient à caractère politique et, pour être plus précis, à caractère électoral.

Il ne faut pas en 1972 avoir honte de l'avouer, si, au Québec, nous avions eu l'avantage d'avoir comme en Ontario 80 p.c. de propriétaires parmi la population, nous n'aurions plus depuis 1945 cette Régie des loyers qui était et est une loi pour locataires au détriment des propriétaires, et au détriment d'une justice sociale bien équilibrée.

M. le ministre, vous nous disiez la semaine dernière que vos EXPERTS vous fournissent des chiffres et des statistiques...

Même si je leur accorde la bonne foi, à vos experts, je me permets de vous souligner que je cultive certains doutes sur la véracité des chiffres qu'ils mettent dans votre bouche en rapport avec la situation actuelle dans Montréal.

Malheureusement, au point de vue économique, c'est une erreur monumentale de penser aux locataires en tant qu'électeurs au lieu de tout mettre en oeuvre pour promouvoir la construction et partant les bienfaits d'être propriétaire dans un pays libre.

Quels sont ceux parmi vous, messieurs, qui sont propriétaires d'immeubles à logements multiples et qui ont vécu le stress du propriétaire de 1972?

Il faudrait être sérieux et comprendre que la stabilité de l'économie d'une province ou d'un pays est essentiellement et directement liée au fait que la majorité de la population est propriétaire, c'est-à-dire solvable et responsable.

Ici j'aimerais poser une question directe au gouvernement de notre province. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire disparaître les propriétaires dans la ville de Montréal et dans la province? Je pose la question.

Avec cette désuète Régie des loyers, nous avons créé une classe de locataires révoltés et parfois révoltants et nous avons diminué d'année en année le pourcentage de ceux qui deviennent propriétaires. Même si nous regardons que le côté social et moral de la situation créée par cette Régie des Loyers, il est inconcevable et impensable de tolérer l'existence d'un tel contrôle d'un des secteurs les plus importants d'une économie saine et progressive (voir "Qui Abuse ? ? ?" pages 19 à 23).

II serait peut-être très intéressant de compiler des chiffres sur le pourcentage des prêts immobiliers qui sont accordés à des emprunteurs du Québec en regard du pourcentage des prêts immobiliers que les compagnies prêteuses, dont le bureau chef est dans le Québec, consentent à des emprunteurs établis en dehors de notre Province.

LE REVENU D'UNE PROPRIETE

Lorsque des experts viennent dire sur la place publique que les propriétés apportent du 15, 18 ou 20 pour cent à leur propriétaire, j'ai de sérieux doutes sur leur compétence et sur la véracité de leurs chiffres.

J'invite ces experts à descendre dans la rue, à visiter les propriétés et à venir se renseigner à la vraie source pour établir la rentabilité de la majorité des propriétés à logements multiples.

Il faut tenir compte du capital et ce capital doit être basé sur la valeur réelle de la propriété. Cette valeur réelle se trouve dans la moyenne que l'on trouve par la valeur de remplacement, la valeur physique et la valeur locative.

Une fois cette valeur réelle établie, voyons ce que la propriété peut donner comme revenu net annuel et, dans l'établissement de ce revenu net, nous ne tenons pas compte du temps qui vaut de l'argent que le propriétaire prend pour la gestion de sa propriété et nous ne prenons évidemment pas comme dépenses les remises de capital sur hypothèque.

J'ai pris au hasard une propriété à Montréal :

Une maison de 35 à 40 ans sur une rue entre Sherbrooke et Rachel et entre Papineau et Delorimier; un ancien secteur huppé du centre-ville.

La propriété a été payée, il y a 8 ans, $20,000.

Il y a 3 logements avec chauffage individuel de 6 pièces par logement.

Je vais en profiter pour vous donner les prix des logements depuis 4 ans: 1969 1970 1971 1972 Augmentation 3e étage 68.00 72.00 73.00 73.00 6.8 p.c. = 1.2 p.c. 2e étage 72.00 N.L. 76.00 78.00 78.00 7.7 p.c. = 1.5 p.c.

Bas 75.00 Rég. 75.00 76.00 78.00 3. p.c. = 0.75 p.c.

La propriété porte une hypothèque de $10,000 dont le taux d'intérêt est 9 1/2 p.c. payable semi-annuellement en même temps que les remises sur l'hypothèque au montant de $350. Le REVENU brut pour 1972 est $2,748 s'il n'y a pas de logements vacants. Calculons les dépenses de cette propriété bien ordinaire dans la ville de Montréal.

Les taxes sont au montant de $ 569.33 (F. & S. — 494.63 Cot 74.70 = $569.33)

La prime d'assurance annuelle 63.00 (pour $17,000.00 d'assurance)

Réparations et entretien 343.50 (12 1/2 p.c. des revenus bruts)

Intérêts sur hypothèque 950.00 (Hypothèque de $10,000 à 9 1/2 p.c.)

Total 1,925.83 Bal. nette= $822.17 = 8.2 p.c. sur $10,000.

Administration? 1/2 p.c. 206.10 Bal. nette = 616.0? = 6.1 p.c. sur $10.000.

Une autre propriété à Montréal sur Delorimier entre Jean-Talon et Jarry :

Une maison de 16 ans contenant 8 logements : 2 logements de 3 pièces, 6 logements de 4 pièces, des pièces fermées.

La propriété a été payée $47,000 il y a 6 ans et $46,000 il y a 4 ans. Elle est à vendre aujourd'hui au prix de $43,000.00 et il n'y a pas d'acheteurs.

La propriété n'est pas sous la juridiction de la Régie des loyers, le prix des loyers est justifié et justifiable.

App. 1969 1970 1971 1972 1 s/s 47.00 51.00 52.50 libre vacant 2 s/s 50.00 51.00 51.00 vacant 3 rez de ch. 70.00 75.00 P. 87.00 M. 87.00 4 " 70.00 75.00 78.00 78.00 5 2e 72.00 75.00 78.00 69.00 6 2e 72.00 75.00 77.00 75.00 7 3e 72.00 75.00 75.00 75.00 8 3e 70.00 76.25 P. & F. 76.25 76.25

Comme vous voyez, il y a même diminution dans certains cas. La propriété porte une hypothèque de $28,500 et le taux d'intérêt est de 8 3/4 p.c. mais avec des remboursements mensuels, ce qui élève le taux d'intérêt. Le revenu de 1972 sera de $6,336.00 (nous acceptons pour le calcul un seul logement vacant).

Taxes $1,567.88 Assurance 354.66

Int. 2,400.00 Dépréciation sur meubles 120.00

Administration et publicité 460.00 (adm 6.p.c.) Entretien & réparations 700.00

Revenus $6,336. — $5,562.54 : $773.46 comme rev. net = 4.4 p.c. pour $17,500. Cap. 5,562.54 $1,440.00 " 7.9 p.c.

OFFRE ET DEMANDE

Dernièrement, lors d'une assemblée de 112 personnes venant de différents organismes et intéressées à étudier les problèmes causés par la Régie des loyers et en plus les problèmes que causerait la Loi 59, code des Loyers, la totalité des membres présents ont désapprouvé toute ingérence de la part d'un gouvernement quelconque dans un secteur de l'économie où l'offre et la demande doivent, aujourd'hui plus qu'auparavant, faire loi dans tout ce qui touche les problèmes immobiliers et, en particulier, les transactions entre propriétaires et locataires.

Le raisonnement est bien simple, il n'y a pas de pénurie de logements dans la province de Québec et en particulier à Montréal; il y a même un surplus de logements si l'on se donne la peine de vérifier les statistiques et surtout si l'on enquête chez les propriétaires, les administrateurs, les sociétés de courtage, les fiducies et les trusts.

Voici quelques exemples par des chiffres vrais, en date du milieu d'octobre 1972. Ce sont des statistiques signées par des hommes qui sont au milieu même du problème immobilier et qui vivent jour après jour la situation qui est plus grave pour le propriétaire que plusieurs peuvent s'imaginer à cause du fait qu'ils ne sont pas ou sont mal renseignés.

En ce qui concerne le nombre des logements libres dans Montréal, voici quelques chiffres révélateurs :

A la Société nationale de fiducie, au 19 octobre 1972, sous la signature de M. Robert Tessier:

Logements de $44.00 à $74.00 de $75.00 à $124.00 de $125.00 et plus 3pièces 1 1 11 4pièces 1 12 7 5pièces 3 4 0 6pièces 110 soit un total de 52 logements vacants sur un total de 1,295 logements d'habitation, ce qui donne un pourcentage de 4.1 p.c. de vacance pour cette importante firme.

Chez les fiduciaires de la cité et du district de Montréal, au 20 octobre 1972, sous la signature de M. Couture, le directeur adjoint au service d'administration d'immeuble:

Logements de $44.00 à $74.00 de $75.00 à $124.00 de $125.00 et plus 3pièces 15 6 0 4pièces 61 21 3 5pièces 18 1 0 6pièces 7 3 0 soit un total de 132 logements vacants sur un total de 2,496 logements d'habitation, ce qui donne un pourcentage de 5.3 p.c. de vacance pour cette autre maison spécialisée.

A la Société canadienne de courtage nous trouvons 4.9 p.c. de vacance, c'est-à-dire 34 logements vacants en date du 6 octobre 1972.

Il est donc anadmissible qu'un propriétaire abuse actuellement d'un locataire, car celui-ci peut très facilement, en toute liberté, à la fin de son bail, trouver ailleurs un logement plus adéquat à son statut social et financier.

Il faut donc en déduire qu'un propriétaire qui se sentirait attiré par un prix trop élevé, pour un logement, se réveillera avec un logement vacant, une perte de revenu et en difficulté face à ses obligations financières.

LIBERTÉ POUR LE LOCATAIRE

On semble vouloir accorder une liberté presque sans limite aux locataires, une liberté qui serait à l'encontre des lois et du bon sens. Le locataire a, comme je le disais, Ia liberté de se trouver un autre logement à la fin de son bail si celui qu'il occupe ne lui convient pas.

Selon les chiffres que je vous ai fournis et les statistiques que l'on trouve facilement n'importe où, la moyenne des logements vacants à Montréal est d'environ 5 p.c. du total des logements d'habitation; ceci veut donc dire qu'il y a à Montréal au-delà de 9,500 logements disponibles à Montréal donc un bon choix pour tous les locataires insatisfaits.

Mais s'il y a tant de liberté pour un locataire, pourquoi cherche-t-on à tout enlever à un propriétaire qui ne fait que gérer une chose qui lui appartient et qui ne force personne à accepter ses revendications?

AMELIORATIONS VS TAXES FONCIERES

II faut regarder la réalité en face et étudier bien objectivement. Certains propriétaires ne peuvent pas, avec les revenus dont ils disposent, entretenir d'une manière adéquate l'état des propriétés, et la Régie des loyers, et nous pouvons le prouver n'importe quand avec des cas spécifiques, n'accorde pas les augmentations qui donneraient une certaine rentabilité à la propriété.

D'un autre côté, s'il fait des travaux d'amélioration locative, il subira immédiatement une augmentation de taxes par laquelle la ville de Montréal reprendra l'augmentation qu'il aurait obtenue du locataire; le propriétaire est donc entre Charybde et Scylla et ce, si le locataire accepte une augmentation pour son loyer. En plus la ville de Montréal augmente les taxes sans tenir compte de la dépréciation de ladite propriété.

D'ailleurs, on a vu souvent une très haute évaluation pour une propriété, donc des taxes très élevées, devenir du jour au lendemain impropre à l'habitation selon certains experts de certains services municipaux.

Il serait donc opportun de prévoir une législation qui aurait pour effet d'établir un barème d'évaluation qui tiendrait compte de la dépréciation causée par les ans.

La ville de Montréal, comme toute autre municipalité du Québec, ne prend pas en considération, lors du paiement des taxes, que tel ou tel propriétaire avait un ou deux logements vacants, donc une diminution de revenus.

Les propriétaires sont pénalisés pour chaque jour de retard dans le paiement de leurs taxes et aucune raison ne peut les exempter de cette pénalité. Si un locataire est en retard dans le paiement de son loyer, le locateur devrait pouvoir le pénaliser. Si quelqu'un est en défaut dans l'exécution d'un contrat, l'autre partie doit et a de fait des droits contre celui qui est en défaut; je ne suis pas avocat, mais c'est de cette manière que je verrais les choses si je l'étais.

CONTROLE DISCRIMINATOIRE

Le plombier, l'électricien, le menuisier, le plâtrier, et le peintre ne couperont pas leurs prix à cause de la diminution de revenus d'un propriétaire; d'ailleurs la loi leur enlève cette liberté et les propriétaires, employeurs, sont dans l'obligation de les payer selon un salaire obligatoire, dicté par un décret et ce, sans tenir compte de la compétence individuelle de l'employé.

Le salaire de ces employés, ouvriers avec carte de "compétence" a plus que doublé depuis 15 ans, soit une augmentation de 100 p.c. et pourtant le prix des logements n'ont augmenté que de 30 à 40 p.c. et ce, avec beaucoup de difficultés.

Pourquoi contrôler un secteur en particulier dans le domaine des relations humaines? On n'a pas plus raison de contrôler les loyers que le prix des aliments, des salaires, du transport, etc. Le transport en commun: 6 cents 1/4 à.30cents. C'est donc une atteinte au principe fondamental des droits de l'homme et des libertés humaines que de contrôler, par segrégation, le secteur immobilier qui, au contraire, devrait être encouragé afin que ce facteur économique apporte une plus grande richesse à la population en général et augmente, par le fait même, la solvabilité, la responsabilité et le pouvoir d'achat des citoyens. Nous avons l'impression que le gouvernement par ses porte parole ne veut rien faire pour inciter les locataires à devenir propriétaires. Veux-t-on garder au Québec le record de la pauvreté?

JUSTICE POUR TOUS

II est donc temps de cesser tout contrôle des loyers et de laisser à leurs problèmes légaux les propriétaires et locataires qui abusent tant au point de vue financier qu'au point de vue social ou matériel.

Nous ne nous attarderons pas à réfuter les 91 articles de la Loi 59, nous demandons au nom d'une justice humaine bien comprise et objective que ladite Loi 59 soit retirée de l'Assemblée nationale et que la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires (Régie des loyers) soit abolie simplement et complètement. Le gouvernement pourra, à son gré, placer ailleurs les employés qui seront forcément obligés de subir un changement dans leur travail.

TERME DES BAUX

Nonobstant l'opposition catégorique que nous faisons au projet de Loi 59 nous sommes d'avis que la coutume qui veut que les baux se terminent le 30 avril soit abolie et que le gouvernement provincial décrète par le code civil que tous les baux se terminant le 30 avril soient prolongés, à la satisfaction de toute une population, au 30 juin qui suit le 30 avril mentionné comme fin du bail.

COLLABORATION

Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement provincial pour le plus grand bien de la population en général et pour une saine économie dans notre province de Québec.

Mais nous sommes d'opinion que le gouvernement pourrait, dans le code civil, faire les amendements nécessaires pour donner justice à tous les contribuables sans distinction de classe et de statut social.

Mais il faudrait que le gouvernement de cette province nous demande cette collaboration que nous lui offrons. Nous avons, dans les rangs des comptables, des experts qui ont en main le problème des propriétaires et, parmi ceux-ci, nous pourrons vous déléguer des hommes de bonne volonté qui se feront un plaisir de collaborer et étudier avec les fonctionnaires la VRAIE FORMULE.

L'expérience vécue depuis plus d'un quart de siècle (Livre: QUI ABUSE? ? ? ) nous dicte, sans l'ombre d'un doute, que le contrôle des loyers est une atteinte à la vie économique d'une province ou d'un pays.

Que les dirigeants fassent confiance à ceux qui, par une économie saine et suivie, ont réussi à se bâtir un petit capital et ont ainsi garanti la survivance des gouvernements à tous les paliers.

Humblement soumis,

(signé) RAOUL D. GADBOIS, président

Société canadienne de courtage inc.

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